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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Thursday, September 21, 2006 - Vol. 39 N° 27

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, je demande votre attention, s'il vous plaît. Nous allons débuter nos travaux. Et, comme à l'habituel, je rappelle aux membres de la commission ainsi qu'aux gens qui assistent à nos travaux de bien vouloir fermer la sonnerie de leurs cellulaires pour ne pas déranger les travaux de la commission. La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, pour le bénéfice des gens qui nous regardent à la maison, nous recevrons aujourd'hui, dans l'ordre suivant, le Centre d'encadrement des jeunes filles immigrantes, qui ont déjà pris place; ce sera suivi du Centre d'intégration multiservices de l'Ouest-de-l'Île; et nous entendrons également l'Institut Barrow de leadership communautaire et Mme Maryse Potvin ce matin.

Cet après-midi, nous entendrons la Ligue des droits et libertés, La Fondation de la tolérance, le Réseau de communication pour la prévention d'actes criminels et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.

Auditions (suite)

Donc, nous avons déjà en place le Centre d'encadrement des jeunes filles immigrantes. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission. Dans un total de temps de 45 minutes, vous avez tout d'abord un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont le vous jugez à propos. Vous allez voir, vers la fin, si vous tentez de dépasser le 15 minutes, je... vous arrêter, vous faire des signaux. Et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Centre d'encadrement pour
jeunes filles immigrantes (CEJFI)

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Alors, merci beaucoup. Mon nom, c'est Régine Alende Tshombokongo. Je suis la directrice du Centre d'encadrement pour jeunes filles immigrantes et je suis accompagnée de mes collègues avec qui on a élaboré le mémoire. J'ai Sonia, qui est l'agente de développement et de recherche, au centre, et j'ai M. Opula, Lambert, qui est conseiller, aussi formateur, au centre, et, au bout, j'ai Mme Sabourin.

Mme Sabourin (Natalie): ...Sabourin. Je suis consultante en gestion puis je suis aussi formatrice au CEJFI.

Le Président (M. Brodeur): Vous pouvez y aller.

Mme Alende Tshombokongo (Régine): O.K. Alors, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait l'honneur de venir présenter nos recommandations à la commission.

Et le centre qui se trouve devant vous, comme vous venez de le dire, c'est le Centre d'encadrement pour jeunes filles immigrantes. Il a été fondé en 1998 et il est devenu un organisme à but non lucratif. Et la mission du centre, c'est d'oeuvrer à l'amélioration des conditions de vie des jeunes filles immigrantes âgées de 12 à 35 ans en facilitant leur intégration sociale, culturelle, civique et économique et aussi en visant la défense de leurs droits. Et nous avons fidélisé, depuis 2002, 840 jeunes filles immigrantes issues d'une soixantaine de pays et de communautés ethnoculturelles. Alors, ces filles sont des filles diplômées universitaires et détentrices de diplômes de professions et de métiers réglementés. Elles sont monoparentales, elles sont seules, elles sont pauvres, elles sont vulnérables, elles sont sans emploi, et c'est de ceci que nous nous occupons. Alors, le parcours des jeunes filles immigrantes. Et nous avons comme axes principaux d'intervention le service de préemployabilité qui consiste en un accompagnement, un soutien psychosocial et nous avons un service spécifique pour les jeunes filles-mères. Et nous avons aussi un service qui s'occupe d'accompagnement de stagiaires, de développement de compétences transférables dans le milieu de travail ou aux études. Et nous avons aussi un accompagnement fonctionnel en vêtements et en nourriture et nous faisons tout un tas de choses.

Nous faisons aussi des publications, et la dernière publication qui a paru ce mois, c'est la Violence faite aux filles dans les familles immigrantes, une stratégie préventive. Alors, nous avons le parcours de jeunes filles immigrantes. Je vous ai remis les deux feuilles. Parce que nous croyons, au CEJFI, que l'appui à l'intégration doit débuter dès l'arrivée au Québec. Alors, la première feuille que vous avez, vous avez le parcours d'une jeune fille immigrante et qui n'a pas trouvé d'appui nécessaire. Alors, toute jeune fille immigrante, avant de quitter le pays d'accueil, elle se nourrit de l'espoir, l'espoir de pouvoir utiliser ses compétences dans le pays d'accueil. Alors, quand elle arrive au pays d'accueil, elle dit: Maintenant, finalement, je dois pouvoir utiliser mes compétences, je dois pouvoir me sentir utile dans ce pays. Et là elle nourrit de... enthousiasme, plutôt. Mais il y a, à un certain moment, quelques semaines après, il y a la déception et le découragement parce qu'il y a les difficultés d'intégration. Et ces difficultés viennent parce qu'elle n'a pas trouvé d'appui nécessaire pour son intégration. Et une jeune fille qui n'a pas trouvé d'appui nécessaire pour son intégration décroche et au niveau scolaire et au niveau social.

Alors, nous avons le parcours. Deuxième feuille: c'est le parcours d'une jeune fille immigrante qui a trouvé l'appui nécessaire. Alors, quand elle quitte son pays avec l'espoir, elle arrive au Québec, il y a l'enthousiasme qui est soutenu parce qu'elle a trouvé un cadre de référence et elle a trouvé un cadre qui reconnaît la composante sociale à laquelle elle fait partie. Alors, ce cadre-là lui assure un environnement sécuritaire à l'intégration et à la formation. Alors, les difficultés d'intégration que l'autre n'a pas pu surmonter, cette deuxième jeune fille, pour elle, ces difficultés sont surmontables parce que le CEJFI lui a donné les moyens pour pouvoir surmonter ces difficultés.

n (9 h 40) n

Et nous voyons que cette jeune fille s'intègre au marché de l'emploi, et elle participe aussi parce qu'elle a trouvé un cadre idéal, qui est le Centre d'encadrement pour jeunes filles immigrantes. Et je vous dis que le profil de ces filles qui arrivent, ce sont des filles qui ont la passion de réussir, la passion de se renouveler, la passion de participer dans le pays qui les a accueillies, mais après ça nous voyons qu'il y a quelque chose. Il y a un choc pour ces filles-là, un choc culturel, parce qu'elles se trouvent devant deux cadres donnés, un cadre institutionnel et un cadre traditionnel. Pour le cadre institutionnel, il y a la liberté d'expression. Pour le cadre traditionnel, il y a le respect des coutumes contradictoires à l'idéal du pays d'accueil. Et nous voyons aussi qu'il y a la liberté, la perception plutôt de la sexualité qu'elles ne trouvent pas dans le cadre traditionnel, qui est l'absence de cadre d'éducation familiale à la sexualité.

Alors, on parle d'égalité d'un côté. De l'autre côté, on lui donne l'image de protectorat, c'est-à-dire que c'est l'homme qui a tout. Alors, la fille se trouve devant un choc culturel et qu'elle ne sait pas se décider. C'est alors que le centre d'encadrement agit. Les recommandations axées sur l'expérience de nos interventions auprès des jeunes filles immigrantes, ce sont ces recommandations-là que nous allons vous dire ce matin, que nous avons pu mettre dans le mémoire que vous avez pu parcourir, vous avez devant vous, je l'espère. Alors, ces recommandations sont axées sur des expériences pratiques que nous vivons au Centre d'encadrement pour jeunes filles immigrantes.

Si je prends la première orientation, qui est celle de coordonner les efforts, je vais vous dire, depuis sa création, le CEJFI, par le biais de son objectif principal, qui est celui de renforcer le partenariat avec les secteurs privé et public ainsi que les organismes communautaires pour trouver des solutions convergentes à la situation des jeunes filles immigrantes, le CEJFI croit que l'échange, la complémentarité et le partage des expériences sont des moyens très efficaces de la lutte contre la discrimination et les préjugés. Ainsi, depuis cinq ans, le CEJFI est un partenaire actif dans la mise en oeuvre des actions, des activités de la Semaine d'actions contre le racisme, tout en s'assurant toujours que les activités proposées soient en complémentarité avec les autres organismes. Voyant donc que la complémentarité est une clé de succès dans la lutte contre la discrimination et les préjugés, nous recommandons qu'elle soit le principe de base à la construction d'un observatoire qui regrouperait et compilerait l'ensemble des acquis de la lutte contre la discrimination et les préjugés et aussi élaborerait la lutte des acteurs impliqués en plus d'en évaluer les impacts et de définir les actions à venir. Les acteurs identifiés sur cette liste devraient être des experts communautaires à la disposition du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles par le biais de l'analyse de l'observatoire.

Pour le compte de cette section qui est coordonner les efforts, nous avons présenté 11 recommandations qui figurent à la page 6 du mémoire que vous avez et qui insistent essentiellement sur la création d'un observatoire, sur le renforcement de la complémentarité au sein des réseaux d'échange et sur la création d'une liste d'organismes experts impliqués dans la lutte contre la discrimination et les préjugés.

Alors, ceci nous amène à la deuxième orientation qui est celle de reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination. Depuis les trois dernières années, le CEJFI a développé et mis en oeuvre des actions visant à contrer la discrimination et les préjugés dans la participation civique, professionnelle et sociale des jeunes filles immigrantes. Au niveau de la vie civique, le CEJFI a réalisé des actions qui visent la participation des jeunes filles immigrantes aux lieux de décision et en politique et dans le cadre d'un projet que nous avons intitulé La sous-représentation des jeunes filles immigrantes dans les lieux de décision et en politique et qui s'est fait grâce au programme À égalité pour décider.

Organisées régulièrement depuis trois ans, ces activités permettent aux jeunes filles de croire qu'il est possible pour elles d'accéder à des postes de pouvoir où se prennent des décisions qui déterminent leur avenir. Ce projet, qui est destiné aussi à contrer les préjugés et la discrimination dans la représentation des jeunes filles immigrantes dans les lieux de décision, a eu des impacts positifs chez les jeunes filles immigrantes. Notamment, il y a eu la création d'un forum des jeunes filles leaders immigrantes et il y a aussi la mise en contact des jeunes filles immigrantes avec des femmes de pouvoir, des femmes professionnelles et des femmes d'affaires. Il y a aussi la participation comme stagiaires dans les conseils d'administration des organismes.

Alors, ce projet a eu un impact positif. Ces activités auraient donné à certaines jeunes filles l'espoir en réalisant leurs rêves à travers les postes de décision qu'elles ont occupés notamment dans les C.A. des organismes, dans les cabinets politiques des ministères et dans les emplois professionnels qualifiés.

Au niveau de la participation sociale et culturelle, le CEJFI a mis en place des actions visant les rapprochements des jeunes filles immigrantes avec les familles québécoises, c'est-à-dire les familles de la société d'accueil. Et aussi il y a tout un inventaire des activités. Toutes ces activités sont des activités inclusives et riches en diversité par leur ouverture à toutes les composantes de la société québécoise. Ceci permet de contrer les préjugés en apprenant à s'apprécier dans la diversité de nos différences et de nos forces. Et la plupart des figures que je vois là, elles ont participé comme modèles de réussite dans les activités des jeunes filles immigrantes, que nous organisons régulièrement.

Concrètement, au niveau de la participation professionnelle, nous disons que l'accès à l'emploi est un incontournable dans la lutte contre les préjugés et la discrimination. C'est pourquoi les actions de CEJFI s'articulent autour de la préemployabilité des jeunes filles immigrantes et de leur insertion dans les milieux de travail. Concrètement, nous avons expérimenté cette question à travers les projets comme aptitudes de travail dans un contexte traditionnel québécois, les reportages et émissions radiophoniques de tradition québécoise. Alors, avec ce projet, ce projet a permis à 12 jeunes filles immigrantes de développer leur compétences transférables dans les milieux de travail ou de retourner aux études, dans le but d'obtenir un diplôme nécessaire pour s'intégrer au marché du travail, au Québec.

Pour le compte de cette section, qui est reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination, les recommandations que vous retrouverez aux pages 8, 9 et 12 du mémoire que vous avez préconisent la continuation de cette formule gagnante de CEJFI, qui est l'appui à la participation civique, professionnelle, sociale et culturelle, qui doit être soutenue par un financement stable et continu sans lequel on sera tributaires de projets ponctuels qui ne permettent pas un soutien continu des jeunes filles immigrantes dans le parcours vers l'intégration.

Ceci nous amène à la troisième orientation...

Une voix: ...

Mme Alende Tshombokongo (Régine): ...qui est renouveler nos pratiques et nos institutions.

Alors, depuis sa création, le CEJFI a pu s'atteler à ce que j'appellerais ? me donner deux minutes, s'il vous plaît, je veux terminer; à ce que j'appellerais ? la recherche de l'emploi. Nous avons organisé une recherche-action qui consiste en l'intégration des jeunes filles immigrantes dans la fonction publique et municipale, parce que la ville de Montréal est l'employeur le plus proche de nous. Et, dans cette recherche-action, nous avons trouvé qu'il y a des barrières systémiques qui empêchent l'intégration de jeunes filles immigrantes en emploi.

n (9 h 50) n

Et nous avons aussi créé un comité consultatif qui se base sur l'analyse de programmes d'accès à l'emploi de la ville de Montréal et nous avons trouvé qu'il y a des failles.

Alors, je vous remercie de nous avoir donné ce temps et je crois que c'est une initiative louable, mais il y a beaucoup de choses que nous avons retrouvées avec notre expérience sur le terrain, qu'il y a des barrières qui empêchent les jeunes filles immigrantes à participer activement dans la société d'accueil, malgré les outils que la société a mis en place. Mais ces outils manquent de mesures d'imputabilité, et on ne voit pas de résultats concrets sur le terrain.

Alors, j'invite tous les membres de la commission de venir au CEJFI visiter et voir pratiquement ce que nous faisons pour la lutte contre la discrimination et les préjugés. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, madame, pour la présentation si dynamique.

Avant de passer à la période d'échange, j'aimerais avoir un consentement. Nous avons appris que la députée de Laurier-Dorion remplace le député de Mercier. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Il y a donc consentement. Et donc Mme la ministre pour la première question.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Alende, bienvenue parmi nous. Merci pour cette présentation. Mme Létourneau, Mme Sabourin, M. Opula, bienvenue aussi.

Mme Alende, j'ai eu le plaisir d'aller au Centre d'encadrement des jeunes filles immigrantes, lors de vos activités. Je dois dire que vous faites un travail extra, hors de l'ordinaire avec les jeunes filles. J'ai bien apprécié le schéma que vous nous avez donné. Je pense que ça permet réellement d'illustrer un cas où une jeune fille peut cheminer seule ou lorsque le centre vient en interaction avec elles, et ça permet réellement de voir concrètement les résultats du travail que vous faites avec les jeunes filles. Vous nous avez déposé un mémoire, qui est réellement rempli de recommandations. Vous avez pris soin de toucher tous les angles qui étaient visés par le document de consultation. Je vous en remercie. Je crois que vous avez beaucoup de mérite. Et, avant de vous poser des questions sur le contenu du mémoire, je vais vous poser une question parce que, la dernière fois que je vous ai rencontrés, vous nous avez fait part des démarches que vous aviez entreprises à l'arrondissement de Saint-Laurent pour que justement il puisse y avoir des jeunes filles dans les programmes d'accès à l'égalité à l'emploi.

Et, pour le bénéfice des membres de cette commission, j'aimerais si vous pouvez nous relater assez brièvement ? parce qu'on va manquer de temps, on a juste 15 minutes au total ? ce qui est arrivé exactement et le résultat, parce que, la première fois que je vous ai vue, vous attendiez le résultat.

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Oui. Alors ça, j'aimerais corriger quelque chose: ce n'est pas dans l'arrondissement Saint-Laurent, mais c'est dans la ville de Montréal. Mais nos réunions se passent à l'arrondissement Saint-Laurent, parce que nous avons voulu que ça se passe dans le cadre qui est concerné.

Alors, nous avons entrepris une recherche pour trouver pourquoi est-ce que les filles immigrantes ne sont pas embauchées dans la ville de Montréal. Et pourtant la ville de Montréal, c'est l'employeur le plus proche de nous. Alors, nous avons pu, avec mille difficultés, approcher le personnel de la ville de Montréal alors qui nous ont dit que ça ne dépend pas d'eux, de ce personnel-là, si ces filles ne sont pas embauchées, mais ça dépend des ressources humaines. Et nous avons convoqué les ressources humaines. Dans un premier temps, le personnel des ressources humaines a refusé, mais nous avons dit: Au cas où vous refusez, nous allons faire un rapport qu'il y a un refus, et, s'il y a un refus, c'est qu'il y a un problème.

Alors, finalement, on les a fait déplacer, ils sont venus. Mais les dernières personnes qui sont venues nous ont dit que ça ne dépend pas tellement d'eux, mais aussi des syndicats. Alors, nous avons convoqué les syndicats pour hier. Nous avons fait tout. Et puis les syndicats ne sont pas venus, mais ils ont délégué une personne des ressources humaines qui a travaillé avec eux pour l'élaboration de programmes d'accès à l'égalité de la ville de Montréal. Alors, cette personne a parlé en ce qui concerne les syndicats, qui disent qu'il leur arrive ceci. Quand ils sont en train de discuter de convention collective et qu'il y a un problème d'embauche, ils ne s'occupent pas tellement de ça. Cela ne veut pas dire qu'ils ont la mauvaise foi.

Alors, ce que nous avons compris est qu'il y a un problème à régler là-dessus. Mais c'est parce que nous visons les changements institutionnels. Alors, nous allons proposer des changements institutionnels qui doivent être envisagés dans le futur pour qu'il y ait l'embauche de jeunes filles immigrantes mais aussi de femmes de toutes les communautés immigrantes à la ville de Montréal. Et, la réunion que nous avons eue hier, à l'arrondissement de Saint-Laurent, on a considéré nos propositions. Ils ont dit: Vous avez raison. Ils ont dit qu'ils vont changer le système par la suite de nos propositions que nous avons faites hier.

Mme Thériault: Donc, on voit clairement un bel exemple du travail que vous avez fait pour inciter les organismes, dont la ville. Mais il n'y a pas juste la ville de Montréal. On sait qu'il y a des organismes gouvernementaux, des organismes municipaux qui sont assujettis à Loi sur l'accès à l'égalité à l'emploi. Dans votre cas, vous avez fait des démarches parce que bon vous disiez: Pourquoi pas les jeunes filles immigrantes? Et avec raison, définitivement. Et, grâce aux démarches que vous avez faites, ça fait changer les choses, ça fait avancer les choses.

Le fait qu'on soit réunis ici, aujourd'hui, on veut se doter d'une politique pour lutter efficacement contre le racisme et la discrimination. On parle d'embauche évidemment, on parle de préjugés, on parle d'éducation, on parle de rapprochements interculturels. Il y a beaucoup de voies qui sont développées. Mais, particulièrement au niveau de l'embauche, moi, j'aimerais ça si vous pouvez nous rapporter des faits, que les jeunes filles qui fréquentent votre centre vous ont peut-être rapportés, par rapport à des situations de discrimination ou de racisme dont elles ont pu être victimes lors d'entrevues ou lors de leurs contacts pour aller porter des curriculum vitae chez des employeurs potentiels.

Est-ce qu'il vous est arrivé qu'il y ait des jeunes filles qui vous parlent de problématiques de discrimination?

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Oui, mais bien sûr on va se compléter avec mes collègues ici. On a travaillé pendant cinq ans, auprès des jeunes filles immigrantes, en ce qui concerne l'emploi, mais il y a des cas qui nous sont référés pour ça, bien sûr.

Alors, d'abord, de part et d'autre, il y a des situations. Je me rappelle d'une situation où on a exigé le bilinguisme. On a exigé le bilinguisme ici pour travailler. Alors, il y a une jeune fille qui venait d'arriver. On lui a posé la question, si elle était bilingue. Elle a dit: Oui, je suis bilingue. Alors: Quelles langues vous parlez? Elle a dit: Je parle le français et le tetela, une langue africaine. Alors, ils ont dit: Non, on n'a pas besoin de cette langue-là ici. Alors, elle a dit: Mais, moi, mais je parle le français quand même. Alors là, elle s'est vue discriminée, parce qu'on dit: Avant de venir ici, on a dit: Vous devez connaître le français. Et les filles apprennent le français avant même d'arriver au Québec. Et il y a des filles francophones qui arrivent, et elles veulent s'intégrer, mais on exige le bilinguisme; pas un simple bilinguisme, mais qu'elles soient parfaitement bilingues, alors. Et pourtant il y a des gens qui travaillent, qui ne maîtrisent pas toutes les deux langues.

Alors, il y a des situations telles qu'on invite la personne parce que son nom a sonné autrement. Je vais dire, comme mon nom, on peut dire: Alende, tout ça, et, moi, je m'appelle Alende. Et la personne se présente, et puis l'employeur a des difficultés parce que par son apparence tout simplement, parce que la personne, elle portait un voile, et l'employeur ne supporte pas que les gens qui portent des voiles travaillent, et la fille a raté son emploi. Alors, il y a plusieurs cas comme ça.

Vous avez dit qu'on n'a pas beaucoup de temps. Est-ce que mes collègues veulent me compléter là-dessus?

Mme Sabourin (Nathalie): Oui. Nathalie Sabourin. Moi, je suis formatrice dans le cadre du programme aptitudes de travail dans le contexte culturel du Québec.

J'ai animé, l'année dernière, quatre séances de travail, quatre ateliers de travail d'une durée de trois heures chaque. J'ai commencé à les animer depuis le début septembre. J'en... un demain. Et, la semaine dernière, c'était mon atelier sur le marché du travail, où est-ce que je sensibilisais les jeunes filles sur toute la réalité du marché du travail et sur toute la dynamique. Moi, j'ai 14 ans d'expérience en ressources humaines, donc je voulais leur apporter cette expérience-là d'un côté de l'employeur. Et, dans le cadre de notre discussion, c'est certain qu'elles m'ont fait part justement de leurs expériences personnelles, qui m'ont beaucoup touchée. Il y en a une, par exemple, qui a complètement décroché de la vie civique, de la vie économique du Québec. C'est une jeune fille d'origine togolaise qui est ici, depuis plusieurs années. Et elle avait étudié en mode, et elle est rentrée au sein d'une petite entreprise, et elle a eu l'emploi.

n (10 heures) n

Donc, c'était extraordinaire, elle a réussi. Donc, elle avait réussi à passer au-delà de la barrière de l'accès à l'emploi. La seconde barrière qu'elle a été confrontée et qui l'a découragée, ça a été son intégration. Et donc elle est rentrée au sein de l'entreprise, et elle était nouvelle. Et elle a commencé à créer une robe, et ça lui a pris trois heures pour faire son premier dessin de robe. Et ses collègues lui ont dit que ça lui avait pris beaucoup de temps pour faire cette première robe là. Et il y a une nouvelle jeune Québécoise qui est née ici, et tout ça, et elle est arrivée, et ça lui a pris plus que trois heures pour faire une nouvelle robe, mais il n'y a eu aucun commentaire sur elle. Et ensuite, donc, c'est des difficultés d'intégration dans le quotidien, à la cafétéria, où est-ce qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui veut venir lui parler.

Donc, de n'avoir pas d'aide. Et donc on se décourage et on n'est pas très incité à demeurer au sein de l'entreprise. Donc, moi, je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup d'efforts et que le cadre au niveau de l'accès à l'égalité en emploi commence à porter fruit au sein d'entreprise mais qu'il faut maintenant même aller plus loin, et c'est d'accompagner les filles immigrantes au sein de l'intégration au sein des entreprises. Et, comme Régine mentionnait, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de programmes qui existent. Et, moi, depuis que je travaille au CEJFI, je vois qu'elles viennent là parce qu'elles ont besoin de sortir de leur isolement, et elles ont besoin de se retrouver ensemble, dans un cadre serein, dans un cadre qui peut les encourager et aussi qui leur permet de s'exposer à tout ce que le Québec peut leur offrir en tant que femmes, parce qu'elles sont tiraillées par leur rôle traditionnel de femmes qui les ramène à, excusez-moi, mais vraiment j'ai l'impression que c'est dans les années quarante, dans les années cinquante, où a commencé ma mère personnellement, dans sa lutte pour le féminisme. Et ces femmes-là se retrouvent là, en 2006, et elles ne sont pas capables de prendre avantage de tout ce que la société québécoise leur offre.

Et, le Centre d'encadrement, vraiment je travaille avec eux depuis plus de un an maintenant et je vois comment concrètement elles passent à travers ce parcours-là. Et il faut les accompagner dès leur arrivée mais même après plusieurs années, parce que sinon elles retournent dans leur isolement.

Mme Thériault: Je reviendrai plus tard. Merci.

Le Président (M. Brodeur): ...Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: ...M. le Président. Merci à vous tous de l'équipe du Centre d'encadrement des jeunes filles immigrantes. Mes collègues auront également des questions pour vous tout à l'heure.

Bien, sur la même veine, j'aimerais que vous élaboriez un peu sur la différence entre l'intégration pour les hommes et les femmes, donc selon vous qu'est-ce qui rend le parcours des femmes différent, sinon plus difficile ou moins difficile, les caractéristiques un peu de cette intégration ici. Bien, allez-y d'une part.

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Oui, merci beaucoup pour la question. Ce qu'il faut retenir est ceci: les hommes sont discriminés une fois, en tant qu'immigrants, et, les jeunes filles immigrantes, c'est quatre fois: en tant jeunes, immigrantes, femmes et des fois membres des minorités visibles. Alors, les difficultés sont multipliées par quatre.

Alors, ce qui rend plus difficile pour les femmes, et je parle particulièrement des jeunes filles immigrantes, c'est ce que je viens de dire ici, où il y a deux cadres institutionnels, qu'il y a aussi le cadre traditionnel. Il y a aussi le cadre institutionnel. Et, en tant que femme, ce que la femme québécoise subit comme obstacles en tant que femme, discrimination sexiste, elle le subit aussi, alors ça alourdit son parcours. Et aussi on a parlé de liberté dans le cadre ? je le mettrais entre parenthèses ? de l'éducation sexuelle, parce qu'elle n'a pas appris ça. Il n'y a pas de cadre d'éducation sexuelle à la maison, tout est tabou. Et la jeune fille immigrante qui veut imiter aveuglément la jeune fille québécoise doit se retrouver dans des réseaux de prostitution, doit se retrouver avec des grossesses et là elle décroche, elle décroche au niveau scolaire, elle peut décrocher socialement.

Alors, pour vous dire en gros que ces difficultés sont multipliées par quatre, et pourtant pour l'homme c'est une seule fois, un seul bagage de difficultés.

Mme Lefebvre: Puis d'autres groupes sont venus ici, avant vous, puis ils nous ont parlé justement de la dynamique pour les femmes et du lien avec les différents programmes qui existent déjà, notamment pour l'insertion à l'emploi, puis surtout des délais qui sont demandés, bref des programmes admissibles après deux ans après l'arrivée au Québec ou en tout cas cinq ans, tout dépendant des programmes, là. Chacun a ses différentes variables. Puis ce qu'on nous soulignait, c'est que pour les femmes, l'intégration, dans un premier temps, on ne se rendait pas tout de suite sur le marché de l'emploi. Des fois, c'était plus l'homme qui y allait d'abord, puis donc l'intégration se faisait plus tard, et puis... voyons, l'admissibilité, pardon, au programme bien, en fait, était nulle, là, puisque les délais étaient expirés.

Je ne sais pas si vous vivez ces dynamiques-là. Puis est-ce que vous pensez qu'on devrait modifier ces critères?

Mme Alende Tshombokongo (Régine): ...j'ai un cas concret de ça et puis je crois que mes collègues vont me compléter.

J'ai dit au début que nous avons un service spécifique pour les jeunes filles-mères parce qu'on a vu qu'elles souffrent aussi de plusieurs discriminations. Alors, ce service demande que c'est par la collaboration d'Emploi-Québec. Alors, ça demande que ces filles aillent voir leur agent d'Emploi-Québec pour qu'elles aient accès à ce service que nous offrons. Alors, il y a une jeune fille qui est partie. Je l'ai accompagnée. On a vu son agente, et son agente qui lui a dit: Non, elle ne peut pas participer à ce programme-là parce qu'elle a abandonné le cours de francisation. Alors, j'ai dit: Mais qu'est-ce que vous appelez «abandonné le cours de francisation», c'est tout simplement parce qu'elle était enceinte et elle a mis au monde, elle doit s'occuper de son enfant. Alors, moi, j'ai dit: Mais le service que nous avons au CEJFI, c'est pour les filles-mères. Elles doivent venir avec leurs enfants. L'agente était catégorique: Elle a abandonné. Et, même vous autres, quand vous êtes enceintes, il y a le congé de maternité et de paternité aussi. Alors, cette jeune fille est vraiment blessée. On l'a appelée pour revenir dans d'autres activités, elle a refusé.

Alors, bien sûr, il y a des jeunes filles qui arrivent avec leur mari, mais, à cause des tâches de ménage, l'image traditionnelle n'a pas encore changé, la femme doit passer beaucoup plus de temps à la maison, avant de revenir à ces services-là. Mais, dès qu'elle se pointe, on dit que c'est passé. Alors, c'est sûr que nous voulons que ça change parce que ce n'est pas de son propre gré. Elle a donné une vie qui est une jeune fille immigrante future ou un jeune homme futur qui va s'occuper de nous autres ou de la société et elle est pénalisée pour ça. Je crois que ça, ça doit être changé.

Mme Lefebvre: Est-ce qu'on peut dire que les mesures, les critères d'admissibilité seraient, à ce moment-là, discriminatoires pour les femmes?

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Moi, je pense bien que c'est discriminatoire.

Mme Lefebvre: Puis vous avez parlé bon des liens avec Emploi-Québec. À la page 7, à l'orientation I, une de vos recommandations, c'est de «développer des partenariats entre les organismes venant en aide aux immigrants et Emploi-Québec pour s'informer». Bon.

Donc, j'aimerais connaître un peu les liens que vous avez avec Emploi-Québec. Est-ce que vous faites de la gestion de programmes? Est-ce que vous gérez des programmes d'Emploi-Québec, faites l'accompagnement... Emploi-Québec?

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Mais ce que nous avons dit hier, c'est que, si c'est pour l'Emploi-Québec... ce qui est bien pour l'Emploi-Québec, c'est pour les ressources... Canada, c'est pour la ville de Montréal. En même temps, nous avons dit que des programmes qui devraient être mis en place devraient se faire avec la consultation des organismes locaux qui sont en lien direct avec des immigrants pour qu'on puisse mettre des programmes viables.

Alors, moi, je n'ai aucun lien avec Emploi-Québec dans ce sens-là, sauf pour le moment pour le projet, que nous avons inauguré, de jeunes filles immigrantes. Alors là, nous travaillons avec l'Emploi-Québec. Mais nous pensons qu'avant de prendre des mesures sur le groupe cible, sur la population immigrante il conviendrait de consulter les organismes locaux qui travaillent directement avec la base pour pouvoir mettre en place des mesures louables et vivables.

Mme Lefebvre: ...vous êtes consultée actuellement?

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Actuellement, je ne pense pas que je suis consultée. Sauf que, moi, je porte plusieurs chapeaux ? je n'ai pas voulu parler ici de ces chapeaux-là: je suis membre d'un conseil interculturel; je suis membre de la Fédération des femmes du Québec. Mais, avec les actions que nous faisons, nous sommes devenus visibles, et on nous appelle d'une façon ou d'une autre. Mais, moi, je veux être consultée officiellement et systématiquement.

Mme Lefebvre: Donc, formellement, vous n'êtes pas consultée.

Une voix: Formellement, oui.

n (10 h 10) n

M. Opula (Lambert): Peut-être que je peux ajouter juste un mot sur ce qu'elle venait de dire. Au niveau des centres locaux de l'emploi, il y a des partenariats qui sont développés pour la formation des personnes qui sont dans le besoin. Et les ressources qui sont mises à la disposition des centres locaux de l'emploi pour la formation et qui... quelquefois par des CDEC, et tout ça, ces ressources n'atteignent pas nécessairement les personnes immigrantes parce que ça ne fait partie de leur milieu de vie.

Les immigrants, lorsqu'ils arrivent, dans un premier temps, le premier port, c'est les organismes communautaires parce que souvent il se trouve là-bas des personnes qui sont originaires aussi des mêmes régions qu'elles, qui... parler leur langue. Alors, les organismes communautaires font partie de leur milieu de vie. Alors, tout ce qui est institutionnel apparaît comme des milieux qui sont distants. Ils les trouvent un peu mystérieux. Ils n'ont pas d'attache, de contact faciles avec ces milieux-là. Je pense que les ressources financières destinées au soutien des personnes vulnérables, en termes de formation, auraient pu être canalisées vers des milieux qui sont le plus en contact avec les immigrants, notamment des organismes qui ont pignon sur rue, comme c'est le cas de CEJFI. Tout au moins, la part destinée à cette fraction de la population pourrait bien servir beaucoup plus efficacement.

Mme Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bienvenue évidemment à cette commission parlementaire.

C'est avec plaisir que j'ai lu votre mémoire. Vous abordez plusieurs thèmes. Les médias, on pourrait en parler pendant des heures, évidemment. D'autres groupes qui vous ont précédés avaient manifesté également cette problématique ou du moins une problématique concernant les médias ici, au Québec. Vous abordez différents thèmes comme l'accès à l'emploi, l'éducation, la santé, les services sociaux, et c'est dans ce groupe, orientation III, que j'ai trouvé beaucoup de plaisir à vous lire. En même temps, je dois vous avouer, et c'est sûrement le cas pour tous mes collègues ici, c'est un peu avec tristesse qu'on reçoit vos citations de faits vécus parce que bon ça dépeint une réalité, qui est fort malheureuse, malheureusement, pour être redondant, ici, au Québec. Et, vous le savez, ça met en parallèle deux choses l'une, je crois, une certaine ignorance des uns et, je vous dirais, un courage des autres, et le courage étant de ces jeunes filles mais également le courage d'organismes comme vous, qui tentent, tant bien que mal, à trouver des solutions à toute cette problématique.

Je vais être bref parce que je sais que le temps file, M. le Président. Alors, j'avais beaucoup de questions. Toutefois, je vais me concentrer ou plutôt vous en poser une. Comme la ministre, évidemment j'ai apprécié votre graphique ici, parce que bon, évidemment, ça dépeint, d'une façon artistique, je vous dirais, une réalité plutôt triste, mais en même temps j'avais une question là-dessus parce que vous indiquez le niveau de participation, d'intégration par rapport à l'espoir, l'enthousiasme, la déception, le découragement, le décrochage scolaire ou social.

Mais, moi, j'aimerais savoir de vous: Combien sont... Vous qualifiez une jeune fille celle qui évidemment provient de son pays d'origine ou celle qui a connu quelqu'un, un compagnon québécois soit dans son pays d'origine ou quelqu'un ici, au Québec, qui soit québécois de souche ou non. Pour vous, c'est quoi, le ratio, là, d'une jeune fille immigrante? Pour vous, est-ce que ce sont 100 % de jeunes filles qui proviennent de pays d'origine, qui arrivent ici seules? Ou est-ce que ce sont celles qui sont arrivées avec quelqu'un et, finalement et pour toutes sortes de raisons humaines, que notre nature humaine nous amène à faire... fait qu'on peut se ramasser seul ou pas.

Alors, moi, j'aimerais connaître le ratio, là, comment est-ce que ça se situe pour votre organisme.

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Mais voici la réponse. Nous parlons de la discrimination ici, et la discrimination est aussi la discrimination structurelle. Je dis: Ça constitue un gâchis sur le plan humain, et ça peut avoir des conséquences sur les plans économique et social.

Alors, les jeunes filles immigrantes ici sont des jeunes filles qui sont immigrantes, des jeunes filles qui sont venues avec les parents, ou avec le conjoint, ou tout ça. Et j'ai répondu, la fois passée où j'étais à cette commission, que nous ne nous occupons pas de ça: Elle venue comment? Elle a fait comment? Mais elle est une jeune fille immigrante qui vit la discrimination, qui a besoin de notre centre comme appui à son intégration. Alors, nous nous occupons de ces jeunes filles là. Alors, normalement, on devrait dire: On va s'occuper des jeunes filles qui sont arrivées ici de 0 à 3 ans ou 0 à 5 ans, mais, malheureusement, compte tenu des obstacles structurels, on trouve des jeunes filles qui ont fait 10 ans ici et qui n'ont pas pu s'intégrer.

Alors, nous autres, nous voulons donner à toutes ces jeunes filles l'occasion et les outils pour pouvoir se sentir utiles dans la société d'accueil.

M. Mercier: Simplement pour vous dire bravo pour votre action, mesdames et monsieur.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Alende. Très heureuse de vous revoir, mesdames, messieurs du Centre d'encadrement des jeunes filles immigrantes. J'ai eu le privilège de vous découvrir quand j'étais secrétaire d'État à la condition féminine...

Mme Alende Tshombokongo (Régine): En 2002.

Mme Caron: ... ? exact ? et j'ai continué à assister à vos rencontres, à vous voir, à vous côtoyer, et c'est évident que, seulement à vous côtoyer, je pense que déjà les jeunes filles peuvent retrouver espoir et enthousiasme parce que c'est ce que vous dégagez. Et ce qui est merveilleux de votre organisme, c'est que ? en fait, vous venez de le dire dans votre dernière réponse ? vous ne mettez pas de critère, vous ne mettez pas d'obstacle, de limite. Ces jeunes filles ont besoin d'aide, et vous leur en donnez, peu importe le nombre d'années, peu importe l'âge, et ça, c'est vraiment ce qu'il faut faire.

Vous êtes revenus sur deux éléments importants, je pense, quand vous dites en fait que le premier port d'attache quand les immigrantes et les immigrants arrivent ici, c'est les organismes communautaires. Et il y a deux éléments qui ressortent beaucoup de la consultation: le fait qu'on ne reconnaît pas l'expertise ? vous avez l'expertise, vous vivez au quotidien avec ces personnes; et le besoin d'un soutien financier stable pour consolider vos organismes. Et c'est ce que la politique de reconnaissance de l'action communautaire voulait faire, donner un financement stable, soutenir les missions globales des organismes. On se rend compte que, du côté des organismes communautaires, des communautés culturelles, ce n'est pas encore là, le financement n'est pas encore stable. Alors, je pense que, oui, il faut que cette politique s'applique à tous les organismes, et c'est essentiel. C'est essentiel pour l'ensemble de la société québécoise parce que vous permettez qu'ils puissent s'intégrer à notre société. Et, si on ne vous soutient pas pour le faire, bien l'intégration ne se fera pas, et c'est toute la société qui va en subir les conséquences.

Au niveau de votre expertise, vous avez dit, à quelques reprises puis dans le mémoire: vous voulez être consultés officiellement, et je pense que, oui, c'est une des voies. Il y a un autre organisme, ACCESSS, qui est une fédération de 93 organismes, qui l'a demandé au niveau de la santé et des services sociaux.

Vous voyez ça comment, cette consultation officielle là? Est-ce que vous voulez être rattachés à un ministère précis qui vous consulterait systématiquement sur certains programmes? Comment vous la voyez vraiment, la consultation officielle?

Mme Alende Tshombokongo (Régine): Mais, moi, je vais vous répondre ? et je serai complétée par mes collègues aussi ? alors pour dire nous voulons être consultés, il y a un grand travail qui se fait mais, pour revenir à vos mots, d'abord la première chose, pour donner un travail efficace. Et je ne peux pas m'empêcher de me féliciter, de féliciter toute mon équipe parce que nous donnons un travail qu'il faut, qui est efficace et professionnel, et ce sont des partenaires qui nous le disent. Mais nous n'avons pas un financement adéquat, un financement de base. On n'a pas du tout.

n (10 h 20) n

Alors, nous voulons être consultés, c'est-à-dire avec l'expertise que nous avons et que nous croyons que nous sommes seuls à l'avoir, parce que nous comprenons et la société d'accueil et les jeunes filles immigrantes. Alors, nous voulons être consultés, mais ce ne sera pas seulement au niveau... Nous avons un port d'attache, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Parce que c'est un ministère d'immigration et de communautés culturelles, je crois que c'est le ministère le plus pauvre. Alors, je ne sais pas, je crois. Parce que ce que je dis là, si je fais un travail de santé... Nous avons un soutien psychosocial à faire. Il y a des jeunes filles qui viennent. Il y a des jeunes filles déprimées. Pas plus tard qu'hier, il y a une jeune fille déprimée qui, au lieu d'aller à l'hôpital directement, elle a couru vers le centre d'encadrement, parce que nous avons un soutien psychosocial. C'est le ministère de la Santé qui doit financer ça, normalement. Mais, si j'envoie la demande de subvention à ce ministère-là, il va renvoyer au ministère de l'Immigration qu'il sait qu'il n'a pas d'argent. Je ne sais pas si elle n'a pas d'argent ou pas...

Alors, tout ça. On s'occupe de plusieurs aspects qui ne nécessitent pas seulement un seul ministère, mais qui... coordonner des efforts. Alors, nous devons coordonner les efforts. Alors, si vous jugez bon que c'est le ministère de l'Immigration qui est notre port d'attache, mais on le fait comme on a fait avant, avec... Mais, tout l'argent qui doit servir de subvention de base, nous donnons au ministère de l'Immigration qui doit vous donner.

Alors, c'est ça. Le besoin est là d'être consultés, mais je ne pense pas qu'on doit être... Consulter, c'est limité à un seul ministère. Nous touchons plusieurs aspects que nous faisons et nous fournissons des services que nous sommes les seuls ? je dis les seuls... organismes communautaires ? à pouvoir donner ces services-là, et ça va aider beaucoup à l'avancement de beaucoup de dossiers et de beaucoup de choses.

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je vous remercie. Je remercie le Centre d'encadrement des jeunes filles immigrantes. Merci beaucoup.

Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que le Centre d'intégration multiservices de l'Ouest-de-l'Île puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

 

(Reprise à 10 h 24)

Le Président (M. Brodeur): ...allons continuer nos travaux et nous allons entendre le Centre d'intégration multiservices de l'Ouest-de-l'Île. M. Mustapha Kachani, bienvenue en commission parlementaire.

Je vous rappelle brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal, et je répète, maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Immédiatement, la parole est à vous.

Centre d'intégration multiservices
de l'Ouest-de-l'Île (CIMOI)

M. Kachani (Mustapha): M. le Président de la commission, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, bonjour.

Donc, je m'appelle Mustapha Kachani. Je suis le directeur général du CIMOI, le Centre d'intégration multiservices de l'Ouest-de-l'Île, à Montréal. La vocation principale de notre organisme est de venir en aide aux nouveaux arrivants en matière d'accueil, d'établissement, de recherche d'emploi, de la francisation et de rapprochement interculturel, et ce, depuis maintenant 14 ans.

Tout d'abord, je tiens à remercier le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles d'avoir lancé cette consultation pour l'élaboration de la première politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. L'objectif de notre participation à cette consultation est le suivant: premièrement, apporter notre expertise et faire partager notre expérience en matière d'accueil et d'intégration des immigrants et, en deuxième lieu, contribuer, de façon neutre et non partisane, à la discussion en avançant des pistes de solution concrètes et de bon sens. Comme vous l'avez dit, M. le Président, faute de temps, je ne peux pas faire la lecture de tout notre mémoire qui contient 25 pages. En revanche, j'essaierai de lire les paragraphes les plus pertinents pour conclure avec quelques recommandations.

La situation au Québec. Il faut mettre le pied à terre. Le Québec n'est pas à notre avis une société raciste et reste l'une des moins concernées par le danger du racisme. Il existe bien sûr des préjugés inacceptables lorsqu'ils conduisent à la discrimination, et ils doivent être combattus pour empêcher tout glissement vers le racisme, mais le Québec est une société portée vers l'inclusion et ouverte aux autres cultures. Il convient aussi de ne pas se faire d'illusions et considérer qu'une politique, aussi généreuse soit-elle, et un arsenal législatif, pour complet qu'il puisse être, ne seront jamais à même d'éradiquer des comportements discriminatoires. La tentation de rejeter l'autre est sans doute ce que les êtres humains ont le plus en commun, et ce, en tout temps et à toutes les époques. Penser supprimer définitivement toute forme de racisme ou de comportement discriminatoire est donc en soi une chimère. Cependant, affirmer une volonté d'éradiquer les comportements discriminatoires revient à reconnaître que non seulement ces comportements existent, mais qu'ils ont un impact suffisamment important pour que de nouveaux dispositifs soient mis en place.

L'orientation n° 1: coordonner nos efforts. Partir du début, définir ce qu'est aujourd'hui et ce que sera demain qu'être Québécois. La population du Québec évolue sous l'effet d'une politique délibérée, volontariste d'immigration de toutes origines pour les raisons que tout le monde connaît: problèmes démographiques. Être Québécois, c'est d'abord pour nous s'exprimer en langue française. La francisation est pour nous la clé de voûte de l'intégration et de la reconnaissance réciproque.

Appartenir à la communauté québécoise. Peut-on ou doit-on encore parler de communautés culturelles à propos de personnes nées ici et éduquées au Québec? La société d'accueil et les nouveaux arrivants ont chacun leur part de responsabilité dans la réussite de l'intégration. L'objectif final est de créer ou de permettre le développement d'un sentiment d'appartenance à une seule et même communauté de destin.

Favoriser l'accès à l'emploi. L'emploi est le meilleur acteur d'intégration ? toute personne exclue du marché du travail, elle n'est pas intégrée, qu'elle soit immigrante ou pas ? ainsi que le meilleur moyen de prévenir tout sentiment de déception, de frustration de la part des nouveaux arrivants, c'est essayer de les insérer le plus rapidement au marché de travail.

Le rôle des milieux des affaires. Il faut sensibiliser les entreprises à la valeur stratégique des ressources humaines immigrantes. Il faut également leur offrir des ateliers de formation interculturelle. Enfin, il faut aussi travailler en partenariat dans toutes les sphères de la société: milieux d'affaires, gouvernement, administration, ordres professionnels, organismes communautaires voués à l'accueil et à l'intégration, car la lutte contre le racisme est une cause collective et doit être partagée.

n (10 h 30) n

L'orientation 2: reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination. Préjugés et discrimination. Les formes de discrimination peuvent être multiples et basées sur une variété infinie de critères définis et condamnés dans la Charte des droits et libertés. Le racisme n'est qu'une forme de discrimination, peut-être la pire cependant, fondée sur une notion du rejet au nom de la non-appartenance au groupe dominant lui-même défini par l'appartenance à une ? et j'ouvre les guillemets ? «race supposée supérieure». Ne pas voir le mal partout et voir des attitudes racistes ou discriminatoires là où il n'y en a pas. Le vocabulaire utilisé est donc très important. Des actes discriminatoires, ils peuvent ne pas être racistes, et des actes racistes, ils peuvent être discriminatoires.

Discrimination réelle et discrimination perçue. Les préjugés véhiculés par les médias ? M. le député y a fait référence tout à l'heure ? au sein des familles ou dans la société contribuent fortement, par ignorance dans la plupart des cas, à la permanence d'attitudes discriminatoires. Chacun n'a pas la même façon d'appréhender la discrimination. Celle-ci est d'abord une question de perception, ce qui rend plus difficile sa prise en compte et l'évaluation des moyens appropriés à mettre en oeuvre pour la combattre. Il faut poursuivre et développer les initiatives contribuant au rapprochement interculturel, permettre à leurs... d'accueil de connaître celles des nouveaux arrivants comme à ces dernières de s'imprégner des valeurs de la culture québécoise.

Il est essentiel de prévenir les formes latentes de discrimination à la base, c'est-à-dire en investissant temps et argent dans l'éducation primaire et secondaire. S'il est essentiel d'éduquer parents et enfants, il est cependant souhaitable de former aussi les enseignants à cette nouvelle réalité mais également de prendre en compte qu'il existe des enseignants d'origine immigrante et que ces derniers auront la vocation à enseigner à tous, donc pas nécessairement à leur communauté d'origine. Enfin, les enjeux de l'immigration doivent concerner tout le Québec et pas uniquement Montréal, où se concentre la majorité de la population immigrante.

L'orientation 3: renouveler nos pratiques ainsi que nos institutions. Je ne vais pas m'attarder sur cette orientation parce que je pense que n'aurai pas le temps pour parler de mes recommandations. Cependant, la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination est un exercice quotidien qui impose une vigilance sans relâche. Les institutions québécoises disposent d'un arsenal législatif réglementaire conforme aux exigences de la Charte des droits et libertés et adapté à la plupart des situations connues. Cependant, si ces mêmes institutions garantissent un traitement égal et équitable à chacun, quelle que soit son origine, elles ne garantissent rien contre la persistance d'attitudes individuelles racistes ou discriminatoires. Et, si ces dernières sont réprimées par la loi, elles témoignent aussi des efforts qu'il reste à entreprendre pour combattre efficacement ces comportements.

Enfin, ce mémoire ne pourrait se conclure sans aborder le thème des accommodements raisonnables. L'accommodement raisonnable est une notion appelée à... susciter, pardon, des controverses de plus en plus fréquentes. La confusion règne autant dans les esprits des employeurs que dans celui des membres de communautés culturelles. D'un côté, on peut entendre: Pourquoi accorder un privilège sur une base culturelle ou religieuse dans une société laïque? De l'autre côté, on peut entendre: Pourquoi devrais-je renoncer à mon mode de vie traditionnel, alors que je suis protégé par la Charte des droits et libertés? La perception du grand public est focalisée sur les questions religieuses parce qu'elles sont souvent médiatisées. Pourtant, les accommodements raisonnables ne sont pas un privilège mais une notion juridique qui correspond aux valeurs de la société québécoise. L'accommodement raisonnable ne saurait être remis en cause, puisqu'il correspond à l'esprit et à la lettre de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec tout comme à la Charte canadienne des droits et libertés, mais son application demande encore un sérieux effort d'information, d'explication des valeurs québécoises. La sensibilisation, l'éducation et les programmes d'intégration destinés aux nouveaux arrivants sont des facteurs efficaces empêchant l'application abusive des accommodements raisonnables.

Pour terminer, quelques recommandations. Pour nous, la francisation des immigrants à Montréal mais aussi dans toutes les grandes villes du Québec ? et ce n'est pas par un... corporatiste ? on recommande qu'il faut prioriser la francisation en milieu communautaire, car c'est un modèle efficace d'intégration du fait de la structure, de la souplesse de la structure administrative des organismes et aussi par le fait que ces organismes, ils sont ancrés dans leur milieu. De plus, ces organismes adoptent une approche globale et intégrée, ce qui avantage le nouvel arrivant. C'est pourquoi la francisation au sein de milieu communautaire doit être maintenue, voire développée.

En région, du fait de l'insuffisance de la masse critique nécessaire à l'ouverture de... le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui est le maître d'oeuvre en matière de francisation, doit établir des alliances ou des ententes administratives avec les municipalités, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport et toutes les forces vives présentes en région pour permettre la francisation des nouveaux arrivants. La francisation, à Montréal comme dans les régions, est en effet une cause collective à partager.

L'accès à l'emploi. Les mesures incitatives accordées aux entreprises privées doivent être ciblées avec des engagements fermes de celles-ci de maintenir en emploi les nouveaux arrivants qui en auront été bénéficiaires.

Le travail accompli jusqu'à présent avec les ordres professionnels est intéressant. Cependant, il reste encore insuffisant, et une priorité particulière doit être accordée à ce dossier, cela afin que le Québec ne perde pas le bénéfice qu'il peut retirer des compétences professionnelles apportées par des nouveaux arrivants hautement qualifiés. Les administrations publiques et les institutions parapubliques doivent augmenter la part des emplois dévolue aux nouveaux arrivants afin d'augmenter la représentativité des communautés culturelles au sein des institutions. Dans le document, on parle que la représentativité... à peine de 2,6 %, donc je pense qu'il y a un effort à faire. Pour remédier à cette situation, nous recommandons qu'il faut amender la loi régissant le Programme d'accès à l'égalité, le PAE, en mettant en place des mécanismes d'imputabilité des résultats par les gestionnaires et les responsables des institutions. La Commission des droits de la personne ne peut en effet assurer ce rôle, car ses interventions consistent à conseiller les institutions et à veiller à l'application de ce programme. Elle ne peut en aucun cas être juge et partie.

Les accommodements raisonnables, pour terminer. Comme énoncé précédemment dans notre exposé, les trois actions empêchant l'application abusive des accommodements raisonnables ? je précise bien abusive ? c'est la sensibilisation, l'éducation et l'intégration. Sensibiliser la société d'accueil sur la nécessité du recours à l'immigration et l'ouverture à l'apport des autres cultures sans pour autant céder sur les valeurs fondamentales: la démocratie, les droits de la personne, le développement durable, etc. Des guides de formation relatifs à la gestion de la diversité culturelle doivent être élaborés pour l'ensemble de la société.

En matière d'éducation, les établissements d'enseignement doivent se doter des programmes et de cours relatifs à la connaissance ? il me reste une minute, M. le Président, je termine...

Le Président (M. Brodeur): Allez-y.

M. Kachani (Mustapha): ...un petit paragraphe ? à l'ensemble de la société.

Et, pour terminer, l'intégration. Le Québec étant une terre d'immigration, la... québécoise devra toujours faire face aux défis de l'intégration des nouveaux arrivants de la première génération. En conséquence, les programmes existants d'accueil, d'établissement et de rapprochement... doivent être maintenus, développés, voire adaptés selon la nature de l'immigration. Finalement, en tenant compte de ces trois actions, la société, la société québécoise et les nouveaux arrivants partageront ensemble les valeurs fondamentales du Québec, et le recours aux accommodements raisonnables sera ainsi de moins en moins nécessaire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

n (10 h 40) n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Kachani, d'être avec nous ce matin, merci de nous faire partager votre expérience. Je crois que les membres de la commission vont bénéficier de votre grande expérience auprès de gens dans l'Ouest-de-l'Île. Je vous félicite pour le mémoire que vous nous avez déposé.

Et j'irais dans le vif du sujet, parce qu'on n'a réellement pas beaucoup de temps et que ça passe très vite. Vous avez parlé de mesures incitatives au niveau des entreprises pour lutter contre le racisme et la discrimination. J'aimerais peut-être que vous puissiez élaborer un petit peu plus là-dessus, sur ce que vous pensez comme type de mesures incitatives qu'on doit mettre en place.

M. Kachani (Mustapha): Mme la ministre, merci beaucoup. Il y a déjà des programmes existants pour aider les entreprises à former ou à accepter les nouveaux arrivants comme première expérience.

Parmi ces mesures, il y a ce qu'on appelle le programme de l'immersion professionnelle où l'entreprise bénéficie d'une subvention salariale qui représente à peu près la moitié du taux horaire de la personne embauchée durant 20 semaines ou 26 semaines. Cependant ? il y a pas mal d'organismes qui gèrent ce programme ? le maintien en emploi, il n'est pas concluant. Après 26 semaines, maximum une année, la première personne, dès qu'il y a un petit changement ou une... ou un problème de rentabilité, la première personne visée par le licenciement, c'est le membre des communautés culturelles. Donc, il y a un problème de maintien en emploi. Donc, pour encourager l'emploi et donner des subventions aux entreprises, je pense qu'il faut que les entreprises s'engagent à maintenir ces personnes durant une période plus longue pour que ces personnes puissent s'acclimater, acquérir l'expérience. Et parfois, par la suite, ils peuvent, à ce moment-là, avoir tous les atouts nécessaires pour trouver d'autres emplois.

Donc, si les entreprises s'engagent dans cette direction, je pense que ce sera bénéfique pour tout le monde. Des mesures, ça pourrait être accordé à ces entreprises.

Cependant, ce que nous recevons comme message, dernièrement, on a ? c'est la deuxième année; on a ? organisé un projet qui s'appelle Contact-Emploi, où on a invité une vingtaine d'entreprises dans trois secteurs d'activité différents pour les confronter, pouvoir créer les premières rencontres, les premières entrevues avec 32 nouveaux arrivants. La coordonnatrice qui a fait le travail: l'écoute des entreprises était favorable au projet, mais, dès qu'ils entendent qu'il s'agit de la clientèle immigrante, il y a un... Donc, on a un travail colossal d'information et de sensibilisation aux entreprises que l'immigration, ce n'est pas un fardeau. Les immigrants, ce n'est pas un fardeau. Au contraire, c'est une richesse. Sinon, on va tomber dans un ? que je n'aime pas le mot... à des réseaux parallèles, à des économies parallèles; une communauté n'embauche que ces membres, l'autre communauté n'embauche que ses membres, et ce n'est pas pour l'intérêt et de l'économie et de la société.

Et je pense qu'on a un grand travail de sensibilisation aux entreprises. Mais l'entreprise, elle dit que: Moi, j'ai une vocation économique et non pas sociale. Certes, mais il y en a, des entreprises, Dieu merci, qui ont cette sensibilité sociale, qui est très intéressante.

Mme Thériault: Vous avez entendu comme nous le témoignage de Mme Sabourin qui parlait de la jeune designer qui, malheureusement, on lui avait dit ? ça avait pris trois heures faire son dessin ? que c'était trop et que l'autre personne, elle, même si ça lui avait pris plus de temps, elle n'avait pas eu de commentaire. Est-ce que vous pensez que, lorsqu'on parle de mesures au niveau des entreprises, on devrait peut-être mettre plus l'accent sur une personne clé dans l'entreprise, chargée de gérer justement les différentes situations qui pourraient se produire par de l'incompréhension, peut-être de faciliter l'intégration de personnes immigrantes plutôt que de les laisser à elles-mêmes, entre les employés qui sont déjà là.

Je pense qu'on a vu hier un exemple ? vous n'étiez pas avec nous ? chez matériel... qui disait que justement, à toutes les phases d'intégration, les employés avaient été mis dans le coup, qu'ils étaient conscients qu'on ne venait pas voler leur job, entre guillemets, mais qu'on avait besoin de se développer, puis c'était l'immigration qui aiderait l'entreprise à se développer.

Donc, évidemment, si on parle d'incitatifs financiers, oui, on peut parler de subventions salariales. Il y a différentes solutions qui nous ont été proposées par les gens qui sont passés ici, mais on peut aussi parler de soutien aux entreprises pour l'accompagnement dans l'intégration de cette main-d'oeuvre immigrante ou issue des minorités visibles.

M. Kachani (Mustapha): ...d'ailleurs, dans les volets 3 et 4 du programme PRIIME, on parle de l'accompagnement et de la formation à l'intérieur de l'entreprise, ça, c'est certain. C'est très intéressant que des entreprises délèguent, désignent des personnes-ressources pour accompagner les nouveaux arrivants dans les premiers mois de leur embauche pour faciliter la communication et la compréhension mutuelle.

Puis je vais au-delà de ça, là. C'est très intéressant d'ailleurs, le volet PRIIME. Comme vous le savez, nous avons le premier centre d'autoapprentissage du français et nous cherchons des entreprises qui parlent. Généralement, c'est des petites et moyennes entreprises de moins de 49 personnes où on trouve des situations un petit peu cocasses où il y a des immigrants et des anglophones et des Québécois. Ils travaillent, mais ils ne communiquent pas. Ils ne communiquent pas, puis ça crée des confrontations parfois discriminatoires, parfois à la limite du racisme, ainsi de suite, mais c'est parce qu'il y a un manque de communication. Ce que nous avons découvert grâce à la francisation, quand on les formait en petits groupes puis comment ça communiquait en français, ensemble, la communication permet de comprendre l'autre et de l'apprivoiser, et les préjugés tombent, puis l'entreprise est toute à son avantage. D'ailleurs, on a un problème, puisqu'on n'a plus la capacité logistique pour recevoir. On est rendus pratiquement à 70 entreprises participantes, puis la demande est grande.

Donc, c'est une mesure intelligente qui ne coûte pas beaucoup cher puis qui fait une pierre deux coups, et la francisation et la communication, permettant de démystifier les préjugés, démystifier la réalité et faire tomber les préjugés.

Mme Thériault: Merci. Je reviendrai un peu plus tard.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Oui, bonjour, M. Kachani. Merci de votre présentation, merci de votre mémoire. C'est définitif que vous avez une connaissance approfondie de ce qui se vit sur le terrain.

Vous avez parlé notamment, puis vous étiez en train d'en discuter avec la ministre, de francisation. Donc, vous apportez un aspect important quand vous parlez, bon, de la perception des personnes immigrantes notamment dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, où c'est plus anglophone, puis leur perception que bon, à Montréal ou au Québec, on peut vivre en français puis, bon, la relation que ça crée avec l'usage officiel de la langue française au Québec.

Mais, ceci étant dit, vous avez parlé, dans votre présentation, de prioriser la francisation en milieu communautaire, du fait de la souplesse de la structure et de l'adaptation des organismes avec une approche globale et intégrée, puis vous avez souligné que bon cette francisation devait être maintenue et développée. Vous parlez que vous avez des relations avec des entreprises également, je crois, pour la francisation.

Donc, en fait, ma question, elle est plutôt simple, c'est de savoir... Selon vous et ce que vous vivez sur le terrain ? moi-même, je le constate ? bon on parle de francisation, de programmes, bon le débat s'est souvent fait sur les listes d'attente. Mais, moi, pour être députée dans Laurier-Dorion et Parc-Extension, je constate que beaucoup d'immigrants ne parlent pas le français encore aujourd'hui, puis ces personnes-là ne se retrouvent peut-être pas sur une liste d'attente. Mais, d'un point de vue, donc c'est difficile de le chiffrer, mais on peut constater, juste à l'écoute, que ces personnes pourraient avoir besoin de francisation mais peut-être qu'elles ne seront pas sollicitées ou qu'elles ont trouvé un emploi qui leur permet de vivre sans avoir besoin de la connaissance du français. Puis je discutais également avec bon la commission scolaire qui offre également des cours de français, puis on me disait: Bon, on offre des cours. Mais ma question était de savoir: Mais est-ce que vous en faites vraiment une promotion large et diffuse, de ces cours de français qui sont donnés? Il me dit: Ah, non, non, non, par contre on n'en fait pas trop, de promotion, parce que, là, si on en faisait beaucoup, bien là on aurait plus de demandes puis là on n'est pas sûrs qu'on pourrait donner les services à tout le monde.

Bref, vous dites: Maintenus et développés. Est-ce que vous pensez qu'au Québec, à Montréal notamment, ou dans l'Ouest-de-l'Île il y a plus de cours qui devraient être offerts? Puis est-ce qu'il y a plus de personnes qui pourraient apprendre le français?

n (10 h 50) n

M. Kachani (Mustapha): Certainement, parce que dans certaines situations on constate que beaucoup de gens issus de l'immigration n'utilisent pas le français comme langue commune d'usage.

Mais je vois deux volets. Le premier volet, c'est le rôle de la société d'accueil aussi. Est-ce que la société d'accueil fait l'effort nécessaire pour parler avec M. Tout-le-monde en français? À la première occasion, dès qu'on voit quelqu'un qui vient d'ailleurs, la première action ou la première décision, c'est qu'il ne comprend pas le français, et on va essayer de parler avec lui en anglais. C'est systématique, ça.

Le deuxième volet, c'est au niveau de l'admissibilité. Au niveau de l'admissibilité, vous savez que l'immigration, le ministère, sa vocation ou son mandat est... et moins alors qu'il y a des gens, ici, des Italiens, des Grecs ? je ne vais pas nommer les communautés, là... Mais il y a des gens qui n'ont pas bénéficié de cours de français puis ils ont continué à parler soit avec leur langue soit en anglais, plus fréquemment.

Donc, je pense que, comme j'ai dit tantôt, la francisation est une cause collective. Et, moi, j'habite dans l'Ouest-de-l'Île. Je peux vous dire, madame, quand je suis arrivé en... Tout le monde vous le dira et tout. Et, moi, je m'applique à parler français parce que je dis que je suis francophone. Je dis: Bonjour, madame; bonjour, monsieur, je veux un litre de lait, ainsi de suite. Je peux même vous raconter une anecdote. J'ai été à la pharmacie pour faire développer la francisation en milieu de travail, pour recruter du personnel de la pharmacie parce qu'ils ne parlaient pas français, et la personne, elle m'a dit qu'elle n'avait pas besoin du français, qu'elle parlait le français. J'ai dit: Non, vous ne parlez pas assez le français; là, ce n'est pas bien grave, c'est votre droit de refuser ou d'accepter. Cependant, est-ce que vous pouvez me donner une pellicule? Elle m'a dit: Vous avez des poux dans les cheveux? Je dis: Non, je veux une pellicule. Elle m'a dit: Maintenant, la pharmacie, là-bas. Je dis: Je veux une pellicule pour prendre des photos. Elle m'a dit: C'est un film. J'ai dit: Non, c'est une pellicule.

Puis je lui ai pris la pellicule puis: Remarquez, c'est une pellicule; vous voyez, madame, vous ne parlez pas bien français, c'est tout à votre avantage de venir parler français, aller étudier le français, puis en plus ça ne vous coûte pas puis ça vous permet de connaître la société québécoise, et d'enrichir la société québécoise, et aussi servir votre clientèle, celle qui désire se servir en français, en français.

Mme Lefebvre: Donc, vous parlez d'admissibilité au programme, donc. Bon. Il y a les délais d'admissibilité. Est-ce qu'à ce moment-là vous pensez qu'on devrait accroître ou en fait qu'il n'y ait plus de critère en termes d'années?

M. Kachani (Mustapha): Mais à mon avis, madame, toute barrière qui empêche la francisation, moi, je l'enlèverais personnellement. Parce que tous les organismes communautaires, tout à l'heure, je disais, grâce à la souplesse de leur structure, ils francisent même ceux qui ne sont pas admissibles dans des activités intégrées, et ainsi de suite. Mais, moi, je pense que plus on met de barrières, plus on empêche la francisation.

Et, l'admissibilité, bon, c'était dans l'ancien... il faut dire. Le milieu communautaire a travaillé très fort. Il y a une dizaine, quinzaine d'années, c'était 18 mois. On l'a passé à 36 mois et maintenant à 60 mois puis on a rajouté la notion «en déficit d'intégration». On peut rajouter certaines personnes que nous jugeons qu'il y a un déficit d'intégration linguistique. On peut rajouter certaines personnes, mais on ne peut pas mettre tout le monde. Cependant, ceux qui sont vraiment loin de l'admissibilité, ils ont le service quand même parce que notre vocation avant tout est sociale.

Mme Lefebvre: Et une petite question rapide parce que le temps file. Est-ce que vous pensez qu'il y a trop d'argent qui est investi par le gouvernement du Québec en francisation, actuellement?

M. Kachani (Mustapha): Le ministère de l'Immigration, j'ai dit dans une autre circonstance, c'est un petit ministère par son budget, mais c'est un grand ministère par l'enjeu qu'il représente. Je pense que le ministère était toujours, personnellement, je trouve, sous-financé. Même dans l'ancien gouvernement, le transfert fédéral au Québec, il n'a jamais été dédié au ministère dans sa totalité, il va directement au fonds consolidé. Si ce transfert est dédié uniquement pour l'intégration, ce serait déjà un pas en avant, un pas dans la bonne direction.

De plus, en 2003, j'ai assisté à la conférence pancanadienne sur l'accueil et l'établissement puis je présentais un atelier sur l'intégration au Québec. Nos collègues de l'Alberta, de Colombie-Britannique et tout, ils ont été sidérés par ce partenariat qui existe entre l'institution qui est le ministère et les organismes communautaires et son réseau. Puis je peux vous assurer qu'on a quand même un pas en avant par rapport au reste du Canada.

Mme Lefebvre: ...avec la politique de reconnaissance de l'action communautaire, on a formellement reconnu le partenariat qui existait entre le gouvernement puis les organismes puis en même temps le financement qui était dédié.

M. Kachani (Mustapha): Oui, ça, entre autres, mais ce qu'ils disaient, nos collègues des autres provinces, ils ont dit: S'il y a ce réseau, s'il y a cette politique volontariste d'intégration, c'est parce que le Québec s'est doté d'un ministère de l'intégration qui n'existe pas ailleurs dans le reste du Canada. Et, je pense, c'est à l'avantage de tout le monde que ce ministère soit de plus en plus grand, avec des missions de plus en plus développées, parce que c'est pour l'intérêt de tout le monde.

Mme Lefebvre: Je suis parfaitement d'accord avec vous. D'ailleurs, je trouve carrément inacceptable que le ministère de l'Immigration ait été coupé de façon aussi importante, dans les trois dernières années, puis je pense que ce serait pour tout le monde ? puis je suis sûre que la ministre partage mes propos ? une bonne nouvelle que, lors du prochain budget, les crédits soient fortement augmentés à ce ministère.

Donc, je reviendrai, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Je pense, c'est important aussi de ne pas laisser les gens sur une mauvaise impression.

La députée dit qu'on a été fortement amputés. Je voudrais juste rappeler, pour le bien-être des auditeurs et les gens qui sont ici, que, lorsqu'on compare des chiffres, faut-il comparer les bons chiffres, et on ne peut pas comparer des crédits avec un résultat d'année financière mais prendre des crédits pour des crédits ou un résultat pour un résultat. Et il faudrait aussi faire attention parce que les chiffres de base sur lesquels ma collègue se base, ce sont des chiffres qui incluent les crédits des orphelins de Duplessis, parce qu'à l'époque il y avait le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et il y avait beaucoup de choses qui étaient à l'intérieur de ce ministère-là qui ne touchaient pas du tout l'immigration. On parle notamment du Conseil du statut de la femme, de la Commission des droits de la personne. Il y avait d'autre chose par rapport avec les Services Québec, le Directeur de l'état civil, la lutte contre l'homophobie.

Donc, il y avait plusieurs missions dans ce ministère-là, y compris Communication-Québec. Donc, il est évident qu'il faut toujours relativiser lorsqu'on dit: Il y a eu des coupures.

Le ministère a été mis à contribution effectivement, parce qu'on devait redresser la situation, mais je pense que c'est important de rappeler que les budgets en francisation ont été augmentés constamment. Même l'an passé, on a rajouté 2,7 millions de dollars parce qu'effectivement nous avons besoin d'investir dans l'apprentissage du français, parce qu'on considère qu'il est important que les gens apprennent le français. Nous avons renforcé différents programmes aussi. Lorsque le plan d'action du ministère a été connu, il y a plusieurs millions qui ont été réinvestis aussi. Et je pense qu'il faut faire attention parce qu'il n'y a pas beaucoup d'organismes qui ont subi des baisses de budget. On a réellement été très, très corrects. On a regardé à couper du pied carré, à rentabiliser les opérations du ministère parce qu'on sait que le travail des organismes est important.

Ceci étant dit, effectivement je considère que le ministère de l'Immigration est un ministère qui doit jouer un rôle beaucoup plus important parce qu'on ne parle pas juste de faire venir les gens ici mais de l'intégration dans notre société, de la place que les gens qui ont choisi le Québec et qui ont été choisis par le Québec doivent occuper dans notre société. On doit faciliter leur intégration, on doit éliminer beaucoup de barrières et évidemment on doit aussi lutter contre le racisme et la discrimination. Et auparavant il n'y a aucun gouvernement qui s'est réellement attaqué efficacement à régler ces problématiques-là. Et on sait qu'il y a des barrières qui vont faire en sorte que les gens vont se sentir exclus de la société. Puis je pense que le but aujourd'hui d'être assis tout le monde en commission, c'est réellement de trouver les meilleures pistes d'action pour pouvoir faire en sorte que la discrimination et le racisme soient enrayés ou qu'on puisse lutter efficacement.

Vous avez parlé, dans différentes de vos recommandations, de travailler au niveau de l'éducation des jeunes, à plusieurs niveaux. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus pour les quelques minutes qu'il reste, rapidement.

Le Président (M. Brodeur): Pour la conclusion concernant le côté ministériel.

Mme Thériault: Pour la conclusion.

n (11 heures) n

M. Kachani (Mustapha): Concernant l'éducation, nous avons constaté... Bon. Je suis impliqué dans des conseils d'établissement des écoles de mes enfants, puis le constat qu'on fait, c'est qu'il y a un manque, une carence de formation de tout le corps enseignant, et du personnel de soutien, et du personnel dans les écoles en matière de la gestion de diversité culturelle et de rapprochement interculturel.

Il y a deux volets. Le premier volet, c'est que, si, en bas âge, au primaire et au secondaire, on élabore des programmes relatifs à l'histoire et à la connaissance des autres cultures, je pense que c'est un pas en avant pour tous les enfants du Québec issus de l'immigration et les enfants nés ici. Donc, à la majorité, il n'y aura pas de préjugé négatif, il n'y aura pas... les choses vont être naturelles.

Parallèlement, il y a une sous-représentativité des enseignants issus de l'immigration dans les commissions scolaires, dans les écoles. C'est un problème fondamental. Dans des écoles qui font partie de l'école montréalaise à concentration ethnique, la seule personne issue de l'immigration, généralement elle occupe un poste qui est quand même ? il n'y a pas de sot métier ? mais un poste qui n'est pas enseignant. Donc, les enfants issus de l'immigration, ils s'identifient à cette personne. Puis, si on embauche des personnes d'origine immigrante comme enseignants, il y a quand même une représentativité. Et, j'ai bien précisé, il ne faut pas qu'un enseignant issu de l'immigration enseigne aux élèves de sa communauté. Au contraire, il faut que des enseignants issus de l'immigration aillent enseigner à Rimouski ou à Baie-Comeau et ramener, puis ainsi de suite, pour démystifier parce que sinon on tombe dans une ghettoïsation et une stigmatisation, permettez-moi, des préjugés.

Donc, moi, je pense que c'est très important qu'il y ait une augmentation de représentativité dans le corps enseignant, notamment des enseignants issus de l'immigration. Ça donnerait quand même une image plus fidèle au système scolaire québécois.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. On a parlé des chiffres, mais j'aimerais vous entendre sur un aspect important que vous développez dans votre mémoire, qui est tout l'aspect du communautarisme, donc qui est de la ghettoïsation potentielle puis aussi des relations entre les communautés entre elles.

Vous parlez, à la page 10 notamment, des relations entre bon différentes communautés puis les impacts que ça peut avoir sur le marché de l'emploi ou tout simplement, là, au sein de la société. Alors, comment on peut en fait favoriser la mixité? Comment on peut favoriser, trouver un équilibre entre cet aspect important, je pense, qui est celui de se retrouver en communauté puis de pouvoir partager des valeurs communes, puis des traditions, puis une culture mais en même temps d'être capables également de participer à cette mixité?

M. Kachani (Mustapha): Le Québec, il va toujours avoir ce qu'on appelle l'immigration de la première génération. Maintenant, on est, chaque année, entre 40 000 et 45 000 personnes qui arrivent chaque année. Donc, il faut constamment trouver des mécanismes de rapprochement interculturel et intercommunautaire. Comment faire ça? C'est: les programmes d'intégration, il faut les développer d'avantage. Il faut augmenter le degré d'appartenance aux communautés à la société québécoise. L'immigration, c'est une richesse à la culture québécoise. Mais toutes les communautés qui arrivent doivent, dès les premières années, s'imprégner des valeurs fondamentales du Québec: la laïcité, la démocratie, le droit de la femme, le droit de l'enfant, le développement durable. Puis, pour éviter la ghettoïsation et éviter, j'allais dire, l'importation des problèmes d'ailleurs, intercommunautaires, il faut développer des programmes de rapprochement intercommunautaire et interculturel.

Et, ma foi, comme je dis toujours, la francisation, c'est l'élément fondamental parce que la francisation, ce n'est pas des cours de français, mais je peux... excusez-moi, ce n'est pas seulement des cours de français. La francisation, c'est un état, la francisation, c'est un acte politique qui est fondamental. Ça se passe en français autour des valeurs communes. Il faut que tout le monde adhère à cette valeur commune qui est la francisation. Tout à l'heure, je parlais des entreprises avec plusieurs communautés. Grâce à la francisation, certains membres de certaines communautés, ils ont vite fait disparaître leurs préjugés concernant l'autre communauté.

Donc, je pense que c'est fondamentalement continuer à travailler dans le développement de rapprochements interculturels, la sensibilisation, l'éducation. Il n'y a pas de recette miracle. Puis c'est une cause collective pour toutes les instances. Les municipalités ont leur rôle. L'éducation à son rôle. Le ministère, c'est le maître d'oeuvre. Heureusement, il est là. Il est son maître d'oeuvre pour tirer tout le monde vers le même sens qui est l'intégration pour former une communauté, une société harmonieuses autour des valeurs communes.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie le Centre d'intégration multiservices de l'Ouest-de-l'Île. Merci beaucoup.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

 

(Reprise à 11 h 8)

Le Président (M. Brodeur): Je demande votre attention, s'il vous plaît. Nous allons continuer nos travaux et nous recevons maintenant l'Institut Barrow de leadership communautaire. Bienvenue en commission parlementaire.

Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal, et je répète, un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange, comme vous l'avez vu tantôt, avec les membres de la commission.

Tout d'abord, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et immédiatement prendre la parole pour présenter votre mémoire. La parole est à vous.

Institut Barrow de leadership communautaire

Mme Sealy (Antonia): O.K. I'm Antonia Sealy and I am a resource person and a person who was behind the founding of this noble organization in the memory of Dame Nita Barrow who was a woman of the Carribean who has gone worldwide et eventually became the president of the World Council of Churches. We felt that we were more so the founding members... Barbadians, some Muslim women, and we felt that in her honor, since I was from Barbados and since she had gone, we would found this intercultural organization in her honor. And it was incidental that I stayed at the Y last night, which was an institution which she also promoted ? the literacy programs. And, at one point in time, she was also the ambassador for Barbados and ran for this position in the United Nations that Kofi Annan now has.

I am an old anglophone immigrant from Barbados. I arrived here in 1961, but this is the first time that I am coming inside of this parliamentary building. I've stood with the Fédération des femmes, and there was a time in the Fédération des femmes when there was only myself, and then came Vivian Barbot. So I was very pleased to see that my colleague Régine is here today and to know that she's going there these days where I'm taking my break.

n (11 h 10) n

To my left, it's my daughter Aubria, and she had come particularly to talk about the situation of women living with challenges because there is not only racism that confronts those women, but there are other forms of discrimination. She's is dyslexic and she was also a student at CIMOI. But because she was born Canadian, after a certain time, she was put out of CIMOI. So she says that she prefers for Ian to present what she had to say because of the emotion of seeing Mustapha here and knowing what she went through, and knowing that we had to send her to Barbados for her to get a proper education because she was told that she would never learn to write cursive and that she was condemned to be, in other words, intellectually handicapped, which she wasn't. But, thanks to Barbados, she got her education and she's now here hoping that something can be done for women of her condition.

Now, I'm just beginning here to say that the production of the memorandum is an essay and the fruit of qualitative research, a step that is the crowning of sustained efforts invested over a period of years and intensive studies. Nevertheless, for this exercise to be authentic, it will be preferable to share our personal experiences as workers who are often, more often than not, obliged to excel in order to compete with others in the enterprises. Now, I notice here, I'm not going to go through my whole brief because you have it before us, and you know the attitude of anglophone blacks in Québec. But, as I said, we represent an intercultural organization, and we felt that, as black women, we have to show that we had some leadership qualities, and we could not do it inside of mainstream organizations who often did not want to hear.

Sometimes, I would have to leave the Fédération des femmes and go to... who were more willing to listen to what we were saying about racism. And you know that, at the federal level, that there is more of a tolerance, so far tolerance but not necessarily implementation. We love Québec, we intend to stay here, but there are certain things that immigrant people... and I can't consider myself an immigrant after being here since 1961, but I also feel very excluded. And, Mme la ministre, I'm going to sort of give you a little slap because last year... I'm one of those women from the Caribbean who came here as a domestic worker after going to Barbados' most prestigious institution, at Queen's College. Every time that that institution is improving itself, the Queen comes from England because her grandmother, Queen Elizabeth, founded it. And this is the oldest institution, I think, one of the oldest institutions and presents people who... they're pushing towards Oxford and Cambridge and whatever.

But I came here and I worked as a domestic worker. I never got my, you know... we were supposed to be given jobs that were... with our education, and It never really happened. But then I'm not blaming you for this. We would have to... the whole collective, the federal Government and everything else.

I think I'm now going to turn to the recommendations that we made. It's not my... because Régine talked a lot about what immigrant workers go through. And, at this point in time, I'm not an immigrant because my daughter was born Canadian and everything else, but she and other young people in our organization have the same kind of problems that the new arrivants who come. But fortunately the new arrivants have more programs, and, when it comes to... in terms of funding, we don't even bother much these days to ask for any Government money.

So I'm going to ask Ian, also who is a graduate of CIMOI, but he is a Westmounter who, as an Anglophone who lost his job... And then I went for a French program and saw that they were offering a machinist course, and he was taken in as a... Anglo and thanks to Mustapha, and his organization, and their good work. So it's more than a coincidence that we would... Régine here today. And, as I said, I'm old enough to start to move away from tradition and speak from my heart. But I'm going to ask Ian to summarize some of the recommendations that we made.

Le Président (M. Mercier): M. Doidge, allez-y, la parole est à vous.

M. Doidge (Ian): Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président, les membres du conseil, I want to give out our... these are our recommendations which we have worked...

Une voix: ...

M. Doidge (Ian): O.K. Nos recommandations.

(Consultation)

Le Président (M. Mercier): M. Doidge, vous pouvez vous exprimer dans la langue de Shakespeare, si vous voulez. Il n'y a aucun problème. Évidemment, les questions-réponses, etc., on peut les faire dans les deux langues, à cette commission.

M. Doidge (Ian): On a énuméré les points suivants en commençant par le paragraphe du document.

À cet effet, nous, les femmes membres du comité de consultation de l'Institut Barrow de leadership communautaire, invitons fermement le gouvernement du Québec à accorder une attention particulière aux enjeux d'inclusion et de la diversité en appliquant nos recommandations comme suit: apprendre des erreurs du passé afin de développer de meilleures stratégies de lutte d'élimination de la discrimination basée sur les notions préalablement identifiées; avoir un ministère qui soit exclusivement mandaté à réviser continuellement les lois, règlements et budgets de la commission d'équité en emploi et de toutes les autres commissions d'application de la loi provinciale sur la discrimination raciale ou nationale; financer adéquatement les institutions, les organismes et tous les agents d'intervention dans la lutte étatique d'élimination du racisme; mettre sur pied un bureau d'égalité des membres de communautés ethniques racisées qui aurait pour mandat de développer une série de programmes et d'initiatives destinés aux groupes marginalisés qui font cas des complexités de la perception ancrée dans les notions de race et d'ethnicité; réduire les obstacles qui font en sorte que plus de la moitié de la population canadienne représente les membres des communautés ethnoculturelles... soit représentée dans nos institutions politiques.

Créer un ministère de formation des élus gouvernementaux sur la réalité appuyée par des données... objectives, excusez-moi, des données objectives de la sous-représentation des communautés dites racisées aux activités économiques, politiques et sociales dans toute la province ciblée; créer une commission de formation sur les pratiques de fonctionnement et de participation aux institutions politiques auprès des porte-parole des communautés ethniques; combattre le déficit démocratique par l'abolition de l'iniquité en emploi; réviser et adapter les lois, règlements et programmes d'accès à l'égalité en emploi et la situation du marché économique québécois face aux membres de ces communautés; cibler et créer une commission d'élaboration de comités de banques d'employeurs offrant l'égalité professionnelle aux membres des communautés visées par la consultation gouvernementale; instaurer des comités permanents d'études sur les problématiques socioéconomiques de ces communautés: sécurité en emploi, transport, habitation et cohésion dans l'intervention entre tous les membres des agences concernées.

n (11 h 20) n

Favoriser la prévention des crimes et violence familiale par l'intégration des personnes de ces communautés ethnoculturelles; introduire les personnes hautement scolarisées dans des conditions de travail équitables et compatibles à leur condition de vie; promouvoir l'équité en emploi par des objectifs réalisables; assurer l'emploi qualitatif aux personnes qui ont des compétences réelles pour assumer la fonction du mandat de l'emploi; privilégier les besoins spéciaux des communautés les plus vulnérables ainsi que ceux des membres les plus difficilement exposés à cette contrainte; privilégier des formes de lutte ouverte contre la discrimination par des mesures de châtiment ou pénalité significatives à la non-application de celles-ci; fonder un comité de surveillance à l'application des lois de l'équité en emploi; développer un partenariat lucratif avec les entreprises qui choisissent d'appliquer les lois d'intégration sociale des membres de ces communautés.

Mettre sur pied une commission provinciale de vigilance aux politiques de lois favorables au maintien de normes culturelles ou pratiques discriminatoires vis-à-vis ces groupes; trouver des solutions durables de recrutement à l'embauche et de promotion au développement de milieu de travail moins hostile aux modèles de relations interethniques axées sur des pratiques de dénigrement, de harcèlement destructif et la volonté de démolir l'autre à cause de son origine ethnique, sa race, sa langue, sa religion ou son orientation sexuelle.

Et en conclusion, au Québec, les divisions croissantes entre les citoyennes et des citoyennes de souche européenne et de race blanche... Au détriment de la situation des citoyennes des communautés ethnoculturelles non européennes et les membres des communautés de minorités visibles des petits États insulaires... L'augmentation de la pauvreté infantile, l'apartheid économique que constitue le quotidien de ces femmes dans leur communauté imposent un plan d'action provincial inspiré du modèle national canadien de lutte contre les obstacles à la radiation de la discrimination raciale. Car le sacrifice de notre présent nous impose aussi celui de l'avenir de nos enfants. Si nous voulons être des citoyens à part entière dans le prochain millénaire, nous devons demander et demander encore que tout cet apartheid finalement cesse un jour.

Le Président (M. Mercier): Merci, M. Doidge. Évidemment, je suis maintenant prêt à passer à la période de questions et je cède la parole à Mme la ministre. Et je vous réitère que vous avez toute la liberté de répondra autant en français que dans la langue de Shakespeare.

Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Thériault: Bonjour, Mmes Sealy, M. Doidge. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je sais que vous comprenez bien le français.

Mme Sealy (Antonia): J'ai appris le français à la Barbade.

Mme Thériault: C'est ça, vous l'avez appris. Vous me permettrez de m'exprimer en français, puisque c'est ma langue maternelle et qu'évidemment c'est celle que je maîtrise le plus, bien que je comprenne ce que vous dites. Sauf que je crois que l'importance des mots, lorsqu'on est en commission, doit être absolument guidée par la maîtrise.

Mme Sealy (Antonia): ...mon enfant est née Canadienne, mais elle n'est pas assez efficace en français parce qu'elle n'est pas... Pour une nouvelle immigrante c'est possible d'avoir un cours gratuit de français, mais, parce qu'elle est Canadienne... et Mustapha est à trois minutes de chez moi. Et elle était dans la classe, après quelques fois.

Mme Thériault: C'est sûr que le travail qui est fait au CIMOI est extra, hors de l'ordinaire. Même avec le centre d'autoapprentissage du français qu'on a mis sur pied dernièrement avec eux, c'est un endroit excellent pour apprendre le français, je n'en doute pas. Et je trouve bien intéressant que vous ayez tous appris le français parce que bon je pense qu'on est tous conscients qu'on communique beaucoup en français, beaucoup de choses se passent en français, ici, au Québec. Et effectivement, lorsqu'on parle d'intégration, lorsqu'on parle de racisme et de discrimination, encore faut-il savoir se parler et se comprendre si on veut être sur la même longueur d'onde.

Mme Sealy (Antonia): ...de français, mais la culture québécoise aussi.

Mme Thériault: Absolument, la culture aussi. Je vais aller directement à certaines des recommandations que vous avez, puisque le temps file rapidement et que nous n'en avons pas beaucoup.

Vous parlez de réduire les obstacles qui font en sorte que plus de la moitié de la population canadienne représentant les membres des communautés culturelles soit sous-représentée dans nos institutions politiques. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous entendez par là, la sous-représentation des femmes des communautés culturelles dans les partis politiques.

Mme Sealy (Antonia): Il y a une grande sous-représentation des femmes, et c'est notre mandat aussi de donner la... aux femmes, les jeunes femmes, de commencer par le leadership dans les groupes dans les universités, les écoles, et autres. C'est là où les autres vont commencer. Mais les autres sont un peu déçus parce qu'ils disent: La politique, pour certaines personnes des communautés culturelles, est... Mais, parce que je suis Anglaise des Antilles, où il a... Mais, même dans mon pays d'origine, à la Barbade, les femmes poussent les hommes devant, tout le temps.

Au niveau des Nations unies, nous autres sommes appelées les femmes en... parce que des fois, quand une femme veut avoir le leadership... Vous savez très bien que, quand les commissions viennent ici, la consultation... Je ne blâme pas le Québécois de souche ou même les politiciens. Le problème commence même... Ça dépend de la socialisation dans la maison.

Mme Thériault: Mais, je suis d'accord avec vous, même nous, en tant que Québécois, Blancs, de souche, entre guillemets, souvent les femmes vont dire aux hommes: Vas-y, vas-y. Ça change. Ça changement évidemment. Je pense qu'on voit la représentation qu'on a.

Mme Sealy (Antonia): Grâce à la révolution, oui, du Québec, oui.

Mme Thériault: C'est ça. On voit très bien qu'à l'Assemblée nationale plus du tiers des députés sont des femmes ? 40 % au Conseil des ministres. Regardez la quantité de femmes qu'on a aujourd'hui, ici. Je pense que ça change.

Mme Sealy (Antonia): ...Mme James ce matin, madame.

Mme Thériault: On n'a pas le droit de mentionner lorsque quelqu'un n'est pas là, mais je vais faire une petite entorse. Le président ne m'en voudra pas. Elle est aux États-Unis. La semaine prochaine, elle sera avec nous. Donc, malheureusement, elle est à l'extérieur du Canada.

Mme Sealy (Antonia): ...offrir mes condoléances aussi à Mme James parce que je sais qu'elle avait perdu sa grand-mère.

Mme Thériault: Donc, nous lui transmettrons vos condoléances. Il n'y a pas de problème. Merci, c'est une belle attention.

Le Président (M. Mercier): Il vous reste 2 min 50 s, Mme la ministre.

Mme Thériault: 2 min 50 s? Bon. 2 min 50 s. Je vais le garder lorsque je vais revenir, parce que sinon je pose la question, mais elle n'a pas le temps de répondre. Ça fait qu'on va le garder. Merci.

Le Président (M. Mercier): Aucun problème, Mme la ministre. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous de l'Institut Barrow de leadership communautaire. Je vous remercie de votre représentation. Je m'adresserai également à vous en français, puisqu'à toutes les raisons qu'a signalées la ministre le français est également la langue officielle du Québec.

On constate, à la lecture de vos propositions, que plusieurs aspects doivent être améliorés dans notre administration, que ce soient des différents programmes ou de la gestion gouvernementale et de l'État québécois. Vous avez des propos qui sont assez durs à certains aspects, et donc j'aimerais vous permettre de vous exprimer davantage sur la situation qui se passe actuellement.

Vous dites notamment, à la page 7: «En tenant compte de la proposition de la ministre, nous présumons que [la ministre] fait probablement allusion aux Québécoises de race blanche de l'ancienne immigration: Europe centrale, Europe de l'Est peut-être. Quant à nous, les [immigrants] des communautés ethnoculturelles ou membres des communautés des minorités visibles et des États insulaires, il nous est très difficile de rationaliser sur la problématique au point de pouvoir développer la bonne attitude à la réflexion, voire de trouver des solutions de manière objective à vous soumettre.»

Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur cette déclaration puis votre perception, votre sentiment.

M. Doidge (Ian): Excusez-moi, où est-ce que...

n(11 h 30)n

Mme Lefebvre: À la page 7, l'avant-dernier paragraphe.

Mme Sealy (Antonia): Qu'est-ce que vous demandez, madame?

Mme Lefebvre: Bien, en fait, je voudrais avoir vos impressions, le sentiment qui vous a poussés à écrire cette affirmation.

Mme Sealy (Antonia): Madame, en ce moment-là, je préfère de m'exprimer en anglais, s'il vous plaît.

Mme Lefebvre: Oui, oui, sans problème.

(Consultation)

M. Doidge (Ian): ...consulter la traduction.

Le Président (M. Mercier): Alors, Mme Sealy, oui, allez-y en anglais, il n'y a pas de problème.

(Consultation)

Mme Sealy (Antonia): ...il faut répéter la question.

Une voix: Alors, reformulez la question.

Mme Lefebvre: Bien, en fait, on veut peut-être passer à une autre question.

Une voix: Non, reformulez votre question, Mme la députée.

Mme Lefebvre: O.K., vous l'avez. Bien, en fait, c'est que votre propos, en fait, bien, ce que j'en comprends, c'est que vous ne vous sentez peut-être pas totalement concernés par les propositions qui émanent du document de consultation, et donc je voulais avoir votre opinion. Pourquoi en fait votre sentiment? Pourquoi vous affirmez cela, ce que l'on retrouve à la page 7 et que je vous ai cité tout à l'heure?

Le Président (M. Mercier): Le sens de votre question, Mme la députée.

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Oui. Bien, on va passer à une autre question, ça va être plus simple.

Le groupe avant vous ? puis, soit dit en passant, votre maîtrise du français, elle très bonne; vous parlez un parfait français, je vous en félicite; le groupe avant vous... Puis je viens avec cette question parce que plusieurs de vos propositions vont dans le sens de l'intégration sociale puis d'être capable de se réaliser à titre de citoyen à part entière, ici, au Québec, que ce soit dans le milieu social, culturel, économique, que ce soit dans des emplois au sein de la fonction publique ou dans la participation.

Mme Sealy (Antonia): ...comme j'avais dit que je suis ici presque la 46e année, vous comprenez, et j'avais la même difficulté aujourd'hui avec mon enfant et les autres personnes des communautés anglophones, je peux trouver une chance de parler avec les politiciens en groupe, comme ça, parce que toujours c'est des hommes qui sont entendus ici, à Québec, tout le temps. L'ami, monsieur... demande: Pourquoi vous ne venez pas à Québec? Et c'est pour la première fois que j'avais entré ici, et ça, c'est très dommage que je ne connais pas même où se trouvait cet édifice ici.

Mme Lefebvre: Vous avez parfaitement raison. Bien, c'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.

Mme Sealy (Antonia): Vous comprenez, je suis un peu déçue de savoir, en ce moment-là, que je suis toujours dans le ministre de l'Immigration et des relations avec les citoyens ou avec les communautés ethnoculturelles, parce que j'ai dit à ma collègue ici: Vous n'êtes pas dans un groupe, vous êtes un anglophone de souche. Et aux fédérations de femmes aussi j'ai dit: Je ne suis ni anglophone ni francophone parce que je suis toujours une étrangère.

Le Président (M. Mercier): ...secondes peut-être, Mme la députée. Ça va?

Mme Sealy (Antonia): ...c'est parce que je suis un peu fatiguée.

Le Président (M. Mercier): Il n'y a aucun problème, Mme Sealy. Soyez bien à l'aise. Il n'y a aucun problème, Mme Sealy, vous faites très bien ça.

Mme Sealy (Antonia): Mme la ministre, je vais poser la question.

Une voix: Habituellement, c'est l'inverse.

Mme Thériault: ...on pose les questions, et vous répondez. Mais c'est correct, vous pouvez poser la question.

Le Président (M. Mercier): Mais c'est quand même permis. Allez-y, Mme Sealy.

Mme Sealy (Antonia): Que va arriver avec le rapport de Mme James et avec le mémoire, que j'avais envoyé, de ce même organisme l'année dernière?

Le Président (M. Mercier): Alors, Mme la ministre.

Mme Thériault: Pour répondre à votre question, Mme Sealy, vous serez certainement heureuse d'apprendre que, si nous sommes ici, aujourd'hui, en consultation, pour que le Québec se dote d'une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme, c'est la première recommandation du rapport de Mme James.

Quand Yolande a déposé le rapport, il y a 35 recommandations. Donc, lorsque vous avez fait part de vos pistes de solution dans le cadre de cette consultation-là, Yolande a remis un rapport qui est disponible en anglais et en français et elle fait état de 35 recommandations, les 35. Lorsqu'elle m'a donné le rapport, nous avons dit: Parfait, oui, nous allons doter le Québec d'une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme. Nous avons annoncé que le ministère du Développement économique mettra sur pied un chantier pour favoriser l'entrepreneurship, O.K., et qu'il y aura, d'ici cet automne, la mise sur pied des bonnes pratiques chez les employeurs qui ont su faire appel à la gestion de la diversité culturelle dans leur entreprise. Donc, on a déjà annoncé qu'on allait de l'avant avec trois recommandations. Il y aura d'autres recommandations qui seront annoncées du moment que nous serons prêts à l'annoncer, parce qu'évidemment, lorsqu'on fait des recommandations, il faut quand même prendre le temps d'étudier les recommandations.

Et, si je peux me permettre de vous faire voir la lueur au bout du tunnel pour vous ou pour votre fille, il est vrai que peut-être vous ne vous considérez pas comme étant une membre des communautés culturelles, puisque vous êtes Québécoise et Canadienne à part entière, j'en conviens, mais il y a quand même certaines problématiques qui sont visées parce que vous êtes membre d'une minorité visible aussi. Lorsqu'on parle de racisme et de discrimination, les membres des minorités visibles peuvent être visés. Vous avez entendu Régine, ce matin, du Centre d'encadrement des jeunes femmes immigrantes, qui disait qu'une jeune femme immigrante, de minorités visibles, pouvait être quatre fois discriminée. Ça peut évidemment affecter nos enfants, vos enfants de deuxième, troisième génération. Et, si les gens viennent nous voir, nous apportent des pistes de solution, font des recommandations, par la suite on déposera une politique et avec un plan d'action pour aller de l'avant, pour aider à combattre le fléau que peuvent représenter le racisme et la discrimination.

Donc, je crois que le travail de participer en commission parlementaire, soit par le dépôt de votre mémoire d'aujourd'hui ou les recommandations que vous avez faites sur le rapport de Yolande, puisque, là, c'étaient principalement les membres des communautés noires, va certainement faire avancer de beaucoup notre société parce que, lorsqu'on parle de discrimination et de racisme, évidemment ce n'est pas que l'affaire du gouvernement. Oui, c'est la responsabilité du gouvernement, mais c'est également la responsabilité des employeurs, des syndicats, des groupes communautaires, de l'éducation. Toutes les composantes de notre société doivent se sentir interpellées.

Et, moi, je ne peux que vous remercier, après 45 années, enfin d'être venue au Parlement pour pouvoir déposer des pistes de solution qui vous semblent, à vous, pratiques et qui pourraient certainement faire avancer les choses et faire évoluer le gouvernement dans sa façon de penser.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la ministre.

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): Avez-vous une autre question, Mme Sealy, à Mme la ministre?

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): Avez-vous une autre question à Mme la ministre?

n(11 h 40)n

Mme Sealy (Antonia): Oui. Je veux savoir si Mme la ministre va nous donner un appui et parler avec M. Couillard qu'il y a une tendance d'envoyer les personnes des communautés culturelles vers son ministre, au lieu de rester avec lui, parce que je sais très bien que c'est lui qui a vraiment les fonds qui peuvent aider les organismes comme le mien pour aider les femmes à qui nous donnons la formation de travailler au niveau décisionnaire.

Mme Thériault: Ce que je peux vous répondre, c'est qu'évidemment, lorsqu'on...

Mme Sealy (Antonia): ...un très bon ami de madame...

Mme Thériault: Oui. Ce que je vous répondrais, c'est qu'évidemment une politique gouvernementale interpelle tous les ministères et non pas seulement que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Et je sais que, lorsqu'on parle de la prestation dans les services publics, notamment pour les gens des communautés culturelles, il est vrai qu'il doit y avoir des actions précises qui seront certainement visées par le plan d'action et la politique qu'on déposera. Mais, il n'y a pas de problème, on discute ardemment entre les différents ministères à savoir de quelle façon on peut travailler ensemble au bien-être et mieux accommoder les gens qui nous accompagnent aussi. Merci, madame.

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la ministre. On est prêts à passer du côté de l'opposition officielle ou je crois que ceci termine les travaux, bien qu'il restait du temps à l'opposition officielle. Peut-être est-ce que vous avez, Mme la députée de Laurier-Dorion, une autre question supplémentaire?

Mme Lefebvre: Peut-être juste un dernier commentaire avant de vous quitter. On est vraiment heureux dans le fond de constater, parce que vous l'avez mentionné, qu'après 40 ans que vous êtes ici, au Québec, c'est la première fois que vous avez l'occasion de venir ici, à l'Assemblée nationale, pour exprimer votre point de vue.

Mme Sealy (Antonia): ...des femmes. J'ai dormi sur le gazon, dehors, mais vous voyez que j'ai dit que, même dans le mouvement des femmes, il y avait ce genre de discrimination, que certaines personnes étaient supposées de rentrer ici, de parler avec les politiciens, mais, nous autres, c'était comme des petites ? comment on dit ça? ? we were the little soldiers on the outside. And this is why I sat at the organisation that I had, because I am the one who launched the charter for femmes... but then came Québécois de souche from the East to take over in... and take all the jobs that that organisation offered, so we found... anglophones who were black. And they did a study there... an anthropologist, and it showed that those women weren't coming there. So, we said... I have a film with the Minstry called The Women Who Take their place in Québec. It was funded by the Ministry of Immigration and Culture to do that for the year 2000.

Une voix: ...

Mme Sealy (Antonia): ...I feel really good today, and it's time now for me to pass... on to my daughter and the younger people so that they can learn to come here just... I still work very hard with the politicians in Barbados and I don't intend to stop. But this is my country now, and I intend to be here.

Mme Lefebvre: ...d'être une Québécoise à part entière.

Une voix: Merci.

Mme Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mmes Sealy, M. Doidge également, d'avoir été ici, à cette commission parlementaire.

Alors, je suspends pour quelques instants, le temps que Mme Maryse Potvin, chercheure associée, Immigration et métropoles et professeure, Faculté des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Montréal, puisse prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

 

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Mercier): Alors, nous reprenons maintenant nos travaux, et je tiens maintenant à souhaiter la bienvenue à Mme Maryse Potvin, chercheure associée, Immigration et métropoles et professeure, Faculté des sciences de l'éducation, Université du Québec à Montréal.

Mme Potvin, je tiens à vous réitérer que vous disposez d'un temps de 15 minutes pour votre présentation et ensuite qu'on passera à une période d'échange du côté ministériel et de l'opposition officielle dans des temps égaux.

Alors, Mme Potvin, la parole est à vous.

Mme Maryse Potvin

Mme Potvin (Maryse): Merci beaucoup. Alors, merci de m'avoir invitée aujourd'hui, et je vous remercie d'avoir lu mon document si vous avez tous bien eu le temps, parce que ça s'est fait de façon accélérée. Je trouvais que le temps était assez court quand même pour déposer un mémoire et je l'ai fait comme en un jour. Donc, en un jour, j'ai fait du copier-coller avec des éléments d'articles que j'avais déjà écrits. C'est pour ça que j'ai cité beaucoup de mes articles, parce que je n'avais pas le temps de reprendre pour enfin un nouveau texte à partir de tout ça.

Donc, j'essaie de donner un peu une critique générale du document qui est somme toute assez volumineux. Et j'ai eu l'impression qu'il avait été fait un peu vite parce qu'il y a beaucoup, je dirais, d'écarts entre la première partie et la deuxième partie du document. Donc, il y a toute une déconsidération contextuelle et théorique au départ qui ne correspond pas nécessairement à ce qu'on retrouve dans la deuxième partie du document, qui est plutôt des orientations générales qui sont élaborées. Je vais aller assez vite sur les critiques. On pourra revenir dans les aspects du texte, de façon plus détaillée.

D'abord, je tiens à souligner qu'en fait l'élaboration d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination, je pense que c'est un peu limitatif et restrictif. Ma position là-dessus, je pense que vous l'avez vue dans le document, c'est d'élaborer en fait... Enfin, moi, j'ai toujours adopté une posture un peu plus gouvernementale, donc une politique de justice sociale et de lutte contre les discriminations, qui articulerait l'ensemble des éléments déjà existants, un dispositif élaboré par la charte, donc Programme d'accès à l'égalité, Commission des droits, politique de lutte contre la pauvreté, puisque le racisme et les discriminations conduisent à des inégalités sociales. Donc, une perspective beaucoup plus transversale. Je sens qu'il y a une perspective qui se veut transversale, puisque tous les ministères sectoriels sont obligatoirement interpellés dans l'application d'une telle politique, mais l'élaboration d'une telle politique devrait aussi être transversale et devrait être une priorité du premier ministre et relever directement du premier ministre et non pas d'un ministère comme le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Ça, c'est mon premier point de vue.

n(11 h 50)n

D'ailleurs, les principes directeurs qui sont énoncés dans le document, à la page je ne sais plus trop quoi, et qui avaient déjà été énoncés dans des vieux documents qu'on a faits, Marie McAndrew et moi-même, depuis 10 ans, les mêmes, mêmes principes donc exigent d'ailleurs, comment je peux dire, une politique gouvernementale beaucoup plus intersectorielle mais beaucoup plus d'envergure, beaucoup plus importante, si on veut, enfin rendant imputable le premier ministre lui-même à mon avis.

Pourquoi je dis ça? D'une part, parce que je pense qu'une politique de lutte contre le racisme et les discriminations, c'est une question d'effectivité réelle des droits. Donc, la charte étant la loi fondamentale, si on veut, au Québec, pour rendre effectifs les droits, il faut voir, les mesurer dans tous les secteurs de la vie sociale ? le droit à l'éducation, les droits économiques, sociaux autant que les autres droits, évidemment le droit à l'éducation ? et les aborder, ces droits-là, en termes d'égalité substantive, c'est-à-dire la notion de discrimination en ajustant la position en fonction de l'évolution même de la jurisprudence canadienne là-dessus, c'est-à-dire l'évolution de la discrimination qui a passé de la discrimination directe à la discrimination systémique où on voit très bien que cette mesure de la discrimination se fait en termes de mesure des inégalités, dont de l'égalité, de l'égalité substantive.

Donc, la position devrait être, dans une politique de lutte contre le racisme, une question d'effectivité, de mesure de l'effectivité des droits dans tous les secteurs, et, pour faire ça, évidemment il faut rendre imputable l'ensemble des organisations publiques et privées. De là un peu mon point de vue là-dedans, c'est-à-dire: Quelle sorte de monitoring et d'indicateurs on développe pour rendre ces organisations publiques et privées imputables? Comment on peut essayer de mesurer, dans chacune des organisations, autant dans les écoles que dans les commissions scolaires, que dans les ministères, l'effectivité réelle des droits, donc l'égalité substantive qu'on y retrouve?

Alors, je vais y aller de façon générale. On pourra revenir point par point, si vous voulez. Mais j'ai fait un peu un portrait d'ensemble des orientations qui devraient être données au plan étatique, c'est-à-dire faire de la responsabilité sociale des entreprises notamment et des organisations publiques une question centrale pour rendre effectifs les droits, donc les mesurer et en faire le bilan le plus souvent possible. À l'instar de ce qu'on fait au plan quantitatif avec les programmes d'accès à l'égalité, on devrait développer aussi des obligations qualitatives. Donc, les organisations publiques et privées devraient mesurer, dans les milieux de travail, par exemple, la qualité de vie au travail en termes de gestion de la diversité. Mais, au-delà de la gestion de la diversité, ça s'inscrit dans une notion de responsabilité sociale. Aujourd'hui, on a des bilans environnementaux. Par exemple, il faudrait développer des bilans sociaux beaucoup plus larges ou la question des indicateurs qualitatifs de l'égalité en entreprise pas seulement dans l'accès à l'emploi ? malheureusement, on parle juste de l'accès à l'emploi dans ce document-là, ce qui est une lacune très importante ? en termes aussi de maintien en emploi, de promotion, etc.

Donc, non seulement en termes quantitatifs, comme les objectifs des programmes d'accès à l'égalité les fixent, le fixent, mais en termes qualitatifs, donc comment, par des sondages internes, par différents outils que les organisations devraient développer, comment en fait la question des indicateurs qualitatifs pourrait faire l'objet de bilans et d'observations, de reddition de comptes finalement par les différentes organisations. D'ailleurs, donc, c'est le point un peu central de mon affaire. Ça fait partie d'un argumentaire que j'ai fait pour le Conseil des relations interculturelles dans son document, qui devrait sortir je ne sais pas quand, sur la gestion de la diversité ? donc, beaucoup de ces éléments-là ont été repris ? et dans lequel je mets en perspective l'ensemble des approches et des modèles. En fait, il y a un modèle, il y a des modèles, qui existent, d'indicateurs qui peuvent être appliqués dans l'ensemble des organisations publiques et privées où on tient compte d'indicateurs à la fois quantitatifs et qualitatifs pour essayer de mesurer l'effectivité réelle des droits en termes d'égalité dans les organisations. Ça, c'est mon premier point.

Mon deuxième point, en fait un des aspects, une des grandes, grandes limites du document et qui correspond à ce que je viens de dire aussi, en fait qui est liée à ce que je viens de dire, c'est qu'il n'y a aucun bilan réel dans ce document-là. Le bilan réel, ça aurait été de dire, à partir de ce que la Commission des droits de la personne a fait sur la charte, sur les programmes d'accès à l'égalité depuis la loi adoptée en 2000, la loi n° 143, je pense, donc de dire: Voici les éléments de bilan, voici où on peut aller plus loin. Je pense qu'il faut partir de ce qui existe déjà et non pas réinventer le bouton à quatre trous avec des pseudos prix citron de bonne pratique en entreprise qui ne donnent rien ou des affaires symboliques.

À mon avis, il faut partir des instruments qu'on a déjà développés, en faire le bilan réel et essayer d'aller plus loin, de se demander où est-ce qu'on va plus loin avec ce qu'on a déjà adopté. Donc, est-ce qu'on donne plus d'argent, par exemple, à la Commission des droits pour rendre l'effectivité des droits quelque chose de réel et de mesurable au Québec, un peu comme en Grande-Bretagne, par exemple, avec la Race Relations Act, je pense, qui a été adoptée, où chaque école est devenue imputable de l'égalité des chances des enfants des minorités visibles? Ou, en Afrique du Sud, par exemple, comme vous l'a probablement exposé Pierre Bosset, chaque ministère doit développer des indicateurs précis de l'égalité des chances et non pas juste en termes d'accès à l'égalité ou de programmes d'accès à l'égalité mais des autres dimensions dont j'ai parlé tout à l'heure.

Je ne sais pas si j'ai pris trop de temps.

Le Président (M. Mercier): Non, il vous reste encore six minutes, Mme Potvin.

Mme Potvin (Maryse): Il me reste encore six minutes. O.K. Donc, quels sont les monitorings?

Pour aller plus loin en fait, les questions qu'on aurait dû poser dans ce document-là, réellement, à mon avis, c'est: En quoi cette nouvelle politique entend améliorer, renforcer ou renouveler ce qui existe déjà? Donc, pas juste dire qu'il y a une déclaration, pas juste juxtaposer les choses à mon avis et les plaquer là, comme si non seulement les problèmes existaient naturellement et apparaissaient comme ça ? je suis très critique, alors je n'ai pas la langue dans ma poche ? mais aussi comme ne pas juste plaquer le dispositif comme la charte, etc., mais de dire comment ça s'articule et comment on peut aller plus loin et développer autour de ce qui existe déjà, comme je le disais, donc quels sont les indicateurs de suivi, de diagnostic et de résultat qu'on peut développer dans l'application du dispositif québécois déjà existant, quelles sortes d'études précises on peut développer pour développer ces indicateurs-là, inciter les organisations à avoir des modèles d'indicateurs aussi, donc quelle sorte de véritable bilan on peut faire de ce qui existe déjà et comment on peut aller plus loin.

Peut-être que je peux m'arrêter là parce que j'en ai dit beaucoup, finalement plus que je pensais. Et peut-être, si vous avez des questions sur chacun des points que j'ai soulevés, j'ai même des pistes de recherche là-dessus, mais j'ai mis ça un peu en vrac. Il y a des choses que je n'ai pas mises, que j'aimerais peut-être souligner. Il y a un document que j'ai fait pour la commission européenne, l'année dernière ou il y a deux ans, sur la mesure des discriminations au Canada, et, dans ce document-là, je fais état un peu des principales recherches importantes permettant de mesurer les discriminations, dont les enquêtes longitudinales, les différentes études à régressions multiples, ce qui se fait maintenant avec Marie McAndrew en éducation et le ministère de l'Éducation sur le cheminement scolaire des différentes communautés, etc., pour avoir des portraits statistiques précis.

Donc, c'est un ensemble d'indicateurs... ou, en fait, pas d'indicateurs, mais de données qui vont permettre d'aller plus loin en termes de mesure de l'égalité finalement, parce que la mesure de l'égalité, c'est le principe de base de la lutte contre les discriminations et le racisme, par conséquent. Voilà.

Le Président (M. Mercier): Alors, je comprends que ceci clôt votre présentation, Mme Potvin.

Mme Potvin (Maryse): Oui.

Le Président (M. Mercier): Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole à Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Potvin, d'être avec nous ce matin. Je faisais remarquer que c'était drôle de voir comment les chercheurs peuvent être très différents entre eux. Vous et Mme McAndrew, vous avez abordé le document d'une façon très différente. Par contre, ce que remarque, c'est que vous avez toutes les deux une passion qui vous anime, et ça paraît dans votre façon de vous exprimer.

Peut-être au départ je vous dirais que, bien que le temps pour vous ait été court pour rédiger votre mémoire, je considère que c'est important, puisque vous êtes une chercheure, puisque vous êtes impliquée au niveau de l'immigration, depuis des années, je pense que c'est intéressant quand même d'avoir votre point de vue. Par contre, j'aurais peut-être apprécié plus avoir des commentaires par rapport aux axes de développement plutôt qu'au document comme tel, parce que, nous, à nos yeux, bien, en tout cas, le document a été fait réellement pour que la première section puisse mettre la table et que la deuxième section puisse parler des différentes pistes d'action et de pistes de solution qui nous apparaissaient quand même assez importantes. Je comprends que pour le moment vous avez voulu avoir un bilan des actions du ministère comme tel.

Mme Potvin (Maryse): ...du dispositif québécois.

n(12 heures)n

Mme Thériault: Oui, bien des actions comme telles, sauf qu'évidemment il y a de belles choses qui se font déjà. Le but n'est pas de réinventer la roue mais de voir à partir. Nous, c'est sûr que, dans le ministère, on sait ce qui se fait. On sait, à partir des commentaires des gens, bon, qui: Oui, telle affaire, on pourrait la bonifier. En fait, c'est intéressant comme idée pour aller réellement vers une politique pour lutter contre la discrimination.

Parce que ce qu'on entend, c'est, oui, des gens qui parlent de discrimination, de racisme et de préjugés, mais on entend aussi des gens qui parlent d'intégration ? ici, on en a entendu beaucoup ? de la francisation. Et évidemment, même si ce sont techniquement des questions de discrimination, on va les lier aux droits de l'homme, ce qui est correct aussi.

Mme Potvin (Maryse): ...

Mme Thériault: Oui, c'est ça, c'est nécessaire. Mais c'est intimement lié quand même aux facteurs... dans notre société québécoise.

Mme Potvin (Maryse): ...d'intégration. C'est parce qu'il y a une espèce de... On dirait des fois que le racisme est comme détaché de tout ça, alors qu'en fait le racisme est un phénomène lié à la production des inégalités fondamentales. Donc, qui dit production des inégalités dit automatiquement lutte contre les inégalités et pour l'intégration.

Donc, pour moi, rendre effectifs les droits, les droits de la personne, les droits de l'homme, c'est dans une perspective d'égalité. La lutte contre les discriminations au Canada et toute la jurisprudence là-dessus, c'est en termes d'égalité que ça se pose. Donc, si la Cour suprême s'est prononcée pour mentionner, par exemple, qu'en termes de discrimination, que ce soit sexiste, raciste, classiste, etc., je veux dire, c'est la même logique, c'est le même processus. Donc, la discrimination, peu importe le motif de discrimination, la discrimination crée une inégalité fondamentale pour des groupes. Donc, si on aborde ça, je veux dire, à la base, pourquoi adopter plus une politique de lutte contre le racisme plutôt qu'une politique de lutte contre le sexisme? On en a déjà une, vous allez me dire. Mais pourquoi il ne faudrait pas l'intégrer de façon transversale, comme on le fait, par exemple, avec tous?

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut comme intégrer ça de façon plus large. Parce que c'est tellement lié à toutes les autres formes de discrimination, à la production des inégalités qu'une politique de lutte contre le racisme est aussi une politique de lutte contre la pauvreté et est aussi une politique de lutte pour l'intégration et la justice sociale. C'est ça que je disais.

Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous, sauf qu'il ne faut quand même pas se leurrer puis se mettre la tête dans le sable. Il y a du racisme et de la discrimination envers beaucoup de gens qui sont issus des minorités visibles, beaucoup d'immigrants. Il y a des problématiques.

Mme Potvin (Maryse): ...

Mme Thériault: C'est ça. Ça, vous le savez. C'est évident que, moi, comme ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, je dois me poser les questions: Comment on peut faire pour que nos immigrants, nos personnes... Les jeunes de deuxième, troisième génération, particulièrement lorsqu'ils sont membres des minorités visibles, ce n'est pas normal qu'ils vivent des situations de discrimination ou de racisme. Donc, c'est sûr que je dois me poser la question du point de vue immigration et communautés culturelles.

Mme Potvin (Maryse): ...moi qui ai travaillé depuis 10 ans, j'ai fait mon doctorat sur la deuxième génération d'origine haïtienne au Québec, donc j'ai publié beaucoup là-dessus, aussi, et ces jeunes-là qui sont des citoyens québécois n'ont pas à être non plus ghettoïsés parce qu'ils ne sont pas des immigrants. Ils n'ont pas à être ghettoïsés. Bon.

Donc, dans cette mesure-là, oui, pour une politique de lutte contre le racisme et les discriminations pour eux aussi mais par des moyens évidemment en emploi, en éducation, etc., donc. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il faut... Je suis d'accord avec vous que, vous, vous défendez votre politique parce que vous êtes la ministre de ce ministère-là. Moi, mon point de vue, il est plus large que ça évidemment, là, puis je le dis en toute honnêteté, comme citoyenne et comme chercheure. Mais, pour ce qui est des aspects sectoriels, par exemple, en emploi ou en... Enfin, pas juste en emploi, pas juste dans des secteurs, mais vous parlez, par exemple, de renouveler nos pratiques et nos institutions. Par exemple, l'orientation 3 ou l'orientation 2. J'aurais pu reprendre chacune des orientations ou axer sur l'éducation parce que je suis professeure en éducation, mais je suis sociologue «at large» aussi et j'ai plus publié sur des considérations générales dans le passé. Mais renouveler nos pratiques et nos institutions, c'est un peu ce que je disais tout à l'heure: Qu'est-ce qui existe déjà dans nos pratiques et où est-ce qu'on peut aller maintenant, à partir de ce qui existe déjà? On ne le voit pas tellement là-dedans.

Ce que je veux dire, c'est que, par exemple, dans les programmes d'accès à l'égalité, dans ci, dans ça, il y a des objectifs quantitatifs, mais est-ce qu'il y a des objectifs qualitatifs qu'on devrait atteindre? Et, pour moi, ça, c'est fondamental pour aller plus loin, pour changer les cultures organisationnelles. Donc, comment chaque organisation publique ou privée, dans le secteur de l'emploi, là, qu'on peut considérer peut aller plus loin dans ses pratiques? Pas juste faire part des bonnes pratiques de quelques entreprises comme les... qui sont de toute façon soumises à la loi sur l'équité puis qui ont développé d'ailleurs, dans ce cadre-là, un ensemble de pratiques, pas juste encourager les bonnes pratiques mais inciter et même obliger à des pratiques de gestion de la diversité et d'intégration en emploi.

Par exemple, les personnes qui sont harcelées, qui sont victimes de harcèlement racial, elles vont connaître des perturbations psychologiques très importantes, qui vont souvent les amener à quitter l'emploi, etc. Comment un employeur qui est imputable en termes de responsabilité sociale devant les citoyens, bon, devant les autres employés aussi, comment il peut mesurer la qualité de vie au travail et la santé psychologique de ses propres employés? Il peut développer des questionnaires, des outils, des moyens d'insérer, d'avoir des activités sociales intéressantes, bon, etc. Donc, ça se mesure, ça. Il y a des indicateurs qui existent, qui sont des indicateurs d'éléments qualitatifs. Et comment on peut introduire?

Pour moi renouveler nos pratiques et nos institutions, c'est de faire transformer de l'intérieur les cultures organisationnelles pour que des éléments de transparence sur la vie à l'intérieur des organisations puissent être créés, finalement.

Mme Thériault: Et c'est pour ça que vous parlez de responsabilité sociale des entreprises?

Mme Potvin (Maryse): Oui, et de reddition de comptes.

Le Président (M. Mercier): Il ne reste plus de temps, malheureusement, à cette portion, mais on vous reviendra tout à l'heure, dans l'autre bloc.

Mme Thériault: On reviendra dans le deuxième bloc, dans la responsabilité sociale des entreprises.

Le Président (M. Mercier): Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Laurier-Dorion pour une période de 7 min 30 s également.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Potvin, merci. C'est toujours très instructif et enrichissant d'entendre des chercheurs sur des dossiers qu'ils connaissent très bien venir bon nous entretenir. On a entendu plusieurs groupes qui ont des perspectives différentes, soit, bon, on travaille sur le terrain ou, bon, qu'ils analysent la situation. Je trouve assez intéressant. Vous avez parlé, pendant votre présentation, bon, de plutôt d'avoir une politique sur la discrimination et le racisme, d'avoir une politique qui serait plus peut-être globale puis qui inclurait plus de personnes ou de situations, une politique de justice sociale et de lutte contre les discriminations. C'est un peu deux visions qui s'affrontent, à savoir: Est-ce qu'on...

Une voix: ...

Mme Lefebvre: ...puis la question, bon, de relations avec les citoyens ou de communauté culturelle, à savoir: Est-ce que les personnes immigrantes, les minorités visibles ou communautés culturelles, les minorités... en tout cas peu importe le vocable, est-ce qu'on va avoir des politiques qui s'adressent spécifiquement à eux ou on va le toucher d'une façon plus globale, dans toutes les sphères de leur vie, que ce soient des aspects qui touchent bon le développement social, donc le logement, ou plus l'aspect économique, l'intégration en emploi, puis tout ça?

Puis vous avez parlé beaucoup de renouveler nos pratiques. Donc, est-ce qu'il y aurait un chambardement important à faire dans la façon dont on tente d'intégrer les personnes immigrantes au Québec? On a parlé beaucoup de la transversalité des programmes à travers l'État québécois. De quelle façon on pourrait mieux pratiquer? On a parlé de la création d'un secrétariat qui aurait une vision plus large. Vous avez dit vous-même que peut-être le premier ministre pourrait avoir cette responsabilité, pourrait avoir une vision complète de ce qui se fait. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Potvin (Maryse): D'une part, j'aimerais distinguer l'intégration des immigrants de l'égalité de tous les citoyens parce que, l'intégration des immigrants, il y a beaucoup de choses qui ont été faites au Québec, très positives en termes d'accueil des immigrants, de francisation des immigrants, bon, etc. Donc, en termes d'intégration des immigrants, il y a un dispositif qui est mis en oeuvre. Mais, moi, je parle plus d'égalité de tous les citoyens, donc les deuxième, troisième générations d'origine, de toutes origines, minorités visibles. Et là je fais la distinction parce que, les mesures à l'égard des immigrants en adaptation, l'adaptation peut durer cinq ans, 10 ans, mais c'est différent par rapport à quelqu'un qui est né ici, qui est Noir et qui est allé à l'Université de Montréal, qui a les mêmes diplômes puis qui ne se trouve pas de job aussi rapidement que son jeune collègue québécois de vieille souche.

Donc, pour moi c'est des injustices fondamentales mais qui ne touchent pas du tout les mêmes dimensions. Un jeune de deuxième, troisième génération n'a pas à s'adapter. Il est Québécois, il a écouté Passe-Partout à la télé, je veux dire, il est allé au McDo, bon, il est dans la culture de masse et dans la culture québécoise, etc., donc ce n'est pas s'adapter. Donc, c'est des mesures complètement différentes à mon avis et c'est très justifié qu'il y ait des mesures d'adaptation et qu'il y ait des mesures d'égalité.

Donc, la question de l'égalité, ça fait longtemps que le Québec, depuis 10 ans, 15 ans, parle d'élaborer une politique de citoyenneté, par exemple, bon, etc. Moi, je la vois comme ça: la lutte contre le racisme et les discriminations, c'est une lutte pour rendre effectifs les droits humains, donc pour rendre égaux les citoyens entre eux. Et ceux qui sont moins égaux, qu'on peut cibler, c'est les personnes des minorités visibles de deuxième, troisième génération. Donc, c'est un peu mon point de vue.

n(12 h 10)n

Pour ce qui est de la... Donc, je fais la distinction entre les mesures finalement qu'on peut adopter. Et pour moi rendre effectifs les droits et l'égalité dans tous les milieux, j'en ai parlé tout à l'heure, comment créer des indicateurs, comment développer des modèles d'indicateurs pour les organisations, comment favoriser des mesures ciblées qui vont lutter contre, justement pour les jeunes de deuxième génération, qui vont lutter contre l'inégalité des chances en milieu scolaire, par exemple ? Marie McAndrew en a sûrement beaucoup parlé ? mais c'est plus une question de l'égalité des chances pour des jeunes nés ici, en difficulté scolaire. Est-ce qu'ils vivent plus des faits discriminatoires parce qu'ils sont Noirs et que ça enlève l'estime de soi, la motivation chez ces jeunes-là? Les effets psychologiques, comment on peut les mesurer, etc.?

Donc, c'est plus des questions de cet ordre-là pour rendre égaux les citoyens entre eux que des questions d'adaptation des nouveaux arrivants qui ne parlent pas la langue, ils n'ont pas d'emploi, ou etc. Donc, c'est plus en ces termes-là, là. Je n'ai pas de ? comment je peux dire? ? de... Je cible ça de façon un peu générale, mais je pense que c'est ça. Moi, en tout cas ce qui préoccupe le plus, c'est les monitorings, c'est la mesure de l'égalité et la mesure des discriminations et comment ça peut se décliner dans toutes les formes d'organisation ? moi, c'est ce qui m'intéresse le plus ? autant au niveau de l'éducation. Puis c'est un peu ça probablement que Marie a dit aussi, c'est-à-dire, en éducation, elle a sûrement parlé de tout ce qui a été fait en termes de classes d'accueil, de, bon, francisation des immigrants, etc. Mais tout ce qui se fait, c'est tout le défi de l'égalité des chances pour les personnes de toutes origines, pour les jeunes de toutes origines.

Ça prend d'autres types d'instruments et d'autres types d'éléments qui se développent de plus en plus au ministère de l'Éducation. Bon.

Mme Lefebvre: ...dans un plan d'action ? parce que la politique serait accompagnée d'une plan d'action ? est-ce que vous avez parlé de l'importance de faire un bilan, de savoir ce qui a été fait, ce qui a été réussi? Il y a des résultats?

Mme Potvin (Maryse): C'est-à-dire tous éléments du bilan. Par exemple, l'application de la loi n° 143, c'est un des éléments pour dire: Bon, on est rendu là. Peut-être pas dire: Tout en détail, là, mais de dire: On est rendu là. Les éléments de bilan montrent qu'en termes quantitatifs, dans tel secteur, ça ne marche pas, ça marche... Qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour aller plus loin? Donc, si ça ne marche pas, par exemple, le fait de... Si on se rend compte que, dans la fonction publique, à Québec, on n'est pas capable d'attirer les immigrants, qu'est-ce qu'on fait de plus pour les attirer à Québec, dans la fonction publique? Je pense qu'il faut se poser honnêtement la question. Donc, prendre chacun de ces éléments-là et dire où est-ce qu'on va avec ce qui existe déjà, finalement.

Mme Lefebvre: Dans un plan d'action, bon, qui accompagnerait la politique, si vous aviez, vous, là, des recommandations à faire, concrètes, sur des éléments précis qui doivent être faits ? bon, un bon bilan des pratiques, de ce qui a fonctionné, puis d'autres éléments, bon...

Mme Potvin (Maryse): ...d'adopté. Bien, moi, je pense qu'un des éléments, c'est que la politique incite... non, pas incite, rend imputable l'ensemble des organisations publiques et privées devant la charte en termes d'égalité et de rendre effectifs les droits. Donc, la charte étant une loi fondamentale, comment chaque organisation est imputable devant la charte? Pour moi c'est l'élément de base d'une politique vraiment égalitaire. Et quels sont les moyens? Donc, c'est déjà un premier élément. Est-ce que l'État est prêt à faire ça? Est-ce qu'une politique comme ça est prête à aller jusque-là, bon, d'une part? Puis comment des modèles d'indicateurs et d'instruments peuvent être produits pour que ces organisations-là puissent les appliquer en termes quantitatifs et qualitatifs?

Il existe, par exemple, je ne sais pas... Probablement que le Conseil des relations interculturelles vous a montré un modèle d'indicateur, que, moi, j'ai trouvé, sur des trucs européens, machins. Il y a pleins d'indicateurs pour les entreprises publiques, privées qui se font, des modèles qui se font aux États-Unis ou en Europe. C'est une série finalement d'éléments qu'on peut appliquer dans des organisations, et on peut faire des bilans pour rendre transparente finalement la gestion de la diversité, l'égalité en emploi, etc.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Potvin. Je suis maintenant prêt à céder la parole à Mme la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. J'aimerais juste revenir sur la responsabilité sociale des entreprises, mais je pense qu'il nous reste sept minutes, puis mon collègue aurait certainement des questions à vous poser sur l'imputabilité dont vous venez de nous parler.

Bien, sept minutes, ça fait comme trois minutes et demie sur chacun des sujets, puis il faut garder du temps pour poser la question. Ça fait que, si vous pouvez revenir sur la responsabilité sociale des entreprises, qu'est-ce que vous entendez par là?

Mme Potvin (Maryse): Oui. C'est parce qu'en ce moment il y a beaucoup d'approches théoriques, hein, sur la responsabilité sociale, sur la gestion de la qualité, sur etc., et on oublie la gestion. C'est-à-dire on a la gestion de la diversité, mais c'est toutes des affaires qui évoluent en parallèle.

Donc, d'un côté, quand on parle, tous les travaux existants sur la responsabilité sociale des entreprises vont parler beaucoup de l'environnement, mais on sait très bien qu'on a de la misère à appliquer ça pour les facteurs humains, donc en termes de ressources humaines, de gestion des ressources humaines en entreprise. Et on n'exige pas, et ça, c'est vrai au niveau international, là, on n'exige pas que l'application des droits économiques, sociaux et culturels soient appliquée au niveau international. Donc, on n'exige pas que l'application des droits économiques et sociaux à l'intérieur des entreprises, en termes d'égalité, en termes... Comment je peux dire? On n'exige pas finalement que l'équité ou l'égalité sur le lieu d'emploi fasse partie du bilan de responsabilité sociale des entreprises.

Donc, on a des perspectives un peu théoriques qui évoluent en parallèle, tous les travaux qui se font sur la responsabilité environnementale et sociale, tous les travaux sur la gestion de la qualité, tous les travaux sur la gestion de la diversité, puis tout ça, comme si c'étaient des éléments qui étaient séparés, alors qu'en fait la lutte contre les discriminations et pour l'égalité dans le milieu de travail, ça doit être intégré à l'intérieur de toutes ces conceptions-là. Et, en termes de responsabilité sociale ? il y a plusieurs travaux théoriques là-dessus ? les organisations mêmes privées, de plus en plus, sentent qu'avec tous les courants altermondialistes, avec tout ça il y a une responsabilité, ils sont imputables et doivent faire preuve de transparence sur la façon dont ils vont respecter l'égalité dans les pays du tiers-monde, par exemple, sur la façon dont ils vont être équitables dans l'utilisation des produits, dans leur production, par exemple, et ils vont être biologiques ou ils vont, bon, je ne sais pas trop quoi.

En tout cas, il y a plusieurs critères ou certaines entreprises vont respecter, de plus en plus, des critères d'équité ou des critères de, voyons... Je ne suis pas une spécialiste, là, des questions des entreprises non plus, là, mais par contre tout ce qui est égalité en emploi, c'est comme si ça disparaît soudainement. Il n'y a pas de critère d'évaluation de la santé de ces employés, d'égalité, de, bon: Est-ce qu'il y a de la discrimination? Est-ce qu'il n'y en a pas. Il y a des entreprises très grandes qui appliquent bien les programmes d'accès à l'égalité, qui ont des recours contre le harcèlement, par exemple, mais ce sont des grandes entreprises. Il n'y a pas toujours des structures ou des infrastructures qui ont été créées des fois puis qui ne coûteraient pas grand-chose non plus dans des petites entreprises mais qui pourraient permettre, par exemple, d'avoir un portrait, une transparence en termes de ce qui se passe en termes de ressources humaines, en termes de gestion de ressources humaines.

Donc, ce que je veux dire, ce que je voulais dire ? là, je vais un peu vite; mais ce que je voulais dire ? c'est que la question de la lutte contre les discriminations, qui est une question d'égalité dans le milieu de travail, doit devenir un ensemble d'indicateurs qualitatifs et quantitatifs mais qui font partie de toute cette évolution de la gestion de la qualité et cette évolution de la responsabilité sociale des entreprises.

La notion de responsabilité sociale, je pense que ça se développe de plus en plus et que les citoyens et les États exigent, de plus en plus, des comptes des entreprises pour voir si elles fonctionnent de façon équitable, finalement. Donc, ça rentre dans cet esprit-là.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Potvin. Alors, tel que promis, je cède la parole au député de Marguerite-D'Youville pour une période de deux minutes, ce qui est très bref et court.

M. Moreau: Et questions et réponses. On va aller en détail, dans le sujet.

Le Président (M. Mercier): Allez-y, M. le député.

M. Moreau: Mme Potvin, je vous le dis en tout amitié, je pense que d'abord c'était intéressant, ce que vous nous dites, mais comme nous tous vous avez le défaut de vos qualités. Et vous êtes chercheuse et vous cherchez à établir des éléments de mesure, savoir si le réservoir est à moitié plein ou à moitié vide. Il me semble, moi, en tout cas après avoir entendu plusieurs groupes, que la discrimination fondée sur la race, elle existe et qu'on n'est pas à établir tellement des éléments de mesure mais plutôt des remèdes à cette situation-là.

Mme Potvin (Maryse): ...il faut les mesurer.

M. Moreau: Bien oui. mais, sans le mesurer avec beaucoup de précision, on est capable de constater que ça existe. Et ce que je ne comprends pas ? puis là il vous reste une minute pour y répondre; j'aurais bien aimé pouvoir en discuter plus longuement avec vous ? quand vous dites qu'on veut rendre imputables les organisations devant la charte, sauf erreur elles le sont déjà parce que la charte prévoit qu'on ne peut pas discriminer.

Mme Potvin (Maryse): ...font réellement pour ça?

M. Moreau: Bon, bien, voilà. Alors, la réponse à la question, ce n'est pas de savoir si on discrimine un peu, beaucoup ou énormément, c'est de savoir comment on rend applicables les dispositions de la charte...

Mme Potvin (Maryse): Ce que je dis...

M. Moreau: ...qui interdisent la discrimination fondée sur la race. Mais quelles mesures concrètes proposez-vous dans votre document?

n(12 h 20)n

Mme Potvin (Maryse): Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que non seulement il faut des indicateurs, par exemple, je ne sais pas, moi, des formations en emploi, des formations en emploi.

Par exemple, je vais vous donner un exemple. Quand on adopté la loi n° 143, en 2000, il y a eu très, très peu d'argent pour préparer les milieux pour les former à appliquer des programmes d'accès à l'égalité, ce qui fait qu'aujourd'hui on se retrouve avec des difficultés à appliquer cette loi-là de façon claire. Il y a eu de l'argent mais très, très peu.

Donc, des mesures de formation dans tous les milieux, qui sont très importantes. Il ne faut pas qu'il y ait de «backlash» sur la question de l'égalité. Il ne faut pas qu'il y ait de «backlash» pour que les gens comprennent l'objectif égalitaire qu'il y a derrière ça et non pas le favoritisme, etc. Donc ça, c'est une mesure, par exemple. Mais les formations doivent être données dans un cadre précis, donc. Puis, pour évaluer des formations, il y a aussi des indicateurs qu'on peut développer. S'il y a une formation, le lendemain, personne ne se souvient de ce qui s'est dit à la formation, ça ne donne rien. Mais par contre, s'il y a un suivi parce qu'il y a une formation continue autour de ces questions-là, bien là ça donne quelque chose.

Donc, c'est dans ces termes-là que je parle d'indicateurs. Ce n'est pas du tout détaché des moyens, au contraire. C'est des indicateurs de suivi de résultats. Quand on adopte une mesure, on essaie de voir quel est le résultat en bout de ligne. C'est évident. Par exemple, combien de personnes ont été atteintes? Est-ce que ça a changé quelque chose sur le phénomène qu'on veut cibler, bon, etc.? Donc, moi, c'est en plus en ces termes-là, et je n'invente pas la roue en disant ça. La Grande-Bretagne fait déjà ça. Je veux dire, il y a plein de gens qui ont des dispositifs de monitoring très sophistiqués. La preuve, c'est que les programmes d'accès à l'égalité ou la loi sur l'équité en emploi, c'est un dispositif de monitoring et c'est fondé sur des statistiques très précises.

Donc, je ne dis pas qu'il faut réintroduire ça, mais il faut des indicateurs qualitatifs. Si chaque entreprise se préoccupait vraiment de, chaque six mois, par exemple, ou chaque année, de la qualité psychologique des gens qui... pas la qualité, mais du bien-être psychologique des gens pour voir s'ils ne sont pas exclus, ne sont pas victimes de mise à l'écart ou de discrimination, ou de harcèlement, ou de domination quelconque... Donc, il faut mesurer ça. Pas le mesurer, mais il faut essayer d'avoir un portrait donc pour être imputable auprès de ses propres employés. C'est ça que je veux dire.

Le Président (M. Mercier): En conclusion, Mme Potvin.

Mme Potvin (Maryse): Bien, c'est ça. Il y a différents moyens. C'est parce que, là, je ne les ai pas résumés là-dedans, mais, le modèle dont je parle, il y a différents moyens où...

Le Président (M. Mercier): Merci, on pourra...

Mme Potvin (Maryse): ...moyens vont ensemble.

Le Président (M. Mercier): Vous pourrez renchérir sur l'autre portion que je cède maintenant à l'opposition officielle. Et je me suis quand même permis de vous octroyer quelques minutes de plus compte tenu que nous étions un peu à l'avance et je ferai la même chose pour l'opposition officielle.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bien, je trouve que c'est extrêmement intéressant de pouvoir quantifier nos résultats. Puis notamment, si on regarde nos statistiques juste ici, dans la fonction publique, les résultats qu'on a obtenus après le nombre d'années où les lois sont effectives, si on avait peut-être mieux mesuré, on aurait peut-être changé nos dispositifs avant puis on n'en serait peut-être pas aux résultats qu'on a aujourd'hui. Mais, sur ce, je vais passer la parole à ma collègue de Terrebonne.

Le Président (M. Mercier): Alors, je cède la parole à votre collègue de Terrebonne, à la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Mercier): Mme la députée.

Mme Caron: Merci beaucoup, Mme Potvin. Je vous écoutais parler d'une politique plus globale pour contrer les discriminations. Est-ce que ce serait une façon plus efficace de lutter contre les doubles ou multiples discriminations? Parce qu'autant lorsqu'on était en commission sur l'avis du Conseil du statut de la femme pour une politique d'égalité entre les hommes et les femmes que lorsqu'on a commencé nos travaux ici pour cette politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination plusieurs groupes sont venus nous dire que les femmes étaient souvent doublement discriminées si elles sont immigrantes ou même des discriminations multiples, par exemple, si elles font partie des communautés visibles.

Donc, est-ce que cette politique plus globale serait un meilleur outil pour lutter contre ces doubles ou multiples discriminations?

Mme Potvin (Maryse): Je pense que c'est sûr que ça pourrait s'intituler Lutte contre le racisme et les discriminations. De toute façon, le ministère s'occupe aussi de l'application de la charte et machins, et tout ça. Donc ça, je pense que c'est adéquat dans un sens.

Mais je pense que oui, mais il faudrait voir quelle sorte de rôle plus important on pourrait donner, par exemple, à la Commission des droits de la personne parce que le rôle très limitatif qu'elle a en ce moment, à mon avis, en termes, bon, d'enquête, d'application des programmes d'accès à l'égalité, devrait être nettement élargi. Je pense que, pour appliquer une vraie politique de lutte contre le racisme et les discriminations multiples, puisque ça relève évidemment de l'intersectionnalité des discriminations en vertu de la charte, des motifs de la charte, il faudrait s'interroger: Comment on peut mesurer l'effectivité réelle des droits, donc de l'égalité et donc de la lutte, de l'anti-discrimination, finalement? C'est la même chose.

Parce que, comme la charte a institué la Commission des droits, quel rôle majeur la commission pourrait jouer davantage en termes de formation des milieux, en termes de demande de bilan de responsabilité sociale, par exemple, plus élargie? Déjà, dans les programmes, dans la loi sur les programmes d'accès à l'égalité, en tout cas dans la loi sur l'équité en emploi, que je connais peut-être quand même un peu plus, il y a déjà des objectifs qualitatifs mais qu'on mesure très peu. Et Lucie Lamarche a écrit là-dessus, d'ailleurs un document à la Commission du droit du Canada, sur la non-prise en compte des conflits à l'intérieur des entreprises liés aux origines ethniques. Donc, si on ne mesure pas, si on n'essaie pas d'avoir un portrait de la gestion des conflits, de la bonne entente dans les entreprises, on ne sait pas s'ils atteignent les objectifs. Donc, dans la loi sur l'équité, les objectifs qualitatifs et non pas juste des objectifs de représentation, de 25 %, des... etc.

Donc, les objectifs qualitatifs sont extrêmement importants, et des chercheurs comme Lucie Lamarche le disent, d'autres chercheurs aussi, qui connaissent très, très bien ces différents dispositifs législatifs là. Donc, je pense qu'on est rendus là, finalement. C'est-à-dire qu'on n'est plus juste rendus à savoir combien de personnes noires arrivent ou combien de promotions noires il y a eu cette année dans telle entreprise, on est rendus plus loin. On est rendus à essayer de voir comment, au plan qualitatif, qu'est-ce qui se passe dans les organisations.

Donc, la charte pourrait peut-être jouer un rôle de bilan aussi là-dessus, de portrait, enfin de bilan de responsabilité sociale des entreprises et des organisations.

Une voix: Merci.

Mme Potvin (Maryse): ...en tout cas c'est un des moyens que, moi, je favoriserais mais avec beaucoup plus d'argent pour la Commission des droits.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Potvin. Je comprends que le député de Saint-Hyacinthe a également une question à poser. Il vous reste trois minutes. M. le député de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous.

M. Dion: Merci, M. le Président. Merci, madame, d'être venue nous rencontrer et de nous apporter le fruit de votre réflexion et de vos recherches, qui sont très appréciées.

Évidemment, il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit. J'ai retenu deux choses en particulier qui me paraissent sympathiques, mais une en particulier sur laquelle je voudrais poser une question. J'ai retenu l'importance du bilan avant de décider du pas suivant qu'on fera afin d'assurer une véritable démarche et non pas seulement ne pas tourner en rond, autour d'un problème. Et, l'autre aspect, vous avez beaucoup parlé de l'approche transversale au début et la lutte aux discriminations, remettant en cause l'angle de la consultation. Alors, évidemment, du point de vue intellectuel, c'est très satisfaisant de parler dans ce sens-là et c'est positif aussi, mais je ne suis pas convaincu encore que c'est plus efficace ou plus efficient dans la pratique. Pourquoi? Parce que je me dis: Les discriminations sont nombreuses, c'est sûr, il faut s'attaquer à toutes les discriminations. Mais il y en a peut-être où c'est plus facile de s'attaquer à certaines qu'à d'autres soit parce qu'il y a certaines discriminations qu'on prend mal ou qui nous dérangent plus, donc on va mettre moins d'importance là-dessus.

Je me demande s'il n'y a pas un intérêt d'avoir nommé le racisme et de dire: Là, on va s'attaquer à cet aspect de la discrimination, puis après on s'attaquera à une autre. Est-ce que vous ne pensez pas qu'à court et à long terme ça peut être plus efficient?

Mme Potvin (Maryse): Mais il y a une affaire qui est sûre...

Le Président (M. Mercier): En deux minutes, Mme Potvin.

Mme Potvin (Maryse): ... ? oui ? la racisation, c'est la naturalisation de l'autre qui fait qu'on le différencie et qu'on l'infériorise, O.K.? D'abord, les définitions là-dedans, elles ne fittent pas, à mon avis. Au plan théorique, il y a des gros problèmes théoriques, là, au plan des définitions elles-mêmes. Il n'y a même pas, par exemple, la définition de la Cour suprême de la discrimination systémique, mais en tout cas. Mais ça, c'est un point de vue conceptuel, là. Ça peut se corriger facilement. Mais, en termes de racisme, de naturalisation de l'autre donc qu'on fixe à travers un état de nature finalement, si on s'en tient uniquement à ça et à toutes ces manifestations qui sont le préjugé, qui sont la violence, qui sont la discrimination directe, indirecte, systémique et les inégalités qui se mesurent par la suite, donc, pour moi, on...

La racisation, bon, si on occulte les autochtones, par exemple, de ça, ça ne fitte pas. Bon. Donc, il y a plein d'aspects comme ça. Si on s'en tient uniquement... C'est parce que c'est ça, tu sais.

Comme disait madame, si on oublie le fait qu'être Noir, femme, handicapé, c'est de l'intersectionnalité de motifs, là, tu sais, à un moment donné, ça, donc est-ce que... Juste du racisme. Même les cours maintenant essaient d'interpréter les chartes en termes d'intersectionnalité des motifs.

n(12 h 30)n

Le Président (M. Mercier): En conclusion, Mme Potvin, 30 secondes. Très rapidement.

Mme Potvin (Maryse): Oui. Donc, pour moi ça pose un problème. Je ne veux pas délégitimer totalement la politique parce que je pense que c'est un effort fondamental. Je suis très contente qu'on soit rendu là, parce que ça fait au moins 10 ans ou même 15 ans que ce ministère-là essaie de travailler là-dessus, j'en suis parfaitement consciente, mais, sauf qu'en même temps je trouve qu'il y aurait des grandes, grandes corrections à faire au document, des éléments, des pistes, des choses qui devraient être nettement développés enfin ou inclus ou des clientèles, entre guillemets ? je n'aime pas le terme ? mais des groupes qui devraient être inclus, etc. Je sais, je n'ai plus de temps...

Le Président (M. Mercier): Effectivement, Mme Potvin, compte tenu de l'heure.

Mme Potvin (Maryse): À moins qu'on aille... ensemble, après, mais bon.

Le Président (M. Mercier): Évidemment, c'est gré aux membres de la commission de le faire avec vous. Je tiens à vous remercier évidemment de votre présence.

Et, compte tenu de l'heure, je dois suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures, où nous entendrons la Ligue des droits et libertés. Et je tiens également à souligner aux membres qu'ils peuvent laisser leurs effets personnels ici, sans aucun problème. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux.

Donc, nous allons accueillir comme premier groupe, cet après-midi, la Ligue des droits et libertés. Donc, j'invite Mme Nancy Gagnon à bien vouloir s'installer devant nous. Je vais vous laisser quelques instants pour vous installer et, pendant que vous vous installez, je vais en profiter pour rappeler les règles de la commission parlementaire. Vous aurez un temps maximal de 20 minutes ? je dis bien temps maximal de 20 minutes ? pour présenter votre mémoire. Vous allez voir, dans les dernières minutes, si jamais vous atteignez le 20 minutes, vous allez voir le président gesticuler pour arriver à la conclusion. Et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, la parole est à vous immédiatement.

Ligue des droits et libertés

Mme Gagnon (Nancy): Est-ce que vous m'entendez bien?

Le Président (M. Brodeur): Très bien.

Mme Gagnon (Nancy): D'habitude, j'ai une voix qui porte. Donc, bonjour, je suis Nancy Gagnon. Je suis la coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés, section Québec. Vous avec probablement un papier devant vous qui l'indique, de toute façon. Pour faire une histoire courte, la Ligue des droits et libertés est un organisme sans but lucratif qui agit dans la région de Québec depuis 1994 et qui est au Québec depuis 1963. À l'origine, on défend les droits et libertés inscrits dans la charte, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. La discrimination raciale et tout ce qui a trait au racisme, à l'intégration des immigrants n'étaient pas un sujet qu'on abordait au tout début. C'est apparu il y a quelques années.

Oui, il y a l'article 10, l'article 3 de la charte québécoise qui ont fait en sorte que ça tombait dans notre mission, mais c'est aussi à la suite de tournées dans les écoles secondaires, entre autres, où on s'est rendu compte qu'il y a des professeurs, des intervenants, des étudiants qui rencontraient nos formateurs et qui... des difficultés avec l'intégration des immigrants, avec l'immigration, avec les groupes de minorités culturelles, ethniques appartenant à une différence ? pas Canadien français depuis 400 ans, là, tout dépendant de la terminologie que vous voulez prendre ? et avec notre système de référence téléphonique où de plus en plus de gens nous posaient des questions sur ce qu'était la discrimination, la liberté de conscience, de religion ou des jeunes ou des adultes nous rapportaient quelques incidents soit avec des écoles, des employeurs, des policiers. C'est là que la ligue s'est mise à s'intéresser à la discrimination raciale. C'est pour ça qu'on est ici, aujourd'hui.

Suite au mémoire, vous avez vu la liste de recommandations. Elle est quand même longue. Il y a des recommandations plus précises qui seraient peut-être à pousser, des problématiques à pousser. La première, on mise sur l'éducation et la sensibilisation, qui est sans doute le meilleur moteur pour faire une diminution de la discrimination, du racisme ou de la xénophobie. Il faut éduquer les différents acteurs de la société en créant un mouvement d'ensemble, en créant un mouvement qui fait que tous se sentent concernés. Dans le mémoire, on a donné l'exemple des campagnes publicitaires du gouvernement du Québec, qui ont été faites il y a deux ou trois ans, concernant les adolescents et leurs parents, Discuter entre vous, c'est important, qui ont eu un impact réel. Ce type de campagne publicitaire pourrait être repris avec l'immigration ou du moins avec les problématiques de diversité culturelle en apportant les apports positifs de la diversité mais aussi en apprenant un petit peu aux gens comment côtoyer la diversité culturelle parce que c'est l'un des problèmes majeurs de la diversité: on ne sait pas comment agir et interagir avec les personnes issues de l'immigration dû à des problèmes de langage non verbal, dû à des cultures qui sont différentes. Donc, une campagne publicitaire à long terme, pas seulement de quelques mois, avec des projets, appuyée par des projets provenant soit du milieu communautaire ou même gouvernementaux qui sont faits en concertation sur des moyens et longs termes plutôt que des projets qui sont présentement faits de façon ponctuelle; faire ressortir la Semaine d'actions contre le racisme, la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, qui, malheureusement, sont très peu connues au Québec et que ça dure toute l'année, qu'on mette une emphase spéciale sur ces deux semaines-là pour faciliter cette politique, parce que la politique, elle est bien, elle est bien faite, on voit beaucoup de déclarations de principe qui en émanent. Cependant, une politique reste une politique. Ça reste une déclaration si elle n'est pas appliquée, s'il n'y a pas de mesure pour l'appliquer et de mesures aussi pour l'évaluer. C'est un des grands problèmes.

Plusieurs villes se sont dotées de politiques contre le racisme. Par exemple, je prends la ville de Sherbrooke qui s'est dotée d'une politique. Malheureusement, aucun moyen d'application, ce qui fait qu'elle est là, la politique, sur une tablette. Elle est très jolie dans le hall d'entrée de la ville, mais dans le concret il n'y a rien qui se passe de très précis pour améliorer les choses. C'est donc important qu'elle soit appliquée, cette politique, et ça va demander des ressources, des ressources humaines, des ressources financières, naturellement.

Présentement, il y a du financement par le MICC, entre autres, pour la lutte à la discrimination, la lutte au racisme, mais plusieurs personnes se partagent la part du gâteau. Les organismes se retrouvent, entre autres, en compétition entre eux pour obtenir un petit peu de financement soit pour leur mission soit pour des projets bien précis. On parle de projets de conférence, de tournées, d'ateliers, de publicités, mais ça reste des projets qui sont ponctuels parce que ça prend quatre à cinq mois avant d'avoir une réponse. On fait le projet puis on en a pour trois mois à faire des rapports par la suite avec des impondérables du type: On a demandé 15 000 $, mais on vous en donne 5 000 $ parce que le budget ne permet pas plus, parce que la portée nous dit que c'est ça qu'il faut faire. Et, dans l'évaluation, non seulement c'est long ? ça fait que peut-être une augmentation bon du personnel ou de la vitesse, une augmentation des ressources qui seraient disponibles pour les campagnes de sensibilisation, qui réduiraient le temps... mais aussi dans l'évaluation des demandes.

Souvent, on va évaluer selon la portée quantitative. Donc, si on rejoint 400 personnes, on a des chances. Si on en rejoint 4 000, on a encore des meilleures chances d'obtenir du financement, quand même bien ce seraient des interventions de cinq minutes qui auront un impact très, très relatif, voire pas du tout d'impact.

n(14 h 10)n

On évalue mal souvent les impacts qualitatifs de chaque projet. Il est parfois préférable de ne rejoindre que 30 personnes pendant une journée entière qui, eux, vont devenir des agents multiplicateurs dans leur milieu et qui vont revenir chercher des informations. Donc, c'est ces impacts souvent qu'on oublie d'évaluer dans les différents programmes de soutien. Donc, une portée qui est qualitative plus que quantitative, une portée à long terme, plus rapide, plus de financement.

Il y a des projets avec des acteurs précis. Oui, une campagne publicitaire qui s'adresse à toute la population, une grande campagne telle que celle du Québec qui va toucher par la télévision, la radio, des panneaux, mais les acteurs doivent être concernés dans chacun de leurs milieux pour des problématiques qui les touchent dans leurs milieux. On sait présentement, par exemple, la diversité culturelle en classe. De plus en plus, les jeunes ? vous pourrez parler à des professeurs de l'école Vanier, Roc-Amadour, Samuel-De Champlain ou Joseph-François-Perrault ici, à côté ? ils ont des classes de plus en plus diversifiées. Parfois, il peut y avoir 14 à 18 groupes ethniques représentés dans l'école. Ils ne savent absolument pas comment agir avec eux. Ils ne savent pas si c'est vrai que, le vendredi, il y a une prière chez les musulmans. Ils ne savent pas comment agir avec les parents qui se présentent durant leurs réunions de parents; les relations familiales, comment ça peut jouer sur l'école; comment le ramadan peut jouer sur la performance en classe; comment agir avec leurs jeunes dans un conflit raciste, un conflit qui éclate dans la cour d'école, qui éclate dans la classe. Ils n'ont aucune formation, ils se retrouvent dépourvus. Ils agissent comme ils peuvent, en ayant intégré certaines idées préconçues, certains préjugés, parfois. Alors, ils sont obligés d'aller chercher des ressources à l'extérieur, mais des ressources qui sont peu disponibles parce qu'eux-mêmes n'ont pas de moyen financier pour libérer des gens, n'ont pas le temps ou les moyens de former des formateurs, des formations pour aller les rencontrer.

Donc, il y a les professeurs. Il y a la santé et services sociaux, les travailleurs sociaux qui se rendent à domicile, qui travaillent pour la DPJ, par exemple. On peut avoir des exemples très concrets qui sont arrivés. Je vous en donne un. Une jeune musulmane qui arrive enceinte, le dit à une copine québécoise qui dit: Ah, mais, mon Dieu, ton père va te tuer, comme on le dit au Québec, hein, papa ne sera pas content, qui rapporte ça à la travailleuse sociale de l'école. Et la DPJ débarque à la maison: Son père va la tuer, il est musulman. Peut-être qu'on aurait pu réduire cette tension-là bien avant que ça arrive, là. On n'avait pas besoin nécessairement d'envoyer la DPJ dans ce cas-là. Papa n'était pas content effectivement, mais il n'a pas tué sa fille.

Alors, ils sont souvent mal informés, ils ne savent pas comment agir, et le phénomène de la diversité culturelle autre qu'européenne ou occidentale est quand même relativement nouveau à Québec, et elle est venue en grandes vagues, au cours des dernières années ? rwandaises, bosniaques. Présentement, on en a beaucoup de la Colombie, de l'Amérique du Sud et on a eu de la misère à absorber ces vagues-là, à se dire: O.K., comment on distingue le vrai du faux sur une culture? Comment on distingue la personne, l'individu de son groupe culturel?

Il y a bien sûr l'employeur, qui se retrouve complètement dépourvu en entrevue, devant quelqu'un qui ne prend pas le même code non verbal que lui, qui ne le regarde pas dans les yeux parce que pour lui ce n'est pas poli, qui ne lui serre pas la main de la même façon, qui ne comprend pas nécessairement aussi bien les questions, dont les diplômes ne sont pas reconnus ? ni l'expérience ? à l'extérieur. Bien qu'un soudeur doive être à peu près le même soudeur au Chili, il semblerait que non. Présentement, au Québec, notre soudure est faite de façon différente, ce qui fait qu'on ne reconnaît ni l'expérience ni les diplômes, qui est un problème.

Pour les employeurs il y a aussi comment intégrer ces personnes à un groupe de travail, à l'intérieur d'une équipe de travail. Ça cause beaucoup de questionnement, et, comme des employeurs nous ont répondu, ils ont d'autres chats à fouetter. Alors, ils ne veulent pas se casser le coco. Ils ont besoin de formation, de sensibilisation, mais ils ont besoin de ressources qu'ils sont capables de leur donner, ce qu'ils n'ont pas présentement.

Il y a bien sûr tout le domaine de la justice. On parle principalement des policiers et des policières mais aussi de l'administration de la justice au niveau des juges et des avocats. Je donne un exemple. Il y a cinq ans, une juge, à Montréal, a condamné trois jeunes Haïtiens pour un viol collectif à trois mois d'emprisonnement, répondant: Le viol, c'est dans la culture des Haïtiens, je ne peux pas leur donner une grande peine. La communauté haïtienne s'est soulevée, ça a très mal été. La juge n'était juste pas au courant. Elle croyait peut-être sincèrement, peut-être avec beaucoup de préjugés, parce qu'elle n'était pas informée, qu'effectivement le viol pouvait être dans la culture noire en général et particulièrement dans celle haïtienne. Elle a donné une peine ridicule. C'est allé en appel. Là, ça s'est réglé, mais quand même elle ne savait pas.

Les policiers, policières. C'est facile, quand tout le monde se ressemble, de détecter des comportements qui sont suspects, hein, qui ne concordent pas, hein? On peut détecter le petit jeune qui marche trop vite à côté du dépanneur qui vient de se faire voler. Qu'est-ce qu'on fait avec des gens qui ne partagent pas notre langage, qui ne partagent pas notre langage non verbal, qui n'agissent pas de la même façon, devant l'autorité? Souvent, on va suspecter des gens qui ne devraient pas l'être tout simplement parce que leur réaction est différente d'un Québécois typique, d'un Québécois né ici. Ils ont besoin de formation là aussi. On peut s'entendre aussi que le profilage racial existe. Vous pouvez, par exemple, parler à certains hauts gradés des polices; Kingston, en Ontario, ça a été déclaré: Oui, ça existe, c'est une façon de profiler... sur des comportements. Là aussi, il faut faire la distinction entre ce qui est du profilage racial, qui peut être négatif, mais aussi la job des policiers. Ils ont emploi, les policiers, et c'est de faire la sécurité, alors ils ont de la difficulté à trancher. On a eu d'ailleurs des cas en déontologie policière, pas plus tard qu'en février, où du profilage racial a été détecté et condamné.

Donc, ces quatre groupes-là en particulier ont besoin d'une formation. Pour les immigrants aussi. On débarque ici, parfois en connaissant un petit peu la société pour l'avoir visitée mais jamais pour y avoir vécu. Parfois, on arrive de camp de réfugiés complètement déboussolé, sans rien dans les poches. On ne connaît pas la société dans laquelle on est. Le MICC nous place souvent avec des organismes en intégration: Un appartement, un téléphone, personne à qui téléphoner, et maintenant, dans six mois, tu auras ta francisation, débrouillez-vous d'ici ce temps-là. Alors, le temps de francisation peut être très long. Il est pourtant essentiel non seulement pour connaître la culture dans laquelle ils vivent, mais pour pouvoir y vivre, ne serait-ce que trouver l'épicerie au coin de la rue, pouvoir se trouver un emploi aussi, pouvoir se faire un cercle social.

Le cercle social ? 80 % des emplois ne sont pas affichés; le cercle social ? sert aussi à se trouver un emploi, à améliorer ses conditions économiques, à sortir d'un cycle de pauvreté, un cycle de pauvreté qui amène un cycle de criminalité aussi. Si on veut aider les immigrants, il leur faut aussi une connaissance de leurs droits. Malheureusement, ils ne les connaissent pas, particulièrement chez les femmes immigrantes, qui connaissent très peu la loi de la famille, qui se retrouvent complètement désoeuvrées quand on leur dit: Écoute, si tu demandes le divorce parce que ton conjoint te maltraite, tu vas perdre tes enfants. C'est sûr, c'est le conjoint, parce que c'est tout ce qu'elles ont entendu. Elles n'ont eu aucune formation, aucune information sur leurs droits. On traite aussi ensemble.

Très souvent, le mari va faire une demande d'immigration et il va parrainer sa conjointe et ses enfants. On ne distingue pas, elle est donc dépendante, pendant les trois premières années, de son mari, puisqu'il est parrain. Dans les situations plus graves de femmes qui ont des difficultés à la maison, elles se retrouvent non seulement dépendantes, mais dans un cycle de violence dont elles ne peuvent pas se sortir. La... de l'immigration demande qu'ils demeurent sous le même toit. Elle ne peut même pas aller dans une maison de femmes battues. Il faut apporter une attention particulière aux femmes immigrantes dans ce cas-là, offrir de la documentation en plusieurs langues.

Une voix: ...

Mme Gagnon (Nancy): Maintenant, c'est peut-être passé à deux ans. Oui. Je pense qu'il y a eu des changements.

Connaître leurs recours. Il existe la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse. Les immigrants ne les connaissent pas. Très peu. C'est long. C'est un recours qui est long, malheureusement, pour l'efficacité. Alors, si on peut remettre des sous, remettre des moyens, des ressources dans cette commission-là, qu'elle se fasse mieux connaître mais surtout qu'elle soit plus efficace au niveau de l'immigration.

Finalement, mieux définir l'accommodement raisonnable, qui est peu et mal connu particulièrement par les employeurs. Il fait peur, ce concept d'accommodement raisonnable. Il n'est présentement encadré que par la jurisprudence qui le forme. Il a pourtant des côtés très positifs. Et on parle ici d'un accommodement, alors ça ne doit pas arrêter. Les employeurs craignent souvent, en l'appliquant, d'arrêter leur société, la façon de fonctionner. On parle ici d'un accommodement. Ils le connaissent peu et mal. Il n'y a que des projets isolés, par exemple, en Estrie, avec les chambres de commerce. Il y aurait un grand besoin que l'accommodement raisonnable soit mieux connu de la part des employeurs et mieux encadré, ce qui fait qu'on n'aurait pas des petits cas par cas qui sont résolus comme ça va, comme ça peut aller. Et ça pourrait causer quand même quelques erreurs à ce niveau-là, si c'est mal encadré, et créer de la jurisprudence qui pourrait être à long terme néfaste et qui ferait une tour de Babel autour des droits des immigrants, à ce moment-là. Alors, il faut faire attention quand on parle d'accommodement raisonnable et l'encadrer.

n(14 h 20)n

Je vais conclure ici pour le deux minutes qu'il me reste. Donc, pour une application de cette politique contre la discrimination et le racisme, ça va demander effectivement plus de ressources, une meilleure concertation de tous les acteurs gouvernementaux, civils, politiques mais surtout communautaires, qui ont une expertise sur le terrain, une expertise qui a été prise directement avec les personnes concernées. Et, pour cette application-là, présentement elle va être évaluée par vous qui êtes des parlementaires. Ça prendrait, par exemple, des gens qui sont de la société civile, qui sont des organismes et pas seulement un organisme qui va représenter tout le monde communautaire, mais plusieurs organismes à la même table pour l'application et l'évaluation de l'application. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme Gagnon, d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour votre mémoire. Vous pouvez être assurée que vos recommandations vont être analysées avec le plus grand soin.

Évidemment, je crois que vous avez une expertise sur le terrain et par contre je vous dirais que, dans certains de vos propos que vous avez dits, je pense que c'est important peut-être de dire qu'au niveau de la reconnaissance des diplômes étrangers, au niveau de la reconnaissance des équivalences, il y a beaucoup de chemin qui a été fait au cours des dernières années. Je conviens qu'il y a des gens qui peuvent être exclus de la société, mais par contre il y a eu énormément de chemin, ne serait-ce que les ententes qu'on a faites avec les ordres professionnels dernièrement, et je me dois de vous dire que présentement il y a 14 ententes en négociation avec d'autres ordres professionnels pour pouvoir inclure et reconnaître les compétences des gens qui auront été formés à l'étranger. Parce que c'est une donnée qui est très méconnue.

Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, l'an passé, a reconnu des équivalences de diplômes, plus de 12 000 équivalences de diplômes, donc. Et, s'il est vrai que par le passé il y avait beaucoup plus de barrières, aujourd'hui il y en a moins. Je ne dis pas que le monde est parfait, loin de là. Je pense qu'on a encore du travail à faire. On sait qu'on doit aussi aller travailler avec les corps de métiers. Parce qu'effectivement il est vrai que bon la soudure, à la base, ça se ressemble, ça, c'est la même chose. Une soudure, c'est une soudure, sauf qu'il y a probablement aussi des différences au niveau des pays. Là, il faut aller faire le travail avec les corps de métiers, qu'on fait avec les ordres professionnels, mais tout ça pour dire que finalement, bien, il y a de l'espoir quelque part, en bout de ligne, parce que les choses changent.

J'aimerais vous entendre dans vos recommandations, parce que vous en faites plusieurs. Vous avez parlé, à la recommandation n° 20: «Élaborer un guide en plusieurs langues, comprenant des articles de droit utiles et vulgarisés [et] une liste des ressources et des recours disponibles.» J'imagine que vous devez savoir que maintenant nous produisons un guide, qui s'appelle Apprendre le Québec, qui est un nouvel outil mis à la disposition des nouveaux arrivants dans leur pays d'origine. Évidemment, on parle des valeurs québécoises. On dit, à l'intérieur de ce guide-là, aussi qu'ici, au Québec, une femme est égale à un homme, qu'il y a une charte des droits et libertés. Donc, il y a quand même de l'information qui est disponible. On remet de la documentation lorsque les gens assistent aux séances d'information. On a des organismes communautaires qui sont sur le terrain aussi, qui font partie du programme d'accompagnement des nouveaux arrivants. Donc, ils vont aider nos nouveaux arrivants à s'établir et à bien sûr de ne pas sauter d'étape, entre guillemets.

Donc, est-ce que vous pensez que ce guide-là peut répondre en partie? Et par la suite qu'est-ce qui manque?

Mme Gagnon (Nancy): Le guide, il répond en partie. Il est distribué à partir des maisons du Québec principalement ou des ambassades lorsqu'on passe.

Mme Thériault: Non. Les gens le reçoivent lorsqu'ils reçoivent leur certificat de sélection. En même temps, ils reçoivent le guide, et le guide est également accessible, sur Internet, en français, en anglais et en espagnol.

Mme Gagnon (Nancy): ...je l'ai visité il y a quand même quelques mois, ce petit guide là.

Le guide fait un bon survol de la plupart des droits, oui, où on applique bon qu'il y a une charte avec certains articles qu'on fait ressortir, que les femmes sont égales aux hommes en droit et, le plus possible, de fait. On vient de régler certains dossiers là-dessus, d'ailleurs. Cependant, il y a des articles plus précis. Je parlais de la loi de la famille tout à l'heure. Souvent, oui, on a le droit au divorce. On fait une introduction assez brève. Mais, quand on se retrouve dans une situation où la femme veut divorcer et qu'elle parle plus ou moins bien français, il existe des petits guides. Le ministère de la Justice en fournit, là: le patrimoine familial, droit familial, union de fait. Ils ne savent pas où aller les chercher. Ils ne savent pas comment faire. Ils ne les comprennent pas toujours très bien, ces petits guides là.

Alors, le problème n'est pas tant dans les ressources qui existent. Il faut créer un guide, effectivement. Et là où est-ce qu'on met les recours et les ressources qui existent, c'est où aller chercher des informations supplémentaires dans leur langue, si c'est possible, parce qu'ils les connaissent peu ou très mal. Ils se mettent à virer et, je dirais, en Québécois, à virailler au travers des différents organismes qui existent, qui, un, fait de l'accueil en francisation, l'autre fait de l'accueil qui aide au logement, l'autre qui fait de l'accueil qui aide au budget, qui nous les renvoie, nous, à la ligue, pour ce qui est de droit, qui, nous, on les renvoie au BAIL pour ce qui est du logement.

Alors, il y avait la maison de la culture de la ville de Québec, qui semblait être une bonne idée, qui a été abandonnée... la maison de l'immigration.

Il y a des portails qui manquent avec un petit guide, avec des articles plus précis sur le droit de la famille, entre autres, la loi de la famille... pourrait s'avérer une bonne idée. Mais c'est surtout de faire connaître. Par exemple, pour les avancements dans les reconnaissances de diplômes, oui, il y a eu des avancements, ils sont très méconnus. Faire avancer la connaissance de ces ressources-là sur les diplômes, sur le corps de métier, c'est souvent dans le manque d'éducation que provient le problème, c'est la connaissance qu'on n'a pas.

Mme Thériault: Ce que je vais vous suggérer, de manière tout à fait pratico-pratique, évidemment le guide Apprendre le Québec est un guide qui est appelé à être renouvelé constamment. Du moment qu'il y a une édition qui est épuisée, nous allons réimprimer d'autres copies. Il y a une version électronique qui est disponible. Il y a une section sur la famille. Moi, je vous inviterais peut-être à reprendre connaissance du guide. Et, lorsque vous voyez qu'il y a des informations qu'on pourrait mettre à l'intérieur de la nouvelle version et encore une fois sur le site Internet, la version électronique, je pense qu'on gagnerait à donner plus d'informations, si vous voulez, pour nos citoyens, que ce soit dans la section de la famille.

Bon. Je sais que, les fiches des ordres professionnels, sur le site Internet du ministère, il y a des mises à jour aussi qui sont faites constamment, tout dépendant de l'avancement des travaux. Donc, moi, je vais vous inviter à nous faire parvenir peut-être des liens Internet aussi qu'on pourrait mettre. Je pense que tout le monde y gagnerait, et ça nous permettrait de ne pas nécessairement attendre la politique et le plan d'action. Je pense que, quand il y a des moyens concrets qu'on peut mettre de l'avant, bien, si on est capable de le faire, pourquoi pas. Donc, je vous invite à nous faire parvenir ça.

Mme Gagnon (Nancy): ...commentaire sur le guide Connaître le Québec.

Une voix: Oui, allez-y.

Mme Gagnon (Nancy): Je vais fournir le lien. Non seulement on va le visiter, on va le fournir à des groupes immigrants aussi.

Souvent, c'est d'eux que proviennent les meilleures questions du type: Est-ce que c'est vrai que mon propriétaire peut prendre mon courrier dans ma boîte aux malles? Est-ce que c'est vrai que mon mari peut changer mon chèque de paie? Ça, ça n'existe dans aucun guide. Souvent, c'est de rester à l'écoute des personnes immigrantes qui ont vécu ces problèmes-là et qui ont des questions très pratico-pratiques auxquelles on ne pense pas parce que, nous, c'est totalement évident que ça ne se fait pas, voler du courrier ou faire changer son chèque par quelqu'un d'autre. C'est souvent d'aller intégrer ces personnes-là dans les guides. C'était plus, là, le propos.

Mme Thériault: Mais je pense que c'est pertinent aussi. Vous savez, le guide, nous, on l'a testé, pendant presque un an et demi, avec justement des nouveaux arrivants pour bien s'assurer que ça réponde aux besoins. Je pense qu'on doit mettre à jour continuellement les outils. Donc, évidemment, tout ce qui vous semblera à propos de nous faire parvenir pour qu'on puisse en tenir compte dans nos prochaines versions, gênez-vous pas. Je pense que c'est important de faire preuve de beaucoup d'ouverture. On n'aura jamais assez d'informations.

Puis je suis d'accord avec vous qu'effectivement peut-être que, lorsque les gens arrivent ici, même si on leur dit avant... Parce que la complexité, je dirais, des groupes ou de l'immigration fait en sorte qu'on va avoir les gens qui ont été sélectionnés par le Québec ? près de 60 % ? eux sont beaucoup mieux préparés, savent exactement où est-ce qu'ils s'en vont. Ils ont fait le choix de mener une nouvelle vie ici, de tout vendre dans leur pays, ce qu'on appelle notre immigration économique, entre parenthèses. Donc ça, ce sont des gens qui savent exactement où est-ce qu'ils s'en vont. Ils peuvent avoir besoin de support quand même. La plupart du temps, ils ont appris le français aussi, donc il y a beaucoup moins de barrières que pour d'autres catégories. Il y a la catégorie des réfugiés, où le Québec va sélectionner 1 800 personnes par année, il est vrai. Et là il y a toute la catégorie de gens qui vont réclamer un statut de réfugié, qui, puisque ce ne sont pas des immigrants reçus aux termes de la loi, reconnus par le gouvernement du Canada, il est évident que bon on tombe dans une autre catégorie, complètement. Et il y a le regroupement familial et le parrainage.

Donc, évidemment, on peut trouver, dans certaines grandes familles, si vous voulez, des différentes problématiques qu'on ne retrouvera pas dans d'autres familles ou de beaucoup moindre mesure. Quand je dis «grande famille», c'est la grande famille d'immigration. Donc, il est évident qu'il peut y avoir certaines lacunes.

Si on prend un exemple, les réfugiés, O.K., qui souvent, oui, c'est vrai, c'est des personnes qui sont démunies. Plusieurs ont passé par des camps de concentration où ils étaient à l'extérieur de... des camps de réfugiés, excusez-moi.

n(14 h 30)n

Mme Gagnon (Nancy): ...se ressemble, je pense.

Mme Thériault: Ce n'était pas l'objet de ma pensée, je voulais réellement dire des camps de réfugiés.

Donc, il est évident que ces gens-là peuvent arriver ici, être beaucoup plus démunis. Et il est vrai que, d'une année à l'autre, ça peut être très différent. On peut connaître des vagues qui vont provenir de différents pays, d'autres pays. Je pense qu'il faut rester à l'écoute, et il faut s'assurer que ces gens-là, qui ont déjà été oppressés et opprimés dans leur pays, qui ne rêvent que d'avoir un endroit pour pouvoir bien vivre en toute liberté, soient aussi conscients de notre réalité ici et des droits que notre société s'est dotés, je dirais.

Donc, oui, effectivement c'est évident qu'il y a des organismes qui vont pouvoir travailler auprès d'eux. Bon. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'il y en a qui font du logement, d'autres qui font de la francisation, d'autres qui font d'autre chose. Généralement, la majeure partie des groupes communautaires vont tous offrir plus qu'un service, et souvent c'est comme du clés-en-main. Pas nécessairement du clés-en-main, là, mais où on va dire: Bon, oui, parfait, il y a ça, on peut t'aider là-dedans, on va t'accompagner. Souvent, les groupes communautaires vont être capables de donner plus d'informations.

Est-ce qu'on aurait besoin ? et là ma question; est-ce qu'on aurait besoin ? d'autres types de groupes communautaires à votre avis pour pouvoir donner plus d'informations, de manière pointue, sur les droits des personnes ou si on ne devrait pas travailler avec des groupes que nous avons déjà et en leur disant: «Bien, voici, si on vous demande de faire ça»? Et évidemment on va leur donner les moyens financiers pour pouvoir le faire. On ne peut pas demander à quelqu'un de faire quelque chose si on ne lui donne pas l'argent pour aller avec, c'est clair. Mais est-ce que vous privilégiez plus qu'on se serve des droits ou des groupes communautaires qui existent déjà, qui travaillent au niveau des communautés culturelles?

Mme Gagnon (Nancy): Il existe déjà une panoplie de groupes de toutes sortes. Par exemple, la ligue est considérée comme un organisme qui s'occupe de communautés culturelles, alors que ce n'est pas notre mission première, on s'entend, mais sur laquelle on peut donner un coup de main. C'est souvent le manque de concertation... C'est favoriser la concertation et effectivement les ressources qui vont avec pour ne pas que ça devienne... Présentement, il y a des groupes dont l'immigration est une chasse gardée et qui n'osent pas aller chercher des ressources chez d'autres organismes communautaires, de peur que leur budget soit coupé, de peur qu'on leur réclame des sous parce que l'autre organisme n'en a pas. Alors, c'est souvent de favoriser une meilleure circulation. Ce serait votre option deux dans ce cas-là. C'est de faire des mixtes.

Je vous donne un exemple. Le Centre multiethnique de Québec fait à peu près de tout, là. Ils s'occupent un petit peu de francisation. Ils vont aider pour le logement. Ils vont aider pour l'habillement, souvent aider à remplir des formulaires pour la rentrée scolaire. Mais, quand les gens se retrouvent avec un problème dans leur logement, se retrouvent avec un problème à l'école, ils nous appellent en disant: Là, nous, on ne sait pas comment réagir, ça commence à être en dehors de notre champ, là. Nous, on peut aller sur le terrain pour trouver un appartement. Si un conflit éclate avec les voisins, on ne le sait pas. Alors, c'est souvent parce que les organismes se connaissent mal. Et on se les renvoie. Moi, ils me les renvoient. La personne m'appelle: Moi, je ne suis pas trop sûre, je le renvoie au BAIL.

Si on était tous déjà sur la même table, probablement qu'on se parlerait plus et que ça aiderait ou qu'on aurait déjà des ressources. Moi, leur faire un petit guide déjà pour leur logement, si on me donne les ressources, je peux le faire, le guide ? ce n'est pas un problème ? avec le BAIL. Puis on le fait tous ensemble. Ça permet des meilleures concertations, puis on répond mieux aux besoins dans ces moments-là.

Mme Thériault: Merci. On reviendra.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Gagnon, bonjour. Vous avez fait une présentation très claire et pertinente qui est basée sur l'expérience que vous vivez, puis c'est très intéressant. Puis c'est intéressant également que vous ayez eu la franchise de mentionner que cette dynamique-là, qui est celle des droits des immigrants, est plus récente, parce que la charte a été signée il y a déjà plusieurs décennies.

J'aimerais vous entendre. Vous avez glissé mot de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Vous mentionnez de plus que des ressources suffisantes devraient être accordées à la commission pour effectuer son plein mandat, puis, suite au dépôt de la politique, on pense que peut-être des mandats supplémentaires seront octroyés à la commission. Donc, ce serait peut-être une raison de plus d'accroître le financement. Plusieurs groupes sont venus nous parler du travail de la commission. Moi, ce que j'en retire, c'est que les gens sont assez satisfaits de la qualité du travail qui est effectué par la commission, mais c'est plus en termes d'efficience, donc le traitement, la rapidité puis le manque de moyens, de ressources financières, humaines qui sont donnés à la commission qui ne permettent pas d'effectuer tout ce qu'elle pourrait faire.

Bref, puisque bon, dans le cas qui nous concerne aujourd'hui, les personnes immigrantes victimes de discrimination ou les minorités visibles mais, d'une façon plus large, puisque bon vous êtes la Ligue des droits et libertés, donc vous avez, j'imagine, beaucoup à travailler avec la commission. Votre évaluation à vous en termes d'efficience de la commission, je ne sais pas, tu sais, de 1 à 10?

Mme Gagnon (Nancy): On pourrait difficilement la mettre sur une échelle de 1 à 10. La ligue et la commission sont parfois amies, parfois opposées sur les façons de faire, mais c'est la commission qui a les pouvoirs d'enquête, qui a les pouvoirs aussi de sanction, qui est efficace dans une certaine mesure. Normalement, lorsqu'elle prend un dossier en main, décide qu'il est admissible, fait son enquête, elle a très souvent des réponses objectives à la requête. Cependant, ça peut prendre des mois juste avant de savoir si ces personnes sont admissibles et comment le déroulement se fait. Alors, je rejoindrais les autres groupes; elle est efficace, je dirais, elle a une efficience peut-être de six ou sept sur 10, mais elle a besoin de ressources pour enfin répondre plus vite à la demande et mieux être connue. Parce que, lorsqu'on prend des immigrants, par exemple, qui arrivent de camps de concentration ou de réfugiés, qui ont été victimes de l'État, aller se confier à un organisme parapublic qui découle de l'État, ça demande beaucoup. Il faut les courtiser un petit peu, il faut leur dire qu'elle est indépendante, qu'il n'y aura pas de représailles, et ça, c'est un côté pas très connu de la commission.

Des fois, ils savent qu'elle existe, mais ils ne sont pas trop sûrs des pouvoirs qu'elle a et comment ça va se passer. Donc, c'est cette information-là qui manque et aussi qu'elle soit beaucoup plus efficace, qu'en quelques semaines ou en quelques mois au plus on puisse régler un dossier. C'est allé parfois jusqu'à deux ans avant d'être capable de régler un dossier. La personne qui en a été victime a passé à autre chose depuis ce temps-là, là.

Mme Lefebvre: Sur la commission ma collègue de Terrebonne aurait une petite question pour vous.

Mme Caron: Oui... ils nous ont dit justement qu'ils travaillaient, depuis juillet, avec un projet pilote où ils faisaient une évaluation rapide des dossiers et ils utilisaient la médiation. Donc, est-ce que vous êtes au courant de ce projet pilote là? Et est-ce que ça vous a permis de voir qu'il y avait une rapidité? Alors, eux trouvaient qu'en peu de mois ils avaient eu des résultats extrêmement efficaces.

Mme Gagnon (Nancy): Bien, on le savait. J'ai su... que le projet pilote était parti, était en marche et qu'il semblait effectivement être plus rapide, plus efficace. La médiation aussi se retrouvait. Tout ce qui est justice alternative depuis quelques années se trouve avec des moyens efficaces dans des petits cas, là. On ne parle pas de crime majeur. Mais souvent, en discrimination, on peut utiliser la médiation. J'espère que le projet pilote va fonctionner, on le souhaite beaucoup, et qu'ils vont pouvoir le faire. Si ça augmente la rapidité et que le résultat à la fin est positif, tant mieux. Mais c'est un pilote, là. On est quand même juste à la fin septembre.

Si, dans un an, on nous annonce que c'est le moyen le plus efficace, j'espère que ça va être gardé puis qu'on va les encourager à continuer dans cette voie-là.

Mme Lefebvre: Un aspect qui est assez généralisé, là, chez la plupart des groupes, c'est la reddition de comptes, s'assurer que la politique ait du mordant et évidemment, pour avoir du mordant, des ressources. Mais vous avez une proposition, vous dites: Les citoyens, les groupes de citoyens doivent participer à l'élaboration, et à l'application, et à l'évaluation de la politique. C'est un aspect intéressant. Pourquoi pensez-vous que les citoyens devraient faire partie d'un comité d'évaluation? Par exemple, d'autres avenues sont plutôt de dire peut-être qu'un vérificateur général donc indépendant pourrait, lui, évaluer ou encore un ombudsman qui, lui, aurait cette charge-là, donc serait à la fois indépendant bon du gouvernement mais aurait également tous les moyens puis les dents à son service pour pouvoir faire une évaluation approfondie.

Puis on l'a vu dans le cas du Vérificateur général, quand ses recommandations ont du punch, si je puis dire, puis font réellement changer les choses, là, lorsque le rapport est déposé.

n(14 h 40)n

Mme Gagnon (Nancy): Bien, on n'empêche pas l'option du Vérificateur ou de l'ombudsman. On ne l'a pas ajoutée, mais, si vous voulez le faire, c'est une très bonne idée, là. On vous le laisse à votre discrétion.

Pour les citoyens et citoyennes, quiconque a travaillé dans les milieux communautaires sait que c'est souvent les personnes qui sont les plus critiques et qui sont très mordantes dans l'autoévaluation d'une politique. Ce sont aussi des gens qui non seulement l'évaluent mais sont la cible de la politique aussi, de la sensibilisation. Donc, ça peut faire des évaluateurs qui sont quand même pertinents.

Il y a aussi que la réalité, notre réalité, c'est celle qui nous entoure, c'est le petit monde qui nous entoure. Si on partage le plus possible ce petit monde là, on multiplie ces petits mondes, on se retrouve avec un portrait assez global et assez réel. En y invitant des citoyens, citoyennes, mais ils peuvent être représentés par des groupes aussi. Ça permet d'élargir les horizons, plutôt. Et ça, je ne crois pas que vos horizons soient fermés, mais, veux veux pas ? vous travaillez tous à peu près dans des domaines à peu près pareils, vous connaissez une certaine réalité ? plus on y intègre de gens, plus l'évaluation est faite sous toutes ses facettes. Elle est souvent bien évaluée aussi, à ce moment-là, pour l'impact puis pour l'application aussi.

C'est là qu'on... où sont les meilleures applications, par une diversité des gens qui y participent.

Une voix: ...du temps?

Une voix: Oui.

Mme Lefebvre: J'aimerais aborder une autre question, qui est une question importante, celle des médias, donc l'impact de ceux-ci sur notre société, dans un sens large. Vous travaillez principalement dans la région de Québec, donc je voulais vous entendre sur l'immédiat globalement puis aussi sur la situation qui est vécue dans la Capitale-Nationale.

Mme Gagnon (Nancy): Vous avez une situation précise en tête pour la Capitale-Nationale?

Mme Lefebvre: Non, mais s'il y en a une.

Mme Gagnon (Nancy): O.K. J'ai eu peur qu'une station sorte, en particulier.

Mme Lefebvre: Non, non, non. Pas du tout, pas du tout.

Mme Gagnon (Nancy): Bien, c'est sûr qu'à Québec il n'y a pas une diversité médiatique qui est énorme. On a principalement des conglomérats, une grande radio privée indépendante, qui a fait parler d'elle énormément, au cours des deux dernières années, et quelques radios communautaires et étudiantes pour ce qui est du paysage radiophonique. Télévision. Mis à part les postes spécialisés, là, Télé-Québec, Radio-Can, TVA et TQS, c'est pas le mal le paysage télévisuel qui est disponible à Québec et qui est aux trois quarts produit à Montréal.

Quand on regarde dans les médias, il faut distinguer plusieurs facettes. Si on parle de campagne pub, il y a une facette campagne publicitaire. À ce moment-là, on la paie, ils la passent. Ça, c'est correct. Et il y a tout comment l'interprétation est faite dans les médias. Si on parle du monde journalistique, on se souvient tous du Wolf Pack, Que ça continue, l'affaire Scorpion, qui a fait son impact. Dans les bulletins du soir, on ne mentionnait pas que les clients étaient Blancs ou Québécois, mais on nous a mentionné que les personnes du groupe criminalisé du... étaient Noirs et Libanais. Tu sais, on nous l'a dit, qu'ils étaient Noirs et Libanais. On l'a traité comme il faut, on ne pouvait pas s'en sortir. Le jeune Rwandais qui a fait un meurtre devant Le Bistro, il a été arrêté, il était pris. On ne le cherchait pas, là, il était déjà en prison, dans sa cellule, à attendre son avocat et qu'on répétait qu'il était de la communauté rwandaise, le jeune de la communauté rwandaise. Il a eu son procès, vous savez, le jeune de la communauté rwandaise. Pas celui qui a fait le meurtre, bien non, le jeune de la communauté rwandaise.

Donc, il y a de l'information. Il va falloir travailler avec les journalistes un petit peu sur leur traitement de l'information. C'est sûr que c'est plus sensationnel, mais il y a une façon de faire qui fait en sorte que ça augmente les préjugés.

Bon. On regarde les émissions les plus populaires. On passe La poule aux oeufs d'or, là. Je pense que ça n'a pas de rapport dans le propos. Mais viennent ensuite des émissions telles que Virginie, où les principaux représentants des communautés culturelles sont dans la prostitution juvénile puis vendent de la drogue. Hé! le dernier a fait des menaces de mort dans les derniers épisodes. Hé que ça nous donne une belle image positive de nos immigrants!

Je pense qu'il y a moyen...

Mme Lefebvre: ...aussi.

Mme Gagnon (Nancy): Oui. On a nos concierges aussi. Puis le gouvernement du Québec offre des crédits d'impôt, là, pour faire apparaître des membres des minorités visibles dans les téléséries, dans les productions télévisuelles. Peut-être qu'il y aurait moyen de leur donner des petites restrictions, de leur dire: Il y a moyen de les faire paraître autrement qu'en concierges puis en criminels, et ça ne représente pas une réalité du Québec, cette...

Mme Lefebvre: ...une excellente proposition, celle-là, qui n'a pas de coût, là, finalement, dans le sens où, tu sais, on amende le petit règlement.

Mme Gagnon (Nancy): Et ça nous permet de faire paraître des gens qui...

Mme Lefebvre: Puis ça crée des modèles. On nous a parlé beaucoup, depuis...

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Pardon?

Mme Thériault: ...chez les gens qui produisent les émissions, hein?

Mme Lefebvre: Oui, mais, comme les crédits d'impôt sont donnés par le gouvernement, il peut y avoir certaines balises.

Mme Gagnon (Nancy): ...la bonne volonté avec des crédits d'impôt, vous seriez surpris. Et souvent la critique qu'on a eue de jeunes Noirs, par exemple, qui nous disent: Moi, j'aimerais ça voir un Noir à la télé qui ne joue pas le rôle d'un Noir, qui fait juste jouer le rôle d'un citoyen, de M. et Mme Tout-le-monde qui fait sa vie, qui ne joue pas le rôle d'un Noir, hein, un Chinois qui ne joue pas le rôle d'un gardien de dépanneur, là, hein, qui fait juste jouer un rôle d'un citoyen. On le voit plus dans les téléséries américaines où, de plus en plus, on va avoir des agents du FBI dans une série sur le FBI. Il est Noir, puis ça ne cause pas de problème, là. Il fait juste sa job.

Au Québec, non. S'il est Noir, il joue un rôle de Noir avec tous les préjugés qui vont avec. Ça ne donne pas une image à la population blanche, mais ça ne donne pas un modèle non plus aux jeunes Noirs, mais pas du tout. Et, si on fait des modèles de plus en plus positifs avec les communautés culturelles, c'est des gens qui vont pouvoir se référer aussi, qui vont vouloir devenir comme. Alors ça, c'est important pour sortir ces jeunes-là de certains mauvais pas parfois dans lesquels ils se sont mis, parce que le seul exemple qu'ils ont, bien c'est les caïds. Ça n'aide pas.

Alors, si on veut faire quelque chose qui représente une cohésion sociale, il faut l'encourager, cette cohésion-là, puis il faut encourager les exemples positifs de l'immigration.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Mme Gagnon, bonjour. J'ai lu avec attention votre mémoire et je dois vous dire que Québec est ? et, vous le savez, hein, je suis de Charlesbourg, donc de la région de la Capitale-Nationale; et Québec est ? toujours, du moins, originale dans sa façon d'être, de penser, de réagir même et... même politique, dirait-on, Mme Gagnon.

Et je vous dirais que vous avez abordé plusieurs sujets, plusieurs thèmes. Évidemment, le temps file, mais j'ai une question précise en bout de ligne. Mais quand même je vais vous faire un petit topo que vous connaissez sûrement déjà. Mais, pour le bénéfice des auditeurs qui nous écoutent, vous savez, vous l'avez évoqué tout à l'heure, il y a un manque de concertation ou de cohésion. Vous avez employé le mot «cohésion», puis je pense que c'est vrai puis j'ai de la misère, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi. Vous savez, j'ai ici un journal, une espèce de magazine, là, pour chefs d'entreprise, qui date de septembre, et c'est un magazine, un journal de gens d'affaires qui se disent qu'effectivement il y a un problème ici, à Québec. Ils veulent encourager l'immigration pour combler un vide au niveau des emplois, autant la rive sud de Québec que Québec.

Également, bon, il y a plusieurs articles dans ce journal, mais j'aimerais vous citer un article qui peut-être évoque un petit peu ce que tout le monde pense ici, à Québec, si je peux le trouver, et qui dit ceci ? bon, d'un auteur, là ? à la page 11, Chef d'entreprise, septembre 2006: «Par exemple, la mairesse Andrée Boucher, sur la question de l'immigration, elle a tout à fait raison. Les immigrants ne doivent pas être perçus comme des bouche-trous juste bons à venir combler les lacunes de notre société vieillissante, c'est-à-dire combler des emplois, etc. L'accueil que nous leur réservons, notre ouverture d'esprit, les efforts versés à leur intégration doivent changer.»

Alors, déjà là, il y a d'abord des journalistes, il y a des gens d'affaires qui semblent avoir une position commune. Il y a une mairesse également qui semble avoir une position commune. J'ai même ici un document qui est un avis de dépôt de la ville de Québec, de proposition au conseil de ville, qui dit essentiellement, là, qu'il doit y avoir des mesures concrètes afin que la ville de Québec puisse adopter bon un document et des propositions afin de contribuer à la lutte contre le racisme et la discrimination sur son territoire. J'ai moi-même participé à diverses rencontres, regroupements, etc. Tout le monde semble d'accord qu'il y a une problématique, hein? Tout le monde dit: Oui, il y a un problème. Québec est originale, on est peut-être différents même de Montréal, mais il n'y a pas de cohésion, et c'est là où le bât blesse. C'est là où je me pose la question.

Vous avez évoqué tout à l'heure l'importance du communautaire et dans le fond, vous, et à la lecture de votre document et de vos propos tout à l'heure, lorsqu'on vous a entendus, la Ligue des droits et libertés, section Québec, vous un petit peu comme un bureau de député. Vous êtes le dernier endroit où on s'adresse avant le ravin, et c'est ça dans le fond, le beauté de la chose, à l'effet que vous soyez là comme, nous, nous le sommes dans nos comtés respectifs. Et c'est ça que je ne comprends pas, c'est cette difficulté que j'ai et surtout que je pense que mes collègues ont également, bien qu'ils ne soient pas de Québec. Pourquoi il n'y a pas cette cohésion? On est tous d'accord, on le sait, puis les médias, vous l'avez évoqué tout à l'heure. Puis souvent, bon, la question, je l'ai dit, oui, on pourrait en parler pendant des heures.

Il est où le problème? Est-ce qu'il est dans la relève? Est-ce qu'il est dans les anciennes générations? Est-ce qu'on doit davantage impliquer... Je ne sais pas. Alors, je vous pose cette question. Évidemment, elle est très large, mais je pense que ça vaut la peine de vous entendre là-dessus.

n(14 h 50)n

Mme Gagnon (Nancy): Le problème est à plusieurs... Si on parle de cohésion, par exemple, au niveau des organismes communautaires, on s'appelle. Souvent, dans les programmes de subvention, on demande des lettres d'appui du milieu. Alors, on se téléphone: Écoute, je fais un projet vraiment intéressant, puis vous pourriez même vous arrimer, embarquer, puis j'aurais besoin d'une lettre d'appui. On me répond: Non, mais, moi, j'ai une demande aussi, puis ça pourrait y ressembler, alors, non, je ne peux pas, puis, tu sais, si on fait, les deux, la demande ou on se met ensemble, ils vont diviser le budget en deux; on est mieux qu'il y en ait un des deux qui n'en fasse pas ou qu'on la fasse indépendant, le meilleur l'aura.

Alors, on a ce problème-là qui, faute de sous, si on sait qu'il y a 100 000 $ de disponibles pour la région de Québec et qu'on se met... Si on se disait de façon intelligente: Mettons-nous 10 ensemble, on se fait chacun notre partie de projet, mais vraiment, tous ensemble, ça fonctionnerait. Malheureusement, il y a des bonnes volontés qui manquent parfois. Il y a aussi des gens qui veulent faire des projets peut-être en privé et qui savent qu'ils vont avoir besoin de 30 000 $ et que, si on se met à 10, bien ils vont avoir juste 10 000 $, alors préfèrent faire leur solution seuls.

Le gâteau n'est pas assez gros pour que chacun en ait une part pour faire chacun des projets. Ça, c'est un problème. Il y a le problèmes des chasses gardées. La chambre de commerce n'embarque pas toujours dans les projets communautaires. Ils ont leur propre bureau culturel ou interculturel, international. Ce n'est pas nécessairement évident de convaincre les employeurs. Au niveau des employeurs, ils s'entendent tous: On a besoin d'immigration puis pas juste comme bouche-trou; on a besoin de cerveaux, mais on préférerait que l'immigrant, bien, parle très bien français, s'adapte tout de suite, connaisse nos façons de faire, nos méthodes, connaisse exactement l'emploi dans lequel il va appliquer, ait déjà une expérience québécoise et, si possible, que l'équipe de travail ne dise pas un mot parce qu'on... et qu'il soit Blanc, si c'est possible. Remarquez que, dans les hautes technologies, il pourrait être vert avec des picots roses, mais, dans la plupart des domaines, on veut des immigrants, c'est important, mais, s'il vous plaît, comme nous autres. Mais là ça ne pas vas ensemble, là.

Et là, si on fait un déjeuner, on se fait un déjeuner-causerie, on va en parler, on vous invite; j'envoie 500 lettres, j'en ai quatre qui réservent. Oui, oui, c'est important, on va en parler, mais là je n'ai pas le temps, j'ai un meeting. Là, je n'ai pas le temps parce que, aïe, c'est compliqué, il faut que je rencontre mon équipe de travail. Alors, souvent, il faut prémâcher beaucoup du travail. Et, dans les organismes communautaires, parce que c'est le communautaire qui prémâche très souvent et qui fait les projets, qui les avancent, eh bien, on manque de sous pour engager, par exemple, quelqu'un... O.K. Toi, pendant six mois, tout ce que tu fais, c'est une tournée d'employeurs; va chercher ce qu'ils ont besoin, dans quoi ils ont besoin d'être informés, puis on va faire une campagne. Ça, on n'a pas les moyens de faire ça, on n'a pas le temps de se mettre tous ensemble. Parce que, le bureau de député, vous avez un attaché de presse. Moi, je suis toute seule dans mon bureau.

Alors, il n'y a pas de ressource pour ça, pour faire cette concertation-là. Et il y a des vieilles méthodes aussi qui sont encore utilisées, où on croit que l'immigrant ne pourra pas s'adapter ou on croit qu'on ne peut pas le mettre au service à la clientèle, les clients n'aimeront pas ça: Ah non, ça ne passera jamais dans l'équipe de travail. On ne s'est jamais informé auprès de l'équipe de travail, on n'a jamais testé auprès de la clientèle, mais on en est tellement persuadé. Il y a des événements aussi qui n'ont pas aidé. Après le 11 septembre 2001, au Service d'orientation, d'intégration des immigrants, on les appelait pour leur dire: N'envoie pas de musulman, ça ne passera pas jamais dans l'entreprise. Des gens ont manqué un très bel emploi parce qu'ils étaient musulmans. Nous, quand on a fait notre enquête, en 2001, sur la discrimination en emploi, des directeurs de ressources humaines, des directrices de ressources humaines nous ont dit: On n'emploie pas de musulmans, je suis mal à l'aise avec leur façon de faire avec les femmes. Moi, chez les musulmans que je connais, là, il y en a que c'est leur femme qui mène, on ne se le cachera pas. Il a manqué cette job-là parce que ça a l'air qu'il bat sa femme, hein? Jamais sans ma fille. Ça a pris, ce film-là.

Il y a un manque d'éducation, et cette éducation, elle se fait ponctuelle présentement. C'est pour ça qu'il faut créer un mouvement d'ensemble. À partir du moment où ça fait six mois qu'on se fait talonner à la télévision, par des colloques, l'employeur va dire: Bien oui, hein, c'est rendu à la mode; moi aussi, mon entreprise est à l'heure de 2006, 2007, moi, je vais les recevoir, les organismes, je vais participer, on va embarquer dans tel programme.

Comme les programmes environnementaux, quand ça a sorti dans les années soixante-dix, quatre-vingt, là, les entreprises... Le bac à recyclage, ça prend de la place, puis je n'ai pas le temps. Ils en ont tous un aujourd'hui ou presque. Ça se crée, ces mouvements-là, et on doit.

Une voix: ...

Mme Gagnon (Nancy): Oui, je m'en vais. J'arrête, j'ai fini.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Oui. Bonjour, madame. Vous avez parlé tantôt des incidents avec des policiers. Vous avez parlé de profilage racial. Vous avez dit: On ne sait pas comment agir avec des personnes des communautés culturelles. Vous avez dit également: Les policiers ont besoin de formation.

On a reçu le Commissaire à la déontologie policière hier, et, malgré que c'est trop, là, dans un an et demi, il n'y a eu que 86 plaintes. C'est ce que j'ai retenu: 86 plaintes seulement au niveau du racisme et/ou de la discrimination venant des forces policières.

Vous marquez, vous notez dans votre mémoire que des formations ou dialogues interculturels et à la diversité devraient être suivis tout au long de la carrière des policiers et des policières. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Gagnon (Nancy): Présentement, dans les cégeps, lorsque les gens font techniques policières, ils ont un cours d'anthropologie de la diversité culturelle, si je ne me trompe pas, trois crédits, une session qui est donnée selon la bonne volonté du professeur, qui on ne sait pas comment... a été formé nécessairement, puis on ne sait pas quel genre de cours. Ce n'est pas réglementé. Si on regarde 86 plaintes, en un an et demi, c'est quand même une plainte par semaine. Alors, moi, je trouve ça beaucoup personnellement, une plainte par semaine.

Mme Papineau: ...que ce n'était pas beaucoup, là.

Mme Gagnon (Nancy): Et ça ne compte pas tous ceux qui n'en portent pas. Le problème, c'est que les policiers... Là, on a des jeunes policiers qui ont quand même eu cette petite formation là durant leurs techniques policières, mais on a nos vieux policiers aussi qui, eux, n'en ont pas eu. Et, la formation, qu'avez-vous retenu de votre cégep et de votre université? Soyons honnêtes, là. Il y en a au moins 90 % qui est dans la filière 13, là. Ça doit se répéter, ça doit, à chaque année.

Mme Papineau: Qu'est-ce que vous suggérez?

Mme Gagnon (Nancy): Nous, on suggère. Ça avait été testé, à Laval, par le département de police de Laval il y a quelques années. Les policiers avaient des formations de deux à quatre jours chaque année. Elles étaient obligatoires, payées, et c'étaient des formations, qui étaient données parfois par des juristes en concertation avec des personnes immigrantes ou des gens du milieu, sur la communication interculturelle, la diversité culturelle. Comment agir? Comment interagir? Nous, on l'a fait.

Le 16 mars dernier, on avait un colloque. Il y a 12 policiers qui se sont présentés. Ils ont eu un atelier ici, à Québec. Ils n'ont eu un atelier que pour eux: Comment interagir avec la diversité culturelle? Comment on distingue le bon du mauvais comportement? Comment on agit quand on arrête une personne qui nous traite de raciste tout de suite, même si on a raison de l'arrêter? Comment on agit sans poigner trop les nerfs? Et souvent il y a beaucoup de malaises à ce niveau-là, et ce n'est pas nécessairement du racisme. Il faut vraiment distinguer. Souvent, on essaie vraiment de faire, selon les meilleures volontés, ce qu'on nous a appris, mais on se retrouve en zone grise et on ne sait pas comment agir.

Alors, des formations qui sont en continu, comme ça se fait en santé et services sociaux, par exemple, pour les personnes en hébergement longue durée. Les préposés, les infirmières reçoivent des formations au respect des personnes âgées, de leur vie privée, de leur espace, et ça revient à toutes les années ou à tous les deux ans, dans plusieurs centres. Pourquoi ne pas le faire avec nos policiers et policières pour diminuer justement les incidents qui peuvent arriver, diminuer les malaises des policiers et policières aussi quand ils interagissent, parce que des fois ils ont quasiment envie de dire: Bien, on est aussi bien de ne pas arrêter personne, j'ai peur de me retrouver en déontologie. Je ne sais plus comment agir.

Alors, il faut éviter ce malaise-là absolument, et ça, ça se fait par de l'éducation. Ça se fait par de l'éducation contraire. À Drummondville, moi, j'ai dû discuter avec un chef de police. Ils ont une grande immigration colombienne. Les policiers arrêtaient des Colombiens pour ne pas avoir fait leur stop, un excès de vitesse, puis le monsieur Colombien lui donnait un 50 $. Ça fait qu'il lui donnait une contravention pour avoir essayé de soudoyer un policier. Il se retrouvait en cour municipale. Mais ça se passe comme ça. Il pensait s'en sortir puis il pensait que c'était peut-être mieux pour sa sécurité aussi de refiler un 50 $ au policier puis de laisser ça mort. On s'est parlé, parce que j'avais des contacts personnels privilégiés, en lui disant: Écoutez, passez le mot à vos policiers, qu'ils fassent juste expliquer à la personne que, non, il se présente, au poste de police, payer son amende dans les 30 jours et qu'il ne peut pas prendre les sous. Et, moi, j'ai communiqué avec des gens de la communauté colombienne en disant: Passez le mot: ici, ça ne se fait pas, on ne peut pas donner un 50 $.

Ça fait que l'éducation va chez les policiers, policières. Mais, chez les immigrants, immigrantes aussi, comment ils interagissent avec les policiers, policières?, ça pourrait faire partie du guide de tout à l'heure. On ne donne pas 50 $ aux policiers. Ça ne se fait pas.

Alors, c'est tous des petits trucs pratico-pratiques des fois qui sont bons à connaître, à savoir pour éduquer les deux parties, autant les policiers, policières, parce qu'on ne peut pas leur faire tous les reproches, là ? c'est des humains avant tout, ce n'est pas des robots ? et les immigrants, immigrantes dans leur façon d'agir avec les policiers, policières. La commission fait quand même un travail parfois, quand ils reçoivent des plaintes puis qu'ils déclarent fausses, mais il y a un travail de fond à aller faire là, il y a un travail récurrent à aller faire là.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe, questions-réponses, une minute et demie.

n(15 heures)n

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, évidemment, vous avez touché énormément de choses, d'aspects de la question qui sont extrêmement importants et importantes ? des aspects importants, oui, c'est ça, importants ? et je veux vous amener sur un terrain un peu différent, mais je ne sais pas si vous serez heureuse de répondre à ma question. Mais, au niveau des moyens d'action concrets et s'il est vrai que le racisme est souvent enraciné dans beaucoup d'ignorance réciproque, est-ce que vous ne croyez pas que ce qui s'appelait autrefois des COFI, c'est-à-dire des lieux de rencontre permanents où on offre toutes sortes de services qui servaient à la fois plus ou moins de guichets uniques pour la... et toutes sortes de choses, et de lieux de rencontres, et de lieux de concertation, et tout ça, qu'il y aurait lieu de remettre ça à l'honneur?

Parce qu'il y a des endroits où évidemment les groupes communautaires ont fait quelque chose de semblable, mais ils n'ont pas tous les moyens pour le faire. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est un grand besoin partout en région?

Mme Gagnon (Nancy): On pleurait quand vous avez fermé les COFI. C'est quelque chose qu'il faut absolument remettre, ces espèces de centres multiservices là. Il faut aussi permettre des rencontres entre les personnes immigrantes et la population en général. Ça se fait à petite échelle par certains organismes. Souvent, on va prêcher devant des déjà convaincus. Et c'est sûr que ça prendrait un plan stratégique sur plusieurs années, trois à cinq ans, permettre ces centres-là, permettre la publicité ? je termine, 30 secondes ? permettre la publicité. Une fois que la campagne est enclenchée, on permet des rencontres entre personnes immigrantes, personnes nées ici et tranquillement on redirige les personnes justement vers des centres multiservices pour que ça crée une cohésion, parce que c'est en se parlant qu'on réussit. Mais, pour inviter les gens à se parler, il faut déjà qu'il y ait une petite base.

Je ne peux pas arrêter quelqu'un dans la rue, en lui disant: Écoute, ce soir, je fais une soirée culturelle, viens-t'en, mon bonhomme. Il va dire: Regarde, j'ai d'autre chose à faire de ma soirée. Ça devient à la mode puis ça devient quelque chose de bien, les soirées culturelles. Peut-être que, là, il va avoir envie d'aller voir ce qui se passe là et qu'il, tranquillement, va s'intéresser aux gens qui ont une autre culture, à l'autre, et on va peut-être un petit peu moins le démoniser, cet autre-là, pour découvrir qu'en fin de compte c'est un humain avec qui on peut avoir des intérêts, même si on ne partage pas la même religion ou la même couleur de peau, mais qu'on peut avoir des intérêts personnels qui font que ça va devenir quelqu'un qu'on va au moins apprécier ? il n'est pas obligé de devenir notre ami ? mais qu'on va au moins apprécier.

Une voix: ...

Mme Gagnon (Nancy): ...les COFI, oui, s'il vous plaît. Ce serait quelque chose à remettre en place.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci, Mme Gagnon. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que la Fondation de la tolérance puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Brodeur): Donc, s'il vous plaît, nous allons continuer nos travaux et nous accueillons la Fondation de la tolérance. Bienvenue en commission parlementaire.

Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal ? je dis bien un temps maximal ? de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos. Vous allez voir, après 18 ou 19 minutes, que le président commence à gesticuler pour qu'on puisse entrer dans le temps, d'ici 18 heures. Et, après votre exposé, il y a une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, si vous voulez tout d'abord vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et présenter immédiatement votre mémoire, la parole est à vous.

La Fondation de la tolérance

Mme Kada (Assia): Bien, je suis Mme Assia Kada, directrice de La Fondation de la tolérance, et puis Zakaria Lingane, qui m'accompagne, est coordonnateur de projets, mon adjoint en même temps.

Bien, écoutez, je crois qu'on va finir avant 20 minutes, là, parce que c'est sûr qu'on aurait aimé passer à travers tout le mémoire point par point, parce qu'on trouve que c'est tellement important, ce qu'on a écrit, mais, comme on n'a pas le temps, ce serait peut-être une petite introduction et puis ce serait peut-être beaucoup plus intéressant à travers les questions. Je vais faire un survol, et puis on passera aux questions.

Alors, c'est sûr que c'est au nom des membres du conseil d'administration et de l'équipe de la fondation que j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui ce mémoire. On tient évidemment à remercier le gouvernement et donc, notamment, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles à l'endroit des différents groupes communautaires engagés à voir donc un jour la participation pleine et entière des communautés culturelles. La fondation aussi félicite l'initiative de Mme Thériault de faire de la lutte contre la discrimination un cheval de bataille pendant son mandat. Alors, nous avons donc analysé avec intérêt les propositions qui ont été faites dans le document, et c'est sûr que notre position, nos recommandations s'appuient sur une expertise donc longue et diversifiée à la lutte contre le racisme et la discrimination sous toutes ses formes.

Alors, c'est sûr que, de par notre mission, on s'est sentis tout de suite donc interpellés par cette consultation. Et donc je vais vous parler un petit peu de la fondation et de ce qu'on fait. C'est un organisme qui a été incorporé en 1996. C'est un groupe donc de personnes, de femmes et d'hommes de toutes origines qui ont décidé de mettre sur pied cet organisme, et donc ces personnes-là ont soutenu l'organisme parce qu'elles sont convaincues que la tolérance, la défense des droits humains et des relations civiques n'existent que dans des sociétés qui ont su les cultiver constamment donc, d'où l'éducation reste une priorité au niveau de l'organisme.

Alors, notre mission. Nous travaillons principalement avec les jeunes de 13 à 17 ans dans les écoles secondaires à travers le Québec. Alors, notre mission, c'est de les sensibiliser à l'impact donc négatif de la discrimination sous toutes ses formes en les invitant à poser un regard critique sur leurs valeurs, leurs croyances, leurs attitudes et leurs comportements et d'inviter donc chaque jeune à connaître l'autre et à vivre harmonieusement avec lui dans le plein exercice des droits civiques, politiques, économiques et sociaux. Alors, nous avons donc plein d'activités. Nous faisons cette sensibilisation à travers l'activité, et la principale activité, c'est la caravane, qui est une exposition itinérante, donc qui se déplace dans les écoles, interactive. La Fondation de la tolérance, elle est également membre du comité organisateur de la Semaine d'actions contre le racisme et qui, chaque année, donc invite les Québécois et Québécoises de toutes origines à démystifier les différentes formes que peuvent emprunter les manifestations d'intolérance et particulièrement le racisme dans notre société.

n(15 h 10)n

Je vais passer donc aux commentaires généraux sur le document. Le mémoire, en fait on l'a établi en répondant aux différentes questions qui ont été posées. Cependant, bon, il y a des commentaires concernant tout le document. On trouve le document très bien fait, clair, et il dresse en fait un bilan éloquent. Il est fidèle par rapport à tout ce qui se passe. Il dresse vraiment un portrait réel de la situation en matière de racisme. On salue aussi donc le courage et le... sans complaisance qui inspirent ce document, qui va au-delà du «politically correct».

C'est sûr qu'il y a plein de choses que nous avons reprises, qui ont été dites au niveau document, avec lesquelles on est d'accord, donc je ne veux pas répéter. Ce qu'on souhaite en fait, c'est que le plan d'action du gouvernement donc soit novateur et avant-gardiste. On souhaite aussi que cette lutte contre le racisme et la discrimination soit à un niveau donc collectif et que ça se passe à tous les niveaux. Ce qu'on souhaite aussi, c'est que cette consultation ne soit pas uniquement au niveau des membres des communautés culturelles mais qu'il y ait aussi les gens de la communauté d'accueil qui y participent. Ce qu'on souligne aussi et ce qu'on trouve bien important: on veut mettre en garde donc contre les intolérances en milieu minoritaire, qui sont la source de sectarisme, bien que le document de consultation en fait ne fasse pas mention de la récente actualité, ce qui s'est passé dernièrement, par rapport à des symboles religieux ? ça a été la source d'incompréhension entre la société d'accueil et certaines communautés culturelles ? tels que le voile donc musulman, le kirpan, etc.

Et ce qui s'est passé, en fait ce qu'on a ressenti au niveau des membres de la société d'accueil, au cours de ces crises, c'est qu'il y a eu peu d'informations en provenance du gouvernement qui ont précisé que ces exigences religieuses particulières étaient peu suivies par les communautés d'origine et en fait ne reflètent pas donc les courants minoritaires radicaux.

Ce qu'on souhaite aussi, c'est qu'au niveau de la perception ? on insiste; au niveau de la perception ? de l'immigration, il faudrait que, les Québécois d'origine, des régions à la métropole, qu'on ne leur fasse pas sentir qu'il s'agit d'une immigration subie et donc qu'on essaie de montrer que c'est plus une immigration choisie.

Donc, voilà à peu près donc les commentaires. Peut-être qu'on va aller au niveau donc des propositions qu'on fait au niveau de l'orientation 1, Concertation et partenariats.

Ce qu'on souhaite, en fait les suggestions qu'on fait, c'est promouvoir, valoriser donc la gestion de la diversité dans les institutions publiques et privées; instaurer un méritas pour les institutions publiques ou privées qui sont impliquées en matière de gestion de la diversité à l'échelle provinciale; implanter un programme de gestion de la diversité sur le modèle du plan de l'équité salariale dans les institutions publiques; former tous les intervenants des institutions qui offrent des services à la population sur tout ce qui touche la compréhension et la communication interculturelles, et ça, d'une façon périodique, avec un suivi et non donc ponctuelle; amener les institutions publiques à rendre compte au Parlement, une fois par année, de leur gestion de la diversité; on est d'accord avec la proposition qui est faite, qui est de créer un organisme gouvernemental qui, en plus donc de veiller à l'application de ces mesures, pourrait se charger d'un fonds récurrent dédié aux organismes qui sont spécialisés dans la lutte contre le racisme; publier un palmarès des entreprises les plus avancées en matière de diversité donc, qui mettra en relief leur expérience, l'apport de la diversité, le pourcentage de personnes des communautés qui sont à leur emploi; et enfin rendre public un bilan sur le racisme et la discrimination au Québec afin de mobiliser l'ensemble de la population.

(Consultation)

Mme Kada (Assia): Par rapport aux priorités, ce qu'on souhaite en fait, c'est que le gouvernement assure le leadership au niveau du plan d'action, de veiller à ce que cette consultation publique ne soit pas juste une consultation de plus mais qu'on passe à l'action, et que ce soit fait rapidement, et qu'on ne passe encore un an ou deux. Et donc surtout de mettre l'accent sur l'emploi.

Alors, en matière d'éducation, et c'est là l'expertise de la fondation, ce qu'on souhaite, c'est de rendre obligatoire donc, dans les programmes scolaires et les cours du primaire, au secondaire et le collégial, une éducation antiraciste et que ce soient donc des cours obligatoires; encourager les enseignants des minorités à différents paliers, que ce soit primaire, secondaire, collégial, et assurer évidemment un financement stable et plus généreux des organismes qui luttent contre la discrimination. Et enfin pour le grand public, en matière d'éducation, penser à des campagnes publicitaires sur l'apport de l'immigration de la même façon que des campagnes, par exemple l'alcool au volant, la violence. Donc, penser à une campagne similaire pour faire ressortir donc l'apport de l'immigration.

Par rapport à l'information donc, appeler à la responsabilité des médias quant au stéréotypage des communautés culturelles, redéfinir le mandat de Télé-Québec en matière de lutte contre la discrimination et la promotion de la diversité et encourager donc l'industrie privée à ouvrir ses contenus et son personnel à la diversité.

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste cinq minutes.

n(15 h 20)n

Mme Kada (Assia): Il reste cinq minutes? O.K. En matière de rapprochement interculturel, ce serait de multiplier les programmes d'échange et de coopération internationale destinés au jeunes ? on a vu sur le terrain que ça donnait d'excellents résultats pour les jeunes; créer des fonds dédiés à la SODEC pour soutenir donc les oeuvres culturelles des artistes des communautés culturelles ou de toute oeuvre qui fait place de manière sérieuse à la présence immigrante; accorder un soutien spécifique aux festivals et aux manifestations culturelles qui célèbrent les cultures venues d'ailleurs sans tomber dans les activités plutôt folkloriques; accorder des crédits d'impôt à toutes les manifestations culturelles donc qui s'ouvrent à la diversité; nommer, dans toutes les institutions, un responsable chargé de la diversité; penser à un centre culturel ou à un musée racontant l'histoire de l'immigration au Québec.

Je passe à l'emploi. Ce qu'on suggère au niveau de l'emploi, ce qu'on suggère, c'est de créer des programmes spéciaux pour réduire le chômage des jeunes Noirs diplômés; créer, à Emploi-Québec, une banque de ressources humaines issues des communautés culturelles, secteur d'activité par secteur d'activité.

Au niveau de la sécurité publique, ce serait aussi très bénéfique de poursuivre le programme d'action de 2005 du MICC, qui visait donc à donner une formation obligatoire au niveau des techniques policières à l'institut national de police; instaurer une procédure de la carte signalétique qui obligerait les policiers à préciser l'ascendance de toutes les personnes interrogées, arrêtées ou fouillées ? c'est quelque chose qui s'est fait en Ontario, et ça a donné de bons résultats dans la mesure où ça a beaucoup diminué; établir des espaces aussi de médiation entre la police et les communautés visées par le profilage.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci. Merci, Mme Kada, merci, M. Lingane, d'être avec nous aujourd'hui. La Fondation de la tolérance est un organisme qui est bien connu particulièrement pour la sensibilisation que vous faites auprès des jeunes notamment en milieu scolaire. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer à différentes occasions depuis que j'ai été nommée ministre et je trouve que vous avez beaucoup de pistes de solution dans votre mémoire.

Vous avez réellement couvert à peu près tous les domaines possibles et imaginables, puis je vous avoue sincèrement que je ne sais pas trop par où commencer parce que j'aurais beaucoup de questions, mais je vais aller à la page 22 de votre mémoire ? vous venez de le mentionner ? au niveau de l'emploi. Dans le dernier paragraphe, vous dites: «Bien des fois, les employeurs invoquent l'absence de candidatures en provenance des communautés culturelles pour combler les postes. Et pourtant la surdiplômation et le chômage sont le lot de certaines communautés culturelles. Emploi-Québec pourrait, de concert avec les communautés culturelles et les organismes communautaires, tenir une banque de ressources humaines issues de l'immigration, secteur par secteur.»

J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Lingane (Zakaria): C'est une idée qui avait été lancée par l'ancien ministre du Travail ? je ne me rappelle pas de son nom ? demandant à Emploi-Québec, compte tenu de ce secteur un peu spécifique... Emploi-Québec tienne à jour des listes spécialisées concernant les personnes des communautés culturelles parce qu'il y avait beaucoup de difficultés à intégrer ces gens au marché du travail. Et cela avait été assez mal reçu par les fonctionnaires qui trouvaient que ce serait établir une double distinction en fait entre des chercheurs d'emploi normaux et puis des chercheurs d'emploi issus de l'immigration. Ils trouvaient que c'était une charge de travail un peu lourde. Et pourtant l'idée n'est pas mauvaise parce qu'il nous arrive parfois...

On reçoit, à la fondation, des offres d'emploi. Nous demandons: Connaissez-vous quelqu'un des communautés culturelles? Ce n'est pas notre mandat, mais nous recommandons, nous envoyons aux gens qui sont dans notre liste d'emploi que voilà il y a un poste qui est ouvert à tel endroit, à l'OMF, à l'OFQJ, peu importe l'endroit, pour dire: Bien, ça intéresse les gens des communautés culturelles. C'est valable aussi pour les gens de la... qui nous envoient souvent des offres d'emploi. Ce n'est pas à la fondation de recevoir ces offres d'emploi. Vous comprenez ce que je veux dire.

Si Emploi-Québec, dont c'est la dévolution de s'occuper de caser les chercheurs d'emploi, pouvait s'occuper de ce domaine, bien on aurait peut-être la réponse.

Mme Thériault: Je...

M. Lingane (Zakaria): Plusieurs fois aussi, même dans le secteur privé, des employeurs se plaignent que, quand ils cherchent des ingénieurs issus des communautés culturelles, ils n'en trouvent pas.

Mme Thériault: Mais c'est ça. Je vous pose la question parce que, lorsque j'ai été en France, là-bas il y a un ministre qui est responsable de l'égalité des chances, qui a mis sur pied un site Internet où justement les membres issus des communautés culturelles ou minorités visibles peuvent envoyer leur curriculum vitae par Internet et là il y a une grosse offensive qui a été faite auprès des employeurs pour qu'ils puissent aller référer dans cette banque de données là pour aller trouver du personnel qui peut répondre à leurs besoins.

Donc, c'est pour ça que je vous posais plus de questions, si c'était inspiré d'une autre méthode faite ailleurs. Moi, là, je l'ai vue en France, mais je me dis: Les employeurs qui veulent réellement, parce que c'est vrai que ce n'est pas évident de trouver, là, c'est vrai que, sur ta pile de C.V., oui, il y a des noms, des fois tu vas le savoir, mais il y a d'autres noms qui ne veulent pas dire si les gens sont membres d'une minorité visible ou issus d'une communauté culturelle.

Donc, est-ce que vous pensez que l'utilisation d'une banque de candidats sur Internet qui serait mise à la disposition des entreprises pourrait être intéressante ou est-ce que vous pensez que c'est juste par le biais d'Emploi-Québec qu'on devrait le faire?

Mme Kada (Assia): Par exemple, je siège sur le comité de la diversité de TVA, et eux autres aussi nous disaient: Oui, on veut recruter, mais on ne les trouve pas. Alors, bon, au niveau de TVA, il y a ce comité, et ce qui se passe, c'est qu'on les a mis en contact. Donc, il y a des personnes-ressources de différentes communautés, que ce soient des organismes. Donc, TVA envoie à ces organismes-là donc ressources, et ces organismes-là se chargent de diffuser ces offres d'emploi au niveau de la communauté. Ce n'est pas toujours évident.

Donc, c'est pour ça qu'on a pensé à plus une banque centrale et qui peut être consultée en fait par n'importe quel employeur.

M. Lingane (Zakaria): Mais, cela dit, votre idée n'est pas mauvaise, hein, mais est-ce qu'un site Internet, ça suffira? Moi, je ne le crois pas nécessairement, hein?

Mme Thériault: Avec les C.V. des gens.

M. Lingane (Zakaria): Avec les C.V. des gens?

Mme Thériault: Oui, oui, oui, les C.V. des gens sont là, là.

M. Lingane (Zakaria): On peut toujours essayer, oui.

Mme Thériault: Les C.V. sont là. À la page 26 ? je vais passer à un autre sujet ? vous parlez de la laïcité et l'accommodement raisonnable. Le dernier paragraphe, je pense qu'il ne faut pas le citer hors contexte.

Je vous lis le dernier paragraphe: «Les identités ne viennent pas aux individus; il revient à ces derniers de les adopter. Éduquer les immigrants à respecter les valeurs québécoises est une piste à explorer pour prévenir et éviter les fractures identitaires. Peu importe la forme que peut prendre cette formation citoyenne, mais elle se doit de rappeler les principes de fonctionnement culturel et démocratique du Québec. En effet, la tolérance et l'ouverture aux autres ne peut qu'être que réciproque pour en garantir sa pratique et ses bénéfices pour tous.»

Et là vous concluez en disant: «Le MICC ? vous faites une recommandation, finalement; le MICC ? pourrait coopter des stages de citoyenneté avec pour objet de rappeler, notamment aux nouveaux immigrants, la culture québécoise, les valeurs de tolérance et de respect de la dignité humaine, l'égalité des sexes, [et] etc.» J'aimerais ça que vous extrapoliez un petit peu plus «coopter des stages de citoyenneté».

Mme Kada (Assia): C'est ça. Parce que, comme j'avais mentionné tout à l'heure, on parle d'intégration, c'est-à-dire la rencontre en fait se fait des deux côtés. C'est comme ça qu'on voit, si vous voulez, l'intégration. Il faut aussi que l'immigrant intègre les valeurs du Québec. Alors, on a pensé peut-être, comme les cours de français qui sont en fait organisés par le ministère, peut-être des cours par rapport aux valeurs du Québec.

Mme Thériault: Et est-ce que vous le voyez fait par le ministère ou par des organismes communautaires?

n(15 h 30)n

M. Lingane (Zakaria): Je pense que le...

(Consultation)

Mme Kada (Assia): Par le ministère ou par les organismes? Je vous avoue, je voyais plus le ministère.

Mme Thériault: Pour vous conforter dans vos positions, il y a présentement cette avenue-là qui est développée au ministère ? on l'a testée depuis l'année passée, ça fait à peu près un an ? où il y a une espèce de formation sur les valeurs de la société québécoise, et on est en train de regarder quelles pistes d'action on pourrait faire avec ça. Donc, vous voyez, vous étiez dans le ton.

M. Lingane (Zakaria): Parce que la question de l'identité, c'est vrai qu'on a une identité qui vient de notre culture, de notre religion, de notre éducation, mais elle s'acquiert différemment, aussi à l'école. Il y a juste à voir les enfants qui ont grandi dans les écoles québécoises. Je crois qu'ils ont une double identité qu'ils assument parfaitement. Mais cependant l'immigrant tardif, comme disait tantôt la précédente intervenante, ne comprend pas ces valeurs-là, comme le 50 $ au policier pour qu'il ne donne pas la contravention. Mais certainement beaucoup d'immigrants arrivent ici, ils ne savent même pas.

Nous, on en connaît quelques-uns ? bon, on ne va pas spéculer là-dessus ? mais ils ont une connaissance extrêmement marginale des valeurs québécoises. Ils viennent dans une société qui pour eux est une société, comme on dirait... On dit: À la descente de l'avion, on a le portable, on a le scooter et puis on a la démocratie. Ce n'est pas aussi simple. Il faut expliquer aux gens aussi que c'est réciproque. Alors... de citoyenneté, c'est rappeler à ces gens-là qu'ils sont acceptés mais que c'est un marché aussi dans les deux sens: on respecte ta culture, mais tu respectes la culture, le fait français ici. C'est très important. Je pense que c'est une sorte d'engagement moral.

Puisque nous n'avons pas la... d'accorder la citoyenneté aux individus, on peut, à tout le moins, leur demander d'être des citoyens respectueux de nos valeurs et de nos lois.

Mme Thériault: Merci. On reviendra un peu plus tard.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Kada, M. Lingane, bonjour. Vous avez un mémoire extrêmement intéressant. Vous avez touché à peu près à tous les enjeux qui nous concernent, là, depuis quelques jours, et puis j'ai plusieurs questions à vous poser, mes collègues également.

Je voudrais commencer par une question que vous n'avez pas abordée dans votre présentation mais qui est dans votre mémoire, à la page 20, la proposition 7.5, l'accès au logement. Je vais citer un passage. Donc, je vous cite: «Bien que les cas de discrimination liés au logement frappent des catégories sociales larges, ce secteur mérite une attention particulière. Outre les mesures concernant le logement abordable qui favoriserait la mixité sociale et ethnique, il serait important que le gouvernement s'attaque à la discrimination dans les zones urbaines spécifiques, celles que l'on nomme les "quartiers mal aimés": Parc-Extension, Saint-Michel, Montréal-Nord. Ces quartiers défavorisés vivent une forte ségrégation sociale et des concentrations ethniques doublées à une grande pauvreté. Ce qui constitue des bons bombes à retardement de possibles violences urbaines sur le modèle français. Cette communautarisation subie et l'absence de mobilité sociale a par ailleurs d'autres effets pervers en matière de d'éducation, car les jeunes de ces quartiers défavorisés guettés par le chômage ne croient plus à l'égalité des chances que procure l'éducation, ce qui a pour effet d'accroître le décrochage scolaire et l'accroissement de la criminalité des gangs de rue comme le donne à voir une surreprésentation carcérale des jeunes "Noirs". La revitalisation de ces quartiers est absolument nécessaire...» Et vous poursuivez.

Je trouve que vous touchez un aspect fort délicat et important. Je pense également qu'un plan gouvernemental devrait être mis en place rapidement sur cette question. On l'a vu, dans les mois passés, les journaux notamment ont fait état de situations très critiques dans certains quartiers, dans certains immeubles. Là, vous avez parlé également des conséquences, disons, qui arrivent après notamment, bon, le décrochage scolaire puis les gangs de rue, puis tout ça, mais il y a aussi l'aspect de vivre dans un logement décent qui fait partie ? puis là je me concentrerai sur cet aspect-là; qui fait partie ? des droits fondamentaux, qui est le droit à se loger.

Et donc je pense que cette proposition devrait également se retrouver dans un plan d'action, dans le plan d'action qui sera déposé avec cette politique pour qu'on accorde rapidement l'importance qui se doit à ce dossier-là. Puis donc je voulais vous entendre un peu sur ça et pourquoi vous avez pensé que c'était important de l'inclure dans votre mémoire.

Mme Kada (Assia): C'est sûr que pour nous c'était important surtout par rapport à ce qui vient de se passer en France et par rapport aussi à ce qu'on voit. Ces quartiers-là, dans certains quartiers, ces derniers temps, à Montréal, on voit que leur tendance, c'est à ce qu'il y ait une ghettoïsation. Et, si on fait justement un parallèle avec ce qui s'est passé en France, donc c'est pour prévenir en fait qu'on a attiré l'attention sur ce phénomène, sur ce problème-là.

Mme Lefebvre: Je vous remercie. D'ailleurs, il y a un autre aspect qui est délicat dans ce dossier-là, c'est que plusieurs immeubles sont gérés par des compagnies à numéro, ce qui vient ensuite de ça difficile pour les inspecteurs de pouvoir agir parce qu'il est difficile de trouver qui est derrière, finalement le propriétaire, le responsable de l'immeuble. Puis, quand des infractions sont émises par bon les inspecteurs de la ville, qui ne sont pas assez nombreux, là, selon les dires des représentants municipaux, bien, quand les infractions sont finalement données, bien le numéro change, puis c'est à recommencer.

Donc, en tout cas, c'est vraiment une situation délicate, puis je pense vraiment qu'il devrait y avoir un chantier ouvert précisément sur la question du logement dans certains quartiers. Dans plusieurs quartiers de Montréal, il y a des situations difficiles, mais notamment cette dynamique-là. Puis c'est vrai que je ne pense pas qu'on en soit rendus à ce qui s'est produit en France, mais, comme vous dites, la prévention est sans doute notre meilleure source d'espoir puis pour s'assurer finalement qu'on n'ait pas à vivre un cauchemar comme celui-là, qui a été celui de ces jeunes. Donc, bon, je voulais le souligner parce qu'on n'avait pas eu l'occasion d'en parler.

À la page 7, vous parlez d'une autre question qui est extrêmement importante. Vous avez discuté un petit peu, tout à l'heure, de la question de l'accommodement raisonnable, mais ici, à la page 7, vous tenez «à mettre en garde contre les intolérances en milieu minoritaire qui sont la source de sectarisme, de communautarisation et d'autoexclusion du tissu social. [...]On constate au Québec [...] que la religion [...] a été la source de heurts et d'incompréhension entre la société d'accueil et certaines communautés culturelles.» Vous donnez quelques exemples, notamment, bon, le kirpan ou le hijab, puis vous poursuivez un peu plus loin, en disant qu'au cours de ces crises, peu de médias ou des informations en provenance du gouvernement ont été précisées et que ces exigences religieuses particulières étaient peu suivies par les communautés d'origine des revendicateurs, «qu'elles ne reflétaient que des courants minoritaires radicaux, car tous les immigrants ont à coeur de vivre en paix dans leur pays d'accueil, dans le respect de droits partagés et égaux, mais aussi dans des relations interculturelles harmonieuses».

C'est un autre aspect qui est important. Ça a été soulevé hier, en commission, notamment par la Table sur le Maghreb, et j'aimerais vous entendre à nouveau sur cet aspect-ci. Parce que ce n'est jamais facile. Hier, on a discuté de la difficulté pour certains leaders de pouvoir avoir accès à ces médias, de pouvoir faire passer certains messages, donc, évidemment, que le filtre des médias peut passer des messages plus que d'autres. Je me demandais si, vous, La Fondation tolérance, vous étiez intervenus quand il y a eu des cas comme ceux-là. Est-ce que vous avez essayé d'apporter votre voix au chapitre?

M. Lingane (Zakaria): C'est certain qu'on a été interpellés dans trois écoles, à cause des questions religieuses. Donc, les gens faisaient venir la caravane pour lui demander: Mais qu'est-ce qu'on doit faire? Ils nous demandaient une salle de prière pour le ramadan; est-ce qu'on la donne ou pas? Et plus souvent on est interpellés dans des écoles où il n'y a même pas de minorité ethnique, où les gens avaient une perception télévisuelle ou médiatique de la question en disant: Mais ces gens-là ne s'intègrent pas, ils sont toujours en train de revendiquer pour des questions religieuses.

Alors, la tolérance n'est pas à sens unique, comme on l'a dit une fois, il y a aussi les intolérances qui viennent dans le milieu minoritaire. Et la fondation aussi prend soin de dire: Bien, il ne faut pas toujours dire que c'est les Québécois qui ont des problèmes, il y a aussi des problèmes dans les communautés culturelles ou certaines franges de ces communautés-là. Et, quand le cas arrive, il est sûr que, quand on a pris le pouls dans les écoles, ce que nous avons senti, les individus ne veulent pas qu'au Québec on judiciarise l'accommodement raisonnable. Les gens voudraient que, d'une certaine façon, on ne... pas sur tout mais qu'on puisse trouver des... mais enfin, je veux dire, anticiper les accommodements, prévenir en fait, plutôt que de la Cour suprême.

n(15 h 40)n

Le jugement de la cour... dans toutes les écoles où nous sommes allés, le jugement a été mal pris. On a beau expliquer qu'un jeune homme aussi équilibré avec un couteau symbolique, qui a résisté pendant des années de campagne médiatique et qui n'a pas pété les plombs, est beaucoup plus raisonnable qu'une secrétaire, dans une commission scolaire, qui prend un antidépresseur, mais on ne peut pas convaincre les gens. Il reste le symbole du couteau, quand même.

Alors, c'est pour cela qu'il serait mieux que, dans ces cas-là, le gouvernement se prononce aussi parce que ça devient une surenchère médiatique. On ne sait pas. Dans l'affaire du kirpan, je peux vous dire exactement, à Montréal, ça ne concernait que deux jeunes sikhs sur à peu près, je crois, 25 000. C'est quoi, deux sur 25 000? Mais on est allé jusqu'à Waterloo. On l'entendait à Waterloo. C'est loin quand même de Montréal, hein? On entend parler du kirpan dans toutes les écoles de Montréal. Alors, il serait bon que quand même le ministre de l'Éducation ou quelque autre autorité, le gouvernement, dans ces cas-là, prenne une position comme ça s'est fait dans beaucoup de pays européens.

Mme Lefebvre: Bien, oui.

Le Président (M. Brodeur): Comme vous voulez.

Mme Lefebvre: Bien, il reste combien de temps?

Le Président (M. Brodeur): Vous avez 8 min 55 s d'écoulées.

Mme Lefebvre: ...je vais attendre au prochain tour.

Le Président (M. Brodeur): Parfait. Mme la ministre.

Mme Thériault: Je voudrais rester sur le sujet que vous avez abordé avec la députée de Laurier-Dorion parce que vous dites: Les gouvernements. Moi, je vous ferais remarquer que les médias ne passent que ce qu'ils veulent bien passer et que, même si les gouvernements veulent passer des messages, très souvent ils ne sont pas entendus. Et je peux vous dire que comme ministre et comme députée et mes collègues de l'autre côté, celles qui ont été ministres ou secrétaires d'État savent très bien que très souvent, lorsque le gouvernement veut dire quelque chose, il faut qu'on le crie 10 fois, puis des fois c'est retenu une fois et encore. Et des fois on peut faire des entrevues et finalement, bien, il n'y a rien qui va sortir.

Puis je vais vous donner un très bel exemple de comment des fois on ne contrôle mais absolument rien. La semaine passée, lorsque nous avons débuté les travaux ici, à la commission, nous avons eu des entrevues à la télé avec les journalistes, et malheureusement, mercredi passé, il y a eu l'incident malheureux à Dawson. Donc, résultat, tous ceux qui voulaient réellement couvrir la commission se sont laissé emporter par les événements qui méritaient une couverture médiatique mais qui ont eu pour effet de moins couvrir ce que nous faisons ici, alors que c'est un débat de société qui s'engage.

Les propos de Mme Wong. Moi, je peux vous dire, j'ai parlé à un journaliste de La Presse canadienne hier. Bien, aujourd'hui, il n'y a pas d'article, dans le journal, de ce journaliste-là. Est-ce que je vais commencer à appeler tous les journalistes pour leur dire que je trouve que c'est inconcevable, ce qu'elle a dit, qu'elle est bourrée de préjugés puis que ce n'est pas à elle de venir juger comment le Québec fait son intégration et son immigration, alors qu'on est une province qui est citée en exemple dans tous les quatre coins du pays, dans toutes les provinces? Les autres s'inspirent, y compris le gouvernement fédéral, de ce que nous faisons.

Bon. Je me dis que les médias quelque part ont quand même une certaine responsabilité, parce qu'on a beau vouloir passer un message, que ce soit nous, comme gouvernement, ou que ce soit les membres de la communauté, il est évident qu'il doit y avoir différents leaders qui peuvent se positionner, qui peuvent avoir des opinions sur les choses. Mais hier on avait les gens du Maghreb qui disaient qu'effectivement, bon, les médias avaient décidé que c'était une personne, le porte-parole, alors que cette personne-là ne reflète qu'une infime partie de la communauté. Et, je suis d'accord avec vous, moi, le kirpan... On l'a dit, vous savez, il y a peut-être 10 % de la population sikh qui pratique sa religion de manière plus poussée que d'autres, comme dans toutes les religions évidemment, mais ce n'est pas ces 10 % là qui ont demandé non plus un accommodement raisonnable. Mais pourtant on a stigmatisé toute la communauté sikh, alors qu'il n'aurait pas fallu. Et, dans chaque accommodement raisonnable, c'est toujours comme ça.

C'est sûr que, quand il y a des lignes ouvertes aussi dans les radios, on ne peut pas empêcher les gens de s'emballer, mais il y a des animateurs qui vont attiser et qui vont susciter les propos des gens aussi. Est-ce qu'on devrait penser à déclarer quelque chose pour les propos haineux?

Mme Kada (Assia): C'est ça. Les médias, ça, c'est un autre point aussi, même par rapport aux reportages, par exemple, qu'ils font sur des événements ou sur des pays. Et ils partent là-bas et ils montrent, dans le pays même, une petite partie de ce qui se passe, d'un groupe, comment il fonctionne. Alors, c'est sûr, ici, les gens pensent que toutes les personnes qui viennent de ce pays fonctionnent comme ça, et ce n'est pas vrai. Et ça, c'est désolant.

M. Lingane (Zakaria): Moi, je vais être un peu provocateur. Quand M. Norman Spector appelle le Globe and Mail pour écrire un article, il l'écrit le lendemain. Alors, je m'étonne que le gouvernement du Québec, dans des crises sociales comme ça, ne puisse pas donner de la voix et se faire entendre. Je comprends qu'il y a la liberté de la presse, que la presse passe ce qu'elle veut.

Mme Thériault: Ça, c'est un choix du journal en question d'avoir reproduit la lettre du premier ministre dans le courrier au lecteur, sur une très petite colonne, alors qu'il aurait pu lui donner beaucoup plus de place et beaucoup plus de visibilité parce que ça méritait d'avoir plus de place, mais c'est un choix de l'éditeur. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse comme gouvernement, nous, alors qu'il y a la liberté de presse et la liberté d'opinion des médias? La question, elle n'est pas évidente, hein?

M. Lingane (Zakaria): On va se créer une...

Mme Thériault: À part de demander à tous les gens qui nous écoutent et les gens qui sont ici d'inonder le journal en question de lettres de protestation... la façon dont ils ont laissé aller les choses? C'est à peu près le seul pouvoir qu'on a.

M. Lingane (Zakaria): ...de nous dire que nous sommes impuissants?

Mme Thériault: Bien, je ne veux pas dire qu'on est impuissants, sauf qu'il est évident que, du point de vue politique, entre le politicien puis un journal, déjà, il y a un grand... N'importe quel média. Il n'y a pas un politicien qui va dire à un journaliste ou à un propriétaire de média quoi dire, quoi faire, quoi écrire, quoi montrer à la télé sous l'indépendance de, sur le fait qu'on a une liberté d'expression.

On l'a vu avec la crise des caricatures de Mahomet. Ici, il n'y a pas personne qui a voulu reproduire ou presque pas personne qui a reproduit les caricatures, et je pense que c'était un choix qui était judicieux, qu'il ne faut pas attiser plus qu'il faut. Puis des fois ce n'est pas nécessaire d'en rajouter par-dessus alors que tout le monde pouvait avoir accès à ces caricatures-là sur Internet. Est-ce que c'est une liberté d'opinion et d'expression ou si on assume les choix qu'on fait ou que les auteurs d'articles devraient assumer leurs choix? Moi, j'ai toujours dit à mon fils: Tu sais, mon fils, tu as le choix. Ça, je te demande de ne pas le faire. Tu peux respecter ce que je t'ai demandé. Mais, si tu le fais, il faut que tu t'attendes à vivre avec des conséquences. Tu le sais, que je ne veux pas que tu fasses ça.

Est-ce qu'on doit mettre des conséquences lorsqu'on exagère, ou qu'on déforme les propos, ou qu'on incite à la haine?

M. Lingane (Zakaria): Bon. Ce qui est rassurant, c'est que ce n'est pas tous les médias qui abondent dans le négatif. Il y a des médias qui prennent soin quand même, d'un point de vue éthique, d'interroger les différentes parties quand il y a des crises de ce genre. Même, l'affaire du kirpan, Radio-Canada a eu une couverture qui était correcte. Je ne dirais pas la même chose de TQS.

Mme Thériault: Non, mais c'est sûr que, la question des médias, moi, je pense qu'on peut... Vous l'avez dit, avec la... diversité, je pense qu'on peut sensibiliser. Je pense qu'on peut aussi s'assurer qu'il y a des mentalités qui changent. Si on a été capables de le faire dans d'autres domaines, j'imagine que celui-là aussi peut être intéressant. Moi, je regarde, je me dis: Bon, il fut un temps où on a eu une Michaëlle Jean qui était à la télé. On voit Normand Brathwaite. On voit Lynda Thalie régulièrement. On voit ? son nom m'échappe...

(Consultation)

Mme Thériault: Il y a effectivement Herbie Moreau aussi. Donc, il y a une certaine diversité qui peut être présente à la télé. Mais pensez-vous qu'on pourrait, je ne sais pas, moi, essayer de demander aux médias, autres que les animateurs, d'avoir plus de contenu, d'avoir des émissions qui vont avec la richesse de la diversité culturelle? Comment découvrir nos gens pour ne pas montrer toujours les tabous? Comme les gens du Maghreb nous disaient, quand tu parles des Algériens, c'est soit le couscous ou bien des gens qui sont en train de faire leur prière. C'est un cliché, là, mais il y a des clichés pour beaucoup de communautés aussi.

Mme Kada (Assia): Le problème au niveau des chaînes de télévision, c'est qu'eux-mêmes vont dire... bien, TQS ou TVA vont dire: Ce n'est pas notre problème, c'est le problème du producteur. C'est-à-dire qu'eux, ils ne peuvent pas décider de la diversité au niveau des émissions ou des séries qui passent, c'est le producteur. Donc, ça revient au public, ça revient à l'éducation au niveau grand public.

n(15 h 50)n

M. Lingane (Zakaria): ...ne peut pas rester aux voeux, là, aux incantations. La précédente intervenante disait qu'on a des crédits d'impôt. Ils servent à quoi? Le producteur, il a un crédit d'impôt. Bien, monsieur, vous allez suivre ce que je vous demande, c'est moi qui vous donne... Je crois que des fois la contrainte ou l'incitation, ce que j'appelle l'incitation forte, permet quand même de corriger certains tirs.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: ...pour poursuivre, là, la discussion, c'est sûr que l'impact qu'on peut avoir sur les médias, bon, tu sais, je veux dire, on est dans une société libre, donc c'est parfois difficile. Mais c'est sûr que, comme vous le dites, sur les sociétés d'État, notamment Radio-Canada ou Télé-Québec, bien là le gouvernement... C'est sûr que dans le fond c'est payé à même nos taxes et impôts, donc on peut influer davantage. Puis, comme vous disiez, les crédits d'impôt aussi, ça peut être une autre option à évaluer. Il faudrait d'ailleurs, sans doute, le faire.

Juste rapidement, parce que mes collègues ont des questions pour vous. Vous parlez, à la page 27, de la création d'un office gouvernemental de veille contre le racisme. Je veux juste vous entendre juste rapidement là-dessus, puisque vous n'avez pas eu l'occasion d'en parler pendant votre présentation, puis je trouve intéressant de vous interpeller là-dessus. Donc, vous parlez, bon donnez des exemples de ce qui se fait dans d'autres pays, notamment, bon, un ombudsman en Suède ou une commission pour l'égalité raciale au Royaume-Uni, un haut conseil de l'intégration en France. Vous dites: Il serait judicieux que cet organisme dépende de l'Assemblée nationale et coordonne l'action à la fois interministérielle et civile de lutte contre la discrimination et le racisme.

Je trouve que c'est une proposition fort intéressante. Est-ce que je peux vous entendre là-dessus, rapidement? Puis ensuite mes collèges pourront prendre la balle au bond.

M. Lingane (Zakaria): ...parce que la commission accomplit un travail qui est énorme. Sa position est noble dans le pays, mais le racisme est une affaire trop sérieuse pour être confiée uniquement à la commission. Le racisme est dilué dans les 12 motifs de la charte. Si vous regardez, chaque année, les statistiques des plaintes pour discrimination raciale, la commission n'en a pas beaucoup, hein? Et ce que les gens nous disent, c'est toujours ça: C'est trop compliqué, c'est une machine. Alors, il faut aller à la chose qui est spécifique. Puisque, des 14 motifs de discrimination de la charte, c'est un des motifs qui est le motif le plus résistant, le plus récurrent, il est bon qu'on lui dédie exclusivement un organisme de veille qui ne ferait que cela, comme il existe ailleurs, et ça donne de très bons résultats.

Ces organismes, on a cité un peu... Je ne veux pas énumérer les fonctions qu'on peut attribuer à cet organisme, mais ce serait une sorte de grand ombudsman qui, chaque année, dirait à l'Assemblée nationale: Voilà ce qu'on a fait, voilà les recommandations qu'on a faites à tel secteur, tel secteur concernant le racisme. Je pense que ça va donner plus de résultats. Au Royaume-Uni, ils ont d'excellents résultats à ce niveau-là. Toutes les réticences, par exemple, concernant le racisme systémique, c'est réduit, en Grande-Bretagne, à cause de l'équivalent de cet organisme, en Grande-Bretagne, parce qu'ils vont, jusqu'à la BBC, dire: Mais, écoutez, c'est ça qu'on veut, vous avez une année pour le faire.

Mme Kada (Assia): Et qui peut avoir aussi une mission plus large que ça en matière même... C'est-à-dire ça va être un organisme reconnu où... C'est-à-dire, surtout les organismes publics qui ont besoin d'informations, ça va être les ressources, tout ce qui est en rapport avec le racisme.

M. Lingane (Zakaria): ...je ne sais pas ce qu'elle en pense.

Le Président (M. Brodeur): Ah, elle pourra vous dire ça tantôt. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Oui, merci, M. le Président. Moi, je vais aborder, à la page 23, le dossier, ce qu'on appelle la police, là, et je voudrais spécifier, à ce moment-ci, que, si je parle toujours de la police, c'est parce que c'est mon dossier à l'opposition officielle, hein? À chaque fois que j'interviens, c'est toujours sur la police. Alors, c'est parce que c'est le dossier...

Le Président (M. Brodeur): ...

Mme Papineau: Voilà. Écoutez, à la page 20... D'abord, vous posez la question. Vous dites, bon: Comme le souligne le document de consultation, comment se fait-il que malgré les études, les réformes, la police de quartier ? ta, ta, ta ? que les relations avec les policiers et les groupes minoritaires restent si mauvaises? Première question.

Deuxième question, dans le paragraphe suivant, vous parlez de fichiers ethniques informels établis par des patrouilleurs qui photographient et recensent illégalement leurs victimes. Est-ce que vous êtes au courant de cas précis? Et est-ce qu'il y a eu des plaintes à cet effet-là?

Et la troisième question que je vous poserai. Vous parlez de cartes signalétiques précisant l'origine ethnique des personnes arrêtées, mais vous ne pensez pas que, quand le policier arrête, par exemple, Assia Kada ou Rivka Augenfeld, déjà ça indique une origine ethnique? Pourquoi avoir une carte comme ça? Un, deux, trois.

Mme Kada (Assia): C'est-à-dire la carte comme ça, c'est...

Mme Papineau: ...de remplir une carte. Les policiers en Ontario. À Kingston, en Ontario, les policiers remplissent une carte signalétique précisant l'origine ethnique de toutes les personnes interrogées, arrêtées ou fouillées. Mais quand on arrête, par exemple, Assia Kada, ou Rivka Augenfeld, peu importe le nom, je veux dire, pourquoi est-ce que ça limiterait, parce que vous dites que cette procédure a permis de réduire considérablement le profilage racial? Pourquoi?

M. Lingane (Zakaria): Connaissez-vous la carte signalétique dont on parle?

Une voix: Non.

M. Lingane (Zakaria): Ah, c'est une procédure que les policiers de Montréal ne veulent pas entendre parler.

Mme Papineau: Pourquoi?

M. Lingane (Zakaria): Mais parce que ça entraîne une certaine imputabilité. Toutes les arrestations auxquelles vous procédez, vous êtes obligé de justifier sur un document: Un tel, tel, tel, et le motif de l'arrestation. Si, vous, le policier, subitement on se rend compte qu'à la fin du mois vous arrêtez particulièrement certaines communautés, il faut bien le justifier. Pourquoi, vous, vous avez 30 % de Noirs plus que les autres, 40 % d'Arabes plus que les autres? Vous voyez ce que c'est? C'est la fonction.

En fait, c'est une fonction dissuasive qui amène le policier simplement à fouiller quelqu'un, même s'il est... des minorités visibles que lorsqu'il est fondé à le faire, il est suffisamment fondé à le faire et qu'il ne le fait pas par caprice. Vous voyez ce que je veux dire? Vous êtes dans une... Parce que vous n'avez pas le profil blanc, on vous arrête trois fois, dans la même journée, parce que ce n'est pas possible que vous ayez une... Pourquoi? Mais, quand le policier a la carte signalétique, bien il n'arrêtera pas trois fois le même passager dans la journée. Donc, ça a un effet. Alors, moi, je vous renvoie à cette étude, à cette pratique policière qui se fait aux États-Unis. Et puis les résultats sont là, ils sont indiscutables, mais il y a de la résistance. Au Québec, on ne veut pas entendre parler de cela parce qu'accepter cela, c'est reconnaître qu'il y a un problème.

Mme Papineau: Mais vous dites que l'on reconnaît le phénomène. Vous le dites, qu'au SPVM par contre... Dans la même page, vous dites qu'à Montréal le SPVM reconnaît que ce phénomène existe dans ses rangs.

M. Lingane (Zakaria): Mais pas jusqu'au point d'introduire la carte signalétique. On va donner des formations. On va en redonner encore, des formations, et puis, de formation en formation, il y a des traditions conservatrices qui sont spécifiques à la Police, qui ne changeront pas du jour au lendemain, par incantation.

Mme Papineau: ...aux fichiers ethniques informels?

M. Lingane (Zakaria): ...ne peut pas vous donner notre source.

Mme Papineau: Non, je ne veux pas avoir votre source, mais je vous le dis. Donc, ça existe, puisque vous l'avez marqué là.

M. Lingane (Zakaria): Ça existe, oui.

Mme Papineau: Donc, vous êtes au courant de cas précis.

M. Lingane (Zakaria): Oui, oui, oui. Ils arrêtent le jeune homme, sortent l'album. Dans l'auto le patrouilleur, il dit: Regarde, j'ai ton nom, hein, je t'ai déjà vu l'autre fois. C'est de la menace. C'est du harcèlement.

Mme Papineau: Mais est-ce qu'il y a eu des plaintes dans ce sens-là?

M. Lingane (Zakaria): Je pense qu'il y a eu une plainte, mais il faut prouver. Ils photographient des jeunes des minorités, mais il faut les surprendre en train de les photographier. Si ça vous intéresse sur le sujet, alors vous pouvez contacter l'association qui est nommée ici, là, les mères de Saint-Michel.

Mme Papineau: ...

M. Lingane (Zakaria): Non, il y a une association de femmes, là. Des mères, oui, oui, des mères contre le profilage. Elles sont parfaitement au courant de ça. Elles ont même...

Une voix: ...

M. Lingane (Zakaria): ...elles ont des...

Mme Papineau: Parfait, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe, pour une courte question.

M. Dion: C'est toujours très court, hein, ce que je dis. Merci, M. le Président. Alors, comment fait-on pour raccourcir tout ça?

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Je pense qu'elle va être très courte, en effet. Je voulais juste faire un commentaire à la suite de ce que Mme la ministre a dit, c'est qu'on oublie parfois qu'il y a quelque chose qui est antérieur, je pense, à la liberté d'entreprise, la liberté de presse et la liberté d'opinion, c'est le droit du public à l'information et à une information complète, c'est-à-dire relativement complète, c'est-à-dire pas seulement une information, mais à l'information, et ça, je pense qu'il y aurait beaucoup à dire là-dessus.

n(16 heures)n

Et vous avez parlé d'éducation et de donner des cours, dans les classes, sur la tolérance, et tout ça. Moi, je pense que c'est important que les enfants soient sensibilisés à cela, mais c'est plus les professeurs qui ont besoin de recevoir ces cours-là que les enfants parce que l'enseignant, il va intervenir dans les cas concrets, et c'est à travers les cas concrets qu'il va sensibiliser les enfants, je pense, plus qu'à travers des cours théoriques qui ne conduiront pas à grand-chose, je crois.

C'étaient deux petits commentaires. J'aimerais avoir votre réaction par exemple.

M. Lingane (Zakaria): ...allés deux fois chez vous, hein, à Saint-Hyacinthe. Et comment elle s'appelle? Hyacinthe-Delorme. C'est chez vous, ça, la polyvalente Hyacinthe-Delorme?

M. Dion: Oui.

M. Lingane (Zakaria): Ah, bien nous sommes allés deux fois.

Mme Kada (Assia): Non, c'est vrai que, dans certaines écoles, c'est vrai, c'est beaucoup les enseignants. Enfin, beaucoup les enseignants ont besoin aussi d'être sensibilisés à la question, c'est vrai. Et je pense quand même qu'il y en a beaucoup aussi qui sont là, qui sont présents, qui s'impliquent. Mais, je dirais, c'est beaucoup plus par méconnaissance, c'est-à-dire par ignorance, plus.

M. Lingane (Zakaria): ...dans le document, les enseignants sont souvent réticents, hein? Ils trouvent que c'est un enseignement qui n'est pas essentiel. Comme vous savez... l'éducation est essentielle. Alors, ils sont parfois réticents.

Ici, à Québec, nous sommes venus régulièrement, dans quatre écoles, et, dans ces écoles-là, il y a une question piège qu'on pose, la question aux jeunes. On demande: Il y a combien de races sur la terre? Il y en a qui disent: 500, 200, 300. Et les enseignants qu'on avait dans deux collèges, ici, très renommés continuent à enseigner ça aux élèves. Il a fallu qu'on vienne pour qu'ils se rendent compte qu'effectivement ils doivent se mettre à jour.

Vous avez peut-être raison, qu'il faudrait s'intéresser aux enseignants, mais nous sommes déjà avec les jeunes, alors, si incidemment on touche les enseignants, tant mieux.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, merci à La Fondation de la tolérance. Et je vais suspendre jusqu'à 16 h 10 où nous entendrons le Réseau de communication pour la prévention d'actes criminels.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

 

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux et nous recevons le Réseau de communication pour la prévention d'actes criminels. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement la façon de procéder. Vous étiez ici, il y a quelques instants. Donc, vous avez un temps maximal ? et, je le répète tout le temps, un temps maximal ? de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires ou de votre mémoire, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

En débutant, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et ensuite de ça de prendre la parole et passer à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Réseau de communication pour la
prévention des actes criminels (RECOPAC)

M. Mousenga (Jean Marie): Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés.

Le Réseau de communication pour la prévention des actes criminels, dont je suis le directeur. Mon nom est Jean Marie Mousenga. J'ai, à ma gauche, la présidente de l'organisme.

Mme Alphonse (Myriam): Mon nom est Myriam Alphonse. Bonjour.

M. Mousenga (Jean Marie): Et à ma droite...

Mme Ntumba (Sidonie): ...Sidonie Ntumba...

M. Mousenga (Jean Marie): ...qui est membre de notre organisme. Alors, nous sommes heureux de venir ici, à l'hôtel du Parlement, réagir au document de consultation du gouvernement du Québec intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

Pour le Réseau de communication des actes criminels, qui a pour mandat bien sûr de proposer de nouvelles pistes d'action pour répondre au fléau de la délinquance, de la violence et de la criminalité dans les communautés noires, nous considérons que la réussite de la politique de lutte contre le racisme et la discrimination dépendra d'abord du niveau d'intégration de toutes les personnes immigrantes qui composent la société québécoise. Or, pour nos jeunes et les nouveaux arrivants cette intégration est difficile à réaliser à cause des différentes barrières auxquelles ils font face, telles que les discriminations raciale et systémique. Pour ces raisons, le RECOPAC insiste sur les mesures à prendre afin de contrer ces barrières discriminatoires qui rendent nos jeunes violents.

Nous commencerons par saluer cette initiative du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles sur la pleine participation qui est, à notre point de vue, mise de l'avant afin de combattre les problèmes croissants du racisme et de l'intolérance, qui présentent une menace pour les droits de l'homme et les valeurs démocratiques au Québec. La rédaction de ce mémoire représente un point de départ pour un dialogue continu et actif entre les jeunes issus des minorités visibles, lesquels nous représentons ici, toutes les personnes immigrantes et le gouvernement du Québec en vue d'identifier des solutions pour résoudre les problèmes de racisme et d'intolérance auxquels le Québec doit faire face.

Certains des domaines clés identifiés par le RECOPAC comme méritant une attention particulière sont la discrimination existant dans la pratique, dans certains domaines de politique sociale, tels que l'aide à l'insertion sur le marché du travail, ou bien encore en matière d'accès au logement, la situation des immigrants sans-papiers et les actions violentes qui ont pu être observées ces dernières années.

Comme recommandations, nous proposons un plan d'urgence pour la prévention, par exemple: embauche de 5 000 éducateurs spécialisés de race noire; le développement des conseils de médiation et de prévention dans chaque arrondissement, favorisant le dialogue entre les habitants, la police et les autorités locales; l'ouverture des permanences d'accueil pour encourager les victimes et les témoins de discrimination à réagir et à entamer des démarches réparatrices ? exemple, des propos racistes proférés au cours d'un différend entre voisins, lors d'un entretien d'embauche, entre collègues, refus d'ouverture d'un compte bancaire, refus d'embauche, doute ou certitude d'être discriminé ? autant de cas qui marquent l'étendue et la banalité de ces phénomènes au quotidien.

Le formation policière. Suite aux problèmes qui se sont posés dans différentes unités de police ou dans les lieux privés et publics, lors d'arrestations et de détentions préventives ayant pris une connotation violente et raciste, le RECOPAC pense qu'une campagne de sensibilisation accrue auprès des forces de police ou bien encore des stages de formation seraient très utiles pour prévenir ces violences et renforcer la conscience de leurs responsabilités face aux problèmes de racisme. Les policiers devraient être formés aux questions relatives au racisme et à la discrimination, sans quoi les actes de violences racistes continueront à être pratiqués.

Tout en tenant compte de la compétence de la magistrature en ce domaine, le gouvernement pourra quand même créer une inspection générale de l'administration interne chargée de contrôler les autorités policières. Cette inspection générale sera une entité autonome dirigée par un juge et contrôlera toutes les activités des force de police. Le RECOPAC se félicitera de la mise en place de cette inspection et l'encouragera à s'occuper de toute discrimination, pratiquée par les forces de police, avec la sévérité nécessaire pour mettre en évidence la gravité de tels comportements.

En matière d'emploi, le taux de chômage chez les jeunes Noirs ne cesse d'augmenter, ce qui rend la situation économique et sociale encore plus difficile. Ainsi, que ce soit dans le domaine de l'insertion sur le marché du travail que la discrimination vis-à-vis des immigrants et des minorités ethniques soit la plus inquiétante, les taux de chômage les plus élevés concernent les personnes immigrantes. Selon plusieurs sources, dont celles du gouvernement, la moitié de la population immigrante est inactive, ce qui est assez préoccupant lorsque l'on sait qu'en majorité ce sont des hommes jeunes qui sont touchés par ce phénomène.

Nous proposons l'harmonie entre les races comme pilier de la société québécoise. Nous savons tous que la vitalité des affirmations identitaires ethniques, culturelles et religieuses observables au Québec donne une nouvelle épaisseur à la question du racisme. Ainsi, le RECOPAC propose l'harmonie entre les races comme pilier de la société québécoise. Réaliser l'harmonie des relations entre les races qui sera le fruit de multiples métissages marquera l'histoire du Québec et fera de lui un pilier de la démocratie. Le peuple québécois est pluriel, composite et malgré tout uni pour constituer un seul et même peuple, d'où l'importance de parler d'abord de démocratie sociale et ethnique qui marquera le caractère positif du métissage de la population.

En conclusion, cette lecture du racisme s'appuyant sur la réalité des discriminations raciales, c'est-à-dire le traitement défavorable d'une personne ou d'un groupe en raison de son origine réelle ou supposée, de son apparence ou encore son patronyme, élargit considérablement la reconnaissance du phénomène qui dépasse désormais le cadre des quartiers défavorisés ainsi que le champ de ses formes les plus flagrantes, telles l'insulte ou la violence physique. C'est dans ce contexte que l'action gouvernementale déploiera une politique spécifique de lutte contre les discriminations raciales.

Cette mise en oeuvre de politique de discrimination positive donnera une nouvelle épaisseur au débat sur la question nationale. Mesdames et messieurs, nous vous remercions.

Le Président (M. Dion): Alors, je vous remercie beaucoup et, sans plus de préambule, je vais donner la parole à Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Mousenga, Mme Alphonse, Mme Ntumba, merci d'être avec nous aujourd'hui pour partager sur cet enjeu qui est important lorsqu'on parle de discrimination et de racisme.

n(16 h 20)n

Je pense que vous l'avez bien évoqué dans votre mémoire aussi, que les communautés noires sont directement visées. Vous avez apporté différentes recommandations. J'aimerais peut-être vous entendre sur votre deuxième recommandation, lorsque vous dites: «Le développement des conseils de médiation et de prévention dans chaque arrondissement, favorisant le dialogue entre les habitants, la police et les autorités locales.» J'aimerais savoir comment vous voyez cette instance-là, cette place de dialogue là.

M. Mousenga (Jean Marie): Merci, Mme la ministre. Nous savons tous que, dans des quartiers défavorisés surtout, parce que c'est là où on met notre accent, souvent on voit les hommes et les femmes politiques lors des élections seulement, lorsqu'ils sont en campagne. Les policiers viennent là juste lorsqu'il y a arrestation ou lorsqu'il y a un problème. Alors, en termes de médiation, c'est quoi? Ça permettrait. C'est... qui permettrait la collaboration, c'est-à-dire les élus devraient venir, dans des quartiers sensibles, parler, dialoguer avec la population locale. Les policiers, la même chose. On a la police communautaire, mais cette police-là n'a pas vraiment le caractère communautaire dont, entre guillemets, elle porte.

Alors, la police communautaire devrait venir dans des quartiers sensibles et dialoguer avec les jeunes surtout et leurs parents, identifier certains jeunes, les identifier dans le sens de les connaître, les nommer: Richard, comment tu vas? Zacharie, comment tu vas? Mohamed, etc. Ça, ça va permettre le dialogue, ça va rapprocher la population envers la police qui est très mal vue aujourd'hui. Ça va rapprocher la population envers les hommes et les femmes politiques qui sont aussi mal vus dans ce sens qu'ils sont un peu loin de la population. Ça, c'est le langage.

Dans les quartiers sensibles, on ne voit nos élus que lorsqu'il y a un problème ou lorsqu'ils sont en campagne, mais, dans la vie générale, on ne les voit pas. Alors, lorsque maintenant il y a cette collaboration-là qui s'est faite entre la population, et les élus, et la police, les écoles aussi, je pense que ça va être difficile qu'on connaisse les cas, dont on parle aujourd'hui, de discrimination ou de violence dans des quartiers sensibles.

Mme Thériault: C'est évident que je ne peux parler pour les autres élus, mais, moi, je peux vous dire que, puisque je suis une députée terrain, dans mon comté, je suis très présente. Et tous ceux qui ont passé le test d'une élection ? et bon je pense que je vois les hochements de tête de mes collègues qui sont aussi très présents, eux aussi, dans leurs comtés ou dans leurs quartiers ? lorsqu'on a passé le test d'une élection, il est vrai qu'on peut se le faire dire. Moi, je me suis fait dire la première fois: On ne vous connaît pas, on ne vous a jamais vue. Les politiciens, on les voit juste quand on est campagne électorale. Ah, je dis: Là, ça dépend si les gens sortent ou pas. Mais, moi, je peux vous dire qu'à la deuxième élection il n'y a pas personne qui m'a dit ça. Parce qu'effectivement, auparavant, je n'avais pas de fonction politique. Donc, oui, j'étais impliquée quand même dans mon comté, je faisais beaucoup de bénévolat, et ce n'étaient pas tous les secteurs qui me connaissaient, mais il y avait quand même des gens qui me connaissaient, sinon je n'aurais pas pu me faire élire, et c'est comme évident, à mon sens.

Moi, je peux vous dire que je suis présente et je me demande d'un autre côté: Est-ce que vous avez déjà lancé des invitations aux politiciens pour qu'ils puissent aller rencontrer les jeunes, pour qu'ils puissent aller discuter avec eux aussi de leurs points de vue? Parce que, moi, je le fais dans mon comté. Mes collègues, j'ai l'impression qu'ils le font dans leurs comtés. Je sais qu'ils sont beaucoup sur le terrain. Maintenant, c'est sûr qu'il y a différents niveaux de politiciens aussi. Je comprends qu'il y a des députés fédéraux, provinciaux, municipaux. Il y a aussi les élus scolaires qui sont très présents normalement. Bon. Je comprends qu'on gagne toujours à plus dialoguer et à se faire connaître, sauf que je me dis: Bien là, encore faut-il nous inviter. Et je prends la peine de dire: Encore faut-il nous inviter, parce qu'il se peut qu'il y ait des politiciens, peu importe le niveau, qui ne connaissent pas nécessairement tous les groupes, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui se forment. Il y en a à toutes les années, évidemment.

Et encore faut-il inviter les politiciens, parce qu'effectivement il y a des gens qui vont nous inviter, mais il y en a d'autres qui disent: Bien, je n'y ai pas pensé. Puis, je vous le dis, là, moi, j'ai vécu l'expérience dernièrement, dans un groupe, dans mon comté, qui est une nouvelle association, qui fait un travail extraordinaire surtout auprès des enfants, et les gens n'ont pas pensé du tout à m'inviter. Puis c'est moi qui ai pris mon téléphone, puis nous les avons appelés pour leur dire: Bien, pourquoi vous ne nous avez pas invités?

M. Mousenga (Jean Marie): Justement. Et, nous, ici nous parlons tout d'abord des jeunes, et vous savez comme nous que les jeunes ont pris de la distance vis-à-vis des politiques. Alors, pourquoi il y a cette distance-là? Alors, c'est vrai que vous pouvez être connus par les gens d'un certain âge. Là aussi, il y a des barrière bien sûr, hein, il y a comme un conflit intergénérationnel.

Mais les jeunes, aujourd'hui pourquoi ils ont pris la distance envers les politiques et envers nos politiciens? C'est ça, la question qu'il faut se poser, et c'est envers ces jeunes-là qu'il faut aller. Il y a deux ans, on avait invité Mme Elsie Lefebvre, ici présente, dans notre conférence ? je ne sais pas si elle se souvient de ça ? au centre... Mais ce sont les jeunes justement. On voulait montrer aux jeunes, leur donner des modèles. Elle, à l'époque elle était la plus jeune députée de l'Assemblée nationale. Elle est venue donner une conférence pour stimuler à ces jeunes-là: Non, attention, il y a l'avenir qui vient devant vous et qui est devant vous, venez voir quelqu'un de votre âge et faites comme lui.

Donc, ce sont des actions comme ça. On les mène. Chaque fois qu'on a l'occasion de présenter des modèles, on les présente. Ces modèles-là, ce sont des modèles aussi pour les jeunes, que les jeunes ne se découragent pas parce que l'avenir de demain pour le Québec, aussi c'est la jeunesse d'aujourd'hui. Alors, comment cette jeunesse-là peut prendre conscience aujourd'hui des responsabilités qui les attendent demain? C'est ça, la question qu'on devrait se poser.

Mme Thériault: C'est sûr qu'il faut se poser cette question-là surtout dans un contexte où nous avons beaucoup de jeunes de deuxième, de troisième, quatrième génération. Les statistiques sont alarmantes. Je pense que, dans le document, nous l'avons mentionné clairement aussi. Je pense qu'il est important de voir avec les jeunes pour ne pas qu'ils décrochent de la société, parce que, là, ça peut devenir très, très problématique, évidemment.

Mais, moi, je peux assurer que la majeure partie de mes collègues doivent certainement aller faire des tours dans les écoles, régulièrement, que ce soit primaire, ou secondaire, ou dans les maisons de jeunes, parce qu'on a tous des maisons de jeunes aussi dans nos comtés, et dans des fêtes familiales qui nous permettent de rencontrer les enfants. Maintenant, bon, c'est bien évident que, oui, nous, on a certainement une responsabilité de tenter de se rapprocher le plus possible de la population. Je pense que les députés essaient de le faire le mieux possible, mais évidemment, oui, il y a la vie politique comme telle, mais, moi, je peux vous dire qu'il y a aussi l'engagement social des jeunes. Je pense que, lorsqu'on peut les raccrocher à une cause et qu'ils puissent militer pour une cause, c'est une façon de faire de la politique aussi, définitivement.

Donc, je pense qu'il faudrait peut-être regarder de quelle façon on pourrait peut-être mieux orchestrer, mieux se servir des maisons de jeunes... pour pouvoir faire participer socialement ces jeunes-là pour éviter qu'ils décrochent justement puis qu'ils puissent s'impliquer dans la société, parce que, vous avez raison, c'est leur société. Nous, dans 20 ans, 30 ans, 40 ans, on ne sera certainement plus sur la scène publique, peut-être avant même, mais évidemment il y a d'autres jeunes qui sont appelés à prendre notre place et qui vont continuer le travail qu'on fait.

M. Mousenga (Jean Marie): Oui. Mme la ministre, vous parlez du décrochage scolaire, justement.

Mme Thériault: Non, je parle du décrochage de la société, je ne parle pas du décrochage scolaire.

M. Mousenga (Jean Marie): Bien, tout à l'heure, vous avez aussi fait mention au décrochage scolaire. Alors, sur ce point-là, c'est aussi une forme de discrimination. Pourquoi? Parce que les jeunes, leurs modèles les plus proches, ce sont leurs parents. Et souvent chez les... immigrants... et les jeunes, plutôt, immigrants, ils ont des parents à qui la société n'a pas donné de moyens pour remplir leur rôle en tant que citoyens. Ce sont des parents scolarisés mais qui n'ont pas de travail. Alors, ces jeunes-là se découragent aussi: Mon père ? il veut se poser des questions; mais mon père ? il est diplômé, il est ceci, cela, mais pourquoi il ne travaille pas?

Alors, à la longue, il va se décourager, il doit se poser des questions: Si mon père ne travaille pas, ça veut dire que, moi aussi, je n'aurai pas de travail. Alors ça, là, c'est un constat qu'on a fait dans des familles immigrantes, souvent. Pourquoi il y a décrochage? C'est ça, la question. Le modèle le plus proche, les parents, nos parents à nous qui ne travaillent pas malgré leur scolarité, malgré leur niveau, malgré que, dans nos pays, ce sont des gens qui occupaient des postes très importants. Mais pourquoi le Québec ne répond pas à cette forme de discrimination là? Alors, ça aussi, ça crée des problèmes à notre jeunesse, d'où le décrochage.

Mme Thériault: Vous avez raison. C'est sûr que les enfants doivent avoir des modèles positifs, et, comme société, on doit tout faire ce qui est en notre mesure pour que les parents puissent s'intégrer.

Je sais qu'on a travaillé beaucoup sur la reconnaissance des diplômes étrangers normalement qui peut permettre à une personne de mieux travailler à la hauteur de ses compétences. On n'a pas terminé, je pense que c'est un grand chantier. Il reste beaucoup à faire, mais, vous avez raison, les enfants doivent avoir des modèles positifs sur leurs yeux, et un des plus beaux exemples qu'on ne peut pas leur donner, c'est la réussite de leurs parents, vous avez raison.

On va revenir parce qu'on va manquer de temps. Merci.

Le Président (M. Dion): Merci, Mme la ministre. Je vais donner la parole maintenant à Mme la députée de Dorion et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration...

Mme Lefebvre: Il manque un petit bout, M. le Président...

Le Président (M. Dion): ...et des communautés culturelles.

Mme Lefebvre: ...le petit bout de «Laurier»: Laurier et Dorion.

Le Président (M. Dion): Ah, je n'ai pas mentionné ça.

n(16 h 30)n

Mme Lefebvre: Mais ce n'est pas grave, M. le Président, parce que, dans l'histoire, Laurier, c'est la partie qui est plus Parc-Extension, donc d'autant plus important aujourd'hui.

Alors donc, mesdames et messieurs, bienvenue parmi nous. Je suis heureuse de vous avoir entendus, et puis la lecture de votre mémoire était extrêmement intéressante. Vous avez une proposition d'ailleurs qui est extrêmement audacieuse. Donc, à la troisième page, vous proposez un plan d'urgence pour la prévention, notamment que l'on embauche 5 000 éducateurs spécialisés de race noire.

J'aimerais vous entendre sur cette proposition, élaborer peut-être le contexte et dans quel milieu, là, ces éducateurs devraient être en oeuvre.

M. Mousenga (Jean Marie): Oui. Alors, en proposant l'embauche de 5 000 éducateurs, c'est un chiffre, hein? J'enlève le chiffre, le nombre. En proposant ce nombre-là ou l'embauche carrément de, comment dire, de ces éducateurs-là de race noire, ce n'est pas que, nous-mêmes, on... C'est... raciste aussi, hein? Mais pourquoi on a proposé cela? Parce qu'aujourd'hui il y a quand même, il faut se le dire, dans des quartiers défavorisés, il y a une distance entre les Noirs et les Blancs. Nous, nous sommes ici pour parler des Noirs.

Alors, lorsqu'il y a un problème et qu'un policier blanc arrive ou, dans des écoles, quand c'est un éducateur blanc, le Noir, ils ont déjà leur point de vue, ils savent déjà qu'il y a une barrière. Alors, ces gens-là, ils ont du mal à les écouter, tandis que, nous, lorsqu'on arrive, on se connaît, on sait s'identifier, un jeune Noir arrivera toujours par écouter. Ça fait partie de la culture aussi. Chez nous, toute personne adulte qui donne des conseils, il faut l'écouter. Ça peut être ton grand frère. Donc, si la... est ton grand frère, c'est ton grand frère; si la... est de ton père, c'est ton père ou ta mère, vice-versa.

Alors, on a aussi cette forme de compréhension là ici, alors un éducateur de race noire. J'ai vu une scène il y a deux, trois ans, à Montréal-Nord, où j'ai beaucoup vécu aussi: la police arrive, c'est un jeune qu'on venait d'embaucher, Noir, qu'on a mis en premier plan pour justement calmer les jeunes, les jeunes Noirs à majorité haïtienne. Alors, ce jeune-là, il n'était pas préparé. Le jeune policier noir n'était pas préparé. On l'a mis là juste parce que c'étaient des Noirs, mais il a été insulté par des Noirs, comme quoi il est corrompu, ceci, cela, il est corrompu.

Alors, la formation dont j'ai parlé tout à l'heure, lorsque Mme la ministre a posé la question, il faut être près, beaucoup plus proche de la population, connaître la population. Là au moins, même s'il y a un problème, ces jeunes-là peuvent écouter. Mais ce n'est pas seulement attendre qu'il y ait un problème pour venir apporter, disons, venir justement apporter des solutions à ce problème-là, non. Il faut d'abord, avant la prévention, disons, avant les problèmes, aller prévenir. Prévenir, c'est le dialogue. Donc, on met beaucoup l'accent ici.

Alors, les éducateurs de race noire, c'est très important dans nos quartiers défavorisés. Pourquoi? Parce qu'on n'aimerait pas que la situation ici, au Québec, soit semblable un jour à celle des banlieues françaises.

Mme Lefebvre: Mais d'ailleurs, bien, j'ajouterais également que ça crée aussi des modèles pour les jeunes, donc des modèles d'autorité. Puis, sur vos derniers propos, là, sur ce qui s'est passé en France, le groupe précédent a abordé un peu cette question-là. Puis j'aimerais vous entendre sur une de leurs propositions.

Je vous l'indique rapidement. Il est inscrit, bon: «Bien que les cas de discrimination liés au logement frappent des catégories sociales larges, ce secteur mérite une attention particulière. Outre les mesures concernant le logement abordable qui favoriserait la mixité sociale et ethnique, il serait important que le gouvernement s'attaque à la discrimination dans les zones urbaines spécifiques, celles que l'on nomme les "quartiers mal aimés": [notamment] Parc-Extension, Saint-Michel, Montréal-Nord.» Puis ils amènent cette proposition parce qu'ils croient que, comme vous l'avez mentionné, il peut y avoir certaines situations de bombe à retardement si on n'agit pas rapidement puis parce que ça pourrait accroître le décrochage scolaire, l'accroissement de la criminalité des gangs de rue, puisque ces quartiers défavorisés vivent une forte ségrégation sociale et des concentrations ethniques doublées à une grande pauvreté.

Bref, j'aimerais vous entendre sur cette proposition de s'attaquer à la situation du logement dans certains quartiers plus défavorisés, notamment...

M. Mousenga (Jean Marie): Écoutez, la situation du logement surtout abordable, on sait que justement, comme on a fait allusion tout à l'heure au problème de manque d'emplois pour les personnes immigrantes, alors ce problème-là, le refuge, c'est quoi? C'est le logement abordable.

Or, le logement abordable, c'est beaucoup plus les immigrants qui forment la clientèle. Et pourquoi on ne parle pas de ghetto dans d'autres quartiers, un quartier où il n'y a que des Blancs, par exemple? Pourquoi on ne parlerait pas de ghetto? Bien, on parle des ghettos, c'est seulement là où il y a des Noirs, ou des Juifs, ou n'importe quelle race. Ça aussi, c'est causé par la politique justement, je peux dire peut-être, oui... du gouvernement de vouloir entasser les Noirs ensemble. On les entasse ensemble. Demain, ça va être un ghetto.

L'autre... dire: Lorsqu'on fait une demande de logement abordable, souvent les Noirs se retrouvent dans un quartier approprié. Alors ça, ça forme un ghetto. Ces jeunes-là qui grandissent ensemble, un jour ils forment une bande qu'on appelle généralement ici une gang de rue, bien que le terme soit emprunté des États-Unis. Nous, personnellement, on ne pense pas que les gangs de rue existent ici.

Mme Lefebvre: Mais là-dessus vous avez...

M. Mousenga (Jean Marie): Comment?

Mme Lefebvre: Bien, vous connaissez bien votre communauté. Parce que le fait que certaines communautés se retrouvent dans certains quartiers, je ne pense pas que c'est un... Il n'y a pas d'orientation, là, face à ça. Ça s'est fait avec le temps. Comment on peut faire pour essayer de créer une plus grande mixité? Parce que notamment vous parlez du logement abordable. Puis les listes, par exemple, pour les HLM, par exemple, bien les listes sont gérées par arrondissement. Donc, les gens se mettent sur une liste dans tel quartier, bien tel arrondissement, tel arrondissement.

M. Mousenga (Jean Marie): ...

Mme Lefebvre: Donc, c'est un choix quand même des individus de vouloir s'établir dans un quartier plutôt qu'un autre.

M. Mousenga (Jean Marie): Je ne pense pas que c'est géré par donc des arrondissements. C'est géré plutôt par la Régie du logement qui dépend du gouvernement du Québec.

Mme Thériault: ...maintenant c'est la ville.

Mme Lefebvre: Bien, c'est ça, mais il y a...

M. Mousenga (Jean Marie): Oui. Il y a certaines écoles, à Montréal... par exemple, ou à... vous allez là, vous vous posez des questions si on est au Québec ou pas, hein? C'est des écoles remplies de Noirs. Alors ça, là, un jour, ça va créer les ghettos, justement. C'est ce qu'il faudrait peut-être éviter avec la nouvelle politique du gouvernement. Comment faire pour diversifier la population?

Mme Lefebvre: Mais ça, c'est une dynamique. Mais celle de s'assurer que tout le monde puisse vivre dans un logement dans des conditions décentes, ça, j'imagine que c'est quelque chose qui vous préoccupe également, parce que, dans certains quartiers, on l'a vu dans les médias, dans les mois passés, il y a des quartiers où bon certains immeubles sont carrément insalubres. Et donc ça, au-delà d'où se trouvent les personnes, je pense que ce serait un idéal de société à atteindre, que tout le monde puisse vivre dans un logement décent.

M. Mousenga (Jean Marie): Oui. Ça, la balle est dans le camp du gouvernement.

Mme Lefebvre: Je vous remercie. Je vais céder la parole à ma collègue.

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Ah, déjà? Ah bon! Bien, on reviendra. Le temps passe trop vite.

Le Président (M. Dion): On pourra continuer le dialogue tout à l'heure. Je vais donner la parole maintenant, du côté gouvernemental, à Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Je vais continuer sur le logement puis après ça je vais aller sur la police. Donc, je suis... certaine que ma collègue pourra continuer la série de questions, puisque le temps est quand même assez limité.

Lorsque vous parlez de ghetto, j'ai des interrogations. Tout comme la députée de Laurier-Dorion, je ne crois pas qu'il y ait aucun gouvernement ici, précédent, passé, actuel, qui ait favorisé la création de ghettos, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays, notamment la France, qui a réellement construit des bâtisses à l'extérieur, dans des banlieues... pour réellement créer des ghettos. À Montréal ou dans n'importe quel secteur, moi, je suis plutôt d'avis que, lorsque les gens sont pauvres, ils vont aller dans ce qu'on appelle des HLM, parce qu'ils ont plus les moyens de pouvoir payer un logement qui peut être à la hauteur de leurs moyens financiers, je dirais. Et il est évident que, oui, c'est la Société d'habitation, mais c'est quand même régi par la ville de Montréal.

Puis, moi, je peux vous dire, parce qu'on a tous des gens qui viennent nous voir dans nos comtés pour aller dans des HLM, pour pouvoir payer moins cher parce qu'ils n'ont pas les moyens, sauf que, moi, je peux vous dire par expérience qu'il y a des gens qui nous ont déjà dit: Bien, moi, c'est cette bâtisse-là que je veux, pas l'autre. Et ça, c'est fréquent qu'il y a des gens qui vont vouloir se regrouper comme ça. Et on a beau dire: Oui, mais, si vous allez sur celle-là, la liste d'attente, elle est beaucoup plus longue que l'autre, et, moi, j'ai vu des gens refuser un loyer qui leur était proposé parce que ce n'était pas dans le secteur qu'ils désiraient aller.

n(16 h 40)n

Donc, je comprends que, oui, il ne faut pas favoriser les ghettos, mais de l'autre côté tu as quand même le libre choix des individus qui circulent sur le territoire montréalais. Et, s'ils ne veulent pas, ils ne veulent pas. Donc, c'est pour ça. Je comprends ce que vous dites. Oui, c'est correct, mais est-ce que c'est plus la pauvreté, qui fait qu'il y a un phénomène que les gens qui ont moins les moyens vont être plus ghettoïsés, et non pas nécessairement sur une base de couleur ou de race?

Donc, je pense que le questionnement mérite peut-être d'être approfondi, mais ce n'est pas aujourd'hui qu'on va pouvoir le faire parce qu'on va manquer de temps, de toute façon. Mais j'aimerais ça revenir sur la police et après ça je suis sûre que ma collègue pourra enchaîner. Vous parlez de la formation policière et vous dites: «...le RECOPAC pense qu'une campagne de sensibilisation accrue auprès des forces de police ou bien encore des stages de formation seraient très utiles pour prévenir ces violences et renforcer la conscience de leurs responsabilités face aux problèmes de racisme. Les policiers devraient être formés aux questions relatives au racisme et à la discrimination, sans quoi les actes de violences racistes continueront à être pratiqués.»

Depuis l'automne passé, il y a la notion, entre guillemets, de profilage racial qui est enseignée à l'école de police de Nicolet pour que justement les futurs policiers, les nouveaux policiers soient conscients qu'ils ne doivent pas faire de profilage racial. Je crois que c'est un pas dans la bonne direction. Ce n'est probablement pas le seul pas qu'on peut faire. Vous avez parlé d'un policier issu de la communauté haïtienne. Moi, je peux vous dire que, lorsque j'ai été en tournée, en Outaouais, on m'a dit: Nous voudrions avoir des policiers issus des communautés culturelles, mais malheureusement, bien, en Outaouais, les gens qui font des techniques policières au collège là-bas sont des Blancs. Ça fait que tu as beau vouloir dire: J'en veux, encore faut-il motiver les jeunes qui poussent à pouvoir y aller, sachant qu'il y a des ouvertures.

Donc, c'est évident que, dans différentes régions, exemple ? puis là ce n'est peut-être pas un bon exemple, mais je vais le prendre pareil ? s'il y a des gens qui sont au Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui s'en vont en techniques policières, ils sont Blancs, il n'y a pas beaucoup d'immigration là-bas, confronter à la diversité culturelle, c'est très rare, tandis que les jeunes qui sont formés à Montréal pour la plupart ont vécu avec des jeunes d'autres communautés, c'est très courant. Même moi, lorsque j'étais à la petite école, il y avait beaucoup d'autres communautés qui étaient dans mon école. Ce n'était pas une école de Blancs, entre guillemets.

Donc, il est comme évident que, si on peut miser sur cette richesse que nos jeunes ont, essayer de les orienter, eux aussi, à aller dans les techniques policières... Parce que, moi, j'ai vu de l'ouverture chez les corps policiers pour engager des policiers issus des communautés pour faciliter le dialogue avec les communautés. Donc, peut-être on devrait penser à créer des ponts avec différentes communautés où on sait que les corps policiers veulent avoir des policiers. Donc, est-ce que vous pensez que ça pourrait être une solution à envisager pour aider? Parce que, moi, je pense qu'un policier blanc qui est en contact avec un policier d'une autre nationalité, bien il est évident qu'à un moment donné tes tabous tombent, tes barrières, tes préjugés vont tomber. En tant que collègue de travail, c'est sûr que tu apprends à voir ton collègue comme un collègue. Pas un collègue noir, un collègue, point, un policier.

À un moment donné, on passe par-dessus la barrière de la couleur ou de la peau. Je pense que ça peut être intéressant. Qu'en pensez-vous?

M. Mousenga (Jean Marie): C'est vrai, vous avez raison, mais il y a certains postes de police à Montréal ? nous, nous parlons d'abord de Montréal d'où nous venons ? qui travaillent beaucoup plus que les autres, qui sont beaucoup plus en face de situations, par exemple, avec les Noirs. Alors, la population montréalaise comme telle, c'est une population qui est quand même mélangée, qui côtoie d'autres communautés, et donc c'est une population quand même préparée à cela. Mais, dans la police, le recrutement se fait sur le plan national. Il y a des policiers qui viennent, par exemple, des coins éloignés du Québec ? le Québec est tellement profond ? des coins où ces gens-là, peut-être ils n'ont jamais vu de Noirs comme ça. Ils les ont vus peut-être à la télé, mais comme ça, en réalité, ils n'ont jamais vu de Noirs et ils ne connaissent pas comment réagir face à un Noir.

Alors, tout ça, c'est de la formation dont on parle. Ce n'est pas seulement aller à l'école, c'est pratiquer cela sur le terrain. Ça peut être justement, comme je l'ai dit tantôt, aller, dans des quartiers défavorisés, côtoyer les Noirs, côtoyer les gens d'autres races, les connaître. La réaction que je peux avoir aujourd'hui, en face d'un Blanc, le Blanc peut peut-être dire: Ah, ce Noir-là ne m'aime pas ou ce Noir-là, il est bizarre. Faire des préjugés à partir de ma réaction. Et pourtant ça, ça peut être un code culturel chez moi.

Alors, tout ça, des petits codes comme ça, les mettre ensemble, ça crée une certaine réalité, se connaître et faire avec.

Le Président (M. Dion): Mme la ministre, vous avez encore une minute, une minute et demie.

Mme Thériault: Encore une minute et demie? D'accord. Puis vous avez raison qu'il faut se connaître plus, je suis d'accord. Je pense que malheureusement, des fois, nous avons des préjugés, mais il y a aussi des communautés qui ont des préjugés, et il faut rouvrir les ponts, il faut rouvrir les voies de dialogue. Et il est évident que plus on aura de solutions à portée de main, plus on aura de pistes de solution, plus on aura d'exemples concrets de choses qui se sont faites dans différentes communautés, ça pourra fortement aider d'autres communautés puis ça peut faire des petits.

Moi, je suis convaincue qu'il y a des exemples de postes de police de quartier, à Montréal notamment, qui pourraient très bien servir dans d'autres régions, que ce soit à Québec, que ce soit à Gatineau. Parce qu'il ne faut pas oublier non plus qu'avec la régionalisation de l'immigration il y a de plus en plus d'immigrants dans les régions et que le portrait peut évoluer assez rapidement. À Gatineau, voilà cinq ans, il y avait 5 % de la population qui était d'origine immigrante. Avec le nouveau recensement, lorsqu'il va sortir, les chiffres vont être aux alentours de 10 %. Donc, en cinq ans, on a doublé la représentativité des personnes immigrantes, des minorités visibles et dans une certaine région.

Donc, il est évident qu'il va falloir user des bonnes pratiques qui sont déjà mises en application dans certains postes de quartier pour pouvoir les faire bénéficier, les autres postes de quartier, ou encore les autres polices dans d'autres villes. Merci.

Le Président (M. Dion): ...Mme la ministre, on va pouvoir continuer le dialogue après. Je vais donner la parole maintenant à Mme la députée Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Et, moi-même, je vais donner la parole à ma collègue députée de Prévost.

Mme Papineau: Monsieur, mesdames, bonjour. C'est évident, à la lecture de votre mémoire, on retrouve, à la même page, huit fois le mot «police». Donc, il y a vraiment un problème. En tout cas, selon vous, il y a vraiment un problème, et, à ce que j'ai entendu, je pense que c'est surtout à Montréal, ce que vous avez dit tantôt.

Par contre, vous avez rapporté le fait qu'un policier ? si j'ai bien compris, et c'est pour ça que je voulais que vous répétiez... Vous nous avez dit qu'il y avait un jeune policier noir qui était arrivé dans la communauté noire et qui avait été mal reçu parce qu'on le disait un vendu.

M. Mousenga (Jean Marie): C'est ça.

Mme Papineau: C'est ça. Alors, comment on fait pour justement faire en sorte que ce policier établisse un dialogue avec sa propre communauté? Et c'est difficile, là. Vous dites que même les personnes de... communauté qui seraient policiers auraient de la difficulté à établir un dialogue.

M. Mousenga (Jean Marie): Alors, Mme la députée, c'est pour ça, tout à l'heure, que j'ai mis l'accent sur la collaboration, le partenariat. Pourquoi? Parce que ce policier a attendu qu'il y ait tension dans cette communauté-là noire pour venir intervenir. Alors, si le dialogue, le lien étaient déjà établis au départ, avant...

Mme Papineau: ...

M. Mousenga (Jean Marie): Si le lien était déjà établi, le dialogue, il ne serait jamais accueilli dans ce sens-là.

Mme Papineau: Mais il faut commencer à quelque part.

M. Mousenga (Jean Marie): Il faut commencer. Il ne faut pas attendre qu'il y ait tension pour parler à quelqu'un.

Mme Papineau: Mais ce ne serait pas le début d'un dialogue pour ce policier d'aller dans sa communauté?

M. Mousenga (Jean Marie): Vous savez, nous, dans l'intervention communautaire, lorsqu'il y a une tension comme ça, on attend d'abord que les choses se calment. Ce n'est pas quand les jeunes sont déjà au point où ils ne peuvent écouter personne qu'il faut venir. Il faut attendre, laisser passer le temps, après intervenir. Tout comme prévenir avant, avant les actes et non passer pendant les actes, c'est ça qui est très difficile et mal perçu par nos jeunes. Moi, je pense que, les jeunes à nous, on devrait avoir la visite souvent, fréquente des policiers même blancs, ça ne fera pas de problème.

Mme Papineau: ...

M. Mousenga (Jean Marie): Mais il ne faut pas que la police attende seulement quand il y a un problème. Les termes de «police communautaire», pourquoi «communautaire»? Alors, c'est cette communauté-là ensemble, venir: Comment tu vas? Mais pas attendre seulement quand il y a problème, quand il y a tension pour réagir, mais établir un dialogue bien avant.

n(16 h 50)n

Mme Papineau: Aussi, dans le même paragraphe, vous parlez d'une inspection générale. Vous semblez dire qu'il devrait y avoir un genre d'organisme qui contrôlerait les autorités policières.

Vous savez, on a établi, depuis quelques années, ce qu'on appelle le Code de déontologie policière. Vous savez que cet organisme fait en sorte d'entendre les plaintes. Et nous les avons entendus hier. Le Commissaire à la déontologie est venu et il nous a dit effectivement qu'il entendait des plaintes en racisme, discrimination.

Alors, est-ce que vous voulez avoir d'autre chose que le Comité de déontologie?

M. Mousenga (Jean Marie): ...on voulait avoir d'autre chose. Cette inspection-là, c'est une antenne. Pourquoi on propose cela? Vous savez, nous venons de pays où la police fait peur. Dans nos pays à nous, c'est la violence, la police ne coopère pas avec sa population. Vous savez, même chez nous, on voit pire que ça, mais on ne parlera pas de la discrimination, on va trouver ça normal. Pourquoi? Parce qu'on a vécu dans ce système-là. Mais ici ce n'est pas la même chose. Alors, pour les personnes qui sont discriminées, vous savez, ce qui se passe dans la rue et ce qui se passe dans des postes de police, c'est complètement différent. Dans des postes de police, c'est là où la police maintenant... tout ce qu'il avait encaissé dehors, lors des arrestations, là il vient maintenant pour exposer cela. Ce sont des insultes, des menaces, ceci, cela.

Alors, pour nous, qui n'avons pas chez nous ces systèmes-là judiciaires, on n'est pas un peuple qui a appris, dès le départ, quand il faut porter plainte, il faut ceci, cela, on n'a pas grandi dans ce système-là, alors ce qui fait que même ici on a beaucoup de gens qui ont peur. Porter plainte à la police, c'est comme si tu te cherchais des problèmes toute ta vie. Alors, une antenne comme celle-là, une inspection comme celle-là justement va éduquer cette population-là, venir montrer ce qu'ils ont droit et aussi venir montrer comment se défendre en face des actes proférés par la police.

Mme Papineau: Ah oui, mais ici ce n'est pas ça que vous dites. Vous dites qu'un juge contrôlerait les activités des forces policières.

M. Mousenga (Jean Marie): Tout à fait, à l'intérieur de cette antenne-là. Ça peut être dirigé par un juge, vous comprenez. Ça peut être dirigé par un juge mais avec des personnes de toutes races, avec des personnes compétentes qui sont issues aussi de l'immigration. Mais, comme, moi, par exemple, dans ma communauté, je vais donner de l'information, bon: si vous êtes face à un policier, lorsque vous vous sentez discriminé ou lorsque vous vous sentez en insécurité dans un poste de police, voici les démarches à faire. C'est de là qu'on parle de cette antenne-là.

Le Président (M. Dion): Est-ce que vous aviez d'autres questions?

Une voix: ...

Le Président (M. Dion): Non? Alors, M. Mousenga, mesdames, je vous remercie beaucoup. Tout ça va nous aider à voir plus clair dans cette problématique qui est tellement délicate et tellement difficile et qui ne va pas se régler sans beaucoup de temps, mais il faut continuer à faire des efforts pour avancer. Je vous remercie infiniment pour votre collaboration.

Alors, nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps de... à la Table de concertation des organismes des personnes réfugiées et immigrantes de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

 

(Reprise à 16 h 57)

Le Président (M. Dion): ...vous voulez prendre place. Vous connaissez déjà les règles du jeu. Nous sommes heureux de vous accueillir. Vous savez que vous disposez de 20 minutes pour une première présentation de l'ensemble de votre document, et ensuite nous disposerons de 20 minutes pour chaque côté de la table, donc du côté du gouvernement et du côté de l'opposition officielle, en périodes de 10 minutes chacune, en alternant.

Alors, nous allons commencer immédiatement, et je vous demanderais de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent.

Table de concertation des organismes
au service des personnes réfugiées
et immigrantes (TCRI)

Mme Rodrigues (Anne-Marie): Merci, M. le Président. Bonjour à tous, Mme la ministre, M. le sous-ministre, et honorables députés. Mon nom est Anne-Marie Rodrigues, je suis la coprésidente de la Table de concertation au service des réfugiés et personnes immigrantes. J'ai avec moi, ici présente, la présidente sortante, Mme Rivka Augenfeld; le directeur de la table, M. Stephan Reichhold; la vice-présidente, Mme Guylaine Dodier; et M. le secrétaire, donc José-Maria Ramirez.

Nous n'allons pas vous présenter le document comme tel parce que nous sommes certains que vous l'avez lu. Donc, nous n'allons pas répéter le contenu mais allons vous parler de choses et d'autres qui évidemment ont un lien direct avec la lutte contre le racisme et la discrimination. Je voulais tout d'abord vous féliciter du document de consultation. Nous l'avons trouvé extrêmement bien fait et rédigé, et les constats qui y sont présentés correspondent à la réalité. Nous appuyons l'idée et la nécessité d'une telle politique. La présentation que mes collègues vont faire va toucher évidemment notre champ d'intervention, c'est-à-dire les activités et les services offerts aux personnes réfugiées et immigrantes. Nous allons servir un peu de porte-parole ou de voix des personnes immigrantes étant donné que très souvent ces personnes n'ont pas de voix, justement. Et, si vous voulez en savoir plus sur notre vision, nous avons mis, en annexe du mémoire, notre vision, c'est-à-dire notre plateforme, et également un glossaire.

Donc, merci beaucoup. Et je vais céder maintenant la parole aux deux personnes qui ont travaillé sur le mémoire, Mme Rivka Augenfeld et ensuite M. Stephan Reichhold. Les deux autres membres du conseil d'administration vont également faire des miniprésentations. Merci beaucoup.

n(17 heures)n

Mme Augenfeld (Rivka): Alors, merci, M. le Président, Mme la ministre, et honorables députés.

Justement, depuis tout le temps que je suis impliquée dans ce dossier, ça fait vraiment plaisir de venir parler d'actions nécessaires et d'être complètement d'accord avec le diagnostic qui a été posé dans le document. Alors, on n'a pas à ajouter vraiment sur ça, on n'a pas à se disputer sur le constat et le diagnostic de la situation.

Comme regroupement d'organismes qui oeuvrent partout sur le territoire du Québec, auprès des immigrants et des réfugiés, on est convaincus que tout ce qui doit se faire doit être vraiment une action concertée des ensembles des acteurs de l'État. Ce n'est pas un ministère ou un autre mais vraiment l'État qui doit servir de modèle aussi et que c'est pour ça que nous proposons que c'est toutes les régions du Québec aussi qui y doivent participer. Ce n'est pas parce qu'une région, au moment où on se parle, a moins d'immigrants ou moins de réfugiés qu'une autre qu'elle est épargnée ou qu'elle n'a pas besoin ? justement, on va dire un mot là-dessus ? d'avoir une politique et une éducation interculturelles et antiracistes. Et aussi on propose que quelque part on doit avoir un secrétariat d'État ou quelque chose qui ressemble à un secrétariat d'État rattaché au centre du gouvernement pour que tout passe à travers ça, et que les comptes à rendre soient vraiment sérieux, et qu'il y ait imputabilité transversale de tous les appareils de l'État et de toutes les institutions associées pour faire l'exemple, et ça... que l'éducation interculturelle et l'éducation antiraciste, qui, je pense, d'autres vous l'ont dit, ne sont pas tout à fait la même chose, que ça devrait commencer à l'intérieur du gouvernement, que toutes les instances passent à travers cette éducation pour pouvoir ensuite travailler avec les autres.

Vous pouvez voir que, par exemple, on a mis en annexe la politique antiraciste du Conseil canadien pour les réfugiés, mais vous pouvez remarquer que, même comme regroupement communautaire, on commence avec nous-mêmes. On se dote de politiques internes d'antiracisme et comment dealer avec les possibilités de racisme dans nos institutions, avant d'aller prêcher aux autres. Alors, on commence chez soi.

Alors ça, c'est vraiment comment coordonner les efforts. C'est à peu près ça qu'on voudrait dire, que c'est très, très important que le ton soit fait par le gouvernement. Une autre chose qu'on pourrait dire, c'est qu'une partie de tout ça peut être une campagne nationale de sensibilisation sur les aspects positifs de l'immigration et... Au-delà des questions économiques et démographiques, c'est quoi, cette immigration? C'est quoi qu'ils nous apportent? C'est qui, ces gens-là? C'est quoi, le projet social, national ou québécois qu'on se donne là-dessus? Et pourquoi? Et aussi sur les réfugiés qu'on fait venir de partout dans le monde, d'être fiers de ce programme, d'en parler, d'expliquer à la population pourquoi, comme geste humanitaire, on fait venir des réfugiés chez nous. Et qu'est-ce qu'on demande de la population? On a vu, au moment où on fait la démonstration de c'est quoi, notre devoir, quand il y avait les Kosovars et dans le temps les gens de... chinois, la population répond. Mais il faut qu'ils savent, premièrement, que les gens viennent et, deuxièmement, qu'est-ce qu'on leur demande comme geste humanitaire. Et là les gens répondent de façon positive.

Particulièrement, on veut aussi, quand on parle de reconnaître les préjugés et les discriminations, parler de la particularité des populations que, nous, on dessert, la vulnérabilité particulière des nouveaux arrivants et surtout les réfugiés et les demandeurs de refuge. Vous en parlez dans votre document, et je pense qu'il y a une très bonne compréhension dans le document des double et triple discriminations. Alors, les immigrants parfois qui arrivent ont beaucoup de choses à apprivoiser, et parfois c'est difficile de distinguer entre qu'est-ce que je dois apprendre comme immigrant mais à quel moment aussi c'est une discrimination ou un racisme que je vis. Et ce qu'on peut vous dire à travers notre expérience et tous les organismes et de longue expérience de beaucoup d'années ? et, si je vous parle de ça, c'est aussi comme intervenante, une personne qui a été intervenante pendant longtemps ? c'est qu'il y a une sous-estimation du problème parce que beaucoup des incidents où on... moins ou que nos clients vivent ne sont jamais rapportés.

Les gens ont peur de faire des rapports, ils n'ont pas les moyens de faire les rapports. Et, nous, si on parle beaucoup, dans le document, des moyens nécessaires, les ressources pour les organismes, c'est pour accompagner notre clientèle, pour les aider. On se voit comme les gens qui sont là pour faire la défense des droits et on ne peut pas, avec les moyens qu'on a actuellement, vraiment faire l'accompagnement de toute notre clientèle pour tout ce qu'ils devraient pouvoir faire pour faire face à toutes ces discriminations et aussi le racisme. Et particulièrement on voudrait souligner que, dans toute lutte contre le racisme et la discrimination, on doit ne pas oublier les personnes au statut particulièrement fragile ou les gens sans statut ou à statut précaire, les demandeurs d'asile, les personnes en... de résidence, premièrement, parce que, comme êtres humains, ils ont des droits fondamentaux et universels.

Alors, à l'intérieur de leur statut fragile, même s'ils ne vont pas rester sur le territoire permanent, ils ont des droits qui doivent être respectés, et c'est souvent des gens qui sont discriminés ou contre qui on pose toutes sortes de gestes.

Et, deuxièmement, même pour nous, pour la société, les gens qui vont rester et qui vont au moins s'intégrer, un début difficile comme ils vivent n'aide pas du tout à l'intégration, et ça, ça a été démontré dans le rapport Renaud que le gouvernement avait commandité à l'époque, qu'on a besoin vraiment de porter attention à cette intégration de ces personnes parce que sinon on va avoir une pauvreté, ce qui va se perpétuer, des problèmes, et un grand retard dans le développement d'un sentiment d'appartenance chez les gens, et un grand retard dans l'acceptation de ces personnes.

Je vais maintenant céder la parole à Stephan.

Le Président (M. Dion): ...

M. Ramirez (José-Maria): Oui. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, honorables députés. Moi, je vais m'occuper un peu à parler un peu sur les mesures qui pourraient nous aider à contrer la discrimination et le racisme.

C'est sûr que, quand on constate que le racisme ou la discrimination se produit, on veut tout de suite arrêter les conséquences de ce qui fait le racisme et la discrimination, mais aussi importante aussi c'est la prévention. Et un exemple de prévention, c'étaient, jusqu'à il n'y a pas longtemps, les programmes de jumelage interculturel. Et le jumelage interculturel, c'est un programme qui permettait un rapprochement organisé et accompagné entre un citoyen québécois et une personne immigrante nouvellement arrivée, de permettre de s'introduire tranquillement à la société et connaître un peu le fonctionnement. Il permettait une transmission aussi, dans les deux sens, des codes de comportement et fonctionnement des sociétés des... participants. Il permettait aussi de commencer la création d'un réseau de connaissances de la société d'accueil.

Vous savez que la première chose, pour pouvoir s'établir dans une communauté, c'est d'avoir des liens, mais, s'il n'y a personne pour nous aider à établir ces liens, c'est très difficile et très long et à la longue c'est coûteux aussi pour la société. Et il faut voir aussi que le jumelage interculturel va beaucoup plus loin que ce qui est l'échange linguistique. L'échange linguistique, il va se contenter de faire pratiquer la langue à une personne ou à l'autre, mais le jumelage interculturel, c'est un accompagnement dans le temps et dans les actions sur tous les plans, sur le plan relationnel, sur le plan éducatif, sur le plan du travail, de l'emploi. Alors, cet outil-là a permis à des milliers de personnes, jusqu'à il n'y a pas longtemps, la possibilité de s'intégrer en douceur, dans la société québécoise, et de pouvoir s'y épanouir. Nous avons des témoins, des personnes qui ont réussi à faire ça. Ils aimeraient que ça continue, ce programme-là.

Alors, c'est sur cela que je voulais intervenir. Et je pourrais en... plus sur le sujet, mais je laisse la parole à ma collègue Guylaine.

Mme Dodier (Guylaine): Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, honorables députés. Moi, je suis d'une région, une région rurale, donc c'est le point que je voudrais aborder aujourd'hui.

Je trouvais important, dans le cadre de l'élaboration d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination, d'apporter un point de vue rural parce que souvent on entend parler beaucoup de la ville, de Montréal mais peu des régions quand on sait que les réfugiés sont envoyés majoritairement en région. On se bute à des difficultés relativement importantes au niveau de l'intégration. On sait que nos régions sont relativement homogènes. Donc, quand on voit arriver des personnes immigrantes, les gens ont des réactions, je dirais, beaucoup plus causées par l'ignorance que le racisme en tant que tel. Beaucoup manquent d'informations. Donc, c'est important selon moi de spécifier, d'avoir une attention particulière au niveau des régions, considérer les spécificités régionales parce qu'on sait que bon, on en entend parler souvent, l'emploi est le déclencheur pour envoyer en région des personnes immigrantes.

n(17 h 10)n

Et, au-delà de l'emploi, il y a toute la rétention qui est aussi importante quand on parle de nos enjeux démographiques auxquels les régions ont à faire face. Et la rétention passe par une gamme de services, parce que malgré l'emploi, si les gens ne sont pas bien accueillis, ne sont pas bien reçus ou considèrent avoir des difficultés... pas considèrent, mais vivent des difficultés d'intégration, souvent l'emploi va rester ou sera en second plan. Ils vont laisser l'emploi pour retourner vers les grands centres où là ils se sentent un peu plus fondus dans la foule. Dans une région ou quand on parle de minorité visible, elle est très visible.

Une réflexion qui nous concerne chez nous, comme moi j'ai eu à vivre. On parlait tout à l'heure que c'était important que ce soit vraiment une politique de l'État, et selon moi c'est extrêmement important parce que, quand on utilise les ressources gouvernementales et que malheureusement, par manque de ressources, certains ministères ? je fais référence à la Commission des droits de la personne où on a fait appel dans un cas typique de racisme, et on n'a pas eu de réponse... Donc, je trouve ça important que ce soit vraiment élargi à l'État. On peut parler de la francisation, qui est un facteur important de rétention et qui est un facteur important d'intégration en région, sauf qu'étant donné le peu de personnes qui arrivent en même temps on se bute à d'autres difficultés, soit le nombre, que ce soit pour les enfants au niveau du ministère de l'Éducation ou carrément l'éducation des adultes, qui selon moi n'est pas vraiment adaptée aux besoins des personnes immigrantes. Et, la francisation, bien, quand c'est des gens qui sont totalement allophones, on doit avoir un groupe minimal de 18, 19 personnes, ce qui n'est pas le cas en région.

Donc, je trouvais important de le mentionner ici pour qu'on ait le souci justement de considérer toutes les spécificités régionales. Je vous remercie.

Le Président (M. Dion): M. Reichhold.

M. Reichhold (Stephan): C'est ça. Stephan Reichhold. Donc, je suis le directeur de la table. M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, merci de me donner la parole. Donc, je ne sais pas, il me reste trois, quatre minutes à peu près? C'est ça?

Le Président (M. Dion): Oui, quatre minutes.

M. Reichhold (Stephan): Bon. Je vais un peu donc terminer notre présentation sur la question du rôle des organismes communautaires.

Vous savez que la Table de concertation regroupe 132 organismes à travers toutes les régions du Québec. Et donc ce regroupement en fait a une double mission, comme le mentionnait Rivka, donc la mission de la défense des personnes réfugiées, immigrantes mais aussi beaucoup le soutien des organismes communautaires et de l'action communautaire. Donc, nous, comme on le mentionnait, la politique, une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, je pense qu'on voit ça de manière très positive. Et aussi le fait qu'autant c'est mentionné dans le document de consultation, et par de nombreuses personnes qui sont venues ici, et de votre côté aussi, il y a une grande attente aussi par rapport aux organismes communautaires, au secteur communautaire au niveau de participer à la mise en oeuvre de cette politique à laquelle on est bien sûr aussi très intéressés.

Alors, c'est important aussi de voir un peu qu'est-ce que pourraient faire les organismes communautaires et puis aussi comment ils pourraient être intégrés aussi dans une éventuelle politique et sa mise en oeuvre. Donc, nous, on opère... en fait, notre vision, disons, de l'action communautaire est un peu dans la vision de la politique de l'action communautaire gouvernementale, que, je pense, vous connaissez tous, qui aussi est une autre politique d'ailleurs à laquelle on a participé activement dans la mise en oeuvre. Et on voit un peu ? notre idée, c'est de visualiser qu'est-ce qui s'en vient; on voit un peu ? le cheminement qu'on a fait en mettant en oeuvre cette politique. On verrait des actions semblables les bienvenues.

L'action communautaire, pour nous bon c'est un lieu de participation, d'action citoyennes, comme c'est défini dans la politique, et aussi un lieu où on soutient, où on accompagne, on crée des liens de confiance entre les usagers qui viennent dans les organismes. On a développé, notre réseau, une expertise, je pense, qui n'est plus à démontrer dans l'accompagnement des personnes réfugiées, immigrantes. Les personnes réfugiées, immigrantes se tournent souvent vers les organismes communautaires quand ils ont des situations difficiles. En fait, les personnes qui n'ont pas de problème, qui vont bien ou qui s'intègrent bien, on les voit beaucoup moins. Et donc on intervient, comme le disait Rivka, aussi beaucoup au niveau des personnes à statut précaire, en attente de statut, sans statut.

Donc ça, c'est des éléments, je pense, importants à considérer dans la politique. Bon. Si on regarde un peu la situation actuelle en vue de la politique, bon, nous pensons que ? et, je pense, ça a été mentionné aussi maintes fois ? les programmes et les mesures actuels sont en fait peu adaptés justement à une telle politique, qu'il va falloir regarder ? c'est une de nos recommandations ? toute la question du mode de financement des organismes. Bon. Je ne vous cacherai sans doute rien ou je vous, comment dire... je ne vous annonce rien en disant que le secteur communautaire de l'immigration, et de l'intégration, et des communautés culturelles est un peu le parent pauvre des secteurs communautaires au Québec ? il l'a toujours été ? est relativement peu financé, peu reconnu aussi.

Il y a un certain nombre d'organismes qui sont au sein de notre table, qui effectivement reçoivent, certains, des montants de subvention, mais il y a énormément d'organismes. Je pense que la moitié des organismes qui sont venus à cette commission en fait ne sont peu ou pas du tout financés, peu reconnus, ne sont rattachés à aucun ministère, sont complètement marginalisés par rapport à la politique de l'action communautaire. Donc, je pense, il y a un gros travail à faire justement de ramener ces personnes donc, ces groupes dans le giron justement de la politique de l'action communautaire.

Peut-être pour finir, parce que je vois que le temps file, bon il y a un problème de ressources, je pense, dont on a parlé amplement. Il y a un problème aussi au niveau des ressources financières du ministère, je pense, qui sont limitées et qui sont, de plus en plus, limitées depuis trois ans. Et, peut-être pour finir, bon je voulais ramener aussi quelque chose de très actuel. On a appris la semaine dernière, par exemple, en parlant de programmes et de mesures à venir, l'abolition du programme d'immersion professionnelle, un des programmes privilégiés dont on parlait, je pense, encore deux jours que c'est un programme qui a beaucoup de succès et qu'on voulait même... Donc, il y a une réunion, hier après-midi, avec la direction régionale d'Emploi-Québec qui nous a déposé leur nouveau programme, en fait l'abolition du programme. Donc, dorénavant, à partir de fin octobre, les ententes ne seront pas renouvelées, et un certain nombre d'organismes, dont trois des 16, se font couper complètement leur subvention. Et les 13 autres vont être financés... le SAE régulier mais n'ont plus le mandat de faire de...

Une voix: ...

M. Reichhold (Stephan): ...de faire du placement, c'est-à-dire de négocier, de faire l'accompagnement en fait vers un emploi.

Une voix: Juste pour vous donner juste une petite idée, là, alors...

Le Président (M. Dion): Encore deux secondes.

M. Reichhold (Stephan): Deux secondes. Alors, ce qu'Emploi-Québec nous propose, le nouveau financement qu'il propose, c'est pour développer chez les individus leur capacité à utiliser Placement en ligne et les autres banques d'employeurs pour faciliter leur intégration à l'emploi. Donc, on réduit les organismes communautaires à aider les gens à aller sur Internet et de ne plus être sur le terrain et on trouve ça vraiment très déroutant au moment où on parle de développer des nouvelles mesures.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le directeur, merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole à Mme la ministre pour commencer cette période de 10 minutes d'échange.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Rodrigues, Mme Dodier, Mme Augenfeld, M. Reichhold et M. Ramirez, bienvenue ici, en commission parlementaire. C'est un grand plaisir pour moi de vous recevoir aujourd'hui. Ne pensez pas qu'on est fatigués, ne pensez pas qu'on n'a pas d'attention. Loin de là. On est habitués. Je vais dire tout haut ce que je vous ai dit tout à l'heure: Les parlementaires ici sont quand même assez bien aguerris. Normalement, on va jusqu'à minuit, quand on est en session intensive, donc pour nous c'est comme si c'était le milieu du jour présentement.

n(17 h 20)n

Donc, il n'y a aucun problème, vous avez toute notre attention. J'ai bien entendu tout ce que vous m'avez dit. Je vous dirais, d'entrée de jeu, c'est sûr que bon, puisque le temps est relativement court, tout ce que vous avez dit, je l'ai bien entendu. Je n'aurai peut-être pas le temps d'aborder tous les sujets, mais je sais que mes collègues de l'autre côté vont revenir certainement sur certaines choses que vous avez parlé.

Je commencerais en vous disant que tout d'abord je reçois très bien les félicitations que vous faites pour le document de consultation et j'ai très bien compris que vous appuyez aussi la politique. Même si elle n'est pas faite encore, si elle n'est pas encore déposée, je crois sincèrement que la venue d'une telle politique est très importante pour le Québec, non seulement pour vous, pour nous, mais pour le Québec. Je crois que c'est un débat de société qui s'engage. Nous ne pouvons plus continuer à dire: «Nous avons besoin d'immigrants pour nous développer» si nous ne pouvons pas les intégrer et contribuer à aplanir les difficultés et les barrières qui sont liées à leur intégration. Évidemment, ici, on parle beaucoup de racisme et de discrimination. Je crois que nous avons tous compris, les parlementaires, depuis que nous avons débuté ces travaux-là, qu'il y a un lien à faire entre l'intégration et ce qui va faire que les gens peuvent être en situation de difficulté et le fait qu'ils peuvent vivre des situations de discrimination.

Je vous dirais que cette politique-là se veut une politique qui est gouvernementale, donc qui interpellera tous les ministères, O.K.? Puis, je pense que c'est important de le dire, ce n'est pas une politique du ministère de l'Immigration, des Communautés culturelles, c'est une politique gouvernementale. Donc, les ministères seront mis à contribution. On a eu des gens qui nous ont parlé au niveau de l'éducation, de la sensibilisation qu'on avait à faire auprès des enfants. On a des personnes qui nous ont parlé de profilage racial, du travail à faire auprès des policiers, auprès des juges, auprès des entreprises. Donc, on voit réellement la nécessité d'inclure, dans cette politique gouvernementale, les autres ministères qui peuvent avoir des clientèles cibles qui puissent être beaucoup plus touchées, le ministère de la Justice. La Commission des droits de la personne relève du ministère de la Justice.

Donc, il est évident que, lorsqu'on veut faire un politique gouvernementale, on doit avoir la collaboration des autres ministères, puisqu'ils seront interpellés. Je vous dirais aussi que pour les régions, madame, je vous ai bien entendue. J'ai pris la peine d'aller faire une tournée de sensibilisation dans les régions, avant que nous débutions cette commission, parce que je crois sincèrement qu'il y a des différences fondamentales entre Montréal, Québec ? Longueuil, ce n'est pas Montréal ? le Saguenay?Lac-Saint-Jean, l'Estrie. Je suis très consciente que chacune des régions a ses particularités. Et il est vrai qu'une politique gouvernementale peut avoir les grandes lignes qui vont traverser des ministères et qui vont nous guider dans nos actions, mais je crois aussi sincèrement qu'un politique doit être adaptée aux besoins des régions. Je dois vous dire que je suis une grande fan des régions, même si je suis une députée de Montréal. Je suis une ministre qui est convaincue que, pour que l'immigration fonctionne dans les régions, que ce soit la vôtre ou une autre région, je suis... convaincue que c'est une responsabilité partagée entre le gouvernement, oui, mais aussi avec la ville, les villages qui accueillent ces immigrants, avec les organismes communautaires sur le terrain qui offrent comme votre organisme, mais aussi tous les autres partenaires.

Que ce soit le monde de l'éducation, le monde des femmes, le monde communautaire, que ce soit la vie sociale qu'on a, que ce soient les employeurs, les syndicats, moi, je constate que tous se sentent interpellés lorsqu'on parle d'immigration en région parce que, vous avez raison, si les gens ne se sentent pas accueillis, ils ne resteront pas. Et on a beau vouloir mettre des efforts dans la régionalisation de l'immigration et offrir un emploi, si on n'a pas de vie sociale, on va repartir et très rapidement. S'il n'y a pas de sensibilisation qui est faite auprès des enfants de la communauté, de la société d'accueil, par rapport à la différence des enfants qui arrivent en région et que, là, il peut y avoir des clichés, des préjugés, du racisme, de la discrimination, des enfants qui vont répéter ce que les parents disent très souvent à la maison, c'est parce que... On ne se le cachera pas non plus, hein, souvent les enfants répètent ce que les parents disent.

Donc, il est évident que, quand on pense à faire une politique pour lutter contre le racisme, la discrimination, on doit prendre en considération l'aspect des enfants, qui sont aussi des moyens de communication vers les parents, pour dire: Bien, à l'école, ce n'est pas ça qu'ils m'ont dit, moi, ce n'est pas ça qu'ils m'ont montré, puis j'ai vu sur une carte c'est quoi, les pays du Moyen-Orient, etc. Il y a plus de sensibilisation, plus d'éducation qu'on peut faire auprès de nos jeunes qui vont aider également les parents à mieux comprendre le phénomène de l'immigration.

Là, je pense que je vais arrêter puis je vais vous poser une question parce que sinon on va me dire que mon temps est fini. Vous avez parlé aussi de campagne de sensibilisation. Je suis d'accord avec vous. J'aimerais ça voir comment vous le voyez, parce qu'effectivement, malheureusement, je dirais que l'immigration est un secret trop bien gardé au Québec et que les gens ne sont pas conscients, un, des différents types d'immigration. Il est bien évident qu'une personne qui est issue de l'immigration économique, exemple, l'immigrant entrepreneur, l'immigrant investisseur ne vit pas du tout la même réalité qu'un réfugié. Et vous avez raison lorsque vous dites que nous avons un devoir d'accueil envers les réfugiés. Et, oui, c'est une mission qui est noble, c'est une cause qui est noble comme gouvernement, comme peuple. Et, malheureusement, les gens ne sont pas au courant, et il y a encore beaucoup de monde qui pense que les immigrants, c'est des...

Donc, j'aimerais ça avoir votre avis sur une campagne de sensibilisation qu'on pourrait faire au Québec, pour mieux faire connaître l'immigration et ses défis, qui sont à relever aussi, de cohabitation et auprès de la population.

Le Président (M. Dion): ...à qui je dois donner la parole. Madame?

Mme Rodrigues (Anne-Marie): Anne-Marie...

Le Président (M. Dion): Allez-y, madame.

Mme Rodrigues (Anne-Marie): ...Rodrigues. Mais, moi, je dirais que ma vision n'est pas d'une campagne comme telle, mais c'est simplement utiliser les bons coups qu'on fait et les informations qui vont valoriser justement l'apport des communautés culturelles, l'utiliser au niveau médiatique.

Donc, plutôt qu'on parle dans les journaux, ou à la télévision, ou aux nouvelles, que telle personne a volé puis c'était un Noir, puis etc., qu'on dise que tel médecin qui a trouvé, je ne sais pas, moi, un nouveau traitement, bien c'était une personne immigrante, donc. Parce que les campagnes trop généralisées, ça ne fonctionne pas. Mais des choses très, très bien ciblées et de façon continue, quant à moi ça fonctionne beaucoup mieux. Donc, c'est ma vision.

Mme Augenfeld (Rivka): Juste pour ajouter. Moi, quand je parle aux groupes, je parle souvent de deux moments que je trouvais vraiment incroyables au Québec, c'était en 1979-1980, comme je suis une personne qui a vécu tout ça, l'arrivée des boat people, et le succès incroyable qu'il y a eu au Québec, au-delà de toutes les attentes. La population a répondu. Je pense que les gens d'un certain âge vont se rappeler à quel moment c'était vraiment incroyable de voir avec une publicité parce qu'il y avait, à ce moment-là, une concordance de tous les acteurs: le gouvernement, les médias, la population. Tout le monde était sur la même longueur d'onde: il y a des gens de l'autre côté du monde qui ont un problème, ils ont besoin d'aide, et nous devons les aider et pourquoi on doit les aider. Et l'accueil était incroyable.

Tout le monde a joué son rôle à l'époque. Mais il y avait une explication à la population de pourquoi ils devraient être généreux, et les gens ont répondu... 20 ans plus tard, il y a les Kosovars qui arrivent en catastrophe, et c'était vraiment une catastrophe, l'évacuation. Appel à la population. Et les gens ont répondu encore une fois au-delà de toutes les attentes. Et, à ce moment-là, on a eu l'occasion parce qu'il y avait un certain argent pour faire un peu le tour du Québec, et c'était là où j'ai découvert aussi à quel point en région, que ce soit à Drummondville, ou Victo, ou à Lac-Mégantic et ailleurs qu'on est allés faire la formation, il y avait une ouverture et une soif pour avoir de l'information et une compréhension sur l'interculturel, sur le choc post-traumatique, sur tout ce qu'on peut imaginer comme sujets compliqués. Les gens étaient ouverts et ils avaient des questions vraiment pertinentes.

Alors, il y a un fond de générosité dans la population. Quand on fait appel aux instincts positifs, on a une certaine réponse. Quand on fait appel aux peurs, et aux craintes, et aux préjugés, on a une autre réponse. Alors, jouons sur ce qu'on a comme positif. Pas de façon naïve, mais d'aller bâtir un fond de compréhension et un fond de pourquoi c'est un «win-win», comment on crée un «win-win» dans cette situation de l'accueil et l'intégration, ce qui est bon pour la population et ce qui est bon pour les immigrants. Et je ne dis pas que j'ai la recette magique mais qu'on peut s'asseoir ensemble et voir comment le faire ensemble. Et, nous, on est prêts à s'investir, et s'asseoir, et faire partie de la solution, mais on voudrait être consultés et pris en considération avant le coup et pas après. On ne veut pas juste être les exécutants d'une politique, on veut être là pour l'élaborer avec vous, ensemble, avec tout ce qu'on a à vous offrir comme expérience.

Le Président (M. Dion): ...beaucoup, madame. Pour continuer l'échange, je vais donner maintenant la parole à Mme la députée de Laurier-Dorion pour une période de 10 minutes.

n(17 h 30)n

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. À vous tous, de la Table de concertation des organismes des personnes réfugiées et immigrantes, la bienvenue. C'est toujours agréable de vous entendre, d'autant plus que vous êtes évidemment une table extrêmement représentative des différents organismes communautaires au Québec, que ce soit en termes d'idées mais également en termes de nombre.

Alors, on a reçu d'ailleurs plusieurs organismes communautaires qui sont peut-être membres de votre table, qui nous ont exprimé des propos extrêmement intéressants. Mais, d'entrée de jeu, il y a deux aspects qui m'interpellent, notamment la conclusion de votre présentation, puisque bon il est évident qu'une politique de lutte à la discrimination et du racisme est une bonne nouvelle, mais plusieurs des groupes qui sont venus ici nous ont mentionné, vous l'avez fait également, qu'il est important que cette politique puisse avoir du mordant, puisse avoir des ressources afin de pouvoir mettre en oeuvre différentes mesures. Vous avez fait mention notamment en région ou encore bon vous avez donné l'exemple du jumelage interculturel, de la francisation. Donc, c'est des mesures qui aident bon à l'intégration. Puis je ne sais pas votre opinion sur la question, mais différents groupes sont venus nous partager l'idée que l'amélioration des conditions socioéconomiques des personnes immigrantes ou des minorités visibles était un des meilleurs moyens finalement de lutter contre le racisme et la discrimination.

Donc, si on prend tout ça, je me dis, l'affirmation à savoir que... je suis vraiment étonnée qu'au même moment où on discute d'une politique de lutte au racisme et à la discrimination, qu'on met un peu tout sur la table pour essayer d'améliorer nos pratiques, qu'on parle également d'une meilleure... pardon, entre les différents programmes puis les différents ministères, on parle... Vous parlez, vous-même, une proposition fort intéressante, de créer un secrétariat qui permettrait d'avoir une vision large et globale de ce qui se fait dans l'appareil gouvernemental, donc je suis vraiment étonnée d'entendre, à ce moment-ci, qu'un programme qui aide à l'insertion à l'emploi serait modifié. J'aimerais avoir plus de détails sur ça.

Mme Rodrigues (Anne-Marie): ...le programme a été modifié, c'est qu'il a été coupé. Donc, de la façon dont il existait, c'était un programme qui correspondait aux besoins des nouveaux arrivants ? c'était centré sur les nouveaux arrivants hautement scolarisés ? et qui favorisait leur intégration en emploi. Donc, ça leur permettait de trouver immédiatement un emploi et ça permettait également à l'intervenant de l'organisme qui avait fait le placement de maintenir un lien qui aidait justement la gestion de la diversité auprès de l'entreprise qui éliminait tous les irritants afin que cette personne-là, elle maintienne, elle reste en emploi.

Évidemment, avec les années, ce programme-là a eu peu à peu différents irritants, beaucoup de bureaucratie, beaucoup de paperasserie aussi, et nous avons essayé, durant, je dirais, la dernière année, d'essayer de former un comité ad hoc pour négocier, pour éliminer ces irritants pour que ce soit beaucoup plus facile de placer les gens et de leur trouver un emploi. Et, face à ces irritants-là et aussi au fait que le projet PRIIME lancé l'année dernière avait très bien fonctionné, ils ont jugé que c'était trop lourd à gérer à l'interne, c'était trop difficile d'essayer d'éliminer ces irritants et que ça valait mieux donc... à partir du 1er novembre et, pour ne pas pénaliser tous les organismes qui avaient ce projet-là, leur permettre d'accéder aux subventions normales qu'ils ont déjà.

Or, ces subventions normales, que ce soit SAE, PPE, ça ne correspond pas aux besoins des nouveaux arrivants. Et on n'est pas là pour faire de la référence, on est là pour faire du placement, et de l'éducation, et de la sensibilisation. Donc, vous comprenez qu'on est un peu choqués, d'autant plus que, parmi les 16 organismes, à Montréal, qui avaient ce financement, il y en a trois qui ont été coupés. Et les raisons évoquées sont leur mission sociale et également le manque de structure à l'interne pour maintenir un projet de préemployabilité, ce qui est faux, puisque ces organismes ont déjà un PANA et font de l'adaptation en emploi depuis de nombreuses années.

Ce qui est curieux également, c'est que ces organismes-là qui ont été coupés proviennent tous du même... Donc, on n'a pas de réponse.

Une voix: ...

Mme Rodrigues (Anne-Marie): Il y a le Centre d'action sociocommunautaire de Montréal, Service à la famille chinoise et Alternative également.

Mme Lefebvre: Est-ce que vous avez été consultés?

Mme Rodrigues (Anne-Marie): Personne n'a été consulté. La table a été informée par la direction régionale de la décision mercredi après-midi, et, à partir de ce moment-là, les trois organismes coupés ont été rencontrés individuellement. Même pas de possibilité de négociation, absolument rien. Et, hier après-midi, les organismes non coupés, donc les 13, ont été informés de ce que mentionnait Stephan tout à l'heure, donc de leurs nouvelles tâches.

M. Reichhold (Stephan): Lundi, on a contacté le cabinet de Mme Courchesne qui n'était pas au courant non plus. Donc, on les a informés, donc ils sont au courant maintenant, aussi. Alors, c'est ça.

Mme Rodrigues (Anne-Marie): Et parfois il y a des aberrations comme ça. Donc, on veut favoriser l'intégration, on veut des programmes qui correspondent aux besoins et qui sont flexibles, qui s'adaptent, mais d'un autre côté on prend ce genre de décision. Et je peux vous dire que ça favorise justement la discrimination parce que ces gens-là qu'on ne place plus, bien ils vont rester sur l'aide sociale, et c'est un peu frustrant pour nous.

Le Président (M. Dion): Je vous remercie beaucoup, madame. Il reste encore 3 min 30 s.

Mme Lefebvre: Oui.

Une voix: M. le Président?

Le Président (M. Dion): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, effectivement nous sommes sous le choc parce que plusieurs sont venus nous dire: La première chose à faire au niveau d'une politique, c'est, ce qui fonctionne, ce qui est déjà là, l'améliorer, le consolider avant d'ajouter des nouvelles mesures. Alors, effectivement, c'est un peu surprenant.

Moi, je voudrais revenir à un élément aussi que vous avez indiqué dans votre mémoire ? vous n'en avez pas nécessairement parlé dans votre présentation ? en page 8: «Finalement, nous réitérons nos préoccupations concernant le projet de reddition de comptes et la transmission au gouvernement de données nominales sur les usagers dans le cadre du Programme d'accompagnement des nouveaux arrivants. [Évidemment], selon les organismes communautaires, cette mesure ? et évidemment je suis d'accord avec vous, là ? irait totalement à l'encontre [...] d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination...»

Est-ce que vous avez d'autres éléments à nous donner là-dessus?

Mme Rodrigues (Anne-Marie): Bien, personnellement, la table et les organismes qu'elle représente ont toujours été favorables à la reddition de comptes nominative, même à aider le ministère à aller chercher plus de sous qui correspondent un peu plus aux besoins, donc pour ses programmes. Par contre, nous considérons qu'une reddition de comptes nominative, c'est aller à l'encontre de notre philosophie, de notre orientation, du lien de confidentialité qu'on établit également avec les personnes souvent très fragiles qui viennent nous voir. Mais c'est aussi une mesure discriminatoire parce que c'est simplement cette clientèle-là qui est touchée, donc qui reçoive... des services d'accompagnement et pas des services, par exemple, de première ligne.

Et il y a d'autres façons selon nous d'arriver à ce que le ministère sache exactement combien de nouveaux arrivants sont desservis par les organismes sans qu'on doive donner des données nominatives.

Mme Caron: ...ne le fait pas de toute façon pour les autres organismes.

Mme Rodrigues (Anne-Marie): ...pas pour les autres organismes ni pour les autres clientèles. Mais nous sommes présentement en négociation.

Mme Caron: Merci.

Le Président (M. Dion): Je vous remercie beaucoup. Alors, maintenant, je vais donner la parole à Mme la ministre pour débuter cette période de 10 minutes.

Mme Thériault: Merci. Je vais débuter, mais mon collègue va certainement compléter.

J'aimerais tout d'abord vous dire que nous n'étions pas du tout au courant non plus de la nouvelle, que vous nous avez annoncée, par rapport au programme d'immersion. Je pense que ça mérite de faire des vérifications. Vous comprendrez que je ne commenterai pas non plus parce qu'on ne sait pas si c'est local, on ne sait pas. Bon. Vous avez dit vous-même que le cabinet de la ministre n'était pas au courant non plus. Je pense que ça mérite peut-être d'aller faire plus de vérifications. Mais je comprends toutefois vos préoccupations, sauf qu'il est évident qu'on va, nous aussi, aller faire des vérifications. Donc, je pense que c'est important à dire.

n(17 h 40)n

Là, j'aimerais peut-être faire deux petites mises au point. Au niveau du programme de reddition de comptes, je comprends que vous dites qu'à vos yeux c'est une mesure discriminatoire. À mes yeux, ce ne l'est pas. Évidemment, on n'est pas placés du même côté et on ne voit pas ça de la même façon non plus. Mais je voudrais juste rappeler que, lorsqu'on parle de reddition de comptes, on le fait seulement pour les organismes qui bénéficient du PANA, donc le Programme d'accompagnement aux nouveaux arrivants, et techniquement les gens qui bénéficient du PANA sont des résidents permanents. Donc, la clientèle fragile que vous parlez au niveau des réfugiés, des demandeurs d'asile, c'est évident à mes yeux qu'ils ne sont pas touchés par la reddition de comptes non plus, donc.

Bon. On est probablement peut-être sur deux positions qui sont très différentes. Par contre ? nous en avions discuté lors de la dernière rencontre ? il y aura un projet pilote qui sera mis sur pied pour voir de quelle façon on peut essayer d'aplanir les difficultés qui pourraient se poser ou les défis qui se posent à nous. Et par contre je dois corriger votre propos, il y a d'autres organismes qui sont soumis à une reddition de comptes et, chez Emploi-Québec, il y en a. Donc, peut-être que ce ne sont pas des organismes qui touchent l'immigration ou les communautés culturelles, mais il y a des organismes qui font déjà de la reddition de comptes dans le cadre de d'autres programmes de ministères et non pas chez nous, j'en conviens.

Je vous dirais que le plus grand défi que nous avons probablement tous dans cette élaboration de politique là sera celui du financement. Non pas parce que je ne crois pas que les ressources seront au rendez-vous, loin de là, mais je crois sincèrement que ce qui pose probablement le plus grand défi, c'est que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a une clientèle, hein, évidemment les immigrants. Par contre, il y a beaucoup de services qui peuvent être rattachés à d'autres ministères, que ce soit la Famille, l'Enfance, la Santé, l'Éducation, les droits, le ministère juridique, le ministère de la Sécurité publique. Vous pouvez à peu près nommer tous les ministères. Et évidemment il faut bien définir la mission d'un organisme, il relève de qui également. Je pense que c'est pour ça que c'est important de dire que c'est ce qui va poser le plus grand défi, parce qu'il y a des organismes qui ont plusieurs missions, et vous le savez, et je le sais aussi. Est-ce qu'un organisme de femmes immigrantes relève nécessairement de nous? Est-ce qu'il relève de la Santé et Services sociaux, comme c'est le cas présentement? Est-ce qu'il ne devrait pas relever du ministère de la Condition féminine? Est-ce que ce serait peut-être faux de dire que tous les organismes qui touchent les communautés culturelles doivent arriver chez nous?

Donc, c'est probablement le plus grand défi qui se pose, et j'espère que nous saurons tous le relever avec beaucoup sagesse. Là, il ne reste pas beaucoup de temps peut-être si vous voulez passer un commentaire, mais je sais que mon collègue aussi voulait faire une intervention.

Le Président (M. Dion): ...

M. Reichhold (Stephan): Effectivement, je pense, vous posez une très bonne question, la question de la mission femmes, jeunes, handicapés, immigration. Il y a toute une confusion, et c'est pour ça que justement on recommande très fortement de s'associer au SACA aussi, que le SACA soit impliqué vraiment, parce que le SACA a le mandat gouvernemental de gérer tout ça, de gérer la question des missions, d'identifier, de soutenir les différents ministères pour pouvoir justement organiser les choses et aider à les organiser. Il y a des personnes qui ont une très grande expertise, là, au sein du SACA, et c'est pour ça qu'on recommande très fortement qu'il soit impliqué justement dans la mise en oeuvre de la politique de lutte contre le racisme et la discrimination, parce qu'on pense que ça rentre dans leur champ d'expertise aussi, au SACA.

Mme Augenfeld (Rivka): Vous savez, il y a aussi une façon de... Comme vous dites, vous avez raison. Et vous voyez que, dans notre mémoire, on mentionne très peu le ministère parce qu'on parle de l'appareil gouvernemental. Mais c'est un changement de mentalité que ça prend, c'est une autre façon de voir ce qu'on fait. Alors, chaque chose qu'on fait, si on a son «check-list» à côté: Est-ce qu'on est inclusif? Est-ce que ce programme inclut les femmes, inclut les jeunes et tient compte de la diversité, a un élément d'éducation antiraciste? Est-ce que notre projet, notre programme passe la barre d'une certaine vision? Et sinon qu'on retourne pour l'améliorer. Et ça, ça prend du temps. C'est pour ça qu'on parle à long terme, et je pense que le document parle à long terme. C'est un changement de mentalité de comment on gère les choses.

Ce n'est pas encore fini, mais on a quand même fait beaucoup de progrès dans l'inclusion des femmes dans toutes les sphères d'influence... Ici, c'est la preuve aujourd'hui. Il y a 20 ans, ce n'était pas tout à fait ça ou peut-être qu'il y a 25 ans. Mais ça a pris du temps, et ça a pris des mesures très strictes, et ça a pris un changement de conscience, n'est-ce pas, et, comme on dit ? on le disait dans le temps ? en anglais, «counsciousness raising» là-dessus pour les femmes. Là, c'est un «counsciousness raising» pour tout ce qui est discrimination et racisme, et tout doit être soumis à cette, si vous voulez, grille. Est-ce que ça passe, cette grille? Est-ce que tout ce qu'on fait, que ce soit en santé, que ce soit en loisirs, que ce soit en, je ne sais pas, en développement de toute sorte, est-ce qu'on accomplit cette mission qu'on se donne comme société?

Le Président (M. Dion): Merci, madame. Je vais maintenant donner la parole à M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci. Il nous reste très peu de temps, et je veux revenir sur la question de la reddition de comptes personnelle.

Je rappelle des éléments importants que la ministre a soulignés. Premièrement, c'est que les ressources externes qui offrent des services de développement à l'employabilité pour Emploi-Québec pratiquent la reddition de comptes. Donc, il n'y a pas que le programme ici qui serait visé. Le gouvernement fédéral aussi pratique les redditions de comptes personnelles ou nominatives.

Mais je n'ai pas très bien saisi votre réponse parce qu'au début vous avez dit: La table a toujours été favorable à une reddition de comptes nominative.

Une voix: C'était une petite erreur.

Mme Rodrigues (Anne-Marie): C'est le stress.

Une voix: ...

M. Moreau: Pour utiliser une expression au golf, vous aviez «slicé» sur celle-là. Bon, O.K., je comprends. Maintenant, sachant que la reddition de comptes, que les données nominatives ne seront qu'utilisées pour constituer une base de données qui est ensuite dénominaliser pour son utilisation, alors expliquez-moi donc pourquoi, sachant que c'est dénominalisé avant d'être utilisé, vous êtes... Et d'ailleurs je suis en désaccord, avec beaucoup d'égards pour l'opinion de ma collègue de Terrebonne, sur le fait que ce soit discriminatoire à partir du moment où la base de données, elle est utilisée pour avoir des données fiables et précises pour permettre d'évaluer les bons services qui seront rendus aux individus et ceux qui doivent l'être davantage.

À partir du moment où c'est dénominalisé avant son utilisation, comment est-ce qu'on peut encore soutenir que ce soit une mesure discriminatoire?

Le Président (M. Dion): ...

M. Reichhold (Stephan): Alors, d'abord, il faut faire une distinction, que beaucoup ne feront pas, entre les ressources externes d'Emploi-Québec et les organismes d'action communautaire autonome tels que définis dans la politique de l'action communautaire.

Donc, nous, on est un réseau d'organismes communautaires autonomes comme du côté santé et services sociaux, de l'éducation, des organismes de solidarité internationale. On est à peu près 4 000, à travers le Québec, reconnus par la politique. Et, de ces 4 000, je veux dire, il n'y a personne, personne, je veux dire, qui fait une reddition de comptes nominative sur les usagers. D'ailleurs, la grande majorité de ces organismes sont soutenus par un financement de la mission que, nous, d'ailleurs on ne nous reconnaît toujours pas. La majorité des organismes de notre secteur ne reçoivent aucun soutien à la mission parce que le ministère de l'Immigration a décidé que ce n'était pas une priorité pour eux.

Donc, à partir de là, donc ce mode de reddition de comptes, ce serait un précédent, je veux dire, grave pour l'action communautaire autonome au Québec.

M. Moreau: ...est en désaccord avec l'affirmation que vous venez de faire.

M. Reichhold (Stephan): C'est son droit. Et puis bon l'autre élément aussi, bon, le gouvernement fédéral, effectivement le gouvernement fédéral qui finance des activités d'intégration, en Ontario notamment, fait une reddition de comptes nominative depuis cinq ans, et, jusqu'à ce jour, ils n'ont pas été capables de sortir une seule donnée statistique parce que leur système ne fonctionne pas depuis quatre ans. Les organismes transmettent des données mais dans un vide. Je veux dire, ils n'ont jamais reçu aucun retour.

Et nous pensons qu'il y a d'autres méthodes de reddition de comptes que données parce que, peu importe si c'est réel ou pas réel ? nous, on pense que c'est réel, vous pensez que ce n'est pas réel ? mais, la perception générale et surtout des immigrants, qu'on transmette leurs données à l'État qui va créer un fichier centralisé avec des données personnelles sur eux, je pense que ça pose un problème.

M. Moreau: ...

Le Président (M. Dion): Juste un instant.

M. Reichhold (Stephan): Au départ, il n'est pas dénominalisé et il est croisé avec la banque de données intimes. Donc, je ne sais pas, dans cinq ans, je veux dire, surtout actuellement ce qu'on voit, ce qui se passe en Amérique du Nord avec des banques de données, je pense que tout le monde est très, très méfiant par rapport à des banques de données étatiques centralisées et surtout quand il s'agit juste de personnes immigrantes et réfugiées.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Dion): M. Reichhold, je vous remercie. Vous comprendrez bien que notre objectif est unique, c'est-à-dire de bien comprendre ce qui se passe et de vous permettre de vous exprimer, mais, pour être sûrs qu'on comprend bien toute cette situation-là puis qu'on emploie les mêmes mots pour dire les mêmes choses, même si la période de temps est terminée, je vais quand même donner une minute à Mme la ministre pour pouvoir clarifier.

Mme Thériault: Merci, M. le Président, de votre attention. Je comprends que M. Reichhold n'est pas nécessairement sur la même longueur d'onde que nous, mais j'aimerais juste préciser que, dans les organismes qui sont financés, la TCRI reçoit 250 000 $ du ministère. C'est probablement un des organismes qui est financé de façon la plus généreuse de tous les autres ministères. Ce n'est peut-être pas le meilleur, mais vous êtes certainement dans le top de la liste. Et il y a 18 organismes communautaires qui se partagent une enveloppe de 419 000 $, donc ce qui nous fait dire qu'il y a plus de 650 000 $ qui sont consacrés directement aux services à l'action communautaire autonome et que les autres organismes... Il est vrai qu'il y a des organismes qui ne sont plus financés dans leur mission globale. Mais, dans la politique de reconnaissance et de soutien à l'action communautaire, on reconnaît trois types de financement: le financement de la mission globale, l'entente de services et le financement de projets. Et, lorsque nous avons revu les normes de nos programmes, on a tenu compte de cette politique et on s'est assurés que la majeure partie des organismes reçoivent du financement, dans le cadre des projets, par le biais des autres enveloppes que nous avons à notre disposition.

Donc, il est évident qu'on ne voit peut-être pas les choses de la même façon. Je comprends qu'on ne partage pas la même opinion non plus, sauf qu'il y a quand même plus de 650 000 $ qui sont remis à des organismes spécifiquement pour la mission globale, et, les autres organismes, on a compensé dans d'autres enveloppes budgétaires. Merci.

Le Président (M. Dion): Merci, Mme la ministre. Vous aurez l'occasion de rajouter, si c'est nécessaire. Je vais maintenant donner la parole à...

Mme Lefebvre: ...donné un peu de temps à la ministre pour pouvoir expliquer, il me semble qu'il serait opportun que nos invités...

Le Président (M. Dion): Tout à fait. Alors, je vous donne la parole, et vous pourrez donner le temps qu'il faut. Et on va respecter les... pour établir l'équilibre entre les deux. Et vous pouvez très bien donner du temps à... Allez-y, allez-y.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Bien, effectivement, je ne suis pas d'accord, moi, avec la présentation de la ministre au niveau de la politique de reconnaissance de l'action communautaire parce qu'il était très clair, dans cette politique-là, qu'on devait au maximum arriver à financer les missions globales. Et de dire qu'on finance 18 organismes plus la table au niveau de la mission globale puis qu'on a décidé que pour les autres on travaille par projets puis par ententes, bien, moi, pour moi ça ne répond par à l'esprit de la politique de reconnaissance de l'action communautaire, qui était très clair.

Notre objectif, c'était d'arriver à ce que 90 % des budgets des organismes soient de la mission globale et c'est un des rares ministères qui est fautif, à ce jour, dans l'esprit et la lettre de la politique. Pour nous c'est très clair.

Alors, peut-être si vous voulez compléter.

Mme Rodrigues (Anne-Marie): J'aimerais premièrement revenir sur la confusion qu'il y a par rapport Emploi-Québec, donc par rapport à la reddition de comptes. Ca n'a absolument rien à voir. Emploi-Québec, il fonctionne avec un extranet, mais la personne, pour avoir droit aux services, elle doit aller présenter une fiche de suivi. Donc, elle s'inscrit à Emploi-Québec, ce qui n'est pas le cas chez nous.

Également, par rapport à la mission, bien c'est vrai que le ministère finance la mission de la table évidemment, mais elle est un regroupement, ce ne sont pas des organismes. Quant aux autres organismes, ils ont été transférés d'autres ministères, et leur financement de mission a été transféré aussi. Donc, il n'y a pas de véritable financement de mission.

Le Président (M. Dion): Merci. Continuez.

Mme Caron: ...ma collègue, et puis je reviens s'il reste du temps.

Le Président (M. Dion): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Ne vous en faites pas, moi aussi, je ne m'entends pas avec la ministre sur les coupures qu'il y a eu dans son ministère donc à certains aspects.

Je voulais, bon, en partant... On a eu ces discussions plus tôt cette semaine.

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Non, c'est ça. On y arrivera, sans doute. Donc, en partant du fait que vous offrez des services importants d'accompagnement aux personnes immigrantes, réfugiées, minorités visibles puis que vos actions ont un impact important également dans cette volonté de lutter contre le racisme et la discrimination et surtout du fait que vous représentez 132 organismes communautaires, vous avez sonné un cri d'alarme assez important au mois de mars dernier.

Vous avez écrit une lettre ouverte au premier ministre en soulignant certains aspects. Je voudrais citer un passage. Vous dites: «Force est de constater que l'offre de service publique et communautaire en matière d'intégration et de francisation ne répond plus adéquatement aux besoins des nouveaux arrivants, et ce, malgré un plan d'action gouvernemental ambitieux adopté en mai 2004 auquel le milieu avait largement souscrit mais qui, après deux ans, ne semble pas apporter les résultats escomptés.

«Nous constatons également que le Québec se trouve être la province canadienne qui performe le moins bien en matière d'intégration des nouveaux arrivants notamment en ce qui concerne le taux de pauvreté et les difficultés liées à l'insertion au marché du travail.

«Les fonds publics investis au Québec dans l'intégration et la francisation des nouveaux arrivants stagnent depuis plusieurs années. Ils ont même connu d'importantes coupures en 2004, et ce, malgré une croissance marquée de l'immigration d'année en année, soit 25 % en cinq ans. En même temps, nous savons que la compensation financière que reçoit le Québec dans le cadre de l'Accord Canada-Québec pour l'intégration des immigrants et des réfugiés connaît d'importantes hausses, passant de 104 millions en 2001 à 181 millions en 2005. 20 millions additionnels sont prévus par le fédéral pour l'année financière 2006-2007. Comment peut-on justifier que le gouvernement québécois n'investit pas dans le développement des mesures de soutien et d'accompagnement pour les nouveaux arrivants, comme c'est dans le cas dans le reste du Canada, alors que le gouvernement dispose d'un fonds garanti dédié à l'intégration des nouveaux arrivants à long terme?»

Désolée d'avoir pris le temps de lire ce passage, mais je considère que c'est important parce que l'action que vous menez sur le terrain, elle est extrêmement importante dans l'intégration puis dans la lutte contre la discrimination et le racisme. J'aimerais pouvoir vous donner l'occasion d'élaborer un peu sur pourquoi vous avez mentionné cela.

Le Président (M. Dion): Alors, M. Reichhold, allez-y.

Une voix: Je ne comprends pas trop bien. La question, c'est: Pourquoi on a écrit cette lettre?

Mme Lefebvre: Bien, en fait, vous sonnez un coup d'alarme important. Vous semblez soulever qu'il existe des problèmes.

M. Reichhold (Stephan): Bien, je pense qu'on est un peu découragés. Et d'ailleurs, bon, je pense, ça fait déjà deux... maintenant que Mme Courchesne n'est plus au ministère. Il y a deux ans et demi, c'est Mme Courchesne qui nous avait demandé d'écrire une lettre au premier ministre pour lui dire, parce qu'elle, au niveau du transfert et des budgets du MICC, c'était peu de temps après les coupures des allocations en francisation, je veux dire.

Bon. On ne sait plus à qui s'adresser, je veux dire, par rapport à cette question que les budgets qui viennent du fédéral, qui ont augmenté de 30 millions en deux ans, ne se reflètent pas dans les mesures, dans les programmes sur le terrain. Je veux dire, cette année, il y a une augmentation de 12 millions, mais on ne voit pas 12 millions dans la francisation, dans les mesures, dans le développement du ministère de l'Immigration. Peut-être qu'on va le voir dans le plan de lutte contre le racisme. Mais, là aussi, je veux dire, ce n'est pas tellement admissible. Je veux dire, la question de discrimination ne rentre pas dans l'Accord Canada-Québec, donc on ne... pas pouvoir utiliser cet argent. Mais, disons, on est un peu désespérés.

Le Président (M. Dion): Mme Augenfeld.

Mme Augenfeld (Rivka): Oui, c'est ça. On est très conscients du fait que l'argent du transfert Canada-Québec va au fonds consolidé. Ensuite, c'est partagé entre plusieurs ministères et c'est supposé d'être utilisé pour l'intégration de nos arrivants. On essaie par différents moyens, depuis des années, de comprendre comment se fait la répartition de cet argent, mais on voit une chose chaque année, surtout depuis quelques années: il y a une augmentation, c'est indexé, et on aimerait voir la même proportion allouée aux programmes.

Évidemment, c'est un argent, mais il faut dire aussi que ça fait des années que ça continue à travers plusieurs gouvernements. Alors, depuis plusieurs années qu'on est là-dedans, on voit le même problème, mais on s'étonne que le gouvernement central, que ce soit un gouvernement ou un autre, ne porte pas la même attention à s'assurer que, dans ces augmentations, il y a une augmentation appropriée qui s'en va vers un ministère principal surtout qui a le mandat principal, tout en reconnaissant que c'est le mandat de plusieurs ministères de voir de différentes façons à l'intégration. Mais on ne peut pas comprendre comment il peut y avoir des coupures. Là où ça a fait une certaine attention publique, c'était au moment où il y a eu des coupures dans la francisation. Ça a été rétabli par la suite, mais, suite à toute une, il y avait...

Ça, ça a attiré l'attention de tout le monde, mais c'est continuel. Et on ne peut pas continuer à attirer des immigrants et faire une job nécessaire, et, nous, jouer notre rôle, et, tout le monde, jouer leur rôle respectif sans injecter des nouveaux fonds. On ne peut pas le faire. Il y a des limites au bénévolat même chez nous. Et on voit que les choses doivent être... si on veut que ça fonctionne. Et maintenant, comme vous dites, si on veut faire une politique contre le racisme, la discrimination, à travers le Québec, à l'échelle... québécoise, avec tous les acteurs, ça va prendre une injection de fonds sérieuse. Si c'est sérieux, il faut y mettre des ressources et l'expertise. Ça prend les deux. Mais, sans ressource adéquate, on va rester avec nos bonnes intentions. Alors ça, ça va être la volonté du gouvernement qui va être mise à l'épreuve pour voir est-ce que c'est sérieux ou pas.

On espère, on espère bien et on a tous espoir que c'est sérieux. C'est la première fois qu'on en parle de façon aussi ouverte. On vous félicite encore pour avoir mis un diagnostic très, très, très exact et là on espère qu'on pourrait voir des actions à long terme, pas des petits projets ponctuels, parce que ce n'est pas ça que ça prend, mais vraiment des changements qui vont être systémiques et qui vont prendre une injection de fonds importante.

n(18 heures)n

Mme Rodrigues (Anne-Marie): ...est de plus en plus difficile aussi. Si on vérifie, par exemple, en janvier dernier, les personnes qui étaient sur l'aide sociale, 48 % des personnes aptes au travail étaient des immigrants. Donc, il faudrait se réveiller puis mettre les fonds nécessaires pour faire quelque chose également, parce qu'on sait que la pauvreté très souvent conduit au racisme et à la discrimination.

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, madame. Vous comprendrez qu'on a beaucoup d'intérêt à ce que vous nous racontez ici, ce que vous nous dites, ce qui fait qu'on a prolongé tout à l'heure la partie ministérielle. Et on aurait besoin du consentement pour établir l'équité entre les deux parties. Alors, est-ce que vous consentez à ce qu'on prolonge...

Une voix: ...

Le Président (M. Dion): Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Dion): ..quatre minutes.

Mme Thériault: De consentement, on peut toujours tout faire, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Merci. Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, vous avez la parole.

Mme Lefebvre: Bien, en fait, je voudrais vous donner l'occasion de pouvoir poursuivre ou conclure.

M. Ramirez (José-Maria): ...vous savez, depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé depuis les années quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-douze, dès mon arrivée, ils ont parlé de l'importance de l'immigration dans l'avenir du Québec, que c'est très important parce que, de plus en plus, nous allons avoir besoin de ces personnes immigrantes et que c'est très important de les intégrer. Malheureusement, dans la pratique, dans la cohérence et le discours et la pratique, elle n'existe pas, cette cohérence. Si cette commission réussit à arriver à un minimum de cohérence, ça pourrait déjà beaucoup aider.

Écoutez, le ministère de l'Immigration, je n'ai jamais vu, par exemple, qu'il existe du racisme entre personnes d'origine française et québécoise. Le racisme, ça se fait souvent avec les personnes qui viennent de l'extérieur. Alors, qu'est-ce qui se passe? C'est que la plupart de ces personnes-là, elles arrivent ici, on n'a pas les ressources suffisantes. Le ministère de l'Immigration, c'est un des pires financés dans tout l'appareil ministériel ? les changements successifs des ministres, les programmes qui ne durent pas longtemps. Vous savez, on a eu des campagnes pour connaître, par exemple, la prévention de la conséquence de la fumée sur la santé. On avait des campagnes pour connaître le danger de la vitesse au volant. On a des campagnes même pour la question de cette piqûre de cet...

Une voix: ...

M. Ramirez (José-Maria): ...le maringouin que...

Une voix: Le virus du Nil.

M. Ramirez (José-Maria): Le virus du Nil. Mais je n'ai jamais vu une campagne depuis mon arrivée ici, en 1992, une campagne pour expliquer aux Québécois pourquoi est-ce qu'on attend des personnes d'origine étrangère, qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là, pourquoi est-ce qu'ils sont ici. Est-ce qu'ils sont tous des réfugiés ou est-ce que c'est des gens qui viennent contribuer et que nous avons besoin et que le gouvernement fait le nécessaire pour aller les chercher à l'étranger?

Mme Rodrigues (Anne-Marie): On doit arrêter de dire aussi: On a besoin d'immigrants à cause du problème démographique. On doit dire: On a besoin de citoyens qui sont médecins, infirmières et qui vont contribuer activement au développement du pays. C'est ça dont on a besoin.

Le Président (M. Dion): Alors, je vous remercie beaucoup. Comme vous pouvez le voir, ça a été très important, cette audition-là. On a même dépassé le temps, alors c'est un indice sûr de l'importance qu'on accorde à ce que vous avez à nous dire.

Mais maintenant l'heure est passée, alors j'ajourne les travaux à mardi le 26 septembre 2006, à 9 heures... alors que la commission parlementaire poursuivra ses auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination à la salle du Conseil législatif. Merci infiniment.

Une voix: ...

Le Président (M. Dion): Merci. Au revoir.

(Fin de la séance à 18 h 4)


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