(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter nos travaux immédiatement. Donc, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte et, comme à l'habituel, je demanderais aux personnes qui ont des téléphones cellulaires et qui ont encore leurs sonneries de bien vouloir le mettre sur le mode vibration, s'il vous plaît.
Donc, je rappelle le mandat de la commission: le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques sur le patrimoine religieux du Québec.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Legault (Chambly) est remplacée par M. Auclair (Vimont) et Mme Caron (Terrebonne) est remplacée par M. Turp (Mercier).
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, aujourd'hui, pour le bénéfice des gens qui sont dans la salle et le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, nous allons recevoir, dans l'ordre suivant, le monastère des Augustines, le groupe Mission Patrimoine religieux, la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec, et, cet après-midi, nous recevrons Mme Marie-Claude Rocher, Mme Diane Audy, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec et finalement l'Assemblée de la fabrique de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Québec.
Donc, déjà notre premier groupe est installé. Bienvenue en commission parlementaire. Donc, nous recevons le monastère des Augustines. Je vous rappelle les règles de la commission parlementaire, je pense que c'est votre première visite ici, en commission. La façon est très simple de procéder: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire de la façon dont vous le jugerez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission, tout simplement.
Auditions (suite)
Pour le bénéfice du Journal des débats, parce que nous avons un Journal des débats, n'est-ce pas, au Parlement, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et, à la suite de ça, de prendre immédiatement la parole pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Monastère des Augustines
Mme Tanguay (Lise): Merci. Alors, soeur Lise Tanguay, supérieure du monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec.
M. Rousseau (François): François Rousseau, historien et archiviste au monastère de l'Hôtel-Dieu aussi.
M. Robitaille (Denis): Denis Robitaille, chargé de projet du Lieu de mémoire des Augustines. Bonjour. Merci de nous accueillir à cette rencontre. Merci de consulter tous ces gens sur le patrimoine religieux.
Ce que nous voulons vous présenter ce matin, c'est à la suite du dépôt du mémoire qu'on vous a fait parvenir, d'abord, le projet sur lequel on travaille, donc présenter les Augustines, présenter le projet de Lieu de mémoire, et ensuite les questions, surtout les questions que soulève ce projet, qui peuvent être des questions qui nous semblent communes à d'autres projets qui peuvent se présenter concernant la reconversion du patrimoine religieux conventuel.
Alors donc, il y aura présentation, et nous avons aussi pris l'initiative de vous laisser une brochure qui présente le projet sur lequel nous travaillons actuellement. Alors, ce sera d'abord soeur Lise Tanguay qui présentera à la fois la communauté des Augustines, la décision qu'elles ont prise concernant leur patrimoine et le projet qui est en marche; ensuite, M. Rousseau présentera des valeurs qui nous guident dans ce projet, et, moi, je m'attarderai davantage aux questions soulevées par la mise en place d'un tel projet, pour les Augustines mais peut-être aussi pour d'autres ensembles conventuels.
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(9 h 40)
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Mme Tanguay (Lise): Alors, je peux vous dire d'emblée que le Lieu de mémoire des Augustines est un projet culturel et social d'avant-garde. Qui sont les Augustines? Pour ceux et celles qui ne nous connaîtraient pas, les Augustines sont les fondatrices de l'Hôtel-Dieu de Québec, en 1639, qui est le premier hôpital établi en Amérique au nord du Mexique, et de 11 autres hôpitaux dans la province. Elles ont jeté les bases du système de santé actuel du Canada et y ont contribué jusqu'au vingtième siècle. Vieillissantes et moins nombreuses, notre situation, bien entendu, n'a rien d'exceptionnel, puisque la décroissance touche toutes les communautés du Québec. Ce qui est exceptionnel par contre, c'est le riche héritage patrimonial qui est le nôtre et la place que ce témoin des débuts de la colonie et de son évolution tient dans la mémoire vive du Québec d'aujourd'hui.
Dans un contexte de décroissance accélérée des effectifs, une réflexion enclenchée il y a plus de 10 ans au niveau de l'ordre des Augustines a amené celles-ci à prendre la décision de regrouper leur patrimoine mobilier et immobilier exceptionnel accumulé depuis plus de 360 ans et de le partager avec la société québécoise et canadienne. Le monastère fondateur de l'Hôtel-Dieu de Québec a été choisi pour devenir le lieu de mémoire de cet héritage. Il ne s'agit pas de nous départir d'un héritage devenu trop lourd à porter mais de le partager, de le transmettre en toute lucidité à la société, et ce, dans une perspective dynamique.
De quoi parle-t-on? De bâtiments uniques au Canada datant du 17e et 18e siècles, d'archives, de livres anciens, de pièces de mobilier, de peintures, de sculptures, d'orfèvrerie, de textiles, de savoir-faire qui remontent aux origines du pays et qui ont rarement d'équivalents dans les grandes collections nationales. Consciente de cette richesse et déterminée à en assurer la protection, la communauté adressait à la ministre de la Culture et des Communications, en décembre 2000, une demande de classement à titre de biens culturels des bâtiments anciens et du patrimoine qu'ils contenaient. Les études requises pour étayer le dossier ont été réalisées dans le cadre de l'entente sur le développement culturel intervenue entre la ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications et elles ont donné lieu à un partenariat exemplaire. Il s'agissait de trois études: sur l'architecture, les archives et livres anciens et la collection de mobilier. Les conclusions de ces études confirment le bien-fondé de notre demande et démontrent sans contredit l'importance de ce patrimoine.
Parallèlement à ces études et toujours en partenariat avec le ministère de la Culture et la ville de Québec, dans le cadre d'un projet pilote, une enquête orale par une ethnologue a été réalisée auprès des trois communautés d'Augustines de Québec. Elle portait sur le cadre de vie matérielle des Augustines, le partage des savoirs et des savoir-faire. Plus de 50 heures d'entrevues auprès des informatrices constituent un véritable sauvetage ethnologique. Le 18 mai 2004, la ministre de la Culture et des Communications, Mme Line Beauchamp, procède au classement officiel de cet ensemble conventuel et de son contenu. Ce fut, a-t-on dit, le classement le plus considérable réalisé jusqu'alors par le ministère de la Culture et des Communications.
Le projet comme tel, au coeur du Vieux-Québec, ville du patrimoine mondial, sur un site patrimonial exceptionnel et dans des bâtiments classés offrant une superficie totale de 10 000 mètres carrés, les Augustines désirent rendre vivant ce patrimoine en y intégrant trois vocations. D'abord, un lieu dédié au patrimoine séculaire des religieuses. L'espace muséal de ce lieu de mémoire évoquera l'histoire de la communauté, l'importance de sa contribution dans le développement des soins de santé au Québec et au Canada, et les archives historiques continueront d'être un lieu de consultation et de recherche en histoire, dans le domaine médical et autres, aussi un lieu de ressourcement destiné au personnel de la santé. Et, troisièmement, un lieu d'hébergement, hôtellerie monastique, destiné à une clientèle de tourisme culturel désireuse de vivre l'expérience d'un cloître du XVIIe siècle et aux parents des malades originaires de l'extérieur de Québec et qui reçoivent des traitements à l'Hôtel-Dieu, dont le bâtiment est contigu au monastère. Ce volet, en plus de perpétuer le charisme d'hospitalité et de miséricorde de la communauté, assurera la pérennité financière du projet et lui donnera une portée sociale plus large. Les religieuses continuent toujours d'habiter au coeur de ce vaste ensemble conventuel, mais dans une partie plus récente.
La ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications ont accompagné les Augustines dans leur démarche depuis quatre ans et contribué financièrement aux études réalisées jusqu'à présent. La Commission de la capitale nationale du Québec a élaboré un plan d'aménagement pour le jardin et entend contribuer à sa réalisation. Les fondations et le secteur privé seront également sollicités dans l'avenir. L'ordre des Augustines n'entend pas non plus se désintéresser de l'avenir du Lieu de mémoire et prévoit à cette fin mettre sur pied une fondation à laquelle elle contribuera de manière significative. Les études de faisabilité réalisées et un plan d'affaires démontrent, oui, la faisabilité de ce projet, mais en partenariat. Le Lieu de mémoire des Augustines est un projet original et unique.
Je laisse le soin à mes confrères de poursuivre.
M. Rousseau (François): Merci. Fondé sur des valeurs de ferveur, de compassion et d'hospitalité, qui sont les valeurs caractéristiques de la communauté des Augustines, ce Lieu de mémoire a pour mission de témoigner de l'oeuvre et du mode de vie des religieuses et d'en prolonger la vocation d'accueil et de ressourcement. Le visiteur est convié à vivre une expérience de diverses manières, soit par des découvertes historiques, culturelles et artistiques, par la recherche dans les archives et la bibliothèque de livres anciens, par l'hébergement, l'intériorité. Le monastère, que l'on tient à conserver dans son état original, constitue en fait le premier artefact du projet. Alors, les vocations qui s'y rattachent sont considérées comme faisant partie d'un projet unique et homogène. Donc, le monastère garde son ambiance et favorise une rupture d'avec la vie courante, et les personnes qui le fréquentent ont accès à toutes ses ressources. Les locaux et les activités sont par conséquent aménagés de façon à respecter cette ambiance.
Site incontournable du Vieux-Québec avec son cimetière et ses murs impressionnants, site représentatif de la vie religieuse cloîtrée du XVIIe siècle, les deux ailes anciennes du monastère, le choeur des religieuses ainsi que l'église, forment le coeur de ce Lieu de mémoire. Les appartements anciens du monastère de l'Hôpital général, lieu de l'établissement des Récollets en 1615 et d'un cimetière de la guerre de la Conquête, complètent cet ensemble et fourniront un lieu de visite inclus dans le projet du monastère. C'est toutefois dans le premier monastère des Augustines que se déroulent la grande majorité des activités. Cinq éléments vont s'y côtoyer: un centre d'archives qui va regrouper évidemment les archives de plus de 360 ans du monastère de l'Hôtel-Dieu mais aussi de 11 autres hôpitaux et monastères établis dans les différentes régions du Québec, une institution muséale qui va mettre en valeur le patrimoine de ces communautés, le Centre Catherine-de-Saint-Augustin, un ressourcement offert aux soignants et une hôtellerie. Certains espaces seront donc alloués à différentes fonctions: exposition, chambres, salles de réunion, mais tout le monastère restera accessible et contribuera à la mission du Lieu de mémoire. Lieu de vie et de ressourcement dans le passé, le monastère continue de l'être dans l'avenir. Ainsi, par le retour aux sources qu'il propose, la mise en valeur des collections nourrit cette intériorité.
Fondé sur les valeurs humaines et spirituelles communes à l'ensemble de la société et de l'humanité, le projet du monastère des Augustines n'a donc pas de finalité pastorale. C'est un projet culturel et social au service de la collectivité où il a pris racine, un projet ouvert à tous et offrant la découverte d'un patrimoine religieux par ce qu'il évoque de meilleur en nous. En somme, un projet prophète à sa manière.
Pour les Augustines, par ailleurs, il s'agit aussi d'un acte de foi, un acte de foi dans l'avenir et dans la pérennité des valeurs qu'elles ont défendues depuis plus de 360 ans, soit d'assurer aux malades les meilleurs soins dans le respect de leurs croyances, de leur intégrité et de leurs droits. Mais c'est aussi un projet, comme tous ceux qui vous ont sans doute été soumis, qui fait face à un certain nombre d'enjeux qui vont faire justement l'objet de votre réflexion.
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(9 h 50)
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M. Robitaille (Denis): Donc, vous voyez l'importance de ce projet. On s'est... Le mémoire qui vous a été déposé s'est attardé davantage aux questions soulevées par un effort aussi colossal de remise en service d'un patrimoine, de transmission d'un patrimoine pour des fins d'activités culturelles et sociales.
Alors, je rappelle certains éléments qui nous semblent essentiels pour réussir un tel projet. C'est d'abord la concertation entre différents partenaires qui ont été mentionnés par soeur Lise, notamment alors la ville et le ministère de la Culture. Donc, l'intervention de spécialistes, de gens qui connaissent bien les questions de patrimoine, non seulement le patrimoine de collection, mais architecture, urbanistique, et tout ça. Donc, vraiment un effort de concertation.
Sur notre projet, actuellement il y a 60 personnes qui travaillent sur des comités. Il y a sept comités de travail. Donc, un effort colossal, une mobilisation importante, c'est essentiel pour réussir un tel projet.
Deuxième chose aussi, c'est l'accompagnement. Il nous a semblé important d'accompagner les communautés augustines dans la démarche, dans leur... les décisions qu'elles ont à prendre, des décisions qui parfois sont difficiles parce qu'elles impliquent un regard lucide sur leur avenir. Mais donc un accompagnement pour discerner la nature de ce projet et aussi l'importance pour les Augustines... d'avoir les Augustines avec nous pour définir ce projet, si on veut en faire un lieu de mémoire des Augustines, qu'elles soient présentes dans la réflexion, dans la mise en oeuvre d'un tel projet.
Donc, ça nous apparaît important que, lorsque les communautés envisagent un tel transfert, je dirais, au niveau patrimonial, qu'elles soient très présentes à un projet comme celui-là, qu'elles puissent avoir encore les ressources nécessaires pour être attentives à l'évolution de leur projet.
Ensuite, l'autre défi auquel on fait face et qui nous semble commun à d'autres défis du genre, c'est d'en faire un lieu de mémoire dynamique, un lieu accessible, un lieu aussi accessible de manière universelle. Mais, attendu, comme on disait... ce n'est pas un projet pastoral ni un projet ecclésial, bien que ce soit une mise en valeur du patrimoine religieux. Donc, ça veut dire une reconversion d'un usage. Donc, un patrimoine qui doit rester vivant, que ce soit un lieu... Les communautés religieuses n'étaient pas des communautés qui avaient pour principale mission de rassembler un patrimoine. Elles avaient une mission sociale, et c'est ça qui doit transparaître à travers le patrimoine qu'on met en valeur.
Une autre question, bien entendu, qui est soulevée par un patrimoine aussi important... C'est un patrimoine colossal, un patrimoine national. Qui en sera les propriétaires lorsque les Augustines ne pourront plus l'être? Et ça, c'est une question qui bien entendu relève d'une réflexion du Québec, à se dire qui prendra responsabilité et qui sera maître d'oeuvre? Ça nous apparaît que, pour assurer la pérennité d'un ensemble aussi important, il faut avoir des partenaires qui assurent cette pérennité et une représentation de la population. Donc, on interpelle, rendu ici, des représentants gouvernementaux.
Donc, il faut assurer aussi aux Augustines une quiétude, si elles confient leur patrimoine, que l'exercice de ce projet ne le mette pas en péril.
Et dernière chose qui a été mentionnée dans le mémoire qui vous a été proposé, c'est l'importance de chercher des modèles inspirants pour de tels projets, et c'est pour ça qu'on a évoqué celui de la SEPAQ, qui est la Société des établissements de plein air du Québec, qui gère le patrimoine naturel du Québec en fait en le mettant en valeur, en le conservant, en cherchant des façons de le développer, de le mettre accessible à la population. Et, nous, c'est un peu l'image qui nous venait, c'était l'idée d'une SEPAQ du patrimoine religieux, c'est-à-dire donc une façon de mettre en réseau les ensembles patrimoniaux importants, de chercher à les développer de manière cohérente et ensemble plutôt qu'un projet isolé. Vous voyez un peu l'effort colossal que demande la mise en place de ce projet-ci. Bien, ça va être sensiblement la même chose ailleurs. Alors, pourquoi ne pas chercher à mettre ça en réseau, de travailler à ce que ces projets soient... se développent dans le même sens?
Donc... Et il y a aussi l'effort d'avoir des revenus d'opération, et c'est ce que la SEPAQ fait par rapport au patrimoine naturel du Québec, et il y a des honoraires de gestion qui sont confiés à la SEPAQ pour... de la part du gouvernement, mais le trois-quarts des revenus d'opération couvrent donc les frais d'opération du projet. Donc, la SEPAQ nous semblait... est une façon d'évoquer, voyez-vous, l'importance de mettre en réseau les projets et de faire en sorte qu'il y ait des dimensions, on pourrait dire, commerciales où il y a une dimension de revenus qui permette la pérennité d'un tel projet.
Donc, voilà en gros ce qu'on voulait vous présenter ce matin en termes d'intervention de notre part, l'importance d'un projet qui est en marche, qui va bien, qui fait face à des questions qui chaque fois sont soulevées par l'évolution du projet, des valeurs importantes qui ne sont pas uniquement des valeurs historiques ou architecturales, ou esthétiques, ou artistiques, mais aussi des valeurs sociales, des valeurs de transmission du dévouement des Augustines et des questions dont je viens de vous parler, qui ont été énoncées aussi dans notre mémoire. Alors, nous sommes disponibles pour vos questions et échanges avec vous.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci pour cette belle présentation, et je vous dirais tout d'abord que c'est un honneur pour nous, la Commission de la culture, de recevoir le monastère des Augustines, fondé au début du XVIIe siècle, dont vous avez été le témoin de notre histoire et aussi le témoin de toutes les constructions du patrimoine religieux que nous avons au Québec. Donc, merci de venir nous rencontrer aujourd'hui.
C'est certain, à premier abord, vous nous aviez passé votre document, le monastère des Augustines, et j'ai été attiré par la page 14, l'hôtellerie monastique. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, puis c'est une façon de reconvertir le patrimoine religieux, puis vous avez, étant donné, comme je disais d'entrée de jeu, que vous êtes en quelque sorte le témoin de la construction du patrimoine religieux au Québec... Vous avez naturellement des bâtiments qui seraient recherchés par beaucoup de gens. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'hôtellerie monastique? C'est ma première, courte question, juste une question de curiosité. J'aimerais en savoir un petit peu plus long là-dessus.
Mme Tanguay (Lise): En fait, l'idée de l'hôtellerie monastique, bien c'est pour... Je vous parlais au début qu'on voulait que ce soit un lieu vivant, alors pas seulement un espace muséal, mais un lieu où il y aurait de la vie à l'intérieur, et l'hôtellerie monastique se situe dans la droite ligne de notre mission d'hospitalité. Elle est différente aujourd'hui, elle est revisitée, si on peut dire, mais déjà, depuis 1972, nous accueillons dans une partie, un dortoir libre dans la partie ancienne, les parents des malades qui viennent à l'hôpital. Alors, ça nous permet de continuer notre mission d'hospitalité et, pour l'avenir bien sûr, il y a une question, dans ce projet-là, aussi de financement, hein? Des études ont été faites, un plan d'affaires a été établi et il nous faut rentabiliser ce projet-là.
Alors, l'hôtellerie monastique, d'une cinquantaine de chambres, 50 à 60 chambres, répondrait bien à cette exigence, et il y aurait des chambres réservées pour le tourisme culturel. En Europe, c'est un tourisme qui prend de plus en plus d'ampleur. Et des chambres réservées, aussi, pour les parents des malades, et souvent ces parents qui viennent de l'extérieur sont peu fortunés. Alors, il nous faut les héberger à des coûts moindres, mais, dans un plan d'affaires, il faudrait à ce moment-là s'allier avec une fondation qui comblerait le déficit pour les coûts d'hébergement. Mais, l'objectif de l'hôtellerie, c'est vraiment d'en faire un lieu vivant et dans la continuité de notre mission d'hospitalité.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Une autre expression qui a attiré mon attention, vous parlez de la SEPAQ du patrimoine religieux; c'est un concept intéressant. J'aimerais vous entendre un peu plus sur ce concept-là, parce que, tout au long de votre argumentation, vous avez parlé de concertation, de partenariat. J'ai entendu parler beaucoup de tout ce qui concerne les organismes du gouvernement du Québec. On sait, malheureusement, que les finances publiques, autant au niveau du Québec que des municipalités, ne permettront peut-être pas de recueillir un grand patrimoine sur votre nouvelle SEPAQ du patrimoine religieux. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous... votre suggestion touche quels types de patrimoines? J'imagine que ce n'est pas tout le patrimoine religieux du Québec, mais les patrimoines très spécifiques, j'imagine, plus anciens. J'aimerais vous entendre un peu plus sur cette suggestion-là.
M. Robitaille (Denis): Oui. Alors, c'est évocateur. En fait, il faudrait vérifier tous les tenants et aboutissants. Nous avons rencontré les responsables de la SEPAQ pour vérifier l'intuition qu'il y a derrière. Et en fait l'imaginaire a été réveillé chez nous en voyant le succès de la base forestière de Duchesnay, qui était en recherche de vocation, puis la SEPAQ a pris ça en main, a développé le projet, a assuré... a ajouté une auberge, et tout ça. Ce qui fait que le lieu est sauvé, si on peut dire.
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(10 heures)
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Donc, il y a un effort, là, de conservation. Il y a un rôle d'éducation face à la nature, face à la sauvegarde des 22 parcs nationaux du Québec, et il y a une mise en réseau et donc une certaine péréquation qui fait que ? certains parcs sont plus rentables que d'autres ? qui permet de compenser le déficit d'un autre ou le développement d'un autre. Et il y a des activités reliées à la connaissance et à la mise en valeur du patrimoine naturel qui sont compatibles, comme le camping, le kayak, ces choses-là, qui permettent donc un développement qui correspond un peu à ce qu'on pense, nous, c'est-à-dire non seulement on met en valeur un patrimoine existant, mais qui a des activités qui nous mettent en relation avec ce patrimoine, un rapport de proximité par l'usage des chambres, et tout ça.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on pourrait penser à un réseau d'hôtellerie monastique?
M. Robitaille (Denis): Bien, voilà. Donc, ça pourrait être une façon de faire, et ça existe déjà dans d'autres pays, une mise en réseau donc de projets. Et l'intérêt de la SEPAQ, par exemple, c'est d'avoir des économies d'échelle, d'avoir un standard établi pour l'ensemble des projets, c'est d'avoir une possibilité, par exemple, pour quelqu'un qui voudrait faire une tournée peut-être des différents emplacements, des différentes ressources patrimoniales, d'avoir accès à un seul guichet, si on peut dire, pour faire cette tournée.
Bien entendu, on parle du patrimoine. À notre avis, peut-être, il faudrait cibler un patrimoine, le patrimoine identitaire du Québec. Comme, par exemple, celui-ci, celui dont on parle ce matin, on parle ici, là, de 12 hôpitaux au Québec, c'est-à-dire donc un patrimoine social, un patrimoine médical, et aussi donc tous les monastères. Donc, le patrimoine des Augustines est un patrimoine identitaire du Québec. Si on veut savoir comment sont nés et se sont développés les soins de santé au Québec, il faut visiter les Augustines, par exemple.
Mais, d'autres patrimoines identitaires, pour d'autres causes sociales, ont été développés au Québec, et ça peut être intéressant de les mettre en réseau. Il faudrait voir à ce moment-là à baliser, et évidemment ça ne peut pas être tout le patrimoine dont on parle, mais il y aurait... Il ne faudrait pas que des projets comme ceux-ci se développent isolément, parce qu'on a besoin de ressources qui sont les mêmes partout. Alors donc, il faut... C'est ça, l'idée un peu du réseau.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous trois. Soeur, c'est un plaisir de vous accueillir ici, à l'Assemblée nationale, à cette commission parlementaire sur l'avenir du patrimoine religieux. Évidemment, nous nous sommes déjà croisés, puisque j'ai visité avec la ministre. Alors qu'on a classé officiellement le monastère, j'ai visité les lieux, et je l'avais déjà fait auparavant. Et je vais vous avouer que c'est un monastère unique, je vous dirais, même au Canada ou peut-être même en Amérique du Nord, et qui rehausse de richesses qui demandent et qui doivent être observées, admirées par tous les visiteurs, touristes et autres qui se doivent, pour être redondant dans mon affirmation, qui se doivent de visiter votre endroit, parce qu'il est d'abord situé dans la merveilleuse ville de Québec mais également très bien situé, à côté de l'Hôtel-Dieu, juste de façon limitrophe, dans un périmètre... dans le Quartier latin, qui est magnifique. Alors, je vous en félicite d'abord et avant tout.
Également, je tiens à vous féliciter pour votre présentation, votre mémoire également, d'une facture de qualité, et également le pamphlet, le prospectus, du moins, que vous nous avez distribué, il est bien fait, mais je pense et je crois qu'il est à l'image évidemment de votre travail et de tout ce que vous avez accompli, et il reflète très modestement, je vous dirais, toute l'ambition, toute l'ambition que vous avez de conserver, hein, ce qu'on a de plus précieux, c'est-à-dire notre patrimoine religieux. Alors, je vous en félicite.
Vous me permettrez, M. le Président, d'être relativement bref ? bien que j'ai fait une petite introduction d'usage quelque peu longue, mais quand même qui se devait d'être ? parce que je sais que mes collègues brûlent d'envie ? et évidemment je ne fais aucunement référence à l'enfer, pardonnez-moi, évidemment contexte oblige; brûlent d'envie ? de vous poser des questions. J'aimerais savoir, et compte tenu que je faisais référence à votre prospectus, ici, ou du moins à votre brochure... Et tout de suite, je vous dirais, en avant-page ou du moins à l'endos de la couverture, je me permets de lire évidemment ce qui suit: «Cette publication a été rendue possible grâce à la participation financière de la ville de Québec ? évidemment, qui est un grand collaborateur, ça, j'en sais quelque chose pertinemment ? et du ministère de la Culture et des Communications du Québec, dans le cadre de l'entente sur le développement culturel de Québec.» Également, je sais que la Commission de la capitale nationale vous est d'une grande aide ou d'un grand secours financier, une quelconque façon de parler.
Moi, j'aimerais savoir de quelle façon est-ce que ça se répartit, cette contribution financière de tous ces partenaires, et comment est-ce que vous entrevoyez l'avenir également en ce qui concerne le financement éventuel, pour ces partenaires.
Mme Tanguay (Lise): À venir jusqu'à date, pour les études, par exemple, le partage s'est fait moitié-moitié entre le ministère de la Culture et la ville de Québec, au niveau des coûts, hein. C'est ça que vous demandez, là, exactement? La Commission de la capitale nationale, eux sont présents aux tables des comités, et éventuellement c'est le projet du jardin... Le réaménagement du jardin du monastère, pour lui redonner sa noblesse première, là, parce qu'il y a un peu d'asphalte pour les stationnements, alors c'est ça, le projet de la Commission de la capitale nationale.
Bien, dans l'avenir, le financement, écoutez, c'est pour ça que je vous parlais tantôt de l'hôtellerie monastique. Il y a le lieu muséal et les archives qui seront quand même des lieux accessibles moyennant un prix d'entrée, hein. C'est gratuit actuellement, mais il y aura sûrement une billetterie à ce moment-là. Mais ce ne serait pas suffisant pour parvenir à... Alors, c'est ça, il va falloir faire affaire avec aussi le partenariat privé, la constitution de fonds, soit des fonds dédiés soit pour l'hôtellerie soit pour l'aspect patrimonial, là, des artefacts, et tout ça. C'est tout un ensemble. Ce n'est pas évident. Oui?
M. Robitaille (Denis): Oui. Évidemment, c'est un projet d'ampleur, c'est un projet qui est un devoir de mémoire que nous avons et c'est de se dire: Quelle sera la participation de l'État? Comment on va travailler? Alors, l'expertise de la communauté dans ce développement-là a besoin beaucoup de l'expertise des autres. Alors, le fait d'avoir la ville, le ministère de la Culture comme partenaires pour trouver des façons de voir, alors on explore les programmes d'infrastructures stratégiques, on explore des modes de financement qui existent déjà pour le développement de projets, mais tout ça est aussi relié à l'univers de l'évolution politique qui nous entoure, alors les élections, tout ça. Donc, il y a un effort, mais on définit le projet, on le rend attrayant, on le rend utile et peut-être nécessaire, et puis, après, on verra l'ampleur des coûts puis on verra si on est capables de réaliser un projet comme celui-ci.
Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Une brève question, M. le Président. Autre partenaire qu'on a peut-être consciemment, vous et moi, oublié depuis votre présentation: la Fondation du patrimoine religieux. Quel a été son apport ou quelles seront ses garanties éventuelles comme partenaire, au niveau financier? Est-ce que vous avez...
Mme Tanguay (Lise): À date, non, il n'y a pas eu de participation.
M. Mercier: Aucune participation de la fondation?
Mme Tanguay (Lise): Non. Non.
M. Mercier: D'accord. Alors, M. le Président, merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Évidemment, M. le Président, je vais faire miennes les félicitations de mon collègue de Charlesbourg face à cette oeuvre gigantesque et merveilleuse, fantastique, fabuleuse de ces religieuses qui ont donné de leur temps mais qui ont consacré leur vie aux autres, et vraiment toute ma reconnaissance pour ce dévouement.
Moi, j'aimerais revenir sur l'idée de la SEPAQ. Je vous trouve tellement ambitieux et audacieux en même temps, parce que c'est une idée finalement qui n'est pas si bête que ça. On réfléchissait à ça et on disait: Oui, bien ça pourrait avoir un certain bon sens. Comment on pourrait arrimer ça, de partir des lieux physiques naturels mais transposer ça dans un milieu plus culturel?
Une petite question pour vous: Est-ce qu'à ce moment-ci, à partir du moment où on irait sur ce genre de modèle là, est-ce qu'il faudrait nationaliser, à ce moment-là, les lieux patrimoniaux religieux, comme le sont les lieux naturels qui font partie de la SEPAQ? Évidemment, les nationaliser en fonction de critères dont vous parliez tantôt. Je présume que ce n'est pas tout qui doit être à l'intérieur d'une organisation comme la SEPAQ. Comment vous voyez ça? Est-ce qu'il faudrait nationaliser, à ce moment-là, les lieux religieux patrimoniaux?
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(10 h 10)
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M. Robitaille (Denis): Oui, ça fait peur un peu comme expression, hein? Mais il m'apparaît... Si je prends le projet des Augustines, nous avons exploré le mode d'incorporation du projet et rapidement on s'est dit: On ne peut confier un projet aussi important, et on évalue toujours, là, ce projet-là à environ... C'est 100 millions, la valeur, là, si on veut mettre un chiffre sur bâtiments, collections, et tout ça. Alors, est-ce qu'on peut confier à quelques bénévoles qui forment une corporation un patrimoine national, et avec le péril peut-être d'une difficulté, ou je ne sais trop, qui ferait en sorte que, woups! au bout de quelques années, on redonne aux Augustines le patrimoine? Elles seront malheureusement moins nombreuses et plus âgées. Donc, il y a à notre avis une nécessité d'une prise en charge effective.
Évidemment, nous, on sait que ça ne se réglera pas à notre niveau, notre projet, donc on continue de l'avancer. Peut-être mettrons-nous une corporation transitoire, mais il nous semble qu'un jour il faudra que ce soit confié à un bras de l'État, disons. Est-ce que ça pourrait être une société d'État comme la SEPAQ, par exemple, qui s'occuperait du patrimoine religieux? Bien, la voilà un peu, notre idée. À ce moment-là, je pense que, oui, en effet ce serait... On parle toujours d'un patrimoine jugé excédentaire parce qu'on parle d'un patrimoine, ici, qui n'est plus utile à la vie de la communauté des Augustines, donc c'est un patrimoine excédentaire, un patrimoine identitaire reconnu par les instances qui ont ce rôle à jouer. Et je pense que, oui, en effet ce serait de s'en porter acquéreur pour assurer l'avenir et d'en confier la gestion ensuite à une société d'État, un peu comme dans le fond les parcs nationaux appartiennent à l'État, mais dont la gestion est confiée à une société d'État. Mais là c'est...
Dans le fond, nous, ce qui nous plaisait en vous proposant cette image-là, c'est de se donner un lieu d'exploration. On n'a pas soupesé l'ensemble, là, mais voilà, c'est pour se donner de la matière un peu. Et, quand on a rencontré les gens de la SEPAQ, on trouvait ? eux et nous ? que ça avait du bon sens, qu'il y avait des liens intéressants, des comparaisons de façons de gérer, de façons de voir les choses qui pouvaient être compatibles.
Mme Vien: Vous voyez à quel point de lancer une idée comme ça... Vous dites: On n'a pas beaucoup documenté, on ne s'y est pas penchés de façon très, très, très profonde, approfondie en fait, et voyez à quel point ça peut susciter de l'intérêt. C'est un peu l'idée de la commission finalement, au fond, hein, c'est de dire: Bien, voici.
M. Robitaille (Denis): C'est ça, oui. Et puis on a rencontré l'équipe de la SEPAQ avec Serge Filion, de la Commission de la capitale nationale, ils ont une responsabilité par rapport au projet de fiducie aussi, une recherche de fiducie, et ils vont se rencontrer, les gens responsables de la réflexion sur la fiducie et la SEPAQ, pour explorer, continuer d'explorer, là, pour intégrer ça dans leur réflexion. On verra.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Vimont.
M. Auclair: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, mesdames, bonjour. Merci beaucoup de votre présence. Moi, ce qui m'intéresse beaucoup dans... J'ai trouvé très intéressants vos commentaires, vos propos. Une seule chose, parce que, dans d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer, qui ont présenté des éléments assez intéressants au niveau de la protection, bien sûr, du patrimoine religieux, certaines personnes ont amené le questionnement suivant: déterminer à qui appartient, à qui est la propriété véritable de ces bâtiments, de tous ces terrains, de ces valeurs, parce qu'au cours des...
On sait que légalement... Légalement, je suis capable de comprendre que, oui, vous avez les titres de propriété, je saisis très bien ça. Mais, au niveau de la légitimité ? je pense que c'est mon président qui utilisait le terme ? légitimement, dans le fond c'est l'ensemble de la collectivité qui a permis l'acquisition de ces actifs-là, et, dans ce cadre-là, dans ces propos-là qui ne sont pas les miens mais que je fais miens en ce moment, est-ce que la création d'une institution comme une SEPAQ, qui n'est pas... qui est un projet intéressant en soi, pourra amener à une protection? Comment vous voyez ça? Est-ce que c'est qu'on transférerait tout simplement les propriétés à l'organisme, ou il devrait y avoir acquisition de ces propriétés-là, de ces actifs-là? Parce que l'objectif qu'on recherche, c'est quoi, c'est la protection même de ces lieux avant toute chose, et de là la question, le débat sur la légitimité versus la propriété légale. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Tanguay (Lise): J'aimerais juste vous préciser quelque chose ? peut-être que j'ai mal compris votre question, là ? sur un certain point, c'est qu'à venir jusqu'à tout récemment, là, avant d'avoir recours au ministère de la Culture, des Communications et la ville de Québec, les Augustines ont toujours entretenu leur patrimoine, et c'est personne qui a fourni pour l'entretenir, ce patrimoine-là. Ça, je pense qu'il faut être clair là-dessus. Et c'est sûr que l'hôpital, bon, ça, c'est une autre affaire, l'Hôtel-Dieu comme tel, mais, le monastère, nous avons toujours été autonomes dans l'entretien, et c'est pourquoi nous ne pouvons plus le faire.
Et, deuxièmement, nous sommes conscientes que, même si nous sommes propriétaires de ce patrimoine-là ? oui, nous le sommes légalement, juridiquement ? mais il y a quelque chose qui transcende ça, et c'est la valeur inestimable de ce patrimoine-là, qu'on concède, là. Puis c'est un patrimoine qui appartient à la société québécoise. Ça, on n'a aucun doute là-dedans. Et si, au fil des siècles, nos précédentes, nos soeurs ont colligé, ont ramassé tout ce patrimoine-là ? sans trop le savoir, hein, mais il y avait comme un sens inné du respect des objets, et tout ça, chez elles ? eh bien, ce n'était pas pour elles. Et, nous qui sommes en fin de course ? il faut le dire, nous sommes 40 alors que nous avons été déjà 225, nous sommes en fin de course ? on a le souci de ne pas dire: Bien, voilà, un jour, d'ici quelques années, 10 ans, 15 ans, on fermera la lumière, et le ministère et les instances gouvernementales s'occuperont de ce patrimoine-là. Alors, c'est pour ça qu'on veut activement se préparer à faire le legs éventuel de ce patrimoine-là. Mais d'emblée on le sait que c'est un patrimoine québécois. Je me disais: Un peu comme les parents qui vont s'apprêter à quitter, à partir, et qui ont un patrimoine, ils vont s'organiser pour le transférer aux enfants parce qu'il a de la valeur, ce patrimoine-là. Alors, c'est ça pour nous aussi, là, qui est le coeur du projet.
M. Robitaille parlait tantôt de l'estimé des immobilisations, c'est sûr que c'est 100 millions, hein, les terrains, bâtiments et archives, et tout, mais quand même les études d'architectes ont permis de voir que les bâtiments sont en excellent état. Ça, ça a été entretenu à la perfection, ils nous le disent. Mais les systèmes électromécaniques ont atteint leur limite d'espérance de vie, et c'est là le gros, la base, là, de... Pour l'argent, c'est environ 30 millions, là, 25 millions à 30 millions pour la mise en état du monastère, pour devenir un lieu accessible, public, là, dans tout le sens large du terme.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Oui, merci, M. le Président. Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Merci beaucoup pour votre mémoire. Effectivement, comme mes collègues, je vous dis... je salue tout l'apport à la société québécoise des Augustines, votre générosité et votre dévouement.
Et, aujourd'hui, j'apprécie d'avoir le projet, alors on peut davantage, je pense, regarder l'effet de ce projet-là, là, qu'il y aura dans la suite des choses. J'ai aimé votre réflexion, dans votre mémoire, sur la reconversion de l'usage, parce que vous identifiez clairement qu'il ne suffit pas de transférer la propriété d'un bien, mais aussi y trouver peut-être une vocation nouvelle, l'assurer d'un avenir grâce à un projet viable et durable.
Et, votre réflexion sur le recyclage, tel quel, en résidence privée, vous insistez en disant toute la perte de l'identité aussi, derrière ce genre de projet là, qui peut être possible, mais en même temps il faut avoir une réflexion intelligente aussi pour l'avenir du patrimoine. Vous parlez effectivement de relève, là: Qui prendra la relève? Je pense que c'est une grosse question. La diminution progressive et le vieillissement de vos membres apportent cette réflexion, et ça peut être, je pense, du même ordre au niveau de plusieurs communautés religieuses, au Québec, qui vivent, je pourrais dire, avec cette même situation.
Quand vous parlez de la SEPAQ, bon, c'est intéressant, là, ça fait le lien avec la suite des choses de lieux, pour ne pas, en fin de compte, perdre tout notre patrimoine. Mais qu'est-ce qu'on peut faire avec les lieux de culte où il est difficile de trouver un nouvel usage, où il y a beaucoup de problèmes de structures de bâtiments, d'état de conservation du bâtiment? Évidemment, quand on est capable de les réchapper, plusieurs bâtiments, ou avoir un autre usage, bon, effectivement peut-être que l'idée de la SEPAQ ou... Bon. Il y a plusieurs communautés... On a fait le tour pas mal du Québec, là, le dernier mois, il y a plusieurs projets, bon, il y a beaucoup d'inspiration à travers tout ça, mais, quand on ne peut pas trouver ce nouvel usage là, là, comment vous voyez la suite des choses?
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(10 h 20)
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M. Robitaille (Denis): Évidemment, notre projet a l'avantage d'être, sur le plan architectural, différent d'une église. Une église, c'est tellement orienté, comme, sur le plan architectural, c'est tellement... C'est plus difficile à reconvertir sur le plan de l'usage qu'un monastère, qui était un lieu de vie dans lequel il y a des chambres, des lieux de prière, des lieux de vie communautaire, des lieux de service. Donc, le défi est différent.
Pour m'être impliqué beaucoup dans la région de Portneuf, concernant les églises, il y a des églises importantes dans la région de Portneuf... On n'a pas des solutions toutes faites évidemment, parce que c'est les mêmes questions qu'ailleurs, mais ce qui nous est apparu important, et le comité qui a été mis sur place va vous en parler la semaine prochaine, mais c'est le partenariat, la participation et la régionalisation de l'intérêt. Il faut sortir chacune des localités de leur isolement, je pense, pour trouver des solutions et il faut s'appuyer sur les collectivités locales.
Parfois, j'ai l'impression qu'on discute du patrimoine religieux ou des églises, par exemple, comme si c'étaient des bâtiments importants, et tout ça, mais déconnectés de la réalité qu'il y a autour. Je crois qu'une partie de la solution vient des gens qui s'identifient à ce lieu-là, qui voudraient le voir se perpétuer et y trouver des usages qui peuvent être mixtes, qui peuvent... mais qui des... Il faut remettre en service un patrimoine. D'autre part, le patrimoine des églises est un patrimoine qui est encore utile, dans la majorité des cas, pour les fins pour lesquelles il a été créé. Donc, il faut... C'est peut-être regarder déjà ce qui se fait, ce qui peut être compatible avec autre chose.
Évidemment, vous avez dû voir beaucoup mieux que nous maintenant l'ampleur de ce problème, et puis les solutions ne seront pas simples. Mais on ne peut écarter la participation des collectivités à une réflexion comme celle-là, parce que c'est de là que va venir... Et je voyais... La SEPAQ disait sensiblement la même chose par rapport à la régionalisation, ils font partie de comités de concertation régionaux, et tout ça. Les solutions viennent souvent des gens qui sont attachés à leur patrimoine, et c'est la raison pour laquelle la vision des Augustines est importante, elle est inspirante, parce qu'elles sont présentes à l'évolution de ce projet. Elles n'ont pas tout simplement dit: Faites ce que vous voulez avec. C'est de dire: Nous, on est partie prenante de ce projet-là, on le confie, mais on est présentes.
Alors, la solution ne doit pas être une solution d'experts, uniquement d'experts, mais une solution où c'est un partenariat entre les experts, les ressources du gouvernement et les collectivités locales, et puis faire confiance à notre créativité.
Mme Léger: Ah! pour ça, on en a, je pense, au Québec, de la créativité. Il reste qu'effectivement... On parle du monastère mais effectivement de toutes les églises. Mais, au fil des audiences, les gens nous ont aussi en tout cas alertés par rapport aussi à tout ce qui touche les bâtiments des religieuses, d'une part, mais autant les cimetières, autant... Bon. L'éventail est assez large de tout ce qu'est le patrimoine, le patrimoine religieux. Et je pense que, bon, ce que vous apportez comme projet, c'est une chose, il y a énormément de partenaires. Vous, vous lancez une petite... en tout cas une alerte par rapport au gouvernement tel quel. Évidemment, le gouvernement ne peut pas prendre tout ce que vous dites... Clairement, il ne peut pas prendre sous son aile tout le patrimoine religieux. Il ne peut pas se désister effectivement de ses responsabilités collectives. Est-ce que la solution que vous apportez est celle de la SEPAQ, ou vous voyez un autre rapport de la part de l'État dans la suite des choses du patrimoine religieux?
M. Robitaille (Denis): Moi, je vois en tout cas l'importance de l'accompagnement des communautés dans le processus de décision, dans l'orientation à donner, une sensibilité à ce que sont les communautés religieuses, une sensibilité à leur mission sociale, spirituelle dans le monde, même si ce n'est pas le rôle de l'État d'endosser une mission spirituelle ou religieuse bien sûr, ça, ça va de soi. Mais il y a, pour les communautés religieuses, un discernement à faire, une réflexion à l'interne, une réflexion aussi du partenariat à établir avec, je dirais, le représentant civil, si on peut s'exprimer ainsi, et ça, je pense qu'il y a déjà un rôle que peuvent jouer des gens qui ont à coeur ce patrimoine, qui pourraient s'impliquer dans différentes instances, peut-être rattachées au ministère de la Culture, où déjà... Il y a déjà des partenariats que, nous, on constate qui sont très féconds, dans les possibilités qu'offre un patrimoine comme celui-là. Donc, un partenariat déjà en partant et un accompagnement des communautés. Puis, après ça, bien c'est de voir un peu, l'État aura à définir l'espace qu'il veut occuper dans l'avenir du patrimoine religieux, et c'est à partir de ça qu'on peut voir peut-être quelle part il prendra à l'avenir du patrimoine religieux.
Mme Léger: Est-ce que vous pouvez être plus précis dans l'accompagnement, là? Donc, vous parlez particulièrement du ministère de la Culture? Est-ce que vous voyez un rôle avec la Fondation du patrimoine religieux? Est-ce que...
M. Robitaille (Denis): Ce que j'observe en tout cas, c'est que souvent les communautés sont capables de nous dire l'importance du patrimoine qui fait partie de leur quotidien. Elles sont capables de nous transmettre les valeurs qu'elles portent, et tout ça. Mais, la reconversion en utilité sociale, la mise en... la compréhension de la valeur historique, artistique, et tout ça, ce n'est pas toujours les communautés qui sont le plus en mesure de nous donner ces éléments-là, parce que pour elles ce n'est pas des communautés muséales, c'étaient des communautés de services, hein? Et les objets, comme soeur Lise disait, les objets qui sont leur quotidien, ce sont des objets d'utilité et de dévotion, et tout ça, mais c'est pour le sens qu'elles ont conservé ça, pas nécessairement pour la valeur historique, et tout ça. Donc, une compréhension de la valeur historique, une capacité de reconvertir, de remettre en service. Je pense qu'on a besoin de partenaires sociaux, communautaires, gouvernementaux pour remettre en service ce patrimoine, que ce ne soit pas un patrimoine tout simplement... une plaque sur un bâtiment ou quelques objets dans un musée, mais vraiment remettre en service.
Mme Léger: Je pense qu'effectivement, pour conclure, l'accompagnement, déjà pour votre projet, vous parlez du patrimoine, de celui des Augustines particulièrement, multidimensionnel, donc archivistique, urbanistique, artistique, historique, ethnologique, muséologique. Ça fait que l'accompagnement se voit à ce niveau-là aussi, là, dans l'ensemble de tous les besoins, de toute la réflexion pour mettre à jour un projet comme le vôtre, là. En fin de compte, ça peut se rapporter à différents autres projets de conservation du patrimoine religieux.
M. Robitaille (Denis): J'ajouterais, si vous voulez bien, l'accompagnement affectif aussi, c'est-à-dire que le fait de se sentir soutenu par tous ces partenaires ? comme je vous disais tout à l'heure, on est une soixantaine à travailler sur ce projet, des gens qui viennent de partout, de différents horizons, mais qui ont une passion commune ? ça, pour une communauté qui a à prendre ces décisions-là, c'est porteur. Ça permet de traverser des décisions pénibles à prendre et de sentir... L'intérêt, par exemple, d'une commission comme la vôtre, eh bien c'est de se dire: Bien, on n'est pas seuls face à des décisions pénibles à prendre parfois. Alors, je dirais, on a un rôle, un devoir, me semble-t-il, collectif face à un patrimoine comme celui, par exemple, des Augustines et de bien d'autres, parce qu'elles ont porté, comme on disait tout à l'heure, une mission sociale importante.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Je vais passer la parole au seul député qui a été témoin de la fondation de votre monastère, le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Mais, puisque vous dites cela, M. le Président, je vous dirai qu'à Saint-Hyacinthe on a le bonheur de pouvoir dire que cinq communautés ont été fondées à Saint-Hyacinthe, entre autres les Soeurs Sainte-Marthe, qui, là, vont maintenant... ont pratiquement cessé, là, elles se sont réparties dans deux communautés; et les Soeurs de la Présentation de Marie; les Soeurs Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe. Il y a eu tout un volet aussi des Soeurs grises de Saint-Hyacinthe. Et il y en a une autre... Ah! les Soeurs du Précieux-Sang, les Soeurs du Précieux-Sang ont été fondées. Alors vous voyez, et, en plus de cela, la maison mère des Dominicains. Les Dominicains, quand ils sont arrivés en Amérique, se sont installés à Saint-Hyacinthe d'abord. Et la maison mère est toujours là. C'est un beau monastère, qui est en train d'être un peu moins occupé parce qu'on est rendu maintenant... La plus grande partie de la communauté, la presque totalité de la communauté qui était à Saint-Hyacinthe est rendue sur la Grande Allée, ici, tout près d'ici. Mais le patrimoine est encore intact. Alors, c'est pour vous dire, M. le Président, qu'il y a des choses magnifiques à Saint-Hyacinthe, hein, et il faudrait les conserver.
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(10 h 30)
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Et je vous dirais d'abord, je trouve absolument remarquables et votre mémoire et votre présentation. D'un côté, vous savez, notre commission, elle est comme la vie: il y a des jours où on se sent un petit peu écrasé sous la tâche, quand on pense qu'il faut fermer 60 % des églises, il y aura telle affaire, telle affaire, c'est comme il y en a... c'est comme trop gros pour trouver des solutions à tout ça; mais il y a des jours où est-ce que c'est le contraire, et généralement, dans chaque jour, il y a les deux. Et, aujourd'hui, on commence par le soleil, où on est en mode solution, on a une solution concrète, mais une solution concrète dans une catégorie des ensembles patrimoniaux, la catégorie que j'appellerais, moi, la catégorie des ensembles conventuels, qui est différente de la catégorie des églises, qui à mon sens est une autre catégorie. Ça, c'est deux choses, et il est difficile de traiter l'une de la même façon que l'autre.
Et donc, dans cet ensemble-là, vous, vous avez fait un cheminement extraordinaire, et la profondeur des motivations et des explications que vous avez données ne laisse pas de doute quant à votre réflexion et au sens de l'histoire que vous avez, et alors je vais vous poser quelques petites questions très matérialistes, puisque vous avez tellement fait lors de l'orientation du patrimoine de façon à faire en sorte qu'il se survive.
Il est clair que, pour qu'on puisse conserver du patrimoine, il faut lui trouver une utilité quelconque, et vous avez trouvé une utilité, ou plutôt des utilités. Alors, ma première question est: Depuis quand exploitez-vous l'hôtellerie?
Mme Tanguay (Lise): L'hôtellerie monastique, là?
M. Dion: Oui.
Mme Tanguay (Lise): Depuis 1972, à petite échelle, et ce n'était pas dans un but de rentabiliser, là, c'était simplement dans un but de rendre service, parce que beaucoup de gratuités ont été faites. Mais c'est depuis aussi longtemps que ça. Dès qu'une partie du monastère, une aile a été libérée, un dortoir, là, de religieuses, on l'a mis à l'usage des parents des malades. Alors, pour nous, là, c'est vraiment une mission d'hospitalité, là, dans ce sens-là.
M. Dion: Intéressant. Donc, 33 ans à peu près?
Mme Tanguay (Lise): Oui.
M. Dion: Donc, déjà une génération dans l'hôtellerie, vous avez toute une expérience. Et c'est la communauté qui actuellement l'administre, l'hôtellerie?
Mme Tanguay (Lise): Oui, exactement.
M. Dion: Pour transformer, faire toutes les transformations dont vous nous avez parlé, la communauté a pris dans son bien, dans son patrimoine personnel, des millions et des millions de dollars?
Mme Tanguay (Lise): Pour?
M. Dion: Pour assurer la transformation, d'abord l'aménagement de l'hôtellerie, et toutes les autres transformations dont vous nous avez parlé: le musée, le centre d'archives, et tout ça.
Mme Tanguay (Lise): Oui, au fil des siècles, là, bien sûr c'est toujours la communauté qui a assumé ça. Mais, au niveau de l'hôtellerie monastique comme telle, c'est un ancien dortoir qu'on a pris, qu'on a rendu conforme le plus possible, là. Mais on n'a pas... C'est un lieu qui est très sobre, vous savez. Si vous venez, là, ce n'est pas le confort des hôtels à cinq étoiles, là. Mais c'est un lieu... Les gens nous disent: Quand on franchit la porte et qu'on arrive ici, c'est un lieu de... on se retrouve. Ils arrivent de l'activité de l'hôpital, ils rentrent chez nous après une journée passée auprès de leurs malades, ils n'ont pas besoin de luxe. Ce n'est pas ça qui les attire. C'est le lieu qui devient le luxe pour eux, parce qu'ils ont dit: On entend le silence ici, on peut se retrouver, on peut se refaire.
Et, il y a quelques mois, on a invité les gens des normes du bâtiment ? d'habitude, on ne les invite pas, mais là on les a invités, on a pris les devants ? puis on leur a dit: Voici notre projet. Puis, on les a amenés dans le dortoir le plus ancien où résident actuellement les parents des malades et on leur a dit: Voyez, vous pouvez... Les cadres de porte sont un peu croches. Il y en a qui ne sont pas très hauts. Une personne de six pieds ne passe pas là. Mais on a dit: Ça fait 33 ans, au-delà, qu'on exploite ce lieu, puis personne ne s'est assommé ici, et, si vous remontez, si vous faites un changement, vous venez de faire perdre le sens de ce lieu, hein? Alors, ils ont compris ça. Ils ont dit: C'est entendu, il faut qu'il y ait des clauses dérogatoires, et tout ça, mais on ne peut toucher à un tel lieu. Alors, c'est ça un peu pour tout l'ensemble du monastère.
En fait, là, ce qui est le noeud de tout ça, là ? on parle toujours de l'argent évidemment, parce que, si... ? c'est toute la mise aux normes, la réfection de ce monastère-là, hein, au niveau de l'électromécanique, et tout ça, là. C'est ça puis la conformité, là, au plan des incendies. On a un système actuellement mais qui devrait être refait. Alors, c'est ça qui est le... Parce qu'après, quand le projet sera sur les rails, si on peut dire, là, dans toute son ampleur, bien l'étude d'affaires, le plan d'affaires nous dit: Oui, ce serait rentable, mais avec le partenariat évidemment privé, et gouvernemental une petite part. Mais, si on ne remet pas en bloc tous ces bâtiments-là au gouvernement... Parce que dans le fond, là, ce que vous voulez, c'est un patrimoine fondateur de Québec. Donc, le gouvernement ne peut pas s'en départir, là. Alors, veux veux pas, si ce n'est pas nous qui essayons de le rentabiliser, de le mettre d'une façon en action, là, proactive, c'est le gouvernement qui va être obligé de le faire. Il ne pourra jamais mettre la porte dans ce monastère-là puis dire: On ne s'en occupe plus.
Alors, voyez-vous, c'est toute cette dynamique-là qu'on essaie de... Il faut faire preuve de créativité, c'est un projet inédit, il n'y en n'a pas un comme ça au Canada. Si vous en connaissez, vous nous le direz, on ira les consulter. Mais il n'y en n'a pas. C'est vraiment, là, unique et c'est ce qui fait la beauté et en même temps la difficulté du projet, hein? Mais c'est un... Dans le patrimoine, c'est bien sûr qu'il y a énormément de patrimoines, mais il y a des patrimoines fondateurs, et ça, je pense que c'est important d'en prendre conscience: c'est un patrimoine fondateur. Donc, ça ne peut pas être traité autrement non plus.
M. Dion: Merci des explications que vous nous donnez, et il me reste très peu de secondes, mais juste une petite question. Ce que je comprends, c'est que l'hôtellerie que vous exploitez présentement ? je dis «exploitez» dans le sens noble du terme, là ? comprend trois volets: il y a le dortoir, il y a des cellules et il y a la restauration.
Mme Tanguay (Lise): Il y aurait la restauration.
M. Dion: Il y aurait.
Mme Tanguay (Lise): Il y aurait. Actuellement, nous n'offrons pas la restauration.
M. Dion: Il y aurait, il n'y en a pas. Et l'étude démontre que ce serait rentable. Alors, la question que je pose est la suivante: La transition entre l'administration par la communauté et l'administration par la SEPAQ, ou quelque autre modèle, se ferait comment?
M. Robitaille (Denis): Actuellement, ce qu'on explore, pour ne pas interrompre le processus, en attendant que des réflexions comme les vôtres nous éclairent, c'est de dire: Bien, il y aura probablement une corporation de mise en oeuvre du projet et peut-être que, pendant la mise en oeuvre, la propriété demeure celle des Augustines pour s'assurer qu'on puisse continuer d'avancer, et, un jour peut-être, si une SEPAQ, ou je ne sais trop quelle société, dit: Bon, bien, là, on met en place avec des standards, des paramètres, et tout ça, bien, là, il peut y avoir une transition qui se fasse à ce moment-là. Mais on ne veut pas interrompre le processus pour attendre des solutions, qui vont être difficiles à prendre, des décisions qui débordent véritablement de notre projet, dans ce cas-ci.
M. Dion: Merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons. D'ailleurs, vous nous avez fait rêver: il y a des discussions entre les collègues ici qui parlaient de six jours, monastère et visites touristiques, etc. Et puis, justement, je vous sollicite pour peut-être une petite visite des membres de la commission, peut-être dans les prochains jours. C'est tout près du parlement, donc peut-être pourrons-nous nous rencontrer prochainement.
Mme Tanguay (Lise): Ça nous fera vraiment plaisir. Vous avez nos coordonnées, vous n'avez qu'à nous appeler.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 10 h 38)
(Reprise à 10 h 41)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons...
Des voix: ...
Le Président (M. Brodeur): S'il vous plaît, nous allons continuer nos travaux en accueillant Mission Patrimoine religieux. Donc, bienvenue en commission parlementaire, et, pendant que les gens prennent place, je vous rappelle les règles que nous avons en commission parlementaire, qui sont très simples. J'imagine que vous étiez là il y a quelques instants, c'est exactement les mêmes. Donc, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire de la façon que vous jugerez à propos, et, à la suite de ça, il y a une période d'échange avec les membres de la commission.
Pour débuter, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et immédiatement de prendre la parole pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Mission Patrimoine religieux (MPR)
Mme Bailly (Marie-Berthe): Je suis Marie-Berthe Bailly, soeur Marie-Berthe Bailly, des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec. Je suis la présidente de Mission Patrimoine religieux.
Mme Savignac (Flore): Soeur Flore Savignac, missionnaire Immaculée-Conception. Je ne suis plus dans le conseil, mais j'ai présidé à la fondation. C'est la raison pour laquelle je suis ici.
Mme Turgeon (Christine): Mme Christine Turgeon. Je ne suis plus dans le conseil non plus, mais je suis directrice du Musée des Ursulines de Québec et ancien membre donc du conseil d'administration.
Mme Dubois (Danielle): Soeur Danielle Dubois, de la congrégation de Notre-Dame. Je suis toujours membre de Mission Patrimoine religieux. Je suis également directrice générale à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, au Musée Marguerite-Bourgeois, dans le Vieux-Montréal.
Mme Bailly (Marie-Berthe): Je vous présente le mémoire de Mission Patrimoine religieux qui a été présenté à la Commission de la culture. L'organisme Mission Patrimoine religieux est né il y a 10 ans. Cet organisme a été constitué en corporation par lettres patentes sous l'autorité de la Loi sur les corporations religieuses le 31 août 1995. 10 ans qui ont éveillé les communautés religieuses du Québec à la sauvegarde et à la mise en valeur de leur patrimoine. 10 ans qui ont montré une intention ferme de défendre cet héritage patrimonial. En aucun pays, croyons-nous, ne se trouve une telle organisation prise en main par les congrégations religieuses elles-mêmes. C'est une dynamique innovatrice à encourager et à soutenir. Elle est une caractéristique de notre identité culturelle.
Au niveau mission et organisation. Corporation sans but lucratif, cet organisme a pour mission spéciale d'agir auprès des congrégations religieuses du Québec, de les aider à conserver, à faire connaître et à promouvoir leur patrimoine. Ce patrimoine, il est matériel par les objets d'art, objets de culte, mobilier, vêtements liturgiques, orfèvrerie, et le reste. Il est aussi patrimoine immatériel, c'est-à-dire, il se constitue des savoirs et savoir-faire liés aux us et coutumes des communautés. L'organisme est doté d'un conseil d'administration formé de 11 membres dont huit appartiennent aux congrégations religieuses et trois des institutions à but similaire. Mission Patrimoine religieux regroupe actuellement plus de 100 membres.
Au niveau des réalisations. Au cours des 10 dernières années, Mission Patrimoine religieux a organisé annuellement des colloques afin, d'une part, de sensibiliser ses membres à l'importance de sauvegarder leur patrimoine, leur héritage patrimonial et, d'autre part, afin de développer des pistes d'action adaptées aux besoins des communautés religieuses. Plus de 125 personnes représentant plus de 40 communautés différentes assistent à ces colloques. La dynamique des tables rondes favorise la solidarité, l'échange d'expériences et d'actions applicables dans les différents milieux. Les exposés de conférenciers et conférencières venant de communautés différentes et des diverses régions du Québec démontrent que certaines étapes dans la compréhension et dans le désir de conserver et de mettre en valeur le patrimoine religieux sont franchies avec cohérence, en tenant compte du contexte de chaque communauté religieuse.
Différents comités de travail sont mis en place afin de réaliser les actions proposées: comité de conservation ayant pour rôle de sensibiliser les communautés religieuses à l'importance de conserver leur patrimoine et de les guider dans le travail de sélection; un comité d'informatisation ayant pour rôle de soutenir, d'orienter les communautés religieuses dans leur inventaire, l'informatisation et la numérisation de leur patrimoine; un comité de sauvegarde du patrimoine immatériel ayant pour rôle de démontrer la nécessité de conserver les coutumes, les paroles et les gestes reliés aux traditions inhérentes à chaque communauté religieuse.
Le plan d'action des années 1998 et 1999, orienté vers l'inventaire, l'informatisation et la numérisation, a permis à 16 communautés différentes de bénéficier d'un programme mis sur pied et coordonné par le Musée des religions, à Nicolet, grâce à une importante subvention du ministère de la Culture et des Communications. Plus de 20 000 objets ont été ainsi inventoriés, informatisés et numérisés et même rendus disponibles sur le Réseau Info-Muse et le RCIP, Réseau canadien d'information sur le patrimoine. Le comité d'informatisation a également publié le Petit manuel pratique de documentation et d'informatisation des institutions religieuses.
Le comité de la sauvegarde du patrimoine immatériel, dirigé par M. Jean Simard, professeur à l'Université Laval, a mis sur pied un projet pilote réalisé chez les Soeurs Augustines de la Miséricorde de Jésus, à Québec. Il a permis à cette communauté de conserver sur enregistrement sonore des enquêtes orales qui relatent certaines coutumes rattachées à leur vie moniale et d'infirmières. Malheureusement, trop de savoir-faire est à jamais disparu après le décès de nombreux religieux et de nombreuses religieuses. Il est urgent de procéder à la sauvegarde de ce patrimoine immatériel si nous voulons donner un sens au patrimoine matériel que nous léguerons à la société. Mission Patrimoine religieux en fera sa priorité au cours des prochaines années.
MPR publie également un bulletin d'informations qui permet de transmettre les nouvelles de l'organisme et de poursuivre sa mission de sensibilisation. En 2002, Mission Patrimoine religieux lance son premier dépliant et procède au lancement d'une première exposition virtuelle, O Mirum Museum, en collaboration avec quatre institutions muséales, afin de mettre en valeur des objets patrimoniaux. Les quatre institutions participantes sont le Musée des Soeurs grises de Montréal, le Musée des Hospitalières, le Musée des Ursulines de Trois-Rivières et le Musée des religions, à Nicolet.
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(10 h 50)
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En 2003, une brochure intitulée Le Guide pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine religieux, rédigée par M. Jean-Noël Dion, archiviste, est lancée. Cette publication se veut une aide concrète et précieuse à toute personne impliquée dans la conservation du patrimoine. C'est pourquoi elle a été diffusée aux évêques du Québec, aux chanceliers de chaque diocèse, aux comités d'art sacré, aux supérieurs, supérieures majeures, aux sociétés d'histoire des régions et aux présidents de chaque table régionale de la Fondation du patrimoine religieux du Québec.
Nous avons des défis et des enjeux à soulever. L'avenir nous réserve des défis de taille, nous les connaissons. Ces défis rendent de plus en plus indispensable l'existence de Mission Patrimoine religieux pour orienter l'analyse dans les problèmes actuels et assurer une collaboration et une communion entre les différentes congrégations religieuses. Les difficultés présentes dans nos milieux religieux, nous les connaissons, et elles ne doivent pas trop assombrir notre marche: l'âge avancé des membres des communautés religieuses, l'abondance des objets, leur dispersion sans contrôle, la mise aux normes ou la vente des bâtiments conventuels ? qui, devons-nous le rappeler, sont des propriétés entièrement privées ? la désacralisation, qui crée une certaine ignorance, et la déculturation religieuse de plus en plus importante, et l'indifférence des citoyens envers le patrimoine religieux.
Nous proposons donc... Nous reconnaissons tous l'urgence d'agir en ce qui a trait à la sauvegarde du patrimoine religieux. Le gouvernement québécois va déposer une véritable politique en matière de patrimoine, de protection de ce patrimoine qui s'avère être le plus grand héritage de tous les Québécois et le premier.
Quelles sont les pistes d'action que nous entrevoyons? Bien, suite au dépôt d'une véritable politique par le gouvernement du Québec, nous nous permettons de proposer certaines avenues qui tiennent compte des besoins urgents exprimés par les membres qui ont assisté aux colloques au cours des 10 dernières années:
Que le ministère de la Culture et des Communications poursuive à l'égard des communautés religieuses ses engagements financiers afin de continuer l'inventaire systématique du patrimoine mobilier significatif et d'entreprendre l'inventaire du patrimoine dit immatériel;
Que le ministère de la Culture et des Communications soutienne la mise en place des réserves régionales dans un musée déjà existant, un couvent ou une église inoccupés, afin de conserver in situ les objets des communautés religieuses qui ont marqué le paysage et l'histoire de ces régions. Nous sommes convaincus que le patrimoine d'une région est plus signifiant dans son milieu que dans une réserve commune d'un grand centre;
Et, troisième suggestion, que le ministère de la Culture et des Communications étende ses programmes d'aide à l'accroissement des connaissances, à la formation des intervenants, à la mise en valeur, à la promotion et à l'accessibilité du patrimoine religieux.
Voilà en quelques lignes le bilan du travail accompli par Mission Patrimoine religieux depuis son incorporation, en 1995, et ses attentes face à l'avenir. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. C'est un mémoire fort intéressant, qui suscite beaucoup, beaucoup de questions. Je pense que je vais vous poser une question à trois volets, pour laisser la chance à mes collègues d'intervenir.
Premièrement, vous suggérez au gouvernement d'adopter une véritable politique du patrimoine religieux, vous avez soulevé le cas, mais j'aimerais vous entendre un peu plus sur les grands principes que devrait contenir cette politique-là, les différents volets, selon vous, qu'elle devrait contenir inévitablement.
J'aimerais aussi vous entendre un peu plus sur l'inventaire du patrimoine religieux. Vous avez parlé de réserves régionales, donc est-ce que je peux supposer que vous proposez un musée par région? Ça fait déjà beaucoup de musées, donc ça fait déjà beaucoup à soutenir. J'aimerais vous entendre un peu plus sur cette proposition-là de réserves régionales, qui a un coût certain pour les gouvernements et indirectement pour les gens qui paient des taxes également. Inévitablement, il faut protéger les biens mobiliers, mais la façon que vous suggérez de protéger cette partie de biens mobiliers là est-elle onéreuse? Reste à savoir si c'est possible de le faire partout, cette réserve-là, parce que la dimension de la réserve, tout dépend comment il y a des régions au Québec, de régions religieuses, qu'on n'a pas établies, mais il y en a peut-être beaucoup, là. Donc, il y a des coûts inhérents à ça.
Premièrement, je voudrais vous entendre, un, sur les principes de cette nouvelle politique là qui serait à établir, la véritable politique, comme vous le dites, et, deuxièmement, sur votre réserve régionale.
Mme Bailly (Marie-Berthe): Est-ce que l'une ou l'autre a une réponse précise à donner? Personnellement, je pourrais dire en tout cas qu'une des politiques qui serait indispensable à avoir dans cela, c'est de trouver moyen de conserver quelque chose qui a été gardé pendant des années et des années. On avait les soeurs de l'Hôtel-Dieu, tout à l'heure, qui nous parlaient de 360 ans et plus, les autres communautés représentent des centaines d'années, chacune à tour de rôle et chacune dans des régions différentes. Alors, il faudrait absolument trouver un moyen pour que ce patrimoine religieux tant matériel mais qu'immatériel aussi, avec les connaissances qui accompagnent les objets, puisse être gardé et surtout, actuellement, si on pense à notre jeunesse, qu'il y ait dans nos politiques un point de vue qui fasse continuer ou qui fasse connaître ce patrimoine religieux là, qui n'est plus connu actuellement chez les jeunes, chez beaucoup de jeunes en tout cas qui n'ont pas eu une formation religieuse, strictement.
Donc, comment faire? Parce que plusieurs de ces jeunes-là sont très intéressés à notre patrimoine religieux, et ils auraient besoin d'avoir une formation quelconque, soit, au niveau des universités, qu'il y ait une formation qui leur donne les renseignements voulus sur ce qu'étaient les objets autrement, aussi sur ce qu'ils valaient, qu'ils connaissent ces objets autrement que par les dires d'entre eux aussi.
Mme Savignac (Flore): Et, moi, j'ajouterais aussi qu'avant la politique bien établie il y a toujours la vie, et c'est ce qui s'est produit depuis la fondation de Mission Patrimoine et un peu avant. Ça a été la conscientisation, et c'est inévitable, et l'accompagnement. C'est que déjà il y a des gestes qui se sont posés, qui vont dans le bon sens et qui nous ont aidés justement dans l'inventaire. Et puis ne serait-ce aussi que la participation à la réflexion. Alors, je pense que ceci doit de plus en plus être ferme et se continuer. Alors, c'est inévitable, avec le vieillissement progressif des congrégations, il ne faut certainement pas attendre que la porte soit fermée. Alors, je pense que ce qui a été commencé doit être continué, mais ça peut être mû par une politique encore plus encadrée. Alors, c'est ce qu'on espérait.
Le Président (M. Brodeur): Oui, allez-y.
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Mme Dubois (Danielle): Alors, au niveau de la politique que vous suggérez, je vais rappeler que nous sommes un organisme qui s'autofinance à même les cotisations des membres, avec un petit budget. Nous sommes bénévoles, avec de lourdes tâches à l'extérieur. Je veux le mentionner, parce qu'on ne s'est pas assises à, par exemple, clarifier une politique avec des experts. Mais je renchéris qu'au fil de la vie, à travers tous ces colloques, à travers toutes ces rencontres, à travers un partage, une entraide de réseaux... Et on sait que, le ministère de la Culture ? parce que je siège pour des musées ? c'est très favorable d'être en partenariat, d'être en réseau. Donc, nous nous entraidons énormément, et je dirais qu'au fil des gestes concrets que nous posons nous en arriverons probablement à pouvoir formuler des attentes, au niveau d'une politique, plus juridiques, plus légales, mais je dirais d'abord un inventaire de ce que nous possédons au plan mobilier, au plan immobilier, une protection de ces objets, des endroits, ce serait très important, des choix à faire aussi, je crois, parce que, si nous avons cinq... pas cinq, mais une centaine de chandeliers tous pareils, il faudra bien en arriver à choisir, et que ferons-nous des autres? Mais, pour cela, il faut d'abord des inventaires.
Et, où nous en sommes au bout de 10 colloques, je vous dirais que c'est surtout le patrimoine immatériel qui nous tient à coeur. Ce que je dirais à la société: Profitez du fait que nous sommes encore vivantes, très vivantes malgré nos cheveux blancs, parce que le temps nous presse, et c'est bien important que nous puissions interpréter nous-mêmes notre patrimoine, et vous ne nous aurez pas toujours. Et ça, je ne sais pas comment ça pourrait être formulé dans une politique du patrimoine, mais ceci est à mon avis très important. Un objet peut être très beau, mais combien de personnes autour de cet objet diront: Mais à quoi cela servait-il? Comment ont-ils pensé faire cela? Etc. Je pense qu'encore de nos religieuses et religieux peuvent répondre à ces questions.
Le Président (M. Brodeur): Oui, allez-y.
Mme Bailly (Marie-Berthe): J'ajouterais à ça que je ne voudrais pas que les gens qui viennent après nous fassent de l'archéologie sur le dos des religieux, alors que là on est ici, on est prêts, on est disposés à donner ce que nous connaissons. Il ne faudrait pas que ça devienne de l'archéologie.
Le Président (M. Brodeur): Si je comprends bien, puis on parle d'inventaire, on a parlé d'inventaire depuis le début de nos travaux, au mois de septembre, mais on a absolument besoin de vous. Quand on parle d'inventaire immatériel, je pense que c'est important, là, peut-être de procéder le plus rapidement à cet inventaire-là. Et, parlant d'inventaire, je pense qu'il y a un consensus pour faire un inventaire des biens immobiliers et mobiliers également, biens immatériels, mais est-ce que vous voyez... De façon pratique, quels processus devrons-nous employer pour réaliser un tel inventaire? Parce qu'on sait que le patrimoine mobilier, entre autres, est énorme. Le patrimoine immatériel, ce qui est intangible, on a absolument besoin de vous, des gens qui ont vécu, qui connaissent encore ce patrimoine immatériel là, pour pouvoir le transférer à d'autres. Donc, quel processus, quels participants vous verriez à cette réalisation d'inventaires, pour qu'ils soient, là, transférés aux générations futures?
Mme Bailly (Marie-Berthe): Oui, le mémoire en parle déjà, d'un premier projet qui a été un projet pilote et qui a amené à 20 000 objets. Il faut dire que ce simple inventaire là, ce premier, qui était un projet pilote, a été continué après, et on est rendus à plus de 200 000 objets inventoriés. Nos communautés continuent. Personnellement, on a commencé, nous autres, avec 2 000 objets. Nous en sommes rendus à 9 000. Et beaucoup d'autres communautés sont dans le même cas aussi, et des communautés qui ne l'avaient pas fait au début, là, continuent. Donc, il est important que nous le fassions. Danielle, tu voulais dire quelque chose? Non?
Une voix: ...
Mme Turgeon (Christine): Voilà. Au niveau des inventaires, effectivement je pense que c'est une démarche extrêmement importante et première. Mais, quand on parle d'inventaire, je pense que ce qui est intéressant aussi, c'est de se rendre compte en fait du contenu de ces collections de communautés religieuses. Je sais que beaucoup de monde le savent, mais ce qui est très important, c'est de concevoir et de voir ces collections dans leur ensemble.
Alors, bien sûr, ces collections sont en partie, si vous voulez, constituées d'oeuvres d'art sacré, qui seront en général d'extrêmement grande qualité, notamment liées à la grande tradition de conservation que les communautés religieuses du Québec ont toujours eue. Donc, vous avez un noyau de collections de beaux-arts qui est absolument remarquable. Donc, je parle évidemment d'orfèvrerie, d'ornements liturgiques brodés, de sculptures, de gravures, d'oeuvres sur papier, de peintures bien sûr, donc vraiment un noyau extrêmement important que l'on retrouve à l'échelle de la province du Québec, hein.
Il y a aussi évidemment les collections ethnographiques, au point de vue nombre, qui sont évidemment les plus volumineuses, des collections scientifiques qui sont extrêmement précieuses, des collections musicales, des collections pédagogiques, des collections médicales, des collections textiles, sans oublier évidemment les précieuses archives de toutes les communautés, des livres des bibliothèques. Donc, vous voyez, c'est un ensemble énorme.
Donc, quand on parle d'inventaire, je crois qu'il faut peut-être, dans un premier temps, voir cette globalité de ces collections qui en fait se nourrissent les unes, les autres, si vous voulez. La collection de beaux-arts d'une communauté religieuse, elle se nourrit aussi des archives du monastère. Elle se nourrit également de la collection ethnographique, de tous ces objets qui sont liés au mode de vie des religieuses. Alors, je crois que c'est peut-être important qu'il y ait au départ une réflexion concernant, si vous voulez, le contenu de ces collections.
Et, quand on parle de patrimoine immatériel, effectivement, quand vous parliez de politique, je crois que le patrimoine immatériel actuellement ne fait pas véritablement partie de la Loi, notamment, sur les biens culturels. Je crois que ce serait important effectivement que ce patrimoine immatériel soit aussi inclus dans cette protection de ce patrimoine.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Vimont.
M. Auclair: Merci, M. le Président. Mes soeurs, Mme Turgeon, merci beaucoup premièrement pour votre témoignage. C'est très intéressant de... parce que vous êtes... en tout cas, pour moi, vous êtes les premières à parler justement de cette réalité-là, immatérielle, et pourtant qui n'est pas négligeable, on le sait, dans toutes nos petites communautés. Le Québec, hein, c'est plusieurs petits villages. Tout est rattaché par l'histoire locale, et ça devient de plus en plus urgent de faire comme vous avez mentionné, de ramener... de trouver un moyen de conserver cette histoire-là, ce pourquoi-là.
Chez nous, moi, dans un de mes petits villages, c'est Sainte-Rose, Sainte-Rose, à Laval, qui est quand même... dans lequel on a perdu malheureusement la résidence des soeurs de Sainte-Croix, qui a fermé il y a quelques années, et, depuis ce temps-là, on n'est plus capables de faire grand-chose avec le bâtiment, parce que le privé lui-même ne sait pas quoi faire, à cause des mises aux normes, et ça devient très... C'est un problème majeur que l'on vit au niveau de nos bâtiments mais également de tout ce qui se... parce que c'est des bâtiments qui sont riches, comme vous avez mentionné, il y a des artefacts extraordinaires, il y a de l'histoire.
Et ça me ramène à votre intention d'essayer de garder ça très local. Est-ce que vous avez... Parce qu'on vit le départ. Moi, chez nous, on a perdu les soeurs Sainte-Croix. Donc, également, ce départ-là fait en sorte qu'on peut perdre toute cette histoire-là, toute cette richesse-là, et dans le fond ce que je comprenais, c'est que vous vouliez également le maintenir dans le milieu. Est-ce qu'il y aurait d'autres partenaires qui pourraient justement, dans le volet plus civil, pourraient amener à conserver ce patrimoine-là et permettre également le transfert de vos connaissances?
Mme Dubois (Danielle): Alors, j'étais présente au mémoire des Augustines, qui a été présenté précédemment, et j'ai beaucoup aimé l'intervention qui disait qu'il fallait énormément sensibiliser les milieux autour d'une église, autour d'un couvent, autour de la petite histoire, redonner l'histoire, si ce n'est pas déjà fait, aux Québécois.
Et on nous a posé une autre question, concernant les réserves régionales. Pour ma part, je ne verrais quand même pas des réserves locales ? je ne parle pas de Québec et Montréal, là, je pense que là ça peut être la ville même, locale ? mais, je pense, des grandes régions: le Saguenay. À Nicolet, il y a déjà un Musée des religions mis sur pied. Je ne pense pas que ça doit être trop petit, trop modeste, parce qu'on n'y arrivera pas. Je pense à la... oui, la grande région de Saint-Hyacinthe, où il y a beaucoup de communautés religieuses, je pense à... Quand même, il faudrait faire des noyaux.
M. Auclair: À cet égard-là, étant donné que vous semblez avoir un très bon réseau, vous avez beaucoup de contacts: Est-ce que vous avez, juste pour vous, là, dans le quotidien, conservé pour les ordres, et tout ça, conservé ces artefacts-là? Tous ces articles-là, ça demande quand même... Là, on est chanceux, on est privilégiés, vous êtes encore là pour en prendre charge, pour vous en occuper, les entretenir. Mais vous avez même soulevé que vous ne serez plus là, un jour vous ne serez peut-être plus là. En tout cas, on espère qu'il y aura une relève, comme dans n'importe quoi, mais, bon, la réalité, elle est ce qu'elle est: ça a un coût, ça. Est-ce que vous êtes... Est-ce que vous avez établi... Parce que dans le fond l'objectif, c'est de conserver, de trouver un moyen de conserver. Si la société en général n'a pas tous les moyens, est-ce que ? encore là, je vais revenir... Un, est-ce que vous avez établi une possibilité de combien pourrait coûter une telle conservation, oui ou non? Et si... Est-ce qu'il... Par exemple, les universités, qui sont des centres qui pourraient être des endroits très intéressants pour la conservation, est-ce que ça, ça a déjà été mis en relation?
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Mme Bailly (Marie-Berthe): D'abord, notre association réunit beaucoup de communautés qui sont toutes indépendantes les unes des autres. Nous cherchons par notre association à créer cet intérêt et à faire comprendre cette nécessité de poursuivre. Il y a eu... il y a par les... Excusez-moi. Par l'association, on essaie de mettre les gens au courant de la nécessité, et chacune des communautés presque, en tout cas des communautés les plus importantes, les plus considérables. Parce qu'il ne faut pas que vous oubliiez qu'il y a des communautés actuellement de 10 ou de 25 personnes. On n'est pas toutes des 300, 500 et 600, là. Il y en a, des 500, 600, mais il y a des 100 et des 25. Ces petites communautés là ont tendance à s'unir aux grandes, aux autres. Ils viennent nous trouver et s'organisent avec nous.
Donc, il y a déjà au départ un désir de réunir, de ramasser, et individuellement les communautés font beaucoup. Personnellement, on vient de mettre, nous autres, au Bon-Pasteur de Québec, notre maison généralice aux normes; on est toutes sorties de la maison pendant deux ans pour mettre la maison aux normes. Et on a organisé le musée et la section spécifique pour les objets. Et il nous reste à voir à l'intérêt... au domaine matériel, là, comprendre les objets. Donc, ce que nous faisons, nous ne sommes pas les seules à le faire. D'autres communautés ont fait beaucoup.
Et je pense que, de ce côté-là, au niveau travail, on cherche à former des plus jeunes que nous aussi. Personnellement, j'ai deux employées qui savent très bien que, le jour où je partirai ? je n'ai pas envie de partir tout de suite, mais quand je partirai ? elles seront à ma place. Et elles reçoivent une formation adéquate. Elles doivent lire tous les jours au moins une heure, c'est dans leur programme de travail. Elles doivent s'informer, assister aux conférences, assister aux colloques et recevoir de la formation. Et ce que je donne comme exemple, parce que c'est celui que je vis. Il se vit ailleurs aussi. Je pense qu'on peut par là continuer. On a des relations aussi avec les gens de l'université qui ont justement... comme M. Jean Simard, dont on parlait, qui a parlé déjà lui-même d'organiser à l'université des cours qui seraient... qui rendraient les jeunes aptes à bien comprendre ces objets que nous conservons. Je ne sais pas si ça répond bien à votre question?
Le Président (M. Brodeur): Merci.
Mme Bailly (Marie-Berthe): ...on n'a pas spécifiquement fait du travail, parce que c'est trop, chacune, individuellement.
M. Auclair: Merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Permettez-moi également de vous souhaiter la bienvenue ici, à cette commission parlementaire, c'est un plaisir de vous y accueillir; également de vous féliciter, au risque de me répéter au fil des groupes qui se succèdent. Je vais vous avouer que ça témoigne seulement que les groupes qui viennent nous voir sont bien préparés et qu'ils partagent des témoignages appuyés, basés sur une solide expérience, hein, et d'initiatives telle que la vôtre. Alors, je vous en félicite.
Et je vais peut-être faire, comme on dit, du pouce sur ce que mon collègue ici, à ma droite, vous a posé comme question, et, moi, je parlerais de relève, hein, de la jeunesse. Mais en même temps je ferais référence d'abord et avant tout à la page 3 de votre mémoire, lorsque, et vous en avez fait état, vous parlez d'enregistrements sonores, des enquêtes orales, donc le patrimoine religieux immatériel. Je vais vous avouer, à titre d'expérience, compte tenu que nous avons parcouru un grand nombre de régions et de villes au Québec, qu'au Saguenay nous est venue également cette idée. Il y a quelqu'un qui a partagé cette idée d'enregistrer, hein, le savoir ou du moins l'histoire et tout le vécu de gens qui malheureusement ? et comme nous y sommes tous voués ? disparaîtront, mais qui auraient intérêt à nous laisser, sur bande sonore, ou sur informatique, ou quelque autre moyen électronique, ce savoir. Vous parliez d'archéologie tout à l'heure, et effectivement, pour éviter que l'on entre dans le domaine archéologique ? avec tout le respect que je dois aux archéologues ? mais effectivement je pense que le pendant de ça, c'est notre relève, c'est la relève de demain. C'est cette jeunesse qui, elle, saura se réapproprier de ce savoir que vous enregistrez, par exemple, sur bande sonore.
Ceci m'amène à la question du ministère de l'Éducation. On l'a un petit peu effleurée tout à l'heure, là, mais j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, je vais vous dire pourquoi. Il y a deux choses, deux choses l'une. D'abord, comment est-ce que vous voyez l'interaction ou du moins une certaine planification que pourrait faire le ministère de l'Éducation, ou ses écoles? Mais en même temps je vous relance en vous disant que, vous le savez, avec l'avènement social de la laïcisation, évidemment nos écoles sont peut-être moins enclines à enseigner l'enseignement religieux, ça, on le sait, dans l'enseignement moral, etc. Alors, l'alternative est souvent au sein des fabriques, hein, qui, elles, suppléent à cette carence, lacune peut-être, diriez-vous de votre part, pour pouvoir enseigner l'enseignement religieux. Et en même temps je vous dis: Est-ce qu'on devrait davantage miser sur les fabriques pour justement perpétuer ce savoir que vous nous léguez, ou est-ce que c'est le ministère de l'Éducation qui, lui, devrait s'en approprier par des cours d'histoire, par exemple, ou par un programme quelconque, via les cours d'histoire dans nos écoles secondaires, primaires ou même collégiales? M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mesdames.
Mme Dubois (Danielle): Oui. Non, moi, je dirais que, si le ministère de l'Éducation a les budgets nécessaires pour venir, par exemple, dans nos institutions... Il y a quand même des musées déjà sur pied, des communautés religieuses, et nous avons beaucoup de demandes, et, quand une école vient, au moins ils peuvent acquitter des frais de base ? quand ce n'est pas le boycott scolaire, bien évidemment. Alors, ils peuvent acquitter. Mais, quand c'est les fabriques... pas les fabriques, mais c'est souvent l'agente de pastorale qui nous appelle de la paroisse, ils n'ont pas un sou. Et, moi, je vous dirai concrètement que je vais dans ma communauté essayer d'avoir de l'argent d'un autre budget ? parce que je ne veux pas modifier les chiffres de mon budget actuel ? pour essayer de trouver des sous pour les accueillir le samedi. Et je pense qu'il y a quelque chose à faire, probablement le ministère de l'Éducation, parce qu'il y a là des enseignants. Je ne m'y connais pas assez au niveau des fabriques, mais il y a sûrement... En tout cas, ce serait important.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Moi, je suis très, très touchée par votre... en tout cas l'apport inestimable que vous avez, et autant que vous l'exprimez dans votre mémoire mais autant ce que vous avez dit, chacune d'entre vous, et aussi toute votre grande simplicité. Je trouve toujours que c'est bouleversant quand même, quand on regarde l'histoire du Québec, toute la partie du ressentiment envers l'Église, au fil des années, qui amène la non-pratique, là, aussi. Et toute notre histoire, notre mémoire, notre patrimoine qui, à travers ça... On voit le lien directement, là, qu'il y a moins d'intérêt sur le patrimoine religieux. Malgré que ce n'est pas ce qu'on voit dans nos audiences, par exemple, parce que les gens qui viennent nous voir, partout... Toutes les régions qu'on a faites, là, ça a été, je pense... On a plus de 150 mémoires, 160 mémoires. Bon. On voit qu'il y a un attrait. Mais je parle plutôt de la participation citoyenne, là, toute la mobilisation des citoyens à leur patrimoine religieux. On a tout un espace, très, très grand, de promotion et de mise en valeur. Ça, on aura les recommandations qu'on fera à la commission par rapport à ce niveau-là.
Alors, je voulais vous dire... Vous l'avez quand même abordé un petit peu, cette inquiétude-là, tout à l'heure, du fait qu'on ne se souvient pas vraiment de tout l'apport que vous avez apporté au fil des années et au fil des siècles à travers tout ça, là. Je voulais vous dire: En tout cas, moi, ça me bouleverse, là, cette partie-là de notre histoire qu'on oublie, et c'est important que les gens nous le rappellent, des gens comme vous nous le rappellent, et il faudra en tenir amplement compte, je dirais, dans toutes les recommandations qu'on aura pour la Commission de la culture.
Je veux refaire le lien sur l'éducation particulièrement. Vous avez parlé qu'il y a des aspects importants d'amélioration des connaissances, de la formation autant des intervenants, de la mise en valeur, de la promotion, de toute l'accessibilité au patrimoine religieux. On a parlé et fait les liens avec les universités tout à l'heure. Vous en avez fait, vous avez déjà des liens, des relations avec les universités, tout votre réseau. Mais, moi, je pense fermement qu'au niveau de l'éducation on a instauré, au niveau du secondaire particulièrement, toute la partie de l'histoire qui avant ne s'enseignait qu'en deuxième secondaire et quatrième secondaire. Maintenant, c'est tout le niveau secondaire que l'histoire y est mise.
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Je pense qu'il y a un volet intéressant pour nos jeunes, la partie du patrimoine religieux. Je pense qu'il y a un lien très direct avec le ministère de l'Éducation, sur la mémoire et sur le patrimoine religieux, et, si nos jeunes, même s'ils sont tout petits... On fait tellement de choses dans nos écoles! Moi, j'ai un passé d'enseignante, et tout est possible, puis je pense que notre mémoire, c'est absolument important qu'elle soit dans nos écoles, à travers tout ça. Le biais qui est peut-être plus facile, c'est peut-être par le biais de l'histoire. Bon. Il faudrait peut-être avoir une réflexion plus approfondie à ce niveau-là, là, parce que le patrimoine religieux n'est pas qu'histoire, là, évidemment, là, il y a toute la partie culture. Mais, bon, les arts, dans les écoles, il y a beaucoup de réflexion qui se fait aussi, hein, parce que, quand on augmente les heures ou on diminue les heures dans le milieu de l'éducation, c'est soit l'éducation physique, soit les arts, soit... Bon, en tout cas. Alors, les matières principales, c'est toujours la grande discussion dans l'ensemble du réseau de l'éducation. Mais, moi, votre savoir-faire... D'abord, le lien avec l'éducation, comment est-ce que vous le voyez, avec les tout-petits puis... alors, pas juste au niveau universitaire. J'aimerais avoir votre réflexion sur ça.
Et, de la deuxième partie de votre savoir-faire, toute la partie du patrimoine immatériel, les collègues en ont parlé, mais, moi, je trouve qu'on ne l'approfondit pas encore assez, parce que quelques mémoires... On a reçu quelques mémoires qui nous parlent d'immatériel. C'est sûr qu'on parle d'églises et on parle de bâtiments, on parle d'objets d'art. Bon. Effectivement, là, ça, je pense que la réflexion avance. Mais la partie immatérielle n'est pas si avancée. La mémoire telle quelle, les coutumes, les coutumes dans les groupes religieux, mais particulièrement au niveau des religieuses, la parole effectivement, les chansons, l'oral, comment conserver ça? Parce qu'on peut bien parler du bâti puis du mobilier, puis tout ça, mais le niveau plus immatériel, comment se passe la vie en communauté religieuse, qui est directement liée...
J'en parlais avec mon collègue de Saint-Hyacinthe, la vie dans les communautés religieuses est directement liée aussi à la vie civile, à travers tout ça, nos attitudes civiles au fil du temps et au fil de la vie. Alors, je faisais le lien avec les diocèses et les groupes des religieuses, toute votre ouverture à votre mission sociale, l'ouverture à votre bénévolat. Il y a 1 million de bénévoles au Québec, dans toutes sortes de domaines. L'origine du bénévolat vient de nos religieuses au fil des années. Alors, je ne veux pas susciter la discussion sur le bénévolat, mais c'est quand même vous qui en a fait la marque au fil du temps.
Et je faisais le lien avec les diocèses, où parfois les communautés de citoyens... Dans toute la participation citoyenne, beaucoup de coalitions, ou de groupes citoyens, ou de fabriques sont venus nous rencontrer, au fil des audiences, nous indiquant que ce n'est pas toujours facile avec les diocèses, ou avec l'évêque, ou, bon, avec toute la hiérarchie de l'Église pour faire valoir la conservation de leurs églises. Et, pour moi, aujourd'hui, je trouve que c'est inspirant de voir toute l'ouverture des religieuses, pour moi, qui amène une certaine différence, là, avec parfois certains diocèses ou certaines façons de faire dans la hiérarchie de l'Église telle qu'elle.
Alors, comment vous voyez, dans le quotidien, mes deux questions par rapport au ministère de l'Éducation et par rapport au milieu primaire et secondaire? Et comment vous voyez, dans le pratique, là, tout ce qu'est l'immatériel et tout votre savoir-faire? Comment on peut conserver vraiment cet aspect-là?
Mme Bailly (Marie-Berthe): Ça me fait plaisir de vous entendre parce que vous rejoignez exactement et vous avez tout exprimé ce que nous avons vécu depuis quelques années. Nous avons fait des inventaires matériels pour commencer. Il faut bien partir sur la base physique des choses. Mais nous en sommes arrivés justement à nous dire: L'important actuel, c'est de conserver ce qui sous-tend tous ces objets-là et tout ce qu'on a. Et on a besoin justement de faire des projets qui vont conserver cet immatériel, ce contenu, ce vécu de nos communautés. Parce que tout ce qui se fait n'est pas seulement... Et ici il n'y a pas comme un... nous ne sommes que des femmes pour parler, mais il y a des hommes avec nous ici. Je ne voudrais pas que vous l'oubliiez. Il y a des communautés de frères, il y a des communautés de pères qui sont dans notre association et qui veulent la même chose. Ils ne veulent pas que les objets restent et deviennent de l'archéologie pour les suivants. Mais, c'est justement, on a besoin de projets concrets actuellement que nous pouvons vivre pour que nos membres qui vivent encore, qui sont là et qui peuvent donner les renseignements puissent les donner. C'est une des raisons du mémoire que nous avons apporté et une des choses qui ressort le plus, celle du besoin que nous avons.
Parce que nous avons fait l'impossible. Nous avons monté des musées par nos propres moyens. Dans la plupart des cas, les musées ont été montés sans aucune aide. On était des citoyens comme tous les autres et, comme citoyens qui pouvaient le faire à l'époque, on l'a fait. On a tout donné ce qu'on pouvait, mais il nous reste à donner... Actuellement, étant donné que nous sommes moins nombreux, il y a moins de revenus aussi, et on a besoin de cette aide gouvernementale qui va nous permettre de poursuivre ces recherches-là avec des étudiants qui sont déjà... ou encore des gens professionnels, si on a besoin d'une action professionnelle. On ne veut pas faire de l'artisanat, là, ici, dans ce domaine-là. On veut que ça reste aux gens qui viennent après nous, mais d'une manière solide, et pour ça on a besoin d'un apport de professionnels. Les écoles, on a besoin que les écoles soient informées, sachent que nous existons et puissent venir nous voir. Je pense que Mme Turgeon a une belle expérience de ce côté-là, au niveau du musée, hein, visites scolaires, et tout.
Mme Turgeon (Christine): Oui. En fait, la question de l'éducation au patrimoine religieux à mon avis est absolument fondamentale, et, comme le disait M. le député tout à l'heure, le musée de communautés religieuses est peut-être le seul, dernier lieu actuellement qui donne accès aux codes, aux symboles de compréhension en fait de ce patrimoine-là. Donc, en fait, si je prends l'exemple du Musée des Ursulines de Québec, l'année dernière, en 2005, 40 % de notre clientèle était composée de groupes scolaires. Donc, les musées de communautés religieuses actuellement correspondent effectivement à un besoin d'éducation, et c'est extrêmement important parce que, grâce à ces musées, donc les jeunes connaissent un patrimoine, s'approprient un patrimoine et dans l'avenir vont le défendre parce qu'ils vont le connaître et le comprendre. Donc, je pense que c'est pour ça que nos musées sont si importants.
C'est qu'il ne faut pas oublier non plus... Il y a une donnée qui est importante, c'est que le patrimoine ancien du Québec est en grande partie composé de patrimoine religieux. Donc, à partir du moment où on veut intéresser nos jeunes au patrimoine ancien du Québec, automatiquement il faut qu'on lui fasse comprendre, si vous voulez, le contenu et la signification du patrimoine religieux du Québec. Donc, c'est pour ça que nos musées jouent en fait un rôle si important, et que les écoles sont si sensibles, si vous voulez, à l'existence de nos musées, et qu'elles amènent très volontiers leurs groupes justement dans nos musées, parce qu'elles connaissent cet enjeu-là.
Je répondrai aussi à la notion de patrimoine immatériel. Dans le cas d'un musée, le patrimoine immatériel est absolument fondamental parce qu'en fait les collections de communautés arrivent effectivement dans un musée. Toutes les communautés religieuses du Québec n'ont pas un musée, mais celles qui ont un musée, très souvent, donc, ces collections ont été, si vous voulez, prises à l'intérieur du monastère par certaines religieuses et elles en ont créé un musée. Mais ces collections, pour qu'elles vivent et pour qu'elles soient transmises de façon vivante, il faut que les religieuses soient toujours intégrées dans le processus et qu'elles nous expliquent elles-mêmes à quoi servaient ces objets, à quoi servaient ces outils: pour faire la dorure, pour faire la broderie. Donc, c'est des religieuses qui connaissent le comment de ces objets. Donc, c'est pour ça que c'est très important que les musées conservent des objets mais aussi conservent ce patrimoine immatériel lié à l'usage et à l'origine de ces objets. C'est absolument fondamental. Parce que les visiteurs, quand ils viennent dans les musées, c'est ça qu'ils nous demandent. Ils ne nous demandent pas uniquement l'esthétique d'un objet, l'esthétique d'un calice ou d'un ciboire. Ce qu'ils vont nous demander, c'est: Où était ce ciboire? Où était ce calice? À quoi il servait? Dans quel contexte? Et très souvent ça va leur rappeler des souvenirs personnels. Alors, je crois que c'est cette vue d'ensemble là qui est fondamentale à percevoir, en tout cas.
Mme Bailly (Marie-Berthe): J'ajouterais à ce que dit Mme Christine Turgeon que, quand les jeunes viennent dans nos musées ou voient les objets qui ont été conservés par les communautés religieuses ? des fois, ce n'est pas toujours dans un musée, mais c'est dans nos couvents ou dans les maisons ? les jeunes voient le lien qu'il y a, et parfois la différence aussi, le fossé qu'il y a entre leurs connaissances et le vécu d'autrefois, et qui n'est pas si loin que ça. Bien souvent leurs parents ont été à l'école avec des religieux, et eux n'ont pas connu cet aspect-là. Mais par contre des valeurs actuelles de partage et les valeurs d'échange ou de désir de se donner aux autres pays, aux gens qui ont besoin, d'où ça vient, ça? On a eu une formation au départ, et notre formation, qui était à la foi religieuse, mais elle était basée sur un vécu humain aussi. On n'était pas que des anges, là, nous autres, sur la terre. On était du monde comme les autres. Et les jeunes comprennent ça, je pense, quand ils viennent chez nous et voient qu'il peut y avoir une continuation là-dedans. Je crois que c'est important pour eux.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une dernière question pour ce bloc, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Je pense qu'il me reste peu de temps, hein?
Le Président (M. Brodeur): Allez-y.
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(11 h 30)
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M. Dion: On va essayer d'être bref. C'est extrêmement intéressant évidemment de vous entendre. Ça nous donne confiance, parce que la totalité, je pense, ou la quasi-totalité des solutions qui ont été présentées devant la commission, ce sont des solutions qui sont nées du milieu, qu'elles soient des paroisses ? je pense à l'est de Montréal, Rivière-du-Loup ? que ce soient des communautés religieuses, et je pense que cette réalité-là, il faut bien la retenir, et je pense qu'elle est incontournable. Quand on parlera d'une politique du patrimoine religieux, il faudra que ce soit une politique qui valorise les initiatives de la base et qui respecte les lieux de mémoire.
La deuxième chose que je veux mentionner, juste un commentaire que je vais faire, je vais le faire parce que personne n'a parlé pour ces gens-là, et je profite de votre présence pour le faire parce que je sais que vous avez été présentes dans beaucoup... les communautés religieuses en général, présentes dans beaucoup de ces milieux-là. Quand on parle de patrimoine immatériel, personne n'a parlé devant la commission encore du patrimoine immatériel des nations autochtones. Or, on sait, par l'histoire, qu'il y a eu d'abord, de 1608 à 1760, une histoire d'amour entre les colons français et les peuples autochtones, une histoire d'amour basée sur deux piliers: un commercial et l'autre missionnariat, les missionnaires. Et il reste un certain nombre d'objets dans vos communautés qui rappellent cette réalité-là. Mais il y a peu de choses dans les communautés autochtones en termes matériels qui rappellent ces moments, mais il y a beaucoup de mémoire. Il ne faut pas perdre cette mémoire-là. Donc, le patrimoine immatériel de ces gens-là doit être colligé. Je pense que certaines universités ont commencé à faire des choses, il faut aller plus loin là-dedans. Et je tenais à faire cette remarque-là parce que personne ne parle jamais pour eux. Mais je sais que vous avez été en grande partie, les communautés religieuses, des artisans très... ou artisanes, selon le cas, très actives dans la relation entre les deux peuples, si vous voulez.
Quoi qu'il en soit, vous avez fait des choses extraordinaires et vous avez parlé... dans votre document, vous parlez de... ce que vous demandez, que le ministère de la Culture continue de vous soutenir, de façon minimale au moins, dans le travail d'inventaire et de mise en place de réserves ou d'archives régionales, et aussi qu'il vous soutienne dans les efforts que vous avez commencés de formation. Et y a-t-il au Québec, dans les universités, des formations vraiment spécialisées en patrimoine religieux? Quand il s'agit de formation des maîtres, est-ce qu'on a cette option-là? Si on ne l'a pas, il faudrait la créer peut-être.
Et, troisièmement, ce que je voudrais, c'est seulement vous poser une question ? je pense que je pourrais me limiter à une, oui. Il y a actuellement... Donc, le réseau, vous l'avez créé, c'est un réseau d'éducation, de sensibilisation et d'information. Y a-t-il actuellement une structure administrative? Y a-t-il besoin d'une structure administrative qui chapeauterait ce réseau-là pour lui donner toute son envergure, et toute sa signification, et toute son utilité?
Mme Dubois (Danielle): Une question très complexe. Il faudrait voir qui seraient les administrateurs. Alors, nous sommes toutes des communautés différentes. Donc, à partir de ce réseau, il est évident que nous avons aussi des liens, nous participons à d'autres rencontres où il y a des administratrices, l'ATTIR, les conférences religieuses canadiennes, etc., de ce côté. Il faudrait aussi des partenariats. Quand on parle d'aide, évidemment, s'il y a de l'argent, il faut le faire fructifier au bon endroit. Vu l'ampleur de votre question... une structure administrative, oui, mais comment? par qui?
M. Dion: On peut y aller de façon un peu plus précise. Par exemple, il y a des inventaires considérables qui se font. Actuellement, est-ce que ces inventaires se font de façon à ce qu'ils puissent être utilisés, qu'ils se fassent à Chicoutimi, à Amos ou à Montréal? Y a-t-il un réseau informatique en place actuellement qui permet d'entrer dans ces inventaires-là, les utiliser, tout ça? Ça existe actuellement? Est-ce que c'est coordonné, ça, ces structures-là?
Mme Bailly (Marie-Berthe): Oui, le travail que nous avons fait d'abord a été chapeauté par la Société des musées québécois, dont le réseau Info-Muse, qu'on appelle, qui lui-même est uni au Réseau canadien d'information sur le patrimoine. Donc, patrimoine au niveau... à Ottawa. On peut tout avoir nos informations là-dessus. C'est ouvert au grand public.
Mme Savignac (Flore): 16 congrégations sont au moins sur ce réseau-là, au moins.
Mme Dubois (Danielle): Beaucoup plus.
Mme Savignac (Flore): Peut-être beaucoup plus, parce que 16 avaient reçu les subventions.
Mme Turgeon (Christine): Je voudrais rajouter quelque chose au niveau de la formation. Effectivement, vous avez tout à fait raison, c'est que les inventaires, effectivement... En fait, il y aurait de nombreuses recherches à faire sur les collections de communautés religieuses, à la fois les collections de beaux-arts et les collections d'objets ethnographiques ou musicales ou scientifiques, et c'est souvent effectivement le temps et les moyens que nous n'avons pas. Il y a eu des recherches qui ont été faites, il y a eu des inventaires fondateurs qui ont été faits dans les années soixante-dix, quatre-vingt, mais, quand on regarde ces inventaires-là, on s'aperçoit que, même s'il y a eu quelques progrès, on a encore énormément de chemin à faire. Donc, effectivement, vous avez entièrement raison, ce patrimoine religieux, nous l'inventorions, nous le connaissons, mais il y a effectivement des recherches très importantes qui sont encore à faire au niveau, si vous voulez, de leur qualité en quelque sorte, de la qualité des objets, donc de bien pouvoir les décrire lorsqu'on les expose.
Et je trouve importants effectivement aussi ? votre réflexion concernant les collections ? les rapports de nos communautés, notamment fondatrices, avec les autochtones. C'était tout à fait fondamental, parce que, que ce soient les Augustines, les Ursulines et les communautés de Montréal, ce sont des communautés anciennes dont le but, les premières missions, était de venir évangéliser les Amérindiens. Donc, ça a laissé des traces profondes dans les collections, mais aussi dans l'interprétation des musées de ces communautés-là. Donc, il y a une place très importante qui est mise, si vous voulez, dans tous ces musées concernant les relations anciennes et toujours actuelles, si vous voulez, entre ces communautés et les communautés autochtones, tout à fait.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre apport aux travaux de la commission. Je vais suspendre quelques instants, le temps que Mme Annie Blouin puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 41)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux en recevant la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec. Donc, Mme Annie Blouin, bienvenue à la commission parlementaire. Donc, je répète les règles pour le dépôt... ou la présentation de votre mémoire. Vous avez un temps maximal de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, je le répète, de la façon que vous jugez à propos, et ce sera suivi d'un échange avec les membres de la commission. Sans plus tarder, la parole est à vous.
Corporation du patrimoine et du
tourisme religieux de Québec (CPTRQ)
Mme Blouin (Annie): D'accord. Alors, comme vous voyez, ce matin, je suis seule. Ce n'est pas parce que mon conseil d'administration ne pouvait pas être là, mais ils m'ont fait confiance. Alors, je représente aujourd'hui les 10 membres du conseil d'administration de la corporation, qui sont à la fois des religieux et des laïcs. Et vous avez dans la salle... ou il y avait, ce matin, dans la salle une grande partie des membres de la corporation qui étaient présents, alors je me sens solidaire avec ces personnes qui étaient là ce matin.
Donc, très brièvement, je vous présente un peu l'histoire de la corporation avant d'en venir dans le vif du sujet.
La Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec a été fondée en 1984. Ça fait donc, cette année, 21 ans qu'on existe. Cette corporation a été fondée par une initiative diocésaine, et, je dirais même, diocésaine au niveau des agents de pastorale. Donc, vous parliez tout à l'heure d'une initiative du milieu, c'est un très bel exemple d'initiative du milieu, et même du milieu de l'Église catholique, en fait. Donc, ces gens-là se réunissaient pour discuter.
Et la réflexion a débuté parce que... En 1984, vous savez, il y a eu deux grands événements au Québec: la venue du pape et la tenue des Grands voiliers. Et, lorsqu'il y a eu ces deux événements-là, ces gens-là qui étaient impliqués dans la réflexion se sont dit: On est complètement passés à côté du bateau ? petit jeu de mots ? parce que le patrimoine religieux n'était pas accessible. Alors, les églises n'étaient pas ouvertes, on n'avait pas offert de projets aux visiteurs, et vous savez qu'il y a eu énormément de touristes qui sont venus à Québec à cette occasion-là. Donc, très déçus de ça, ils ont réfléchi à la possibilité d'offrir des activités ou, à tout le moins, un service d'accueil dans les lieux du patrimoine religieux, et éventuellement des visites guidées et de la documentation qui seraient disponibles. Et, à partir de là, ils ont fait des démarches auprès, entre autres, des communautés religieuses fondatrices à Québec. Alors, elles ont été à la base de tout, au début de la corporation, et par la suite ça prendra l'ampleur qu'on connaît aujourd'hui.
Alors, actuellement, on a 39 membres à la corporation qui sont à la fois des églises catholiques, protestantes, anglicanes ? et nous serions ouverts à d'autres membres aussi s'ils étaient intéressés ? des communautés religieuses. Il y a aussi des centres d'animation, des musées, des musées d'art qui sont membres de la corporation. Et on a aussi des gens qui sont des membres de soutien, donc des gens qui sont convaincus du travail qu'on fait et qui continuent à nous aider.
Par rapport au membership, il y a aussi la section Amis de la corporation. Alors, ça existait à la base, au départ de la corpo, mais malheureusement ça a diminué avec le temps. Bon, vous savez, le patrimoine religieux, ça fait des années que ça intéresse les gens, mais il y a eu de la fluctuation, et actuellement on est dans un regain d'intérêt énorme. Donc, actuellement, on peut compter sur ces gens-là aussi pour nous appuyer dans nos démarches.
On fonctionne... C'est un organisme sans but lucratif, financé en partie par des subventions, et je le dis très bien, «en partie», parce que, sur notre budget d'opération, ça ne représente à peu près que le quart de notre budget de fonctionnement. On a un budget de fonctionnement d'environ 100 000 $ par année. Ça vous semble beaucoup, mais en fait ce qui se passe, c'est qu'on a des ententes de services avec différents intervenants pour des services que nous offrons, entre autres, à la cathédrale Notre-Dame de Québec et avec le Séminaire de Québec, aussi, pour la gestion du Centre François-de-Laval. Alors, c'est le moyen qu'on a trouvé, nous, de continuer à survivre, mais on a toujours de la misère. Le plus bel exemple, c'est que, l'an dernier, on a fait un déficit de 19 000 $.
Alors, je vous parle aujourd'hui, ce matin, de façon très, très convaincue du travail que je fais. Depuis ce matin, on parle de l'aspect de l'éducation. C'est quelque chose sur laquelle je reviendrai plus tard, parce qu'effectivement c'est là-dessus que, nous, notre action se porte.
Donc, la réflexion qu'on a portée... Moi, je suis en poste depuis janvier 2002, mais je travaille au niveau du patrimoine et de l'histoire religieuse depuis 10 ans. Alors, j'ai commencé au niveau de mes études universitaires à m'intéresser à ça et j'ai toujours continué depuis. Et ce que, moi, je déplore et qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose, c'est que l'intérêt a été principalement porté sur le patrimoine bâti, et, dans le cadre de la commission, vous en avez eu énormément de témoignages, ça a été l'accent principal qui a été donné. Oui, c'est important, c'est indéniable qu'il faut agir sur ce niveau-là, mais je pense qu'il y a tout l'aspect aussi de la sensibilisation et tout l'aspect de l'éducation.
On parle beaucoup de choix qu'il faudra faire éventuellement. Ces choix-là, il faut les avoir avec une façon éclairée. Si on ne sait pas de quoi on parle, c'est impossible de faire des choix. Et, entre vous et moi, ce n'est pas à des professionnels universitaires à faire ces choix-là, c'est à la collectivité, c'est aux gens du gouvernement, c'est à l'Église catholique ou autres églises, c'est à tout le monde, et tout le monde doit être informé. Il y a des gens qui sont très intéressés, d'autres qui le sont moins. Mais je pense qu'effectivement c'est une cohésion de tous ces gens-là qui va permettre d'avoir une bonne connaissance des choses et de prendre les bonnes décisions. Et l'action de la Corporation du patrimoine religieux depuis 1984, c'est celle-là.
Bon, d'une part, nos actions, c'est de faire des visites guidées, alors, à la base, des visites guidées d'églises, mais il y a aussi des visites thématiques. On peut faire des conférences, on peut faire des ateliers avec les enfants. Notre clientèle, c'est autant les personnes âgées que les jeunes. C'est autant des gens catholiques, qui ne croient pas aussi. Alors, on a de tout. On nous a déjà reproché, dans notre histoire, d'être trop pastoral, alors ça aussi, c'est un autre point qui nous agace. On a un patrimoine religieux, il y a une notion de spiritualité qui en fait partie, et, lorsqu'on tente de l'interpréter sans cet aspect-là, ça enlève tout son sens à ce patrimoine-là. Et malheureusement la tendance actuelle est celle-là, d'essayer d'épurer le patrimoine religieux pour en faire quelque chose de muséal. Alors, une église, ça a un sens, ça a une vie. Il y a des gens qui y vivent. Ce ne sont pas que des beaux objets ou que des beaux tableaux, ce n'est pas qu'un bon architecte qui y a travaillé, c'est un ensemble de choses.
Bon, on parle du patrimoine immatériel, je vous donne un très bel exemple. On travaille en collaboration avec la ville de Québec. Je ne sais pas si vous le connaissez, il y a un petit guide qui s'appelle le Guide de la famille. Donc, à chaque année, il y a des activités qui sont organisées par le Service des loisirs pour les familles, pour leur faire découvrir leur ville. Alors, il y a trois ans, ils ont pensé à moi pour offrir une activité, et, au début, j'étais très surprise, parce que je me suis dit que la ville qui réfléchit, parfait, parce que c'est un très grand partenaire de la corporation, mais qui pense à faire une activité en lien avec le patrimoine religieux pour les familles, je trouvais ça vraiment intéressant.
Et, l'année passée, l'expérience a été très concluante. On a amené les gens, entre autres, chez les Ursulines et chez les Augustines, et j'avais demandé à la religieuse qui les accueillait, les enfants et les parents, de témoigner de sa vie de religieuse, comment ça se passait, Noël en communauté. Est-ce que c'était difficile de ne pas voir sa famille? Parce que, vous savez, c'étaient des... les Ursulines étaient une communauté cloîtrée, les Augustines ne sortaient pas non plus. Et ça a été un succès fou, à tel point que, cette année, j'ai déjà «booké» mes groupes de Noël, ou presque, pour la nouvelle année. Donc, c'est la preuve que le patrimoine immatériel, il y a un sens à lui donner, il a une importance, mais ça fait le lien aussi avec tout l'ensemble de l'histoire qu'on peut donner.
Vous avez parlé tout à l'heure du patrimoine religieux comme un patrimoine historique. Effectivement, c'est un patrimoine historique, c'est culturel, c'est cultuel, c'est éducatif, c'est artistique, c'est architectural. Il faut le voir comme un ensemble. Il faut arrêter d'essayer de le morceler puis de voir que ça, c'est intéressant au niveau architectural, mais que les objets qui sont à l'intérieur sont plus ou moins intéressants. Dans les discussions que j'ai avec différentes gens que je rencontre, entre autres... vers 2008, parce qu'on travaille effectivement au projet pour 2008, on dit: Ne serait-ce pas génial de garder quelques églises qui sont vraiment extraordinaires puis de rapatrier les objets de ces églises-là pour les mettre dans celles qu'on conserve, des autres églises qu'on risquerait éventuellement de fermer? On vous l'a dit tout à l'heure, au niveau des communautés religieuses, de morceler ce bien-là, c'est absolument ridicule parce que ça perd tout son sens. Un beau tableau dans une église ne voudra pas dire la même chose dans une autre église. Alors, c'est un ensemble qu'il faut considérer.
L'autre chose qui m'agace un peu mais en même temps que c'est une nécessité, c'est le manque de cohésion dans les actions. Alors, le fait que vous nous ayez convoqués et invités à venir nous prononcer, pour moi, c'est déjà un très grand pas. Entre nous, on se le dit déjà, on trouve qu'il y a trop d'intervenants, pas parce que ce n'est pas des bons intervenants, mais il y a un manque de cohésion. Alors, il y a les universitaires d'un côté, il y a les gens qui font sur le terrain un peu le travail que, nous, on fait, il y a les communautés, il y a les gens qui sont plus au niveau du ministère, au niveau des villes. Nous, à Québec, je pense que ça fait plusieurs années qu'on a compris que ça ne fonctionne pas comme ça et qu'il faut se réunir. Alors, entre autres, avec le diocèse, avec la ville de Québec, y compris avec le ministère aussi, et, nous, même à l'interne, avec tous les membres qu'on a, on agit de cette façon-là. Alors, on se consulte, on essaie de faire des projets communs, on évite de se dédoubler dans nos démarches. Et je pense que ça fonctionne bien. En tout cas, le dynamisme des membres de la corporation le prouve, la conviction aussi qu'ils ont à continuer à travailler le prouve aussi.
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(11 h 50)
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Mon inquiétude à moi, ce n'est pas la suite des choses, parce que je sais qu'il n'y aura que du positif. Mon inquiétude, c'est de voir qu'on traite un peu le patrimoine religieux comme quelque chose de mort actuellement, déjà, et ça, ça me dérange et ça m'agace, parce qu'en fait le patrimoine religieux, il est vivant. Ne serait-ce que, si vous n'êtes pas pratiquant et que vous n'allez pas à l'église, vous avez un bagage en vous, une histoire de famille qui porte ce patrimoine-là même si vous ne le voulez pas. Alors, de dire qu'il n'est pas nécessairement très actif, qu'on ne va plus à l'église, effectivement c'est quelque chose qu'il faut admettre, mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que ça, parce que le patrimoine religieux est quelque chose de vivant.
Et, à ce sujet-là, je vous fais part d'une expérience... Dans le mémoire que j'ai déposé, je vous parlais d'une mission en France qui était prévue en septembre et octobre. Alors, au retour, la conclusion que j'en ai faite, c'est: effectivement, au Québec, on est en train de passer à côté parce que... on a déjà jeté la serviette. C'est-à-dire qu'on se dit: Bien, le patrimoine religieux, il est là, c'est beau, il faut le conserver, il faut faire quelque chose, mais on se croise les doigts et on ne bouge plus. Alors que, là-bas, effectivement c'est aussi difficile, peut-être même différent, parce que, vous savez, il y a une loi qui fait que les églises avant 1905 sont propriété de l'État, mais les diocèses ont aussi la gestion des églises qui ont été construites depuis 1905, et c'est un problème de ce côté-là aussi. Par contre, ils sont proactifs. Alors, au niveau diocésain, ça a bougé énormément, ils réfléchissent énormément.
Au niveau local, alors les maires sont convaincus de l'importance de leur patrimoine religieux dans leur ensemble. Et d'ailleurs, là-bas, ils n'utilisent pas le terme «patrimoine religieux» mais bien «art sacré». Alors, ça a une autre dimension. Le «patrimoine», c'est le patrimoine dans son ensemble, et «art sacré», c'est tout ce qui a rapport au patrimoine religieux. Alors, ils nous disaient tout le temps, dans chacune des rencontres qu'on a faites, on a rencontré 14 personnes en tout, et ils nous disaient à chaque fois: Notre patrimoine, c'est quelque chose de vivant, on fait des activités pour le rendre vivant, pour le rendre accessible, pour ouvrir les lieux. Et, au Québec, effectivement c'est ce qu'on a fait, nous, à la corporation depuis 20 ans, on veut ouvrir les lieux, on veut les rendre accessibles, on veut permettre aux gens de comprendre ces lieux-là, mais en contrepartie on a le problème du financement. Vous le savez, je ne vous le répéterai pas, les fabriques, entre autres, ont d'énormes problèmes financiers.
Le problème des ressources, on en a brièvement dit un mot tout à l'heure. Comme vous voyez, ce matin, je suis là toute seule. Alors, moi, la corporation, je gère ça toute seule avec un comptable qui est bénévole, qui me donne du temps depuis 10 ans, presque gratuitement, et une secrétaire qui m'est actuellement prêtée par le gouvernement, parce que sinon elle serait à la maison. Donc, c'est ça, mes ressources, moi. Et puis j'ai des guides à temps partiel, à la corporation. Alors, c'est pour vous dire qu'effectivement les ressources humaines sont nécessaires, le soutien est nécessaire. Je ne suis pas prête à dire que ça doit venir d'un intervenant plus qu'un autre ? est-ce que c'est le ministère qui doit nous aider, la ville, ou peu importe? ? mais on a besoin d'aide, et le fait de travailler en collaboration, je pense que ça peut être une très, très bonne solution.
Je suis très réaliste aussi par rapport à l'avenir au niveau des finances, au niveau de l'imposition que ça donne en fait autant aux fabriques qu'aux communautés, que même à des organismes comme le mien, parce qu'on n'est pas seuls, mais je pense qu'il y a des moyens, il y a des solutions. Le problème, c'est qu'on veut les trouver tout de suite. Alors, moi, depuis, bon, depuis quelques semaines, en lien avec la commission, j'ai été beaucoup demandée pour faire des entrevues, et à chaque fois on me dit: Mais c'est quoi, votre solution? Et je n'en ai pas, de solution. Parce que c'est une réflexion qui se porte depuis très longtemps et qu'il faut continuer, mais en tenant compte un peu de toutes les opinions que vous avez eues effectivement ici, depuis que vous avez commencé la commission. Le problème, c'est qu'il n'y en a pas, de solution miracle, puis je ne pense pas que la solution va être trouvée d'ici un an. Moi, mon espoir, c'est que, d'ici 10 ans, on ait trouvé déjà des bonnes bases puis qu'on puisse continuer à agir. Et, moi, mon rêve, c'est d'exister encore dans 20 ans, à la corporation.
Alors, on parlait de l'aspect de l'éducation tout à l'heure, j'y reviens parce que c'est vraiment un point sur lequel j'insiste. Notre travail, nous, c'est de sensibiliser par la mise en valeur, par l'animation, par l'accessibilité des lieux. Alors, quand on parle d'accessibilité des lieux, c'est d'avoir une église, entre autres, ou un musée, ou peu importe, qui est ouverte plus qu'à l'heure des messes. Ça, c'est déjà une bonne base. Qui est ouverte, oui, pendant la période touristique. Alors, à la base, le travail de la corporation, ça a été de faire ouvrir les lieux notamment en période touristique et, après ça, à plus longue échelle. Au départ, c'était concentré sur le Vieux-Québec. Actuellement, nous avons des membres dans la grande région de Québec, alors sur la rive sud, à Charlesbourg, à Beauport, à Sainte-Foy, qui vivent des réalités différentes de celles du Vieux-Québec parce que ce ne sont pas nécessairement des lieux très touristiques mais qui ont trouvé des solutions dans leur milieu pour les rendre dynamiques. Je pense, entre autres, à Charlesbourg, où ils se sont allié deux, trois intervenants pour offrir quelque chose. Donc, les gens vont à l'église, oui, mais ce n'est pas que ça.
Et ça, nous, on est convaincus du bien-fondé de ça, c'est-à-dire que le patrimoine religieux ne doit pas être interprété tout seul, ça peut être un ensemble. Par exemple, dans une journée qu'on offrira à des jeunes, c'est une journée de trois ou quatre heures qu'on part avec eux, bien, à la base, on leur donne une leçon d'histoire: qui étaient les fondateurs, qui sont les personnages importants. Après ça, on les amène dans les lieux. On a parlé tout à l'heure de l'importance de notion du patrimoine religieux, ça ne peut pas nécessairement se donner à l'école, ces choses-là, il faut que les jeunes puissent le vivre dans les milieux.
Vous l'avez dit tout à l'heure, aussi, vous trouvez que les gens sont enthousiastes, c'est des beaux témoignages, mais, en amenant les jeunes chez eux, c'est une bonne solution. Puis je dis «les jeunes», mais ça peut être les moins jeunes. Moi, je suis dans la jeune trentaine. J'ai été de la dernière génération où on a eu une formation religieuse assez solide. J'ai été chez les Soeurs de l'Assomption, à Nicolet. Alors, mon bagage, il est là. Mais je suis convaincue que c'est un bon point. Et je suis aussi convaincue que c'est un intérêt de leur part. Alors, il ne faut pas penser que parce qu'il n'y a plus d'enseignement religieux à l'école, c'est à négliger.
Bon, vous le savez comme moi, au niveau du ministère de l'Éducation, on transforme actuellement le programme d'enseignement religieux pour devenir plus un programme d'éducation... la vie cultuelle, religieuse et spirituelle, introduire ça différemment. Moi, je pense que, dans cette formation-là, on doit absolument mettre le volet du patrimoine. De quelque façon que ce soit, nous, on travaille... Notre volonté actuellement, c'est de développer des trousses pédagogiques, des activités éducatives à l'intention du public... des jeunes, mais aussi à l'intention des adultes. Parce que j'ai fait une conférence dernièrement à une association de familles, la famille Roy d'Amérique, et qui m'ont dit: T'as 20 minutes, puis ça a duré 1 h 30. Et puis, ils n'arrêtaient pas de me relancer. Ça veut dire que l'intérêt est là de toutes parts. Les gens, ils me disent: Qu'est-ce qu'on peut faire? on ne sait pas quoi faire, on ne sait pas comment on peut s'impliquer. Les gens sont perdus, ils ne savent pas trop où s'en aller. Et puis, comme les idées sont un peu négatives de ce qui ressort par rapport au patrimoine: Ça va coûter cher, c'est compliqué, ça va être quoi, les moyens, puis qui va s'en occuper?, bien ils laissent un peu tomber. Alors, je pense qu'un peu d'enthousiasme et un peu de positivisme pourraient faire du bien.
Il y a des gens qui sont très, très motivés et très convaincus du travail qu'ils font, alors il faut continuer à collaborer avec eux. Et puis je pense que de mettre en contact tout ce monde-là, c'est une excellente solution. Les colloques sont des moyens, mais... Bon, l'année passée, on a fait un colloque, nous, en collaboration avec l'Université Laval, le Musée des Ursulines, et on disait toujours, nous qui sommes sur le terrain, donc Mme Turgeon et moi, entre autres, qui faisons de l'animation: Arrêtez d'être théoriques, soyez pratiques. Et c'est peut-être ça que je peux vous donner comme message de conclusion. Donc, dans le pratico-pratique, comment on peut fonctionner. Évidemment, je n'ai pas de solution toute faite, mais je pense que l'expérience qu'on a eue dans les 20 dernières années et l'expérience cumulée de tous mes membres, qui sont en arrière de nous, prouvent que des initiatives, il y en a, des moyens, il y en a, des ressources, on peut en avoir, qu'on a juste besoin d'un petit coup de main pour aller plus loin et pour continuer ce travail-là.
Et, par rapport à la formation, je dirais que la formation... l'éducation, ça doit commencer au niveau du primaire et se continuer jusqu'à l'âge adulte. Alors, ne serait-ce que d'avoir des émissions spéciales sur le patrimoine ou patrimoine religieux, ou des activités qui sont organisées en collaboration avec les grandes institutions d'État, ça pourrait être intéressant aussi. Donc, c'est un mélange de partenariats.
Pour revenir à la mission, nous, on avait donné comme idée... on voulait aller chercher un peu la part de mécénat qu'il y avait là-bas. On est revenus très déçus. Alors, le mécénat, ce n'est pas la solution. C'est clair. Les entreprises sont plus ou moins stimulées, plus ou moins motivées. Évidemment, s'il y avait une législation, au niveau juridique, qui changeait au Québec, ça pourrait amener quelque chose, mais on n'en est pas là. On a été très clair, en France, pour nous dire: Ce n'est pas la solution miracle. Par contre, l'implication des gens du milieu l'est, et l'implication des commerces ou des entreprises du milieu, c'est aussi une bonne solution.
Nous, on a la chance, à Québec, et je vous le redis et je leur lance des fleurs, les gens du ministère à Québec, ils sont extraordinaires avec nous. Ils ont considéré, depuis au moins 10 ans, qu'on est un très bon intervenant et ils nous prennent très sérieusement. Même chose avec les gens de la ville, au Service de la culture, ils sont toujours là pour nous écouter, ils sont toujours là pour nous appuyer. Ils ont défendu des projets que ça faisait des années qu'on voulait faire admettre et qui ont été acceptés. Alors, d'avoir ces gens-là en arrière de nous, ça nous aide énormément, et je pense qu'il y en a plein d'autres qui pourraient continuer à oeuvrer dans ce sens-là. Alors, la ville de Québec est un très, très bel exemple, un très, très beau réseau. Et actuellement le diocèse de Québec aussi réfléchit énormément sur ce qui se passera. Alors, nous, ça nous concerne aussi. Donc, c'est pour vous dire que ce n'est pas simplement du négatif, il y a énormément de positif. Je prends l'exemple de Québec parce que c'est ce que je connais, mais je connais très bien la région de Nicolet, de Trois-Rivières aussi, et, dans différentes régions, c'est un peu la même chose qui se passe.
Alors, faire confiance aux gens du milieu, les écouter et puis travailler en collaboration avec eux pour la suite des choses.
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(12 heures)
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Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci surtout de nous parler avec tellement de passion de l'avenir du patrimoine religieux. Votre mémoire est fort intéressant. Particulièrement, vous touchez à un point qui n'a pas été touché beaucoup jusqu'à date, depuis septembre que nous entendons des gens, des groupes en commission parlementaire, vous avez parlé en quelque sorte de la formation, de l'éducation de notre relève concernant les connaissances du patrimoine religieux. J'aimerais vous entendre particulièrement sur la formation qu'il y a de disponible présentement. Est-ce que la commission devrait faire des recommandations de telle sorte... des recommandations qui pourraient s'adresser au ministre de l'Éducation, au ministère de l'Éducation, pour accentuer la partie histoire de ce patrimoine religieux là, plutôt que la partie sciences, religieuses ou théologique du terme, puisque le Québec devient de plus en plus, avec la baisse de la pratique religieuse, au côté historique des choses, et on doit faire comprendre le côté historique... Et est-ce que la commission devrait faire des recommandations au ministère de l'Éducation, aux universités québécoises, aux départements d'histoire pour une formation plus accentuée sur cette histoire du patrimoine religieux au Québec, pour bien informer les gens, pour que les gens puissent savoir qu'est-ce que ça représente pour leur histoire, quel est ce témoin de leur histoire? Est-ce qu'il devrait y avoir une recommandation faite au ministère dans le sens de donner une formation différente, autant au niveau universitaire, collégial, secondaire ou dès le primaire, dans la partie histoire des programmes du ministère de l'Éducation?
Mme Blouin (Annie): Mais tout à fait. En fait, j'irais dans ce sens-là. Je ne sais pas à quel niveau ça pourrait se positionner, il resterait toujours à voir le fonctionnement. Je suis très bien placée pour le savoir, j'ai une formation d'historienne, alors j'ai une maîtrise en histoire, et je me suis intéressée à l'histoire religieuse, et dès là j'ai été coupée d'une grande section de mes collègues. Alors, ça veut dire, j'ai été mise à part. L'histoire religieuse, c'était vraiment très mal considéré. La preuve, c'est qu'actuellement il y en a très peu, actuellement, à l'Université Laval, entre autres, et dans les autres universités, qui s'y intéressent.
Par contre, il y a un regain au niveau de l'ethnologie, qui se fait actuellement. Dans les années quatre-vingt, Jean Simard a fait rire de lui, en disant: Pourquoi tu t'intéresses à ça, na, na, na? Et là, tout à coup, ça revient. Alors, oui, je suis convaincue qu'il y a quelque chose à faire à ce niveau-là. Pas juste universitaire, par pitié! Ce n'est pas la solution de tout, parce que ce n'est pas tout le monde qui va à l'université. Et, nous, notre travail, on le fait vraiment avec M. et Mme Tout-le-monde. Puis ça, je suis convaincue et je vais continuer à le dire ? je n'ai rien contre les formations universitaires, j'en suis une moi-même ? sauf que je pense qu'à la base les gens qu'il faut toucher, c'est le grand public, c'est les citoyens et les citoyennes.
Effectivement, je pense qu'au niveau du primaire il y a quelque chose à faire. Bon, actuellement, par exemple, un exemple que je vous donne, en troisième année du primaire, on a, dans la formation en histoire, la présentation des grands personnages de l'histoire du Québec, et parmi ceux-ci on retrouve François de Laval, fondateur de l'Église catholique en Amérique du Nord et du Séminaire de Québec, une institution très importante, on a Marie de l'Incarnation, fondatrice des Ursulines de Québec. Alors, ce sont deux personnages religieux qui ont été très importants, qu'on a réussi à intégrer dans la formation. Le problème, c'est que, quand, moi, j'ai lu le document, je me suis dit: Bien, en fait, ils ont éliminé tout l'aspect spiritualité que ces gens-là pouvaient avoir, tout leur apport, toutes leurs démarches qu'ils avaient eues dans leur vie pour en venir à faire les actions qu'ils ont eues. Alors ça, il y a cette part-là aussi des choses.
Appeler les choses comme elles sont, hein? Si c'est de la religion, c'est de la religion. Si c'est de la spiritualité, c'est de la spiritualité. Ce n'est pas du cultuel, c'est de la religion. Il ne faut pas avoir peur non plus de dire aux jeunes qu'effectivement c'est des affaires qui sont importantes, puis qu'à huit ans, ou à 12 ans, ou à 15 ans on n'en a rien à faire, mais peut-être qu'à 30 ans ou 35 ans on fera une démarche inverse. Et là, moi, je travaille dans le milieu du patrimoine depuis 2002, et j'en suis témoin, à la fois je fais de la gestion, mais je fais aussi des visites guidées, je fais de l'animation, du développement de scénarios, rencontres avec des gens, témoignages, et je le vois que les gens dans la trentaine, dans la quarantaine, dans la cinquantaine reviennent.
Et ce n'est pas obligé d'être très académique comme information, ça peut être une activité très, très divertissante qu'on peut offrir. Et là je m'éloigne un peu de l'éducation, mais c'en est de la même façon. En janvier dernier, on a fait une activité avec un conteur. Bon, à la base, on peut dire que c'est un peu étrange en lien avec le patrimoine religieux. L'activité s'est tenue dans une église. Et, le conteur, je lui avais demandé d'aller chercher toutes les notions de superstitions qu'on a au Québec. C'est du patrimoine religieux, ça, c'est... l'influence qu'on a eue dans notre vie, c'est celle-là. Et ça a été très apprécié. À la fin de la rencontre, j'ai un homme qui est venu me voir, il m'a dit: Bien, merci, Mme Blouin, ça faisait 15 ans que je n'étais pas rentré dans l'église, je suis venu puis j'ai trouvé ça bien de revoir ça. Alors, de réintroduire le patrimoine religieux peut-être d'une façon différente, peut-être de se départir un peu des mauvaises idées qu'on en a eues autour...
Un autre témoignage. J'ai travaillé à la Faculté de théologie pendant deux ou trois ans, dans un groupe de recherche, et j'ai aidé un prof qui donnait un cours pour les futurs enseignants au primaire. Et la première question qu'on posait dans le cours, c'était: Qu'est-ce que c'est pour toi, la religion? Et là, tout de suite ce qui sortait, c'est: Ma mère, mon grand-père, ma grand-mère m'a dit qu'il s'était passé telle affaire, que ce n'était pas bon, que... Bon. Alors, ils n'ont même pas de connaissances eux-mêmes, ils ne sont pas capables de se faire une opinion à partir de leur expérience, ils parlent des gestes des autres. Alors, pourquoi ne pas refaire un peu cette démarche-là?
Et, dans notre histoire religieuse, dans le patrimoine religieux, il y a des très, très beaux exemples, très inspirants, encore pour aujourd'hui. Ce n'est pas que du passé, c'est de l'actuel. Ils peuvent encore nous inspirer. La preuve, les communautés religieuses que vous avez eues tantôt, c'est des femmes qui sont encore très vivantes.
Le Président (M. Brodeur): Deuxième courte question pour permettre à mes collègues d'en poser d'autres. Vous avez évoqué tantôt un séjour en France. On a entendu parler beaucoup, depuis le début de nos séances, de nos auditions, du modèle français, du modèle britannique. Vous avez sûrement retenu beaucoup de choses de votre séjour en France. Si vous aviez un message, suite à votre comparatif fait entre le Québec et la France, quelles seraient les principales choses qui pourraient peut-être être appliquées aussi au Québec, suite à votre séjour, là, d'étude en France?
Mme Blouin (Annie): D'accord. Alors, la première des choses, c'est que ce que j'ai constaté là-bas, puis là je ne vous donne pas de solutions toutes faites, mais je vous donne des petites pistes... Les gens, au niveau du ministère de la Culture, ça fait longtemps qu'ils réfléchissent à tout ça. Ils ont vraiment une longue démarche en arrière d'eux pour en venir... Évidemment, on n'a pas le même type de patrimoine, on s'entend, mais il y a une grande réflexion qui a été faite. Et ils ont développé des organismes ou des associations qui peuvent permettre de mettre en valeur ce patrimoine-là. Je pense, entre autres, à Monum, qui anime les bâtiments qui sont classés monuments nationaux. Vous avez aussi les Villes et pays d'art et d'histoire. Alors, dans le document, je n'ai pas donné le bon nom, c'est Villes et pays d'art et d'histoire. Cette association-là, c'est local. Alors, par exemple, nous, on allait en Bretagne, et il y a un agent du patrimoine qui est embauché par la ville et qui s'occupe de faire la promotion du patrimoine culturel, très, très large, mais qui a un volet dans son travail qui touche au patrimoine religieux. Et là-dedans ils doivent mettre de l'avant des activités. Alors, ça peut être une brochure de documentation qui est à l'intention des gens de la place, mais c'est aussi touristique, c'est aussi pour les écoles, alors ils ont énormément d'activités pour les groupes scolaires, c'est même la majeure partie de leur clientèle, et c'est toutes sortes... il y a des circuits, il y a des conférences qui sont offertes, il y a des grands historiens qui vont parler du patrimoine, donc tout est possible par ces intermédiaires-là.
Bon, tout à l'heure, j'ai beaucoup entendu parler du ministère de la Culture, et, tu sais, ils ont toujours bien d'autre travail à faire que juste ça, hein, ils ont bien d'autres dossiers à gérer. Je pense qu'on peut se reposer sur des organismes qui existent déjà. Bon, il y a des beaux exemples, la fondation en est un, la Fondation du patrimoine religieux. Nous, à Québec, dans notre travail qu'on fait, je pense qu'aussi on se démarque bien. Ce serait d'essayer d'interagir avec différents intervenants pour offrir ces activités-là.
Par rapport au régime de propriété, et tout ça, c'est sûr que c'est quelque chose avec lequel on a moins discuté, nous, pendant qu'on était là-bas, on a vraiment été dans le pratico-pratique, au niveau du fonctionnement quotidien dans les églises et dans les communautés. Ce que je constate, c'est qu'effectivement ça a peut-être été une très bonne solution qu'en 1905 il y ait eu une loi qui soit votée, mais on nous a dit ? ce sont les Français eux-mêmes et de tous... bon, ça peut être des religieux, comme des gens qui sont impliqués dans l'église, comme des gens du diocèse, aussi au ministère ? que ce n'est pas la solution miracle, parce qu'il y a d'autres problèmes qui ressortent, c'est-à-dire qu'il y a vraiment une division qui se fait un peu entre ce qui est le bâtiment puis ce qu'est la vie spirituelle à l'intérieur, et, moi, je ne voudrais pas qu'au Québec on en vienne à ça.
Il a été beaucoup question à un moment donné aussi de dire: Il faut faire des choix. Est-ce qu'on gardera tout? Est-ce qu'on ne gardera pas tout? Puis qu'est-ce qu'on gardera? Comment on va le choisir? Bien, tous les lieux sont importants, effectivement. Il y a des lieux qui sont moins actifs que d'autres, moins dynamiques que d'autres, et il est là, le problème. C'est qu'il faut que le milieu prenne conscience que, s'il ne veut pas que son église ferme, bien il faut qu'il offre des activités. Ça peut être n'importe quoi. Ça peut être l'AFEAS qui se réunisse à l'église, ça peut être une conférence, ça peut être un concert, ça peut être un cours d'histoire qu'on va faire dans l'église. Alors, tout est possible. C'est juste qu'il y a des gens, des milieux où c'est moins dynamique parce que peut-être qu'ils n'ont pas de ressources.
On a aussi compté beaucoup, en France, sur le bénévolat. Actuellement, ils sont en train de remettre ça un peu en question. Pas parce qu'ils n'y croient pas, mais avec le bénévolat vont l'appropriation et le désir d'avoir toujours plus et de dire: Ça m'appartient, je veux m'impliquer. Et des fois c'est difficile à gérer. Au Québec, le bénévolat est important, mais, au niveau du patrimoine religieux, c'est un peu difficile. C'est des passionnés qui s'impliquent. Alors, ce n'est pas chaud ou froid, c'est vraiment des passionnés, ils n'arrêtent pas de vouloir faire des nouveaux projets. Le problème, c'est qu'ils sont en train de s'essouffler, et c'est ce qu'on constate en France aussi, les intervenants sont essoufflés. Donc, pour vous dire que la juridiction n'est pas nécessairement la solution miracle.
On nous a beaucoup parlé là-bas effectivement de comment ça fonctionne en Angleterre, là. C'est qu'il y ait une partie des revenus de loto qui soient versés, entre autres, pour la gestion des musées. Aussi, en Allemagne, c'est qu'il y ait 1 % d'impôt qui soit versé pour le patrimoine religieux. Donc, il y a toutes sortes de solutions qui sont mises de l'avant. La seule différence avec nous, là-bas et ici, c'est qu'ils sont beaucoup plus avancés que nous et qu'ils sont beaucoup plus ouverts à collaborer avec différents intervenants. Alors, ce n'est pas qu'un type d'intervenant qui va être présent dans un dossier, il va y avoir toute sorte de monde.
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(12 h 10)
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Là-bas, ce que j'ai trouvé intéressant aussi, on a rencontré des gens du ministère, puis ça s'appelle Mission Mécénat ? peut-être que vous en avez déjà entendu parler ? c'est une sous-section du ministère de la Culture qui est en charge d'essayer de développer ce mandat-là. Bon, je parle du patrimoine religieux, ça peut être le patrimoine en général, ça peut être le milieu muséal. Actuellement, le milieu muséal se tourne vers les commandites privées, les grandes entreprises, mais ça pourrait être aussi une très bonne façon de fonctionner au Québec. Mission Mécénat, ils sont là pour sensibiliser les gens qui ont besoin d'argent, mais ils sont aussi là, aussi, pour sensibiliser les entreprises qui pourraient en verser, des sous. Et, au niveau législatif, au niveau juridique c'est beaucoup plus évolué que, nous, on peut l'être actuellement. Donc, ça facilite beaucoup les choses.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg,
M. Mercier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Blouin, ici, à cette commission parlementaire. Permettez-moi également de vous féliciter pour votre mémoire et votre témoignage plus qu'éloquent. Et je dois vous dire que, suite à la question de mon collègue, vous avez répondu à plusieurs des questions que j'avais, mais quand même je dois vous avouer que j'en ai d'autres, et évidemment peut-être plus techniques et spécifiques, mais vous me permettrez quand même de vous les poser. J'en ai trois d'ailleurs à ce sujet.
Mais, avant même de vous poser les questions, vous me permettrez également de vous dire que je connais très bien les services qu'offre votre corporation, parce que, suite à mes études universitaires, j'ai décidé, pour ma propre culture personnelle, de retourner prendre un cours comme guide touristique au collège Mérici. Alors, je dois vous avouer que j'ai appris à connaître davantage ma ville, au niveau historique évidemment, et je dois vous avouer que l'on connaît mal notre histoire, et, peu importe de la ville d'où l'on vient, le village, la région, on connaît mal notre histoire et notre savoir, et c'est grâce à des organismes tel le vôtre que l'on peut davantage diffuser notre histoire auprès des jeunes, et également de la grande population en général, et également des touristes étrangers d'ici et d'ailleurs. Alors, je vous en félicite et je vous remercie également pour tout le savoir que vous m'avez donné lorsque j'ai fait affaire avec vous, d'une certaine façon.
Ma première question. Vous parlez de partenariat avec la ville de Québec. Je sais que vous en avez d'autres avec le ministère, vous l'avez abondamment soulevé tout à l'heure. Mais de quelle façon ça se répartit? C'est-à-dire, est-ce que la ville de Québec vous donne des sous, évidemment outre l'expertise elle-même qu'elle a dans son département culturel? Comment est-ce que ça fonctionne? Elle vous donne un certain pourcentage suite au nombre de visites que vous faites? Peut-être nous l'expliquer davantage.
Mme Blouin (Annie): Ce serait bien trop merveilleux si ça fonctionnait comme ça.
M. Mercier: C'est pour ça que je vous pose la question.
Mme Blouin (Annie): En fait, ce qui s'est passé, c'est qu'à la base où on est venus éventuellement que la ville nous aide... Bon, vous savez que c'est avec l'entente sur le développement culturel, avec le ministère et la ville, les sous sont prélevés dans cette enveloppe budgétaire là. Dans les années quatre-vingt-dix, la corporation se trouvait dans une difficulté financière assez évidente. Ce n'était vraiment pas facile. Des idées, il y en avait plein, l'argent n'était pas nécessairement là. Alors, à un moment donné, il y a eu un projet, le sons et lumières Feux sacrés, qui a été mis de l'avant, et après ça on a développé des partenariats. Ça, ça a été une première partie du développement.
L'autre chose, c'est que... Bon, le Service de la culture à la ville de Québec, ce n'est pas son mandat premier de s'occuper du patrimoine religieux. Nous, on était là. On a commencé à travailler en collaboration avec eux. Par exemple, une activité que j'offre pendant l'année, j'ai souvent discuté avec eux de la pertinence de cette activité-là, on a souvent ciblé les points sur lesquels il faudrait intervenir le plus rapidement possible. On s'aide aussi dans les contacts. Alors, si, moi, j'ai besoin de gens à contacter, je les contacte, eux. Ça nous facilite énormément la tâche.
Donc, au niveau financier, si on veut, au niveau de l'argent qui nous est versé, c'est un montant qui varie entre 20 000 $ et 25 000 $ dans les dernières années. Donc, ça peut sembler énorme, mais ce n'est jamais un budget de fonctionnement. Alors ça, c'est très, très clair. Notre budget de fonctionnement, on va le chercher ailleurs. C'est vraiment un budget de développement, alors c'est pour des projets. Ça peut être des projets qui peuvent revenir assez régulièrement parce qu'on sait que c'est un acquis et que ça vaut la peine de le faire, par exemple nos visites d'automne, en septembre et octobre, où on a un circuit de visites, mais c'est aussi de l'aide ponctuelle pour des projets. Alors, par exemple, entre autres, on a un kiosque d'information, qui est le seul existant, puis la ville a fait une réglementation particulière pour qu'on ait ça. Alors, sur le parvis de la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec, dans le Vieux-Québec, de mai à octobre, on a un kiosque d'information.
Alors, c'est de nous donner, nous, les moyens d'agir, et puis en même temps ils nous soutiennent, ils continuent à nous pousser davantage. Ils nous stimulent aussi, parce qu'on pourrait s'asseoir puis dire: Bien, ils nous donnent des sous de toute façon, alors pourquoi on continuerait à faire des nouveaux projets? Ça ne fonctionne pas comme ça. Et ce n'est pas de l'acquis, hein? À chaque année, on les rencontre, à chaque année, on discute avec eux, puis, nous, c'est sûr qu'on aimerait toujours en avoir beaucoup plus, mais on va avec l'argent qui est disponible. Puis il faut dire aussi que la corporation a une part du budget, mais il y a aussi une autre part du budget qui est redistribuée dans l'ensemble de la région de la ville de Québec, là, dans les différents arrondissements. On n'est pas les seuls à bénéficier de ces sous-là. Fort heureusement, la plupart des gens qui reçoivent des sous sont souvent les membres de la corporation. Alors, ça fait un réseau plus dynamique.
L'importance aussi, je pense, et ça, toujours la ville pourrait vous en reparler, mais je pense que leur volonté, ce serait d'avoir une espèce d'uniformité, une espèce d'encadrement qui est sérieux, alors que ça n'aille pas n'importe comment, qu'il y ait une structure à la base qui soit là, et en même temps, eux, ça leur permet d'avoir une personne référence systématiquement pour les dossiers. Alors, au lieu de parler à 40 intervenants, on peut se parler puis on peut décider des choses. Donc, c'est un peu... Au niveau du fonctionnement, c'est celui-là.
M. Mercier: Merci. Et, puisque nous parlons toujours de sommes d'argent, dites-moi, pour votre financement, vous-même comme corporation, diriez-vous que la répartition majoritaire provient du tourisme, ou provient du système scolaire, ou du moins des écoliers qui vont vous voir, ou plutôt de la population en général, là, qu'elle soit de Québec, ou des régions, ou de la métropole?
Mme Blouin (Annie): Alors, il y a un mélange. Il y a vraiment un très grand mélange. Alors, à la base, il y a les cotisations des membres de la corporation, et je vais vous faire sourire, la cotisation, c'est minime, c'est 150 $ pour les paroisses et puis c'est un peu plus élevé pour les communautés, c'est 400 $ pour les communautés. À ça s'ajoutent des frais pour toute la promotion que je peux faire pour eux, parce qu'en fait le service que nous offrons, c'est, oui, de l'animation, mais on offre aussi des services de promotion: les aider à faire des dépliants, les aider à se faire valoir dans des salons, des bourses touristiques, diffuser l'information sur les activités qui se déroulent chez eux. Ensuite de ça, il y a effectivement des revenus d'activités. Depuis les dernières années, c'est ce qui nous permet de survivre. Alors, on travaille comme des fous à essayer d'offrir des activités. Et ça aussi... Il faut le noter quand même, c'est qu'il y a de la réticence de la part de la population d'avoir des frais associés à une activité qui a un lien avec le patrimoine religieux. Donc, dans la tête des gens, ça ne se fait pas de charger quelque chose pour faire une visite d'église. On n'a pas le choix maintenant parce qu'il faut assumer le salaire de nos guides. Alors ça, c'est une des difficultés que, nous, on vit. Alors, on est partis, par exemple, d'une journée d'activités pour un groupe de 35 jeunes, scolaire, qui leur coûte 125 $ pour le groupe, c'est absolument ridicule, alors qu'on sait que d'autres organismes en chargent 10 $ et 15 $ par personne. Alors, il y a ça qui nous pose un peu problème.
Ensuite de ça, il y a tout ce qu'on est capables d'aller faire: alors, conférences, activités. Le milieu touristique, c'est bon, mais le milieu touristique canadien. On a de la difficulté à relancer au niveau étranger parce qu'on n'a pas les reins assez solides pour faire la promotion à ce niveau-là. On travaille actuellement avec l'Office du tourisme pour sensibiliser les gens de l'Office du tourisme à cette réalité-là, parce qu'à la base il faut comprendre que la corporation a été fondée dans un but de tourisme religieux, hein, on voulait accueillir les gens chez nous, tant les pèlerins que les gens qui venaient au niveau... pour une expérience culturelle. Donc, voilà.
Puis il y a une part de subvention qui n'est pas négligeable, hein? Il faut comprendre que, si cette subvention-là n'existait pas, il ne pourrait pas y avoir de permanence à la corporation. Et puis on fait des arrangements, comme je vous disais tout à l'heure, des ententes de services. Alors, par exemple, avec la cathédrale Notre-Dame de Québec, nos locaux sont offerts gratuitement. Alors, si on calcule, au pied carré, ce que pourrait nous coûter un local dans la cathédrale ou dans le Vieux-Québec, on serait incapables de se payer ça. Avec le Séminaire de Québec, on a développé une entente de services aussi pour la gestion d'un centre d'animation qui est dans la cathédrale. On partage les locaux, on partage la ressource de secrétariat, on partage le matériel. Donc, on a trouvé des solutions, là, pour réduire les frais au maximum, mais c'est extrêmement difficile à chaque année. Et puis les activités-bénéfices, ce n'est pas le remède miracle, là, ça fonctionne plus ou moins bien. Et on a un domaine qui est très difficile à vendre, au niveau de l'argent, là, pas parce que les gens ne sont pas intéressés, mais dire aux gens, les convaincre de nous donner des sous, là, ce n'est pas si simple que ça.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Blouin. Effectivement, toute votre réflexion, votre mémoire, pour moi, ça rime très bien avec toutes les réflexions que j'avais tout à l'heure, que j'ai apportées, les commentaires.
Vos membres, dans la Corporation du patrimoine, ce que je vois, ce sont les communautés religieuses. Il n'y a pas de participation citoyenne telle quelle, là?
Mme Blouin (Annie): Par le biais des Amis de la corporation. Alors, les Amis de la corporation, c'est... Par exemple, vous, vous voulez nous aider à continuer notre oeuvre, c'est 35 $ par année, et puis évidemment on accepte les dons lorsqu'on a des dons des gens. Mais c'est la seule façon. Et c'est là, nous, qu'on veut travailler, là. Même au niveau des institutions, je veux dire, par exemple... Je vous donne un exemple. Comme celui-là, je ne veux pas être... je ne veux pas que ce soit vu négativement, mais le Musée de l'Amérique française a un patrimoine exceptionnel, les collections, entre autres, du Séminaire de Québec. Ils ne sont pas membres de la corporation. Alors, c'est des petits exemples comme ceux-là... C'est que c'est un réseau qui peut être utilisé. Il est facilement accessible, mais qui n'est pas nécessairement... Et je vous dirais que notre gros problème, c'est qu'on est mal connus. On est méconnus. L'an dernier, on a fêté nos 20 ans, et puis on a fait une assez grosse campagne. On a fait, pour la première fois, une programmation annuelle, et là les gens nous ont découverts. Et, lors du colloque, la même chose, les gens... Même à Québec, là, pas seulement à l'extérieur qu'on n'est pas connus, c'est à Québec qu'on est méconnus.
Mme Léger: Votre mission, votre mandat qui est autant de la mise en valeur, bon, toute la partie touristique, culturelle, la sensibilisation, l'éducation ? vous apportez, là, des éléments sur l'éducation ? il me semble qu'il serait intéressant d'avoir, dans votre c.a., d'avoir des citoyens. Alors, vous parlez des amis, d'accord, mais effectivement pour vous faire davantage valoir, pour aller... mobiliser davantage les citoyens... En tout cas, c'est un commentaire, là. Vous êtes...
n(12 h 20)nMme Blouin (Annie): Mais je vais dans le même sens que vous. Je vais tout à fait dans le même sens que vous, c'est ma volonté, c'est juste que les choses ne se passent pas nécessairement comme on le voudrait, toujours.
Mme Léger: Je veux revenir à ce que le président a apporté tout à l'heure par rapport à la France. Mais avez-vous quand même peut-être des commentaires à nous apporter ou une réflexion par rapport aux expériences européennes dans leur ensemble, là? Alors, on parle de France effectivement, aussi en Grande-Bretagne, mais est-ce qu'il y a d'autres aspects qui... Parce qu'on n'a pas eu l'occasion beaucoup d'en parler, d'autres expériences européennes que la France et la Grande-Bretagne?
Mme Blouin (Annie): Bien, en fait, c'est sûr que, comme ma mission, moi, s'est déroulée en France, c'est ce que je peux vous parler principalement, mais j'ai découvert aussi l'action de la Belgique. Alors, la Belgique est un devancier par rapport au patrimoine religieux, ils sont très, très dynamiques. Les associations qu'on a rencontrées en France, c'étaient des associations régionales, nationales et internationales. Alors, il y a deux associations qu'on a eu un peu ce qui se passait au niveau européen, et c'est qu'on fait exactement... Comme vous disiez, il y a des gens impliqués. Alors, il y a des gens de tous les milieux. Il y a des gens des mairies, il y a des gens des universités, il y a des grands professeurs. Entre autres, moi, j'ai été très surprise. J'ai fait une visite d'église toute simple, je ne me souviens pas dans quel arrondissement de Paris, et puis il y avait une petite affiche où on disait que le grand historien Bernard Plongeron faisait des conférences sur le patrimoine dans cette église-là. Alors, il y a des intervenants d'un peu partout qui se mettent ensemble pour faire des activités. Et, là-bas, toutes les associations qui existent, quelles qu'elles soient, sont membres d'un grand regroupement qui s'appelle Ars et Fides, et ce grand regroupement là permet justement une cohésion entre les différents intervenants, qu'ils soient britanniques, allemands, de la Belgique, de la France, et il permet d'avoir des échanges. Au niveau de l'Italie aussi, c'est très dynamique.
Mais, comme je vous dis, moi, je n'ai pas vraiment beaucoup développé les autres expériences. Moi, j'ai beaucoup lu par rapport à l'aspect de la transmission, de la sensibilisation et de l'éducation, et là-bas, de façon européenne, donc très large, c'est la priorité. Donc, ce n'est pas que de garder les lieux accessibles, mais c'est aussi d'en faire quelque chose, de les rendre animés et de les rendre vivants. Ça, c'est systématique, c'est martelé à chaque fois qu'on est allés à quelque part et, dans toutes les lectures que j'ai faites, c'est ce qu'on disait aussi, que par quelque activité que ce soit.
Mme Léger: Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. C'est très intéressant d'écouter toute l'expérience que vous avez accumulée pendant ces années, et même que d'autres ont accumulée avant que vous preniez la direction de l'organisme. Et c'est extrêmement intéressant, parce qu'on a toujours le concept fondamental auquel il faut revenir tout le temps: si on veut conserver quelque chose, il faut qu'on lui trouve une raison d'être, donc une utilité. Et donc, vous, vous avez la chance de travailler à Québec, donc c'est le centre touristique du Québec, la Vieille Capitale, même s'il y a beaucoup de choses qui se font à Montréal, et tout ça, et un peu ailleurs aussi, mais c'est quand même un centre touristique exceptionnel et qui amène, chaque année, des milliers d'étrangers. Et vous avez beaucoup insisté aussi sur la dimension du tourisme scolaire, et donc la relation avec l'histoire pour les jeunes et la relation avec le ministère de l'Éducation pour la structure, pour la base de ce tourisme-là.
La question que je me pose est la suivante, j'aimerais avoir votre réaction. On a souvent... vous avez d'ailleurs mentionné ça beaucoup dans votre témoignage, à l'effet qu'il est difficile d'intéresser les gens au patrimoine, beaucoup de gens ne s'y intéressent pas. Probablement qu'ils ne se retrouvent pas là-dedans. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité d'intéresser les gens en valorisant l'histoire familiale, l'histoire des familles, dans les deux sens, que ce soit la famille locale, que ce soit la famille au sens des grandes familles, les Tremblay, les Simard, ainsi de suite?
Je pense en particulier... par exemple, on a, au Québec, des joyaux qui sont cachés dans des endroits pas très central. On me dit que l'église de Saint-Fortunat, dans les Cantons-de-l'Est, est un joyau. Qui connaît Saint-Fortunat? Personne. Moi, je la connais parce qu'on m'en a parlé, et je n'ai pas eu la chance de la visiter, parce que, quand je suis passé, elle était fermée, mais on peut la visiter à peu près n'importe quand, à la condition d'avertir d'avance qu'on va y aller, mais... Alors... Et Saint-Fortunat, donc, c'est un joyau qu'il faudrait mettre dans un circuit, dans un circuit touristique. Mais comment le mettre dans un circuit touristique s'il n'est pas bien vivant localement, s'il n'est pas ouvert, et tout ça?
Alors, c'est pour ça que... Qu'est-ce que vous pensez? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, au niveau de l'ensemble du Québec, de développer une approche, que ce soit par les universités ou autrement, qui viserait à valoriser l'histoire des familles et donc à donner une raison d'être, un intérêt aux gens du milieu à se soutenir?
Mme Blouin (Annie): Bien, en fait, il y a plein d'idées qui se bousculent dans ma tête, je vais essayer d'être très synthétique.
C'est un point que vous touchez qui, moi, me touche effectivement énormément. Vous l'avez dit, les gens, la grande population... et, moi, c'est mon mandat, c'est d'aller toucher ces gens-là. Ça ne donne rien de convaincre un grand spécialiste universitaire qui connaît déjà le bien-fondé d'un patrimoine religieux et son importance, c'est M. et Mme Tout-le-monde qu'on veut aller chercher. Je pense que ça, ça part au niveau local. Alors, je ne veux pas donner nécessairement la responsabilité ou le fardeau au niveau des mairies, mais je pense que les conseillers sont importants. Je pense que localement, dans les différents secteurs des villes, il y a quelque chose à faire. Dans les campagnes, c'est la même chose.
Ce qu'il y a de très intéressant actuellement qui a été mis en place au Québec depuis quelques années, c'est, bon, les centres locaux de développement. Il y a parfois des ressources à l'intérieur des centres locaux qui permettent de faire une cohésion entre le patrimoine d'histoire d'un secteur et le patrimoine religieux. Je pense, entre autres, à la Côte-de-Beaupré qui est un incontournable. On ne peut pas parler du patrimoine là-bas sans parler du patrimoine religieux. Ça, c'est des ressources qui sont déjà en place.
Les agents Villes et villages d'art et d'histoire, Villes et villages d'art et de patrimoine au Québec, les VVAP, ça aussi, c'est intéressant comme structure. Alors, il y a moyen, avec ce qui existe déjà, d'aller effectivement toucher les gens. Ce que j'ai aimé beaucoup en France, moi, c'est qu'ils ont des soirées du patrimoine, donc, peut-être une fois par mois, où le grand public est invité, alors ça peut être des témoignages, ça peut être des conférences, ça peut être une projection de film. On organise, de temps à autre, des circuits, alors on prend les gens d'un secteur pour les envoyer dans un autre secteur. Donc, ça permet de découvrir, pas juste... Parce que ce qui m'énerve un peu, c'est qu'on a tendance à dire: Si on ne connaît pas notre propre église, comment on peut la sauvegarder? Ce n'est pas juste notre propre église qu'il faut connaître, ce n'est pas l'ensemble, parce qu'on ne peut pas tout connaître, mais le contexte, comment ça se passe, les difficultés. Moi, j'ai un peu consulté... Il y a une députée, je ne me souviens pas laquelle, qui a fait une enquête de par sa propre initiative, et sur un site Internet où on retrouve les réponses du grand public. Et j'ai lu les réponses, là-dedans, qui m'ont choquée, puis je me suis dit: Les gens, ils ne comprennent vraiment pas. Entre autres, par exemple, comme réponse, on avait: Bien, le patrimoine religieux, c'est l'affaire des communautés religieuses, elles ont plein d'argent, qu'elles s'en occupent. Il y a une méconnaissance de la situation actuelle. Alors, ne serait-ce que ça, ce serait déjà un bon départ.
Il faut être passionné, hein, de ce sujet-là. Il ne faut pas être tiède. Si on est tiède, on ne peut pas intéresser les gens. Il faut aller chercher des gens qui savent toucher. Dans nos visites, c'est ce qu'on essaie de faire, nous, puis nos membres font la même chose. Il faut se réinventer. Nous, on dit toujours... Quand les gens appellent à la corporation, ils nous disent: Est-ce que vous faites ça? Puis, moi, je dis toujours: On fait tout. Par exemple, vous parliez des associations de familles, c'est ce que je suis en train de développer. Le Vieux-Québec est le berceau de plusieurs familles qui sont arrivées au Québec. Donc, on développe. Par exemple, la famille Bilodeau, l'année dernière, leur ancêtre a été marié à la cathédrale, a été hospitalisé à l'Hôtel-Dieu, et je pense qu'il est même décédé là. Alors, on avait fait un petit minicircuit dans le Vieux-Québec pour repartir sur la trace de leurs ancêtres. On a parlé de patrimoine religieux, mais différemment. Alors, c'est juste ça qu'il faut faire.
Et puis l'autre aspect qui est important, que, moi, j'ai réalisé en allant en France, c'est qu'on a tendance à parler du patrimoine religieux en évitant la question de la spiritualité ou de la religion, et c'est une grosse erreur. Parce que de dire que le tableau, ici, est beau, mais, si on ne comprend pas pourquoi il est là, qu'est-ce que ça représente, qui l'a fait, dans quel contexte, depuis combien de temps il est là, ça ne veut absolument rien dire. Alors, il y a tout ça qu'il faut comprendre aussi. C'est un mélange de toutes sortes de choses.
Mais je vous dirais qu'effectivement, moi, ma volonté pour les années à venir, c'est de sensibiliser les gens, la population en général et, je vous dirais même, et là peut-être que je ne me ferai pas aimer, mais même les détenteurs de ce patrimoine-là. Donc, quand je parle de détenteurs, je ne parle pas nécessairement de l'Église comme institution mais des curés qui sont en place, des marguilliers qui sont là, qui n'ont aucune idée de ce qu'ils ont. Donc, c'est un très bon exemple. Moi, je vous donne l'exemple, entre autres, d'un endroit où on faisait une visite d'église, puis le curé a dit: Bof! notre église, elle va fermer dans un an, ça fait que: fais une visite si tu veux, ça ne donnera pas grand-chose. Bien, ça fait cinq ans de ça, puis l'église est toujours ouverte, puis... Mais, si les personnes ne sont pas partantes puis ne contribuent pas, bien c'est sûr que ça n'aide pas à l'avancement du projet. Mais ça, je suis convaincue qu'il faut toucher différentes personnes. C'est pas l'affaire que des gens qui les détiennent, puis c'est pas l'affaire que des spécialistes non plus, puis c'est pas l'affaire que d'un monsieur qui dit: Moi, je veux sauver mon patrimoine puis je vais le sauver. Ça marche pas. Ça prend plusieurs intervenants ensemble.
n(12 h 30)nM. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je pense qu'il y a une constante qui se dégage de tout ce qu'on a entendu. Il y a beaucoup de constantes qui commencent à se dégager, je pense. Mais une, entre elles, qui est le fait que les solutions, elles viennent du local, de la... ce que je dirais, la communauté locale autour de l'édifice ou autour du souvenir. Donc, elles viennent d'en bas. Et je pense que ça, c'est dans toute proposition qu'on pourrait faire, je pense qu'on ne pourra pas passer par-dessus ce constat-là, valoriser les initiatives et les appuyer. C'est le premier pas à faire, je pense.
Mme Blouin (Annie): J'ajouterais... juste quelques minutes. J'ajouterais même qu'en faisant ça de cette façon vous ne choquerez pas les gens, vous ne les bousculerez pas, et ils vont probablement être plus collaborants que si vous leur imposez du haut quelque chose. Alors, si ça vient du bas, même s'ils ne sont pas d'accord, ça vient du bas. Alors, ils peuvent juste s'en prendre à eux-mêmes s'ils ne se sont pas impliqués. Voilà.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci, Mme Blouin, surtout de votre passion. Si on pourrait juste retransmettre quelques pourcentages de votre passion à l'ensemble de la population, je pense que le patrimoine religieux serait entre bonnes mains. Donc, merci.
Je vais suspendre nos travaux jusqu'après la période des affaires courantes, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 46)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons débuter nos travaux cet après-midi en recevant en premier lieu Mme Marie-Claude Rocher, que j'invite à prendre place. Donc, pendant que vous vous installez... Vous pouvez vous installer juste en avant de nous. Bienvenue en commission parlementaire. Et, pendant que vous prenez place et disposez vos documents, je vous explique brièvement les règles de la commission parlementaire. Je crois... Vous étiez là ce matin, dans la salle, hein? Non? Donc, je vous explique brièvement, c'est vraiment bien simple. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, de la façon dont vous jugez à propos, et ça sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, la parole est à vous.
Mme Marie-Claude Rocher
Mme Rocher (Marie-Claude): Merci beaucoup. Donc, mesdames, messieurs, bonjour. Merci de me recevoir à cette commission. Le mémoire que je vous avais présenté et que vous avez retenu est sur les enjeux de la conservation du patrimoine des minorités religieuses.
Ce que j'ai retenu des travaux ? dans la mesure où j'ai pu les suivre ? de votre commission, c'est qu'il y a un certain fil conducteur en matière de conservation du patrimoine. En matière de patrimoine comme dans la vie normale, on ne conserve que ce qui nous sert. C'est la base de notre société de consommation, c'est le principe qui sous-tend nos comportements de tous les jours, qui sous-tend aussi notre société de production, de surproduction, le recyclage, le gaspillage, etc. Et, n'étant pas une entité désincarnée, le patrimoine participe, lui aussi, aux enjeux de la société et subit, directement ou indirectement, ce diktat de la modernité qu'est la rentabilité.
Les preuves n'en sont pas à faire devant cette commission, à court ou à long terme, la survie du patrimoine n'est assurée que par son potentiel de contribution, sous une forme ou une autre, au bien actuel de la société. S'il est rentable économiquement, socialement, culturellement ou politiquement, le patrimoine sera sauvegardé, valorisé et transmis. S'il est non rentable, toujours selon ces mêmes critères, il tombera en désuétude et éventuellement en dégradation. Ce qui ne vaut pas la peine, selon les critères contemporains, ne survit qu'accidentellement. Autrement dit, ce qui perd sa pertinence perd sa survivance.
Et je ne sais pas si vous avez eu la présentation... ce que j'avais présenté, qui devait être en PowerPoint, qui est en réalité un «powerpapier», mais, si vous ne l'avez pas eue, ce n'est pas grave.
Le Président (M. Mercier): ...dit qu'elle s'en vient d'une minute à l'autre.
Mme Rocher (Marie-Claude): O.K. Mais ce n'est très grave. Vous auriez sous les yeux la vue d'une chapelle dont toutes les fenêtres sont murées parce qu'elle a effectivement perdu sa pertinence. Donc, selon ce que j'ai conclu et ce qui, je pense, est aussi le fil conducteur de vos travaux, ce qui perd sa pertinence est en danger de perdre sa survivance.
On est donc confrontés à la problématique, bien connue par les gestionnaires du patrimoine: Que sont les critères d'utilité? Qu'est-ce qu'on doit conserver? Quels choix opérer? En fonction de quels paramètres? À quel coût social? Les impacts de la conservation et de la disparition d'un élément patrimonial sont souvent diversifiés et très difficiles à quantifier.
n(15 h 50)n Dans cette logique du legs immense que constitue le patrimoine religieux au Québec ne sera conservé que ce qui est utile à la société contemporaine et qui peut contribuer à son essor. Or, si l'impératif de rentabilité hypothèque ainsi le patrimoine religieux, malgré la masse critique qu'il constitue et sa place prépondérante dans la mémoire et le paysage québécois, à plus forte raison cet impératif de rentabilité menace-t-il ce patrimoine qui est issu des communautés minoritaires.
Le mémoire que vous avez devant vous a tracé un bref portrait de la situation patrimoniale de l'une de ces minorités que sont les protestants francophones du Québec. J'aimerais donc ici prendre le temps de revenir un tout petit peu sur cette problématique des patrimoines minoritaires et examiner les quelques pistes de recommandations qu'on a présentées en mémoire.
La société québécoise généralement est présentée comme étant composée de deux blocs monolithiques: l'un, les anglophones, généralement urbains et protestants, l'autre, les catholiques, généralement ruraux et francophones. Donc, d'un côté, le bloc catholique francophone, généralement rural, et, de l'autre côté, le bloc anglophone, protestant et généralement urbain. On garde donc souvent du Québec francophone l'image d'une communauté homogène relativement, autarcique, entièrement dévoué à sa subsistance par un natalisme intense et un attachement à la terre, à la langue française et à la religion catholique romaine. C'est ce qui a été considéré comme le fondement historique du Québec jusque dans les années 1960.
On comprend dès lors que, dans ce discours relativement hégémonique qui a prévalu jusqu'à cette période, la mémoire des minorités religieuses ait constitué un irritant à ce miroir homogène et qu'elle ait été marginalisée, voire occultée. On comprend aussi que le patrimoine de ces minorités, ayant été jugé ni particulièrement utile ni particulièrement pertinent, se retrouve aujourd'hui disséminé et dans une situation précaire. Si l'on se réfère à notre hypothèse de départ ? ce qui perd sa pertinence perd sa subsistance ? on comprend que la présence dans la mémoire des minorités religieuses est fortement menacée.
En dépit de cette affirmation toutefois, l'histoire constate la présence continuelle de ces minorités dans l'espace francophone du Québec, telles les communautés juives, les communautés orthodoxes, russes ou grecques, et celle des protestants non anglophones. Tour à tour tolérées, interdites, marginalisées ou acceptées, ces communautés ont marqué l'espace, la mémoire et la société de façons diverses mais d'une façon constante. Certaines des traces concrètes sont visibles dans l'oekoumène québécois, dans l'architecture ou dans l'organisation territoriale, et dans la nomenclature de cette organisation territoriale, tel, par exemple, le «rang des protestants», à Marieville. Dans les grandes structures fonctionnelles, tels les systèmes d'éducation, les systèmes de santé, se révèlent la présence et l'essor des minorités religieuses à travers la création d'institutions caritatives, tels deux orphelinats juifs de Montréal, qui demeurèrent ouverts de 1909 à 1942 mais dont on retrace difficilement l'existence, et surtout les nombreux pensionnats, instituts et écoles dont certains ne furent fermés qu'en 2000, lors de la déconfessionnalisation du système scolaire du Québec.
D'autres fois encore, les manifestations de la présence des minorités religieuses sont de l'ordre de l'intangible, de l'immatériel. Ils constituent des témoignages discrets qu'il faut savoir reconnaître et qui demeurent dans la langue ou dans les récits populaires. Les mitaines, par exemple, on se souvient peut-être de l'expression des «mitaines», qui tirent leur origine dans les «meetings», les «suisses», les «pieds fourchus». Enfin, pour d'autres exemples, je serai ouverte aux questions.
L'ensemble de ces traces, complexe et hétérogène, constitue un patrimoine unique mais fragile. Or, en dépit de son importance, on constate l'état de dégradation avancée de ces ensembles patrimoniaux: la démolition ou le recyclage de traces architecturales sans identification préalable, la dispersion d'objets et la destruction d'archives après les fermetures d'institutions, la disparition de rites, de traditions et de savoir-faire, le vieillissement et la vulnérabilité des porteurs de mémoire, etc. De plus, aucune mesure actuelle ne protège le patrimoine futur des nouvelles collectivités socioreligieuses qui sont constituées par les immigrants. On peut donc imaginer que, dans quelques années ou quelques générations, une commission semblable à celle-ci siégera pour voir comment on peut rescaper ou sauvegarder le patrimoine de minorités de migrants qui sont en train de se constituer actuellement.
Je ne sais pas si vous permettez que je prenne un...
Le Président (M. Mercier): Certainement. Allez-y, allez-y.
Mme Rocher (Marie-Claude): L'histoire des minorités religieuses demeure peu connue. Malgré l'avancement de la recherche et de l'historiographie, il est rare que les manuels scolaires ou les séries télévisuelles dites historiques renvoient l'image d'une société québécoise plurielle. Les médias, à la fois producteurs de savoir, diffuseurs d'information et créateurs d'images, véhiculent le plus souvent l'image d'une appartenance sans nuance au modèle traditionnel. Ainsi ? j'avais une multitude d'exemples, j'ai choisi ceux qui se reliaient à l'institution parlementaire dans laquelle nous nous trouvons ? lors des fêtes du 200e anniversaire des institutions parlementaires du Québec, dans le spectacle multimédia à grand déploiement, le personnage principal expliquait à un enfant que les Canadiens, de son temps, c'étaient, et je cite, «les habitants du Canada qui parlaient français et qui étaient catholiques». Et je me pose la question, je nous la pose: Peut-on imaginer que la définition sera différente pour les habitants de la Nouvelle-France lorsque viendront les célébrations de Québec 2008?
Aucun inventaire ne reconnaît le patrimoine des protestants francophones du Québec. Il s'agit le plus souvent de traces éparses, difficiles à identifier, et à documenter, et a fortiori à conserver. Les récits et les traditions s'oublient alors que vieillissent les porteurs de mémoire. Les objets et les documents sont détruits ou dispersés. L'ensemble des éléments patrimoniaux est donc très difficile d'accès, et ce, malgré son importance pour la recherche comme pour le patrimoine. Il est donc engagé dans un processus de désintégration.
J'avais... Je pense que vous avez reçu... Alors, je voudrais juste vous présenter...
Le Président (M. Mercier): Tout à fait. Allez-y.
Mme Rocher (Marie-Claude): Imaginez évidemment la couleur et toutes les fantaisies qu'aurait pu permettre le PowerPoint.
Le Président (M. Mercier): ...couleur, hein?
Mme Rocher (Marie-Claude): Pardon?
Le Président (M. Mercier): Vous en êtes la couleur.
Mme Rocher (Marie-Claude): Ah, je vous remercie.
Je vous enverrai donc à la troisième page, Le patrimoine immobilier, mobilier et immatériel. J'ai réuni ici quatre photos, qui sont celles de l'Église unie Pinguet, à Saint-Damase, qui est une église francophone qui a été fondée, entre autres, par Chiniquy. Vous trouverez donc le deuxième bâtiment, parce que le premier avait été brûlé. Il date de 1903. Et j'ai tenu à photographier celui qui a été l'organiste de cette petite chapelle pendant près de 50 ans et qui est réellement dépositaire d'une mémoire des relations intercommunautaires en situation rurale. Et le travail de terrain qu'on a fait avec les étudiants a été enregistré, le témoignage de cet homme-là, mais il en a nommé au moins 10 ou 12 autres personnes, et ce serait important d'être capable d'être dépositaire de cette mémoire-là. Je dois dire que ces enregistrements seront déposés aux Archives de folklore, à l'Université Laval, à la fin du projet.
Donc, rapidement, pourquoi cette situation de fragilisation du patrimoine des minorités protestantes francophones? Premièrement, parce qu'il s'agit un petit peu d'une clandestinité, qu'ils ont souvent été en état sinon de clandestinité, du moins de marginalisation.
Deuxièmement, à cause de la simplicité du culte protestant. Et ça, ça n'a aucun rapport avec la problématique francophone-anglophone. C'est qu'il s'agit d'un culte qui est relativement austère, qui laisse peu de place à l'art religieux, qui produit généralement une architecture d'un style fort dépouillé, aisément recyclable. De même, les rituels sont très simples, et tout ce qu'il en demeure souvent sont les traces orales et les traces de patrimoine immatériel, qu'il est d'autant plus important de conserver.
n(16 heures)n Troisième élément, dans la situation fragile que connaît le patrimoine des protestants francophones, c'est la dispersion des documents. Alors ça, c'est réellement une problématique d'une très grande importance, parce que, lors des fermetures institutionnelles d'églises, d'écoles, de pensionnats, de cliniques ? deux minutes, d'accord? ? ces documents ont été dispersés, et on n'a pas présentement de façon de les conserver de façon adéquate. Il y a certains dépôts qui ont été faits en archives, mais surtout ils sont maintenant à l'extérieur du Québec et donc difficilement accessibles pour les chercheurs.
Évidement, en quatrième élément est le vieillissement des témoins et la disparition de leurs archives personnelles. Certainement d'autres personnes en ont témoigné, la situation est la même.
De ce trop bref tour d'horizon je voudrais retenir les recommandations qu'on a déposées en mémoire, des recommandations qui se situent en termes de court terme, moyen terme et long terme. À court terme, j'aimerais qu'on puisse favoriser la connaissance et la mise en valeur du patrimoine franco-protestant en appuyant, entre autres, la création d'un site Web dont j'aurai peut-être l'occasion de vous parler en période de questions. Sinon, vous trouverez tous les détails déposés dans le mémoire.
Il serait aussi important, à court terme, d'encourager la microconservation, c'est-à-dire d'appuyer les efforts des membres individuels de la communauté franco-protestante. Je sais que certains d'entre eux sont en ce moment en train de constituer un guide-manuel pour aller sur le terrain questionner les personnes qui sont dépositaires de cette mémoire-là, et je pense que ce serait quelque chose à intégrer dans les plus grands ensembles de conservation, quelque chose d'important.
L'intervention à moyen terme, il faudrait premièrement inclure le patrimoine des minorités religieuses dans les manifestations mémorielles officielles. Je pense notamment à Québec 2008, où il serait peut-être intéressant d'inclure la présence des huguenots dans la colonisation. Il y a une initiative d'un comité Québec 2008 de la société d'histoire des protestants francophones du Québec, qui sont tout à fait ouverts à toute proposition d'aider, évidemment.
Le Président (M. Mercier): Alors, en conclusion, très rapidement.
Mme Rocher (Marie-Claude): En conclusion, il me reste la deuxième intervention à moyen terme: mettre en valeur le patrimoine par la création d'un lieu permanent d'interprétation, de conservation et d'animation, que l'on pourrait nommer la Maison de la mémoire des protestants francophones.
Et, à long terme, s'engager dans une sensibilisation du public à l'existence et à la valeur du patrimoine des minorités religieuses du Québec. Merci.
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Rocher, pour cette présentation. Évidemment, par le fait même, je tiens à vous remercier pour la qualité de votre mémoire, qui avait près d'une quinzaine de pages, mais non seulement pour le nombre de pages dont il disposait, donc que vous nous présentiez, mais également pour sa facture, sa présentation, mais également pour l'historiographie, hein? Parce que c'est quand même bien documenté, et toute la recherche évidemment que cela implique. Également, j'aimerais vous remercier pour le document dont vous nous avez fait part, c'est-à-dire un document qui est un document, je dirais, suppléant à la présentation infographique qui était supposée être faite par vous. Mais je vous dirais que nous le lirons très, très, très étroitement, très précieusement et de façon parcimonieuse également, avec toute la conviction dont vous nous avez fait part.
Vous m'avez tendu la perche un petit peu, Mme Rocher, tout à l'heure. Vous avez parlé des pieds fourchus. Évidemment, je vais vous poser la question, mais pas tout de suite. Simplement pour vous faire à l'idée. Ensuite, dans les recommandations à moyen terme, vous avez effleuré, parce qu'évidemment le temps vous manquait, mais la question de Québec 2008 et les huguenots. Également, ça fera partie de ma deuxième question, deuxième volet. Et ensuite je vous poserai une question ? c'est pour vous préparer quelque peu ? sur le site Web. Vous m'avez encore tendu la perche, vous avez presque demandé à ce qu'on vous pose la question sur le site Web. Alors, voilà mes trois questions: pieds fourchus; huguenots-2008, financement surtout, je vous dirais, peut-être mettre davantage l'emphase sur le financement, en ce qui concerne Québec 2008, et de quelle façon ça s'articulerait, Commission de la capitale nationale, le bureau du 400e, ville de Québec; et finalement le site Web. Alors, la parole est à vous, Mme Rocher.
Mme Rocher (Marie-Claude): Bien. Merci. Pour ce qui est des pieds fourchus, c'est évidemment anecdotique. Mais, si ma mémoire est bonne, en 1837, il y avait un M. Joseph Vessot qui était colporteur de bibles, colporteur de bibles et qui avait deux fonctions, c'est-à-dire, il essayait d'offrir aux habitants ruraux de la région du Richelieu, du Haut-Richelieu, dans le coin de Saint-Pie, Saint-Blaise, la Grande-Ligne, qui essayait de leur offrir une façon d'apprendre à lire. Or, évidemment, parce qu'il voulait protestantiser la région, il leur apprenait à lire non pas dans d'autres documents, sinon dans la Bible.
Et, de la chaire, l'un des prêtres des environs avait lancé: Faites attention! Ils ont vraiment une affiliation démoniaque. D'ailleurs, si vous leur faites déchausser le pied gauche, vous allez voir qu'il est tout à fait fourchu. Alors, M. Joseph Vessot a saisi, lui aussi, la perche qu'on lui tendait, a réuni tout le village autour de lui, puis il a dit: Écoutez, s'il s'avère que mon pied est fourchu, je prends toutes mes bibles et je m'en vais. Mais, s'il s'avère que j'ai cinq orteils comme tout le monde, évidemment c'est vous qui allez devoir lire les bibles que je vais vous distribuer gratuitement. Alors, évidemment, avec toute la pompe des styles d'écriture du XIXe siècle, il écrit: Oh, mes chers frères, si vous aviez vu, sur leurs visages, la surprise. Évidemment, parce qu'il avait, comme tout le monde, bel et bien cinq orteils.
C'est quelque chose qui est resté dans les mémoires de cette région-là, mais ce que je trouve surtout important, c'est que, pour aller chercher cette anecdote qui est très révélatrice des relations entre les communautés catholique et protestante de l'époque, j'ai dû aller à McMaster parce que ça fait partie des archives qui y sont exilées, faute d'avoir un endroit adéquat pour les entreposer. Elles se retrouvent donc à McMaster, à Hamilton, en Ontario.
Le Président (M. Mercier): L'importance, hein, de conserver, bien conserver notre savoir et de bien le conserver, soit pour référence archivistique mais également pour notre relève, nos jeunes et ceux évidemment qui sauront garder tout ce savoir, un peu comme, vous, vous le faites aujourd'hui dans votre témoignage.
Mme Rocher (Marie-Claude): Pour la recherche...
Le Président (M. Mercier): Pour la recherche, évidemment.
Mme Rocher (Marie-Claude): ...et pour la mémoire. Absolument.
Le Président (M. Mercier): Alors, sur les autres questions que je vous ai posées, Mme Rocher.
Mme Rocher (Marie-Claude): Alors, sur les autres questions, vous avez demandé donc le site Web.
Le Président (M. Mercier): ...de Québec. N'oubliez pas la ville de Québec. Québec 2008, finances...
Mme Rocher (Marie-Claude): On peut commencer par Québec 2008, au cas où je manquerais de temps. Alors, la présence des huguenots est un facteur quand même important dans la colonisation. En 2000... non en 1997, le musée du séminaire avait fait une exposition, Un autre son de cloche ? dont j'ai le catalogue, si jamais vous vouliez le consulter ? qui faisait état de l'importance de la présence huguenote. On sait notamment que certains des personnages historiques étaient des huguenots, dont Du Gua des Monts, et on connaît son affiliation donc avec Champlain, Samuel de Champlain.
Ce qu'il serait peut-être intéressant de faire, c'est d'établir un centre d'interprétation qui mettrait en valeur cette présence des huguenots, un centre d'interprétation qui pourrait faire partie des activités de Québec 2008, un centre d'interprétation qui pourrait être utilisé à la fois dans les... auprès du public, pardon, auprès du public culturel, auprès du public touristique ? c'est le mot que je cherchais ? auprès du public de divertissement.
Moi, j'imaginerais une espèce de salle polyvalente, avec une exposition interprétative qui traiterait à la fois des relations entre ces premiers huguenots et leurs correspondants catholiques, qui refléterait peut-être l'historique de la guerre des religions, qui s'est transportée en Nouvelle-France, qui parlerait de la clandestinité à laquelle les huguenots ont été astreints, à partir de la révocation de l'édit de Nantes, qui parlerait de ce qu'ils sont devenus au XVIIIe siècle.
n(16 h 10)n Parce qu'ils ont totalement disparu des archives, puisque les archives ont été confiées au clergé catholique romain. Alors, ceux qui étaient huguenots ne pouvaient pas être inscrits dans les registres de l'église, ils ne pouvaient pas naître, ils ne pouvaient pas se marier, ils ne pouvaient pas décéder, ils ne pouvaient pas donner quelque chose en héritage, alors c'est difficile de les retracer. On les retrace notamment par leurs adjurations, par différentes relations comme ça et évidemment dans les archives et dans les archives de la province. Mais, en termes de ce qui est facilement consultable et facile à reconstituer, ce serait quelque chose d'intéressant.
Donc, cette interprétation-là éventuellement... Il pourrait être institué un programme de conférences avec les différentes universités qui ont des chercheurs, notamment un échange avec la France. Je sais que Philippe Charest a travaillé là-dessus. Enfin, il y aurait tout un programme qui pourrait être institué dans le cadre des fêtes du 400e de Québec.
M. Mercier: M. le Président, vous me permettez?
Le Président (M. Brodeur): Oui. M. le député.
M. Mercier: Très, très rapidement. C'est parce qu'on n'a pas effleuré la question du financement, Québec 2008, pour votre... évidemment votre projet.
Mme Rocher (Marie-Claude): Oui, d'accord. Alors, pour ce qui est du financement, je ne suis vraiment pas prête actuellement à vous donner des chiffres. Ce que ça prendrait, ce serait un local adéquat, qui pourrait être fourni, par exemple, par l'une des deux composantes du Musée de la civilisation. Le musée du séminaire serait un endroit excellent. Ça nous prendrait au moins deux personnes pour faire la recherche préalable, donc un salaire pour deux personnes, et puis peut-être deux ou trois guides-animateurs. Ce serait le minimum. Une exposition, ce pourrait être selon les critères qui sont en vigueur au musée. Je sais que c'est selon que c'est une exposition qui peut être réutilisable après, les variantes au pied carré, en termes de réalisation. La recherche par contre pourrait être celle qui est déjà faite dans le cadre du projet postdoctoral que j'ai dirigé, donc ça, ce ne serait pas beaucoup de coûts. Et on aurait évidemment la collaboration de la société d'histoire des protestants francophones, qui serait aussi à titre bénévole, j'en suis certaine.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Mme Rocher, vous êtes une femme qui semblez bien passionnée par votre sujet. J'ai un avis... en fait, j'aimerais avoir votre appréciation d'une situation. Quand nous avons décidé de démarrer cette commission itinérante, sous un mandat d'initiative, sur le patrimoine religieux, nous avions convenu, l'ensemble des parlementaires, de solliciter plusieurs confessions religieuses, au Québec, de venir se faire entendre, de venir partager avec nous leur inquiétude par rapport à la disposition du patrimoine religieux et, s'ils avaient des solutions, eh bien, de venir les partager avec nous. Or, peu de confessions religieuses, hormis les gens représentant le catholicisme, sont venues nous rencontrer. Qu'est-ce qu'on doit comprendre de ça? Est-ce qu'on ne se sent pas interpellé par ce genre d'enjeu là? Est-ce qu'ils ne sont pas dans la même réalité?
Je comprends que le parc immobilier est probablement moins imposant que celui du parc de la confession catholique, mais quelle étude de la situation vous faites de ça, vous? Parce qu'en même temps je vois que, dans une de vos choses que vous relevez, vous dites: Ça prendrait une microconservation et un financement d'une édition d'un guide de conservation conçu spécifiquement pour le patrimoine de communautés religieuses minoritaires. Vous faites vraiment la dichotomie entre les deux, là: avoir une action peut-être pour les bâtiments catholiques puis une autre démarche pour des communautés religieuses minoritaires. Alors, j'aimerais avoir vos réflexions là-dessus.
Mme Rocher (Marie-Claude): Oui, d'accord. C'est moins que je fasse un dichotomie, sinon que je crois que le patrimoine à conserver est fondamentalement différent. Effectivement, le parc immobilier est beaucoup plus réduit, voire presque non existant pour certains. Dans la grosse majorité des cas, les églises qui existaient au XIXe siècle ont été recyclées. Il y a...
Mme Vien: Donc, ces gens-là ne sont pas dans la même urgence que la majorité catholique.
Mme Rocher (Marie-Claude): C'est-à-dire qu'ils ne sont pas dans la même urgence en termes de patrimoine immobilier effectivement, mais je dirais que l'urgence est d'autant plus réelle que les seuls dépositaires, ce ne sont ni des objets ni du mobilier, mais bien de l'immatériel, ce sont des personnes vivantes, et la plupart d'entre elles, celles qui ont connu avant 1960, qui se souviennent des tensions intercommunautaires entre les deux religions, ou trois ou quatre religions, qui n'existent plus maintenant, ces personnes-là sont fort vieillissantes. Et, par exemple, l'anecdote de tout à l'heure, des pieds fourchus, ou celle des suisses, ou celle du rang des protestants, il y a fort peu de personnes qui s'en souviennent.
Et probablement que ça ne demanderait pas un kit spécifique, dans le sens que la façon d'interviewer une personne âgée dépositaire d'une mémoire religieuse sera la même, la méthodologie sera vraisemblablement identique, quelle que soit sa religion d'appartenance. Mais vous comprenez que c'est très différent d'aller interviewer une femme qui a toujours vécu en contrepied, qui n'avait, par exemple, que quatre ou cinq enfants parce que son clergé n'exigeait pas d'elle qu'elle en ait plus, qui voulait aller travailler, qui aurait pu mais qui ne pouvait parce qu'on ne lui donnait pas d'emploi parce qu'elle n'était pas catholique. Ce genre de mémoire là est une mémoire tout à fait différente de celle, par exemple, des communautés religieuses qui ont un savoir à transmettre, une mémoire à transmettre mais qui n'est pas celle de la clandestinité ou de ce porte-à-faux social.
Mme Vien: Mme Royer... Rocher, pardon, c'est parce que le temps file rapidement. Je trouve ça extrêmement intéressant, vous piquez ma curiosité de façon assez importante. Une petite question vite, vite avant de passer la parole à mes collègues: Il y a combien de personnes actuellement... Peut-être l'avez-vous dit tout à l'heure, puis l'information m'a échappé: Combien reste-t-il de personnes franco-protestantes actuellement?
Mme Rocher (Marie-Claude): Franco-protestantes, il y a peut-être... C'est difficile à chiffrer, mais de ceux... Il y a peut-être 100, 150 églises qui sont détentrices de mémoires de divers ordres au Québec.
Mme Vien: Au Québec?
Mme Rocher (Marie-Claude): Bien oui, au Québec. Alors, ce n'est pas très nombreux. Ce sont souvent aussi des congrégations qui vieillissent.
Mme Vien: Est-ce qu'elles connaissent aussi une baisse d'achalandage?
Mme Rocher (Marie-Claude): C'est-à-dire qu'elles connaissent une transformation. Les vieilles églises, les églises que j'ai appelées les congrégations historiques, sont en baisse, mais par contre il y a, depuis les années soixante-dix, un renouveau dans d'autres dénominations protestantes mais qui sont peut-être peu intéressées à la mémoire. Et c'est là que je voulais aussi répondre à votre question. Peut-être qu'elles sont peu intéressées à la mémoire parce qu'il y a si peu de sensibilisation. Regardez la masse critique du patrimoine majoritaire, et déjà c'est difficile de convaincre la majorité des citoyens que c'est un patrimoine qu'il vaut la peine de sauvegarder et qu'il faut investir. Imaginez-vous donc, si c'est la mémoire d'une minorité qu'on ignore et qui est très, très petite. Alors, c'est un truc de sensibilisation beaucoup, je pense. Peut-être que c'est quelque chose qui se fera au niveau du site Web, qui pourrait être accessible.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Vous apportez une très bonne réflexion, extrêmement pertinente, parce qu'effectivement les minorités religieuses au Québec, c'est évident qu'on en parle moins, et vous le démontrez très clairement qu'on en parle très peu, et même dans notre commission. Ça a été abordé, on a quand même reçu quelques autres traditions religieuses, mais c'est très peu à travers tout ça.
Alors, vous exprimez bien... vous faites une bonne histoire, c'est toujours très instructif. Même, moi, personnellement j'étais mêlée un petit peu, même dans le christianisme, là, les cultes tels quels. Je remercie l'équipe du secrétariat et madame... entre autres, là, qui nous a fait un tableau, là, sur le culte oriental, occidental, les Églises anglicane, presbytérienne, en tout cas, pour mieux comprendre dans le fond nos traditions religieuses. Et vous exprimez... Je trouve ça intéressant, parce qu'on a eu cette discussion-là, un peu moins publique, là, tel quel, mais de la société québécoise, qui est l'une, bon... c'est français, catholique et principalement rural, et l'autre, anglais, protestant et majoritairement urbain.
n(16 h 20)n Vous le démontrez, et je trouve ça intéressant comment vous nous suscitez, vous nous sensibilisez à cet aspect-là. Vous dites aussi que «francophones dans une société dominée par le pouvoir anglais ? c'est vous qui dites ça dans votre mémoire ? protestants dans une société dominée par le pouvoir catholique, ils étaient doublement minoritaires et souvent également doublement "traîtres", perçus comme tels par les catholiques en raison de leur religion et par les protestants en raison de leur langue». Très, très intéressant, dans... toute la vision plutôt... et sociologique, et l'attitude que les Québécois ont pu galvauder au fil des années.
Maintenant, vous apportez une dimension... Vous parlez, dans... Bon, vous avez des éléments de ce que vous aimeriez pour qu'on puisse avancer, puis vous aider, puis... dans la suite des choses. Bon, c'est sûr qu'on est en train, dans la Commission de la culture, on est en train quand même de se préparer à faire des recommandations au gouvernement sur l'ensemble du patrimoine religieux. C'est important, la dimension que vous nous apportez. Vous nous parlez d'introduire dans les programmes scolaires... On en a un peu parlé ce matin, de toute la partie de l'éducation puis la partie des programmes, autant universitaires que dans les milieux plus... primaire, secondaire. Vous, vous dites d'introduire dans les programmes scolaires le contact avec le patrimoine des minorités religieuses. Comment, autant au niveau de l'école, la petite école et autant au niveau de la sensibilisation du public, comment vous voyez cette introduction-là, là, dans le domaine de l'éducation, d'une part?
Mme Rocher (Marie-Claude): O.K. Bien, je vous remercie de votre question. Je dois dire que, dans votre comté, à Pointe-aux-Trembles, au XIXe siècle, il y avait un énorme pensionnat franco-protestant, qui recevait 200 pensionnaires et jusqu'à 100, 150 en externat, et que son directeur, Paul Rivard, avait reçu le mérite de l'ordre français, etc. Donc, c'était un des pôles de développement du franco-protestantisme, mais aujourd'hui il en reste une toute petite chapelle et une toute petite école de rang qui sert de musée. Mais, eh! ce qu'ils en arrachent! Donc, c'est dans votre comté, si ça vous...
Une voix: ...
Mme Rocher (Marie-Claude): À Belle-Rivière, l'église de Belle-Rivière. Mais, pour répondre de façon plus large donc à votre question, je pense qu'effectivement ce serait intéressant d'introduire ça dans l'historique du Québec. Et l'un des outils que je propose dans le mémoire et sur lequel on pourrait discuter éventuellement, ce serait la création d'une maison de la mémoire du franco-protestantisme, probablement à Montréal, puisque ça drainerait un plus grand bassin de population, où on pourrait présenter des expositions itinérantes, où on pourrait intéresser les écoles, on pourrait avoir le développement d'un kit du patrimoine, justement pour faire connaître les régions où s'est développé le franco-protestantisme aux XVIIIe, XIXe siècles. Ce serait des démarches qui seraient très, très intéressantes et relativement peu coûteuses à mettre sur pied, je pense.
Il s'agirait de constituer un comité, de se servir des recherches. Moi, j'ai beaucoup de privilèges parce que, depuis quatre ans, je mène ce projet de recherche postdoctoral subventionné par le conseil des sciences humaines du Canada. Donc, j'ai une masse de documents à mettre à disposition de ceux qui veulent bien s'en servir. Et, bon, dans ce sens-là, ça couperait les coûts de tout instrument, outil de communication, outil de sensibilisation, musée, exposition, enfin que sais-je? qui pourrait éventuellement être mis sur pied. Parce que la recherche de base serait quand même mise à disposition, là, elle serait faite. Alors, pour les écoles, pour le public de tourisme, pour enfin tous les outils de sensibilisation qu'on voudrait créer, ce serait déjà une bonne base.
Mme Léger: Bien, merci pour votre mémoire, Mme Rocher. Je voudrais peut-être juste vous rappeler que je pense que je n'ai pas cette église-là dans mon... Bien, je suis presque sûre parce que je connais mes églises, mais...
Mme Rocher (Marie-Claude): ...Pointe-aux-Trembles. Avez-vous...
Mme Léger: ...je sais qu'il y a un autre Pointe-aux-Trembles au Québec, ça fait que peut-être il y a peut-être...
Mme Rocher (Marie-Claude): Ah, peut-être pas le... Est-ce que vous êtes Pointe-aux-Trembles près d'Ottawa?
Mme Léger: Non, l'est de Montréal. Ça fait que c'est probablement ça. Ce n'est pas grave.
Mme Rocher (Marie-Claude): D'accord. Je m'excuse de la confusion.
Mme Léger: Parce que j'aurais... Je suis très, très impliquée avec mes religieuses, et puis alors...
M. Turp: Tu pourrais être députée du Bloc.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci pour votre présentation. Malheureusement, je n'ai pas pu y assister, mais j'ai vu votre présentation, puis il y a une question qui me vient à l'esprit lorsqu'il s'agit des minorités religieuses. Peut-être que vous avez effleuré cette question dans vos recherches. Nos lois sont très catholiques, par exemple, quand on examine la Loi sur les fabriques, là, et, moi, je me pose de sérieuses questions sur la compatibilité d'avoir une loi sur les fabriques et la séparation de l'Église et de l'État, dans notre État qui progressivement devient laïque.
Mais est-ce que vous avez croisé des références aux autres cultes, dans nos lois, des références au culte protestant, par exemple, je ne sais pas? Quel est votre avis sur la question de savoir si les lois de l'Assemblée nationale devraient avoir un caractère religieux? Est-ce que ce n'est notamment pas une question qui a justement créé cette fracture entre les catholiques et les protestants, par exemple, que, par exemple, les catholiques se sentaient peut-être mieux protégés par les lois que les protestants?
Mme Rocher (Marie-Claude): Bien, je dois dire que j'ai fort peu étudié l'aspect législatif de la question. Je pense que ce qu'on retrouve généralement, dans les archives, dans les témoignages issus des communautés protestantes, c'est qu'à part peut-être dans la période 1836-1837 ils ont pris fort peu position politiquement. J'ai eu l'impression qu'ils étaient en état de survivance et de défense plus primaire que ça. Leurs enfants n'avaient pas le droit d'aller à l'école, justement à cause de la Loi des fabriques. Ils avaient le droit un petit peu plus tard, c'est-à-dire à la jonction du XIXe-XXe siècle. Ils ont eu le droit, mais il y avait une surtaxe à payer, qui était des fois disproportionnée par rapport aux moyens des parents qui voulaient envoyer leurs enfants. Alors, ils avaient beaucoup à choisir entre instruire leurs enfants en anglais, s'ils voulaient rester protestants, ou instruire leurs enfants en français et abjurer. Alors ça, c'est un exemple de la lourdeur des lois sur les communautés minoritaires.
C'est aussi ce qui se trouve à la base d'une problématique extrêmement intéressante à étudier ? mais encore une fois que j'ai fort peu abordée parce que, même si quatre ans de recherche, ça semble assez long, c'est toujours trop court ? qui est la problématique de l'anglicisation. Et la plupart des grandes institutions d'éducation franco-protestantes qui ont commencé... Je pense notamment à l'institut Feller, dont vous avez une illustration du domaine à la page... ? je ne sais pas, je ne les ai pas numérotées parce que ça devait être projeté ? mais ça, c'était l'autre pôle d'éducation franco-protestant. Il est devenu complètement anglophone avant de fermer, en 1967. Donc, ça aussi, c'est un effet de la législation sur les minorités religieuses.
Plus que ça, je m'aventurerais sur un terrain que je connais mal. Je ne sais pas si... Je réponds peu à votre question. Et, pour ce qui est actuellement, avec la déconfessionnalisation, par exemple, du système éducatif, c'est quelque chose qui à mon avis est beaucoup moins pertinent sur la situation actuelle.
Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. On vous remercie énormément. Un mémoire différent des autres, qui est fort intéressant. Donc, merci.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que Mme Diane Audy puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
(Reprise à 16 h 30)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! nous allons continuer nos travaux en accueillant Mme Diane Audy, ethnologue et consultante en patrimoine. Bienvenue en commission parlementaire, madame. Donc, je vous explique brièvement les règles de la commission: vous avez un temps maximal de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, de la façon dont vous jugez à propos, et, à la suite de ça, comme vous avez vu tantôt, c'est un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Mme Diane Audy
Mme Audy (Diane): Merci, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Alors, je remercie la commission de m'avoir invitée à présenter mon mémoire qui se veut un plaidoyer en faveur de l'enfant pauvre du patrimoine religieux, le patrimoine immatériel, et plus particulièrement encore celui des communautés religieuses, qui est fortement menacé.
Ce mémoire fait également état de mes profondes convictions, que j'essaie de communiquer depuis 10 ans. Sans vouloir vous présenter mon curriculum vitae, vous me permettrez d'entrée de jeu, à partir de mon expérience personnelle pratiquée directement sur le terrain, d'attirer votre attention sur la démarche que je poursuis depuis 10 ans, démarche qui traduit mes préoccupations et appuie ce que j'avance dans mon mémoire.
Je défends la cause du patrimoine immatériel officiellement, si je puis dire, depuis 1993, lorsque j'ai entrepris une maîtrise portant sur l'Association des zouaves pontificaux du Québec au XXe siècle. Cette maîtrise a consisté en un véritable sauvetage ethnologique. Suite à des études subséquentes de deuxième cycle en muséologie, j'ai conçu et réalisé, avec la collaboration du Club de l'âge d'or de la paroisse Saint-Esprit, dans Limoilou, une exposition sur les objets de piété dans l'univers domestique. Cet exercice avait pour but de sensibiliser les aînés à l'importance de conserver ces objets et de les documenter avant de les transmettre. Cette exposition comportait également un volet pédagogique visant à transmettre les connaissances à des élèves du primaire.
En 2002, j'ai entrepris un doctorat sur les collections autochtones de quatre communautés religieuses féminines fondatrices. J'ai temporairement mis de côté ce doctorat pour me consacrer à temps plein à la sauvegarde active du patrimoine religieux immatériel parce que ce patrimoine est en péril, parce qu'il y a de moins en moins de porteurs de tradition capables de le transmettre.
Depuis plus de 10 ans donc, que ce soit dans le cadre d'études universitaires ou de contrats professionnels, j'ai multiplié les actions concrètes de sensibilisation à l'importance et à l'urgence de préserver le patrimoine immatériel. J'ai donné des conférences sur le sujet dans des colloques nationaux et internationaux. J'ai rencontré des communautés religieuses, des représentants des différents paliers gouvernementaux et tenté de sensibiliser la population par le biais de la presse écrite ou télévisée. J'ai réalisé aussi plusieurs enquêtes orales dans diverses communautés religieuses.
Je ne peux passer sous silence le fait que j'ai écrit, en 2001, une lettre à la ministre de la Culture et des Communications, lettre qui a d'ailleurs été publiée dans Le Soleil et dans Le Devoir, afin de sensibiliser également la population à la problématique entourant la méconnaissance et la non-reconnaissance du patrimoine immatériel. Dans cette lettre, j'incitais la ministre à tenir compte du patrimoine immatériel de façon à sauvegarder le patrimoine religieux québécois dans sa totalité et non à moitié en ne tenant compte que de la sauvegarde sauvegarde des immeubles et des biens mobiliers.
Dans les circonstances, vous comprendrez que la sauvegarde du patrimoine religieux immatériel est plus qu'une préoccupation, mais une mission que je me suis donnée afin de sensibiliser les gens à l'existence de ce patrimoine, à son importance et à l'urgence de le recueillir afin de sauvegarder, et je le répète, dans son intégralité l'héritage matériel qui nous échoit actuellement.
Comme vous l'avez constaté à la lecture de mon mémoire intitulé Le patrimoine immatériel: clé de voûte dans la sauvegarde intégrale du patrimoine religieux québécois, la sauvegarde du patrimoine immatériel n'est pas une préoccupation typiquement québécoise. Il s'agit d'une préoccupation mondiale qui a été reconnue et définie par l'UNESCO dans sa Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, tenue à Paris en octobre 2003. Le patrimoine immatériel est donc reconnu mondialement comme étant capital dans la compréhension du patrimoine matériel. Il en va de même pour patrimoine religieux immatériel.
Depuis 1995, plus de 135 millions ont été accordés par l'État pour la sauvegarde des lieux de culte et des objets mobiliers. Et encore tout récemment la ministre de la Culture a ajouté 11,9 millions de dollars toujours pour la sauvegarde de ce même patrimoine tangible. Depuis 1995, outre le projet d'enquête orale que j'ai réalisé chez les Augustines en 2003, rien à ma connaissance n'a encore été investi de façon systématique pour la sauvegarde du patrimoine religieux immatériel. Pourquoi? Par négligence, par ignorance ou par mépris de ce patrimoine? On ne semble malheureusement pas encore saisir toute l'importance du discours intrinsèque aux lieux ainsi qu'aux objets.
Quelques projets ponctuels ont été réalisés, mais ces actions n'ont malheureusement pas eu de suite. Par exemple, à la demande de l'organisme Mission Patrimoine religieux, j'ai réalisé, en 1997, un outil de travail pour effectuer des enquêtes orales dans les communautés religieuses. À ma connaissance, cet outil n'a pas encore été utilisé. En 1999, pour la Commission des biens culturels, j'ai effectué un sondage dans toutes les communautés religieuses afin de connaître leurs intentions de participation à un éventuel projet d'inventaire de leur patrimoine immatériel. Malheureusement, ce sondage n'a pas eu de suite, malgré les réponses favorables reçues des communautés.
En 2003, tel que mentionné précédemment, j'ai conçu et réalisé un projet d'enquête orale auprès des Augustines de la ville de Québec. Ce projet visait à documenter les objets et les lieux qui venaient tout juste d'être inventoriés dans les trois monastères de cette communauté fondatrice. Ce projet était financé par le ministère de la Culture et des Communications et par la ville de Québec. Malheureusement, malgré un rapport très concluant quant à la faisabilité et la nécessité d'un tel projet, malgré toutes les informations recueillies auprès de 50 religieuses, malgré les 52 heures d'entrevues enregistrées qui ont porté sur 93 sujets, cette enquête orale n'a pas réussi à convaincre le ministère de la Culture de la nécessité d'élargir à d'autres communautés ce genre de projet de sauvegarde du patrimoine immatériel.
En tout, ces trois projets dans leur ensemble représentent un investissement inférieur à 30 000 $, comparativement à un investissement à hauteur de 147 millions pour la sauvegarde du patrimoine matériel.
Il faut avouer que les efforts concernant le patrimoine immatériel ont été pour le moins assez timides. Si les églises et même les monastères sont les châteaux du Québec, il faudrait peut-être chercher à savoir, pendant qu'il est encore temps, pendant que nous avons encore parmi nous les principaux utilisateurs de ces lieux, il faudrait savoir donc comment ces lieux étaient habités et quelles étaient leurs fonctions. Il en va de même pour les objets qui s'y rattachent. Il importe d'obtenir de la bouche même des principaux utilisateurs et porteurs de tradition le sens et la valeur de toute cette culture matérielle qu'ils nous lèguent ou s'apprêtent à nous léguer.
La raison de ma présence est de vous faire réaliser l'importance du patrimoine immatériel dans la sauvegarde du patrimoine religieux québécois, de façon à ce que des décisions soient prises pour pouvoir agir concrètement et rapidement dans la sauvegarde de ce patrimoine, qui est actuellement, et je le répète, fortement en péril. Les principaux porteurs de tradition sont âgés ? la moyenne d'âge est de 80 ans ? et il n'y a pas de relève à qui transmettre les connaissances, savoir-faire, traditions, coutumes, gestes, paroles, pratiques, sens et valeurs issus du mode de vie en communauté, de la vie spirituelle et professionnelle qui découlent du charisme des fondateurs et de la mission spécifique à chacune des communautés religieuses féminines et masculines.
Vous avez constaté que je proposais dans mon mémoire certaines solutions, des suggestions qui vous permettraient, à partir du moment où l'intention est clairement identifiée, de prendre les mesures concrètes non pas pour donner plus au patrimoine immatériel qu'au patrimoine matériel, mais, comme je le mentionnais dans ma lettre à la ministre en 2001, de ne pas sauvegarder le patrimoine religieux à moitié mais de consacrer pour la sauvegarde du patrimoine immatériel une partie des investissements accordés à la Fondation du patrimoine religieux.
Un pourcentage des sommes d'argent doit absolument être appliqué au patrimoine immatériel pour documenter le patrimoine immobilier et mobilier, lequel autrement se trouve amputé d'une portion importante de sa composante, soit le discours qui lui donne vie et sens.
n(16 h 40)n Au-delà des archives et des documents historiques, le patrimoine immatériel, grâce aux témoignages des personnes qui ont utilisé les biens mobiliers et immobiliers, vient compléter les informations en rendant compte de toute la valeur et de toute la signification de ces biens qui ont été utilisés, accumulés et transmis au fil des siècles dans les communautés religieuses.
La première mesure qui devrait être prise pour sauver ce qui peut encore l'être serait de réaliser très rapidement un projet d'enquête orale dans toutes les communautés religieuses du Québec. À partir d'une mise à jour du sondage effectué en 1999, des entrevues enregistrées et filmées doivent être effectuées auprès des porteurs de tradition encore aptes à léguer leurs connaissances. Il faut investiguer dans toutes les communautés religieuses. Chacune a son importance; chacune à sa manière, par sa mission spécifique, a joué un rôle indéniable dans la société québécoise.
J'espère que mon mémoire, présenté comme un plaidoyer en faveur du patrimoine religieux immatériel, pourra convaincre de la nécessité d'agir rapidement pour recueillir les témoignages des porteurs de tradition afin de documenter ce que l'on s'évertue à sauvegarder à coups de millions. Il faut également agir pour éviter l'analphabétisme des générations futures en ce qui concerne la culture religieuse. Je vous remercie.
Le Président (M. Brodeur): Merci, merci beaucoup, Mme Audy. Je peux vous rassurer, je suis convaincu que les membres de la commission vont se pencher, dans leur rapport, sur le patrimoine immatériel. Vous avez été très éloquente. Et de plus en plus on en entend parler; on a entendu parler du patrimoine immatériel depuis le début de nos auditions, à partir de septembre, lorsque nous avons débuté à Montréal. Donc, soyez assurée de notre intérêt pour le patrimoine immatériel.
Je suis prêt à reconnaître une première question. La députée de Bellechasse brûle de poser une première question.
Mme Vien: Bonjour, madame. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Alors, j'ai bien compris quelles seraient les étapes ? c'est ce que vous nous avez dit en conclusion ? de ce que nous devrions faire: donc, rencontrer les religieux et religieuses, procéder à des entrevues, etc. Moi, j'ai deux questions pour vous, Mme Audy. À part le ministère de la Culture et des Communications, voyez-vous d'autres partenaires qui devraient se joindre à ce ministère dans cette démarche, comme par exemple l'Université Laval, entre autres? Et seriez-vous en mesure de nous dire combien coûterait de faire l'inventaire de ces éléments à la grandeur du Québec? C'est une grande corvée, là, hein, on s'entend-u que c'est une grande corvée? Combien ça coûterait, et qui sont les partenaires qui pourraient être également partie prenante de cette démarche?
Mme Audy (Diane): D'abord, les partenaires pourraient d'abord être, d'abord et avant tout, les communautés religieuses. Lors du sondage que j'avais effectué, on demandait aux communautés si elles étaient intéressées à participer d'une façon ou d'une autre à un tel inventaire. On leur demandait évidemment si elles étaient intéressées à participer financièrement ou autrement, en fournissant, par exemple, du matériel, du matériel de travail pour les ethnologues ou tout simplement de l'hébergement, par exemple ? les communautés, bon, sont bien installées pour héberger. Et bien sûr certaines communautés avaient indiqué qu'elles pourraient financer une partie des coûts, mais plusieurs étaient vraiment très réceptives à l'idée d'héberger, de nourrir, même, les ethnologues.
Évidemment, il y a... on peut penser aux municipalités, qui pourraient, dans un certain pourcentage, financer un tel projet, en tenant compte du nombre de communautés sur leurs territoires. La ville de Québec est déjà impliquée, par exemple, dans le projet des Augustines.
Pour réaliser un tel projet, pour la collecte même de données, bien sûr ça prend des professionnels, ça prend des gens qui ont l'expérience de terrain, qui savent comment fonctionner avec ces personnes. Parce que ce n'est pas un milieu... lorsqu'on entre dans une communauté, on n'entre pas facilement, comme ça, il faut vraiment... il y a toute une démarche, il y a toute une approche, il faut vraiment être accepté et il faut pouvoir obtenir la confiance des gens aussi. Alors, ce sont toutes des démarches qui s'acquièrent évidemment avec de l'expérience.
Il pourrait donc... ce projet pourrait être mené par des ethnologues professionnels. Il pourrait y avoir une collaboration évidemment avec l'Université Laval ou d'autres universités. Oui, les universités pourraient être impliquées. Il pourrait y avoir un partenariat, donc, des étudiants pourraient peut-être travailler, mais sous la supervision d'ethnologues professionnels.
Mme Vien: Et à combien évaluez-vous les coûts d'une telle opération, rapidement, madame?
Mme Audy (Diane): Je vais être franche avec vous, je n'ai pas estimé encore les coûts. Je n'en ai aucune idée. Mais je vous rappelle, par exemple, que l'enquête orale que j'ai faite chez les Augustines, il y avait... il y a pour 52 heures d'enquêtes, mais, bon, des enquêtes orales... avant de réaliser l'entrevue elle-même, il y a tout un processus, donc l'ethnologue est là pas mal plus longtemps que le nombre d'heures. Bon. C'était 25 000 $ pour faire des entrevues auprès d'une cinquantaine de religieuses, dans trois monastères. Donc, il faudrait évaluer le nombre de porteurs de tradition, là, qui pourraient vraiment témoigner. Il faudrait vraiment, là, mettre à jour le sondage qui a été fait, recontacter les communautés pour pouvoir, après ça, évaluer les coûts. Mais ce n'est certainement pas 147 millions de dollars.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Oui, je peux vous dire que vous avez des alliés autour de la table. Et, moi, le patrimoine matériel, j'en ai parlé à plusieurs reprises... immatériel, puis j'ai même cité le même article de la convention de l'UNESCO que vous citez dans votre mémoire. Et, quand on va délibérer, là, je pense qu'on va vouloir délibérer sur ce que l'on doit faire pour donner de l'importance à ce patrimoine immatériel, auquel on n'a de toute évidence pas donné d'importance, comme vous nous le dites.
Et peut-être, une de mes premières questions, c'est... C'est quand même... c'est étonnant, là, les sommes qui ont été investies dans le patrimoine immatériel. Est-ce que c'est toujours exact qu'à votre connaissance le gouvernement a investi, pour la sauvegarde du patrimoine religieux, 28 000 $ dans deux projets ponctuels, comparativement aux 135 millions consacrés à restaurer les immeubles et les oeuvres d'art? Alors, ça va être ma première question. Mettez-nous à jour, si, ça, ce n'est pas à jour. Puis peut-être vous pourriez nous expliquer pourquoi c'est comme ça. Je pense que vous avez essayé de le faire, mais peut-être que vous aurez autre chose à dire là-dessus.
Et, dans votre article, là, du 17 décembre 2001 et votre lettre à l'ex-ministre d'État à la Culture et communications ? qui était Diane Lemieux à l'époque ? que vous avez évoquée, dans la conclusion, vous proposiez que soit créé un troisième volet au programme de Soutien à la restauration du patrimoine religieux, celui du patrimoine immatériel. Alors ça, je trouve ça intéressant. Et puis là vous dites: «Les "biens admissibles" ? donc vous commencez déjà à un peu normer le programme, là ? seront tous les savoirs et savoir-faire du clergé et des communautés religieuses», et ainsi de suite. Et ensuite, «cibler ? dans une deuxième étape ? les personnes, groupes de personnes ou associations qui ont été reliés [...] à la pratique religieuse et qui ont développé des savoirs». Alors, pourriez-vous aussi élaborer là-dessus? Comment l'on ferait cela? Quels moyens doit-on mettre à la disposition des chercheurs, j'imagine, des groupes, des musées?
Ceux qui sont venus nous parler de patrimoine immatériel, c'est intéressant, c'était, par exemple, l'autre jour, à Trois-Rivières... bien, hier, en fait, le Musée des religions de Nicolet. À Saguenay, il y avait aussi une communauté religieuse qui ? c'étaient lesquelles religieuses? ? ...
Une voix: ...
M. Turp: ...Notre-Dame-du-Bon-Conseil, qui aussi avaient une grande préoccupation avec leur patrimoine immatériel. Alors, est-ce que c'est à travers des chercheurs, des communautés, des musées qu'on va octroyer l'aide financière dans le cadre d'un programme comme celui-là, ou à d'autres personnes ou d'autres institutions? J'imagine que, vous, vous en voulez, de l'aide, là, pour continuer vos recherches dans le domaine du patrimoine immatériel, un peu, aussi?
n(16 h 50)nMme Audy (Diane): Je ne saurais pas dire le contraire. D'abord, pour ce qui est de votre première question, à ma connaissance toujours, les montants que je vous ai donnés sont exacts pour ce qui concerne le patrimoine religieux immatériel. Bon, comme je vous l'ai dit, ça fait 10 ans que je défends cette cause, que je m'investis pour la sauvegarde de ce patrimoine. J'essaie de me tenir au courant le plus possible, et, à ma connaissance, il n'y a vraiment aucune autre somme d'argent qui a été accordée pour le patrimoine religieux immatériel. Alors, c'est vraiment, là... 30 000 $, c'est vraiment le montant maximum qui a été accordé actuellement.
M. Turp: ...de l'argent ailleurs qui a été accordé au patrimoine immatériel? Parce que là on parle, j'imagine, du ministère de la Culture et des Communications, dans le cadre du programme...
Mme Audy (Diane): Pour ce qui concerne le patrimoine immatériel, il y a projet qui s'est tenu il y a deux ans, je pense, pour la sauvegarde des savoir-faire en région, un projet, je pense, qui a été mis sur pied en partenariat, là, avec le ministère, l'université, Société québécoise d'ethnologie, et il y a eu, bon, des sommes d'argent pour ça. Je ne suis pas au courant du montant, je ne pourrais pas vous le dire, mais...
M. Turp: ...patrimoine religieux?
Mme Audy (Diane): Ce n'est pas le patrimoine religieux, non, pas du tout, pas du tout. Pour ce qui est du troisième volet à ajouter à la Fondation du patrimoine religieux, je trouve qu'il y a une logique là, étant donné que fondation s'occupe déjà des lieux de culte, des objets, s'occupe de faire la restauration. Il pourrait y avoir un troisième volet donc qui s'occuperait de recueillir le patrimoine immatériel.
Je suggérais d'ailleurs, je lançais l'idée comme ça, peut-être de s'inspirer de la fameuse politique du 1 %. Bon, lorsqu'il y a une nouvelle construction, il y a une oeuvre d'art qui est... il y a de l'argent d'alloué pour une oeuvre d'art, de rattaché à cette construction-là, donc il pourrait y avoir un pourcentage, à chaque fois qu'on fait des travaux sur une église ou dans un monastère ou qu'on restaure des oeuvres d'art, à ce moment-là, un pourcentage pourrait être alloué et il pourrait y avoir des enquêtes orales d'effectuées pour recueillir.
Donc, si les travaux se font autour d'une église, alors on peut peut-être voir les paroissiens directement impliqués dans cette église faire des enquêtes auprès des marguilliers, des responsables de fabrique. Et en même temps ça permettrait de soulever un intérêt de la part des paroissiens, des gens, ça augmenterait sûrement, j'en suis convaincue, le sentiment d'appartenance de ces gens-là, il y aurait une implication qui pourrait être concrète. Et je pense que ce serait une bonne façon, là, de procéder comme ça.
M. Turp: Qui allons-nous aider?
Mme Audy (Diane): Pardon?
M. Turp: Qui aiderait-on précisément, lorsqu'il s'agira d'aider pour le patrimoine immatériel ? c'était ma dernière partie de la question ? les chercheurs, les musées?
Mme Audy (Diane): Qui on va aider?
M. Turp: Qui on va aider? Ce programme, là, concrètement il aiderait quelles personnes ou quel groupes, quelles autorités?
Mme Audy (Diane): Ce programme aiderait, d'abord et avant tout, les communautés religieuses à sauvegarder d'abord leur patrimoine, leur propre patrimoine immatériel. Ce projet pourrait aider par la suite, oui, les universités pour faire de la recherche, les musées aussi. Parce que, si on fait des enquêtes orales, on vient documenter des objets, on vient documenter des lieux, et c'est toujours très important, par exemple, pour les musées, lorsqu'on veut faire des expositions, d'avoir un discours, d'avoir des explications autour de l'objet.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme Audy. Soyez assurée que votre message est bien reçu. Je vais suspendre quelques instants, le temps que la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec puisse s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 54)
(Reprise à 16 h 56)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et nous accueillons présentement la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec. Bienvenue en commission parlementaire.
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, j'imagine que vous connaissez déjà quelque peu les règles. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon que vous jugez à propos. Naturellement, pour le bénéfice du Journal des débats, étant donné que vous êtes plus d'un, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de prendre la parole immédiatement pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Société Saint-Jean-Baptiste
de Québec (SSJBQ)
M. Chateauvert (Carl): Alors, merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés. Mon nom est Carl Chateauvert, directeur général.
M. Roy (François): Moi, mon nom, c'est François Roy, je suis président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec.
M. Chateauvert (Carl): Alors, je vais commencer tout de suite. Alors, comme le disait le président de cette commission, M. Bernard Brodeur, lors de la conférence de presse annonçant la tenue de cette consultation, ici, au Québec, notre principal patrimoine architectural est le patrimoine religieux. Et c'est pourquoi nous sommes heureux, comme M. André Boulerice, qu'une commission de la culture se soit donné un mandat d'initiative à la fois aussi vaste, et aussi exaltant, et aussi percutant en termes de préoccupation de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Depuis sa fondation, le 20 juin 1842, par le Dr Pierre Martial Bardy, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec a non seulement contribué à la défense, mais aussi à la construction de notre patrimoine national. En ce qui concerne le patrimoine religieux, elle a d'ailleurs cru bon d'inclure dans ses règlements généraux, au chapitre des orientations de la société, que l'Église catholique fait partie du patrimoine spirituel, culturel, artistique et intellectuel du Québec. De plus, lors de son dernier congrès général annuel, qui s'est tenu le 23 octobre 2004 au domaine Maizerets, la société s'est penchée sur la question de la conservation de notre patrimoine religieux et a invité M. Noppen, professeur à l'Université du Québec à Montréal, afin de nous en présenter la problématique.
Nous voudrions donc soumettre à la commission le point de vue de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec en ce qui concerne les critères de conservation, les usages, les moyens de conservation des biens religieux mobiliers, immobiliers et immatériels.
Critères de conservation. En fait, juste pour dire, généralement nous tentions de répondre aux questions posées dans le document de consultation... c'est ça, publié par la commission. Alors, critères de conservation. L'âge, la valeur artistique et architecturale, l'importance historique et commémorative, l'intégration du bâtiment dans la trame urbaine, tous ces critères nous semblent valables et égaux. Il nous est impossible de déterminer une quelconque hiérarchisation de ces critères. En effet, comment peut-on dire que l'histoire reliée à une église prévaut sur l'architecture d'une autre? Comment peut-on dire que l'église Saint-Charles-Boromée, intégrée à l'arrondissement historique du Trait-Carré de Charlesbourg, prévaut ou non sur une église plus ancienne? Il nous semble donc que le choix des édifices à conserver ne peut être fait qu'au cas-par-cas ou du moins en considérant la globalité de tous ces critères.
Malgré tout, parmi les critères exposés dans le document de consultation de la commission, il nous paraît important de souligner ceux relatifs à la valeur communautaire et historique. En effet, la population d'un quartier ou d'un village s'identifie à son église, qui a été le lieu des événements heureux et malheureux qui ont ponctué sa vie et celle de ses ancêtres. Cette église est aussi un lieu de rassemblement important en dehors de l'exercice du culte. Le fait donc qu'une église soit utilisée pour le culte ou pour tout autre usage est un critère essentiel, d'autant plus si elle est la dernière église du quartier ou du village. Quoi qu'il en soit, il est impératif de consulter tous les citoyens, pratiquants ou non, afin de déterminer le sort de nos églises et autres bâtiments religieux.
Usages. Il est difficile de choisir et classer les critères de conservation, mais il est tout aussi épineux de déterminer les nouveaux usages pour les bâtiments comme les églises, qui ont une architecture bien particulière, entièrement vouées au culte. Certaines conversions en condominiums ont donné des résultats plutôt décevants en ce qui a trait à l'équilibre architectural. C'est donc une voie, pour nous, à éviter.
n(17 heures)n Nous recommandons tout particulièrement un usage relié à la culture, notamment les arts plastiques, la musique, la danse et le théâtre, ateliers, salles de cours, galeries et expositions, studios d'enregistrement, salles multimédias, etc. Certains établissements, entre autres les presbytères et les couvents, pourraient servir aux différents organismes communautaires en recherche de locaux. Une église dans la capitale nationale ou plusieurs églises dans différentes grandes villes du Québec pourraient être achetées par le gouvernement du Québec afin de devenir des lieux de cérémonies civiques. Une église du centre-ville de Québec considérée comme excédentaire pourrait ainsi servir de panthéon dans lequel seraient ensevelis nos grands personnages historiques, politiques, artistiques ou scientifiques. Le meilleur usage pour une église reste cependant la pratique du culte, surtout si l'on désire conserver le patrimoine immatériel relié au culte et aux traditions religieuses, ainsi que le suggérait la commission. C'est pourquoi le gouvernement et en particulier les autorités religieuses ne devraient pas seulement se soucier des lieux de culte désaffectés, mais aussi de ceux encore actifs, et favoriser la possibilité d'une meilleure éducation religieuse, seule capable de maintenir l'assistance aux différents rites.
La société remarque que l'on peut diviser le problème des moyens de conservation en deux catégories: celle des églises patrimoniales que les confessions religieuses souhaitent conserver et celle des églises excédentaires. Il nous semble que ces deux cas appellent des types d'intervention différents.
Pour les églises que les confessions religieuses souhaitent conserver, les fonds disponibles actuellement pour la conservation du patrimoine religieux sont insuffisants d'une part et surtout ne sont pas une source stable et prévisible de financement. Il est donc nécessaire de trouver des sources supplémentaires de financement tant auprès des divers ordres de gouvernement que des particuliers et compagnies. À titre d'exemple, certains pourcentages des profits accumulés par Loto-Québec ou une autre société d'État pourraient servir notamment à cette fin. De plus, il faudrait que le programme d'assistance à la Fondation du patrimoine religieux soit structuré de façon à fournir une source prévisible et pérenne de financement pour le long terme.
Pour les églises excédentaires, la société recommande la création d'une fiducie qui prendrait en charge tous les bâtiments jugés excédentaires. Ladite fiducie verrait, en fonction des critères retenus, à déterminer si tel ou tel bâtiment serait conservé ou démoli et préciserait le type d'usage suggéré pour les bâtiments conservés. Cette fiducie pourrait s'inspirer de la Churches Conservation Trust de Grande-Bretagne, financée à la fois par l'État et différentes confessions religieuses, les municipalités et les entreprises privées. Les citoyens des paroisses concernées devraient être consultés par la fiducie lors du processus décisionnel, soit: désacralisation, nouvelles utilisations ou même éventuellement, peut-être même, malheureusement, démolition.
Objets d'art et autres biens meubles. Outre le patrimoine bâti, nous devons nous préoccuper du patrimoine meuble, que l'on parle des oeuvres d'art, des vêtements sacerdotaux et des divers objets liés au culte. Bien entendu, certains de ces objets se retrouveront dans d'autres églises et des musées. Cette solution est toutefois limitée. Cependant, si ces biens doivent être vendus à des particuliers, la société croit qu'ils ne devraient pas quitter le Québec. Le gouvernement du Québec détient déjà, de par la Loi sur les biens culturels, un droit de préemption sur tout bien culturel reconnu. Toutefois, les inventaires des différentes paroisses et autres communautés religieuses peuvent être incomplets, et un lot appréciable de biens précieux peut échapper à la collectivité.
Nous recommandons donc au gouvernement du Québec de fournir une aide aux paroisses et aux communautés religieuses afin de les aider à établir des inventaires précis de leurs biens. Ici, «communautés religieuses» peut être pris aussi dans le sens de «toutes les confessions religieuses», là, ici. Cela pourrait d'ailleurs donner quelques emplois permanents ou d'été à des étudiants qui étudient dans les domaines concernés.
Nous avons déjà parlé du patrimoine immatériel dans les points antérieurs. Nous souhaitons élargir cependant le débat sur les toponymes et autres symboles qui font aussi pour nous partie d'un patrimoine à protéger. Les noms de rues, d'écoles et autres institutions, comme les caisses populaires, possèdent souvent des noms hagiographiques qui sont systématiquement éliminés au profit d'une dénomination plus profane, par exemple le collège Jean-Eudes, à Montréal, au lieu de collège Saint-Jean-Eudes, par exemple. Nous ne comprenons pas non plus comment certaines instances gouvernementales et municipales hésitent à souhaiter un joyeux Noël à leurs concitoyens et préfèrent le terme plus neutre de «joyeuses fêtes» et de «fêtes hivernales». Cela semble plutôt trivial, mais quand même ça donne une idée de l'orientation que les gouvernants veulent prendre à ce niveau-là. Alors, si la commission est sérieuse dans son désir de conserver le patrimoine immatériel, elle devrait recommander l'usage des termes propres aux fêtes concernées, dans le respect des différentes traditions religieuses, soit joyeux Noël, soit joyeuse Hanukkah, ou bonne année. La disparition des symboles religieux sur certains éléments d'architecture lors de travaux de restauration pose aussi problème.
Enfin, il serait important de procéder à des études de type ethnomusicologique en ce qui concerne la pratique du chant, anciennement, dans les lieux de culte des diverses confessions religieuses. Il faudrait notamment recueillir auprès des chanteurs plus âgés les manières de faire qui seraient différentes de celles d'aujourd'hui. Pensons ici, par exemple, à la façon d'interpréter le chant grégorien, qui fut, jusqu'à une époque pas si éloignée, imprégnée de prononciations et d'interprétations d'influence gallicane qui s'éloignaient sensiblement de celles pratiquées en certains pays d'Europe à la même époque. J'aurais été heureux de vous informer davantage à ce sujet-là, mais malheureusement un de mes confrères qui s'y connaît davantage, qui aurait pu vous en parler davantage, ne pouvait pas être présent aujourd'hui.
Alors, en guise de conclusion, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec recommande que soit considéré en priorité le caractère communautaire et historique des lieux de culte dans les critères de conservation; que ces bâtiments excédentaires soient destinés à des usages culturels, communautaires et civiques; que soit créée une fiducie sur le modèle de la Churches Conservation Trust de Grande-Bretagne afin de gérer les églises et autres bâtiments considérés comme excédentaires par les différentes confessions religieuses; qu'une assistance soit fournie aux diverses communautés pour la mise sur pied d'un inventaire détaillé de leurs biens meubles; que soit abordée de front la problématique de la sauvegarde des symboles religieux toponymiques et architecturaux; que la pratique religieuse soit considérée comme la meilleure méthode encore pour conserver le sens du patrimoine religieux pour les générations futures ? mais évidemment ceci s'adresse davantage aux communautés religieuses en tant que telles plutôt qu'au gouvernement, il faut bien le dire.
Alors, nous voudrions enfin remercier les membres de la Commission de la culture pour avoir bien voulu prendre en considération nos préoccupations et recommandations.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre mémoire fort intéressant. J'ai une courte question avant de passer la parole à la députée de Bellechasse. Vous avez mentionné que les bâtiments excédentaires devraient être principalement destinés aux usages culturels ou communautaires. On sait que, dans les prochaines années, c'est beaucoup, beaucoup d'églises, entre autres, qui peut-être fermeront. Plusieurs nous ont dit qu'il sera difficile de convertir toutes ces églises-là à usage culturel ou communautaire. Souvent, dans des grandes villes, on ne pourra pas construire... ou plutôt aménager cinq ou six bibliothèques ou des centres d'art. Est-ce que vous ouvrez également la porte à un autre type de transformation? Devrait-on avoir deux types de classement? J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, parce que vous avez spécifié que vous vouliez que ce soit transformé en bâtiments culturels. Est-ce possible, au Québec, de faire tous des bâtiments culturels, avec le nombre d'églises et de monuments religieux que nous avons?
M. Chateauvert (Carl): Bon, quand nous avons fait notre mémoire, nous avons pris tout de suite comme un acquis qu'effectivement toutes les églises ne pourront pas être sauvées. Donc, évidemment, ça ne concerne que ces quelques églises qui pourront être sauvées, malheureusement ou heureusement, tout dépendant de la façon dont on voit les choses. C'est bien entendu que ça ne pourra pas tous devenir des musées, c'est bien sûr, mais notamment au niveau... bon, on parle de culturel, mais on parle aussi au niveau non seulement de galeries d'art, des choses de ce genre-là, mais aussi des écoles. Comme il y a eu l'École de cirque avec l'église Saint-Esprit, à Limoilou, bien il pourrait y avoir des écoles de danse ou des studios de pratique pour enseigner différentes formes d'art. Ça pourrait être la peinture, ça pourrait être n'importe quoi. C'est sûr que ça ne pourra pas être la seule chose. Il y aurait aussi, peut-être, des utilisations qui pourraient être multiples de ces églises-là.
Le Président (M. Brodeur): ...envisager dans certains cas, oui, une certaine rentabilité de l'église pour la transformer.
M. Roy (François): On pourrait peut-être citer en exemple l'église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier, qui est située dans le quartier Saint-Roch. On a aménagé il y a quelques années, sous les jubés, des espaces locatifs. Il y a la Fondation Saint-Roch qui a son quartier général, ses bureaux là. Il y a une école de danse aussi. Bon, il y a l'UNICEF aussi qui est devenu locataire aussi à l'église Jacques-Cartier, dans l'ancienne chapelle des mariages. Alors, c'est un exemple, là. Le centre de l'église est resté réservé pour le culte, mais il y a quand même des espaces à l'intérieur de l'église même qui ont été transformés en espaces locatifs, en espaces à bureau, ce qui permet d'apporter, disons, des revenus supplémentaires de location.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
n(17 h 10)nMme Léger: ...M. le Président. Merci de votre mémoire, merci, messieurs. Dans une de vos recommandations... j'accroche un peu sur la dernière. Parce que, bon, on a des discussions sur la fiducie évidemment, sur l'assistance, l'accompagnement des gens qui veulent conserver leurs églises, bon, sur les bâtiments excédentaires. Je pense qu'on a eu plusieurs mémoires qui aussi vont dans le même sens que vous apportez. Mais, le sixième: «Que la pratique religieuse soit considérée comme la meilleure méthode pour conserver le sens du patrimoine religieux pour les générations futures», vous voulez l'expliquer un petit peu plus?
M. Chateauvert (Carl): Bien, c'est simple. Un patrimoine, généralement on le considère comme tel parce que ça signifie quelque chose pour la population du territoire sur lequel ce patrimoine-là se trouve. Si les gens ne sont pas au courant de ce qui se passe dans une église ou ce que signifie le culte, qui est la principale raison d'être d'une église, évidemment le sens de ce patrimoine-là, et la valeur donc qui va être attachée à ce lieu-là, va diminuer avec le temps, et on ne parle pas seulement au niveau, dans ce cas-ci, des bâtiments ou de ce qui est matériel, mais en particulier de ce qui est immatériel. Pour nous, il nous semblait, en tout cas dans ce qui était indiqué, que, bon, les pratiques immatérielles qui ont lieu dans les églises sont beaucoup liées au culte. Alors, si vous voulez effectivement conserver le patrimoine immatériel ou religieux, pour que ce soit significatif, il faut encore, déjà là, qu'il y ait des gens qui pratiquent, d'une certaine façon. Donc, évidemment, ce n'est pas le gouvernement qui peut s'occuper de ça directement.
Sauf que, nous, dans le mémoire, on parle en particulier d'une certaine reconnaissance de l'enseignement religieux peut-être, aussi, dans... On sait, dans les écoles... bien peut-être pas dans les écoles, mais au moins... bon, par exemple, on sait que l'enseignement religieux en tant que tel va être aboli prochainement, ou si ce n'est pas déjà fait même, dans les écoles du gouvernement, les écoles publiques, je veux dire, pour être remplacé par un enseignement plus culturel, disons. Évidemment, les différentes communautés religieuses, je parle... je veux dire, les différentes confessions devront transmettre leur savoir, leurs croyances d'une façon différente, bon, probablement par des écoles du dimanche, comme ça se fait aux États-Unis, ou les choses comme ça. Nous, ce qu'on pensait, peut-être, si c'était au moins reconnu d'une façon... comme un cours optionnel ou que ce soit crédité d'une façon ou d'une autre, bien ce serait peut-être une façon de conserver un certain patrimoine en même temps que... Malgré tout ce qu'on peut en dire, la religion est quand même porteuse de valeurs qui peuvent être bénéfiques pour la société aussi, dans la vie en société. Je ne sais pas si mon confrère peut dire quelque chose de plus?
Mme Léger: Mais, dans le nouveau curriculum, là, dans les écoles, la culture des religions est là. Donc, je veux dire, on n'a pas enlevé complètement la religion, nécessairement, catholique, là. Elle fait partie aussi de tout l'ensemble de l'étude des religions au niveau secondaire. Mais il reste que c'est comment l'appliquer. Parce que, là, nous, à la Commission de la culture, on fait des recommandations, on va faire des recommandations. Donc, c'est quelque chose difficilement applicable, d'améliorer la pratique religieuse, là. Alors, vous vous adressez dans le fond un peu plus aux églises. Parce que, lorsqu'il y a actuellement fusion de paroisses, et tout, il y a une église qui continue à être ouverte ou, bon, quelques-unes, puis parfois ils en ferment une; celle-là, il n'y a peut-être plus de culte dans celle-là, mais, dans une autre, une autre, c'est possible. C'est sûr qu'en fermant une église on perd aussi autant la partie pastorale que la partie patrimoniale, là, de ce que ça implique. Mais, à la Commission de la culture, c'est dur d'appliquer ce genre de recommandation là.
M. Roy (François): C'est qu'il y a une certaine... On a eu une conférence, nous, avec M. Luc Noppen, qui est un spécialiste de ces questions-là et qui disait lui-même que, quand il parlait, par exemple, à des jeunes, des jeunes qui s'intéressaient au patrimoine religieux, à ses étudiants, il y avait souvent une ignorance totale du contenu religieux. Il rentrait dans une église et il devait expliquer, bon, c'est quoi, une sacristie, c'est quoi, un presbytère, c'est quoi, un confessionnal. Bon, il a déjà vu des descriptions, par exemple, où on voyait le baptême du Christ, et, bon, il y avait des jeunes qui n'avaient aucune notion de ce que ça pouvait représenter. Alors, ils disaient, dans la description d'un tableau: On voit un homme qui verse de l'eau sur la tête d'un autre homme, etc. Bon. Mais c'est sûr que lui-même s'en plaignait. Il dit: Il y a une forme d'ignorance là-dedans.
Alors, la connaissance dans le fond du contenu religieux, ce n'est pas nécessairement non plus, là, relié à la croyance d'une personne. On peut connaître les préceptes d'une religion sans nécessairement y adhérer. C'est dans ce sens-là que, bon, je pense qu'il faut maintenir effectivement une certaine connaissance religieuse, là, à l'intérieur de cours, là, qui peuvent être, là, qu'on pourrait peut-être dire de tendance ethnologique, si on veut, là. Mais, bon, je pense que c'est important. Mais même les spécialistes s'en plaignent, qu'il y a une forme d'ignorance, à ce niveau-là, totale, là. Il y a eu un manque de transmission, en tout cas la transmission ne s'est pas faite, et ça cause des problèmes quand on aborde la problématique de la sauvegarde du patrimoine religieux.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, on vous remercie énormément. Naturellement, cet après-midi, nous avons été compressés un petit peu dans le temps. Donc, on vous remercie d'avoir présenté un mémoire avec beaucoup de recommandations. Soyez certains que la commission et les membres de la commission en tiendront compte lors de leur rédaction de rapport. Donc, je vous remercie.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Assemblée de la fabrique de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Québec puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Nous accueillons donc l'Assemblée de la fabrique de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Québec. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de présentation de votre mémoire. Vous avez un temps alloué de 15 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon que vous jugez à propos, et à la suite de ça il y a une période d'échange avec les membres de la commission.
Tout d'abord, étant donné que vous êtes quatre personnes et pour le bénéfice de notre Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de prendre la parole immédiatement pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Assemblée de fabrique de la paroisse
de Saint-Jean-Baptiste de Québec (AFSJB)
M. Lortie (Paul): Alors, moi, mon nom est Paul Lortie. Je suis le curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste.
Mme Lefebvre (Hélène): Hélène Lefebvre, commis à la comptabilité.
M. Frégeau (Marcel): Marcel Frégeau, marguillier de la paroisse.
M. Brunet (Michel): Michel Brunet, un paroissien qui collabore au conseil de la fabrique, à l'Assemblée de fabrique.
Le Président (M. Brodeur): Bienvenue au Parlement. La parole est à vous.
M. Lortie (Paul): Alors, M. le Président, chers membres de la commission, au nom de l'Assemblée de fabrique de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, nous vous exprimons notre reconnaissance pour avoir mis cette commission sur le patrimoine religieux afin de trouver des solutions pour protéger et promouvoir le patrimoine religieux. Nous apprécions le fait de vous exprimer ce que nous vivons, notamment en tenant compte de notre église qui est un monument historique de grande valeur. Nous en sommes bien conscients, même si nous sommes en fin de journée, nous espérons que ce sera pour vous une occasion agréable d'accueillir notre groupe qui travaille fort pour trouver une solution aux grandes difficultés qu'il rencontre.
Je vous dis que, pour la présentation, elle se fera en deux temps: M. Brunet, qui s'est présenté, va intervenir dans un premier temps, et je poursuivrai pour vous donner quelques éléments pour manifester la vie qui se passe dans notre quartier et surtout à l'église et autour de notre clocher.
M. Brunet (Michel): Merci, M. Lortie. M. le Président, mesdames, messieurs de la commission, l'Assemblée de fabrique de la paroisse Saint-Jean-Baptiste a déposé un mémoire à cette commission étant convaincue que l'expérience qu'elle vit avec un cas précis, donc un monument classé historique, l'église Saint-Jean-Baptiste, cette expérience-là peut aider à la réflexion sur la problématique d'ensemble du patrimoine religieux du Québec telle que le document de consultation l'expose.
Alors, le mémoire... et ma présentation immédiate se fera en trois temps: d'abord, un mot rapide sur la situation, le contexte de l'église Saint-Jean-Baptiste; dans un deuxième temps, justement ces éléments de réflexion qui sont susceptibles de nous aider ou de vous aider à la question de l'ensemble du patrimoine religieux du Québec; et, dans un troisième temps, nous osons formuler un ensemble de huit recommandations.
n(17 h 20)n Le contexte de la paroisse. Pour les membres de cette commission qui ne sont pas de Québec, peut-être est-il utile de rappeler que cette paroisse, la paroisse Saint-Jean-Baptiste, est née il y a cinq ans de la fusion de trois paroisses, l'ancienne paroisse de Saint-Jean-Baptiste, la paroisse de Notre-Dame-du-Chemin et la paroisse Saints-Martyrs-Canadiens, et cette fusion a été décidée à la suite de la démolition de l'église Notre-Dame-du-Chemin. Tout comme l'église Saint-Jean-Baptiste actuelle, l'église Notre-Dame-du-Chemin exigeait des rénovations dont les coûts dépassaient, étaient complètement disproportionnés par rapport à la capacité de payer de la population pratiquante de cette paroisse.
Alors, voilà que les paroissiens donc, en l'espace d'à peine 10 ans, les paroissiens de Notre-Dame-du-Chemin, qui sont maintenant membres de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, ont les mêmes problèmes, se posent les mêmes questionnements sur les priorités à établir entre les priorités pastorales, cultuelles et d'autre part les inévitables obligations d'aller chercher des fonds pour essayer de sauver un bâtiment. Donc, c'est un peu l'histoire qui se répète à l'intérieur d'à peine 10 ans.
Mais il y a une différence majeure dans les deux situations, et ça, c'est essentiel dans la présentation d'aujourd'hui, et cette différence, c'est que l'église Saint-Jean-Baptiste est un monument classé historique. Donc, l'assemblée de fabrique actuelle estime avoir une nouvelle responsabilité, une responsabilité supplémentaire par rapport à l'avenir de cette église. La question cependant: Peut-elle y faire face seule? Cette assemblée de fabrique peut-elle relever seule le défi de la conservation et de la restauration d'un tel héritage? Et la réponse est simple: l'assemblée de fabrique estime que non.
Les problèmes financiers, en deux mots, sont majeurs. D'abord, premièrement, soulignons un ordre de grandeur, là, le budget de fonctionnement de l'église Saint-Jean-Baptiste génère depuis quelques années un déficit annuel de 100 000 $. Deuxièmement, il y a eu beaucoup de rénovations faites, subventionnées, à cette église, mais les travaux majeurs qu'il reste à faire, qui sont essentiels, sont de l'ordre de 3 millions de dollars. Et, troisièmement, une étude récente pour essayer d'aménager le sous-sol pour essayer de rentabiliser cette bâtisse et ainsi générer des revenus additionnels, cette étude suppose des investissements de l'ordre de 1 million de dollars. Alors, l'assemblée de fabrique ne peut pas assumer seule ces investissements, ses revenus ne suffisent même pas à couvrir ses coûts de fonctionnement. Voilà la situation, le contexte de l'église.
Quelles réflexions, maintenant, peut-on faire à partir de cette expérience concrète? Le mémoire en souligne quatre, je vous les résume très rapidement. La première, c'est la nécessité d'une classification. Le fait que l'église Saint-Jean-Baptiste soit classée monument historique impose une problématique tout à fait différente de celle qu'a vécue l'Assemblée de fabrique pour Notre-Dame-du-Chemin. Ce sont deux histoires complètement différentes. Donc, une bonne classification des églises baliserait la problématique de la conservation et de la survie des églises au Québec. Nous pensons que c'est là une condition minimale de bonne planification du patrimoine religieux québécois.
Le mémoire élabore un petit peu quelles sont les conditions de cette classification. Pour le moment, je retiens deux choses. Premièrement, cette classification doit être crédible et susciter autant que possible un consensus des partenaires, des partenaires religieux, civils, gouvernementaux, municipaux, etc., de l'ensemble des partenaires, même privés. Et la deuxième remarque que je retiens sur cette classification, c'est qu'elle doit être officialisée dans un minimum d'encadrement juridique. On n'a pas précisé quel serait cet encadrement juridique, ce n'est pas notre expertise, mais l'idée derrière ça, c'est d'éviter que les changements de responsables à la tête des organismes partenaires, religieux comme civils, conduisent à modifier une classification. Pour pouvoir planifier à long terme, il faut que cette classification soit stable, d'où l'idée d'un certain encadrement juridique minimal.
La deuxième réflexion concerne les responsabilités partagées selon les partenariats. Selon les catégories retenues pour la classification, les responsabilités des partenaires peuvent varier, là, nous sommes en géométrie variable. Le mémoire ne précise pas quelles seraient les classifications, ce serait laissé à une commission d'experts, mais disons qu'à une extrémité du spectre un monument qui serait classé historique ou à valeur, disons, patrimoniale incontestable, la conservation d'un tel monument relèverait d'un partenariat non seulement entre les églises ou les autorités religieuses, mais aussi les autorités civiles, gouvernementales, et même les milieux de population. À l'autre extrémité du spectre, une église qui serait strictement une église à fonction cultuelle ? et non pas culturelle comme est un monument historique ? la problématique de sa conservation peut dépendre aussi de plusieurs partenaires, mais beaucoup plus des partenaires locaux, dépendant de leur capacité de financement puis des besoins, etc. Voilà deux extrémités, là, pour illustrer comment une bonne classification amène des responsabilités partagées. Il n'y a pas du mur-à-mur pensable là.
La troisième réflexion que nous faisons, c'est qu'il faut un soutien financier adéquat, principalement lorsqu'il s'agit d'un monument historique. La responsabilité du maintien, ou de l'entretien, ou des réparations des monuments historiques ne relève pas de l'assemblée de fabrique. L'Assemblée de fabrique de Saint-Jean-Baptiste estime que ce n'est ni à elle ni au curé de devenir des gestionnaires de musée. Et, de plus, la structure administrative des paroisses actuelles, basée essentiellement sur le bénévolat, n'est plus adaptée aux exigences de gestion patrimoniale moderne. Donc, il faut, dans ce cas-là, un soutien financier adéquat, et ce soutien vient notamment de l'État dans le cadre de sa mission culturelle. Et d'ailleurs, au Québec, ce ne serait pas la première fois que l'État devient partenaire principal d'institutions développées par les églises. Qu'on pense à l'éducation, qu'on pense à la santé, c'est un pattern que le Québec a déjà vécu.
Et la quatrième réflexion globale, c'est que c'est un appel à la nécessité d'une concertation et d'une complémentarité entre les divers partenaires. Le soutien et le partenariat auxquels l'assemblée de fabrique fait appel ne se limitent pas à des demandes de fonds. Une meilleure concertation avec les divers partenaires et sous diverses formes de complémentarité dans l'utilisation de l'église Saint-Jean-Baptiste sont des pistes que l'assemblée de fabrique souhaite examiner. L'idée n'est pas nouvelle, plusieurs l'ont soumise dans cette commission. L'utilisation multifonctionnelle d'une église, évidemment pour des activités relativement compatibles, est une avenue qu'il faut examiner dans le cas de Saint-Jean-Baptiste.
À titre d'exemple, l'église Saint-Jean-Baptiste ne pourrait-elle pas devenir un lieu d'exposition muséal pour le patrimoine muséal religieux du Québec, au lieu de construire du neuf à moins de 1 km? L'église Saint-Jean-Baptiste ne pourrait-elle pas devenir un centre d'enseignement de l'orgue ou une salle spécialisée de concert? En fait, l'assemblée de fabrique pense qu'il y a des économies d'échelle possibles. Alors, voilà les quatre grandes idées qui peuvent être généralisées sur la problématique d'ensemble du patrimoine religieux.
Je termine en vous lisant les recommandations. Je les lis, elles sont très précises, il y en a huit. Il est recommandé:
1° que le gouvernement mette sur pied une commission dont le mandat soit de proposer aux partenaires civils et religieux une classification du patrimoine religieux du Québec ? principalement du patrimoine bâti;
2° que les membres de cette commission soient représentatifs des partenaires civils et religieux et permettent la participation d'experts crédibles;
n(17 h 30)n 3° ? recommandation ? que les assises juridiques de cette classification permettent à tous les partenaires une planification à long terme de l'utilisation du patrimoine religieux bâti;
4° que l'État québécois et les municipalités, en partenariat, assurent la sauvegarde du patrimoine bâti classé monument historique;
5° que la mission culturelle de l'État québécois soit réaffirmée comme grande mission prioritaire et que ce choix se concrétise notamment par la prise en charge complète des coûts de restauration ? j'insiste sur le mot «restauration» ? si nécessaire évidemment, du patrimoine religieux bâti classé monument historique;
6° ? recommandation ? que les partenaires gouvernementaux, municipaux et religieux concernés contribuent, selon leurs responsabilités respectives, à l'entretien ? ici, c'est l'entretien ? du patrimoine religieux bâti classé monument historique;
7° que les partenaires gouvernementaux, municipaux et religieux développent une politique d'utilisation maximale et complémentaire du patrimoine bâti et examinent sérieusement les possibilités d'une utilisation multifonctionnelle, principalement lorsque des investissements majeurs sont requis; et finalement
8° que les partenaires comprennent l'urgence de prendre les dispositions pour sauvegarder le patrimoine bâti en difficulté particulière. Merci.
M. Lortie (Paul): J'ajoute quelques éléments pour prendre conscience de toute la vie qui existe. D'une part, c'est important de rappeler que l'église Saint-Jean-Baptiste a toujours été ouverte au culte...
Le Président (M. Brodeur): Il vous reste quelques instants seulement pour conclure.
M. Lortie (Paul): ... ? parfait, vous m'indiquez, il n'y a pas de problème ? elle est toujours ouverte au culte, et le dimanche et en semaine pour des messes, et que nous avons une chapelle d'adoration perpétuelle qui est ouverte évidemment, comme le dit le mot, 24 heures sur 24 tous les jours de l'année, et nous avons constaté que 9 200 personnes y viennent annuellement. C'est tout de même impressionnant de voir qu'au coeur de la ville tant de gens viennent puiser à cette source. La Conférence Saint-Vincent-de-Paul accueille 80 personnes par semaine, et 37 familles y vont régulièrement, à chaque semaine. Et le comité du patrimoine paroissial a tenu cinq expositions, et 45 798 personnes y sont venues, aux expositions. Donc, il y a un dynamisme important autour de la paroisse.
Et, financièrement, la situation difficile ne date pas d'hier, puisqu'en 1980 la paroisse a été obligée d'emprunter 330 000 $ pour arriver à ses fins. Et, même moi qui suis là depuis seulement quelques années, le secteur... Grâce à la vente du presbytère, la vente du centre de loisirs, les kermesses, les initiatives qui ont été menées pour ramasser de l'argent, bien la paroisse a investi plus de 1 million de dollars pour essayer de venir à bout des déficits et des travaux majeurs que nous avons à assumer. En 2006, le coût du chauffage prévu est de 80 000 $ pour la paroisse, dont 34 463 $ pour l'église Saint-Jean-Baptiste. Alors, on fait beaucoup d'initiatives, mais la solution ne nous apparaît pas pour demain. Nous espérons la trouver, sûrement.
Le Président (M. Brodeur): Donc, si vous avez autre chose à ajouter, peut-être à l'intérieur de nos questions, il n'y aura aucun problème.
Premièrement, merci pour la présentation de ce mémoire-là qui nous touche beaucoup. Mais vous illustrez un problème que la commission a connu depuis ses... exposé depuis le début, on a, à chaque journée, un groupe qui vient nous parler des difficultés qu'ils ont à maintenir leur église, aux coûts qu'ils ont à subir pour l'entretien et le maintien d'une église vouée principalement au culte. La question que je vais vous poser, parce qu'on a... Chaque jour de commission, on nous donne le message qu'on a besoin de fonds. Par exemple, prenez les besoins financiers que vous avez, multipliez par le nombre de fois qu'il y a un bâtiment qui nécessite de la rénovation, un bâtiment important ? là, je fais abstraction de monuments classés ou pas classés ? parce que, pour chacune des personnes, pour chacun des groupes qui vient nous voir, on nous passe le message qu'ils ont absolument besoin de fonds et sollicitent énormément le gouvernement ou les paliers de gouvernement. Vous pouvez facilement vous imaginer que... si l'État dit oui à tout le monde, vous pouvez penser que c'est de l'ordre de milliards de dollars qu'il s'agit. Donc, c'est des montants fort importants, et je pense que c'est de notre devoir d'arriver avec une solution qui pourrait permettre un financement adéquat sans arriver avec une taxe ou surimposer les contribuables.
On nous a invoqué à plusieurs reprises, pour ainsi dire, plusieurs fois par jour, lors de nos audiences, la possibilité d'une création d'un moyen de financement qui pourrait satisfaire tout le monde, qui pourrait suffire à la tâche. Puis je vais vous poser la question à vous aussi, malgré que vous êtes ici pour nous parler de votre église: Est-ce qu'il serait plus facile de créer une fiducie, une fiducie où les gouvernements pourraient déposer des fonds, possiblement l'Église également, et qui permettrait également d'aller chercher des fonds de succession, de donations, ou autre? Est-ce que vous pensez que ce serait suffisant pour répondre à cette immense demande dont vous faites exemple aujourd'hui, là? On nous a proposé à de nombreuses reprises des fiducies, fiducie nationale, fiducie régionale, est-ce que vous pensez que la création d'une telle fiducie pourrait répondre à vos besoins, tel l'exemple que vous nous donnez pour la paroisse Saint-Jean-Baptiste?
M. Lortie (Paul): Il m'apparaît difficile de vous donner la meilleure avenue. Peut-être que M. Brunet pourra le faire. Je vous donne l'exemple qu'on a essayé de trouver en mettant sur pied le club des 4 000 membres. Depuis le 24 juin, on essaie que 4 000 personnes donnent seulement 25 $ par année pendant cinq ans pour éponger le déficit. Parce que tout le monde dit: c'est à moi, l'église, ne fermez pas ça. Bien, si c'est à eux, on s'attend à ce qu'ils nous donnent 25 $ par année pour nous aider. Alors, depuis le 24 juin, on a 288 personnes qui ont donné. Bon, bien, on est rendus... on a recueilli 46 000 $ à peu près pour ce projet.
C'est sûr qu'étant proche de d'autres édifices je ne peux pas répondre directement à votre question, mais supposons que le Musée du Québec voulait s'agrandir. Avant de considérer une nouvelle aile sur le patrimoine religieux, on est à côté, on pourrait peut-être regarder la possibilité que le musée ait un département à l'église Saint-Jean-Baptiste, et, nous autres, on serait d'accord à considérer cette avenue-là.
Le Président (M. Brodeur): ...la proposition de Mgr Turcotte. Le premier mémoire que nous avons reçu nous a proposé un moratoire sur la construction ou l'aménagement de locaux servant aux services publics... et plutôt prévoir d'utiliser, dans ces cas-là, les bâtiments religieux excédentaires pour les services comme le musée ou autres services donnés par l'État.
M. Lortie (Paul): On est à côté du Palais Montcalm, on est à côté du Grand Théâtre, on est à côté du Capitole, il ne faut pas rêver, là, on n'est pas tous en concert, là. Alors, je me dis: S'il y a des endroits où on envisage de sauver le patrimoine religieux puis de bâtir quelque chose... Nous autres, on a envoyé une lettre à M. Porter pour lui signifier qu'on serait prêts à discuter avec lui. Et ce qui nous intéresse, c'est de sauver l'église dans son intégrité, et même si le culte était moins présent. Pour nous, on est prêts à faire des concessions importantes pour préserver ce magnifique temple.
Le Président (M. Brodeur): Je retiens votre phrase: même si le culte serait moins présent.
M. Lortie (Paul): Ah! beaucoup, beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Donc, c'est une proposition d'aménager autre chose dans l'église qui pourrait permettre le financement et le maintien du culte dans votre église.
M. Lortie (Paul): Parce que je vais vous donner l'exemple: on a fait faire une étude pour aménager le sous-sol, bien ce qu'ils nous disent... une étude qui a coûté 23 000 $. Ça été payé par la ville, ça été payé par le diocèse de Québec. Le diocèse nous a aidés, là, il nous a donné 50 000 $ pour 2005 et 2006. Si on n'avait pas eu ce support-là, on ne serait peut-être pas devant vous autres aujourd'hui, alors, parce qu'on est au bord du gouffre. J'aime autant vous le dire: c'est catastrophique. On n'est pas découragés. Alors, c'est pour ça que je dis: L'aménagement de l'église, là ? si on peut la sauver ? le sous-sol, ça coûtait 1 million, mais ils voulaient mettre des commerces. Mais ils ont consulté les commerces de la rue Saint-Jean, mais, eux autres aussi, ils ne veulent pas qu'ils donnent trop de concessions aux commerces. Puis, pour nous autres aussi, c'est un irritant: il n'y a pas de stationnement chez nous, alors c'est difficile d'amener... Alors, vous mettez des commerces, puis à quel endroit vont-ils stationner, si on veut qu'il y ait une fréquentation, que ce soit rentable?
Alors, c'est pour ça que c'est difficile. C'est un château qui est en pente, les côtes. Mais qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour trouver une solution? Je ne la connais pas. Je ne baisse pas les bras, mais je n'ai pas la solution, et l'argent est à veille de manquer.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Charlesbourg.
n(17 h 40)nM. Mercier: Merci, M. le Président. M. le curé, madame, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire sur l'avenir du patrimoine religieux. C'est toujours un plaisir évidemment de vous accueillir. Vous savez, je connais très bien l'église Saint-Jean-Baptiste. C'est une église qui, je vous dirais, garde fièrement, du haut de ses clochers, la rue Saint-Jean mais également qui veille d'une façon historique, historiquement, sur le quartier Saint-Jean-Baptiste depuis fort longtemps, arborant évidemment toute sa splendeur, qui a été reflétée par le talent et l'architecture de Peachy et Baillargé, si ma mémoire est exacte.
Moi, j'ai une question. Évidemment, vous évoquez ardemment, évidemment, toute l'urgence, hein, de la situation pour l'avenir de votre église. Moi, j'aurais une question très, très, très pointue et spécifique, et ça, vous l'avez mentionné dans votre mémoire, et vous-même également, vous parliez de partenariats, peut-être même avec le milieu des affaires, qui auraient peut-être échoué, et j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, mais également vous entendre sur un partenariat avec la ville de Québec. Alors, quels sont les résultats? Où est-ce que vous en êtes là-dedans? Alors, à deux niveaux: milieu des affaires et ville de Québec.
M. Lortie (Paul): On a cherché aussi, pour ne pas isoler la paroisse Saint-Jean-Baptiste, à s'allier avec la paroisse Saint-Roch et Saint-Charles-de-Limoilou, qui connaissent des difficultés majeures, parce que, si on fait appel à des hommes d'affaires ou à d'autres pour une seule église, ils ne voudront pas venir nous aider. Mais ils ont constaté, après avoir réfléchi... Je les ai rencontrés, les curés des deux autres paroisses, pour qu'on s'allie ensemble, ils ont dit: Tes problèmes sont trop gros pour qu'on s'allie avec toi.
Alors, moi, j'ai continué pareil. Et on a essayé, nous autres, de contacter 67 hommes d'affaires les plus influents au Québec pour leur demander, là, pas de l'argent: Vous en avez fait, venez donc nous aider à trouver une solution. Comment vous pensez qu'il y en a qui sont venus à notre... Ils ne payaient pas un sou. On leur offrait un concert puis on leur offrait un lunch ? un peu de funérailles, là, mais, tu sais, il y avait des sandwichs un peu, là, mais ce n'était pas pour rien enterrer ? mais ils ne payaient pas un sou, il n'y avait pas d'attrape. Comment vous pensez qu'il y en a qui sont venus? Aucun. On a invité Daniel Johnson, des firmes de comptables, les banques, les caisses, on a cherché à trouver un président d'honneur notoire pour mousser ce projet-là. Ça n'a pas fonctionné. On n'est pas des professionnels, on aurait pu s'y prendre autrement, mais c'est une opération qui s'est avérée difficile. Alors ça, c'est pour ça que, sur ce côté-là, je ne le sais pas.
La ville, bien c'est sûr qu'on a toujours... Compte tenu des difficultés majeures que nous rencontrons, on a travaillé de concert avec le département des fabriques du diocèse, l'évêque, on a travaillé avec la ville, aussi le ministère de la Culture. Donc, ils sont conscients de ce que nous vivons. C'est sûr que, moi, là, si j'avais été décideur ? mais je suis hors d'ordre, vous allez me le dire aussi ? j'aurais préféré qu'au lieu de construire le Palais Montcalm les Violons du Roy viennent chez nous. On aurait été prêts, on leur avait offert. Mais, qu'est-ce que vous voulez, ce n'est pas moi qui décide. On est à côté, ça prend cinq minutes à pied, si vous allez au Palais Montcalm, de l'église.
Il y en a beaucoup, d'édifices importants à caractère culturel, dans notre arrondissement, et la pratique religieuse nous fait terriblement mal, elle est à 5 %. Alors, c'est pour ça que les revenus... et les projets communautaires, qui sont très dynamiques chez nous, bien ne sont pas rentables. Alors, l'assemblée de fabrique ne l'a pas, la solution.
M. Mercier: Évidemment, dans le milieu des affaires, on parle souvent que tout est une question d'échange de bons procédés, et peut-être malheureusement pour vous, en ce qui vous concerne, parce qu'on s'aperçoit que, d'une certaine façon, le mécénat, et la philanthropie, est à son état embryonnaire, et peut-être trop, malheureusement.
Et, moi, j'aimerais vous poser peut-être une question encore plus pointue: En ce qui concerne les gens d'affaires qui sont dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, est-ce que vous considérez que l'apport touristique ou du moins le tourisme peut être la pierre angulaire comme ça peut l'être pour Sainte-Anne-de-Beaupré ou la cathédrale Notre-Dame de Québec, pour redynamiser, je vous dirais, votre église et en même temps créer une espèce de dynamisme très, très local, mais local quand même, et qui permettrait, comme je le disais, cet échange de bons procédés et qui finalement redonnerait toute la vigueur, là, à votre église?
M. Lortie (Paul): Oui. Alors, on a eu la fête des retrouvailles, et les gens d'affaires ont été invités à collaborer, puis ils le font bien, ils sont souvent sollicités. Puis la caisse populaire du secteur nous donne un gros coup de main. Mais en même temps je dois vous dire que, chapeau pour le comité du patrimoine paroissial, ça fait cinq ans qu'ils organisent des expositions, et ils ont eu 45 798 personnes, et on est en dehors des murs du Vieux-Québec. Alors, je suis impressionné par la fréquentation importante des gens qui viennent chez nous par rapport aux expositions très belles qu'ils ont menées de l'avant. Je suis fier de voir comment ils ont mené à bien des opérations, là, de beauté puis sur des thèmes très variés, que ce soit sur les vitraux, que ce soit sur l'architecte Peachy, les statues de Rigali, enfin il y a plusieurs expositions qui ont été mises de l'avant qui ont été appréciées du public, puisqu'on voit la fréquentation.
M. Mercier: Effectivement, votre dynamisme est reconnu, et je pense que toute la région de Québec, et toute la population de Québec, vous entend, mais également cette commission parlementaire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je pense que votre expérience nous éclaire, et, même si les problèmes restent énormes, on entend, depuis le mois de septembre, toutes sortes de choses, c'est-à-dire des gros, gros, gros problèmes, mais de temps en temps des choses extrêmement satisfaisantes, des solutions qui sont trouvées, et vous en évoquez quelques-unes.
Pour ma part, c'est intéressant de... il y a un intérêt particulier à vous entendre, parce que, quand je suis à Québec, mon pied-à-terre est dans la paroisse, alors je suis un paroissien de Saint-Jean-Baptiste. C'est une église extraordinaire. C'est un temple exceptionnel.
Une voix: ...
M. Dion: Pardon?
Une voix: Il va falloir que tu sortes ton chèque, là.
M. Dion: Ah oui! c'est ça. Et...
Une voix: ...
M. Dion: Oui, oui, c'est ça. Et puis ? je vais vous faire de la publicité gratuitement ? alors c'est une église absolument extraordinaire, très, très belle, un joyau au plan culturel, au plan architectural, au plan culturel, au plan des oeuvres d'art, les vitraux. Il y a énormément de choses dans cette église-là, et ça fait plusieurs fois... à part des fois où j'y suis allé pour mon besoin spirituel personnel, j'y suis allé à plusieurs reprises simplement sur une base touristique, pour voir, et, moi, je pense que cette église-là, comme l'église Notre-Dame à Montréal ou l'église Saint-Jean-Baptiste à Montréal, est comparable à des monuments comme Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle, l'abbaye de Westminster, ou la cathédrale de Westminster, ou l'église de Strasbourg, hein, la cathédrale de Strasbourg. Ce sont des monuments en soi, et on se déplace pour aller les voir.
Alors, je pense que le critère d'utilité, qui est la base de la conservation de quelque chose, il est dans l'existence même de cette église et dans sa valeur historique, et artistique, et architecturale, et tout ça, et le problème n'est pas dans la valeur ou l'utilisation, parce que je pense que ce genre de monument est de nature à enrichir le potentiel touristique de Québec, indépendamment de tout le reste. Et en soi je pense que l'État du Québec est justifié de s'impliquer et d'investir dans ce monument-là à des fins de promotion touristique globale parce que c'est exceptionnel. Mais évidemment il faudra après ça trouver des façons de le rentabiliser. Vous avez suggéré un certain nombre de choses tout à l'heure, et je suis tout à fait d'accord, et des solutions qui font que, même si le stationnement est à cinq minutes, ce n'est pas un problème majeur, hein?
M. Lortie (Paul): ...de plus en plus clémente à...
M. Dion: À votre endroit?
M. Lortie (Paul): Oui, oui. Bien, on lui dit aussi, parce qu'il y a eu des irritants. Mais je vous dirais que, pour 2008, le pape vient chez nous. C'est sur l'eucharistie. La moitié des vitraux, qui sont superbes, portent sur les symboles de l'eucharistie. On a une belle occasion, nous, de notre côté, si on a de l'argent de se rendre jusque-là, de pouvoir présenter des catéchèses sur les vitraux: le monde va être chez nous à cette occasion-là, c'est sur les plaines d'Abraham.
Mais en même temps il y a des écueils. J'ai entendu le mémoire qui a précédé, concernant les enfants qui viennent chez nous. On permet à l'école d'amener les enfants chez nous. À l'école Saint-Jean-Baptiste, il y a 250 élèves. Il y en a à peu près 25 en enseignement religieux. Bon, bien, je suis allé voir la directrice: On ne les mangera pas, les enfants, mais venez avec nous autres pour qu'on les éveille au sens historique et patrimonial. Elle dit: Ça ne se peut pas qu'on fasse ça, les parents vont m'en vouloir. J'ai dit: Il n'y a pas de danger, madame.
n(17 h 50)n Je suis sûr qu'on va réussir avec la directrice. Mais ça vous montre la difficulté majeure. Elle n'est pas prête encore. Elle ne veut pas que les jeunes montent à l'église, en haut. Elle dit: Ce ne sera pas les prêtres qui vont faire ça. Bon, je dis: Je respecte ça, on ne célébrera pas la messe, on ne dira pas le chapelet, mais il y a des choses de les ouvrir... Pourquoi l'école s'appelle l'école Saint-Jean-Baptiste? De faire dessiner des cartes à des personnes âgées durant le temps de Noël, d'éveiller un jeune aux valeurs de compassion, il me semble qu'on a la possibilité de le faire. Mais il y a des pressions qui sont exercées et ce n'est pas toujours possible d'y arriver. Mais, moi, je dis: Même s'il y a des obstacles, il faut être capable de relever les défis aujourd'hui.
M. Dion: Mais vous comprendrez que, pour la commission comme pour l'État du Québec en général, l'approche qui est prise ? et d'ailleurs vos propos le démontrent tout à fait ? est une approche qui est une approche laïque, hein, c'est-à-dire de la valeur qui est une valeur en soi pour le Québec dans son ensemble. Qu'il soit religieux, non religieux, athée, ou quoi que ce soit, ou bouddhiste, ça n'a pas d'importance du point de vue du regard que l'État porte sur ce patrimoine-là, et, dans ce contexte-là, il me semble que votre partenaire privilégié, ce serait, il me semble, la Commission de la capitale nationale, parce que c'est dans l'univers de ce qui touche à ses responsabilités, je pense.
M. Lortie (Paul): Oui, mais en fait... Puis ils sont très fins pour nous autres. Mais ils ont besoin d'argent, puis elle ne vient pas d'eux, hein? Ils sont très fins avec nous autres, M. Frégeau pourrait vous le dire parce que c'est le responsable des travaux majeurs à Saint-Jean-Baptiste. On a des rapports cordiaux avec le diocèse, tout le monde, on veut leur dire qu'on est mal pris puis: Aidez-nous, on est au bord. Mais, dans les 3 millions, la commission nationale envisage de nous donner 1 million. Je trouve ça astronomique. Moi, je suis un prêtre, là, 5 % de pratique, je suis devant vous autres, j'ai à coeur l'église Saint-Jean-Baptiste, mais je devrais faire des catéchèses aussi, hein, puis donner un peu plus de confessions puis de sacrements, là. Et j'en prends, du temps pour cette église-là, puis je suis content de le faire, parce que je dis que ce qui est beau dans cette église nous fait penser à ce que nous sommes intérieurement, et c'est ça qui est important.
M. Dion: Bien, en fait, c'est intéressant de vous entendre, et le sentiment que j'ai, c'est qu'aussi longtemps que vous êtes là... Prenons l'hypothèse qu'une institution de l'État, une fiducie ou quelque chose, prendrait la responsabilité de la gestion de tout ça. Je dis: Aussi longtemps que vous êtes là, ça va coûter la moitié moins cher ou le quart de ce que ça va coûter. À partir du moment où vous n'êtes plus là, les motivations qui font que vous allez chercher 25 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $ par année, au moins pour payer le chauffage, vous n'irez plus le chercher, et est-ce qu'on ira en chercher l'équivalent en termes de concerts, en termes de visites payantes pour le tourisme, et tout ça? Je ne sais pas, probablement qu'on ira en chercher une partie. Mais vous allez déjà en chercher une partie.
M. Lortie (Paul): Oui, puis on les sollicite, on invite les gens. Mais je vous répète que, n'eût été du diocèse, c'eût été difficile de poursuivre. C'est le diocèse qui nous a permis d'éponger le déficit pour 2005 et 2006, et c'est après 2006 que je suis inquiet. Le diocèse n'est pas le père Noël, puis il y a d'autres paroisses, et je me dis: C'est sérieux, là. Je ne joue pas de tour. Ce n'est pas pour faire les travaux majeurs, c'est aussi dans le quotidien que nous n'arrivons pas. Puis, on a coupé dans le personnel en pastorale, le secrétariat, les services, pour l'équivalent de 50 000 $, pour pouvoir éponger l'autre 50 000 $ que le diocèse nous donnait. Alors, quels seront les prochains biens qu'on peut donner? Il ne nous en reste plus beaucoup.
Et on peut penser... Parce qu'il y en a qui disent que je suis avec la paroisse Saints-Martyrs, mais, même si les gens habitent la rue des Braves, c'est 5 % de pratiquants, là, il ne faut pas... Puis on a des préjugés qu'un est très pauvre puis l'autre est très riche, mais je ne peux pas vous dire qu'on roule sur l'or dans l'ensemble de la paroisse. Et les pratiquants, ce sont des gens qui ont un certain âge, et ils ne sont pas remplacés par la jeune génération actuellement, même si on a un beau projet avec Te Amo, une troupe de théâtre qui est au sous-sol de l'église Saint-Jean-Baptiste et qui décide de faire la présentation de l'évangile par le biais de l'art, et ils rejoignent une clientèle fort intéressante mais qui n'apporte pas nécessairement de sous à l'église. Alors, je suis allé avec ces jeunes-là en Allemagne, on était 23, là, des jeunes de 18-35 ans, des paroisses de la haute-ville. Alors, il y a une vie importante autour du clocher de Saint-Jean-Baptiste et celui de Saints-Martyrs. La difficulté, c'est l'argent qui ne nous permet pas de garder un héritage de si grande valeur.
M. Dion: Alors, j'ai bien compris, je pense qu'on a bien compris votre message de l'urgence d'intervenir. Vous connaissez bien les pouvoirs de la commission, ce sont des pouvoirs de recommandation. Évidemment, nous sommes très sensibles à cela, et je pense que nous apprécions beaucoup les efforts que vous faites pour conserver ce monument-là et dans cette période transitoire, avant que nous ayons mis en place... avant qu'un gouvernement ait mis en place, à la suite de nos recommandations, les instruments qu'il faudra pour assurer la suite. Mais soyez certains que nous sommes très sensibles et que nous apprécions énormément le travail que vous faites. Merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Je vous remercie, et puis je suis convaincu que la passion que vous mettez à la préservation de votre église, bien, va mener certainement au succès. Donc, merci beaucoup, et je vais ajourner les travaux au 16 novembre 2005, 9 h 30, alors que nous allons continuer nos audiences sur l'avenir du patrimoine religieux. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 56)