(Neuf heures quatre minutes)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît, comme on dit au Parlement ? nous sommes dans une commission parlementaire de l'Assemblée nationale. Donc, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Et, comme à l'habituel, si vous avez des cellulaires, n'oubliez pas de fermer le son de votre téléphone cellulaire, la sonnerie.
Une voix: Donnons l'exemple.
Remarques préliminaires (suite)
Le président, M. Bernard Brodeur
Le Président (M. Brodeur): Et donnons l'exemple. Donc, le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques sur le patrimoine religieux du Québec. Donc, mesdames messieurs, bonjour. Membres de la commission, distingués invités, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue aux auditions publiques de la Commission de la culture portant sur le patrimoine religieux du Québec.
C'est avec beaucoup d'enthousiasme et aussi de grandes attentes que la Commission de la culture a lancé sa consultation générale sur le patrimoine religieux, en juin dernier, dans le cadre d'un mandat d'initiative. Laissez-moi vous dire tout d'abord que nos attentes ont été comblées, puisque c'est plus de 150 organismes de différents milieux, experts, praticiens, représentants de fabrique et individus qui ont répondu jusqu'à présent à la consultation par l'entremise d'un mémoire ou d'un questionnaire en ligne.
Il est rare, pour ne pas dire exceptionnel, qu'une commission parlementaire se déplace à l'extérieur de l'Hôtel du parlement pour tenir des auditions publiques. Les membres de la commission ont estimé que la conservation et la mise en valeur du patrimoine religieux dans son ensemble constituent des enjeux qui justifient de tels déplacements, car il s'agit non seulement d'une problématique présente sur l'ensemble du territoire québécois, mais aussi qui comporte des particularités souvent fort différentes d'une localité à l'autre.
Mais, le choix de se déplacer réside en premier lieu dans le fait de vouloir créer une opportunité, une fenêtre ouverte visant à susciter la mobilisation et la concertation des intervenants concernés et de la population en général. Bref, plus les médias locaux et nationaux parleront des enjeux du patrimoine, plus la population sera sensibilisée, se sentira concernée et s'impliquera dans la recherche de solutions durables. C'est en quelque sorte le pari que nous faisons en allant de l'avant avec cette commission itinérante.
Les membres de la commission sont très heureux d'être en Mauricie aujourd'hui. La région porte fièrement des traces d'une riche histoire qui se caractérise par la présence de nombreuses communautés religieuses. En matière de diffusion de ce patrimoine religieux, on y retrouve notamment le Musée des Ursulines et, de l'autre côté du fleuve, le Musée des religions de Nicolet. Nous savons aussi qu'un centre d'interprétation des objets du culte est en cours de développement dans l'église Saint-Léon-le-Grand. J'en profite aussi pour souligner le fait que nous recevrons, cet après-midi, des représentants des régions de Lanaudière et des Laurentides.
Vous savez, rares sont les députés qui, dans leur comté, n'ont pas été interpellés à un moment ou à un autre sur des questions liées à la sauvegarde de biens meubles ou immeubles à caractère religieux. Ces biens font partie de notre patrimoine collectif. On dit souvent que nos églises sont nos châteaux; il est donc important, pour ne pas les perdre, que nous travaillions tous ensemble à la recherche de solutions durables et de nouvelles façons de faire. Aussi, au cours des prochains mois, nous nous mettrons en mode écoute et nous échangerons avec vous sur les cas concrets de reconversion et sur des pistes de solution visant à assurer la conservation et la mise en valeur de cet important héritage culturel. Je nous souhaite donc des discussions riches et fécondes.
Et, avant de céder la parole à mon collègue et député de Mercier pour ses remarques préliminaires, je tiens à rappeler que la commission poursuivra ses auditions à Québec demain toute la journée de même que le 16 novembre en avant-midi. Elles se poursuivront ensuite en janvier 2006 et elles seront suivies de l'élaboration du rapport final, que nous souhaitons dans le meilleur délai possible.
Donc, je vous remercie. Et, M. le député de Mercier, la parole est à vous.
M. Daniel Turp
M. Turp: Alors, merci, M. le Président. J'ai le plaisir d'être ici, à Trois-Rivières, en Mauricie, avec mes collègues Nicole Léger, députée de Pointe-aux-Trembles, et Léandre Dion, député de Saint-Hyacinthe, pour entendre ce que les Mauriciens et les Mauriciennes ont à dire sur le patrimoine religieux, et en particulier sur leur patrimoine religieux.
Je me rappelle, cet été, je me dirigeais vers Québec en essayant de retrouver le Chemin-du-Roy, et il a fallu que je fasse un petit détour pour essayer de le retrouver, ce qui n'est pas toujours simple, et voilà que je me retrouve dans ce beau lieu, qui semblait bien protégé, de notre patrimoine religieux qu'est la chapelle des Ursulines. Et je me disais qu'il y a des gens qui sont préoccupés par le patrimoine religieux, qui semblent le valoriser, et je crois que les Mauriciens, parce qu'il y a aussi ici un musée des religions, sont ceux qui donnent de l'importance à ce patrimoine et notamment au patrimoine immatériel.
Et, M. le Président, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de la voir, de la lire, j'ai fait parvenir, cette semaine, par l'intermédiaire de notre secrétaire, la convention de l'Unesco pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, et je crois que nous pourrons, ici, à Trois-Rivières, nous intéresser, parce qu'on s'y intéresse, à ce patrimoine. Et il y a des propositions tout à fait utiles qui y sont formulées ? on les entendra dans quelques minutes, je le crois ? sur la façon de sauvegarder et mettre en valeur ce patrimoine. On s'est beaucoup intéressé au bâti, au patrimoine immobilier et mobilier, et je crois que nous devons continuer de le faire. Mais on a une occasion privilégiée aujourd'hui de parler du patrimoine immatériel.
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(9 h 10)
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Et j'ai constaté que, dans les mémoires qu'on nous présente aujourd'hui, il y a, comme ailleurs, des propositions qui vont dans le sens de continuer de faire appel à une fondation du patrimoine religieux pour aider les églises à restaurer leurs bâtiments. Il y a aussi des propositions de créer une fiducie nationale qui verrait à s'occuper des églises excédentaires, puisqu'il y en a ? on nous annonce, à chaque fois que nous sommes en commission, qu'il y a des églises excédentaires et qu'il y en aura davantage.
Donc, il y a aujourd'hui devant nous des propositions que nous avons tout intérêt à bien comprendre. Et nous poserons ici, à l'opposition officielle, des questions à ceux et celles qui ont bien voulu se présenter devant nous et nous inspirer par leurs réflexions. On a un travail très exigeant à faire. C'est notre dernière visite en région; nous aurons quelques séances encore à Québec. Nous allons devoir délibérer sur la question de l'avenir du patrimoine religieux et choisir, j'imagine, entre plusieurs options qui nous sont proposées.
Alors, mes collègues et moi sommes très heureux d'être ici, avons très hâte d'entendre les représentations des divers groupes qui ont accepté de se présenter aujourd'hui à la Commission de la culture, et j'anticipe donc le plaisir de vous entendre.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?
Mme Léger: Un petit mot.
Le Président (M. Brodeur): Allez-y, allez-y.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Leur dire bonjour, d'abord. Merci. Je me joins, moi aussi, avec mes collègues. Particulièrement, vous avez vu le document de consultation qui est là, sur place, pour pouvoir en débattre, pouvoir apporter votre réflexion, vos commentaires. Effectivement, quand on parle de patrimoine religieux bâti, mobilier, archivistique et immatériel, c'est toutes les églises, c'est les résidences de religieuses, c'est... on a parlé d'orgues, on a parlé de cloches, on a parlé des oeuvres d'art telles quelles. Mais, aussi, ça concerne aussi le patrimoine des autres, les autres traditions religieuses.
Alors, il y a trois questions bien précises qui ont... qui sont posées, c'est: Qui? Comment? Et quoi? Donc, quoi conserver? Comment conserver? Et qui, au niveau des rôles et des responsabilités, ont cette magnifique tâche de préserver le patrimoine religieux? Alors, nous sommes heureux de vous entendre. Alors, bonne journée.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée. Donc, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président: Mme James (Nelligan) est remplacée par M. Gabias (Trois-Rivières); Mme Legault (Chambly) est remplacée par Mme Gaudet (Maskinongé); M. Moreau (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue); et Mme Caron (Terrebonne) est remplacée par M. Turp (Mercier).
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Nous allons entendre aujourd'hui, dans l'ordre suivant: nous allons débuter dans quelques instants avec le Musée des religions, de Nicolet; ce sera suivi d'un point de presse, vers 10 h 10, donc nous allons vous quitter durant quelques minutes, pour être de retour aux alentours de 10 h 30, où nous allons entendre un représentant du diocèse de Nicolet; ce qui sera suivi de l'Association de développement industriel et commercial de Sainte-Anne-de-la-Pérade; ce qui sera suivi de M. Jean-Yves Cloutier. Cet après-midi, nous allons entendre le Conseil de la culture de Lanaudière; le Conseil de la culture des Laurentides; la Fondation Clara-Bourgeois; et finalement le Conseil de la fabrique de Saint-Jacques.
Auditions (suite)
Donc, nous allons débuter immédiatement par notre premier groupe, le Musée des religions, de Nicolet. Donc, M. Royal, bienvenue en commission parlementaire, puisque c'est la commission parlementaire qu'on tient habituellement au Parlement qui se déplace ici, à Trois-Rivières. Donc, comme je le dis à chaque endroit, c'est comme si le Parlement serait à Trois-Rivières aujourd'hui.
Je vous explique brièvement la façon de procéder: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon dont vous jugez à propos, et, à la suite de cette présentation-là, il y a une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Musée des religions
M. Royal (Jean-François): Merci. Je voudrais d'abord remercier les membres de la Commission parlementaire de la culture d'offrir au Musée des religions la possibilité de se faire entendre au sujet de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine religieux québécois. Vous m'excuserez d'emblée, une mauvaise grippe m'assaille, donc ma voix me lâche par moments.
Le Musée des religions, situé à Nicolet, est né de la volonté des gens du milieu de se doter d'une institution capable d'interpréter et de comprendre les différents phénomènes religieux dans le monde. Plus d'une centaine d'expositions plus tard, le Musée des religions a toujours à coeur de faire voir et de faire connaître les différents phénomènes religieux des cinq grandes traditions religieuses, soit le bouddhisme, l'hindouisme, l'islam, le judaïsme et le christianisme.
Le Musée des religions, avec sa mission d'éducation religieuse, naît donc dans une période où l'étude des faits religieux n'obtient pas nécessairement la faveur populaire. Nous pouvons également constater qu'à cette époque la pratique religieuse des Québécois poursuit son déclin, déjà amorcé depuis le début des années soixante. Le portrait ethnologique du Québec religieux a profondément changé depuis 30 ans. Il importe aujourd'hui de prendre en considération ce legs lourd et important que nous ont laissé non seulement nos ancêtres, mais également toutes les institutions religieuses et les églises qui ont marqué le coeur de chaque ville et village.
Depuis seulement quelques années, le patrimoine religieux québécois est devenu un sujet d'actualité, un sujet à la mode. Tout le monde s'inquiète de son avenir. Tous les musées veulent maintenant le conserver. À preuve, d'observer les nombreuses publications récentes sur le sujet. On s'empresse d'acheter le presbytère devenu inutile, vide, ou l'église qui ferme faute de fidèles. On courtise les communautés qui se départissent de leurs édifices conventuels pour acheter les biens matériels ou pour les conserver. Les promoteurs immobiliers s'arrachent les parcelles de terrains ou les immeubles pour les convertir en condominiums de luxe. Les brocanteurs ou antiquaires s'empressent de récupérer ce qui est vendable, pour, dans bien des cas malheureux, les laisser partir vers les États-Unis.
La sauvegarde du patrimoine religieux devient rapidement une course désordonnée dans laquelle il faut mettre de l'ordre. Il est donc important pour le gouvernement de tracer une ou des lignes de conduite, lignes directrices afin d'organiser ce mouvement. Le Musée des religions, quant à lui, doit continuer à bien se positionner dans l'échiquier qui sera tracé par les différents intervenants politiques et culturels, qui ont maintenant de plus en plus à coeur l'avenir de ce patrimoine québécois. Cet avenir doit faire partie des priorités politiques, des préoccupations et priorités sociales de notre société. Nous parlons dorénavant de sauvegarde d'une partie de notre mémoire collective.
Il est essentiel que le débat comporte les notions de patrimoine mobilier autant qu'immobilier. La sauvegarde du patrimoine religieux ne se concentre pas seulement autour du patrimoine bâti, mais elle est aussi composée des objets qui l'habitent et des humains qui l'animent.
Dès le début de son existence, en plus de son rôle de conservation, d'éducation et de diffusion, l'équipe du musée a su jouer un rôle important dans la sensibilisation des communautés religieuses à l'importance de la documentation et à la sauvegarde du patrimoine qu'elles ont en leur possession et du rôle du musée dans une éventuelle gestion de ce patrimoine. Rappelons que le Musée des religions est à l'origine d'un important projet d'inventaire, d'informatisation et de numérisation du patrimoine, qui a eu pour effet de permettre une meilleure diffusion et connaissance des biens patrimoniaux que possèdent certaines communautés religieuses. Plus de 20 000 objets ont été ainsi traités dans 17 communautés différentes.
Le musée est aussi à l'origine de projets d'inventaire dans des paroisses du diocèse de Nicolet. Car, en plus d'être le gardien d'une collection toujours grandissante, il nous apparaît important d'aider à la prise de conscience des richesses patrimoniales qui sont conservées dans les différentes églises ou paroisses. De ce fait, le Musée des religions joue un rôle de conseiller de façon régulière soit auprès des représentants de communautés religieuses responsables du patrimoine de leurs communautés ou encore auprès des responsables de fabriques, et ce, à travers tout le Québec. Il est dont possible, au Québec, avec des moyens raisonnables, d'effectuer des projets d'inventaire efficaces.
Les membres de la commission parlementaire nous demandaient de tenter de répondre à certaines questions. Quoi conserver? Il est effectivement très difficile d'effectuer un choix parmi tout le patrimoine religieux québécois traditionnel qui existe. Vouloir tout conserver, c'est se condamner à tout perdre. C'est pourquoi il nous apparaît primordial d'être en mesure d'effectuer des choix, afin de pouvoir conserver un patrimoine significatif de ce qui est ou de ce qui a déjà été la pratique religieuse au Québec.
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(9 h 20)
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Malgré tout, ce choix significatif est assez difficile à effectuer en écartant toute notion subjective qui nous guide à faire des choix. La religion et la foi donnent souvent un sens plus important à des objets car ils sont auréolés d'une ferveur qui les élève au rang d'objets déifiés. Il n'est pas non plus si simple de produire une échelle d'évaluation afin de déterminer qui, d'un objet ou d'un autre, mérite l'attention que nous voulons bien lui porter. Cette échelle de qualification doit tenir compte d'un nombre assez impressionnant de facteurs tous plus importants les uns que les autres. Pour certains, l'intérêt artistique primera sur l'intérêt historique ou ethnologique; pour d'autres, ce sera l'intérêt national plutôt que local ou communautaire.
Depuis maintenant 20 ans, nous accordons, au Musée des religions, une plus grande importance à l'aspect ethnologique des objets, à leur importance dans leur représentativité religieuse. Pour cette institution, l'acquisition d'objets doit, d'abord et avant tout, représenter le quotidien d'une communauté, d'un milieu. Il est certain que les valeurs esthétiques et artistiques sont aussi importantes et nous permettent d'apprécier une oeuvre plus qu'une autre. Pour nous, l'aspect ethnologique d'un objet est primordial et essentiel puisqu'il permet de faire comprendre les différents phénomènes religieux, et c'est en ce sens que nous tentons de positionner le musée.
Les choix peuvent être assez souvent difficiles à effectuer, et l'idée de faire entrer les objets dans une grille d'analyse enlève aussi toute notion de subjectivité. Certes, il est parfois préférable de laisser les sentiments de côté, mais, dans le cas d'objets religieux, c'est souvent l'émotivité qui donne de la valeur aux objets. Les églises de Lavaltrie ou de Saint-Casimir de Portneuf ont autant de valeur aux yeux de leurs paroissiens que la cathédrale Marie-Reine-du-Monde ou la basilique Notre-Dame à Montréal. Et pourtant tous s'accorderaient à dire que ces deux dernières sont beaucoup plus importantes que les deux précédentes. Alors, comment choisir et quoi conserver?
Il demeure essentiel que les objets répondent à des critères qui sont les mêmes pour tous. Ces critères doivent aussi comprendre l'émotivité d'une communauté envers un site, un objet. Qu'il soit d'importance nationale, régionale ou locale, ethnologique ou artistique, historique ou émotive, le choix du patrimoine à conserver doit se faire selon des critères stricts qui tiennent compte de tous ces facteurs et éléments.
Des groupes de travail, tels que Fondation patrimoine religieux, Mission patrimoine religieux, ou encore les différents responsables des musées liés à la conservation du patrimoine religieux doivent être en mesure de juger de la qualité et de la représentativité des objets à conserver. Ces institutions doivent être consultées afin de guider les choix du patrimoine à conserver. Il est à notre avis important que le gouvernement adopte une politique du patrimoine religieux qui permettra de se doter des moyens nécessaires afin de rendre applicables et significatifs les efforts faits en ce sens depuis plusieurs années.
Il est aussi important de se demander comment conserver ce patrimoine et surtout qui le conservera. Il est impossible, selon nous, de confier la responsabilité du patrimoine à une seule institution ou organisme. Il existe déjà une panoplie d'organismes qui ont à coeur la sauvegarde du patrimoine. Certaines paroisses savent et peuvent très bien prendre en charge leur patrimoine local, qui, intégré dans son milieu d'origine, est toujours beaucoup plus significatif que transposé dans un musée.
Il est certain que ces paroisses ont souvent besoin d'appui logistique afin de rendre adéquate la prise en charge de ce patrimoine. C'est pour cette raison que les institutions muséales déjà impliquées peuvent et doivent jouer un rôle significatif dans cet appui logistique. Dans certains cas, les objets artistiques ou ethnographiques seront confiés aux institutions muséales afin de prendre les relais des paroisses ou des institutions religieuses qui ne peuvent assumer la lourde responsabilité de la sauvegarde de leurs patrimoines.
Toutes ces théories ne sont toutefois rien sans un appui financier significatif qui permettra l'acquisition et la mise en place réelle d'outils pour une prise en charge de ce patrimoine.
Comment conserver le patrimoine? En cette période de questionnement, les préoccupations des différents milieux sont principalement tournées vers le patrimoine religieux matériel. Il est important pour nous de sonner ici l'alarme à l'égard du patrimoine immatériel. Celui-ci devra devenir une préoccupation tout aussi importante au cours des prochaines années.
Les communautés religieuses québécoises connaissent un déclin dramatique, et il est primordial de préserver les savoir-faire acquis depuis les temps immémoriaux. La relève étant à toute fin pratique presque inexistante, il faut aussi être en mesure de préserver ce patrimoine. En effet, comment réellement comprendre un système si nous ne pouvons y juxtaposer la mémoire même de ce système?
Le Musée des religions procédera au cours des prochains mois à des enregistrements témoins provenant de différentes personnes au sein des communautés religieuses situées à Nicolet. Ces entrevues pourront par la suite faire partie d'un concept d'exposition et faire découvrir la richesse du patrimoine immatériel nicoletain. Cette expertise pourra par la suite, on l'espère, être développée et mise à profit pour l'ensemble du Québec. Des partenariats pourront être développés avec, entre autres, le CELAT de l'Université Laval. Rappelons également que Mission Patrimoine religieux veut réaliser un projet pilote en ce sens.
Selon nous, la meilleure sauvegarde du patrimoine passe encore par la transmission des savoir-faire. Si nous perdons les savoir-faire traditionnels, nous perdons beaucoup plus que notre patrimoine, nous perdons aussi une partie de notre identité culturelle.
Qui doit conserver ce patrimoine? À notre avis, plusieurs institutions peuvent et doivent conserver le patrimoine religieux. Il faut par contre toujours avoir à l'esprit de garder signifiante la représentation de l'objet. Comme certains de mes collègues l'ont dit avant moi lors de cette commission, il est toujours préférable de laisser l'objet dans son milieu d'origine, là où il a le plus de signification, là où il est le plus représentatif. Malheureusement, nous savons qu'il est difficile, voire même impossible, pour une communauté laïque ou ecclésiastique de prendre en charge ce patrimoine religieux, souvent par manque de ressources, de connaissances techniques, par manque de soutien professionnel ou tout simplement par manque d'argent.
C'est alors que les musées jouent un rôle primordial dans la sauvegarde et l'interprétation du patrimoine. Les champs d'expertise des musées sont vastes et diversifiés. Il est pourtant important de connaître et de reconnaître les champs d'action spécifiques de chacun d'eux. Plusieurs institutions muséales québécoises se spécialisent dans la reconnaissance de l'art religieux par la sauvegarde d'un patrimoine artistique jugé plus important. Nous retrouvons ces collections majoritairement au Musée des beaux-arts de Montréal et au Musée national des beaux-arts du Québec.
Il est aussi nécessaire de reconnaître des institutions telles que le Musée des religions ou les musées des différentes communautés religieuses, qui se concentrent aussi sur l'aspect ethnologique car il fait avancer les connaissances et interprète l'histoire religieuse dans notre société. Présentement, le Musée des religions est la seule institution en Amérique à traiter et à discourir de façon ethnologique des cinq grandes religions.
La véritable sauvegarde du patrimoine religieux québécois ne pourra se faire sans une volonté ferme du gouvernement du Québec. Et nous osons espérer qu'il déposera dans un avenir prochain une politique du patrimoine religieux qui donnera sans doute force d'agir dans cette sauvegarde. Seulement dans ce cas nous pourrons envisager différentes pistes d'action. Nous pensons, entre autres, à la continuation de l'inventaire, l'informatisation et la numérisation de l'ensemble du patrimoine immobilier et à un véritable inventaire du patrimoine immatériel.
Actuellement, nous reconnaissons l'importance du patrimoine religieux, mais le connaissons-nous exactement? Une politique du patrimoine religieux nous permettrait d'avoir les moyens de nos idéaux. Elle permettrait de reconnaître l'ensemble des intervenants qui oeuvrent déjà dans le milieu. De ce fait, nous osons espérer une plus grande reconnaissance du Musée des religions, qui, rappelons-le, travaille non seulement à la véritable sauvegarde du patrimoine ethnologique depuis 20 ans, mais également à l'éducation, à la sensibilisation face à ce patrimoine et à la visibilité des objets, des collections et des collectivités.
Ce défi de reconnaissance du patrimoine religieux est de taille. Votre travail sera très lourd et ardu. Les inventaires mobiliers, immobiliers et les savoir-faire doivent se poursuivre, car ainsi nous pourrons vraiment saisir l'ampleur de ce patrimoine et tous les défis qu'il pose. Une concertation du milieu s'impose afin de se doter des vrais outils nécessaires pour une meilleure utilisation et interprétation de ce patrimoine religieux québécois.
Je dois être le premier qui finit en bas de ses 20 minutes. Merci.
Le Président (M. Brodeur): On a un cinq minutes de...
Une voix: ...
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(9 h 30)
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Le Président (M. Brodeur): ...comme dit ma collègue, de lousse. Au Journal des débats, ils écriront «lousse» comme ils voudront.
Merci de votre présentation, fort intéressante d'ailleurs, qui porte sur le patrimoine mobilier et immatériel. C'est fort apprécié des membres de la commission, puisque ces mémoires-là qui portent sur ce type de patrimoine là sont moins fréquents, donc intéressent particulièrement aussi les gens de la commission.
Il y a plusieurs questions qui sont soulevées. Je vais débuter par une question assez simple. Parce que vous parlez beaucoup de patrimoine mobilier et également immatériel; vous parlez également d'inventaire. Nous avons eu un mémoire, je crois, à Montréal, qui nous parlait particulièrement d'inventaire de patrimoine mobilier. J'aimerais vous entendre sur la façon de procéder que nous devrions suggérer pour procéder à cet inventaire-là, un inventaire assez énorme d'ailleurs, le patrimoine mobilier, mais surtout vous entendre sur comment devrions-nous situer, comment devrions-nous représenter, dans notre inventaire, le patrimoine immatériel. Ce qui n'est pas chose facile. J'imagine que ça va nous prendre un grand nombre de spécialistes pour identifier ce patrimoine matériel là, qu'il soit à Trois-Rivières, à Saguenay, à Rimouski ou Montréal. Ce n'est peut-être pas le même patrimoine, exactement le même patrimoine.
Et, dans un deuxième temps, vous avez soulevé ma curiosité en parlant de bouddhistes, hindouistes, etc. Est-ce qu'il y a... Quelle est l'ampleur des autres religions? On a toujours entendu parler de catholiques, de protestants, d'anglicans, mais, vous, vous soulevez pour la première fois les autres types de religions, qui sont peut-être moins fréquentes au Québec. Donc, ça soulève une curiosité. Y a-t-il un patrimoine important qui vient des autres religions, hors des grandes religions que nous avons connues avant? Donc, j'aimerais vous entendre sur l'inventaire et quelque peu, juste par curiosité, là, sur les autres religions, là, qui sont moins répandues au Québec.
M. Royal (Jean-François): Bien, pour tenter de répondre à la première question, le Musée des religions a effectivement mis sur pied un projet qui a permis l'inventaire du patrimoine matériel d'au-delà de 20 000 objets témoins présents dans les différentes communautés religieuses. Ce genre de projets sont faciles à effectuer, et l'expertise est déjà dans le milieu, est déjà en place, les différents musées possèdent soit des équipes ou des contractuels qui peuvent, à la grandeur du Québec, procéder à ces différents inventaires du patrimoine matériel et établir ainsi une liste de connaissances plus générale de ce que le Québec possède, pour faire référence à la fameuse liste de Morisset où on peut faire des liens entre les deux et savoir exactement les églises contiennent quoi, les fabriques contiennent quoi. Il y a déjà une expertise sur le terrain mais qui n'a pas de mandat clair ou précis ou qui n'a pas les moyens d'aller effectuer ce travail-là. Effectivement, ce sera un travail de très longue haleine et un délai excessivement long et lent. On ne dit pas que c'est un inventaire qui va se réaliser en dedans de deux mois ou trois mois, je pense que ça peut prendre plusieurs années à se réaliser, mais c'est une étape importante pour bien connaître le patrimoine qu'on a à gérer.
Le Président (M. Brodeur): Avez-vous un processus à suggérer concernant la mise sur pied d'un inventaire comme ça? De quelle façon devrons-nous procéder? Est-ce que ce sera des membres du clergé accompagnés de gens en fait laïques?
M. Royal (Jean-François): Oui, bien, probablement qu'il y aura, qu'il pourra y avoir, dans tous les différents comtés, des équipes qui peuvent être composées des professionnels du monde des musées, des gens de la communauté laïque et des gens de la communauté religieuse qui peuvent procéder, reconnaître ce matériel-là, ce matériel religieux. Beaucoup d'objets, les mémoires sont encore dans les villes, dans les villages, les gens savent où est rendue telle cloche, telle statue parce qu'elle est chez un tel, elle est dans telle grange, chez un qui l'a achetée pour donner, et tout ça. Il y a encore du patrimoine, là, qui est distribué à gauche et à droite, mais on sait encore parce que la mémoire est encore vivante, et il faut profiter de ce temps-là pour bien identifier, repérer justement ce patrimoine-là qui est dispersé un peu à gauche et à droite.
Le Président (M. Brodeur): Vous proposez un inventaire systématique de tous les lieux de culte, de tous les couvents, presbytères, etc.
M. Royal (Jean-François): Oui. Oui, il faudrait que chaque presbytère, chaque couvent ait un inventaire systématique de ce qui est considéré comme étant du patrimoine. Inévitablement, des professionnels devront se pencher pour déterminer où il devra y avoir des lignes directrices. Avant de procéder à cet inventaire-là et de se lancer tête perdue, on devra établir des critères qui vont nous permettre de déterminer qu'est-ce qui fait partie du patrimoine et qu'est-ce qui ne fait pas partie du patrimoine religieux du Québec.
Concernant le patrimoine immatériel, c'est un peu sur le même principe, c'est de reconnaître au sein de chaque communauté, au sein de chaque diocèse, les savoir-faire traditionnels qui sont en place, afin d'interroger ces personnes-là, de les interviewer sous des principes qui ont déjà été testés et reconnus, des principes d'entrevue. Mais il y a une urgence à enregistrer et à filmer ces gens-là pour ne pas perdre les savoir-faire traditionnels, qui sont présentement en train de s'effacer tranquillement de la mémoire collective au Québec. Les objets sont le témoin du patrimoine que l'on possède, mais ces gens-là savent encore comment faire fonctionner ces objets-là, comment s'en servir, la signification, la symbolique qu'ils représentent. Donc, inévitablement, ces savoir-faire-là doivent être préservés à ce niveau-là.
Pour tenter de répondre à votre deuxième question, de plus en plus, le patrimoine des autres religions, des quatre autres grandes religions, de plus en plus, il est important au Québec et il se développe. J'ai lu, dans les différentes présentations, que certains suggéraient de transformer des églises en minarets, pour l'islam. Je ne vous dis pas que ce n'est pas une bonne idée, mais probablement qu'on va voir ça apparaître assez prochainement dans le paysage québécois. Ce patrimoine-là est très présent et de plus en plus nombreux. À la différence du patrimoine catholique, il sert beaucoup plus et il est utilisé parce que les communautés pratiquantes des autres religions sont beaucoup plus actives au Québec que la communauté catholique.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: M. Royal, merci d'être là ce matin. C'est très intéressant. Un petit commentaire d'entrée de jeu pour vous dire qu'il n'y a pas que le Musée des religions qui est populaire et assez célèbre à Nicolet, vous avez un auteur, que j'aime beaucoup, qui est un de vos résidents, Louis Caron, et qui, je pense... En fait, vous vous êtes inspirés d'un de ses personnages pour faire une sculpture à l'extérieur ? est-il exact? ? au Musée des religions.
M. Royal (Jean-François): En fait, c'est un projet d'un particulier. Nous, on a cédé le terrain pour un parc de sculptures, qui s'appelle le Parc littéraire de L'Arbre des mots.
Mme Vien: Ah! c'est ça. Je pense que c'est Hyacinthe qui est là pour ça.
M. Royal (Jean-François): Oui, c'est ça. Tout à fait.
Mme Vien: Ah! c'est ça. Bonne mémoire. M. Royal, je suis l'adjointe à la ministre de la Culture et des Communications et je m'intéresse particulièrement ce matin, dans votre exposé qui est fort à propos, qui est très intéressant, mais à cette politique du patrimoine religieux dont vous nous avez parlé. Moi, j'aimerais en savoir davantage, c'est-à-dire: Qu'est-ce qu'on devrait retrouver dans cette politique-là? Quels sont les changements qu'elle devrait apporter par rapport à d'autres lois qui existent actuellement ? je ne sais pas si votre réflexion est allée jusque-là ? et en quoi cette politique du patrimoine religieux va venir améliorer les choses, d'après vous?
M. Royal (Jean-François): Bon. Une politique du patrimoine religieux devrait permettre de reconnaître les intervenants qui sont déjà en place et qui oeuvrent depuis plusieurs années à la sauvegarde du patrimoine religieux. Présentement, on n'a pas les moyens humains et financiers pour reconnaître et travailler adéquatement. Inévitablement, c'est facile de dire qu'il faut que le gouvernement investisse tant de millions de dollars pour la sauvegarde du patrimoine, puis on s'en lave les mains. Je pense qu'il faut être plus inventif puis il faut tenter de trouver des solutions plus inventives. Mais, le patrimoine religieux, auprès du public, n'a pas la cote présentement. Le Musée des religions en subit un peu les conséquences dans la mesure où les visiteurs ont de la difficulté à entrer au musée, parce que la thématique religieuse n'a pas la cote. On subit encore les affres des années soixante, où les gens veulent mettre de côté cet aspect-là de leur histoire. Une reconnaissance officielle d'un patrimoine religieux, par le gouvernement, d'un travail de fond qui doit se faire va probablement permettre de réhabiliter cette mémoire-là auprès de la population.
Mme Vien: Et c'est ce qu'on retrouverait dans la politique?
M. Royal (Jean-François): Oui, on devrait retrouver certains de ces éléments dans la politique. On devrait retrouver dans la politique des guides pour nous donner les moyens de travailler et de reconnaître le patrimoine. On s'entend qu'il ne faut pas tout conserver, au Québec, c'est illogique et impensable, et d'ailleurs il y a des lieux de culte qui servent encore et qui fonctionnent très bien. Mais il faut connaître, identifier, répertorier et localiser le patrimoine important pour éviter qu'il se disperse, pour éviter qu'il s'en aille dans une autre province ou carrément aux États-Unis. Donc, selon nous, une politique du patrimoine religieux va nous permettre de nous donner des outils pour légitimer notre travail. C'est essentiellement ça.
Mme Vien: Une fois qu'on a dit ça, qui paie la facture, M. Royal?
M. Royal (Jean-François): Ah! là, bonne question. Probablement qu'il faudra inventer un PPP quelconque ou trouver une façon...
Mme Vien: Une fiducie, comme parlait notre collègue de Mercier en remarques préliminaires, est-ce que c'est quelque chose que...
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(9 h 40)
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M. Royal (Jean-François): Ma réflexion n'a pas été aussi loin. Ça peut être quelque chose qui est intéressant. Je ne suis pas contre l'idée d'une fiducie. Mon problème moral n'est pas par rapport à la fiducie mais par rapport à déterminer qu'est-ce qui va être... quel bien matériel peut être vendu pour financer cette fiducie-là. Comme je vous mentionnais dans mon mémoire, l'aspect émotif, au niveau des religions, est excessivement important, et les gens n'ont plus leur raison lorsqu'ils doivent décider de se départir d'un bien religieux, même si, au Québec, la pratique religieuse est en baisse. Je prenais pour exemple que, si, à Nicolet... À Nicolet, on a une cathédrale, et, si on avait la vieille ou la première église de Nicolet et qu'on devait obligatoirement se départir d'une des deux églises, parce que, faute de fidèles et de croyants, il y a une église de trop, le débat serait déchirant. Les gens n'arriveraient pas à prendre une décision, parce que les deux sont aussi importantes et aussi symboliques à leurs yeux, même s'ils ne vont pas à l'église.
Mme Vien: On n'en sort pas alors, ça c'est...
M. Royal (Jean-François): Je ne suis pas prêt à dire qu'on ne s'en sort pas, mais je pense qu'on peut se donner des moyens pour y arriver et des moyens pour sensibiliser la population à l'importance de leur patrimoine religieux et leur faire prendre conscience que c'est une partie non seulement de leur histoire, mais une partie de leur mémoire et de leur identité culturelle.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire, merci pour votre présentation orale qui le complète, et je pense qu'on doit souligner l'intérêt que vous avez pour la diversité religieuse. On en a parlé, puis là il y a un exemple concret d'une institution qui s'occupe, s'intéresse, se préoccupe de la diversité religieuse. D'après les données que vous nous présentez, donc il y a 13 000 objets dans votre musée qui concernent les autres traditions religieuses ? si c'est 90 % des 130 000 objets qui sont liés à la tradition chrétienne, c'est donc dire que, pour les quatre autres grandes religions, il y a 13 000 objets, ce qui est très significatif ? et on devrait aller les voir, les membres de la commission, pour apprécier cette diversité, dans une région d'ailleurs où je constate qu'il y a 114 lieux de culte, dont 110 sont catholiques, trois anglicans et un baptiste évangélique. Alors, il n'y a ni synagogue, ni mosquée, ni temple, mais vous avez quand même le souci de présenter la diversité religieuse qui est présente au Québec, et c'est tout à votre honneur.
Alors, moi, j'ai trois remarques, questions à vous poser. La première: vous avez écrit et vous venez de répéter qu'il ne faut pas tout conserver, il ne faut pas vouloir tout conserver. Vous avez dit, dans la réponse à la dernière question: On s'entend pour ne pas tout conserver. Il y a un débat là-dessus, hein? Parce qu'au grand colloque, il y a quelques semaines, à Montréal, je pense, c'était le représentant de la Commission de la capitale nationale qui disait: Ce n'est pas comme ça qu'on devrait raisonner. En fait... ou, comme certains suggèrent, bon, en mettant même des proportions 60-40: On devrait conserver 40 %, puis il faut s'attendre à ne pas conserver 60 %. On les a, c'est dans des mémoires, c'est dans des présentations devant cette commission. Et la personne de la Commission de la capitale nationale disait: Bien, c'est plutôt «il faut vouloir tout conserver». Ça devrait être ça, l'objectif. Mais peut-être qu'on ne pourra pas, mais la barre devrait être là: tout conserver, parce que probablement tout mérite d'être conservé. Si ce n'est pas vrai, bon, bien, il faut trouver les critères. Et là-dessus, j'aimerais avoir vos vues, là, pour orienter cette commission sur cette question fondamentale: Est-ce qu'on part... qu'on doit tout conserver ou au contraire qu'on ne doit pas tout conserver?
Et ma deuxième question porte sur: Est-ce que l'aspect ethnologique, versus l'aspect patrimonial ? parce que vous avez évoqué l'importance de l'aspect ethnologique ? est-ce que c'est le critère qui devrait nous guider dans la conservation? Et est-ce que c'est un critère qui est valable autant pour le patrimoine immobilier et mobilier ou est-ce qu'il est valable surtout pour le patrimoine immatériel? Alors, ça, c'est ma deuxième question.
Ma troisième, c'est la politique du patrimoine. Et on va devoir se poser la question... Alors, moi, je n'ai pas une très grande expérience gouvernementale, mais je ne sais pas si c'est une commission qui doit formuler une politique ou est-ce que c'est une commission qui doit recommander au gouvernement d'en formuler une et d'inclure certains éléments. Ou peut-être qu'on devrait faire le travail pour le gouvernement pour que ça se fasse vite, parce que, s'il faut, en plus du travail de cette commission, que le gouvernement, tu sais, recommence à peu près à zéro pour formuler une politique, on n'en n'aura pas, de politique, avant la fin du présent mandat du gouvernement, alors qu'on nous dit que ça urge. Alors, s'il y a une politique, moi, je voudrais savoir plus précisément quel rôle qu'ont les musées dans cette politique. Et vous avez évoqué, dans le mémoire, que vous voudriez au moins qu'ils soient consultés dans la mise en oeuvre de la politique. Mais est-ce que c'est plus que ça? Qu'est-ce que vous voudriez, par exemple, qu'on dise, nous, au gouvernement de mettre dans sa politique du patrimoine religieux s'agissant du rôle des musées dans sa préservation et sa mise en valeur?
M. Royal (Jean-François): Je vais commencer par répondre à cette question-là, si vous me permettez, je vais répondre à votre troisième. Moi non plus, je n'ai pas une très grande expérience des rouages gouvernementaux. Je ne sais pas si la commission doit élaborer ou écrire une politique. Moi, à mon humble avis, je pense que le rôle de la commission est de soumettre des recommandations en vue d'écrire une politique gouvernementale, j'imagine. Peut-être que je me trompe à ce sujet-là.
Ce que je veux dire au niveau du rôle des musées, ou du moins ce que je veux dire à la commission aujourd'hui, c'est que les rouages concernant l'identification et la connaissance du patrimoine religieux sont déjà en place, sont déjà présents. Il est inutile selon nous de recréer un organisme tel que Fondation patrimoine religieux pour créer un rouage supplémentaire dans l'échiquier du patrimoine. Les gens, les spécialistes, les gens qui connaissent le patrimoine sont déjà là, sont déjà en place mais n'ont pas les moyens financiers, oui, et de un, mais n'ont pas les outils politiques pour adéquatement appliquer une sauvegarde du patrimoine.
Les musées, selon moi, ne doivent pas seulement qu'être consultés, mais doivent être une partie prenante de cette sauvegarde du patrimoine et de cette consultation. Je lisais les mémoires du Musée des beaux-arts de Montréal. Je sais que John Porter, au Musée national des beaux-arts du Québec, pense la même chose. Les objets religieux sont toujours plus significatifs dans leur communauté, dans leur église. Donc, il n'est pas nécessaire ou utile de transposer tous les Ozias Leduc que les églises possèdent dans un musée. De les laisser en place, c'est plus adéquat. Mais il faut permettre aux localités d'avoir accès aux spécialistes pour bien connaître, identifier, préserver les trésors qu'ils possèdent. C'est en ce sens-là à mon avis que les musées doivent être consultés, dans cette politique du patrimoine religieux. Ils doivent être plus que consultés, ils doivent même être impliqués.
Il existe des procédures de dépôt dans les collections des musées, chez nous comme au Musée des beaux-arts de Montréal, comme dans tous les musées, il existe des procédures de dépôt pour les communautés laïques qui n'arrivent pas à prendre soin, disons, de leurs bien patrimoniaux. Nous, dans nos collections, on a des communautés qui ont déposé des objets. Donc, nous, on en prend soin, on les inventorie, on les documente, on s'en sert pour nos expositions, on peut les prêter à d'autres musées. Ils servent à la recherche et à la connaissance, et, si la communauté en a besoin pour une procession, on les ressort et on les prête. C'est un dépôt. C'est une entente. Et c'est à ce niveau-là que les musées doivent être consultés.
Pour répondre à votre première question, je ne sais pas si c'est une opinion partagée par l'ensemble de la communauté. À mon avis, il est impensable de tout conserver le patrimoine religieux québécois. Si on s'embarque dans cette ligne directrice ou du moins si c'est ce que la commission veut ou met de l'avant, il faut, à ce moment-là, inévitablement mettre les moyens financiers, et des moyens financiers monstrueux.
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(9 h 50)
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Mais ce n'est pas juste ça. Ce n'est pas tout qui est digne d'intérêt. Il y a des objets qui sont significatifs, il y a des objets qui le sont moins, et, à ce moment-là, rentre en ligne de compte une complexe analyse des valeurs patrimoniale, artistique, ethnologique, historique. On ne peut pas seulement que se baser sur un aspect pour déterminer de la valeur d'un objet. Certains, c'est plus facile, mais un objet... Une toile de Plamondon va sauter aux yeux tout de suite, mais des fois même une toile de Plamondon va être une toile qui a été effectuée dans sa mauvaise période, elle n'est pas d'une bonne qualité, et il en a produit d'autres meilleures, et on possède d'autres exemples de cet artiste dans soit d'autres communautés ou dans d'autres musées. Donc, cette toile-là ne sera pas considérée pour être conservée, parce qu'on possède déjà des exemples plus significatifs. Je pense que c'est le mot d'ordre qu'il faut se donner: garder ce qui est significatif, signifiant pour la tradition religieuse. Je pense que j'ai...
M. Turp: Oui, oui, sur l'aspect ethnologique versus patrimonial, votre réponse, c'est: ça compte autant... tout compte.
M. Royal (Jean-François): Ah! tout compte, autant l'un que l'autre.
M. Turp: Mais pas plus ce qui est ethnologique, ça compte... Est-ce que c'est un critère plus déterminant, par exemple, pour le patrimoine immatériel?
M. Royal (Jean-François): Pour le patrimoine immatériel, pour le patrimoine immatériel, c'est certain selon nous que c'est beaucoup plus déterminant, parce que là on a à faire avec des êtres humains, on a donc affaire à des gens qui ont des savoir-faire. Le rôle de la soeur économe, le rôle de la supérieure d'une communauté sont des choses qui se transmettent, ce sont des postes administratifs. Mais, les soeurs qui effectuaient les broderies sur les parements ou les soeurs qui avaient tel rôle ou ? là on parle de soeurs, mais ça peut être le religieux; qui avaient tel ou ? tel rôle au sein de la communauté, ce sont des savoir-faire qui se perdent parce qu'il n'y a plus de relève. Parce que c'est un savoir-faire qui était une tradition orale, qui se transmettait de façon orale, et il n'y a plus de relève. Donc, à qui transmettre ce savoir-faire-là?
Et les communautés religieuses au Québec ont eu une influence et un rôle social déterminants et importants. Même si des études historiques le démontrent de plus en plus, il y a une tradition orale qui est en train de se perdre sur les pratiques et les savoir-faire. Donc, inévitablement, dans le cas du patrimoine immatériel, la notion ethnologique est beaucoup plus importante et primordiale que les autres notions. Mais, dans le cas du patrimoine mobilier ou immobilier, toutes les notions selon nous rentrent en ligne de compte.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Merci, M. Royal, de votre présentation, de votre mémoire. Moi, je suis députée du comté de Maskinongé et j'assiste présentement à une mobilisation des citoyens pour la sauvegarde de leur église, la sauvegarde de leur presbytère. Il y a des débats déchirants dans certaines municipalités, à Sainte-Ursule entre autres, où une partie des citoyens veulent vendre le presbytère, l'autre partie veut le garder. Et on voit aussi, je dirais, la conversion de certains presbytères, entre autres à Saint-Léon-le-Grand, une paroisse très dynamique, et je pense qu'il y a un patrimoine religieux qui est fort important dans cette municipalité-là, comme ailleurs, là. Je me dis: Comment on va arriver à conserver, ce que vous dites, là, à départager ce qui est important de ce qui l'est moins? Dans cette politique-là, là, qui, qui seront les principaux décideurs? Comment ça va se faire pour éviter, là, les débats qui actuellement, là, sur le terrain, là... déjà, ça existe?
M. Royal (Jean-François): Malheureusement, je pense que ces débats-là vont toujours être présents, ils vont toujours exister. Je n'ai pas la solution miracle et je ne pense pas non plus que les gens qui témoignent devant vous vous demandent d'avoir la solution miracle. Du moins, il faut être réaliste. Je pense que, dans des solutions ou dans des problèmes comme ça, ce qu'il faut toujours garder en tête, dans le cas d'un patrimoine mobilier ou d'un édifice, l'important, c'est de conserver non pas toujours la fonction première, mais de conserver l'histoire, conserver le bâtiment, et, s'il y a une conversion qui est réalisée et qui est une conversion souhaitable et réussie, tant mieux!
Je pense que ce qu'il faut éviter et ce qu'il faut que la politique peut-être donne, c'est des moyens pour éviter des conversions dramatiques, ou des pertes de sens, ou des pertes de signification pour un bâtiment. On procède, nous, à titre consultatif, dans Lanaudière, avec des églises où on donne de notre expertise à, entre autres, des gens qui veulent non pas transformer l'église en salle de spectacle totale, parce qu'il y a encore des célébrations qui s'y font, mais de permettre d'avoir un petit sentier d'interprétation à l'intérieur de l'église pour expliquer, bien, avec des vieilles photos, avec des objets, comment la pratique religieuse, dans cette communauté-là ou dans cette paroisse-là, se pratiquait il y a 10, 15, 20 ou 30 ans, pour sensibiliser les gens, pour permettre un peu de tourisme local, et tout.
Je pense qu'il y a plusieurs solutions applicables, il n'y en a pas seulement qu'une. Mais ces débats-là vont toujours être présents et vont toujours être déchirants parce qu'il y a des gens qui continuent à croire que les fonctions premières du bâtiment peuvent servir ou des objets peuvent servir, et il y en d'autres pour qui c'est l'aspect financier qui compte uniquement, et on se débarrasse de l'église, on fait des condos, ça amène des taxes de plus, merci, bonjour.
Donc, je pense qu'une politique du patrimoine religieux en... Quand je parle de se doter d'outils légaux, c'est d'aider justement les intervenants qui sont déjà dans le milieu pour éviter des transformations catastrophiques, pour éviter des choses qui se font trop rapidement, sans prendre le temps de penser, de voir les tenants et aboutissants de chacune des propositions.
Mme Gaudet: Si vous permettez, en complément. Au niveau de la mémoire immatérielle, je suis d'accord avec vous, c'est considérable, mais ça m'apparaît gigantesque comme procédure ou comme façon de faire, là. Comment entendez-vous récupérer toute cette mémoire?
M. Royal (Jean-François): Inévitablement, comme pour le patrimoine mobilier, on se réveille toujours trop tard, malheureusement. On arrive à des constats où on se rend compte que certaines oeuvres d'art importantes pour l'histoire du Québec, ou pour l'histoire de l'art au Québec, sont disparues, sont perdues, il y a eu un incendie. On aurait dû les documenter: il y avait tel ou tel calice important, ou telle ou telle toile, ou telle sculpture. Il y a un incendie, un vol, une vente. Bon. Je pense qu'au fil des erreurs qu'on commet on se dote d'outils et de moyens.
L'épisode de la paroisse Sainte... pas Sainte-Famille, mais la... J'ai un blanc de mémoire, excusez, là.
Une voix: ...
M. Royal (Jean-François): L'Ange-Gardien, merci. L'épisode de L'Ange-Gardien a permis justement de revenir sur une erreur qui avait été commise, tout simplement. Et là on se rend compte, peut-être trop tard, peut-être pas, mais on se rend compte que le patrimoine immatériel est important, et il faut pouvoir le préserver et le sauvegarder. On est tout à fait conscient qu'on ne pourra pas tout enregistrer, tout voir, tout savoir. On va probablement se réveiller dans 10 ans, ou 15 ans, ou 20 ans en se disant: On a oublié d'interroger un bedeau qui sonne les cloches. On ne se souvient plus ou on ne voit plus. Ça va inévitablement arriver, mais je pense qu'il faut réagir avant qu'il soit trop tard, et il faut qu'il y ait des initiatives comme celle de Mission Patrimoine religieux, du Musée des religions, qui se mettent en place tranquillement et conscientiser progressivement. Le patrimoine religieux au Québec est un problème global et général au niveau de sa sauvegarde, et on agit, là, présentement en réaction et non pas en action. Il faut tenter d'agir avant.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Vous me permettrez d'abord de vous saluer, saluer mes collègues et surtout de m'excuser, j'ai arrivé à 9 h 10, pensant être en avance pour vous saluer correctement, et j'ai compris que ça débutait à 9 heures ? sûrement parce que son président est un lève-tôt.
Une voix: ...est ponctuel.
M. Gabias: Bonjour à tout le monde. Alors, M. Royal, merci de votre présentation. Je vous ai entendu évidemment et bien compris lorsque vous dites: Vouloir tout conserver, c'est peut-être se condamner à tout perdre. Et vous parlez beaucoup d'une éventuelle politique.
Évidemment, tout le monde est pour la vertu, et je vois des gens dans la salle qui ont vécu des situations, entre autres dans une paroisse, ici, où, dès qu'il a été question de transformer une église qui, au dire de bien des gens, n'avait pas beaucoup de valeur patrimoniale, il y a eu une réaction très vive. Il n'y a pas beaucoup de gens dans les églises, mais le clocher, l'ombre qu'il porte dans une communauté est important, il faut croire. Donc, cette vertu-là que tout le monde veut bien, quand c'est le temps de la pratiquer, c'est plus difficile. Est-ce que vous pensez que peut-être le début de la solution serait de modifier la Loi sur les biens culturels et de la rendre peut-être plus... qu'elle puisse intervenir davantage? Dans un contexte aussi où on pourrait peut-être dissocier la pratique religieuse et la confession religieuse de ce que ces pratiques-là et que ces confessions-là ont laissé comme héritage culturel, est-ce qu'on doit commencer par... Ma question, c'est: Est-ce qu'on doit commencer par la loi et peut-être, entre guillemets, imposer davantage? Parce qu'on peut parler longtemps de la vertu, mais, quand c'est le temps de la pratiquer, c'est plus difficile.
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(10 heures)
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M. Royal (Jean-François): Non, ça, là-dessus, je suis d'accord avec vous. Peut-être. Je vous dirais humblement que ma réflexion, non plus, ne s'est pas arrêtée à cet aspect-là, mais probablement que de rendre la loi de la protection plus agressive, concernant le domaine du patrimoine religieux, pourrait être un début d'une piste de solution. Encore faut-il avoir à l'esprit que selon moi tout n'est pas valable, tout n'est pas nécessairement patrimoine ou bien national. Au Musée des religions, on va probablement mettre autant d'importance ? pour vous donner un exemple; mettre autant d'importance ? à la crécelle ou à la chaise de lectrice qu'à un bas-relief de Louis-Philippe Hébert. On va mettre autant d'importance à ces deux objets-là parce que, pour nous, l'objet ethnologique dans... Nous, la mission du musée, c'est de tenter d'expliquer le phénomène religieux, de tenter d'expliquer le quotidien. Mais est-ce qu'il faudrait que la loi reconnaisse toutes les crécelles de toutes les communautés religieuses? Probablement pas. Et même probablement même jamais. Mais, à ce moment-là, oui, ça peut-être un début, une amorce. Mais, encore là, il faudrait faire attention selon nous à la force que pourrait avoir cette loi plus agressive, parce que tout n'est pas d'intérêt à être conservé ou à rester ici, au Québec.
M. Gabias: Vous me permettrez, M. le Président...
Le Président (M. Brodeur): Pour une courte, courte question, M. le député.
M. Gabias: Oui. Comme le disait ma collègue tout à l'heure, dès qu'il est question d'une transformation, il y a des levées immédiates, et je ferai une comparaison qui n'est peut-être pas la meilleure, mais en tous cas on connaît un débat qui a sévi longtemps au Québec entre les fumeurs et les non-fumeurs, et, moi, pour ma part, être dans un restaurant, il y a des propriétaires qui me disaient: S'il vous plaît, adoptez une loi, nous, on ne veut pas intervenir, on ne veut pas être ceux qui allons dire à nos clients: Plus le droit de fumer dans le restaurant. Est-ce que ce n'est pas un peu la même chose, dans le sens: Est-ce qu'il ne faudrait pas avoir une loi qui va établir les balises, bien qu'elles ne couvrent pas tout, parce qu'on ne peut pas tout garder, et que finalement ça va être la faute du gouvernement, quand ça va être le temps de décider, parce qu'il y aura une loi qui va dire: Ça, oui, on peut le conserver, et ça, on ne peut pas le conserver? Est-ce qu'on doit aller vers ça plutôt que de continuer à se dire: Ça nous prend une politique, et il faudrait... puis il faudrait tout garder?
M. Royal (Jean-François): Mon Dieu! je ne crois pas. Je ne crois pas qu'il faudrait être aussi drastique, ou peut-être faudra-t-il en venir un jour à l'être, mais pour l'instant je ne crois pas qu'il faudrait être aussi drastique. Je pense que le travail que la commission fait présentement, les publications qui sortent présentement sur le marché du livre, je pense que doit émaner de tout ça un débat de société. Oui, il existe des débats déchirants dans des communautés quand il vient le temps de convertir ou de vendre une église, mais inévitablement le rôle d'une sensibilisation au patrimoine religieux va probablement faire que, si on s'adresse à la moitié qui ne veut pas que l'église soit transformée, mais, écoutez, aidez-nous à trouver des solutions parce que financièrement ça ne fonctionne pas: on a des comptes à payer, on a des taxes à payer et on ne peut pas poursuivre. Donc, il faut sensibiliser cette population-là qui tient à son patrimoine religieux à être aussi acteur et à être des intervenants financiers humains de cette transformation-là, selon moi.
M. Gabias: O.K.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Royal. Votre conclusion de votre mémoire, le dernier paragraphe, je pense que vous exprimez en peu de mots un peu toute l'approche. Vous parlez que «l'approche multireligieuse que privilégie le Musée des religions pourra permettre de faire connaître, par ses collections, par ses expositions et par ses outils pédagogiques, des divinités inaccessibles et proches, douces et terribles, si semblables à l'homme». J'ai eu un petit sourire, parce que votre «homme», il avait un petit h. Vous n'avez pas mis de grand H. Ça m'a fait sourire, ça m'a fait sourire.
Évidemment, quand vous apportez les arguments, puis, je pense, toute la réflexion que vous apportez, mon collègue en a parlé tout à l'heure, de la contribution d'institutions comme le vôtre, vous manifestez évidemment l'urgence d'une politique, vous faites un appel à la contribution des gens qui ont déjà une expertise, des gens qui ont déjà un savoir au niveau du patrimoine religieux. Évidemment, je pourrais dire, il y a des aspects qui sont plutôt nationaux, des aspects qui sont plutôt régionaux, puis d'autres, locaux. Vous parlez des objets, de les conserver particulièrement où est leur origine. Ce n'est pas évident, au niveau de tout l'ensemble du Québec, la disproportion quant à la prise en charge du patrimoine religieux, tel quel, dans toutes les régions du Québec. Il y a des régions qui sont plus organisées, des localités qui sont plus près de leur patrimoine religieux, d'autres moins. Donc, évidemment, dans votre politique, là, il y a tout cet aspect-là, local, régional, national, qui aurait été intéressant mais que vous avez juste un peu abordé tout à l'heure, au niveau de la contribution des musées, d'une part.
Mais, au niveau de la conservation telle quelle, vous parlez de toute l'émotivité, de tout l'immatériel, mais toute l'émotivité, et des savoir-faire, préserver les savoir-faire. Comment mesurer les savoir-faire? Comment mesurer l'émotivité?
M. Royal (Jean-François): L'émotivité se mesure très difficilement en fait. Je pense que l'émotivité va se mesurer la journée où on va décider de vendre une église, comme Mme Gaudet disait, dans son comté. C'est à ce moment-là qu'elle se manifeste. Les... Hein?
Mme Léger: Vous parlez, entre autres, d'une politique. Vous parlez... Bon, c'est sûr qu'on est capable... Je pense que, la valeur patrimoniale, bon, on en a parlé assez abondamment, je dirais, jamais assez pour être si expert pour arriver à faire les recommandations encore. Mais il reste qu'il y a tout cet aspect-là effectivement qui est à l'origine, un petit peu trop tard parfois dans une communauté... Comme notre collègue de Maskinongé parlait, l'émotivité, on est capable de le voir peut-être rendu lorsque l'église va se vendre, ou l'église va se transformer, ou un bien va disparaître. Mais, dans une politique, vous l'avez faite, cette réflexion-là, là. Vous en parlez beaucoup, quand même, de l'aspect émotivité puis des savoir-faire aussi, là. Il faut que ça se mesure, ça.
M. Royal (Jean-François): Bien, en fait, probablement que c'est de ne rien prendre pour acquis, c'est probablement de ne pas déterminer d'entrée de jeu que parce que c'est une cathédrale, ça vaut la peine d'être conservé, parce que c'est un Ozias Leduc, ça vaut la peine d'être conservé. Il ne faut pas dans... C'est dans ce sens-là où on dit: Chaque objet a son importance, a son rôle, et il ne faut pas prendre des acquis, et à ce moment-là peut-être que ça pourra venir régler une certaine forme ou une certaine part d'émotivité. Mais l'émotivité va toujours être dans le débat, peu importe la loi la mieux bâtie, la plus structurante et la plus structurée, l'émotivité va toujours faire partie de ce débat-là, et je pense que l'intention du Musée des religions était de faire part à la commission de ce danger-là, O.K.? Ça va être présent, et ça se mesure très difficilement. Je pense que vous en êtes tous conscients dans vos comtés respectifs.
Mme Léger: Donc, il faut tout conserver?
M. Royal (Jean-François): Non. Non, il ne faut pas tout conserver.
Mme Léger: Bien, si tout objet ou tout... C'est un cercle vicieux, là.
M. Royal (Jean-François): Un petit cercle vicieux mais dans lequel, selon nous, on est capable de s'en sortir, parce qu'il y a de l'éducation à faire, il y a de l'information, il y a une prise de conscience. Les gens, à ce moment-là, peuvent... Parce que l'église et le clocher qui le représente sont des bâtiments gigantesques qui sont au coeur des villes et villages et qui sont au coeur même de l'histoire même d'une ville. Mais, les objets qui le composent à l'intérieur, souvent les gens ont beaucoup moins d'émotivité face aux objets qui le composent qu'au bâtiment ou à l'église en tant que telle. Je pense que ce n'est pas l'oeuf ou la poule. Il y a moyen de s'en sortir, il y a moyen de mettre ça de côté et de se dire: Bon, bien... d'analyser de façon un peu plus froide mais en tenant toujours compte d'une certaine part d'émotivité, là, à ce niveau-là.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Royal. C'est extrêmement intéressant de vous entendre, et votre connaissance du dossier et votre expertise nous éclairent sur un aspect, je pense, en tout cas en ce qui me concerne, un peu particulier, parce que vous vivez le processus de conservation du patrimoine religieux dans ses aléas quotidiens et vous êtes en contact avec des cathédrales, mais vous êtes en contact avec des petits villages aussi. Et vous avez beaucoup insisté sur l'émotivité. D'autres ont parlé de la même chose en parlant de valeur d'appropriation. Je pense que c'est les deux façons de regarder la même réalité: ça m'appartient puis j'y suis attaché à cause de mon histoire. Alors, j'ai peut-être deux questions, mais au fond vous allez voir qu'il n'y en a rien qu'une.
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(10 h 10)
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La première question, je vais l'illustrer de la façon suivante: vous avez une petite communauté, elle a eu jusqu'à 1 500, 1 800 personnes, ça diminue, c'est rendu à 400, 500, 600 personnes; les gens ont plus ou moins d'intérêt, ont vieilli, les jeunes ne sont plus là, tout ça, et là on est pris avec quelque chose, un bâtiment, une église, un presbytère. Alors, vous avez parlé de conserver le patrimoine dans son milieu. Comment est-ce qu'on fait dans des circonstances comme ça? Première question.
Deuxième chose. Vous avez parlé de la valeur ethnologique, et je trouve ça extrêmement intéressant, parce que les églises au Québec sont l'histoire du village. Est-ce que ce n'est pas à travers l'église que le village... À peu près toutes les familles se reconnaissent dans cette église-là, et dans son presbytère, et dans les objets, et dans les livres des naissances, et de tout ce que vous voudrez. Alors, les églises étant un peu l'histoire du village, est-ce qu'il serait possible de faire en sorte de faire revivre l'histoire à travers le patrimoine religieux, l'histoire réelle des gens, puisque l'intervention de l'État est une intervention qui se doit d'être laïque et non identifiée à une religion en particulier, pour la conserver ou ne pas la conserver? Alors donc, est-ce que ça ne devrait pas être des lieux d'histoire pour conserver l'histoire, pour la célébrer, l'histoire, aussi?
En dernier lieu, une question très concrète mais qui est la même question qu'au début, c'est-à-dire qu'on engage des animateurs de loisirs pour les jeunes: Est-ce qu'on ne devrait pas, dans une politique, avoir des animateurs culturels et historiques pour deux, trois, quatre, cinq villages?
Et en dernier lieu, il est très difficile de répondre à la question: Quoi conserver et quoi ne pas conserver? Mais est-ce qu'on ne pourrait pas avoir comme objectif de conserver au maximum mais en essayant... et en faisant un peu confiance à l'histoire pour le tri, évidemment pas absolument, mais en partie, parce qu'il y a des choses qui sont lourdes, lourdes de conséquences, mais d'autres qui ne le sont pas et qui vont être oubliées de toute façon?
M. Royal (Jean-François): Il y a beaucoup d'éléments dans les questions que vous me posez et il y a beaucoup d'éducation à faire. En fait, je vais me permettre de vous répondre par un exemple, et peut-être que ça pourra répondre aussi à la question de Mme Léger.
Au Musée des religions, on reçoit en moyenne de cinq à six dons par semaine de gens qui débarquent au musée avec une boîte Archivex, deux boîtes, un sac à vidanges de matériel: Ma mère est morte, mon père est décédé, ma grand-tante est décédée, on a fait le ménage, on a trouvé plein d'images pieuses, des crucifix, une madone en plâtre, puis on s'est dit qu'il faut que ça vienne au Musée des religions. Quand je dis que tout n'est pas bon à conserver, c'est dans cet aspect-là, nous, la mission qu'on se donne à chaque fois, bon, évidemment de regarder, de prendre le temps de discuter avec les gens, de connaître un peu plus l'histoire des objets, et de leur faire prendre conscience du patrimoine familial qu'ils possèdent qui est aussi un patrimoine religieux, et leur faire prendre conscience que le musée a une mission, que le musée a une politique de collection et qu'on ne peut pas tout collectionner. On ne peut pas devenir le musée du crucifix. Si je me mets à acquérir les crucifix que j'ai en don à chaque semaine, d'ici un an, j'en ai probablement pas loin de 200 000. C'est épouvantable. Donc, chaque crucifix n'a pas un intérêt patrimonial national, pour le Québec.
Mais chaque crucifix a un intérêt historique familial, local. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de sensibilisation, d'éducation à faire auprès de ces gens-là pour leur faire prendre conscience du trésor qu'ils veulent se départir, leur faire prendre conscience que ça fait peut-être une, deux ou trois générations que ce crucifix-là se transmet dans la famille, et: Pourquoi, vous, vous brisez la chaîne? Pourquoi vous ne le conservez pas? Et ainsi de suite, etc., des lieux d'histoire, des lieux de mémoire.
Et c'est dans cette optique-là que tout n'est pas bon à conserver, dans le patrimoine québécois, et qu'il y a des choix à faire, et c'est faisable. Mais il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'éducation à faire à ce niveau-là pour faire prendre conscience aux gens... Je ne vous dis pas que les gens repartent et qu'ils raccrochent tous les objets en disant: Je suis converti et on m'a fait prendre conscience. Probablement qu'il y en a le tiers qui s'en vont à la poubelle. Nous, on a espoir de se dire qu'on a réussi à allumer une petite lueur, en se disant: On a fait notre travail et on a gardé le significatif, ce que, nous, on croyait être important, qui peut servir dans 15, 20, 30, 50 ans encore, pour dire: Bien, nous, on possède un échantillon de la mémoire québécoise concernant le patrimoine religieux.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Royal. Comme vous nous laissez entendre, chacun doit porter sa croix. Donc, en terminant, juste une petite question: Combien qu'il y a de visiteurs à votre musée annuellement?
M. Royal (Jean-François): Je vous répondrais: Pas assez. Il y en a en moyenne 3 500, 4 000 par année.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, c'est tout le temps, malheureusement, que nous avons. Donc, je vous remercie énormément, merci pour cette intervention remarquée. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps de procéder à un court point de presse. Nous serons de retour dans quelques minutes pour le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 15)
(Reprise à 10 h 43)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Si nous voulons entrer dans l'horaire, on doit commencer immédiatement. Donc, nous recevons le diocèse de Nicolet, représenté par M. Paquette, l'économe diocésain. Bienvenue à nouveau.
M. Paquette (Normand): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Bienvenue à nouveau dans notre commission. Donc, je vous rappelle les règles. Je sais que vous les connaissez déjà.
Une voix: On l'a déjà vu, ce monsieur-là.
Le Président (M. Brodeur): Oui, à Sherbrooke. Donc, M. Paquette, vous avez un temps maximal de 15 minutes pour exposer, faire état de votre mémoire, et à la suite de ça c'est une période d'échange, comme vous l'avez déjà vécu à Sherbrooke. Et donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Diocèse de Nicolet
M. Paquette (Normand): Merci. Bonjour, mesdames messieurs. Effectivement, c'est ma deuxième expérience, parce que, pour ceux qui n'étaient pas à Sherbrooke, j'ai accompagné l'abbé Paul-Émile Paré, qui représentait, comme président, l'Assemblée des économes du Québec. Comme Assemblée des économes, on avait présenté un mémoire. Il m'avait demandé d'être acolyte à ce moment-là. Et par ailleurs, moi, au niveau du diocèse de Nicolet, j'ai décidé, avec l'évêque, de présenter un mémoire qui était particulier. Je vais essayer de développer.
Bon, je ne reprendrai pas la lecture de mon mémoire qui était quand même relativement court. Je vais essayer plutôt de le résumer et même de le bonifier avec tout ce que j'ai pu saisir de la problématique ou de l'envergure de la problématique au dernier colloque de la fondation, à Montréal.
Mon mémoire se base sur peut-être trois fondements. C'est, premièrement, l'intérêt du propriétaire à préserver son bien. Je pense que l'Église est propriétaire d'un bien qui est devenu patrimonial, et il reste que c'est quand même... il y a toujours... le mieux placé pour protéger un bien, c'est le propriétaire.
Deuxièmement, la prétention de... ou la question de la valeur patrimoniale, ou la notion de valeur patrimoniale comme telle, c'est-à-dire que, comme monsieur le disait tout à l'heure, tout n'a pas la même valeur, et c'est lorsqu'on parle de valeur patrimoniale comme quelque chose... d'un tout uniforme, homogène, je pense que c'est là qu'on fait... qu'on crée la confusion, et on n'est plus capable de se démêler dans tout ce discours. Bon.
Là-dessus, au niveau de la valeur patrimoniale, moi, je me base, entre autres ? on peut en discuter fort longtemps avec les spécialistes ? sur la fameuse classification qui a été faite au niveau de la Fondation du patrimoine et du ministère de la Culture.
Et la troisième, ce serait la prétention de présenter l'État ou voir l'État comme une panacée à toute cette problématique-là. Je pense ? je l'avais dit à Sherbrooke et je le redis ? vous... L'Église a des limites, a des contraintes. Vous avez vos propres limites, vos propres contraintes, et je ne pense pas que vous ayez les centaines de millions que ça prendrait pour tout garder.
Donc, c'est un petit peu les bases de mon mémoire, et j'ai tenté, comme je l'expliquais tantôt à un de mes amis dans la salle, j'ai tenté de présenter mon mémoire dans le sens de répondre à vos questions. J'ai dit: Si j'étais à votre place, comment j'articulerais une prise de décision? Sur quoi je porterais mon intérêt?
Bien, premièrement, comme représentant de l'église de Nicolet, je dois dire que je dois défendre certains principes. C'est sûr qu'il y a un droit de propriété et d'usage. On en a entendu... on en a débattu au niveau du colloque. Il y a un droit de propriété et d'usage qui appartient, comme lieu de culte, à l'Église catholique comme telle. Et ce droit-là, bien, quand le lieu est actif, je ne pense pas qu'il pose de difficulté. Si, comme je l'ai dit encore à Sherbrooke, si tous les lieux de culte étaient maintenus et que l'Église avait les moyens de les maintenir, il n'y aurait pas ce débat, ou il y aurait un autre genre de débat aujourd'hui. C'est qu'il y a un certain parc immobilier excédentaire que l'Église ne peut plus maintenir, et c'est ça... c'est ce qui pose question.
Deuxièmement, ce qui va avec le droit de propriété, c'est un droit de disposition au niveau du délestage, au niveau de l'Église, parce qu'il y a un déplacement des ressources qui est nécessaire. Notre mission, comme je le mentionnais, ce n'est pas de maintenir du patrimoine. Notre mission, c'est d'abord l'évangélisation, la parole de Dieu, et tout ça. Donc, c'est sûr qu'il y a une problématique qui entoure le patrimoine, mais ce n'est pas la première problématique, et on ne pourra pas demander à l'Église de gérer cette première problématique là alors que ce n'est pas sa mission en propre.
Mais je pense que par ailleurs vous ne pourrez pas... on ne peut pas prétendre que l'Église n'est pas sensible à la conservation du patrimoine comme de son patrimoine. Elle l'a toujours fait et elle va toujours le défendre jusqu'à ses derniers retranchements. Où est-ce qu'on en a, je pense, c'est contre les exigences qu'on pourrait nous imposer de tout conserver, comme si tout était sur un même pied, avait la même valeur. Et là, là, je... on n'embarque pas. Je pense qu'il y a quelque chose... il y a des notions, là-dedans, qu'il faut préciser.
Je reviens à la notion de lieu de culte actif, parce que ces lieux de culte là sont, comme je disais tantôt, ils sont actifs. Ils sont détenus par les fabriques, ils sont utilisés, et la majorité des fabriques, je dirais, la majorité des fabriques réussissent à entretenir, là, assez bien leur parc immobilier. Il y en a certains autres... Je dirais, comme un de mes confrères, au niveau financier, il y a environ 30 % des fabriques qui arrivent avec des surplus, 30 % qui arrivent juste, «break even», et un 30 % qui sont dans le rouge. Bon. Ça, c'est à peu près le portrait, là, dans différents diocèses. D'autres... Certains diocèses, c'est pire que ça, mais grosso modo, là, dans les diocèses aux alentours, c'est à peu près ça.
La problématique se pose sur les lieux de culte excédentaires. Pour moi, c'est là qu'est le problème, le lieu de culte excédentaire, c'est-à-dire le lieu de culte où l'Église dit... où la fabrique dit: On ne peut plus le maintenir, on ne peut plus l'assurer comme tel. Qu'est-ce qu'on fait avec? Et c'est là que la problématique est posée.
n
(10 h 50)
n
Bon. Comme je vous dis, je suis économe diocésain. Ça fait 13 ans que je suis économe diocésain. Je suis secrétaire de la Table de concertation régionale Mauricie?Centre-du-Québec depuis 1996 aussi. Donc, je trempe dans ce bouillon de culture depuis un certain temps. Et j'ai essayé d'intégrer, suite au colloque, les différentes variables qui nous sont présentées, qu'il faut considérer, là, à peu près toujours en même temps, si vous voulez, pour se situer. Au colloque, on parlait d'églises vraiment patrimoniales, de monuments, qu'on pourrait dire, des biens nationaux. On pouvait parler aussi d'une petite église de campagne convertie en bibliothèque avec un lieu de culte, où on avait conservé le coeur comme lieu de culte occasionnel, et tout ça, là, tournait avec les droits de propriété, tout ça, là, on passait d'un à l'autre, là, facilement. Je me suis dit: Comment vous présenter une situation qui pourrait se démêler?
Je vais vous forcer à faire un petit exercice, ce matin, d'imagerie mentale. J'aurais aimé ça vous préparer des graphiques, ou quoi que ce soit, mais je n'ai pas les outils et je ne suis pas fort en dessin non plus. Imaginez-vous un cube, un cube où la hauteur serait la valeur patrimoniale, d'accord? Un cube où la hauteur du cube, c'est la valeur patrimoniale. Cette valeur-là, pour moi, je l'ai divisée en cinq. La classification que le ministère et la fondation ont déterminée, on passait de «incontournable» à «significatif», pour dire, être politiquement correct, là, on dirait significatif, mais dans le fond c'est mineur comme patrimoine, c'est très local. J'appelle ça un patrimoine de proximité.
Au niveau du culte, si on restait juste sur deux axes, au niveau de la valeur patrimoniale et du culte, tant que l'église est propriétaire et est capable de maintenir le bien, il n'y a aucun problème, je pense, en autant qu'elle est aidée, là, à soutenir au niveau de la fondation. Si on prend les deux premières, les deux premiers niveaux de base, c'est les niveaux où le niveau patrimonial est le moins signifiant. Au plan national, je dis bien. J'appelle ça, moi, un patrimoine de proximité. Et je pense que les solutions doivent se trouver localement. C'est sûr que les discussions se font de façon très émotive, c'est du patrimoine local, ça nous touche personnellement, c'est familial souvent, c'est l'arrière-grand-père, le grand-père, tout le monde est passé dans cette église-là, finalement. C'est sûr que c'est émotif, mais il reste que ça se règle localement.
Troisième niveau, c'est ce qu'on pourrait appeler «supérieur». Là, on pourrait commencer à réfléchir au plan du gouvernement, là, je sais pas, le politique. Et c'est sûr que les deux derniers niveaux, qui seraient les incontournables et les, je ne me souviens pas le terme exact, je pense que c'était «exceptionnels», excusez, exceptionnels, ceux-là, je pense qu'on doit vraiment les considérer. Là, je travaillais sur deux axes.
L'autre axe du cube, si vous voulez, ce serait la valeur culturelle, communautaire, sociale, si vous voulez. Si vous ramenez chacune des strates, par rapport à la situation d'une église dite excédentaire, par rapport à la valeur, la possibilité de conversion... Parce qu'encore là c'est pas tous les lieux de culte excédentaires qui sont convertibles. Il y a certains presbytères, je me rappelle, qu'on ne pouvait pas vendre à la municipalité parce qu'ils étaient déjà fort bien pourvus comme bureaux municipaux. Il n'avaient pas de bibliothèque puis il ne prévoyaient pas en avoir. Donc, il fallait trouver d'autres usages au presbytère, si vous voulez. Donc, il y a une possibilité de négocier ou de discuter localement, mais ça doit se faire localement.
Au niveau de l'intervention de l'État, je la restreindrais aux trois derniers niveaux, de supérieur, exceptionnel à incontournable, que j'appelle, moi, les biens, des biens nationaux. Les autres, j'appellerais ça des biens protégés, sur lesquels l'État doit avoir un droit de regard, mais sans plus.
Comment gérer ça? C'est sûr qu'au niveau de la Fondation du patrimoine... Et je tiens à le préciser, c'est un lieu important, un lieu privilégié de concertation et de discussion avec l'Église et toutes les autres dénominations religieuses pour ce qui concerne la gestion du patrimoine religieux, en ce qui concerne la gestion des lieux de culte actifs. Je pense que, ça, c'est quelque chose sur lequel il faut tabler. C'est... Au niveau de mon cube, je dirais que tout ce qui comporte, là, les niveaux 3, 4 et 5, au niveau patrimonial, la Fondation du patrimoine devrait intervenir ou continuer d'intervenir pour supporter le propriétaire qui a encore un bien qu'on dit patrimonial mais qui est en usage pour les fins pour lesquelles il a été construit, c'est évident. Si on parle d'une conversion en bibliothèque d'un bâtiment qui serait patrimonial, je reste toujours aux troisième, quatrième et cinquième niveaux. Pour moi, la question du premier et du deuxième niveau se règle localement, on s'entend? Peut-être avec des moyens de conversion qui seraient au niveau des instances municipales, ou des choses comme ça, comme des programmes d'infrastructures, conversion en bibliothèque, où d'autres ministères viendraient intervenir, mais, pour moi, c'est réglé, ça se gère localement.
Au niveau des niveaux trois, quatre et cinq, c'est là, je pense, que l'intervention de l'État est nécessaire. Prenons une église qui serait bien patrimonial, biens nationaux, quelque chose, là, de sûr. Je dirais, à la limite, la cathédrale de Trois-Rivières. Supposons qu'on arrive à une situation, dans 20 ans ou 30 ans, où on n'est plus... où l'Église de Trois-Rivières n'est plus en mesure de maintenir la cathédrale, n'a plus les ressources pour la maintenir, bien peut-être qu'une fiducie, à ce moment-là, pourrait prendre en charge ce bien-là, dans une condition où, si ça reste un lieu de culte effectivement, bien, qu'il y aurait une contribution locale. Il faut éviter à tout prix que, si on crée une fiducie, qu'on remette simplement les clés à l'État. Je pense que, lorsqu'on remet les clés à l'État, on remet la facture, et on va subir automatiquement un certain désengagement de la population. Donc, c'est sûr que la pire des situations où la fiducie pourrait intervenir, c'est la situation où ce n'est plus un bien d'Église qui est requis pour le culte et où ce n'est pas non plus un bien facilement convertible ou récupérable au plan social ou communautaire.
J'essayais de trouver un exemple qui serait pertinent pour vous le démontrer. Je pensais ? je ne sais pas si ça s'applique exactement, je ne suis pas celui qui va le définir; mais je pensais ? entre autres, à l'église Saint-Jean-Baptiste, à Québec. Magnifique église. Quoi faire d'autre avec cette magnifique église là que la garder comme un musée en soi? Pour moi, ce serait la solution. Je ne dis pas que c'est la seule, mais, pour moi, c'est la solution. Or, si, au niveau de l'Église du diocèse de Québec, c'est une église qui est excédentaire, qu'on ne peut pas se permettre de conserver à bout de bras sans mettre, O.K., sans mettre en cause la mission même de l'Église du diocèse de Québec, bien je me dis: Peut-être que cette église-là devrait aller... si elle est bien considérée comme un bien national, l'amener dans la fiducie. Ça, ce serait l'exemple le plus frappant.
D'autres cas où on pourrait amener une église... Je parlais tantôt de Trois-Rivières. La différence, la nuance, c'est qu'on garderait un usage cultuel, où là c'est le propriétaire qui n'est plus à même de préserver ce bien-là, et là on devrait exiger au propriétaire une contribution au maintien de son bâtiment. Et, je vous dis, l'exception, ce serait ça.
Ça, ça résumerait mon mémoire. J'ai visé plus à le condenser, à le présenter dans une autre perspective afin de vous permettre, là, d'avoir une vision un peu plus globale.
Le Président (M. Brodeur): Merci. La laveuse puis la sécheuse sont partis?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Brodeur): Donc, merci, M. Paquette. Donc...
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Oui, c'est un peu agaçant. Mais votre mémoire est fort intéressant...
M. Turp: Ce n'est pas la sécheuse.
Le Président (M. Brodeur): Non, ça, ce n'est pas la sécheuse. Le cycle est terminé!
J'aimerais vous entendre un peu plus parce que c'est fort intéressant, le fait que vous reliiez l'existence du culte aux méthodes de financement des églises. Puis j'aimerais avoir un éclaircissement sur le fait suivant, parce qu'il y a plusieurs églises probablement qui vont fermer d'ici 10 ans, 15 ans, 20 ans, 25 ans, plusieurs auront la capacité d'être classées comme historiques, artistiques, culturelles, etc. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, par exemple, la Fondation du patrimoine religieux ne devrait contribuer à la restauration, à l'entretien de ces églises-là seulement s'il y a une partie cultuelle également qui est maintenue dans cette église-là, ou bien vous nous dites qu'on doit intervenir sur tout le patrimoine, même celui qui ne sert plus au culte? Est-ce qu'il doit servir au culte ou ne pas servir au culte? Est-ce que nous devons financer seulement, si je comprends bien, celui qui sert encore...
Une voix: ...
n
(11 heures)
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Le Président (M. Brodeur): Au niveau de la fondation. Parce qu'au niveau de la fondation il faut savoir aussi que c'est des fonds gouvernementaux. Et puis, est-ce que l'objectif, plutôt, de l'État du Québec sera de préserver comme tel le patrimoine religieux des Québécois même s'il est excédentaire, même s'il n'est pas utilisé à des fins de culte? C'est pour ça que j'ai... je veux que vous soyez très, très clair là-dessus. Votre opinion sur qu'est-ce que nous devons financer, la Fondation du patrimoine religieux, qui est aussi l'argent de l'État, qui est aussi l'argent de tous les citoyens.
M. Paquette (Normand): Bien, comme je l'ai... Si je comprends bien votre question, là, c'est que vous ne faites pas la part...
Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on doit relier le culte absolument à la subvention?
M. Paquette (Normand): Ah bon! Au niveau de la Fondation du patrimoine religieux, je pense qu'au départ c'était ça qui était la condition: il fallait que ce soit un lieu de culte actif. Moi, ce que je dis, c'est que, lorsque le propriétaire demeure propriétaire et que le lieu est actif, comme tel, je ne pense pas que l'État a un intérêt à devenir propriétaire à sa place pour prendre en charge les dépenses. Il me semble que c'est une vérité, là, comme on dit... ce n'est pas difficile à avancer. Et là-dessus, au niveau de la Fondation du patrimoine, la première condition, c'était justement que ça demeure un lieu de culte actif. Lorsque vous voulez, au niveau de l'État, protéger une valeur patrimoniale qui était un bien d'Église mais qu'on convertit, demain matin, en bibliothèque, ce serait un bien national. Pour moi, ce n'est plus une église, c'est devenu une bibliothèque. Vous comprenez? Il y a quand même... On conserve le bâtiment, on conserve une certaine histoire derrière ce bâtiment-là, on garde la trace historique, mais, pour moi, ce n'est plus un lieu de culte comme tel. S'il y a une volonté politique...
Le Président (M. Brodeur): Qui demeure quand même un patrimoine religieux, même s'il a changé de destination.
M. Paquette (Normand): Bien, si vous l'appelez «patrimoine religieux», oui, si vous voulez l'appeler «patrimoine religieux», mais, dans la notion où on a travaillé depuis 1996, c'étaient des lieux de culte actifs, parce qu'à la limite on nous disait: Si l'église ferme dans l'intervalle, je pense, de cinq ans, elle doit même remettre les subventions. Donc, on a toujours travaillé dans cette optique-là.
Je pense que, lorsqu'on parle de financement ? on parle de la fondation ? je pense qu'elle travaille avec les lieux de culte actifs. Le volet, au niveau de l'intérêt pour l'Église, c'est, comme je vous disais tantôt, au niveau de la fondation, c'est un lieu privilégié d'intervention, de concertation, de dialogue avec justement les propriétaires de ces biens-là. Si, au niveau de l'État, on veut protéger des biens qui ont aussi une valeur patrimoniale mais qui ne sont plus requis pour les services de l'Église, à ce moment-là, est-ce que ça doit être la Fondation du patrimoine, ou directement le ministère de la Culture, ou une société d'État qui a... Ça, pour moi, là, c'est de la cuisine gouvernementale.
Mais, en ce qui me concerne, je vous dis simplement que la Fondation du patrimoine est un outil essentiel dans le bon fonctionnement du maintien du parc immobilier, des immeubles qui demeurent actifs comme lieux de culte.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Merci. Le message est clair. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: M. Paquette, bonjour à nouveau.
M. Paquette (Normand): Bonjour.
Mme Vien: Merci d'être là encore une fois aujourd'hui. Petite question sur le mécénat, sur cette participation autre que l'État ou encore autre que l'Église qui pourrait faire peut-être une différence, là, justement quand viendra le temps de faire des choix. Je pense que tout le monde s'entend pour dire, vous le dites clairement, que l'État ne doit pas être considéré comme le seul joueur à l'intérieur d'une dynamique de financement. Le mécénat, au Québec, là, ce n'est pas tellement développé, hein? Au Canada anglais, il y a une tradition. Bon, dans les pays à tradition anglo-saxonne, on comprend qu'il y a une tradition. Les gens s'impliquent, donnent des sous, il y a des fondations, etc. Comment, selon vous, on peut arriver à développer ce genre de réflexe, justement? Parce que la question va se poser avec beaucoup, beaucoup, beaucoup... avec force, là, parce que, si l'État ne peut pas faire à lui seul tout le travail au niveau du financement, l'Église est essoufflée aussi, les fabriques, qu'est-ce que vous voulez, là, elles n'en ont pas, d'argent.
M. Paquette (Normand): Il faut absolument que le débat soit justement public. Je pourrais vous parler, là, très brièvement quand même, là ? je ne veux pas prendre trop de temps avec le cas ? d'une église, à Drummondville, justement où la problématique entourant le presbytère... Il y a un immense presbytère qui est en très mauvais état, trois étages. On avait 1 million de réparations à faire là-dedans, 1 million de réparations pour le mettre en condition. Et, à un moment donné, le débat s'est fait justement au niveau public, et il s'est présenté un mécène, un homme d'affaires qui, lui, a dit: Moi, ce que je peux vous proposer... On a regardé les alternatives, tout ça, et il a proposé un projet de convertir une partie du bâtiment en condominiums, tout simplement. Là, on a gardé tout le rez-de-chaussée pour les besoins de la pastorale et de la fabrique comme tels. Il a perdu énormément d'argent dans l'aventure, mais c'est sûr qu'au niveau de l'impôt, et tout ça, il a récupéré sûrement une partie. Et je pense que c'est...
Mais c'est une forme de mécénat qu'on va avoir de plus en plus, en autant que c'est mis sur la place publique, qu'il y a un intérêt à le faire. Puis peut-être qu'il y aurait des incitatifs au plan fiscal aussi, je ne sais pas, davantage d'incitatifs, ça, je ne rentre pas dans ces détails-là. Mais je pense que ce mécénat-là est à développer, et il existe de plus en plus parce qu'on a, de plus en plus, une classe d'affaires qui a fait ses preuves, qui cherche justement à valoriser ses interventions aux plans social, communautaire. Je pense qu'il s'agit tout simplement de les mobiliser, de les informer et peut-être de les encourager.
Mme Vien: M. Paquette... Vous permettez, M. le Président, que je continue avec M. Paquette?
Le Président (M. Brodeur): Allez-y, Mme la députée.
Mme Vien: Merci. Vous êtes bien gentil. Quelle bonté! Le prédécesseur de tantôt, M. Royal, disait... on sentait, là, qu'il était lui-même un peu tiraillé: valeur d'appropriation, considération locale de son église importante... Il va y avoir des choix difficiles, ma collègue l'a soulevé tout à l'heure aussi. Vous, vous dites, là: Il va y avoir des choix à faire, il va falloir les faire puis tracer la ligne, c'est-à-dire ce qui est patrimonial de ce qui ne l'est pas. On ne peut pas tout garder, il va falloir faire des choix. Comment on va arriver à concilier tout ça avec ce sentiment d'appartenance, avec cette valeur d'appropriation? Moi, je sens qu'on va rencontrer un os à ce niveau-là tantôt, là, parce que c'est des émotions, c'est des souvenirs, c'est de la mémoire, puis on sait tous qu'on va avoir des choix à faire.
M. Paquette (Normand): Mais dans le fond je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais je vous réserve le beau rôle.
Mme Vien: Vous me réservez le beau rôle?
M. Paquette (Normand): Vous vous... C'est ça, on vous réserve le beau rôle. Dans le sens, aussi, on travaille au niveau gouvernemental.
Des voix: ...
M. Paquette (Normand): Je vais vous expliquer. Si on vous réserve le droit d'intervenir au niveau ? parce qu'on disait tantôt qu'on ne peut pas tout conserver; au niveau ? des trois derniers niveaux, où c'est patrimonial, où on a une certaine reconnaissance patrimoniale... On ne parle pas de patrimoine de proximité, là. On dit: On ne peut pas tout sauver. On va regarder ce qui est la crème à sauver. Ça, on s'engage à le sauver. Mais dans le fond, là, à partir de là, un coup que c'est classé, vous prenez en charge... et la problématique est assez facile à gérer.
Où la problématique va être à gérer au niveau des émotions, des solutions à trouver qui vont être difficiles, des fois impossibles à trouver, c'est dans les deux premiers niveaux. C'est lorsqu'on va travailler avec du patrimoine de proximité, où il n'y aura pas grand choix, ou opportunité, ou potentiel de conversion. C'est là la problématique. Et cette problématique-là est, d'après moi, je veux dire... À moins que vous vouliez absolument vous en mêler, mais je ne pense pas que vous ayez les moyens de l'encourager directement. Ou vous donnez un autre volet à la Fondation du patrimoine. Il y avait un volet, d'ailleurs trois, pour la reconversion des églises. À moins que vous veniez glisser quelques dizaines de millions là-dedans pour aider les municipalités ou autres organismes communautaires qui viendraient récupérer tout ça. Mais ça, ça vous appartient comme choix.
Mais le débat à la base, lorsqu'il vient le temps de disposer d'un presbytère ou d'une église, il se fait au plan local, avec les membres de la fabrique, le diocèse et les paroissiens. Et on veut le faire davantage, en termes de transparence, avec les instances municipales et peut-être le domaine communautaire, et tout ça. C'est l'avenue à prendre. C'est sûr qu'il faut aller... Mais, dans ce sens-là, je vous dirais, si on se limite, au niveau de l'intervention gouvernementale, aux biens patrimoniaux, et aux biens nationaux, et aux biens qu'on pourrait dire protégés, à partir de la classification, là ? qu'on pourrait bonifier, si vous voulez ? bien, à ce moment-là, le reste, le patrimoine de proximité se gère localement. À vous de décider si vous allez mettre à la disposition des gens localement des outils pour gérer ce patrimoine.
Mme Vien: Petite question pour vous avant de passer la parole à mes collègues, M. Paquette. Vous avez beaucoup parlé de notion de propriété pendant votre présentation. Je vous lance la question parce que, nous, on est un peu embêtés: À qui appartient l'église? Et, si j'ai bien compris, en début de votre présentation, vous avez dit: Il faut trouver chez le propriétaire un intérêt pour conserver... l'Église étant le propriétaire. Je ne sais pas si j'ai bien compris. Est-ce que c'est là votre conception de la propriété de l'église? C'est qu'elle appartient à l'Église? L'appropriation de l'église, oui, c'est ça.
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(11 h 10)
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M. Paquette (Normand): La Loi des fabriques est claire là-dessus, c'est un bien qui appartient à la fabrique, mais c'est un bien d'Église. On ne peut pas convertir... Une fabrique, demain matin, madame, déciderait de convertir l'église en mosquée qu'elle ne le pourrait pas. Qui est propriétaire? C'est la fabrique. Excepté qu'au niveau de la gestion, d'accord, au niveau de la gestion, c'est un bien d'Église. Elle doit avoir l'autorisation de l'évêque du diocèse parce que c'est d'abord un bien d'Église.
Et j'irais même plus loin. Dans la gestion d'une fiducie éventuellement par le Québec, si on devait avoir ? je disais le modèle, par exemple, je vais reprendre encore le modèle fictif, ça n'arrivera jamais ? la cathédrale de Trois-Rivières, dans 20 ans, qu'on n'est plus capable de maintenir, à la limite je dirais: Formez une fiducie sur le modèle de la Loi des fabriques, où la fiducie agirait un peu comme l'évêque pour leur dire: Non, non, tu n'as pas le droit de faire ça, on va protéger le bien comme un bien d'Église, là on viendrait protéger un bien patrimonial mais où on garderait la propriété localement, pour garder l'engagement localement. C'est ça, le problème. Lorsqu'on va remettre les clés à l'État d'un bien, on lui remet tous les problèmes.
Mme Vien: ...c'est un qui paie puis c'est l'autre qui décide.
M. Paquette (Normand): Ce n'est pas décidé localement, c'est ça, mais l'évêque décide pour un bien d'Église. L'idée, ce n'est pas de savoir s'il doit réparer la maçonnerie, ou la couverture, ou le perron, ou s'il faut faire un buffet... pas un buffet, mais une activité de financement. Ce n'est pas lui qui décide ça. Il y a une implication locale qui se fait. Les gens disent: Il faut remplacer la fournaise, on a de grosses réparations à faire. Ils décident eux-mêmes des initiatives à prendre. Ils ne sont pas rendus à l'évêché à chaque fois pour justifier les projets, excepté que, pour convertir l'usage du lieu, la nature du bien, tu ne peux pas le dénaturer, parce que c'est d'abord un bien d'Église, et, dans le même genre, ça pourrait être un bien patrimonial, sous la supervision d'une fiducie, avec un lien de propriété qui reste local pour garder l'engagement local.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une très courte question, Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Alors, M. Paquette, tout à l'heure, l'intervenant précédent, M. Royal, nous a parlé du patrimoine religieux immatériel. Alors, où situez-vous la sauvegarde de ce patrimoine religieux immatériel dans le mémoire que vous nous avez présenté?
M. Paquette (Normand): Je n'ai pas abordé cette question-là au niveau de mon mémoire parce que ce n'est pas dans mon, je dirais, mon champ de compétence, ni dans mon champ d'intérêt premier. J'ai été mêlé justement, à la Fondation du patrimoine, à la conservation des églises, comme économe diocésain, mais tout ce qui concerne, par exemple, les archives et tous ces aspects-là, c'est plutôt la chancellerie, à l'évêché, qui s'occupe de ça. Donc, je ne me préoccupe pas de cet aspect des choses, malheureusement, là, mais je n'ai pas réponse à tout, d'ailleurs.
Mme Gaudet: O.K. Mais est-ce que vous avez une sensibilité, est-ce que vous reconnaissez une importance de cette dimension au niveau du patrimoine religieux?
M. Paquette (Normand): Oui, bien sûr, mais je laisse à d'autres le soin de vous éclairer là-dessus.
La Présidente (Mme Vien): O.K. Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, merci. Merci pour une nouvelle présence devant la commission ? vous êtes venu à Sherbrooke ? et merci d'approfondir votre réflexion et la nôtre, parce que je trouve que votre mémoire puis les pistes que vous nous proposez sont très intéressants. Et je veux aller un petit peu plus loin avec vous, là, pour comprendre les pistes dans lesquelles vous nous invitez à nous engager.
Alors, je vois une première distinction qui existe mais que vous contribuez, je crois, à clarifier un peu, entre les lieux de culte actifs et les lieux de culte excédentaires. Je crois qu'on se comprend, qu'il y a cette grande distinction que vous nous proposez d'établir. Ce qui est moins clair pour moi, c'est: est-ce que c'est à l'intérieur de ces deux grandes catégories de lieux de culte que vous situez l'autre classification que vous faites, entre les monuments nationaux et les biens protégés? Alors, je veux savoir donc si... Dans des lieux de culte actifs, il y a des monuments nationaux et des biens protégés qui seront, si je comprends bien, des lieux de culte sur lesquels une fondation du patrimoine religieux aura des responsabilités pour financer la restauration, selon les programmes équivalents à ceux qui existent maintenant ou améliorés. Et alors je voudrais donc savoir aussi si, pour ce qui est des lieux de culte excédentaires, il y a aussi cette distinction, monuments nationaux et biens protégés, et que, pour ceux-là, ce n'est plus une fondation, mais c'est une fiducie qui a d'autres sortes de responsabilités, d'autres sortes de compétences, qui pourrait agir, un peu comme vous venez de le suggérer, comme fiduciaire, comme l'évêque, qui est un peu le fiduciaire du bien d'Église, qui deviendrait le bien d'État. Bien que le mot «bien», là, ça a un lien avec la propriété, alors peut-être qu'il faudrait utiliser un autre mot que «bien».
Alors donc, c'est le premier éclaircissement que je voudrais que vous nous donniez, parce que je crois très, très utile votre distinction, celle que vous nous proposez aujourd'hui. Alors ça, c'est ma première question.
La deuxième, c'est lié, là. À la page 4, vous parlez d'une classification nationale pondérée. Alors, j'imagine que ça veut dire, bon, que les monuments nationaux, biens protégés vont être classifiés, et je veux savoir qui va faire ça. Parce que vous laissez entendre qu'il y a une classification nationale. Et là peut-être qu'il y a un petit problème, là, entre la fondation puis la fiducie. Les gens de la fondation, là... Jocelyn Groulx va être bien content, là, parce que vous ne suggérez pas que sa fondation disparaisse, vous suggérez qu'elle reste. Mais, s'il y a une fiducie à côté de ça, là, il y a deux institutions, puis nos amis, là, du gouvernement, ils n'aiment pas ça, multiplier le nombre d'institutions. D'ailleurs, ils en éliminent. Nicole Léger en parlait hier, sur un projet de loi qui vise à faire de la réingénierie puis de faire disparaître plusieurs institutions. Puis, est-ce qu'il n'y aurait pas un problème d'avoir le même monde sur la fondation et la fiducie? Mais, ceci étant, moi, ce que je veux savoir, c'est: La classification nationale pondérée dont vous parlez, qui fait ça?
Et, dernière question, c'est quand même important, dans votre mémoire, là, vous parlez de l'ingérence politique indue qu'il y a eu ces dernières années dans le processus d'attribution des subventions de la fondation. Alors, j'aimerais que vous m'en parliez, que vous nous en parliez. Vous n'êtes pas le premier à nous en parler, mais vous êtes celui qui nous en parlez de façon la plus, comment dire, cinglante, en effet, hein, c'est le mot qui est bien choisi. S'il y a du temps, vous répondrez à cette question, mais c'est les deux premières que je trouve plus importantes pour les travaux de la commission.
M. Paquette (Normand): Bon, tantôt, je vous parlais de biens excédentaires au niveau des biens nationaux. Les biens nationaux peuvent se retrouver au niveau, c'est sûr, des trois dernières catégories, dans mon fameux bloc, là, si vous voulez. Ils peuvent se situer aussi bien comme lieux de culte que comme bâtiments excédentaires. Je prenais l'exemple de Saint-Jean-Baptiste, dans le diocèse de Québec. Si c'est un bâtiment qui est excédentaire au niveau des besoins de l'Église, mais qu'on considère que c'est un bien national, à ce moment-là c'est sûr qu'il n'est pas en usage nécessairement pour le culte. Il pourrait ne pas être en usage pour le culte. Il s'agit de savoir si on veut le garder simplement comme un musée en soi ou si on veut le convertir en autre chose. Ça, c'est des décisions qui appartiendraient à la fiducie ou à un organisme qui serait supérieur. Ce n'est pas à moi à décider de tout ça. Mais je ne sais pas si ça répond assez à votre question ou si...
M. Turp: ...de culte actifs et lieux de culte excédentaires, il y a des monuments nationaux.
M. Paquette (Normand): Eh oui.
M. Turp: Il y a des monuments nationaux.
M. Paquette (Normand): Il se pourrait effectivement qu'il y ait les deux. Parce que... regardez au niveau du cube. Quand on parlait de la hauteur, on travaille sur les trois derniers niveaux. Mais, si on parle au niveau du culte, ils peuvent être pleinement utilisés ou superflus, au niveau du culte. Et, si on tend vers le zéro au niveau du culte, bien on va essayer de lui trouver une valeur communautaire, ou culturelle, ou sociale, ou... etc. Mais, si on n'arrive pas à en trouver, si on dit que la meilleure valeur qu'on peut faire, qu'on peut attribuer à Saint-Jean-Baptiste, à Québec, c'est celle d'être une église musée et... à ce moment-là, on va rester sur le point zéro au niveau du culte, on va rester au niveau zéro au niveau du plan culturel, puis on va dire: Bien, ça devient un bien patrimonial, en haut de l'échelle. Et là on fait quoi avec? Ça prend quelqu'un pour payer le chauffage, l'entretien. Ça prend quelqu'un pour la prendre en charge. Et la fiducie ou la société d'État, développez les formules que vous trouverez appropriées, là, devra prendre en charge ce bâtiment-là.
M. Turp: ...protégés alors ou les bâtiments protégés, c'est l'autre distinction que vous faites. Je veux comprendre...
M. Paquette (Normand): Oui. C'étaient les C. Pour moi, c'était, là, si on part... les A, B, ce seraient les C, là, parce que je crois qu'il faut arrêter, à un moment donné, là, de... on ne peut pas tout mettre biens nationaux non plus, et je pense qu'il y avait une distinction à faire.
M. Turp: Puis elle sert à quoi, la distinction? Pourquoi cette distinction? Qu'est-ce qu'on fait à l'égard du bien protégé?
M. Paquette (Normand): Par rapport au bien national?
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(11 h 20)
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M. Turp: Et qui fait quoi? C'est-u la fondation ou la fiducie?
M. Paquette (Normand): C'est qu'au niveau de l'intervention de la Fondation du patrimoine la fondation jouerait sur les trois premiers niveaux, des biens nationaux et des biens protégés, qui seraient, disons, la classe 3, le troisième niveau, là, mais, au niveau de l'État, comme tel, de la prise en charge de la conservation à perpétuité, disons, on s'engage comme ça, on regarde simplement les biens nationaux qui seraient peut-être juste les A, à la limite.
M. Turp: Pourriez-vous nous préparer un tableau, là, pour clarifier les choses ? je pense que ce serait très utile pour cette commission ? soit le cube, là, ou soit un tableau sur qu'est-ce qu'on fait avec la division lieux de culte actifs, excédentaires, et les autres distinctions, là, monuments nationaux, bâtiments protégés, puis l'institution et ses responsabilités à l'égard de ces lieux de culte et de l'autre catégorisation, pour qu'on comprenne bien? Moi, je veux bien comprendre votre façon de voir les choses.
M. Paquette (Normand): ...mes crayons, mais...
M. Turp: Oui. Le diocèse doit bien avoir quelqu'un qui peut vous faire des tableaux, là, tu sais, avec des ordinateurs, pour qu'on puisse très bien comprendre ce que...
M. Paquette (Normand): On n'est pas le gouvernement, on n'a pas toutes les ressources dans un petit diocèse comme Nicolet, mais je peux essayer de trouver quelqu'un. Mais...
M. Turp: Vous allez essayer? Vous allez essayer?
M. Paquette (Normand): Je l'ai tenté au cours de la dernière semaine et je n'ai pas été en mesure de le faire. J'aurais aimé avoir un croquis à vous mettre sous les yeux, là, mais dans le fond c'est simplement pour schématiser une approche.
M. Turp: ...recherchiste de la commission. C'est ce que le secrétaire de la commission nous propose.
M. Paquette (Normand): Pardon?
M. Turp: Le secrétaire de la commission propose de vous donner la possibilité de travailler avec un recherchiste de la commission là-dessus.
M. Paquette (Normand): Ah, à ce moment-là...
M. Turp: Acceptez-vous sa proposition?
M. Paquette (Normand): Oui. Oui, oui, Ça me ferait plaisir.
M. Turp: Très bien. Alors, sur la... Qui fait les classifications?
M. Paquette (Normand): Qui fait...
M. Turp: Sur la politique, là, et l'ingérence. Attendez, ma collègue a une question là-dessus... tout à l'heure, mais pour...
M. Paquette (Normand): Pondérées? On est rendus à la deuxième.
M. Turp: Oui, c'est ça. Et, la troisième, oubliez-la parce que Nicole va vous la reposer.
M. Paquette (Normand): Pondérée, c'est simplement parce qu'au niveau de la classification je sais qu'on a fait, au niveau des tables régionales, une classification. Moi, je n'ai pas eu la suite des choses, c'est-à-dire, au plan national, qu'est-ce qui arrive à ces diverses classifications, au plan régional, qui ont été faites. Qu'est-ce qui arrive au plan national? Il devrait y avoir une certaine classification. Bon, encore là, on peut laisser à nos spécialistes en histoire de l'art et architecture, et tout ce que vous voulez, le choix de décider ou de faire des variations dans cette liste-là, mais je ne pense pas que dans l'ensemble il y a de grosses variations, là, au niveau des tables régionales. On n'était peut-être pas si à côté de la track, dans la très grande majorité des cas. Donc, s'il y a du flottement... il peut y avoir des flottements, dans ça, qui vont être en marge, là, je dirais, de certaines catégories.
M. Turp: Un dernier éclaircissement. La classification, là, est-ce qu'elle serait faite, selon vous, par la fondation, la fiducie ou par quelqu'un d'autre?
M. Paquette (Normand): Formez un comité d'experts, monsieur, pour le faire. Ça, je n'ai aucune idée, là. Mais vous avez des experts autour de la table, vous en avez entendu, là, depuis de nombreuses semaines, et formez un comité d'experts simplement pour valider un groupe, pas nécessairement les mettre de un à 250 puis dire: Ça, c'est-u le premier? C'est-u vraiment le deuxième? Le deuxième est-u avant le troisième? Je pense que, pour traiter... Je suis un gars de terrain, puis, au niveau du fonctionnement, moi, je dirais: Si on s'entend, là, que vous avez une enveloppe budgétaire et que vous êtes capables de travailler avec à peu près 200 églises, bien arrêtez, là, de vous chicaner pour la 352e puis la 365e. Vous comprenez ce que je veux dire, là? À un moment donné, on peut tracer une ligne puis être capable de travailler avec ça, là. Je pense qu'il y a des experts capables de justement compléter cette liste-là.
Et, quand je parlais d'une liste qui était pondérée, bien c'est sûr que, dans certaines régions, on pourrait retrouver, je ne sais pas, moi, la plupart des bâtiments exceptionnels, si vous voulez, ou des choses comme ça, et je pense qu'en termes de mémoire collective il y a peut-être une certaine répartition régionale à conserver, si on ne peut pas tout conserver. C'est ce que je voulais dire.
M. Turp: Bien. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Oui. Alors...
M. Paquette (Normand): Bonjour.
Mme Léger: Bonjour. Alors, la suite de la troisième question de mon collègue. Alors, évidemment, vous déplorez l'ingérence politique, dans le fond, de plus en plus, du milieu politique. Alors, vous terminez d'ailleurs, dans la conclusion de votre mémoire, à ce niveau-là, là: «Sélection finale des projets par la ministre et annonce publique sur des accords [des] principes, alors que les tables régionales et la fondation font tout le travail; exigences, rapport, plan d'action, modification des pratiques en vigueur, tout cela exigé dans de très courts délais comme à de simples employés qui seraient à son service. La fondation n'a pas à répondre à de simples impératifs politiques.» Alors, c'est sûr que c'est un regard assez cinglant, oui, effectivement, dans le terme, tout ça, mais ça ne nous enlève pas, ça n'enlève pas... Bon, c'étaient les discussions, aussi, et locales, et régionales, et nationales, discussions d'un gouvernement, du gouvernement tel quel. On ne peut pas empêcher l'imputabilité d'un gouvernement, on ne peut pas empêcher que le gouvernement doit s'assurer du bien commun, doit s'assurer de la cohérence de ses politiques gouvernementales, est en appui de sa vision politique. C'est important de savoir... Un gouvernement libéral, c'est un gouvernement libéral. Un gouvernement péquiste, c'est un gouvernement péquiste. Il y a des différences quelque part dans notre façon de faire.
Donnez-moi un peu d'explications, dans cette ingérence-là, là. Les décisions... Parce que vous avez des décisions que vous prenez effectivement, là, mais...
M. Paquette (Normand): Il manque un élément du mémoire, que vous n'avez pas mentionné, et je glissais par la suite ou un petit peu avant sur la question du partenariat. Et je pense que c'est là, là. C'est la question, la notion de comment on travaille avec des partenaires. Et je pense que vous l'avez déjà entendu d'ailleurs, à Sherbrooke, un de mes confrères à la table, monsieur... ? je ne me souviens pas de quelle table, là, c'est-u Lanaudière?, je pense, là ? il nous disait: Ça démobilise les gens, vous démobilisez les gens. Bien, c'est ça. Lorsqu'on travaille avec des partenaires, ces partenaires-là ont des manières de faire, ils ont des modes de fonctionnement qui leur sont propres. L'Église a ses modes de fonctionnement qui lui sont propres, hein, il ne faut pas se le cacher, hein, on fonctionne à une certaine vitesse, à une certaine manière.
Or, lorsqu'on nous demande des plans triennaux, qu'on nous demande de réagir pour la semaine suivante ou dans deux semaines, je regrette, moi, là, je ne suis pas un fonctionnaire du gouvernement à qui Mme la ministre peut donner un ordre. J'ai d'autres prérogatives, j'ai d'autres problèmes à régler justement, d'autres dossiers à régler. Et c'est ce type de partenariat qu'il faudrait améliorer.
Mme Léger: Comment peut-il être amélioré?
M. Paquette (Normand): Je pense que c'est par une plus grande délégation de pouvoirs, justement. On a des comptes à rendre. C'est sûr qu'il faut donner... on a des comptes à rendre. Mais je pense qu'on n'a pas à être directement sous l'influence de la ministre. Si on est une fondation, c'est parce qu'on est à part. On a voulu créer un organisme qui était séparé. Donc, respectons ces caractéristiques-là et fonctionnons aussi avec d'autres règles du jeu.
Souvent, je me suis senti... Je suis un ancien fonctionnaire, donc mon premier réflexe, c'est de me ressentir comme un fonctionnaire à qui on donnait des instructions et des délais très courts pour réagir, ou on arrivait avec des dossiers... Je me rappelle que la ministre a autorisé des dossiers sur... des dossiers qui étaient incomplets, mais, parce qu'il y avait des annonces à faire, on les a faites. Ça fait que j'ai dit: Mon Dieu, c'est-tu comme ça que ça doit fonctionner? Et ça, ça devient démotivant. On manque de respect. Ça fait que, si on parle, au niveau gouvernemental, de partenariat ? puis il est à la mode, ce mot-là ? bien je pense qu'il y a un mode de fonctionnement, une adaptation, au niveau de la mentalité gouvernementale, à avoir, aussi.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons. Merci pour cette bonne présentation. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Association de développement industriel et commercial de Sainte-Anne-de-la-Pérade puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
(Reprise à 11 h 31)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux afin de ne pas prendre trop de retard, pour que les membres de la commission puissent avoir au moins un petit lunch à midi.
Donc, nous accueillons l'Association de développement industriel et commercial de Sainte-Anne-de-la-Pérade, l'ADIC. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vous explique brièvement les règles de présentation de votre mémoire, qui sont assez simples, là: vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon que vous jugerez à propos, parce que c'est possible que, si vous faites la lecture de votre mémoire, je vous arrête à un moment donné pour vous demander de conclure ? mais ça, vous êtes le seul juge de la façon de le présenter. Et, à la suite de ça, il y a une période d'échange avec les membres de la commission.
Étant donné que nous sommes comme au Parlement, vous êtes au Parlement, ici, en commission parlementaire, il y a la retransmission... c'est-à-dire, il y a la rédaction du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et, à la suite de ça, de prendre la parole pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Association de développement industriel et
commercial de Sainte-Anne-de-la-Pérade
M. Dionne (Jacques-André): Merci, M. le Président. Mon nom est André Dionne, je suis agent de développement économique pour la municipalité de Sainte-Anne-de-la-Pérade. À ma droite, il y a M. Gérard Rompré, qui est le président du conseil de fabrique; M. Jean-Paul Norbert, ici, à ma gauche, qui est le président de la Société d'histoire, qui s'est depuis longtemps très impliqué dans le développement de l'église; et M. Yvan Turgeon, qui est un membre et qui est aussi un étudiant en muséologie à l'Université Laval, à Québec.
M. le Président, je vous remercie de nous donner l'opportunité de nous présenter devant vous ce matin. Notre présentation sera brève, quand même. On vous donne notre humble avis, là, sur un dossier qui nous est cher ? dans les deux sens du mot: «cher» et «cher».
Évidemment, aussi, je suis peut-être moins familier que mon prédécesseur dans le jargon de patrimoine et de culture, sauf que, pour votre information, notre association, qui regroupe des gens d'affaires de la municipalité de Sainte-Anne, a un mandat de développement local et d'animation du milieu.
Le patrimoine religieux, M. le Président, constitue, pour la plupart des petites communautés, un héritage lourd à supporter et à sauvegarder, surtout lorsqu'il s'agit de monument impressionnant tant par son architecture que par les oeuvres d'art qu'il renferme, comme une église par exemple.
D'abord, est-il besoin de le rappeler, il est bien difficile de savoir par où commencer quand il s'agit de la sauvegarde et de la mise en valeur d'une église, à moins de pouvoir bénéficier de ressources et des compétences capables de faire une évaluation de sa remise en état et d'en assurer la mise en valeur. Mais, pour ce, il faut d'abord juger de la pertinence ou non d'assurer une protection légale ? soit un classement, soit une reconnaissance ? de toute église qui présente un caractère historique et patrimonial.
Nos églises sont nos châteaux de la Loire, avait un jour déclaré la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mme Louise Beaudoin, alors qu'elle se trouvait de passage à Batiscan, en Mauricie. Si elles en sont, il va sans dire que leur conservation doit être une préoccupation non seulement pour le milieu où elles se trouvent ou pour les fabriques, parce que ce sont d'abord des lieux de culte, mais également pour les gouvernements supérieurs, pour l'importance qu'elles peuvent occuper aux plans culturel, historique et, depuis peu, touristique.
L'avènement de la Fondation du patrimoine religieux du Québec a fait que plusieurs églises ont pu bénéficier d'un soutien financier pour leur restauration ou celle des oeuvres d'art et de biens mobiliers, ce, avant même qu'on ait complété le classement des lieux de culte, ce qui à notre avis s'est fait de façon peut-être discrétionnaire. Nous croyons que les critères d'évaluation du classement des églises devraient être plus rigoureux et que le comité de classement ne cède pas sous les pressions passionnelles de certains milieux qui tentent par tous les moyens de sauver leur lieu de culte, lequel ne répond pas toujours aux critères d'ordre architectural, historique ou patrimonial.
Le patrimoine bâti du Québec comprend plusieurs églises de grande valeur mais que les communautés n'ont pas réussi à préserver au fil des ans. On peut donc s'attendre à des coûts de restauration plus élevés. Il ne faudrait pas que l'aspect coût vienne influencer l'urgence d'intervenir pour sauvegarder ou mettre en valeur un bâtiment. Le processus de restauration des églises devrait être axé sur l'urgence des travaux à effectuer, d'où l'importance de procéder rapidement à une évaluation des besoins de remise en état de certains édifices.
Il serait difficile de s'en tenir, devant cette commission, à la problématique générale de la sauvegarde des églises sans y aller de revendications particulières. Le cas qui nous occupe, l'église de Sainte-Anne-de-la-Pérade, dont la construction a débuté il y a aujourd'hui 150 ans et qui a toute la magnificence d'une cathédrale, l'architecte s'étant inspiré de l'église Notre-Dame de Montréal pour réaliser les plans, a fait l'objet, depuis une vingtaine d'années, de plusieurs travaux de restauration.
La communauté paroissiale a participé, sans autre forme d'aide financière, à la réfection complète de la toiture pour plus de 225 000 $. Cette participation a été fort généreuse compte tenu que la paroisse ne compte qu'une petite poignée de fidèles. En 2003, suivant une demande de la fabrique et de la Société d'histoire, la Fondation du patrimoine religieux a accepté de contribuer 296 000 $ pour la restauration d'un chandelier pascal, laquelle a été complétée, de même que pour la restauration d'un tabernacle et d'un autel tombeau, qui est en cours.
Alors, pour l'information de cette commission, nous tenons à rappeler la grande valeur des biens mobiliers qui ont été ou qui sont présentement en restauration; on parle d'un chandelier pascal de Pierre-Noël Levasseur, et l'autel tombeau, une oeuvre de Baillairgé, et ainsi que le tabernacle également, une oeuvre de Levasseur. Encore là, en plus de l'aide de la Fondation du patrimoine religieux, le milieu s'est mobilisé pour amasser 52 300 $ ? une population de 2 000 âmes.
En 2004, des travaux de réparation et de peinture des fenêtres ont été réalisés au coût de 85 000 $; de ce montant, 50 000 $ provenaient de la Fondation du patrimoine religieux et 35 000 $ des paroissiens ainsi que de généreux donateurs. Force est de constater que plus d'argent a été consacré à la restauration des biens culturels et mobiliers de l'église qu'à la restauration du bâtiment, qui en a encore grandement besoin. Et, ces dernières semaines, près de 20 000 $ ont été amassés dans le milieu pour rénover l'arche extérieure lumineuse qui encadre la statue de Sainte-Anne, au sommet de l'église, et qui est dans le noir depuis 32 ans.
Or, comme vous pouvez le constater, certains de ces travaux ont pu être effectués avec la participation de la Fondation du patrimoine religieux, appuyée par un effort remarquable de la petite collectivité, notamment la Société d'histoire, ce qui confirme le degré d'attachement à l'église.
Nous souscrivons à la volonté gouvernementale de favoriser une plus grande appropriation du patrimoine par la population et la conservation de biens collectifs d'une valeur inestimable, en autant que cette dernière en ait les moyens financiers. Nous ne pensons toutefois pas que l'Église ou qu'une petite communauté comme Sainte-Anne-de-la-Pérade soient en mesure de faire davantage pour conserver et protéger cette superbe église. Il est de plus en plus difficile de compter sur d'autres sources de revenus pour préserver le patrimoine également.
Comme ailleurs, nous assistons à une diminution de la pratique religieuse. Nous sommes encore à nous demander comment les paroissiens ont pu soutenir à eux seuls et aussi longtemps, avec leurs dons et leur implication, un temple de cette envergure. Cependant, on constate depuis quelques années que l'entretien est déficient, faute de fonds nécessaires. Cela fait donc qu'aujourd'hui seul un engagement plus important du gouvernement permettrait d'arriver à un inventaire complet des besoins de remise en état de l'église ainsi que des biens culturels et mobiliers qu'elle renferme.
Pour énumérer quelques-uns de ces besoins, là ? je vais aller vite, rapidement ? on parle du nettoyage des lustres de cristal, qui viennent de la maison Murano, à Venise, en Italie; le nettoyage et la restauration de l'orgue, un Casavant installé en 1902; la restauration de la toile marouflée de la voûte et du plafond; la restauration des saints du chemin de croix ainsi que des fresques que l'on retrouve dans le choeur, des oeuvres datant de la fin du XVIIIe siècle et début du XIXe siècle; la restauration des médaillons représentant les Saints Martyrs Canadiens, dans la voûte du choeur; la restauration du maître-autel; la restauration de la chaufferie, etc.
Ces trésors justifient pleinement la fierté des paroissiens de Sainte-Anne-de-la-Pérade pour leur magnifique temple qui, au fil des ans, est devenu objet de grande popularité pour les nombreux touristes qui s'arrêtent chez nous. En septembre dernier, on a fait le dénombrement des visiteurs qui se sont arrêtés à l'église de Sainte-Anne-de-la-Pérade, et 80 % de ces personnes étaient des touristes étrangers hors Québec.
La crypte de l'église de Sainte-Anne-de-la-Pérade renferme 180 sépultures dont celles de plusieurs anciens curés ou de personnalités célèbres. Y gît notamment John Jones Ross, médecin, septième premier ministre du Québec, 1884-1887, et président du Conseil législatif, président du Sénat, décédé et inhumé dans l'église en mai 1901. Il avait été aussi député de Champlain, dans le Bas-Canada, en 1861, bien avant l'avènement de la Confédération, puis il a été réélu sans opposition en 1863. La seule présence des restes de cet homme politique dans la crypte de l'église renforce le caractère historique de ce majestueux immeuble et l'importance d'en assurer la sauvegarde.
Quant à la mise en valeur de l'église, nous croyons le milieu capable de se mobiliser, mais une fois seulement que les travaux de restauration auront été réalisés, car des dizaines et des dizaines de milliers de dollars seront nécessaires pour y arriver. Dans le contexte actuel, il apparaît difficile d'en demander davantage à une municipalité et aux citoyens, encore moins au paroissiens, qui sont toujours de moins en moins nombreux. Ces derniers parviennent difficilement à assurer le financement adéquat des activités courantes de la paroisse et de l'entretien de l'église. La décision du gouvernement du Québec de ne plus accorder de subvention pour le programme de soutien à la restauration du patrimoine religieux nous inquiète.
n(11 h 40)n À la question que se pose la Commission de la culture: Comment faire participer un peu tout le monde à la protection du patrimoine religieux?, nous répondons que le gouvernement a une grande part de responsabilité, sauf que, comme bien d'autres institutions ou organismes, il est confronté, lui aussi, à un manque d'argent.
Au départ, il faudrait peut-être différencier les besoins de restauration du patrimoine religieux et celui du recyclage des édifices religieux patrimoniaux. L'entreprise privée peut être difficilement mise à contribution dans la restauration du patrimoine religieux, à moins que des crédits d'impôt soient instaurés pour stimuler l'implication de partenaires; alors que, comme promoteur, l'entreprise privée peut être partie prenante dans le cas de recyclage d'édifices religieux patrimoniaux.
La société civile a aussi sa part de responsabilité vis-à-vis la protection du patrimoine religieux, mais encore là les besoins urgents et pressants d'intervention dépassent la capacité de payer. Comme le gouvernement, le citoyen est confronté chaque jour à des obligations toujours grandissantes, et, dans le cas de la protection du patrimoine religieux, il n'a pas les moyens de ses ambitions.
Pour terminer, peut-être serait-il possible de se tourner vers Patrimoine Canada, d'autant plus qu'on retrouve chez nous un des premiers présidents du sénat canadien. Alors, on pourrait aller frapper pour obtenir de l'aide financière. Et on pourrait peut-être aussi penser éventuellement à des ententes au même titre que les projets d'infrastructures Canada-Québec. Alors, on pourrait peut-être envisager des ententes patrimoniales, historiques et... pour la conservation du patrimoine. Le Conseil des arts du Canada pourrait être aussi mis à contribution, et certaines églises pourraient devenir un centre d'animation historique et culturelle, tout en préservant leur vocation première, la mission d'évangélisation. Alors ça, ça deviendrait l'affaire du milieu.
Pour conclure, nous souhaitons que la conservation du patrimoine religieux au Québec passe d'abord par une protection légale de certains bâtiments, la remise en état des bâtisses qui ont mérité une classification de monument historique, l'évaluation des oeuvres d'art et des biens mobiliers de même que leur restauration, et enfin un programme de mise en valeur de cet héritage culturel et patrimonial.
Il est impensable de croire qu'un jour il faudra songer au démantèlement d'une église qui a une haute valeur historique, culturelle et patrimoniale, principalement en milieu rural, où la fabrique et les citoyens n'ont pas les moyens financiers pour en assurer la survie. Il faudra alors trouver des hypothèses de solutions, car ce ne sera qu'une autre étape vers la dévitalisation. M. le Président, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci pour ce mémoire, mémoire fort intéressant. Je vais y aller d'une courte question au point de départ, parce que c'est la première fois qu'on soulève le point au microphone, en commission ? il y a quelques mémoires qui en ont fait état ? en parlant de Patrimoine Canada, en définitive, du gouvernement fédéral. On a abordé à plusieurs reprises les responsabilités du gouvernement québécois, des gouvernements municipaux, des MRC, mais on a très peu abordé la capacité financière justement d'investir par Patrimoine Canada, donc le gouvernement fédéral, dans la protection du patrimoine religieux québécois. Vous, dans la protection de votre église, est-ce que Patrimoine Canada investit certaines sommes?
M. Dionne (Jacques-André): Non. Il n'y a pas eu de démarche en ce sens, mais, comme alternative évidemment au sous-financement qu'on peut avoir de d'autres sources, surtout en raison de la présence des restes de l'ancien sénateur, député et premier ministre du Québec, J. J. Ross, nous pensons qu'il pourrait y avoir un intérêt de Patrimoine Canada d'intervenir, surtout au niveau de la crypte, où se trouvent les restes de l'ancien premier ministre et sénateur.
Évidemment, ça peut être dans les étapes à franchir, parce que là on ne sait plus où donner de la tête évidemment pour aller chercher des sous, là. On a fait un gros show récemment avec Ginette Reno, on est allés chercher quelque ? 20 000 $, M. le président? ? ...
Une voix: ...
M. Dionne (Jacques-André): ...20 000 $ avec un spectacle à l'église, dans une messe du dimanche, pour réparer une arche lumineuse qui n'éclairait plus depuis 32 ans. Alors, évidemment, il faut faire de la magie, là, dans les circonstances.
Le Président (M. Brodeur): Vous suggérez d'élargir l'éventail des partenaires le plus possible, en allant chercher également, peut-être, Patrimoine Canada. Vous parlez également du Conseil des arts, qui pourrait être mis à contribution.
M. Dionne (Jacques-André): Pour la restauration de certaines oeuvres d'art qui se trouvent à l'intérieur du bâtiment. Il reste que, quand même, mon collègue Turgeon, ici, ce matin... on constate quand même des aberrations au niveau de la difficulté, en milieu rural, de se sortir la tête au-dessus de l'eau, à bien des égards, dans bien des domaines. Et, à ce niveau-là, je pense qu'on se trouve dans une situation pratiquement identique, même si on a déjà largement bénéficié de l'aide financière de la Fondation du patrimoine religieux pour la restauration de certains biens mobiliers.
M. Turgeon (Yves): Si vous le permettez, je voudrais peut-être attirer votre attention. Je sais que, votre commission, l'objectif est bien sûr d'avoir une vue d'ensemble. Je crois cependant que le cas de Sainte-Anne-de-la-Pérade est un bon exemple et je crois qu'il y a trois points... Même étant citoyen de Sainte-Anne-de-la-Pérade, même étant membre de la collectivité, si j'essaie, de par mes fonctions et de par mes champs d'intérêt, de me retirer un peu pour avoir une vision très claire et objective, je pense qu'il y a trois points qui sont majeurs par rapport au dossier qui est présenté et qui, je crois, au niveau du travail de votre commission, peuvent vous aider.
Le premier point, c'est que la spécificité historique et patrimoniale du Québec, ça n'en est pas une des grandes villes, ça en est une des régions. Pendant trois siècles, le Québec s'est défini comme société féodale et rurale, ce sont nos racines, c'est notre patrimoine.
Deuxième point. Dans une situation de dévitalisation... Les régions sont aux prises avec des difficultés économiques, sont aux prises avec des pertes de population, mais il y a aussi un danger de dévitalisation patrimoniale. Je m'explique. J'entendais, tout à l'heure, parler de patrimoine de proximité, de patrimoine de localité, de patrimoine de régionalité. Est-ce dire que ce patrimoine est de moindre intérêt que le patrimoine des grandes villes ou, pire encore, que ce patrimoine, compte tenu que les régions n'auront plus les moyens de s'en occuper, devrait, pour être conservé dans des conditions optimales, prendre le chemin des grandes villes ou des grands musées soit de la capitale ou soit de la métropole?
Il faut faire très attention, dans le cadre du patrimoine religieux du Québec, d'arracher ce patrimoine religieux et de le relocaliser ailleurs où il n'a pas sa place, comme on... J'ai déjà vu à quelques reprises des exemples qui ont été faits par des... Des institutions muséologiques internationales, qu'on mentionne tout simplement le British Museum, qui, à une certaine époque, retiraient d'Égypte ou de ses autres colonies des trésors, actuellement réfléchissent grandement à ce qu'ils ont fait et vont même, dans certains cas, restituer ces oeuvres-là parce qu'ils se rendent compte que, ce qu'ils ont fait, ils ont contribué à priver d'histoire des sociétés. Donc, il ne faudrait pas que la commission, et les gouvernements, et les intervenants fassent la même chose quand il s'agit du patrimoine religieux, ce qui veut dire priver les régions de leur patrimoine. Et, comme avait dit déjà un célèbre anglophone, une région sans histoire, c'est une région qui n'existe plus.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Je vais vous demander de concilier deux choses que je... via, à travers votre mémoire. Vous me parlez de régions. On peut penser au petit village qui a son église propre, la seule église du village, et vous dites, d'un autre côté: Résistez aux groupes qui agissent avec passion pour protéger une église qui n'a pas d'histoire, ni d'architecture, ni de biens artistiques importants. Comment concilier le fait que vous dites: Résistez à ces gens-là, puis, de l'autre côté: Protégez l'église de notre petit village également? L'église du petit village n'a pas nécessairement un caractère historique, artistique, culturel. Comment je peux concilier ces deux affirmations-là que vous nous faites ici, là?
M. Dionne (Jacques-André): Pour votre information, M. le Président, disons que le Québec rural ne sait plus où donner de la tête pour assurer son développement. Comme, par exemple, chez nous, présentement, on est en train de développer un circuit d'églises, et un circuit d'églises pour les visiteurs étrangers, mais qui ne présente pas nécessairement un intérêt... Dans notre région, peut-être sur une dizaine d'églises, dans notre MRC, là, il y en a peut-être trois ou quatre qui peuvent avoir un intérêt pour les visiteurs. Quand on a vu les églises d'Italie ou de France puis qu'on voit les églises chez nous, c'est bien petit. Alors, évidemment, je veux dire, on considère, nous autres, que... Moi, je disais souvent à mon curé que, si, vous, vous avez besoin de l'église pour sauver des âmes, moi, je pense que, comme pivot pour notre développement, l'église demeure quand même un centre d'intérêt très important.
Par contre, au niveau strictement paroissial, M. Rompré peut vous exposer aussi la situation en termes de sous. Le budget de la fabrique frise, quoi?
M. Rompré (Gérard): 253 000 $.
M. Dionne (Jacques-André): 253 000 $, et on fait face à des impondérables, des augmentations constantes, là, actuellement, notamment les frais d'électricité qui menacent de nous surgir, là, dans la figure, bientôt.
M. Rompré (Gérard): Actuellement, nous sommes... Demain soir, il y a une réunion par rapport au sujet sur Hydro-Québec. Actuellement, à Sainte-Anne-de-la-Pérade, nous payons environ 20 000 $ de chauffage par année. Avec l'enlèvement de notre projet BT énergie, cela veut dire... doublerait à peu près les dépenses pour chauffer notre même église. Suite à ça, à un moment donné, on va recevoir... Je ne sais pas ce qui va arriver.
Le Président (M. Brodeur): Si je pose la question: Supposons que votre église n'aurait aucune valeur artistique, est-ce qu'à ce moment-là vous devriez vous résigner à la démolition de l'église?
n(11 h 50)nM. Dionne (Jacques-André): Sauf qu'elle présente une valeur d'intérêt très grand, M. le Président. Je veux dire, on ne peut pas s'imaginer que l'église n'ait pas de valeur artistique. Actuellement, je pense que M. Norbert, de la Société d'histoire, peut témoigner de tout le travail qui a été fait et des oeuvres que l'église renferme, et le bâtiment en soi se veut d'un intérêt tout à fait particulier. Au prorata des visiteurs qui passent chez nous, je pense que l'église de Sainte-Anne-de-la-Pérade est un des monuments qui est aussi photographié que le Château Frontenac, à Québec, ou le rocher Percé, à Percé. Et M. Norbert peut vous témoigner de l'intérêt des gens de l'extérieur qui s'arrêtent chez nous, et de toutes confessionnalités. Ce n'est pas juste une question de religion, là.
M. Norbert (Jean-Paul): Nous, la Société d'histoire, depuis que la société existe, on rouvre l'église de la mi-juin à la mi-septembre pour les visites, et on voit des touristes qui viennent un peu de toutes les régions pour venir visiter l'église puis trouver que c'est un monument un peu rare à visiter. Ils sont tous très satisfaits de ça. Nous autres, on en est bien fiers quand ils nous disent ça. Mais c'est toujours la question de l'entretien de notre église qui nous touche aussi profondément.
Par les visites qu'on a à l'église, on ramasse, durant l'été, 700 $, 800 $ à 1 000 $ peut-être par des dons. C'est un surplus pour financer notre église, mais c'est bien loin d'être attribuable, si on veut, à ce que les dépenses contribuent. Nous autres, on a un projet Canada au travail pour faire des visites pendant huit semaines, qui nous coûte presque rien, à la Société d'histoire. Mais, après que le travail est fini, on organise des bénévoles. Il y a 25 bénévoles qui se relaient sur semaine, deux dans l'avant-midi, deux dans l'après-midi, pour tenir l'église ouverte aux visiteurs, pour leur faire visiter l'église. Je pense qu'on fait une grosse part là-dedans pour être capables d'aider au maintien de notre église. Puis, en plus, notre fierté, c'est de la faire visiter, de la faire voir.
Notre église a 1 064 places assis. Quand ils l'ont classée dans les monuments historiques, ils nous ont dit qu'elle était classée AAA, qu'on serait une des premières à être passée, à part que la cathédrale de Trois-Rivières et le Petit Séminaire du Cap, mais, quand ils sont venus la visiter...
Une voix: Sanctuaire.
M. Norbert (Jean-Paul): Sanctuaire, je m'excuse. Quand ils sont venus la visiter pour le... ils nous ont dit... C'est clair qu'il y a eu des réparations qu'il y a eu, dans notre église, en 1951, les bancs ont été enlevés, mais c'est loin de contribuer... Ça embellit notre église, si on veut, puis ça a ôté un peu d'historique du début, mais il reste assez d'autres monuments dans notre église qui contribuent, comme M. Dionne vous l'a dit, sur l'historique de notre église, l'histoire de notre église, parce qu'il y a des monuments dedans qui datent des anciennes églises. C'est la troisième église, à part d'une chapelle qu'il y a eu à Sainte-Anne; ça, c'est la troisième église qu'on a construite. Puis, quand on l'a recouverte, dans les années quatre-vingt-quatorze, bien on a ramassé 256 000 $ dans la population, à faire du porte en porte, pour la couvrir.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Rouyn-Noranda?Témiscamingue, c'est une région rurale...
Une voix: ...
M. Bernard: C'est ça. Puis on a eu un exemple. En fait, vous abordez dans votre mémoire plusieurs pistes de solution qui sont intéressantes, puis un exemple parallèle, c'est à plus petite échelle, mais qu'est-ce qu'on a fait... Dans la région, chez nous, on a une église orthodoxe russe, O.K., et l'église orthodoxe a été transférée en OSBL parce qu'effectivement c'était un site d'attrait touristique. Alors donc, il y a eu la contribution de la ville, du ministère de la Culture et des Communications et de Patrimoine Canada pour remettre à niveau l'église, et elle sert encore de lieu de culte, encore actuellement, les dimanches. Donc, il y a des modèles, je pense, qu'il est possible de développer pour pouvoir maintenir.
Une des questions que je me demandais... Avant de poser la question, un autre point tantôt que je me... depuis le début que je me pose la question: Quand on fait ça, on le fait pour qui? Puis vous avez très bien soulevé la question, parce que ces sites-là ont un potentiel, plusieurs touristiques, mais, dans 20 ans... O.K., nous autres, maintenant... moi, je sais, quand je me promène en Europe puis partout, j'aime ça visiter les églises parce que ça a une signification pour moi, mais quelle sera-t-elle pour les jeunes actuellement, dans 20 ans? Alors, on se dit: Il faut faire un plan à long terme, si on fait un plan, à savoir où qu'on s'en va dans 20 ans.
Et ce qui amène à ma dernière question. Vous faites face, avec beaucoup... vous avez des sommes importantes à investir en réfection de l'édifice. Si, par exemple, on arrivait avec un plan, que le gouvernement dit: O.K., on est capable de mettre un plan, ces édifices-là à caractère patrimonial, on est capable de leur donner un coup de main pour faire la réfection, mais, après ça, pour les opérations, est-ce que l'achalandage que vous avez en tant que paroissiens et autres serait capable, après ça, de maintenir l'édifice, ou ça prendrait selon vous toujours une aide du gouvernement pour maintenir?
M. Dionne (Jacques-André): Écoutez, je suis persuadé qu'actuellement la problématique, c'est que... malgré la bonne volonté de tout le monde, là, évidemment c'est de faire... Il y a déjà eu un inventaire de l'église qui a été... non seulement des biens, des objets cultuels, des tableaux, des oeuvres d'art, mais également des vêtements sacerdotaux et des mobiliers de culte. Et inévitablement on dit: Bien, écoutez, on n'a pas les compétences vraiment pour savoir par où commencer. Ça va de la structure de la bâtisse, on parle de chauffage, d'une chaufferie qui est déficiente présentement, et ça va justement aussi à la conservation de ce qu'elle contient. Alors, évidemment, il faut superviser aussi qu'est-ce qui mérite d'être conservé, qu'est-ce qui mérite d'être protégé. Moi, quand on me parle de Monty, là, je ne le connais pas, le bonhomme; c'est un artiste apparemment qui a fait des choses extraordinaires, puis on le voit chez nous dans l'église. Alors, évidemment, une fois qu'on aura fait une évaluation, on dit: Bien, écoutez, si on peut avoir un coup de pouce pour la restauration, après ça, la mise en valeur, bon, on s'en occupera, évidemment.
Mais là c'est parce que l'effort financier est trop grand de demander à un petit milieu pour mettre l'église en état d'abord de rester debout. L'an passé, il y a eu une dépense de faite pour la peinture des fenêtres, puis on s'est aperçu évidemment qu'il se créait une condensation entre les deux fenêtres. Alors, à ce moment-là, il y a une pourriture qui s'est installée, alors il a fallu procéder à une ventilation. Mais il reste que, quand même, les fenêtres peinturées l'an passé seront inévitablement à changer, là, dans un proche avenir. Alors, j'ai l'impression que quelque part ça prendrait un comité d'experts qui viendrait nous dire: Bien, voici, là, il faudrait faire des efforts là, là, là et puis peut-être laisser tomber, là, certaines choses. Comme l'orgue, là, ça fait des années que ça n'a pas été touché, et peut-être aux fêtes... alors, on se sert de l'orgue. Bien, on se sert d'un autre orgue dans le choeur, dans le sanctuaire, mais il reste que l'orgue, un Casavant extraordinaire, sert peut-être une fois ou deux fois par année actuellement, parce qu'il doit être aussi remis en état.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: M. le Président, juste une question sur le tarif biénergie. Vous savez, ça préoccupe beaucoup, en tout cas les députés de l'opposition, là, parce qu'on sait que l'Hydro-Québec veut l'abolir, en tout cas il a annoncé l'abolition. Je crois que, si je me rappelle bien, ce sera effectif le 1er avril 2006, pour laisser passer l'hiver, là. Mais il va y en avoir un autre, puis un autre, puis un autre hiver, là. Et, si j'ai bien compris, Hydro-Québec se promène et rencontre les responsables dans les fabriques puis leur indique comment faire des économies d'énergie.
Est-ce que vous pourriez nous dire comment ça va vous affecter très concrètement? Vous l'avez évoqué tout à l'heure, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de ça, les paroissiens, la fabrique. En tout cas, moi, je peux vous dire qu'on est très préoccupés que, pendant qu'on travaille, nous, là, les députés, ici pour voir comment préserver et mettre en valeur le patrimoine religieux, qu'on entend des gens comme vous puis comme d'autres dire: On en arrache, puis ça affecte, et c'est susceptible d'affecter beaucoup notre patrimoine qu'on veut préserver, bien, là, Hydro-Québec arrive puis décide: Bon, plus de tarif biénergie pour les églises, avant même qu'on ait fait nos recommandations, qu'il y ait une politique sur le patrimoine. Alors, éclairez-nous donc un peu sur l'état d'esprit à Sainte-Anne-de-la-Pérade sur cette annonce et cette intention de l'Hydro-Québec.
M. Rompré (Gérard): Lorsque nous avons reçu la documentation de ça, moi, j'ai appelé tout de suite à l'Hydro-Québec pour savoir, parce qu'ils nous donnaient la chance d'avoir un montant incitatif si on enlevait tout de suite biénergie. Après les calculs, nous avons décidé, le conseil de fabrique, de garder le BT énergie jusqu'au 1er avril 2006. Suite à ça, avec le diocèse, nous avons eu une rencontre qui était pour nous aider à comprendre, suite à un comité formé entre les gens de l'Hydro-Québec et les évêques de la province de Québec. Comme je vous disais tantôt, cette réunion a lieu demain soir, à Trois-Rivières. Présentement, je ne peux pas vous dire le résultat de cette réunion, mais je peux vous dire, par exemple, qu'au point de vue municipalité et paroissiens nous ne comprenons pas le geste de l'Hydro-Québec, parce que ça veut dire la fermeture peut-être de l'église en saison hivernale, et nous avons des oeuvres d'art, à Sainte-Anne, qui ne nous permettent pas... que nous avons fait restaurer à grands coûts et qui ne nous permettent pas des... On ne peut pas les laisser aller de même.
n(12 heures)nM. Turp: Et mon autre question: Trouvez-vous ça normal que, pendant que, nous, on travaille sur le patrimoine religieux puis sur comment le préserver, qu'Hydro-Québec arrive comme ça? Ils ne doivent pas savoir qu'on travaille, nous autres, là, ou ça ne les intéresse pas, ce qu'on fait comme travail, le tour du Québec qu'on fait, là, pour trouver avec les citoyens des solutions pour préserver le patrimoine. Trouvez-vous ça normal que, dans le contexte actuel, Hydro-Québec fasse ça?
M. Dionne (Jacques-André): C'est inquiétant quand même. Mais il reste une solution actuellement, c'est qu'Hydro-Québec aussi, dans le cadre de ses grands ouvrages, assure les régions qui bénéficient de ces ouvrages-là de retombées qui peuvent servir à des fins communautaires, comme on s'en est déjà servi chez nous. On a déjà aménagé un parc suite à la traverse de Nicolet?Radisson-Des Cantons, sous le fleuve, à Deschambault. Il reste que, quand même, actuellement ce coup-là, on ne l'a pas vu venir vraiment, là. Pour la paroisse, ça, c'est le double du prix d'électricité actuellement, le double, imaginez, et là on ne parle pas du presbytère, là. Et, surtout, on ne veut pas non plus échapper les oeuvres d'art qui sont à l'église, soi-disant qu'on n'aurait pas les moyens de payer le chauffage.
Actuellement, on tente de récupérer une maquette qui a servi à la construction de l'église et qui se trouve à la commission canadienne de l'architecture, à Ottawa. Cette maquette-là a atterri à un moment donné chez le sénateur Serge Joyal, qui est un collectionneur de toutes sortes, et puis actuellement la maquette se trouve à la commission de l'architecture, et c'est la maquette dont l'architecte s'est servi pour bâtir l'église de Sainte-Anne, et, c'est ça, on calcule que c'est un bien qui devrait nous revenir, chez nous, et non pas dormir au musée de la commission de l'architecture, à Ottawa. Alors, on essaie de tirer sur tout ce qui bouge évidemment pour aller chercher... Et Hydro-Québec, ce coup-là, on ne l'a vraiment pas vu venir.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que votre exposé me semble extrêmement intéressant, et ça me ramène à ce que disait Fernand Dumont concernant le développement des régions: que le développement économique commence par le développement culturel. Et, quand on a un bâtiment aussi important que celui que vous nous avez décrit, je pense que c'est un élément incontournable. Et le sentiment que j'ai, c'est qu'après vous avoir entendu... Je n'ai pas eu la chance de visiter cette église-là, mais, comme c'est quelque chose qui m'intéresse, un jour vous allez me voir arriver. Il reste que j'ai le sentiment qu'on classerait probablement cette église-là parmi les catégories exceptionnelle ou privilégiée, si on se réfère aux catégories qui ont été mentionnées par l'économe du diocèse de Nicolet avant vous. Il est très intéressant d'avoir eu cette présentation-là avant la vôtre, et la vôtre après, où la problématique de la classification pour répartir les responsabilités se bute à une réalité, une réalité dans laquelle, si j'ai bien compris, vous avez un bâtiment qui est de catégorie exceptionnelle ou privilégiée...
Une voix: ...
M. Dion: Bon. Alors donc, en haut du cube. Mais ce n'est pas un bâtiment excédentaire, parce que les gens en ont besoin sur le plan culturel, mais c'est un bâtiment, à cause de sa valeur et de son envergure, que la communauté locale ne peut financer et ne peut maintenir. Alors, évidemment, ça ne rentre pas facilement dans les catégories. Donner ça à la fiducie... Vous l'avez mentionné de façon indirecte, je pense, tout à l'heure, c'est que donner ça à la fiducie, ça reviendrait à déresponsabiliser la communauté locale, ça coûterait deux fois et trois fois plus cher, et on n'aurait pas plus de choses. Par contre, qu'est-ce qu'on fait, dans ce cas-là, comment est-ce qu'on procède? Comment verriez-vous une politique qui permettrait de rencontrer et un objectif, qui est celui de conserver des bâtiments à haute valeur historique et culturelle, et en même temps respecter les besoins d'une communauté locale? On fait comment?
M. Turgeon (Yves): Je crois pour ma part qu'il n'y a pas de contradiction dans ces deux objectifs-là. La preuve, c'est qu'un nombre important de contributeurs au niveau de la restauration de l'église, au niveau même de la restauration des oeuvres d'art qui constituaient les deux autres églises précédentes... a été faite par des paroissiens, donc des croyants qui voulaient continuer à pratiquer leur culte et en même temps préserver leur patrimoine. Il ne faut pas oublier qu'il y a des gens à l'intérieur de ça qui ne sont pas nécessairement religieux et qui considèrent...
Je vous ferai juste remarquer quelque chose. Tout à l'heure, on mentionnait qu'on se posait la question: Qu'est-ce qui va arriver avec la connaissance religieuse une fois que les gens ne pratiqueront plus? Je peux vous assurer, moi, qu'au niveau des tendances au niveau international le patrimoine religieux est l'objet muséologique d'avenir. Comme on a mentionné tout à l'heure, qu'est-ce qui va arriver dans 20 ans, par exemple, si personne ne pratique plus? Ce sera encore plus d'intérêt pour les gens de découvrir justement cette période de notre histoire où la religion était ce qui englobait presque toutes les actions des individus. Donc, je pense qu'il y a moyen de combiner et, d'un côté, l'exercice du culte et, de l'autre côté, la préservation des bâtiments.
À mon sens, le problème n'est pas là. À mon sens, le problème est beaucoup plus au niveau de se presser actuellement à identifier. Je sais qu'au niveau du classement historique il ne s'est presque rien fait depuis plusieurs années. Il est important de classer rapidement, comme disait M. Dionne, ceux qui sont en haut du cube ou encore même ceux qui sont peut-être à la moitié, parce qu'à l'heure où on se parle il y a des trésors qui dépérissent, il y a des choses qui vont disparaître, et l'action est là. Et quand je parle classement, c'est classement et un partenariat du gouvernement avec les diocèses, avec les gens de la collectivité, pas nécessairement les croyants seulement, mais les gens de la collectivité, parce que, soyons clairs, l'église est non seulement un lieu de culte, mais, dans beaucoup de cas au Québec ? probablement, à Rouyn-Noranda, c'est la même chose ? c'est aussi un moteur touristique, un moteur social. Je pense qu'il y a moyen de combiner ces choses-là pour arriver à un résultat valable.
M. Dion: Alors, je vous mets devant la situation suivante, juste en deux mots: Quelle voie privilégieriez-vous dans un cas comme celui-là, la voie d'une fiducie nationale ou régionale qui prendrait le contrôle de l'église et qui assurerait sa survie, quitte à la louer une fois par semaine pour le culte, ou une autre voie, peut-être celle de la Fondation du patrimoine religieux, qui est intervenue depuis sept ou huit ans dans le domaine?
M. Dionne (Jacques-André): Là-dessus, moi, j'ai beaucoup de difficultés à croire qu'une fiducie serait la solution à nos problèmes. Il est bien évident que, d'abord, tant qu'il y aura une clientèle de pratiquants, l'église demeure et doit demeurer un lieu de culte. Par contre, à l'heure où, au niveau de la MRC, on est en train d'instituer une... On est une jeune MRC de trois ans, chez nous, et, à l'heure où on est en train d'instituer une politique culturelle, on veut d'abord que les maires soient sensibilisés au fait que le patrimoine doit devenir un outil de développement. L'agriculture, chez nous, actuellement, on subit des durs coups actuellement dans le contexte de la vache folle, par exemple. Mais on voudrait quand même que le patrimoine soit considéré comme un outil de développement. Alors, quand on dit «patrimoine», il ne s'agit pas seulement d'églises, là, il s'agit...
Chez nous, on a des maisons historiques, qui datent du XVIIe et du XVIIe siècle. On a aussi les lieux d'intérêt qui sont aussi des lieux d'intérêt historique. Madeleine de Verchères, sauf tout le respect qu'on lui doit, elle gît aussi à Sainte-Anne-de-la-Pérade, après avoir terminé ses jours chez nous. Il y a une histoire quand même très, très, très intéressante autour de Sainte-Anne-de-la-Pérade. Il y a aussi une masse critique... c'est-à-dire une masse très intéressante de visiteurs, l'hiver, avec le phénomène de la pêche. La pêche, l'hiver, nous apporte, bon an, mal an, 125 000 visiteurs. Évidemment, aussi, il y a tout le phénomène de ces gens-là, à cette période-là, bien, l'église, on ne peut pas la garder ouverte, pour des raisons aussi de sous, alors peut-être que cette clientèle touristique là d'hiver pourrait aller faire son petit tour à l'église, puis très intéressée, parce qu'on voit les gens couramment aller se frapper le nez sur la porte, là.
Mais il y a quand même... je veux dire, je ne parlerai pas de découragement ou de truc, on ne peut pas sortir le lapin du chapeau, là, mais il reste qu'actuellement, là, le milieu est essoufflé, autant les bénévoles qui par leurs actions travaillent à la sauvegarde de ce bien culturel là que les paroissiens, qui, eux, évidemment sont à bout, presque à bout de leurs sous, mais sont toujours d'une générosité exemplaire.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous disposons. Donc, on vous remercie pour la passion que vous avez... vous nous avez entretenu de votre mémoire. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que M. Jean-Yves Cloutier puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 12)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux en recevant M. Jean-Yves Cloutier. Bienvenue en cette commission parlementaire. Donc, je vous explique brièvement les règles de l'audition de votre mémoire. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire ? la façon dont vous jugez à propos, soyez très à l'aise de la façon dont vous nous le présentez ? et, à la suite de ça, il y a une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, la parole est à vous.
M. Jean-Yves Cloutier
M. Cloutier (Jean-Yves): Je vous remercie beaucoup. Je vais tout d'abord informer les membres de la commission que j'ai une maladie neurologique, donc ne soyez pas surpris si mon timbre de voix baisse... c'est l'effet de la maladie.
Il y a environ une vingtaine d'années, j'ai préparé un mémoire en droit sur le programme de transfert de droits de développement, qui visait d'ailleurs à protéger les immeubles historiques, et puis, tout au long de la commission et puis même depuis quelques années, les gens me parlaient beaucoup de l'importance ou de la difficulté d'attribuer de l'argent pour protéger les immeubles historiques, puis, moi, je me disais: Mais mon mémoire, mon étude, mon projet visent justement à trouver les sommes d'argent pour aider les gens à trouver de l'argent pour protéger les immeubles historiques.
Donc, récemment, j'ai fait une mise à jour de cette technique-là, qui date d'une trentaine d'années, et puis je me suis rendu compte qu'aux États-Unis, là où est implantée la technique, il y a beaucoup de comtés, beaucoup d'États, beaucoup de municipalités qui utilisent cette technique-là, et puis ça fonctionne très bien. Donc, je vais vous énumérer un peu les grands axes de ce programme de transfert de droits de développement.
Vous savez que l'engouement pour la protection du patrimoine, ça fait au moins une quarantaine, une cinquantaine d'années que les gens en parlent. On a créé les organismes de préservation, on a créé les fondations pour mettre en valeur ce patrimoine. Même, la Loi sur les biens culturels répond à certaines attentes du secteur, mais ça ne répond pas à tout.
Actuellement, les coûts de préservation sont toujours... ils sont assumés par les propriétaires du bien à percevoir. J'ai un immeuble historique, je dois le préserver, je dois l'aménager ou ne pas l'aménager, mais le protéger, mettons, de l'usure du temps. La Fondation du patrimoine religieux, d'ailleurs, a dit que ça prendrait 170 millions de dollars pour maintenir en bon état les églises du Québec.
La mise en place d'un programme de transfert de droits de développement, elle, elle vise l'intégration de tous les intervenants du milieu concerné par la protection des immeubles. Initialement, elle a été implantée dans des villes comme Chicago et comme New York, et puis elle a fait ses preuves. Aujourd'hui, aux États-Unis, il y a une quarantaine... 48 juridictions municipales ou de comtés qui ont des programmes de transfert de droits de développement. Il y en a plus de 100, programmes qui existent, entre autres en Alaska, Michigan, New York, à Vermont, au Maryland. En Californie, il y en a au-dessus de 27, programmes, puis, en Floride, il y en a 16. Puis, plus ça va, plus les gens acceptent, adoptent ce programme et l'utilisent.
Pour mettre en place une technique comme celle-là, il a fallu modifier un droit qui était considéré comme absolu, le droit de propriété. Par exemple, pour régler un problème de stationnement ou de circulation dans des villes, les gens ont dit: Mais on fait ce qu'on appelle un «zoning bonus», vous intégrez les utilités publiques à votre projet, puis, nous, on vous permet de hausser le niveau de densité d'abord initialement permis par le règlement de zonage. Ça, c'est du «zoning bonus».
Le transfert de droits de développement, c'est une mesure de la même famille. Mais c'est quoi, un droit de développement? On s'est rendu compte qu'au début c'était un démembrement du droit de propriété, et puis par la suite on en a fait un droit en soi. Puis, ce droit en soi, on pouvait maintenant le quantifier, on pouvait le séparer du terrain auquel il se rattache, on pouvait même le vendre et on pouvait même le transférer d'un terrain à un autre.
Le programme de transfert des droits de développement: la technique. Tout d'abord, il est utilisé pour empêcher la destruction d'immeubles historiques. Comment ça va fonctionner, c'est que, comme les propriétaires de ces immeubles historiques, qui sont souvent situés dans les centres-villes, ne parvenaient pas à les rentabiliser, ils les vendaient, ils finissaient par les vendre. Les propriétaires les démolissaient, puis après ça on construisait des immeubles ou même des gratte-ciel, étant donné qu'ils étaient faits dans les grandes villes comme Chicago et New York. Les autorités publiques auraient bien voulu les protéger, ces immeubles historiques là, mais les acheter était impossible, et puis obliger les propriétaires à supporter seuls les coûts de conservation était injuste pour ces personnes-là. Donc, il fallait donc trouver d'autres moyens. Puis le moyen qu'on a trouvé, c'est le programme de transfert de droits de développement. Chicago fut le premier laboratoire de ce programme. Voyons un petit peu comment il fonctionne.
La première étape, c'est: on délimite un district de transfert de droits de développement où seront transférés les droits de développement des immeubles historiques. En général, il y a deux zones qui sont possibles, le centre-ville, où il y a beaucoup d'immeubles historiques, et puis aussi une raison économique du fait qu'on le met au centre-ville, c'est que la valeur des terrains, dans les différents centres-villes, est assez élevée, ce qui fait que ça augmente la valeur marchande des droits de développement, étant donné que les coûts d'acquisition desdits droits seront déterminés par l'augmentation de la valeur qu'apporte à l'immeuble l'achat des droits de développement.
L'autre zone qui pourrait servir de district de transfert de droits de développement, c'est une zone à faible densité mais qui, selon le plan de développement de la municipalité, serait appelée à un développement intensif dans un avenir rapproché. Ainsi, un entrepreneur pourrait acheter du propriétaire de l'immeuble historique des droits de développement et construire dans cet autre district un immeuble conforme au règlement de lotissement. Si vous n'avez pas de droit de développement, il n'y a pas de construction possible.
La deuxième étape, c'est: on désigne les immeubles historiques que l'on veut protéger. Comme cette désignation gèlera la valeur spéculative de l'immeuble, il sera alors important d'adopter des mesures comme une réduction de taxes ou même une subvention directe pour minimiser les effets de cette désignation. Par la suite, le propriétaire de l'immeuble historique, tel que désigné, peut vendre ses droits de développement non utilisés à un ou des propriétaires d'immeubles situés dans le district de transfert de droits de développement.
n(12 h 20)n Mais c'est quoi, un droit de développement non utilisé? C'est qu'en général, dans les grandes zones, comme Montréal ou Québec, on désigne un nombre maximal d'étages ou de densité qui est permis dans cette zone. Souvent, les immeubles historiques n'ont pas cette valeur maximum. Donc, le droit de transfert non utilisé, c'est la différence entre le maximum prévu par le règlement de zonage et le niveau réel de l'immeuble. Donc, par exemple, si vous avez un immeuble historique de trois étages et que, dans cette zone-là, vous avez une possibilité d'aller jusqu'à 40 étages, le propriétaire du droit de développement de l'immeuble historique peut vendre ses 37 étages, ce qui va lui donner des sous qui vont lui permettre de protéger son immeuble.
Ou, le propriétaire, il peut les vendre directement sur le marché libre de la libre concurrence, ou il peut des fois le vendre à une banque, ce qu'on appelle une banque de transfert des droits de développement. Mais, la banque, ce n'est pas une nécessité. Dans la majorité des cas d'ailleurs, des cas actuellement, on se rend compte que les banques de transfert des droits de développement, il y a juste quelques municipalités qui l'ont fait ou quelques MRC qui l'ont fait. Aux États-Unis actuellement, c'est des «counties», mais ce n'est pas une majorité des gens qui l'ont fait. Cependant, le propriétaire de l'immeuble historique a une obligation, il doit conserver son immeuble, son édifice dans le même état que lors de la désignation.
Un des principaux objectifs du programme, c'est de permettre aux propriétaires des immeubles historiques de recevoir une indemnité de la vente des droits de développement. Et, pour rendre possibles ces ventes, il faut mettre sur pied un système qui crée un marché des droits de développement. Or, la réglementation qui introduit ce programme crée un tel marché. Ce qui est essentiel, c'est l'existence d'incitatifs amenant les propriétaires des droits de développement à les vendre et les acheteurs à les acheter. Cette recommandation doit traiter des questions comme la création du district, la facturation desdits droits, la désignation des immeubles historiques, la création de la banque, si désirée, et les pouvoirs des membres du comité d'aménagement responsable du programme.
En conclusion, les réussites du programme nécessitent certaines conditions. D'abord, il faut lui donner une assise juridique en vertu duquel un législateur autorise une ville ou une MRC à mettre en place ledit programme. Il faut aussi obliger tous les promoteurs de projets de développement à acheter des droits de développement. Enfin, il faut informer la population et tous les acteurs de développement des nouvelles règles du jeu et de tout son potentiel d'utilisation.
Le programme à l'intention des droits de développement a permis de solutionner les problèmes reliés à la protection des immeubles historiques. Cependant, et j'ajoute juste un petit iota à ça, c'est qu'on s'est rendu compte, une fois qu'on a mis en place le programme de transfert des droits de développement, qu'il ne servait pas uniquement à protéger des immeubles historiques, mais, dans certains comtés, ils ont servi à protéger les espaces verts, à protéger les sites naturels, des zones forestières et des territoires agricoles, et on l'a même utilisé pour construire des logements à loyer modique. Merci beaucoup. J'attends vos questions.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci beaucoup, M. Cloutier. Fort intéressant comme mémoire, qui diffère du mémoire usuel, qu'on entend habituellement. Et vous avez peut-être une piste de solution intéressante, mais j'aimerais vous entendre sur le fait que ce programme-là va porter sur des arrondissements, des secteurs, des immeubles patrimoniaux en général. Mais j'aimerais vous entendre: Comment on pourrait appliquer le même programme, si on étend ça au patrimoine religieux? Parce qu'on sait également, par exemple, qu'une église, ou un monastère, ou un couvent, ça ne se trouve peut-être pas dans un quartier historique, là. Comment peut-on l'étendre à ce patrimoine-là qui est plus dispersé sur le territoire?
M. Cloutier (Jean-Yves): Quand on va désigner le district du transfert de droits de développement, en général ce district-là va couvrir l'ensemble, l'ensemble des éléments patrimoniaux qu'on veut protéger: les églises, ou bien les presbytères, ou n'importe quel bien immeuble qu'on veut protéger. Ce n'est pas nécessaire de dire qu'on les couvre...
On peut couvrir un quadrilatère, on peut couvrir un ensemble de territoires, si on voit, mettons, que dans les faits les immeubles qu'on veut protéger sont situés à tel endroit, mais on l'inclut dans le cadre du district de développement. Ce qui fait qu'on peut faire ce qu'on appelle du «spot zoning», ce qui n'est peut-être pas exactement ça, mais on peut désigner, à un endroit, les immeubles qui nous semblent d'intérêt patrimonial. Puis, lorsque la ville regarde son plan de développement ou son plan de fait, elle peut dire... Puis là je prends l'exemple de Joliette parce que, là, je suis natif... je viens de Joliette. Si on regarde les éléments patrimoniaux de la ville de Joliette, on se rend compte qu'il y a la cathédrale, il y a le cégep, il y a le centre-ville. Il y a, à l'extérieur de ce territoire-là qui est quand même assez concentré, d'autres éléments qu'on peut dire: Ça inclut ce territoire-là, ça inclut cette partie-là, et puis on peut disposer du programme en désignant ces endroits qui nous semblent les plus importants au niveau patrimonial. Ce sera à la ville ou à la MRC de dire: C'est ce territoire-là qu'on veut protéger.
Le Président (M. Brodeur): Donc, le type de législation à laquelle... vous suggérez, c'est une législation québécoise qui permet à chacune des municipalités d'établir ce classement-là, cette...
M. Cloutier (Jean-Yves): Oui, exact. Autrement dit, en général, là, si on voit un peu comment ça fonctionne ailleurs, c'est souvent des comtés. Ici, ça pourrait être des MRC, où je verrais très bien, là, le programme s'implanter, ou encore les grandes villes.
Vous savez qu'une ville comme Montréal, où même le potentiel est énorme parce qu'il y a des gratte-ciel, si on voit une église qui a peut-être deux, trois étages, puis des possibilités de vendre 37, 40, 45 étages, parce que le règlement de zonage permet 40 étages, les gens autour ont intérêt à dire: On va acheter les droits de développement pour pouvoir agrandir. C'est même au-delà de la limite permise selon le règlement de zonage, parce qu'on a dit: On vous donne un petit bonus, vous auriez le droit de construire jusqu'à 40; si vous achetez les droits de développement, on va vous permettre peut-être 20 % d'augmentation. Ce qui fait que les entreprises qui veulent concentrer leurs activités dans un même lieu ou même pour une question de prestige ? parce que les gratte-ciel, c'est une question de prestige aussi ? ils pourraient, à ce moment-là, dire: Mais c'est intéressant d'acheter les droits de développement, même, c'est obligatoire de le faire pour pouvoir redistribuer les sous aux propriétaires des immeubles historiques qu'on veut protéger.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que votre programme est aussi applicable dans les petits milieux, petits villages?
M. Cloutier (Jean-Yves): Oui, oui
Le Président (M. Brodeur): De quelle façon?
M. Cloutier (Jean-Yves): Si par hasard on dit: Nous, on veut protéger... Je prends, tantôt, là, à Sainte-Anne-de-la-Pérade, si les gens disent: Nous, on a quelques éléments patrimoniaux qu'on veut protéger, on peut délimiter le district à cet endroit-là, où sont les immeubles à protéger, et on peut dire: Le développement territorial, par exemple, de ces... de... ? j'ai un blanc, où est-ce que j'allais? Sainte-Anne-de-la-Pérade, on veut développer ce territoire-là. On peut dire aux gens: vous qui voulez vous construire à cet endroit-là, vous allez dans un endroit où qu'ils sont en voie de développement, là. Vous avez acheté les droits de développement qui appartiennent actuellement à l'église, ça va leur donner des revenus, puis, vous, vous allez pouvoir construire votre immeuble dans la bâtisse que, nous, on veut... pas la bâtisse, dans le terrain qu'on veut développer dans les années à venir. Ça a été le même principe, disons, pour protéger les territoires agricoles ou protéger n'importe quel... C'est de centrer, si on veut, et de transférer ailleurs.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Cloutier. Mon collègue M. le président a posé quelques questions intéressantes que j'avais justement en tête. Une des questions premières, vous dites, bon, que c'est un programme qui a l'air à être en place aux États-Unis. Pourquoi, puis depuis combien d'années, et pourquoi qu'au Québec ou au Canada ce programme-là n'est pas présent? Est-ce que c'est parce qu'il y a des programmes équivalents qui font déjà en partie le travail, par exemple la loi de protection du territoire agricole, ou ces choses-là?
M. Cloutier (Jean-Yves): Même quand on a voulu protéger les territoires agricoles, on s'est dit: On veut protéger les immeubles, on n'a jamais donné d'outils. Je me souviens, dans la fin des années soixante-dix, lorsqu'on a implanté, lorsqu'on a adopté la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il y a plusieurs critiques qui ont dit à ce moment-là: C'est bien beau comme loi, vous avez des beaux objectifs, mais on ne se donne pas les outils pour les développer.
n(12 h 30)n Si je regarde, quand, moi, j'ai fait mon mémoire de maîtrise, à la fin des années soixante-dix, des outils de même, même aux États-Unis, il y en avait très peu. Il y avait Chicago, il y avait New York, il y avait Porto Rico puis il y avait Maryland, je pense, qui avaient adopté, à cette étape-là, lesdits programmes, et puis ça faisait une discussion assez animée au niveau des urbanistes puis au niveau des juristes, pour dire: Est-ce que c'est bon ou pas? Par contre, c'est qu'à ce moment-là il n'y en avait pas beaucoup. Puis, un coup, je me suis rendu compte que c'est vraiment dans les années fin quatre-vingt, début quatre-vingt-dix que les gens on dit: Ça peut nous servir, puis c'est là que ça a commencé à être très en vogue aux États-Unis.
Parce que les gens avaient les mêmes problématiques qu'ici, ils disaient: Mais on veut avoir des sous pour protéger nos immeubles historiques, mais on n'est pas capables de trouver l'argent. Ça fait que, là, ils ont dit: Mais pourquoi qu'on ne l'adopte pas, cette technique-là, pour ça? Puis c'est là que ça a commencé à avoir la protection du territoire agricole, la protection zones vertes, la protection des immeubles historiques, la protection... même, comme je disais tantôt, là, la construction des immeubles à loyer modique, où les gens ont dit: Mais, si vous voulez faire ça, on met les sous là-dedans, vous achetez les droits de développement, puis on est capables d'avoir l'argent pour atteindre l'objectif qu'on vise. Ici, au Canada, on n'a pas... en tout cas, je ne connais pas, là, les endroits où on l'applique. Il y a une technique qui s'apparente, comme je disais tantôt, le «zoning bonus», mais ce n'est pas l'ensemble de cette technique-là, qui est beaucoup plus vaste mais qui peut être beaucoup plus intéressante en termes de développement.
Le Président (M. Brodeur): Merci.
M. Bernard: M. le Président...
Le Président (M. Brodeur): Une petite question avec une petite réponse.
M. Bernard: Une petite question. On a parlé tantôt, par exemple, de lieu de culte actif versus lieu de culte excédentaire, est-ce que, disons, le programme de transfert pourrait être adapté aux deux?
M. Cloutier (Jean-Yves): À mon sens, il peut être adapté à n'importe quel, autant actif qu'excédentaire, étant donné qu'il s'agit de dire: On veut protéger tel. En autant que vous vouliez protéger, vous avez la possibilité d'aller adapter à ce que vous voulez avoir.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Cloutier, merci pour votre mémoire. Effectivement, c'est nouveau en commission, ce que vous présentez. D'une part, vous dites qu'il y a des législations, comme celle de la Loi sur les biens culturels, qui sont utiles, mais elles ne répondent pas adéquatement aux attentes, là, des acteurs de développement, là. Donc, qu'est-ce que vous voyez? Est-ce que vous voyez une modification de la Loi sur les biens culturels, d'une part? Ça, c'est une question que je voudrais vous tendre. Et l'autre: Est-ce que vous avez présenté cela, votre programme, aux municipalités? Est-ce qu'il y a eu des discussions avec les municipalités? Comment les municipalités recevraient ce genre de programme que vous émettez aujourd'hui?
M. Cloutier (Jean-Yves): O.K. Ce qui est curieux en fin de compte, c'est que, moi, je l'ai avancé, et j'envoie des documents à l'occasion, je l'ai même présenté à la MRC de Joliette récemment, puis on a dit: Mais pourquoi vous n'y allez pas, vers cet aspect-là? Les gens sont curieux de la technique. Les gens disent: Mais c'est quoi, on s'embarque dans quoi? Même, il y a environ trois, quatre ans, je l'avais envoyé, mon mémoire... un mémoire à la ville de Montréal, en leur disant: Mais pourquoi vous n'allez pas au moins regarder la possibilité, puis, après ça, bien présenter puis demander au gouvernement du Québec d'autoriser? Puis c'est là que j'arrive à votre première question: ce n'est pas nécessaire de passer par la Loi sur les biens culturels. C'est juste passer par le cadre municipal, Loi des cités et villes, qui autorise le gouvernement, qui autorise... pas le gouvernement, qui autorise les villes et les MRC à mettre en place un programme comme celui-là, et puis faire la publicité pour dire: Mais ça a un potentiel énorme.
Mme Léger: Excusez-moi, voulez-vous être plus précis, dans la Loi sur les cités et les villes? Avez-vous, dans le fond, une proposition telle quelle?
M. Cloutier (Jean-Yves): Je ne peux pas vous dire, là, quel article, mais, dans les pouvoirs des municipalités, dans les pouvoirs des MRC, il faut leur donner la possibilité de mettre en place un programme de transfert des droits de développement. Et puis, juste cette modification à la loi pourrait ouvrir une porte à dire: Mais il y a un potentiel là, et puis on pourrait le faire, à ce moment-là. Donc, ce n'est pas nécessaire de passer par la Loi sur les biens culturels, juste autoriser les villes à le faire, leur donner le pouvoir de le faire.
Mme Léger: O.K.
Le Président (M. Brodeur): Merci.
M. Cloutier (Jean-Yves): Curieusement, par rapport à l'ouverture, je me rends compte que je l'ai envoyé à plusieurs endroits, puis les gens disent: Oui, mais il n'avance pas, là. C'est comme s'il nous manquait l'input gouvernemental pour dire: Mais, oui, c'est bon, oui, c'est valable puis, oui, ça peut donner des sous. Puis je prends juste un petit exemple. Comme, à Joliette, aux alentours, depuis deux, trois ans, on donne aussi 100 millions de dollars de permis, des permis pour... pas agrandir, mais pour construire des habitations, si vous allez chercher 1 % ou 2 % de ce marché-là, bien vous allez chercher 1 million ou 2 millions de dollars annuellement, parce qu'à toutes les années il y a du développement. Dès qu'il y a un potentiel de développement, il y a un potentiel à aller chercher des... de vendre des droits de développement puis d'aller chercher les sous nécessaires pour protéger ce qu'on veut protéger.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Oui, M. le Président. C'est extrêmement intéressant, ce que vous apportez. J'ai comme l'impression qu'on est face à un nouveau concept juridique et à un nouveau concept de droit, droit de développement, un concept de droit qui a été développé cependant dans le contexte du droit de la common law, de tradition américaine, et ici, au Québec, on est dans le contexte du droit civil, d'inspiration latine. Alors, la situation est différente.
La perception que j'en ai présentement, qui n'est probablement pas exacte, mais j'aimerais que vous m'éclairiez, c'est qu'en fait, avec le droit qu'ont les villes de zoner les secteurs, ce droit-là, jumelé au droit individuel de propriété, fait en sorte que, le droit de développement, on l'a de toute façon, c'est-à-dire: à partir du moment où on est propriétaire, on a le droit de développer. Le problème n'est pas là.
Le problème, c'est de créer un fonds de consolidation de secteur à même la plus-value créée par le zonage. C'est ça, hein? Et au fond ça pourrait... ça pourrait se traduire... Est-ce que je me trompe en disant que ça pourrait se traduire dans le fait de donner aux municipalités la juridiction pour créer un fonds spécial, à partir d'un zonage de secteur, pour le développement de ce secteur-là, fonds dont on pourrait se servir pour avantager les propriétaires de ce secteur-là?
M. Cloutier (Jean-Yves): Moi, je ne le verrais pas tellement comme un fonds de la municipalité. Je le verrais plus pour dire: On met en place un système. Vous savez qu'on pourrait même le faire sans l'autorisation de la loi, puis, à ce moment-là, les gens qui ne seraient pas d'accord pourraient dire: Mais on va aller en cour puis on pourrait le faire reconnaître par les tribunaux. Sauf que vous n'avez qu'à avoir une assise juridique, le droit de le faire, ça va aller beaucoup plus vite puis ça va permettre aux gens de dire: On a une assise juridique qui va pouvoir le faire.
Sauf que je n'essaierais pas, moi, de faire un fonds de développement de la municipalité, parce qu'en fin de compte l'idée, ce n'est pas de dire: Je fais un fonds qui va aider les municipalités. L'idée, c'est de dire: Je crée un système qui va permettre aux propriétaires d'immeubles historiques de recevoir des sous. Vous savez que, si, moi, j'ai un... Disons, je prends un exemple de 100 droits de développement dans mes poches. Si le droit de développement se marchande à 1 000 $, mettons, du droit, si j'en vends 50, je sais que je vais ramasser 50 000 $; si j'en vends 100, je vais ramasser 100 000 $. Puis ce 100 000 $ là va permettre aux gens de dire: Mais, avec ce 100 000 $ là, je vais pouvoir protéger mon immeuble. Ça fait que ce n'est pas tellement un fonds de municipalité. Ce serait un fonds où la municipalité et la MRC vont créer le système, puis, une fois qu'il est créé, c'est les gens qui sont propriétaires des biens qui vont le recevoir, pour dire: Un, vous protégez votre immeuble, mais aussi, deux, vous recevez de l'argent pour le protéger. C'est ça, l'idée.
Le Président (M. Brodeur): Donc, merci beaucoup. Merci, M. Cloutier. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire, que sûrement qu'il fera l'objet de discussions entre les membres de la commission. Donc, pour l'instant, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 39)
(Reprise à 14 h 9)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter... c'est-à-dire continuer nos travaux. Nous recevrons maintenant le Conseil de la culture de Lanaudière. Et, pendant que vous prenez place et que vous trouvez vos lunettes ? c'est fait? ? je vous explique brièvement quelles sont les règles de présentation. Malheureusement, nous avons un peu de retard et nous allons peut-être raccourcir un peu le temps. Théoriquement, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, de la façon que vous jugez à propos, et à la suite de ça il y a une période d'échange avec les membres de la commission.
n(14 h 10)n Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, puisque vous êtes au Parlement ? le Parlement s'est déplacé à Trois-Rivières ? je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et à la suite de ça de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Conseil de la culture de Lanaudière
Mme Bourcier (Ghislaine): Je suis Ghislaine Bourcier, je suis la présidente du Conseil de la culture de Lanaudière. Je suis accompagnée de deux personnes de notre conseil d'administration: M. Philippe Bettinger, qui va vous expliquer ses nombreuses activités à titre de personne engagée dans les métiers d'art, et Nancy Gadoury, historienne, qui va aussi vous décrire ses expériences et son implication au chapitre du patrimoine religieux.
Donc, on est bien heureux de pouvoir vous rencontrer et que vous ayez souhaité nous entendre. On remercie la commission de faire une place à la parole citoyenne sur le patrimoine religieux. Notre mémoire, un peu comme on vous l'explique, a été élaboré suite à une rencontre avec des représentants de sociétés d'histoire de notre région, de gens impliqués en culture dans les municipalités de la région, et aussi de témoignages ou de contributions d'historiens, d'historiens d'art, de personnes impliquées dans l'animation jeunesse sur le patrimoine religieux.
Alors, vous avez reçu nos propositions. On ne lira pas le texte, mais je vais demander à Nancy de vous présenter, en tout cas de mettre des accents particuliers sur les propositions que vous retrouvez à la fin du document, celles qui traitent de l'inventaire, de l'identification de la région. J'imagine que vous avez en main le document. Alors, je demanderais à Nancy de nous parler de l'importance d'élaborer un inventaire exhaustif des biens matériels et immatériels.
Mme Gadoury (Nancy): Bon, je me suis fait déjà présenter. Je m'appelle Nancy Gadoury. Moi, j'ai travaillé au projet d'histoire de Lanaudière qui est en cours ici, au département... le Centre d'études québécoises à l'Université de Trois-Rivières. J'ai travaillé sur le projet histoire de Lanaudière pendant mes deux années de maîtrise, alors j'ai eu la chance de travailler beaucoup dans les archives religieuses et dans les archives de la région. Ça fait que j'ai vu un peu ce qu'il y avait à faire, dans le fond, ou l'état, je dirais, du patrimoine religieux dans Lanaudière.
La première constatation que j'ai faite, c'est aller dans le même sens que les idées du Conseil de la culture. Ce qui serait très important à faire pour la région de Lanaudière, ce serait de débuter par un inventaire, premièrement, bien, parce qu'il n'en existe pas vraiment de complet, je pourrais dire. L'inventaire, il permettrait d'identifier, bon, tout le patrimoine religieux de la région, permet d'identifier ce qui a une valeur, ce qui doit être conservé et mis en valeur. Ça permet de connaître le travail qui doit être fait, l'état du patrimoine. Ça permet d'entrer aussi en contact avec les gens qui ont la responsabilité de ce patrimoine religieux là. L'inventaire permettrait aussi d'informer les personnes responsables de la valeur patrimoniale de ce qui est sous leur responsabilité. Ça permet aussi une première concertation entre les différentes personnes responsables du patrimoine religieux. Ça pourrait permettre de qualifier, quantifier, bon, le patrimoine religieux, permet aussi d'identifier les projets et aussi permet d'identifier les premiers plans d'action qu'il y aurait à faire pour conserver et mettre en valeur le patrimoine religieux dans la région de Lanaudière. Son importance est primordiale. Moi, je crois que, pour mener à bien ce projet-là, ça prendrait peut-être une personne ressource, un organisme ressource qui s'occuperait de cette tâche qui est assez volumineuse quand même.
Ensuite, ce dont je vais vous parler un peu, c'est l'état des archives religieuses dans Lanaudière, parce que c'est avec ça que j'ai beaucoup travaillé, parce que le patrimoine religieux dans Lanaudière ou... bien, partout au Québec, ce n'est pas seulement des bâtiments, c'est aussi des documents. Souvent, c'est des documents qui datent des premiers temps des colonies, qui datent vraiment. Comme dans Lanaudière, par exemple, les premiers documents que j'ai retracés pour faire l'histoire des villages, pour faire l'histoire des premiers colons, c'est essentiellement des documents religieux des missionnaires ou des premiers curés qui ont été dans les paroisses. C'est seulement par ces archives-là qu'on peut connaître vraiment les premiers pas de la colonisation dans la région. Ça fait que c'est des documents importants.
Les archives religieuses dans Lanaudière, ça contient la correspondance des premiers missionnaires de la région, des documents sur la colonisation, sur la création de la paroisse, sur la construction des églises, sur la construction des villages, sur les pratiques religieuses, sur les états financiers de la paroisse, sur les fabriques, sur les marguilliers, mais aussi sur tout le contrôle social et sur l'aide sociale que l'Église a apportés dans ces communautés-là à cette époque-là. Ça contient aussi, les archives religieuses, parfois des objets appartenant à la paroisse mais qu'ils n'utilisent plus. Ces archives-là sont importantes, bon, comme je vous dis, parce qu'elles permettent d'étudier l'histoire de la colonisation, l'évolution de la population, les pratiques religieuses, même l'histoire des mentalités et des idéologies religieuses à cette époque-là. Elles répondent à un champ d'étude bien exploité dans les milieux de recherche. Comme dans les universités, c'est encore un sujet qui est beaucoup étudié parce que cette chose-là, ça se perd, là, la religion, ça fait qu'on étudie de plus en plus ça pour la connaître, surtout pour les jeunes.
L'état des archives religieuses dans Lanaudière, ce n'est pas très reluisant à ce que j'ai vu, elles sont dispersées. Bon, dans chaque paroisse, ils en ont une partie, il y en a d'autres parties à l'évêché de Joliette, il y en a d'autres parties à l'évêché de Montréal, il y en a même certaines souches qui sont retrouvées dans les sociétés d'histoire; quelques-uns, documents, sont aux Archives nationales, il y en a aussi chez les Clercs de Saint-Viateur. Enfin, c'est très dispersé. Dans la plupart des endroits, c'est non classé ou mal classé, c'est entassé dans des fiches, dans des reliures retenues par des élastiques. Même, parfois, des documents sont introuvables. Cependant, je pourrais dire que l'avantage que j'ai vu, c'est que la plupart des communautés religieuses gardent ces documents-là dans des voûtes; au moins, il y a une certaine protection. Mais, au-delà de ça, il n'y a pas beaucoup d'importance qui est donnée à ces documents-là.
L'accès aux archives religieuses est aussi difficile pour la recherche. J'ai eu beaucoup de difficultés... Bon, premièrement, il n'y a pas de documents qui retracent leur existence ou pas de documents de recherche, d'inventaire ou de référence auxquels un étudiant ou un chercheur puisse faire référence, pour Lanaudière en tout cas. Bon, c'est difficile de les localiser. Les chercheurs sont reçus, bon, par les secrétaires des paroisses ou de l'évêché, qui ne connaissent pas les archives, qui ne peuvent pas vraiment les orienter. Il n'y a pas de personne responsable, pas d'archiviste. Il y a aussi résistance de la part de ces personnes-là à consulter les archives, par manque de temps surtout et manque d'espace. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas que les gens les consultent, c'est vraiment... ils n'ont pas d'espace ni de temps pour recevoir les gens, fouiller dans leurs archives. Ça fait que les actions à faire pour les archives, bon, bien, c'est les inventaires, le classement, rassemblement peut-être même idéalement dans un centre, dans un lieu où les gens pourraient avoir accès et où les archives seraient classées et inventoriées.
C'est ça, je pense que la dernière chose que je pourrais vous dire sur mon expérience, c'est que la création d'un programme pour la mise en valeur du patrimoine religieux du Québec ou pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine, là, tout court, que ce soit religieux ou autre, là, mais, pour le religieux, ça offrirait de nouveaux postes. En patrimoine, peut-être qu'ils pourraient offrir de nouveaux emplois ou des possibilités aux diplômés. Ça ne fait pas très longtemps que je suis diplômée, et je n'ai pas pu me trouver d'emploi dans ma région, je suis obligée de travailler à Montréal. Je crois que c'est un cas assez fréquent. Alors, peut-être que des projets encadrés par des jeunes diplômés ou des personnes travaillant déjà dans le domaine culturel pourraient, bon, bien, aider à développer la région sur cet aspect-là.
Pour ce qui est de mon expérience, de mes implications, c'est à peu près ça. Je pourrais vous dire que je continue toujours. J'étudie maintenant au doctorat, à l'Université de Montréal, et je continue mes recherches et de m'impliquer dans ma région pour développer le patrimoine quand même, même si je travaille à Montréal.
Mme Bourcier (Ghislaine): Et je dirai que je suis entourée de deux personnes en restauration aussi: Nancy, pour...
Une voix: ...
Mme Bourcier (Ghislaine): Restauration, restauration, restauration, en termes de revenus d'appoint...
Mme Gadoury (Nancy): Mes parents sont propriétaires d'un restaurant, et, pour pouvoir continuer de travailler dans mon métier, étudier dans mon métier, je dois travailler aussi dans la restauration de mes parents pour pouvoir...
Le Président (M. Brodeur): Ah bon! Bon, parfait.
Mme Bourcier (Ghislaine): Et puis on a un autre genre de restaurateur dans...
M. Bettinger (Philippe): Bonjour. Donc, mon nom est...
Mme Bourcier (Ghislaine): Philippe Bettinger.
n(14 h 20)nM. Bettinger (Philippe): ...Philippe Bettinger. Je suis restaurateur de vitraux. Je suis aussi récipiendaire de bourses du CALQ et de la SODEC dans le domaine du vitrail. Je suis la troisième génération de restaurateurs de vitraux qui est dans Lanaudière, dans la région de Lanaudière. Je suis historien d'art, je suis consultant pour plusieurs institutions muséales. Donc, je suis très impliqué au niveau de la restauration du patrimoine religieux. J'ai plusieurs implications sociales, je fais partie de plusieurs conseils d'administration. Donc, c'est des choses qui me tiennent à coeur, le patrimoine religieux entre autres. Je viens ici avec deux chapeaux: le premier, celui de restaurateur professionnel, et le second, en tant que consultant pour plusieurs institutions muséales, mais, entre autres, aujourd'hui, particulièrement pour le Musée d'art de Joliette, qui possède une collection en art religieux, une collection d'art sacré. Donc, c'est ça.
En ce qui a trait à ma participation personnelle, donc je suis tributaire d'une tradition familiale. Je travaille de mes mains dans la restauration du patrimoine, particulièrement des vitraux, bien sûr, et je suis donc cette troisième génération là. Et, aujourd'hui, étant donné l'état de notre patrimoine religieux et l'état des finances, bien il y a de moins en moins de contrats en restauration. Donc, je suis obligé de pallier à ce manque à gagner, si on veut, en travaillant dans des musées, par exemple, comme présentement au Musée d'art de Joliette. Donc, le Musée d'art de Joliette a trois aspects en ce qui concerne le patrimoine religieux, a trois aspects très importants, soit la sensibilisation, l'éducation et la conservation face au patrimoine religieux.
Donc, c'est tout en ce qui concerne la présentation, ce fut bref. Je pourrai répondre à vos questions après.
Mme Bourcier (Ghislaine): Moi, je prendrais peut-être un petit deux minutes, là, pour faire un tour de chapeau et faire le résumé du fait que... Bon, vous aviez trois interrogations: Quoi conserver? Comment? Et finalement qui assumera les frais de la chose?
Alors, le «quoi», pour nous, c'est la nécessité d'un inventaire, et les gens qui ont participé aux travaux ont insisté sur le fait de faire cet inventaire au plan régional et de solidariser les citoyens, les sociétés d'histoire, les MRC, les CRE à cette réalité-là. Ils ont aussi insisté sur le fait qu'il était essentiel qu'il y ait une personne experte, soit au Conseil de la culture, soit dans un organisme dédié, mais qui puisse supporter, accompagner, faire cette vigie pour d'abord identifier, accompagner les gens qui veulent le faire et conseiller à la restauration ou autrement, à la mise en valeur. Donc, importance d'avoir une personne experte qui ait un poste régional. Importance de conserver en région des biens, mais que les biens d'intérêt national puissent être pris en charge par la province... d'un lieu, un lieu où on réunirait les archives et ces artefacts régionaux.
D'autre part, on a insisté aussi beaucoup, mais beaucoup... On avait dans notre comité un agriculteur, qui est à sa retraite maintenant, et qui a dit prendre plaisir à présenter l'intérieur de son église aux jeunes d'une école à Saint-Lin, pour nommer la municipalité, et de voir combien les jeunes, les jeunes du primaire, avaient les yeux grand ouverts et les oreilles, et très présents, très intéressés à connaître ne serait-ce que le mot «jubé», le mot «balustrade», qui ne correspondent plus à des réalités de leur quotidien, le mot «confessionnal», donc tout le vocabulaire religieux ? on est ici dans l'immatériel. Il leur a montré, fait entendre des chants. Alors, ce sont autant d'éléments du patrimoine. Donc, s'il pouvait y avoir plus de place, dans le programme culture-éducation qui est offert dans les écoles primaires et secondaires, pour les artisans des métiers du patrimoine. Il y a eu dans la région, l'an passé, un projet d'un jeune ébéniste qui sensibilisait les enfants à l'ébénisterie intérieure de l'église de son village. Alors, ce type de projet là est peu présent dans le programme culture-éducation, et ce serait, à notre avis, un élément important sur lequel tabler l'éducation des jeunes... bien, d'abord, de par le programme de formation et, d'autre part, par les projets, contacts avec les artistes et artisans du patrimoine, les gens des sociétés d'histoire.
Et enfin... je pense que j'ai fait le tour... Oui, la concertation régionale: municipalités, sociétés d'histoire, citoyens, CRE, Conseil de la culture, pour une responsabilisation et un partage aussi d'opérations de mise en valeur, d'identification et de réunification des biens pour mettre à profit soit un guide, soit un circuit patrimonial des différents lieux où on peut observer, admirer, retrouver et découvrir les éléments du patrimoine religieux.
Alors, voilà, dans un cours résumé, l'esprit de nos propositions.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je vais y aller de la première question. Je sais que la députée de Bellechasse est impatiente de poser une autre question. On a parlé beaucoup depuis quelques semaines d'inventaires. Vous avez abordé le sujet tantôt, d'inventaire du patrimoine religieux, matériel et immatériel. Le matériel comprend autant les biens mobiliers qu'immobiliers. De toute évidence, la commission devra se pencher d'une façon pointue sur le sujet avant la rédaction du rapport. Et, moi, ce que je veux vous demander, c'est peut-être un coup de main.
Tout le monde nous parle d'inventaire, mais personne, personne ? je ne sais pas si vous vous êtes penchés sur le cas, là ? personne ne nous a parlé de la façon de faire cet inventaire-là, ou très peu, ou très peu. Parce que ce n'est pas chose simple, là. Si on parle d'inventaire immobilier, bien, disons que c'est plus facile peut-être; les bâtisses sont éloquentes et relativement nombreuses mais plus faciles à répertorier. Le patrimoine mobilier est encore un peu plus difficile, demande une implication plus grande d'un plus grand nombre de personnes; le patrimoine immatériel et les archives également, parce que vous me dites que les archives sont éparpillées un peu partout. Est-ce que vous vous êtes penchés sur la façon qu'on pourrait faire cet inventaire-là? Quelle serait la façon physique? Les gens qui devraient y participer, les groupes qui devraient y participer? De quelle façon on devrait le faire? De façon... à l'échelle du Québec ou à l'échelle régionale? De quelle façon devrait-on procéder? Je ne sais pas si vous vous êtes déjà penchés sur la façon de faire. Nous, il s'agit d'établir si nous allons faire des recommandations en disant: Oui, peut-être que ce serait intéressant de faire un inventaire, et sans répondre à la question comment le faire. Vous, est-ce que vous vous êtes penchés sur cette problématique-là?
Mme Bourcier (Ghislaine): Moi, je peux vous dire, j'animais le groupe de travail lanaudois, qui était formé d'une douzaine de personnes de tous horizons, et ce qui est ressorti, c'est, étant donné qu'il est à faire, cet inventaire-là, il serait extrêmement important de se donner une procédure univoque, nationale. Ça concerne toutes les régions, le patrimoine religieux, il y en a partout. Alors, il faudrait qu'on soit, soit par la Fondation du patrimoine religieux, soit via le Conseil de la culture, réunis, mais qu'un organisme fasse des propositions de procédure pour le faire, cet inventaire-là, en termes de critères, en termes d'exigences pour réunir des pièces. On voyait mis à contribution évidemment les gens des sociétés d'histoire. On voyait une forme, disons, de consultation, les municipalités étant sollicitées à rencontrer leurs citoyens pour qu'il y ait cet inventaire, qu'il soit fait avec leur société d'histoire ou un expert délégué par le Conseil de la culture ou un organisme régional d'accompagnement. C'est ce qui a été abordé, là, chez nous.
Mais le point important, c'est qu'on se donne une procédure univoque pour classer qu'est-ce qu'il y a à retenir de qu'est-ce qui serait peut-être à délaisser ou à envoyer dans une autre région ou à envoyer au national, qui est d'intérêt national, par exemple. Je parle en termes d'artefacts, biens mobiliers ou même patrimoine oral, il y a des chants particuliers, il y a des pratiques aussi. On riait en se préparant à venir ici, on disait: Coudon, toute la pratique de la Mi-Carême, du Mardi gras, de ces traditions, de ces façons de vivre la religion, et évidemment qu'on le voyait étaler auprès des différentes religions, donc on voyait une personne laïque pour piloter cette question-là. Parce que, dans la région, on a une aire du côté de Rawdon où, là, c'est multireligieux. Alors, il y a une communauté orthodoxe, il y a des Polonais, il y a des protestants, des catholiques.
n(14 h 30)nMme Gadoury (Nancy): Je pense que j'ajouterais... Concrètement, ce qu'il faudrait, c'est... Bien, par exemple, pour vous donner l'exemple des archives, comment on fait pour faire l'inventaire des archives qui sont dispersées, mais le seul moyen que j'ai eu de le faire, moi, pour mes recherches sur l'histoire de Lanaudière, c'est d'aller dans les paroisses et fouiller dans les voûtes moi-même, parce que même les personnes qui sont là, comme je vous dis, les secrétaires dans les paroisses et les évêchés savent que ces archives-là existent mais n'ont jamais fouillé vraiment dedans. Elles ne savent pas ce qu'elles contiennent. C'est que le seul moyen, par exemple, concret de faire l'inventaire des archives, c'est vraiment d'aller dans chaque paroisse et dans chaque évêché et de faire ce regroupement-là, de voir les documents qui existent, ceux qui seraient à conserver, ceux qui portent un certain intérêt, là. Concrètement, c'est le seul moyen, je crois, pour les archives, là, par rapport à mon expérience. Et c'est ça que j'ai dû faire, moi.
Le Président (M. Brodeur): Donc, ça prend une équipe de personnes à déterminer qui fera le travail.
Mme Gadoury (Nancy): Oui.
Mme Bourcier (Ghislaine): ...dans le domaine. Très souvent, aussi, les gens ne veulent pas, ils ne veulent pas se départir de leurs archives.
Mme Gadoury (Nancy): Je le vois aussi dans chaque... par exemple, dans chaque organisme qui peut exister, qui ont déjà étudié le patrimoine religieux, il y a déjà un certain inventaire qui a été fait. Par exemple, je sais que, dans la ville de L'Assomption, bon, il y a déjà...
Une voix: ...
Mme Gadoury (Nancy): C'est ça, une société qui a déjà fait un peu l'inventaire de son patrimoine religieux et autre, là. Alors, prendre contact avec ces organismes-là qui ont déjà un certain inventaire, ça pourrait aussi dans le fond réduire le temps, pour ne pas être obligé d'aller dans chaque municipalité. Il y a déjà des organismes qui en ont fait certains, là. Il s'agit d'associer ou de consulter ces organismes-là. Aussi, c'est une façon concrète de faire un inventaire.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Bonjour à chacune et à chacun... monsieur. Vous parlez beaucoup d'inventaire. Moi, j'ai une question qui est beaucoup plus pratique et beaucoup plus pointue. Une fois que ces inventaires sont réalisés, est-ce qu'on doit tout garder de l'ensemble du patrimoine religieux?
Mme Gadoury (Nancy): Peut-être pas nécessairement.
Mme Vien: Et qu'est-ce qu'on garde? Sur quels critères on se base pour les garder? Parce qu'au fond la question, le coeur de cette consultation, c'est ça, hein, c'est: Qu'est-ce qu'on va garder, comment on va le garder puis c'est qui qui va payer la facture au bout du compte? Alors, la question que, moi, je vous pose, c'est... Alors, une fois que l'inventaire est fait... Parce que vous semblez mettre beaucoup, beaucoup d'importance sur cet inventaire-là, je pense que vous avez raison, il faut bien connaître ce dont on dispose, quel est notre héritage, pour ensuite faite un tri à travers tout ça. Mais, ce tri-là, il faudra le faire. Comment on le fait? Et que fait-on avec nos bâtiments ou notre patrimoine religieux excédentaire?
Mme Gadoury (Nancy): Bien, je crois... dans le fond... c'est sûr que... J'ai étudié en histoire. Bien, ce n'est pas tout qui est bon à conserver et ce n'est pas nécessairement tout qui a un intérêt quelconque. Par exemple, quand je travaille dans les sources, j'ai une recherche à faire, il y a beaucoup de sources qui ne contiennent aucune information intéressante pour faire ma recherche. Par exemple, si je peux donner un exemple, dans les archives religieuses, les sources qui sont intéressantes, c'est la correspondance des curés, parce que les curés, bon, racontaient tout ce qui se passait dans leurs paroisses et dénombraient tout ce qu'il y avait dans leurs paroisses. Alors, c'est une source intéressante. À ce moment-là, je... Une autre source que je trouvais inintéressante, ou qui en disait moins du moins, c'est la liste des bancs: par exemple, telle personne a acheté tel banc et a payé tel prix. À la limite, ça pourrait être intéressant pour faire peut-être une histoire...
Le Président (M. Brodeur): Et ce qui s'était dit dans le confessionnal?
Mme Gadoury (Nancy): Non. Mais certaines sources sont moins intéressantes. Par exemple, des fois il y avait des reproductions de... des circulaires, des lettres envoyées par l'évêque aux curés, il y a déjà des copies de toutes ces sources-là dans les Archives nationales. Ce ne serait pas besoin de conserver ces documents-là, parce qu'il y a déjà des doubles et des triples ailleurs. Pour ce qui est des archives, bon, c'est un moyen de faire une sélection. Là, je sais qu'il existe... Je ne suis pas archiviste, mais je sais qu'il existe toute une façon de faire déjà préétablie pour savoir qu'est-ce qu'il faut conserver et qu'est-ce qu'il ne faut pas conserver, là, dans les archives. C'est la même chose dans les archives actuelles, on ne conserve pas tous les documents qu'on imprime sur le photocopieur, là.
Mme Vien: Je vais être encore plus précise, madame. On nous parle, ce matin, de bâtiments, là, où il y a... auxquels bâtiments on accroche une valeur d'appropriation, de sentiment d'appartenance. D'autres disent: Bien non, elle n'a pas de... cette église-là, par exemple, n'a pas de valeur historique, patrimoniale, ethnologique, etc. Est-ce que votre groupe s'est penché sur la disposition des immeubles qu'on ne considérera pas comme ayant un caractère patrimonial important?
Mme Gadoury (Nancy): Par exemple, dans la région de Lanaudière, il y a l'église Saint-Pierre de Joliette qui... Bon, ils ont décidé de fermer l'église parce que... pour de multiples raisons, j'imagine, je ne connais pas toute l'histoire, mais ils ont décidé de fermer cette église-là. Mais, au lieu de la démolir ou de faire des condos avec, ils l'ont récupérée pour faire une bibliothèque. Alors, de reconvertir peut-être ces bâtiments-là qui sont en plus, qui ne sont pas nécessairement... C'est une église qui est quand même assez récente, qui a été construite au XXe siècle, elle n'a pas un intérêt patrimonial ancien, mais elle a quand même un intérêt, là, parce que c'est représentatif d'une culture. Mais, par exemple, ces bâtiments-là qui sont en trop, de faire autre chose avec, comme de les récupérer pour faire un autre endroit lié à la culture, je trouvais que c'était un bon exemple d'action concrète qui peut être faite pour conserver ces bâtiments-là sans être obligé de les associer nécessairement avec le patrimoine religieux.
Mme Bourcier (Ghislaine): Ce qui est ressorti aussi, en complément, ce qui est ressorti chez les gens, c'est que ça prend une volonté régionale, à la fois des communautés religieuses et des citoyens. Donc, il devrait y avoir une réflexion, une consultation dans la région autour de cette réalité-là, autour peut-être de critères, qui pourraient être nationaux, qui pourraient guider cette sélection-là, qui pourraient indiquer des choix ou en tout cas des options pour utiliser à des fins citoyennes ou communautaires certains bâtiments qui ne sont pas rénovables, là, et qui ne sont peut-être pas d'intérêt. Par ailleurs, lorsque ce sont des bâtiments qui ont un intérêt national et régional, bien on verrait quand même un engagement de l'État, de la société civile aussi, de ses organismes, conjointement, alors, qu'on puisse préserver ce qui est de l'ordre du patrimonial, quand même.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, M. Bettinger. Un des points que vous avez parlé tantôt, précédemment, vous parliez de déterminer, dans chaque région, un lieu de mise en valeur des richesses religieuses. Vous avez beaucoup parlé d'archives, mais est-ce que vous parlez aussi de tous les autres artefacts religieux qu'on peut retrouver, et les regrouper, à ce moment-là, à un seul endroit unique dans des régions?
M. Bettinger (Philippe): Si je peux un peu prêcher pour ma paroisse, le musée bien sûr est un lieu où on peut recevoir une partie de ces dons-là ou en tout cas de ces éléments-là. Donc, c'est sûr que le musée est habilité à traiter tous ces artefacts-là. Mais bien sûr on parle de quantités un peu importantes, donc c'est sûr que physiquement on ne pourrait pas tout accepter. Mais c'est sûr qu'en premier tri le musée peut être un des endroits, là, où on pourrait accueillir du moins une partie de ces éléments.
M. Bernard: Ce matin... C'est parce que c'est un peu différent. Ce matin, il y a un des intervenants qui parlait qu'il fallait, si possible, garder les artefacts, les choses dans le milieu d'origine, si possible, pour permettre à la collectivité... C'est un point de vue, là, différent à cet égard-là, parce qu'il disait justement que ça avait comme objectif, à un moment donné, de vider certains secteurs et, après ça...
M. Bettinger (Philippe): Bien sûr, là, c'est évident, là, c'est... Il faut d'abord prioriser ? enfin, je crois ? la régionalisation ou la... garder ces éléments-là dans leurs lieux d'origine. Mais, moi, je pense, pour des pièces où la paroisse ou le lieu n'a pas les moyens d'entretenir ces chefs-d'oeuvre-là, bien je crois qu'il faudrait qu'ils soient passés à une institution muséale, que ce soit le Musée de Joliette, dans le cas de notre région, ou, à un échelon supérieur, si on veut, dans un musée national, au Québec.
M. Bernard: Un peu de temps encore, M. le Président?
Le Président (M. Brodeur): Oui, pour une courte question.
M. Bernard: O.K. Mme Gadoury, j'écoutais vos propos et je trouvais intéressant... Quand on parle, entre autres, d'archives, et vos propos m'ont soulevé un questionnement, à savoir quand une archive est une archive reliée au patrimoine religieux versus une archive qui est reliée plus à l'histoire du développement d'une municipalité ou d'une région... Ce que je veux dire par là, c'est que souvent, quand on arrive dans les régions... Par exemple, moi, je viens de l'Abitibi-Témiscamingue. Quand ça s'est développé, les religieux ou les gens... étaient les gens éduqués qui effectivement... beaucoup de correspondance, et c'est eux qui enregistraient l'histoire du développement de la communauté, de la collectivité. Alors, je me dis: Dans cet objectif-là, est-ce que ce ne serait pas aux municipalités ou aux régions de dire: Regardez, je vais aller dans les archives, je vais aller chercher l'information parce que c'est un bien plus, je dirais, d'intérêt municipal ou régional qu'un bien religieux proprement dit?
n(14 h 40)nMme Gadoury (Nancy): Peut-être, mais, par expérience, j'ai aussi consulté des archives de la municipalité, dans les municipalités, et ce n'est pas mieux, dans le sens que c'est difficile d'y avoir accès, aux archives. Bien, là, j'ai fait des petites municipalités, elles n'ont pas nécessairement un archiviste qui était prêt à me recevoir, j'étais reçue par la secrétaire, et les documents étaient mis dans un classeur, simplement. Il y avait vraiment, par exemple, plusieurs procès-verbaux du XIXe siècle qui étaient manquants, là, qui n'existaient carrément pas, là. Alors, je ne sais pas. Peut-être, oui, ce serait une idée de transférer ça aux municipalités, mais, dans ce cas-là, il faudrait responsabiliser les municipalités à leurs archives historiques, là, parce que...
M. Bernard: C'est peut-être là qu'il y a du travail à faire, effectivement.
Mme Gadoury (Nancy): Oui, c'est ça, parce que les archives municipales qui étaient leurs archives n'étaient pas mieux gardées ou mieux classées que dans les archives religieuses.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président.
Mme Bourcier (Ghislaine): ...important d'avoir une responsabilité nationale dans ce dossier-là.
Mme Léger: Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Vous êtes le Conseil de la culture de la Lanaudière, un organisme régional qui rassemble des artistes producteurs et diffuseurs. Vous travaillez à la promotion, à la concertation et à la représentation des travailleurs en arts et patrimoine. Vous parlez, à travers tout ça, aussi de toute l'importance que vous consacrez au patrimoine religieux. Et vous dites dans votre mémoire qu'il est important d'impliquer les citoyens dans la mise en valeur touristique et culturelle et puis de voir à... parce que c'est eux, vous dites, qui ont payé dans le fond la construction, l'acquisition et l'actualisation de toutes ces traditions-là.
Le Conseil de la culture lui-même, tout le milieu de la culture, parce que vous avez un lien avec tout l'ensemble du milieu de la culture, là, avec ce que vous faites comme organisme, d'une part, comment... En sachant pertinemment qu'il y a au fil des années... Il y a des mémoires qui nous parlaient un peu du ressentiment des gens par rapport à l'Église elle-même et, bon, la pratique qui est de moins en moins fréquente, de moins en moins de gens sont impliqués ou sont engagés, à moins d'être en situation d'urgence, là, qu'on voit que les citoyens s'y impliquent beaucoup... Est-ce que, dans le milieu de la culture tel quel, vous, comme Conseil de la culture... quelle est l'importance, à travers tout ça, du patrimoine religieux? Parce que le patrimoine, c'est le patrimoine qui peut être très large, la culture, c'est très large, mais la partie particulièrement religieuse du patrimoine religieux, là, je dirais, et faire le lien avec l'implication qu'on peut aller chercher des citoyens.
Vous avez fait un petit biais tout à l'heure par le milieu scolaire, effectivement, au niveau de l'éducation, mais comment mobiliser les gens à cette importance du patrimoine religieux tout en sachant la non-pratique de... Parce qu'on peut associer la non-pratique nécessairement par le culte lui-même mais aussi par la culture, ou par d'autres aspects... ou que les gens intéressés par leur patrimoine religieux tel quel. Alors, avez-vous réfléchi à la question à ce niveau-là? Parce que vous avez fait tout à l'heure le lien: il faut s'asseoir ensemble, les partenaires. Vous avez mis... Je ne suis pas sûre si j'ai bien compris, vous avez parlé des citoyens, des CRE, du Conseil de la culture, les municipalités, les MRC, je ne suis pas sûre d'avoir entendu, par ces partenaires-là, les autorités religieuses telles quelles ? vous l'avez élaboré un petit peu ? mais, dans ce partenariat-là, régional, là.
M. Bettinger (Philippe): Dans la région de Lanaudière, bien sûr on a un... Une des particularités, c'est la présence des Clercs de Saint-Viateur, qui sont, entre autres, des membres fondateurs du Musée d'art de Joliette et qui constituent par leurs fonds et donations le principal élément de la collection du musée. Donc, c'est sûr que les institutions...
Une voix: En art sacré.
M. Bettinger (Philippe): En art sacré, oui, en art sacré, bien sûr. Et donc c'est sûr que ces ensembles religieux là sont très présents au niveau de leur implication, de notre désir de leur implication avec eux.
Mme Léger: Mais ça n'enlève pas...
Une voix: En complément...
Mme Léger: ...ça n'enlève pas le... Ce que je voudrais qu'on puisse aborder, c'est toute cette... Parce que le milieu de la culture lui-même a déjà, je pourrais dire, déjà ses intérêts par rapport à la culture dans son sens large, là. Là, vous parliez un peu tout à l'heure d'histoire, vous êtes une historienne. Bon. Mais le lien avec le patrimoine religieux n'est pas nécessairement si évident que ça, là, parce que... Le patrimoine, on prend le patrimoine large. On a des gens qui nous ont proposé une politique du patrimoine dans le patrimoine tel quel puis il y en a qui ont parlé de politique du patrimoine religieux. Alors, je veux dire, il y a l'aspect religieux, là. Si le monde de la culture lui-même ne s'est pas approprié tel quel l'importance ? et je n'implique personne, là, quand je dis ça, là; mais l'importance du patrimoine religieux ? comment on peut aussi mobiliser les citoyens ou les gens dans cette importance-là?
Mme Bourcier (Ghislaine): Dans notre région, comme un peu partout, j'imagine, au Québec, il y a, par exemple, la cathédrale actuellement qui fait une levée de fonds, qui en a fait une pour sa restauration et qui la poursuit. Alors, on s'est plus placés dans une situation d'observateurs de l'engagement citoyen ou des gens qui sont pratiquants ou non, ou préoccupés de la question, et, dans plusieurs municipalités, on voit ces levées de fonds, on voit des corvées. Il y a encore ces pratiques et ces préoccupations, je dirais.
Au niveau régional, est-ce qu'on peut, comme Conseil de la culture, prétendre parler de la perception que les gens ont du patrimoine religieux? Actuellement... On a tenu cette rencontre-là pour la première fois, les gens étaient extrêmement contents et ils nous ont dit, ceux particulièrement issus de l'archevêché et de sociétés d'histoire, que c'était la première fois qu'ils constataient l'importance de faire un inventaire, de s'arrêter: Ah bien! coudon, on n'a peut-être pas les sous, il va falloir choisir, il va falloir évaluer. Et ça a comme enclenché, dans ce diocèse, un mouvement de réflexion chez les citoyens religieux.
Au niveau municipal, quand une église est en besoin de restauration ou qu'elle pourrait avoir une autre vocation, il y a habituellement une réflexion qui se fait, municipalités et, bon, communautés religieuses. Mais c'est une question, là, qui est d'actualité; je peux difficilement vous en dire plus. Sauf qu'une fois qu'on est devant la situation où on va devoir se départir de notre église... on l'a vécu pour une de nos églises récentes, récemment, qui devient une bibliothèque, il y a eu une mobilisation, la population ne voulait pas perdre son église. Bien, il y a toute la réflexion de: une église peut aussi avoir une valeur communautaire, peut avoir une valeur de service, elle peut avoir un autre rôle, sauf que, si elle a une valeur historique, une valeur artistique, là les gens vont souhaiter vraiment qu'il y ait un investissement soit citoyen, soit gouvernemental ou de subvention.
Mme Léger: Ce que je comprends, c'est que vous vous êtes assis, plusieurs personnes ensemble, et vous suggérez, en fin de compte, ce partenariat-là, régional. Mais qui l'a initié? Comment ça s'est fait, le fait que vous vous êtes tous assis ensemble? Qui a initié ça?
Mme Bourcier (Ghislaine): Le Conseil de la culture.
Mme Léger: Le Conseil de la culture même?
Mme Bourcier (Ghislaine): Oui. On souhaitait aller chercher le pouls de représentants de la population. Or, je peux vous dire que c'était par 33°, au mois de juillet, que nous avons fait cette consultation. On a lancé un appel dans les journaux, on a invité et nos membres et la population qui voulaient se joindre à la réflexion à le faire. On avait...
Mme Léger: Les autorités religieuses étaient-elles là?
Mme Bourcier (Ghislaine): Oui. Oui, oui. Il y avait des marguilliers, on avait... on n'avait pas l'évêque, là, mais on avait des gens impliqués dans les communautés chrétiennes.
Mme Léger: Parce qu'on assiste vraiment... souvent, on a beaucoup de citoyens, hein, quand... les mémoires que les gens sont venus nous présenter et particulièrement en situation d'urgence ou de sauver l'église, où, au fil des années, ils ont investi... ils avaient fait une réfection de toit ou... bon, et que là ils se retrouvent souvent dans une situation difficile. Alors, nous, comme membres de la commission, on aura des recommandations à faire au gouvernement. Mais la préservation du patrimoine doit aussi... les gens nous interpellent, que, s'il y a des choses qui sont locales puis si c'est régional... puis il peut y avoir des balises nationales évidemment, mais que... comment l'appropriation peut se faire régionalement.
Mme Bourcier (Ghislaine): Ils ont bien insisté pour qu'il y ait une incitation à l'engagement régional, une concertation, en tout cas aller chercher l'expertise, comme disait Nancy tantôt, dans les sociétés d'histoire, dans les centres d'archives, dans ce qui existe déjà. Mais on ne souhaitait pas un désengagement de l'État, on souhaitait une responsabilisation à tous les paliers, tant de la CRE que des municipalités, que des individus, que des experts dans la communauté, les historiens, les historiens d'art, la mise à contribution de tout le monde.
Mme Léger: L'intérêt était là.
Mme Bourcier (Ghislaine): Ah oui!
Mme Léger: L'intérêt était là chez les gens, parce que c'est une question qu'on se pose, parce que habituellement ce n'est pas si sexy que ça, si sexy, le patrimoine religieux, alors à mobiliser les gens autour de... dans le fond, c'est tout un...
Mme Bourcier (Ghislaine): Les conseils municipaux aussi.
n(14 h 50)nMme Gadoury (Nancy): Mais je crois aussi, juste pour rajouter, que le patrimoine religieux, ce n'est pas seulement une histoire de religion. J'ai suivi un cours dernièrement qui était sur l'art ancien au Québec, et le professeur a dit: Bon, nous allons commencer par parler des tableaux que nous retrouvons dans les églises, les chemins de croix par exemple. Le patrimoine religieux au Québec, ce n'est pas seulement... bon, c'est ça, la religion, c'est aussi l'histoire de l'art au Québec. Avant le XIXe siècle, il n'y a pratiquement aucun art profane au Québec. Le seul art qui existe, c'est l'art religieux. Alors, si on veut retracer, bon, par exemple, cette partie-là de l'histoire... Aussi, c'est un point de vue historique, mais les personnes qui vivaient à cette époque-là... Si on veut faire l'histoire de ces gens-là, on ne peut pas le faire sans le patrimoine religieux, la religion est à chaque jour présente dans leur vie. Alors, le patrimoine religieux, c'est important pour ça, parce que justement ce n'est pas juste une histoire de religion, on peut faire, avec ça, l'histoire de la colonisation, l'histoire des mentalités, l'histoire des coutumes, c'est ça, puis ça amène toute une autre sorte d'histoire, l'histoire de l'art, comme je vous dis. C'est important, cet aspect-là.
Mme Bourcier (Ghislaine): Par exemple, on a des tableaux d'Ozias Leduc, à Joliette, on a des constructions qui sont de Victor Bourgeau ou Bourgault... Donc, ce n'est peut-être pas nécessaire de tout conserver tout ça, mais il faut qu'on se le dise, qu'on a ça comme richesse régionale. Donc, c'est aussi la mise en valeur, là.
Mme Gadoury (Nancy): Aussi, ça pourrait être les plus gros bâtiments en architecture qui étaient construits à l'époque, aussi, puisque c'est possible de faire l'histoire de l'architecture avec le patrimoine religieux. Il y a plusieurs possibilités, ce n'est pas juste de la religion.
Mme Léger: Ah! non, non, on est habitués, on a entendu tous les mémoires. Ce n'est surtout pas juste la religion, de ce qu'on a pu entendre. À travers tout ça, le culte, c'est une chose, mais le patrimoine, c'est un autre aspect. Ça, on en convient tous.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. C'est extrêmement intéressant de vous entendre, et surtout les dernières observations que j'ai entendues mettent bien en lumière ce qu'a été l'histoire du Québec, hein? D'abord, il y a eu une identité unique, pratiquement. L'histoire du Québec, c'était l'histoire religieuse du Québec à l'origine. Et par la suite, quand on a pris conscience, dans le sens politique du terme, de la séparation de l'Église et de l'État, c'est là que la question que vous soulevez se pose. Et c'est bien sûr que la démarche de la commission est une démarche laïque, hein, elle s'intéresse à la dimension de... au patrimoine religieux non pas pour son pouvoir de convaincre de telle ou telle vérité dogmatique, mais bien de conserver l'histoire, de conserver aussi des valeurs artistiques, des monuments. Et je connais un peu, même assez bien Joliette parce que ça a été... c'est mon alma mater, j'ai étudié quatre ans là, et je me souviens de l'admiration que j'avais pour tout cet ensemble architectural absolument exceptionnel qui part du vieux collège, qui passe par la cathédrale et qui se termine de l'autre côté par les bâtiments absolument uniques qui ont été construits sous les plans du père Corbeil, qui est un ensemble conventuel absolument unique. Je n'ai jamais vu ça en Amérique du Nord, une chose comme ça. Évidemment, c'est un peu plus récent, mais ça a quand même 60 ans ou 70 ans d'existence, ces bâtiments-là, c'est quand même important et très beau.
Et je peux vous assurer que les représentations que vous faites concernant l'importance d'établir un inventaire avant que ça se perde, ces choses-là, inventaire des choses que l'on a, du patrimoine matériel, mais aussi peut-être d'aller recueillir les confidences des personnes âgées, surtout qu'à Joliette c'était vraiment un lieu de culture exceptionnel au Québec à l'époque, et ça l'est encore sans doute... Alors, il y a beaucoup de personnes âgées qui ont énormément de choses à nous léguer en souvenir, et ce serait important que, dans l'inventaire, il y ait aussi un volet pour aller chercher ce patrimoine immatériel.
Alors, je veux vous remercier pour la contribution que vous avez apportée à la commission, c'est extrêmement précieux.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Oui, allez-y, Mme la députée.
Mme Léger: Je veux saluer, parce qu'on n'a pas eu l'occasion de le dire ce matin, le bureau de notre collègue Noëlla Champagne, son attaché politique, qui est ici avec nous, là. Je voulais qu'on salue sa présence.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, merci de vous être déplacés, merci pour cette belle présentation. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le Conseil de la culture des Laurentides puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 14 h 55)
(Reprise à 14 h 59)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux en accueillant le Conseil de la culture des Laurentides. Donc, bienvenue en commission parlementaire, puisque c'est la commission parlementaire qui siège hors du parlement pour une des rares fois.
n(15 heures)n Donc, je vous explique brièvement la façon que nous avons de procéder. Vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, de la façon que vous le jugez à propos, et, à la suite de ça, il y a une période d'échange avec les membres de la commission. Étant donné que vous êtes au Parlement, n'est-ce pas, il y a le Journal des débats, et, pour le Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et à la suite de ça de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.
Conseil de la culture des Laurentides
Mme Maillé (Carole): Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Carole Maillé, je suis la directrice générale du Conseil de la culture des Laurentides. Je suis accompagnée, à ma gauche, de Mme Chantal Ladouceur, agente... chargée de projet, pardon, pour les paysages et le patrimoine à la MRC des Pays-d'en-Haut et agente du réseau Villes et villages d'art et de patrimoine, et, à ma droite, M. Jean-Claude de Guire est directeur et conservateur du Musée régional d'Argenteuil, dans les Laurentides. Je remplace ici Mme Mélanie Gosselin. Ce n'est pas nécessaire de noter son nom, mais elle a dû quitter parce qu'elle est sur le point de donner naissance à son premier enfant. Donc, son congé de maternité est commencé. C'est elle qui a piloté en fait ce dossier. Et donc je céderai la parole aux deux experts qui m'accompagnent et je me contenterai de présenter tout simplement le Conseil de la culture et son action dans la région.
Vous le savez déjà, un conseil de la culture est un organisme de développement culturel régional qui offre des services et qui développe des projets pour la communauté. C'est aussi un organisme de concertation et de représentation. Dans le cas de celui des Laurentides, le Conseil de la culture siège également à la Conférence régionale des élus des Laurentides et a obtenu le siège de présidence du Comité Culture dans les Laurentides. Notre action est large et donc inclut également toute la question de l'histoire et du patrimoine en plus des services à donner aux artistes, artisans professionnels et travailleurs culturels.
Notre intérêt pour le patrimoine en général ne date pas d'hier. On s'y intéresse depuis fort longtemps. En 2000, par exemple, nous déposions au gouvernement notre mémoire sur la politique du patrimoine culturel au Québec. Au cours de la même année, nous procédions à l'édition d'un guide de caractérisation des paysages des Laurentides, Évolution du paysage laurentidien, en collaboration avec la chaire des paysages de l'Université de Montréal. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les 22 sociétés d'histoire sur le territoire des Laurentides. Nous animons la table de concertation de ces sociétés d'histoire, et je vous remettrai un peu plus tard un document de réflexion de cette table qui a eu lieu récemment, en 2005.
Le comité de réflexion sur le patrimoine religieux a été formé sur l'initiative de Mme Gosselin, du Conseil de la culture, et a réuni un certain nombre de personnes clés dans notre territoire qui s'intéressent à la question. Le groupe a pu se rencontrer quelques fois. Le mémoire qui vous a été présenté constitue pour eux ? et je parle en leur nom cette fois-ci ? le début de leur réflexion. Voilà pourquoi aujourd'hui nous ferons une présentation libre du mémoire que vous avez déjà reçu. Chantal et Jean-Claude vont pouvoir également répondre à vos questions là-dessus.
Le territoire des Laurentides s'étend depuis la rivière des Mille Îles, au sud de la ville de Rosemère, par exemple, tout de suite au nord de Laval, et s'étend jusqu'à Mont-Laurier... et tous les territoires non organisés de cette belle et grande région de forêts, 375 km de longueur, 20 000 km², 490 000 habitants pour le moment, ou à peu près, en croissance, à peu près la seule région ou l'une des seules régions du Québec qui sera en croissance jusqu'en 2020 environ. Ceci fait des pressions sur l'ensemble de nos infrastructures culturelles et patrimoniales, mais en même temps nous considérons qu'il s'agit d'un avantage puisque de plus en plus de gens vont s'intéresser au patrimoine.
L'inventaire récent a répertorié 179 lieux de culte pour les Laurentides, ce qui positionne la région des Laurentides au cinquième rang des régions qui ont le plus de bâtiments répertoriés. Ce sont les bâtiments répertoriés, mais nous considérons qu'il y en a encore beaucoup d'autres, non répertoriés, pour lesquels nous aurons aussi à prendre des décisions.
Dans notre cas, dans les Laurentides, puisque nous n'avons aucun musée régional de soutenu ou d'accrédité, la présence d'expertise nous apparaît importante et la reconnaissance de l'expertise présente, notamment en ce qui concerne le Musée régional d'Argenteuil, nous apparaît comme une nécessité. Ceci n'apparaissant pas dans le mémoire qu'on vous a présenté, je me permets d'en glisser un mot maintenant.
Je laisse donc la parole à Jean-Claude de Guire, qui va vous présenter brièvement un petit historique concernant le patrimoine religieux dans les Laurentides.
M. de Guire (Jean-Claude): Merci. Merci à la commission de nous accorder ce temps. Traiter d'un historique pour une si vaste région, c'est toujours en oublier, mais disons que les Laurentides, ça doit résonner en nos têtes au-delà du simple phénomène qu'a été le curé Labelle. Et on doit se rappeler que la présence du XVIIIe siècle et bien avant des débuts de la colonie sur le territoire des Laurentides est marquée par le fait religieux. Je pense à une bible en objiway qui s'est retrouvée au musée d'Argenteuil, et on pense aux tribus indiennes, amérindiennes, évidemment. Vous avez ensuite l'effet des missions, des missions catholiques. Qu'on pense ici simplement aux chapelles de procession, dans la montagne, à Oka. Elles en sont le témoin vibrant. Vous avez évidemment, en parallèle, la colonisation catholique. Donc, partons de Saint-Jérôme et allons vers le nord jusqu'à Mont-Laurier. Alors, on revient au curé Labelle. Mais, parallèlement à ça, vous avez la présence d'une forte communauté protestante, à saveur loyaliste, qui s'établit donc à l'ouest, près de la rivière des Outaouais, et ça aussi, ça amène un phénomène religieux multiple, avec toute la déclinaison des dogmes rattachés au protestantisme. Ensuite, l'évolution religieuse sur le territoire des Laurentides va aller avec le phénomène de la villégiature. Alors, les gens qui vont parcourir les Laurentides vont amener avec eux évidemment leur culte et vont amener avec eux les rituels qui s'y rattachent.
Au niveau du patrimoine bâti, on remarque, si on parle en termes de hiérarchie, nos plus brillantes étoiles que sont les lieux nationaux, les lieux historiques nationaux, oui, comme l'église de Saint-Eustache, celle d'Oka avec ses vitraux de Guido Nincheri. Ensuite de ça, vous avez l'église qui a été classée, dans les années quatre-vingt, à Saint-André-d'Argenteuil, Christ Church, qui date de 1918-1919, hein, et qui a été largement restaurée. Et vous en avez de beaucoup plus humbles mais d'intérêt aussi de par leurs particularités architecturales sinon environnementales, comme l'église St. Mungo's, à Cushing, ou l'église Saint-Hermas, à... c'est ça, ou encore l'église de Saint-Placide. Alors donc, on a une présence architecturale importante. Ensuite de ça, vous avez un ensemble d'éléments conventuels importants aussi. Malheureusement, dans les années 1960-1970, nous avons perdu les seuls témoins des couvents en pierre grise. Alors, celui de Saint-Benoît a été démoli et a fait place à un foyer pour personnes âgées, et celui de Saint-André également.
Donc, l'histoire du patrimoine religieux, bien elle est là. L'évolution des communautés a laissé sa trace, et la situation actuelle par contre, elle est évidemment peuplée, comme partout au Québec, de fermetures, d'abandons, de démolitions. Et évidemment que, si vous avez lu le mot «Laurentides» et vu que vous êtes sensibles aux églises dans votre oeuvre, c'est sûr que vous allez entendre parler de Saint-Julien, hein? Saint-Julien, patron des pauvres, c'est l'oeil crevé du visage du patrimoine religieux des Laurentides. Le dossier a été lourd. Le dossier est toujours là, et le dernier point, ça a été le retrait des vitraux par la maison O'Shea de Montréal durant les dernières semaines. L'édifice est toujours voué à la démolition. Alors, c'était une des églises les plus riches, au niveau du matériau ? peut-être pas au niveau de la signature, de ce qui s'y trouvait, mais au niveau des matériaux ? du construit, des Laurentides. Alors, voilà pour ce qui est des bâtiments comme tels.
n(15 h 10)n Bien sûr qu'on doit faire une place importante dans la trace du patrimoine matériel, et là bien il faut avoir visité les presbytères, les sacristies, avoir ouvert les tiroirs pour sentir la main de l'artisan. Encore une fois, ce ne sont pas des oeuvres signées. On ne parle pas, dans les Laurentides, de frère Luc ou autres, mais nous avons là des témoins de la ferveur religieuse importants, que ce soient des bannières peintes ou encore des éléments qui retracent l'habileté des communautés religieuses et qui témoignent de traditions qui sont perdues. Donc, tout ce patrimoine-là est présent et riche et, malheureusement, bien il est menacé parce qu'il n'y a pas à l'heure actuelle d'organisation de sa sauvegarde.
Alors donc, il y a peu de monuments restaurés sur le territoire, il y a peu de restaurants... ? de restaurants, oui, vous avez parlé de restaurants ? de monuments qui sont donc... qui sont classés, et un phénomène quand ils le sont, et qui sont largement restaurés par l'État. Et je pense ici à l'église Christ Church parce que je suis vice-président de ce qu'on appelle maintenant l'espace historique, culturel Christ Church. La difficulté de trouver une vocation en harmonie avec l'environnement, c'est toujours présent, ça, cette difficulté-là. Alors, voilà pour un portrait, si vous voulez, historique de contenu, de ce qu'on retrouve dans le paysage patrimonial, et c'est très bref, pour les Laurentides.
Alors là, je vais céder la parole à ma collègue Chantal Ladouceur qui va nous parler des préoccupations, des enjeux régionaux, et quelques pistes de solution.
Mme Ladouceur (Chantal): Merci, Jean-Claude. Bonjour, tout le monde. Merci de nous recevoir.
Alors, au niveau de la première préoccupation, on mentionnait, au niveau du comité, des biens religieux appartenant à la collectivité. Donc, on discutait que nos ancêtres ont contribué, et encore aujourd'hui bien des gens contribuent financièrement ou autrement à l'érection, à l'entretien des églises ainsi qu'à la fabrication du mobilier et des objets d'art religieux. Basé là-dessus, notre comité considère que ces biens appartiennent donc à l'ensemble de la collectivité.
En tant que propriétaires, c'est notre devoir de protéger, de conserver et de mettre en valeur l'ensemble des biens à caractère religieux du Québec, et particulièrement pour les Laurentides, notre territoire. En tant que propriétaires, notre responsabilité devrait également nous permettre de prendre part à toutes les décisions qui entourent l'avenir des bâtiments, des biens et des oeuvres d'art religieux, donc prendre des décisions par rapport à la vente, par rapport à la destruction, à la donation, à la modification et bien d'autres actions.
Actuellement, la communication entre les autorités religieuses des Laurentides et la collectivité est déficiente, voire même des fois absente. Nous souhaitons donc voir apparaître une meilleure collaboration entre le clergé, ayant actuellement le pouvoir de décision, ainsi que les différents acteurs de la société, qui sont entre autres les citoyens, les élus, les institutions publiques et privées, les organismes qui ont comme mission la protection et la mise en valeur du patrimoine, et il y en a d'autres aussi. Pour faciliter et même obliger cette collaboration, nous proposons la modification de l'article 13 de la Loi sur les fabriques afin de permettre à quiconque ayant un intérêt envers le patrimoine religieux de participer à la gestion des biens et de prendre part au processus décisionnel. Nous souhaitons que les décisions reviennent à une corporation responsable qui n'est pas nécessairement ecclésiastique, comme la loi le stipule actuellement.
Pour l'ensemble du comité de rédaction du mémoire qui est présenté aujourd'hui par le Conseil de la culture, cette préoccupation, c'est la base de notre argumentation et elle a soutenu une grande partie de nos discussions. Et on considère qu'il s'agit d'une problématique qui n'est pas spécifique à notre région mais qui s'applique à l'ensemble du Québec.
La deuxième préoccupation donc, c'est au niveau du soutien des régions. Alors, on voulait une distinction tout d'abord entre les biens qui sont d'importance nationale et le rôle de l'État. Donc, ça va être bref. Puisque, selon nous, tous les acteurs de la société doivent prendre en charge l'avenir du patrimoine religieux au Québec, nous considérons que l'État a un rôle à jouer dans la conservation et la mise en valeur des biens qui sont jugés importants et représentatifs à l'échelle de la province. À cet effet, il revient à l'État de déterminer quels seront les critères qui justifieront les choix, difficiles à faire, en matière de conservation des biens d'importance nationale. Il revient également à l'État d'assumer la conservation, la réfection, l'entretien et la gestion des biens qui auront été identifiés.
Au niveau des biens d'importance régionale et locale. Donc, puisque l'État ne peut prendre en charge tout le patrimoine religieux, la responsabilité de conserver les biens qui ont une importance à l'échelle régionale et locale devra donc revenir aux régions. Les critères devront être établis en fonction des réalités spécifiques à chacun des milieux, des besoins et des limites financières. Dans notre mémoire, à la page 6, vous retrouverez une liste de propositions de critères à respecter qui seraient spécifiques à notre région. À cet effet, nous demandons à l'État de soutenir les démarches effectuées dans les régions et de donner pleine autonomie à celles-ci. Évidemment, ce soutien doit se faire à deux niveaux: de l'aide technique est nécessaire ainsi que financière. Et à cet effet je cède la parole à Jean-Claude, qui va vous parler des autres outils. Merci.
Une voix: ...
M. de Guire (Jean-Claude): J'étais dans mes pensées.
Une voix: ...
M. de Guire (Jean-Claude): Ah, c'est des pensées de confessionnal, peut-être.
Le Président (M. Brodeur): Non, nous avons justement un curé à l'arrière.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. de Guire (Jean-Claude): Donc, comme le document l'indique, Préservation du patrimoine religieux: se doter de ressources efficientes... Alors donc, la première partie, Mieux connaître pour mieux protéger, hein, ça fait partie des constats. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avons constaté les lacunes et les déficiences au niveau des outils de travail. Évidemment, je vais vous revenir avec le mot «inventaire». Qu'est-ce qu'un inventaire? Je ne sais pas depuis quand la commission siège, vous m'en excuserez, mais un inventaire, par définition, c'est une description logique, hein, c'est une approche de quelque chose, c'est la capacité de nommer mais de décrire et surtout de donner un sens. C'est un outil de travail que le muséologue a entre les mains dès le début de sa formation. Alors, c'est de cette façon-là qu'on définit un inventaire.
Alors donc, nous n'avons pas d'inventaire du mobilier. Nous avons un inventaire architectural qui est bancal, et, au niveau de l'essence même de l'histoire qui est derrière l'inventaire... Parce que Mme Vien, tout à l'heure, Mme la députée de Bellechasse, nous disait: Lorsque vous avez un inventaire entre les mains, qu'est-ce que vous en faites? Vous avez des sous, en bout de ligne, et vous allez avoir des choix à poser. Et on ne peut pas traiter un inventaire au niveau technique seulement, il faut l'accompagner, pour éclairer les choix, du regard de l'historien. Et ces deux entités-là que sont d'une part, si vous voulez, le muséologue ou celui qui est habilité, professionnellement parlant, à faire des inventaires et le regard de l'historien, eh bien, on ne peut pas confier le tout à des bénévoles aussi... Vous savez, le dévouement existe, la passion existe, mais, comme vous le savez, l'apprentissage est là aussi, et l'expérience. Or, ces deux éléments-là, ces deux composantes-là du processus d'identification, ils sont essentiels, et nous ne les avons pas, comme tel.
n(15 h 20)n Alors, évidemment que ça complique et ça ralentit énormément les démarches d'évaluation et de sauvegarde. Ça crée quelque part une absence ? et passez-moi le mot ? d'autorité, d'autorité en la matière. On a donc de la difficulté à se positionner en termes d'autorité, on a de la difficulté avec ce mot-là. Mais pourtant quelqu'un qui va dire: Cette pièce-là, après étude, après consultation, on en conclut qu'elle a cette valeur-là, et on va être appelé à travailler avec une hiérarchie de critères qui pourront, si vous voulez, permettre un élagage intelligent, sensible, prévoyant. Bon. Mais, comme tel, actuellement la région des Laurentides n'a pas ces outils-là, et, je le répète, peut-être que ce n'est pas la région de Québec, ce n'est peut-être pas Trois-Rivières ou les centres où il y a eu, hein, une manifestation artistique très riche, mais, au niveau de l'humble main de l'artisan, c'est excessivement intéressant.
Donc, on manque d'outils d'information, de référence et, lorsque les décideurs viennent pour poser des gestes, que ce soit le fonctionnaire municipal, que ce soit le politique, que ce soit le clergé, on est, à l'heure actuelle, dans le vide. Et je ne reviendrai pas avec l'exemple, qui va nous servir de précédent, de Saint-Julien, parce que vous en avez entendu parler, là, ad nauseam peut-être.
Et il y a un autre phénomène dans les Laurentides, qui n'est pas une terre où, des générations derrière, on a beaucoup de mouvance. Dans l'histoire des Laurentides, il y a le phénomène du nouvel arrivant, et, le nouvel arrivant, bien, évidemment, il ne connaît pas nécessairement...
Une voix: ...
M. de Guire (Jean-Claude): Une minute. Absolument.
Le Président (M. Brodeur): ...d'une minute, mais je peux vous laisser une minute.
M. de Guire (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Donc, ce que nous proposons... et juste une ligne sur la précarité des lieux de diffusants. Mme la présidente du Conseil de la culture vous l'a dit, Laurentides, vaste région, aucun musée accrédité. C'est une forte lacune. Et donc la mise en place d'un mécanisme de concertation et de communication est essentielle. Il faut, encore une fois, pouvoir être en mesure d'encadrer les fonctionnaires municipaux. Il faut penser à l'embauche de ressources professionnelles pour être en mesure de mettre en place un plan d'action. Alors, je vous renvoie simplement aux demandes qui ont été formulées par le Conseil de la culture dans le rapport... dans le mémoire, pardon, d'améliorer le niveau de connaissance, de soutenir la sensibilisation, concertation, de planifier les actions prioritaires de protection et de conservation. Et je vous invite à lire la démarche, là, qui est proposée: acquérir et actualiser les connaissances, établir un état de la situation, diagnostic, concevoir un plan d'action et réaliser ce plan d'action. Voilà. Alors, maintenant je cède la parole à ma collègue Chantal...
Le Président (M. Brodeur): C'est parce que, là, on va dépasser notre horaire. Sauf que vous avez l'opportunité, à l'intérieur des questions que nous allons poser, de revenir sur les points que vous voulez approfondir.
Mme Maillé (Carole): Vous aurez constaté qu'on parle trop, dans les Laurentides. On parle beaucoup, en tout cas.
M. de Guire (Jean-Claude): On a de la parlotte.
Le Président (M. Brodeur): Oui. Ici, chez les députés, il n'y a pas beaucoup de gens qui parlent.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Brodeur): Donc, c'est un naturel chez les Québécois. Donc, merci. Merci de votre intervention fort intéressante. Et puis, dans votre mémoire, il y a beaucoup de suggestions, ce que nous aimons beaucoup, à la commission, puisque ça nous permet de soulever le point, lors de nos discussions, sur des recommandations qui sont faites, et vous en avez fait beaucoup, et on vous en remercie, autant sur le droit de propriété des églises, donc la modification de la Loi sur les fabriques... Vous parlez aussi...
D'ailleurs, j'ai remarqué que vous avez été dans le même sens que notre premier mémoire, le mémoire que nous avons reçu, là... Nous avons débuté nos audiences le 20 septembre, et Mgr Turcotte avait proposé justement, là, de réserver les nouvelles constructions à caractère public, à savoir si on pourrait reconvertir des bâtiments religieux pour utilisation gouvernementale. Vous nous dites également: Mettre sur pied le programme Adoptez une église!, qui peut être intéressant.
Mais j'ai deux courtes questions, ou une question à deux volets, à vous poser. Vous avez parlé énormément, là, pour ainsi dire, de financement, vous avez parlé beaucoup de l'État. À chaque fois qu'on entend: L'État doit prendre en charge... ça nous soulève des points d'interrogation, peut-être même des points d'exclamation, là, parce qu'on connaît les capacités financières de tous les gouvernements. On connaît aussi la capacité financière de l'Église. Plusieurs personnes nous ont suggéré de créer une fiducie. Vous mentionnez également que... vous insistez beaucoup sur l'autonomie régionale. On nous a proposé, pour la première fois à Saguenay, la semaine dernière encore à Rimouski, de créer, pour financer la conservation du patrimoine religieux, une fiducie régionale. Je me demande ce que vous pensez de ça, une façon de financer où pourraient participer autant l'État que le privé, que l'Église également. Tout est sur la table. Est-ce que vous pensez que la création d'une telle fiducie pourrait répondre à vos interrogations? Un.
Et, deux, vous avez parlé abondamment également de propriété de l'Église. Donc, est-ce que votre message, est-ce que c'est nationaliser les églises? Est-ce qu'on doit comprendre que vous voulez nationaliser les églises? Donc, j'aimerais vous entendre sur ces deux points-là.
M. de Guire (Jean-Claude): L'idée d'une fiducie régionale, de rapprocher la gestion des avoirs, d'être en mesure d'impliquer les gens de la région, après sensibilisation et moult campagnes évidemment, à restauration, conservation, maintien, recyclage, etc., je pense que ça va dans le sens de ce que nous avons écrit dans le mémoire. Et l'autre partie de votre question, c'était...
Le Président (M. Brodeur): La nationalisation des églises.
M. de Guire (Jean-Claude): ...la nationalisation des églises. Le dialogue ? »nationalisation» est un mot assez péremptoire, ça fait 1908 en France un peu, mais... sinon 1789; mais le dialogue ? avec le diocèse, qui est toujours propriétaire, s'établit graduellement. Les freins sont présents, la réticence, et il agit en propriétaire. Mais évidemment que la beauté d'un édifice appartient à tout le monde. Si l'édifice appartient à un, sa beauté appartient à l'autre, beauté dans le sens de culture. Mais, comme tel, on ne peut pas penser à ce que l'État prenne tout à sa charge ? l'État avec le E majuscule évidemment ? et il faut que les régions, à ce moment-là, aillent donc... Je ne pense pas qu'on aille dans le sens de nationalisation. Par contre, l'État doit très certainement... le central doit certainement s'assurer que les régions aient les ressorts pour maintenir en place des compétences, pour que le tri se fasse et que la confiance s'établisse, parce qu'on parle de décentralisation, et, décentraliser une confiance, une compétence, ce n'est pas toujours évident.
Mme Ladouceur (Chantal): Si je peux ajouter quelque chose. Dans le comité, on avait discuté effectivement de voir qui seraient les acteurs qui allaient avoir des contributions financières au niveau... à toutes sortes de niveaux, soit pour collecter de l'information pour conserver des bâtiments, et, à travers nos discussions, ce qu'on réalise, c'est qu'actuellement les municipalités, les villes sont les seuls organismes qui ont le pouvoir de taxation, donc de prélever des sous de la part des citoyens et de les investir dans différents volets de la société. Donc, il y aurait peut-être une sensibilisation à faire auprès des municipalités et des villes pour s'assurer qu'il y ait un investissement... des fois je pourrais peut-être dire carrément une dépense, parce qu'il n'y a peut-être pas toujours un retour pour contribuer, par exemple, à la fiducie qui vous a été proposée dans la région du Saguenay.
Le Président (M. Brodeur): Êtes-vous en train de nous suggérer, comme on l'a fait la semaine dernière à Rimouski... il y a une dame qui est venue nous dire: Obligez les municipalités à collecter des dîmes pour les remettre. Je lui disais que je me voyais mal, à la prochaine campagne électorale, prendre cet engagement-là, déjà qu'on est une des sociétés les plus taxées en Amérique du Nord. Mais vous n'allez pas dans le même sens, là?
Mme Ladouceur (Chantal): Non, pas vraiment. On a juste soulevé le fait que les seuls organismes qui avaient un pouvoir de prélever de l'argent, c'étaient les municipalités. Donc, il y aurait peut-être une sensibilisation à faire à ce niveau-là. Je ne parle pas d'obliger, mais de sensibiliser, disons, de développer la fibre patrimoine dans nos municipalités, dans nos villes.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.
Une voix: ...
Mme Vien: Bien, là, c'est parce que je suis sur un autre sujet. Si tu veux continuer avec celui-là...
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Ce sujet-là est intéressant, parce que je regardais, dans la série de recommandations que vous avez... effectivement plusieurs de vos recommandations touchent les élus locaux et régionaux. O.K., c'est clair. Je regardais... C'est parce qu'ici on a un tableau, là, il y avait la proposition 4. Qu'est-ce que vous demandiez? Il y avait la 6: Inviter les municipalités à ajouter un règlement, etc. Donc, il y avait une série de recommandations. Mais qu'est-ce qui me surprenait quand même puis qui faisait suite à vos propos, il y en a une qui disait: Le conseil demande au gouvernement de «sensibiliser les diocèses, les fabriques et la population à l'importance du patrimoine religieux». Je me dis qu'au départ, s'il faut commencer, le gouvernement, à sensibiliser les diocèses et les fabriques à l'importance du patrimoine religieux, c'est qu'on part de loin, si vous pensez ça. Ça veut dire que ces gens-là déjà ne seraient pas sensibilisés à l'importance, selon vous, du patrimoine religieux?
n(15 h 30)nM. de Guire (Jean-Claude): C'est-à-dire que l'Église a, comme toute institution, hein, en elle... et elle est construite d'hommes et de femmes qui ont des intérêts différents, et vous en avez qui ont à coeur le patrimoine et vous en avez qui ont la gestion plus entre les mains. Et, quand vient le temps de présenter un dossier et de défendre ce dossier-là, tout dépend de qui on a devant nous. Et ce n'est pas un blâme, ça, adressé à l'Église. C'est une constatation, parce que cette même fibre patrimoniale là, tout le monde, je veux dire, chaque individu dans la société, on a une réaction face à ça qui va de l'indifférence jusqu'à la passion. Alors donc, s'il y a sensibilisation à faire, oui, c'est un fait, je pense, chez nous et certainement ailleurs au Québec, d'introduire une mesure pour sensibiliser, pour établir un dialogue, pour être à l'écoute, et ça, c'est important. Mais, oui, ça fait certainement partie des éléments que le central pourrait mettre en place, et par la suite la région pourrait être aidée dans cette...
M. Bernard: C'est intéressant. Vous soulevez la question. Moi, je crois beaucoup à la force de lien du milieu et, après ça, interpeller le gouvernement, en autant justement que le gouvernement mette, après ça, des mécanismes en place de support. C'est vraiment l'approche plus, comme on dirait, du bas vers le haut, en partie, que je crois, et non l'approche inverse.
M. de Guire (Jean-Claude): Je veux juste finir avec ça. C'est sûr qu'il y a un noyau et une osmose entre les paroissiens et l'évêché ou les curés, etc., et le clergé, et ce pont-là est certainement le premier à prioriser. Mais ces décideurs doivent se retourner vers des indicateurs, des normes, et je ne vois pas pourquoi l'État ne pourrait pas en émettre, hein, des lignes de pensée, très certainement des lignes de pensée, et ça peut se traduire dans le processus d'approche par la suite.
Le Président (M. Brodeur): Mme Ladouceur, est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter?
Mme Ladouceur (Chantal): Oui, rapidement. En fait, un point qu'on n'a peut-être pas eu le temps d'aborder mais qui va dans le sens de ce que vous mentionnez, M. Bernard, c'est que, nous, on souhaite la collaboration de l'État dans un processus où on va justement établir un dialogue entre tous les intervenants de la société qui ont un intérêt envers le patrimoine religieux. Donc, ça nous prend une espèce de carcan ou de modèle qui nous dit: Tout le monde, vous vous assoyez autour d'une table, vous faites les études nécessaires et vous regardez, en fonction de votre milieu, votre région, vos besoins et les capacités financières de votre milieu, qu'est-ce qu'on peut faire soit avec un bâtiment excédentaire ou avec une série de biens ou d'oeuvres d'art, et ensemble on prend la décision. Et on aimerait bien se faire accompagner par l'État ou, par exemple, par la Fondation du patrimoine religieux dans une démarche comme celle-là. C'est de cette expertise-là qu'on a besoin, c'est d'une aide comme ça qu'on a besoin, pas seulement financière.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Oui. Excusez-moi.
Le Président (M. Brodeur): Oui? C'est le bon après-midi?
Mme Vien: Oui, oui. Je ne dormais point, au contraire. Je réfléchissais à ma question.
M. le président tantôt en a fait mention un tout petit peu dans son préambule avant de vous poser sa première question, à savoir que, lorsque nous étions à Montréal, effectivement il y a des gens qui sont venus nous proposer qu'il y ait un moratoire sur toute nouvelle construction qui serait donc pour usage public dans chacune de nos régions. Et la personne, entre autres, qui était porteuse de ce message-là, c'était Mgr Turcotte. Et je voulais avoir votre opinion sur cette question-là, à savoir: Est-ce que nous devrions effectivement y aller d'un moratoire et de demander... Parce que je sais que vous abordez quand même cette question-là un peu, et lui va beaucoup plus loin, là, il y en a qui vont beaucoup plus loin que ça, hein? C'est un moratoire pour obliger justement à regarder, à se forcer à regarder la situation, si effectivement il n'y a pas des bâtiments à caractère religieux qui peuvent être utilisés, transformés pour un usage laïque et public. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Maillé (Carole): Je peux vous dire que, dans les Laurentides, il y a 83 municipalités, dont des plus petites municipalités et des plus grandes villes. Dans les plus petites municipalités, l'attention et le lien entre la paroisse et la municipalité, ces liens-là sont plus étroits, et, lorsque c'est possible, la municipalité soutient la transformation de la petite église en un lieu communautaire, par exemple, et intervient financièrement pour payer le chauffage, les réparations, et tout ça. Ça se fait déjà presque automatiquement dans les endroits où les liens sont plus étroits, où les communautés sont plus serrées et plus petites.
Ce qui va nous poser plus un problème, ça va être dans les villes un peu plus importantes qui ont déjà tout un ensemble d'infrastructures et qui ne seront pas tentées nécessairement de convertir les églises en lieux... Je dis ça, mais encore là je pense que, pour la plupart en tout cas, il me semble qu'il y a une attention, là, de la part des municipalités vers la conversion ou l'utilisation des bâtiments religieux qui sont sur leur territoire. Je pense que Chantal peut donner un exemple peut-être.
Mme Ladouceur (Chantal): Oui, en effet. La MRC des Pays-d'en-Haut est propriétaire d'une petite chapelle dans une municipalité où les liens étaient déjà très serrés, et le bâtiment accueille plusieurs vocations, notamment religieuse, communautaire et récréative.
Par contre, pour revenir à la question du moratoire ? on ne l'a pas discutée ? dans notre cas précis des Laurentides, j'ai l'impression que, sur le modèle des petites communautés, si on arrivait à établir un discours plus qu'un moratoire... Ce qu'on veut, c'est connaître les lieux qui vont potentiellement être abandonnés, quels bâtiments vont perdre leur vocation, pour que, dans un milieu donné, on puisse commencer dès maintenant à faire l'évaluation de nos besoins, puis se demander: On a un bâtiment excédentaire, est-ce qu'on a quelque chose... est-ce qu'on a besoin d'un gymnase, d'une salle communautaire, d'une piscine, d'un CPE?, et se poser la question dès maintenant, au lieu d'attendre toujours à la dernière minute puis d'essayer de développer un comité, un projet, déposer ça sur le coin de la table puis espérer que ça passe.
Donc, je ne sais pas. Si le moratoire veut dire: délai et connaître ce qui s'en vient, je pense que oui, mais ce n'est pas peut-être un moratoire comme dire: On ne bouge plus, on ne fait rien. Au contraire, il faut avancer, il faut faire des choses, mais on ne connaît pas ce qui se trame au diocèse ? en tout cas pour notre part ? et je n'arrive pas à savoir quelles églises vont perdre leur vocation, donc on ne peut pas être proactifs là-dedans.
M. de Guire (Jean-Claude): Si je peux me permettre d'aller dans le sens de Chantal, comment voulez-vous arrêter un processus de construction, de démolition ou autre, si vous n'avez pas ? et je reviens avec ça parce que c'est essentiel ? les outils pour évaluer ce que vous avez devant vous?
Mme Vien: Je suis bien d'accord avec vous, monsieur.
M. de Guire (Jean-Claude): Alors, l'église... Je ne sais pas. À Lachute, on a un Dom Bellot. Ce n'est pas le lac Memphrémagog, ce n'est pas l'oratoire Saint-Joseph, c'est l'église Sainte-Anastasie. Est-ce qu'on peut l'éventrer? Est-ce qu'on peut construire une résidence pour personnes âgées? Il faut se positionner par rapport à tout ça, savoir ce qu'on a. On ne le savait pas il y a deux ans, trois ans. Et le dialogue avec l'évêché est merveilleux s'il est soutenue, continu, etc., là. C'est important, ça.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Outre les questions de fond de qui, quoi, comment conserver, je suis beaucoup intéressée par toute la participation citoyenne ou la mobilisation autour de notre enjeu dans le fond du patrimoine religieux. Quand je vois, au début de votre mémoire, dans votre introduction... vous parlez du comité qui a été formé, là. Rapidement, vous étiez contents en tout cas de faire cette démarche de concertation là puis de réflexion, suite aussi à la Commission de la culture où vous veniez présenter votre mémoire. Et vous étiez présents dans ce comité-là, là, parce que j'y vois les noms. Et je vois aussi, un petit peu plus loin dans votre mémoire, où vous dites, dans vos recommandations, entre autres, d'assurer l'implication de tous dans les dossiers de préservation du patrimoine religieux. Alors, vous parlez de l'État, des municipalités, des citoyens, des organismes, gestionnaires, bon, porteurs de traditions, détenteurs de biens. Je trouve ça très intéressant, le listing que vous faites des gens autour du patrimoine religieux.
n(15 h 40)n Mais j'aimerais m'attarder aussi à la partie régionale, parce que le Conseil de la culture... Au début, vous nous avez élaboré un peu le nombre de municipalités, vous l'avez dit, bon, tout votre territoire, qui est grand. Bon, toutes les régions du Québec ont des territoires différents. Il y en a des pas mal plus grands, puis il y en a des assez grands, puis il y en a des plus petits. Mais cette sensibilisation-là auprès des citoyens mais auprès aussi des porteurs du patrimoine religieux... C'est évident qu'entre ceux qui sont intéressés au dossier du patrimoine religieux... C'est évident qu'entre ceux qui sont intéressés au dossier du patrimoine religieux on a nos experts qui, depuis tout le temps, ont toujours été intéressés au patrimoine religieux. Mais on le voit que ça a suscité déjà la Commission de la culture de vouloir s'y attarder, de vouloir écouter, de consulter, voir pour la suite des choses puis être capables de faire des recommandations qui soient porteuses.
Alors, comment vous voyez cette mobilisation-là des citoyens à la cause? J'ai envie de dire «la cause» parce que c'est comme une cause, le patrimoine, le patrimoine religieux. Parce que c'est évident que les gens, quand vous avez... Je vois les gens. Vous mettez aussi ce qu'ils sont: l'agente Villes et villages, les responsables du Musée religieux de Mont-Tremblant. Bon, évidemment, c'est des gens concernés, qui sont peut-être concernés par la culture dans son sens plus grand mais qui sont concernés par la culture ou par l'histoire du patrimoine religieux. Alors, comment on peut sensibiliser les gens, les citoyens... que le patrimoine religieux est absolument important pour la suite des choses, pour retenir toute notre mémoire, toute notre histoire, retenir aussi... Bon, il y a toute la partie culte, là, puis toute la relation avec les autorités religieuses, qui est une chose. Mais comment vous voyez cette mobilisation-là?
Mais la partie particulièrement régionale, la partie particulièrement régionale... Parce que c'est sûr qu'il y a des recommandations qui sont nationales. Il y a des balises à faire. Bon, il y en a qui parlent d'une politique du patrimoine. On a la fiducie. On a toutes sortes de moratoires. Il y a toutes sortes d'éléments qui ont été apportés dans toute notre démarche de consultation. On a fait pas mal toutes les régions, les six régions, qu'on s'était données, là, qu'il fallait faire. On aurait voulu toutes les faire, mais, à un moment donné, il y a des limites aussi.
C'est la première fois que la commission quitte les lieux du Parlement. En 20 ans, ça ne s'est jamais vu, là, qu'on puisse... Il y a eu des commissions itinérantes sur des sujets, mais, permanente comme elle est, celle de la culture de... Alors, on finit à Québec, là, tel quel, dans la capitale. Mais il reste que c'est une première fois qu'on est sensibilisés, en tout cas comme élus ? parce qu'on l'est, dans nos propres circonscriptions, par nos gens, nos paroissiens qui viennent nous rencontrer, viennent nous parler de l'église, tel quel, mais ? de cet enjeu-là plutôt national mais qui est très important au niveau régional.
Je ne sais pas si vous avez lu le mémoire de Rivière-du-Loup, de la ville de Rivière-du-Loup, qui a fait un lien très important avec la MRC. La ville elle-même a bâti beaucoup de choses, mais elle a pu sensibiliser l'ensemble de la MRC, puis la MRC, aussi, est en train d'établir, de se donner des directives bien particulières au niveau du patrimoine religieux. Alors, ce n'est pas juste le patrimoine dans son sens large, mais le patrimoine religieux.
Alors, je trouve qu'il y a des éléments importants, intéressants, au niveau régional, parce que je trouve qu'elle vient chercher autant l'intérêt local, de problématiques aussi qui peuvent être locales, que nationales, là. Qu'on connaît moins, qu'on ne peut pas savoir si cet objet-là peut être conservé plus, même s'il n'a pas une valeur patrimoniale, mais il a une valeur très symbolique et très importante pour une localité au niveau de la conservation. Mais autant aussi, quand on parle de cathédrales, c'est sûr qu'il y a un élément beaucoup plus national, là. Mais il ne faut pas s'attarder que national... National, c'est important, mais je pense que le régional a une grande part de sensibilisation, mais d'expertise puis de partenariat, là.
M. de Guire (Jean-Claude): C'est sûr que ce que vous soulevez, c'est tout le débat du rapport des Québécois, de façon générale, au religieux, hein? Est-ce que tout le deuil est fait, des blessures? Bon, est-ce qu'il y a eu blessure, etc.? C'est tout ce débat-là. Et, quand on regarde le religieux, on a un regard historique qui est x. Bon.
Ensuite de ça, vous avez la responsabilité face au patrimoine religieux. Ce que les gens disent, de façon générale, c'est: On se tourne vers l'État, on se tourne vers l'autorité, vers la ville, hein? La participation, elle n'est pas assimilée, la participation comme citoyen. Qu'est-ce que je peux faire autre que de faire partie d'un comité, de lever la main ou de brouiller les... Bon. Qu'est-ce que je peux faire?
Et l'autre rapport, qui est tout à fait opposé... pas opposé mais tout à fait différent, c'est la question de comment vendre. Quelle rhétorique utiliser pour sensibiliser, hein, à l'importance du patrimoine religieux et comment faire sentir aux gens que ça leur appartient? Et quelque part c'est peut-être d'y aller par l'importance du phénomène de l'intériorité, intériorité de l'humain, qui sera toujours présent, et qui s'est manifesté x avant, et qui se manifeste en ce moment différemment puis... Bon. Alors, ce phénomène-là, qui est universel, il va chercher tout le monde...
Mme Léger: Ce n'est pas à la mode, par exemple, hein, de ce temps-ci. On est beaucoup dans l'expression, hein, extérieure.
M. de Guire (Jean-Claude): Oui, mais, vous savez, en muséologie ? je parle pour ma paroisse, mon clocher...
Mme Léger: Votre paroisse?
M. de Guire (Jean-Claude): Oui. En muséologie, on a à interpréter, on a à décoder et on a à se faire valoir mais également mettre l'autre en valeur puis dire: Comment est-ce que tu te questionnes par rapport à qu'est-ce que tu vois? Alors, c'est un peu ça, quand on a à exposer le phénomène religieux, à le conserver, à le préserver puis à expliquer pourquoi on le fait.
Mme Maillé (Carole): Au-delà de la question philosophique, je vous dirais qu'au niveau pratique ce qu'on se disait en s'en venant justement, c'est que, parmi les outils qu'on aimerait posséder, la liste des personnes clés, des personnes pivots que l'on pourrait consulter en cas d'urgence ou pour participer à la réflexion, on devrait former une toile, une espèce de toile, pas d'araignée, là, mais presque, en fait une pyramide, comme une pyramide d'appels, dans le fond, hein! Nous avons sur le territoire 22 sociétés d'histoire. Les personnes qui font partie de ces sociétés d'histoire se ramifient elles-mêmes dans leurs paroisses et dans leurs municipalités. À partir d'elles, on pourrait aller consulter un nombre croissant de personnes.
Il est bien entendu qu'on revient toujours à la nécessité de recréer, ou de retisser, ou de conserver les liens avec le clergé pour que nous puissions aussi les compter parmi nous au moment de la réflexion, au moment de la sensibilisation, et je pense que c'est en travaillant à partir de nouveaux outils. Jean-Claude lui-même participe présentement à la confection d'une liste où l'on identifie les personnes clés intéressées au patrimoine religieux mais aussi qui peuvent répandre la nouvelle ou sensibiliser autour d'eux. Alors, je pense que c'est comme ça qu'en région on va peut-être pouvoir atteindre les gens et faire ce travail de concertation. Il me semble, moi, en tout cas.
Mme Ladouceur (Chantal): ...un dernier volet à votre question, ce que vous avez abordé en premier lieu, justement par rapport aux citoyens. Jean-Claude mentionnait tout à l'heure, en introduction, que la région des Laurentides, c'est une région où on sent très peu le sentiment d'appartenance de la part des citoyens parce que c'est une région où les gens sont arrivés... les gens arrivent encore aujourd'hui. D'ailleurs, on a une augmentation de 27 % de la population qui est estimée jusqu'en 2020. Donc, les gens ne proviennent pas du milieu et n'ont pas ce sentiment-là d'appartenance. C'est peut-être une façon aussi d'aller chercher leur intérêt, de leur démontrer quelle est l'histoire du développement de leur région à travers la colonisation, à travers les pratiques religieuses, l'érection d'églises, d'ensembles conventuels.
Mme Léger: ...élément que vous avez apporté, c'est la modification à la Loi sur les fabriques. Vous parlez d'élargir davantage, en tout cas... «ou toute organisation portant un intérêt envers le patrimoine religieux de participer aux prises de décision et de collaborer», donc d'élargir... les marguilliers, là, mais d'avoir des gens qui sont des organismes communautaires ou...
M. de Guire (Jean-Claude): ...vers les fabriques et demander: Tel objet, est-ce qu'on peut voir les objets? Ça ne sert plus à cette liturgie-là, bon, c'est désuet. Est-ce qu'on peut les faire entrer dans un musée? Est-ce qu'on peut les sauvegarder dans une réserve? Bien, le processus est que les marguilliers prennent une décision, s'en remettent au clergé. Il y a une coupure qui se fait et on veut simplement participer.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. C'est très intéressant, écouter ce que vous dites, et en même temps j'étais un peu dans une situation un peu contradictoire en essayant de suivre votre exposé et votre raisonnement, parce que d'un côté le sentiment que j'avais, c'est que... ou que j'ai, c'est que la mobilisation des gens des communautés locales autour du phénomène de la disposition du patrimoine religieux, des églises, des presbytères, ces choses-là, que ça, c'était très difficile à faire dans la région, et c'était donc un problème de mobilisation pour pouvoir faire en sorte que les gens s'intéressent à la survie de leur patrimoine.
n(15 h 50)n D'un autre côté, bien, le fait qu'il y a 22 sociétés d'histoire dans l'ensemble de la région fait en sorte que, quand même, ce n'est pas si mal, hein? Mais je pense que la réponse que vous venez de donner à ma contradiction, c'est qu'il y a un vieux fond qui est toujours là et qui est probablement mobilisable. Mais il y a aussi un nombre très considérable de gens qui sont soit de passage ou nouvellement arrivés. C'est ce qui rend la difficulté d'avoir une continuité dans l'action. Alors, dans un contexte comme cela...
Par contre, vous insistez beaucoup, par exemple, que l'État encourage et soutienne l'autonomie régionale. Bon. Alors, la question que je me pose, dans le contexte où on irait vers la suggestion qui a été faite, entre autres, par M. Noppen et quelques autres à l'effet de créer une fiducie qui prendrait la responsabilité des édifices excédentaires ou des édifices patrimoniaux excédentaires, donc non utiles ou non nécessaires pour le culte mais qui pourraient éventuellement avoir une autre vie... Alors, certains ont insisté sur le fait peut-être qu'il vaudrait mieux, si on a une fiducie, qu'on ait des fiducies régionales, et d'autres pensent à une fiducie nationale qui contrôlerait l'ensemble du territoire, quitte à avoir des bras dans les régions. Quelle est l'approche qui vous sourit le plus entre les deux?
Mme Maillé (Carole): C'est une excellente question. Laissez-moi partir dans mes pensées quelques instants. Je ne crois pas me tromper, pour siéger au sein de la CRE des Laurentides, en vous disant que la tendance chez nous serait peut-être à la création de plusieurs fiducies, parce que les problématiques vécues dans les MRC sont différentes les unes des autres. Les MRC elles-mêmes vivent de grandes différences. Toutes les MRC situées dans la couronne nord de Montréal sont largement urbaines et fort peuplées, alors que la MRC Antoine-Labelle ou la MRC, plus à l'ouest, d'Argenteuil, qui comptent énormément de lieux de culte de différentes confessionnalités à préserver, ont des problèmes fort différents, de dépeuplement, de plus grande pauvreté aussi. Les moyens donc utilisés par l'une ou l'autre pourraient être fort différents.
Et j'imagine ? en tout cas, je ne peux pas parler à la place des élus, mais j'imagine ? si on suit la tendance, dans notre région, que la création de plusieurs fiducies serait un meilleur choix pour notre... Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais...
Des voix: ...
Mme Maillé (Carole): Oui. Il me semble que ça s'imposerait chez nous, parce que je pense bien que les grandes villes des régions des Basses-Laurentides n'auraient pas trop de problèmes à trouver des solutions pour la préservation de leur patrimoine, et puis, étant donné la masse de population, il y aurait peu d'églises abandonnées. Par contre, il y en aura beaucoup plus dans les plus petits villages des Hautes-Laurentides et énormément dans la région d'Argenteuil, qui devra soutenir ça. Alors, voilà, c'était ma réponse. Je ne sais pas si elle est satisfaisante, mais c'est ce que je vois.
Une voix: Merci.
Mme Maillé (Carole): Je vous en prie.
M. Dion: Alors, votre contribution est très appréciée.
Mme Maillé (Carole): Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de vous être déplacés jusqu'ici. Et votre contribution est fort importante. Donc, merci. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que la Fondation Clara-Bourgeois puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 15 h 54)
(Reprise à 15 h 58)
Le Président (M. Brodeur): Donc, comme on dit au Parlement, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, bienvenue en commission parlementaire. Merci d'être là. Donc, nous accueillons la Fondation Clara-Bourgeois. Les règles sont très simples: vous avez un temps de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, à la suite de cette présentation-là, de la façon que vous jugez à propos, il y a une période d'échange qui s'ensuit avec les membres de la commission. Naturellement, pour le bénéfice du Journal des débats, parce qu'il y a un Journal des débats puisque nous sommes dans une commission parlementaire, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de prendre la parole immédiatement pour la présentation de votre mémoire. Je vous avertis, j'aurai à sortir quelques instants pour une entrevue, mais je reviendrai dans les minutes qui vont suivre. Donc, la parole est à vous.
Fondation Clara-Bourgeois
Mme Chaloux (Line): Bien. Merci beaucoup. Alors, mon nom est Line Chaloux. Je suis présidente et directrice générale de la Fondation Clara-Bourgeois et puis je suis accompagnée de M. Osée Teddy Shanguvu, qui est administrateur chez nous.
Alors, bien, ce qui nous a beaucoup intéressés dans votre consultation, entre autres, c'est toute la dimension qui est plus large que religieuse, ce qui est important pour nous.
Alors, pour vous faire un bref historique de notre histoire, on est un organisme laïque qui dernièrement a acheté une église qui fermait, dans la paroisse de Sainte-Marcelle, à Saint-Jérôme, dans les Laurentides. Et, suite aux transactions qu'on a pu faire avec le diocèse pour devenir propriétaires, bien on s'est aperçus qu'il y avait plusieurs paroisses au Québec qui vivaient des situations similaires et on a collaboré avec d'autres paroisses pour essayer de développer, là, des alternatives.
n(16 heures)n Alors, pour commencer, notre intervention est basée beaucoup sur le fait qu'on considère que le patrimoine religieux est un capital patrimonial qui appartient à la communauté et qui devrait s'ajuster aux nouveaux besoins des agglomérations et des paroissiens, dans le sens où les problématiques sociales qu'on retrouve présentement dans nos communautés demandent beaucoup d'adaptation, et nous considérons que les églises, qui sont au coeur de toutes nos petites localités au Québec, sont des alternatives intéressantes qu'on devrait prendre en considération dans cet inventaire-là qu'on s'apprête à faire un peu partout au Québec.
Alors, nous, le partenariat qu'on a développé avec les écoles, avec le CLSC, avec les organismes communautaires a démontré à quel point l'emplacement stratégique des églises permet de développer une mobilisation et une participation de la communauté qui font en sorte qu'il y a une solidarité qui naît entre les organisations ? les organisations, je parle d'organisations communautaires ? qui souvent se font séparément ou en parallèle mais pas toujours de façon concertée. Alors, de créer des lieux au coeur des quartiers, ce qui permet, là, justement de solidariser ces interventions-là, bien ça vient développer tout un sentiment d'appartenance à la communauté et ça vient responsabiliser aussi les acteurs qui sont concernés, là, soit par les écoles ou par les intervenants locaux.
Alors, nous, présentement on a, à l'église, plus de 30 organismes qui cohabitent ensemble, et c'est ce contexte-là qui fait qu'on réussit à payer les comptes et à faire vivre cette église-là, et c'est une église qui, comme la plupart des églises du Québec, était prise avec une désertation comme lieu de culte et un manque de rentrées d'argent qui ont fait que la fabrique avait décidé de fermer les lieux.
Alors, nous, on a rencontré l'évêque au moment où la décision était en train de se prendre pour fermer cette église-là et on a fait un accord avec eux pour que l'église nous soit cédée en échange de services. Alors, cette église-là avait une valeur de 400 000 $, et, dans le contrat de vente, on s'est entendus pour voir à ce qu'il n'y ait pas d'argent qui soit échangé sinon une pièce de 1 $ symbolique, mais que ce soit soutenu par un échange et un engagement de la communauté pour maintenir les services qui étaient déjà offerts dans cette église-là. Alors, nous, notre contrat d'achat stipule que pendant 22 ans ? et il nous reste juste 20 ans maintenant, le temps passe, c'est magnifique; que pendant 22 ans ? nous allons être responsables de la vie du quartier, la vie paroissiale, autant pour ce qui touche les scouts, le cercle de fermières, le club d'âge d'or, le comptoir d'aide alimentaire, les périodes de prière, la messe du dimanche, la catéchèse. Alors, nous, notre engagement, c'est qu'on héberge ces organismes-là pour la période prévue au contrat. Et on avait, avec le clergé, fait le calcul, en louant cet espace-là... En louant la nef pour la messe le dimanche, ça coûte tant, l'espace pour un tel, un tel, et, au bout du compte, sur 22 ans, ça faisait 400 000 $. Bingo! Alors, tout le monde est très content de cette entente-là. Et je vous dirais que les plus gagnants dans l'histoire, bien ce sont les paroissiens, les paroissiens qui devaient vivre avec une église qui était vide et qui était devenue un fardeau et qui maintenant cohabitent avec un lieu où il y a une dynamique régionale où près de 1 200 personnes par semaine viennent chercher des services, ce qui a complètement changé l'utilisation de ce bâtiment-là.
Dans les recommandations qu'on amène dans notre mémoire, ce qui est important pour nous, c'est de voir que la façon dont on développe le partenariat dans nos communautés, ce n'est pas toujours évident, et je rejoins ici plusieurs personnes avant nous qui vous font une suggestion similaire, c'est de savoir que le rôle de l'État n'est peut-être pas de prendre en charge les bâtiments mais peut-être de prendre en charge la façon dont on peut laïciser ces espaces-là. Et, nous, on va jusqu'à dire «patrimonialiser» ces espaces-là, c'est-à-dire d'en faire des lieux de patrimoine. Même si ce ne sont pas des patrimoines architecturaux, il demeure que ce sont des patrimoines sociaux, qui font partie du capital social des communautés, et on pense qu'il serait important... Moi, c'est la première fois que j'entendais parler, là, du moratoire, mais je trouve que c'est une possibilité intéressante aussi, mais il faut qu'on fasse un inventaire et qu'on garde en mémoire que ces lieux-là, ce sont les lieux où les villages se sont développés, où les communautés ont grandi, et présentement il faut que ces lieux-là soient protégés, alors on espère qu'il va y avoir une patrimonialisation significative pour ne pas que les lieux soient désertés.
Et ce qu'on aimerait aussi, c'est pouvoir accompagner les municipalités. C'est-à-dire que les églises ont, de façon unilatérale, une exonération de taxes. Alors, les organismes qui se retrouvent à prendre possession de ces lieux-là devraient, eux aussi, être accompagnés d'une structure administrative qui permettrait d'alléger cette prise en charge là. Et je vous donne comme exemple: nous, l'église, on ne voulait pas qu'elle ferme, parce qu'on avait déjà essayé d'acheter une autre église qui avait fermé, et, une fois que l'église est fermée et que l'Hydro est venue couper le câble d'alimentation, qu'on a fermé l'eau, et tout ça, là, c'est beaucoup plus difficile d'ouvrir une église. Donc, nous, on a beaucoup travaillé avec le clergé pour être capables de rentrer avant qu'ils la ferment, l'église.
Et, dans nos démarches, tout le côté administratif est très lourd, et, entre autres, le fait que la communauté qui prend en charge son église est obligée de payer des droits de mutation, ce qui devient un peu comme invraisemblable, vu que ce sont eux qui ont payé l'église. Mais, là, parce que le clergé délègue à la communauté la gestion de l'église, il y a des droits de mutation. Nous, dans notre cas, selon la valeur de notre bâtiment, c'est des droits de 25 000 $, et, pour nous, c'est énorme d'avoir à payer ces droits-là, c'est énorme d'avoir à faire face à la taxation. Alors, moi, je pense qu'il serait intéressant qu'il y ait une réflexion qui soit faite sur la façon dont on peut soutenir les municipalités, parce qu'elles ne peuvent se départir de leur responsabilité de suivre les règles comme telles, là, de taxation.
Ensuite, je pense aussi qu'il est très important, au niveau des lieux de concertation locale, de prendre en compte toute l'intégration de la communauté, et dans notre cas on parle de communautés, là, interculturelles. Ces lieux-là deviennent des espaces où les gens qui arrivent... Et, comme vous avez pu l'entendre avant moi, dans la région des Laurentides, on a énormément de circulation, énormément de gens qui arrivent pour s'installer chez nous, et on a besoin des espaces pour accompagner ces gens-là dans leur intégration. Alors, je vais laisser un peu M. Shanguvu témoigner de l'importance de ces lieux-là.
M. Shanguvu (Osée Teddy): Oui, parlant des nouveaux arrivants... Merci, Line. Bonjour à tout tout le monde. Parlant des nouveaux arrivants, un des éléments qui fait finalement que les gens s'enracinent dans la communauté, et je vais prendre l'exemple assez précis des Laurentides, un des facteurs qui fait qu'on s'enracine là-bas, c'est de trouver un endroit où on peut aller exprimer sa foi, un endroit où on peut aller, en dehors du fait d'exprimer sa foi, parce qu'il y a diversité culturelle et diversité religieuse... il y a aussi les services qui y sont donnés. Donc, c'est facile pour un nouvel arrivant d'accéder à des services qui sont donnés dans un cadre communautaire comme cela, d'une église, plutôt que dans un cadre conventionnel ou plutôt classique des services gouvernementaux.
Il y a un autre aspect aussi que je voudrais ajouter, c'est l'aspect touristique. C'est un élément très, très important, qui a des fortes retombées économiques. J'en prends pour exemple, du 25 au 30 octobre dernier, il y a eu 320 retraités qui sont venus des États-Unis et de l'Ouest canadien pour visiter une première chapelle protestante, à Saint-Jérôme. Cette chapelle-là a été vendue, c'est une autre église, une autre congrégation protestante qui l'a achetée; heureusement, elle a été préservée. Et ces gens-là sont venus pendant une semaine, ils sont restés à l'hôtel, à Sainte-Adèle, avec tout ce que cela a comme retombées économiques sur la région, retombées touristiques sur la région, parce qu'ils ont visité énormément. Et, chaque année, ça va se perpétuer comme ça. 320 personnes en une semaine dans un hôtel, c'est assez énorme pour les finances de notre région. Line.
n(16 h 10)nMme Chaloux (Line): Et, au niveau de l'intégration, là, dans les 30 organismes qui cohabitent avec nous, on a une diversité de clientèles qui fait qu'on a des jeunes... on parle des scouts, on parle des écoles qui sont... On a deux écoles primaires, près de notre église, qui utilisent les salles communautaires, la bibliothèque, c'est un lieu qui leur appartient aussi, et on a aussi d'autres comités et d'autres groupes qui travaillent, entre autres, sur le phénomène de gangs de rue, sur le phénomène d'intégration des communautés culturelles. Et je pense que... et on a comme exemple présentement ce qui se passe à Paris... On a besoin, au Québec, d'avoir des espaces d'intégration très solides et très proches des communautés pour s'assurer que les personnes qui arrivent vont s'intégrer dans nos communautés. On ne doit pas les marginaliser, on ne doit pas les installer en dehors de notre vie quotidienne. On doit au contraire faire des espaces pour que ces gens-là s'intègrent dans notre communauté. Et je peux vous garantir que, chez nous, dans la diversité de clientèles qu'on a, autant les nouveaux arrivants s'intègrent à la communauté, autant le reste de la communauté qui vient chercher des services et qui côtoie les nouveaux arrivants, les immigrants, ils se sensibilisent les uns aux autres et développent une harmonisation du développement de cette société-là dans laquelle on vit, et qui évolue à chaque jour, selon les personnes qui viennent l'enrichir. Mais, pour ça, il faut qu'on ait des espaces pour vivre ça. Et, un peu comme disait M. Shanguvu, on ne doit pas compter seulement que sur l'État pour offrir ces services-là. C'est dans les communautés qu'on doit garder des espaces de vie et qu'il faut avoir ces espaces-là pour offrir à nos jeunes et à nos moins jeunes des espaces de vie.
Nous, on a à Saint-Jérôme, et je pense qu'il y en a un peu partout au Québec, le phénomène de gangs de rue qui prend de plus en plus d'ampleur, et, nous, on a un comité qui travaille pour organiser des activités auprès des jeunes pour ne pas qu'ils se retrouvent dans des lieux qui ne sont pas protégés et qui les mettent dans des situations difficiles. Moi, je pense que nos églises pourraient très bien être reconverties pour offrir ces alternatives-là. Dans les villes où on ne trouve pas d'espaces pour les maisons de jeunes et qu'il y a des sous-sols d'église qui sont inoccupés, ça devient presque un crime contre la communauté de ne pas ouvrir ça à notre communauté.
Je pense que, comme société, on a des responsabilités. On a la responsabilité de gérer un héritage que nous avons reçu et que cet héritage-là puisse s'adapter aux besoins contemporains de nos concitoyens, et, ces besoins-là, on peut facilement en faire la liste: que ce soit au niveau des gens qui, par la désinstitutionnalisation, se retrouvent à la rue et n'ont d'autre espace que les espaces communautaires pour se regrouper, pour ne pas dire pour se réchauffer en plein hiver; on a les jeunes qui se retrouvent, eux aussi, à la rue et qui n'ont pas d'espaces pour se retrouver, des espaces sécuritaires; le vieillissement de la population, c'est la même chose, on a des personnes âgées et des personnes retraitées qui vivent un isolement ? de plus en plus marginalisés ? qui fait qu'ils n'ont pas de lien avec le reste de la société. Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est que les espaces qui se retrouvent dans les nefs abandonnées devraient être convertis pour servir à cette communauté-là et développer toute une solidarité qui est facilement mobilisante.
La Présidente (Mme Vien): Merci, chère madame. Alors, j'aurais tout de suite une première question pour vous: Est-ce que la reconversion d'une église est un passage obligatoire? Est-ce que... D'abord, je trouve votre mémoire tout à fait intéressant. Je pense que l'exemple que nous avons sous les yeux est très probant de ce qui peut être fait effectivement à l'intérieur d'un coeur de village à partir d'une église. Mais est-ce que vous faites vôtre aussi cette possibilité qu'il y ait de l'excédent au niveau du patrimoine religieux ou si, dans votre esprit à vous deux, il doit nécessairement y avoir changement de vocation au niveau d'une église qui devient inutilisée ou...
Mme Chaloux (Line): J'ai assisté dernièrement ? j'ai vu Mme Léger à cette rencontre-là ? au congrès sur quel avenir pour quelles églises, et j'avais posé la question, à savoir: Comment ça se fait que le clergé lui-même ne se responsabilise pas de ce changement-là? Et ce qu'on m'a répondu, c'est que, par la loi de la fabrique, ils n'ont pas le droit de gérer autre chose que des lieux de culte. Alors, moi, je pense que, ne pouvant gérer autre chose que des lieux de culte, il faut qu'il y ait un changement qui soit fait, sinon au sein même de la description d'une fabrique. Parce que ce qu'on a réalisé à travers l'élargissement des activités dans l'église a permis de faire rentrer de l'argent pour pouvoir assumer les coûts de fonctionnement de cette église-là. Alors, notre questionnement était de savoir: Mais pourquoi est-ce que le clergé ne fait pas ça? Pourquoi est-ce que les paroisses ne font pas ça, diversifier leurs activités pour être capables de subvenir à leurs besoins? Et la réponse qu'on a reçue, c'était que le clergé ne peut pas organiser d'autres activités en dehors des activités liées au culte. Alors, c'est dans cet esprit-là qu'on pense qu'il faut qu'il y ait un changement de gestion. Quand une église est vouée à la fermeture, bien il faut qu'il y ait un changement de gestion, si la fabrique ne peut pas elle-même diversifier les services.
Et je ne pourrais pas passer sous silence non plus toute la complicité qu'on a développée avec le milieu de l'éducation. Et, vous savez, dans la réforme, on insiste beaucoup sur le fait que les écoles doivent développer des liens significatifs avec les communautés pour être capables d'amener aux jeunes une identité à leur patelin, à leur quartier. Bien, moi, je vous dirais que, de développer des liens entre les écoles et les églises, c'est un privilège qu'on peut facilement exploiter, la plupart du temps les écoles étant presque sur la même rue que nos églises, c'est des espaces qui peuvent facilement tenir lieu pour rapprocher nos communautés, avoir des activités intergénérationnelles.
La Présidente (Mme Vien): Une petite question technique, Mme Chaloux: Est-ce que le 25 000 $, on vous a demandé de le payer?
Mme Chaloux (Line): Absolument.
La Présidente (Mme Vien): Ah oui!
Mme Chaloux (Line): Et je ne l'ai pas payé et j'ai même annoncé au maire que je ne le paierai jamais. Je trouve que c'est une aberration. Je ne peux pas demander à la communauté que c'est leur église de payer 25 000 $.
La Présidente (Mme Vien): Disons, vous me permettez, ça pose la question de la sensibilisation ou de l'implication du monde municipal ? mon collègue en parlait tantôt ? à l'intérieur d'une démarche, là, de disposition d'un bâtiment qui est dans un village ou une ville, là. Avez-vous l'impression que le monde municipal est un peu loin de cette question-là, devrait s'y rapprocher?
Mme Chaloux (Line): Bien, moi, je pense qu'il devrait être sensibilisé. Un peu comme le Conseil de la culture l'a dit juste avant nous, il faut absolument qu'il y ait de la sensibilisation parce que ce n'est pas... ça ne fait pas partie, premièrement, de leurs priorités, parce que les municipalités n'ont pas à se développer un parc patrimonial, ce n'est pas eux qui devraient acheter les églises non plus. On l'a vu, je pense que c'est à Longueuil, il y a certaines places où c'est la municipalité qui a acheté les églises et qui en fait la gestion à des fins communautaires. C'est une alternative. Mais je pense que, quand c'est la communauté elle-même qui, en élargissant le conseil de fabrique, devient un conseil communautaire, un conseil de quartier, puisse gérer ces espaces-là, bien, à ce moment-là, il y a un partenariat qui doit se développer avec la municipalité. Mais encore là la municipalité, je ne crois pas qu'elle ait la liberté de se doter de règles de fonctionnement qui font qu'elle peut exonérer comme bon lui semble des bâtiments ou des organisations qui gèrent des bâtiments. Je pense que c'est à l'État de développer cette procédure-là pour permettre aux municipalités, après ça, de procéder à l'exonération.
La Présidente (Mme Vien): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Chaloux, bonjour, M. Shanguvu. Moi, je trouvais ça très intéressant, votre approche, parce que je suis en train de passer au travers d'un processus similaire. Depuis un an, il y a un groupe chez moi qui veut prendre en charge une église, à Rouyn-Noranda. Trois églises ont été fermées l'année dernière dans la municipalité: une a été convertie en columbarium, une autre est devenue un édifice social ? ça s'est bien fait ? puis la dernière, qui a une valeur architecturale, ils veulent faire un projet d'agora des arts, c'est-à-dire, tous les organismes qui oeuvrent dans le secteur de la culture, les regrouper, avec le presbytère qui deviendrait le lieu où qu'ils pourraient tous héberger, et l'église deviendrait la salle de spectacle et actuellement de production.
Et plusieurs des points que vous abordez, l'organisme a dû passer au travers. Premièrement, entre autres, le soutien technique, O.K., sur les plans de conformité aux règles de sécurité des bâtiments. Parce que c'est bien beau de se faire donner un édifice comme ça, mais il faut s'assurer que l'édifice effectivement réponde à des normes. Et, à ce moment-là, il a fallu qu'ils fassent des levées de fonds pour aller chercher les sous pour faire ça. Avant de passer à un projet proprement dit, d'interpeller le gouvernement, il y a du travail de base à faire, et les organismes souvent n'ont pas ces sommes-là.
n(16 h 20)n Le clergé ? vous abordez un sujet; le clergé ? chez nous, ils sont prêts à donner tout simplement l'église et les édifices parce que, eux, leur contribution serait de s'en départir pour qu'effectivement ils puissent être utilisés à un nouvel escient. Donc, c'est leur contribution, dire: Regardez, on vous les laisse, mais bâtissez le projet, parce qu'après ça, nous... Ils n'ont plus de ressources. Vous parlez un peu des ressources pour gérer ces édifices-là. La loi ne le permet pas, mais, je vous dirais, à l'âge maintenant des gens dans le clergé, et tout ça, il y a des problématiques, ils n'ont plus les ressources autant physiques et... pour le faire. Alors, ils aiment mieux vraiment se départir des édifices, les laisser à quelqu'un d'autre qui va leur trouver une nouvelle vocation.
Et ceci m'amène à un point. Vous dites... maintenant, vous êtes capables quand même de financer les frais d'opération par chaque organisme, mais les rénovations que l'Église à l'époque, que le clergé, le diocèse devait faire, vous ne les avez pas faites, vous, ces...
Mme Chaloux (Line): On en a fait une grande partie. Le secret un peu des organismes communautaires, c'est le fait qu'on a accès à des budgets auxquels la fabrique n'a pas nécessairement accès. Je parle, entre autres, des programmes de financement avec Emploi-Québec, des programmes de soutien par les CLD au niveau de l'économie sociale ou de faire... Nous, on a fait un montage financier quand on a pris possession de l'église, de façon à pouvoir faire toutes les réparations d'urgence à court terme. Alors, il y a le centre local de développement qui nous a attribué une subvention dans son programme d'économie sociale, parce que c'est de l'économie sociale que de faire gérer un espace communautaire de cet ordre-là; on a la caisse populaire du quartier qui nous a donné le montant équivalent, et, dans la même semaine que l'église fermait dans le quartier, la caisse populaire fermait aussi.
Alors, je peux vous dire que, pour les gens de cette communauté-là, de ce quartier-là, de perdre leur église et la caisse populaire en même temps, ça a été un effondrement. Alors, ça a été très ardu de remonter la confiance sociale des gens du quartier face à cette aberration-là qui faisait que tout leur investissement spirituel se soldait par la fermeture de leur église et que leur investissement financier se soldait par une fusion qui faisait que la caisse, elle partait puis elle s'en allait dans le village voisin. Et ça, ça fait aussi partie des réalités, quand on regarde, même dans le mouvement économique qu'on vit présentement où il y a des entreprises qui déménagent carrément au Mexique ou ailleurs... les gens dans les villages, ils doivent être capables de développer toutes leurs références identitaires sur des structures enracinées dans leur milieu. Et on considère, nous, que ce sont les églises qui ont cette racine-là qui permet aux gens de s'identifier puis d'avoir un lieu d'appartenance où ils peuvent rencontrer leurs concitoyens.
M. Bernard: Il reste un peu de temps, M. le Président? Voulez-vous poser une question, M. le Président?
Le Président (M. Brodeur): Non, non, allez-y.
M. Bernard: En tout cas, je regarde actuellement donc le processus, vous êtes allés au travers, vous n'avez pas eu d'aide vraiment du gouvernement en tant que tel. Alors...
Mme Chaloux (Line): C'est de l'aide gouvernementale, quand on parle des CLD...
M. Bernard: Exact.
Mme Chaloux (Line): ...c'est de l'argent qui vient de l'État; Emploi-Québec, c'est aussi de l'argent qui vient de l'État, mais ce n'est pas de l'argent qui est directement relié au ministère de la Culture.
M. Bernard: C'est ça.
Mme Chaloux (Line): C'est comme de faire affaire avec les ressources locales qui étaient directement liées aux salaires, entre autres, des personnes qui ont rénové les lieux. Et on fait aussi affaire, comme plusieurs églises présentement au Québec, avec des centres de détention qui nous fournissent la main-d'oeuvre pour entretenir et rénover le bâtiment.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. C'est très intéressant, merci beaucoup de nous apporter votre mémoire, parce qu'effectivement c'est une réalisation, dans le fond, d'une église. Mais ce qu'on peut vraiment en faire... Votre conclusion, elle est très... J'aime beaucoup lire les conclusions des mémoires, comme vous voyez, parce que... Elle dit: «Nos populations ont besoin d'enraciner leur quotidien dans la mémoire de ces pierres et doivent pouvoir se projeter dans un avenir où leurs investissements collectifs sont garantis et protégés.» Je fais le parallèle avec votre introduction, où vous dites: «Les CLSC sont débordés, les écoles recherchent des partenaires communautaires pour soutenir la réforme et développer un sentiment d'appartenance à des milieux de vie concrets, structurés et ayant la capacité de prendre la relève à l'État-providence. Les églises se vident, mais elles ne peuvent être abandonnées seulement parce qu'elles ne se qualifient pas à un patrimoine bureaucratique, par l'absence de valeur architecturale. Il ne faut pas laisser des experts décider de l'avenir de ce patrimoine. Il faut viser une fortification des quartiers en fonction des personnes touchées par ce contexte de réorganisation communautaire.»
Ça explique, dans votre introduction et votre conclusion, l'esprit même de votre mémoire, mais l'esprit même aussi de votre démarche, là, autant communautaire que de la prise en charge du milieu dans cette ressource-là qu'est une église.
Vous me faites rappeler, puis ça parle à mon collègue, mon collègue qui apportait un peu les difficultés... vous pouvez rappeler, peut-être rappeler... au ministère... Lorsque j'étais ministre de la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, j'avais mis sur pied ? ça fait quand même juste deux, trois ans, là ? j'avais mis sur pied un programme qui s'appelait le Programme d'achat-rénovation des immeubles communautaires, pour les organismes communautaires, et j'avais réussi, au Conseil du trésor, à aller arracher 10 millions. Vous savez comment est-ce que c'est, ce n'est pas simple. Et c'était une période de deux ans. Alors, on a perdu le pouvoir, et maintenant vous vous retrouvez là, mon cher collègue. Mais c'était un programme qui a eu des demandes immenses. J'en ai eu presque pour 200 millions, de demandes. Alors, c'est sûr qu'en ouvrant ça... Pardon?
Mme Chaloux (Line): On avait fait une demande.
Mme Léger: Vous aviez fait une demande.
Mme Chaloux (Line): Et on n'a pas eu d'argent.
Mme Léger: Ah! Ça a été l'enfer des choix, là, tu sais, des choix... On s'est guidé par, je pourrais dire, l'ensemble de... que le dossier soit de plus en plus prêt, et beaucoup de partenariats puis déjà assez impliqués pour être capables de régler tout de suite les problèmes immédiats.
Mais vous avez fait cette appropriation-là de votre église et vous avez fait une cohabitation. Parce que vous parliez tout à l'heure de culte et du communautaire. Donc, toutes les ressources communautaires qui sont là... Qu'avez-vous fait des objets, des mobiliers, des oeuvres d'art, de la cloche, de l'orgue? Qu'est-ce que vous avez fait dans l'église par rapport à ça? Est-ce que le milieu communautaire s'est retrouvé, se retrouve... Le jubé, il est où? Je veux dire, avez-vous tout défait ça? Avez-vous gardé, conservé des choses? Comment a été l'appropriation? Parce que je veux faire le lien avec les gens, nos experts, à travers tout ça, au niveau de l'architecture, au niveau des oeuvres d'art, au niveau de l'art sacré, au niveau de tout le patrimoine tel quel qu'il faut conserver. Parce qu'on peut faire cette conversion-là, mais en même temps les gens nous interpellent puis ils nous disent: Oup! oui, ça peut aller... Je veux dire, on ne fera pas des condominiums, là. Parce que les gens nous reviennent toujours avec cet exemple-là. Il n'y en a pas eu quand même beaucoup, mais... Bon, ça a peut-être été des écarts, là. Mais, quand le communautaire prend en charge ça, il y a comme pas de règles, non plus. On s'en va un peu dans le vide à travers ça. Donc, les gens nous ont interpellé en commission puis ils nous ont dit: Attention, là, on ne peut pas faire n'importe quoi non plus. Si on veut faire vraiment une... Si on veut faire des recommandations, nous, qui sont aussi en protection, en conservation du patrimoine, il y a des éléments.
Alors, vous, dans votre quotidien puis dans votre pratique, comment ça s'est fait, cette conversion-là, tout en respectant... Je ne sais pas si vous avez respecté tout ça, là.
Mme Chaloux (Line): ...vous dire: Si vous n'aviez pas fini votre tournée, je vous inviterais chez nous. Venez donc faire une petite consultation dans les Laurentides.
Mme Léger: M. le Président, elle nous invite...
Mme Chaloux (Line): Et puis, bien je pourrais vous dire que, quand nous avons pris possession de l'église, le clergé avait déjà vendu les bancs, sorti l'orgue. Puis, nous, on était restés attachés à notre engagement d'avoir des messes le dimanche et de continuer. Alors, on a dû acheter très rapidement le matériel nécessaire pour poursuivre les activités. Donc, ce sont des chaises empilables qui servent pour l'office du dimanche matin, chaises qu'on peut toutes retirer et faire d'autre chose dans la nef.
Et nous avons construit à l'arrière, sous le jubé arrière, deux petites salles dont une qui est devenue une petite chapelle dans laquelle on a mis tous les objets sacrés qui étaient dans le choeur et où on a emprisonné quelques bancs avant qu'ils soient tous vendus. Alors, il y a une petite chapelle à l'arrière dans laquelle se retrouvent tous les objets sacrés et il y a une table à roulettes, le dimanche matin, qu'ils sortent de la petite chapelle, qu'ils amènent en avant pour l'office du dimanche matin. Et les prières, qui en d'autres temps avaient lieu dans la nef, se font dans la petite chapelle, au grand bonheur des paroissiens, parce qu'ils sont tellement peu nombreux qu'ils sont beaucoup mieux dans la petite chapelle que dans une nef où il y avait 12 personnes qui étaient sur deux, trois bancs. Alors, pour eux, ça a été mieux.
n(16 h 30)n Et, dans la nef... Comme, pour nous, la nef, c'était quelque chose qui était sacré, on n'a rien défait. On a eu, au début, un cirque qui s'était joint à nous pour cohabiter et qui voulait installer de façon permanente tout le cirque aérien, et finalement le conseil d'administration a décidé de renoncer à cette cohabitation-là pour garder l'architecture telle quelle de la nef. Et ça a été un choix vraiment judicieux, parce qu'on a des événements régionaux qui se tiennent dans la nef, et c'est toute cette allure de château qui nous permet de donner le ton à nos activités. Et je vous dirais que, dans tout cet esprit d'appartenance, il est important qu'on puisse fêter dans une salle qui ressemble à un château, là. On a une dignité comme région, on a une dignité comme citoyens qui fait qu'on a besoin d'avoir des lieux où on se retrouve, où on peut fêter, et qu'il y ait de l'espace pour fêter. Alors, cette salle-là est demeurée telle quelle.
Mme Léger: Mais c'est vous... c'est Clara... la Fondation Clara-Bourgeois qui êtes la propriétaire?
Mme Chaloux (Line): Oui.
Mme Léger: Alors, c'est vous qui êtes la gestionnaire, dans le fond, là? Propriétaire et gestionnaire.
Mme Chaloux (Line): Oui.
Mme Léger: Quel est le lien qu'il vous reste avec l'église, à part le culte? Est-ce que, au niveau de la paroisse, avec le conseil de fabrique, bon, ça... Depuis que vous êtes propriétaire, il n'y a plus de lien nécessairement avec le conseil de fabrique? Qu'est-ce qui est resté avec l'église?
Mme Chaloux (Line): Bien, là, je peux vous dire que, nous, au moment où on a acheté, c'était à une période de grande controverse dans notre région puis, je pense, un peu partout ailleurs aussi. Il y avait eu la fermeture de l'église Saint-Adolphe-d'Howard, je pense? Et d'autres églises où il y avait eu...Mme Léger: Vos ressources sont en arrière?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Chaloux (Line): Alors, c'était dans un contexte assez particulier où dans la population il y avait eu beaucoup de résistance à la fermeture des églises, et, nous, on arrivait avec une alternative qu'ils n'avaient jamais imaginée. Au début, il y a eu beaucoup, beaucoup de résistance...
Mme Léger: Ça bousculait un peu.
Mme Chaloux (Line): Oui. Mais, au bout du compte, ils ont rapidement vu que c'était très avantageux pour eux. O.K.? Tout continue, là. La messe continue, les activités de la pastorale, et là ils ne paient plus rien et c'est eux qui ramassent la dîme. Alors, il y a comme... Pour eux, là, c'est une très grande libération.
Alors, nous avons le privilège d'avoir, avec l'évêque, une bonne relation de par ce fait. Et, nous, on a un comité interreligieux aussi, parce que, parmi les partenaires, il y a Le Coffret, qui est un organisme d'intégration pour les immigrants, et on a un comité interreligieux au sein de cet organisme-là où siègent des représentants de l'Église catholique. Donc, on a un lien qui continue avec l'Église. Et je vous dirais aussi, dans le support qu'on donne à la communauté, on travaille en partenariat avec l'évêché, là. À chaque fois qu'il y a un événement qui nous dépasse ou dans lequel on ne sait pas comment prendre position, on appelle le curé, on appelle l'évêque, et puis on peut facilement trouver des alternatives. Mais la fabrique comme telle de la paroisse Sainte-Marcelle a été dissoute. Alors, ça n'existe plus, ça. Cette paroisse-là est devenue un peu virtuelle, dans le sens où c'est la cathédrale de Saint-Jérôme qui envoie un curé faire la messe dans la paroisse Sainte-Marcelle. Mais c'est le territoire qui a été fusionné à la cathédrale, et on est comme un point de services, je vous dirais, un peu comme serait la chapelle de l'hôpital ou autre chose, là.
Mme Léger: Il faut être conscient aussi... Bon, c'est une, je pourrais dire, une conversion réussie, mais il reste que... Souvenez-vous, à Rimouski, je pense, où on nous disait que, bon, c'était intéressant de faire ce genre de conversion là, mais que plusieurs n'avaient pas les moyens nécessairement et les ressources communautaires, parce qu'une petite localité... Bon, vous êtes à Saint-Jérôme, évidemment, quand ça... une petite localité avec peu de paroissiens et peu de citoyens, évidemment il n'y a pas toutes les ressources communautaires ou en tout cas toute la possibilité de faire cette conversion-là avec toutes les ressources possibles, puis chacun, avec les programmes gouvernementaux, et tout ça, est capable de payer leur part ou d'apporter leur part. Alors, c'est évident que ce n'est pas facile non plus pour les petites localités de comment se réorganiser, là. Merci.
Mme Chaloux (Line): Il n'y a pas que l'expérience qu'on vit. C'est une expérience parmi tant d'autres. Je ne crois pas que c'est un modèle qui s'applique partout, du tout. On a vu, nous, plusieurs exemples de communautés, là, qui prenaient en charge l'église, et ça se fait de différentes façons. Nous, c'est l'alternative qu'on a choisie à cause d'un contexte qui était très particulier, et, dans d'autres villes, d'autres villages, c'est d'autres contextes qui ont fait aussi des réussites. Moi, je pense qu'il faut être très attentif au contexte dans lequel se développe la ressource, parce que, dépendamment de la possibilité de l'organisme comme tel qui prend en charge, qui fait l'achat, cet organisme-là doit avoir une ouverture à la différence, doit avoir dans sa mission d'harmoniser des relations, parce que ça devient un des facteurs... Je vous dis, gérer 30 groupes qui cohabitent ensemble, ce n'est pas facile, là, on a vécu des choses très difficiles...
Mme Léger: C'est un centre communautaire.
Mme Chaloux (Line): ...donc il faut avoir une disposition à harmoniser les relations avec les jeunes. Alors, c'est des organismes qui doivent avoir une mission assez large qui peuvent gérer ça. Et peut-être que, quand c'est un groupe très particulier qui achète une église, bien ils n'ont pas nécessairement cette mission-là.
Mme Léger: Mais c'est intéressant de voir toute la partie que vous avez apportée au début ? peut-être pour nos collègues aussi ? toute l'intégration des nouveaux arrivants, là. Ça, c'est un... Je pense qu'il y a de l'espace de vie, là, que vous avez apporté comme lieu, le lieu communautaire où les gens peuvent se retrouver. Je pense que ça fait partie aussi des réflexions sociétales, là, de se retrouver, au lieu de chacun pour soi, là, d'avoir des lieux de rassemblement que l'Église avait apportés au fil de notre tradition, une tradition religieuse, mais que là on n'a plus cette essence-là nécessairement, en tout cas de moins en moins, là. Merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe. Et je vois que vous avez un fan-club dans l'assistance, il y a une Mme Ladouceur qui a passé tout près de vous applaudir tantôt. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. C'est extrêmement intéressant d'entendre ce que vous dites, parce que... Bien, tout en étant... J'aime bien votre remarque à la fin, quand vous dites que vous ne prétendez pas représenter une formule applicable partout. Mais vous avez trouvé une façon de répondre au problème suivant, puis, je pense, c'est toujours le problème quand on arrive avec des bâtiments excédentaires: si on veut les conserver, il y a une condition préalable; pour qu'on puisse les conserver, il faut les rendre utiles d'une façon ou de l'autre, sinon on ne pourra pas les conserver. Et, vous, vous les avez rendus utiles, vous avez rendu cette église-là utile et même nécessaire en percevant correctement et en apportant une solution, entre autres, au phénomène de l'intégration des nouveaux arrivants. Et, quand on regarde ce que vous avez fait et qu'on met ça en perspective avec ce qui se passe actuellement en France, à Paris et ailleurs, et qu'on pense aussi qu'à Montréal il y a des problèmes peut-être presque aussi graves que ceux qu'il y a à Paris, quoiqu'en volume un peu moins considérable, on se dit que vous avez, là, trouvé peut-être quelque chose d'extrêmement important, mais qui était impossible et qui est toujours impossible s'il n'y a pas de mobilisation de la base. Ça ne peut pas être... Un gouvernement, je pense, ne serait pas capable de prendre une formule comme celle-là et de l'implanter à Montréal ou n'importe où ailleurs, il faut qu'elle soit inventée par les gens du milieu.
Alors, je veux vous remercier de votre contribution à nos travaux. Vous voyez, moi, ça me... ce que je pourrais faire chez nous, voyez-vous, et je suis heureux d'être ici, à la commission. C'est très utile pour moi, mais c'est utile pour l'ensemble de la démarche que l'on fait pour aller vers vraiment une récupération, une conservation de notre patrimoine, mais pas de façon artificielle, pas de façon parachutée, de façon bien organisée au plan légal et au plan structurel, mais en partant des besoins réels de la société. Je trouve ça extrêmement intéressant, c'est une illustration qui est très encourageante. Merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je remercie les représentants de la Fondation Clara-Bourgeois. Je vais suspendre quelques instants, et je demande au Conseil de fabrique de Saint-Jacques de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Brodeur): Nous allons débuter dans quelques instants. Comme on dit, à l'ordre, s'il vous plaît! même s'il y a beaucoup d'ordre.
Nous recevons, nous accueillons maintenant le Conseil de fabrique de Saint-Jacques. M. Réjean Parent, bienvenue en commission parlementaire. Donc, vous allez terminer notre journée, aujourd'hui, et vous avez un temps de 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et, comme vous avez pu le constater au courant de l'après-midi, c'est suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Sans plus tarder, la parole est à vous.
Conseil de fabrique de Saint-Jacques
M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, comme représentant de la fabrique de Saint-Jacques, je suis heureux naturellement de commenter avec vous ce mémoire. Et je dois souligner qu'avant même d'avoir pris connaissance de l'existence de la Commission de la culture sur le patrimoine religieux, à la fabrique, on avait mandaté un sous-comité pour être capable d'entamer une réflexion quant à savoir qu'est-ce qu'on va... qu'est-ce qu'on voit comme avenir en regard de notre patrimoine religieux bâti. Et ce qu'il y a peut-être eu d'original dans cette réflexion, dans ce sous-comité, c'est qu'on s'est associé, en plus des membres de la fabrique naturellement, un représentant de la municipalité et deux représentants d'un comité sur le patrimoine qui existe dans notre milieu. Donc, ça a pu alimenter notre réflexion et c'est ce qui nous a permis aussi de produire le présent mémoire.
Le présent mémoire, on l'a fait davantage en termes de réflexion qu'à partir d'un événement ou d'un projet. Donc, cette réflexion s'est articulée à partir du document que vous nous aviez fourni. Et on s'inscrit tout à fait en accord avec ce que la commission souhaite comme réflexion en regard de l'avenir de tout le patrimoine bâti culturel du Québec. Et naturellement ce qui nous interroge, c'est de voir, comme pratiquants et comme croyants, cette diminution effarante de la pratique religieuse, si on regarde sur les derniers 50, 60 ans. Et ce qu'il nous reste à faire par contre, c'est d'être capables de trouver des chemins de convergence pour l'avenir afin de préserver cet héritage et d'être capables de le transmettre, l'héritage religieux, oui, mais l'héritage aussi culturel et patrimonial, et c'est dans ce sens que vous nous invitez à réfléchir, M. le Président.
Le patrimoine religieux, d'emblée, nous, on dit que c'est une réalisation des communautés, donc ça doit demeurer à l'intérieur des communautés, tant le patrimoine bâti que le patrimoine intangible que sont la culture et les traditions.
On tend de plus en plus vers une fréquentation religieuse qui touche quasiment le point zéro, mais est-ce que c'est une raison pour se départir de nos bâtiments, des édifices? Est-ce que tout revirement de la situation est impossible? Puis, comme on le souligne dans le texte, «impossible», c'est un qualificatif dont l'histoire s'est joyeusement moqué en plusieurs occasions. Et j'ai le goût de penser aux «quelques arpents de neige» de Voltaire et à «un peuple sans histoire» d'un certain rapport Durham. Donc, on voit par ces deux exemples qu'on a été capable d'aller plus loin que dans l'immédiat, et il faut que la réflexion qu'on engage aujourd'hui à la grandeur du Québec... qu'on soit capable de dégager le plus large consensus collectif possible.
Il faut prendre compte des avis des actuels propriétaires des édifices religieux et des édifices de culte, autant lorsque je pense aux fabriques que lorsque nous pensons aux communautés religieuses.
Et enfin il faut laisser place à un large débat dans le respect de chacun des intervenants pour permettre aux propriétaires de faire des recommandations, de prendre position et de prendre des décisions, surtout lorsque vient le temps de gérer dans des contextes difficiles tant sur le plan matériel que financier.
Nos recommandations. On souhaiterait que nous évitions d'aller vers une nationalisation ? on a mis «nationalisation» un peu entre guillemets parce qu'on n'a pas trouvé d'autre mot plus pertinent; mais vers une nationalisation ? du patrimoine religieux, éviter de faire une espèce de modèle mur à mur qui conviendrait à tout le monde à la grandeur du pays. Éviter également de prendre pour acquis que la non-fréquentation religieuse est un phénomène irréversible.
On doit accorder priorité dans les échanges aux actuels propriétaires. On doit prendre en compte de façon privilégiée le respect et les intentions de ces propriétaires. On doit aller vers la recherche d'un partenariat avec l'une ou l'autre des instances de la société civile, en particulier l'instance qui est la plus proche de la communauté chrétienne, qui est la municipalité. On doit enfin, s'il y a lieu, disposer du patrimoine religieux... que les propriétaires de ce patrimoine religieux aient l'obligation morale de proposer, de trouver, de rechercher des solutions à dimension sociale. Donc, ce ne serait pas une dilapidation du bien patrimonial.
Et enfin, si l'État doit s'impliquer, ce serait à l'intérieur d'une loi-cadre, afin de trouver des façons, par des balises, de savoir comment disposer des biens qui auraient été préalablement identifiés. Donc, on voit la place de l'État uniquement en regard d'un encadrement législatif.
Enfin, nous concluons, en regard de nos recommandations, par un partenariat à développer en regard du moment où il y aura des décisions à prendre, partenariat avec les gens encore une fois de la base. Obligation de rechercher les moyens appropriés afin de pouvoir mettre en évidence cette marque de notre héritage collectif qu'est le patrimoine religieux du Québec. Comme on se plaît souvent à le répéter, ce sont nos châteaux, donc qu'est-ce qu'on en fait comme collectivité? Et enfin il est nécessaire de pouvoir compter sur l'appui des ressources de la société civile pour que ce mandat soit clairement comblé.
En conclusion, sous forme d'interrogations: Que veulent les propriétaires? Ont-ils à maintenir un patrimoine bâti dont ils ont la responsabilité dans ses fonctions actuelles, y incluant le culte? En certains endroits, les propriétaires veulent-ils ou sont-ils dans l'obligation d'en disposer? Et quelles sont les avenues possibles en regard de partenariat entre les différentes composantes de la société québécoise, tant civile que religieuse? C'est dire qu'il faut faire preuve de créativité dans la recherche de solutions novatrices, qu'il ne faut pas avoir peur de sortir des sentiers battus, de regarder ce qui s'offre à nous. Et, dans ce sens, notre réflexion nous amène actuellement à voir déjà qu'il existerait des pistes qu'on pourrait avantageusement exploiter. Je vous remercie.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, M. Parent. Il y a quelques remarques, quelques phrases qui m'ont touché particulièrement. Quand vous dites: Il ne faut pas prendre pour acquis que la baisse de la pratique religieuse va continuer, ça, ça m'a touché, parce que les indications qu'on a... Il n'y a rien qui pourrait me surprendre, après une carrière... mon quatrième mandat en politique, là, il y a toutes sortes de choses qui peuvent changer. Mais, si j'y vais simplement sur les lois de la probabilité, là, bien il semble qu'il faut, nous, gérer, légiférer sur la plus grande loi de la probabilité. D'ailleurs, la Pre Morisset nous disait, à Montréal, quand on parlait de patrimoine excédentaire, elle nous disait, cette chercheure de l'Université du Québec à Montréal, elle nous disait: De toute façon, d'ici 20 ans, ils seront tous excédentaires. Donc ça, c'est la voie extrême, là, de la vôtre.
Vous disiez également qu'il faudrait respecter les intentions des propriétaires actuels d'églises. On a entendu à plusieurs reprises des membres du clergé ou des gens qui les côtoient ? comme, justement ce matin, nous avions l'économe du diocèse ? qui, eux... le message qu'ils nous envoient fait en sorte qu'on peut percevoir qu'ils tiennent absolument à la propriété jusqu'à la dernière minute pour le lieu de culte, et on les comprend bien, sauf qu'inévitablement ils nous disent du même souffle qu'ils n'ont pas les fonds nécessaires pour le maintenir. Donc, ça devient, je crois, une responsabilité collective de maintenir ce patrimoine-là.
n(16 h 50)n Donc, à la suite de ce que vous dites, si vous nous proposez qu'on attende que la ferveur religieuse revienne, je ne suis pas certain, et si on attend également qu'il y ait des fonds suffisants dans l'Église, étant donné qu'il n'y a pas de ferveur religieuse présentement, on peut supposer qu'ils ne pourront pas injecter des fonds. Donc, sans parler de nationalisation, est-ce que vous voyez une façon autre que l'Église pourrait s'impliquer, mais non seulement l'Église, les citoyens et puis aussi les gouvernements en général, pour pouvoir autant que possible ne pas attendre à la dernière minute pour préserver de patrimoine-là mais agir immédiatement? Donc, j'ai de la difficulté à concilier vos affirmations, là, de peut-être nous laisser entendre que: Attention, les intentions de retour au culte seront plus grandes. Et attendre les intentions des propriétaires, c'est aussi peut-être, je pense, hasardeux, là. Je vous pose cette question-là en me faisant, entre guillemets, je l'ai dit souvent, l'avocat du diable.
M. Parent (Réjean): Bien, moi, ce que j'ai le goût de répondre: c'est sûr qu'il semble y avoir dichotomie dans ce langage-là, mais en même temps je crois que nous avons à privilégier, et ça, c'est avec l'aide des experts de votre ministère... Je ne crois pas que c'est 100 % des édifices du culte qui doivent être préservés au Québec, en partant. Exemple, la paroisse où je demeure, c'est un temple magnifique, qu'on compare à une cathédrale, qui a de la place pour 1 500 personnes. Et, la dernière fois que je passais la quête, un dimanche, je comptais, en remontant la grande allée, il y avait à peu près 70, 72 personnes. À partir de là, il y a quelques années, on a fait un estimé de combien coûterait la mise à niveau de l'orgue ? ça, c'est il y a huit, 10 ans ? c'était 90 000 $. Vous avez tout à fait raison qu'on ne peut pas s'en aller sur cette erre d'aller, si je peux m'exprimer ainsi, sans prendre en compte la réalité actuelle.
La réalité actuelle chez nous, notre prochaine prévision budgétaire, c'est 66 000 $ de déficit pour l'année 2006. C'est près de un demi-million de déficit, si on regarde la courbe... on a pris les quatre dernières années puis on a fait une projection jusqu'en 2010, et, jusqu'en 2010, c'est... En 2010, si on conserve la courbe actuelle, montée des dépenses et diminution des revenus, on sera à environ un demi-million de déficit. C'est sûr qu'on ne veut pas aller là. En même temps que je dis ça, on a reçu un avis d'augmentation du compte de gaz naturel, c'est 1 000 $ par mois. C'est 58 000 $, chez nous, chauffer une église et un presbytère, par année.
En même temps, on s'est tourné de bord pour dire: Il faut trouver des façons de faire autrement. C'est ainsi qu'on a loué à un organisme paragouvernemental 60 % de notre presbytère et, 80 %, on l'a gardé pour nos besoins. On est en recherche actuellement, en collaboration avec le Musée des religions de Nicolet, à trouver une vocation complémentaire à l'utilisation des lieux physiques de l'église. Qu'est-ce qu'il va en retourner? Actuellement, on ne le sait pas, on est en réflexion.
Mais tout ça pour revenir à votre question, M. le Président. C'est sûr qu'on doit préserver un espace pour le culte et qu'on doit être novateurs dans la recherche de solutions. Qu'est-ce qu'on va faire de ces immenses temples, d'une part, et, d'autre part, comment est-ce qu'on va être capable de répondre aux besoins de la base, aux besoins de la société tant chez les jeunes ? puis je rejoins beaucoup les personnes précédentes qui ont pris la parole, il faut être capable de regarder qu'est-ce qu'on est capable d'offrir à la société actuelle via ces grands édifices là... Notre sous-sol est occupé à 100 % par un organisme de jeunes, par une cuisine collective, par un comptoir vestimentaire.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Bien, merci, M. le Président. Bonjour, M. Parent. En fait, vous avez ouvert la porte justement aux questions que j'avais, parce que... Bon, vous disiez donc que la municipalité de Saint-Jacques, 3 800 habitants, avec une très grande église... Ce matin, on a eu les gens de Sainte-Anne-de-la-Pérade, qui vivent à peu près une situation similaire, 2 000 personnes, avec un édifice patrimonial. Alors, nous sommes dans la dimension, vous l'avez très bien mentionné, entre un lieu de culte toujours actif et un lieu de culte excédentaire. Et je crois que, dans la politique ? vous nous en parlez ? il faut trouver des moyens pour peut-être aider les lieux de culte actifs dans les petites municipalités, dont des édifices qui ont une valeur patrimoniale, j'en suis convaincu. Alors, vous soulevez la solution... Moi, j'ai moins suivi la commission, mais les gens parlent de... peut-être de fiducie, etc., mais vous avez besoin, je pense, d'une certaine aide quelque part. Et, malgré les déficits, vous dites: Effectivement, la municipalité a besoin d'un lieu de culte actif parce qu'il y a encore une ferveur religieuse qui est présente.
Alors, selon vous, qu'est-ce que... vous avez un constat, qu'est-ce que vous pourriez, dans le cadre de la commission parlementaire actuelle, dire: Regardez, le gouvernement pourrait nous aider de telle ou telle manière... Vous avez fait un constat. Mais qu'est-ce que vous parlez actuellement dans vos recommandations, c'est comme si vous alliez vous départir indirectement de votre lieu de culte, et ce n'est pas le cas, vous voulez le conserver, à proprement dit. Mais quelles seraient les aides concrètes pour des lieux de culte actifs dans un cadre, dans un contexte comme vous avez à Saint-Jacques?
M. Parent (Réjean): La journée où on... quand je dis «on», c'est-à-dire la collectivité et les gouvernants décideront que le lieu de culte de Saint-Jacques mérite, de par sa valeur patrimoniale, d'être conservé, à partir de ce moment-là, en regard de balises et de barèmes clairement identifiés, il va falloir avoir de l'aide. On ne pourra seuls, avec uniquement la capitation et les collectes, être capables de faire vivre un tel édifice. Il va falloir avoir... C'est pour ça qu'on parle de balises. Il va falloir avoir des balises permettant de dire: Il y a un certain nombre de lieux de culte, à la grandeur du Québec, qui sont considérés comme patrimoine religieux, comme lieux de culte encore utilisés et, à partir de là, ces espaces-là sont préservés, protégés et reçoivent un support financier. Exemple: Est-ce qu'il est nécessaire, dans un environnement, dans un diamètre d'à peu près 10, 12 km, est-ce qu'il est nécessaire d'avoir quatre lieux de culte? Ça, il faut être capable de se la poser honnêtement, la question.
Est-ce qu'on va accepter, les fabriques... pour commencer, les fabriques, entre nous, les membres de conseils de fabriques, est-ce qu'on va accepter de s'asseoir ensemble pour regarder qu'est-ce qu'on fait? Déjà, on a... je ne sais pas si vous connaissez la structure, on a ce qu'on appelle des conseils, des unités, c'est-à-dire des regroupements de plusieurs paroisses. Bon. Sur le plan pastoral, ça a été relativement facile de faire ces regroupements-là, mais, sur le plan des fabriques, c'est-à-dire le financement, ça devient drôlement plus complexe parce que: Mon jardin, ma cour... Vous me voyez venir? Je crois qu'il y a là des avenues intéressantes, il faut être capable d'innover.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Parent, d'être venu nous rencontrer. Si je comprends bien, il s'agit bien de la paroisse Saint-Jacques de Montcalm, qui est la paroisse mère de Saint-Roch-de-l'Achigan, c'est ça? À l'origine, je crois.
M. Parent (Réjean): En partie. Si vous voulez un cours d'histoire, je peux vous en donner un, qui était la paroisse mère aussi de M. Landry.
M. Dion: De M. Landry, exactement. Et c'est un endroit extraordinaire par son histoire. Et ce n'est pas surprenant que vous ayez déjà commencé à bâtir une alternative. Vous dites: Il faut trouver une alternative, mais vous avez déjà commencé à la bâtir, hein? Vous avez expliqué que le sous-sol était déjà occupé par un comptoir alimentaire, de quatre ou cinq autres usages qui rendent le lieu utile. Et, étant donné tout ce que vous avez déjà de fait... Il s'agit d'une communauté de 3 800 habitants, il y a un conseil municipal, sans doute, dans la communauté? Y a-t-il des rapprochements entre le conseil municipal, une implication de la municipalité qui pourrait conduire à une utilisation de cette église-là à des fins de centre communautaire, ou je ne sais pas trop, des loisirs, ou quoi que ce soit, mais qui permettrait de conserver le lieu tel qu'il est, c'est-à-dire avec ce qu'il y a.. j'imagine, c'est une assez belle église?
M. Parent (Réjean): Oui. En tout cas, moi, j'oserais prétendre que, sur le plan architectural, c'est une église qui est à préserver dans son intégrité. Donc, il devient difficile de dire: Bon, bien, est-ce qu'on sort tous les bancs de là puis on lui trouve une autre vocation? D'une part. D'autre part, c'est tellement vaste que je ne sais pas qu'est-ce qu'on pourrait faire. Il faudrait creuser... Actuellement, nous, ce qu'on a le goût, ce sur quoi on réfléchit, c'est d'en faire un centre d'interprétation de la vie religieuse du... de la vie cultuelle au Québec au siècle dernier. Donc, on serait capables de conserver la vocation actuelle et, dans le même édifice, dans la nef, être capables d'avoir une deuxième vocation en parallèle. Actuellement, on est au niveau de cette réflexion.
n(17 heures)nM. Dion: C'est vraiment intéressant de vous entendre, et je vous souhaite le meilleur des succès dans la résolution de ce problème extrêmement important, qui est conditionnelle à la préservation de cette église-là. Et ce que vous nous avez raconté, bien, nous encourage à continuer notre réflexion pour trouver des solutions concrètes. Je pense qu'avec l'aide... votre aide et l'aide des autres participants, ça va nous aider à arriver à une solution qui soit respectueuse des gens. Vous avez beaucoup insisté sur éviter le modèle unique, avoir une façon d'encadrer légalement ce qui va se faire mais qui respecte les particularités locales et régionales. Je pense que c'est l'orientation globale de ce que vous nous avez laissé comme message.
M. Parent (Réjean): M. le Président, j'aimerais rajouter, oui, il y a une bonne collaboration avec la municipalité, et actuellement on est à réfléchir. Nous, comme on a loué, on vient d'avoir une valeur locative ajoutée, parce qu'on a une valeur locative ajoutée, on vient de recevoir un compte de taxes d'à peu près 5 000 $, municipales et scolaires. Puis là j'en discute avec le maire. Le maire, il dit: Moi, je ne l'ai pas prévu dans ma prévision, mais je suis obligé de te l'envoyer. Puis là on est à chercher comment faire correctement, légalement, pour parvenir à effacer ce compte de taxes autant au niveau scolaire que municipal. Puis, le compte de taxes est de pratiquement 5 000 $, sur un loyer qui nous en rapporte un peu plus de 20 000 $, ça fait mal.
Le Président (M. Brodeur): Soyez assuré, M. Parent, que ça va faire l'objet de quelques discussions au comité avant la rédaction de notre rapport.
Donc, on vous remercie de votre contribution. Donc, j'ajourne les travaux au jeudi 10 novembre 2005, à 9 h 30, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques sur le patrimoine religieux à la salle du Conseil législatif de l'hôtel du Parlement. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 2)