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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Tuesday, October 24, 2006 - Vol. 39 N° 33

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

M. Bernard Brodeur, président

M. Daniel Turp, vice-président

Mme Lise Thériault

Mme Elsie Lefebvre

M. Léandre Dion

Mme Yolande James

Mme Jocelyne Caron

M. Pierre Moreau

 

* M. Jean-Paul Perreault, Impératif français

* M. Salim Laaroussi, CAJ

* Mme Danielle Lacombe, idem

* Mme Marie-Soleil Trottier-Santerre, idem

* M. Hassan Serraji, idem

* Mme Anne-Laure Pravert, SERY

* M. Salah Chraiet, idem

* M. Arthur Fauteux, CRE Montérégie-Est

* Mme Stéphanie Jetté, idem

* M. Daniel B. Lafrenière, CSQ

* Mme Nicole de Sève, idem

* Mme Amina Benrhazi, ABC Intercultures

* Mme Sophie Paquet, CPJ

* Mme Hélène Dumais, idem

* M. Georges Lemieux, idem

 

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Brodeur): ...attention, nous allons débuter nos travaux. Et je demanderais également à toutes les personnes qui ont des téléphones cellulaires de bien vouloir éteindre vos sonneries, s'il vous plaît. Donc, merci de le faire.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Non, il n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, nous allons accueillir en ordre Impératif Français, que je salue, qui est déjà installé; ce sera suivi du Comité aviseur-jeunes, de Solidarité ethnique régionale de la Yamaska, la Conférence régionale des élus de la Montérégie-Est. En après-midi, nous accueillerons la Centrale des syndicats du Québec, ABC Intercultures et finalement le Conseil permanent de la jeunesse.

Auditions (suite)

Donc, je constate que le premier groupe est déjà installé. Auparavant, j'attire l'attention des membres de la commission. Nous avons reçu trois documents, que nous avons remis, d'Impératif Français. Donc, je crois que tout le monde a reçu les documents à sa place. Ceci étant dit, donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de présentation. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission, y compris ceux qui viennent d'arriver.

Donc, la parole est à vous immédiatement. Je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats, étant donné que vous êtes quatre personnes, et immédiatement présenter votre mémoire. La parole est à vous.

Impératif Français

M. Perreault (Jean-Paul): D'abord, dans un premier temps, je tiens à remercier la commission. C'est avec plaisir qu'Impératif Français a accepté l'invitation de venir vous présenter son mémoire, là, sur l'élaboration d'une politique gouvernementale de lutte au racisme et à la discrimination, et évidemment, pour présenter notre mémoire, nous sommes venus en équipe. Et je vous présente mes coéquipiers: M. Robert Auclair, membre d'Impératif Français; M. Jean-Claude Lambert, conseiller d'Impératif Français; et M. Francis Normand, également conseiller d'Impératif Français.

Alors, sans plus tarder, nous allons commencer la lecture de certains points du mémoire. Il n'est pas question pour nous de lire tout le mémoire mais uniquement certains points qui nous apparaissent peut-être plus pertinents dans le cadre de cette présentation.

Nous adhérons entièrement au préambule de la Charte de la langue française sanctionnée le 26 août 1977: «Langue distinctive d'un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d'exprimer son identité. L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'État et de la loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.» La Charte de la langue française spécifie à l'article 4: «Les travailleurs ont le droit d'exercer leurs activités en français.» Or, ce droit fondamental est largement bafoué et non respecté par les employeurs de l'ensemble du Québec. En consultant maintes offres d'emploi dans les journaux, le guichet emplois et autres sites Web d'offres d'emploi, il est aisé de constater que nombre d'employeurs exigent ou considèrent comme un atout majeur la connaissance de l'anglais de la part des candidats pour l'attribution d'un emploi. Cette discrimination à l'embauche et à l'emploi est présente partout au Québec et généralisée en Outaouais et dans la région de Montréal. Il devient ainsi urgent de donner un coup de barre à la francisation du monde du travail, d'autant plus que les forces économiques de la mondialisation travaillent dans le sens inverse.

n (9 h 40) n

Cette pratique d'exclusion affecte l'ensemble des travailleuses et travailleurs québécois et plus particulièrement les immigrants et les unilingues anglophones désireux d'obtenir un emploi répondant adéquatement à leurs capacités et à leurs compétences. Plusieurs personnes immigrantes ou issues des communautés culturelles sont victimes de discrimination et de préjugés quand ils désirent obtenir un emploi, d'abord en raison de préjugés racistes. L'obligation de connaître une autre langue que la langue normale et habituelle de travail au Québec, en l'occurrence l'anglais, pour pouvoir travailler au Québec constitue une forme de discrimination que l'on pourrait appeler discrimination basée sur la langue. Cette situation se traduit, dans bien des cas, par l'exclusion du marché du travail et comporte un obstacle de plus à l'insertion de ces personnes. La personne immigrante qui ne peut travailler en raison de sa méconnaissance de l'anglais est victime de discrimination et ne parvient pas à s'intégrer à la société québécoise ni à participer à son développement économique. Cette situation frappe davantage les réfugiés, car le plus souvent ils arrivent ici sans ressources financières et souvent même sans connaître le français. Trop fréquemment, des professionnels diplômés d'autres pays désireux d'exercer leur profession au Québec sont déjà lésés par la non-reconnaissance de leurs diplômes obtenus à l'étranger. Ils fournissent l'effort d'apprendre le français et par la suite se voient obligés par les entreprises et autres employeurs, y compris parfois le gouvernement du Québec ou du Canada lui-même, de maîtriser en plus l'anglais pour travailler. Cette exigence a pour effet pour le moins de retarder passablement leur intégration à la société ou, au pire, de les décourager tout simplement devant ce nouveau défi. Certains optent malgré eux pour un travail bien en deçà de leurs capacités et de leurs compétences et moins bien payé que celui qu'ils auraient pu décrocher dans leur secteur d'expertise.

De plus, le Québec se prive, dans bien des cas, de travailleurs qualifiés dont il aurait un criant besoin. Ces personnes doivent passer par plusieurs étapes avant d'accéder au marché du travail, soit maîtriser le français, cela va de soi, reprendre les cours qu'ils ont quelquefois déjà complétés dans leur pays d'origine parce que leurs diplômes ne sont pas reconnus à leur juste valeur et ensuite se mettre à l'anglais avec pour résultat qu'ils abandonnent en cours de route, faute d'énergie ou en raison d'obligations familiales. Ces proscrits sont ainsi maintenus dans une situation économique précaire qui contribue à les marginaliser une fois de plus, comme le mentionne, en page 7, le document de consultation Vers une politique gouvernementale contre le racisme et la discrimination: «...le cumul des discriminations hypothèque les chances d'intégration des personnes immigrantes ou issues des communautés culturelles.»

Afin de faire disparaître les pratiques de discrimination à l'embauche, comme il est démontré dans le présent mémoire, le gouvernement du Québec doit adopter toutes les mesures qui s'imposent pour que l'exigence de la connaissance de l'anglais ou de toute autre langue que le français ou sa considération comme un atout majeur soit interdite sur le territoire du Québec, sauf dans les rares cas où les communications fréquentes avec les milieux anglophones à l'extérieur du Québec ou du Canada exigent une telle compétence.

Impératif Français recommande:

Que le gouvernement du Québec prenne les moyens nécessaires pour que soit respecté le droit fondamental des Québécoises et des Québécois de travailler en français, tel que le stipule l'article 4 de la Charte de la langue française: «Les travailleurs ont le droit d'exercer leurs activités en français.»;

Que le gouvernement oblige les employeurs d'abandonner leurs exigences discriminatoires en matière d'embauche en adoptant les règlements nécessaires qui assureront le respect de l'article 46 de la Charte de la langue française ? je cite: «Il est interdit à un employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance.»;

Que le gouvernement balise la mention «à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance» pour éviter les nombreux abus discriminatoires; que la reconnaissance des diplômes obtenus à l'étranger se fasse plus rapidement, soit plus juste et se rapproche davantage de la réalité dans un contexte de mondialisation;

Que le gouvernement du Québec exige des ordres professionnels une plus grande ouverture pour permettre un plus grand accès aux immigrants;

Qu'un mécanisme formel de concertation constitué de représentants du monde des affaires, des syndicats et du gouvernement soit mis sur pied afin d'assurer le respect de la nouvelle politique;

Que l'accès à la francisation pour les personnes immigrantes nouvellement arrivées soit facilité par l'augmentation de programmes et d'institutions offrant ce service; les municipalités, les intervenants culturels, les organismes ayant comme vocation l'accueil des immigrants puissent jouer un rôle plus important à cet égard.

Alors, voilà. Et nous sommes prêts, M. le Président, à répondre à vos questions, si possible.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre, pour une première question.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Perreault, pour cette présentation. MM. Normand, Auclair et Lambert, bienvenue à la commission.

J'ai eu le plaisir de vous rencontrer lors de la tournée de sensibilisation, et vous nous aviez parlé effectivement de cette discrimination qui était vécue par rapport à l'exigence de la connaissance de l'anglais. J'avoue que je me suis sentie interpellée, puisqu'au Québec, ici, on vit en français, on parle en français, on travaille en français. Je pense que le français, c'est notre langue commune, c'est la langue officielle, c'est la langue qu'on privilégie, évidemment. Et vous nous avez déposé d'autres documents par rapport à la discrimination, qui serait faite au niveau de la langue, par rapport au gouvernement canadien. J'aimerais que vous nous en parliez un petit peu plus, par rapport aux tableaux ici, les études que vous avez probablement faites.

M. Perreault (Jean-Paul): ...pourrait évidemment mentionner plusieurs exemples, notamment celui d'Hydro-Québec, avant que je parle de la fonction publique fédérale, Hydro-Québec qui exige, pour ses 25 % de ses postes de téléphoniste, la connaissance de l'anglais.

Vous comprendrez avec nous qu'au sein de la société québécoise on affirme, et avec raison, que le français est la langue commune de la diversité, que le français doit être la langue d'usage public, que le français est la langue nationale, que le français est la langue officielle. Bref, il est étonnant de voir une société d'État comme Hydro-Québec exiger que 25 % de ses postes de téléphonistes exigent la connaissance de l'anglais pour travailler au Québec. C'est une forme de discrimination qui prive l'ensemble des Québécois, donc incluant les membres des communautés culturelles qui sont souvent plus victimes de cette forme de discrimination, puisqu'avec raison on leur a demandé, lorsqu'ils étaient allophones, à l'arrivée d'apprendre le français pour s'intégrer rapidement au marché du travail, et lorsqu'ils postulent un emploi de téléphoniste, par exemple ? on pourrait en nommer beaucoup d'autres ? eh bien, ils se voient refuser la possibilité de travailler, un droit garanti par la Déclaration universelle des droits de l'homme, et de travailler en français, puisque la société d'État qui est une société du gouvernement du Québec leur interdit d'y travailler, puisque 25 % des postes exigent la connaissance de la langue anglaise.

Et on pourrait également, par rapport à votre question, Mme la ministre, vous parler de la fonction publique fédérale. Et je vais vous lire ici un communiqué que nous avons émis. Il est très bref, mais je pense qu'il parle par lui-même. Et ce communiqué est étayé, là, d'un document de deux pages avec les statistiques qui sont issues des statistiques officielles du conseil du trésor fédéral, et ce sont des statistiques qui sont disponibles sur les sites Internet du gouvernement fédéral, du Conseil du trésor: «Selon le rapport annuel 2004-2005 du Conseil du trésor du Canada sur les langues officielles, en Ontario, sans la partie ontarienne de la région de la capitale fédérale, 10 % des postes de la fonction publique canadienne exigent le bilinguisme pour une population de 510 000 Franco-Ontariens, alors qu'au Québec, sans la partie québécoise de la région de la capitale fédérale, ce sont plus de 62 % des postes qui exigent la maîtrise de la langue anglaise pour à peine 590 000 Anglo-Québécois.»

Le gouvernement fédéral crée une discrimination à grande échelle, vraiment une exclusion, là, systémique et systématique à l'endroit de tous ceux qui parlent français en exigeant à 62 % des postes la connaissance de l'anglais, alors que c'est seulement 10 % des postes qui exigent la connaissance du français en Ontario pour à peu près le même nombre de francophones en Ontario que d'anglophones au Québec. On retrouve, en Ontario, un poste exigeant le bilinguisme pour 242 francophones, alors qu'au Québec le gouvernement fédéral impose qu'un poste soit désigné bilingue pour 49 anglophones. Avec de telles exigences à l'embauche, le gouvernement du Canada pratique de la discrimination systématique et du racisme à grande échelle. En imposant, de façon aussi systématique, la connaissance de l'anglais pour travailler au Québec, il prive de nombreux Québécois de leur droit d'y travailler en français, pourtant garanti par la Déclaration universelle de l'ONU sur les droits de l'homme. Un grand nombre de ces exclus du marché du travail sont des immigrants à qui le gouvernement du Canada refuse ainsi le droit de travailler et de surcroît de travailler en français, au Québec.

La discrimination gouvernementale fédérale ne finit pas là. Dans l'ensemble canadien, incluant le Québec, 7 490 postes de la fonction publique canadienne sont désignés unilingues français pour 84 200 postes unilingues anglais, soit un poste unilingue français pour 11 postes unilingues anglais, alors qu'au Canada le rapport francophones-anglophones, selon la langue maternelle, est de un francophone pour 2,5 anglophones.

Vous conviendrez avec nous que, quand on parle de discrimination fondée sur la langue, le gouvernement canadien à cet égard est un bel exemple, pour ne pas dire un mauvais exemple, un bel exemple de l'ampleur de ce que l'on appelle et que l'on dénonce: la discrimination systémique et la discrimination systématique. Et il est incroyable de voir que c'est le gouvernement canadien qui agit de cette façon-là.

n(9 h 50)n

Mme Thériault: De quelle façon vous pensez qu'on pourrait faire de la pression sur le gouvernement fédéral ou tendre à renverser cette tendance-là, d'après les chiffres que vous nous avez donnés?

M. Perreault (Jean-Paul): Bien, écoutez, je pense qu'à cet égard, comme partie constituante de la fédération canadienne, le gouvernement du Québec a un rôle important, celui de faire pression sur le gouvernement fédéral pour que cessent ces formes de discrimination dont sont victimes tous les Québécois, encore plus davantage évidemment les membres de communautés culturelles et les immigrants à qui on a demandé, pour s'intégrer à la société québécoise bien sûr et tout normalement, d'apprendre le français mais qui vont se faire refuser la possibilité de travailler et de travailler en français au sein de la fonction publique fédérale en territoire québécois parce que 62 % des postes exigent la connaissance de la langue anglaise souvent, Mme Thériault, pour accommoder les supérieurs hiérarchiques unilingues anglais à Ottawa ou hors Québec.

Je pense que le gouvernement du Québec a une responsabilité, comme partie constituante de la fédération canadienne, d'exiger du gouvernement fédéral qu'il adopte des pratiques moins discriminantes ou qui reposent davantage sur l'accès, une équité d'accès au marché du travail.

Mme Thériault: Merci. Je vais faire un lien avec les employeurs dans vos deuxième et troisième recommandations. À la troisième, vous dites: «Que le gouvernement balise la notion "à moins que l'accomplissement de la tâche [...] nécessite une telle connaissance" pour éviter les nombreux abus discriminatoires.» De quelle façon vous pensez qu'on pourrait baliser cette mention-là?

M. Perreault (Jean-Paul): Bien, écoutez, on va d'abord surtout laisser à l'Office québécois et au Conseil supérieur de la langue française, qui sont mandatés par le gouvernement et qui ont des ressources beaucoup plus grandes que celles d'un organisme comme le nôtre, d'identifier des moyens et des moyens concrets pour que ce qui est mentionné dans la charte: «Les travailleurs ont le droit d'exercer leurs activités en français», soit respecté sur le territoire du Québec. Ce n'est pas respecté. Dans bien des cas, ce n'est pas respecté.

Je lisais l'autre jour: 45 % des allophones de la région de Montréal, seulement 45 % des allophones disent travailler surtout en français, ce qui signifie qu'il y en a 55 % dont le droit de travailler en français dans la région de Montréal est nié. Ce droit est pourtant garanti par la Charte de la langue française. Une des façons simples et faciles, c'est d'interdire tout simplement, pour l'ensemble des postes sur le territoire du Québec qui relèvent pour le moins du gouvernement du Québec et de ses sociétés d'État, l'exigence de la connaissance de l'anglais. Si le gouvernement du Québec, et avec raison, dit qu'au Québec la langue d'usage public, c'est le français, si, au Québec, le gouvernement dit que la langue commune de la diversité, c'est le français, que la langue officielle, c'est le français, le gouvernement du Québec doit donner l'exemple, d'autant plus, Mme Thériault, que, dans la politique linguistique du gouvernement, il est clairement mentionné que le gouvernement du Québec doit tendre vers l'unilinguisme, et c'est clairement mentionné dans la politique linguistique du gouvernement.

Vous conviendrez avec nous que, si le gouvernement fait toutes ces déclarations: langue d'usage public, langue commune, la politique linguistique, la clause 4 de la Charte de la langue française et l'article 46, à quelque part le gouvernement doit continuer dans cette logique-là et interdire, sauf en de très, très rares occasions, la connaissance d'une autre langue que le français pour travailler au Québec. Je pense que ça rendrait la chose facile. Mais on va quand même laisser à l'office et au Conseil supérieur de vous proposer des moyens plus concrets parce que je pense qu'ils sont drôlement bien subventionnés par le gouvernement pour le faire, beaucoup plus que nous, et ils ont probablement davantage de ressources compétentes pour le faire.

Mais néanmoins, dans la perspective d'Impératif Français, l'ensemble des postes devraient interdire la connaissance de l'anglais pour travailler au Québec. Je pense que ça réglerait le problème de façon claire et précise.

Mme Thériault: Merci. Je reviendrai un peu plus tard.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue ici, en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale. Impératif Français, MM. Perreault, Normand, Auclair et Lambert, bienvenue, bonjour au nom de l'opposition officielle.

Je voudrais vous poser une question rapide parce que mon collègue porte-parole en matière de langue française aurait beaucoup de questions pour vous. Puis, s'il y a du temps, je vais pouvoir revenir plus tard. Mais je voudrais vous parler de votre dernière recommandation qui est l'accès à la francisation. Je pense que c'est une question fort importante. Depuis le début de nos travaux, on nous a parlé de l'importance de la connaissance de la langue française, donc d'où la pertinence de vous avoir ici avec nous ce matin, puisqu'on a parlé que, pour lutter contre la discrimination et le racisme, il était important de lutter contre les inégalités socioéconomiques et puis, pour lutter contre ces inégalités, évidemment que l'accès à l'emploi est une donne importante, non pas la seule, et puis, pour pouvoir accéder à l'emploi, l'usage et la connaissance du français sont nécessaires au Québec. Et donc c'est une barrière importante, la non-connaissance du français.

La francisation étant importante, je voudrais que vous élaboriez davantage sur ça parce qu'on n'a pas eu l'occasion de vous entendre suffisamment à ce sujet. Depuis cinq ans, on estime que les niveaux d'immigration ont... d'environ 25 %. On regarde les budgets en francisation. Ils ont diminué depuis l'année passée et depuis l'année précédente. Est-ce que vous considérez, vu la situation et vu les niveaux d'immigration, que nous devrions investir de façon massive en francisation? Est-ce que vous constatez sur le terrain que la situation de la francisation des immigrants ou des nouveaux arrivants va bon train? Quelle est votre évaluation de la situation?

M. Perreault (Jean-Paul): Dans le passé, il y a déjà, je dirais, à peu près un an, un an et demi, Impératif Français avait organisé une conférence de presse pour dénoncer les coupures dans les programmes de francisation. On a vu diminuer le nombre d'heures, le nombre de groupes qui avaient accès à la francisation, aux programmes de francisation. On a dénoncé cette situation-là qu'on jugeait tout à fait inacceptable. Je pense que, quand on connaît la situation particulière du Québec au sein de la fédération canadienne, quand on connaît la situation particulière du Québec dans le cadre de l'Amérique du Nord, je pense que le gouvernement du Québec doit consacrer suffisamment de ressources, davantage de ressources pour s'assurer que les immigrants qui viennent au Québec optimisent leurs chances de s'intégrer à la société québécoise et d'accéder au marché du travail en apprenant le français. Et là-dessus il est certain que le gouvernement devra toujours faire plus et davantage pour s'assurer qu'un plus grand nombre d'immigrants ne se retrouvent pas discriminés par le marché du travail parce qu'ils n'ont pas acquis une connaissance ou une maîtrise suffisantes du marché du travail, du français pour y accéder.

Et à cet égard c'est certain qu'Impératif Français ne peut pas faire autrement que d'être d'accord avec une augmentation des ressources, d'autant plus qu'on l'a dénoncé par conférence de presse, lorsqu'il avait été question de coupures dans ce domaine-là. Et à quelque part le nombre d'heures, nous dit-on, a diminué, le nombre de groupes a également diminué. Alors, à quelque part, c'est certain qu'on va à contre-courant. Nous affirmons d'un côté qu'il est important de lutter contre la discrimination et le racisme, et parallèlement le gouvernement à un époque diminuait les ressources consacrées à la francisation des immigrants. Et parallèlement on affirme que, pour travailler au Québec, ça prend le français.

Vous conviendrez avec nous qu'on ne peut pas être autrement que d'accord avec ce que vous soulevez. Ça prend davantage de ressources pour leur permettre de s'intégrer rapidement à la société québécoise.

Mme Lefebvre: Juste rapidement. Est-ce que vous avez été dans la mesure de chiffrer les ressources qu'on pourrait avoir besoin ou ça, c'est une expertise que vous n'avez pas?

M. Perreault (Jean-Paul): Je n'ai malheureusement pas avec moi ici les documents qui appuyaient notre conférence de presse à l'époque, qui a eu lieu, je pense, il y a environ un an, un an et demi. Avec des partenaires, Accueil-Parrainage, bref le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, qui est responsable des programmes de francisation, on a dénoncé conjointement cette situation de coupures de ressources dans le domaine de la francisation. Pour vous dire quelle était l'ampleur de ces coupures, ça, malheureusement, je n'ai pas le document avec moi, mais peu importe. Compte tenu de la spécificité québécoise en Amérique du Nord et au sein de la fédération canadienne, le gouvernement du Québec, à partir du moment, et avec raison... a décidé que le français était la langue d'usage public, la langue commune, il doit s'assurer que les immigrants ne seront pas discriminés, marginalisés, ghettoïsés parce qu'on ne leur a pas donné suffisamment de moyens d'accéder à la maîtrise de la langue française, qui est un outil nécessaire d'intégration à la société québécoise.

Ça prend davantage de ressources, et là-dessus j'abonde dans votre sens.

Mme Lefebvre: Je vous remercie. Ce que vous abordez est extrêmement important. Je pense que la spécificité du Québec passe notamment et principalement par la langue française, qui est le vecteur de notre culture. J'aurais beaucoup d'autres questions.

Est-ce que ce serait possible, pour notre bénéfice, de faire parvenir au secrétariat de la commission ledit document sur les données au niveau de la francisation? Puis je passe la parole à mon collègue. Si on a le temps, je reviendrai.

n(10 heures)n

Le Président (M. Turp): Alors, je crois que le député de Saint-Hyacinthe et porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue française a des questions pour vous. M. le député.

M. Dion: Merci, M. le Président. En fait, j'ai une et une autre question. J'ai un certain nombre de questions, mais je vais prendre le temps qui est disponible. Et je veux vous remercier très sincèrement d'être là. Je pense que vous jouez un rôle extrêmement important en Outaouais parce que vous êtes, dans un langage militaire mais non militariste, vous êtes au front, c'est-à-dire que vous êtes vraiment les premiers, les plus près de la province de l'Ontario, où il y a vraiment un besoin et une utilisation massive de l'anglais, et ça a une influence très importante en Outaouais, comme vous l'avez très bien démontré tout à l'heure.

J'ai plusieurs questions, mais je ne sais pas combien il me reste de minutes.

Le Président (M. Turp): Huit minutes, M. le député.

M. Dion: Huit minutes avant qu'on change de côté? Bon.

Le Président (M. Turp): Huit minutes au total pour l'opposition officielle.

M. Dion: Au total, donc peu de temps. Donc, je vais commencer par la question suivante.

Je crois que vous avez fait un certain nombre de recherches ou enfin vous avez été mis en contact avec un certain nombre d'informations touchant le comportement de l'Université du Québec en Outaouais par rapport aux exigences de l'anglais dans certaines formations. Pouvez-vous nous en parler un peu plus, comme ça, tout de go, là, de façon un peu plus élaborée?

M. Perreault (Jean-Paul): Encore une fois, il s'agit là d'institutions qui relèvent du gouvernement du Québec, et là ça devient plus irritant. Tout est irritant, mais vous conviendrez que, dans ce domaine, quand tout le gouvernement du Québec, qui devrait avoir un comportement exemplaire par ses sociétés d'État, par ses établissements publics, hôpitaux, CLSC, universités, collèges, quand on voit des établissements publics se comporter de la façon dont s'est comportée et se comporte encore l'Université du Québec en Outaouais, vous conviendrez avec nous que c'est très révoltant.

Vous vous rappellerez que l'Université du Québec a été créée dans la foulée des grandes manifestations McGill français où à l'époque, au sein de la société québécoise, il y avait quatre universités de langue anglaise pour trois universités de langue française: il y avait McGill, Concordia, Sir George Williams et Bishop's et il y avait l'Université du Québec, l'Université Laval et l'Université de Sherbrooke. L'accès aux études supérieures était limité pour bien des francophones au sein de la société québécoise, et il y a eu des grands mouvements, des grands déplacements de foule, des grandes manifestations, rappelez-vous, devant McGill, 100 000 personnes, 125 000, 150 000 pour exiger que McGill devienne une université française. À l'époque, le gouvernement du Québec a répondu par la création d'une nouvelle université qui est l'Université du Québec, excellente décision, d'autant plus que cette université avait une structure très décentralisée et portait l'enseignement universitaire en région, des régions qui souvent étaient vidées de ses meilleurs candidats qui allaient vers le grands centres.

Donc, on a vu naître, à Rimouski, à Chicoutimi... centres d'études universitaires en Outaouais, en Abitibi, à Trois-Rivières et, à Montréal évidemment, une autre université, l'UQAM. Ça a été excellent, sauf que, là, on voit que l'Université du Québec en Outaouais utilise certaines de ses ressources pour détourner sa mission d'être une institution universitaire de langue française et a créé des programmes d'études de langue anglaise. Cette université est en déficit de programmes de premier cycle. Quand on compare l'Université du Québec en Outaouais avec la situation d'autres universités qui desservent des bassins de population à peu près identiques ? Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi, Rimouski ? quand on compare, on voit que l'Université du Québec en Outaouais n'a pas fait le plein de programmes en français de premier cycle, de baccalauréats, encore moins de deuxième cycle, à la maîtrise, et encore beaucoup moins au doctorat.

Sauf que, là, on voit que l'université a détourné sa mission pour mettre sur pied des programmes d'études de deuxième cycle en anglais, et c'est là qu'Impératif Français est intervenu pour dire: Vous devez avoir un rôle exemplaire comme institution publique; vous avez été créée pour combler une situation d'iniquité qui défavorisait les francophones au Québec, comment se fait-il que vous utilisez les ressources versées par la société et le gouvernement pour mettre sur pied des programmes de langue anglaise, alors que, ma foi, on a déjà un très grand déficit, dans cette région-là, au premier cycle puis au deuxième cycle, de programmes en langue française? Et on a dénoncé la situation. Mais ça, ce n'est pas sans avoir d'effet d'entraînement. Quand les institutions publiques comme celle-ci en sont rendues à poser un geste comme celui duquel vous nous avez parlé et qu'on a dénoncé à l'époque, vous conviendrez avec nous que c'est bien difficile, là, quand elles ne remplissent pas leur rôle exemplaire.

Alors, on a... de dénoncer des situations aberrantes comme celle-là.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, M. Perreault. Je crois que la parole est maintenant à la ministre ou à ses collègues pour 4 min 20 s.

Mme Thériault: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais, M. Perreault, revenir sur la francisation. Je vais apporter des données à votre attention. Vous allez voir qu'évidemment le portrait du Québec change énormément. Je pense que les façons de faire au niveau de l'immigration changent également. C'est dû en grande partie au bassin de recrutement. Et vous conviendrez certainement avec moi que, d'après les statistiques que je vais vous donner, il y a plus de gens qui arrivent ici avec une connaissance du français qu'il y en avait à l'époque. En 1993, 31 % des gens qui arrivaient au Québec avaient une connaissance du français. En 1999, c'était passé à 43 % et, en 2005, c'est passé à 57,3 %.

Vous savez que, dans nos objectifs d'immigration, quand on fait la planification triennale de l'immigration, le gouvernement s'oblige à 50 % des gens qui arrivent ici qui ont une connaissance du français. C'est dû évidemment à des ententes qu'on a signées avec les Alliances françaises pour que les gens puissent amorcer leur francisation dans leur pays d'origine. Du moment qu'ils reçoivent le certificat... du Québec, ils sont en attente du visa canadien, ils peuvent mettre à profit cette période de temps pour apprendre le français et débuter leur apprentissage pour ne pas arriver ici puis se retrouver complètement démunis par rapport à la langue de leur nouveau pays d'adoption. Donc, évidemment, on a fait des ententes avec des alliances françaises, qui facilitent l'apprentissage du français dans le pays d'origine. Il y a présentement des banques d'exercice de francisation qui existent depuis un an et demi, donc, où il y a trois niveaux d'exercices de francisation. Donc, à l'étranger, les gens peuvent déjà amorcer la francisation.

Je pense que, comme gouvernement, on doit être responsable et utiliser aussi les nouvelles technologies qui sont mises à notre disposition pour pouvoir profiter du temps qui est là pour pouvoir justement apprendre mieux et plus facilement le français ou avoir des connaissances de base. Donc, évidemment, ça a un impact. Le fait que les gens connaissent plus le français et qu'il y a plus de gens, exemple, qui proviennent du pays du Maghreb, évidemment ce sont des gens qui parlent français, ils n'ont pas besoin de cours de francisation. Donc, il ne faut pas dire que, parce que l'immigration a augmenté de 25 % en cinq ans, nécessairement il y a une adéquation entre les besoins de francisation.

J'aimerais vous rappeler quelque chose qui est très important. Dans les budgets de francisation, O.K., si on regarde les chiffres qui ont évolué, dans les budgets de francisation, en l'an 2000, il y avait 32 300 000 $, presque 32 400 000 $; en 2001, 38 700 000 $; en 2002, 44 300 000 $; en 2003, 44 700 ? je parle en millions, là ? 44 700 000 $; en 2004, 43 700 000 $; et, en 2005, 43 800 000 $. J'aimerais aussi rappeler que, lorsqu'on a revu l'offre de francisation, il faut se souvenir qu'à l'époque, bien que les cours avaient lieu sur une période de temps de 40 semaines, les statistiques qu'on avait nous démontraient clairement qu'il y avait énormément d'abandons et qu'en moyenne on passait 32 semaines à faire de la francisation. Donc, il y avait beaucoup d'immigrants qui ne complétaient pas parce qu'ils trouvaient que c'était trop long et devaient avoir accès au marché du travail. Donc, lorsqu'on a révisé la francisation, ça nous a permis réellement de faire un programme où on passe plus d'heures en semaine à apprendre le français sur un moins long temps de semaine, donc sur 33 semaines, ce qui correspond à la réalité des études qu'on avait. Et on s'est basé sur un programme qui avait fait ses preuves à l'UQAM, université que vous venez d'encenser.

Donc, vous comprendrez qu'évidemment les besoins changent, mais on doit aussi s'adapter. De plus, il y a de plus en plus de formation sur mesure qui est faite maintenant pour justement être en mesure de compléter la francisation parce qu'on est conscients que, surtout dans les domaines professionnels, ou dans des techniques, ou dans des milieux de travail très spécialisés, il faut adapter l'apprentissage du français. Il est évident que le cours de base qui est offert n'est pas nécessairement très, très pointu et très spécialisé pour permettre à tout le monde d'accéder quand tu parles de domaines de compétences qui sont très spécialisés. Donc, il est évident qu'on doit diversifier l'offre de francisation. Et, dans les chiffres que je vous ai donnés au niveau des budgets, j'aimerais rappeler ici qu'on a coupé dans le béton: il y a 2,2 millions de dollars dans les dépenses de francisation qui ont été coupés dans le béton et non pas dans l'offre de francisation.

Donc, je pense que c'est important de voir: oui, on peut avoir de l'argent, mais il faut mettre les ressources à la bonne place aussi. Donc, plutôt que de payer pour de la location de locaux, on a tout simplement transféré cet argent-là pour pouvoir payer les professeurs, donner les cours, avoir plus de cours sur mesure, des cours à temps partiel. Et d'ailleurs les chiffres qu'on a...

n(10 h 10)n

Le Président (M. Brodeur): ...je serais obligé de vous couper du temps.

Mme Thériault: Je m'excuse, c'est correct. Mais en tout cas je veux juste vous dire que l'offre de francisation, pour nous c'est important. Je pense que tous les gouvernements qui se sont succédé ont très fait attention à l'apprentissage du français et que c'est évident que ça nous prend à coeur, nous aussi.

Le Président (M. Brodeur): Réponse en 30 secondes?

M. Perreault (Jean-Paul): Oui, oui, en 30 secondes. Écoutez, je pense qu'on va s'entendre et on s'entend sur l'importance de ressources suffisantes adéquates, nécessaires pour hâter les processus d'intégration des immigrants qui sont... sauf que vous conviendrez avec nous que, lorsque vous nous dites que 57,3 % des immigrants ou des réfugiés qui arrivent au Québec ont maintenant une connaissance du français, la question qui se pose pour nous et qui fait l'objet de notre mémoire, c'est que cette connaissance-là, bien qu'elle soit absolument nécessaire pour travailler au Québec, est souvent insuffisante, puisque la Charte de la langue française n'est pas respectée et que ces gens-là à qui on a demandé et pour lesquels on a payé comme société, dans bien des cas, pour qu'ils apprennent le français vont se trouver dans une situation où ils vont se faire refuser la possibilité d'exercer leurs droits reconnus par la déclaration universelle de l'ONU, le droit de travailler et le droit reconnu par la Charte de la langue française de travailler en français.

Et ça, il y a des sociétés d'État du gouvernement du Québec, la fonction publique du gouvernement canadien et bien d'autres employeurs, incluant des ministères du gouvernement du Québec, qui exigent la connaissance de l'anglais pour pouvoir occuper un emploi au sein et de la fonction publique du Québec, et de la fonction publique du gouvernement fédéral, et au sein d'un très grand nombre d'entreprises privées. Ils sont discriminés, et c'est là-dessus que porte notre mémoire. Qu'on augmente le nombre. La nécessité de connaître le français, de vouloir davantage de francisation, c'est normal dans une société, dans le contexte nord-américain, mais où le problème se pose, ce n'est pas dans cette volonté-là, c'est dans le fait que, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils se font dire non. Ils se font dire non, et ça, c'est une discrimination contre tous les Québécois mais encore plus les communautés culturelles, les immigrants et probablement encore plus les minorités visibles.

Vous conviendrez avec nous qu'on ne peut pas, dans un effort de société plurielle et ouverte, accepter que les nôtres soient victimes de discrimination. Quand d'un côté l'État avec raison dit que le français est la langue commune de la diversité et la langue d'usage public, à quelque part il va falloir que le discours soit accompagné de mesures responsables pour s'assurer que cessent ces discriminations-là. S'il y a une place où la discrimination doit cesser, c'est bien dans la possibilité d'intégrer le marché du travail. Il faut bien que les gens obtiennent une certaine indépendance financière, et économique, et matérielle. Si on leur refuse la possibilité de travailler, vous conviendrez avec nous qu'on les marginalise, qu'on les appauvrit, qu'on contribue à en faire des démunis au sein de la société québécoise, et là les stéréotypes vont continuer: ils vivent aux crochets de la société; ils nous imposent une autre langue que le français parce qu'on n'a pas mis en place suffisamment de programmes de francisation.

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, je dois vous arrêter pour conserver le temps de parole de l'opposition. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Oui. Je vais y aller rapidement. C'est juste que je ne peux pas me permettre de laisser passer les chiffres sur la francisation, c'est trop une question importante. Parce que c'est sûr que les pourcentages de personnes, qui arrivent au Québec, connaissant le français ? puis, vous l'avez bien dit, c'est une connaissance de un à neuf, donc il y a des gens qui arrivent, qui ont une connaissance du français qu'on peut se dire qui pourrait être améliorée... Mais il faut se dire que les niveaux d'immigration ont augmenté également considérablement. Donc, il s'agit de regarder non pas les chiffres en pourcentage, mais les chiffres bruts pour avoir un meilleure idée des résultats puis de se dire les niveaux qu'il faut investir.

Donc, je pense que c'est une mauvaise approche du gouvernement d'investir en francisation, en fonction du pourcentage de personnes qui arrivent ici avec une connaissance du français, parce qu'en 1999 les niveaux d'immigration étaient d'environ 30 000, tandis qu'en 2005 on est passé à environ 43 000. Donc, si on y va d'un calcul rapide, en 1999, on dit qu'il y a 43 % des personnes immigrantes qui connaissent le français, tandis qu'en 2005 on dit qu'il y en a 57 %. Si on fait le calcul en fonction des ratios puis des niveaux d'immigration, ça fait en sorte qu'il y aurait plus gens, donc environ 18 000, aujourd'hui, en 2005, qui arrivent ici, au Québec, en ne connaissant pas le français, tandis que ça aurait été environ 17 000 en 1999. Donc, les niveaux de personnes qui ne connaissent pas le français sont comparables, et donc les budgets auraient dû connaître une augmentation importante, puisque ce bassin-là augmente d'année en année.

Donc, ça fait de plus en plus de personnes au Québec qui doivent maîtriser davantage le français. Et de toute façon je pense qu'on a juste à se promener à Montréal, notamment dans différents quartiers comme Côte-des-Neiges ou Parc-Extension, pour constater que les besoins sont là, puis qu'il y a beaucoup de personnes qui nécessitent des cours de français, puis qu'on devrait faire également une plus grande promotion de ces cours de français là qui sont offerts par le gouvernement du Québec.

Donc, je tenais juste à mentionner ceci. Mon collègue a une question pour vous. Et malheureusement le temps file trop rapidement. On aurait tant de choses à se dire.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe, pour une courte question et une courte réponse.

M. Dion: Merci, M. le Président. Mais je pense que vous allez respecter quand même un temps raisonnable, M. le Président, comme d'habitude, comme vous le faites toujours...

Le Président (M. Brodeur): Tout le monde a un temps raisonnable ici.

M. Dion: ...en gentilhomme que vous êtes. Mais on n'abusera pas.

Une voix: N'abusez pas.

M. Dion: Alors, je pense qu'il y a deux choses dans la francisation parce qu'on parle de l'intégration des immigrants en réaction contre le racisme. Je pense que c'est ça, notre préoccupation de base. Et, dans ce contexte-là, moi, je pense que toute la question de la francisation vue sous l'angle de l'intégration à la communauté francophone doit se voir à la fois sous l'angle de la francisation et à la fois sous l'angle de la culture ou l'acculturation, parce que, s'ils apprennent la langue, mais il n'y a aucune acculturation, ils ne se sentiront pas membres de la communauté et ils risquent davantage d'être victimes de discrimination.

Donc, sous cet angle-là, vous avez, je pense, des données assez précises sur le nombre ou sur le pourcentage élevés d'immigrants qui, après deux ans, cinq ans, huit ans, 10 ans, n'ont jamais eu accès à une formation de francisation. Est-ce que vous avez ça présent à l'esprit?

M. Perreault (Jean-Paul): Et le nombre est élevé. Et, moi, ce qui me trouble davantage dans le domaine de statistiques, c'est: dans la région métropolitaine de Montréal, le pourcentage d'allophones qui travaillent surtout en français n'est que de 45 %. Ça, là, entre vous et moi, là, ça, c'est un témoignage assez éloquent que, malgré la Déclaration universelle de l'ONU, qui garantit le droit de travailler, qui reconnaît le droit de travailler, de la charte qui dit que le travailleur a le droit d'exercer ses activités en français et l'autre article qui dit qu'on ne doit pas discriminer sur la base de la connaissance d'une autre langue que le français pour occuper un emploi au Québec, sauf dans de rares occasions, vous conviendrez avec nous que cette statistique-là est suffisamment éloquente pour interpeller la commission dans son mandat de mettre en place une politique gouvernementale de lutte contre la discrimination et le racisme.

45 % des allophones travaillent surtout en français, ce qui veut dire que ? on parle de programmes de francisation ? oui, cette volonté politique doit exister, et on doit retrouver, dans nos universités, nos cégeps, dans nos commissions scolaires, les immigrants, les réfugiés en train d'apprendre le français. C'est un geste très responsable, mais même on doit augmenter les ressources de telle sorte que cet objectif de francisation est atteint. Mais en contrepartie ? et c'est là surtout que le bât blesse à mon avis; en contrepartie ? lorsqu'on leur a donné les moyens d'apprendre, d'obtenir une certaine maîtrise du français pour hâter leur processus d'intégration, ils se présentent sur le marché du travail et là ils se font refuser la possibilité d'exercer leur droit de travailler, leur droit de travailler en français. On parle de politique de lutte contre le racisme et la discrimination, c'est là que le gouvernement sera jugé. Est-ce qu'il va prendre les moyens nécessaires pour permettre à l'immigrant et au réfugié de pouvoir travailler au Québec, en français? Et par conséquent c'est l'ensemble de la société québécoise qui va en bénéficier. Parce qu'à notre avis ce n'est pas normal qu'au Québec on exige la connaissance d'une autre langue pour y gagner sa vie, sauf à de très, très rares occasions, lorsque ça exige des communications à l'extérieur du Québec.

En deçà de ça, là, probablement 95 %, 97 %, 98 % des postes devraient exiger uniquement la connaissance du français. Bref, ce n'est pas ça qui arrive. 45 % des allophones travaillent surtout en français, et ça, ça vient parler, là.

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est...

Mme Lefebvre: Cinq secondes.

Le Président (M. Brodeur): Cinq secondes.

Mme Lefebvre: Êtes-vous d'accord quand même qu'il faut offrir des services en langue anglaise à la minorité anglophone du Québec?

Une voix: Bien, écoutez...

Le Président (M. Brodeur): Donc, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. D'ailleurs, nous avons un peu pris de temps sur les autres groupes.

Donc, je vous remercie de votre présentation. Je suspends quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 19)

 

(Reprise à 10 h 20)

Le Président (M. Brodeur): ...s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux, et je demanderais au Comité aviseur-jeunes de bien vouloir s'installer, s'il vous plaît.

Donc, pendant que vous prenez place ? premièrement, bienvenue en commission parlementaire ? je vous explique brièvement les règles de la commission, que vous connaissez peut-être déjà. Vous avez un temps maximal de 15 minutes ? et je dis bien un temps maximal de 15 minutes ? pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugerez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Tout d'abord, je vous demanderais de vous identifier ? vous êtes quatre personnes ? donc pour le bénéfice du Journal des débats. Commencez par vous identifier. Ensuite de ça, procédez immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole à vous.

Comité aviseur-jeunes (CAJ)

M. Laaroussi (Salim): Très bien. Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. les députés membres de la Commission de la culture, bonjour. Permettez-moi donc de présenter mon équipe brièvement. À ma droite, nous avons Mme Danielle Lacombe, qui est directrice générale du Programme d'information sur le travail et la recherche d'emploi à Montréal; à ma gauche, Mme Marie-Soleil Trottier-Santerre, agente de communications du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec; et, plus à ma gauche, M. Hassan Serraji, coordonnateur et conseiller en emploi au Centre Génération Emploi, ainsi que moi-même, coordonnateur du Comité aviseur-jeunes.

Donc, bonjour tout le monde, merci de nous accueillir à cette table et nous donner la possibilité de vous présenter nos commentaires et suggestions par rapport au projet de politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Permettez-moi de présenter brièvement également le Comité aviseur-jeunes, qui est un comité de travail financé par Emploi-Québec, constitué d'une vingtaine d'organisations nationales jeunes et dont le mandat est de produire des recherches, mémoires et avis au bénéfice du gouvernement afin d'orienter ses interventions et ses actions au niveau de la formation, l'intégration et le maintien en emploi des jeunes de moins de 30 ans au Québec.

Ceci étant dit, pour entrer dans le vif du sujet, l'étiquette que l'on choisit pour décrire les injustices vécues par une partie de la population québécoise importe peu. Que l'on appelle ça du racisme ou de la discrimination, qu'elle soit directe, indirecte ou systémique, cela ne fait aucune différence pour celui qui la subit. En fait, ce ne sont pour lui que des mots qui ne l'aideront ni à nourrir sa famille, ni à regagner sa dignité, ni à exprimer sa pleine citoyenneté. D'autre part, bien que les préjugés et la xénophobie soient présents dans toutes les sociétés, de telles attitudes ne peuvent être tolérées ni acceptées. Il incombe à tous mais surtout aux autorités publiques de contrer ces agissements en faisant preuve de clairvoyance, de courage et de leadership afin notamment de rappeler à l'ensemble de la population du Québec que le Noir, l'Arabe, l'Asiatique que l'on pointe du doigt et que l'on craint, voire que l'on accuse de voler nos jobs sont avant tout des Québécois, que leurs enfants sont aussi des Québécois et qu'il est souhaitable qu'ils aspirent à travailler dans une société qui aura su valoriser leurs talents et respecter leurs différences.

Notre présentation se divisera en trois parties, en concordance avec la nomenclature qui est proposée dans le cahier de consultation. Ainsi, dans un premier temps, nous aborderons la problématique de la coordination des efforts déployés sur le terrain en rappelant au gouvernement qu'il lui appartient d'assumer un leadership fort pour que les solutions connues et documentées soient mises en place, et, pour ce faire, il peut compter sur l'expertise et l'expérience du milieu communautaire. Dans la seconde partie de notre présentation, nous traiterons des moyens dont devra se doter le gouvernement afin de lutter contre les préjugés et les comportements racistes et, en dernier lieu, nous soulèverons ce qui pour le Comité aviseur constitue l'élément central d'une future politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Nous faisons ici référence à l'emploi, bien sûr.

Une célèbre citation de Martin Luther King résume bien selon nous l'état d'esprit dans lequel devrait se trouver le législateur au moment de rédiger ladite politique: «Une loi ne pourra jamais obliger un homme à m'aimer, mais il est important qu'elle lui interdise de me lyncher.» Autrement dit, ladite politique ne pourra jamais empêcher un individu d'avoir des pensées ou des préjugés racistes, mais elle devra s'assurer que les membres des communautés culturelles puissent avoir accès à un travail. Systématiquement, au cours de notre présentation, nous proposerons, Mme la ministre, des solutions pour corriger la situation et améliorer l'action gouvernementale. Bien qu'adressées avant tout au gouvernement et à la ministre en place, nous invitons également les membres de l'opposition officielle à s'approprier ces solutions, à les intégrer dans leur programme pour les reformuler ultérieurement en engagements clairs et précis.

Pour conclure, nous demandons aux membres de la commission et notamment aux futurs rédacteurs de ladite politique de garder en tête, tout au long de cet exercice de consultation, la question suivante: Qu'est-ce que la politique de lutte contre le racisme et la discrimination apportera de plus que l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec? Et comment le fera-t-elle?

Mme Lacombe (Danielle): ...depuis de nombreuses années plusieurs organismes communautaires ayant comme mission l'intégration de nouveaux arrivants et des minorités visibles.

Au fil des ans, ces organismes ont su développer diverses expertises et stratégies pour intervenir auprès des nouveaux Québécois, et ce, avec un financement minime. Comme le financement se fait surtout sous le thème de l'innovation, donc du financement par projets, il est difficile de voir se concrétiser à long terme les impacts positifs de leurs interventions. Le Comité aviseur-jeunes dénonce le fait que ces organisations d'aide à l'emploi soient les premières à éprouver des difficultés pour garantir des postes stables à leurs propres employés et est choqué par la perte d'énergie face aux projets qui ne voient que rarement le renouvellement de leur financement. Par ailleurs, on ne peut pas attendre que ces organismes communautaires jouent un rôle majeur face à des problèmes qui s'aggravent et en même temps les faire vivre dans la précarité ou les traiter seulement comme des prothèses conjoncturelles. D'après les informations recueillies par le Comité aviseur-jeunes, les organismes communautaires souhaitent une reconnaissance accrue de leur expertise et désirent que celle-ci soit associée directement dès l'étape de la conception des programmes et des mesures d'intervention. En agissant ainsi, le gouvernement éviterait de renouveler certaines erreurs ou de créer des programmes trop éloignés de la réalité des clientèles ciblées.

Ceci étant dit, nous aimerions attirer votre attention sur une nuance, que nous jugeons majeure, entre immigration et intégration. Ce sont là deux actions totalement différentes impliquant certes la même catégorie d'individus, les immigrants, mais à deux étapes complètement différentes de leur cheminement. L'immigration regroupe l'ensemble des mécanismes de sélection et de recrutement des futurs Québécois à partir d'une grille d'évaluation rigoureuse, tandis que l'intégration représente l'ensemble des actions et interventions du gouvernement qui font en sorte que ces nouveaux Québécois s'adapteront rapidement à leur société d'accueil mais aussi que la société d'accueil sera prête à les accueillir sur les plans culturel, social et surtout professionnel. Ce dernier aspect du degré est... excusez-moi. Ce dernier aspect de l'intégration en est d'ailleurs le fondement, puisqu'il s'agit du meilleur indicateur du degré d'intégration d'un individu à la société, sans oublier que le Québec recrute en moyenne 40 000 immigrants par année dans le but de combler un déficit de main-d'oeuvre qualifiée et de contrer les effets du vieillissement de la population sur notre économie et nos services sociaux.

À notre avis, le temps est venu de remettre en question l'attribution à un seul ministère de ces deux actions différentes, soit l'immigration et l'intégration.

M. Laaroussi (Salim): C'est pourquoi le CAJ suggère de créer un secrétariat à l'intégration qui ferait rapport au ministère du Conseil exécutif, comme c'est le cas actuellement pour le Secrétariat à la jeunesse, et dont le mandat serait d'évaluer et de mesurer la discrimination au Québec en développant des indicateurs et en produisant des rapports statistiques annuels qui permettraient donc de mieux suivre l'évolution de la discrimination et d'évaluer l'efficacité des mesures gouvernementales.

L'approche suggérée par le gouvernement dans le document de consultation, de constituer un comité interministériel composé des principaux ministères et organismes concernés par la problématique, nous apparaît la meilleure à l'heure actuelle, notamment dans l'optique de produire un plan d'action gouvernemental concerté et cohérent qui attribuera à chaque ministère et... des objectifs et des plans stratégiques précis en matière d'intégration des minorités visibles. Comme toute politique qui se veut efficace et pas seulement un énoncé de principe, le CAJ, le Comité aviseur-jeunes, partage l'avis que celle-ci devrait faire l'objet d'un suivi régulier et systématique. Ainsi, nous n'insisterons jamais assez sur l'importance, dans l'approche du gouvernement, de créer un mécanisme de reddition de comptes ferme et pointilleux surtout dans les premières années de la mise en place de la politique, afin d'envoyer un message clair que des pratiques discriminatoires ne seront plus tolérées au sein de l'appareil gouvernemental, la fonction publique, les organismes publics et parapublics.

Pour le gouvernement il s'agit là de montrer l'exemple tout en faisant preuve de détermination et de fermeté dans son action.

n(10 h 30)n

Mme Trottier-Santerre (Marie-Soleil): Le Comité aviseur-jeunes partage pleinement l'analyse des constats ainsi que les explications du document de consultation visant à reconnaître et à cintrer les préjugés et la discrimination. Toutefois, les pistes de solution proposées nous paraissent parfois faibles et vouées à un échec relatif, car elles reposent sur des moyens trop passifs, comme l'impression de dépliants et de guides.

Pour lutter efficacement contre les préjugés et la discrimination, le Comité aviseur-jeunes recommande deux pistes d'intervention. La première se base sur une valorisation du système d'éducation universel qui est offert aux jeunes Québécoises et Québécois de toutes origines comme c'est le cas actuellement avec l'école publique et laïque. De cette façon, une culture de tolérance et de respect envers les différentes nationalités qui composent la population du Québec se développe dès le jeune âge en plus de limiter le cloisonnement des communautés dans les écoles communautaires ou religieuses.

De plus, dans les milieux scolaires, certains exercices pratiques encadrés pourraient être développés afin de démontrer concrètement aux jeunes ce qu'est la discrimination, car rappelons qu'il faut vivre une expérience pour bien la comprendre. Par exemple, soulignons un exercice qui a été fait dans le cadre de l'émission Enjeux diffusée le 27 septembre dernier, à Radio-Canada, séparant une classe du primaire en deux, selon la taille des individus. L'exercice a été fait à Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie, dans un milieu très homogène. Sans rentrer dans les détails du reportage, il a été frappant de remarquer à quel point les enfants ont pris leur rôle au sérieux et comment la discrimination et le clivage entre les deux groupes nouvellement créés ont pu se faire voir dès les premiers moments. Suite à l'exercice, les enfants ayant vécu les deux situations ? une journée, ils étaient les favorisés et, l'autre journée, ils étaient les discriminés, puis leurs rôles étaient inversés ? ensuite ils sont devenus très solidaires avec leurs compagnons de classe et beaucoup plus sensibles à la discrimination de toute sorte dans leur entourage, puisqu'ils ont compris ce que c'était eux-mêmes.

La seconde piste d'intervention proposée par le Comité aviseur-jeunes s'appuie sur les campagnes de sensibilisation basées sur du matériel audiovisuel choc. Une telle approche a déjà prouvé son efficacité dans d'autres domaines. On pense notamment aux campagnes de sensibilisation sur les accidents de travail de la CSST ou celles ciblant les accidents de la route causés par l'alcool, de la SAAQ. Sans avoir éliminé complètement ces types d'accidents, ils ont contribué à réduire significativement leur nombre. Ainsi, effectuer une campagne publicitaire montrant, par exemple, des scènes quotidiennes choquantes mais réelles où des gens de communautés culturelles vivent des situations discriminatoires en emploi aurait un impact tangible sur les perceptions et préjugés de la population aux quatre coins du Québec.

Enfin, il est important de souligner que, dans les différents médias québécois, la présence des communautés culturelles n'est souvent pas représentative, notamment chez les présentateurs de bulletins d'informations ou encore dans les séries télé québécoises présentées aux grandes heures d'écoute, ce qui fait que malheureusement les jeunes immigrants n'ont pratiquement pas de modèle multiculturel québécois à suivre pour s'inspirer.

M. Serraji (Hassan): Toute politique qui se veut efficace dans la lutte contre la discrimination et le racisme se doit de traiter prioritairement, pour ne pas dire essentiellement, la dimension de l'emploi.

Pour illustrer mon propos, j'aimerais vous citer un exemple. C'est le témoignage d'un nouvel arrivant d'origine africaine qui, après avoir immigré une première fois en Russie, a décidé de venir s'installer au Québec. Les gens qui ont assisté au colloque sur les communautés culturelles du Parti libéral du Québec organisé le samedi 14 octobre dernier, à Montréal, s'en souviendront sûrement. Le monsieur a affirmé qu'en Russie le racisme était effrayant, voire même dangereux. Néanmoins, il avait un travail. Ironiquement, il a conclu, et je le cite: «Traitez-moi de nègre ou de ce que vous voulez, je m'en fous, mais laissez-moi avoir une job.» La formule est simple: on peut endurer le racisme, pas le chômage. Dans l'état actuel des choses, les pouvoirs publics se doivent de donner l'exemple. Or, au sein de la fonction publique, les communautés culturelles sont sous-représentées. Seulement 2,5 % de ses effectifs réguliers sont des membres des communautés culturelles. Et ? mes collègues me corrigeront si je me trompe ? l'objectif, il y a presque 20 ans, c'était d'atteindre 25 %.

Mais, au-delà des chiffres, il y a la dimension humaine dont je veux vous parler aujourd'hui, ce qui m'amène à mon deuxième exemple, celui de ce jeune agronome d'origine marocaine titulaire d'une maîtrise en agronomie, doctorant en administration des affaires et membre de l'Ordre des agronomes du Québec. Le 29 octobre 2003, Kamal El Batal, pour le nommer, a posé sa candidature à la coopérative fédérée agricole du Québec pour un poste de stagiaire à la gestion. Il fut refusé. Se sentant victime d'une discrimination, il envoie, le 11 novembre 2003, un second C.V. avec presque les mêmes qualifications mais en changeant le nom avec le nom de Marc Tremblay. C'est ce dernier qui a été appelé pour une première entrevue téléphonique. Il ne s'agit pas d'un cas isolé.

Le sentiment d'être des citoyens de deuxième ordre ne peut que difficilement être réprimé dans un contexte pareil. L'exemple de la communauté arabe est un sujet patent. Prise avec une islamophobie croissante, elle connaît un taux de chômage deux fois et demie plus élevé que la moyenne québécoise, 20 % contre 8 %, alors qu'elle possède deux fois plus de personnes détenant un grade universitaire que la moyenne québécoise, 32 % contre 14 %. En cela, il est difficile de conclure à autre chose que de la discrimination et de l'exclusion.

C'est pour cela que le CAJ propose quelques solutions:

1. À titre de plus gros employeur et soumissionnaire contractuel du Québec, le gouvernement doit montrer l'exemple et embaucher plus d'immigrants et de minorités visibles dans ses rangs. Le recours à la discrimination positive au sein de la fonction publique provinciale et municipale est une option qui a déjà fait ses preuves chez nos voisins américains. Une attention particulière devrait être accordée dans les catégories d'emploi en contact direct avec la population, comme les policiers, pour contrecarrer le profilage racial, entre autres;

2. Afin d'encourager le secteur privé à recruter plus de main-d'oeuvre issue des communautés culturelles, la bonification des incitatifs fiscaux et financiers pour les entreprises est une avenue qui ne saurait être efficace sans l'affectation de budgets conséquents. Le programme PRIIME en est un bon exemple. Victime de son succès, il ne peut présentement répondre qu'à un nombre limité de demandes par manque d'argent;

3. Et je vais terminer. Pour éviter le cercle vicieux pas d'expérience québécoise, pas d'emploi; pas d'emploi, pas d'expérience, le Comité aviseur-jeunes propose la création d'un organisme privé... non lucratif qui... du modèle ontarien Avantage Carrière. Cet OSBL serait administré par des dirigeants de grandes compagnies québécoises. Son objectif serait de favoriser l'acquisition d'une vraie première expérience de travail rémunéré aux membres des communautés culturelles.

Et, dernière proposition, réduire ou prendre en charge les frais exorbitants exigés par les ordres professionnels pour passer leurs examens de qualification. Cette mesure serait complétée par l'instauration d'un type de compagnonnage professionnel qui permettrait de contrecarrer la pénurie de la main-d'oeuvre qualifiée dans certaines professions comme les médecins et les pharmaciens. Cette situation coûte déjà très cher aux contribuables dans la mesure où l'État débourse des sommes colossales en frais de dépannage. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, merci de votre présentation. Mme la ministre, pour une première question.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là, Mme Lacombe, que je connais bien, puisque vous oeuvrez dans ma région; M. Laaroussi ? vous avez fait la présentation du mémoire, vous avez présenté les autres, mais vous avez oublié de vous présenter, donc ? je lis bien «Salim Laaroussi», coordinateur et auteur du mémoire; Mme Trottier-Santerre et M. Serraji.

Bienvenue parmi nous. Vous nous avez parlé d'une foule de choses. Évidemment, c'est sûr et certain que toutes les recommandations qui sont faites seront analysées avec le plus grand soin. Merci du travail que vous avez fait au niveau de votre mémoire. Je dois vous dire qu'évidemment l'emploi est au coeur de la discussion. Lorsque vous avez vu le document, vous avez certainement pris connaissance des données aussi qui sont là. Et, moi, je vous avoue que je suis très préoccupée par les jeunes de deuxième et troisième génération qui, malgré le fait qu'ils détiennent des diplômes québécois... ici, qui sont des Québécois à part entière... Le taux de chômage, chez les minorités visibles, frôle pratiquement trois fois la population en général, et ça, c'est inconcevable. Donc, il est évident qu'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination, politique gouvernementale, interpellera tous les ministères. Ce n'est pas juste le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais tous les ministères seront interpellés et auront des choses à accomplir. Je pense que c'est un devoir de société que nous avons. C'est une responsabilité que nous prenons comme gouvernement de s'attaquer à ce fléau.

Donc, évidemment, bon, vous avez dit plusieurs choses qui méritent la peine d'être soulignées, mais on a juste 15 minutes, donc ça passe relativement rapidement. Vous avez parlé de la fonction publique. Je suis d'accord avec vous, le gouvernement doit augmenter la représentativité de la fonction publique. Je veux juste porter à votre attention qu'historiquement il est vrai que, depuis 20 ans, tous les gouvernements, tous partis confondus, n'ont jamais réussi à atteindre la cible, au niveau de l'embauche, de l'accès à l'égalité à l'emploi, du 25 %. Historiquement, ça tournait autour de 2 %, 4 %, 4,5 %, en plus ou en moins, évidemment. J'aimerais porter à votre attention que, depuis 2003, le taux d'embauche, qui est sous la supervision de la présidente du Conseil du trésor pour ce qui a trait de l'embauche dans les ministères ? parce que ça, c'est quelque chose qu'on peut réellement contrôler, vous savez qu'on remplace seulement un poste sur deux ? et le taux d'embauche des groupes cibles est passé de 4,5 % à 14 %. Donc, c'est quand même une augmentation de 10 % au niveau du taux d'embauche. Éventuellement, ça va se refléter dans le total de la fonction publique, parce que vous comprendrez que la présidente du Conseil du trésor ne peut rien dire au niveau des hôpitaux, commissions scolaires, etc.

n(10 h 40)n

Il y a une responsabilité partagée que différents intervenants devront assumer. Mais, quoi qu'il en soit, je pense que, même si on est en augmentation, on devrait continuer d'augmenter ces chiffres-là et avoir des cibles beaucoup plus précises ou, à tout le moins, s'assurer que les personnes qui sont responsables de l'embauche atteignent les cibles.

Dans votre présentation, vous avez parlé du programme PRIIME. Le programme PRIIME est un nouveau programme qui a été mis sur pied l'an passé, qui s'inscrivait dans la foulée du plan d'action du gouvernement. C'est un programme dans lequel ont été investis 5,3 millions de dollars la première année, il y a eu 600 participants. Les dernières statistiques qu'on a eues nous disent clairement qu'il y a à peu près 6 % des personnes qui ne sont plus en emploi, 72 % sont toujours en emploi, et la balance du pourcentage est des gens que nous n'avons pas réussi à rejoindre. Donc, on peut présumer qu'ils sont sur le marché du travail, puisqu'ils ne sont pas rejoignables à la maison. Donc, on sait que c'est un programme qui donne de bons résultats, mais c'est un nouveau programme qui est dans sa deuxième année d'opération.

Par contre, je pense qu'il faut faire attention aussi parce que oui, le programme PRIIME, c'est un bon programme, ça peut être un bon outil, comme on peut développer d'autres outils aussi ou doter des incitatifs financiers au niveau des entreprises, je vous l'accorde. Peut-être que ça pourrait être intéressant. Mais il ne faut pas partir du principe que tous les immigrants ne travaillent pas non plus lorsqu'ils arrivent ici. Sur les 44 000 immigrants qui ont été admis en 2005, il y en a à peu près 60 % qui sont en âge de travailler, O.K., donc ce qui nous donne à peu près 25 000 immigrants. Le taux de chômage est à 14 %. Ça fait que, si on fait une adéquation, on parle de 3 500 chômeurs pour une année, évidemment. Donc, il est évident que le programme PRIIME qui a été en mesure de desservir 600 personnes, c'est à peu près 20 % d'une année, oui, c'est un pas dans la bonne direction. On a des bons résultats, mais effectivement je pense que le gouvernement devrait peut-être aller un peu plus loin. Parce qu'il ne faut pas partir du principe que ça prend absolument un programme pour tous les gens, alors qu'il y a des gens qui arrivent ici avec des offres d'emploi. Et il y a des gens qui ne sont pas en âge de travailler non plus.

Ça fait que c'est évident que des programmes comme ça, ça a sa raison d'être et, oui, ça en prend plus, mais il faut comprendre aussi que c'est un nouveau programme qui a été mis en place.

J'aimerais peut-être débuter avec une question par rapport à l'emploi chez les jeunes des communautés culturelles en vous demandant comment on peut favoriser leur insertion en emploi et qu'est-ce que vous pensez de l'idée du curriculum vitae, puisque vous avez abordé la question, monsieur, où on pourrait peut-être modifier notre approche. Vous savez que, dans les années quatre-vingt, en tout cas lorsque moi je suis arrivée sur le marché du travail, dans nos C.V., on marquait notre date de naissance, et il a été jugé que c'était une donnée discriminatoire parce qu'on pouvait faire de la discrimination sur la base de l'âge en disant: Une personne trop jeune, pas fiable, une femme en âge d'avoir des enfants, personne qui peut être sur le bord de prendre sa retraite, etc. On pouvait éliminer certaines catégories de personnes. Maintenant, on ne peut plus le faire.

Qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait changer sur les curriculum vitae actuels ou enlever pour faire en sorte qu'il n'y ait pas une discrimination, sur le papier, qui se fasse?

M. Laaroussi (Salim): C'est une question très précise et en détail. Je pense qu'on pourrait y aller par certaines mesures. Je ne sais pas jusqu'à quel point c'est réalisable de rendre le curriculum vitae anonyme, si c'est vers là que vous voulez tendre, mais le curriculum vitae, ce n'est pas ce qui empêche, en tant que tel, une personne. C'est vrai qu'il y a le préjugé dû à la lecture du nom, mais c'est ce préjugé-là qu'il faut attaquer et non pas la forme ou l'outil qu'on utilise.

Donc, c'est vraiment de préparer les employeurs à recruter, d'avoir des mesures de stage. On a parlé d'un organisme qui fonctionne très bien en Ontario, carrières professionnelles et Avantage Carrière. Cet organisme, il a placé plus de 6 000 jeunes en stage. Je n'ai plus les chiffres exacts, mais c'était dans le bilan d'action du groupe de travail Québec pluriel. C'est l'annexe 4. Donc, c'est par rapport aux interventions sur le marché du travail pour que le marché du travail soit prêt à accepter ces jeunes-là et non pas l'inverse. Je pense que l'inverse, c'est justement l'approche du gouvernement depuis très longtemps, de se concentrer sur ces populations, de leur donner des outils, etc., mais on a oublié de faire en sorte que le marché du travail soit accueillant pour que ces gens-là aient une place.

On sait que, par exemple, au Québec, c'est beaucoup de PME, que la PME, bien ça marche... le recrutement, d'une manière générale, au Québec, se fait par réseau, se fait par réseau de contacts, etc. Les gens qui sont dans la fonction publique, le phénomène est très simple, peut s'expliquer sans parler même de racisme: j'ai un frère, une belle-soeur, un ami de la famille, un jeune qui ne sait pas trop quoi faire ou qui veut aller à la fonction publique, je vais le favoriser, je vais lui expliquer quel programme parce que, moi, je suis déjà de la fonction publique. Et c'est un système de recrutement qui s'autorégule et qui fait en sorte que ceux qui étaient à l'extérieur ont du mal à rentrer.

C'est pour ça qu'on parle de discrimination positive. C'est qu'à un moment il va falloir forcer des portes pour permettre à un certain nombre de personnes des communautés culturelles d'entrer dans cette machine, dans ce système et qu'eux-mêmes par la suite pratiquent les mêmes procédures. C'est-à-dire ça marche sur le lien de confiance, de recommandation: Bien, très bien, moi, je connais un jeune, un jeune Haïtien compétent, qui a fait ses diplômes, etc., qui pourra rentrer ou un jeune Marocain, etc.

Donc, c'est plus sur cette forme-là et c'est pour ça qu'il faudrait... On parle de quota ou de discrimination positive, mais c'est plus à ce niveau-là qu'il faudrait agir.

J'aimerais revenir juste sur un des chiffres que vous avez évoqués, le taux d'embauche. Félicitations pour l'avoir augmenté à 14 %, mais, en valeur absolue, ça reste le même nombre d'embauches, ça reste 50 emplois qui sont recrutés par année dans toute la fonction. C'est 50 personnes qui sont recrutées, et ça, ça fait depuis six ans. Ce qui s'est passé, pourquoi le taux d'embauche a augmenté, c'est que la fonction publique, au lieu de recruter 2 000 à 3 000 personnes par année, a réduit son taux de recrutement, enfin son nombre de recrutement absolu à 800 personnes. C'est vrai que, quand on prend 50 personnes par rapport à 800 personnes, c'est intéressant et c'est beau, il faut continuer, parce que ça aurait pu réduire à 32 personnes, mais, en chiffres absolus, c'est toujours le même nombre de personnes qui est recruté au gouvernement. C'est les chiffres du Conseil du trésor.

Mme Thériault: ...par contre je voudrais juste préciser que le taux d'embauche et le taux de représentativité sont très différents. Le taux d'embauche, c'est le taux d'embauche. Si on embauche 500 personnes, il y a 14 % qui sont en fonction des groupes cibles. Là, après ça il faut le retransposer dans les chiffres de la fonction publique, sauf qu'au niveau de l'embauche...

M. Laaroussi (Salim): Oui, oui. Moi, je ne parle pas des chiffres globaux.

Mme Thériault: Bien, c'est ça, moi...

M. Laaroussi (Salim): Non, je ne parle pas des chiffres globaux, moi, je vous dis le...

Mme Thériault: ...moi, je vous dis que c'est au niveau de l'embauche qu'il faut faire attention parce que c'est là qu'on va réussir à augmenter les chiffres dans la fonction publique.

M. Laaroussi (Salim): Ce qu'on me dit, c'est qu'au niveau de l'embauche, depuis cinq ans, on a embauché 50 personnes par année. En valeur absolue, c'est 50 personnes des communautés cibles qui ont été recrutées, sauf qu'il y a des années où ça a été, dans le bassin total de recrutement... Enfin, les gens qu'on a recrutés, au complet c'était 2 000 personnes, 2 500. Là, on est tombé, avec les compressions, la réingénierie de l'État, etc., on est à 800 personnes qui sont recrutées par année, mais on continue de recruter le même nombre d'immigrants, c'est-à-dire 50 personnes.

Donc, c'est parce qu'on a décru l'ensemble de notre recrutement que ce taux d'embauche a augmenté, mais, en absolu, ça n'a pas changé. C'est ça que je voulais dire.

Mme Thériault: Mais je pense qu'il faut faire attention aussi. Il y a la volonté politique, lorsque ton embauche, elle est surveillée, de t'assurer que tes 800 postes ne sont pas occupés que par des Blancs francophones, québécois, traditionnels. Là, c'est la responsabilité politique qui rentre en ligne de compte et c'est le résultat qu'on voit avec l'augmentation de 4 % à 14 %, parce qu'ils auraient très bien pu aussi dire: Bien, c'est correct, on embauche le nombre de postes qu'on a, et c'est tout.

Je comprends que, toutes proportions gardées, on embauche moins, mais on s'est assurés d'augmenter quand même la représentativité, puis ça, je pense qu'on ne peut pas négliger cet effort-là.

M. Laaroussi (Salim): ...négliger, je voulais juste ramener ? on parle de pourcentage, donc c'est relatif; je voulais juste ramener ? ça sur l'absolu. C'est que c'est toujours 50 personnes qui sont embauchées. C'est tout.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous, du Comité aviseur-jeunes. M. Serraji, M. Laaroussi, Mme Trottier-Santerre et Mme Lacombe, bonjour. Merci pour le mémoire que vous avez déposé, qui est bien documenté, puis pour votre présentation. Merci également pour les informations que vous nous apportez.

C'est sûr, pour revenir, là, sur le thème de l'embauche dans la fonction publique, c'est évident que c'est un aspect fort important, puis, comme la ministre l'a mentionné, je pense qu'il y a une responsabilité conjointe des gouvernements passés dans les résultats qu'on a obtenus. Mais c'est sûr que c'est quand même important d'apporter, d'avoir les deux en fait, de pouvoir évaluer en termes de pourcentage de représentativité mais également en termes absolus. C'est sûr que, d'un côté, il y a une volonté mais, de l'autre côté, bon, on réduit la fonction publique, donc les résultats finalement... Parce qu'au bout du compte l'important c'est de voir aussi combien de personnes dans la société québécoise oeuvrent dans la fonction publique et donc peuvent acquérir une expérience. Puis, quand on parle de décrocher le téléphone puis de pouvoir parler à un fonctionnaire qui est issu de l'immigration, des minorités visibles, bien c'est important de le voir en chiffres. Puis je pense qu'il va falloir ? puis je pense que c'est la volonté également du gouvernement ? mettre plus d'efforts encore pour pouvoir augmenter les niveaux. Puis ça, je pense que votre message est bien entendu de part et d'autre, ici, de... bien, ici, là, en cette commission.

n(10 h 50)n

Vous parlez, dans votre mémoire, bon, dans un... je vous cite: «Dans un premier temps, il importe de rappeler que, si une politique de lutte contre le racisme et la discrimination devait voir le jour, la discrimination en emploi devrait être sa pierre angulaire.» Vous avez cité un exemple important, ou en tout cas qui porte à réfléchir, concernant une personne immigrante russe. Puis c'est sûr que c'est assez troublant d'entendre, bon: On peut endurer le racisme, mais non le chômage. Bref, il y a assez un consensus, dans cette commission-là, sur le fait que la lutte aux inégalités socioéconomiques, c'est un aspect important, donc la lutte contre le chômage puis l'insertion en emploi.

Maintenant, vous avez parlé du programme PRIIME. J'aimerais vous entendre un peu. Vous avez parlé d'une initiative qui se fait également dans une province voisine. J'aimerais vous entendre sur les meilleures pratiques puis sur ce qui se fait actuellement. Est-ce qu'on doit aller plus loin? Bon. On a entendu également les statistiques concernant le programme PRIIME. Je pense que les statistiques parlent d'elles-mêmes: 600 personnes qui ont été placées par PRIIME, c'est bien. Je pense qu'on doit aller plus loin parce qu'on parle, avec ce que la ministre nous a mentionné, de 3 500 chômeurs pour une année donc dans les vagues d'immigration qui arrivent chaque année. Mais en même temps à ça il faut ajouter, comme on l'a mentionné, les deuxième et troisième générations, donc les minorités visibles qui sont admissibles à PRIIME. Donc, ça augmente encore plus que 3 500 personnes potentiellement qui pourraient y avoir accès à chaque année.

Donc, je voudrais vous entendre sur les meilleures pratiques. Dans quoi on doit aller plus loin? Est-ce que les budgets doivent être augmentés? Les ressources? Qui doit gérer? Est-ce que c'est Emploi-Québec, les organismes communautaires? Est-ce qu'on doit privilégier les organismes communautaires? Bref, je vous pose une question assez large, puisque vous avez des compétences dans ça.

M. Laaroussi (Salim): Bien, tout simplement pour parler de PRIIME, effectivement c'est un excellent programme. C'est un nouveau programme qui porte ses fruits.

Maintenant, nous, on est là pour clarifier les améliorations à apporter, les améliorations. C'est sûr que ce programme-là n'a pas le budget dont il aurait besoin pour être encore plus efficace. Donc, il faut augmenter les budgets, c'est sûr. Et il faudra mieux la diffuser, l'information. Donc, il y a beaucoup d'immigrants qui ne sont même pas au courant de cette mesure, que ça existe. C'est plus les plus débrouillards, ceux qui vont toujours se tenir informés qui vont toujours être à la course à la subvention à ci, à ça, aux différentes mesures d'Emploi-Québec: Ah, il y a un nouveau programme. On va s'essayer sur le nouveau programme. Puis, bon, ça fait boule de neige. Mais il n'y a pas de phénomène vraiment de diffusion claire, nette. Il faudrait que les gens soient encore plus informés que ça existe et il faudrait remettre plus d'argent, il faudrait mettre plus d'argent dans ce programme-là. C'est les deux volets qu'on verrait au niveau de l'amélioration. Sinon, sur la base du programme, c'est très bon, puis les taux de réussite sont éloquents, comme l'a dit la ministre.

Par contre, ça m'amène sur la question globale du financement du milieu communautaire, bon, parce qu'il y a PRIIME, qui est un... gouvernemental, mais il y a aussi l'ensemble des organismes communautaires qui oeuvrent dans ce domaine. Et vous en avez vu plusieurs venir vous parler à cette table-là. Puis ça, je vais laisser ma collègue Danielle Lacombe vous en parler, sur comment mieux soutenir et profiter de l'expertise de ce milieu.

Mme Lacombe (Danielle): Je n'ai pas la prétention de connaître l'ensemble des interventions dont le milieu communautaire fait sur le territoire québécois, plus précisément peut-être à Montréal, toutefois ce que je peux vous assurer, c'est qu'il y a une valeur qui est constante, c'est l'intérêt et la motivation des employés qui oeuvrent auprès de cette clientèle immigrante là ou les nouveaux arrivants.

Donc, c'est sûr qu'au niveau du financement de ces organismes communautaires il y aurait un coup de barre à donner sur la pérennité du financement. Il y a quand même des belles réussites au Québec, au niveau du milieu communautaire, au niveau du financement. Si on parle du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec, qu'ils ont un financement triennal assuré, eh bien, on les envie un peu, puisque certains d'entre nous bénéficient de subventions annuelles qui sont toujours un peu avec l'épée de Damoclès au niveau des indicateurs de résultat et de performance que l'on doit atteindre. Donc, c'est ça. Pour répondre à votre question, advenant le cas où il y aurait une pérennité au niveau du financement pour les interventions directes auprès de cette clientèle-là, c'est sûr que ça faciliterait la continuité de l'intervention.

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Je pense qu'il y a un complément de réponse. Monsieur, vous aviez un complément de réponse?

M. Serraji (Hassan): Oui, oui. C'est par rapport aux deux questions, mais ça rejoint même la question de Mme la députée de l'opposition et aussi Mme la ministre.

C'est par rapport aux C.V. Nous, dans notre façon de présenter les propositions, on propose quelque chose qui est complémentaire. Et ce n'est pas par des mesures comme on trouvait un C.V. qui n'est pas... On peut éliminer les gens par rapport aux C.V. On ne peut jamais avoir un C.V. On peut trouver toujours des traces de nos origines, où on a... Mais la façon avec laquelle, nous, on a pensé nos propositions, c'est d'avoir une idée globale, la pérennité d'abord des centres communautaires qui travaillent, qui sont dans le... avec cette population.

Aussi, on a parlé du PRIIME. Il faut le bonifier, mettre beaucoup d'argent pour ce genre de programme parce qu'il vaut mieux donner de l'argent pour des gens pour les intégrer que de leur donner l'aide sociale. Mais aussi on a parlé pour une sorte de compagnonnage professionnel. On sait que juste hier il y avait un dossier sur le journal La Presse, qui parle du coût que ça engendre pour le gouvernement, par exemple, les mesures de dépannage pour les pharmaciens. D'abord, on sait qu'aussi le coût pour passer les examens des ordres professionnels sont exorbitants. Dans certains cas, ça avoisine les 800 $ qu'on perd si on ne réussit pas l'examen. Donc, dans sa totalité, nous...

Mme Lefebvre: Est-ce que vous avez des exemples concrets sur les tarifs des ordres professionnels?

M. Serraji (Hassan): Par rapport à certains de mes participants qui... Par exemple, dans l'Ordre des pharmaciens, il y a certains des examens, ça varie entre 400 $ et 800 $. Et, si tu rates l'examen, tu perds les 800 $. Et les gens, quand ils entendent ça, ils ne vont pas... On a parlé que le taux de chômage peut-être est réduit dans cette population, mais dans quelle sorte d'emploi? C'est la précarité de l'emploi. Si on trouve un pharmacien qui travaille ? je ne veux pas vous donner un cliché ? comme chauffeur de taxi ou qui travaille dans un dépanneur, il travaille, mais est-ce qu'il travaille dans... C'est ça. Toutes les mesures doivent être complémentaires. C'est ça, le complément de réponse. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée.

Mme Lefebvre: O.K. Bien, je vous remercie beaucoup de cette précision. Puis c'est vrai que ça, c'est une question qu'on a peu abordée, les ordres professionnels par rapport aux tarifs pour être admissible à faire la reconnaissance, finalement, parce que c'est un aspect important lorsqu'on arrive ici. Souvent, les personnes ont peu de moyens, bien dans certains cas, du moins.

Par rapport aux organismes communautaires, tout à l'heure vous parliez de la pérennité du financement et des programmes. Est-ce que vous avez des exemples précis de programmes, par exemple, qui fonctionnent, qui fonctionnaient bien puis que c'est difficile pour les organismes de poursuivre?

Mme Lacombe (Danielle): Je n'ai pas d'exemple précis parce que, moi, dans mon organisme, je ne suis pas un organisme immigrant, donc... Mais toutefois ce que je peux vous assurer, c'est que, dans l'ensemble des interventions qui sont mises de l'avant par les organismes spécialisés au niveau des immigrants, il y a des réussites.

Je ne peux pas vous les nommer parce que je ne les maîtrise pas et je ne voudrais pas vous induire en erreur. Toutefois, c'est très clair que, lorsqu'on vit la précarité au niveau de nos emplois et au niveau de nos projets, la durabilité des projets, c'est difficile de voir l'impact positif qu'on a eu sur un nouvel arrivant par rapport à son intégration. Ce n'est pas parce qu'on ne souhaite pas l'accompagner jusqu'au bout, sauf que c'est souvent par manque de financement. Et, comme je le disais dans mon texte, c'est aussi le fait qu'on est souvent subventionné pour des projets innovateurs. Il faut toujours faire nouveau, toujours de la nouveauté, changer un point-virgule et une accolade, et puis, à ce moment-là, on a un nouveau projet qui émerge. Mais, dans les finalités, si on regarde l'impact que ça a sur la clientèle qui est ciblée, bien c'est plus difficile d'aller jusqu'au bout d'une intervention.

Mme Lefebvre: C'est un aspect intéressant que vous soulevez parce que projet innovateur, bien pour nous, en tout cas pour moi, ça sonne, bon, on se projette dans le futur puis on tente d'innover puis d'amener des nouvelles solutions, mais en même temps, des fois, ce qu'on fait fonctionne bien, puis on n'est pas obligé de recommencer toujours et toujours.

Mme Lacombe (Danielle): Je dirais, un aspect qui serait important, en tout cas, c'est la consolidation, parce qu'il ne faut pas se le cacher, que les subventions gouvernementales dont les organismes au niveau de l'immigration bénéficient viennent du gouvernement. Donc, c'est nos argents qu'on investit dans ces programmes-là. Donc, ce serait bien de pouvoir les prolonger plus longuement dans le temps, afin de voir l'incidence positive qu'ils ont sur les clientèles cibles.

Mme Lefebvre: ...merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Il y a un complément de réponse. Oui.

M. Serraji (Hassan): Si vous voulez des exemples, moi, ça me vient à l'esprit. Par exemple, dans certains programmes préparatoires à l'emploi qui ont changé de forme, ils vont devenir ce qu'on appelle des SAE, c'est: le financement est réduit, les budgets seront réduits. Et il y a aussi... Dans le cas de Québec pluriel, il y avait un programme de mentorat qui a duré, je crois, juste une année et demie. Il va être fini en octobre. On ne l'a pas renouvelé pour plusieurs organismes communautaires, alors que ce genre de programmes ont donné des résultats concrets. Je n'ai pas les chiffres précis, mais c'est juste pour vous donner des exemples précis. Et aussi la précarité dans laquelle travaillent ces gens-là, vous savez qu'il y a un... On ne peut pas recruter des expertises pour travailler dans ce... de centre communautaire parce qu'et les salaires ne sont pas bons, et les conditions de travail ne sont pas aussi attractives pour la main-d'oeuvre qualifiée pour travailler là-dedans.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Il reste très peu de temps de chaque côté, donc je pourrais considérer une autre question de chaque côté. Mme la députée de Nelligan.

n(11 heures)n

Mme James: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vais y aller rapidement. Bonjour. Bienvenue. Je suis contente que vous soyez là et de la qualité de votre mémoire. Peut-être juste une mise au point par rapport au financement. J'écoutais l'échange que vous avez fait avec la députée de Laurier-Dorion et je pense que c'était important de se rappeler aussi que la majorité des organismes qui sont financés dans le cadre du programme PANA le sont... bien, tous les organismes qui sont financés dans le cadre de ce programme, c'est pour trois ans. Alors ça, c'est important de le dire. C'est un financement triennal. Et, dans le cas des organismes qui sont financés dans le cadre du programme PARCI, ils peuvent être... peuvent être financés, pardon, pour trois ans également, ce qui n'était pas le cas auparavant, sous le gouvernement précédent.

Tout ça pour vous dire que je comprends qu'il y a du chemin à faire, mais il y a des efforts qui sont faits et il faut le reconnaître également. Je vais y aller rapidement parce que sinon le président va m'interrompre pour me dire qu'il me manque du temps. J'ai été très heureuse de vous entendre sur plusieurs aspects. J'ai été évidemment frappée par le témoignage que vous avez rapporté par rapport à un citoyen d'origine africaine qui était au colloque des communautés culturelles du Parti libéral. D'ailleurs, je suis contente que vous ayez eu la chance d'assister puis j'ai même pu constater que même des collaborateurs du Parti québécois y étaient présents également, ça fait que ça démontre à quel point c'est un sujet important. Mais ce que j'ai retenu de ce propos, il nous a parlé du fait que c'est correct de tenir des propos discriminatoires et racistes envers la personne «en autant que je travaille, en autant que j'ai un emploi», ce qui n'est pas rare, parce que je le rejoins par rapport à la frustration qu'on peut vivre de ne pas avoir un emploi. Mais, lorsque j'étais en consultation, l'automne dernier, avec mes collègues, sur la pleine participation des communautés noires, on a abordé et les difficultés d'aller chercher un emploi, mais ce qu'il est important de retenir également, c'étaient ceux qui nous disaient: Une fois qu'on décroche cet emploi-là, ce qui est difficile aussi, c'est quand on est dans un environnement où les gens ne sont pas prêts à nous accepter, ce qui fait en sorte que c'est une expérience qu'on ne peut pas vivre de façon saine.

Et souvent ce qui arrive ? puis ça, on ne les voit pas dans les statistiques ? ces gens-là ne restent pas dans ce milieu de travail là. Où est-ce que je veux en venir, c'est de vous demander les mesures qu'on devrait prendre pour s'assurer, dans un milieu de travail, non seulement au sein de l'action gouvernementale, des organismes publics et parapublics, mais dans le privé également, les mesures qui devront être prises pour la sensibilisation. Vous avez parlé des campagnes de sensibilisation. Mais plus spécifiquement dans le milieu de travail. Est-ce que vous avez des suggestions à nous apporter?

Le Président (M. Brodeur): Très brièvement.

M. Laaroussi (Salim): Très brièvement. Ce serait tout simplement de la formation pour les employeurs, qu'ils aient des cours pour intégrer les différentes cultures.

Ce qu'on a voulu illustrer par notre exemple, c'est que, quand il dit: Traitez-moi de nègre ou de ce que vous voulez, mais donnez-moi une job, c'est qu'il n'y a rien qui fait plus mal que le porte-monnaie, il n'y a rien qui fait plus mal que, quand on rentre chez soi, on ne puisse pas nourrir sa famille, qu'on ne puisse pas habiller ses enfants, etc. Une personne est toujours prête à subir certaines injustices, du moment que le gagne-pain, il est là, du moment qu'il a...

Puis, je vous dirais, un directeur d'entreprise, quelqu'un qui serait président-directeur général d'Hydro-Québec, il a beau se faire traiter de ce que vous voulez par la rue, par qui vous voulez, il est directeur d'Hydro-Québec, il sait ce qu'il vaut, il travaille avec des collègues puis il ne va pas donner d'importance à ça. On sait qu'il y a des gens qui peuvent dire des niaiseries, il y en a qui sont pour la guerre, il y en a qui sont pour plein de choses ? on ne peut pas contrôler la pensée de tout le monde, on est obligés de composer avec ? mais ce qui est important, c'est que, nous, on puisse avoir un emploi à la hauteur de nos qualifications, à la hauteur de nos aspirations, qu'on puisse progresser, avoir un plan de carrière, une perspective d'avenir intéressante, égale avec tout le monde.

Par rapport aux employés... ou enfin aux employeurs, pardon, il y a un travail de sensibilisation mais qui se fait dès le plus jeune âge. Nous, on invite le gouvernement à prendre des mesures comme l'exemple, dans Enjeux, sur la discrimination et enseigner la discrimination dès le plus jeune âge, favoriser l'école publique, laïque et multiculturelle où tout le monde cohabite ensemble, les Noirs, les Africains, les Arabes, peu importe les ethnies, ou les religions, ou le sexe, que ce soit brassé, que ce soit mélangé. C'est par là qu'on lutte dès le départ sur les préjugés et la discrimination. Et bien sûr, bien, il faut des campagnes, il faut des grosses campagnes médiatiques, il faut des mesures coercitives. Il faut que la Commission des droits de la personne puisse avoir un premier jugement, que ça ne lui prenne pas deux ans et demi pour avoir son jugement mais que ce soit plus rapide, qu'il y ait plus de moyens dans cette commission de la personne justement pour que les gens, ils aient envie de faire des recours.

Puis c'est un système. Comment on a fait pour arrêter la vitesse, les excès de vitesse sur la route? On a mis des infractions, on est rentré dans les moyens coercitifs. Puis, les gens, quand on touche à leur porte-monnaie, quand on leur met des amendes, eh bien, ça les fait réfléchir à deux fois. Il n'y a pas de secret, il faut être proactifs et il faut vraiment une volonté politique. Merci.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe. Pour une courte question, M. le député.

M. Dion: Merci, M. le Président. Mais je ne peux passer sous silence une chose extrêmement importante pour moi, c'est que ce petit document de votre présentation révisée me semble absolument incontournable pour quelqu'un qui veut faire une politique de lutte contre le racisme. Et c'est tellement bien dit, tellement synthétisé, les idées, que je pense que Mme la ministre perçoit ça de la même façon que moi.

Mais j'ai très peu de temps, alors ce que je voudrais vous poser, c'est la question suivante. Vous parlez de tolérance. Au début, vous avez parlé de l'importance de la tolérance. Moi, je soumets respectueusement ? et c'est probablement ça que vous avez derrière la tête ? qu'il faut plus que la tolérance, il faut l'acceptation pour que les gens acceptent la différence pour employer la différence. Alors, comment peut-on faire ça, développer, chez les employeurs, l'acceptation de la différence?

Et, deuxièmement, si vous avez d'autres choses à ajouter que vous n'avez pas eu le temps de dire et auxquelles vous tenez, profitez-en.

Mme Lacombe (Danielle): Bien, moi, je crois que le gouvernement s'est doté d'organismes communautaires performants au niveau de l'immigration par les programmes dont Mme la ministre... Et la députée m'a complétée. Je l'en remercie, d'ailleurs. Mais je crois qu'il y a un arrimage très intéressant à faire entre le milieu communautaire et les entreprises parce qu'on a développé des expertises dans le milieu communautaire, et ça devient complémentaire aux entreprises privées qui ont, elles, leurs propres créneaux d'entreprise.

Donc, je crois que l'expertise qui a été développée là pourrait très bien être profitable pour une compagnie ou une entreprise diversifiées qui voudraient intégrer des nouveaux arrivants.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons.

Donc, je remercie le Comité aviseur-jeunes et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

 

(Reprise à 11 h 9)

Le Président (M. Brodeur): ...nos travaux, et je demanderais à Solidarité ethnique régionale de la Yamaska de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Bienvenue en commission parlementaire, une bienvenue spéciale parce que vous êtes des gens de mon comté, donc on se connaît bien.

Une voix: ...

n(11 h 10)n

Le Président (M. Brodeur): Le plus beau comté, la ministre dit, de l'Estrie, mais c'est peut-être de la Montérégie, ou de l'Estrie, ou d'une nouvelle région administrative, sait-on jamais.

Donc, bienvenue en commission parlementaire, et je suis fier de vous recevoir, vous qui êtes un organisme des plus performants dont nous sommes très fiers dans notre région. Donc, merci d'avoir accepté l'invitation de la commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission qui sont les mêmes que depuis ce matin. Donc, vous avez un temps maximal de 15 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, même si on se connaît bien, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier et de présenter immédiatement votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos. La parole est à vous.

Solidarité ethnique régionale
de la Yamaska (SERY)

Mme Pravert (Anne-Laure): Merci. Donc, Anne-Laure Pravert, directrice générale de l'organisme Solidarité ethnique régionale de la Yamaska.

Une voix: ...je suis président du conseil d'administration de SERY, qui est Solidarité ethnique régionale de Yamaska.

Mme Pravert (Anne-Laure): Voilà. Donc, c'est moi qui vais vous faire un bref énoncé du mémoire qu'on a déposé.

Le premier point, c'est que SERY a participé à l'élaboration du mémoire de la CRE Montérégie-Est, mais on trouvait intéressant de pouvoir vous déposer également un portrait peut-être un peu plus local de ce que peuvent vivre les immigrants et les organismes en immigration au niveau des régions comme celle de la Haute-Yamaska et Brome-Missisquoi, puisque SERY existe depuis 1992, et dessert ces deux territoires, et a pour mission principale l'accueil et l'intégration des personnes immigrantes. Notre clientèle principale: 70 % de notre clientèle est des réfugiés. Pour le reste, il y a quelques réunifications familiales et également l'arrivée assez constante de personnes indépendantes, avec le statut indépendant. Donc, on sert beaucoup, beaucoup de personnes réfugiées, beaucoup d'allophones mais également des immigrants indépendants ayant le statut d'indépendant.

Je vais vous faire un bref énoncé peut-être des services qu'offre l'organisme pour que vous ayez une idée assez générale de ce qu'on offre en région, et puis après on rentrera dans une deuxième partie, dans le vif du sujet.

Donc, le premier service qui est offert dans le cadre, on le nommait tout à l'heure, du PANA est le service accueil. Donc, c'est un service incontournable et essentiel pour les personnes nouvellement arrivées et particulièrement la clientèle réfugiée, puisqu'il offre des besoins au niveau de l'installation de base de ces personnes réfugiées, des familles réfugiées en région et également indépendantes. Quand on parle de besoins de base, on pense bien sûr à l'aide directe comme la recherche de logement, l'interprétariat, l'aide pour compléter les formulaires gouvernementaux, les inscriptions aux écoles puis également un support informel social, bien sûr d'écoute et d'accompagnement, je dirais, dans les premiers jours d'installation de la personne. Ce service accueil est essentiel, mais on a également un autre service, service d'aide à l'emploi, qui, lui, est financé actuellement par une partie du PANA mais également par Emploi-Québec et qui permet d'offrir à la personne, quand elle est francisée bien sûr, un soutien dans sa recherche d'emploi ou un soutien pour un retour aux études ou également dans de la formation professionnelle.

Il y a également un service régionalisation qui est également financé par le ministère de l'Immigration, qui, lui, permet d'assurer la promotion et de rendre attractive notre région auprès des personnes immigrantes plus qualifiées ayant un statut... pour la plupart ou en voie d'être immigrants indépendants au Canada. Et ce service donc permet de contacter les personnes directement dans leurs pays par Internet ou en se déplaçant et en allant sur Montréal ou à Longueuil pour présenter la région auprès de ces clientèles, afin de faire l'attraction de notre région pour l'installation de ces nouvelles familles.

On a bien sûr un service qui, je dirais, lui, est essentiel pour le bon fonctionnement d'un organisme comme SERY, un organisme en région, c'est le service bénévolat. Il faut voir qu'actuellement on a une banque d'à peu près 100 à 130 bénévoles qui nous accompagnent à tous les jours dans notre travail, dans notre mission. Ces bénévoles, qu'est-ce qu'ils font? Beaucoup, beaucoup de services d'interprétariat, parce qu'il faut voir que l'organisme n'est pas financé, ne reçoit pas de subvention pour faire de l'interprétariat. Donc, bien souvent, ce sont les bénévoles qui vont nous aider dans toutes nos démarches, au niveau de l'accueil essentiellement, de l'accompagnement, de l'installation, etc., où les bénévoles vont être très présents. Ils vont être présents également dans les pratiques de français, dans du jumelage informel, au niveau des activités socioculturelles. Donc, ils sont très présents. On a même des bénévoles qui sont pratiquement employés de l'organisme et qu'on voit, à tous les jours, avec nous. Ce service, malheureusement, a toujours de grosses difficultés de financement, et à chaque année on cherche, par tous les moyens, de maintenir une enveloppe budgétaire afin de conserver ce service qui est essentiel.

On a également un autre service qui, pour notre part, nous paraît essentiel pour l'intégration notamment des enfants et des familles immigrantes qui s'installent en région, on parle d'un service d'aide à l'intégration scolaire. Sans le détailler trop, c'est un service qui va permettre le lien école, famille, communauté ? je vais peut-être y revenir tout à l'heure, donc je n'en dirai pas plus ? également un service très difficile à financer.

Également, un autre service, petite enfance, qu'on a mis en place pour les familles de 0-5 ans, où là on va faire beaucoup, beaucoup de références, on va aider les familles au niveau de tout ce qui est garderie, programme d'accompagnement, comme les programmes OLO offerts par les CSSS. On a bien sûr la francisation, la francisation en région qui est offerte d'une part par l'organisme... et également par le cégep de la région, où les cours de francisation financés par le MICC sont offerts. Puis on a développé également d'autres services de francisation, mais j'y reviendrai, et un comité socioculturel qui essaie de mettre en place, d'une manière quotidienne, des activités de rapprochement interculturel entre la population d'accueil, et les personnes immigrantes, et les nouveaux arrivants.

Au niveau des recommandations, c'est évident qu'un des premiers maillons pour aider à l'intégration et combattre les préjugés, le racisme et la discrimination, c'est l'accès à l'emploi. On s'entend. Et, pour accéder à un emploi de qualité, ça passe par une francisation plus accrue et plus adéquate. On s'entend que, dans le monde du travail, actuellement l'écrit a de plus en plus sa place si on veut se prévaloir d'un métier ou d'un poste professionnel qui équivaut à nos aspirations. Même les postes de journalier maintenant, on a souvent des rapports écrits à remettre ou à lire des consignes au niveau des machines. Et on se rend compte que la francisation, telle qu'elle est offerte par le ministère de l'Immigration, permet peut-être d'acquérir, je dirais, un français social surtout au niveau du parler, mais, au niveau de l'écrit, il y a encore une étape à faire. Donc, une francisation plus accrue, une francisation accessible aussi parce qu'il faut voir qu'en région il faut attendre qu'on ait un quota déterminé pour pouvoir ouvrir une classe. Donc, des personnes peuvent être isolées à peu près une période de six mois d'attente pour accéder à des cours de francisation. Pourquoi je mets l'accent là-dessus? Parce que 70 % de notre clientèle est allophone.

Donc, pour nous la première façon de s'intégrer dans une nouvelle société, c'est bien sûr la langue. Et, des outils complémentaires, je peux vous en donner des exemples très concrets qui sont faits en région. Par exemple, avec le cégep on a créé un niveau, un nouveau niveau après les cours d'immigration pour donner la possibilité aux personnes qui souhaitaient un retour aux études ou accéder à un emploi où il y a beaucoup d'écrits, la mise en place d'une A.E.C., attestation d'études collégiales. Il y a également des maillages avec le CRIF, le centre de formation aux adultes, pour des cours du soir, des cours à temps partiel qui sont autant donnés au CRIF mais également à SERY. Donc, on essaie d'offrir quelque part un programme de francisation plus important à ces personnes et on pense que ça, c'est une réussite pour la personne immigrante quant à son intégration.

Bien sûr, la reconnaissance des acquis professionnels, j'imagine que ce n'est pas la première fois que vous entendez ça. Je sais qu'il y a déjà beaucoup de travail qui est fait actuellement par le ministère de l'Immigration pour faciliter l'accessibilité aux ordres professionnels pour cette clientèle, mais je pense qu'il faut continuer et peut-être même mettre encore plus d'énergie à ce niveau-là parce qu'il y a beaucoup de personnes immigrantes qui vont vivre des échecs. C'est évident qu'il y a tout un processus quand on arrive dans un nouveau pays, et je connais également beaucoup de personnes de statut indépendant qui repartent chez elles par rapport à cette problématique de reconnaissance des ordres professionnels. Alors ça, ça s'assouplit, mais je pense qu'il y a encore beaucoup, beaucoup d'emphase à mettre dans ce dossier-là. Et on a tout à gagner de garder nos gens qualifiés, nos personnes immigrantes qualifiées sur nos territoires.

Le parrainage, nous pensons également que c'est une bonne solution pour travailler aux problèmes de discrimination. Le parrainage, c'est permettre, dans le milieu de l'entreprise, de parrainer un employé nouvellement arrivé avec un employé qui est là depuis un certain temps.

n(11 h 20)n

Je sais que ça se fait un petit peu dans le programme PRIIME que nous mettons en place, mais, s'il pouvait y avoir diffusion de cette mise en place peut-être en sensibilisant les entreprises ou en donnant aussi à l'organisme un mandat qui peut peut-être faire un suivi plus près des nouveaux employés immigrants dans les entreprises afin d'accompagner l'employeur, parce qu'on parle beaucoup de PME ou de petites entreprises où les moyens ne sont pas toujours évidents pour permettre ça... Mais l'organisme, s'il peut avoir une enveloppe et ouvrir ce volet-là, je pense que c'est une façon également de gagner du terrain au niveau du monde de l'entreprise.

Bien sûr, les formations et programmes de sensibilisation. Je pense que c'est important que les entreprises... La discrimination, c'est beaucoup par l'éducation, l'information et la sensibilisation, et malheureusement, quand on invite les entreprises à des colloques ou à des formations, surtout les petites et moyennes entreprises, on a de la difficulté à les rejoindre, ils viennent peu, ils sont surchargés. Bon. C'est le monde des affaires. Mais un outil qu'on a mis en place, et je pense que ça peut être un bon moyen, c'est d'aller les rencontrer, se déplacer, d'utiliser un petit outil papier qui est très clair, avec peu de texte, qui explique le portrait de l'immigration aujourd'hui, pourquoi on fait venir des personnes immigrantes sur notre territoire, l'impact pour ces entreprises, le portrait au niveau des qualifications professionnelles de ces personnes-là, qu'est-ce que l'organisme peut faire pour l'entreprise afin de la soutenir, quels sont les programmes, comme le programme PRIIME, les subventions... qui peuvent être offertes à l'entreprise pour l'embauche des personnes immigrantes, un petit guide qu'on a mis en place.

Et on a contacté à peu près 200 entreprises. C'était un projet de trois mois, donc il fallait aller assez rapidement. On a pu quand même rejoindre, s'asseoir avec 80 patrons. Actuellement, on a plus d'appels d'entreprises que de main-d'oeuvre à placer. Pourquoi? Parce qu'on va leur parler directement, on va les sensibiliser, les informer. On prend peu de temps, et ils ont un outil très simple à utiliser. Avec les coordonnées, ils savent où appeler, et je pense que ça, c'est un bon moyen aussi pour sensibiliser les entreprises.

Je ne sais pas si je l'ai noté, là, mais une chose aussi qui est importante au niveau des entreprises, qu'est-ce qui aiderait à la lutte à la discrimination, c'est un outil en effet très important pour toute entreprise qui souhaite engager de la main-d'oeuvre immigrante, c'est qu'elle ait à l'intérieur une gestion des diversités culturelles, qu'il y ait une personne, un formateur, une personne-ressource qui vienne lui expliquer comment gérer les diversités interculturelles, culturelles dans son entreprise. Et une des premières choses que va lui dire ce formateur, c'est qu'en tant que patron, en tant que dirigeant d'entreprise, il a déjà à transmettre un message positif à ses employés et de leur expliquer pourquoi il embauche cette main-d'oeuvre. Et tout vient de là. Et ces personnes sont formées pour aider ces compagnies. Et, s'il y avait un soutien peut-être financier, il y aurait peut-être moins de discrimination dans les entreprises, les employés ou le patron.

Arrimage des besoins en région. C'est sûr que, si on connaissait plus en détail les réels besoins de la main-d'oeuvre des entreprises, là encore, par le contact direct, on pourrait arriver à faire plus d'arrimage entre les besoins réels des entreprises et les C.V., les candidats immigrants qu'on retrouve soit à Montréal ou soit dans leurs pays d'origine. Après, on a un volet éducation. Dans ce volet éducation, c'est sûr que lutter la discrimination, ça, c'est un volet qui me tient à coeur, parce que je pense qu'il ne faut pas juste commencer à l'emploi, il faut commencer à la base, et la base, le milieu scolaire, les écoles, le milieu de l'éducation sont un très, très bon milieu pour commencer à offrir des outils et à lutter contre le problème de racisme dans les écoles. Or, être financé juste pour faire l'inscription des enfants immigrants en milieu scolaire... il faut voir qu'en région on n'a pas de classe d'accueil, donc les enfants sont directement mis dans des classes régulières. Il ne suffit pas de pouvoir les inscrire, il faut faire tout un suivi, tout un suivi avec les enseignants qui souvent ne savent pas comment s'y prendre, tout un suivi à faire avec l'enfant, avec la famille quand les documents commencent à arriver à la maison, tout un suivi à faire au niveau de l'aide aux devoirs. Et c'est pourquoi, nous, on essaie à chaque année.

Ça fait quatre ans qu'on l'a mis en place, un service d'aide à l'intégration scolaire, qui fait le lien entre les écoles, l'enfant et la famille. On a de très, très beaux résultats. Malheureusement, là encore ? on parlait tout à l'heure de projets innovateurs ? il faut chaque fois innover. Cependant, ça, ça répond à des besoins de base. Puis on n'a pas besoin d'innover, c'est des services de base. On parle de l'échelle de... Ça commence à la base.

Santé et services sociaux, rapidement, accompagnement psychosocial.

Le Président (M. Brodeur): Je vais être obligé de vous demander de conclure en quelques secondes.

Mme Pravert (Anne-Laure): O.K. Bon. De toute façon, vous l'avez, le document, donc, hein? Mais rapidement, l'accompagnement psychosocial en région, il y a un gros hic. C'est sûr que, pour lutter à la discrimination, il faut que, nos personnes immigrantes, surtout je pense aux réfugiés avec les chocs post-traumatiques, il y a besoin d'un accompagnement. Et actuellement on travaille à un projet de banque d'interprètes pour avoir une meilleure accessibilité des services au niveau de la santé notamment, parce qu'actuellement, en région, ça, c'est une faiblesse. Donc, si ce n'est pas une ressource, ça peut être un service d'interprétariat qui va pouvoir aider la personne à s'en sortir.

Services de traduction, je viens de vous en parler, mais on ne parle pas juste au niveau de la santé, on parle de l'éducation, de la police, etc. Services régionalisés; pour faire venir les personnes en région, il faut les garder, donc plus les services peuvent être accessibles en région et non pas à Montréal, on garde nos personnes. Petite enfance, services; ça, je vous laisserais le lire. Sécurité publique et justice, bon, accessibilité à la banque d'interprètes, formation sur l'interculturalité et comités de ressources; ça, si vous voulez en savoir plus, bien vous me poserez des questions. Et puis ? je ne pensais pas que ça allait passer si vite ? les groupes vulnérables, formations, rencontres interculturelles; on donne également beaucoup d'ateliers dans les organismes, dans les institutions publiques. Ça marche très, très bien pour la sensibilisation. Les personnes arrivent avec plein, plein, plein de préjugés puis elles repartent avec le sourire.

Contacts directs. Très important. Les rencontres pour les personnes immigrantes, il ne faut pas les oublier. Leur donner envie d'aimer leur nouveau pays aussi. L'histoire du Québec, par exemple, ça marche très bien, ils font leurs racines tranquillement. Jumelage. Utiliser les médias. Et voilà, voilà, voilà. J'aurais voulu vous en dire plus, mais il y a la période de questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci. D'ailleurs, le président a fait un certain favoritisme à votre égard, vous avez dépassé de quelques minutes, mais on reprendra le temps sur la part des parlementaires.

Donc, je suis prêt à reconnaître immédiatement Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Pravert, M. Chraiet, merci d'être ici. Mme Pravert, soyez sans crainte, nous avons tous lu votre mémoire avec beaucoup d'attention, et toutes les recommandations seront analysées évidemment pour qu'on puisse en tenir compte dans notre politique. Prenez pour acquis que, chaque parlementaire ici, nous lisons avec beaucoup d'intérêt les mémoires qui nous sont soumis avant de rencontrer les groupes, évidemment. Donc, je pense que, d'un côté comme de l'autre, vous pouvez être assurée de notre lecture.

Je voudrais profiter aussi de votre passage en commission pour féliciter le travail que vous faites dans la région de la Montérégie. J'ai eu l'occasion d'aller vous rencontrer, d'aller sur le terrain voir le travail que vous faites avec les gens aussi et je sais que l'expérience et l'expertise que vous avez développées sur le terrain, elles sont réellement très précieuses, donc c'est pour ça que vos recommandations ont encore beaucoup plus de poids, je dirais, puisque c'est pris réellement sur le travail de tous les jours que vous faites sur le terrain. Puis je ne dis pas ça parce que c'est le président qui est là puis que vous êtes un organisme de son comté mais bien parce que vous faites réellement un travail extra, hors de l'ordinaire. Je pense qu'on ne le dit pas assez souvent. Donc, je me permettais de souligner votre bon travail.

J'aimerais peut-être arriver sur la reconnaissance des acquis. Bon. Vous savez tous qu'on travaille très fort au niveau de la reconnaissance des diplômes étrangers. Je tiens à vous rassurer, il y a déjà 14 ententes qui ont été signées depuis notre arrivée au gouvernement, 14 autres ententes sont en négociation, 4 millions de disponibles dans le budget spécifiquement pour les ordres professionnels. Et on est très conscients qu'on doit s'attaquer aussi aux métiers... non réglementés. Il y a beaucoup de travail dans ce domaine-là parce qu'effectivement, malheureusement, on n'a pas arrimé nécessairement les compétences qui arrivaient ici avec la réalité du marché du travail. Et malheureusement ça aurait dû être fait avant, donc, évidemment, on est obligés de prendre les bouchées doubles, si on peut dire.

Mais je veux que vous soyez bien consciente que pour le gouvernement c'est un enjeu qui est excessivement important. Je pense que les modifications qu'on a faites, le projet de loi qui a été adopté ? la loi n° 14 ? au mois de juin, pour les ordres professionnels pour leur permettre de faire des modifications dans le type de permis démontrent l'importance qu'on attache à cette question-là.

n(11 h 30)n

Et vous avez parlé aussi de l'importance d'aller dans les entreprises pour travailler avec elles sur ce que c'est, la gestion de la diversité culturelle. Je voudrais vous dire ? et je pense que c'est malheureusement quelque chose qui n'est pas très, très connu ? il y a un service qui est dispensé également au ministère, qu'on appelle le Service conseil en relations interculturelles, qui existe depuis maintenant un an et demi, où on fait de la sensibilisation auprès des entreprises pour que justement elles puissent faire tomber des barrières, des préjugés que les différentes personnes peuvent avoir par rapport aux immigrants et, bon, propager la bonne nouvelle que les gens sont aussi choisis pour leurs compétences par le Québec, définitivement. Donc, c'est un service qui, je le rappelle pour le bénéfice des gens qui pourraient nous écouter, qui est tout à fait gratuit au ministère.

Et vous avez parlé de francisation et vous nous parlez d'un projet que vous avez développé avec le cégep. Je voudrais peut-être porter à votre attention qu'au niveau de la francisation et puis l'an passé il y a de la francisation sur mesure qui s'est faite justement parce qu'on est conscients de cette problématique-là, je pense. Vous avez mis le doigt sur le bobo. Oui, c'est vrai que des cours de français, bon, c'est correct, mais ça n'en demeure pas moins que c'est du français de base, et ça prend du français spécialisé. L'an passé, dans les cours sur mesure à temps complet, il y a eu 806 personnes qui ont suivi des cours sur mesure. Cette année, on parle de 906 personnes... en 2005, pardon. L'autre statistique était pour 2004. Et, au niveau de la francisation sur mesure à temps partiel, l'an passé, il n'y en avait pas. Non; en 2004, il n'y en avait pas. En 2005, c'est 1 700 personnes qui ont reçu de la formation sur mesure.

Donc, peut-être juste vous mentionner qu'au niveau du ministère la francisation sur mesure s'adresse à des groupes spécifiques, mais je vous encouragerais peut-être à venir négocier au ministère pour voir la possibilité d'avoir un cours sur mesure, parce qu'on en fait, temps plein, temps partiel. C'est nouveau dans les pratiques. Donc, je vous ouvre une porte. Je pense que ça peut être important de le voir. Parce que je suis d'accord avec vous que les gens qui ont une formation universitaire doivent avoir très souvent un besoin de francisation qui est plus aigu. Il y a beaucoup de francisation qui est faite avec les ordres professionnels également pour faire de la mise à niveau, de la préparation à l'examen de l'Office de la langue française.

Je vous poserais juste une question qui va être très, très large: Comment voyez-vous le rôle de SERY lors de la mise en place d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination et le plan d'action, comme organisme communautaire sur le terrain?

M. Chraiet (Salah): Je pense que le SERY a un grand rôle à jouer dans cette orientation-là. Elle le fait déjà. C'est parce que notre rôle est à moitié réactif mais à moitié proactif.

Nous, lorsque nous organisons des rencontres, nous donnons de l'information aux personnes. Nous participons ainsi à démolir cet obstacle entre les cultures. C'est parce que je pense que le racisme qui existe au Québec, il est un peu spécial. Il est peut-être à mon avis dû à la désinformation. Ce n'est pas dû à un sentiment de supériorité comme ailleurs, mais je pense que le Québécois devient suspicieux quand il ne connaît pas, quand il ne sait pas. C'est mon analyse personnelle. Et, pour arriver à enlever cet obstacle-là, il est important que, nous, nous arrivions à parler avec du monde, avec les Québécois, que les Québécois parlent avec les immigrants en organisant des séances. On organise, nous, tous les mois, la journée de Tunisie, la journée de Colombie, et ces journées-là sont de plus en plus visitées par des Québécois. Et nous faisons aussi, dans la visite des écoles... Nous, dans le cadre de notre travail avec l'aspect scolaire, le fait qu'on fasse aussi des présentations sur les éléments qui peuvent présenter des phobies, comme l'Islam, comme c'est quoi, les Arabes, ça participe à la source à diminuer le racisme.

Je pense qu'il y a quelque chose aussi qui pourrait peut-être être une piste. C'est qu'à la télévision où est-ce qu'on voit un musulman, on le voit en train de déchirer l'effigie de George Bush et en criant: Allah akbar! C'est presque la seule image qui reste dans l'inconscient du Québécois normal. Quand je vois, par exemple, dans la télévision un canal qui promeut le tourisme, par exemple, et j'y vois qu'ils font la promotion de la Tunisie qui est mon pays d'origine, écoute, je suis très content et je voudrais à cet instant que tous les Québécois la voient, cette émission-là, parce qu'ils auront un regard nouveau sur la communication que je peux avoir avec ces gens-là.

Alors, une question se pose: Est-ce qu'on fera la publicité à la télé? Est-ce qu'il faut faire du spot? Est-ce que, comme le font certaines communautés, on pourra... Je ne parle plus de SERY, mais peut-être généraliser un peu. Est-ce qu'on va encourager les films, le cinéma qui va promouvoir la diversification? Il y a des gens qui le font. Il y a des gens qui vont peut-être dire: Écoute, pour ce rôle-là, je veux que ce soit une personne de telle religion ou de telle race. Pourquoi? Pour favoriser effectivement cette ouverture-là et cet équilibre-là.

Je pense qu'effectivement nous avons un très grand rôle à jouer bien dans notre petite parcelle, dans notre région, et c'est plus en mode proactif qu'en mode dissuasif. C'est comme ça que je vois notre...

Mme Pravert (Anne-Laure): Je rajouterais un point peut-être par rapport à notre rôle, un peu ce que peut vivre des fois le ministère de l'Immigration, à savoir qu'entre ministères souvent on parle immigration: Ah, l'immigration, c'est le ministère de l'Immigration. Non. L'immigration, c'est tous les ministères et c'est un partenariat. Le ministère de l'Éducation va pouvoir aider le ministère de l'Immigration. C'est interrelié. Puis pourquoi je vous dis ça? Bien, c'est un peu SERY. Souvent, en région, on dit: Ah, bien pour l'immigration c'est SERY.

Oui, on est un maillon important pour la région, mais notre rôle à nous, c'est d'aller chercher du partenariat, aller chercher des acteurs comme la commission scolaire, le cégep, Emploi-Québec, les villes, les villes environnantes pour arriver ensemble à trouver peut-être des outils qui auront plus d'impact que juste un petit organisme qui va tout porter sur son dos. Et, je pense, c'est peut-être la même chose que peut vivre certaines fois le ministère de l'Immigration. Bien, SERY, nous, on le vit dans notre région, à savoir que l'immigration, c'est un enjeu commun, et cet enjeu-là, il est important. Il y a beaucoup de provinces au Canada qui vont mettre tout en place pour que les personnes immigrantes arrivent mais aussi restent au niveau de la rétention. Et, en tant que région, on a également cet objectif à atteindre. Et ce n'est pas juste SERY qui pourra l'atteindre tout seul, c'est en partenariat, d'où l'importance des tables des partenaires qu'on met en place, d'aller chercher plusieurs partenaires et ensemble trouver des solutions. Parce que, nous, on veut bien tout faire, mais on est une petite équipe puis on n'aura jamais l'expertise d'une commission scolaire ou l'expertise d'une ville.

C'est en étant plusieurs acteurs ensemble qui va aider à la mise en place peut-être d'outils très efficaces et de plus grande envergure.

Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre, en 15 secondes.

Mme Thériault: Juste pour vous rappeler que c'est une politique de lutte gouvernementale qui sera mise sur pied et qu'effectivement je crois que tous les partenaires de la société sont interpellés.

Il est évident que, lorsqu'on met sur pied des plans d'action, lorsqu'on fait des ententes de régionalisation aussi, ça permet de sensibiliser un très grand nombre d'acteurs dans la région, et la région de la Montérégie est partie prenante des ententes qu'on fait, évidemment. Donc, je suis très fière du travail qui se fait dans votre région. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous deux, Mme Pravert et M. Chraiet, donc.

Bien, nous aussi, nous avons beaucoup apprécié votre mémoire et votre présentation dynamique. En tout cas, à constater le nombre d'activités et de services que vous offrez dans votre région, vous êtes un organisme plus que dynamique. Puis je sais que c'est un travail extrêmement important que vous faites parce que vous agissez directement auprès de personnes qui arrivent. Donc, les premiers mois et les premières années sont souvent les années les cruciales, et c'est à ce moment-là que l'intégration se réussit de façon efficace. Des fois, j'ai l'impression que, si on ne le prend pas assez rapidement, des fois ça peut être plus long, malgré que, bon, on peut arriver à des succès par après, mais ça peut être plus difficile. Donc je voulais vous féliciter pour votre travail puis d'autant que, dans les années futures, vous serez amenés à augmenter vos services, puisque, bon, les niveaux d'immigration augmentent. Puis on essaie de favoriser l'immigration en région, donc de plus en plus de personnes se joindront à vos communautés. Alors, je vous souhaite bon succès pour le futur également.

Vous avez apporté plusieurs points importants. Au niveau de la francisation, je voudrais souligner l'aspect d'offrir. Bon. Vous avez parlé de l'apprentissage de la langue au niveau oral donc, mais aussi l'aspect ? on ne l'avait pas abordé ici, dans cette commission-là ? le fait d'apprendre le français d'une façon plus précise, au niveau grammatical, écrit, c'est une facette importante, puis je pense que c'est important de le soulever puis que ça a reçu un accueil important.

Je voudrais parler d'un aspect que vous avez abordé mais très succinctement lors de votre présentation: les services régionalisés. Vous avez parlé que c'est important que les services puissent être dispensés en région plutôt que dans la métropole, du fait que ça permettait... Et je vous réfère à la page, bon, n° 3, là.

n(11 h 40)n

Une voix: ...

Mme Lefebvre: C'est ça. Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur ça: Quels types de services vous pensez qui sont manquants ou qui devraient être accrus dans votre région?

Mme Pravert (Anne-Laure): Bien, c'est sûr que, si on compare une région comme la nôtre avec Montréal, on parle déjà au niveau de l'accessibilité des services au niveau de la langue, hein? Quand les personnes souvent ont besoin à l'ensemble de tous les services, c'est souvent à la période où ils ne sont encore pas ou peu francisés, donc allophones.

À Montréal, il y a une banque d'interprètes, il y a beaucoup aussi d'organismes, beaucoup de communautés présentes, alors qu'une région comme la nôtre ? on prend la ville de Granby ? les communautés sont encore peu présentes, il n'y a pas de banque d'interprètes. On prend également le dossier de la RAMQ. Par exemple, il y a des papiers que les personnes indépendantes doivent envoyer à Montréal ? puis souvent c'est les originaux ? et attendre un temps pour pouvoir avoir les documents ou se déplacer à Montréal. Donc, c'est peut-être ce genre de petites choses à mettre en place en région, comme si on avait une banque d'interprètes régionale qui permet d'être plus accessible pour des villes comme Granby, Saint-Hyacinthe, ou également de voir avec les différents ministères quels seraient les outils pour faciliter toutes ces démarches administratives où souvent la personne indépendante doit se déplacer à Montréal pour ce genre de procédure.

Mme Lefebvre: Donc, dans le fond, la personne se déplace à Montréal parce qu'elle retrouve des outils plus importants notamment au niveau de la traduction.

Mme Pravert (Anne-Laure): Des fois, elle n'a pas le choix. On prend le dossier de la RAMQ ou soit elle doit envoyer les documents, les originaux directement.

Mme Lefebvre: ...c'est juste pour les personnes immigrantes ou c'est pour tout le monde?

Mme Pravert (Anne-Laure): Indépendantes, on parle. Avec les réfugiés, c'est différent. Donc là, je ne veux pas rentrer non plus trop dans les détails, mais là on parle vraiment des dossiers indépendants.

Mme Lefebvre: O.K. Parfait. Vous avez parlé d'un aspect important, l'intégration scolaire. Vous mentionniez qu'il n'y avait pas de classe d'accueil. Donc, j'imagine que c'est aussi parce que le ratio d'enfants est plus restreint. Mais, à ce moment-là, est-ce que vous avez un soutien accru? Parce que, bon, moi, je le vis. Dans le quartier que je représente, là, à Montréal, bon, il y a des classes d'accueil puis évidemment qu'il y a une approche différente face à ces enfants-là. Vous l'avez bien soulevé tout à l'heure. Mais donc, puisqu'il n'y a pas de classe d'accueil, est-ce qu'il y a des intervenants qui sont mis à la disposition des enseignants? Est-ce qu'il y a ? vous avez parlé de la psychothérapie tout à l'heure; mais est-ce qu'il y a ? des services particuliers? J'imagine des orthophonistes, par exemple, ou des orthopédagogues, des psychologues.

Bref, quel type de support est donné au personnel enseignant, si on peut dire, dans les écoles de votre région?

M. Chraiet (Salah): Bien, les immigrants bénéficient de la panoplie de services qu'on offre généralement aux autres enfants, mais ils ont un service personnalisé avec SERY, c'est-à-dire nous avons une ressource qui va contacter les écoles pour justement suivre les particularités des enfants des personnes immigrantes. Et il n'y a pas de classe d'accueil, mais il y a un suivi. Et, étant donné que la population commence à s'accroître effectivement, on est en train de regarder plus les cas à problèmes, à essayer de régler les cas où les enfants, les adolescents ont des difficultés, mais sinon c'est la panoplie des services habituels dont bénéficient les Québécois.

Mme Pravert (Anne-Laure): Disons que...

Une voix: ...

Mme Pravert (Anne-Laure): Pardon.

Mme Lefebvre: Juste pour avoir une précision: Est-ce que ce service-là que vous offrez par le biais de votre organisme, est-ce que c'est un service qui est financé par le ministère de l'Éducation?

Mme Pravert (Anne-Laure): Alors, c'est un dossier assez compliqué, assez complexe. Donc, les écoles de la région, les commissions scolaires de la région vont avoir des enveloppes pour la francisation, on s'entend, sauf que, la francisation, dans le PANA, dans le volet PANA, il y a une partie qui est réservée aux inscriptions dans les écoles. Mais après tout le reste, c'est: nous, on s'est rendu compte qu'il y avait des réels besoins, des besoins de base pour la famille, les enseignants et les élèves, donc on a créé un projet qui est devenu un service qui a été financé, la première année, par des fonds régionaux jeunesse; la deuxième année, par des fonds jeunesse. Après, ça a été une partie de la commission scolaire avec un autre fonds régional jeunesse, puis cette année c'est une partie de SERY qui va puiser dans différentes enveloppes et également la commission scolaire.

Donc, à chaque année, on a à défendre le dossier et la problématique. Au niveau de la commission scolaire, c'est que les projets qu'elle doit déposer auprès du MELS, comme des projets dans des enveloppes école-famille-communauté, sont des projets où il faut à chaque fois être novateur, et ça, c'est une particularité assez récurrente où on a à innover d'année en année, sauf que les besoins de base, eux, ils ne s'innovent pas, ils sont toujours les mêmes. Quand on parle de besoins de base, c'est un petit peu ce que je disais tout à l'heure, c'est de l'aide à l'intégration scolaire ? au niveau de l'aide aux devoirs, on a 30 bénévoles qui s'occupent de 60 enfants actuellement ? c'est tous les suivis postinscription, toute la lecture des documents que reçoivent les familles, les ateliers qu'on donne dans les classes de francisation... excusez-moi, dans les classes régulières, dans les écoles, auprès des élèves ou auprès des enseignants. On met en place également des formations avec la TCRI qu'on fait venir également dans les écoles.

Donc, c'est un gros programme qui travaille sur plusieurs volets, autant avec les familles qu'avec les écoles et avec l'enfant, et c'est un service qui est devenu essentiel non pas parce qu'on a imaginé des besoins, mais on répond vraiment à des besoins nécessaires. Ou sinon on accompagne moins les enfants et les familles et là on a plus d'échecs scolaires. Puis il y a aussi beaucoup de discrimination dans les milieux scolaires, hein, il ne faut pas l'oublier, et on fait un travail à ce niveau-là, aussi.

Mme Lefebvre: Donc, il y a combien de personnes qui oeuvrent dans votre organisme?

M. Chraiet (Salah): Je voudrais juste ajouter quelque chose. Vous comprenez que c'est un financement qu'on va chercher qui n'est pas destiné à ça.

Mme Lefebvre: ...c'est ça.

M. Chraiet (Salah): Oui. Donc, dans la commission scolaire, il n'y a pas un budget qui est destiné pour SERY, pour la ressource qui va aider à intégrer les enfants scolarisés. Donc, à chaque fois, il faut trouver l'astuce pour demander ce financement qui, dans sa formulation, n'est pas destiné à cette utilisation-là. Donc, on doit toujours surfer sur les définitions pour trouver le juste milieu, pour garder ce financement-là qui n'est jamais récurrent.

Mme Lefebvre: Puis c'est un cercle vicieux, tu sais: comme il n'y a pas beaucoup de personnes, il manque de ressources, puis, comme il manque de ressources, bien c'est difficile de...

M. Chraiet (Salah): ...dira: Écoutez, j'ai un budget, il doit être destiné à telle affaire et telle affaire, et, nous, on a ce besoin-là et on va essayer de justifier, bien, le salaire de la ressource, de la personne qui va travailler sur l'intégration scolaire parmi les budgets qu'eux, ils peuvent donner, et parfois c'est difficile à trouver.

Mme Lefebvre: Est-ce que c'est une personne qui travaille à ça?

Mme Pravert (Anne-Laure): ...personne qui travaille actuellement...

Mme Lefebvre: Pour toute la région?

Mme Pravert (Anne-Laure): ...pour la région de la Haute-Yamaska, Brome-Missisquoi.

Mme Lefebvre: O.K. Mon collègue a une question pour vous.

Le Président (M. Brodeur): ...c'est tout le temps dont nous disposons.

Une voix: Déjà?

M. Dion: Et on ne revient pas là-dessus?

Le Président (M. Brodeur): Si vous me promettez de réaliser votre question en moins de cinq secondes et une réponse de...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Parce qu'il faut penser qu'on a le local, c'est-à-dire la salle, à libérer pour 12 h 30, pour votre caucus, et malheureusement c'est tout le temps dont nous avons.

Donc, je remercie SERY, un organisme, comme vous le savez, de mon comté et qui donne l'exemple ? bien, je veux le dire particulièrement aux députés de la région de Montréal ? où on fait de l'intégration dans une région où, il y a 25 ans, il n'y avait pas d'immigrant. Donc, il faut saluer le travail d'un organisme comme le vôtre.

Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

 

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux avec le dernier groupe de ce matin, la Conférence régionale des élus de la Montérégie-Est, un coin que je connais bien également. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Tout d'abord, même si on se connaît bien, M. Fauteux, je vous demanderais tout simplement de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et de présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos. Allez-y.

Conférence régionale des élus de la
Montérégie-Est
(CRE Montérégie-Est)

M. Fauteux (Arthur): D'accord. Merci, M. Brodeur. Arthur Fauteux, président de la Conférence régionale des élus de la Montérégie-Est, également préfet de la MRC Brome-Missisquoi et maire de Cowansville.

D'abord, merci aux membres de la commission et merci au gouvernement de s'intéresser à une politique pour contrer le racisme et la discrimination, merci à l'intérêt que vous portez à notre mémoire de même qu'à tous les mémoires, là, que vous avez reçus.

Très, très rapidement, Mme Stéphanie Jetté, conseillère à la conférence régionale des élus, va vous présenter le mémoire en mettant en relief les choses qu'on trouve plus importantes, là. Tout ce qui est là-dedans, on l'estime important, mais dans sa présentation il y a des choses qu'on veut mettre en relief plus que d'autres. Donc, allez-y, Mme Jetté.

Mme Jetté (Stéphanie): Alors, bonjour et merci de nous recevoir aujourd'hui, de nous entendre.

Donc, comme vous le savez, dans un premier temps, bon, le territoire de la Montérégie-Est, c'est près de 600 000 habitants en termes de population, c'est le troisième plus grand territoire au niveau du Québec, donc, qui est suivi de la Capitale-Nationale ainsi que de Montréal. Bref, au cours des années, la Montérégie-Est commence à changer. On a aussi, qu'est-ce qu'il est important à mentionner, au niveau du plan quinquennal de développement de la CRE, nous avons intégré trois pôles en immigration pour justement pouvoir être présents et surtout de prévenir. Le rapport de consultation est surtout en matière de prévention, parce que présentement, oui, il y a des problématiques qui existent sur le territoire, mais il faut aussi mettre les assises pour les années à venir et à court terme aussi. Donc, avec le plan quinquennal de développement, on a mis en place, c'est ça, trois pôles, dont la personne qui vient de passer juste en arrière de nous, donc Mme Pravert, ainsi que son président, de SERY, qui eux touchent le côté de la Haute-Yamaska, qui est le premier pôle en immigration; le deuxième, au niveau de la MRC des Maskoutains, qui aussi a une permanence et une organisation qui est présente sur le territoire, dont le service à la Maison de la famille des Maskoutains; et à Saint-Jean-sur-Richelieu pour l'ensemble de la MRC du Haut-Richelieu qui n'a pas de permanence mais qui a une mobilisation qui touche tant au niveau de l'intégration, l'accueil et aussi toutes les facettes qui touchent le racisme et la discrimination.

Donc, pour poursuivre à ce niveau-là, juste au niveau de la Montérégie-Est, entre les périodes des années 2000 à 2004, il y a eu presque 4 000 immigrants qui ont pris bonne terre, si vous voulez, en Montérégie-Est, donc, et dans le passé, avant les années 2000, il y a eu, entre 1990 et 2000, un peu plus de 15 000 immigrants qui se sont implantés, si vous voulez, pour habiter en Montérégie-Est. Donc, le visage tend à changer au cours des années.

Avant d'entrer dans le côté des problématiques, ou des pistes d'action, ou quoi que ce soit, on est très conscients que, dans le début des années quatre-vingt-dix, le gouvernement du Québec a essayé, si vous voulez, de décentraliser, de régionaliser, si vous voulez, l'immigration. Donc, vous avez fait beaucoup de travail à ce niveau-là pour ne pas créer, comme dans les grands villes satellites ou les grandes métropoles, que ce soient Vancouver, Toronto, Montréal... où, à Montréal, on voit qu'il y a beaucoup d'enclaves ethniques puis de ghettos ethniques qui sont présents. Donc, je sais que, dans les années quatre-vingt-dix, vous avez fait un travail remarquable pour régionaliser l'immigration, qu'il y avait des familles qui étaient présentes dans des régions pour accueillir les nouveaux immigrants, etc., mais là on assiste à un autre phénomène aussi, le phénomène de l'étalement urbain.

Donc, avec l'étalement urbain, qu'est-ce qui était les deuxièmes couronnes devient les premières; les troisièmes, les deuxièmes, etc. Donc, avec la région de Montréal et que, nous, la Montérégie-Est, nous sommes vraiment, comment dire, côte-à-côte, d'autant plus qu'en tout ou en partie trois MRC qui font partie de la CMM de Montréal...

Donc, qu'est-ce qu'on voit? C'est que, de plus en plus, il y a l'étalement urbain qui fait qu'il y a plusieurs immigrants qui commencent aussi évidemment à être en Montérégie-Est. Donc, notre rapport, comme que je vous disais, est surtout en matière de prévention pour l'instant.

D'autre part, M. Fauteux aimerait parler du plan quinquennal juste au niveau d'un libellé que, nous, pour nous, l'immigration, l'intégration sont importantes.

M. Fauteux (Arthur): Bien, évidemment, sur le plan quinquennal, on revenait sur deux choses, là: de promouvoir la venue, l'accueil et l'intégration d'un plus grand nombre d'immigrants sur le territoire et surtout favoriser la reconnaissance et le respect des acquis académiques et professionnels des immigrants. Mme la ministre, dans une intervention antérieure, en a fait référence. Au Forum des générations, on en a fait référence. On estime que, lorsqu'on a fait notre plan d'action, nous, en 2005, on avait l'information que, 2004-2008, il y aurait 122 000 quelques 100 emplois de disponibles et pas occupés. De ces emplois-là, nombreux étaient des emplois où on ne trouvait pas les compétences. Et ce qu'on se dit, c'est: Est-ce qu'on peut travailler à un maillage encore plus perfectible et encore plus solide entre la compétence disponible et l'emploi pour éviter... ou encore favoriser l'intégration des immigrants?

Quelqu'un qui rentre, qui a déjà son emploi, qu'on le fasse avant son arrivée ou qu'on le fasse à son arrivée, déjà, si on est capables de mieux réussir notre maillage, cette personne-là a beaucoup plus de liberté pour s'intégrer parce qu'elle n'est pas dépendante, là, d'une série de facteurs pour s'intégrer, elle est déjà en mode d'intégration parce qu'elle est déjà dans un milieu qui peut l'emmener à s'intéresser à différents aspects de sa terre d'accueil. Et on estime que c'est souvent à partir de ça qu'on va diminuer aussi cette espèce de mythe qu'un immigrant, c'est quelqu'un qui vient enlever un emploi. Parce qu'on fera la démonstration, là, qu'il ne vient pas enlever un emploi, il vient occuper un emploi que personne d'autre n'aurait pu. Et ils viennent nous dire que, s'il n'était pas là pour cet emploi-là, ce besoin-là n'était pas comblé, quelqu'un quitterait et chercherait ? et aujourd'hui, avec Internet, c'est assez facile de se déplacer; chercherait ? à trouver cet emploi-là. Et, quand on met ce phénomène-là sur un volume x, bien là on vient dire à des employeurs: Bien, ça vaut la peine que vous déménagiez parce que vous n'avez pas...

Évidemment, avec le déclin démographique, avec la spécialisation, il faut être capables d'arriver, là, à travailler un meilleur maillage, et c'est dans ces perspectives-là, là, qu'on travaille sur ces deux orientations-là. Un va avec l'autre, tant en processus d'accueil qu'en processus d'immigration économique.

Mme Jetté (Stéphanie): Et d'autant plus que, pour renchérir, comme vous savez, il y a une entente spécifique qui a été signée aussi à la fin du mois d'août.

Lors de la consultation publique que la CRE a menée, même si nous étions peu compte tenu des vacances, il y a quand même... personnes... qui étaient présentes à la consultation et qui représentent énormément le milieu. On a parlé évidemment des enjeux. Donc, il y a plusieurs enjeux. Et le document que vous avez en main présentement représente seulement que quelques enjeux qui peuvent exister. Parce qu'il n'y en a pas seulement trois, quatre ou cinq, il peut y en avoir une douzaine, une centaine d'enjeux qui est liée au niveau du racisme et à la discrimination. On en a parlé de quatre, dont un qui n'est pas à l'intérieur du document, qu'on va vous parler très, très, très brièvement à ce niveau-là, mais évidemment il y a tout le côté enjeux politiques.

Donc, enjeux politiques. Pourquoi? Aujourd'hui, nous sommes maintenant dans une ère où il y a du terrorisme, où il y a la guerre, et le Canada n'échappe pas à cette réalité-là non plus. Donc, à travers les communautés ethniques qui peuvent être ici, au Québec, donc il y a un point sensible qu'il faut faire vraiment attention puis porter une attention particulière à ce niveau-là.

n(12 heures)n

Il y a tout le côté évidemment des enjeux économiques. Malgré tout ce qui se passe au niveau mondial, la concurrence mondiale, le Canada et surtout le Québec doivent évidemment faire une grosse part au niveau de la productivité des entreprises, les gens doivent travailler fort, et tout ça. Et, oui, chacun a sa place dans l'économie du Québec, mais il faut faire un bon partage à ce niveau-là et puis il faut travailler vraiment en collaboration et en concertation avec les entreprises pour, oui, la productivité de celles-ci mais aussi, oui, au niveau de la création d'emplois.

Rapidement, justement, juste un exemple au niveau de Statistique Canada, il y a tout le côté de la langue, les diplômes des immigrants qui sont à l'étranger. Donc, eux autres, ils passent en deuxième et en troisième tour. Donc ça, on rencontre de la discrimination et le racisme à ce niveau-là parce que c'est surtout de souche ou ceux qui vivent vraiment ici qui ont en premier la part, la présence d'avoir un emploi. Il y a tout le côté, évidemment le côté social. Qu'on parle du logement. Je ne vous apprendrai rien par rapport à ça. Il y a énormément de discrimination qui se fait à ce niveau-là. Parce que les trois milieux, avec la consultation publique qu'on a faite, les trois endroits où est-ce que les intervenants ont dit qu'il y avait le plus de discrimination se retrouvaient au niveau de l'éducation, du marché du travail et du logement en Montérégie-Est, spécifiquement.

Et un autre enjeu qu'on aimerait parler très rapidement, que M. Fauteux va préciser davantage, c'est évidemment les enjeux religieux, qui est un phénomène nouveau ici pour le Québec, compte tenu des gens qui immigrent au Québec ou au Canada.

M. Fauteux (Arthur): Et c'est une simple parenthèse que j'ouvre, et ça ressortait au niveau des consultations. Évidemment, les médias sont métropolitains, et la Montérégie, tout en étant à proximité de la grande région métropolitaine, a surtout son information, à travers les médias, par rapport à certaines difficultés au niveau de l'immigration. Et la parenthèse est simplement: les gens s'inquiétaient sur le fait que: Est-ce que pour des motifs religieux les immigrants pourraient ralentir leur intégration à la société québécoise? Et ça, j'ouvre et je ferme la parenthèse parce que c'est toujours un peu sensible.

La région est aussi un véhicule de valeurs, et ainsi de suite, et les gens vont avoir comme un commentaire: Bien, nous autres, on a laïcisé nos institutions, et certains jugements de cour réintroduisent des notions que, nous autres, on avait éliminées. C'est notre seul commentaire. Et, comme il n'y avait personne de spécialisé en la matière et comme notre observation ne pouvait pas démontrer rien d'évident, c'était le seul commentaire que les gens avaient... c'est intéressant.

Mme Jetté (Stéphanie): Maintenant, au niveau des pistes d'action, celles que je vais mentionner, c'est celles qu'on a retenues davantage à travers chacun des blocs. Donc, évidemment, on s'est inspirés de votre document, Mme la ministre, pour pouvoir faire notre rapport de consultation.

Donc, dans un premier temps, au niveau de concertation et partenariats, qu'est-ce qu'on retient le plus de notre côté? C'est de soutenir les entreprises privées qui veulent se doter d'une politique de ressources humaines évidemment pour l'intégration des immigrants. Donc ça, ça ne pourrait pas enlever complètement, mais au moins, en ayant une politique de ressources humaines, ces entreprises-là pourraient, au niveau du racisme, de la discrimination, alléger qu'est-ce qui peut se passer à l'intérieur de l'entreprise; intégrer une politique d'accueil en immigration au sein des villes et des municipalités en Montérégie-Est. Intégrer, dans les commissions scolaires évidemment et les institutions collégiales, une politique d'accueil et d'intégration aussi qui vise à soutenir les organisations qui oeuvrent dans cette sphère d'activité; véhiculer les informations et travailler en concertation au sein de trois pôles en immigration en Montérégie-Est et en faire le suivi.

Donc, il y a trois pôles en immigration, il y a une entente spécifique qui est présente. Donc, qu'est-ce qu'on veut? À travers tous les partenaires, il y a neuf partenaires qui sont présents au sein de l'entente. Donc, c'est vraiment que tous ensemble, on puisse travailler, de soutenir ces pôles en immigration ainsi que les organisations qui y sont présentes. D'autre part, mobiliser et sensibiliser les partenaires qui participent justement à l'entente spécifique.

Au niveau de la documentation, deux actions spécifiques: produire un document de sensibilisation sur le racisme et la discrimination en raison justement de qu'est-ce que Mme Pravert disait tantôt, la méconnaissance au niveau de la problématique au lieu de...

Une voix: ...

Mme Jetté (Stéphanie): Pardon?

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste une minute pour conclure.

Mme Jetté (Stéphanie): Bien voyons donc! Oui?

Une voix: Oui.

Mme Jetté (Stéphanie): D'accord. Juste peut-être une parenthèse qui est vraiment intéressante. On parle, au niveau collégial, de l'enseignement à Nicolet, au niveau des policiers. Une affaire qui est vraiment importante: il y a des immigrants qui immigrent ici, au Québec, que ce soit ? peu importe la province ? ou en Montérégie-Est ou à Montréal particulièrement, et, dans leur pays, les policiers sont corrompus, l'armée est corrompue, etc. Et ces immigrants-là, lorsqu'ils viennent ici, ils ont peur de la police, la police n'est pas un ami, est un ennemi.

Donc, de ce côté-là, à Nicolet, s'il pouvait y avoir des cours préparatoires de formation aux étudiants pour ne pas que ces derniers fassent des abus de pouvoir et d'autre part qu'ils soient beaucoup plus présents dans les écoles, dans les milieux, et tout ça, pour que les immigrants puissent plutôt voir ces individus-là, ces autorités-là comme une image positive à ce niveau-là...

M. Fauteux (Arthur): Si on allait, là, au niveau des recommandations, évidemment on en a parlé, là, c'est une question de sensibilisation, d'éducation. Donc, vous voyez comment on trouve important d'interpeller les maisons d'enseignement, évidemment l'allégement des reconnaissances des acquis. Mme la ministre disait qu'il y avait déjà 14 ententes où on a pu, avec l'Office des professions, là, accélérer les choses.

Évidemment que valider auprès des entreprises ? j'en ai parlé ? des besoins réels en matière d'employabilité, ça nous apparaît important. Des activités, là, qui mettent en valeur certaines réussites, là, en termes de réalisations interculturelles nous apparaissent importantes. Et on cherche aussi à ce qu'on puisse travailler en concertation et en collaboration avec chaque citoyen du Québec pour qu'on puisse jouir avant tout de l'égalité des chances. L'égalité des chances, on l'a réclamée pour nous autres, c'est tout à fait légitime de la favoriser et de la réclamer pour les autres.

Et, je vous dirais, en terminant au niveau de la recommandation, évidemment on fait de l'entraide souvent. On dirige l'entraide vers des gens qui ont besoin lors d'un sinistre, mais l'entraide, c'est aussi faire preuve de tolérance vis-à-vis la différence.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je suis prêt à reconnaître Mme la ministre pour une première question.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Fauteux, Mme Jetté, d'être avec nous ce matin. Évidemment, vous l'avez mentionné, la Montérégie-Est a déjà son plan d'action. Il y a une entente spécifique qui a été faite pour votre région. Je suis heureuse de vous voir ce matin, malgré le fait que la consultation a été annoncée au mois de juin, que vous ayez eu le temps et les partenaires nécessaires pour pouvoir produire le mémoire. Je trouve ça intéressant aussi parce que c'est une CRE et parce que ça regroupe des intervenants de différents niveaux et de différents milieux. Donc, ça permet réellement d'avoir une vue d'ensemble sur différentes recommandations sur lesquelles on doit se pencher. Je dois vous dire tout de suite, évidemment, que toutes les suggestions que vous nous faites seront analysées avec le plus grand soin possible pour voir de quelle façon on peut les faire cadrer dans une politique gouvernementale qui doit interpeller pas juste les différents ministères, mais la société comme telle.

Vous avez parlé, M. Fauteux, d'égalité des chances, que, nous, nous avons fait ce débat-là au sein de la société francophone pour débuter, après ça au sein des femmes. Et je suis d'accord avec vous qu'on est rendus à se demander l'égalité des chances pour nos concitoyens qui sont issus de l'immigration et des communautés culturelles, notamment sur les deuxième et troisième générations qui, elles, sont nées ici. Et, lorsqu'on regarde les différentes statistiques, c'est assez alarmant et c'est inquiétant de voir que nos propres concitoyens ne peuvent pas trouver leur place ici. Donc, je vous remercie beaucoup de l'apport à nos travaux.

Vous avez soulevé, dans votre mémoire, le fait qu'il serait intéressant que, pour la Montérégie-Est, les municipalités s'engagent dans l'élaboration d'une politique municipale d'accueil des immigrants. J'aimerais ça vous entendre un peu plus à ce sujet-là, autant pour la Montérégie, un, et peut-être, M. Fauteux, si vous pouviez élaborer. Et de quelle façon vous pensez qu'on pourrait arriver à regarder les portraits des municipalités au Québec, tenant compte que chaque ville est très différente en soi? Montréal, ce n'est pas Québec; Québec, ce n'est pas Gatineau; Gatineau, ce n'est pas Sherbrooke; Sherbrooke, ce n'est pas Granby, ce n'est pas Brome-Missisquoi non plus. Chacune des municipalités, des MRC est fondamentalement très différente l'une de l'autre. Si on regarde l'Outaouais, je suis convaincue que les prochaines statistiques vont démontrer peut-être 10 % de la présence des personnes immigrantes. Quand on regarde une région comme Québec, c'est aux alentours de 5 %. Lorsqu'on regarde une région comme le Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est 1 %.

La Montérégie a beaucoup augmenté très rapidement. Les chiffres de 2001 et ceux de 2005, lorsqu'ils seront mis à notre disposition, vont certainement démontrer que la Montérégie a eu une grosse augmentation parce que le phénomène de la première, deuxième couronne aussi vient s'appliquer.

Comment pensez-vous qu'on pourrait mettre à contribution le monde municipal pour que les MRC ou que les municipalités se dotent d'une telle politique?

n(12 h 10)n

M. Fauteux (Arthur): Bien, moi, je vous dirais, Mme la ministre, qu'en Montérégie on le voit, et c'était important. Puis on a fait référence aussi, là, de participer aux efforts de régionalisation pour éviter, là, les concentrations qui, d'une façon ou d'une autre, viennent limiter.

Vous avez vu, en Montérégie, il y a des masses critiques assez intéressantes, là, qui nous ont permis des expériences à Saint-Hyacinthe. Mme Pravert en a parlé au niveau de Granby. Saint-Jean, c'est: il y a une réflexion qui est entreprise là depuis quelques années. Sorel-Tracy a des réflexions. Et, moi, je représente une municipalité, là, qui n'a pas ces volumes-là mais qui a travaillé à travers SERY, même si les besoins, parce qu'on n'avait pas de gens immigrants chez nous... Mais, à partir du moment où les municipalités ont la responsabilité de travailler le concept de vivre ensemble, la municipalité, peu importe sa taille et évidemment peu importe le niveau de besoins, peut modifier son effort. Mais j'estime que la municipalités, peu importe sa taille, a des efforts à faire à partir du concept de vivre ensemble. Et, à partir de ce moment-là, vivre ensemble, ça veut dire qu'on a besoin de tout le monde. Et, la démographie étant ce qu'elle est, on a encore plus besoin de tout le monde.

Donc, moi, je pense que les municipalités sont prêtes à regarder ça, là, parce qu'à certains égards c'est le développement qui serait mis en cause si on ne s'intéresse pas à ça. Mais le concept de vivre ensemble est absolument important.

Mme Thériault: Mme Jetté, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Jetté (Stéphanie): Oui, mais juste à titre d'exemple, si vous voulez. En Montérégie-Est, la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, deux fois par année, toutes les nouvelles personnes, que ce soient des immigrants ou la population de souche, si vous voulez, avec le maire, font des journées portes ouvertes, donc, à la mairie, rencontrer le maire, rencontrer les services municipaux ? tant policiers, incendie ? les gens qui travaillent au niveau des loisirs, où sont les bibliothèques, où sont les parcs donc puis quelle dynamique culturelle, économique, donc un paquet d'informations puis de renseignements puis que les villes peuvent faire à ce niveau-là.

Donc ça, c'est un exemple, et ça rentre dans leur politique familiale et culturelle aussi.

Mme Thériault: Merci. M. Fauteux, vous avez parlé de la police ? je pense que c'est vous ? la police ou c'est Mme Jetté, hein?

Une voix: Oui.

M. Fauteux (Arthur): Oui.

Mme Thériault: Excusez. Parce qu'il est vrai qu'au niveau des différents corps policiers, tout dépendant du pays de provenance, il y a des pays où, il faut le dire, les corps policiers sont corrompus et il n'y a absolument aucune confiance qui est accordée envers les policiers, envers l'armée.

Évidemment, bon, nous, on a introduit, à Nicolet, une notion dans la définition du profilage racial, si vous voulez, pour éviter que les futurs policiers formés à Nicolet puissent ou développent des attitudes, puis faire du profilage racial, puis d'arrêter des groupes cibles en particulier. Je pense que c'est en étant conscients d'une notion et en l'enseignant que c'est comme ça qu'on peut aussi dire: Bien oui, c'est exactement ce qu'il ne faut pas que je fasse. Je pense que c'est bien évident. Mais effectivement je pense qu'il serait peut-être important de trouver la façon pour que les citoyens puissent développer la confiance dans les corps policiers, parce qu'il est vrai qu'on travaille sur nos policiers, mais il faut aussi travailler sur nos nouveaux concitoyens par rapport à ce qu'est la police ici. Et je vais faire le parallèle avec les politiciens. Il est évident que, dans certains pays, les politiciens, on ne peut pas les approcher, on ne peut pas se faire photographier avec. Si on les approche, on se fait tirer, c'est clair. Il y a des pays où c'est comme ça, et certains autres pays que les politiciens sont corrompus.

Puis il y a d'autres pays où les politiciens sont tout à fait corrects. Et, même nous, dans notre vie de député de tous les jours, moi, dans mes fonctions de ministre, je dois vous dire qu'à chaque fois que je rencontre des groupes de communautés culturelles c'est incroyable la quantité de personnes qui veulent des photos, hein, des photos avec la ministre, des photos avec les députés. Moi, je leur dit toujours à la blague, je dis: Le pire, c'est que vous allez prendre cette photo-là, vous l'envoyez, dans votre pays, aux membres de votre famille, puis jamais ils ne vont vous croire que vous êtes photographiés avec la ministre. Et c'est vrai.

Donc, c'est là qu'on voit qu'on a aussi du travail à faire avec nos nouveaux concitoyens par rapport à ce qu'est la réalité de vivre au Québec et pour éviter qu'eux aussi... Parce qu'on a abordé le racisme des Québécois envers les communautés culturelles et les immigrants, mais on n'a pas abordé le racisme des immigrants envers la société québécoise ou d'un groupe par rapport à un autre groupe alors qu'il y a aussi des préjugés et de la discrimination, qui peuvent être présents, des groupes d'immigrants vers la société québécoise ou d'un groupe d'immigrants vers un autre. Donc, je pense que c'est pour ça que c'est important qu'il faut travailler ensemble à se doter d'une vraie politique qui va essayer d'aller chercher tous ces pans-là et j'espère bien pouvoir compter sur la collaboration de votre conférence régionale des élus parce qu'effectivement, en Montérégie, le portrait a changé assez rapidement au cours des dernières années.

Et je pense qu'on doit travailler très fort à conscientiser les gens, définitivement.

Le Président (M. Brodeur): ...oui.

Mme Thériault: ...il ne restait plus de temps.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Fauteux, Mme Jetté, bonjour, bienvenue en commission parlementaire. Votre mémoire est très, très, très bien documenté, et je suis stupéfaite du nombre de recommandations en ce sens où vous avez abordé presque tous les aspects. Puis c'est fort apprécié, puisque, bon, vous avez une expertise, vous êtes, disons, près de la métropole et donc vous serez amenés, comme vous l'avez si bien mentionné, dans les prochaines années, à accueillir de plus en plus de personnes immigrantes. Et le fait que vous vous êtes sensibilisés dès aujourd'hui à cette question-là ne fait que nous réjouir. Et d'ailleurs je trouve important aussi le fait que vous mentionnez que la conférence doit se doter d'une politique puis que de plus en plus, bon, d'actions seront mises en oeuvre. C'est fort pertinent et c'est de la musique à nos oreilles.

Donc, j'aimerais aborder un aspect. Vous avez parlé, dans votre mémoire, de la culture. C'est un aspect que vous n'avez pas eu le temps de mentionner lors de votre présentation. Donc, vous parlez de supporter les festivals culturels, bien ethniques, ethnoculturels ou en tout cas des communautés, et favoriser leur déplacement au travers les régions du Québec. J'aimerais savoir: Vous, est-ce que vous avez eu des succès à cet égard-là? Est-ce qu'il y a des expériences concluantes? Est-ce qu'il y a des festivals qui se sont rendus chez vous? Puis de quelle façon on pourrait dans le fond en faire une meilleure promotion puis quelles ressources vous auriez besoin? Est-ce que ça fait partie d'expériences que vous avez tentées mais qui étaient difficiles? Je voudrais vous entendre sur ça.

Mme Jetté (Stéphanie): Mais les gens, la consultation, qu'est-ce qu'on parlait surtout, c'est qu'il y a certaines organisations qui fonctionnent vraiment très bien, il y a des événements culturels qui fonctionnent vraiment très bien puis qui sont toujours, comment dire, bon, présents, exemple, au niveau de leur milieu mais que, si ces événements-là pouvaient, à un moment donné, pouvoir se déplacer dans les régions du Québec, être mobiles pour que ce soit dans la Semaine interculturelle ou quoi que ce soit... mais de pouvoir déplacer ces événements-là. Mais on sait que, que ce soit au niveau des festivals ou organisations d'événements, que c'est très dispendieux. Déjà, à la base, de mettre sur pied et par la suite d'en faire la promotion et qu'à un endroit spécifique que ça a lieu pour attirer les gens...

Bien, au lieu que ce soient les gens qui viennent à l'événement, bien que ce soit l'événement qui se déplace dans les régions du Québec. Donc, c'était un moyen d'action, si vous voulez.

Mme Lefebvre: Bien, je trouve ça vraiment intéressant. C'est pour ça que je voulais que l'on puisse en discuter, parce qu'il existe en ce moment une entente entre la ville de Montréal puis, je crois, le ministère de l'Immigration, puis, pendant la période estivale, dans le Vieux-Montréal, des communautés sont amenées. Bon. Ils ont quelques jours réservés pour eux puis, bon, ils peuvent faire des concerts, des spectacles, des danses, et tout ça. Mais ce qui est intéressant, c'est que, comme vous le mentionnez, la culture, c'est souvent quelque chose qui permet les rapprochements puis de mieux se connaître, et donc je pense que ce serait une avenue à explorer, surtout que ces prestations-là, ces festivals sont déjà organisés. Donc, de pouvoir favoriser cet aspect-là, ce serait extrêmement important.

Je voudrais vous entendre, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, sur la question du logement. Vous en discutez dans votre mémoire. On n'a pas eu le temps non plus de vous entendre sur ça. Donc, vous parlez d'intégrer les immigrants dans divers secteurs résidentiels et non créer des ghettos ethniques et vous parlez d'accroître l'offre de logements au loyer abordable. J'aimerais un peu connaître la situation, en Montérégie-Est, au niveau de cet aspect-là.

n(12 h 20)n

M. Fauteux (Arthur): Bien, moi, je vous dirais, à ma connaissance, en Montérégie-Est, même s'il y a eu des efforts de faits dans les dernières années particulièrement à Montréal, en Montérégie-Est, on est à la limite, et je vous dirais à ma connaissance que c'est même déficitaire. Ce n'est pas gravement déficitaire, le logement abordable, là, mais c'est déficitaire dans l'ensemble de la Montérégie-Est.

Je regardais, là, les discussions qu'on a eues là-dessus. Quand on parle municipalité par municipalité, particulièrement au niveau des OMH, la liste d'attente peut nous paraître intéressante, là. Par contre, c'est une liste d'attente qui vient aussi nous biaiser parce que ça prend tellement de temps avant d'avoir accès au logement que les gens se découragent, puis ils réussissent à se débrouiller autrement.

Donc, la liste d'attente, elle a beau avoir, j'imagine, 36 noms, mais, comme elle renouvelable aux années puis, à l'intérieur de cette année-là, des gens ont abandonné, on n'a pas vraiment ? ce que je veux dire; on n'a pas vraiment ? le chiffre réel des besoins. On se sert de la liste d'attente comme indicateur, mais elle n'est pas fiable par rapport à ça.

Mme Lefebvre: Je vous dis ça parce que...

M. Fauteux (Arthur): Et, au niveau de l'immigration, bien ça va être la même chose.

Mme Lefebvre: ...parce que la question du logement, c'est une question fondamentale. Lorsque la ville de Montréal est venue ici, en commission parlementaire, elle nous a mentionné que plus de 50 % des personnes résidant dans les logements sociaux sur la ville de Montréal étaient des personnes d'origine immigrante ou des minorités visibles. Et donc j'imagine que, si on favorise la régionalisation, malheureusement il y aura aussi des besoins en matière... Je dis «malheureusement» parce qu'on souhaiterait que les conditions socioéconomiques soient plus élevées pour tout le monde, puis c'est là-dessus qu'on travaille de toute façon. Mais donc le fait que vous l'abordiez, je pense que c'est un aspect qu'il va falloir tenir en compte aussi.

Tout à l'heure, on parlait des besoins dans le milieu scolaire notamment. Mais, au niveau du logement aussi, ce seraient des données...

M. Fauteux (Arthur): Et, je vous dirais, madame, vous avez bien raison, puis on n'a pas le mérite, mais il faut au moins le reconnaître. On a l'avantage d'avoir appris un peu des expériences des autres, et, dans le loyer abordable, j'espère qu'en région on aura appris aussi de chez nous et de Montréal. Et, lorsqu'on construira ou on aménagera, il faudra le faire dans la mixité plutôt que de recréer des sous-groupes parce que...

Mme Lefebvre: Et d'ailleurs...

M. Fauteux (Arthur): ...c'est naturel. Si je quittais pour l'étranger, ce serait naturel, pour moi, une fois arrivé, d'essayer de me regrouper avec des affinités. Bon. Et il faut savoir que c'est ça, il faut être capables de le prévoir, mais en même temps il faut être capables d'introduire la mixité dès le départ.

Mme Lefebvre: Je partage votre point de vue puis je pense que toutes les nouvelles expériences vont tendre beaucoup vers ça, la mixité.

Il y a aussi des blocs réduits également en termes d'habitation par projets, bien projets immobiliers. Mais, justement du fait que vous mentionnez l'importance de la mixité et l'importance de l'inclusion, vous avez une proposition qui m'a un peu surprise. À la page 14, vous dites: Pistes d'action en matière de rapprochement, d'encourager la création d'associations ethniques. Puis ce qu'on a entendu d'autres organismes, c'était qu'évidemment il fallait encourager beaucoup notamment le financement des organismes communautaires, des organismes communautaires qui offrent des services aux personnes immigrantes mais pas nécessairement par communauté. Puis là je me demandais s'il y a une nuance à apporter à cette proposition-là.

Mme Jetté (Stéphanie): Bien, à ce niveau-là, qu'est-ce qu'on parlait surtout, ce n'était pas une association, exemple, quelqu'un du monde arabe, d'une communauté noire ou quoi que ce soit, mais qu'il y ait une mixité dans l'association même, donc.

Mme Lefebvre: ...services d'intégration, et tout ça.

Mme Jetté (Stéphanie): Exactement. Donc, c'est vraiment une mixité, là. Ce n'est pas de segmenter, au contraire.

Mme Lefebvre: O.K. Parfait. C'est ça que je pensais.

Le Président (M. Brodeur): Bien, ce qui se produit, c'est que l'opposition officielle a un caucus dans cette salle, dans quelques minutes, et pour cette raison je vais... Je vous remercie. Merci de votre présentation.

M. Fauteux (Arthur): C'est nous autres qui vous remercions.

Le Président (M. Brodeur): Et je vais suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

 

(Reprise à 15 h 29)

Le Président (M. Turp): ...s'il vous plaît! La Commission de la culture reprend ses travaux, et je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Une voix: ...

n(15 h 30)n

Le Président (M. Turp): Ça s'applique surtout au député de Marguerite-Bourgeoys, qui oublie...

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): ... ? D'Youville, pardon; je me trompe toujours de sainte ? et aux autres collègues, et bien sûr à ceux qui vont témoigner devant nous.

Je nous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre la racisme et la discrimination et j'invite maintenant les représentants de la Centrale des syndicats du Québec à prendre place. Et je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange d'environ 20 minutes en raison des contraintes d'horaire, de notre retard et du fait que nous allons devoir voter vers 17 h 45. Alors, chaque côté aura une dizaine de minutes d'échange avec les représentants des groupes qui se présenteront devant nous.

Je vous rappelle donc que vous avez 20 minutes pour nous présenter le résumé de votre mémoire et je vous remercie de votre présence à la Commission de la culture. À vous la parole.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Lafrenière (Daniel B.): Merci beaucoup. M'accompagne aujourd'hui Mme Nicole de Sève, conseillère syndicale.

En premier lieu, je vous demanderai d'excuser ma nervosité. J'occupe mes fonctions depuis à peine quelques semaines. Et ce sera une première dans mon cas, aujourd'hui.

Une voix: ...

M. Lafrenière (Daniel B.): Merci. Soyez le bienvenu. Ceci étant dit, merci de nous permettre de participer à cette commission parlementaire, vous présenter brièvement la Centrale des syndicats du Québec. La CSQ est une centrale qui représente 172 000 membres, dont plus de 92 000 font partie du personnel de l'éducation. Notre organisme regroupe 12 fédérations, environ 250 syndicats affiliés auxquels s'ajoute l'Association des retraités de l'enseignement du Québec. Nous sommes majoritairement présents dans le secteur public, et ce, dans plus de 350 titres d'emploi. Pensons au personnel enseignant, au personnel professionnel, de soutien mais aussi dans les domaines de la garde éducative, de la santé, des services sociaux, du loisir, de la culture, du communautaire et des communications. La centrale compte en ses rangs 69 % de femmes et 25 % de jeunes âgés de moins de 35 ans.

Le caractère pluriethnique et pluriculturel de la société québécoise caractérise notre société depuis de nombreuses années. Une immigration de plus en plus diversifiée et l'intensification des échanges dans le cadre de la mondialisation sont autant de phénomènes qui rendent cette diversité encore plus visible. C'est à un défi de taille, comme société francophone, que le Québec est confronté. La préservation de sa spécificité dans l'ensemble nord-américain, d'une part, mais aussi au sein de la francophonie, d'autre part, constitue une réalité qui nous interpelle. Les institutions québécoises sont évidemment marquées par cette situation, et nos membres qui y travaillent quotidiennement ont aussi à faire face à des défis qui en découlent. La Centrale des syndicats du Québec apprécie l'initiative gouvernementale de tenir une consultation publique afin de définir une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Je porte toutefois à votre attention qu'une telle démarche ne constitue pas une première initiative dans le domaine.

La Centrale des syndicats du Québec participe à de multiples consultations gouvernementales en vue de l'élaboration de politiques visant la pleine participation des Québécoises et des Québécois des communautés culturelles. Nous avons aussi contribué à toutes les consultations sur la planification triennale concernant les niveaux d'immigration, la dernière ayant a lieu à l'automne 2003. C'est donc en toute continuité avec nos interventions antérieures que nous vous soumettons aujourd'hui nos propositions sur la base de trois grandes orientations qui étaient contenues dans le document afin de contribuer à la définition de cette politique québécoise.

Donc, sur la première orientation à l'effet de coordonner nos efforts, d'entrée de jeu, nous souhaitons préciser que, si, pour nous, il est important de nous reconnaître mutuellement comme porteurs de différences culturelles, il est fondamental de déterminer dans quel type de société nous voulons vivre ensemble et y intégrer notre diversité. C'est pourquoi nous considérons que toute démarche visant la pleine participation des Québécoises et des Québécois des communautés culturelles suppose qu'au départ le Québec se définisse très clairement comme une société inclusive de toutes les personnes et de tous les groupes établis sur son territoire. Il faut que les institutions respectent l'égalité de ses citoyennes et de ses citoyens et la mise en contact des groupes culturels les uns avec les autres. De plus, il est essentiel que soient valorisés les facteurs de cohésion nationale. Ces préalables doivent se retrouver dans l'ensemble des interventions gouvernementales, car nous avons trop souvent constaté qu'un politique, aussi bien articulée qu'elle soit, se trouvait souvent contredite par d'autres. Ces préalables constituent pour nous le socle sur lequel nous allons aborder les choix stratégiques découlant de cette première orientation.

Une politique visant à contrer le racisme et la discrimination nécessite une direction politique claire au plus haut niveau, qui ne souffrira pas d'excuse liée à la conjoncture économique ou aux aléas des finances publiques. La CSQ reconnaît la pertinence d'impliquer l'ensemble de la société civile et d'accroître les partenariats. Toutefois, le premier message concernant une société inclusive doit émaner de l'État. En ce sens, l'élaboration d'une politique constitue un premier pas intéressant dans la bonne direction, qui permettrait notamment d'appuyer les principes contenus dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, mais une politique qui n'a pas les moyens de sa mise en oeuvre demeure une succession de voeux pieux.

Il faut que les ressources financières et humaines soient au rendez-vous pour que l'adhésion de l'ensemble de la société civile s'y investisse, et en ce sens, comme organisation syndicale, nous sommes inquiets. À titre d'exemple, force est de constater que la Commission et le Tribunal des droits de la personne ont subi, au cours des dernières années, une certaine érosion importante de leur capacité d'agir pour contrer la discrimination. Nous demandons donc au gouvernement de redonner à la commission la latitude nécessaire pour bien remplir son mandat, soit l'élaboration de programmes de formation, la coordination et la surveillance de la mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité, la conduite d'enquêtes sur les plaintes de discrimination, la recherche et la production d'avis ou de lignes directrices sur des questions particulières, l'analyse des projets de loi déposés par les gouvernements ou encore la critique de l'action gouvernementale. La CSQ est consciente que la lutte au racisme et à la discrimination ne peut reposer uniquement que sur la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

L'idée proposée dans le document à l'effet de créer un comité interministériel composé des principaux ministères et organismes afin de constituer le plan d'action gouvernemental nous semble prometteuse. Nous croyons toutefois que le gouvernement devrait aller encore un peu plus loin. En s'appuyant sur le dossier de la condition des femmes, à titre d'exemple, nous croyons que le gouvernement devrait s'assurer de la présence d'une personne répondante chargée de l'application du plan d'action au sein de chaque ministère et qu'un mécanisme de coordination permanent des actions gouvernementales soit mis en place. Nous souhaitons également que les MRC, les municipalités régionales de comté, se dotent elles aussi d'un plan de lutte au racisme et à la discrimination. À cette fin, une personne chargée d'appuyer sa mise en oeuvre dans les milieux devrait être aussi identifiée. Cela nous semble essentiel. Nous souhaitons que toutes les régions se dotent d'un tel plan et que celui-ci comprenne un énoncé de politique contre le racisme et la discrimination.

Le document indique qu'un organisme gouvernemental pourrait assumer la coordination de la recherche gouvernementale, la production d'un bilan de la situation en matière de discrimination, du développement d'indicateurs et joue un rôle de veille à cet égard. Permettez-nous de rester un peu sceptiques devant ce qui ressemble étrangement à la création d'un observatoire. Dans le contexte de la réingénierie de l'État, l'observatoire sur la mondialisation est disparu, et le gouvernement poursuit une politique de réduction du nombre d'organismes. De plus, nous voyons, dans cet effort pour mieux arrimer les recherches, le risque de dédoublement de mandat entre le comité interministériel dont je faisais état tout à l'heure, le Conseil des relations interculturelles et l'Institut de la statistique. De notre côté, il nous semble préférable que le ministère soit responsable du comité interministériel et de la recherche gouvernementale. Au besoin, il pourrait s'associer à l'Institut de la statistique pour la définition d'indicateurs, à titre d'exemple, notamment.

Nous tenons à signaler que, selon nous, toute politique, tout plan d'action et toute recherche doivent tenir compte de la convergence de plusieurs motifs de discrimination. Comme d'autres l'ont déjà exprimé, la CSQ demande donc au gouvernement d'intégrer l'analyse différenciée par sexe dans cette démarche, comme le suggère d'ailleurs la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Comme représentante de la majorité des personnels de l'éducation au Québec, la Centrale des syndicats du Québec est préoccupée par le choix de diffusion d'informations qui seront mises en place pour enraciner la prochaine politique. Nous croyons qu'il est nécessaire qu'une vaste campagne publique ait lieu et qu'elle ne se limite pas aux semaines thématiques qui soulignent les enjeux soulevés par l'intégration sur le racisme et la discrimination. Cette campagne doit s'étendre toute l'année. Il faut retenir également qu'à notre avis une seule campagne n'est pas suffisante, ne sera pas suffisante à l'atteinte des objectifs principaux. Il faut que les moyens choisis tiennent compte également des personnes aux prises avec des handicaps ou encore de celles et ceux qui éprouvent des problèmes d'alphabétisation. Nous ne sommes pas contre l'utilisation de dépliants, de brochures ou du support Internet, bref les moyens traditionnels, mais il faut tenir en compte que certaines personnes ont du mal à lire et à écrire. Pour elles les moyens traditionnels sont souvent inutiles. L'utilisation de supports audiovisuels pourrait être envisagée en appui à cette démarche.

Sur la deuxième orientation, de reconnaître et contrer les préjugés de la discrimination, l'expertise de la Centrale des syndicats du Québec au niveau de l'éducation interculturelle s'est développée au cours des années. À titre d'exemple, en 1989, nous avons participé à la mise sur pied du Centre d'éducation interculturelle et de compréhension internationale qui est malheureusement disparu aujourd'hui. Nous avons produit et réalisé un cahier pédagogique intitulé Vivre ensemble notre avenir comme outil pour contrer le racisme.

En juin 1990, nous avons adopté, lors de notre congrès, une déclaration de principe: Vivre et oeuvrer dans un Québec pluritechnique et français... pardon, pluriethnique.

n(15 h 40)n

Le Président (M. Turp): ...êtes-vous un ingénieur, vous?

M. Lafrenière (Daniel B.): Non, malheureusement. En 1993, nous avons également adopté un énoncé de politique d'éducation interculturelle suite à de nombreuses consultations auprès de nos membres.

Dans notre présentation de l'époque étaient soulignés quelques éléments qui demeurent très pertinents encore aujourd'hui. Contrairement à ce que l'on peut croire, une telle politique ne concerne pas que la seule région montréalaise, c'est l'ensemble du système éducatif qui doit se mettre à l'heure de l'éducation interculturelle, l'importante mobilité géographique des jeunes Québécoises et Québécois, la volonté affirmée de régionaliser l'immigration. J'appuierai particulièrement l'énoncé suivant à l'effet que l'ouverture au pluralisme, la transmission de la langue et de la culture nationale, l'ouverture sur le monde, qui s'impose, tout cela interpelle les établissements d'éducation dans leur ensemble mais aussi dans leur enseignement. Toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec sont concernés par cette question. L'école contribue largement à l'intégration et au développement du sentiment d'appartenance à la société québécoise.

L'école ne peut toutefois tout faire, surtout l'école montréalaise. Sur l'île de Montréal, par exemple, 55 % des élèves des communautés noires vivaient dans un milieu défavorisé; 42 % pour les élèves issus de l'immigration; 30 % pour l'ensemble. 47 % des jeunes qui fréquentent les écoles primaires et secondaires sont issus de l'immigration. Encore plus dramatique pour les jeunes des communautés noires, après sept ans de parcours au secondaire, ils n'étaient que 52 % à obtenir un diplôme contre 69 % pour l'ensemble. Il y a donc ici un enjeu majeur et il y va d'une véritable politique d'égalité raciale. Malgré ce que les médias laissent transparaître dans la présentation de faits divers, les relations interethniques sont plutôt bonnes dans les écoles québécoises. Toutefois, la maîtrise insuffisante du français par plusieurs élèves, les attitudes négatives de certains d'entre eux et l'utilisation d'une autre langue en dehors des heures de cours rendent difficile la prise en compte des différentes valeurs, mentalités et codes partagés par certains groupes.

Plusieurs projets pilotes dans la région de Montréal et une révision des manuels scolaires, pour tenir compte de la diversité culturelle, sont des outils très intéressants. Il faut investir encore massivement en éducation et en prévention. Le poids des compressions budgétaires se fait cruellement sentir notamment par la nécessité d'embaucher des animateurs de vie spirituelle et d'engagement communautaire et des responsables des relations avec le milieu. Les surveillantes et les surveillants d'élèves sont en nombre insuffisant, et souvent les moyens mis à leur disposition son déficients. L'aire des casiers, la cafétéria, les corridors sont des lieux propices aux propos racistes et aux bagarres. L'accès à une formation qui leur permettrait de mieux jouer leur rôle serait souhaitable. Et ils sont des intervenantes et des intervenants de première ligne dans les milieux. Trop souvent, bien que les plus jeunes fassent appel à leurs parents pour résoudre des conflits, les plus âgés se regroupent pour résoudre les tensions, résolutions qui se règlent trop souvent par le repli identitaire sur le groupe d'origine et parfois par une intégration dans ce qu'on appelle une gang de rue. La CSQ est d'avis qu'il faut encourager une plus grande participation des parents des communautés culturelles à la vie de l'école, comme à la commission scolaire de Montréal, des mesures visant à mettre en place des cours à l'intention des parents, l'engagement d'interprètes.

La conduite d'interventions en milieu familial devrait aussi trouver écho dans l'ensemble du réseau de l'éducation. Le Conseil des relations interculturelles, au début des années quatre-vingt-dix, suggérait l'idée aux commissions scolaires, aux collèges et aux universités de se doter d'un comité consultatif de communautés culturelles. Il me semble que c'est une idée qui devrait refaire surface.

Au niveau de la laïcité, la laïcisation des structures scolaires et des écoles en 1997 puis la décision de mettre fin aux privilèges consentis historiquement aux catholiques et aux protestants en matière d'enseignement religieux sont des mesures favorables à une meilleure intégration. La CSQ remarque toutefois que, malgré les pas franchis, le principe de la laïcité, dans la vie de l'école, n'est pas suffisamment reconnu. La CSQ veut souligner l'initiative du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport de créer un comité consultatif afin de réfléchir à la place de la religion à l'école afin de tracer les balises claires et applicables, au quotidien, en matière d'accommodement raisonnable. Nous portons beaucoup d'espoir sur ce rapport qui sera rendu public en juin 2007.

Selon nous, prendre au sérieux ce principe exige de l'État de s'interroger sur l'encouragement, par subventions, du développement d'établissements scolaires privés en concurrence avec les établissements publics homologues. Au plan de la laïcité, l'État devrait exercer plus de vigilance sur les contenus prodigués aux élèves qui fréquentent des établissements à caractère religieux. Depuis, l'État doit s'assurer que le personnel des établissements d'enseignement ne soit pas obligé de se plier à des exigences religieuses qui ne sont pas les leurs.

Sur la troisième orientation, nous allons concentrer notre présentation pour assurer l'accès en emploi. Après 20 ans d'application des programmes d'accès à l'égalité en emploi dans les réseaux de l'éducation et de la santé et des services sociaux, les résultats sont minces. Il faut se rappeler que, jusqu'en 2000, ces programmes étaient strictement volontaires. Il aura fallu l'adoption de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics pour que soit institué un cadre particulier d'accès à l'égalité dans ces milieux. Le nouveau programme d'aide à l'intention des immigrants et des communautés visibles en emploi constitue une avenue intéressante pour les petites et moyennes entreprises dans leur politique d'embauche. Nous croyons toutefois qu'une attitude particulière doit être apportée aux personnes provenant des communautés noires et aux femmes issues des diverses communautés ethniques. Nous pensons aussi à l'introduction d'une mesure préférentielle à l'intention de ces groupes.

Quant aux corporations professionnelles, elles doivent redoubler d'efforts pour réduire les frais exigés pour acquérir une formation complémentaire ou subir les examens professionnels d'une part, mais aussi prendre en compte que pour plusieurs personnes immigrantes ou encore réfugiées la chasse aux diplômes et aux références est presque impossible.

La CSQ réitère que la question de l'apprentissage de la langue ne doit pas se limiter seulement aux enfants d'immigrantes et d'immigrants et qu'il est essentiel d'assurer une francisation réussie des parents comme des enfants. En ce sens, toute personne, qu'elle s'intègre ou non au marché du travail, doit avoir accès à des services de francisation. La CSQ est d'autant plus inquiète quant à l'avenir de la francisation en entreprise que le gouvernement semble privilégier des ententes avec des organismes comme les centres d'autoapprentissage du français qui basent leur action sur les besoins des entreprises. La CSQ croit que l'apprentissage du français doit être reconnu comme un droit fondamental. Le gouvernement québécois doit donc dégager les sommes nécessaires à la francisation dans l'élaboration de son prochain budget. Il doit aussi se doter de mesures concrètes pour favoriser la gestion du plurilinguisme dans les entreprises.

En conclusion, cette consultation du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles est une première étape vers l'élaboration d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. C'est à notre avis un signal positif envoyé à la population québécoise, qui nous rassemble autour de la possibilité de vivre dans une société respectueuse et inclusive. Réussir à contrer le racisme et la discrimination n'est pas seulement une responsabilité individuelle, mais commande une volonté politique ferme, d'autant plus que la conjoncture internationale nous pousse trop souvent à la méfiance à l'égard de l'autre et au repli identitaire.

Depuis plus de 15 années, la Centrale des syndicats du Québec mène un travail d'éducation auprès de ses membres, dans le cadre de son projet des établissements verts Brundtland. Déjà, 1 000 établissements de ce type sont d'ailleurs implantés à ce jour. Pour nous, il est essentiel que les établissements publics soient à l'avant-garde du projet de construire une société écologique, pacifique, solidaire et démocratique. Ces valeurs doivent aussi trouver preneur chez l'ensemble des institutions, des entreprises et des mouvements sociaux. Nous souhaitons donc que le ministère accueille favorablement nos propositions et que, dans un avenir rapproché, nous soyons invités, comme organisation syndicale, à discuter de l'éventuelle politique. Je vous remercie.

Le Président (M. Turp): Très bien. Vous avez fait ça très vite, 15 minutes. Ça doit donner un petit peu plus de temps à la ministre, et à la porte-parole, et à nos collègues pour leurs questions. Alors, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lafrenière. Bienvenue ici, en commission. Je vais me faire le porte-parole de tous mes collègues des deux côtés pour vous souhaiter la bienvenue et pour vous rassurer sur la qualité de votre présentation. Non seulement vous avez fait une bonne présentation, mais vous n'avez pas excédé le temps qui vous était alloué, ce qui est exceptionnel, donc félicitations. Et effectivement ça nous permettra d'avoir plus d'échanges avec vous.

Le Président (M. Turp): C'est parce que c'était la première fois, Mme la ministre.

Mme Thériault: Peut-être. Mme de Sève, bonjour, bienvenue parmi nous également.

Il est évident que toutes les recommandations seront analysées avec le plus grand soin, et toutes les recommandations de votre organisme seront aussi analysées. Je pense que vous êtes un joueur important. On a beaucoup parlé d'éducation, ici, avec les enfants, d'éducation des maîtres, de la notion aussi de diversité culturelle, de comment notre société peut se transformer évidemment, donc on est très conscients que les professeurs qui sont représentés par la CSQ sont partie prenante dans le débat d'aujourd'hui.

J'aimerais peut-être vous rassurer, M. Lafrenière; nous ne sommes pas réunis ici, aujourd'hui, parce qu'il y a des voeux pieux. Je pense que c'est important de le dire. Ce qui sera déposé au printemps 2007, ce sera une politique gouvernementale pour lutter contre la discrimination et le racisme et qui sera assortie d'un plan d'action. Lorsqu'on parle d'une politique gouvernementale, évidemment tous les ministères seront mis à contribution. Et il est évident qu'on ne peut pas penser de faire une telle politique sans se donner les moyens de nos ambitions, et nous allons avoir les moyens de nos ambitions. Je pense que, lorsqu'on regarde le Québec d'aujourd'hui, on a une réalité qui s'appelle les immigrants qui viennent d'arriver, l'immigration récente, autant pour les parents que pour les enfants, mais il y a aussi la réalité des jeunes de deuxième et de troisième génération. Comme vous le soulignez dans votre mémoire, notamment au niveau des communautés noires, les statistiques sont très alarmantes. Et on ne peut pas parler ici de récente immigration. Il y a beaucoup plus de deuxième et de troisième génération.

n(15 h 50)n

Je me sens très interpellée pas seulement comme ministre ou parlementaire, mais également comme mère d'un enfant qui est présentement au secondaire. C'est son anniversaire aujourd'hui. Donc, il a 16 ans. Et je crois que tous nos jeunes ont le droit de prendre leur place dans notre société. Au-delà de la couleur de la peau, au-delà des différences, ce sont des jeunes Québécois qui sont nés ici, qui méritent d'avoir toute la place et toute l'attention qui leur reviennent. Donc, évidemment, c'est sûr que, quand on regarde les différentes statistiques, on ne peut pas faire autrement que de s'interroger. Et, si nous sommes ici, aujourd'hui, en commission parlementaire, c'est parce qu'on a eu des interrogations par rapport à ces statistiques-là qui sont troublantes et dérangeantes, évidemment. Donc, je pense que c'est important de vous dire que ce n'est pas que des voeux pieux.

Avant de vous poser une question, je vais revenir sur quelque chose qui est inscrit dans votre mémoire. À la page 18, dans le dernier paragraphe, vous dites: «Dans ce contexte, les nouvelles orientations gouvernementales visant à confier l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants à leur propre communauté culturelle présente au Québec nous inquiètent au plus haut point.» Il n'a jamais été question, dans le plan d'action du ministère, de confier à une communauté propre l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants ici. Nous travaillons beaucoup avec les organismes communautaires. Ce sont des partenaires privilégiés. Et, de plus en plus, ce qu'on va retrouver aussi, c'est des groupes multiculturels justement parce qu'on sait que l'immigration se diversifie beaucoup. Et je pense qu'il n'y a pas un gouvernement qui veut encourager la ghettoïsation non plus parce que c'est un danger qui peut nous guetter.

Donc, je trouve important de faire la nuance parce que, bien que vous ne l'ayez pas abordé dans votre présentation, évidemment les écrits demeurent, hein, nous sommes en commission parlementaire. Donc, je pense que c'est important de faire cette petite mise au point.

Dans vos recommandations, vous nous suggérez que les MRC, les villes pourraient se doter de politiques pour lutter contre la discrimination et le racisme. Ce matin, nous avions une conférence régionale des élus qui nous en a parlé également, qui privilégie cette voie-là. Il y a des villes présentement qui se dotent de telles politiques et de politiques d'intégration en plus, notamment en région. On le voit. Je pense que les ententes de régionalisation qu'on fait avec les élus et les différents intervenants sur le terrain, dont les commissions scolaires, la plupart du temps, font en sorte qu'il y a une réelle volonté d'aller de l'avant dans les politiques d'intégration et de lutter contre la discrimination et le racisme. On le sent très bien. Mais vous ne faites pas la recommandation que les commissions scolaires, elles le fassent, et les écoles, et je vous avoue que ça me surprend un peu, parce que je me suis dit: Bon, puisque vous êtes issus du monde de l'éducation, peut-être ça aurait été une proposition, à moins que je ne l'aie pas vue dans votre mémoire.

Mais, quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir ce que vous en pensez, que les écoles et les commissions scolaires pourraient se doter de telles politiques également, aussi, surtout qu'on sait très bien que c'est dans les écoles qu'on a les lieux d'apprentissage surtout pour les enfants qui sont en jeune âge. Mais ça pourrait très bien s'adresser également aux cégeps et aux universités, où on sait que, de plus en plus, c'est varié, il y a une diversité culturelle qui est incroyable. Même dans des collèges qui voilà... ans étaient francophones, Blancs, entre guillemets, aujourd'hui il y a une diversité qui est incroyable. Moi, je le vis dans mes collèges dans l'est de Montréal.

Donc, je vous interpelle sur cette question-là.

M. Lafrenière (Daniel B.): D'abord, je vous dirais qu'en référence à... ce n'est pas une omission, puisqu'on considère que les programmes d'accès à l'égalité... Il faut se rappeler que, les programmes d'accès à l'égalité, au départ la mise en place des programmes était sur une base volontaire. En 2000, ces programmes-là sont devenus sur une base obligatoire, et normalement, dans les commissions scolaires, ces programmes-là existent. Je vous dirais qu'actuellement les résultats sont plutôt minces, que ces programmes d'accès à l'égalité sont sur papier, mais, dans l'application, de façon concrète, on n'en voit pas les effets bénéfiques encore.

Mme Thériault: Mais, c'est ça, il y a des politiques d'accès à l'égalité qui sont dans la loi, mais il y a aussi des politiques de lutte contre la discrimination et le racisme. Et la recommandation que vous faisiez, c'était que les MRC se dotent de telles politiques pas d'accès à l'égalité en emploi, mais au niveau du racisme. Donc, c'est pour ça. Je voudrais peut-être vous entendre au niveau du racisme pour les différentes institutions.

M. Lafrenière (Daniel B.): ...je vais débuter une réponse et je vais déléguer le reste à ma collègue.

Je vous dirais que, d'entrée de jeu, de façon globale on considère effectivement que la question du racisme et de la discrimination, c'est un sujet qui touche tout le monde, qui doit toucher l'ensemble des ministères, qui doit interpeller l'ensemble de la société civile, l'ensemble des organismes, et on inscrivait, entre autres, les MRC où on pense que, dans tous les endroits, dans tous les lieux, il devrait y avoir une personne répondante notamment qui s'assure du suivi. Bon. Je ramène, à titre d'exemple, les programmes d'accès à l'égalité où on constate que les effets sont minces pour l'instant. Et, à plusieurs endroits, l'évaluation qu'on fait, c'est le manque de suivi de ça. Les mesures existent, les mesures sont là, mais le suivi s'exerce difficilement, à cause du manque de personnes répondantes et de la responsabilité et de l'imputabilité de personnes qui pourraient assurer le suivi et l'évolution de ces programmes-là.

Donc, je vais passer la parole à Nicole.

Mme de Sève (Nicole): Et de plus, comme responsable de l'implantation de ces programmes dans les milieux scolaires ? primaire, secondaire, collégial ? depuis 1986, depuis des années, nous travaillons de fait à ce que ces programmes et cette politique... Parce qu'il n'y a pas juste le programme, là, chaque commission scolaire en principe est obligée de se donner une déclaration de principe sur cette question-là. Donc, nous avons beaucoup travaillé à ce qu'elle soit intégrée. Je ne vous dis pas que nos résultats sont mirobolants.

Et l'autre outil que nous avons essayé d'utiliser parfois ? bon, au niveau national, je pense qu'on a eu certains succès ? c'est de faire reconnaître aussi la question de la discrimination raciale comme de la discrimination sexuelle dans nos conventions collectives. Donc, on savait qu'on avait mis des jalons dans nos rapports. Là, on parle des jeunes, mais ça peut être aussi entre personnels de l'éducation. Moi, je voudrais vous dire que, tout à l'heure, vous parliez du personnel enseignant, mais souvent c'est: les personnes qui sont aussi aux premières lignes, c'est le personnel de soutien, ce sont nos surveillants d'élèves ou bien donc ce sont nos conseillères pédagogiques ou nos psychologues, et tout. Donc, ça fait des années qu'on essaie de voir à ce que ce soit intégré. Ce n'est pas parce que c'est inscrit dans une convention collective nationale que c'est adopté. Donc, même nous, dans nos statuts maintenant, comme organisation syndicale, ça l'est. Le travail est fait avec nos organisations syndicales.

Donc, là où on a une... peut-être qu'on aurait dû se flatter et le mettre comme on a mis tous nos programmes d'éducation à l'intention des jeunes, nos interventions pédagogiques. Mais ce travail est fait. Ce n'est pas un succès. Ça, on peut le dire. Moi, je suis très transparente là-dessus. Il y a encore des pas à franchir là-dessus. Les résistances sont de part et d'autre, mais il y a des efforts institutionnels que nous essayons de faire. Mais ce n'est pas toutes les directions scolaires qui sont prêtes à envisager. On a eu de bons succès dans la région de Montréal, mais, je veux vous dire, des régions, on vous dit: Oui, mais je n'en ai pas, de Noir dans ma région, pourquoi je me doterais d'une politique? Bon. On a réussi sur le côté autochtone. Au moins, dans nos deux commissions scolaires autochtones, là-dessus on a pu faire des grands bouts de chemin. Mais comment convaincre quelqu'un qui est dans ? je ne sais pas, là, je ne veux pas insulter personne ? Portneuf, etc., ou Gaspésie de dire: Mais ce n'est pas une problématique que nous vivons? Ils la vivent avec les autochtones, mais ce n'est comme pas clair.

Donc, les pas ne sont pas toujours égaux. C'est dans ce sens-là. Dans la région de Montréal, il y a des progrès.

Le Président (M. Turp): Merci, Mme de Sève. Cette partie est terminée. Je donne la parole à la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Merci. Bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec, la CSQ. M. Lafrenière et Mme de Sève, bonjour. Merci d'être ici, parmi nous. Vous l'avez mentionné, c'est important que cette politique... Bien, en fait, comme la politique concerne tout le monde, c'est important que les différents acteurs de la société civile se présentent devant nous. Puis votre présence est fort appréciée, d'autant que vous avez un rôle primordial à jouer de par les membres que vous représentez notamment au niveau de l'enseignement, parce qu'on a parlé beaucoup de l'éducation, de l'importance de l'éducation. Puis, bien que vous ayez une mission qui soit plus large, je vais me concentrer d'abord sur cet aspect-là.

Et je lisais votre mémoire puis je me suis arrêtée sur des statistiques que l'on connaît malheureusement, mais je pense que c'est toujours bon de se les rappeler, que, «sur l'île de Montréal, 55 % des élèves des communautés noires vivaient dans un milieu défavorisé contre 42 % pour les élèves issus de l'immigration et 30 % pour l'ensemble. Les indicateurs de réussite ne sont guère à l'avantage des jeunes immigrants. Ils connaissent plus d'échecs et sont moins nombreux à décrocher un diplôme au secondaire et au cégep. La situation est encore plus dramatique pour les jeunes des communautés noires. Après sept ans de parcours au secondaire, ils n'étaient que 52 % à obtenir un diplôme contre 69 % pour l'ensemble. Il y a là un enjeu majeur à reconnaître; il y va d'une véritable politique d'égalité raciale.»

n(16 heures)n

Ma collègue de Nelligan, qui a effectué une consultation auprès des communautés noires, a été très sensibilisée à cette question-là, puis d'ailleurs ces statistiques sont ressorties aussi des travaux qu'ils ont faits. Mais ça pose quand même... Bon. C'est sûr qu'il y a les communautés noires, il y a les personnes immigrantes puis il y a les jeunes... bien, jeunes d'une façon plus globale, mais donc des taux de diplomation, au secondaire, de 70 %, donc 30 % de décrocheurs, c'est quand même assez dramatique d'un point de vue général. Puis ensuite, si on regarde pour la situation qui est la plus catastrophique, pour les communautés noires, 50 % pratiquement, alors je pense qu'il y a sérieusement un coup de barre à donner. Est-ce que ça, ça concerne la commission scolaire de Montréal, donc au niveau public seulement? C'est ce que je me demandais.

Et d'autre part je me demandais, relativement aux ressources que vous pouvez avoir, parce que, bon, on a entendu, dans d'autres tribunes, certaines revendications que vous avez pu faire concernant notamment le soutien que vous pouvez avoir face, bon, à l'orthopédagogie, par exemple, ou les psychothérapeutes, bon, tout ce qui pourrait soutenir votre mission d'enseignement au niveau des écoles, donc sur quoi on devrait mettre l'emphase puis un peu évaluer les besoins. Puis, d'une même façon, l'autre aspect fort important, on a parlé hier de la lutte contre l'obésité puis on parlait en même temps du... J'écoutais M. Chagnon qui parlait de l'importance de lutter contre le décrochage scolaire. Puis c'est pour moi également une priorité. J'essaie, dans mon comté, de faire des petites actions qui peuvent faire la différence dans des écoles, mais, bon, c'est sûr que je n'ai pas les moyens du ministère de l'Éducation.

Mais donc on parle des activités sportives et culturelles également qui peuvent être très importantes dans la lutte contre le décrochage. Donc, est-ce qu'à ce niveau-là aussi vous pensez qu'on devrait investir davantage? Puis c'est quoi un peu, les besoins, ou comment vous qualifiez la situation? Parce que je pense qu'on ne peut pas se permettre de maintenir des statistiques comme ça. Puis on peut adopter une politique. Puis je suis heureuse comme vous ? la ministre l'a répété à plusieurs reprises ? puis on est toujours heureux de l'entendre, la politique sera suivie d'un plan d'action, et nous y croyons beaucoup.

Et donc, pour être certains que toutes les données soient dans ce plan d'action là, je vous invite en fait à nous dresser un portrait puis un portrait de vos besoins également à ce niveau-là.

M. Lafrenière (Daniel B.): Merci. Je vous dirais ? je vais regrouper plusieurs questions sous un même thème ? la clé qui doit faire partie selon nous du plan d'action qui sera dégagé par le gouvernement: la francisation, l'identification aux codes et aux valeurs de la société québécoise. Et ça, on va le retrouver, par exemple, dans la question que vous avez posée, oui, si on parle de l'éducation physique, par exemple, ou la culture. Il faut que ces codes-là soient intégrés. Il faut que toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec, peu importe l'origine ethnique dont ils sont, partagent les valeurs de la société québécoise. Et ça, ça doit se faire. Les moyens, le plan d'action doivent en tenir compte, et ça doit se faire par, je répète, la clé de la francisation, la francisation des élèves mais la francisation des parents aussi.

Il y a des projets pilotes, à Montréal entre autres, qui sont mis en place, où les parents, par exemple, peuvent participer. Il y a des services de francisation. Parce que les parents, ce qu'ils nous disent: Nos enfants, à l'école, ça va bien, mais ils reviennent à la maison, et on ne comprend pas ce qu'ils écrivent, on ne comprend pas ce qu'ils lisent. Donc, il faut que les liens se fassent comme ça. Et, dans ce sens-là, on recommande qu'il y ait des services de francisation qui soient aussi accessibles aux parents. Le décrochage scolaire, effectivement c'est un drame. Il y a une urgence d'intervenir à ce niveau-là. Et les statistiques qui vous ont été soumises sont non seulement pour la région de Montréal, mais pour l'ensemble du Québec. Donc, les pourcentages sont..

Une voix: ...

M. Lafrenière (Daniel B.): Pardon. C'est ma nervosité que j'expliquais au début. C'est Montréal. Donc, ce serait intéressant de voir toutefois...

Mme Lefebvre: Montréal. Public, privé?

M. Lafrenière (Daniel B.): Public.

Une voix: Public seulement. O.K.

M. Lafrenière (Daniel B.): Public uniquement. Pardon. Et, concernant les mesures de soutien, entre autres, on a parlé de l'enseignement, des enseignantes, des enseignants, mais il y a du personnel de soutien et du personnel professionnel qui sont des intervenants de première ligne. On pense aux orthopédagogues ou aux éducateurs, éducatrices spécialisés, surveillantes, surveillants d'élèves. Il y a beaucoup d'emphases qui ont été mises par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, au cours des dernières négociations, sur les enfants en difficulté. Les enfants en difficulté, bon, on pense à des enfants qui ont des troubles de comportement, on pense à des enfants qui ont des handicaps, mais il y a de la difficulté qui s'étend au-delà de ça aussi, et la discrimination, le racisme, le profil racial, la discrimination raciale, ça fait partie aussi, dans une certaine mesure, de difficultés que les élèves rencontrent au cours de l'acheminement scolaire, que ce soit au primaire, secondaire mais aussi au collégial et à l'université également.

Mme Lefebvre: Il y avait un projet qui existait, l'école montréalaise. Je ne sais pas. En fait, je ne suis pas au fait si ça existe encore. Est-ce que vous pouvez nous informer sur ça?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Turp): Il vous reste trois minutes, là.

Mme de Sève (Nicole): Oui, mais la difficulté qu'il y a avec tous les grands projets, c'est que c'est souvent leur non-continuité. Quels qu'aient été les gouvernements qui se sont succédé, à plusieurs reprises on a eu des projets de cette envergure-là, mais ils meurent trop rapidement au feuilleton.

Exemple, nous avions ce qu'on appelait les agents de milieu, c'est-à-dire des personnes qui étaient liées à une communauté, prenons la communauté algérienne, ou maghrébine, ou antillaise, etc., et qui étaient le poteau dans l'école pour faire le lien entre les familles et les jeunes de manière à ce que les besoins des parents... Parce qu'il a tout à fait raison, là, ce n'est pas juste une divagation, la langue française. Souvent, les parents nous disent: On ne comprend pas, mais on ne comprend pas non plus les codes, on ne comprend pas pourquoi il faut que l'enfant travaille de telle façon. On avait ça, mais ça, c'est comme une vague, ça vient et ça repart.

Alors, il y a beaucoup d'initiatives qui ont été extrêmement intéressantes, et je vous dirais que, s'il y a une chose, un voeu qu'il faut qu'il soit, c'est la continuité, cette prévention-là, parce que le décrochage, il est majeur. Mais on dit: On va implanter des activités parascolaires. Au bout de trois ans, la commission scolaire n'a plus d'argent pour le faire, ça fait que le parascolaire tombe, la stimulation intellectuelle de l'enfant ou la stimulation sportive, parce que c'est vrai que le sport peut être un élément très important pour améliorer la réussite éducative. On n'a plus accès aux locaux, on n'a plus les ressources nécessaires ou bien donc le matériel est tellement vétuste que les enfants, les jeunes, ils n'iront pas jouer au basket avec un ballon dessoufflé. Expliquez-moi si vos jeunes iraient jouer.

Donc, c'est un ensemble d'éléments qui font que c'est pour ça qu'on va l'attendre, le plan d'action, nous aussi, avec beaucoup d'appréhension. Mais, si on avait une ? une ? recommandation ultime: Peut-on avoir une continuité en cette société-là? Peut-on faire que ce n'est pas parce que le gouvernement change que tout doit tomber comme programmes de lutte au racisme, comme interventions en milieu scolaire, que, s'il y a un projet pédagogique qui fonctionne, il puisse continuer? Là, on joue au yo-yo, puis c'est nos enfants qui sont perdants. Ça fait que le décrochage, il monte puis il baisse parce que, des années, ça va bien puis, d'autres années, ça va mal, puis on n'a pas les revenus. Ça fait que, si on pouvait s'entendre... C'est pour ça que, nous, on dit: Ce n'est pas un projet d'un parti. Si ça pouvait être un projet d'État, quelque chose qui va enthousiasmer la société québécoise et qui peut avoir une pérennité sur 10 ans, on reviendra se voir dans 10 ans et peut-être qu'on va avoir gagné quelque chose. Mais, tant que ça va être une affaire de deux, trois ans, ça va échouer. On est-u capables d'avoir une entente sociale? Et, si on a ça, moi, je pense qu'on est capables de faire des pas.

Moi, ça fait depuis 1986 que je viens en commission parlementaire parler de communautés ethnoculturelles. Je vous donne rendez-vous en 2016.

Le Président (M. Turp): Dans 10 ans.

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Peut-être que vous allez être...

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Peut-être avec un charisme comme celui-là vous allez être ici, vous, en 2016, vous serez...

Mme de Sève (Nicole): ...monsieur, j'adore mon rôle de chercheure.

Le Président (M. Turp): Très bien. Bien, écoutez, merci beaucoup pour le mémoire, pour vos commentaires, les réponses aux questions.

Et je suspends les travaux quelques minutes et j'invite les représentants d'ABC Intercultures à bien vouloir prendre place. Madame.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

 

(Reprise à 16 h 9)

Le Président (M. Turp): Bon. Alors, nous reprenons nos travaux. Et, Mme Benrhazi, bienvenue parmi nous. Est-ce que c'est votre première expérience à vous aussi?

ABC Intercultures

Mme Benrhazi (Amina): Oui, c'est ma première expérience avec des députés et une ministre, oui.

n(16 h 10)n

Le Président (M. Turp): Très bien. Vous n'avez pas à vous inquiéter. Vous avez vu comment ça s'est fait dans les dernières minutes.

Alors, je vous invite donc à faire votre présentation. Vous disposez d'une période de 20 minutes, et il y aura deux périodes d'échange de 10 minutes chacune avec les députés. Alors, nous vous écoutons.

Mme Benrhazi (Amina): Oui. Bonjour, tout le monde. Bien, écoutez, Amina Benrhazi. D'abord, j'ai déposé mon mémoire. J'ai participé à cette consultation publique en tant que citoyenne parce que l'idée d'une consultation publique donc ouverte à tout le monde m'a énormément séduite, une idée démocratique. Et je l'ai déposé aussi en tant que consultante en relations interculturelles dans le cadre de mon entreprise ABC Intercultures.

Je considère, comme les personnes qui m'ont précédée, que cette politique de lutte contre le racisme et la discrimination implique toute la société civile, toutes les composantes de la société, gouvernement, institutions scolaires, M. et Mme Tout-le-monde et qu'en même temps c'est une politique qui concerne aussi et qui protège tout citoyen, quelle que soit son origine. Donc, pour moi, c'est une politique qui va être faite pour tout le monde, sauf que, dans mon mémoire, j'ai focalisé sur les Québécois d'origine immigrante. Et, comme tous mes discours sont basés sur la réciprocité, finalement tout le monde se retrouve dans mes propositions, je pense. Alors, je suis partie de l'idée, comme vous le savez, que le racisme et la discrimination sont basés sur l'ignorance, sur la peur de la différence, sur la mauvaise ou la fausse information et j'ai basé toutes mes propositions sur l'importance d'informer, de communiquer, de sensibiliser, d'éduquer, donc de développer un savoir-faire, c'est-à-dire des aptitudes et un savoir-être, des attitudes, et le plus important pour moi, oui, c'est lutter contre le racisme, mais, si on peut prévenir le racisme, toute la société serait gagnante.

Alors, partant de toutes ces idées, j'ai proposé quelques points. Dans le premier point, je me suis arrêtée sur une question de terminologie et j'invite à ce que l'on favorise, dans tous les discours, dans les formations, à travers les médias, la notion de citoyenneté et qu'on la favorise de plus en plus, qu'on la privilégie à la notion de «groupes ethniques», «groupes raciaux», «communautés culturelles» prise toute seule parce qu'à mon avis favoriser la notion de «citoyenneté» revient à favoriser une attitude participative, dans la société, des Québécois d'origine immigrante et développer un sentiment d'appartenance chez eux, alors qu'enfin les termes «groupes ethniques ou autres», ça va plus les figer dans leur culture d'origine et ça va faire focaliser sur leurs différences.

Le deuxième terme sur lequel je me suis arrêtée, c'est la tolérance, parce que je me suis rendu compte aussi que c'est un mot qui est utilisé à toutes les sauces. J'ai regardé dans le dictionnaire. C'est un mot qui signifie «pardonner», qui signifie «autoriser, permettre, admettre à contrecoeur». Et, dès le moment où on autorise ou on permet, on se met en situation supérieure, «admettre à contrecoeur», ça veut dire que l'on n'est pas forcément d'accord avec une situation, mais on va juste fermer les yeux, faire comme si ça n'existait pas. Opposément, je privilégie le mot «ouverture» parce que c'est un terme qui invite à aller vers l'autre, c'est un terme qui est positif, c'est un terme qui est actif et c'est de l'acceptation. Alors, toujours dans l'objectif de valoriser, parce que, quand on valorise des personnes, des composantes de la société, ces personnes-là feront tout pour ne jamais nous décevoir et pour s'intégrer dans la société, dans le deuxième point, je propose la création d'un musée de l'immigration où toutes les cultures présentes au Québec seraient représentées, où l'histoire de l'immigration serait illustrée à travers le temps, en insistant sur l'apport de tous les Québécois d'origine immigrante.

Alors, un tel musée à mon avis aura un triple objectif. Le premier, c'est renforcer le sentiment d'appartenance à la société d'accueil des Québécois d'origine immigrante parce qu'ils vont se sentir valorisés. Il va aussi démystifier la notion d'immigration qui reste inconnue pour beaucoup de Québécois d'origine française- canadienne ou autres composantes de la société. Beaucoup de personnes, selon mon expérience, pensent que les immigrants qui arrivent au Québec fuient des pays en guerre, fuient des conditions économiques difficiles ? ce qui n'est pas le cas de tout le monde ? qu'ils n'ont rien à offrir à la société d'accueil et qu'ils viennent vivre au crochet de la société. Donc, un tel musée va démystifier cette notion d'«immigration» et va lutter contre les préjugés. Et, à travers ces deux objectifs, on va renforcer la cohésion et un vivre-ensemble harmonieux pour tout le monde.

Toujours aussi dans le cadre de la valorisation, je m'attaque à l'éducation. Et, dans l'éducation, je propose qu'on revoie les livres scolaires d'histoire non pas pour introduire l'histoire du monde, parce que ce serait très lourd dans le programme scolaire, mais plutôt l'histoire détaillée de l'immigration, encore une fois à partir du primaire, et des apports des Québécois d'origine immigrante. On en a parlé tout à l'heure, mais les personnes qui m'ont précédée ont parlé, tout à l'heure, des problèmes de décrochage, des problèmes pour les Québécois d'origine immigrante de deuxième génération. Une telle initiative permettrait à chaque élève, à chaque personne issue de l'immigration de trouver sa place à l'école et dans la société... se reconnaisse et que chaque Québécois d'origine française-canadienne connaisse et reconnaisse l'apport de l'immigration.

Toujours au niveau de l'école, je propose l'introduction de la notion d'«identité» carrément dans le programme à étudier, soit sous forme d'activités, mais ça, ça pourrait être un détail auquel on pourrait s'attaquer dans les questions ou plus tard dans le plan d'action. Pourquoi introduire la notion d'«identité»? Parce que ça amènerait les élèves à réfléchir sur l'évolution de leur identité, sur celle de leur pays. Beaucoup de personnes pensent que l'identité est donnée à la naissance, elle est figée et qu'elle n'évolue pas, alors qu'elle est riche et que le fait de prendre d'autres appartenances, se sentir appartenir à la société d'accueil ne trahit en rien notre culture d'origine.

Alors, le quatrième point. J'en viens à l'adaptation des services et des structures aux besoins des Québécois d'origine immigrante, les services sociaux ou autres accommodements raisonnables. Je dis: Oui, c'est très important d'adapter ces services aux besoins pour faciliter l'intégration des Québécois d'origine immigrante ou des nouveaux arrivants parce que l'intégration est un processus bilatéral, c'est une responsabilité partagée entre la société d'accueil et les nouveaux arrivants. Et, justement parce que c'est un processus bilatéral, je trouve qu'il est extrêmement important d'expliquer aussi à ces nouveaux arrivants leur part de responsabilité, de les sensibiliser sur les valeurs québécoises pour qu'ils se prennent en main et qu'on évite de cette manière le risque que ces communautés ne se perçoivent différentes et ne réclament sans cesse des choses qui pourraient diviser la société plutôt que la rassembler.

Un autre point qui me paraît extrêmement important, c'est les médias. Je me suis rendu compte, en tant que citoyenne, que l'ignorance est très dangereuse, et c'est parce qu'il y a une certaine ignorance, il y a certains journalistes qui font des blagues sur des Québécois d'origine immigrante par méconnaissance. Je pense qu'il est extrêmement important de... Peut-être que, les médias privés, le gouvernement n'a pas une grande manoeuvre auprès de ces médias-là, mais, pour les médias publics, je trouve qu'il est extrêmement important d'amener les médias à prendre des mesures sur le plan de la sensibilisation, de la formation en interculturel, la formation des journalistes pour qu'ils s'ouvrent et qu'ils évitent des discours chargés de préjugés. On le sait tous, l'impact de ce qu'on entend à la radio, l'impact de ce qu'on voit à la télévision, l'impact de ce qu'on lit dans les journaux est extrêmement important sur l'inconscient populaire.

Le deuxième point toujours concernant les médias, c'est faciliter l'accès des Québécois d'origine immigrante à l'emploi dans les médias. Je ne suis pas du tout pour les quotas. J'appelle à une égalité des chances pour qu'il y ait une représentativité de la société québécoise que l'on voit dans la rue, qu'on la voie aussi à la télévision, à la radio. J'ai envie d'entendre des accents, d'autres accents différents. J'ai envie de voir des couleurs différentes. J'ai envie que M. et Mme Tout-le-monde aussi, derrière leur télé et derrière leur radio, s'habituent à ces personnes-là parce que c'est une réalité de la société québécoise actuellement.

Le troisième point toujours concernant les médias, c'est qu'on introduise des programmes qui valorisent l'apport des Québécois d'origine immigrante. Il y a des programmes à la télévision, je prends Radio-Canada, où on ne voit défiler comme invités que des personnes québécoises d'origine française-canadienne. C'est excellent, c'est parfait, mais sauf que la réalité de la société a énormément changé. On n'a pas envie de voir juste des personnes qui crient à la télévision, qui ont des couleurs différentes et des accents différents. On n'a pas envie de voir juste des gens qui réclament, on a envie de voir des personnes qui ont réussi, et qui ont commencé la réussite de leurs processus d'intégration, et qui peuvent servir comme modèles à ces personnes-là qui ont des difficultés d'intégration. Et aussi ça permettrait de lutter contre les stéréotypes et les préjugés.

Alors là, j'appellerais aussi le gouvernement à ce qu'il exige une obligation de résultat des médias publics à ce niveau-là et qu'il oblige aussi les médias à ce qu'ils rendent des comptes des mesures qu'il vont prendre pour lutter contre le racisme et la discrimination chaque année soit dans les rapports annuels, ou dans les rapports financiers, ou autres, qu'ils aient une obligation de résultat.

n(16 h 20)n

Un avant-dernier point, c'est l'accès à l'emploi. Je n'ai pas besoin de revenir sur les enjeux que l'on vit au Québec: le vieillissement de la population, le manque de main-d'oeuvre qualifiée, etc. Et j'ai trois points aussi à proposer ici. Je trouve paradoxal que la fonction publique ne soit pas assujettie au Programme d'accès à l'égalité. Il est très important que, dans la fonction publique, il y ait une représentativité de la population québécoise qui est multiculturelle.

Le deuxième point, c'est qu'il y a des programmes très intéressants qui ont été mis en place par le gouvernement pour faciliter l'intégration en emploi des Québécois d'origine immigrante, comme le programme PRIIME. Ce que je propose, c'est qu'il y ait un suivi de ce programme-là ou de ces programmes en général pour voir si tous les employeurs sont au courant de ces programmes qui existent, s'ils les utilisent, ce qu'il manque dans ces programmes, les défaillances, comment on peut les améliorer, les perfectionner. On n'a pas besoin d'inventer la roue. C'est juste peut-être améliorer les programmes qui existent déjà, mais encore faut-il faire un suivi de ces programmes.

Le dernier point, c'est une constatation aussi que j'ai faite, c'est la difficulté pour les employeurs, lors des entrevues d'embauche, de décoder les codes culturels des nouveaux arrivants. Donc, il y a énormément d'incompréhension qui bloque au niveau de l'embauche et qui pourrait bloquer aussi par la suite pour le maintien à l'emploi. Là, il y a énormément de choses aussi à faire au niveau des Québécois d'origine immigrante. Ils suivent des ateliers de recherche dynamique d'emploi. Je trouve qu'il est extrêmement urgent et important d'introduire des ateliers sur les valeurs québécoises en emploi au Québec pour qu'ils soient plus conscients aussi de l'effort qu'ils ont à faire pour aller vers la société d'accueil et se faire comprendre.

Un dernier point concernant toutes ces formations, toutes ces notions avec lesquelles on doit outiller la société civile: il est extrêmement important que toutes ces formations soient basées sur un savoir-faire et un savoir-être, un développement des attitudes pour qu'il y ait tout le temps une réflexion, de la part de la société civile, sur le racisme, sur les préjugés, les stéréotypes pour ne pas tomber là-dedans. Et, pour favoriser aussi donc l'ouverture et l'évolution, ne pas enfermer les cultures d'origine. Malheureusement, il y a des formations qui sont basées seulement sur le savoir, c'est-à-dire qu'on parle juste des codes culturels de certains Québécois d'origine immigrante, et ça fige les personnes dans leurs cultures et ça fige la culture elle-même, alors que toutes les cultures sont évolutives.

Ma conclusion, c'est que je trouve que, oui, les mesures et la politique de lutte contre le racisme et la discrimination sont extrêmement importantes. Ma seule crainte, c'est qu'il n'y ait pas une coordination de cette politique. Donc, je trouve que ce serait extrêmement intéressant que toutes les mesures soient centralisées quelque part, qu'il y ait un suivi pour qu'on puisse évaluer les résultats. Je vous remercie.

Le Président (M. Turp): Bon. Bien, merci beaucoup. On a un après-midi extraordinaire, là, où nos invités n'épuisent pas tout leur temps.

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Ah, bien, écoutez, merci, si c'est le cas. Mais là je donne donc la parole à la ministre d'abord qui aura certainement plusieurs questions pour vous, Mme Benrhazi. Merci.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Benrhazi, de votre présentation. Je trouve que c'est une présentation très dynamique. Donc, merci pour vos recommandations.

Il est évident que toutes les recommandations seront analysées avec le plus grand soin. Je pense que c'est important, le travail qu'on entreprend, qu'on continue aujourd'hui, celui qu'on a entrepris avec le début de la commission. Je pense que c'est important de vous rassurer: on veut doter le Québec d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Puis il est évident qu'une politique gouvernementale interpellera tous les ministères. Et, au-delà de la politique, ça prend un plan d'action aussi dans lequel on va retrouver évidemment les différentes mesures, les différentes actions que tout le monde devrait poser, tous les acteurs qui seront interpellés. Il est bien évident qu'on ne peut pas juste penser faire un plan d'action sans le suivre, et je pense que c'est important de suivre les recommandations justement pour s'assurer qu'on ait des résultats concrets.

Il y a plusieurs intervenants qui nous ont dit ici: Depuis bon nombre d'années, il y a eu certaines initiatives qui ont été faites par différents gouvernements à différentes époques, mais jamais on n'a été aussi loin que de vouloir se doter d'une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme. Et je vais vous répéter ce que j'ai dit à l'autre groupe: oui, il y a les immigrants, mais il y a aussi les gens de deuxième et de troisième génération. Et ça, c'est catastrophique lorsqu'on regarde les différentes statistiques. Donc, on doit faire quelque chose tout de suite. Il faut être en mode préventif. Ça fait que je veux vous rassurer sur les sentiments qui nous animent par rapport à cette politique-là. Et je crois sincèrement que le Québec pourra se considérer comme un leader encore une fois, dans une de ses politiques avec lesquelles il ira de l'avant.

Ceci étant dit, vous avez parlé de l'accès à l'emploi. Bien, moi, je considère qu'effectivement l'emploi est une clé maîtresse. On ne peut pas évacuer la question de l'emploi lorsqu'on parle de la discrimination et du racisme. Vous avez parlé aussi des codes culturels. Et je suis d'accord avec vous parce que, bon, moi, je connais beaucoup de gens, dans mon entourage, qui vont me dire: Bien, moi, une bonne poignée de main, un bon regard dans les yeux, franc, ça en dit beaucoup, alors qu'on sait, vous, et moi, et plusieurs personnes assises ici, et d'autres personnes qui nous écoutent, que très, très souvent, quand on provient d'un autre pays, il y a une marque de respect aussi qui fait que les gens peut-être ne nous regarderont pas dans les yeux.

Donc, oui, c'est important d'apprendre les codes culturels. De quelle façon vous pensez qu'on devrait travailler avec les gestionnaires qui sont en postes décisionnels, notamment les gens des ressources humaines qui passent les entrevues, pour être en mesure de leur faire comprendre les différences et les codes culturels qui peuvent animer nos nouveaux concitoyens?

Mme Benrhazi (Amina): Moi, je suis convaincue que le développement des compétences interculturelles est extrêmement important. Des formations en communications interculturelles. C'est-à-dire que, oui, présenter les codes, les expliquer mais leur fournir aussi le moyen dans le cadre de ces formations. Il y a des activités que l'on fait dans le cadre de ces formations pour les amener à décoder ou à s'ouvrir à l'autre sans forcément connaître chaque culture, comment elle fonctionne, parce que ça, c'est extrêmement difficile quand on a 100 ou 150 cultures différentes qui vivent dans le même pays. On ne peut pas leur donner tous les codes, mais on donne les grandes lignes tout en leur disant: Attention, dans la même culture, on a des personnes qui vont passer d'un code à l'autre, d'un comportement à l'autre en fonction des situations, qui vont s'adapter.

Donc, juste les amener aussi à s'ouvrir et avoir tout le temps cette attitude de réfléchir, de ne pas rester non plus prisonnier d'un code d'une culture parce qu'on l'a appris dans une formation. C'est mon avis.

Mme Thériault: Comment pensez-vous qu'on pourrait faire partager davantage la responsabilité de l'intégration par la personne immigrante? Bon. Parce que, oui, il est vrai qu'il y a des personnes immigrantes qui vont se laisser prendre au jeu, si vous voulez, au jeu de l'intégration dans leur nouvelle société. Moi, j'ai pour mon dire que c'est une responsabilité partagée entre le gouvernement, la société d'accueil, les différentes composantes mais également la personne immigrante. Et très souvent c'est ce qui va faire aussi la différence entre ce qu'on va sentir, qu'on a été victime de discrimination ou de racisme ou pas. La différence, c'est la personne elle-même qui va la faire dans son intégration.

Mme Benrhazi (Amina): C'est clair que le processus d'intégration est un processus bilatéral, c'est une responsabilité partagée. Alors, moi, je trouve qu'au niveau des Québécois d'origine immigrante il n'y a pas beaucoup d'efforts que l'on fait pour les sensibiliser à cette réalité. Et la démarche à mon avis pourrait se faire avant que ces Québécois d'origine immigrante... dès qu'ils sont candidats à l'immigration, dans leur pays d'origine, que la démarche commence à ce niveau-là.

Je suis immigrante aussi et j'ai suivi une séance d'information à Rabat, quand j'ai été acceptée en tant qu'immigrante. Et la séance d'information générale, c'est: on nous parle un petit peu de la géographie du Québec, l'histoire du Québec, ce qui nous attend un petit peu au Québec, la neige, etc., mais je pense qu'il est extrêmement important de nous parler des valeurs québécoises. Il est important que la société québécoise affiche avec fierté ses valeurs, et les Québécois vont y adhérer. Il est important aussi, pour les amener à prendre conscience, amener les Québécois d'origine immigrante à prendre conscience de leur rôle dans l'intégration, leurs responsabilités aussi, qu'ils se sentent valorisés, et reconnus, et respectés aussi, qu'ils se sentent aussi représentés, avec les propositions que j'ai faites, au niveau des médias, au niveau de l'éducation, au niveau du musée de l'immigration.

Quelqu'un qui va se sentir valorisé, il va s'ouvrir forcément à la société d'accueil. Sinon, il n'est pas fait pour vivre dans une telle société.

Mme Thériault: Juste une petite question de précision: Ça fait combien de temps que vous êtes arrivée au Québec?

Mme Benrhazi (Amina): Quatre ans et demi.

Mme Thériault: Quatre ans et demi. Donc, quand vous avez fait votre entrevue de sélection, on parle de cinq ans et demi avant, peut-être?

Mme Benrhazi (Amina): ...en 2001.

n(16 h 30)n

Mme Thériault: En 2001. Parfait. Je veux juste porter à votre attention qu'on a pris soin maintenant, dans les nouvelles pratiques, dans les séances d'information, de donner beaucoup plus d'informations sur ce que sont les valeurs du Québec justement et qu'aujourd'hui il y a un guide qui existe depuis maintenant un an, qui s'appelle le guide Apprendre le Québec, et on parle des valeurs du Québec. On dit, à l'intérieur de ce guide-là, également qu'un homme est égal à une femme ici, au Québec.

Je pense qu'il y a certaines mises au point qui ont été faites dans le guide, mais je conviens avec vous qu'il y aura toujours moyen d'améliorer l'information qu'on peut dispenser à l'étranger, avant que les gens arrivent ici, définitivement.

Mme Benrhazi (Amina): Les responsabiliser aussi, tout le temps. Parce que, oui, il y a beaucoup de services qui sont adaptés, je trouve que c'est extrêmement intéressant d'adapter des services, mais je pense qu'il faut aussi qu'ils se sentent responsables de leur propre intégration en partie, ne pas trop prendre les personnes en main parce que pour moi un immigrant n'est pas un assisté. Je pense que l'immigration est une décision extrêmement difficile, extrêmement importante dans la vie d'une personne, et ça demande beaucoup de courage. Et la personne qui est arrivée jusqu'ici pour s'installer dans un pays qui n'est pas le sien, dans une culture qui est différente, je pense qu'elle a les moyens pour réussir aussi son intégration. Il faut compléter ces moyens-là.

Mme Thériault: ...on reviendra un peu plus tard. Ma collègue, elle aimerait ça échanger avec vous. Merci.

Le Président (M. Turp): Vous avez fait exactement huit minutes, alors il y aura sept minutes tout à l'heure.

Juste par curiosité, Mme Benrhazi, dans quel coin du monde aviez-vous fait cette entrevue d'admission?

Mme Benrhazi (Amina): À Rabat.

Le Président (M. Turp): D'accord. Alors, je donne la parole à la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Benrhazi, bonjour. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de visiter Rabat l'été dernier. C'est magnifique. Bon. Merci pour votre mémoire. C'est très intéressant. Vous avez plusieurs propositions qui méritent une attention particulière, et je voudrais m'attarder, dans un premier temps, à la terminologie. Donc, c'est le premier aspect que vous avez abordé, puis ça a été soulevé par plusieurs groupes, mais on l'a moins abordé dans cette commission. Donc, j'aimerais prendre le temps d'en parler avec vous.

On nous a mentionné que justement l'usage des mots, en fait ça a des conséquences importantes, bien, sur une philosophie, sur une idéologie, sur la façon dont, bon, on perçoit l'intégration notamment, puis je voudrais vous entendre sur l'importance de la citoyenneté par rapport à ce que vous mentionnez versus, là, communauté culturelle, communauté ethnique, etc., et pourquoi ce serait préférable d'utiliser ça. Je sais qu'il y a ceux qui prétendent que «communauté culturelle» peut être bien mieux à utiliser. Bien, en tout cas, pas tous, là, mais certains disent que dans le fond c'est que les personnes immigrantes se sentent directement concernées, interpellées. Et donc il y a un ministère dans l'appareil étatique gouvernemental, qui s'appelle ministère des Communautés culturelles et Immigration, donc il y a un point de référence direct, tandis que «citoyenneté», c'est un terme plus large qui concerne évidemment tous les citoyens québécois, et donc c'est plus difficile de s'y retrouver.

En tout cas, j'aimerais vous entendre sur ça: Comment s'assurer que dans le fond il y a un service spécifique qui soit offert puis qu'on puisse dans le fond parler de citoyenneté? Parce qu'à titre anecdotique, pendant longtemps ? je connais des gens, moi-même ? on demandait systématiquement aux personnes, d'une façon totalement... dans une approche d'ouverture: Toi, tu es de quelle origine?, tatati, parce qu'on voulait s'intéresser aux autres, puis dans le fond, par après, bien, moi, personnellement, je me suis fait reprocher de dire: Bien là, arrête donc de me demander d'où je viens, je suis Québécois. Puis là, bien là, je veux dire, il y avait finalement un malentendu parce que l'idée, c'était d'être ouvert, mais finalement on se faisait reprocher de tout le temps ramener la personne dans son statut d'autrefois.

Le Président (M. Turp): ...moi.

Une voix: Pardon?

Le Président (M. Turp): Je viens de faire ça.

Mme Lefebvre: Vous l'avez fait d'une façon subtile, M. le Président.

Le Président (M. Turp): C'est la curiosité.

Mme Lefebvre: Mais c'est la curiosité, mais quand même c'est un débat important...

Une voix: Ce n'est pas méchant.

Mme Lefebvre: ...puis ça a été parfois mal perçu. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette question-là.

Mme Benrhazi (Amina): Oui. Alors, quand je parle de citoyenneté, c'est clair entre nous que je ne parle pas de la détention d'un passeport, c'est l'utilisation des mots, que ce soit dans les discours, que ce soit dans les formations, que ce soit dans les contacts, que ce soit à la télévision. C'est que pour moi quelqu'un qui a choisi de vivre dans un pays, qui travaille dans un pays, qui paie ses impôts, il faut qu'il prenne part, qu'il participe à cette société dans tous les domaines possibles dans la société. Alors, l'utilisation de la notion de «citoyenneté» ne signifie pas que l'on va renier ses origines. Moi, ça ne me dérangera pas que l'on me dise: De quelle origine tu es?, même après 20 ans, parce que ça fait partie de l'identité du Québécois d'origine immigrante.

Ce sont des appartenances que l'on prend, sauf qu'il y a des personnes qui vont récupérer des appartenances beaucoup plus difficilement que d'autres parce qu'il y a la peur et la menace de perdre et de trahir sa culture d'origine. Et c'est pour ça que, moi, je dis que le poids des mots est extrêmement important. Si on répète sans cesse à quelqu'un qu'on le considère comme un citoyen qui n'a pas besoin d'attendre d'avoir un passeport canadien pour se sentir citoyen dans ce pays, si on lui répète ça, c'est sûr que ça va l'aider à développer un sentiment d'appartenance. C'est dans ce sens-là que je le propose, parce que je me suis rendu compte qu'il y a beaucoup de personnes qui insistent peut-être aussi par simplification du vocabulaire, par simplicité, utilisent les mots de «communauté culturelle», et les Québécois d'origine immigrante vont l'intégrer automatiquement, les Québécois d'origine française-canadienne vont l'intégrer automatiquement: Oui, les communautés culturelles, c'est des groupes. Et ça pourrait encourager aussi la ghettoïsation, et, moi, c'est ma crainte.

Moi, je considère tout le monde comme un citoyen. Je n'ai pas besoin que quelqu'un attende de passer son examen de citoyenneté et qu'il ait un passeport. C'est une question de sentiment d'appartenance.

Mme Lefebvre: Justement, vous en avez parlé. Comment, à ce moment-là, s'assurer de faire la promotion des différentes cultures, puis en même temps de favoriser une mixité sociale, puis s'assurer que dans le fond les citoyens d'origine... bien, de différentes origines dans le fond... Parce que dans le fond, on l'a dit, c'est un peu naturel, quand on s'en va à l'étranger, de se regrouper avec ceux qui nous ressemblent. Donc, comment s'assurer, à ce moment-là, de valoriser ces différentes cultures qui dans le fond forgent la nouvelle culture québécoise puis en même temps de ne pas favoriser la ghettoïsation? Parce que c'est un peu ça. Tu sais, on en fait beaucoup. Il y a beaucoup d'activités qui se font par les différentes communautés, puis, moi, j'y vais, puis les collègues ici y vont aussi avec beaucoup d'intérêt. Puis c'est important de le valoriser, mais en même temps, des fois, je me dis: Mais ce serait le fun que dans le fond, à une fête algérienne, bien il y ait aussi des Québécois d'origine latine puis qu'il y ait aussi des Québécois de souche, qu'ils soient tous ensemble. Puis on dirait qu'en ce moment c'est beaucoup par communautés.

Puis des fois je me dis: Ah, c'est bien, c'est très bien parce que ça permet... mais en même temps ce serait le fun que ce soit plus mixte des fois.

Mme Benrhazi (Amina): Bien oui, plus mélanger. C'est pour ça que j'ai parlé d'un musée à l'immigration. On va retrouver toutes les cultures qui sont présentes ici, au Québec, qui sont représentées avec toute leur histoire, avec tous leurs apports.

Mon rêve, c'est d'entrer dans un magasin et de trouver un canapé en cuir de Roche-Bobois, et, à côté, il y a un abat-jour marocain puis, à côté, il y a autre chose qui vient d'un autre pays où il y a ce mélange. Je n'ai pas envie de vivre dans une société où on va constituer des petits groupes séparément. Comment valoriser tout ça? Pour vous répondre, en plus de ce musée, c'est l'égalité des chances, l'égalité des chances et la représentativité de cette population pour qu'ils se sentent aussi comme faisant partie de la société.

Le Président (M. Turp): ...20 secondes.

Mme Lefebvre: Bien, je vais revenir.

Le Président (M. Turp): Vous revenez dans votre autre bloc?

Une voix: S'il vous plaît.

Le Président (M. Turp): Alors, Mme la ministre.

Une voix: ...c'est la députée de Nelligan.

Le Président (M. Turp): La députée de Nelligan. Alors, à vous la parole, Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présence et non seulement la qualité de votre mémoire, mais de votre échange. Et j'écoutais intensivement votre échange avec la députée de Laurier-Dorion et je me suis sentie personnellement interpellée pour plusieurs raisons.

Puis c'est ce qui me vient à l'esprit, puis j'aimerais vous entendre là-dessus. En fin de compte, la façon que je vois ça, c'est qu'on se demande: Est-ce qu'on peut faire tout en même temps? Par ça, je veux dire, on se dit: Pour ? je vais vous donner un exemple ? l'Haïtienne de deuxième, troisième génération qui n'a jamais mis les pieds en Haïti de sa vie, qui est au Québec, qui est là, qui a l'accent québécois, et tout, et on va lui demander ? et ça, je peux vous dire que ça arrive; je ne suis pas d'origine haïtienne, mais ça m'arrive aussi ? on va dire: Mais, vous venez d'où, vous? La députée de Laurier-Dorion a bien fait de citer ces exemples-là parce que ça arrive. Mais la question que je vous pose ou le constat que je fais dans le fond, en même temps, on peut dire: Oui, je suis Québécoise, Canadienne, et tout ça, mais est-ce qu'on arrête là? Je ne pense pas, parce qu'il y a une différence évidente entre l'Haïtienne et le Québécois ? je hais dire ça ? un Québécois de souche, là.

Il y a une différence, mais je pense que c'est possible. Puis je veux que vous répondiez, si vous pouvez, directement à ce commentaire-là, de dire: Oui, je suis Québécoise, oui, je suis Canadienne, mais en même temps cet apport-là que j'amène, compte tenu de mon histoire personnelle ou de la vôtre, est un plus pour le Québec. Mais c'est de trouver le moyen à composer tout ça. Comment est-ce que vous voyez ça, vous, personnellement?

n(16 h 40)n

Mme Benrhazi (Amina): Moi, je pense que, quand on est à l'aise dans ses appartenances d'origine, on développe facilement d'autres appartenances de la société où on vit. Quand on est de deuxième génération et que c'est visible qu'on est peut-être différent ou qu'on a un autre apport, on va dire: Je suis Québécoise française, etc., d'origine française, mais il y a l'apport de la société haïtienne que j'ai ramené avec ma famille.

Je pense que tout ça, ça peut se conjuguer de manière très facile et ça peut être accepté à condition que l'autre qui est en face ne nous enferme pas dans une couleur de peau, dans un accent, dans une religion. Et cet autre-là ? comme je le dis un petit peu à travers certaines propositions, il y a toutes ces mesures-là que l'on va mettre à travers les médias, la représentativité dans la fonction publique, la représentativité dans les médias, le musée de l'immigration qui va préparer l'autre qui est en face de nous à s'ouvrir et à ne se poser même pas cette question ? il va être curieux de savoir d'où on vient.

On va être fier aussi de ces origines-là parce que c'est une richesse, parce que ça fait partie de notre identité, mais en même temps ni lui ne va nous enfermer dans une seule appartenance ni, nous, on ne va s'enfermer dans une seule parce que l'autre nous regarde différemment. Je ne sais pas si j'ai répondu.

Mme James: Oui, oui, vous avez répondu. Alors, moi, je vois, dans ce que vous dites, l'importance de ce rapprochement-là interculturel, que ce soit par les activités où on va. Puis une des choses que j'ai remarquées souvent ? puis c'est le cas pour moi aussi, lorsque j'assiste, puis je sais que c'est le cas pour la ministre et pour la députée de Laurier-Dorion ? quand tu assistes, pour la première fois, à une activité quelconque d'une autre communauté puis c'est la première fois que tu fais ça, on embarque, puis on apprend, puis on mange, puis on aime ça. Puis après ça la perception qu'on a de peut-être... Parce qu'on a tous des préjugés. Ça, il faut se le dire aussi.

On a tous des préjugés. La perception qu'on a de ces communautés-là ou des préjugés qu'on peut avoir aussi changent évidemment. Mais, encore là, moi, je pense que le défi ? puis je vais vous relancer la question par rapport à ça; le défi ? c'est que, quand on veut faire une politique gouvernementale où on ne parle pas juste des individus, mais collectivement on veut faire un effort assez important puis adopter une politique assez ambitieuse, il faut trouver les moyens administratifs pour s'assurer que ça se passe et que les valeurs et la volonté politique qui sont là des deux côtés puissent se réaliser sur le terrain.

En tant qu'organisme, je veux vous entendre, dans les secondes ou dans les minutes qu'il nous reste, sur les pistes de solution qu'on peut amener concrètement. Parce que ce que j'ai entendu beaucoup de ce que vous avez présenté, c'est que pas juste... Pas juste dans le contenu des programmes. Parce que souvent c'est là. J'ai lu ça. On a tel programme et ci, puis ça. Mais les gens ont peut-être, de la façon dont c'est... que c'est communiqué, excusez-moi... Et il peut être amélioré.

Alors, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples des choses qu'on pourra retrouver dans la politique, qui pourraient faire en sorte que ce soit mieux pour l'individu sur le terrain?

Mme Benrhazi (Amina): Bien, pour qu'il y ait des résultats, il faut qu'il y ait...

Le Président (M. Turp): Deux minutes.

Mme Benrhazi (Amina): ... ? oui; pour qu'il y ait des résultats, il faut qu'il y ait ? obligation de résultat. C'est-à-dire que la politique va être faite avec des actions, avec des mesures qui vont être proposées. Je pense qu'il faut qu'il y ait une obligation de résultat pour tous les acteurs qui vont être impliqués dans cette politique, sinon il n'y aura pas de... les mesures ne porteront pas leurs fruits à la fin.

Alors, je pense que chacun doit rendre compte des mesures qui vont être prises tout le long et se donner un temps, une année après le lancement de la politique de lutte contre le racisme, pour que les gens rendent compte des mesures prises. Et puis, pour évaluer les résultats, il faut qu'il y ait un suivi et une coordination.

Mme James: ...il reste encore quelques secondes.

Le Président (M. Turp): Non.

Mme James: Non?

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Bien, oui.

Une voix: O.K.

Le Président (M. Turp): Bien, en tout cas, peut-être 50 secondes.

Mme James: Ah, oui, c'est une petite question rapide, M. le Président.

Le Président (M. Turp): Allez. 50 secondes. À deux.

Mme James: Vous avez évoqué la question des médias. Moi, je pense que le défi pour nous, en tant que parlementaires, c'est de trouver le bon moyen. On parle d'encourager. On aimerait bien. On ne peut pas les forcer nécessairement. Quelle est la meilleure façon de les encourager, le plus positivement possible, à vraiment s'assurer d'avoir cette meilleure représentation là au niveau de l'écran, des médias en général?

Mme Benrhazi (Amina): Les médias publics reçoivent des subventions? C'est une question que je pose.

Une voix: ...

Mme Benrhazi (Amina): Reçoivent des subventions?

Mme James: Les médias publics? Oui, oui, Télé-Québec, oui, oui.

Mme Benrhazi (Amina): Donc, les subventions peuvent être conditionnées aussi.

Mme James: Et les autres?

Mme Benrhazi (Amina): Les médias privés, les sensibiliser, les sensibiliser parce qu'on ne peut pas les obliger.

Le Président (M. Turp): Voilà. Merci. Alors, la députée de Laurier-Dorion et ses collègues ont 8 min 45 s pour un dernier échange avec vous.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Je voulais juste revenir sur un aspect, là, fort important.

Tout à l'heure, on a parlé de la citoyenneté, mais vous mentionnez, dans votre mémoire, l'importance de parler d'ouverture plutôt que de tolérance. Puis je voulais vous dire que je suis 100 % d'accord avec vous parce que dans le fond c'est l'ouverture face à l'autre. Puis, tout à l'heure, on parlait des activités des différentes communautés, et tout ça. Puis je partage les propos de la députée de Nelligan que d'y aller, dans ces activités-là, de plus en plus ça permet de démystifier beaucoup de choses, premièrement.

Bon. On vient de terminer le mois du ramadan puis on parle beaucoup, à la télévision, de la religion musulmane puis de l'Islam, puis, bon, c'est sûr qu'on parle davantage des aspects plus négatifs de ça. Mais il y a quelque très bons reportages sur nos écrans de télévision, et, moi, j'ai eu l'occasion, et mes collègues aussi, de participer à plusieurs événements, notamment... et tout ça, puis l'aspect des prières aussi. Puis ça permet de comprendre puis de voir, de les démystifier ? en fait, c'est vraiment ça, le mot ? démystifier certaines pratiques ou coutumes que l'on ne connaît pas finalement, puis c'est tout.

Et, moi, à chaque fois que je me promène, j'invite les... représentants à continuer de nous inviter mutuellement et d'inviter aussi plus largement. Et, je me disais, par exemple: Bon, la religion musulmane qui malheureusement, sur certains aspects, fait un peu peur à certaines personnes... Je me disais que plus et plus, si les mosquées, par exemple, étaient ouvertes au public ? et il y en a, des journées portes ouvertes ? bien ça, c'est des exemples concrets qui permettent, bon, à M. et Mme Tout-le-monde de se présenter puis de comprendre: Ah, ils font juste prier, puis c'est tout, puis, bon, on s'en retourne chez soi, après, puis c'est fini. Et donc, en tout cas, c'est... Et donc l'ouverture, je pense que c'est un thème qu'on doit de plus en plus utiliser.

Et, sur ce ? c'était juste un bref commentaire ? je passe la parole à mon collègue de Saint-Hyacinthe et je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Turp): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste six minutes, là.

M. Dion: Merci, M. le Président. Merci à ma collègue de me donner un petit peu de temps. Je trouve extrêmement intéressant ce que vous avez exposé, et puis, les valeurs qu'il y a là-dedans, moi, j'achète ça, là.

Mais d'abord je voudrais revenir sur toute la question de la question sur: D'où venez-vous?, parce que j'aurais des choses, des expériences personnelles extrêmement intéressantes à vous raconter là-dessus. Mais c'est sûr que je suis d'accord avec le fait que le questionnement, ou le supplice de la question, ou l'enquête est toujours désagréable pour n'importe qui. Mais la question qui vise à établir une relation, une connaissance de l'autre, on se fait constamment demander: Mais, vous, c'est quoi, votre formation?, mais c'est quoi que vous avez fait dans la vie?, et ces choses-là. Et on trouve ça normal.

Alors, l'origine et la culture auxquelles on appartient profondément aussi sont une valeur intéressante. Est-ce qu'au fond ce n'est pas positif d'avoir ce genre de question dans un contexte où on veut se connaître?

Mme Benrhazi (Amina): Moi, je considère que c'est une question très positive et, comme j'ai dit tout à l'heure, j'y répondrai jusqu'à la fin de mes jours. On me dira: Tu viens d'où? Je dirai: Je suis d'origine marocaine, tout en insistant que je suis aussi Québécoise. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui se sentent agressées par cette question. Puisque j'en ai parlé avec beaucoup, je pense qu'ils se sentent agressés par cette question parce qu'il y a cette envie, chez un Québécois d'origine immigrante ? beaucoup, pas tous ? d'essayer de passer comme inaperçu, d'être comme M. Tout-le-monde, Mme Tout-le-monde. Je fais partie de cette société. Et le fait, pour certains, qu'on leur pose la question: D'où tu viens?, d'où venez-vous?, ça les ramène à leur culture d'origine: Tiens, c'est mon accent encore qui m'a trahi; on me considère, on me regarde encore comme immigrant ou comme immigrante. Mais, personnellement, moi, je considère que ça permet d'avoir un contact.

On a un accent quand on commence à parler. C'est sûr, sûr, sûr. On sait qu'on n'a pas grandi au Québec. Et c'est la curiosité souvent qui fait que la personne va nous poser la question, parce qu'elle a envie de savoir d'où on vient. Mais il y a des personnes qui se sentent figées dans leur immigration d'origine.

n(16 h 50)n

M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je pense bien que ça nous enseigne que, si on veut que les gens interprètent notre intention, il faut faire en sorte qu'ils comprennent pourquoi on pose des questions. Donc, il y a des préambules.

Une autre question. Vous avez insisté sur une chose extrêmement délicate, sur la question de la communauté culturelle versus le fait de focaliser sur la différence de groupe et la ghettoïsation, d'une part, et, d'un autre côté, vous avez fait des allusions à la culture québécoise.

Est-ce que vous concevez la culture québécoise en devenir comme une espèce de résultat d'une certaine mixité de cultures différentes ou comme une culture qui existe réellement et qui sera plus ou moins influencée par d'autres cultures, comme c'est normal dans tous les pays, selon le nombre d'immigrants de cette culture-là et selon la fonction qu'ils occuperont dans la société? Et en tout cas il y a toute une question ici qui me préoccupe beaucoup.

Le Président (M. Turp): C'est une bonne question, ça. J'ai hâte d'entendre votre réponse.

Mme Benrhazi (Amina): Oui. Toutes les cultures, au contact des autres cultures, vont évoluer. Elles ne resteront pas figées, c'est certain. Moi, je considère la culture québécoise et la société québécoise comme un édifice qui a déjà été construit depuis le début par les premiers habitants, par ceux qui sont arrivés ensuite de la France, partout. Et les autres nouveaux arrivants qui sont venus au fur et à mesure, ils continuent la construction de l'édifice. C'est un enrichissement. Et c'est ça, ce que j'ai envie que, beaucoup de Québécois d'origine immigrante, on leur transmette comme message: c'est que tu arrives ici; tu n'arrives pas dans une société qui est rasée, complètement rasée, où il n'y a rien, où il y a tout à construire; tu n'arrives pas dans une société où la culture, elle est faite, elle est figée, tu ne peux pas y toucher, puis il faut l'accepter, tu rentres dedans, et puis c'est fini.

Non, on arrive, et c'est une culture qui est en construction. Donc, pour moi, comme n'importe culture, ce n'est pas une culture qui est figée, elle s'enrichit et elle enrichit aussi ceux qui arrivent ici.

Le Président (M. Turp): ...certain que mes collègues apprécient beaucoup cette réponse, comme je l'apprécie aussi.

Une voix: Absolument.

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Oui, «mes collègues». J'ai dit: Tous mes collègues. Alors, merci beaucoup pour le mémoire, vos commentaires, et les réponses aux questions, et pour votre contribution aux travaux de cette commission. Merci.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Turp): Je suspends les travaux pour quelques minutes et j'invite... du Conseil permanent de la jeunesse à bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

 

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Turp): ...les représentants du Conseil permanent de la jeunesse d'être parmi nous. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez de 20 minutes, et chacune des parties aura une quinzaine de minutes, là, pour vous poser des questions. Et la cloche devrait sonner à la fin de ces 50 minutes parce que nous allons devoir aller voter.

Alors, à vous la parole.

Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

Mme Paquet (Sophie): Alors, bonjour. Merci, M. le Président. Je suis Sophie Paquet, présidente du Conseil permanent de la jeunesse. Je vous présente mes accompagnateurs: alors, Hélène Dumais, qui est vice-présidente du CPJ aussi; et Georges Lemieux, qui est agent de recherche et responsable du dossier dont il est question aujourd'hui. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale, bonjour. Alors, c'est avec plaisir qu'on est ici, devant vous, pour vous faire part des différentes recommandations qui sont incluses dans le mémoire, et donc, à titre de présidente mais aussi au nom des membres du conseil, on vous remercie de votre accueil à cette consultation.

Alors, d'abord, pour ceux qui ne se souviennent pas, j'aimerais juste vous rappeler que le CPJ est un organisme qui avise le gouvernement justement et qui conseille le ministre responsable, qui en fait est le premier ministre, M. Charest, sur toute question qui se rapporte à la jeunesse.

Le Président (M. Turp): Qui a déposé le rapport de votre conseil donc aujourd'hui, à l'Assemblée nationale.

Mme Paquet (Sophie): Oui. Alors, c'est une grande journée pour nous aujourd'hui. Alors, je poursuis.

Le CPJ donc accueille, avec un grand intérêt, la volonté du gouvernement du Québec d'adopter une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Ces enjeux, ainsi que celui du pluralisme, intéressent particulièrement les jeunes, et ce, à plusieurs égards. Donc, en 2001, il y avait, au Québec, 250 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans issus de l'immigration. Donc, près de un jeune sur cinq était immigrant ou enfant d'immigrant, et, de ce nombre, un peu moins de la moitié étaient de minorités visibles. Les jeunes Québécois ont grandi dans une société où la diversité ethnique et culturelle fait donc partie de leur décor. Malgré ça, les jeunes issus de l'immigration semblent toutefois être absents de la scène politique et des organisations jeunesse comme nous l'avons constaté lors du Sommet du Québec et de la jeunesse tenu en l'an 2000. C'est aussi pour cette raison donc que le conseil a décidé de se pencher sur la question et a publié le rapport de recherche intitulé Remixer la cité ? la participation citoyenne des jeunes Québécois issus de l'immigration et des minorités visibles, un dossier qui a été réalisé en collaboration avec le Conseil des relations interculturelles. Un forum de discussion qui a réuni près de 100 participants a aussi été organisé à l'occasion du lancement de cette recherche, et ça s'est tenu dans le cadre de la Semaine d'actions contre le racisme, en 2004.

Et finalement, en décembre 2005, nous avons produit l'avis qui s'intitule Jeunes: citoyens à part... entière!, qui contenait près de 42 recommandations pour favoriser la participation des jeunes à la société québécoise.

Donc, selon le conseil, le fait que les jeunes des communautés culturelles soient moins présents au sein des organisations jeunesse, ce n'est pas seulement un symptôme qui illustre leurs problèmes d'insertion, il s'agit pour nous également d'une des causes de ces problèmes, et c'est un peu pour cette raison que le conseil est d'avis que la politique de lutte au racisme et à la discrimination doit avoir comme objectif non seulement de lutter contre les préjugés, et la discrimination, et les inégalités sociales et économiques, mais aussi de favoriser l'éducation à la citoyenneté et la participation citoyenne des jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles.

Alors, notre présentation comportera trois parties. La première cible l'éducation à la citoyenneté et à la diversité ethnoculturelle comme moyen de lutte contre le racisme et la discrimination. Le conseil propose, dans la deuxième partie, différentes mesures afin d'améliorer la situation socioéconomique des jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles. Et, troisièmement, toujours selon le conseil, une politique de lutte contre le racisme et la discrimination doit également avoir pour objectif de favoriser la participation citoyenne. Et enfin, bien, notre présentation se terminera par quelques réflexions de nature plutôt générale à propos de la présente consultation.

Alors, d'abord, la première orientation, comme je viens de vous le mentionner, vise à éduquer à la citoyenneté pour contrer le racisme et la discrimination. D'abord, c'est un peu avec étonnement que le conseil a remarqué, dans le document de consultation, qu'on ne faisait pas mention de l'implantation graduelle de la réforme au secondaire et des importants changements qui en découlent avec notamment l'introduction de l'éducation à la citoyenneté. Donc, depuis 2005, les élèves qui débutent leur cours secondaire devront suivre obligatoirement, à chaque année de leur formation, le cours Histoire et éducation à la citoyenneté. Alors, de notre côté, on est d'avis qu'il faut veiller à ce que ce nouveau cours traite explicitement de citoyenneté et qu'il fasse la promotion d'une identité québécoise qui inclut les Québécois de toutes origines. Le cours devra aussi s'assurer qu'on explique les enjeux de la diversité culturelle et que l'on souligne l'apport des Québécois issus de l'immigration à la société. Le cours devra aussi éveiller les élèves au problème du racisme et de la discrimination.

n(17 heures)n

Alors, selon le conseil, l'éducation à la citoyenneté ne doit pas uniquement être une nouvelle matière théorique, mais doit aussi favoriser une citoyenneté active et le respect de la diversité à l'intérieur des murs de l'école mais aussi à l'extérieur de ceux-ci. Donc, par conséquent, on recommande d'instaurer un service communautaire obligatoire au secondaire, comme c'est déjà le cas dans les cours pour les élèves du programme d'éducation à l'international, et une telle initiative permettrait selon nous de créer des liens spécifiquement entre l'école et avec la communauté. Il faut aussi, pour nous, reconnaître l'engagement des jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles dans leur communauté, en leur permettant, par exemple, de rencontrer les autres jeunes dans le cadre du cours Histoire et éducation à la citoyenneté. Et il faudra enfin élaborer de nouvelles activités de rapprochement interculturel en milieu scolaire et continuer d'ailleurs d'appuyer celles qui existent déjà, dont le concours Jeunes Scénaristes et les échanges entre les écoles des quartiers multiethniques et celles des régions plus homogènes.

Comme deuxième orientation, le conseil suggère des mesures afin de briser les inégalités sociales. On remarque en général que les jeunes se trouvent dans une situation économique plus difficile que le reste de la population. En l'an 2000, le taux de faibles revenus des jeunes de moins de 25 ans vivant... seuls, pardon, était de 38 %, soit près de deux fois plus élevé que celui relevé dans la population en général, qui était de 22 %. Les difficultés d'insertion sociale ainsi que la précarité plus élevée chez les jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles sont des facteurs d'exclusion qui minent les efforts qui visent à lutter contre le racisme et la discrimination et ces difficultés se font souvent sentir bien avant l'entrée à l'âge adulte. Par exemple, les conditions de vie difficiles de nombreux jeunes autochtones et des communautés culturelles se traduisent par un nombre supérieur à la moyenne de signalements et de prises en charge par les centres jeunesse. Alors, il faut non seulement se questionner sur les raisons qui expliquent cette situation, comme le précise le document de consultation, mais il faut également adapter les services qui sont offerts à ces jeunes.

Dans le cadre de la future politique contre le... voyons, pardon, de la future politique de lutte contre le racisme et la discrimination, on suggère notamment d'offrir, à l'intention du personnel des centres jeunesse susceptibles d'accueillir des jeunes autochtones ou des jeunes des communautés culturelles, des sessions de formation portant sur les différences ethniques et culturelles des pensionnaires placés sous leur responsabilité.

Et par ailleurs, bien, les statistiques sur le chômage des minorités visibles sont connues. Plusieurs groupes en ont fait mention lors de la présente consultation. D'ailleurs, ce matin il y avait le Comité aviseur-jeunes d'Emploi-Québec que vous avez entendu. Et le mémoire du conseil propose de nombreuses mesures précises pour y arriver. Nous mettons cependant l'accent sur une d'entre elles qui est d'allouer des ressources nécessaires au programme Alternative jeunesse et de coordonner sa mise en oeuvre avec celle du vaste chantier d'accompagnement pour les jeunes prévu dans la Stratégie d'action jeunesse 2006-2009.

Je cède la parole à ma vice-présidente, Mme Dumais.

Une voix: ...

Mme Dumais (Hélène): Comme troisième orientation, le CPJ propose d'utiliser la participation citoyenne comme moyen de lutte contre le racisme et la discrimination.

Les jeunes qui participent pleinement à la société sont plus susceptibles que les autres de développer un sentiment d'appartenance à l'égard de leur milieu. La participation citoyenne est donc un puissant outil d'insertion. Or, les jeunes Québécois issus de l'immigration et des minorités visibles éprouvent plus de difficultés d'insertion que les autres jeunes. Pour favoriser la participation citoyenne des jeunes Québécois, il faut leur offrir des occasions de participation réelles, intéressantes et accessibles au plus grand nombre. Il faut également lever les obstacles à la participation des jeunes des communautés culturelles. Nous profitons de la présente consultation pour réitérer ces demandes.

Afin d'offrir au plus grand nombre des occasions de participation, nous proposons d'abord une première fin de semaine de formation citoyenne. Cette formation serait obligatoire pour tous les jeunes qui atteignent l'âge de la majorité. Il s'agirait d'une formation civique de base qui permettrait de transmettre des informations et d'échanger sur les sujets relatifs à la citoyenneté. Cette rencontre serait particulièrement utile pour faciliter les rapprochements interculturels. Pendant cette brève formation, la participation à une forme de service citoyen de plus longue durée serait proposée à tous. La participation au service citoyen serait entièrement volontaire. Le gouvernement devrait cependant prendre un engagement formel, répondre à la demande et faire en sorte que chaque jeune qui le désire puisse y participer. Les caractéristiques du service citoyen seraient les suivantes: il mettrait l'accent sur la vie de groupe et la gestion participative; tel que mentionné, il s'agirait de volontariat et non pas de travail; sa durée varierait entre quelques semaines et quelques mois; et il serait offert en trois volets: le communautaire, le public et l'international.

Le CPJ souhaite également lever les obstacles à la participation des jeunes des communautés culturelles afin qu'il y ait plus de diversité et de démocratie dans les organisations jeunesse. Il importe d'abord de sensibiliser les jeunes aux différences culturelles. Les différences culturelles se remarquent non seulement par la langue, la culture et les modes de vie, mais aussi dans les manières d'interagir avec les autres. Le conseil recommande ainsi d'aider les organisations et les entreprises à mieux tenir compte des différences culturelles dans leur fonctionnement formel mais également informel, afin de faire en sorte que ceux qui n'ont pas les mêmes habitudes de vie ne se sentent pas exclus.

Il faut ensuite faire une place pour les jeunes des communautés culturelles au sein des organisations jeunesse nationales. Nous avons en effet relevé, dans le rapport Remixer la cité, que seulement 6 % des jeunes dans les instances décisionnelles des organisations jeunesse nationales étaient issus de l'immigration ou des minorités visibles, alors qu'ils formaient 18 % des jeunes en 2001.

En mai 2004, peu de temps après la publication du rapport du CPJ, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles s'est fixé comme objectif, dans le cadre du programme d'aide aux relations civiques et interculturelles communément appelé le PARCI, d'accorder une priorité aux projets visant la participation civique des jeunes Québécois des communautés culturelles et des minorités visibles aux milieux associatifs et au sein des organisations de la jeunesse québécoise. Afin que cette initiative soit un succès, le Conseil permanent de la jeunesse recommande de contacter directement les organisations jeunesse pour les informer de la possibilité d'utiliser le PARCI afin de favoriser la participation des jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles à leurs activités. Les organisations jeunesse, particulièrement au niveau national, doivent s'ouvrir davantage à la participation non seulement auprès des communautés culturelles, mais auprès de tous. Le Conseil permanent de la jeunesse recommande donc au gouvernement du Québec de publier un guide des bonnes pratiques démocratiques à l'intention des organisations jeunesse québécoises afin que celles-ci puissent jouer un rôle d'école de la diversité et de la démocratie. Par ailleurs, il importe de créer plus de liens entre les organisations jeunesse nationales et les organisations ethnoculturelles.

À l'occasion du lancement de la Stratégie d'action jeunesse 2006-2009, le gouvernement s'est engagé à mettre sur pied un comité de représentation et de concertation des jeunes des communautés culturelles et des minorités visibles. L'objectif du comité sera de permettre aux groupes de jeunes visés de mieux faire connaître leurs préoccupations et leurs besoins. La stratégie précise que ce groupe sera partie prenante des débats publics et des discussions qui concernent la jeunesse québécoise et tissera des liens avec les organismes voués à la jeunesse et ceux qui veillent à l'intégration des jeunes immigrants et des membres des communautés culturelles.

Enfin, il est précisé que ces objectifs seront atteints notamment en organisant un événement jeunesse interculturel, ce qui répond d'ailleurs à la recommandation du CPJ, qui demandait au gouvernement de soutenir l'organisation d'un tel événement. D'ailleurs, le conseil recommande que cet événement jeunesse ait lieu chaque année, dans le cadre de la Semaine d'actions contre le racisme, et ce, afin de permettre un dialogue régulier entre jeunes de toutes origines. Le conseil estime enfin que cette mesure promise doit être mise en oeuvre le plus tôt possible et que la future politique de lutte contre le racisme et la discrimination doit réserver un rôle important au comité.

Mme Paquet (Sophie): Alors, en terminant, on aimerait vous partager quelques considérations de nature plutôt générale. Alors, on est très heureux, et on accueille positivement la volonté gouvernementale de proposer une politique de lutte contre le racisme et la discrimination, et on désire du même souffle apporter quand même quelques critiques mais qui se veulent constructives.

Alors, en premier lieu, le conseil s'interroge sur la pertinence de limiter la politique proposée à la lutte contre la discrimination raciale. Comme certaines jeunes femmes rencontrées dans le cadre de notre recherche en ont témoigné, être jeune, femme et issue de l'immigration ou des minorités visibles est en soi trois obstacles. Alors, aurait-il été préférable d'élargir la réflexion et d'y inclure toutes les formes de discrimination? On se pose la question. Mais surtout il est difficilement justifiable selon nous d'exclure la question autochtone de la future politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Les droits constitutionnels des premières nations et les responsabilités du gouvernement fédéral à leur endroit n'empêchent nullement selon nous le gouvernement du Québec de faire en sorte que le racisme et la discrimination à leur égard soient enrayés.

Enfin, nous souhaitons que le gouvernement réponde dès maintenant à la deuxième recommandation du Groupe de travail sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires, et ainsi une stratégie de communication nationale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Une telle campagne permettrait de sensibiliser la population au racisme et à la discrimination mais aussi de mobiliser l'ensemble de la société afin que la démarche vers une politique de lutte contre le racisme et les discriminations soit un véritable succès.

n(17 h 10)n

Alors, en conclusion, le conseil est heureux d'avoir pu vous présenter son point de vue sur les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre le racisme et la discrimination particulièrement chez les jeunes. Nos recommandations se basent sur une réflexion qui a été amorcée il y a déjà quelques années. Face au constat du déficit de la participation citoyenne des jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles, le CPJ a voulu agir. Nous avons d'abord réfléchi à cette question dans le cadre de la préparation d'un rapport de recherche puis d'un forum de discussion. Nous avons finalement proposé des recommandations, de nombreuses pistes d'action dans un avis qui a été récemment publié.

Alors, le point de vue du conseil à propos du présent projet de politique est fort simple: pour lutter contre le racisme et la discrimination, il faut d'abord miser sur l'éducation à la citoyenneté et à la diversité, qui s'implante en ce moment à l'école secondaire; ensuite agir de façon décisive pour lutter contre les inégalités sociales chez les jeunes; et enfin offrir des occasions de participation citoyenne à tous les jeunes avec un service citoyen et un événement jeunesse récurrents qui visent à favoriser le rapprochement interculturel.

Donc, nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Turp): Vraiment, là, cet après-midi, c'est extraordinaire, 16 minutes, vous donnez aux députés quatre minutes de plus.

Et d'ailleurs c'est formidable, hein, les communications contemporaines. Bien, moi, j'ai mon ordinateur branché sur le site de l'Assemblée puis je vous vois mais avec un retard, avec quelques secondes de retard, là.

Bon. Alors donc, en principe, là, il y a deux périodes d'échange de 15 minutes avec le parti ministériel et l'opposition officielle, mais on pourrait avoir un petit peu plus de temps, là, à cause de votre... Et aussi on ira jusqu'à ce que la cloche sonne. Alors, je pense que vous avez dit des choses très intéressantes qui, j'en suis sûr, susciteront des questions de mes collègues.

Alors, Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour à vous, Mmes Paquet, Dumais, M. Lemieux. Merci d'être avec nous, merci pour les recommandations que vous faites. Vous savez que les recommandations qui émanent de votre organisme, le Conseil permanent de la jeunesse, sont toujours prises au sérieux, avec beaucoup de sérieux, de la part de tous les ministères qui ont le privilège de vous recevoir en commission, je dirais.

Il est évident que, lorsqu'on pense à se doter d'une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme, tout le volet jeunes est très important. À mon avis, il est très, très, très important. Autant le jeune enfant qui est arrivé ici, immigrant, qui a grandi, a sa place dans notre société, autant un jeune de deuxième, troisième génération a sa place. Et, j'ai eu l'occasion de le dire et je le redis encore, lorsqu'on regarde des statistiques notamment pour les jeunes de deuxième, troisième génération des communautés noires, ce sont des statistiques qui font mal et qui nous interpellent. Donc, évidemment, moi, je me sens interpellée pas juste comme ministre, pas juste comme parlementaire, mais comme personne humaine, comme mère d'un jeune qui est à l'école secondaire et je pense que c'est le cas d'à peu près tous les parlementaires ici.

Je commencerais peut-être comme question, puis ça a piqué ma curiosité: Est-ce que, sur votre conseil, il y a des jeunes issus des communautés culturelles? Et, si oui, dans quelle proportion?

Mme Paquet (Sophie): En fait, il y a deux personnes issues des communautés culturelles ? il y a un jeune garçon vietnamien et un jeune Haïtien ? sur 15.

Mme Thériault: Sur 15. Mais ce ne sont pas des postes qui sont dédiés aux communautés culturelles.

Mme Paquet (Sophie): Non. Il n'y a aucun poste qui est réservé au sein du conseil. Que ce soit pour n'importe quelle communauté, il n'y a pas de siège fille, il n'y a pas de siège gars. Dans la loi, ce qui est indiqué, c'est que ça doit représenter la population québécoise. Il n'y a pas de critère de sélection précis.

Mme Thériault: O.K. Parfait. Qu'est-ce qui vous a amenés à avoir deux personnes issues des communautés culturelles? Est-ce qu'ils ont été choisis pour leur communauté culturelle? Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant aussi au niveau de la représentativité, lorsqu'on regarde la portion que les jeunes occupent dans notre société, des jeunes des communautés culturelles?

Mme Paquet (Sophie): Bon. D'abord, juste pour vous expliquer un petit peu le processus, ce n'est pas les membres actuels qui choisissent les membres qui siègent, là. C'est un processus qui n'est pas très complexe mais qui mérite d'être étudié. Donc, il y a 40 candidats qui sont choisis parmi le bassin. Et il faut comprendre aussi que, depuis plusieurs années, là, le bassin de candidats qui présentent leur candidature lors de la période de renouvellement du conseil diminue de plus en plus d'ailleurs, hein? Il y a quelques années ? en fait, ce sont des mandats de trois ans ? on avait presque 500 candidatures, et, le dernier renouvellement, il y avait 110 ou 112 candidats. Alors, déjà, c'est un signe aussi de diminution de participation citoyenne ou d'intérêt.

Donc, sur une bassin de 110 ? je ne peux pas vous dire, je n'ai pas eu accès à ces données-là non plus ? combien il y en avait qui étaient issus de l'immigration ou des minorités visibles? Je ne le sais pas. De ce bassin-là, 40 candidats sont choisis par le cabinet du ministre responsable de... Il doit, comme je vous disais tout à l'heure, choisir 40 candidats qui représentent la société québécoise, la composition de la société québécoise. Évidemment, il ne pourrait pas choisir 40 gars de 22 ans qui viennent de Montréal, on s'entend. Donc, ils essaient de répartir ça. Et par la suite ce sont les 15 membres sortants qui font l'élection des 15 nouveaux membres sur différents critères de représentativité mais encore une fois qui ne sont pas inscrits dans la loi. Donc, évidemment, un jeune d'une région pourrait être plus sensible à quelqu'un qui vient d'une région; un jeune d'une minorité visible pourrait être plus sensible à quelqu'un d'une minorité visible.

Donc, il n'y a rien de déterminé. D'ailleurs, il y a un groupe de travail qui devrait se pencher sur la modernisation du Conseil permanent de la jeunesse dans le cadre, là, de la Stratégie d'action jeunesse. Pour nous, juste pour répondre rapidement, là, de réserver des sièges à quelque communauté qu'elle soit, que ce soit même pour les femmes, ou pour les personnes handicapées, ou pour les minorités visibles, pour nous, on trouve que ce n'est pas une bonne solution non plus. Ça a un effet pervers dans le sens où souvent un jeune aurait un siège juste pour occuper le siège, et il n'aurait pas été choisi nécessairement pour ses compétences. Et ce sont des jeunes des minorités visibles et issus de l'immigration, lors de nos forums de discussion, qui nous ont dit cet élément-là.

Donc, des sièges réservés spécifiquement à une catégorie seraient discriminants envers les autres ou même envers la communauté en question.

Mme Thériault: Ça, je suis d'accord avec vous parce qu'on l'entend souvent, chez les jeunes de deuxième ou troisième génération, qu'ils ne veulent pas remplir un quota pour remplir un quota. Ils veulent être choisis pour leur expérience, pour leur expertise, pour leurs diplômes et non pas pour remplir un objectif quelconque.

Par contre, je regarde qu'on vient de modifier la loi, par rapport aux sociétés d'État, qui va obliger la composition des conseils d'administration sur une période de trois ans. L'objectif, c'est, d'ici trois ans, à ce qu'il y ait 50 % des sièges qui soient détenus par des femmes parce que c'est le reflet de notre population, évidemment, 50 % femmes, 50 % hommes. Il y a un petit peu plus de femmes, mais en tout cas 50 %. Et on demandait aussi l'obligation que, le 25 % des groupes cibles, qui incluent les autochtones, les handicapés et communautés culturelles ? et c'est dans la loi ? qu'on tienne compte de ce facteur-là pour que ce soit plus représentatif de notre société.

Si on demandait à ce que le Conseil permanent de la jeunesse soit assujetti à une forme d'obligation comme dans les sociétés d'État, est-ce que ce serait quelque chose qui pourrait être intéressant pour s'assurer de la représentativité, justement?

Mme Paquet (Sophie): Bien, oui, moi, je pense qu'il faut se pencher sur la question. Ça, c'est certain. Et le groupe de travail qui va être mis sur pied, là, dans les prochaines semaines à mon avis va ? dans les prochaines semaines, parce que je ne sais pas quand exactement; mais va ? devoir se pencher sur la question de la représentativité et effectivement peut-être déterminer certains critères parce qu'actuellement c'est très, très large. Quand on dit qu'il faut que ça représente la composition de la société québécoise, on s'entend qu'on peut l'interpréter un peu à notre façon.

Ceci étant dit, il faut voir aussi du côté des minorités visibles, les intégrer à la démarche. Les autochtones aussi, je sais qu'ils ont un souhait de siéger peut-être au conseil... Donc, il faut voir avec eux. Puis ce n'est pas Sophie Paquet non plus, toute seule, qui va décider de la représentativité du conseil. Donc, je pense qu'on est là pour discuter ensemble puis justement réfléchir à la question.

Mme Thériault: Merci. On va revenir, puisqu'on a plusieurs blocs pour échanger. Merci.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Laurier-Dorion, à votre tour.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bien, bienvenue à vous trois du Conseil permanent de la jeunesse. Mme Paquet, Mme Dumais et M. Lemieux, bonjour. Bien, c'est très intéressant d'avoir votre vision des choses, puisque, bon, on parle souvent de la génération 101 dont, moi aussi, je fais partie. Puis c'est sûr que la nouvelle génération a grandi dans le fond avec une grande diversité autour d'elle, puis je pense que la façon d'aborder les choses est différente face à l'intégration puis face aux minorités visibles.

O.K. Donc, vous avez plusieurs recommandations extrêmement intéressantes. J'aimerais juste par contre lire un passage que j'ai trouvé intéressant notamment en ce qui a trait au suivi, parce que vous parlez, bon, de l'importance d'assurer un suivi par la suite mais de faire également un lien avec ce qui s'est fait un peu précédemment notamment avec la consultation sur les communauté noires.

n(17 h 20)n

Donc, à la page 16, vous dites: «...ce qui est proposé dans le cadre de la présente commission parlementaire est une réflexion de nature générale à propos d'une future politique gouvernementale. Le document de consultation propose une synthèse rapide des actions gouvernementales actuelles en matière de lutte contre le racisme et la discrimination et pose beaucoup de questions ouvertes. Toutefois, les seules propositions d'actions gouvernementales sont les suivantes: [d'une part], "charger un organisme gouvernemental de coordonner la recherche gouvernementale, produire un bilan régulier, développer des indicateurs et exercer un rôle de veille et de [perspective] en matière de discrimination [et, deux, de] former un comité interministériel qui élaborera un plan d'action gouvernemental suite à la présente consultation. Les mesures proposées devront produire des résultats concrets. Ces objectifs seront inclus dans les plans [d'action] stratégiques des ministères et organismes concernés et feront donc l'objet d'une reddition de comptes."»

Alors, ce que vous dites, c'est que ces deux propositions de nature administrative auraient dû être mises en oeuvre avant la présente consultation.

«Les participants à la consultation auraient ainsi eu entre les mains un bilan complet de la situation et davantage de pistes d'action concrètes.» Je tenais à le rappeler parce que c'est vrai, et plusieurs organismes sont venus nous faire mention de ça, que ça aurait été intéressant d'avoir entre les mains tous les documents puis également faire une analyse, ce qui nous aurait permis de faire une analyse des programmes qui ont été mis en oeuvre notamment au niveau de l'emploi, au niveau, bon ? vous avez parlé tout à l'heure ? des projets de rapprochement interculturel. Puis évidemment, bon, les statistiques au niveau des niveaux de pauvreté puis de décrochage scolaire, ça, on les connaît, on les connaît plus, mais c'est sûr que ça aurait été intéressant, puis je joins ma voix pour que nous puissions avoir ces outils rapidement. J'aimerais vous entendre sur une proposition.

Ceci étant dit, j'aimerais vous entendre sur une proposition qui est intéressante. Vous parlez, à la page 11 ? puis là je vais rapidement, puisque le temps file rapidement ? de recommander «d'organiser pour tous les jeunes qui atteignent l'âge de la majorité une formation citoyenne de courte durée». Et là vous avez parlé des personnes qui ont appliqué pour participer au conseil... bien, être membres du conseil, et, bon, toutes catégories confondues, si je puis dire, c'est en chute.

Et donc pourquoi ce serait intéressant de faire ça? Est-ce que ça devrait se faire au niveau académique ou ça devrait se faire à part, dans la société civile, par des organisations indépendantes?

Mme Paquet (Sophie): On n'a pas précisé par qui ça devrait être fait, mais, à nous, c'est à l'atteinte de la majorité, comme une espèce de rite de passage, puis aussi, bien, sensibiliser les jeunes justement à quels sont leurs devoirs, quels sont leurs droits, c'est quoi, le fonctionnement judiciaire, pour faire des citoyens aguerris. Il me semble que ça permettrait probablement aux jeunes justement de peut-être avoir le goût de s'investir davantage, après de s'impliquer dans d'autres organisations.

On n'a pas ciblé: Est-ce que ça devrait être le CPJ qui organise cette formation citoyenne de base? Mais, ceci étant dit, je pense que c'est quelque chose qui peut être exploré. Puis, pendant cette fin de semaine de formation obligatoire là, les jeunes, on pourrait leur permettre aussi par la suite d'avoir accès au service citoyen, où, là, c'est volontaire, où, là, on peut bonifier justement avec l'aspect international, avec différents programmes qui existent déjà soit par l'OFQJ et l'AQWBJ ou l'OQAJ mais aussi au niveau public où un jeune pourrait décider de faire du volontariat ? je ne sais pas, moi ? outre toutes les conventions collectives puis les syndicats, mais, après l'école, aller aider un professeur qui en a un petit peu plein les épaules. Puis le jeune pourrait s'impliquer de cette façon-là, avoir une forme de participation citoyenne active dans son milieu; et, au niveau communautaire, la même chose.

Donc, c'est des propositions qu'on fait, mais, comme je vous disais, on n'a pas vraiment évalué quel organisme pourrait organiser la formation. Peut-être que, Georges, tu as des éléments à ajouter là-dessus.

M. Lemieux (Georges): Bien oui. En fait, l'idée pour le service citoyen, ce n'est pas nécessairement de construire quelque chose d'absolument nouveau mais de bâtir sur ce qui existe déjà.

Bon. Il existe, par exemple, Chantiers jeunesse, qui fait des projets dans les communautés. Bon. Bien, en appuyant davantage les organismes qui font des projets comme ça puis en regroupant tout ça sous une même étiquette, si on veut, pour en faire, là, la promotion, pour parler en termes de marketing, là, donc de regrouper tout ça, à la fois au communautaire, au public, comme Sophie parlait, et à l'international, sous le terme de «service citoyen», ça enverrait un signal fort, là, selon le conseil. Donc, c'est pour ça qu'on l'a proposé.

Mme Lefebvre: Bien, je trouve que, bien, c'est une excellente idée. C'est un projet par contre fort ambitieux. Parce que vous parlez beaucoup, dans les premières propositions que vous avez sur les cours à la citoyenneté, notamment dans le cursus scolaire qui existe déjà, donc de mettre l'emphase sur plusieurs aspects de l'éducation interculturelle puis des relations entre citoyens, puis je me disais que ce volet-là peut-être pourrait être inséré aussi dans ça, sous un volet d'un stage quelconque.

Je sais que, dans certaines écoles primaires, ça se fait, des écoles secondaires, mais ça se fait dans les projets un peu ponctuels. Mais ce serait bien, comme vous dites, puis ça permettrait également de faire mieux connaître les différents programmes, notamment ceux que vous avez parlé, et Chantiers jeunesse, OFQJ. Parce que ce que, moi, j'ai constaté dans mon parcours d'implication sociale et communautaire, et autres, c'est que dans le fond c'est souvent les mêmes jeunes qui sont au fait des services qui participent puis qui passent d'une activité à l'autre, puis ceux qui sont exclus en quelque part mais finalement ne réussissent jamais à rentrer en quelque part dans le système puis participer à ça.

Donc, de l'insérer peut-être dans le volet scolaire, ça pourrait être intéressant.

Je voulais vous entendre parce que, ce matin, on a entendu, comme vous le savez, le Comité aviseur-jeunes, et ils nous ont parlé de l'importance de l'emploi pour les jeunes et ils nous ont même dit qu'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination devait nécessairement prendre comme première assise la question de l'emploi. Je voulais vous entendre sur deux programmes ? je cherche la page. Donc, sur le programme PRIIME, vous dites de consacrer des ressources nécessaires. Donc, vous entendre un peu sur votre évaluation du programme. Je sais que l'évaluation est assez générale, à savoir que c'est un projet qui est efficace, qui est utile. Donc, vous, est-ce que vous pensez qu'on devrait aller plus en profondeur, puisque c'est un programme qui semble assez bien fonctionner?

Puis Alternative jeunesse, c'est un programme que, moi, je connais peu. Est-ce que vous pouvez nous en parler un peu, les bienfaits puis vers quoi on devrait tendre?

Mme Paquet (Sophie): Bien, pour PRIIME en fait ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait davantage qu'il soit... qu'on cible davantage les jeunes. C'est parce que c'est un programme global qui vise tout le monde. Il y a une enveloppe qui est dédiée, mais malheureusement les jeunes ne connaissent pas nécessairement l'existence. Et, à ce moment-là, je pense qu'il faudrait davantage faire la promotion ou élargir l'enveloppe pour que les jeunes aussi puissent en bénéficier. Parce que, dans les chiffres, ce qu'on disait, c'est que les sommes, c'est 5,3 millions par année, et ça touche entre 325 et 675 personnes. Donc, nous, il y a quand même plus que 675 personnes qui pourraient bénéficier de ce programme-là. Ce serait donc de peut-être élargir l'enveloppe.

Au sujet d'Alternative jeunesse, bien c'est quelque chose qui va chapeauter les programmes jeunesse au niveau du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui va inclure aussi le programme Solidarité jeunesse qui était un projet pilote, là, qui est devenu un programme en fait, Solidarité jeunesse qui vise justement, en fait qui touche les jeunes qui font une première demande d'aide sociale pour leur permettre d'avoir une autre alternative que juste de recevoir un chèque. Ils ont un suivi, un accompagnement avec un intervenant qui leur permet justement soit de retrouver la santé parce que certains n'ont même pas la santé pour pouvoir intégrer le marché du travail.

Donc, nous, c'est d'allouer les ressources nécessaires à ce programme-là puis aussi, bien, d'arrimer le tout avec le nouveau vaste chantier d'accompagnement qui a été annoncé dans la Stratégie d'action jeunesse, dans ce chantier qui va aller chercher les 16-17 ans qui en ce moment, là, sont comme entre deux chaises, là.

Une voix: Est-ce que...

Le Président (M. Turp): ...vous voulez continuer, là? Ça fait neuf minutes.

Mme Lefebvre: Bien, j'ai juste une petite, petite question: Placement étudiant; est-ce que vous êtes au courant du nombre d'étudiants qui sont placés l'été? Avez-vous des statistiques de ça?

Mme Paquet (Sophie): Bien, moi, non. Comme ça, je suis désolée, je n'ai pas de chiffre. Je ne sais pas. Mes collègues, avez-vous un chiffre? Non. On est désolés, Mme la députée.

Le Président (M. Turp): Très bien.

Une voix: ...là-dessus.

Une voix: O.K.

Le Président (M. Turp): Alors, je crois que la députée de Nelligan veut vous poser des questions.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Turp): Pour combien de minutes, déjà?

Une voix: Huit minutes et...

Le Président (M. Turp): Huit minutes. Huit minutes, là, 8 min 45 s.

Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Mme la présidente Paquet, Mme Dumais et M. Lemieux, merci d'être là et de votre contribution à cette commission parlementaire. C'est évident que je partage en grande partie ce que vous avez présenté cet après-midi et je salue le travail que vous faites à tous les niveaux. Je sais que vous travaillez très fort au niveau des conseils que vous donnez au gouvernement et j'ai bien hâte de prendre acte du rapport qui a été déposé par le premier ministre aujourd'hui.

J'avais le goût de vous poser peut-être une première question par rapport à votre critique très constructive que vous avez donnée à la fin de votre présentation, Mme Paquet. Lorsque vous avez parlé du fait qu'une jeune femme issue de l'immigration pourrait voir en sorte que ce soient trois obstacles, je me suis sentie personnellement interpellée par le commentaire.

Une voix: ...

Mme James: La ministre me souffle que ça n'empêche pas d'être députée. Alors, sur ça, vous l'avez dit dans le contexte de dire que vous êtes déçue de voir que le gouvernement a décidé de faire cette consultation et la limiter sur les questions touchant la discrimination et le racisme.

La question que je vous pose ? je comprends qu'il y a de vos membres ainsi que peut-être des gens des organismes jeunes qui vous ont exprimé certaines réticences à ce niveau-là: Mais est-ce qu'on vous a aussi parlé du fait que, compte tenu du fait qu'on soit Noirs, qu'on soit des communautés culturelles, on n'est nécessairement une communauté qui est homogène, d'où vient la raison de traiter de cette question dans une consultation, point?

n(17 h 30)n

Je comprends que les réalités que peuvent vivre des femmes, par exemple ? on a justement fait une autre consultation sur la question d'égalité également ? sont traitées dans d'autres commissions en d'autres milieux. Est-ce que c'est quelque chose qui était discuté entre vous, où les gens étaient sensibles? Je ne pense pas que le fait de faire cette consultation... d'oublier ou de faire part du fait qu'il y a une réalité différente où les autres composantes sont là. Mais, compte tenu des statistiques, vous avez parlé de la consultation que les collègues et moi avons menée ensemble, qui fait en sorte que c'est une question assez sérieuse que le gouvernement a souhaité traiter de façon spécifique, dans le cadre de cette consultation-là. Je pense que c'est une peu la volonté qui a été mise de l'avant.

Est-ce que vous avez une réaction par rapport à ça? Est-ce que vos membres vous en ont parlé?

Mme Paquet (Sophie): Bien, merci. D'abord, ça ne vous visait pas précisément, le fait de dire: Jeune, Noire. Je veux juste être certaine de ça. En fait, ce sont des jeunes, lors du forum de discussion, hein, lors du lancement de la recherche, et, quand on a réuni des jeunes, on voulait cibler certains obstacles. Et, dans certains de ces obstacles-là, il est arrivé que des jeunes femmes issues de l'immigration ou des minorités visibles nous disent qu'elles vivaient différents obstacles, plusieurs obstacles à la fois. Donc, le fait d'être jeune, il ne faut pas se le cacher, ça peut amener certaines discriminations à notre égard. Le fait d'être femme, à certains autres égards, ça peut amener une certaine forme de discrimination. Et le fait d'être Noir aussi. Donc, c'est pour ça que, nous, dans notre document, on voulait lancer la question, à savoir: Est-ce qu'il n'aurait pas été intéressant de l'élargir à plusieurs autres formes de discrimination, parce qu'en même temps il arrive qu'on ne soit pas victime d'une seule discrimination, mais il peut arriver qu'on soit victime de plusieurs discriminations?

Bien, écoutez, on salue votre initiative vraiment de façon importante puis on est très heureux de participer à cette consultation. Et, écoutez, on n'a pas balayé, du revers de la main, la consultation parce qu'elle ne parlait pas des discriminations au sens large du terme, là. Donc, je veux juste que ce soit clair de ce point de vue là, là.

Mme James: ...je comprends très bien l'intervention que vous faites et je souhaitais juste peut-être... l'importance. Parce que ça n'a jamais été fait, hein? Il faut dire aussi que c'est la première fois qu'on fait ce genre de consultation. On aura la chance de justement tenir compte de la réalité de la discrimination raciale, malgré que je suis la première à dire que c'est sûr qu'on peut vivre une discrimination par rapport à notre âge ou jeunesse, et tout ça, mais, compte tenu du sérieux des statistiques, que c'était peut-être important d'en parler également et d'abord parler des questions de discrimination.

Je voulais aborder avec vous la question, peut-être vos relations avec les groupes jeunes et ce qu'ils vous ont apporté. Par rapport à une campagne, j'étais contente de vous entendre dire que vous appuyez la recommandation qui a été faite par le Groupe de travail sur la pleine participation des communautés noires, où on a demandé au gouvernement d'aller de l'avant par rapport à une grande campagne de sensibilisation. Je noterai aussi qu'il faut dire qu'il y a plusieurs de nos recommandations qui ont déjà été mises en place, puis j'ai confiance que celle-là va l'être aussi. Mais, parce qu'on parle des jeunes, là, par rapport à une modernisation que vous allez entamer par rapport au conseil, comment est-ce qu'eux voient cette campagne de sensibilisation? Quand on a fait notre consultation à l'automne, c'était important de voir. C'est sûr qu'on pense, entre autres, de l'efficacité des campagnes de l'alcool au volant, par exemple, mais, quand on décide d'aller de l'avant avec quelque chose comme ça, on veut s'assurer qu'on parle à la clientèle ciblée puis que ça fonctionne.

Je pense qu'au niveau des jeunes c'est important de comprendre un message qui va être... mais qui va vraiment aller chercher leur réalité. Comment est-ce que, vous, vous voyez cette campagne-là?

Mme Paquet (Sophie): Je vais commencer, mais après je vais laisser Georges, qui a toujours des idées très créatives à nous soumettre, alors on va le laisser poursuivre. Mais en fait, vous l'avez dit tout à l'heure, les jeunes sont très à l'écoute quand on veut les sensibiliser. Vous l'avez dit, Éduc'alcool ou même Opération Nez rouge, les jeunes sont sensibles à ça.

Donc, je pense, quand le message est clair puis qu'ils se sentent interpellés mais aussi impliqués dans la démarche, si on les touche spécifiquement, c'est sûr qu'ils vont embarquer. Donc, à notre avis, les jeunes vont s'ouvrir, et je pense qu'ils n'attendent que ça parce que les jeunes ne sont pas fermés dans leur cercle, par rapport justement à l'immigration, aux minorités visibles. Je pense qu'ils sont davantage ouverts. On l'a dit tout à l'heure, ils vivent dans un milieu multiculturel depuis très longtemps, dans un Québec très ouvert, et je pense qu'ils sont justement ouverts à accueillir le message qui leur sera transmis.

Mais maintenant, moi, je n'ai pas pensé, avec Hélène ou les membres, de quelle façon on pourrait structurer la campagne, mais, si vous voulez qu'on y pense plus spécifiquement, on pourra vous faire d'autres recommandations sur la façon dont on peut le réaliser.

Maintenant, Georges.

M. Lemieux (Georges): En fait, oui. Bien, ce n'est pas tellement une réflexion du conseil que ce qui avait été entendu lorsqu'on a fait les groupes de discussion justement sur les obstacles à la participation des jeunes issus de l'immigration. Puis il y a beaucoup de jeunes qui nous disaient: Oui, bon, c'est beau, les belles campagnes, mais c'est important aussi d'aller chercher les jeunes personnellement, bon, puis d'utiliser des porte-parole jeunes auxquels ils peuvent s'identifier, puis aussi, bon, d'organiser peut-être des tournées vraiment dans les écoles mais en petits groupes, là, donc.

Je me rappelle quelqu'un qui disait: Pas nécessairement un kiosque dans le hall, mais vraiment d'aller simplement faire le tour des classes. Donc, des initiatives vraiment comme ça qui vont les chercher personnellement, je pense que c'est un aspect important pour aller chercher des jeunes aussi, qui peut être complété bien sûr par une campagne genre l'alcool au volant, et tout ça, là, mais...

Le Président (M. Turp): Il reste moins de une minute.

Mme James: Non, je vais laisser ma collègue... Parce que j'ai d'autres questions, mais on va revenir s'il reste du temps. Allez-y.

Le Président (M. Turp): Quelle générosité de la part du parti ministériel! Alors, la députée de Terrebonne, je crois. À peu près cinq minutes, Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Mme Paquet, Mme Dumais, M. Lemieux, bonjour.

Je suis contente que vous ayez gardé une section sur les multiples discriminations. Je pense que c'était important de le dire parce qu'autant dans la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes c'est très clair que, lorsqu'il y a des discriminations croisées ou multiples, il y a des effets différents, et une politique qui veut lutter contre le racisme et les discrimination doit en tenir compte. Il faut qu'il y ait des mesures particulières. Je pense que ça doit aussi comporter une analyse différenciée selon les sexes. La future politique au niveau de l'égalité devrait demander qu'il y ait l'analyse différenciée selon les sexes. On l'avait déjà commencée. Il y avait eu plusieurs projets pilotes. Ça devrait se retrouver dans toutes les politiques gouvernementales. Donc, ça permet d'aider au niveau des discriminations multiples.

Vous avez fait référence aussi à l'importance qu'on puisse retrouver peut-être au niveau des autochtones. Il m'apparaît important aussi. Certains sont venus nous dire à quel point les discriminations étaient fortes contre les autochtones, et donc on espère que la ministre va nous permettre une journée au moins d'audition où on pourrait entendre des groupes autochtones, là, qui pourraient venir nous exprimer leurs demandes pour cette politique qui lutterait contre le racisme et les discriminations.

Je veux vous questionner sur le guide des bonnes pratiques démocratiques. Je trouve ça intéressant. J'ai l'impression que votre proposition relève, si on lit un petit peu auparavant dans votre texte, sur le fait que souvent, dans certains organismes, il y aurait des pratiques peu démocratiques. Ça fait que je veux vous entendre un peu plus là-dessus. Qu'est-ce qui vous amène à faire cette proposition-là? Puis quelles seraient selon vous les principales bonnes pratiques qu'on devrait retrouver dans ce guide?

Mme Paquet (Sophie): Bien, on ne dit pas que les pratiques sont antidémocratiques non plus. En fait, ce qu'on se rend compte, c'est qu'aussi, souvent, les décisions, les discussions vont se faire de façon informelle dans le corridor, comme souvent dans plusieurs milieux, et certaines personnes qui ont des différences culturelles n'iront pas, par exemple, prendre une bière après pour continuer de jaser. Et cette différence culturelle fait en sorte que souvent les décisions se prennent autour d'une bière. C'est un exemple très concret que je vous donne, et ça a été relevé justement lors des discussions avec les jeunes, dont M. Lemieux vous parlait tout à l'heure.

Les jeunes se sentent exclus parce qu'ils n'iront pas d'emblée prendre la bière puis discuter, et ils sont mis totalement à l'écart. Ça fait qu'on se dit: Peut-être qu'il faudrait justement sensibiliser les jeunes à la façon dont les décisions doivent se prendre en sachant très bien que les décisions vont probablement continuer à se prendre autour d'une bière, mais peut-être que, lors de ces événements, par exemple, il pourrait y avoir du Perrier puis du jus d'orange pour faciliter l'introduction de ces personnes-là dans le cercle, première chose, mais aussi que, quand on est arrivés au Conseil permanent de la jeunesse, je vous dirais que les 15 membres n'étaient pas tous sur le même pied d'égalité à savoir comment fonctionne une assemblée, comment ça fonctionne, les règles de procédure d'une assemblée.

Nous, on a fait venir quelqu'un qui est venu faire une formation pour mettre tout le monde au même pied d'égalité. Et là on parle du Conseil permanent de la jeunesse. Donc, on ne peut pas penser que tous les jeunes qui posent leur candidature à un organisme qui est gouvernemental ou national possèdent toutes les notions pour participer à une assemblée. Donc, je pense qu'on dit que, si on publiait un guide des bonnes pratiques, bien ça permettrait aux jeunes de se familiariser avec les différentes façons dont ça fonctionne justement puis peut-être que ça en inciterait d'autres qui n'auraient aucun intérêt à peut-être participer justement à d'autres activités de participation citoyenne.

Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à ajouter là-dessus.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Turp): En 30 secondes.

M. Lemieux (Georges): Bien, en 30 secondes. Oui. Donc, dans les groupes de discussion, effectivement il y a aussi beaucoup de personnes, particulièrement dans les jeunes issus de l'immigration, qui remarquaient que, bon, tous ces jeux de couloir là, les affinités entre les personnes, les jeux de coulisse, ça faisait en sorte justement qu'ils étaient exclus, là. Et puis donc la solution qu'on a pu penser, c'est justement un tel guide.

Le Président (M. Turp): Alors, merci, Mme la députée. La cloche n'a pas encore sonné, donc on a un petit peu de temps, je dirais, près de cinq minutes. Alors, je crois comprendre que le député de Charlesbourg...

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): ...Marguerite-D'Youville a une question. Alors, on entend avec impatience votre question, Marguerite-D'Youville...

M. Moreau: J'ai deux minutes et demie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Turp): ...et réponse.

M. Moreau: Habituellement, vous m'envoyez dans Marguerite-Bourgeoys.

Il y a un point que j'avais préparé, mais là je ne pensais pas avoir le temps. Alors, dans votre mémoire, vous abordez les inégalités socioéconomiques chez les jeunes, et, de façon très importante, vous soulignez les écarts dans les conditions de vie des jeunes issus de l'immigration et des minorités visibles, celles de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, et vous dites que cette disparité est attribuable en partie au manque de volonté politique et aux ressources financières insuffisantes des programmes gouvernementaux existants. C'est sévère, ça.

Alors, l'impression que j'ai en fait assez forte, c'est que le gouvernement actuel met des efforts pour combattre cette situation-là puis montre une volonté de faire en sorte qu'on change les choses pour améliorer le sort des jeunes immigrants. En quoi, dans une situation comme celle-là ? moi, je suis au Conseil du trésor et j'ai tendance à avoir un petit réflexe à dire: Le seul fait d'ajouter de l'argent, ce n'est pas ça qui corrige les problèmes ? en quoi est-ce que le fait d'ajouter de l'argent corrigerait cette situation-là?

Le Président (M. Turp): Sur les impressions du député de Marguerite-D'Youville.

Mme Paquet (Sophie): Bien, merci de nous poser cette question-là. On vous propose, dans le document, des façons justement d'améliorer la participation citoyenne des jeunes. Je ne pense pas que ça se fasse sans moyens financiers. Et d'améliorer la participation citoyenne des jeunes va faire en sorte qu'ils vont s'insérer davantage dans la société, qu'ils vont être des citoyens qui vont contribuer à l'évolution de la société québécoise. Ça fait que, veux veux pas, si on met des mesures en place au niveau secondaire, dans le système scolaire, ça prend des enveloppes, puis à notre avis c'est de cette façon-là qu'on le dit.

On est très reconnaissants et très heureux de la consultation actuellement. On voit qu'il y a une volonté présente. C'est parfait. Maintenant, on se dit: Il faut qu'il y ait des mesures qui soient mises en place par la suite pour s'assurer justement que la belle réflexion que nous avons aujourd'hui et que tout le monde a faite ensemble porte ses fruits. Et c'est pour ça que de notre côté on dit qu'il faut qu'il y ait une volonté politique par la suite.

M. Moreau: Oui. Ça, c'est le plan de mise en oeuvre, je pense, dont la ministre a fait part de son intention de le présenter à de nombreuses reprises, depuis le début de nos travaux, mais, dans ce contexte-là, ne croyez-vous pas qu'on doit d'abord intervenir, par exemple, auprès des employeurs pour les sensibiliser au fait d'aller vers les jeunes issus des communautés culturelles et de l'immigration?

Le Président (M. Turp): ...secondes.

Mme Paquet (Sophie): Écoutez, par rapport... moi, à mon avis il faut aussi à la base sensibiliser, éduquer les jeunes à l'ouverture, au pluralisme, à ce que c'est, la citoyenneté, et après ça l'employeur viendra aussi. Mais je pense qu'il faut que ça se fasse en parallèle peut-être, mais je ne vois pas quelle serait l'action spécifique au niveau de l'employeur, de votre côté, là.

M. Moreau: ...la situation socioéconomique des...

Le Président (M. Turp): ...

Une voix: On a fini?

Le Président (M. Turp): ...quand on lui...

M. Moreau: J'avais une question.

Le Président (M. Turp): Oui, oui, mais je crois que la dernière question revient à la porte-parole de l'opposition officielle parce que la cloche va sonner très bientôt, là.

M. Moreau: J'aurais voulu répondre à votre question, mais malheureusement le président me bâillonne.

Le Président (M. Turp): Oui, je le bâillonne et je donne la parole, je crois, pour une dernière question à la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mais, si je peux me permettre de poursuivre dans la même veine que mon collègue de Marguerite-D'Youville, je pense qu'il est nécessaire d'avoir des enveloppes budgétaires pour montrer l'importance puis la volonté concrète et politique qu'il y a derrière une volonté que l'on peut avoir dans une politique.

Par exemple, la Charte des droits et libertés. Dans le fond, il y a des groupes qui sont venus nous le dire, la Charte des droits et libertés, avec ses différents articles, répond en grande partie, dans le fond... appliquée de façon impeccable aux différentes discriminations qui peuvent... mais malheureusement ce n'est pas assez, puis il faut aller de façon plus spécifique et mettre en oeuvre des programmes.

Vous avez parlé tout à l'heure de programmes d'employabilité, le programme PRIIME notamment, qui devrait avoir un volet plus spécifique aux jeunes. Je pense que c'est intéressant. Et vous parliez, bien, notamment, vous disiez: Il y avait 600... Bien, la ministre nous a informé qu'il y a 600 personnes finalement qui ont eu accès à ce programme-là. Mais, selon vous, vous disiez qu'il y aurait beaucoup plus de jeunes qui pourraient être admissibles à ce programme-là. Est-ce que vous êtes capables d'évaluer plus ou moins? Parce que, moi, j'ai fait un calcul rapide. Je me suis dit: Si le programme est admissible seulement à Montréal... Et donc PRIIME est admissible dans tout le Québec. Il y a 19 arrondissements. Ça veut dire 32 places par arrondissement, à Montréal. Moi, je jugeais que c'était nettement insuffisant. Mais je ne sais pas, vous, si vous êtes capables de cibler le nombre de personnes qui vont, par exemple, dans les carrefours jeunesse-emploi.

Bref, est-ce qu'on doit mette en oeuvre plus de mesures? Moi, je pense que oui si on regarde les taux de chômage. Mais maintenant c'est vous qui avez une expertise.

Le Président (M. Turp): Avant que la cloche ne sonne.

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Elle sonne, mais on écoute votre réponse, votre dernière réponse.

Mme Paquet (Sophie): Non, mais, écoutez, ce que vous dites, on l'a dit tout à l'heure. Je pense que le programme PRIIME fait du bon travail. Je pense qu'il pourrait être élargi. Dans le document, on le dit, qu'en 2001 il y avait 11 000 chômeurs qui étaient issus des minorités visibles ou issus de l'immigration.

Donc, c'est sûr qu'il y a 600 personnes qui ont bénéficié du programme. C'est excellent, mais je pense qu'il y a davantage de besoins. Et, si on peut y répondre par les mesures plus spécifiques et avec des enveloppes budgétaires plus grandes, bien ce sera un bon pas de plus de fait.

Mme Lefebvre: ...est-ce que c'est les jeunes ou c'est général?

Mme Paquet (Sophie): 11 000 jeunes chômeurs issus de l'immigration, et ça, c'est en 2001. Il faudrait que je vous donne la source exacte: recensement 2001.

Le Président (M. Turp): Très bien. Mesdames, monsieur du Conseil permanent de la jeunesse, merci pour votre contribution à nos travaux.

Alors, j'ajourne donc nos travaux de la Commission de la culture jusqu'à demain matin, 9 h 30, où nous allons nous retrouver à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 47)


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