To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Culture

Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, September 29, 2005 - Vol. 38 N° 55

Consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je vous demanderais de prendre place. Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Et, comme à l'habituel, comme on le fait au Parlement à Québec, au cas où vous avez des téléphones cellulaires et que vous auriez oublié d'éteindre les sonneries, je vous demanderais de bien vouloir éteindre vos sonneries.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques sur le patrimoine religieux du Québec.

Remarques préliminaires (suite)

Le président, M. Bernard Brodeur

Donc, nous sommes fort heureux d'être ici, aujourd'hui. Chers citoyens, chers membres de la commission, distingués invités, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue aux auditions publiques de la Commission de la culture portant sur le patrimoine religieux du Québec.

C'est avec beaucoup d'enthousiasme, je dirais, et aussi de grandes attentes que la Commission de la culture a lancé sa consultation générale sur le patrimoine religieux en juin dernier, dans le cadre d'un mandat d'initiative. Laissez-moi vous dire que nos attentes ont été comblées, puisque c'est plus de 140, 140 organismes de différents milieux, experts, praticiens et individus qui ont répondu jusqu'à présent à la consultation par l'entremise d'un mémoire ou d'un questionnaire en ligne.

Il est rare, pour ne pas dire exceptionnel, qu'une commission parlementaire se déplace à l'extérieur de l'hôtel du Parlement pour tenir ses auditions publiques. Donc, comme je disais, ce matin, à des collègues et à des journalistes, la commission parlementaire, c'est vraiment le Parlement de Québec qui se déplace ici, en Outaouais, à Gatineau, et, comme je disais, je pense que le Parlement de Québec n'a jamais été aussi près physiquement du Parlement d'Ottawa.

Les membres de la commission ont estimé que la conservation et la mise en valeur du patrimoine religieux dans son ensemble constituent des enjeux qui justifient de tels déplacements, car il s'agit non seulement d'une problématique présente sur l'ensemble du territoire québécois, mais aussi qui comporte des particularités souvent fort différentes d'une localité à l'autre. Mais le choix de se déplacer réside en premier lieu dans le fait de vouloir créer une opportunité, une fenêtre ouverte visant à susciter la mobilisation et la concertation des intervenants concernés et de la population en général. Bref, plus les médias locaux et nationaux parleront des enjeux du patrimoine, plus la population sera sensibilisée, se sentira concernée et s'impliquera dans la recherche de solutions durables. C'est en quelque sorte le pari que nous faisons en allant de l'avant avec cette commission itinérante.

Les membres de la commission sont très heureux d'être dans la belle région de l'Outaouais, aujourd'hui, région où les traditions religieuses autres que la tradition catholique sont aussi présentes. Aussi, nous profiterons de notre passage pour nous y intéresser, dont, entre autres choses, par la visite guidée, cet après-midi, de l'église anglicane St. James.

Je vous rappelle, en terminant, que la commission poursuivra sa tournée à Sherbrooke et Saguenay les 13 et 27 octobre prochain. Elle se rendra ensuite à Rimouski puis à Trois-Rivières les 3 et 9 octobre 2005. Les auditions devraient débuter à Québec à partir du 25 octobre 2005 et se poursuivre dans la première semaine de novembre. Elles seront suivies de l'élaboration du rapport final que nous souhaitons dans les meilleurs délais possible.

Vous savez, rares sont les députés qui, dans leurs comtés, n'ont pas été interpellés à un moment ou à un autre sur des questions liées à la sauvegarde de biens meubles ou immeubles à caractère religieux. Ces biens font partie de notre patrimoine collectif. On dit souvent d'ailleurs que nos églises sont nos châteaux. Il est donc important, pour ne pas les perdre, que nous travaillions tous ensemble à la recherche de solutions durables et de nouvelles façons de faire. Aussi, au cours des deux prochains jours, nous nous mettons ? c'est-à-dire les deux prochains jours, plus que ça, les trois, quatre prochains mois ? en mode écoute, et nous échangerons avec vous sur des cas concrets de reconversion et sur des pistes de solution visant à assurer la conservation et la mise en valeur de cet important héritage culturel. Je nous souhaite donc des discussions riches et fécondes.

Et je veux céder immédiatement la parole à notre collègue le député de Mercier et porte-parole en matière de culture pour l'opposition officielle. M. le député.

M. Daniel Turp

M. Turp: M. le Président, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, de ma collègue et députée de Pointe-aux-Trembles, vous dire aussi le plaisir d'être ici, en Outaouais, et de participer à ces travaux de notre commission itinérante de la culture.

Comme je le disais, à Montréal, la semaine dernière, je crois que c'est très, très important que l'Assemblée nationale se déplace vers les citoyennes et les citoyens et que nous puissions donc entendre les gens et les groupes qui se sont montrés ici, en Outaouais, très intéressés par la question du patrimoine religieux, comme on le constate par les mémoires qui nous ont été présentés, l'intérêt, et celui même des médias. Je voyais, ce matin, publié dans les pages du Droit, le mémoire de Michel Prévost, le président de la Société d'histoire de l'Outaouais, que nous entendrons tout à l'heure. Je crois que c'est très important de se déplacer aussi pour sensibiliser l'opinion à la question de la préservation du patrimoine religieux.

D'ailleurs, notre commission s'est donné comme objectif, en voyageant à travers le Québec, de sensibiliser l'opinion publique québécoise à cette question tout à fait déterminante de la préservation du patrimoine religieux. Il y en a qui pensent que ce qui a été fait par le passé est de nature criminelle, on l'entendra tout à l'heure, mais on constate qu'il y a une préoccupation majeure maintenant des Québécois, qu'il y a urgence, il y a péril en la demeure, comme le disait Mgr Turcotte, la semaine dernière, et que notre Parlement, les gouvernements successifs du Québec n'ont pas agi avec la célérité nécessaire pour assurer la préservation de ce patrimoine. Et notre commission est justement appelée à indiquer les voies dans lesquelles et le Parlement et le gouvernement devraient s'engager pour assurer cette préservation d'un patrimoine.

Je pense qu'aussi on a la préoccupation d'entendre et d'écouter toutes celles et tous ceux qui s'intéressent à cette préservation du patrimoine. Il y a, bien entendu, tous ces experts, tous ces historiens, mais il y a aussi les municipalités. Nous allons entendre les gens de la ville de Gatineau. J'ai lu un très, très bon mémoire qui a été préparé par la ville de Gatineau et j'ai hâte d'interroger leurs représentants.

n (9 h 40) n

Et je pense que nous devons avoir une préoccupation particulière avec ce que pensent les communautés religieuses elles-mêmes de la préservation de leur patrimoine et celui de leurs diocèses, de leurs paroisses, de leurs fidèles, qui ont eu la responsabilité pendant tant d'années d'assurer la préservation de ce patrimoine et qui, aujourd'hui, de toute évidence, réclament le soutien de l'État pour assurer cette préservation. Et donc, moi et ma collègue, nous sommes particulièrement intéressés à entendre les communautés religieuses et leurs représentants et de savoir ce qu'ils souhaitent de notre part, qu'est-ce que nous pouvons faire, qu'est-ce que nous pouvons suggérer comme moyens d'assurer la préservation du patrimoine religieux.

Donc, M. le Président, nous sommes ici pour participer de façon constructive et positive aux travaux de la Commission de la culture. Nous avons hâte d'entendre les représentants de ceux et celles qui nous ont préparé des mémoires.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. Pour quelques mots également, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci. Bonjour, à vous tous, bonjour. Alors, évidemment, nous abordons dans le fond une réflexion commune qui nous appartient tous, en fin de compte, sur l'avenir du patrimoine religieux au Québec, mais sur quatre aspects bien précis: le bâti, le mobilier, l'archivistique et tout ce qui est matériel aussi. Alors, nous avons trois questions qu'on pose bien précisément, qui est le quoi, qui est le comment et qui est le qui.

Le quoi, c'est la façon dont doivent être choisis les biens à caractère religieux, qu'on pose comme question. Comment: quels sont les types de projets qui doivent être mis de l'avant, entre autres. Qui: quels sont les rôles et les responsabilités de chacun. Donc, la commission souhaite que ses travaux informent et sensibilisent la population d'une part mais aussi... à la richesse de ce patrimoine tout en suscitant la mobilisation et la concertation des acteurs concernés.

Donc, c'est le mandat que nous nous sommes donné. Et nous sommes très heureux d'être à l'écoute de notre deuxième... je pourrais dire, notre deuxième séance officielle, parce qu'on fait le tour du Québec et on veut entendre les gens de Gatineau, ce qu'ils ont à dire sur le patrimoine religieux.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée. Donc, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Vien (Bellechasse) est remplacée par M. Lafrenière (Gatineau).

Auditions (suite)

Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, aujourd'hui, dans l'ordre suivant ? je vous fais lecture de l'ordre du jour ? nous recevrons dans quelques instants l'honorable Serge Joyal, sénateur, qui sera suivi de la ville de Gatineau, de la Société d'histoire de l'Outaouais. Et, après la suspension pour le dîner, nous recevrons, à 14 heures, le Comité de sauvegarde de l'église Saint-Julien de Lachute, suivi de Mme Johane La Rochelle, Mme Marie-Jeanne Musiol, la Fondation de l'Héritage. Et, après l'ajournement de 16 heures, la commission parlementaire se déplacera à l'église anglicane St. James, pour une visite.

Donc, avant de débuter et céder la parole à notre premier intervenant, pour m'adresser aux gens de la salle, on ne fait pas souvent ça, au parlement, puisque nous sommes au parlement. Donc, vous avez constaté que c'est les mêmes règles qui s'appliquent au parlement de Québec, c'est les mêmes façons de faire, on a appelé les remplacements, et c'est la même méthode d'auditions que nous avons au parlement de Québec.

Donc, nous accueillons notre premier invité, l'honorable Serge Joyal. Et je rappelle les règles de commission parlementaire. On sait que M. Joyal connaît très bien les règles parlementaires d'Ottawa. Il connaît sûrement celles de Québec, mais je lui rappelle quand même. Vous avez à votre disposition un temps maximal de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, de la façon que vous jugerez à propos, qui est suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, immédiatement, la parole est à vous.

L'honorable Serge Joyal, sénateur

M. Joyal (Serge): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, je comparais évidemment devant vous à titre personnel, à titre de citoyen du Québec, et je m'adresserai principalement à un aspect du sujet qui est le vôtre ou de la problématique qui est la vôtre, ce matin, à savoir le patrimoine mobilier.

J'ai lu, la semaine dernière, évidemment les mémoires, j'ai pris connaissance des mémoires qui ont été présentés devant vous et j'ai constaté que la majorité des témoignages que vous avez entendus, la semaine dernière, traitaient des édifices comme tels, c'est-à-dire des lieux du culte. Moi, je m'adresserai, ce matin, principalement à leur contenu, je crois que c'est une dimension extrêmement importante de la problématique à laquelle vous vous adressez, et je le ferai sur la base de mon expérience personnelle. Je référerai donc, pour les prochaines minutes, au mémoire que j'ai déposé à la commission en date du 2 septembre dernier.

Il y a 35 ans, j'ai récupéré dans le dépotoir derrière le vieux cimetière de Saint-Paul de Joliette les croix de fer forgé que le bedeau avait arrachées sur des lots non réclamés, en fait ceux qui dataient du tout début de la paroisse, à la fin du XVIIIe siècle. Les croix étaient évidemment des oeuvres du premier forgeron local.

Il y a 30 ans, j'ai récupéré du hangar à bois de la paroisse de Sainte-Hélène de Kamouraska tout l'intérieur de l'église, sculpté vers 1840, qui en avait été retiré avec l'accord de l'évêque du diocèse de Rimouski pour, je cite les termes du curé à l'époque, «rajeunir», «moderniser» l'église et faciliter son entretien. Tout cet ensemble en bois doré devait être utilisé pour chauffer l'église l'hiver suivant. Je lui ai payé la valeur de 10 cordes de bois. À l'époque, c'était 10 $ la corde.

Il y a 25 ans, j'ai acquis d'un antiquaire de Montréal la statue de la Madone, polychrome, sculptée par Joseph Rollin pour l'ancienne église Notre-Dame de Montréal, transférée dans l'église actuelle en 1829 et retirée en 1876. On avait perdu la trace de son existence jusqu'à ce qu'un antiquaire de la rue Greene, à Montréal, qui déménageait à Dallas, au Texas, en 1979, et qui se proposait de rapporter tout cet ensemble aux États-Unis, me laissait savoir qu'il vidait son entrepôt du Vieux-Montréal et qu'il y avait des pièces qui pouvaient peut-être m'intéresser. J'y ai trouvé aussi le tabernacle de la première église de Saint-François-du-Lac, sculpté par Jean Jacquiès dit Leblond, en 1721-1722, à l'époque où mon ancêtre paternel, Pierre Joyelle ? c'était le nom de la famille à l'époque ? était marguillier de cette paroisse.

Il y a 20 ans, j'ai acquis d'un revendeur, comme on disait à l'époque, d'un piqueur ? je l'ai apporté ce matin pour vous ? le ciboire en argent donné par Louis XIV au père Le Pautre pour les missions acadiennes et qui fut enterré avec le calice et l'ostensoir pour échapper à la destruction de la petite église de la Rivière-aux-Canards et celle de Grand-Pré au moment de la déportation des Acadiens, en 1755. Le calice subsiste toujours. Il est aujourd'hui conservé au Musée de Moncton, et j'ai pu l'admirer, il y a quelques années, dans sa vitrine de présentation.

Il y a 15 ans, suite à une offre privée d'acquérir un tableau qu'il me semblait reconnaître, j'ai alerté la police de Montréal qui, mise sur la piste, a ainsi pu récupérer les tableaux volés à la basilique de Québec huit ans plus tôt. J'ai alors témoigné au procès pour conclure la restitution des oeuvres d'art à la basilique de Québec.

Il y a 10 ans, j'ai acquis d'un particulier le croquis au crayon du portrait de Mgr Ignace Bourget par le fameux portraitiste du XIXe siècle, Antoine Plamondon ? qui a fait d'ailleurs les portraits de plusieurs présidents de l'Assemblée législative à l'époque, comme on appelait l'Assemblée législative ? exécuté d'après nature en 1840.

Il y a cinq ans, j'ai acquis tout un ensemble de pièces d'orfèvrerie religieuse exécutées à Montréal de 1930 à 1960 par un groupe d'orfèvres formés à l'école moderne mais dont les noms et les oeuvres sont aujourd'hui totalement méconnus: Doucet, Duquet, Bérard, Laverdure, et plusieurs autres. J'en ai donné une douzaine au Musée des beaux-arts de Montréal, cette année.

Pourquoi le patrimoine religieux mobilier au Québec est-il en danger? Pourquoi êtes-vous ici, en fait, ce matin? Vous allez me demander ce qui a changé depuis 35 ans, époque où il m'est apparu, entre guillemets, criminel pour un peuple de laisser ainsi aller sa mémoire et son histoire sans presque bouger le petit doigt. Ma réponse toute simple: Pas grand-chose. Certainement pas à la mesure du défi qui n'en est que plus aigu depuis que la démolition des églises s'accélère sans qu'on en soit encore venu à adopter une véritable politique de protection du patrimoine religieux adaptée à l'ampleur des besoins actuels.

Depuis la publication, en 1998, du rapport des consultations publiques intitulé Le patrimoine religieux au Québec, par Jean Simard, les initiatives qui ont pu être prises n'ont pas suffi à enrayer les menaces de disparition et de destruction qui pèsent toujours sur lui et n'en sont que plus pressantes. Parfois, il faut protéger le patrimoine religieux à l'encontre des interventions mal avisées de ceux-là mêmes qui en ont la possession et la garde.

Je continue d'acquérir, au hasard des coups de téléphone, des visites de salles de vente, d'antiquaires et brocanteurs en tous genres, de nombreux lambeaux de notre histoire religieuse sans qu'il y ait beaucoup de temps à perdre pour essayer d'intéresser une paroisse, une communauté, voire un musée à acquérir les objets du patrimoine religieux. Bien sûr, il y a quelques exceptions ici ou là. Mais la bureaucratie, les lents comités d'acquisition généralement pourvus de budgets fort restreints, les interminables consultations, le manque de ressources font qu'en pratique la tendance lourde est encore au laisser-faire, à l'ignorance ou à l'incapacité d'agir. Il y a bien quelques individus ici ou là, les mordus, comme on dit, MM. Luc Noppen, Jean Simard ou Dinu Bumbaru, de la fondation Héritage Montréal, qui arrivent, à force d'acharnement, à protéger ou sauver un édifice, provoquer une restauration ou alerter l'opinion publique. Mais il n'y a pas de volonté politique véritable et concertée.

n (9 h 50) n

Le Québec à mon avis a développé à l'égard de son patrimoine religieux une sorte de pudeur publique: on préfère ne pas en parler ou feindre de ne pas le voir ou de ne pas le savoir. Comme disait Harpagon dans L'avare de Molière, «cachez ce sein que je ne saurais voir» ? avec toutes mes excuses pour mesdames. L'époque du messianisme historique et de l'église triomphante et dominatrice au Québec nous rappelle trop de mauvais souvenirs pour qu'on ose la protéger, la célébrer, s'en faire un fleuron à notre couronne identitaire. Elle est associée à la grande noirceur, à l'époque où un premier ministre du Québec pouvait déclarer narquoisement, je cite, que «les évêques mangent dans ma main»? fin de la citation ? et tous les mauvais souvenirs de remonter à la surface, comme le fond d'un étang qu'il vaut mieux ne pas remuer de peur de brouiller l'eau.

À mon avis, le Québec n'a pas encore exorcisé les vieux démons de son histoire religieuse et il éprouve d'énormes difficultés à assumer cette facette de son passé qui a eu ses grandeurs mais aussi ses échecs, comme si l'évolution d'un peuple était linéaire, toujours faite d'héroïsme et de succès. Nous n'avons pas encore assumé les excès, voire les abus de notre passé religieux. Pensons au temps qu'il a fallu aux orphelins de Duplessis pour obtenir compensation, pensons encore à l'incroyable tentative d'assimilation culturelle des autochtones dans les pensionnats religieux, plaie ouverte qui attend toujours reconnaissance et réparation.

À telle enseigne, on trouve souvent dans ces silences l'explication ou l'excuse pour nos faiblesses collectives, parfois notre pleutrerie. L'histoire de l'Église catholique au Québec nous concerne presque exclusivement. Ses faiblesses sont les nôtres. Nous ne pouvons pas faire appel à l'excuse facile qu'elles nous ont été imposées par les autres ou, comme on l'évoquait souvent autrefois, par les Anglais, pour justifier notre absence des leviers économiques.

Le Québec ne doit pas avoir honte de se regarder dans le miroir de son histoire religieuse, voire de toute son histoire, et ce n'est que lorsqu'il aura consciemment assumé sa responsabilité, sans fausse honte, qu'il célébrera les réalisations exceptionnelles de son art sacré. Il est riche d'un patrimoine unique qui remonte aux premiers jours de la Nouvelle France et s'étend sur quatre siècles, unique en Amérique. Mais voilà 45 ans que la Révolution tranquille est passée. et nous n'avons pas encore réussi à intégrer cet aspect de notre identité culturelle.

Je n'ai pas la prétention de vous suggérer, aujourd'hui, pourquoi nous semblons refuser d'affronter carrément cet aspect de notre indifférence ou de nos oublis collectifs, mais les signes intérieurs ou publics sont toujours bien présents. Ainsi, par exemple, depuis plus de 20 ans, il ne se publie presque plus d'ouvrages, au Québec, un tant soit peu sérieux sur un aspect ou l'autre du patrimoine religieux. Ça n'intéresse pas le public, vous diront les éditeurs ou les organismes subventionnaires. L'an dernier, j'ai tenté d'intéresser le Conseil des arts à la recherche de M. François Brault, coauteur du splendide ouvrage Les arts sacrés au Québec, publié en 1989, avec Jean Simard, aux Éditions de Mortagne, pour un ouvrage à paraître sur l'art funéraire au Québec, un aspect du patrimoine religieux qui, par ignorance sinon mépris, est en train d'être détruit, vandalisé, dilapidé, voire pillé. La réponse n'a pas été longue: Mais quel public s'intéressera à votre livre? On avait l'impression d'être des dilettantes d'une autre planète en mal de sujet de publication. Au Québec, on n'a pas encore appris à valoriser le lieu patrimonial et historique que constituent les cimetières. Pourtant, d'autres grandes villes ailleurs au monde offrent des exemples dont on pourrait s'inspirer.

Après la redécouverte des trésors de notre patrimoine, dans les années soixante-dix, à la faveur d'un regain de popularité pour les meubles en pin décapés, les chaises en babiche et les lampes à l'huile, l'intérêt est retombé, aujourd'hui, au point mort. Il suffit de parler aux antiquaires qui avaient l'habitude de vendre ce type d'objets pour réaliser que le grand nombre en est revenu de sa période courtepointe et qu'en fait les seules pièces qui font des prix d'exception et sont encore convoitées sont celles d'exceptionnelle qualité ou rareté. Comme ils vous diront, le reste ne se vend pas ou à si peu. Souvenez-vous de cette scène du film de Denis Arcand, Les invasions barbares: le curé fait visiter les réserves de son sous-sol à une antiquaire qui lui apprend, tout surpris, que ce qui reste n'a pas de valeur, je cite, «le bon stock étant déjà parti depuis belle lurette». Fin de la citation.

À voir la tête du vendeur, le jour où je discutais l'achat d'une chromolithographie de saint Jean-Baptiste, notre saint patron dit national, j'avais nettement l'impression qu'il se disait en lui-même: Pauvre M. Joyal, il en est rendu à acheter des calendriers. Vous êtes-vous demandé pourquoi la Société Saint-Jean-Baptiste n'a jamais publié un seul ouvrage, de mémoire d'homme ou de femme, monté une seule exposition sur l'iconographie et le symbolisme de saint Jean-Baptiste au Québec? On a largué saint Jean-Baptiste de la fête nationale, soit comme mauvais souvenir, soit au mieux pour être inclusif. Pourtant, Jeanne d'Arc est toujours restée la patronne de la France, même le jour où elle est montée sur l'autel, en 1920, sous la IIIe République, une république tout à fait laïque. Chaque année, le deuxième dimanche de mai, jour anniversaire, les autorités politiques parisiennes viennent fleurir son monument. Mais ça, c'est une autre histoire.

Acquérir de l'art religieux, au Québec, vous fait passer au mieux pour un original, au pire pour un détraqué, comme l'écrivait Louis Fréchette au XIXe siècle. Les musées d'ailleurs, qui sont d'une certaine façon tributaires des chercheurs et des travaux des universitaires, affichent le même silence convenu. Vérifiez la programmation, les catalogues publiés depuis 10 ans et vous constaterez que l'intérêt et le coeur n'y sont plus. Les deux derniers ouvrages d'importance à avoir été publiés l'ont été par le Musée des beaux-arts du Canada, eh oui, le premier par René Villeneuve, intitulé Du baroque au néoclassicisme, publié en 1997, et le dernier, du même auteur, intitulé L'orfèvrerie québécoise, publié en 1998. Il faut remonter à la visite du pape Jean-Paul II à Québec, en 1984, il y a plus de 20 ans, pour consulter les deux tomes du catalogue de l'exposition Le grand héritage ? L'Église catholique et les arts au Québec, publié à l'époque par le Musée du Québec ? permettez-moi de vous souligner qu'il n'était pas national, à ce moment-là. Mais c'est un ouvrage de grande érudition et qualité.

En avril dernier, Mme Monique Landry, de Québec, vint me rencontrer pour obtenir mon appui à son projet de publication d'un ouvrage exceptionnel auquel elle avait consacré son temps et ses économies, intitulé L'art sacré en Amérique française, qu'elle cherchait à faire publier après s'être vu fermer les portes de toutes les maisons d'édition. Je lui ai alors conseillé Les Presses de l'Université Laval, en m'engageant à faire acquérir un nombre raisonnable d'exemplaires pour financer la publication. Je puis vous dire, aujourd'hui, heureusement, après plusieurs démarches, que son ouvrage sera publié aux Éditions Septentrion, de Sillery, M. Denis Vaugeois, ancien ministre des Affaires culturelles, me l'apprenait récemment. Si son projet avait été un livre de recettes style tante Berthe, il serait déjà sur les rayons des librairies.

Évidemment, quand les facultés et les grandes écoles n'enseignent pas l'histoire des arts décoratifs, ne forment par le goût des générations successives d'étudiants et ignorent même un aspect important de notre passé, on ne peut pas espérer que le public, un jour, se mette à valoriser les oeuvres de son patrimoine religieux. C'est le conservateur associé des meubles canadiens du Royal Ontario Museum, M. Ross Fox, qui est à rédiger l'histoire de l'orfèvrerie au Canada, dont la plus longue tradition a vécu à Montréal et à Québec depuis le XVIIe siècle jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle. C'est vrai, il ne faut pas oublier que la Collection Birks d'orfèvrerie de Montréal est à Ottawa.

Comme on disait autrefois à l'école, tout se tient dans une société. L'ignorance d'une époque, l'oubli d'une partie essentielle de notre histoire se reflètent dans nos choix ou notre absence d'intérêt pour ce que nous sommes, ce que nous avons été, en assumant pleinement autant les gloires que les excès de notre passé. Souvenez-vous, quand on détruit une église, un couvent ou une école, édifices ancestraux, on fait disparaître les signes tangibles d'un enracinement historique, on prive les générations futures de la capacité de se reconnaître, on efface notre propre mémoire.

Vous êtes donc, aujourd'hui, face à ce choix, à cet exercice, dont les ramifications pour ce que nous sommes, comme Québécois, sont tout à la fois fort complexes et multiples. J'endosse votre initiative, je la trouve personnellement extrêmement salutaire, risquée et ouverte à des détours imprévisibles. J'en veux pour l'illustrer un seul exemple. Depuis quatre ans, le Musée des beaux-arts de Montréal cherche à acquérir l'église Erskine & American, située juste à côté de son ancien pavillon, église vacante, afin d'y loger sa collection d'art sacré et d'utiliser ces lieux pour mettre en valeur les arts décoratifs du patrimoine religieux du Québec. Prix d'achat: 4,5 millions. Vous me direz: Ce n'est pas la mer à boire quand on sait que les compétitions de natation de la FINA, à Montréal, l'été dernier, ont fait 4 millions de déficit et que personne n'a poussé les hauts cris, du moins pas à Québec, que je sache.

n (10 heures) n

Eh bien, malgré le fait que le projet du Musée des beaux-arts de Montréal tombe sous le sens et répond à un besoin criant pour servir de point d'appui afin de recueillir les oeuvres d'art des églises désaffectées ou qui le seront éventuellement ou des couvents devenus vacants par suite de l'extinction ou du manque de ressources, comme c'est le cas des Soeurs grises, de la Charité, de la Providence, de la Miséricorde, du Bon-Pasteur, des Servites de Marie, et j'en passe, il n'y a pas d'argent à Québec, pas d'argent à Montréal et, à Ottawa, on tire toujours l'oreille en se demandant si c'est vraiment là une priorité pour développer le tourisme à Montréal. Vous croyez que je rêve? Parlez-en au président du Musée des beaux-arts de Montréal, M. Bernard Lamarre.

Pourtant, au Musée des beaux-arts du Canada, en même temps on n'hésite pas à dépenser: le mois dernier, 4,5 millions pour acquérir un tableau, une madone et enfant, par le peintre de la Renaissance Salviati. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi ce qui est d'une époque lointaine et révolue et d'une autre origine que canadienne est tellement désirable, alors que ce que nous avons produit nous laisse si indifférents? Suis-je vraiment chauvin?

À défaut de confirmer à court terme l'achat de l'ancienne église presbytérienne près du Musée des beaux-arts, il y aura, à la place de cette église désaffectée, une tour à condos de plus sur la rue Sherbrooke, et le patrimoine religieux s'en ira là où le reste est déjà parti. En d'autres mots, sans un support institutionnel ? et j'insiste, honorables députés, sur cette partie-là de mon mémoire ? sans un support institutionnel, autant dans les facultés d'histoire de l'art ou de muséologie que dans les écoles supérieures, autant dans les musées que dans les maisons d'édition, que les entreprises qui conçoivent les documentaires, les objets d'art sacré continueront de disparaître, puisque, par définition, comme dit le Code civil, à l'article 905, ce sont des biens meubles qui, par essence, et je cite, «peuvent se transporter», contrairement aux édifices, et ne sont pas attachés aux immeubles qui, eux, ont au moins l'avantage de l'ancrage dans un lieu donné.

Bien que les objets du culte soient insaisissables au sens du Code de procédure civile, à son article 553, il n'en demeure pas moins que plusieurs d'entre eux sont présentement soumis à la dispersion et éventuellement à la disparition. L'ancien article 2217 du Code civil, qui reconnaissait que les objets du culte étaient hors commerce et imprescriptibles, n'a pas été reproduit dans le nouveau code de 1994. Il faut rappeler que c'est cet article qui était à la base du jugement de la Cour supérieure du Québec, en 1980, dans l'affaire de la fabrique de L'Ange-Gardien. Le nouvel article 2876 a une portée limitée. Le fondement juridique de la protection civile des objets d'art sacré est à réévaluer, ce qui doit nous interpeller sur les mesures d'urgence à prendre dans le contexte actuel.

L'art sacré est une forme d'expression culturelle au Québec qui est partie intégrante de notre identité et de notre rapport à la civilisation. Il exprime une vision du monde et de l'humanité qui témoigne d'une manière originale de notre enracinement et de notre développement. Il a façonné, entre autres, les principes et les valeurs qui structurent toujours notre philosophie politique et nos institutions publiques. Il reflète aussi le raffinement d'un peuple, de notre peuple, le talent de ses nombreux artistes, le goût du jour. Le choix fait par nos ancêtres de privilégier cette forme d'art malgré leurs faibles moyens financiers commande, à mon humble avis, un certain respect. Effacer ou détruire ce qui nous a longtemps distingués équivaut à porter en même temps un jugement sur notre passé.

La préservation de l'art sacré est une responsabilité collective. À ce titre, il doit être reconnu par l'État de manière formelle. Il fait partie de ce qu'est, au Québec ? permettez-moi une citation latine ? la res publica, la chose publique, comme l'écrivait Platon. Il est du domaine public, bien qu'il origine du privé. Il ne doit pas y avoir de gêne pour l'État à investir des fonds publics dans le financement, la mise sur pied d'institutions et l'acquisition d'oeuvres du patrimoine religieux, fut-il principalement d'origine catholique, au Québec, bien que plusieurs autres confessions religieuses offrent aussi un patrimoine à conserver et à mettre en valeur. La France subventionne à plein régime, j'allais dire à plein tube, l'entretien et la restauration des oeuvres d'art que l'on retrouve dans des églises toujours utilisées aux fins du culte religieux. Il suffit de faire le tour des églises du centre de Paris pour s'en convaincre. Saint-Gervais, Saint-Eustache, Saint-Merri, Saint-Germain, Saint Séverin sont des exemples à portée de la main. Le principe de la séparation de l'Église et de l'État ne signifie pas que l'État doive se désintéresser ou ignorer sa responsabilité à l'égard de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine religieux, bien qu'encore en usage aux fins du culte. Je vois passer le temps, il me reste deux petits paragraphes.

Le privé conserve certes une responsabilité réelle, mais l'importance de l'histoire religieuse au Québec et le besoin essentiel de préserver l'art sacré pour la définition de ce que nous sommes enjoignent à l'État d'adopter une politique formelle exprimée dans une loi organique. L'importance de cette forme d'expression culturelle au Québec et les risques de destruction auxquels elle est soumise justifient que l'État intervienne pour sa protection. Pour ce que le Québec représente, la culture est, d'une certaine manière, stratégique et sa conservation est au premier chef du domaine public.

J'ose espérer que, sous votre initiative et suite à vos importants travaux, il y aura des décisions qui seront prises, clairvoyantes, qui nous réconcilieront avec notre passé somme toute pas si lointain. Comme Québécois qui, depuis 30 ans, tente de sauver ce qu'il peut, il n'y a pas de souhait plus opportun. Souvenons-nous ensemble. Quand la mémoire d'un peuple fait défaut, il perd ses repères et navigue à vue. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, c'est fort intéressant. D'ailleurs, si je vous ai laissé passer le temps de deux minutes, c'est pour l'intérêt qu'on portait à votre mémoire. Ce que je peux vous dire pour débuter, c'est que l'objectif de la commission justement est de susciter le débat, de susciter l'intérêt du public et de faire en sorte que l'on puisse avoir des recommandations qui apportent des mesures concrètes, là, de la part des dirigeants, là, des gouvernements.

On a parlé beaucoup plus de patrimoine immobilier que mobilier, même si on en a parlé quelque peu, mais c'est fort intéressant. On sait que vous êtes en quelque sorte un des personnages très connus pour la conservation de ce patrimoine mobilier religieux. On a posé quelques questions, la semaine dernière, et, moi, je pense que, pour arriver à des solutions concrètes, il faut voir ce qui se passe présentement avec le patrimoine mobilier du Québec, le patrimoine religieux. Certains nous disent qu'il y a dilapidation du patrimoine, qu'il part vers les États-Unis. Je posais la question, la semaine dernière, à Mgr Turcotte qui, d'une façon très élégante, nous a répondu que l'Église avait une politique de conservation du patrimoine mobilier, sans élaborer plus que ça.

À votre connaissance à vous, et vous qui possédez déjà du patrimoine mobilier religieux, qui avez acheté, entre autres, chez les antiquaires, ou ailleurs, ou de revendeurs, vous en avez acheté quelques pièces, quelle est la situation actuelle du patrimoine religieux mobilier? On sait qu'il y a quelques désaffectations d'églises, on sait qu'il y en aura encore plus dans les prochaines années. Quelle est, dans un premier temps, la situation actuelle? Et, dans un deuxième temps, pour corriger une situation qui est peut-être difficile, quelles solutions pouvez-vous préconiser pour conserver ce patrimoine-là? Certains nous ont parlé d'inventaire complet de chacune des bâtisses, ce qui n'est pas chose simple, mais qui est peut-être réalisable. Vous, en tant que personne vraiment intéressée à cette conservation-là, qui le faites depuis des années, avez-vous, dans un deuxième temps, des solutions à nous proposer?

M. Joyal (Serge): Merci de votre question. D'abord, quelle est la situation du patrimoine mobilier au Québec, et particulièrement depuis que les églises et les couvents... Parce qu'on se concentre sur les églises, mais en fait les couvents sont à mon avis encore plus à risque que les églises. Et je vais vous donner un exemple récent.

Il y a cinq ans, la communauté des Soeurs grises de Montréal m'a contacté pour me demander de siéger bénévolement sur un comité aviseur qui avait comme objectif de conseiller les religieuses sur la relocalisation du musée de leur communauté, qui est installé ? vous identifierez certainement facilement l'édifice ? qui est installé dans l'ancien couvent des Soeurs grises, sur le boulevard René-Lévesque, à Montréal, au coin de la rue Guy, édifice qui vient d'être vendu à l'Université Concordia.

Vous vous souviendrez qu'il y a 25 ans ? j'étais directeur d'Héritage Montréal, à cette époque-là ? les Soeurs grises avaient décidé de vendre cet édifice à une société suisse du nom de ValorInvest, qui aurait démoli toutes les ailes du couvent, gardé que l'entrée principale du couvent, qui est située sous la chapelle, et qui aurait fait un développement immobilier de quatre grandes tours sur les quatre angles du terrain, et nous avons réussi à l'époque à empêcher cette démolition. Aujourd'hui, le couvent a été vendu à l'Université Concordia, et je crois que c'est une décision qui va protéger l'intégrité d'un site conventuel patrimonial, un des cinq plus importants sites conventuels à Montréal et au Québec avec celui du collège de Nicolet, etc., celui des Sulpiciens, sur la montagne ou à peu près.

n (10 h 10) n

Donc, les religieuses me contactent, elles me demandent de participer à ce comité. J'accepte. Pendant deux ans, nous élaborons des plans de relocalisation de ce musée sous les combles de leur sous-sol, dans l'ancien édifice de leur première communauté, sur la rue Saint-Pierre, dans le Vieux-Montréal, une salle voûtée, en pierres, donc typique de la technique de construction XVIIe siècle. Il fallait excaver de 4 pi le sous-sol pour pouvoir dégager des espaces en hauteur, etc.

À un moment donné, on a été informés qu'on nous remercie de nos services au comité, que le projet est abandonné. Il y a deux ans, la même communauté me contacte pour me dire qu'ils ont décidé de démembrer leur musée et qu'ils décident de déposer dans certains musées certaines pièces ? d'ailleurs, j'ai lu dans le mémoire de M. Jacques Des Rochers, que vous avez entendu la semaine dernière, qu'il a dit qu'il avait reçu un tableau d'Ozias Leduc, une déposition d'Ozias Leduc, il y a eu des dépôts au Musée du Québec, etc., dans différents musées ? et que les objets qui n'étaient pas religieux sont à vendre.

Or, il est absolument à mon avis impossible de dissocier l'histoire des Soeurs grises de leur mission sociale. Et, à côté du patrimoine d'art sacré, il y a le patrimoine évidemment qui fait partie de l'histoire de la communauté, on me demandait de faire des évaluations pour la vente de ce patrimoine. À l'heure où je vous parle, il n'y a plus de musée des Soeurs grises et tout a été dispersé. Il n'y a donc plus de lieu de mémoire de l'histoire de la communauté rattachée aux édifices où la communauté vit encore et peut éventuellement s'éteindre.

J'utilise cet exemple-là qui est très frais parce qu'il implique une communauté qui est très responsable, qui est intégrée indissociablement à l'histoire du Québec. C'est une communauté de femmes, une des premières communautés de femmes, avec la congrégation de Notre-Dame, a avoir été fondée par des Québécoises. Ce n'est pas une importation française au Québec, comme Mgr Bourget a fait au XIXe siècle, faire venir 20 communautés de l'extérieur du Québec. C'est une communauté qui a été créée littéralement au Québec pour des fins sociales. Et, quand je disais tantôt que ces principes de charité et d'humanité ont imprégné notre culture au Québec, c'est ce à quoi, entre autres, je fais référence, donc une communauté extrêmement importante pour comprendre le sens de... le type de société que nous sommes. Eh bien, aujourd'hui, évidemment, cette communauté-là, d'une certaine façon, a sacrifié une partie de sa mémoire.

La raison invoquée, c'est que la communauté des Soeurs grises n'a pas le mandat pastoral d'opérer un musée. Cette situation-là en fait me rappelait exactement ce que j'avais vécu à Ottawa, il y a 20 ans, avec le couvent de la rue Rideau, qui, aujourd'hui, se retrouve complètement... la chapelle du couvent de la rue Rideau qui se trouve complètement réinstallée à l'intérieur de l'actuel édifice du Musée des beaux-arts du Canada. Je vous invite à visiter cette chapelle parce que c'est un des chefs-d'oeuvre de l'art gothique ornemental, la voûte est en panier, etc., c'est exceptionnel.

Eh bien, quand les Soeurs grises avaient quitté le couvent de la rue Rideau il y a 25 ans, elles avaient tout simplement décidé de démolir la chapelle. Et, quand un groupe de citoyens s'est opposé, la réponse a été qu'elles n'avaient pas d'argent pour assurer la réinstallation quelque part ailleurs. Et M. Trudeau, à l'époque, qui était premier ministre, m'avait demandé de voir comment on pouvait financer la réintégration de l'intérieur de la chapelle dans le futur Musée des beaux-arts du Canada.

C'est donc dire qu'en l'espace de 25 ans à toutes fins pratiques, il n'y a pas eu de modifications, autant des mentalités que de la législation, qui auraient pu protéger ces biens s'il n'y avait pas eu quelques citoyens intéressés, ce que j'appelle les mordus, les originaux et ceux qui croient qu'on ne peut pas rester passif devant ce que j'appelle un acte de vandalisme. Parce que pas plus que vous n'accepteriez que quelqu'un se mette à lancer des roches dans une vitrine ou dans un commerce, vous diriez: Mais vous êtes en train de détruire la propriété, pas plus à mon avis on peut rester passif devant des décisions qui sont prises de bonne foi, pour des motifs qu'on peut comprendre mais qui en pratique, comme résultats, appauvrissent collectivement ce que j'appelle être le patrimoine commun.

Parce que je ne vois pas le patrimoine religieux comme étant un patrimoine privé, un patrimoine pour lequel collectivement nous devons, nous, se désintéresser. Cela fait partie de notre identité et de notre histoire. Pas plus que les pays européens... Et je regardais récemment comment la France, par exemple, gère sa politique du patrimoine. Et je vous suggérerais peut-être, j'aurai peut-être une suggestion agréable à vous faire, ce matin, d'y aller comme commission parlementaire, c'est toujours agréable.

Le Président (M. Brodeur): On retient ça au Journal des débats.

M. Joyal (Serge): Oui. Il y a, en France, 130 000 objets classés, dont 80 % sont du patrimoine religieux. Je lis ceci du site du ministère des Affaires culturelles. Je vous invite d'ailleurs à... je vous le laisserai peut-être pour votre propre information. Il y a 27 000 édifices inscrits à l'inventaire, dont plus de 36 % sont des édifices religieux ou funéraires. Toutes les églises depuis Napoléon et la Révolution appartiennent à l'État, et l'État les reconcède aux communautés religieuses. Si vous allez à Saint-Gervais, à Paris, c'est une communauté de moniales qui occupe l'édifice, mais, lorsqu'il faut faire des travaux de restauration et d'entretien, il est évident que cette communauté religieuse là n'a pas les fonds. De la même façon, si vous allez à l'église de Saint-Eustache, dans le quartier des Halles, l'église, qui est continuellement en restauration par la ville de Paris, sert encore à des fins du culte, il y a encore des messes à tous les jours, à midi, etc. C'est un quartier que je connais personnellement très bien, puisque j'ai eu l'occasion d'y habiter, enfin de façon, je ne dirais pas itinérante, mais ponctuelle, en fonction de mes séjours à Paris.

Les règlements religieux. Il faut que vous vous demandiez quels sont les règlements que les communautés s'appliquent à elles-mêmes et quels sont les règlements que l'Église catholique s'applique à elle-même. Et j'ai, pour vous, relevé le Règlement épiscopal sur les biens meubles historiques ou artistiques ? je vous en laisserai une copie ? et il y a, en dernier paragraphe, Politique de disposition des biens ecclésiastiques. Je suis certain que les monseigneurs qui ont comparu devant vous ne vous ont pas déposé ces documents.

Alors, qu'est-ce qu'on dit au sujet des biens meubles? Je cite: «Le diocèse en dispose par simple don ou vente: a) pour les fabriques du diocèse, d'abord pour la fabrique hôte d'une paroisse supprimée; b) pour les fabriques des autres diocèses du Québec; c) pour les missions lointaines, à l'effet de subvenir aux besoins des missionnaires, principalement ceux originaires du Québec.» Donc, ça signifierait que des objets peuvent quitter pour les missions sans que personne puisse dire quoi que ce soit. Et finalement le paragraphe qui nous concerne: «Dans la perspective d'une vente ou autre affectation profane du bâtiment, les objets ? entre parenthèses, biens précieux ou objets d'une valeur notable; artistique, historique ou matérielle ? en auront été soustraits.» Et la phrase clé: «On en disposera après évaluation par des spécialistes en la matière.» On en disposera comment? J'avais l'intention de vous citer une maxime anglaise: God knows.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on pourrait considérer le dépôt du document?

M. Joyal (Serge): Oui, bien sûr.

Document déposé

Le Président (M. Brodeur): Parfait.

M. Joyal (Serge): Parce que j'ai lu les mémoires... Et je ne suis pas ici pour attaquer l'Église catholique, ou protestante, ou quoi que ce soit, ce n'est pas l'objet de cette commission. Dans mon esprit, on est passé à une autre étape dans l'histoire du Québec. On essaie précisément d'appréhender ce patrimoine et de le faire nôtre indépendamment, comme je vous le souligne, de nos expériences personnelles ou de certains traumatismes qu'on a pu vivre. Et il suffit de voir le film Aurore récent, qui est encore à l'affiche, allez voir ce film et posez-vous la question d'un jeune qui va voir ça, aujourd'hui: Qu'est-ce qu'il va penser de l'Église? Non pas que personnellement je suis ici pour célébrer l'Église catholique dans ses pompes et ses oeuvres, je vous dis simplement: Quelle responsabilité avons-nous collectivement pour garantir la pérennité de ce patrimoine qui nous représente, qui exprime ce que nous avons été et qui a défini ce que nous sommes, pour une très grande part?

Alors, ces règlements sont extrêmement importants parce que... Encore faut-il qu'ils soient appliqués. Or, l'une des grandes faiblesses, de mon expérience personnelle, c'est l'ignorance très souvent des membres du clergé eux-mêmes parce que, dans la formation des prêtres et des religieuses, on ne leur a jamais inculqué le sens de la protection du patrimoine d'art sacré. On passait beaucoup d'années, en théologie, en particulier, comme vous savez, sur certains aspects de la théologie. Le péché relié à la chair, ça, ça constituait, comme vous savez, dans notre histoire une étape importante de la formation des prêtres, mais on ne passait pas deux heures sur la sensibilisation aux oeuvres d'art et la responsabilité de l'Église à l'égard des oeuvres d'art.

n (10 h 20) n

Et je ne le dis pas de moi-même, ce témoignage est celui que le père Corbeil, avec lequel j'ai fondé le Musée d'art de Joliette, me répétait constamment. Et, comme il me disait souvent, des curés crétins, il y en a, comme il y a des curés qui sont extrêmement sensibilisés, comme l'abbé Turmel, que vous avez entendu la semaine dernière, est un personnage remarquable. Mais l'abbé Turmel a pris sa retraite. Alors, qui le remplace? Une politique ne peut pas être fonction d'un seul individu. Une politique doit être institutionnalisée. C'est ça que nous voulons réaliser. Nous ne voulons pas dépendre de l'héroïsme et des passions individuelles de certains citoyens québécois pour protéger le patrimoine québécois.

J'ai essayé de vous démontrer, aujourd'hui, que j'ai essayé de faire ça toute ma vie. Et j'espère que j'en suis arrivé au point, avec vous, où je pourrai dire: Oui, il y a quelqu'un quelque part qui a cette responsabilité-là, et qu'elle est administrée de façon professionnelle et compétente, et qu'il y a des institutions permanentes, autant au niveau des musées qu'au niveau des universités, qu'au niveau des organismes publics, pour assurer la pérennité de ce patrimoine-là. C'est le résultat de mon expérience personnelle. Et je suis très heureux que vous mettiez la question sur la place publique parce que, sans une réflexion publique, il est impossible à mon avis d'arriver à des conclusions positives.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une seconde question, M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Joyal, d'avoir pris le temps de rédiger ce mémoire et de venir devant la commission en faire la lecture et ajouter vos commentaires.

Vous portez un jugement sévère sur l'état du patrimoine religieux mais surtout sur ce que les gouvernements et les Parlements n'ont pas fait pour en assurer la préservation, et je crois que vous avez tout à fait raison de porter ce jugement sévère. Dire que tout cela est criminel, que c'est du vandalisme, comme vous l'avez dit, ajoute à la sévérité de votre propos, ça attire l'attention bien sûr, mais je crois que c'est nécessaire de se faire dire des choses comme ça. Mais ce n'est pas seulement nous qui devons encaisser ces coups, là. Et, moi, j'espère bien que la ministre de la Culture, là... Et Josée Boileau, vous avez lu comme moi, cette semaine, se préoccupe beaucoup du sort que réservera la ministre de la Culture et des Communications du Québec à nos recommandations. Il ne suffit pas que le Parlement en discute, puis en disserte, puis fasse un rapport, il va bien falloir que le gouvernement passe à l'action.

Et, s'agissant de l'action, je trouve que, dans votre mémoire, dans vos propos, il y a bien peu de solutions, il y a bien peu de choses concrètes qui nous sont proposées. Et j'aimerais peut-être vous entendre sur des choses plus concrètes. Vous suggérez, dans votre mémoire, que nous devrions adopter une loi, une politique formelle, une loi organique. Bon. Mais, après avoir dit ça, là, qu'est-ce qu'elle doit comprendre, cette politique? Cette loi organique doit-elle être une loi sur le patrimoine en général ou le patrimoine religieux? Est-ce qu'il y a une telle urgence que l'on devrait se préoccuper maintenant, à la lumière du fait qu'il est de toute évidence très, très difficile d'adopter une politique du patrimoine plus générale et des lois qui pourraient être nécessaires pour en assurer la mise en oeuvre, est-ce qu'il y a une telle urgence dans le domaine du patrimoine religieux, qu'il soit mobilier, ou immobilier, ou archivistique, qu'on devrait, nous, comme commission, proposer au gouvernement d'initier une loi, une politique ou une loi sur le patrimoine religieux?

Sur le financement, j'aimerais vous entendre. Comment financera-t-on cette préservation de notre patrimoine? Sur les institutions, est-ce que vous envisageriez que nous nous dotions d'un modèle à la française ou à la britannique? Et là je crois comprendre que notre président, qui a parlé à un journaliste du Courrier parlementaire, lui, semble déjà privilégier le modèle britannique, là. C'est ce que vous semblez avoir dit à un journaliste, hier, là. Mais il faudrait peut-être attendre la fin de nos travaux avant de privilégier un modèle plutôt que l'autre. Et donc, sur ce modèle, qu'est-ce que vous nous suggéreriez? Ou est-ce qu'il y en a un autre?

Et puis, très, très concrètement, parce que je crois que ça devrait intéresser notre commission, sur le Code civil, qu'est-ce que vous nous proposez? Parce que vous dites que l'article actuel 2876 est insatisfaisant. Est-ce que vous nous proposez quelque chose de très concret pour assurer que notre Code civil permette aussi la protection et la préservation de notre patrimoine mobilier?

M. Joyal (Serge): J'essaierai de répondre brièvement à vos questions. Je n'ai pas voulu détailler les propositions qui sont soulevées dans mon mémoire pour une raison très simple, c'est que je n'ai pas voulu définir les conclusions de votre commission. J'ai voulu, dans un premier temps, vous alerter sur un aspect du patrimoine religieux qui m'apparaissait essentiel parce que, comme je voyais le débat se faire, on se concentrait sur les édifices. Et, Dieu merci, les édifices doivent être protégés. J'ai moi-même, comme vous l'avez vu, participé à la protection d'édifices religieux à plusieurs reprises dans le passé.

Je crois qu'il doit y avoir une loi organique, une loi formelle, parce que, sans volonté politique affirmée, on dépendra encore de la bienveillance d'un ministre ou d'une ministre ou encore des convictions plus ou moins affirmées d'une division du ministère et des budgets plus ou moins affirmés, je dirais, de la négociation qui se fait entre les postes budgétaires, etc., dans un ministère ? vous le connaissez comme moi ? et à la fin c'est l'aspect de l'activité publique ou de la responsabilité publique qui se trouvera finalement remis en cause.

Je crois qu'avec une loi il y a un cadre permanent. Ce que je veux, c'est un cadre permanent et que ce cadre permanent affirme les objectifs et la nature de ce dont il s'agit. Et, quand on parle de patrimoine religieux, évidemment on englobe toutes les confessions au Québec, aussi bien les sites religieux autochtones. Parce que je n'ai pas parlé de cette partie-là du tout dans mon mémoire, j'y ai fait à peine allusion, au niveau de l'acculturation des peuples autochtones qu'on a voulu évangéliser depuis, comme vous le savez, le début du XVIIe siècle. Ça a laissé des traces. Et on a une responsabilité collective à l'égard de cette réalité qu'il ne m'appartient pas, ce matin, d'ouvrir avec vous mais qui me préoccupe personnellement, comme Québécois, énormément.

Alors, sans une loi qui définisse les principes, la nature et les objectifs de la politique qui doit devenir une politique intégrante de ce qu'est la politique culturelle au Québec, à mon avis on ne dépassera pas beaucoup le niveau des bonnes intentions et le niveau de ce qui existe actuellement. La preuve en est, il y a une fondation du patrimoine religieux qui a été mise sur pied, mais, aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons budgétaires, on remet en cause l'utilité de la refinancer. Et je crois que la décision de réfléchir sur l'utilité de ce mécanisme-là remet en lumière l'importance d'avoir une solution permanente. D'autre part, il est évident que, si on a une loi, il y aura des personnes qui auront des comptes à rendre. Et, sur une base annuelle, le ministre des Affaires culturelles, qui qu'il ou qu'elle soit, devra, dans son rapport annuel, démontrer quelles sont les initiatives, comment l'État a assumé sa responsabilité. Sans un suivi du pouvoir public, de vous tous et toutes comme députés, il n'y aura pas de gestes à long terme, stables, pérennes qui permettront de régler la situation actuelle indéfinie dans laquelle nous nous retrouvons et qui ne fait qu'empirer.

En pratique, comme je l'ai mentionné tantôt, depuis la publication de ce document de résultats de consultation, en 1998 ? je ne sais pas s'il a été déposé devant vous, M. le Président, peut-être devriez-vous prendre connaissance de ce rapport ? depuis la publication de ce rapport, il n'y a pas eu de changement de politique qui a infléchi la tendance qu'on constatait il y a déjà de cela sept ans. Alors, je crois qu'il est extrêmement important que l'on définisse une responsabilité de gestion du patrimoine qui ne laisse pas, comme je l'ai cité tantôt dans le règlement que j'ai remis, le Règlement épiscopal de Québec de 1981, je crois... Je crois que le règlement date d'ailleurs de... Oui, exactement, il date de 1981, il a 24 ans d'âge, ce règlement. Il n'y aura pas vraiment de solution permanente.

n (10 h 30) n

Et je crois en plus que l'article actuel du Code civil, l'article 2876, qui dit ceci, je le cite: «Ce qui est hors commerce, incessible ou non susceptible d'appropriation, par nature ou par affectation, est imprescriptible» et le nouvel article, évidemment le nouvel article qui a remplacé l'article 2217... 2217 n'existe plus dans le Code civil actuel. Et l'article 2217 disait au moins: «Les choses sacrées, tant que la destination n'en a pas été changée autrement que par l'empiétement souffert, ne peuvent s'acquérir par prescription.» Il y avait une protection un petit peu mieux définie dans l'ancien article 2217. Mais encore l'article 2217 à mon avis ne suffit pas à protéger l'ensemble des biens du patrimoine religieux. On ne fait référence qu'à ce qui est sacré. Alors, à partir du moment où un évêque a décidé qu'une église est vendue, elle n'est plus sacrée. La preuve, c'est qu'on rentre dedans avec des béliers mécaniques, des scies mécaniques, et puis qu'on dépèce tout ça, et puis qu'on met tout ça sur le trottoir. À partir du moment où une église n'est plus sacrée, cette protection-là n'existe plus, elle est finie.

Donc, ce que je vous dis, c'est que, dans mon mémoire, moi aussi, j'ai... Je ne suis pas civiliste, je suis publiciste, M. Turp, avec toute l'admiration que j'ai pour votre connaissance. Mais ça m'est apparu que ce n'était pas suffisant pour régler la situation juridique des biens du patrimoine religieux au Québec. Et je pense qu'il y a une réflexion sérieuse à faire sur les aspects juridiques de la protection des biens mobiliers, et cela devrait se faire à l'intérieur de la loi organique, puisqu'à mon avis la politique, telle qu'on peut la concevoir...

Comme je le disais tantôt, tout se tient. Il faut avoir une vision globale de cette question-là, et il faut l'avoir sur la base de principes bien définis pour que tout le monde connaisse les règles du jeu, autant les Églises que le gouvernement, et que, comme je vous souligne, cette politique-là fasse l'objet d'une évaluation annuelle au niveau des crédits, comme vous le faites pour tous les crédits du ministère. J'imagine que votre commission, à chaque année, lorsqu'elle reçoit les crédits du ministère, décide quels sont les crédits sur lesquels vous voudrez entendre des témoins et sur lesquels vous voudrez faire des recommandations. C'est évidemment la fonction parlementaire par essence, l'approbation des crédits. Alors, je crois que c'est à mon avis l'approche la plus certaine de mettre en place un cadre de solution permanent.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Alors, sénateur Joyal, je n'ai pas lu votre mémoire avec les yeux de mon collègue de Mercier manifestement parce que j'allais d'emblée vous féliciter pour la qualité exceptionnelle de votre présentation et pour la qualité particulière du texte, tant sur le fond que sur la forme. Je pense que vous apportez une contribution remarquable à nos travaux.

Et j'inviterais mon collègue de Mercier, puisque vous nous mettez en garde à exorciser les vieux démons de notre histoire religieuse pour se rapprocher de notre intérêt à protéger les objets de culte, je l'inviterais, lui, à maîtriser ses craintes appréhendées de ce que seront les gestes posés par la ministre suite à nos travaux ou de ce que seraient les préjugés des membres de cette commission. En réalité, je pense que nous avons tout avantage à travailler en étroite collaboration avec ceux qui nous apportent de l'aide, et une aide aussi précieuse que la vôtre, je pense, doit être saluée.

C'est ce que je voulais indiquer en préambule. D'autant que, contrairement à mon collègue de Mercier, je constate que vous avez eu une approche qui au départ est historique mais qui nous amène à certaines pistes de solution que je n'ai pas retrouvées dans les mémoires précédents, là, qui ont été entendus, particulièrement parce que vous vous attachez au patrimoine mobilier.

J'ai deux questions et je vous les poserai en rafale, en fait deux sujets sur lesquels je veux vous interpeller. Et je vous les pose immédiatement pour que vous ayez tout le temps pour y réagir. Le premier élément, c'est la protection législative que vous souhaitez voir apporter. Alors, vous parlez effectivement, en raison du principe de la res publica, de l'intérêt et presque de l'obligation juridique qu'aurait l'État d'agir au niveau de la protection juridique, protection juridique qui, selon l'analyse que vous faites, s'est érodée au cours des ans, tant par les modifications qui ont été apportées au Code de procédure civile que par celles qui ont été apportées au Code civil du Québec. En réponse, vous avez précisé votre pensée sur cet élément-là, mais vous suggérez également une loi organique.

Alors, ma question, sur le plan juridique, est la suivante: Est-ce que vous êtes d'avis que la protection du Code civil, si elle était renforcée pour se rendre à votre souhait, notamment en modifiant l'article 2876 pour le rendre encore plus précis que l'article 2217 et donc pour protéger ces objets-là même lorsqu'ils n'ont plus le caractère sacré... Parce que ce qui est vrai d'un bâtiment est également vrai d'un objet mobilier. Et les objets mobiliers, lorsqu'ils ne sont plus utilisés à des fins de culte ou même lorsqu'ils ornent des églises, ne sont pas nécessairement des objets sacrés. Je pense aux toiles que l'on peut retrouver ou aux dorures que l'on peut retrouver dans une église, qui ne sont pas consacrées comme étant des objets sacrés... doit être protégé.

Si cette protection-là était donnée, on a une situation où on pourrait se retrouver... Et je sais que le professeur Noppen a une opinion, enfin, je vous dirais, que, comme juriste, moi, je ne partage pas, sur la propriété des bâtiments. Je ne sais pas quelle est sa position sur la propriété des objets. Est-ce qu'on ne pourrait pas voir là une expropriation des biens dans un intérêt de protection? Et, si oui, comment peut-on réconcilier la protection et l'expropriation qu'on en ferait de ceux à qui ils appartiennent, d'une part? Et, d'autre part, est-ce que, dans cette loi organique là, on ne devrait pas justement avoir des dispositions déclaratoires plutôt que de tenter de s'approprier les biens, comme semble le suggérer le professeur Noppen? Deuxième point...

Une voix: ...

M. Moreau: Il n'y a plus de micro. Alors, deuxième point de questionnement: sur la question de l'obligation de l'État au niveau financier et de ce cumul de l'obligation avec l'intérêt privé. Je préside un groupe de travail qui tente, dans le domaine de la culture, d'intéresser le mécénat privé au domaine culturel québécois sans pour autant réduire le financement de l'État dans le domaine de la culture. Et on nous a présenté des documents qui font état que le mécénat, au Québec, se dirige de façon très marquée vers les donations à des institutions religieuses. En d'autres termes, lorsqu'on regarde là où va l'argent du mécénat privé, c'est massivement vers des donations à des fins religieuses. À votre avis, est-ce que l'État devrait intervenir pour que ce mécénat qui se dirige vers les oeuvres religieuses puisse être, en tout ou en partie, utilisé pour supporter la protection des biens des communautés religieuses et des oeuvres d'art au niveau mobilier ou même immobilier?

Le Président (M. Brodeur): Avant que vous puissiez répondre à la question, M. le sénateur, une question de gérance du temps, je constate déjà que le parti ministériel, en temps, est rendu à 22 minutes, donc j'ai besoin d'un consentement pour la réponse, un. J'ai un consentement? Et, deuxièmement, je vous demanderais de répondre le plus brièvement possible...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Et je vous demanderais de répondre le plus brièvement possible. Merci.

M. Joyal (Serge): Je vais le faire très rapidement parce que, moi aussi, je vois, là, filer... et je dois me substituer à vos rôles dans quelques minutes. D'abord, je voulais rappeler une chose. Il est absolument important qu'il y ait un inventaire. Sans inventaire, on ne peut pas savoir ce qu'on a.

Je vous réfère à un article que j'ai publié dans la revue Vie des arts, en 1978 ? donc, ce n'était pas hier, certains d'entre vous n'étaient pas nés probablement, en 1978 ? où je disais ceci, à la page 22: «Ces excursions répétées aux quatre coins du diocèse ont vite permis de se rendre compte que, si les immeubles disparaissent assez facilement dans le mouvement de ce qu'on appelle le progrès, les objets mobiliers, les petits objets, s'envolent encore plus vite à cause de la facilité avec laquelle on peut les transporter, les modifier, les faire disparaître sans qu'à peu près personne n'en soit informé ou ne s'en aperçoive. Très rapidement est apparue l'urgence de dresser un inventaire raisonné et complet de toutes les oeuvres d'art en possession des 55 fabriques du diocèse de Joliette.» C'était en 1978, j'écrivais cet article dans la revue Vie des arts. Je tiens à le souligner, les inventaires, c'est incontournable, alors je ne pense pas qu'on doive se prolonger là-dessus.

n (10 h 40) n

Le modèle britannique ou français. Je m'adresse à votre deuxième question, je reviendrai à la première. Je ne crois pas au modèle britannique, au Québec, sur cette question-là, très clairement. Je crois qu'à mon avis au Québec, pour la tradition que nous avons, tenter d'intéresser les mécènes ? et je m'exclus de ce groupe-là ? tenter d'intéresser des fondations pour des éléments du patrimoine religieux, dans le contexte actuel, je crois que ce sera très difficile. J'ai analysé, pour d'autres fins d'évaluation de politiques culturelles que vous avez peut-être lues dans les journaux il y a un mois, où allaient les fonds des mécènes au Québec. En grande partie, c'est dirigé sur des causes sociales, comme vous le disiez tantôt, des causes qui sont au soutien de la condition physique des personnes: la recherche, la santé. La santé, si je peux utiliser un anglicisme, c'est un «winner» auprès de toutes les fondations. Il y a une grande conscience des questions sociales et de santé au Québec, et spontanément les gens sont d'accord pour aller donner.

Lorsqu'on dit à une fondation ? neutre, en principe: On vous demande de l'argent pour restaurer une église, alors là c'est une autre question. Nous ne sommes pas arrivés au niveau, au Québec, où le patrimoine religieux est neutre. Le patrimoine religieux, au Québec, est encore associé à des convictions personnelles et il n'est pas perçu, dans l'ensemble de la communauté, comme étant un objet dissocié des convictions de ceux qui pratiquent ces différentes religions là. Quand il a été question de restaurer Christ Church, cathédrale anglicane de Montréal, il y a quelques années, ils ont eu énormément de difficultés parce que les gens disaient: Si c'est pour les bonnes oeuvres, la popote roulante, le vestiaire, les oeuvres de soutien social, ça va, mais, s'il s'agit de restaurer les pierres et les tableaux, etc., l'orgue, et le reste, alors là c'est beaucoup plus difficile.

Je pense que notre tradition, au Québec, à cet égard-là, fait que, dans le domaine du patrimoine religieux, je crois que la solution passe vers une certaine forme, je dirais, d'inspiration du modèle français. Est-ce qu'il y a une obligation de l'État de financer? Ma réponse toute simple, c'est: Oui, il n'y a aucun doute là-dessus, c'est incontournable. Il est incontournable que l'on s'appuie sur l'État. Et je crois qu'une des façons importantes de le faire, ce sont sur ces fonds d'appariement, c'est-à-dire que l'État met un certain montant d'argent et le public doit se joindre. Et c'est plus facile quand on a la couverture de... l'appui financier de l'État pour aller ensuite dans le secteur privé.

Et, croyez-moi, je participe à toutes sortes de campagnes de financement, j'en patronne, comme vous dans vos circonscriptions, tant et plus. Lundi soir, je patronne la vente bénéfice au soutien de la Fondation de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Et c'est beaucoup plus facile pour moi de faire une vente bénéfice pour soutenir la Fondation de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont pour acheter un scanner électronique que ce ne le serait pour présider une levée de fonds pour la restauration de... (panne de son) ...qu'il doit y avoir le principe du financement de l'État.

Sur la question de la propriété, vous soulevez un aspect... (panne de son) ...de relier cette question-là à la nature juridique de ce qu'est le classement d'un objet. Vous savez que, dans la politique des biens culturels, on peut classer des biens mobiliers. Qu'est-ce que c'est, un classement? Je vais vous parler en avocat, c'est une servitude, c'est une diminution de l'usus, du fructus et de l'ab usus, comme on m'a enseigné à la Faculté de droit. Je parle encore latin, vous allez me prendre pour un curé, mais je ne suis jamais entré au séminaire, soit dit en passant. L'usus, c'est l'usage; le fructus, c'est le faire fructifier; et l'ab usus, bien c'est d'en disposer, à la limite de le détruire. D'accord?

Donc, lorsqu'on classe un objet mobilier, qu'est-ce qu'on fait? On limite l'usus, le fructus et l'ab usus. D'accord? Si ceci est classé, n'est-ce pas, je ne peux plus l'utiliser pour n'importe quoi, c'est-à-dire d'une manière à ce que sa nature soit changée. Je ne peux plus décider que, pour l'embellir, je vais faire souder des petits diamants autour, mon épouse ayant un collier de diamants qu'elle veut bien me donner pour embellir cet objet. Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas en abuser, c'est-à-dire, je ne peux pas le soumettre à des dangers de perte ou de disparition. Et de même je ne peux pas décider que je vais le transporter ailleurs et qu'il sera perdu, c'est-à-dire, je ne peux pas le faire disparaître. D'accord? Donc, quand il est classé, mon droit de propriété est limité. Alors, c'est une servitude qui est attachée à ces objets. Et, en vertu de la Loi des biens culturels, ce pouvoir-là existe.

Alors, a contrario, s'il existe des prohibitions en principe sur les objets sacrés et qu'on l'étend à des objets qui ne sont plus sacrés mais qui doivent être protégés, à mon avis, le principe est clair, c'est-à-dire qu'on peut poser des limites à une propriété privée pour des fins de protection publique et... Oui?

Le Président (M. Brodeur): M. le sénateur, si vous me permettez, je vais être obligé de vous arrêter, sinon la commission ne pourra pas prendre de repas ce midi. Je vais laisser la place à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour une question, et une courte réponse.

M. Joyal (Serge): ...de réponse à M. Moreau, je crois, et vous aurez l'occasion probablement, avec d'autres témoignages, de pousser sur cet aspect essentiel de la protection des biens mobiliers.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, merci, M. le Président. Merci de votre mémoire, évidemment. Bon. On sent... vous lancez un cri, là, un cri d'urgence, de désarroi même. Je vois une certaine tristesse aussi à travers tout ça. Je pense qu'on souscrit à l'urgence d'agir évidemment.

Mais je vois aussi un autre aspect que j'aime moins, peut-être ? mais on pourra peut-être en discuter ? parce que vous avez essayé d'aborder un peu l'approche sociologique de ça, de cette indifférence-là, là, à travers le patrimoine religieux, pour les Québécois, il y a un sentiment de culpabilité que vous y mettez. Parce que, quand je vois votre déclaration: Affront criminel, là, d'un peuple de laisser aller sa mémoire et son histoire, je ne me sens pas interpellée personnellement, mais je sens qu'on est tous interpellés à travers tout ça. Il y a un côté culpabilité qui a fait aussi que... côté qu'on a... peut-être la tradition religieuse, on a aussi été... on a peut-être déserté les bancs publics ou la pratique religieuse, par ce sentiment-là, quand on regarde toute notre histoire, là. Ça fait que j'aime moins ce côté-là. Mais je comprends l'urgence, O.K., derrière votre propos. Quels sont les critères que vous voyez, ou les valeurs, là, peut-être, là, de prioriser la sélection, dans le fond, des biens?

M. Joyal (Serge): Je crois que d'abord il ne faut pas faire de distinction au niveau des époques. Dans l'histoire de l'art, au Québec, il y a eu les époques de M. Gérard Morisset, qui a été le premier à tenter de faire un inventaire, dans les années trente, quarante, avec M. Jules Bazin. J'imagine que... je ne sais pas si la Commission des biens culturels comparaît devant vous, mais ils pourraient certainement vous faire un historique de la conception des époques.

Il ne faut pas faire de ségrégation au niveau des époques. Ce qui a été fait il y a 50 ans, dans le domaine de l'art religieux, est aussi important que ce qui a été fait il y a 300 ans. Donc, ce n'est pas une question d'époque. Il y a trois ans, le Musée des beaux-arts de Montréal, à mon initiative, a organisé une exposition d'orfèvrerie moderne, au Québec, d'un orfèvre qui était complètement oublié, qui est le plus grand orfèvre canadien du XXe siècle, et pourtant on en avait complètement perdu la trace. Alors, ce n'est pas une question d'être des choses très lointaines. Il ne faut pas voir le patrimoine religieux en termes de: il faut privilégier certaines époques au détriment de d'autres, des églises modernes, on en a beaucoup, alors on peut les laisser démolir, on va plutôt protéger les anciennes. L'urgence est linéaire, elle couvre tout.

D'autre part, il y a aussi évidemment, dans la définition des critères de conservation, ce que j'appelle la connaissance de la production des artistes. C'est-à-dire qu'il est extrêmement important de savoir qui a fait quoi. Parce que c'est bien beau de dire: Il faut protéger ceci, mais ceci, c'est quoi? Donc, il y a une identification à faire de l'origine, de l'usage et évidemment de l'importance de l'objet par rapport à plusieurs autres.

Je vais vous donner un exemple. Prenons le cas du peintre Marc-Aurèle Fortin. Il a fait plus de 5 000 toiles, et il a vécu une très longue période, il est décédé à 82 ans. Toutes les oeuvres de Fortin ne sont pas des oeuvres qui mériteraient d'être nationalisées, pour utiliser une expression qu'un de vos témoins ici, antérieur, a utilisée. Je pense qu'il faut faire une distinction, et il faut la faire en fonction des différentes institutions.

n (10 h 50) n

Donc, il faut arriver à préciser également, dans le cadre de la conservation, la politique des institutions qui doivent conserver ces objets. Alors, il faut en plus déterminer au registre les conditions à l'intérieur desquelles les objets peuvent continuer d'être utilisés. Parce que, comme je soulignais tantôt, lorsque vous irez à Paris visiter ces églises que l'on restaure, vous constaterez qu'elles sont encore utilisées. Il ne faut pas concevoir que la constatation, la conclusion que ce patrimoine est du domaine publique ? ou de la res publica, comme je disais ? fait qu'on va dépouiller les institutions, les églises ou les communautés, pas du tout. Cependant, il y aura, comme on l'a mentionné tantôt en réponse à M. Moreau, la servitude. Alors, l'objet, la manière de décrire l'objet, de l'identifier, de le comprendre est évidemment fonction de l'importance qu'on doit y accorder, de la conservation qu'on doit y accorder. Donc, il est essentiel en même temps de développer une connaissance historique plus large des différentes époques, des différents artistes et des lieux où les exemples sont situés. Il faut qu'on ait une appréhension globale de ce que sont ou de ce qu'est le patrimoine religieux mobilier au Québec.

Alors, il ne fait pas de doute, Mme Léger, que la tristesse que j'ai, je dois vous dire, face à cette situation-là... Je me rappelle, il y a 32 ans, je reçois un coup de téléphone de Mgr Beaudry, de la paroisse de Pointe-aux-Trembles ? je sais que c'est votre circonscription. Il m'appelle et il me dit: J'ai un vieil... j'ai un autel, là, dans le hangar ? comme on disait autrefois, en milieux ruraux, parce qu'il était d'origine rurale ? et, si tu en veux, viens le chercher. J'étais allé le chercher et je l'ai évidemment donné au Musée d'art de Joliette. Mais je dois vous dire que je suis allé le chercher, mais j'avais l'impression que je privais la paroisse de quelque chose. C'est-à-dire que j'avais l'impression... Évidemment, je le sauvais, d'une certaine façon, mais je le sauvais un peu malgré moi, j'aurais préféré qu'il reste là. Mais je sais que, s'il restait là, qu'est-ce qui serait arrivé après? Je ne le sais pas. Et c'est de ça dont il faut se prémunir.

Alors, si on veut protéger les objets, il faut les connaître. Et, quand je faisais appel aux facultés d'histoire de l'art, aux chercheurs, aux experts, aux musées, à ceux et celles qui ont la responsabilité de pousser notre connaissance dans ce domaine-là, ils sont indissociables de la conservation des biens mobiliers. Et il y a une production tellement diversifiée, à différentes époques, qu'on a peine à comprendre encore de quoi il s'agit.

Et, quand, j'imagine, vous aurez le plaisir, ce mois prochain... Je vous faisais valoir le dépliant de l'ouvrage de Mme Madeleine Landry et Robert Derome. L'ouvrage va être publié à la première semaine d'octobre, donc dans 10 jours. Je vous suggère, M. le Président, d'acquérir ? je vous enverrai peut-être à chacun d'entre vous un exemplaire de l'ouvrage, je les ai achetés pour financer Mme Landry ? parce que vous verrez que c'est la première fois où on réalise vraiment l'importance d'une certaine période, pas de toutes les périodes. Et ça, ça a été fait par des citoyens eux-mêmes. Vous savez, Mme Landry, elle n'a pas été commissionnée, il n'y a personne qui lui a dit de faire ça. Elle a abandonné sa profession pendant deux ans, elle a mis son argent personnel pour faire cette recherche et publier cet ouvrage.

Alors, vous ne pouvez pas ne pas être triste devant ça, d'avoir une certaine tristesse, comme disait Françoise Sagan, devant une indifférence qui fait que ça s'étiole, puis les miettes s'en vont, puis, à un moment donné, il va rester quelques objets ici ou là, désincarnés. Et, comme je le disais dans mon mémoire, une communauté qui perd son ancrage historique, une région, une municipalité, une ville, un village qui perd son ancrage historique qui est représenté dans les édifices, dans ce que les artistes ont fait de mieux, c'est ce que nos ancêtres ont choisi de privilégier ? nous privilégions différentes choses, aujourd'hui, l'art public, comme vous savez, dans les édifices publics, est une politique qui vise à protéger précisément cette idée de l'art qui nous représente, qui nous exprime, qui est notre rapport à la civilisation, notre façon de voir le monde ? on ne peut pas être indifférent devant ça.

Moi, personnellement, comme je vous souligne, ça a été probablement mon éducation qui m'a amené à ça, à cette forme de conscience là. Mais, aujourd'hui, je vous supplie d'adopter une politique qui va être une solution permanente parce que je ne voudrais pas que, dans quelques générations ou dans 10 ans, il y ait une autre commission puis qu'on puisse... que je vienne vous refaire un témoignage, si Dieu me prête vie, où je dis: Bien, depuis les 10 dernières années, voici ce qui est disparu ou voici ce que j'ai acquis parce qu'à un moment donné je ne pouvais pas faire autrement que d'essayer de protéger ces objets-là. C'est certain qu'il y a une forme de... On est mieux que ça.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Autres questions? De toute façon, notre temps est déjà écoulé depuis un bout. Je vous remercie beaucoup, M. le sénateur. Ce fut très enrichissant pour les membres de la commission.

Et je vais suspendre quelques instants, le temps que la ville de Gatineau puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

 

(Reprise à 10 h 57)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Normalement, on prend peut-être un petit peu plus de temps, mais, compte tenu des circonstances, on donne moins de temps entre deux. Donc, nous allons continuer nos travaux.

Et nous accueillons immédiatement les représentants de la ville de Gatineau. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Vous êtes très près d'Ottawa, mais c'est comme si vous seriez à Québec, aujourd'hui, nous vous faisons voyager virtuellement. Donc, la...

Une voix: ...on est proche.

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous vous recevons avec plaisir. Je vous rappelle brièvement les règles, qui n'ont pas été suivies peut-être lors de notre premier mémoire, mais vous avez un temps maximal de 20 minutes pour exprimer, de la façon que vous le jugerez à propos, le mémoire, et c'est suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Étant donné que vous êtes deux personnes et pour le bénéfice de notre Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et, à la suite de ça, de procéder, de la façon que vous le jugez à propos, comme je le disais, à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Ville de Gatineau

Mme Boudreault (Mireille): Bonjour, M. le Président. MM., Mmes les députés. Mireille Boudreault. Je suis la directrice du Service arts, culture et lettres à la ville de Gatineau.

Mme Blouin (Sonia): M. le Président, Mmes et MM. les députés. Je suis Sonia Blouin, responsable culturelle en patrimoine à la ville de Gatineau.

Mme Boudreault (Mireille): Il nous manque deux personnes, ce matin, à notre équipe. Je dois vous demander d'excuser Mme Louise Poirier, qui est la présidente de la commission arts, culture et lettres et patrimoine à la ville, qui a été retenue par des obligations familiales. Sa fille subissait une chirurgie, donc elle a dû absolument s'absenter. Et Anne Richer, qui est notre représentante du service d'urbanisme et plus au fait des lois, est malade, grippée, au lit. Donc, on espère être aptes à répondre le plus adéquatement possible à vos questions suite à la présentation.

En tout premier lieu, j'aimerais premièrement vous remercier, vous, membres de la commission, d'être ici, chez nous, à Gatineau, et de vous pencher plus particulièrement sur la question du patrimoine religieux, et de venir nous donner la chance de nous écouter, nous, gens de l'Ouest québécois.

La ville de Gatineau a choisi de présenter un mémoire qui aborde la question du patrimoine religieux en des termes très généraux et non particuliers à la ville, puisqu'il s'agit, pour nous, d'un domaine et d'un discours relativement nouveau et que nous apprenons petit à petit à découvrir ce patrimoine et sa situation chez nous. Par contre, nous considérons ce mémoire comme un outil de dialogue et un moyen de faire connaître notre position à titre de ville dans un cadre beaucoup plus général.

n (11 heures) n

Mme Blouin (Sonia): D'entrée de jeu, je vous dirais, Mmes et MM. les députés, que la ville de Gatineau reconnaît que le Québec a, en tant que collectivité qui a une identité qui lui est propre, la responsabilité de sauvegarder son patrimoine religieux, c'est-à-dire de conserver un ensemble varié et représentatif d'églises et de bâtiments conventuels qui représentent toutes les traditions spirituelles du Québec. Et à cet égard, oui, on doit porter une attention particulière au patrimoine d'intérêt national, mais il ne faut pas pour autant négliger le patrimoine des régions parce que c'est ce patrimoine qui en grande partie solidifie ou, disons, édifie le sentiment d'appartenance et l'identité des régions. Donc, on veut dire, ce matin, haut et fort que nous avons la responsabilité de sauvegarder le patrimoine religieux sur l'ensemble du territoire du Québec.

C'est bien entendu, on ne pourra pas tout conserver, il va y avoir des choix déchirants à faire, et il y a peut-être certaines avenues qu'on pourrait explorer pour essayer de limiter les dégâts. Dans un premier temps, on croit que tout processus de fusion de paroisses doit tenir compte de la valeur patrimoniale des lieux de culte. Donc, autrement dit, quand on fusionne des lieux, il faudrait privilégier le maintien du culte dans les lieux qui ont des valeurs patrimoniales. C'est peut-être un concept qui serait difficilement applicable à Montréal ou à Québec, où les lieux de culte de haute valeur abondent, mais dans les régions plus jeunes comme l'Outaouais, en fait comme Gatineau, là ? je vais parler pour la ville ? c'est un concept qui est applicable.

Dans un deuxième temps, la ville soutient aussi l'idée qu'il faut partager les lieux de culte entre traditions spirituelles. On ne voit pas d'un mauvais oeil que des anglicans et des catholiques partagent un lieu de culte. On est en 2005, on est dans une société tolérante, dans une société ouverte, et ça doit aussi se refléter au point de vue religieux. Le temple religieux pourrait devenir un lieu de rapprochement.

On soutient aussi l'idée de la vente de certains lieux de culte à des traditions religieuses qui ont les moyens de pouvoir assurer la conservation et l'entretien des lieux, en autant bien entendu, autant dans le cas du partage que dans le cas de la vente, que le cachet patrimonial des lieux soit respecté quand on a affaire à des lieux de valeur. Quand ce sont des lieux qui ne présentent pas d'intérêt au point de vue patrimonial, à notre sens les lieux pourraient être modifiés. Mais, quand on parle de lieux où il y a un cachet artistique et architectural important, disons que ces éléments-là doivent être conservés.

Au risque de me répéter, je vous dirais qu'on ne peut pas tout conserver. Mais quels sont les critères qui devront guider nos choix? C'est la question à laquelle il est probablement le plus difficile de répondre parce que ça suppose des émotions, des sentiments d'appartenance. Et c'est une question dans le fond très subjective parce que ce qui est important pour les uns ne l'est pas nécessairement pour les autres.

Donc, nous, on a tenté du mieux qu'on pouvait de définir ce qui devrait être conservé. Et on suggère en premier lieu de prendre comme modèle le programme d'inventaire des lieux de culte de la Fondation du patrimoine religieux. Et, s'il faut, bien entendu, lui apporter des modifications, l'ajuster pour en améliorer la qualité, eh bien il y aurait lieu de faire ces ajustements. Si cette proposition n'est pas retenue, alors, pour nous, il semble justifié de conserver les édifices qui présentent une valeur historique, architecturale et artistique importante, qui sont dans un état de conservation acceptable et qui n'ont pas subi de modification ou qui n'ont subi que des modifications qui respectent le cachet patrimonial des lieux.

Des édifices devront être recyclés, ça, ça ne fait pas de doute. Et qu'est-ce qu'on devrait privilégier comme projets? Bien entendu, des projets qui favorisent la poursuite de la vocation publique des lieux, une vocation qui doit être compatible avec la vocation initiale des lieux, avec la trame urbaine, avec la trame environnementale mais aussi avec l'architecture des bâtiments. Autrement dit, les projets privilégiés devraient nécessiter le moins d'interventions architecturales possible et être somme toute réversibles, pour que, si éventuellement on veut changer encore une fois de vocation, on puisse revenir, pas nécessairement en arrière mais du moins changer encore la vocation du lieu.

En fait, ce qu'il faut faire, selon nous, c'est tenter de recentrer le bâtiment religieux au centre de la communauté. C'est un défi. On n'est pas aux États-Unis, où en ce moment il y a une espèce de bouillonnement de foi et où les bâtiments religieux sont plus facilement recentrés au centre de la communauté. Mais, si le bâtiment n'est pas au coeur de la communauté, si le public, la population ne s'approprie pas ces lieux-là, tous les efforts dans le fond auront été vains, parce que le seul patrimoine qui va survivre, c'est le patrimoine qui sera revendiqué.

À cet égard, il faut privilégier les projets de bibliothèque, de gymnase, de garderie, de centre interculturel, de centre de devoirs ? ça se fait à certains endroits, à Ottawa, où les jeunes se regroupent, à la fin des classes, pour aller rencontrer des gens qui les aident à faire des devoirs, tout ça dans des lieux religieux. Les différents paliers de gouvernement peuvent jouer un rôle à ce niveau-là, dans la mesure où ils peuvent privilégier la conservation de certains bâtiments religieux, les bâtiments conventuels notamment, lorsqu'ils font face à des problèmes ou à un manque d'espace de bureaux.

Maintenant, une autre question: Qui doit conserver le patrimoine religieux? Bien, pour ça, je vais laisser Mireille Boudreault débattre de la question.

Mme Boudreault (Mireille): Nous répondons en premier lieu que l'État doit assumer le rôle de leader dans cette protection de sauvegarde... dans ce dossier de sauvegarde. Selon nous, il doit se porter acquéreur de certains édifices patrimoniaux religieux qui ont une importance nationale et dont la valeur patrimoniale est très élevée pour l'ensemble du Québec.

On doit aussi rétablir les budgets suffisants et garantir à l'entretien préventif et à la restauration du patrimoine, quel que soit le partage de responsabilités, ici ou ailleurs, à la grandeur du Québec. On pourrait consacrer, comme l'a fait l'Angleterre, une partie, à chaque année, un pourcentage des revenus de la loterie nationale à la conservation du patrimoine religieux.

On devrait aussi penser à améliorer, de concert avec les universités, la formation de nos professionnels, de nos intervenants en patrimoine. On a définitivement... on parlait, tout à l'heure, avec M. le sénateur, de cette inconscience, de cette ignorance. Je pense qu'il y a énormément de travail à faire pour ramener le sujet du patrimoine et informer de plus en plus les gens de sa valeur. Et on devrait aussi adopter une politique nationale, évidemment, du patrimoine.

De leur côté, les municipalités peuvent faire des choses aussi, on peut poser certains gestes. Entre autres, la ville de Gatineau soutient que les municipalités sont prêtes à la sauvegarde du patrimoine religieux si l'État assume un rôle de meneur et si des transferts de responsabilités sont associés évidemment à des transferts de fonds. Les villes ont déjà de grands défis à relever afin d'assurer la conservation de l'ensemble du patrimoine bâti et des autres patrimoines sur leur territoire et elles ne peuvent utiliser les sommes dédiées présentement à la sauvegarde du patrimoine religieux plus particulièrement pour pouvoir préserver évidemment les biens d'églises.

Par contre, on pourrait participer à la mise en valeur de ce patrimoine en allouant une place de choix au patrimoine religieux pour mieux le faire connaître de la population et des visiteurs par, entre autres, l'installation de panneaux d'interprétation, de circuits patrimoniaux, de publications, par la promotion et le soutien d'activités qui visent à le faire connaître, donc, comme je le disais, des publications, des ouvrages, des dépliants, etc.

On pourrait aussi le faire en s'engageant à réfléchir, avec les acteurs de développements culturel et économique de chez nous, à la mise en valeur touristique des lieux de culte. On pourrait les utiliser à titre de lieux pour l'organisation d'événements, concerts, expositions artistiques, conférences, ateliers d'artistes, etc.

On pourrait aussi, et on en parle beaucoup chez nous, se doter d'une politique de patrimoine qui tienne compte également des biens religieux, sans accorder par contre, de facto, la priorité à ce patrimoine, car une telle politique devrait tenir compte de l'ensemble des types de patrimoines, et doter évidemment la ville, à travers cette politique, d'une vision patrimoniale globale.

On pourrait aussi travailler à la conservation du patrimoine bâti. On pourrait y participer, du moins, conditionnellement toujours à des transferts de fonds et à la mise en place de programmes souples et volontaires d'aide financière et d'ententes multipartites prévoyant un partage équitable des responsabilités.

Qu'est-ce qu'on entend par ces ententes multipartites? On parle d'ententes multipartites qui pourraient soutenir la sauvegarde des églises patrimoniales, formées d'un, deux ou trois partenaires, soit le MCCQ, les autorités religieuses, le gouvernement fédéral ? étant donné notre proximité, il y a souvent des édifices ou des lieux qui touchent l'histoire des deux côtés de la rivière ? le secteur privé, le Conseil régional des élus et la municipalité. Le but de ces ententes serait de fixer des objectifs de conservation et déterminerait un partage équitable des responsabilités.

Dans le cadre de ces ententes, les villes pourraient même contribuer, à la mesure de leurs capacités, à l'entretien d'aménagements tels que des parvis d'églises, comme on l'a vu à Québec, ou encore à certains cimetières, comme on en a vu des exemples à Boston. Conjointement avec le MCCQ et les autorités religieuses, notamment, les villes pourraient contribuer au développement d'un nouveau programme d'aide à la restauration ou à la bonification de programmes existants en fixant des critères de sélection qui incluraient les travaux nécessaires à la conservation de ces monuments religieux.

n (11 h 10) n

Mais, en résumé, on peut parler de différents types de programmes, et on en retrouve plusieurs à l'intérieur du document. Je pense que ce qui est important à dire, par rapport à la position de notre ville sur notre participation à la sauvegarde du patrimoine religieux, c'est qu'on est au coeur de cette sauvegarde, on est au coeur du débat, et on est prêts, je pense, à tenir notre rôle à titre de partenaires et selon les capacités financières qui nous seront dévolues.

Mme Blouin (Sonia): ...rapidement, ce ne sera pas trop long. On croit aussi, à la ville, que le secteur privé devrait participer à la sauvegarde du patrimoine religieux. On sait que c'est tout un défi parce que, comme l'a mentionné le sénateur Joyal, ça ne fait pas encore partie des moeurs du milieu des affaires québécois d'investir massivement en culture et encore moins en patrimoine, comme ça se fait aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada anglais. Mais ce que pourrait faire le secteur privé, c'est financer une fondation qui est déjà existante ou bien mettre sur pied des entreprises qui sont spécialisées dans l'achat, la restauration, la location et la vente de bâtiments patrimoniaux. Ça se fait à Boston avec beaucoup de succès, ça se fait également dans d'autres villes américaines.

Moi, j'ai toujours aussi l'idée en tête, je revois la publicité du fabricant d'automobiles Saturn où on voit des employés qui s'affairent à construire, dans un parc, des structures pour des enfants. Bien, pourquoi les entreprises ne se donneraient pas aussi comme mandat, des fois, de participer comme ça à l'entretien de base ? parce que ça peut être de la peinture, ça peut être n'importe quoi ? de certains bâtiments religieux? Donc, les voir actifs dans la communauté, ce serait une très bonne chose.

À la ville, on soutient beaucoup plus le modèle britannique que le modèle français. On croit que le Québec doit se doter d'une fiducie du patrimoine qui pourrait avoir pour mandat ? c'est une suggestion ? dans le fond, de fonctionner un peu comme ce qui se passe en Grande-Bretagne, d'acquérir les bâtiments qui sont désaffectés par le culte mais des bâtiments qui ont une très haute valeur patrimoniale et historique. C'est une fiducie qui pourrait être financée en partie par le privé mais majoritairement par des fonds publics, et la mise en place pourrait être accompagnée de l'adoption d'une loi sur la désaffectation des églises.

Et, en ce sens-là, on rejoint un peu le sénateur Joyal également, parce que cette loi pourrait prévoir des étapes, par exemple: le respect d'un délai entre l'annonce de l'intention de se départir d'une église et sa mise en vente; la réalisation d'une étude, lorsqu'on a affaire avec un bâtiment d'importance, pour connaître exactement qui a construit le lieu, en fait pour connaître la valeur du bâtiment; mais aussi des études sur l'impact des projets de recyclage, pour savoir si ça s'inscrit dans la trame urbaine et dans les objectifs de la municipalité, entre autres.

Les lois devront également être changées, notamment la Loi sur les fabriques. Il faut absolument permettre aux organismes patrimoniaux, aux citoyens qui sont intéressés par le patrimoine, aux organismes communautaires de siéger sur les conseils des fabriques. Parce qu'après tout c'est l'ensemble des Québécois qui ont permis de bâtir ces bâtiments-là, alors ils ont, selon nous, leur mot à dire sur la conservation des biens religieux.

Il faut aussi modifier la Loi sur les biens culturels, qui en ce moment ne répond pas du tout aux besoins. Il faut permettre aux municipalités de citer l'intérieur de certains bâtiments, dont les églises. Il faudrait également arrimer la Loi sur les biens culturels aux autres lois qui touchent le patrimoine: loi sur l'aménagement du territoire, Loi sur la protection du territoire agricole, entre autres.

Et il faut aussi inscrire en noir sur blanc dans la Loi sur les biens culturels que l'Église, les autorités religieuses, les autorités de toutes les traditions religieuses au Québec ont le devoir d'oeuvrer à la sauvegarde du patrimoine religieux dont ils sont les dépositaires. Dans le fond, en ce moment, ils gèrent des biens qui appartiennent à la collectivité. Nous ne voyons pas non plus, à la ville de Gatineau, le patrimoine religieux comme un patrimoine privé, mais comme un patrimoine public.

Et, sur ce, on espère que nos idées vont faire cheminer la réflexion et pourront vous aider à formuler des recommandations clairvoyantes et réalistes également. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de cette très belle présentation, très bien informée. Premièrement, je vous souhaite la bienvenue ici, en commission. Là, on fait ça vite au point de départ. Mais j'ai une première question que je pose à chaque fois que... On a rencontré la ville de Montréal, on aura l'occasion de rencontrer d'autres municipalités. Vous avez émis des opinions fort intéressantes sur quoi conserver, comment le conserver. Vous avez aussi parlé de qui, tout en citant à quelques reprises «à la mesure de notre capacité». Disons que le gouvernement québécois a probablement des façons de parler qui sont semblables.

On sait que le patrimoine religieux du Québec, c'est du patrimoine quasi inestimable, qui coûte très cher à restaurer. Quelle est, selon vous... dans quelle mesure chacune des municipalités du Québec pourrait contribuer de façon concrète, là? Tantôt, vous avez parlé de publier des dépliants, de fournir des indications; c'est des efforts qui sont louables. On a aussi, avec justesse, dit que possiblement... Doit-on impliquer le privé? Je dis «doit-on». Cette semaine, j'ai donné une entrevue qui commençait tout le temps par «doit-on», puis ça a fini, dans le texte, par: Le président pense que...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui. Non, c'est bien cité, ce qu'il y a là. Sauf que ça commençait par «doit-on». Donc, qu'est-ce que la municipalité de Gatineau pourrait peut-être faire, puisque vous êtes les représentants de cette ville-là? Est-ce que les villes ont des capacités financières ou peuvent organiser de façon adéquate la conservation de ce patrimoine-là qui coûte très cher à conserver? Quand on parle de restauration de monuments, d'églises, de couvents, de biens mobiliers, quelle est la capacité des villes? Vous avez suggéré une fiducie. Quelle serait l'implication de la municipalité de Gatineau ? je vais prendre l'exemple de Gatineau ? dans une telle fiducie?

Mme Boudreault (Mireille): Comme je l'ai dit tout à l'heure, et je ne vais pas dans des chiffres précis, je représente un pouvoir politique qui malheureusement est absent ici, ce matin, mais définitivement que la ville est prête à être partenaire au niveau de cette fiducie, est prête à assumer son rôle, on l'a dit à l'intérieur du document. Et je pense que la capacité de la ville sera en fonction de la qualité des projets et des partenaires qui vont se retrouver. Comme l'a si bien dit, tout à l'heure, Sonia, on ne peut pas tout sauver, il faudra prioriser. Et, en fonction de ces priorités, à l'intérieur de grandes orientations dans des politiques du patrimoine, après consultation avec le milieu, la ville pourra participer.

Mais je ne peux pas aller plus loin dans le sens d'une intervention plus directe, c'est vraiment nouveau, au niveau de notre ville en tout cas, chez nous, on débute, on commence à connaître le secteur du patrimoine. Je dois vous dire que Sonia est encore une employée qui est subventionnée par le programme VVAP, et il n'y a pas de permanence chez nous pour la mise en valeur. Depuis des années, en tout cas de façon traditionnelle, le patrimoine était la fonction de l'urbanisme et on s'occupait strictement du patrimoine bâti. On a développé une politique culturelle qui, elle, a dit: Il est important de conserver le patrimoine, il est important de le mettre en valeur.

Et je peux difficilement vous dire, aujourd'hui, qui va gagner, des trous dans l'asphalte, des trottoirs brisés, ou des édifices historiques qui ont des toits en mauvais état, et des églises chez nous. Il faudra définitivement prioriser le dossier. Et, pour les municipalités, tout le dossier patrimoine est excessivement important, mais aussi on réalise l'importance de la tâche qu'on a à relever, et, pour nous, il est essentiel qu'il y ait des partenariats, qu'il y ait des programmes qui sont mis en place, qu'il y ait des structures leadées par le Québec pour permettre justement aux municipalités de mieux s'intégrer à l'intérieur de tout ce processus de conservation.

Le Président (M. Brodeur): Merci.

Mme Boudreault (Mireille): Je ne sais pas si j'ai été claire.

Le Président (M. Brodeur): Oui, Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bienvenue. Madame Blouin, j'ai une question. J'aimerais que vous m'entreteniez un peu plus... que vous me définissiez peut-être un peu mieux ce qui est, pour vous, une valeur patrimoniale d'un bien religieux. Comment fait-on pour distinguer une église, par exemple, de valeur intouchable, ou importante, ou moins importante? Est-ce que vous y voyez... voyez-vous une valeur qui est associée à un sentiment d'exercice ou de pratique religieuse? Je pense que tantôt vous avez un petit peu dit ça. J'aimerais ça que vous éclaircissiez un peu votre propos.

Mme Blouin (Sonia): C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, d'autant plus qu'on n'a pas encore amorcé, à la ville, une réflexion de fond sur la question. Je vous dirais par contre que je n'accorde pas personnellement une valeur... Comment dire? Ce n'est pas nécessairement l'ancienneté d'un bâtiment qui fait qu'il est important. Dans certains cas, effectivement, ça peut être la situation, mais il y a des bâtiments, comme le sénateur Joyal le mentionnait, qui peuvent dater des années cinquante mais qui sont tout aussi importants.

n (11 h 20) n

Au point de vue architectural, ce qu'il faut regarder, c'est: Quel est l'architecte, par exemple? Est-ce que c'est un architecte important pour le Québec? Est-ce qu'il y a des réalisations semblables ailleurs dans la ville, ailleurs au Québec? Est-ce que c'est un bâtiment qui se démarque d'un point de vue de son unicité architecturale ou artistique, bien entendu? Donc, il y a tout ce contexte de qui a oeuvré à la construction du bâtiment.

Et il faut aussi ? comment dire? ? inscrire la construction du bâtiment dans son contexte historique. Parce que l'histoire dans le fond est guide et constituante du patrimoine. Sans histoire, on ne peut pas comprendre un bâtiment, aussi beau ou aussi laid soit-il. Donc, il ne faut pas évacuer du revers de la main l'histoire, qui est à mon sens ? je suis historienne aussi, là ? qui est à mon sens un des critères les plus importants.

Le sentiment d'appartenance à la communauté joue également, et c'est là que les sensibilités, les débats, l'émotivité vont, disons, être dégagés. Parce que ce qui peut sembler important, d'un point de vue patrimonial, pour moi, peut ne pas l'être pour les citoyens, et vice versa. Je vous dirais par contre qu'une église qui loge dans un ancien édifice des Chevaliers de Colomb, en béton, qu'on voit dans toutes les écoles secondaires des années soixante-dix, là...

Une voix: ...

Mme Blouin (Sonia): ...cinquante? Non. Bien, moi, c'est les années soixante-dix.

Une voix: ...polyvalente.

Mme Blouin (Sonia): Dans ma polyvalente, exactement, c'était ça, ma référence, Mireille. Non, non, du tout. Tu cherches un coup de pied en dessous, mais non.

Non. Donc, je vous dirais que ça dépend. Une église qui est dans un ancien bâtiment des Chevaliers de Colomb, et, à 1 km plus loin, on retrouve un des joyaux du patrimoine religieux de la ville, donc il n'y a pas intérêt, même si c'est la paroisse la plus importante, de conserver le bâtiment. On peut conserver le nom de la paroisse peut-être, je ne sais pas, mais il y aurait intérêt à rapatrier des gens dans une église patrimoniale qui est située à 1 km plus loin.

Donc, il y a tout l'état de conservation aussi qui est extrêmement important à considérer. Si on a un bâtiment qui tombe en ruine versus un bâtiment qui a approximativement la même valeur d'un point de vue architectural et historique, on doit privilégier celui qui tient encore debout. Les coûts vont être beaucoup moins élevés. La même chose quand on a un bâtiment qui a été très peu modifié, si on veut le ramener à son état original, les coûts vont être moindres d'un bâtiment qui est extrêmement modifié.

Mme Legault: Et, si je peux me permettre de continuer, M. le Président...

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée.

Mme Legault: Madame, à la suite de ce que vous venez de dire, à partir du moment qu'on établirait une valeur, on s'entend, là, on partage une même valeur d'un lieu, et que cette valeur-là partagée, reconnue, ça se fait à l'échelle du Québec, par exemple, donc le patrimoine est bien établi, bon, etc., et que, là, ensuite, il y a des décisions qui doivent se prendre et qui pourraient se prendre, par exemple, par des municipalités, on vient décentraliser puis peut-être amener différents niveaux puis différentes qualités, différentes décisions. Alors, comment fait-on pour concilier, par exemple, une responsabilité accrue d'une municipalité dans un ensemble qui appartient ou qui est reconnu par tous les Québécois et Québécoises? Comment fait-on pour prendre la décision, puis qui la prend de façon appropriée? Comment vous voyez ça?

Mme Blouin (Sonia): Je vais répondre en partie. Moi, je vous dirais que ce sont les acteurs locaux, les acteurs régionaux qui doivent en partie déterminer ce qui est important pour eux. Parce que ce n'est pas les gens à Québec, avec tout le respect que j'ai pour les parlementaires et pour les fonctionnaires de Québec, ce n'est pas les gens de Québec qui savent qu'est-ce qui est important dans les différentes villes du Québec, ce sont les gens qui sont sur place, nos associations du patrimoine, nos sociétés historiques.

M. Turp: Ils sont là, derrière.

Mme Blouin (Sonia): Donc, ce sont avec eux qu'on va déterminer ce qui est important, avec l'aide bien entendu de l'expertise du ministère, qui est à Québec en grande partie. Mais les gens d'ici doivent être écoutés, et c'est ce qu'il est important de comprendre.

À Gatineau, la question ne se pose pas avec autant de difficulté que dans une ville comme Montréal. Il y a, je vous dirais, une quarantaine d'églises sur le territoire de la ville, une quinzaine qui ont une valeur patrimoniale et quatre églises qui sont véritablement très importantes. Donc, nos choix à nous vont être beaucoup moins difficiles à prendre que les choix d'une ville comme Montréal ou Québec. Et, pour concilier les deux, je pourrais peut-être laisser Mireille répondre pour ce qui est plus du côté politique de la chose.

Mme Boudreault (Mireille): Je dois dire que j'ose difficilement m'avancer plus loin au niveau du niveau politique, mais je pense que la responsabilité de ces églises-là aussi est reliée au conseil régional des élus. Donc, on doit travailler avec les institutions régionales. Elles ne sont pas importantes non plus seulement que pour la municipalité, mais aussi pour l'ensemble de la région et l'ensemble du Québec. Et, dans ce cadre-là, je pense qu'il y aurait définitivement du travail à faire avec la table, qui pourrait peut-être être un lien privilégié, à ce moment-là, entre Québec et la municipalité.

Mme Blouin (Sonia): On devra aussi faire affaire avec les diocèses ontariens parce qu'il y a certaines de nos églises ici qui sont propriétés de diocèses ontariens. Donc, c'est pour ça aussi que le territoire de l'Outaouais est un peu particulier. Et l'importance du gouvernement fédéral, dans le cadre de l'exercice qui nous occupe aujourd'hui, est primordiale. La région de la capitale fédérale mérite d'être considérée à certains égards... disons, Gatineau mérite d'être considérée à certains égards comme une région un peu différente des autres. Il faut absolument, nous, qu'on puisse, dans une certaine mesure, impliquer le fédéral parce qu'il a une expertise, mais il a aussi beaucoup de capitaux.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, le pot puis, ensuite, les roses. Mon ami de Marguerite D'Youville n'aime pas trop mes pots, là, mais... Je pense que c'est très bien que vous soyez là toutes les deux. Mais, moi, je m'attendrais à ce que le maire d'une ville comme Gatineau ou la personne du comité exécutif responsable de la culture et du patrimoine soit là, ce matin. Puis ce n'est pas parce que M. Ducharme, là, fait du porte-à-porte, ce matin, là, parce qu'il y a une élection puis l'écart se rétrécit avec son adversaire, que le maire ne devrait pas être là ou son représentant.

Pour moi, là, aujourd'hui, une ville a une responsabilité tellement importante dans le domaine de la culture en général et du patrimoine en particulier qu'à une occasion comme celle-ci ce maire ou une représentante du pouvoir politique devrait être là, devant cette commission de l'Assemblée nationale. Et ce n'est certainement pas un reproche que je vous adresse à vous parce que je pense qu'à travers vous la ville de Gatineau sait ce qu'elle fait et nous propose des choses tout à fait intéressantes pour l'avenir, et je vous en félicite.

D'ailleurs, je l'ai évoqué, tout à l'heure, mais je le redis aujourd'hui, le mémoire que vous nous présentez est d'une qualité exceptionnelle. Je vous en félicite. Vous allez orienter les travaux de la commission. Il y a plusieurs éléments de votre bibliographie d'ailleurs qui devraient nous intéresser. Moi, je vais demander à notre recherchiste puis au secrétaire de la commission de nous donner accès à plusieurs des articles, des extraits des ouvrages et des études que vous nous citez. Et je vous remercie beaucoup pour votre contribution, en cela.

Le Président (M. Brodeur): ...il y a déjà une réaction à vos commentaires, M. le député.

M. Turp: Oui?

Mme Boudreault (Mireille): ...par rapport au pot. Je ne sais pas si on s'est bien entendus, tout à l'heure je vous ai expliqué une situation d'urgence pour la conseillère responsable de la commission arts, culture, lettres et patrimoine qui devait être avec nous aujourd'hui. Elle a eu un empêchement familial, sa fille subit une chirurgie en ce moment. Donc, on s'est permis de vous en informer au début, tout à l'heure.

M. Turp: ...comprendre ça, mais vous direz au maire qu'on aurait aimé le voir.

Mme Boudreault (Mireille): On a compris le message, nonobstant tout ça.

M. Turp: On aurait aimé voir le maire Ducharme, là, ici, pendant notre passage. En tout cas, moi, j'aurais aimé le voir.

Mme Boudreault (Mireille): Tout ce que j'ai... O.K. Je réitère en tout cas...

M. Turp: On voit des photos, mais ça ne suffit pas, des photos.

Mme Boudreault (Mireille): Je réitère en tout cas l'engagement et l'intérêt de Mme Poirier qui malheureusement ne pouvait pas être ici.

M. Turp: Vous proposez que le Québec établisse une fiducie nationale. Et vous avez remarqué que le sénateur Joyal n'est pas de votre avis. Puis ça va être intéressant, on va devoir peut-être trancher, en tout cas se demander si on devrait suivre davantage le modèle français ou le modèle britannique.

Mais est-ce qu'on pourrait envisager l'idée de fiducies régionales? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir la préoccupation d'avoir des fiducies au niveau régional? Et qu'elles soient sous la responsabilité de communautés métropolitaines ou ici, à Gatineau, de la ville de Gatineau, puisqu'il n'y a plus de communauté urbaine ou métropolitaine, est-ce que c'est une avenue qu'on pourrait envisager, avec des méthodes de financement comme celles que vous évoquez, avec du financement d'abord et avant tout public mais un accès possible à des ressources privées? Alors, est-ce que, ça, c'est quelque chose à quoi on pourrait réfléchir, nous, comme commission? Ou des fiducies municipales, là, qui sait, peut-être que ce serait aussi une solution, dans certains cas précis.

n (11 h 30) n

J'ai beaucoup aimé ou été intéressé par vos propositions sur les lois qui méritent, selon vous, d'être modifiées, à la fois la Loi sur les fabriques et la Loi sur les biens culturels. Ce qui a attiré mon attention, et peut-être que vous pouvez nous en parler, c'est que vous nous suggérez d'imiter ou de nous inspirer du modèle de la loi sur le patrimoine culturel catalan parce que cette loi, d'après ce que vous nous en dites, traite de la collaboration de l'État avec l'Église et les autorités des autres traditions religieuses. Et, vous savez, la Catalogne, à bien des égards, est un modèle à suivre, surtout dans le domaine culturel. Et peut-être que vous pourriez nous éclairer sur la source d'inspiration que pourrait être cette loi sur le patrimoine culturel. Donc, elle est plus large, elle a une vocation de toute évidence plus large, et ce n'est pas seulement un patrimoine religieux, mais en quoi pourrait-elle nous inspirer? Alors, voilà mes deux questions, mais tout en vous rappelant tout l'intérêt à la fois du mémoire et de votre présentation.

Mme Blouin (Sonia): Je vais commencer par la loi. La loi catalane traite plus précisément de la collaboration entre l'État et l'Église catholique, pas avec les autres traditions religieuses, là. Je ne sais pas pourquoi exactement. Je n'en sais pas beaucoup sur cette loi-là, mais j'ai trouvé ça très intéressant qu'on inscrive dans un texte de loi que l'État devait collaborer avec l'Église. Donc, légalement, c'est en quelque sorte une obligation que l'Église a de conserver son patrimoine, et c'est, moi, ça que j'ai trouvé intéressant. Parce que la responsabilité ne peut pas revenir uniquement à l'État, à la municipalité ou au conseil régional des élus, ça doit aussi revenir à l'Église. Dans la mesure où, pendant des années, ces gens-là ont géré pour nous des biens extraordinaires, et la responsabilité se poursuit toujours maintenant, ils ont la responsabilité d'oeuvrer à la sauvegarde du patrimoine dont ils sont dépositaires.

Et j'ai trouvé ça très intéressant, puisque, légalement parlant, on encourageait en quelque sorte l'Église à s'engager et on reconnaissait son devoir légal de protéger la loi. Je ne peux pas entrer davantage dans les détails parce que je n'ai pas le texte de loi avec moi, et je ne l'ai pas lu, et j'ai trouvé ça dans le document d'Héritage Montréal, qui fait une comparaison de la conservation du patrimoine religieux avec 14 ou 15 autres villes dans le monde, là, semblables à Montréal. Je ne peux malheureusement pas en dire davantage.

Pour ce qui est de la fiducie régionale, je considère que ça pourrait être une avenue intéressante parce qu'elle serait gérée par des gens d'ici qui connaissent davantage le contexte, les particularités, l'histoire et le patrimoine des lieux et on pourrait, dans une certaine façon, arrimer cette fiducie aux directions régionales du ministère de la Culture et des Communications. On a décentralisé la gestion du patrimoine, dans les années soixante-dix, si je me souviens bien, alors on pourrait poursuivre maintenant avec des fiducies régionales. Bien entendu, il devrait y avoir un financement adéquat avec le bureau du ministère, mais il devrait y avoir aussi un financement de l'État, là, via peut-être les revenus de la loterie.

M. Turp: Il pourrait peut-être y avoir des loteries régionales aussi, alors?

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, M. le Président. Je pensais que vous faisiez l'alternance.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

Mme Léger: Ça va.

Le Président (M. Brodeur): Oui, ils sont en train de déterminer...

M. Turp: ...l'alternance dans l'opposition.

Mme Léger: Merci de votre mémoire. Moi, j'ai été très impressionnée, particulièrement parce que vous répondez à une question qui est, pour moi, importante, celle des critères de conservation, que j'ai posée précédemment, et puis là vous apportez vraiment, je pourrais dire, des critères très, très précis, et c'est intéressant de tout l'analyser, là, d'une part. Vous faites la différence...

Mais d'abord vous avez parlé de siéger sur le conseil des fabriques, les citoyens, pour impliquer les citoyens, tout ça. C'est très bien, mais il y a déjà les marguilliers, et les marguilliers représentent les citoyens. Alors, j'aimerais ça que vous m'en reparliez un petit peu.

Vous avez d'entrée de jeu parlé du patrimoine des régions versus le patrimoine national, que vous trouvez important le patrimoine national mais qu'il devrait vraiment y avoir un patrimoine des régions. J'aimerais ça que vous élaboriez parce que c'est effectivement très intéressant. Est-ce que c'est par une fiducie que vous parlez du patrimoine des régions, dans l'idée de la conservation, ou vous avez autre chose en tête quand vous parlez du patrimoine particulier des régions, de se préoccuper du patrimoine des régions?

Et ma troisième question: Vous commencez, là, de ce que vous avez dit toutes les deux, de cet aspect-là du patrimoine religieux à la ville de Gatineau, est-ce que vous avez l'intention d'avoir une politique du patrimoine?

Mme Blouin (Sonia): Première question, pour ce qui est des marguilliers, souvent ces gens-là ne représentent pas les intérêts culturels de la communauté, ils représentent et ils siègent souvent à titre de paroissiens, donc ils ont à coeur les intérêts de la paroisse et non pas nécessairement les intérêts du patrimoine. C'est pour ça qu'on dit que des organismes patrimoniaux devraient pouvoir siéger sur les conseils, où ils pourraient du moins jouer un rôle de sensibilisation pour montrer aux membres de la fabrique, qui ne sont pas toujours sensibilisés à la question du patrimoine, pourquoi il est important de conserver ces bâtiments-là et de prendre des décisions éclairées.

Mme Léger: Oui. Est-ce que vous pensez que les gens... Parce qu'on fait quand même le lien avec l'indifférence des communautés par rapport à leur intérêt. On voit même, dans différentes instances, commissions scolaires, bon, partout, où souvent ou les parents ou même les gens ne s'impliquent pas nécessairement dans ce genre de structures là. Alors, comment vous voyez l'instauration de cette mesure-là? Parce que ce n'est pas évident qu'on ouvre les conseils des fabriques puis que l'Église accepte cette avenue-là puis que... ou on modifie la loi, là, dépendant, là.

Mme Blouin (Sonia): Ce n'est effectivement pas évident, d'autant plus que les bénévoles sont peu nombreux et essoufflés. Je considère par contre que c'est quand même une voie à explorer parce que, dans certains cas, ça pourrait s'avérer un franc succès. À d'autres endroits, ça pourrait ne pas changer rien à la situation, c'est-à-dire qu'on conserve les membres ou, disons, le titre de membre des personnes qui siègent sur le conseil, mais, dans d'autres cas où il y a des communautés où les gens sont plus impliqués, ça pourrait avoir un effet bénéfice. Vous aviez un deuxième volet à votre question. Les régions.

Mme Léger: ...national et puis la politique du patrimoine.

Mme Blouin (Sonia): Pourquoi le patrimoine et ce que j'entends par patrimoine des régions, hein? C'est un peu ça, la question. Bien, je vais répondre à la question inverse, ce que j'entends par le patrimoine d'intérêt national, ça pourrait peut-être nous éclairer davantage. Je vais vous donner des exemples.

Pour moi, l'église Notre-Dame-des-Victoires, à la place Royale de Québec, est d'intérêt national pour les événements historiques qui s'y sont déroulés. Ce qui est d'intérêt national également, c'est les grands bâtiments qui transcendent, je dirais, une identité d'une région qui lui est propre, que ce soit par l'importance de l'architecte qui a bâti le bâtiment ou par la valeur des biens mobiliers qu'on y retrouve. Donc, dans le fond, ce qui a une importance nationale, c'est ce qui peut se démarquer d'un point de vue architectural.

On a ici, par exemple, à Gatineau, deux sites classés, ce sont deux monuments classés. Ce ne sont pas des bâtiments religieux, mais un de ces deux bâtiments a été classé parce qu'il représente un style architectural tout à fait inédit au Québec, très rare au Québec mais extrêmement fréquent en Ontario. Donc, ce sont des bâtiments qui se démarquent, qui ont une importance pour l'ensemble des citoyens du Québec. Notre autre bâtiment d'importance, c'est le Musée de l'Auberge Symmes, en fait qui était un bâtiment qui servait d'auberge sur la route de la pénétration du continent. Donc, son importance pour le développement du Canada en entier est marquante. C'est pour ça que ce sont des bâtiments nationaux.

Ce qui est local, c'est ce qui a une importance pour les gens dans une localité. Et en contrepartie ce qui peut se démarquer d'un point de vue régional a une importance régionale ici. Par exemple, les quatre églises les plus importantes, d'un point de vue patrimonial, de la ville ont une importance régionale, non pas nationale mais régionale, mais qui dépasse l'importance de la localité, entre autres l'église St. James que vous allez aller visiter cet après-midi, qui est une église qui est la propriété d'un diocèse ontarien, où des gens de l'Ontario sont longtemps venus, je dirais, célébrer, participer à des célébrations religieuses. Donc, à mon sens, ce patrimoine-là touche peut-être plus les gens dans leur quotidienneté, et c'est pour ça qu'il est important de le préserver, parce qu'il joue un rôle important.

C'est sûr qu'il y a tout un volet éducation, on pourrait y revenir. Il faut faire en sorte que les gens connaissent mieux leur patrimoine. Mais, quand les gens le connaissent, c'est là qu'il joue un rôle excessivement important sur l'identité et le sentiment d'appartenance à la communauté. Et, pour faire connaître le patrimoine, il ne faut pas attendre. Dans le mémoire, on parle de formation des intervenants en patrimoine, donc, au niveau universitaire, mais il ne faut pas attendre d'être au niveau universitaire pour initier les jeunes au patrimoine. Ça doit commencer au secondaire, mais encore plus tôt, je vous dirais, pratiquement dans les CPE, avec les jeunes qui sont les plus vieux, pas nécessairement les initier au patrimoine bâti proprement dit, mais de les initier, je dirais, à...

n (11 h 40) n

Une voix: ...

Mme Blouin (Sonia): Bien, à l'histoire mais à l'ancienneté. Les jeunes de quatre ans comprennent d'où ils viennent, les grands-parents, les arrière-grands-parents. Donc, il faut commencer très tôt à les initier au patrimoine. Il ne faut pas attendre qu'ils soient en secondaire IV parce que, là, à mon sens, il est déjà un petit peu trop tard.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Charlesbourg.

Mme Blouin (Sonia): Il y avait une autre question...

Le Président (M. Brodeur): Ah! Allez-y, allez-y.

Mme Boudreault (Mireille): On nous a demandé si la ville avait l'intention d'adopter une politique de patrimoine. Je vais vous remettre dans le temps, dans notre réalité. La ville de Gatineau a été fusionnée en janvier 2002, elle a accepté une politique culturelle en décembre 2003, à l'intérieur de laquelle on priorisait l'engagement d'une permanence en patrimoine, et pas pour faire des analyses architecturales mais pour faire connaître son patrimoine, faire la mise en valeur de l'histoire et du patrimoine chez nous justement pour créer cette conscience collective qu'on voudrait bien avoir à la base de tout l'élément de conservation dont on discute aujourd'hui. Donc, cette priorité a été établie.

On retourne en forum de remise à jour de la politique en juin prochain et on y va en consultation avec l'ensemble du milieu. Les priorités seront, à ce moment-là, établies par la représentativité du milieu ? et je sais qu'il y a quelqu'un juste ici, en arrière, qui a sûrement noté votre question ? et, à ce moment-là, les priorités des consultations seront représentées au conseil. Mais la permanence, elle, est prévue pour janvier prochain.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, mesdames, ici, comme je me plais à le dire, dans cette enceinte virtuelle de l'Assemblée nationale mais à cette commission oh! plus que réelle.

Mesdames, puisque vous semblez, et vous l'avez très bien dit, vous l'avez très bien affirmé, vous semblez privilégier le modèle britannique, j'aimerais vous référer à la page 7 de votre mémoire de façon plus spécifique, et vous en avez également parlé tout à l'heure, là, parce que je le connais bien et parce que j'ai rencontré des gens de cet organisme, c'est le Heritage Lottery Fund. À votre page 7, en haut, premier paragraphe...

Mme Boudreault (Mireille): C'est dans l'autre côté. Alors, on n'a pas la même pagination, je suis désolée.

M. Mercier: Ah, parce que vous n'avez pas le même? Néanmoins, néanmoins ? vous savez, même si vous ne trouvez pas le texte, ce n'est pas grave ? je veux vous entendre là-dessus parce que vous mentionnez... Deux choses l'une. Vous mentionnez d'abord qu'«à cet égard, nous croyons justifié que l'État québécois consacre à chaque année un pourcentage des revenus de la loterie nationale». Et j'aimerais savoir, première question, quel serait ce pourcentage et, deux, de quelle façon?

Parce que vous attisez un petit peu ma curiosité, là, parce que vous lancez quelque chose qui pourrait, qui pourrait peut-être, je ne le sais pas... Évidemment, c'est une idée qui serait peut-être très nouvelle ici, au Canada ou au Québec, mais, là-bas, c'est bien établi, ça, je le sais pertinemment. Toutefois, ça pourrait causer problème ici, pour toutes sortes de raisons. Mais je veux vous entendre là-dessus parce que j'aimerais savoir de quelle façon se ferait la répartition de ces sommes. Seraient-ce les fabriques qui, via le gouvernement, répartiraient ces sommes dans ces églises? Seraient-ce les municipalités, les MRC? Par exemple, à Québec ? compte tenu que je suis de Québec et je représente la capitale, d'une certaine façon ? serait-ce la Commission de la capitale nationale qui répartirait les sommes obtenues par ce fonds de la loterie? Je veux vous entendre là-dessus parce qu'évidemment, bon, il y a à peine quelques lignes, là, puis vous attisez vraiment ma curiosité à cet égard.

Mme Blouin (Sonia): Pour ce qui est du pourcentage, je ne peux malheureusement pas répondre, je vous dirais: Le plus possible.

M. Mercier: Le plus possible, évidemment.

M. Turp: 100 et moins.

Mme Blouin (Sonia): 100 et moins, c'est une bonne réponse, entre zéro et 100. Je ne peux pas répondre, je ne connais pas assez bien les revenus que rapporte la loterie, donc je ne pourrais pas répondre pour le pourcentage, idéalement peut-être 1 %, comme le Programme d'intégration de l'art à l'architecture du gouvernement du Québec. Mais je lance ça comme ça.

Pour ce qui est du fonctionnement, ça dépendra de la structure qu'on développera. Si on développe une fiducie nationale, l'argent serait distribué à la fiducie nationale qui, selon son mandat, redistribuerait...

M. Mercier: Permettez-moi de vous interrompre. C'est très différent de la fiducie, ça, parce que le Heritage Lottery Fund, là, c'est vraiment quelque chose de très spécifique, hein? Et c'est pour ça que je m'attarde là-dessus, parce que la fiducie, c'est une chose, mais ça, c'est autre chose parce que les revenus proviennent de la loterie nationale, et, on sait, il y a beaucoup de revenus qui sont générés. Et ça, c'est très, très, très spécifique, et c'est pour ça que vraiment je m'attarde là-dessus, parce que je veux savoir d'où est-ce que ça vient puis pourquoi vous avez eu cette idée de... Bien, évidemment, vous avez pris votre référence en Angleterre, mais pourquoi vous l'avez inscrit dans votre mémoire? Parce que vous êtes les premiers, je vous dirais, à moins que je me trompe, mais je pense que vous êtes dans les premiers à faire état, là, de cet organisme, du moins.

Mme Blouin (Sonia): En fait, le Historic Chapels Trust est financé en partie par la loterie nationale. Et, moi, c'est de cette façon-là que je le voyais: on devrait financer, selon moi, la fiducie, qu'elle soit nationale ou régionale, là, ou les deux, en partie par la loterie, qui génère des revenus importants. Je ne connais pas les chiffres, comme je l'ai dit précédemment, mais les revenus sont importants et ils sont aussi, comment dire... sans être égaux à chaque année, mais on sait à chaque année qu'il va y avoir une enveloppe importante. Donc, c'est une source de revenus assurée. Si on finance, à travers la fiducie nationale, les biens, tout dépendamment du mandat, si la fiducie devient propriétaire des églises désaffectées ou des églises encore en fonction, ça pourrait aller à la paroisse. Mais là il faudra, bien entendu, qu'il y ait un mécanisme pour s'assurer que des fonds aillent à la conservation du patrimoine religieux et non pas à l'évangélisation.

M. Mercier: D'accord, merci. Je sais qu'il y a des collègues, M. le Président, qui veulent renchérir sur d'autres sujets, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Merci à mon collègue de Charlesbourg. Mme Blouin, je pense que ma question s'adresse à vous. Bien, d'abord, je vais vous faire une petite remarque. Vous avez ? ce n'est pas un pot, là ? vous avez indiqué que, selon vous, l'Église était dépositaire des biens. Je sais que c'est une opinion, là, qui semble répandue, notamment par le témoignage de M. Noppen. Moi, je vais vous dire très sincèrement ? puis c'est une opinion que j'émets pour moi-même, là ? quand je lis la Loi sur les fabriques, je ne suis pas capable de me rendre à cette disposition-là qu'ils sont dépositaires. À mon point de vue, ils sont clairement propriétaires.

Et, à moins que je fasse erreur, je vous réfère aux articles 13 de la Loi sur les fabriques, à l'article 13, notamment à l'article 18, paragraphe c de la Loi sur les fabriques et à l'interprétation que l'on fait, parce que le seul moment dans la Loi sur les fabriques où ils sont déterminés comme étant dépositaires, c'est lorsqu'on parle des registres, des archives et des autres documents qui étaient détenus par des commissaires civils avant le 1er janvier 1966, et encore à l'article 71.

Alors, moi, je pense qu'on va devoir, dans les mémoires qu'on nous présente, ou faire la démonstration de cette prétention à l'effet qu'ils seraient dépositaires... Parce qu'il est évident qu'au niveau des recommandations qu'on va avoir à faire, si je suis propriétaire d'un bien et que, là, pour une raison ou pour une autre, à tort ou à raison, je décide d'en confier la propriété ou même, comme le suggérait le sénateur Joyal, de grever ce bien-là d'une servitude... La servitude, en droit, c'est une forme d'expropriation, on vient départir, on vient déposséder le propriétaire de certains aspects de ce qui caractérise la propriété, et en conséquence il y a une indemnité qui doit être versée, et ça, on doit le prendre en compte. On ne peut pas, parce qu'on estime, pour toutes sortes raisons, aussi nobles soient-elles, que ces biens-là, qu'ils soient meubles ou immeubles, doivent être protégés, se les approprier au détriment du propriétaire et même, ça, en tout ou en partie. Alors, je voulais faire cette remarque-là.

Et ma question est la suivante: Quand vous suggérez que, dans les cas de démembrement, suppression ou annexion de paroisses impliquant la fermeture, on devrait maintenir le lieu de culte à forte valeur patrimoniale ? je sais que ma collègue de Chambly vous a posé la question là-dessus ? qui doit prendre la décision? Vous avez suggéré le niveau local ou le niveau régional, donc ce qui est le plus près du bâtiment ou du bien à protéger. Moi, j'aimerais vous entendre sur le risque que représente le fait d'identifier le niveau local et régional comme étant décisionnel sur ce que j'appellerais une homogénéité d'application des critères à l'ensemble du territoire du Québec. Parce que le sénateur Joyal disait tantôt, citant quelqu'un d'autre, qu'il y a des curés crétins. Est-ce qu'on ne pourrait pas craindre qu'il y ait une distorsion sur l'ensemble du territoire du Québec de ce qui doit véritablement être protégé et donc atteindre à la qualité de l'inventaire total si la décision est prise à un niveau microterritorial?

n (11 h 50) n

Le Président (M. Brodeur): ...

Mme Blouin (Sonia): Pardon?

Le Président (M. Brodeur): Non, j'ai dit: Merci pour cette dernière question du groupe ministériel.

M. Moreau: C'était un commentaire.

Mme Blouin (Sonia): C'est une très bonne question. Il faudrait peut-être effectivement développer un mécanisme qui nous permette d'avoir des critères globaux qui s'appliquent à l'ensemble des bâtiments qu'il y a au Québec mais que l'analyse soit peut-être réalisée par des gens aux niveaux local et régional. Je n'ai pas réfléchi à cette question-là, c'est une très bonne question que vous soulevez. Je vous dirais que, si nationalement on réussit à établir des critères objectifs, c'est là qu'est la difficulté, et par la suite qu'on demande à un groupe issu du milieu local, communauté, organismes communautaires, les diocèses également qui doivent être impliqués, là, dans tout le processus, on ne peut vraiment pas les évacuer de ça, c'est une question qui les concerne en premier lieu... qu'à partir de ce moment-là, avec les critères d'ordre national, le local puisse analyser, puisse procéder à l'analyse lui-même. Donc, on pourrait avoir autant ? comment dire? ? une vue d'ensemble qu'une appropriation par le milieu également.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci. Pensant à la ville de Gatineau, j'espère que la ville de Gatineau va avoir les moyens d'embaucher une personne quand la subvention de Villes, villages d'art et patrimoine ne permet plus de financer le poste d'une personne qui s'intéresse au patrimoine, pour démontrer sa volonté d'avoir une politique culturelle et du patrimoine qui a, en la personne de Mme Blouin, une représentante tout à fait compétente.

Dans votre mémoire, vous parlez aussi des ententes multipartites qui ont été signées dans le comté de Portneuf. Je trouve que l'expérience de Portneuf... en tout cas, vous pensez que cette expérience-là est une expérience qui pourrait être également une source d'inspiration de ceux et celles qui veulent protéger, préserver le patrimoine religieux. Et je constate que c'est la MRC de Portneuf, là, donc une institution de nature régionale, qui semble être à l'origine, là, d'une politique conjointe de soutien à la sauvegarde des églises. Alors, pourriez-vous nous en dire un mot? Est-ce que ça, ce serait, par exemple, applicable ici, dans la région, et est-ce que ce pourrait être une façon de faire les choses dans l'ensemble des régions du Québec?

Mme Blouin (Sonia): Pour ce qui est de Gatineau, ce serait applicable. Mais, nous, on veut une entente multipartite, on privilégierait une entente multipartite avec l'ensemble des partenaires, secteur privé et organismes patrimoniaux, conseil régional des élus, parce que la prise en charge du patrimoine ne doit pas être seulement une question municipale, ça doit être une question, disons-le, citoyenne, sociale. Ce serait vraiment avantageux d'avoir, dans les villes du Québec, des ententes comme celles-ci parce que ces ententes prévoient également la mise sur pied de comités qui sont chargés de réfléchir à la sauvegarde du patrimoine religieux, qui sont chargés aussi d'établir des règles à suivre lorsqu'un bâtiment est menacé, lorsqu'une oeuvre est menacée.

Donc, ces ententes-là, outre le fait de prévoir le partage des responsabilités, prévoient toute une réflexion ou, disons, un cadre de réflexion qui nous permet d'encadrer la question de la sauvegarde du patrimoine religieux. Et, moi, ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que c'est une initiative du milieu, c'est une initiative du MCCQ, bien entendu, mais aussi avec le milieu, qui permet à la population, aux intervenants, aux leaders, aux décideurs de prendre en charge le patrimoine. Donc, s'il y a une volonté politique, généralement on réussit par la suite à faire comprendre l'importance du patrimoine.

M. Turp: Et comment arrimer ça avec les fiducies, si des fiducies nationales ou régionales devaient exister?

Mme Blouin (Sonia): Bon, là, je dis ça comme ça, là, je n'ai pas réfléchi à la question profondément, mais peut-être que ces comités pourraient être avec... Parce que, bon, bien entendu, ça comprendrait les diocèses, ça comprendrait le ministère, les municipalités et l'ensemble des autres partenaires. C'est peut-être ces comités-là qui pourraient gérer en partie les fonds qui sont octroyés pour la restauration, l'entretien du patrimoine. Ou ça pourrait simplement aussi être un comité aviseur qui fait ses recommandations à la fiducie en termes de conservation ou d'entretien.

M. Turp: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci pour votre présentation fort intéressante, fort intéressante. Donc, je remercie la ville de Gatineau et particulièrement ses deux représentantes. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que la Société d'histoire de l'Outaouais puisse s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

 

(Reprise à 11 h 58)

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, le temps nous presse. Donc, nous allons continuer nos travaux. Comme dit un de mes collègues, c'est le président aussi qui vous presse. En effet, le temps et le président vous pressent.

Donc, nous sommes à recevoir la Société d'histoire de l'Outaouais. Pendant que vous vous installez, je rappelle brièvement les règles de présentation. Comme vous avez pu le constater depuis le début de la journée, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire. Ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je constate qu'il y a quatre personnes devant nous, donc je vous demanderais au départ de vous identifier et, à la suite de ça, de procéder à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Société d'histoire de l'Outaouais (SHO)

Mme Jean (Sylvie): Mon nom est Sylvie Jean. Je suis membre du conseil d'administration de la Société d'histoire de l'Outaouais.

M. Prévost (Michel): Michel Prévost. Je suis le président de la Société d'histoire de l'Outaouais.

M. Bégin (Richard M.): Richard Bégin. Je suis membre de la Société d'histoire de l'Outaouais mais également le président de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec, et on va vous présenter un mémoire sous peu.

M. Lampron (Régean): Régean Lampron, directeur général du Conseil régional de la culture de l'Outaouais.

Le Président (M. Brodeur): Merci. La parole est à vous.

M. Prévost (Michel): Alors, M. le Président, mesdames messieurs de l'Assemblée nationale du Québec, avant de commencer, j'aimerais remercier le président de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec ainsi que le directeur général du Conseil régional de la culture de l'Outaouais de leur présence. Je pense que ça démontre leur intérêt pour le patrimoine religieux, et le fait de prendre une journée, là, pour être ici, c'est fort apprécié.

Ce n'est pas dans mon mémoire, mais, avant de commencer, si jamais vous allez vers des loteries, j'ai déjà trouvé un titre, loto-miracles, parce que je pense qu'il faut croire aux miracles en pensant devenir millionnaire grâce à la loterie.

n (12 heures) n

Permettez-moi une minute pour présenter la Société d'histoire de l'Outaouais, qui est un organisme à but non lucratif créé en 1992, suite à la fusion de la Société historique de l'ouest du Québec et de l'Institut d'histoire et de recherche sur l'Outaouais. L'organisme oeuvre à mettre en valeur et à diffuser toutes les personnes relevant du patrimoine et de l'histoire de l'Outaouais. Notre société regroupe quelque 150 membres ainsi que plusieurs sociétés d'histoire et organismes du patrimoine qui oeuvrent dans le même domaine que le nôtre. Et je termine en disant que tout ce travail-là se fait bénévolement. Et Mme Blouin parlait tantôt de bénévoles essoufflés, je pense que c'est le terme qu'elle a utilisé, alors je pense que j'en fais partie ainsi que le président de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec, c'est aussi un poste de bénévole.

La Société d'histoire remercie la Commission de la culture de l'Assemblée nationale du Québec d'avoir initié une consultation sur la situation du patrimoine religieux et de recueillir les témoignages des organismes et des personnes préoccupés par cette question. Nous tenions à soumettre un mémoire, car notre société se préoccupe depuis plusieurs années du patrimoine religieux de l'Outaouais. Nous avons d'ailleurs traité de ce patrimoine, dont récemment l'avenir du cimetière anglican St. James. Cet après-midi, on va aller à l'église, mais malheureusement le cimetière ne se situe pas près de l'église, mais, à la période de questions, si ça vous intéresse, c'est un sujet que j'aimerais aborder parce qu'il est très d'actualité. Il y a encore un article dans LeDroit d'aujourd'hui. Et même, il y a deux ans, LeDroit avait trouvé un très beau titre, on disait: Le cimetière St. James se meurt. Et il continue à mourir. C'est une mort lente.

Nous avons aussi remis nos prix orange et citron pour des bâtiments religieux, collaboré à des publications et organisé des visites guidées afin de mettre en valeur notre riche patrimoine religieux. Enfin, le président de la société a siégé au comité d'évaluation des lieux de culte de l'Outaouais. Bref, notre organisme suit de près la situation du patrimoine religieux en Outaouais.

La SHO félicite la commission pour le portrait très réaliste qu'elle brosse dans son document de consultation, document qui était très bien fait. En effet, trop souvent des rapports gouvernementaux tracent un portrait plutôt nuancé des problèmes réels que doit affronter la société québécoise. Ici, ce n'est pas le cas, puisque la commission reconnaît que des églises délaissées par les fidèles ferment, que les communautés religieuses sont vieillissantes et qu'elles quittent leur site ancestral pour des bâtiments mieux adaptés, et que les paroisses aux finances précaires cherchent des fonds pour restaurer les lieux de culte.

L'Outaouais n'échappe pas à cette réalité, comme, par exemple, la transformation de l'église Saint-Rédempteur, tout près d'ici, et du monastère des Rédemptoristes, dans le secteur Aylmer, transformé en résidence pour personnes âgées, la situation précaire du cimetière St. James encore une fois ou la démolition de l'ancien presbytère Notre-Dame-de-la-Paix, dans la Petite-Nation.

Et j'ouvre une parenthèse. Quand on m'a contacté la première fois pour préserver le presbytère de Notre-Dame-de-la-Paix, la première chose que j'ai dite à ces gens-là, c'est: Consultez la municipalité, c'est eux qui peuvent arrêter tout de suite la démolition. Et on m'a dit: Oups! c'est la municipalité qui est propriétaire du presbytère et c'est elle qui veut le démolir. Bref, comme ailleurs, le patrimoine religieux de l'Outaouais se transforme et est menacé.

La SHO remercie également la commission pour son ouverture face à la définition du patrimoine religieux, qui ne se limite pas, comme on le voit souvent dans les médias, aux lieux de culte et particulièrement aux églises catholiques monumentales. Malgré sa faible population, à comparer à d'autres régions du Québec, il s'avère étonnant de voir la diversité religieuse de l'Outaouais. Ainsi, dans certaines petites municipalités anglophones du Pontiac, il n'est pas rare de voir des lieux de culte catholique, anglican, méthodiste et de l'Église unie. En somme, nous souscrivons entièrement à l'approche qui englobe notamment les églises, chapelles, presbytères, couvents, monastères, cimetières, croix de chemin, vitraux, tableaux ? M. Joyal serait content d'entendre ça, là ? vêtements, orgues. Alors, c'est effectivement un élément qu'il ne faut pas oublier.

Nous apprécions également de voir que les archives sont incluses, puisqu'elles sont essentielles pour comprendre l'importance historique et culturelle de la religion dans notre société. De plus, les archives demeurent indispensables au moment de l'évaluation et de la restauration des biens religieux. Ici, je dois quand même vous avouer que j'ai un parti pris pour les archives, pour le patrimoine archivistique, puisque je suis aussi l'archiviste en chef de l'Université d'Ottawa. On a moins élaboré parce que je sais que l'Association des archivistes du Québec va vous soumettre un mémoire où on va élaborer sur le patrimoine archivistique.

Que faut-il conserver? La Commission des biens culturels a évalué à quelque 4 000 les bâtiments culturels et ensembles institutionnels à vocation religieuse ou sociale au Québec. En Outaouais, on pourrait certainement évaluer ce nombre à plusieurs centaines, puisque l'on compte environ 200 lieux de culte seulement, ce qui n'inclut pas les autres ensembles religieux. Bien que l'énoncé suivant peut paraître étonnant pour une société d'histoire dont le mandat est de préserver le patrimoine, la société québécoise ne pourra pas préserver tout son patrimoine religieux. Plusieurs ensembles et lieux de culte vont changer de vocation, parfois avec succès, mais souvent on effacera presque toutes les traces intérieures pour ne conserver que la coquille, comme cela s'est déjà fait pour l'église Saint-Rédempteur, à Gatineau, et, dans votre document, vous citiez d'autres exemples ailleurs au Québec. Enfin, certains bâtiments religieux seront démolis, comme l'ancien presbytère de Notre-Dame-de-la-Paix, là, qui est près de Montebello.

Il faut bien reconnaître que tous les biens mobiliers et immobiliers religieux de l'Outaouais n'ont pas une valeur patrimoniale inestimable et que notre société n'a pas les moyens financiers de tout préserver ou de restaurer. En réalité, nous devons admettre que plusieurs biens religieux de notre région ont été tellement modifiés ou dépouillés au fil des ans qu'ils ont perdu leur valeur patrimoniale. Certes, la valeur symbolique ou sentimentale de ces lieux demeure. Mais, dans une société où il faudra faire des choix difficiles, certains critères pèseront plus lourds que d'autres.

Le Québec a le privilège de posséder plusieurs inventaires de son patrimoine historique et culturel. Il faut construire sur ces acquis et compléter au besoin ces inventaires afin de faire une évaluation sérieuse de l'ensemble du patrimoine religieux. En fait, c'est à partir de ces inventaires qu'il faudra évaluer ce qui devra être préservé, transformé ou démoli.

Nous proposons que l'on utilise comme modèle le programme national d'inventaire des lieux de culte développé par la Fondation du patrimoine religieux du Québec. La fondation a formé, dans chacune des régions du Québec, un comité d'évaluation formé des représentants et d'experts de divers milieux. Alors, je vous disais au début que j'ai siégé à cette commission, mais, dans la salle, il y a des représentants du ministère de la Culture du Québec, Culture et Communications, de l'archidiocèse de Gatineau et aussi un représentant de la Fondation du patrimoine religieux qui ont siégé avec moi à ce comité. Je dois dire que ça a été une expérience exceptionnelle. Les membres ont évalué, à partir d'une grille scientifique, un tableau d'évaluation de chacun des lieux de culte pour les coter selon leur valeur patrimoniale. Pourquoi ne pas étendre cette évaluation pour l'ensemble des biens religieux? À la fin de l'analyse, on pourrait déterminer, par exemple, pour chacune des régions du Québec, que seuls les biens religieux jugés élevés ou exceptionnels seront conservés.

Une fois que l'on aura déterminé ce qui devra être conservé pour les générations à venir, la tâche la plus difficile sera de décider qui en aura la garde et qui paiera pour entretenir ce précieux patrimoine. Nous pensons que cette responsabilité devra être partagée par les divers paliers gouvernementaux, les municipalités, les communautés religieuses et les organismes culturels et du patrimoine.

n (12 h 10) n

Considérant le désengagement de l'État québécois et nos finances publiques précaires, notre organisme rejette l'approche de la France, où le patrimoine religieux est contrôlé par l'État et les communes. Cela dit, il ne faut pas écarter que certains biens religieux classés ou exceptionnels soient administrés par l'État ou les municipalités. Cela devrait néanmoins être l'exception. L'approche britannique nous semble beaucoup plus intéressante. La création d'une fiducie regroupant les divers paliers gouvernementaux, les municipalités, les communautés religieuses, les associations et corporations professionnelles, les campagnes de financement et de legs de la population pourraient être une voie à suivre.

On retrouve d'ailleurs, en Outaouais, un exemple qui pourrait certainement servir de modèle. La chapelle funéraire classée de la célèbre famille des seigneurs de la Petite-Nation, Joseph et Louis-Joseph Papineau, a été cédée par les descendants du chef des Patriotes à la Fondation Héritage Canada qui travaille depuis plus de 30 ans à assurer la conservation des bâtiments patrimoniaux et lieux historiques nationaux. Bien que le propriétaire de ces lieux historiques soit la Fondation Héritage Canada, à ne pas confondre avec Patrimoine canadien, la fondation a confié la gestion à la Société historique Louis-Joseph-Papineau. Cette dernière embauche, je dirais, à l'été, des étudiants pour accueillir les visiteurs et mettre en valeur le site.

Et ici j'ouvre une autre parenthèse. Je suis aussi membre de l'Association québécoise d'interprétation du patrimoine, et, quand ils ont su qu'on avait retenu mon mémoire, on m'a demandé de ne pas oublier d'insister sur le fait de l'importance de l'interprétation ? en fait, c'est le but premier de cette association, l'interprétation du patrimoine historique et naturel ? parce qu'en fait, si on veut que la population se mobilise ou s'intéresse à notre patrimoine religieux, il faut au départ qu'ils le connaissent, et c'est par l'interprétation, en fait, qu'on peut sensibiliser le plus grand nombre de personnes. La ville a parlé de panneaux d'interprétation, c'est un volet, mais, moi, je crois beaucoup à des visites commentées ou guidées d'un lieu patrimonial.

Par ailleurs, il faut regarder ce qui se passe chez nos voisins, en Ontario, avec la Fondation du patrimoine ontarien, qui deviendra sous peu la Fiducie du patrimoine ontarien. Je ne connais pas, en fait, quand on parle des fiducies britanniques, par contre je connais beaucoup mieux ce qui se passe chez nos voisins, à côté. Cette fondation, créée il y a plus de 30 ans, possède déjà plusieurs propriétés patrimoniales et naturelles qu'elle gère et met en valeur. À ce jour, il ne s'agit pas de propriétés religieuses, mais les règles devraient être les mêmes, peu importe qu'il s'agisse de patrimoine religieux ou non.

Bref, les exemples du Royaume-Uni, la chapelle funéraire des Papineau et la Fondation du patrimoine ontarien méritent notre attention. Et il y a un autre exemple aussi qu'on pourrait citer dans la région, c'est à Fort-Coulonge, la paroisse, l'église St-Andrew, en fait, qui est une fondation privée. C'est le fondateur Bryson qui a légué... la famille a légué une somme importante pour entretenir l'église. Et, voyez, déjà ça s'est fait il y a longtemps, les fonds sont venus d'une riche famille de la région et on a pensé à long terme à préserver le bâtiment.

La loi, en fait, de la fabrique, on en a déjà parlé. Alors, comme une étude l'a démontré, il semble que certaines fabriques n'ont pas réalisé l'urgence de préserver notre patrimoine religieux et qu'il y ait des sommes d'argent... et je cite là ? ce n'est pas moi qui dis ça: Des sommes d'argent du gouvernement et de leurs fidèles destinées au patrimoine ont été engouffrées dans l'évangélisation. L'actualité, 1er mai 2005.

Face à ce triste constat, la SHO pense que la Loi sur les fabriques devrait être modifiée afin de permettre à ceux qui investissent de l'argent pour la restauration ou la préservation du patrimoine religieux... puissent siéger au conseil de la fabrique. Ainsi, si le Québec opte pour une fiducie du patrimoine religieux, un représentant devrait avoir son mot à dire pour les décisions de la fabrique afin d'éviter, entre autres, que des sommes soient détournées à d'autres fins. Par ailleurs, les organismes culturels comme le nôtre devraient aussi participer aux débats lorsqu'une fabrique traite de dossiers touchant le patrimoine religieux. On aurait certainement avantage à profiter de notre expertise.

Enfin, dans le mouvement actuel des fusions de paroisses, il faudra modifier la Loi sur les fabriques afin de s'assurer que les lieux de culte ayant une plus grande valeur patrimoniale soient choisis en premier. Une telle décision risque de susciter des vives controverses, de là l'importance d'avoir des représentants des organismes qui donnent des subventions ou des experts du patrimoine afin de bien expliquer ces choix difficiles aux fidèles.

Une loi sur les biens culturels à améliorer. En fait, cette loi devrait être aussi modifiée afin de mieux préserver le patrimoine en général et le patrimoine religieux en particulier, qui occupe plus l'actualité que les autres dossiers patrimoniaux en ce moment à cause du grand nombre de biens religieux et de sa présence symbolique auprès des communautés. Cela dit, la SHO est convaincue qu'il faut regarder le patrimoine religieux comme faisant partie de la grande famille du patrimoine historique architectural, archivistique, et autres. Par exemple, les églises, les presbytères ou les convents sont souvent situés au centre des villages ou des noyaux urbains. Ces bâtiments religieux constituent avec d'autres un ensemble qui marque le paysage urbain et culturel d'une communauté. C'est l'ensemble de ces témoins qu'il faudra alors préserver, et pas seulement les édifices à vocation religieuse. La Loi des biens culturels doit composer avec cette réalité.

En attendant l'adoption d'une politique québécoise du patrimoine, qui tarde tant à venir, la Loi sur les biens culturels devra être modifiée sous peu afin de permettre aux municipalités de citer et ainsi protéger tant l'intérieur que l'extérieur des bâtiments religieux. En ce moment, seul l'extérieur est protégé lorsqu'une municipalité crée un site du patrimoine. Certes, le ministère de la Culture et des Communications peut classer l'intérieur ou certains éléments de l'intérieur des édifices religieux; cette mesure demeure cependant exceptionnelle. Et en ce moment un seul bien religieux jouit du statut de classement ? qui est le plus élevé ? en Outaouais, c'est la chapelle funéraire des Papineau dont on a parlé précédemment. De là l'urgence d'agir afin de modifier cette loi et mieux protéger nos biens religieux.

Tout comme ailleurs au Québec, l'Outaouais possède un patrimoine religieux diversifié et d'une valeur inestimable. Il nous semble toutefois que l'on ne peut plus demander aux paroissiens, de moins en moins nombreux, d'entretenir et de restaurer seuls ce riche patrimoine. De plus, le clergé vieillissant et sans relève n'a plus comme autrefois les moyens financiers de maintenir nos biens religieux. Bref, il faudra faire des choix difficiles, car il est évident que nous ne pourrons pas conserver l'ensemble de notre patrimoine religieux. Les changements de vocation pour les édifices religieux ont déjà commencé, et il faut réagir maintenant. Pour ce faire, le Québec doit envisager la création, avec le partenariat de divers paliers gouvernementaux, des municipalités, des communautés religieuses, des organismes culturels et des donateurs, d'une fiducie du patrimoine englobant l'ensemble du patrimoine religieux à préserver. Il faudra aussi modifier la Loi sur les fabriques et celle sur les biens culturels.

Il importe pour la Société d'histoire de l'Outaouais de sensibiliser la population à l'importance de cet héritage culturel qui appartient à tous ? et ça, c'est un élément important, on l'a déjà soulevé ? sans égard aux pratiques et aux croyances religieuses. L'évaluation scientifique de ce que la société décidera de conserver comme biens religieux s'avère être un défi de taille, et il faudra réévaluer nos façons d'agir. En ça, nous avons tous le devoir d'agir afin de décider quel témoin de notre patrimoine religieux sera préservé. Espérons que la population sera consciente de cette richesse culturelle et qu'elle participera en grand nombre au débat sur l'avenir du patrimoine religieux. Enfin, il faudra plus que des prières pour transmettre le patrimoine religieux le plus significatif aux générations à venir. Merci.

n (12 h 20) n

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci à la Société d'histoire de l'Outaouais, merci à M. Paradis, merci doublement pour nous avoir organisé, cet après-midi, la visite de l'église St. James.

M. Prévost (Michel): J'espère qu'il va faire plus beau.

Le Président (M. Brodeur): On peut passer par en dedans, à ce qu'il paraît.

M. Prévost (Michel): Oui, une grande partie.

Le Président (M. Brodeur): Donc, comme première question ? je mets deux questions dans la même pour permettre à plus de collègues possible d'intervenir ? je veux parler de la Fondation du patrimoine religieux du Québec. Puis je veux aussi parler... Vous avez évoqué la Fondation du patrimoine ontarien, dont nous sommes beaucoup moins familiers que celle du patrimoine religieux, la Fondation du patrimoine religieux québécois. Nous avons entendu certains mémoires, dont un en particulier à Montréal, qui mettait en doute la méthodologie de l'inventaire des biens. Vous avez en quelque sorte émis une opinion contraire à celle-là.

Dans un premier temps, j'aimerais vous entendre un peu plus sur ce détail-là qui est fort important, sur l'inventaire. On en a parlé beaucoup, et on va en parler beaucoup, et sûrement que, dans le rapport qui suivra les travaux de la commission, on s'entretiendra également sur l'inventaire. Et, deuxièmement, étant donné que nous sommes moins familiers avec la Fondation du patrimoine ontarien, pouvez-vous nous expliquer brièvement quel est son fonctionnement, si on le compare à celui du modèle québécois?

M. Prévost (Michel): Alors, effectivement, j'ai lu dans Le Devoir le mémoire, qui était très sévère à l'égard du comité d'évaluation. Et, entre autres, on mettait beaucoup l'accent sur le fait que c'étaient des agents qui avaient fait l'évaluation, et on mettait en doute cette approche-là, alors que finalement l'étape des agents, c'était la première étape. Après ça, on a formé un comité d'experts mais aussi avec les communautés des diverses communautés religieuses de la région.

Alors, moi, je ne peux pas parler pour les autres régions, mais, pour l'Outaouais, par exemple, moi, j'étais là à titre d'historien et d'archiviste, c'était beaucoup plus l'aspect mémoire qui était là. Il y avait un grand spécialiste de l'architecture, M. Villeneuve, des églises. En fait, il est souvent cité, on l'a fait ce matin, il y a des livres qu'il a faits, des études. Et, lui, c'était vraiment concernant l'architecture intérieure, extérieure, les biens religieux. On avait aussi une représentante du ministère de la Culture et des Communications, une représentante en fait qui présidait, de l'archidiocèse d'Ottawa, et aussi, ce qui était intéressant, quelqu'un de la fondation, qui venait de Montréal, mais aussi des représentants. Alors, quand on évaluait les églises catholiques, il y avait des représentants des églises catholiques. Quand c'était anglican, il y avait représentants. Et même il y a des gens qui ont siégé qui étaient tellement intéressés, même si ce n'était pas leur communauté, ils ont siégé à toutes les réunions. Et j'ai une longue expérience dans les comités, et, en fait, même si on s'est rencontrés à plusieurs reprises, tout le monde était présent. Et ce qui n'était pas prévu, à la toute fin, les membres ont même demandé de prendre une journée pour qu'on aille sur des sites, on a fait la tournée des églises et des lieux de culte du Pontiac.

Et, moi, je dois dire que je ne partage pas du tout les critiques. Ça a été fait à partir d'une grille. Il n'y a rien de parfait. Effectivement, par exemple, il y avait une donnée qui donnait une valeur pour l'âge. Ce qu'il y avait avant 1850, si je me rappelle bien, avait un plus, et, nous, on l'a beaucoup critiqué parce que, dans une région nouvelle comme l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue, on est défavorisés avec une grille comme ça. Mais on pouvait la contester et, en fait, on pouvait expliquer pourquoi, nous, en fait, on a mis un plus pour certaines églises, même si elles n'avaient pas l'âge requis. Il y avait une grille, mais ça ne nous a pas paru comme étant quelque chose, si on expliquait bien ? et je pense que ça va être retenu ? la question de l'âge. Juste pour vous dire que ce n'était pas parfait. Mais, moi, je dois dire que c'était bien fait. Et peu importe...

Écoutez, là, il faut être réaliste, quand on va commencer à faire des choix, ça va être très difficile, on ne pourra pas avoir l'unanimité. Mais, avec une grille qui dit: Bon, on a donné tant de points pour tel, tel, tel aspect, je pense que c'est valable. Mais je reconnais que les communautés qui vont être défavorisées vont dire: Bien, cette grille-là, nous, on n'y croit pas, il y avait des failles, on n'est pas d'accord. Par contre, ceux qui vont être favorisés vont dire: Bien, oui, c'est une excellente grille, on vous appuie à 100 %. Ça fait partie de la réalité.

En ce qui a trait à la Fondation du patrimoine ontarien, ce qu'il faut savoir, l'Ontario vient d'adopter une nouvelle loi sur le patrimoine, le patrimoine ontarien. C'est une loi qui n'avait pas été modifiée depuis 30 ans, et là, pour la première fois, il y a une ministre de la Culture franco-ontarienne mais qui est originaire du Québec qui est la ministre de la Culture, et c'est elle qui a piloté cette loi-là. Et on reconnaît en fait l'importance d'une fiducie, et la loi va modifier: on passe de fondation pour fiducie. Elle a une trentaine d'années et elle a déjà commencé à acquérir des propriétés grâce, entre autres, à des dons, beaucoup de legs aussi. Alors, ce qui est intéressant, on n'attend même pas votre mort pour aller solliciter des sous, on fait de la publicité, on a des publications et on dit aux gens: Pensez, votre testament, c'est important, pourquoi est-ce que vous ne légueriez pas une partie de votre argent... Bon, moi, malheureusement, j'oeuvre dans le secteur du patrimoine, c'est certain que je n'ai pas, comme M. Joyal, accumulé une fortune personnelle. Mais, si jamais je gagne à la loto-miracles, je vous fais la promesse que je vais contribuer à une fiducie. Mais on sait que, bon, en Ontario, c'est une société qui est quand même très riche, on va chercher des legs importants, des dons.

Mais aussi ce qui est intéressant, même si la fondation est basée à Toronto, on travaille avec la communauté. Et je vous donne un exemple qui... En fait, on dit toujours: Pointe-Fortune, qui est au Québec, mais c'est la maison Macdonell-Williamson, qui est à la frontière du Québec, en fait en Montérégie, là, à Pointe-Fortune, près de Rigaud, la maison est vraiment à la frontière. Et, même si c'est en Ontario, c'est Hydro-Québec qui a exproprié cette maison-là pour la construction du barrage de Carillon, dans le début des années soixante. Cette propriété-là appartient à la fondation, mais on ne s'en occupait pas beaucoup. Et il y a des gens de la communauté, des gens du Québec, de l'Ontario, des anglophones, des francophones qui ont créé Les Amis de la maison Macdonell-Williamson et ils sont allés chercher de l'argent pour commencer à financer la restauration de la maison. Ils organisent des fins de semaine du patrimoine. Et, quand la fondation, à Toronto, a vu qu'il y avait un groupe qui s'était pris en main et qu'on avait commencé à ramasser de l'argent, c'est là qu'elle a commencé à investir des dizaines de milliers de dollars pour la restauration. Je sais qu'on fait la même chose à Perth, on fait la même chose à Brockville. Et je pense que c'est ça qui est intéressant, le fait qu'on s'associe avec les gens du milieu. Parce que, si on centralise tout à Toronto, bien ça va peut-être être visible dans la région de Toronto, mais ailleurs, en province, ça va être finalement l'indifférence.

Et, en fait, on peut penser que l'argent aussi va être gardé dans les grandes villes. Et souvent, en fait, les bâtiments les plus menacés ne se trouvent pas dans les grands centres urbains, mais se trouvent dans les campagnes. Et, pour le patrimoine religieux, je pense que c'est un très, très bel exemple. Ici, on a des petites églises. Par exemple, je pense à Chapeau, qui est un véritable bijou. En fait, c'est la seule église de l'Outaouais qui a gardé sa chaire et son abat-voix sur son lieu d'origine. Mais il faut expliquer pourquoi: on pensait que cette église-là deviendrait une cathédrale. Parce que c'est quelque chose qui ne s'est pas...

n (12 h 30) n

En 1963, lorsqu'on a divisé le grand diocèse d'Ottawa, en fait... Parce qu'auparavant ça relevait du diocèse d'Ottawa, tout l'Outaouais. Il y a une région, la région du Pontiac, qui, même encore aujourd'hui, relève de Pembroke. Alors, les décisions qui touchent le patrimoine religieux relèvent finalement du diocèse de Pembroke, qui est en Ontario. Alors, vous avez ce petit village là de Chapeau qui a presque une cathédrale, et il n'y a plus de monde. Comment voulez-vous qu'on puisse entretenir ce patrimoine-là? Et on a la même chose dans la Petite-Nation. Je pense aux églises de Chénéville, de Saint-André-Avellin, de Papineauville, de Montebello, des vrais trésors, mais avec une population qui ne peut plus manifestement, en fait, entretenir, restaurer.

Et c'est le fait du hasard, mais vous savez que, cette semaine, Hydro-Québec a fait l'actualité en disant que finalement on abolit les tarifs préférentiels pour le chauffage des églises. Mais, moi, je pense que, cet hiver, là, la priorité des églises, ce ne sera pas le patrimoine, de restaurer le patrimoine, ça va être seulement de chauffer, ça va être leur priorité, et ça, je pense qu'il faut en tenir compte. Et, je me dis, quelle ironie, on reçoit la commission culturelle de l'Assemblée nationale qui se penche sur l'avenir du patrimoine religieux et en même temps Hydro-Québec vient finalement de lancer cette tuile auprès des églises et des lieux de culte. On aurait pu se passer de cette manchette cette semaine. Je sais bien que ce n'est pas votre faute, là, mais...

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui. Merci beaucoup pour votre mémoire et la représentation grande de la société. J'ai deux questions. La première, bon, sur la loi de la... vous demandez des modifications à la Loi sur les biens culturels, qui devrait être modifiée. Particulièrement, vous dites, à la page 7: «...protéger tant l'intérieur que l'extérieur des bâtiments religieux. En ce moment, seul l'extérieur est protégé.» Donc, ma première question, c'est: Qu'est-ce que vous entendez par «intérieur»? Dans les mots, c'est ça...

M. Prévost (Michel): Oui, oui, d'accord. Bien, dans...

Mme Léger: Je vais vous donner tout de suite la deuxième, parce que ça va permettre...

M. Prévost (Michel): Ah, d'accord.

Mme Léger: La deuxième, c'est sur la fiducie telle quelle. Bon, il s'est dit quand même... dans les mémoires précédents, il y a des gens qui proposent une fiducie, d'autres pas du tout. Il y a des nuances entre les deux, entre les deux pôles. Le mot «fiducie», ça peut être autre chose que fiducie parce qu'une fiducie c'est aussi... il y a des règlements qui engendrent une fiducie, ça peut être différent qu'une fiducie. Qui en serait le gestionnaire? Est-ce qu'il y aurait un gestionnaire principal? Comment vous voyez les liens avec l'État? Est-ce que c'est une... Est-ce qu'il y a des liens de décision? Est-ce que ça peut être des recommandations? Bon.

C'est quand même le patrimoine national ou régional du Québec, personne n'en est vraiment responsable. Est-ce que la responsabilité de l'Église, de l'État et des citoyens serait dévolue dans une fiducie? Parce que c'est ça, la question principale, par rapport à une fiducie, en tout cas les inquiétudes par rapport à une fiducie. Est-ce qu'il y a une responsabilité partagée dans ça ou c'est la fiducie qui règle le sort de tout le patrimoine religieux du Québec? Alors, voilà mes deux questions.

Puis il y a peut-être aussi le fait de... Vous avez expliqué, à la fin, vous faites votre conclusion en disant que «la Société d'histoire de l'Outaouais [peut] sensibiliser la population à l'importance de cet héritage culturel». Je pense que la Société d'histoire a un apport absolument important de toute cette dimension d'héritage culturel qui, on le voit au fil des années... il y a un manquement quelque part, là. Alors, il y a des solutions soit éducatives ou soit vraiment historiques qu'on peut apporter. Mais en tout cas c'est un apport peut-être qu'il ne faut pas sous-estimer, ce que vous pouvez apporter.

M. Prévost (Michel): D'accord, je vous donnerai un exemple. L'intérieur. Bien, je pense que le meilleur exemple, ça peut être l'église de Chapeau, qui a gardé toute son intégrité depuis sa construction, et y compris sa chaire, son abat-voix, il y a son orgue, là, c'est des boiseries exceptionnelles, des vitraux. Alors, on peut penser que, cette église-là, c'est l'ensemble qui devrait être protégé. Vous savez comme moi que beaucoup d'églises ont été modifiées. Je vous dis qu'il y en a une seule qui a gardé sa chaire, pour les églises catholiques, pour tout l'Outaouais, imaginez-vous. Et, du côté de l'Ontario, ce n'est pas mieux, c'est l'église de Rockland qui... il y en a une seule aussi, et on a modifié les balustrades, on a modifié énormément.

Sauf que certaines églises ont quand même gardé leurs orgues, ont des tableaux, ont des objets. En fait, à ce moment-là, ce n'est pas nécessairement l'ensemble qui doit être protégé, parce qu'il a été trop modifié, mais ça peut être des biens spécifiques. Moi, je pense que les églises qui ont des orgues Casavant, par exemple, bien les orgues devraient être protégées. Les gens qui ont des Bourgeau, en fait le sculpteur, elles devraient être gardées. Les gens qui ont des Jobin, il n'y en a pas beaucoup, mais, ceux qui en ont, elles devraient être préservées. Les vitraux aussi.

Ça va très loin. On ne pense jamais aux vêtements sacerdotaux; c'est une valeur exceptionnelle. Et je vous donne un exemple. On a dit tantôt que c'est une région assez particulière, mais, jusqu'en 1963, c'est le même archidiocèse. Et parfois il faut presque croire aux miracles. Dans la plus vieille paroisse francophone du diocèse d'Ottawa, du côté ontarien, comme on célébrait un anniversaire, l'archevêque avait demandé de préparer une exposition, et il n'y avait pas grand-chose. Et là le sacristain conservait les trésors de l'église depuis 20 ans. Le curé avait demandé à son sacristain de jeter ces choses-là et il avait dit: N'écris pas ça nulle part ? l'importance des archives. Et, entre autres, vous devriez voir la qualité des vêtements. On a même gardé les dais, là, quand on faisait les processions. Mais ça aussi, ça fait partie de notre patrimoine religieux.

Mme Léger: ...un banc d'église et un orgue, ou entre des vitraux, ou des vêtements, ou des oeuvres, il y a quand même... L'intérieur, c'est immense, là.

M. Prévost (Michel): Oui, oui, exactement, puis ça comprend bien, bien des choses. Alors, je ne parlais pas qu'en fait de l'immobilier, ça comprend aussi beaucoup le mobilier. Et cette particularité, là, de la citation, ça ne s'applique pas juste pour le patrimoine religieux. On peut citer une très belle... la municipalité peut citer une très belle maison, l'intérieur peut être intact, mais elle ne sera pas protégée. Et ça, c'est une grande lacune.

La fiducie. Bien, si on regarde notre mémoire, je sais que certains vous ont dit que même les communautés religieuses devraient se retirer. Nous, on pense que c'est un ensemble, que le succès de cette fiducie-là, ça va être avec l'apport naturellement de l'État, des municipalités, des communautés religieuses, de l'archidiocèse mais aussi des sociétés d'histoire et naturellement des fiduciaires. Idéalement, là, ça aurait été très facile de dire: C'est l'État québécois qui devrait s'occuper de ça, et les municipalités. Ça aurait été très facile de dire ça. Mais il faut être réaliste. Moi, je pense que, dans le contexte actuel, il faut être très réaliste.

Puis encore l'actualité, aujourd'hui, on le sait que... Bon, on avait même annoncé des baisses d'impôt. L'État n'a pas les moyens en ce moment de le faire; c'est ce qu'on a annoncé. Et c'est une réalité avec laquelle on doit composer. Alors, je ne pense pas, moi, que l'État va prendre possession de tous nos trésors et de tous nos biens religieux. Et c'est pourquoi l'idée de fiducies, avec certainement l'aide de l'État... On ne dit pas non plus que l'État doit se retirer complètement. Et je pense aussi qu'il devrait y avoir des exceptions. Certaines églises en fait qui ont une importance nationale, certains cimetières où reposent nos anciens premiers ministres par exemple, ce n'est qu'un exemple, mais, à ce moment-là, l'État pourrait certainement intervenir. Mais ce devrait être l'exception et non la règle. Si je regarde du côté de l'Ontario, ça semble assez bien fonctionner, mais on n'en est pas encore rendu à l'étape des bâtiments religieux. Mais, pour les bâtiments civils, on peut dire que ça fonctionne bien.

Et votre dernière question, qui naturellement est la plus intéressante pour moi, je pense effectivement que les sociétés d'histoire, les organismes du patrimoine ont un rôle de sensibilisation très, très grand à faire dans la société. Et on pourrait élaborer longtemps là-dessus, mais je vous donne un exemple. Je suis certain qu'à la commission vous avez envoyé des communiqués à tous les médias, et il n'y a pas eu grand réactions. Cette semaine, après mon travail, j'ai pris le temps d'envoyer un résumé de mon mémoire aux médias. Le téléphoné a sonné à 6 h 45, ce matin. Je sortais de ma douche. Alors, la dame a dit: Je ne vous réveille pas, toujours? Je lui ai dit: Non, mais vous m'avez pris presque tout nu. Et c'est à CJRC. Et, à ce moment-là, on sait qu'il y a une grande audience d'écoute, j'ai pu parler pendant une quinzaine de minutes de la venue de la commission ici, à Gatineau, de l'importance du patrimoine religieux.

On l'a dit tantôt, si vous regardez LeDroit, il y a un résumé de mon mémoire, mais il y a aussi un article, il y a eu un article hier, j'ai fait une entrevue avec le journaliste qui était ici, ce matin. Je lui ai aussi dit qu'il y a des gens du cimetière de St. James qui étaient prêts à parler. Il y a un communiqué, il y a un article aussi dans LeDroit d'aujourd'hui. On a un rôle important. Le problème, c'est qu'on est peu. Et j'ai bien dit tantôt que c'étaient des bénévoles, alors souvent ça repose sur la bonne volonté et du temps que les gens sont prêts à mettre.

n (12 h 40) n

Mais c'est nous qui connaissons bien le milieu et qui souvent... On n'a pas de sous, là, ça, je ne vous le cache pas. Ce n'est pas à la Société d'histoire de l'Outaouais qu'on peut demander à contribuer à la fiducie, mais, je pense ? et je l'ai déjà démontré, je pense ? en siégeant sur le comité d'évaluation, là, qu'on peut donner du temps et on peut donner notre expertise. Ou des fois, si on n'a pas la réponse par contre, on sait qu'il y a des publications, on sait où sont les centres d'archives. Et ce qui est extraordinaire aussi, au fil du temps, c'est qu'on développe un réseau extraordinaire, et c'est à ce moment-là aussi qu'on peut certainement aider.

Mais laissez-moi vous dire que dans des cas, c'est difficile. Comme Notre-Dame-de-la-Paix, là, quand c'est la municipalité qui est propriétaire et c'est elle qui veut démolir parce qu'on veut un mégacentre municipal. Et Notre-Dame-de-la-Paix avait perdu son église, l'église a brûlé au même moment où on voulait démolir le presbytère. Si vous allez maintenant à Notre-Dame-de-la-Paix, il n'y a plus aucun témoin du patrimoine religieux dans ce village-là. C'est un exemple très malheureux, mais il ne faudrait pas que ça se reproduise, que, dans 10, 20 ou 25 ans, on va se retrouver avec des villages, des communautés où on va avoir rasé comme ça toutes les traces de notre mémoire.

Et là je termine là-dessus, à l'époque j'avais communiqué quand même avec le directeur du ministère de la Culture et des Communications pour voir s'il ne pouvait pas intervenir, et la première chose qu'il m'a dite: Est-ce que ça a une valeur nationale? Je lui dis: Non, mais ça a une valeur locale et régionale très, très importante. Et en ce moment le ministère de la Culture n'a pas les ressources et les moyens financiers finalement pour intervenir souvent dans les dossiers qui n'ont qu'une valeur régionale et locale. Mais, en Outaouais, là, on ne peut pas avoir... et c'est partout, dans toutes les régions, tous les monuments ne peuvent pas avoir une importance nationale. Mais ça ne veut pas dire que, pour nous, ce n'est pas important. Il y a des gens, à Notre-Dame-de-la-Paix, qui se sont battus pour préserver leur presbytère, ils avaient même un projet de centre culturel, centre touristique, et c'est vraiment le niveau politique, au niveau municipal qu'on a bloqué le projet.

Ce n'est pas facile ? on a parlé tantôt de bénévoles essoufflés ? mais, moi, je pense que ça vaut la peine. Il y a un dossier ici, dans la région, qui a occupé énormément l'actualité: on voulait modifier la cathédrale Notre-Dame d'Ottawa, entre autres on voulait démembrer le maître-autel de Louis-Philippe Hébert, qui est le plus grand sculpteur du XIXe siècle. Et ça, ce n'est pas encore public, là, mais Mgr Gervais, l'archevêque d'Ottawa, va annoncer, dimanche, qu'il renonce à ce projet-là parce que la communauté a réagi. On a envoyé des... On a fait imprimer des milliers de cartes postales, il y a eu des lettres ouvertes, les gens ont manifesté leur intérêt pour le patrimoine, la préservation du patrimoine religieux. Ça fonctionne. Mais, s'il y avait eu une seule personne, dire: Bon, le président de la Société d'histoire de l'Outaouais s'oppose, ça n'aurait sans doute pas marché. Mais, nous, on peut être là pour coordonner, sensibiliser. Et je pense que vous avez très... en fait, je vous approuve à 100 %, effectivement on a un rôle important à jouer.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Oui, merci. Moi, d'abord, je dois vous dire que je trouve que votre contribution est formidable, exceptionnelle. On sent la profondeur, là, évidemment de votre expérience mais aussi la clarté de votre propos. Et ça, c'est très, très instructif, en tout cas pour ma part. Puis je suis sûre que c'est partagé par mes collègues, là. C'est très, très, très intéressant.

Vous avez dit, en tout introduction, là, que vous aimeriez nous entretenir davantage sur le cimetière St. James, puis là vous l'avez abordé, tout à l'heure, juste un petit peu, rapidement. Est-ce que vous avez un complément d'information?

M. Prévost (Michel): Oui, parce que c'est un parfait exemple. C'est St. James, mais c'est ailleurs aussi, dans les petites communautés, particulièrement anglicanes, presbytériennes. Et, cet après-midi, je vais vous parler de l'importance de l'église, là, mais seulement que le cimetière, c'est le plus ancien cimetière de toute la région, en fait, d'Ottawa-Gatineau. Et au départ c'était la paroisse pour les deux côtés de la rivière, la paroisse anglicane. Donc, les pionniers sont enterrés là. Par exemple, la famille Wright, qui est la famille fondatrice de Hull et de l'Outaouais, Philemon Wright, Abigail Wyman, sa femme, ses enfants sont enterrés là. La promenade Sparks, ça vous dit peut-être quelque chose, c'est une des promenades les plus connues, Nicholas Sparks est enterré là. Le premier maire d'Ottawa, qui avait marié une petite fille de Philemon Wright, est enterré là. Bref, c'est vraiment un lieu historique, en fait, je dirais, moi. Là, c'est un exemple que l'importance dépasse la région parce que Philemon Wright a été reconnu comme personnage d'importance nationale.

Pendant le XIXe siècle, une grande partie du XXe siècle, ça fonctionnait bien. Aujourd'hui, cette communauté-là, on nous dit qu'il y a une dizaine de personnes qui vont à la messe le dimanche. On a un comité d'administration pour le cimetière, qui est inactif; les gens ont même l'impression qu'il est fermé. C'est sur le bord d'une rue très passante, mais il n'y a aucune pancarte qui vous dit que c'est le cimetière St. James. Alors, vous n'irez jamais vous faire enterrer là si vous pensez que le lieu est fermé ou va être abandonné sous peu. On nous dit, là, qu'il y a une réserve actuellement, mais que, dans cinq ans, la réserve va être épuisée, c'est-à-dire qu'on va être en état de faillite, là. Et, aujourd'hui, il y a même, dans LeDroit, un administrateur qui dit que l'Église anglicane... l'évêque anglican ne laissera jamais tomber le cimetière. Sauf qu'il y a une réalité, c'est très peu entretenu en ce moment.

Si vous comparez avec l'autre cimetière, Beachwood, juste de l'autre côté de la rivière, où c'est même devenu un jardin botanique, on plante des fleurs partout, on accueille des gens de toutes les communautés, ce n'est plus nécessaire d'être anglican pour être enterré là, il y a beaucoup de francophones, même, qui s'y font enterrer, on a un columbarium, à St. James, vous n'avez rien, rien de ça. Effectivement, c'est un jeu de mots, mais on a vraiment... on voit un cimetière qui se meure et qui est un lieu historique. Et là c'est une réalité, on ne parle pas... Souvent, on évoque qu'il faut réagir d'ici 10 ans, mais, dans St. James, il faut réagir dans les prochaines années.

Il y a eu un appel à tous, ça a été dans les médias. Le Citizen a fait un grand article, LeDroit. Il y a 80 personnes qui sont venues à l'église. Ils ont dit: Oui, oui, c'est important de préserver le patrimoine. Quand on a voulu former un petit comité de travail, bien là ça s'est beaucoup réduit. Et, quand c'est venu le temps de gens qui étaient prêts à travailler pour réaliser des choses, bien là la personne qui était là depuis sept ans, un autre bénévole épuisé, lui, il a quitté parce que, là, il a dit: Je vois qu'il n'y a aucune volonté. Alors, on vous donne deux versions, là, la version officielle qui nous dit qu'il y a une volonté, mais les gens qui travaillent, cette personne-là en particulier ? c'est dans LeDroit d'aujourd'hui ? c'est M. Robert Bigras, il dit bien que lui ne sent pas de volonté et il est très inquiet. Il faudra peut-être regarder certains cimetières. Il y a un cas particulier en Outaouais, je pense à Papineauville, c'est un cimetière anglican aussi qui a été cité par la municipalité, et je me demande, là, si ce n'est pas la municipalité qui l'entretient. Mais ça, c'est un cas probant, là.

Et, avec le comité d'évaluation, là, on est allés dans le Pontiac. Et vous savez qu'il y a certaines petites communautés religieuses non catholiques qui ont trouvé une façon de préserver leur église, toujours en fonction... On l'ouvre une fois par année, durant l'été, où il y a une cérémonie souvent dans l'église ou au cimetière, les gens reviennent. Et c'est comme ça qu'on a sauvé pour le moment ces petites églises là, mais pour combien de temps?

Alors, quand on vous dit, là, en fait: Il faut réagir, bon, c'est sûr qu'il ne faut pas... c'est tellement important, il ne faut pas prendre une décision demain, là. Mais, nous, on est tellement heureux que l'Assemblée nationale ait décidé de se pencher là-dessus. Et j'ai fait un petit commentaire, dans mon mémoire, en disant: Bien, c'est dommage que ce soit l'été parce que les bénévoles sont pas mal... sont inactifs. Mais je vois que quand même vous avez reçu beaucoup de mémoires et qu'enfin il y a une commission qui se penche sur ce problème-là au niveau national.

Parce que souvent vous lisez l'actualité ? je ne parle pas de la revue, là, je parle de... ? il n'y a presque pas une semaine où il n'y a pas un dossier du patrimoine religieux, et on agit à la pièce. Et là ce qui est extraordinaire, avec votre commission, c'est que vous recevez des opinions de tout le monde, on ne parle pas juste des églises, de l'ensemble du patrimoine religieux, et, pour la première fois, là, on va avoir une vue d'ensemble. Et en tout cas on a bien, bien hâte de voir vos recommandations. Et espérons qu'il va y avoir une bonne diffusion aussi. Et soyez assurés que je vais être un porte-parole pour diffuser votre message. Et là je tiens presque pour acquis que ça va être un message positif. Mais je le sais, que ce ne sera pas facile. Et, je vous l'ai dit au début, peu importent les décisions qui vont être prises, je ne pense pas qu'on va pouvoir avoir l'unanimité. Ça, c'est une réalité, il va falloir composer avec ça.

n (12 h 50) n

Mme Legault: Un complément d'information.

Le Président (M. Brodeur): Courte question, courte réponse avant de passer à une question du député de Mercier.

Mme Legault: Oui. Merci. Vous nous avez exposé ici la situation de deux cimetières quasiment voisins, un qui se meurt puis un qui est florissant. Quelles sont les décisions qui ont été prises qui ont conduit... Comment ça s'est... Qu'est-ce qui s'est fait? Comment ils ont réagi?

M. Prévost (Michel): Bien, de l'autre côté, la communauté anglophone est beaucoup plus dynamique. Ici, les anglophones, bon, c'est vieillissant aussi, mais ils ont quitté. Je vous rappelle que Hull a été majoritairement anglophone jusqu'en 1856. La religion d'État, au XIXe siècle, même au Bas-Canada, au Québec, c'était la religion anglicane, c'était la religion la plus puissante. Je vais revenir là-dessus lors de notre visite, cet après-midi, mais c'est que c'est une communauté au sens... qui se meurt, qui sont de moins en moins nombreux, et les bénévoles, ils ne sont plus là.

À Beachwood, là, ils vendent des terrains, et ça vaut très cher. On a un columbarium, ce n'est pas... En fait, il faut avoir les moyens pour se faire enterrer, incinérer dans le cimetière Beachwood. Mais c'est aussi une question de nombre. Ici, là, notre cimetière catholique, là, Notre-Dame, il n'est pas en danger, où sont enterrés... Et j'écoutais, même, c'était ironique, parce que, juste avant mon entrevue, ce matin, il y avait une publicité de la corporation pour inciter les gens à se faire enterrer chez eux. Jamais vous n'allez entendre une petite publicité disant: Venez vous faire enterrer à St. James. C'est ça, la réalité, là.

Mme Legault: Ce que j'avais peut-être manqué, je ne savais pas si Beachwood, c'était aussi anglican.

M. Prévost (Michel): Oui, oui, c'est anglican, mais...

Mme Legault: Alors, voici une communauté qui manifestement réagit différemment aussi, puis là c'est la vitalité de sa communauté pratiquante qui fait la différence.

M. Prévost (Michel): Oui, c'est ça, qui est beaucoup plus forte.

Mme Jean (Sylvie): C'est devenu un cimetière jardin aussi.

M. Prévost (Michel): Et qui est un site historique national, reconnu par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Mais ça, si on en faisait la demande, je pense qu'aussi St. James pourrait être reconnu site historique national. Nous, on serait prêts à le faire, mais, si la communauté n'est pas prête à le faire avec nous, nous, on n'est pas là pour... On est toujours là pour accompagner mais pas aller contre la volonté d'une communauté religieuse.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, merci de faire rayonner notre commission, là, par votre article du Droit, ce matin. Ça compte, ça, hein? Comme à Montréal, par exemple, M. Marsan et Raymonde Gauthier avaient fait connaître les travaux de notre commission à Montréal, vous le faites, ce matin, en publiant votre article dans LeDroit. Puis ça va donc sensibiliser les gens de Gatineau et de la région, là, à nos travaux, et ça fait partie de notre mandat de le faire. Et je pense qu'on doit vous dire merci d'avoir fait cela puis d'avoir aussi fait une entrevue tout nu, ce matin, donc qui va faire en...

M. Prévost (Michel): Ce n'était pas un téléphone cellulaire où on peut voir les gens.

M. Turp: ... ? ah non? ah non, je l'espère, je l'espère pour vous ? et ce qui va faire en sorte qu'on lira sur les travaux de la commission demain aussi, je l'imagine, puis on citera vos propos. Vous avez aussi raison de souligner, là, qu'il est temps qu'on crée un cadre et une politique, peut-être une loi pour qu'on arrête d'agir à la pièce.

Moi, je peux vous dire, dans ma circonscription de Mercier, là, il y a une grande bataille, là, pour sauver le monastère des Carmélites, une grande bataille, là, et une bataille terrible contre un promoteur qui veut transformer ce monastère en condominiums, y compris le jardin. Il est venu nous voir, la semaine dernière, à la commission, puis il est venu nous dire: Oui, mais c'est parce qu'il n'y a pas de politique, puis on ne classe pas, puis on prend du temps puis... alors donc, là, ne me condamnez pas pour vouloir saisir l'occasion, puis acheter un beau monastère, puis transformer ça en beaux condos, en maisons de ville que je vais vendre 500 000 $ chacune, et au dépens d'un bel espace où il y a du bâti. Mais il y a aussi un beau jardin cloîtré, là, qui pourrait aussi être accessible à la communauté si cet espace avait une vocation communautaire et publique.

Et on a un exemple ? et il y en a bien d'autres ? où donc les citoyens ont dû agir à la pièce et se battre. Et ça se multiplie, puis ça va continuer à se multiplier ainsi, les batailles, si on ne se donne pas un cadre plus global dans lequel à la fois ceux qui veulent recycler le patrimoine qu'on voudra peut-être protéger vont pouvoir se fier et les citoyens, les autorités religieuses, les municipalités et l'État pourront agir.

Mais j'ai deux... Je veux aussi constater, je pense, pour les fins de nos travaux, que vos vues sur la Loi sur les fabriques et les amendements qui devraient lui être apportés et, dans une certaine mesure, sur les changements apportés à la Loi sur les biens culturels coïncident avec celles de la ville de Gatineau, qu'on a entendue ce matin. En tout cas, dans la région, ici, il y a des idées partagées sur la façon dont ces lois à portée nationale devraient être modifiées, et je pense qu'on devra en tenir compte, comme commission.

Alors, mes deux questions sont les suivantes. Dites-nous pourquoi l'exemple de la chapelle funéraire Papineau, que j'ai d'ailleurs visitée, cet été, avec grand intérêt, j'ai trouvé ça intéressant... J'étais curieux aussi, Patrimoine Canada, ce n'est pas «Patrimoine canadien», donc c'est plutôt une organisation de la société civile, si j'ai bien compris. Dites-nous pourquoi c'est un exemple. J'aimerais savoir. Vous la citez en exemple de ce que nous pourrions faire.

Puis la deuxième question, je vous la pose, mais vous ne l'avez pas évoquée puis on ne l'a pas évoquée ici, ce matin, mais la semaine dernière, à Montréal, quelqu'un nous a suggéré de faire un moratoire sur la construction d'édifices publics pour que l'on tienne compte de l'existence de biens patrimoniaux qui pourraient être utilisés par l'État plutôt que de voir l'État construire de nouveaux bâtiments. Est-ce que vous avez déjà songé à cette solution du moratoire et l'idée que l'État, plutôt que de construire un nouveau bâtiment, occupe un bâtiment patrimonial, y compris un bâtiment religieux, plutôt que d'investir dans du nouveau béton ou... Alors donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Prévost (Michel): Je vais peut-être aussi demander à mes deux collègues s'ils voudraient réagir sur cette question-là et après je répondrai.

M. Bégin (Richard M.): Bien, en tant que président de la fédération, je peux vous dire que c'est un sujet qu'on a abordé. Je ne peux pas vous dévoiler, à ce moment-ci, le contenu de notre mémoire final, mais c'est certain que, dans certains cas particuliers qui ont fait l'objet de débats à l'échelle du Québec dans les derniers mois, on aurait souhaité, nous aussi, que l'État considère la possibilité d'utiliser des édifices existants, des édifices patrimoniaux existants, au lieu d'en construire des nouveaux et continuer de mettre en péril ces édifices religieux là. Entre autres choses, je peux faire référence peut-être à l'idée de construire ? voyons, le nom m'échappe, là ? sur le Mont-Royal...

M. Turp: Le mausolée, là?

M. Bégin (Richard M.): ...le mausolée, le fameux mausolée. Nous, on a proposé à l'époque de peut-être considérer l'utilisation d'édifices religieux existants au lieu d'essayer de les convertir vainement en condos, en sachant les résultats pitoyables que ça peut donner. Alors, c'est tout à fait dans notre ligne de pensée.

M. Prévost (Michel): En fait, c'est une excellente idée. Mais, moi, j'irais encore plus loin, je ne parlerais pas seulement du gouvernement. L'ancien maire Bourque, par exemple, avait évoqué, là, lors de la fusion, que les hôtels de ville deviennent des lieux, là, les centres des... deviennent des centres municipaux. Alors, c'était intéressant.

Mais, je dirais aussi, il y a quelque chose que j'ai beaucoup de difficultés à croire... à comprendre, c'est même les communautés religieuses actuelles, au Québec, qui sont déjà dans des bâtiments patrimoniaux, qui quittent pour aller construire à coup de millions de nouveaux bâtiments. On peut penser à Oka, par exemple, les Pères trappistes qui veulent aller construire à Saint-Jean-de-Matha. Puis il y a avait votre cas, là. Mais finalement on ne construira pas à Lanaudière.

Mais ma première réaction, c'est de dire: Il y a tellement de bâtiments religieux qui se vident, pourquoi aller en construire de nouveaux aujourd'hui? Et ça, effectivement, ce serait très intéressant que l'État regarde ça. Ou, si, un jour, ces communautés-là approchent l'État pour dire: Bon, bien, on a financé 50 %, on aimerait que l'État finance 50 %, peut-être de rappeler à ces communautés-là que c'est peut-être plus important, si leur monastère est trop grand, d'aller choisir un autre lieu religieux qui soit plus petit.

n (13 heures) n

Mais il semble ? et je peux me tromper ? que même il y a un vent de modernisme même auprès de communautés religieuses, qui veulent avoir du neuf, qui est souvent associé à beau, et vieux qui... Bon. Mais c'est certain qu'il n'y a pas les mêmes commodités, là. Si on veut une immense salle de bain avec jacuzzi, et tout ça... Il n'y avait pas ça dans les anciens monastères et presbytères, j'en suis bien d'accord. Mais effectivement c'est une excellente réflexion. Et penchez-vous là-dessus, c'est intéressant.

Concernant l'exemple de la... La Fondation Héritage Canada, c'est vraiment une fondation fiducie, là. Elle ramasse l'argent. On paie une cotisation pour être membre. Le siège social est à Ottawa. Et je dois dire aussi que c'est beaucoup anglophone. C'est ça, l'intérêt, ils ont confié l'administration, ils ont confié finalement à la Société historique Louis-Joseph-Papineau le mandat de la protéger et de la mettre en valeur.

Par exemple, cet été, c'était le 150e anniversaire de la bénédiction... Même si Louis-Joseph Papineau n'était pas reconnu pour être un fervent religieux, il avait accepté à ce que sa chapelle soit consacrée par Mgr Guigues, le premier évêque de Bytown. Et c'est la Société historique qui a organisé le lancement, cet été. C'est elle qui embauche deux étudiants pour la mettre en valeur ? on a parlé, là, tantôt, de l'importance de l'interprétation. Et, comme maintenant le manoir est administré par Parcs Canada, il y a beaucoup de visiteurs, il y a beaucoup de gens qui sont à l'hôtel. Alors, pendant l'été, ils ont beaucoup, beaucoup de visiteurs. Si ce n'était que la Fondation Héritage, elle, je pense qu'elle s'occuperait de bien maintenir le bâtiment, mais je ne pense pas que c'est la fondation qui aurait des guides pour ouvrir durant l'été.

Alors, je trouve que c'est très intéressant parce que, dans chacune des régions, si on confiait à un organisme comme le nôtre... Parce qu'il y a des sous aussi qui viennent, là, c'est ça qui est intéressant, la fondation donne des sous à la Société historique pour gérer tout ça. Mais le fait aussi que souvent, les églises, ça prend quelqu'un pour faire la demande... Parce que je suis aussi membre de jury, là, pour la Fondation Héritage Canada et je suis vraiment désolé de voir comment il y a peu de paroisses ou de lieux de culte qui demandent un étudiant pendant l'été. Mais il faut faire une demande de subvention. Pour une société d'histoire ou un organisme du patrimoine, on a l'habitude de faire des demandes de subvention. C'est très facile pour eux: on demande des salaires pour deux étudiants, la société d'histoire l'obtient. Et c'est de cette façon-là qu'on met en valeur la chapelle funéraire des Papineau. Mais, si on multipliait ça...

Je vous l'ai dit tantôt, si on veut que la population soit sensible à la préservation de nos joyaux, il faut qu'ils les découvrent au départ. Et vous savez comme moi que, 95 % des fois, vous frappez à une porte d'une église, c'est quand même ironique, même le dimanche, les marchés sont ouverts, aujourd'hui, tout est ouvert, la seule qui n'est pas ouverte, c'est souvent les églises, les lieux de culte. Les gens ne peuvent pas découvrir nos trésors. Mais, s'il y avait une société d'histoire... Je sais qu'à Papineauville on l'a fait aussi.

Alors, plus on va être associés avec les communautés religieuses, avec les fabriques, avec le ministère, avec la fiducie, je pense que plus ces gens-là vont être ouverts, plus ces lieux-là vont pouvoir être préservés mais aussi mis en valeur. La mise en valeur, là, c'est très important aussi. Si on veut que l'État québécois, d'une façon ou d'une autre, ou que les gens donnent des sous, il va falloir par contre que ces endroits-là soient ouverts au public, qu'on y ait accès. Parce que, si on met des sous puis par contre c'est toujours fermé, bien là il va y avoir un problème.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

Mme Jean (Sylvie): ...sentiment d'appartenance.

M. Prévost (Michel): Le sentiment d'appartenance. Mme Jean... Aussi, le sentiment d'appartenance, je pense, est important.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Donc, je vous remercie beaucoup. Je remercie la Société d'histoire de l'Outaouais pour cet intéressant mémoire. Et je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi. On peut laisser les documents ici.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Brodeur): S'il vous plaît! S'il vous plaît, nous allons donc continuer nos travaux. Je demanderais à ceux qui sont debout peut-être de prendre place et également, tout comme ce matin, si vous avez des téléphones cellulaires, de penser peut-être de faire taire la sonnerie.

Donc, cet après-midi, nous allons recevoir, dans un premier temps, le Comité de sauvegarde de l'église Saint-Julien de Lachute. Mais, avant de leur céder la parole, j'aimerais souligner la présence du député de Chapleau parmi nous, qui va nous accompagner après-midi ? et justement j'étais pour dire «le ministre», il a tellement de titres, le député de Chapleau. Je dirai: Ci-après appelé le ministre de toutes ces choses-là. Donc, bienvenue en commission.

Donc, je disais que nous accueillons le Comité de sauvegarde de l'église Saint-Julien de Lachute. Bienvenue en commission parlementaire, puisque c'est une commission parlementaire, c'est le Parlement qui se rend à vous, là. Physiquement, le parlement de Québec n'aura jamais été si près du parlement d'Ottawa, comme je disais ce matin.

Donc, je vous rappelle les règles de la commission. Vous avez un temps de 10 minutes pour présenter votre mémoire ? ce n'est pas long, 10 minutes, mais ça se fait, ça se fait. Mais ce sera suivi par contre, par contre, d'une période d'échange avec les membres de la commission, ce qui permettra, là, d'étayer, là, votre mémoire. Donc, immédiatement, je vous demanderais d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et ensuite de ça de procéder à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Comité de sauvegarde de l'église
Saint-Julien de Lachute

M. Champagne (Ernest): Eh bien, bonjour. Merci. Je suis M. Ernest Champagne, je suis le président du Comité de sauvegarde de l'église Saint-Julien de Lachute.

Mme Casaubon (Marie-Josée): Bonjour. Je suis Marie-Josée Casaubon, je suis membre du Comité de sauvegarde de l'église.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.

M. Champagne (Ernest): Étant donné qu'on a rien que 10 minutes, j'ai cru bon de faire un petit historique de cette merveilleuse église qu'est Saint-Julien de Lachute, que, nous, on calcule que c'est le monument représentatif pour la ville de Lachute. Saint-Julien, elle comporte plusieurs histoires, hein? C'est une histoire d'amour parce qu'il y a beaucoup de... il y a des femmes dans ça qui ont joué un grand rôle dans l'histoire de Saint-Julien, avec la famille donatrice. C'est une histoire de réussite économique industrielle de notre dernier siècle parce que l'église a été donnée par la compagnie Ayers, qui, elle, a vu à construire ce monument sous l'influence des dames, de leurs femmes, pour le remettre à leurs employés. Et aussi c'est une histoire, c'est que M. Ayers, qui est un Anglais protestant qui vient directement de l'Angleterre, a marié une Canadienne française catholique ? l'autre côté de la rivière, ils cherchent des monuments représentatifs, c'en est un, ça, anglais-français, les deux religions différentes ? puis c'est cette dame-là qui a inventé le feutre à papier canadien. Je pourrais vous montrer un document, ici, comme quoi que c'est vrai qu'est-ce que je dis. En tous les cas. Oui, je l'ai en main.

Une voix: On vous croit.

M. Champagne (Ernest): Oui? Voyez-vous, ici, dans une revue, là, Pulp and Paper, on y lit ça. Ça fait que ça a énormément développé la ville de Lachute puis ça a permis de voir ce monument-là.

C'est une histoire religieuse parce que cette famille s'est énormément impliquée au point de vue du développement religieux de la région, pas simplement de la ville de Lachute. Ils ont vu à la construction d'une église à Saint-Michel. Ils ont vu aussi à loger le curé, quand il n'avait pas de presbytère, à lui offrir un local. Durant la construction, ils ont même ouvert un grand local dans l'entreprise pour que les cérémonies religieuses y soient chantées, et tout ça.

C'est une histoire aussi de nos deux peuples fondateurs, comme je disais tantôt, anglais, français, je pense que c'est très représentatif. Si on regarde, c'est un style gothique anglais, son clocher, il est contraire aux églises catholiques, il n'est pas pointu. C'est une histoire de famille aussi parce que l'architecte, ça se trouve à être mon père. Puis mon père, il a marié une demoiselle Ayers qui était la fille d'un des donateurs. Puis mon père, il vient de la région justement de Hull, ici. Il a travaillé, il avait son bureau à Ottawa, puis c'est lui qui a vu à développer une deuxième entreprise que la compagnie a mise sur pied, qui était dans le temps la Dominion Shuttle. Cette entreprise-là a été choisie par le gouvernement canadien pour la fabrication de son contreplaqué, pour la dernière guerre. Ça fait que je pense que c'est une entreprise qui a rapporté beaucoup localement. Et, en retour, en remerciement aux employés, bien, ils ont donné ce lieu de culte là.

C'est une histoire aussi d'horreur. Pourquoi c'est une histoire d'horreur? Bien, tout simplement, le diocèse a décidé, un jour, de la fermer sans avertir la ville, sans avertir la MRC. Ils ont simplement averti quelques paroissiens ? dont j'étais présent ? il y avait à peine 40 personnes. Puis ils l'ont laissée sans surveillance, ils l'ont laissée à elle seule. C'est des photos que nous avons rapportées ? mets donc celle-là debout, s'il vous plaît ? lors de la fermeture. Elle était très belle. Et, un jour, ils ont décidé de nous la vendre 1 $. On l'aurait achetée, mais, quand ils ont décidé de nous la vendre 1 $, l'orgue était rendu sur le plancher, à terre, brisé en mille pièces, les marteaux de l'orgue, lancés dans les verrières. Et, en passant, il y a deux grandes verrières dans ça qui illustrent notre histoire, soit Saint-Blaise qui parle des tisserands, soit Saint-Joseph aussi, puis on voit les usines des deux compagnies de Lachute chaque côté. Ils ont vendu des verrières, ils ont vendu les bancs, ils ont vendu les lustres. Ça nous appartient, ça appartient au patrimoine. Ils sont peut-être les propriétaires, mais ce n'est pas à eux, ça; ça vient de nous, ça vient des gens de la place.

n (14 h 10) n

Ça fait que je crois qu'il est important de savoir qu'est-ce qu'on doit faire demain avec nos églises. Bien, moi, je souhaiterais ne pas assister à la disparition artistique de nos églises. Il faut à tout prix que la gestion de celles-ci soit prise en main par les gouvernements, qu'il y ait des ententes prises avec les paroisses, avec les diocèses. Le programme de la Fondation du patrimoine religieux devrait être revu parce qu'il met en péril le patrimoine religieux qui ne sert plus de lieu de culte. Eux, je m'en rappelle, en première assemblée, ils ont dit: Peut-être qu'on ferait quelques messes ou peut-être qu'on ferait encore quelques cérémonies religieuses. Après ça, l'évêque auxiliaire, qui était Mgr Massé, il a biffé ça, il dit: Non, c'est fini, il n'y en a plus, de paroisse. Ça fait qu'on n'a pas pu aller se présenter, nous, pour avoir des octrois pour le côté religieux, c'était devenu un local comme un commerce de n'importe quoi ou une bâtisse abandonnée.

L'État devrait obliger les instances religieuses à indiquer les intentions des églises deux ans avant de les abandonner, que je calcule. L'État devrait interdire la démolition des églises. Je pense que c'est important que l'État sache toute l'histoire de chacune des paroisses du Québec, à savoir quelles qu'on doit sauver. Je ne veux pas, demain matin, qu'on dise: Bon, on ne démolit plus rien. Mais je pense que c'est important, chez nous, c'est notre histoire, ça. Des règlements liant le gouvernement à des instances religieuses devraient être adoptés concernant le transfert des propriétés. La Loi sur les biens culturels devrait être revue, puisqu'elle est désuète et ne permet pas de protéger les biens.

Les instances municipales locales. À Lachute, je ne sais pas pourquoi, avec la mairie, ça ne nous a pas pris des heures, ni des journées, ni des mois mais des années pour venir à bout de les convaincre. Elle a fermé le 13 octobre 1996, puis c'est en 2002 qu'on est venus à bout de réveiller le conseil, après plusieurs conférences puis en discussions. À Lachute, le patrimoine, il est beaucoup laissé à lui-même. Il y a un type qui avait une belle maison d'une architecture d'un siècle passé, ils ont décidé de la démolir pour avoir plus de facilité à vendre le terrain.

Une petite histoire de famille, vu que mon 10 minutes s'en va pas mal. Ma mère, qui se trouve être la fille d'un des donateurs, elle était enceinte en 1938. Ils calculaient de faire une grosse ouverture, à la fin de juillet, avec le baptême d'un enfant. Puis c'était l'épouse de l'architecte, en plus. Elle est décédée d'une naissance prématurée. L'enfant, bien il était censé lui-même y passer dans la journée. Ils l'ont baptisé sur place. C'est le médecin qui était sur place qui est devenu le parrain, qui a accouché la mère. Ça fait que l'ouverture a eu lieu par une cérémonie funèbre plutôt qu'autre chose. L'enfant, c'est moi. Mais je l'ai terminée le 13 octobre par le baptême de mes deux petites-filles, les jumelles de ma fille. Ça a été la dernière cérémonie. Première cérémonie, le service de ma mère; dernière cérémonie, le baptême de mes deux petites-filles.

C'est Saint-Julien et ça représente énormément à la ville de Lachute, tout le développement industriel. Puis c'est plus que Lachute, c'est régional, c'est canadien. Quand on sait qu'Ayers Limited contrôlait, un bout de temps, la laine pratiquement en Europe, en Australie, en Amérique puis que les compagnies de papier allaient chercher les feutres à papier aux États-Unis, puis qu'Olive Paquette, qui a découvert la méthode de faire le feutre à papier au Canada... Cette compagnie a duré plus que 100 ans à Lachute. Ça fait que je pense que c'est un passage important de notre histoire. On le voit ici, ils en parlent dans cette revue-là, puis on en a parlé aussi un peu dans le mémoire.

On a fait faire des études auxquelles le diocèse n'a aucunement contribué un sou en plus, une étude historique, une étude sur la vocation, qui n'a même pas été suivie par la ville, qu'ils n'ont pas lue ? pourtant, on la leur avait remise ? puis une étude aussi, pour la remettre sur pied, par M. Fernando Pellicer. Puis je pense qu'on avait des très bonnes chances de succès. C'est M. Jean-Claude Marsan qui organisait toutes nos études, puis, dans le temps, il était membre de la Commission des lieux, des monuments historiques du Canada. Puis le gouvernement canadien, il est venu sur place, il était très intéressé, il nous a dit que, le Comité de sauvegarde, on avait présenté les meilleures études au Canada. On avait le maire, les députés alentour de nous, tous, on a dit oui. Mais, le diocèse, étant donné qu'il était le propriétaire, ils ont dit non. J'ai des lettres explicatives, ici, de tout ça, tous les dossiers. Même, nous, on a déjà écrit au diocèse. Ils n'ont même pas cru bon de nous répondre. Je pense que c'est important qu'on ait une politique dans les jours à venir. Puis c'est malheureux, là, justement c'est cet automne qu'elle va être démolie. C'est tout.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci pour ce témoignage très touchant. Vous avez exposé, dans votre mémoire, particulièrement le fait que les gestionnaires de l'Église, à la lumière de tout ce que vous me dites présentement, devraient être d'autres que les évêchés eux-mêmes. Donc, vous avez, dans votre mémoire, étayé le fait qu'on devrait prendre le modèle français, c'est-à-dire que les églises deviennent la propriété... les cathédrales, les propriétés de l'État central, et les autres églises, propriétés des communes.

On a entendu à plusieurs reprises, particulièrement, ce matin, à deux reprises, qu'on est... L'hypothèse qui a été émise, c'est que le patrimoine religieux fasse partie d'une fiducie, en ce sens que les gérants, si on peut dire, de la fiducie pourraient être ? «pourraient être», je dis bien ? l'État, l'Église ou d'autres partenaires, et ce qui permettrait également d'avoir des dons, des legs successoraux ou d'autres dons. Que pensez-vous de cette éventualité, soit, ce que vous proposez, de prendre le modèle français, que les églises reviennent à l'État, ce qui est très dispendieux pour l'État ? quand je parle de l'État, je parle autant des gouvernements, là, à Québec ou dans chacune des municipalités ? ou que pensez-vous de l'idée émise de créer cette fiducie-là qui ferait en sorte de réunir plusieurs partenaires?

M. Champagne (Ernest): Moi, je suis pour ça, moi, c'est sûr et certain. Je sais qu'il y a déjà des ententes de signées, certains diocèses, avec des villes pour que l'église serve de milieu communautaire, pas simplement de cérémonies religieuses. Puis, en retour, les villes, bien, il y en a des fois qui paient le chauffage, puis ils paient aussi... des fois, même, l'hiver, ils nettoient le stationnement, puis tout ça. Je crois que c'est essentiel qu'il y ait un partenariat de plus en plus ouvert avec les gouvernements, soit les MRC, les municipalités. D'après moi, c'est nécessaire. Puis on sait que...

Moi ? mon épouse, elle pourrait vous le dire ? exemple, demain, là, j'ai décidé de faire un petit voyage, faire le vide. Je vais à Québec. Je me fais toujours un plaisir d'aller soit sur l'île d'Orléans ou, en m'en allant à Québec, d'arrêter dans une église quelconque. Je vais cogner au presbytère. Il y a toujours une histoire rattachée à ça. L'histoire du village, elle est souvent là. On apprend des choses. Puis je crois que notre histoire ne devrait pas être laissée à un seul propriétaire, qui est le diocèse. Je crois que le milieu, les gens, la ville, le gouvernement devraient en faire part... en faire partie de ça, entière, égale.

Le Président (M. Brodeur): Et je vous écoute parler avec tellement d'émotion de votre église. On sait que, dans à peu près toutes les paroisses du Québec, on va retrouver des gens qui vont en parler sûrement avec une émotion semblable. Est-ce que vous pensez qu'on devrait conserver toutes les églises du Québec ou certaines seulement?

M. Champagne (Ernest): Tantôt, je vous l'ai dit, c'est sûr qu'on ne peut pas se mettre à conserver toutes les églises du Québec mais celles qui sont représentatives, celles qui nous disent notre histoire à nous. À Lachute, c'est celle-là, c'est elle qui a créé la ville des gens. Si cette industrie-là n'était pas venue s'installer là, Lachute ne serait qu'un petit village.

Le Président (M. Brodeur): Il y a combien d'églises à Lachute?

M. Champagne (Ernest): L'église catholique, il y avait trois paroisses. Maintenant, il y en a deux. Probablement que ça va tomber à un, un jour. Puis, moi, je me demande si, un jour, on n'ira pas à la messe à Saint-Jérôme. En tout cas, moi, d'une manière ou d'une autre, ça ne me dérange plus, les diocèses, je ne veux plus rien savoir de ça. Mais il y en a des... Chez nous, là, c'est une église. Ça aurait pu être un magasin général, ça aurait pu être autre chose. C'est les industriels de la place qui ont remis ça aux ouvriers, voyez-vous. Ça fait que je crois que c'est essentiel d'essayer de la sauver. Mais là je sais qu'il est trop tard. Puis ils parlent de la démolir cet automne, là.

n (14 h 20) n

Puis le diocèse, rien que pour vous dire comment que... moi, je leur ai demandé les plans, quand je voulais faire faire l'étude à savoir si on pouvait la remettre sur pied, la réparer: Cherchez-les, M. Champagne, les plans! Pourtant, ils ont un archiviste, au diocèse. On les a trouvés, les plans. Moi, je sais que, quand j'étais beaucoup plus jeune et que mon père est décédé, j'ai pris tous les plans de Saint-Julien puis j'ai amené ça au curé Gervais, avec des beaux petits volumes. J'ai dit: Ça revient à la paroisse. Mais j'ai été pris pour les chercher, les plans. Puis je les ai trouvés dans quoi, vous pensez? Dans des mares d'eau, tout trempes, tout mouillés, puis il en manquait des bouts. Ils ne nous ont aucunement aidés dans rien. Dans les études, ils nous reprochaient toujours: Ça prend trop de temps, vos études. Dieu sait que, si on veut faire de quoi de bien, vous ne déciderez pas demain matin, je pense, vous, de faire l'ensemble des études que vous allez... puis dire: On va mettre de suite sur pied. Ça prend du temps.

Même si on avait des hommes comme M. Marsan ou quoi que ce soit derrière nous, le diocèse, leur décision était déjà prise. Parce que j'ai une lettre ici. Ils n'ont jamais voulu m'en adresser une à moi, mais il y a le Conseil de la culture des Laurentides qui leur ont demandé qu'est-ce qu'ils étaient pour faire avec l'église. Ça fait que le diocèse a répondu, puis c'est le Conseil de la culture des Laurentides qui m'a envoyé cette lettre-là: «C'est avec regret que nous apprenons les intentions de l'Évêché de Saint-Jérôme de procéder à la démolition de l'église Saint-Julien de Lachute.» Ça a été fait en 1997, ça, au mois de juin, le 23 juin, puis ils l'ont fermée en octobre 1996. Leur intention était toujours là. À chaque fois qu'on a voulu faire quelque chose, ça a toujours été, Mme Casaubon peut vous le dire, ça a toujours été non. Non. Les gens de Lachute, on disait oui, eux disaient non.

Quand Ottawa est venu, ça ne leur coûtait rien, absolument rien de faire... Ottawa faisait une étude puis... On a présenté les meilleurs documents au Canada, qu'ils nous ont dit. Le soir, le téléphone a sonné ? mon épouse peut vous le dire ? c'est un monsieur de Carafe, de la commission, du bureau de Sheila Copps, qui me dit: Il faut que vous insistiez auprès du diocèse. Ils nous ont répondu non. Ça a toujours été ça. Puis ça ne leur coûte rien de faire une étude.

Ils nous l'ont offerte à 1 $, lors d'une assemblée municipale, un coup qu'elle est tout allée à l'abandon, que les verrières sont brisées, l'orgue est disparu, les bancs sont vendus. Ils ont vendu les plus belles verrières, ils ont vendu les lustres, la chaire en marbre. Il y a du marbre d'Europe, de partout d'étalé, de toutes sortes, partout dans ça. Ça a été brisé en masse, ils ont laissé les vandales aller là, briser la sainte table, ils ont tout brisé. Ça n'avait pas d'importance, à leurs yeux, c'était de la démolir.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je veux vous dire que votre témoignage est extrêmement émouvant et il est facile de comprendre l'attachement que vous avez à l'égard de cette église-là. Et je dois vous dire que vous vous en faites un défenseur très éloquent et je veux vous en féliciter, M. Champagne.

J'avais, dans votre mémoire, deux questions que je vais faire très courtes parce que je voudrais que vous développiez là-dessus. D'abord, vous suggérez un moratoire, c'est-à-dire un préavis de deux ans avant la fermeture des églises. Compte tenu du fait que, dans le cas qui nous occupe, je pense que la situation perdure depuis 1996, ma question est: Qu'est-ce que ce préavis de deux ans viendrait ajouter au fait, en quoi ce serait un élément de solution?

Et ma deuxième question. Vous suggérez, dans les pistes de solution, lorsque vous en faites un résumé à la fin, que des règlements liant le gouvernement et les instances religieuses devraient être adoptés concernant le transfert de propriété. J'aimerais que vous développiez là-dessus. Que devraient prévoir ces règlements-là pour avoir un effet de protection?

M. Champagne (Ernest): Je peux laisser répondre Mme Casaubon?

M. Moreau: Oui, oui. Mais, Mme Casaubon, moi, je trouve que l'église est belle, mais je ne vous vois pas. Pouvez-vous juste pousser la...

Mme Casaubon (Marie-Josée): Je suis peut-être moins belle que l'église, mais bon.

M. Moreau: Ah, ne dites pas ça.

Mme Casaubon (Marie-Josée): Avec trois jeunes enfants à s'occuper à la maison, on n'a pas toujours le temps de s'occuper de nous, mais bon. Bien disons que, comme M. Champagne l'a dit, moi, j'ai contribué à la cause. Moi, je suis urbaniste de formation puis je trouvais qu'effectivement l'église était très, très significative à l'égard de son histoire, à l'égard de toutes les caractéristiques architecturales qu'on y trouvait, et que c'était tout à fait inconcevable de croire qu'il y aurait une démolition.

Puis, comme M. Champagne vous l'a également mentionné, le diocèse, dès le départ, avait une idée, une intention, c'était de démolir l'église et c'était de faire diminuer sa dette, hein? Il y avait une dette à l'époque de 87 000 $, et puis, bon, ils ont fait un petit exercice comptable et puis, à un moment donné, ils ont décidé de vendre des pièces, bon, pour faire diminuer la dette, vendre le presbytère pour faire diminuer la dette. Le Comité de sauvegarde n'a jamais été informé de ces engagements-là. Et le morcellement du terrain a été fait également. Tout ça faisait en sorte de diminuer un éventuel projet qui remettait en valeur cette église-là, quelle que soit la vocation.

Un délai de deux ans du moins pour dire aux gens: Écoutez, on souhaite fermer l'église... Parce que M. Champagne était là en 1996, là, et puis, là, c'était: Bon, on la ferme dans deux, trois mois, peut-être six...

M. Champagne (Ernest): Janvier 1997.

Mme Casaubon (Marie-Josée): Ça a été deux mois plus tard, là. Et puis, là, il y avait des problèmes d'infiltration d'eau, des problèmes qui se sont... Ça s'est détérioré davantage parce que les travaux qui avaient été faits au niveau de la façade n'avaient pas été des travaux appropriés. Alors, du moins, ce délai-là, que ça donne les moyens, que ça permette aux gens de la communauté, les instances municipales de travailler ensemble puis de trouver des solutions ensemble. Mais encore faut-il que tous les partenaires aient une même vision puis dire: L'objectif, ce n'est pas la démolition et ce n'est pas de rentabiliser notre organisme en la vendant en pièces détachées ou encore en la démolissant, et en récupérant les matériaux, et en favorisant la vente. Alors, c'est du moins de donner la chance aux communautés, aux gens du milieu de dire: Bon, bien, là, O.K., qu'est-ce qu'on fait avec ça?, et puis de mettre sur pied un projet.

Parce que les démarches du Comité de sauvegarde de l'église Saint-Julien... Bon, oui, je crois que c'est une des premières églises qui a été fermée, là. Le Comité de sauvegarde a vite établi, bon, les caractéristiques historiques de l'église, bon: C'est quoi, la valeur? Elle a une valeur historique, oui, M. Champagne l'a dit, autant aux niveaux national, provincial, fédéral, elle a une valeur architecturale, bon, oui. Là, on avait un bon dossier. O.K. Maintenant, c'est de trouver une vocation. La vocation, bon, c'est sûr, avec une ville de 13 000 habitants, il ne faut pas rêver en couleurs, une salle de spectacle multifonctionnelle, avec la dimension de l'église, c'est difficilement rentable.

Tu sais, c'est du moins de donner un délai à la communauté de s'organiser, de se revirer de bord, de cogner à la porte au niveau des gouvernements s'il y a des subventions qui sont possibles. Parce qu'à l'époque il n'y en avait pas, là. Il y avait la Fondation du patrimoine religieux, mais c'était pour les lieux de culte. Elle ne servait plus. Nous, notre cause était complètement désespérée. La seule porte qu'on avait, c'était le Patrimoine, au niveau fédéral. Et puis ce qu'on nous indiquait, c'est qu'ils allaient remettre l'église en état complètement. Mais, bon, le seul élément que ça prenait, c'était la signature du diocèse. Ils ont refusé.

Tu sais, il faut donner du délai. C'est sûr que, oui, il faut qu'il y ait des règlements clairs qui soient établis entre le gouvernement, les diocèses, les régions, il faut qu'il y ait des ententes qui soient signées parce qu'un jour ou l'autre... Moi, je le dis toujours, c'est la pointe de l'iceberg. Puis on le sait, là, à la fin du mémoire de M. Champagne, il l'a indiqué, là, dans le secteur de Grenville, il y a des panneaux, je ne sais pas si vous avez emprunté la route 148 pour vous en venir ici, dans la région, mais il y a trois panneaux, et c'est indiqué, c'est démontré devant les églises, une église mignonne, sans trop d'artifices, mais c'est écrit en lettres rouges: Faudra-t-il vendre nos églises? C'est un message du comité. Il y a trois églises dans ce secteur-là, c'est la portion ouest de la MRC d'Argenteuil. Il va y avoir une fusion. Qu'est-ce qu'on va faire avec ces églises-là? Encore une fois, c'est le père de M. Champagne qui est architecte de cette église-là. Ça brise le coeur aussi.

Mais c'est que ça va déstructurer des milieux. L'église, c'est le coeur des villages, c'est là où c'est un lieu de rassemblement. Il faut qu'on se donne les moyens pour trouver des projets de recyclage puis encore là il faut donner des délais qui sont raisonnables. Puis il faut également qu'il y ait un partenariat. Mais, le partenariat, il faut s'enligner, là, que tout le monde ait le même objectif, qui n'est pas de le démolir... un qui est de le démolir puis l'autre qui est de le reconstruire.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci beaucoup. Merci pour votre...

Le Président (M. Brodeur): ...M. Champagne?

n (14 h 30) n

M. Champagne (Ernest): Moi, je voulais dire, là: Il faudrait penser, des fois, les villes, là, mettre les idées dans la tête, même certains ministères à Québec, qu'avant de démolir quelque chose peut-être qu'elle pourrait servir à quelque chose qu'eux ils ont besoin. Je pense, comme à Lachute, là, ils parlent de construire un nouveau poste de police. Vous allez me dire: Ça fait drôle peut-être, dans une église, mais c'est toujours bien un moyen de le conserver. Non, on va démolir et on va reconstruire un poste de police. Il y a certaines villes où ils ont besoin de bibliothèques. On va construire une bibliothèque. Je pense qu'il faudrait utiliser ces lieux-là publics avant. Nous, on avait pensé... Il y a quelqu'un qui est venu, il voulait en faire un columbarium, parce qu'il dit: Les cimetières tantôt, là, il dit, ça va être fini. Le diocèse, il a dit non. C'est sûr qu'il va dire non, il gère le cimetière, vous savez. Ça fait que je pense que le gouvernement, des fois, là, il devrait arriver puis mettre les points sur les i là-dessus, là, puis ça pourrait aider pour des vocations futures.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.

M. Turp: Les vocations futures, dans quel sens, là? Alors, merci, j'allais justement vous poser cette question parce que, devant cette commission, on a évoqué déjà à plusieurs reprises l'idée d'un moratoire qui pourrait s'appliquer au gouvernement, qui pourrait aussi être appliqué aux municipalités qui voudraient construire des édifices à vocation publique et qui, plutôt que d'en construire de nouveaux, pourraient envisager d'occuper les sites patrimoniaux, y compris des églises. Alors, je comprends que vous êtes favorable à cette idée d'un moratoire ou en tout cas de l'obligation qui serait imposée aux institutions publiques de regarder d'abord les sites patrimoniaux et d'éventuellement les recycler pour certaines fonctions municipales ou de l'État.

Mais, moi, je trouve que votre témoignage est intéressant, parce qu'on a entendu Serge Joyal, cet été, parler un petit peu de l'Église dans des termes qui... ce n'était pas nécessairement élogieux, bien qu'il faut faire la part des choses, là. Et il y a aussi notre ami de la Société historique qui, ce matin, en fin de matinée, nous a aussi dit: Bien, les communautés, c'est un petit peu curieux aussi qu'elles veuillent quitter leurs églises ou leurs couvents pour construire de nouveaux lieux où se loger. Et pourquoi donc abandonner leurs propres sites, surtout quand ils sont patrimoniaux?

Puis là j'aimerais ça que vous nous parliez très, très franchement de votre expérience avec le diocèse, là, et avec l'Église parce que, nous, là, on a la responsabilité, comme parlementaires, de nous intéresser aux agissements des uns et des autres, et, si je comprends bien, dans le cas qui nous occupe, ce que le diocèse a fait, ça ne me paraît pas tout à fait acceptable, puis, à vos yeux, ça ne me semble pas l'être non plus. Alors, dites-nous donc les vraies choses, là. Qu'est-ce qui est arrivé, là? Puis c'est-u que vous étiez trop tannants et, à un moment donné, ils se sont tannés de vous, là, puis ils ont dit: On ne vous parle plus, puis vos histoires de recycler une église qui n'est plus bonne, qui n'est plus belle, puis qu'on veut vendre, puis qu'on veut démolir parce qu'on veut vendre le terrain... C'est-u ça, la vraie affaire, là?

M. Champagne (Ernest): Dès qu'ils ont averti qu'ils fermaient... Moi, j'étais à la messe, ce dimanche-là. Ça a été ma dernière messe. Il y avait une réunion. Ils ne pensaient pas qu'il y avait dans l'église, dans les quarante quelque personnes dans une église de 800 places, qu'il y avait un nommé Ernest Champagne, ils ne le savaient pas. Ça fait que, le soir, j'ai dit à mon épouse: Je prends l'album de papa puis je m'en vais là, l'évêque va être là, je vais lui montrer que c'est important, l'église Saint-Julien, moi, que ça représente notre ville. J'ai appelé Radio-Canada pour qu'ils viennent sur place, j'ai appelé La Presse. Ça fait qu'ils ont été surpris de voir Radio-Canada arriver avec les antennes, puis tout ça, ils ont été surpris de voir La Presse arriver: Qu'est-ce qui se passe? Je leur ai dit que c'était moi. Là, bien, je leur ai montré l'album que mon père avait fait sur l'église Saint-Julien.

Puis papa, lui, c'était un grand chrétien. À chaque fois qu'il y avait un édifice religieux à construire, ses plans, c'était un cadeau, soit un reposoir, une chapelle, quoi que ce soit. On voit l'ancienne chapelle, ici, je vais vous dire quelque chose sur l'ancienne chapelle, vite fait. On a la cloche, je leur dis où elle est, le curé n'est même pas au courant: Elle est dans la garde-robe ? j'appelle ça une garde-robe, moi, là ? en haut, près du jubé, à gauche, ouvrez ça, puis vous allez la voir. Elle était là. On se l'est fait voler. La cloche d'une première chapelle, on ne l'a plus. Exactement comme on n'a plus grand-chose qu'il nous reste.

Je leur ai montré comme quoi que l'église Saint-Julien, c'était important. En 1936-1938, tous les journaux, La Presse, les journaux anglais, Le Canadien, tout ça, tous les journaux, ils en parlaient. Ils disaient que c'était une des plus belles églises que c'était pour y avoir au Canada. Je pourrais tout vous laisser ça.

M. Turp: Mais qu'est-ce que vous retenez, là, dans ce cas-ci, dans le cas particulier? Le diocèse... et l'Église a eu une attitude tout à fait irresponsable? Est-ce qu'elle est à l'origine du problème que vous nous présentez ou est-ce que c'est aussi la municipalité, c'est aussi le gouvernement? Est-ce que tout le monde a une responsabilité partagée dans le sort malheureux qui sera réservé à cette église, si elle est démolie, comme vous nous annoncez qu'elle le sera? Quelle est la part de l'Église dans ce que vous nous dites être une catastrophe, j'imagine?

M. Champagne (Ernest): Ils ont toujours dit non pour n'importe quoi. Il fallait toujours justifier nos affaires. Exemple, quand on a dit: On va faire faire une étude, ils disaient que l'église, ce n'était pas un patrimoine historique, que, pour Lachute, ça ne représentait pas quelque chose comme tel, qu'Ayers Limited, ça n'existait même plus. C'est vrai qu'Ayers Limited, les portes étaient fermées, que le textile, au Canada, on sait que ça a tombé. Ils n'ont pas voulu embarquer dans nos démarches. On a fait faire l'étude quand même. On a organisé un souper spaghetti, on a vendu des cartes de membre, on a payé l'étude. Ah! Là, quand ils ont vu ça... Puis on leur a écrit une lettre qu'on leur a envoyée puis on leur demandait de nous répondre: Qu'est-ce qu'on peut faire avec l'église, nous? Qu'est-ce qu'ils veulent laisser? Ils ne nous ont jamais répondu à notre lettre. On a demandé: Est-ce que le presbytère, tout ça... Parce qu'on entendait parler par les gens que ça va se vendre. Bien, ils l'ont vendu, ils l'ont vendu de la rue au bout à la rue à l'autre bout, laissant à peine 15 pi de l'église. Essayez, vous, après ça, de vendre ça à quelqu'un d'autre pour faire une vocation. Ils nous ont toujours dit non, ils nous ont toujours mis des bâtons dans les roues. Je disais tantôt qu'Ottawa ils sont venus. On avait la chance. Ils nous ont dit non. Ça ne leur coûtait pas un sou.

Vous parlez de la ville, les gouvernements. Ça m'a pris deux à trois ans à convaincre la ville. Mais je vais vous dire une chose, moi, les politiciens ? je ne dis pas ça parce qu'il y en a ici ? il y en a qui se présentent: Je veux être maire de Lachute demain matin. Je pense que c'est important que je sache la petite histoire de ma ville un petit peu. Lachute, c'est une ville qui s'est agrandie avec Ayersville ? je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, ça, pour certains. Ayersville, c'est une partie de Brownsburg-Chatham, dans le temps, qui est devenue Ayersville. Ça fait que, moi, je demande au maire actuel ? que je ne nommerai pas, parce que je ne le hais pas malgré tout: C'était qui, le maire d'Ayersville qui a vu à faire annexer cette municipalité-là à Lachute, qui fait que ça s'est agrandi? Toi-même, aujourd'hui, tu restes à Lachute. Je lui ai demandé ça dans un restaurant, le matin, quand j'étais après déjeuner avec mon épouse. Il ne le savait même pas. Je lui ai dit: C'est Rodolph Moreau. Es-tu sûr de ça, Ernest? J'ai dit: Oui. Vous n'êtes même pas capable de donner un nom de rue à lui.

Vous savez, quand on ne sait pas d'où l'on vient, comment pouvons-nous savoir où on s'en va? Bien, c'est un peu ça, Lachute. Puis Lachute aussi, économiquement, ça a eu, pour parler en québécois, des grosses claques sur la gueule parce que les deux industries que je parlais tout à l'heure, ça employait, ça, au-dessus de 1 000 employés, ça a fermé les portes. On a eu Thundercraft, ça a fermé les portes. Sur la rue Principale, vous passiez à Lachute, c'était marqué: À louer, à louer, à louer, les locaux. Ça s'est énormément relevé. Ça fait que, pour les gens d'un certain âge, comme de mon âge à moi, l'important, là, ce n'était pas ça, c'était le pain, le beurre, le travail. Le patrimoine, c'était second, puis avec raison. Mais c'est difficile à vendre aujourd'hui.

n (14 h 40) n

Ce matin, j'ai décidé, avec mon épouse ? elle peut vous raconter le cas ? d'aller déjeuner au McDo. J'ai dit: On va faire ça vite, on va aller au McDo. Il y avait deux personnes assises ? elles ne savaient pas que j'étais Ernest Champagne, que j'étais là ? elles parlaient justement de Saint-Julien. Elles disaient: Ah bien, les verrières, ça a été vendu, ils ont fait de l'argent, le diocèse, avec ça. Là, ils disaient: Il reste une chose à faire. Nous autres, on écoutait ça, on portait une oreille attentive. J'ai failli me lever, moi, puis là, bien, mon épouse m'a dit: Non, non, mêle-toi pas de ça, là. Ils ont dit: On pourrait faire... Il y a un type qui dit: On pourrait faire comme les États-Unis, ils font sauter les bâtisses à la dynamite, puis pouf! Il dit: Ça sert rien qu'à ça. Voyez-vous?

Le patrimoine ne s'est pas développé. Il faut qu'on voie à développer ça. Moi, je viens, en passant, du milieu de l'éducation, j'enseignais aux enfants en difficulté d'apprentissage. Bien, l'éducation du patrimoine, ça commence à l'école, puis ça commence chez nous, dans nos régions. Puis, en vieillissant, c'est là qu'ils vont voir l'importance. Puis je pense que c'est un devoir pour les politiciens, principalement les maires, ceux qui sont au niveau des commissions scolaires puis même pour les députés, de voir à promouvoir le patrimoine, à faire comprendre aux gens pourquoi que tel bâtiment a une importance dans le village, dans la ville.

Je suis allé, la semaine passée, dans un festival à Saint-Eustache. Ils ont su garder quelques joyaux de leur patrimoine. L'Assomption, ils ont su garder quelques joyaux de leur patrimoine. L'Épiphanie, ça a passé au feu, leur église, par la négligence d'une personne quelconque, ils ont gardé la façade de leur patrimoine. Un petit village sur le bord de l'Ontario, mon épouse vient de là, Olive Paquette, qui a découvert le feutre que je vous ai parlé tout à l'heure, à papier, vient de là, ils savent conserver leur patrimoine, le gouvernement y voit. Un petit village pourtant... puis c'est beau s'il y a 2 000 personnes, là. Puis, nous, bien non, ce n'est pas ça, l'important, on laisse tomber. Je crois qu'il faut développer ça.

Le Président (M. Brodeur): Merci...

M. Champagne (Ernest): M. le député Whissell, il était même prêt à payer le chauffage. Le diocèse lui a dit non. C'est M. Whissell, en passant, qui nous avait approché le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une remarque finale, finale, finale, en retour d'indulgence, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: On manque de temps, M. Champagne. Mais je voulais juste faire un petit commentaire parce qu'on n'a pas le temps de... je n'ai pas le temps de vous poser la question de mon collègue, là, ce qu'il vous a posé comme question. Moi, je pense, quand vous dites, M. Champagne, «le diocèse», je ne pense pas que c'est tout à fait le diocèse, je pense que c'est l'évêque, parce que c'est... l'évêque qu'on a vu précédemment, c'est... toutes les décisions finales se prennent par l'évêque. Donc, je pense qu'il y a quelque chose à remettre en question sur le pouvoir d'un évêque dans l'ensemble de ce processus-là, O.K., ou dans les mains d'un homme.

Le Président (M. Brodeur): Merci.

Mme Léger: On ne peut pas dire «de femme», évidemment, là.

Une voix: Parce qu'il n'y en a pas.

Le Président (M. Brodeur): Merci, merci énormément, ce fut fort intéressant. La commission va retenir vos commentaires. Donc, je vous remercie, M. Champagne, Mme Casaubon. Je vais suspendre...

M. Champagne (Ernest): Est-ce que je peux vous donner une citation de Victor Hugo, en passant?

Le Président (M. Brodeur): Allez-y, en terminant.

Des voix: ...

M. Champagne (Ernest): Bien, je vais la dire quand même: «Il y a deux choses dans un édifice: son usage et sa beauté. Son usage est au propriétaire, sa beauté est à tout le monde.»

M. Turp: Ça finit votre témoignage en beauté.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Je suspends quelques instants, le temps que Mme La Rochelle puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

 

(Reprise à 14 h 46)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant recevoir notre prochain intervenant, Mme Johane La Rochelle.

Bienvenue, madame. Bonjour. Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez probablement vu le groupe précédent agir. Donc, vous avez communiqué avec la commission, on vous en remercie énormément. Les règles sont très simples, vous avez un maximum de 10 minutes pour nous expliquer vos propos que vous avez faits parvenir à la commission, et, à la suite de ça, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Mme Johane La Rochelle

Mme La Rochelle (Johane): Alors, je vais m'identifier d'abord: Johane La Rochelle. Votre consultation m'a interpellée comme personne, comme citoyenne, et comme personne de tradition judéo-chrétienne, et comme historienne. Alors, je vous remercie de tenir cette consultation-là, mais surtout aussi de venir en région. Ce faisant, vous vous trouvez à reconnaître que le patrimoine religieux est présent partout et touche tous les citoyens du Québec. Et, quand je dis «patrimoine religieux», pour moi, ça va bien au-delà de mon appartenance judéo-chrétienne.

Ma contribution est non exhaustive, il va sans dire, mais vise un objectif majeur: assurer la pérennité du patrimoine religieux, qui à mes yeux est un bien collectif qui dépasse notre époque et nos frontières. Les critères que je propose nous permettraient de préserver ? et que vous avez dans le document que j'ai déposé, que j'ai envoyé ? permettraient de préserver les immeubles, les objets, les savoirs et les histoires qui sont issus de nous tous et qui témoignent aussi de notre rayonnement au sein de nos propres collectivités, dans le territoire québécois et dans le monde ? et j'insiste à nouveau, «et dans le monde». Je dis «nous», car le temps est venu, me semble-t-il, de nous réconcilier avec ce patrimoine, et ce, de manière laïque et collective.

En effet, le patrimoine religieux du Québec dépasse le simple témoignage de l'exercice des religions qui sont historiquement présentes chez nous ? on vient d'avoir un très bon exemple d'ailleurs, qui précédait. Et je dis «nous». Il représente, ce patrimoine, bien sûr notre histoire religieuse, personne ne va le nier, mais il est beaucoup plus large que ça. Il témoigne de notre organisation spatiale, de notre occupation du territoire, de notre histoire sociale, économique. On a juste à penser ici au Mouvement Desjardins, qui probablement n'aurait peut-être pas pris l'ampleur qu'il a prise au départ s'il n'y avait pas eu une concertation Église et patrimoine économique et culturel au Québec.

Il témoigne aussi de notre rayonnement en Amérique ? donc, on dépasse largement les frontières de notre pays ? et dans le monde. Je pense ici en particulier au missionnariat catholique, et anglican, et protestant, et peut-être aussi du rayonnement actuel des autres religions monothéistes. C'est aussi l'histoire de la présence française en Amérique. Je vous fais grâce de tous les exemples qui ont pu me passer par la tête puis qui sont déjà dans le mémoire. Finalement, c'est un immense creuset au sein duquel ont émergé tous nos leaders dans toutes les sphères de notre société. Et j'inclus ici aussi les têtes dirigeantes des communautés religieuses comme étant parmi les leaders.

n(14 h 50)n

Il est donc essentiel à mes yeux que l'État et ses mandataires soient le fiduciaire principal de ce patrimoine. Il est aussi essentiel que nous reconnaissions que nous avons déjà collectivement payé pour ce patrimoine. Et j'insiste sur le mot «collectif», ici, parce qu'à certains moments c'est bien tout juste si on en avait le choix. Il faut donc trouver à mon avis des moyens de reverser à la collectivité les témoins de notre propre histoire. Et c'est là que ça devient un peu délicat.

Voici pourquoi j'ai privilégié des moyens qui touchent d'abord et avant tout la collectivité, c'est-à-dire des lieux d'action collective qui sont tournés vers des vocations collectives, des lieux qui étaient sans but lucratif qui deviennent des lieux sans but lucratif. L'idée des columbariums, en passant, circule largement dans l'opinion publique du Québec, à l'heure actuelle. Les fabriques réellement fiduciaires et non pas le curé ou l'évêque ? parce qu'il ne faut pas oublier que ça, c'est une réalité de notre droit ? et qui peuvent être une piste très intéressante, et qu'on ne retrouve pas dans les autres communautés de religion, en particulier catholique romaine, donc les fabriques pourraient être une piste à mon avis essentielle. La loi sur l'urbanisme et ses composantes reliées à la démolition, je pense qu'il y aurait un lien, ici, qui pourrait être très prometteur.

Et finalement deux pistes qui m'apparaissent déjà partie de notre propre patrimoine collectif: une grande corvée de la cueillette de la mémoire collective, ce qui permettrait l'intergénérationnel aussi, ce qui permettrait aussi un mouvement de laïcisation, parce que qui dit patrimoine religieux veut dire carrément, à un moment donné, de le laïciser sous une forme ou l'autre; et finalement de peut-être retenir l'idée du BAPE comme pouvant s'appliquer à des grands ensembles si, à un moment donné, on devait ou l'Église XYZ devait en disposer. Je pense à des grands ensembles conventuels, je pense à... le grand complexe de la Société des missions-étrangères dans la ville de Québec.

Il y aurait certainement des levées de bouclier ? on en a vu un exemple juste précédent ? exemple, comme on a déjà entendu l'Hôpital général de Québec dire: Bien, ceci est notre bien, mais en réalité c'est tout à fait faux parce que c'est collectivement que nous avons constitué ce bien. Si ce bien existe, c'est parce qu'il y a eu des supporteurs vers ces communautés religieuses, sinon, oublions-ça, ça n'aurait jamais existé. Et ensuite l'autre enjeu, qui est: Comment assurer nos vieux jours? Là, je pense en particulier aux communautés religieuses, là, l'exemple du Carmel récemment, est aussi partie de cet enjeu.

Mais je pense sincèrement que collectivement nous sommes prêts à nous approprier cette histoire qui fut la nôtre. Le plus bel exemple, ici, que je peux donner, ce sont les funérailles de M. Bourgault qui ont été des funérailles civiles et qui ont eu lieu dans la cathédrale. Et ça, c'était à mon avis le premier exemple d'une réelle appropriation civique d'un lieu religieux, et collective aussi. Et c'est ça qui me fait penser qu'on est rendus finalement prêts à s'approprier cette histoire-là. Nous sommes aussi prêts à trouver ensemble des moyens équitables qui, ce faisant, ne léseront pas les membres de nos collectivités qui ont oeuvré au sein des communautés religieuses. Parce que ça, c'est certain, je vois très bien toutes les communautés religieuses venir à la commission et dire: On ne peut pas se départir de ça d'une manière collective parce que, nous, il faut assurer nos vieux jours.

Si nous trouvons toutes les solutions puis qu'on les met en place, nous aurons alors à mon avis clos correctement une autre page de la Révolution tranquille, celle de la laïcisation de notre histoire religieuse ? c'est la dernière qui manque ? une oeuvre que nous n'avons pas terminée quand on a fait le passage des hôpitaux religieux aux hôpitaux civiques et des institutions d'enseignement privé à des institutions d'enseignement public. Il nous reste cette dernière page là à finir. Les républicains et Français l'ont faite, je ne vois pas pourquoi, nous, on ne le ferait pas. Et, qui sait, peut-être ajouterons-nous ainsi un autre fleuron à nos réalisations collectives ? on a eu une certaine réputation historique pour avoir réalisé une révolution tranquille, peut-être qu'on pourrait la finir ? avoir inventé un mode de transmission équitable et significatif du patrimoine religieux des mains des acteurs religieux aux mains des citoyens. Voilà.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, Mme La Rochelle, vos propos sont fort intéressants. D'ailleurs, la plupart de vos propos font partie du coeur de... pas le coeur du frère André, comme dit le député de Mercier, mais du coeur du problème, puisque c'est la définition du droit de propriété. Même, pourrait-on, en séance de travail, voir si on pourrait demander une étude d'un expert sur ce réel droit de propriété là, à qui appartiennent ces églises-là. Et, étant donné que nous soulevons cet état de fait du droit de propriété, de cession de ces bâtiments-là à l'État que vous évoquez, de quelle façon voyez-vous la cession de ces bâtiments-là? Est-ce que c'est par une entente de gré à gré avec le clergé, les associations... c'est-à-dire les communautés religieuses? Un professeur d'université nous a dit, la semaine dernière, a parlé, entre guillemets, de nationalisation. Quand vous parlez du patrimoine excédentaire, est-ce qu'on agit à la pièce? Le même professeur, la semaine dernière, nous a dit de façon un peu polémiste: Attendez 20 ans, ils seront tous excédentaires. Donc, de quelle façon vous voyez ça, ce transfert de propriétés là officiel à l'État?

Mme La Rochelle (Johane): Bien, je pense qu'on a la réponse dans les années soixante. On l'a déjà fait, on a transféré des hôpitaux, on a transféré des institutions d'enseignement. Et on l'a fait de deux façons. On l'a fait par voie légale, par la voie d'une loi, mais on l'a fait aussi par des ententes de gré à gré. Et c'est pour ça que je disais qu'à mon avis on ferme la dernière page de la Révolution tranquille si on arrivait à cette étape-là.

Mais avant ça ce qu'il faut qu'on fasse collectivement, c'est: Quel patrimoine ? là, vous parlez du patrimoine tangible, immobilier, là, il reste le reste ? quel patrimoine est à conserver? Et c'est là que je pense que le BAPE pourrait nous donner une bonne piste. Parce que, si on aboutit... Et ce qu'il faut en arriver, c'est que chacune des collectivités et la collectivité dans son ensemble déterminent lesquels critères seront nécessaires et lesquels critères doivent être retenus pour déterminer lequel des patrimoines doit passer du religieux au civique, disons.

Le Président (M. Brodeur): Et, dans cette situation-là ? vous connaissez la valeur de ces biens-là, vous connaissez également le coût des restaurations de ces biens-là ? pensez-vous que l'État devrait être seul dans cette entreprise-là ou doit-on s'inspirer de ce qui se fait ailleurs et aller chercher des associés, autant municipaux, de l'Église et du privé? Parce que vous savez que c'est excessivement dispendieux à entretenir et à conserver.

M. Moreau: Et à acquérir.

Mme La Rochelle (Johane): Oui, mais là l'acquisition, ça, là, je vais être bien directe, O.K.: On l'a payé, on l'a payé collectivement. Soyons bien clairs. Là, on parle, dans ce cas-là en particulier, je parle surtout du patrimoine catholique romain. Je ne peux pas parler pour le patrimoine des églises anglicanes parce que je connais mal leur fonctionnement légal sur ce plan-là. Mais, pour ce qui est du patrimoine catholique romain, on l'a payé une fois, puis deux, puis trois.

On a juste à penser à la dernière grande levée de fonds ? et ça, c'est très significatif ? qui a été faite pour le Grand Séminaire de Québec, pour la construction du Grand Séminaire de Québec sur le campus de l'Université Laval, qui s'est faite à l'échelle de tout le diocèse de Québec. Je serais curieuse de savoir aujourd'hui combien a coûté à l'État le transfert du Grand Séminaire en lieu pour les Archives nationales. S'il faut qu'on me dise qu'on a payé une deuxième fois ? puis je ne serais pas surprise ? bien, là, j'ai des grosses questions morales, j'ai des grosses questions d'éthique aussi.

La question qui va faire que l'Église catholique, les diocèses et les autorités politiques de l'Église catholique décident qu'il faut négocier ça, cette transaction-là ou ces transactions-là, c'est pour assurer des vieux jours. Bien là, à ce moment-là, qu'on s'assoie sur ce problème-là puis qu'on trouve des solutions par rapport à ce problème-là. Moi, j'ai pensé à une, mais, tu sais, je suis une citoyenne parmi d'autres, là.

n(15 heures)n

Ce qui devient très préoccupant, entre autres, pour les communautés religieuses, c'est le vieillissement de leur population, donc l'impossibilité de pouvoir s'autoentretenir, physiquement même. Donc, par conséquent, qu'est-ce qui empêcherait l'État québécois de reconnaître, comme on l'a fait pour les instituteurs du privé quand on a fait le passage, de reconnaître que ces personnes ont fait une contribution à l'ensemble de la société du Québec soit par la voie des services sociaux soit par la voie communautaire, etc., et que par conséquent l'État s'engage à assurer leurs vieux jours à ces personnes présentement vivantes? Si ces communautés-là ressurgissent à un moment donné dans le temps, bien là, elles deviendront des communautés strictement religieuses et non pas des communautés sociales, culturelles, économiques et religieuses.

Le Président (M. Brodeur): ...de créer un régime de pension...

Mme La Rochelle (Johane): Absolument. On l'a fait pour les enseignants des institutions privées qui avaient été transférés dans l'enseignement public, on a créé un régime spécial pour ces personnes-là, bien pourquoi on ne ferait pas la même chose, tout simplement? Reconnaître la contribution collective, mais inversement aussi dire: Tout ça se sont passés dans des lieux et ont produit des objets, des connaissances et des savoirs qui sont aussi collectifs.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Oui. Merci, M. le Président. Mme La Rochelle, vous avez une voix douce et des propos doux, mais c'est quand même très sévère, le jugement que vous portez. Je vous dirais que je suis le raisonnement que vous faites en disant: Il faut reconnaître... bon assurer les vieux jours des communautés religieuses en reconnaissant l'apport qu'elles ont eu. L'apport qu'ont eu les communautés religieuses, dans l'enseignement, dans la santé, dans les services sociaux au Québec, avant la Révolution tranquille, à laquelle vous vous référez, existe indépendamment du fait qu'il y ait des biens ? des biens et non pas des personnes ? qui sont issus du patrimoine religieux. Et, à cet égard-là, quand, comme législateurs, on doit...

Et c'est notre rôle, là, hein? On est des législateurs. C'est le rôle de la Commission de la culture, suivant ce mandat d'initiative, de faire des recommandations en ce qui a trait au patrimoine religieux, c'est-à-dire donc aux objets, aux biens et à la tradition, tout ce qu'on a défini dans le document de consultation comme faisant partie du patrimoine religieux, ce qui est distinct des personnes elles-mêmes. Dans ce contexte-là, moi ? je ne sais pas si vous étiez ici, ce matin ? j'ai émis l'opinion que la loi, parce que j'agis comme législateur, ce n'est pas nécessairement mon choix à moi, mais la loi, à l'heure actuelle, me semble bien reconnaître, sous réserve des vérifications que l'on fera, la propriété de ces biens-là... que la propriété de ces biens-là est reconnue dans une loi et que ça appartient aux fabriques, hein? Bon. Dans ce contexte-là, tout geste que l'on pourrait faire, soit en termes de transfert de propriété en tout ou en partie, équivaudrait à une expropriation au sens juridique du terme.

Et je ne veux pas vous amener sur un débat juridique, mais j'aimerais que vous précisiez une chose que j'ai trouvée intéressante dans vos propos et qui m'apparaît être une mesure plus douce un peu. Vous parlez de modifier la Loi sur les fabriques... Parce que l'appropriation comme telle d'un patrimoine, je trouve ça un peu violent, là, en tout cas il pourrait y avoir des conséquences pour l'État et, par voie de conséquence, sur la société, si on le faisait comme ça, à tout le moins des conséquences économiques. Mais vous suggérez de modifier la Loi sur les fabriques pour faire en sorte que, dans le diocèse, on donne aux fabriques les pouvoirs qui, dans la Loi sur les fabriques, appartiennent à l'évêque et donc d'amener la communauté comme telle à s'intéresser à la gestion des biens. J'aimerais que vous développiez là-dessus parce que là ça m'apparaît être une façon claire, sans transférer la propriété en tout ou en partie, de permettre à la communauté, que vous estimez être propriétaire des biens, de se réapproprier ces biens-là. Est-ce que ce n'est pas là une piste de solution très intéressante puis assez globale?

Mme La Rochelle (Johane): Oui. Bien, c'est pour ça que j'en ai parlé, là, puis que je l'ai redit dans mes propos d'introduction. Mais ça, c'est en autant qu'au niveau de la loi on s'assure qu'ils deviennent les réels fiduciaires, parce que l'État peut déclarer que ce patrimoine-là est public sans nécessairement en devenir de facto propriétaire. Je pense, en tout cas. Mais ça, c'est un aspect légal, là, puis je ne peux pas m'avancer. Mais, si la propriété reste entre les mains des fabriques, ça voudrait dire qu'il faudrait que la loi donne suffisamment de dents aux fabriques. Là, à l'heure actuelle, c'est variable d'une paroisse à l'autre, c'est variable si le conseil de fabrique représentant les citoyens est plus ou moins actif ou si l'évêque ou le curé dirige tout. C'est comme ça que la plus grande part s'est dilapidée, très souvent. Bon. Mais là, si le conseil de fabrique devient l'instrument, est-ce qu'on peut penser qu'il pourrait être élargi au-delà des pratiquants?

M. Moreau: C'est-à-dire?

Mme La Rochelle (Johane): Bien, au-delà des pratiquants catholiques romains ou au-delà des pratiquants anglo-saxons. Si, par exemple, on parle d'un patrimoine immobilier qui, selon certains critères, serait identifié patrimonial, à partir de là, la fabrique a une responsabilité collective, et non pas seulement vis-à-vis des paroissiens de la paroisse, elle a comme deux volets de responsabilité. Elle a le volet vis-à-vis des paroissiens, des pratiquants, mais elle a le volet aussi vis-à-vis de la collectivité et, là, donc de rendre des comptes publics et de ne pas pouvoir agir en catimini, entre quatre murs, là, tu sais. C'est pour ça que l'idée du BAPE... c'est après ça que l'idée du BAPE m'est arrivée.

M. Moreau: Je termine là-dessus. Alors donc, non seulement rendre collégial, c'est-à-dire transférer à la fabrique les pouvoirs de l'évêque, hein, ou une partie des pouvoirs de l'évêque qui n'a pas lieu... qui n'est pas reliée directement à l'exercice du culte, là, mais bien à l'égard des biens, et faire en sorte que cette fabrique ait des pouvoirs plus étendus pour...

Mme La Rochelle (Johanne): Des obligations.

M. Moreau: Des obligations et des pouvoirs donc plus étendus. C'est le sens de vos propos.

Mme La Rochelle (Johane): Oui, dans ce sens qu'elle devienne représentative de la communauté en autant que... Mais là on parle juste d'une chose, là, en parlant de ça, on parle seulement du patrimoine de paroisse.

M. Moreau: Oui, ça, c'était ma question sur cet élément-là, mais je sais que vous dépassez ça. J'ai fini, j'ai fini.

Le Président (M. Brodeur): ...M. le député de Marguerite-D'Youville, oui? M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. Merci, Mme La Rochelle, pour ce mémoire qui prend la forme de réponses aux questions qui ont été formulées par la commission et qui sont, je pense, de bonnes questions, auxquelles vous apportez de bonnes réponses ou en tout cas des pistes de solution intéressantes.

Je pense qu'on comprend bien ce que vous proposez. Puis, pour continuer votre réponse, là, au député de Marguerite-D'Youville, vous le dites noir sur blanc, c'est clair: L'État peut être le fiduciaire principal, là, vous l'accentuez, «le fiduciaire principal». Et ensuite vous ajoutez: L'État doit être «le gardien premier». Alors, dans votre esprit, c'est assez clair. Puis il y a des conséquences qui découlent de l'idée que l'État est le fiduciaire principal et le gardien premier.

Et une des choses sur lesquelles j'aimerais vous entendre, c'est quand vous parlez des initiatives étrangères, en répondant à la question 6. Vous, vous semblez nous dire: Regardez, il y a peut-être quelque chose entre la France et le Royaume-Uni, il y a deux expériences qui nous intéressent. On a entendu M. Joyal dire: C'est la France. On a entendu les gens de la ville de Gatineau puis la Société d'histoire de l'Outaouais nous dire: Non, c'est l'expérience du Royaume-Uni. Si je comprends bien, quelque part vous dites: Ah, il y a peut-être, entre les deux expériences, un compromis possible. Et peut-être que vous pourriez nous en parler davantage.

J'aimerais aussi que vous nous parliez du BAPE religieux ou peut-être du BABE, du bureau d'audiences sur les biens de l'Église, le BABE.

Mme La Rochelle (Johane): ...des biens religieux.

M. Turp: Ou des biens religieux. Ça se dit moins bien comme acronyme, le BABR.

Mme La Rochelle (Johane): ...avec «Église», c'est restrictif.

M. Turp: Mais en tout cas, moi, je trouve aussi intéressant. Mais comment inscrivez-vous ça? Quand est-ce que ça se fait? S'il y a une fiducie où l'État intervient, à quel moment se produit ce processus d'examen, de consultation sur l'avenir de l'utilisation future des biens du patrimoine religieux? Tout en étant, je pense, une idée à explorer, je voudrais bien comprendre à quel moment se produit cet examen dans le déroulement des choses.

Puis je voudrais juste faire un commentaire, M. le Président, une demande à notre secrétariat, là. J'en ai fait, la dernière fois, puis je suis bien content d'avoir des belles notes qui nous sont présentées sur l'encadrement légal des biens mobiliers à caractère religieux au Québec et au Canada. Vous avez dit quelque chose qui mérite, je pense, une étude plus fouillée, sur les Archives nationales à Québec. Moi, là, je veux savoir qu'est-ce qui s'est passé aussi. Je pense que c'est dans l'intérêt de tous de savoir ce qui s'est passé. Quand le gouvernement du Québec a déménagé ses archives dans l'église, là, qui est sur le campus de l'Université Laval, combien ça a coûté, ça? Est-ce que ça n'a coûté rien parce que l'Église a donné ça à l'État québécois pour 1 $? Et est-ce qu'il y a d'autres expériences comme celle-là qui pourraient nous guider, comme commission? Parce que, quand on parle du moratoire, là, qu'on a évoqué plusieurs fois déjà aujourd'hui...

Une voix: En quelle année?

M. Turp: Je ne sais pas. Le déménagement des archives, c'est quand même assez récent, là.

Le Président (M. Brodeur): En quelle année?

M. Turp: Une dizaine d'années peut-être.

Mme La Rochelle (Johane): Attends un petit peu. là. Eh, mon Dieu! 1978, 1975. 1978.

M. Turp: Alors donc, ça fait quand même assez longtemps.

Une voix: 30 ans?

Mme La Rochelle (Johane): À peu près ça, là.

M. Turp: Bien, en tout cas, ça vaudrait la peine pour notre commission de savoir, lorsque l'État a justement décidé, plutôt que de créer un bâtiment pour loger les archives, de plutôt les loger dans un édifice patrimonial comme l'église qui est sur le campus de l'Université Laval, qu'est-ce qui est arrivé. Qui a payé? Est-ce qu'on a payé? Est-ce que ça a été donné? Quelle a été la compensation, s'il y en a une, de l'État à l'Église, dans ce cas-là? Moi, je souhaiterais qu'on ait des données là-dessus.

n(15 h 10)n

Puis mon commentaire, c'était... Et ça me permet de revenir juste rapidement, puis c'est votre citation d'Odile Tremblay qui m'a donné cette idée-là. Le témoignage de M. Champagne, tout à l'heure, là, nous a démontré l'importance de préserver le patrimoine matériel, donc le bâti, l'immobilier et le mobilier, pour préserver le patrimoine immatériel, hein? Ce que M. Champagne nous a dit tout à l'heure, c'est de l'immatériel, ça, c'est tout ce qui s'est passé dans cette ville, c'est l'histoire de la ville, c'est ses traditions, c'est tout ce qui va être oublié, perdu, parce qu'on aura détruit cette église. Alors, je pense qu'on doit avoir cette préoccupation, quand même on parle du patrimoine matériel, d'avoir la préoccupation de sauvegarder le patrimoine immatériel qui est aussi perdu ou qui peut l'être à cause de la destruction du patrimoine matériel. Mais en tout cas je reviens à mes deux questions sur les initiatives étrangères et sur le BAPE, BABE.

Mme La Rochelle (Johane): La raison pourquoi, vous, vous pensiez que c'était entre les deux, là... Entre la France et l'Angleterre, mon coeur balance. Mais ce n'était pas tout à fait ça. Ce que je trouvais important, c'était de souligner que la France a pris un engagement collectif à l'égard d'un patrimoine religieux, et c'est là, je trouve, que c'est inspirant pour nous, à savoir que, si, dans l'hypothèse... Parce qu'il me semble que, dans la marche à suivre, il y aurait une étape critique, qui est celle de reconnaître lesquels des éléments immobiliers du patrimoine religieux doivent être conservés, là. À ce moment-là, l'exemple de la France devient important parce que, pour eux, cette décision-là a aussi fait que l'État a pris charge de l'entretien ou de la restauration, parce que ce n'est pas dans tous les champs que l'État va s'impliquer, mais il voit à l'entretien, dans certains cas, des grandes cathédrales, il voit aussi à la restauration.

Puis vous me dites: Comment ça marcherait? Bon, par rapport à l'Angleterre, c'est la question d'un fidéicommis que j'ai trouvé intéressante. Parce que, si l'État devient le principal et non exclusif fidéicommis ou fiduciaire, il serait normal qu'il y ait l'idée d'un fidéicommis qui soit mis sur pied. Parce qu'on ne pourra pas penser que, juste par les opérations régulières, et puis les changements, puis les coupures, puis les ci, puis les ça, on va pouvoir entretenir sur du long terme tout ça, ce serait valable pour d'autres patrimoines, là, mais il me semble que c'est juste par le fidéicommis. On constitue un capital de départ assez imposant ou important, mais, à partir de là, ce lieu-là ou cette caisse-là permettrait à différents individus de s'impliquer, permettrait à des communautés religieuses ou d'autres instances religieuses de faire don peut-être...

Là, tu sais, j'élabore, là, parce que je ne l'ai pas vu tout fonctionner dans ma tête, quand j'ai proposé ça, mais ça me semblait une affaire essentielle, parce qu'il va falloir qu'il y ait plus que le partenaire État ? je l'ai appelé principal puis premier ? mais tout le reste de la communauté, tu sais. Mon lien, c'est... Tout ça, c'est collectif, donc il faut que les autres acteurs du collectif rentrent en jeu aussi, que ce soit le Mouvement Desjardins, que ce soient les banques, que ce soient les individus, les associations de patrimoine, qu'ils collaborent au fonds de fidéicommis qui, lui, voit après à la pérennité. Parce que c'est ça qui est l'enjeu, pour nous, collectivement, là, c'est la pérennité de quoi que ce soit comme outil légal qu'on mettrait en place. Puis je vois mal que... juste l'outil légal seul, ça ne marchera pas, là, il faut assurer la pérennité physique.

Tu sais, si on pense à la pérennité physique des archives religieuses, avez-vous pensé, il n'y a rien qui nous garantit que les archives des communautés religieuses, comme celles des Ursulines, etc., la Congrégation Notre-Dame, nommez-les, là, les Oblats, les Jésuites, que tout ça va perdurer, là. On n'a aucune assurance de ça. Mais ça, c'est notre histoire, c'est notre histoire. Ce n'est pas parce que c'est religieux que c'est notre histoire, ça consigne notre histoire dedans.

M. Turp: ...le BAPE?

Mme La Rochelle (Johane): Alors, le BAPE, le BAPE, si on revient à mon hypothèse de départ, qu'on a catégorisé, là, lesquels doivent être absolument conservés, lesquels des patrimoines matériels, etc., le BAPE vient, à ce moment-là, comme outil au même titre qu'un peu dans l'environnement. Il y a intention de se départir? Bien, là, absolument le BAPE doit intervenir s'il s'agit d'un objet, quel qu'il soit, là, d'un fonds, d'un édifice, d'un patrimoine qui a été identifié comme étant collectif, comme étant un bien collectif, même s'il peut appartenir à une communauté. Et, à ce moment-là, le BAPE permet le rassemblement des citoyens. C'est l'idée dont monsieur parlait, là: Donnez-nous deux ans pour pouvoir se retourner. Bien, le BAPE est un outil qui a prouvé que c'est un très bon moyen d'une part d'apprendre les uns des autres. Je vois très, très bien les séances, où vous avez l'Église représentée puis des citoyens, puis, parce qu'il y a des experts qui viennent expliquer en quoi c'est important, ce patrimoine-là, et en donner les caractéristiques, bien les uns et les autres vont apprendre. Ça, c'est la première phase. Après ça, c'est la phase de bâtir les solutions. Exactement le processus, là.

M. Turp: Juste très, très brièvement, le BAPE aurait compétence dès lors qu'un bien religieux serait...

Mme La Rochelle (Johane): Qualifié.

M. Turp: ...désigné comme un bien patrimonial, il n'aurait pas compétence sur les biens qui n'auraient pas obtenu cette désignation?

Mme La Rochelle (Johane): C'est ça. Puis là je parle des biens matériels ou immatériels.

M. Turp: O.K.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, Mme La Rochelle. Malheureusement, c'est tout le temps que nous disposions. On vous remercie beaucoup.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que Marie-Jeanne Musiol puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 17)

 

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux. Nous sommes maintenant prêts à recevoir Mme Marie-Jeanne Musiol.

Bienvenue en commission. Donc, vous avez observé un peu de quelle façon on fonctionnait. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour faire le point sur vos propos, et ce qui sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Mme Marie-Jeanne Musiol

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Parfait. Alors, ce sera moins que 10 minutes, parce que je voudrais d'abord situer mon intervention comme une intervention citoyenne, c'est vraiment à ce titre que je désire intervenir, et comme personne qui a travaillé un petit peu dans la défense du patrimoine, qui a même sauvé des bâtiments. Je suis artiste, alors c'est dans cette perspective, si vous voulez, qu'on a réussi à récupérer un bâtiment ici, à Hull, qui s'appelle La Filature et que nous avons entièrement rénové à peu de frais. Alors, il y aurait peut-être là certaines avenues éventuelles qui pourraient s'appliquer au sauvetage du patrimoine religieux.

n(15 h 20)n

Mais d'abord je voudrais simplement parler de l'application de la loi en général. Comme citoyenne, avec des voisins, nous avons fondé ici, dans le secteur de Hull, l'Association du patrimoine du ruisseau de la Brasserie pour préserver un petit quartier. Et, au fil des ans, avec beaucoup de persévérance, l'association a réussi à faire désigner le quartier comme quartier patrimonial dans le plan d'urbanisme, bien avant qu'il n'y ait de politique municipale de patrimoine. L'association a aussi élaboré une série de normes régissant la construction, la restauration ou la modification des bâtiments existants, normes que la ville a accepté d'appliquer lors de la demande de permis. Mais, comme vous voyez, il s'agit toujours ici de l'ouvrage à la pièce, de la petite ouvrage à la pièce.

Il nous a aussi fallu entreprendre des batailles où l'on croyait que la protection était assurée par une soi-disant loi sur les biens culturels. Nous avons pu voir à l'oeuvre en direct la portée et l'efficacité de cette loi, sous laquelle avait été désignée site historique la grande propriété Wright-Scott, ici, à Hull. Alors, je veux juste vous dire ? je ne m'égare pas, là, je vais revenir au patrimoine religieux ? 20 ans après une désignation sous la loi en bonne et due forme qui avait déjà nécessité une mobilisation importante de citoyens en 1979, il a fallu les remobiliser massivement en 2005 et créer un site Internet pour exiger que cette même loi soit appliquée à la lettre par la ville chargée d'en assurer l'intégrité.

Le ministère de la Culture, en nous renvoyant à la municipalité ignorant sa charge, nous démontrait du même coup ce que valent les classements, reconnaissances et citations faits sous une loi qui ne s'applique qu'avec la collaboration du bon vouloir municipal. Sans inclusion contraignante dans les plans d'aménagement et dans les plans d'urbanisme municipaux, les divers instruments patrimoniaux n'ont qu'une valeur morale qu'il incombe aux citoyens de ressusciter à chaque nouvel incident et de faire valoir dans d'éternels recommencements.

Je fais une parenthèse ici pour souligner qu'une partie de l'apathie et du désengagement des citoyens face aux causes du patrimoine tient au fait que, malgré des protections aux titres rassurants, rien n'est jamais acquis. Un cynisme se développe par conséquent face au relativisme permanent des applications de la loi. J'évoque ici cet exemple local pour souligner la difficulté que nous avons, au Québec, à instituer des instruments contraignants de protection qui ne se prêtent pas à perpétuité à l'interprétation et au circonstanciel.

Une incarnation semblable à la Loi sur les biens culturels, qui viendrait remplacer la Loi sur les fabriques, pour la protection du patrimoine religieux, ne serait pas d'un grand secours. C'est pourquoi j'abonde dans le sens plus décisif d'une fiducie de gestion spécifique, sur le modèle anglais, qui aurait le mandat de préserver et d'entretenir les lieux désignés sur l'ensemble du territoire selon des critères qui sont à définir et avec la collaboration de ceux qui habitent encore ces sites.

Mais les responsabilités doivent être partagées pour assurer le succès de l'entreprise. L'État a l'obligation première de donner aux citoyens des outils légaux et contraignants en échange de leur participation à la mise en valeur du patrimoine religieux. Et je pense qu'on ne peut pas se dispenser de cette alliance parce que sinon le citoyen devient l'instance responsable de l'application de la loi. Il y a quelque chose qui est fautif là-dedans, et je le dis à des politiciens parce que, comme citoyens, nous sommes profondément frustrés, à de nombreuses reprises, d'avoir à refaire les batailles qui ont été gagnées par nos prédécesseurs et où il faut refaire la démonstration parce que soit que la loi est mal interprétée, soit que... etc., et que les municipalités maintenant, qui ont des charges accrues, des très bons comités, des très bonnes commissions de la culture et du patrimoine, doivent maintenant apprendre à assimiler ces éléments qui ont été gagnés et qui ont été fixés pour les introduire dans leurs plans d'urbanisme et dans leurs plans d'aménagement. Ce n'est pas juste, de demander aux citoyens ? là c'est vraiment une revendication d'activiste ? de refaire ces luttes à chaque génération. Et, moi, ça en fait déjà deux, générations, et, quand on en aura trois, on n'aura plus la force de les faire. La loi nous permet d'ailleurs d'éviter ce genre d'écueil.

Là, je voudrais juste faire une petite parenthèse sur la conversion des édifices religieux. Ça, c'est des sujets, deux sujets mineurs, là. Vous avez défini des niveaux de conservation qui sont bien hiérarchisés pour le patrimoine religieux. Je voudrais seulement faire une remarque sur l'importance de garder dans la trame urbaine la présence physique des bâtiments qui délimitaient souvent des quartiers entiers.

On parle souvent de démolition de bâtiments, et je trouve ça très dommage parce que quelque part, comme d'autres personnes, bien sûr je déplore la condoïsation des édifices religieux qui se fait présentement hors d'un plan d'ensemble, mais, malgré tout, la conservation, à travers la condoïsation, d'une entité architecturale sur son site, dans son quadrilatère a quand même le mérite de signaler dans le paysage une présence du passé dont le sens s'est transformé et à ce titre elle mériterait, elle aussi, une réflexion et le développement d'une stratégie de dévolution qui prendrait en compte les impératifs d'un patrimoine vécu de l'extérieur, sur le trottoir. Parce que la plupart des gens qui voient ces édifices transformés, à ce moment-là, n'en font plus que l'expérience à partir du trottoir.

La dévolution de bâtiments religieux devrait nécessairement fixer les conditions de la réinscription urbaine de ce bâtiment. Et là je pense qu'il n'y a peut-être pas suffisamment d'attention qui est accordée à cet élément. Bon, ça reviendra éventuellement aux municipalités, en fait aux municipalités qui donnent les permis de construction, de voir à cet élément. Mais ce serait certainement quelque chose qu'il faudrait examiner plus attentivement parce que ce serait une manière de récupérer une partie récupérable en quelque sorte et d'en faire une utilisation.

Un autre petit sujet, c'est l'inventaire des biens meubles. La photo, dans les journaux montréalais, de gens qui se précipitaient pour acheter les artefacts religieux d'un pensionnat, dans une vente de garage récemment, a mis en lumière la facilité avec laquelle les premiers fiduciaires des objets n'ont souvent aucun processus de dévolution et d'évaluation de leurs biens. Les inventaires sont un impératif évidemment, mais dans l'immédiat il serait urgent de mettre terme à ces ventes non encadrées en exigeant un droit minimal de regard. La constitution d'un ensemble de biens meubles provenant de différentes sources pourrait éventuellement servir à compléter, rehausser ou meubler des lieux de culte déjà existants mais qui, pour toutes sortes de raisons, ont des lacunes dans leur installation. Pourquoi ne pas réintroduire dans certains lieux de culte modernes, par exemple, un ou deux éléments du patrimoine qui rattacheraient la congrégation à un passé pas si lointain?

Et là je voudrais simplement donner l'exemple de l'église Sainte-Bernadette ici, à Hull, qui est une église des années trente, d'un style moderniste qui n'est pas particulièrement extraordinaire mais qui est très intéressant comme témoignage d'une certaine époque, dans laquelle on avait décidé d'enlever tous les bancs pour faire une espèce de réaménagement d'autel dans une perspective de dynamisation de la communauté, ce qui, bien entendu, n'a pas marché parce que les fauteuils venaient de Bureau en gros et puis, bon, je pense qu'on préférait encore s'asseoir sur les bancs en bois, et les bancs en bois ont été complètement liquidés. Or, l'église a fermé pendant un moment, une autre communauté ? portugaise ? a repris les choses en main et elle évidemment s'est retrouvée sans bancs dans l'église. Elle a dû recourir à Maniwaki, acheter une partie du lot des bancs d'église qui avait été vendu dans un premier temps. Alors, ça fait un petit peu un cirque, on tourne en rond.

Et c'est toujours déplorable quand ces choses, malgré la... En fait, malgré la volonté de la communauté de garder les bancs, il y avait eu, là aussi, un conseil de fabrique qui avait décidé que c'était la chose à faire. Donc, quelque part, quand on n'a pas à se confronter au pouvoir de l'évêque, qui est souvent personnel, on a aussi à se confronter à des instances de fabriques qui, elles, ne sont pas plus habilitées que l'évêque à faire des décisions ou à prendre des décisions qui auront un impact décisif sur les communautés. Alors, je pense qu'il faut faire attention, les fabriques ne sont pas des... ce n'est pas non plus la panacée, les mêmes problèmes se posent à elles qu'à l'individu qui décide, sur une base très personnelle, de faire une transformation majeure. Alors, c'est là...

n(15 h 30)n

Le Président (M. Mercier): Ça conclut votre présentation, Mme Musiol?

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Avec quelques observations, oui.

Le Président (M. Mercier): Évidemment, je vous remercie, je vous remercie pour ce témoignage à saveur, je vous dirais, quelque peu même anthropologique, avec certains exemples que vous avez donnés, mais avec certains points qui nous rappellent bien des souvenirs que l'on vit, nous également, à titre de législateurs et de députés, dans nos comtés propres.

Vous me permettrez, avant de céder la parole à mes collègues, Mme Musiol, de peut-être faire un pont, un lien avec notre... avec Mme La Rochelle qui vous a précédée tout à l'heure. Vous avez mentionné un terme que j'aime bien utiliser moi-même dans certains discours des fois politiques mais, je vous dirais, même avec mes citoyens, lorsque je les rencontre personnellement. Vous parlez de trame urbaine. Moi, souvent, je parle de tissu urbain. Mais «trame urbaine» et «tissu urbain» se rejoignent beaucoup comme termes.

Et je fais référence ici à Mme La Rochelle et à l'idée peut-être d'un BAPE et j'essaie de dynamiser, je vous dirais, les deux présentations que vous avez faites, en ce sens que j'aimerais savoir ce que vous, compte tenu qu'une église, selon vous, un bien immobilier pourrait peut-être rester de façon partielle ou totale dans le tissu urbain afin de révéler davantage l'histoire qu'a vécue un village, un quartier, mais en même temps, en même temps afin que l'on puisse se souvenir et que les générations futures puissent toujours se souvenir qu'il s'est passé quelque chose là, qu'il y a une histoire, qu'il y a de l'architecture, qu'il y a un passé solide... Alors, selon vous, un BAPE, ça aurait de l'allure ou ça pourrait fonctionner?

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Oui.

Le Président (M. Mercier): De quelle façon? Si évidemment l'idée de Mme La Rochelle vous convient.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Alors, si vous me rappelez, c'est un bureau d'audiences...

Le Président (M. Mercier): Publiques.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): ...publiques.

Le Président (M. Mercier): C'est un... Dans le fond, là, pour vulgariser, c'est un genre de comité consultatif, hein? Dans le fond, ça sert tout simplement à recueillir des opinions. C'est gouvernemental, et le gouvernement retient... Un peu comme ici, en commission parlementaire, on retient vos suggestions, on écoute, et ensuite il y a un rapport qui est ensuite remis, etc. Ou on peut ne pas le retenir.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Est-ce qu'il fonctionne aussi un peu comme le BAPE?

Une voix: Oui, c'est ça, c'est le BAPE.

Le Président (M. Mercier): C'est ça, c'est le BAPE.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Oui. Ce serait le même principe?

Le Président (M. Mercier): Oui.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Bon.

Une voix: Mais quelle instance voyez-vous?

Le Président (M. Mercier): Mais quelle instance voyez-vous? Une instance très, très communale, je vous dirais, ou une instance plutôt gouvernementale qui vient écouter les citoyens?

Mme Musiol (Marie-Jeanne): C'est sûr que cette instance, elle doit, d'une certaine façon, être liée à la fiducie de gestion. Il faut qu'il y ait quand même un rapport entre l'instance chargée ? si on accepte cette instance ? de prendre en charge l'analyse du patrimoine, son maintien, etc., et cette autre instance chargée d'entendre les représentations et de voir comment est-ce que les choses peuvent s'harmoniser.

Je pense, je suis d'accord, on est toujours ouvert au dialogue. Mais, comme citoyen ou citoyenne qui ai participé à de nombreuses commissions du BAPE, entre autres, puis où nous avons gagné nos causes d'ailleurs, je peux dire que ça prend énormément de temps et c'est toujours exiger, de la part du citoyen, un investissement massif. Je sais que beaucoup de gens sont prêts à donner une opinion qui ne prend pas énormément de temps à préparer. Mais, pour pouvoir préparer des véritables mémoires, pour pouvoir faire des analyses complexes de situations, ça demande énormément de temps. Alors, oui, je suis ouverte à toute instance de dialogue, mais je vous mets de nouveau en garde contre des instances trop lourdes qui donnent ou qui relancent aux citoyens l'obligation de faire toutes les démonstrations.

Le Président (M. Mercier): D'accord. Vous me permettrez également de vous poser la question. Suite aux réponses que vous avez fournies à la commission, en question 2, vous parlez: Pourquoi ne pas avoir un genre de centrale ? que je qualifierais peut-être d'une réserve ? qui permettrait d'entreposer, hein, des biens, certains biens excédentaires? Alors, selon vous, ça s'articulerait de quelle façon et de quelle façon est-ce que vous procéderiez? Parce que bon, évidemment, je comprends que vous aviez quelques phrases, là, pour expliquer votre point de vue ou votre opinion, mais...

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Tous les musées ont des entrepôts. Je veux dire, c'est quelque chose qui pourrait être... qui pourrait permettre de garder les éléments les plus significatifs qui auraient à être détachés d'un patrimoine. On parlait d'un orgue...

Le Président (M. Mercier): Alors, à la grandeur d'une municipalité, d'une région, du Québec au complet?

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Ah non, non. Ce serait du Québec au complet, oui, hein? Je le voyais au niveau du Québec pour que cette espèce d'instance puisse ensuite être une banque de ressources, offrir les objets qui pourraient de nouveau resservir. Parce qu'évidemment cette question de musée me gêne aussi. Un objet est toujours plus intéressant lorsqu'il est employé dans un contexte actif. Le musée, c'est vraiment en quelque sorte le dernier repos, quand la chose n'a plus en quelque sorte de domicile. Alors, ce serait un genre de centrale...

Le Président (M. Mercier): Ce serait géré par, Mme Musiol, par...

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Bien, qui pourrait être géré par cette même fiducie.

Le Président (M. Mercier): Par cette même fiducie?

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Justement.

Le Président (M. Mercier): D'accord.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Et qui pourrait en quelque sorte avoir la responsabilité, quand elle voit des besoins, de redistribuer. Évidemment, on ne peut pas avoir des entrepôts immenses, immenses, avec 150 autels, là, ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Mais je pense quand même qu'il y a des éléments exceptionnels qui pourraient être recyclés, avec une sensibilisation aussi et du clergé et des communautés qui pourraient savoir que cette chose-là existe. Parce qu'on voit beaucoup de petites églises qui ont perdu une partie de leur patrimoine, qui pourraient bénéficier de nouveau d'une espèce... d'une reconstitution de patrimoine qui ne serait pas tout à fait le leur mais qui pourrait être autre chose.

Alors, on a des exemples partout à travers le Québec d'églises qui ont été partiellement démolies. Je pense à Saint-François-de-Sales, ici, à Pointe-Gatineau, où la merveilleuse conception du chanoine Bouillon a été complètement détruite petit à petit. Ça s'est fait à petit feu. D'abord, quelqu'un enlève l'autel, ensuite deux, trois colonnes, ensuite quelques statues, et finalement, au bout de 25 ans, il ne reste plus rien. Voilà une église qui bénéficierait d'une reconstitution dans cet esprit.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Musiol, pour ces réponses à la présidence. Et maintenant je suis prêt à céder la parole à monsieur... au député de Marguerite-D'Youville. M. le député.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Mme Musiol, je vous entendais tantôt parler des gens qui couraient après les bancs d'église pour les récupérer, ce qui me fait penser que c'est une caractéristique assez particulière à notre territoire parce que, quand on va dans les Antilles, en Amérique du Sud ou souvent en Europe, les grandes églises n'ont pas de bancs fixes comme chez nous, alors...

Mme Musiol (Marie-Jeanne): ...en bel érable.

M. Moreau: Oui. Bien, ils auraient pu... C'est ça. Ou ils auraient pu s'inspirer de ce qui se passe ailleurs, essayer de mettre des chaises. Non, c'est une blague. En fait, ce sur quoi je voulais vous poser des questions, c'est sur un élément que vous apportez vraiment sous l'angle de l'approche et de la juridiction des municipalités ? dans une vie antérieure, je me suis intéressé à ça beaucoup. Et je me disais que ces éléments de protection là, les municipalités les ont déjà dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Je pense aux plans d'aménagement d'ensemble ou aux plans d'implantation et d'intégration architecturale. Peut-être que vous êtes familière avec ces documents-là. Mais le problème, c'est qu'il ne semble pas y avoir, au niveau local, un intérêt pour agir en utilisant ces outils-là à des fins de protection.

Et ma question est la suivante. Parce que bon, oui, vous êtes prête à reconnaître le principe d'un BAPE, mais vous dites: Faites attention, il ne faut pas que la structure soit trop lourde. Quand je vois que les outils existent au niveau local en matière d'urbanisme, là ? et je parle de réinsertion des bâtiments dans le tissu urbain, qui ne sont plus utilisés à des fins de culte, pour s'opposer à la condoïsation, pour reprendre votre néologisme, là, des églises ? il semble qu'on doit se méfier d'une grosse structure, mais il faut aussi se méfier d'une petite structure parce que la petite structure qui est collée sur le problème ne semble pas avoir non plus la volonté d'agir. Alors, est-ce qu'on est pris avec une solution qui soit une moyenne structure? Et, si oui, ce serait laquelle?

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Bien, moi, je vois qu'il y a un problème entre simplement les lois qui fixent des cadres intéressants et qui précisent certaines des interventions... Par exemple, on désigne des lieux, on leur donne un statut particulier, mais, d'une certaine manière, cette chose-là, faite, par exemple, par la Loi des biens culturels, ne se traduit pas au niveau municipal. Est-ce qu'il n'y aurait pas simplement un outil juridique au niveau provincial qui obligerait simplement les municipalités, d'office, à inscrire cette désignation? À partir du moment où elle existe avec la Loi sur les biens culturels, nécessairement elle devrait être inscrite dans toutes les instances municipales.

n(15 h 40)n

Nous, ici, on s'est retrouvés devant la situation où, en 1979, on avait voté... le site historique avait été désigné sous la Loi des biens culturels et quelque part aucune instance municipale ni n'en était consciente ni ne savait comment l'inscrire, et tout était remis en cause de nouveau à partir de la base. C'est absolument invraisemblable. Je veux dire, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. On nous dit que la municipalité est responsable de l'application de la loi, mais la municipalité ne connaît même pas les éléments de la loi qui s'appliquent à son territoire. Alors, comment se fait cette espèce de bris de communication?

M. Moreau: Ou de culture d'appropriation des outils. Mais à supposer que l'on puisse faire cette éducation-là...

Le Président (M. Mercier): Brièvement, M. le député. Il vous reste une ou deux minutes.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): ...

M. Moreau: C'est ça, si on pouvait la faire ? parce que les outils sont là ? quelle serait, selon vous, la meilleure instance pour intervenir efficacement? Est-ce qu'on doit privilégier le niveau local ou...

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Je pense qu'il faut que ce soit harmonisé, qu'il y ait une intégration verticale, que ce qui passe dans la loi, ce qui est déjà désigné comme site historique ou autre par la loi, sous la Loi des biens culturels, doit nécessairement se traduire dans des plans d'urbanisme et des plans d'aménagement. Je ne vois pas comment est-ce qu'il ne peut pas y avoir cette cohésion entre les deux. Il semble qu'à certains moments donnés des municipalités puissent revenir sur quelque chose qui a déjà été voté dans le passé. Alors, il manque quelque part, je crois, un instrument contraignant qui ferait en sorte qu'à la grandeur du Québec ce qui a été décidé à un certain niveau se traduise nécessairement dans le niveau suivant.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Musiol, pour ces réponses au député de Marguerite-D'Youville. Je suis maintenant prêt à entendre et à reconnaître la députée de Pointe-aux-Trembles. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Il y a, dans la roue de l'appropriation de l'église, particulièrement lorsqu'une église doit fermer, là, ou qu'on sent qu'il y a une éventualité de fermeture... Vous avez parlé, tout à l'heure, du conseil des fabriques, avec leurs pouvoirs et leurs plus ou moins pouvoirs, leur marge de manoeuvre assez mince à travers tout ça. C'est quand même le conseil de fabrique qui, lui, doit gérer la paroisse, d'une part, mais en même temps les décisions, vous dites, vous les associez aussi au curé et à l'évêque, là. Tout à l'heure, j'avais mentionné, particulièrement pour la situation de Lachute, qu'à travers tout ça un diocèse, c'est l'évêque qui est le décideur final, je pourrais dire, d'une décision comme celle-là. Mais en même temps, lorsqu'une église doit fermer, les citoyens, beaucoup de citoyens, puis on le voit dans l'ensemble du Québec que, là, ils sentent que leur église part, là.

Alors, on voit la non-appropriation de l'église, dans le fond, tout au long des années, en sachant qu'elle est là, qu'elle est importante dans une municipalité ou dans une paroisse, et là, lorsqu'elle a à quitter, lorsqu'elle a une situation difficile, les paroissiens s'y attachent, ce qui me laisse penser qu'il y a une grande symbolique derrière aussi les paroisses et qu'il y a une appropriation des citoyens ou des paroissiens et même les non-pratiquants quand même d'une paroisse où l'église est fondamentale à travers tout ça. Même si, au fil des années, ils ne pratiquent plus, c'est un joyau qui est au-delà de la pratique religieuse dominicale, etc., ou de cérémonies pastorales, peu importe. C'est comme un cercle vicieux: ça ne nous appartient pas, mais ça nous appartient tous.

Alors, il y a comme... il faut défaire ça un peu, là, pour essayer de comprendre, nous, en commission, où on attrape les choses, parce qu'on aura des recommandations à faire à travers tout ça. Vous avez dit tout à l'heure que... Bien, bon, moi, en fin de compte, ce que je veux vous dire, de mon préambule, c'est tout un problème de société qu'on a à travers tout ça, et, cette appropriation-là, bien je pense qu'on a un questionnement à se faire. Et, l'église, on a entendu, à Montréal particulièrement, l'Assemblée des évêques qui ont dit que c'est leur propriété telle quelle et puis qu'ils ne sont pas prêts à laisser aller les choses comme ça. Sauf qu'on va jusqu'où de vouloir aller... de laisser les églises avec dans le fond un archevêché ou un diocèse qui n'a pas les moyens nécessairement de s'en occuper, tel quel? Et on attend parfois jusqu'à la dernière minute. De là l'idée de M. Champagne, tout à l'heure, d'avoir un moratoire, bien, en tout cas, d'avoir un espace de deux ans, là, qui vient dans le fond donner un peu de responsabilité citoyenne aussi à travers ça puis de laisser les citoyens... de prendre le temps de faire les choses.

Vous avez parlé de votre bataille, de ne pas refaire les batailles. Comment remédier à cela quand vous parlez de ne pas refaire les batailles? Parce que vous êtes une citoyenne, vous avez dit que vous venez à titre de citoyenne. Vous avez fait certaines batailles, vous dites que vous les recommencez puis vous ne voudriez pas que la troisième génération recommencerait encore. Alors, quels moyens vous voyez pour ne pas avoir à refaire ce genre de batailles là?

Le Président (M. Mercier): Mme Musiol.

Mme Musiol (Marie-Jeanne): Je vois simplement... Je pense qu'on a tous les outils. C'est ça que je ne comprends pas. Je vois les lois qui existent, je vois les instances municipales qui peuvent aussi être représentatives de ces lois et quelque part je sens que, quand on est véritablement confronté à ces problèmes, on est renvoyé de la municipalité au ministère de la Culture et du ministère de la Culture aux municipalités. Et quelque part on sent qu'il n'y a pas une véritable compréhension de part et d'autre des véritables moyens qui sont donnés et qui ont été instaurés pour régler un problème, et en quelque sorte on demande à l'opinion publique de le régler. Et c'est là que nous sommes constamment sollicités pour intervenir. Et je trouve ça très difficile, parce que j'en suis à peu près à ma quinzième, là, et je pense qu'à un moment donné je vais... On demande aux gens de s'impliquer, mais c'est beaucoup leur demander. Et je pense qu'il ne faut pas rêver en couleurs.

Alors, l'instance, je ne la connais pas exactement parce que, ça, c'est un domaine... Je vous dis, je suis artiste, alors je connais très bien les problématiques du milieu des arts, moins celles du patrimoine. Nous, on les voit de l'extérieur et on essaie en quelque sorte de faire des actions citoyennes qui partent de ce qu'on voit et, bon, sans connaître évidemment nécessairement tout le dossier. Alors, je ne peux pas tout à fait vous répondre quelle serait l'instance préférentielle pour ça.

Je dis simplement qu'il me semble que quelque part il manque quelque chose dans la hiérarchisation des obligations, des droits et des lois. Il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait intégré entre les instances. C'est mon expérience de citoyenne et puis ensuite c'est aussi l'obligation qu'on a de toujours redécouvrir quelles sont ces instances. Alors, imaginez-vous qu'une municipalité ne connaisse pas le fait qu'elle ait un site historique désigné sur son territoire et que c'est les citoyens qui doivent faire l'archéologie de la loi, sortir le papier et montrer aux urbanistes qu'effectivement, là, il y a une obligation fiduciaire, et ça prend encore trois mois de discussions pour savoir si légalement, oui ou non, ils le sont. Alors, il me semble que, bon, je ne suis pas avocate, mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là.

Le Président (M. Mercier): Mme la députée, une autre...

Mme Léger: Ça va.

Le Président (M. Mercier): Ça va? Monsieur... Ça va? Alors, évidemment, je vous remercie bien sincèrement pour votre présentation.

Je suspends les travaux pour quelques instants, afin que la Fondation de l'Héritage et ses représentants puissent prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

 

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Mercier): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je tiens à souhaiter la bienvenue à la Fondation de l'Héritage et ses représentants, Heritage Trust Fund.

Et évidemment je tiens à vous souligner que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. Et également, avant même de débuter votre présentation, pour les fins du Journal des débats de l'Assemblée nationale, j'aimerais que vous puissiez vous identifier et ensuite évidemment puissiez nous faire la présentation. And after that, feel free to answer in English if it's easier for you, folks. And as well for my colleagues, they can ask questions in English as well. Alors, la parole est à vous.

Fondation de l'Héritage

M. Mack (Barry): Barry Mack, et je suis pasteur de l'église St. Andrew's de Saint-Lambert et aussi «convener» du comité de l'histoire pour le Consistoire de Montréal.

M. Moreau: Saint-Lambert, it's on the South Shore of Montréal?

M. Mack (Barry): Oui. Oui, oui.

M. Moreau: O.K. Alors, c'est chez moi, ça.

M. Mack (Barry): O.K. Well.

Une voix: C'est votre député?

M. Moreau: No. No, I live there.

M. Mack (Barry): Non, il s'appelle M. Audet, je pense. It's Michel Audet.

M. Moreau: Oui. I live there, but it's not my riding.

Une voix: ...c'est le ministres des Finances, il pourrait vous aider.

M. Mack (Barry): O.K. Oui, oui. Mais, il y a deux choses pour lesquelles je dois m'excuser. Je comprends le français assez bien, mais j'ai de la misère de m'exprimer. Je suis né à Québec, moi, mais nous sommes déménagés à Victoria, en Colombie-Britannique, quand j'avais 18 mois.

Le Président (M. Mercier): It's a beautiful place. It's a very beautiful place.

M. Mack (Barry): Well, merci.

Une voix: I lived there.

M. Mack (Barry): The second thing is I'm sorry for getting this response to you so late. I was explaining to Dr. Turp that I had a panicky telephone call from Robert Coffin, in the middle of September, asking what happened to the Presbyterian submission. And he said: The Anglicans have put in a wonderful submission, and nothing from you, guys. Now, I had to confess, nothing happens around the presbytery over the summer. We have a different system of church government. There's no bishop to crack the whip, and it's hard to track people down in the summer. So nothing happens between June and September.

So how am I here? Well, I'm here as a guest and a friend of Susan Stanley. She phoned me a couple of days ago and said she was driving up to... it's not Hull anymore, it's Gatineau, and would I come along with her. And so I said yes. What I propose to do is just quickly walk you through the response that I think you have copies of.

Le Président (M. Mercier): Absolutely.

M. Mack (Barry): O.K. I didn't know what I ought to presume but I started with just explaining something about the Presbyterian Church. I get asked frequently «mon emploi», what I do. I say: A «pasteur de l'Église presbytérienne», and it draws a complete blank. The only association for people is «le presbytère», O.K., or they think that we're some kind of subset of the «Témoins de Jehovah», something. And so I find myself talking about «la guerre de la religion en France, dans le XVIIe siècle, les huguenots, le calvinisme, et tout». And sometimes there's a little flicker of recognition, people figure what...

Le Président (M. Mercier): ...sometimes happens to us as well, O.K.?

M. Mack (Barry): O.K. O.K. And so I start off by trying to argue or, I guess, contending that the Reformed tradition ? because that's really the «tradition réformée» ? is authentically a part of Québec religious history. It's been here from the beginning and the early days of the fur trade. Even though it was a tradition which was... well, it flourished in Scotland, and in Holland, and in other parts of Europe, it was suppressed in France, but nevertheless it's a tradition that's been around from the very beginning. I know that the «religieuses», in Québec City, in 1615, 1620, would be irritated because they heard the huguenot sailors singing the hymns of Geneva: Ta, ta ta, ta ta ta ta... It used to drive the nuns crazy. And all that came to an end in 1627.

Then we talk about what happens after 1759 and basically of churches established by the soldiers and by the rising merchant class in the cities and wherever there are pockets of Scottish and Irish settlers. At its peak, between 1900 and 1925, you had about 100 churches scattered through Québec. The Presbyterian Church was the main driving force in the French Evangelization Society. People have consecrated a lot of resources, in the XIXth century, trying to make Québécois Presbyterians, or Reformed, or whatever.

In the 1830's, people sensed a lot of anticlericalism in the air. Of course, one manifestation of this was support for «les Patriotes», and so on. But the Presbyterians sensed that there was an opportunity here, so they were sent off to Switzerland to bring in French-speaking missionaries and colporteurs. It all came to... not very much, but, in these years, the early years of the XXth century, you have about ? I counted ? 1,100 adult francophone members, quite a few schools children, schools... There was a school in Pointe-aux-Trembles, a day school, so 600 students. So again it's part of the tradition.

In 1925 ? it's an important year for us ? two thirds of the Presbyterians joined with the Methodists and Congregationalists to form the United Church in Canada, and they take with them many of the churches, which is why a number of the present structures date from the years immediately after 1925. But then I mention some historic churches that go back to the early years of the XIXth century.

n(16 heures)n

Obviously, the Presbyterian Church, like all Churches, all the English-speaking Churches, is affected by 1976, and that sort of thing, and the whole secularization of the society we live in. So we have about 45 churches around the province, at the moment. Some of which are doing well, like St. Andrew's and St. Paul, in Montréal; some of which are doing not so well. So a lot of resources, of course, are devoted to maintaining the building.

I talk a bit about the Reformed tradition. It's different from the Roman Catholic and Anglican Tradition with respect the sacred space, much more jewish in its approach to religious buildings. When a building is no longer located close to the constituency that you are working with, people didn't feel any compunction about selling a building and building somewhere else.

I don't think that Presbyterian churches by and large can claim great architectural merit, if you're looking for criteria for preserving patrimoine. By and large, the Reformed tradition tended towards a kind of estheticism, which expressed itself architecturally as well as in other forms. In the petition to build St. Andrew's, Québec City, in 1810, I think, to King George III, the ambition expressed is simply to build a decent plain church for a public worship, nothing too fancy ? we're not Anglicans, we're not... ? just simple churches for simple folks.

And I've got some photographs here. There is an interesting church, in Saint-Rémi, which has actually received some Patrimoine religieux funding in 1821. And you sort of see the interior of the church, focused on the pulpit, the word of God, the preach word, which is central to the Reformed tradition. And you can also see the original heating system, which two pot-bellied stoves and flues that run the length of the church, and that's how the place is still heated in the winter, when there are winter services.

I mention... I've got a picture of my own church there. Even organs, the same issue comes up. With the exception, I guess, of the churches of St. Andrew's and St. Paul, none of the churches have had great organs in them. The organ of my church was purchased from Ogilvy's, in 1931. Ogilvy's had some kind of organ selling unit or organ department. But the pipes, many of the pipes come from old theater organs, in Montréal; some of them date from 1908, 1910. The theater organs, in Montréal, are being discarded in the 1920's because the talkies were coming out. So these organ pipes were recycled and turned in into church organs. So we have a joke about, you know: even if these pipes originally played in the variety burlesque, they've all repented, they're good presbyterian pipes now, and they only play hymns, right?

Le Président (M. Mercier): You have two minutes left.

M. Mack (Barry): Sorry. O.K.

Une voix: ...

M. Mack (Barry): No. So I mention several examples of what has happened to various... to the churches which have no longer been able to support their buildings, had been sold to other denominations, converted into condos. I heard the word «condoïzation» used. First Presbyterian in Montréal is a good example of how not to do it. Some have become cultural centers, art galleries, restaurants. An interesting example, the old St. Paul's church was located where the current CN station is now, and it was taken apart stone by stone and relocated on the... up in Saint-Laurent, on the Vanier Campus.

Des voix: Collège...

M. Mack (Barry): Collège, excusez, collège Saint-Laurent.

Le Président (M. Mercier): En conclusion. En conclusion.

M. Mack (Barry): O.K. One of the things that we've been able to do as a Presbyterian Church is to move churches to new immigrant congregations. There's a lot of vitality there: Koreans, Chinese, Hungarians, some francophones. And I mention example of a Korean congregation which is currently involved in a $300,000 restoration project of a church in NDG. This church was built in 1949, so it's not eligible for patrimoine money, but there is energy there, vitality and...

Archives, finally ? not to guess why I'm here. I've been trying to collect up all of the archival information from churches that closed. I have established an archives at the Presbyterian College. My hope is to move the collection eventually into the Archives nationales, next to the United Church archives, so that historians can consult the two collections together, and this would make sense. Thank you.

Le Président (M. Mercier): Thank you very much for your testimony and the mémoire, well written. And, should I say as well, that was, well, excently delivered.

Je suis prêt à passer évidemment la parole. Et dois-je aussi rappeler à mes collègues qu'il n'y a aucun problème évidemment à poser des questions en français. Vous aurez une réponse en français ou en anglais. Et je suis persuadé évidemment qu'on saura bien tout comprendre ce dont on discute ici, compte tenu que votre mémoire était très bien fait et très bien présenté, n'est-ce pas?

M. Mack (Barry): O.K. Nous avons une...

Le Président (M. Mercier): Mais, si vous me permettez, je vais passer la parole, je vais passer la parole à mes collègues ici, à ma droite, du côté ministériel. Et je suis prêt à reconnaître et entendre... la députée de Chambly? Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Legault: Merci.

M. Turp: M. le Président, est-ce qu'on va entendre l'autre témoin après. C'est ça? Comment est-ce que ça fonctionne?

Le Président (M. Mercier): C'est en même temps, n'est-ce pas, M. le secrétaire? Elle pourrait...

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): 10 minutes chacun? C'était pour les deux. C'était pour les deux, M. le député. Oui, c'était clair, c'était un groupe, c'était la fondation, c'était un groupe. Alors, madame aura évidemment le temps de pouvoir s'expliquer en réponse à vos questions.

M. Turp: ...M. le Président, je ne suis pas sûr que c'était clair, là...

Une voix: Moi, non plus, je ne suis pas sûre.

M. Turp: ...de donner la parole à notre invité puis...

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): Écoutez, écoutez...

M. Turp: Peut-être...

Le Président (M. Mercier): Non. M. le député de Marguerite-D'Youville...

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): Non, non, non. Regardez, regardez, c'est moi qui vais trancher. S'il y a consentement des deux côtés, ici, moi, je suis prêt à laisser 10 minutes... cinq minutes, M. le secrétaire? Je suis prêt à laisser 10 minutes de par...

M. Turp: Consentement.

Le Président (M. Mercier): Avec consentement? 10 minutes. Alors, si vous voulez présenter évidemment... compte tenu qu'il y aurait peut-être eu confusion en début de séance. Et je tiens à ce que vous ayez la parole, évidemment. Alors, je tranche, et je vous donne 10 minutes, par consentement des deux côtés.

M. Turp: Il tranche. Le président tranche.

Le Président (M. Mercier): Et alors j'ai tranché, et voilà. La parole est à vous.

Mme Stanley (Susan M.): Merci. Je m'excuse... Bonjour. Je m'excuse, ce n'est pas en français, parce que j'ai une bonne excuse, je suis de Toronto, née à Toronto, mais j'habite...

M. Turp: Nous vivons dans un pays bilingue.

Mme Stanley (Susan M.): Oui. Non, mais j'habite à Montréal pour quelques années, oui. Mais l'accent est très torontois. Et je n'ai pas une traduction aussi, je m'excuse.

I would like to begin by stating that if at all possible, all religious heritage should be preserved, rather than accepting without question the usual statement that it cannot be saved and therefore choices must be made. In fact, there is not much remaining evidence of our religious heritage when compared to evidence of commercial, industrial and residential archival and architectural heritage. In Québec alone, many churches have been torn down in the name of progress, others have burned, numerous cemeteries have disappeared, and many written records have been destroyed. It is amazing that so much has survived. This evidence is diminishing yearly as religion rapidly declines as a force in Québec.

Given that Catholic and Protestant churches as well as synagogues and other places of worship played such an important role in the social history of Québec, and the surviving buildings, archives and cemeteries reflect this history, it should be of utmost importance to protect these properties ? both the grand and the humble, the neglected and the well kept.

With this as a starting point, each building, cemetery, artifact, archival holding should be considered as evidence of its importance in the history of its own denomination or cultural group rather than within the larger religious history of Québec. At present, there is a classification system in place under the Patrimoine religieux that does not take this approach, and therefore makes it impossible for small Protestant churches to qualify for much-needed grant money to help with upkeep.

For example, Union United in Montréal, formerly a French Methodist church and now the largest black congregation in Québec, has received a five, the lowest grade. This category means that it is practically impossible for Union United to obtain government funding to help with upkeep. And yet this grey stone church, as well as fitting comfortably into the surrounding urban landscape, has an important place in religious history dating back to its founding in the XIXth century as first a French Methodist church, and then as a congregation for black railway workers. Just because the architect might not be known or the church architecture does not compare favorably with its grander neighbors up the mountain should not rule out its eligibility for funding.

n(16 h 10)n

Protestant churches are often of modest proportions and appearance, especially in rural areas. The United Church in Aylwin, for example, built in 1871, is a simple board and batten structure reflecting the builder's use of basic tools to create a simple vernacular church suited to the needs of a rural congregation, with the ornamental woodwork, a good example of regional folk art. And yet this church, along with many other protestant churches in Québec, is struggling for survival, in part because there is no funding to help with upkeep. An overhaul of the classification system of church properties is necessary to properly reflect the significance of individual churches within the history of their communities and their denominations.

In the Outaouais ? if I'm pronouncing that right, Outaouais ? region of the Montréal-Ottawa Conference to the United Church of Canada ? which is, in French, Synode Montréal-Ottawa, Église unie du Canada ? there are presently 21 active congregations. The total number of church buildings, however, is closer to 50. Many of these churches, although closed, hold annual services and are used for occasional weddings and other events. Within many of these church buildings, or in the neighboring manse, are often found, in neglected condition and unsaved situations, the archives of the congregation.

A major effort was made by the United Church Archives, in the 1980s, to identify these records all over Québec by means of listing projects funded initially by the Québec ministère des Affaires culturelles and finally by a major grant from the federal Government ? it was a SSHRC grant, Social Sciences and Humanities Research Council of Canada. Eventually, many of these records were deposited in the United Church Archives, which was successful in obtaining space, after much negotiation, in the Archives nationales in Montréal and Sherbrooke. But this is a whole other story very interesting, because that's... we were successful eventually and are terribly greatful for that. However, there are church archives still remaining in rural churches around the Outaouais region, for example in Buckingham, Cantley, Gatineau, Shawville and the francophone congregation of Namur. These, along with the buildings in which they are housed, are in ever-present danger of being destroyed.

There should be laws enacted which would prevent churches selling to developers who wish to demolish to build revenue properties. Churches should be encouraged to find buyers who want to convert the building for community use. Churches have enjoyed tax-free status and therefore should attempt to repay the community for this privilege by finding uses such as libraries, concert halls, community centers, art galleries, municipal offices, local archives, etc.

Financial aid for such enterprises should be available from government sources.

Religious buildings and cemeteries should not be allowed to deteroriate to such an extent that they become easy prey for developers or arsons. Heavy fines should be imposed for neglect, but, at the same time, financial aid should be easily available for initiatives to repair or restore such buildings. Citizens should be consulted and listened to before any change is made to a religious property.

In Lachine, last year ? where I happen to live, I know the details ? a waterfront church built in 1908, formerly Grace United and then laterly a Sikh temple, was condemned by one consultant, Luc Noppen, but strongly defended by many citizen groups such as Heritage Montréal, Heritage Trust Fund, and many architects, and ordinary citizens. It was bought by a Toronto developer and allowed to be demolished by the local council despite the protest of the community. And I feel that one person shouldn't... one opinion on something like that shouldn't be the only one that is really heard.

The Heritage Trust Fund ? which I have given up brochures for that ? was founded in 1988 and grew out of the need to find funding for the archives, and historic sites, and cemeteries of the United Church in Canada. It remains the only such fund within the United Church across Canada. Over the years of its existence, it has helped many small congregations repair cemeteries, write church histories and, to a certain extent, make repairs to the church fabric.

Before the archives was housed in the Archives nationales, it helped support the United Church archives. Unfortunately, there is little funding from the church to support this fund, and volunteers must raise money by fundraising. And I'm the main fundraiser and, you know, I'm not so young anymore, so I can see that, you know, something has to be done down the road quite soon. Some sort of government support would certainly be useful to help this fund continue its work. Thank you. Merci beaucoup.

Le Président (M. Mercier): Thank you. Thank you very much. I'm very glad actually that we could hear your testimony. Et, compte tenu que nous sommes déjà en retard pour une visite guidée que nous avons à l'église anglicane Saint-James et avec le consentement évidemment des membres de la commission, je réserve une période de questions de 10 minutes au total, donc 5 minutes des deux côtés, ici. Alors, je suis immédiatement prêt à céder la parole au député de... Marguerite-D'Youville? La députée de Chambly? Mme la députée de Chambly, la parole est à vous.

Mme Legault: Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. J'avais une question pour le révérend Mack. J'aimerais que vous m'entreteniez un petit peu de la gouvernance à l'église. Comment est-ce que ça fonctionne, la prise de décision, là, chez vous?

M. Mack (Barry): Well, that goes to the question of this word, «presbyterian». O.K. «Presbyterian». «Presbytère», c'est un mot grec: «ancien», elder. O.K.? And the reason that the Reformed Church in Scotland adopted the word «presbyterian» was to distinguish it from the Anglican Church. The Anglican Church is a church governed by bishops. In Scotland, the Church was governed by a series of church courts with equal numbers of clergy and laity who were ordained as elders, as «anciens». O.K.? So, in the Consistoire de Montréal ? this is same geographic areas as the diocese ? instead of bishop making decisions about ordination or about the erection of new parishes, these are decisions that are made by a court, the Consistoire. And this court is comprised of all the ministers in that territory plus an equal number of lay people. And that's how the decisions are made.

Mme Legault: O.K.

M. Mack (Barry): And above the level of the Consistoire...

Mme Legault: But... Sorry.

M. Mack (Barry): So, decisions are made: at the local level, at the level of the congregation, by a committee of elders called the Session; at the level above that, the Consistoire de Montréal, by elders and ministers; the Senate, above that ? in our case, Eastern Ontario and Québec; and, above that, once a year, the General Assembly for Canada. And within the reformed system, there's nothing above a national structure; there are consultative groups about that, but no decision making body beyond the Presbyterian Church in Canada.

Le Président (M. Mercier): Deux minutes, madame...

Mme Legault: O.K. Deux minutes. Est-ce que la hiérarchisation de la valeur patrimoniale... comment est-elle établie? Est-ce qu'elle est locale? Est-ce qu'elle va jusqu'au niveau national? Comment est-ce que ça fonctionne?

M. Mack (Barry): Well, I think, here, in... it's not an issue elsewhere in Québec because there is no other government in Canada, as far as I know, funding Patrimoine religieux. So there is no money...

Mme Legault: Non, non. What I meant... Sorry.

M. Mack (Barry): Oh! So, how do we make the decisions? How do we prioritize?

Mme Legault: Yes, the patrimonial value of a church. I mean, is it a local decision? How does it go, the inventory, I'd say, the value of the inventory?

M. Mack (Barry): Well, yes, I think the question itself is only being posed in relation to Québec, And the Consistoire of Montréal has committees, and so the committee will come to the court with recommendations. And, to be honest, I don't think we've had a very thorough discussion, at the level of presbytery, about how we are going to prioritize these decisions.

Mme Legault: O.K. Fine. Thank you.

Le Président (M. Mercier): Merci. Alors, je suis prêt à entendre le député de Mercier. M. le député, la parole est à vous.

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier d'être là parce qu'au début de nos travaux ? le président de la commission, s'il était des nôtres, pourrait aussi en témoigner ? un journaliste nous avait fait remarquer qu'il y avait très peu d'autorités religieuses autres que catholiques qui avaient présenté des mémoires et que, si tel demeurait le cas, nous n'aurions pas une belle vision d'ensemble et nous ne serions pas informés des vues des autorités religieuses protestantes, par exemple, comme les vôtres. Et, je crois, le fait que vous ayez pris le temps d'écrire vos mémoires et de vous présenter devant nous va nous permettre d'avoir une perspective beaucoup plus large, plus vaste, qui reflète la diversité religieuse du Québec et notamment de ce que des autorités religieuses protestantes comme les vôtres pensez du patrimoine et de sa protection. Alors, merci beaucoup d'avoir pris le temps de faire ces mémoires et de venir ici, en Outaouais, nous les présenter.

n(16 h 20)n

Moi, je veux surtout faire remarquer que c'est très, très important, ce que je viens d'entendre aujourd'hui, là, ce que nous venons d'entendre. Et je répète, là: «Churches have enjoyed tax-free status et therefore should attempt to repay the community for this privilege by finding uses such as library, concert hall, community center, art gallery, municipal offices, local archives, etc.» Ça, on ne l'a pas entendu de la part des autorités catholiques, là. Et, moi, je trouve que ce geste, ce que vous dites, est tout à fait honorable. Parce qu'il est vrai qu'au Québec il y a beaucoup de citoyens qui, par leurs impôts ou par des levées de fonds, chez les catholiques surtout... mais l'État et les municipalités ont, par toutes sortes de mesures, vraiment contribué à l'édification de ce patrimoine qui est soit du patrimoine immobilier d'églises protestantes ou d'églises catholiques et peut-être même d'autres dénominations.

Alors là, on a l'exemple d'Églises qui nous disent: Regardez, nous, on est bien disposés à faire notre contribution, à non seulement peut-être exiger, souhaiter que l'État nous aide aussi dans la restauration et dans le soutien, comme vous le demandez, Mme Stanley, là, sachant que la levée de fonds, c'est épuisant, comme vous le dites, et vous êtes aussi prête à dire: Regardez, nous pouvons aussi penser céder des bâtiments, ou les donner, ou en tout cas faire en sorte qu'ils soient encore utilisés pour des vocations plus communautaires, publiques. Alors, ça, c'est tout à votre honneur.

Mme Stanley (Susan M.): C'est mon opinion que l'Église... Mais, tu sais...

M. Turp: J'espère que votre Église pense comme vous, là. J'espère que l'Église unie pense comme vous. Alors, et peut-être une courte question pour vous, M. le révérend Mack: Aujourd'hui, l'Église presbytérienne est-elle préoccupée par son patrimoine immobilier? Est-ce que vous craignez de devoir vendre des églises, de... Et est-ce que vous allez, dans toute la mesure du possible, si vous devez y penser, est-ce que vous allez aussi avoir la préoccupation que ces églises deviennent des lieux communautaires plutôt que des condominiums?

M. Mack (Barry): Yes, I can think of a concrete example. We have sold churches, and, within our presbyter, we've been fortunate to be able to mostly transfer churches to new immigrant congregations. So, that's, for us, been a wonderful solution.

But, for example, I'm interim moderator: three small churches in the Châteauguay Valley, on either side of highway, two churches which are about seven minutes apart by car. It makes a great deal of sense to combine the two congregations in one location. The political problem is that neither congregation will give up their building. It's the building of their parents, their grandparents, their ancestors, great or... But, if we can find an alternate use for one of these two buildings ? a museum, a cultural centre ? this might just be a solution. Because what they're terrified of is that the building will become dilapidated, it will fall apart, it will be a ruin, and they don't want that to happen.

Le Président (M. Mercier): In conclusion. Yes, that's it? Merci. Avez-vous d'autre chose à rajouter? Très brièvement, 30 secondes. 30 seconds.

M. Mack (Barry): Both Susan and I would like to say thank you to the Québec Government for the support they have offered over the years in collecting the archives of the United and Presbyterian Churches. You've been... Québec City has been far more help in this regard than Toronto.

M. Turp: M. le Président.

Le Président (M. Mercier): Allez-y, M. le député.

M. Turp: Moi, je pense qu'il faut aussi vous dire merci parce que d'avoir donné vos archives ou une partie de vos archives aux Archives nationales du Québec est un geste également très méritoire. Et j'espère que d'autres congrégations et dénominations suivront votre exemple. Parce qu'avec les Archives nationales qui, vous le savez, maintenant vont être fusionnées avec la Bibliothèque nationale du Québec, c'est une garantie que vos archives seront bien tenues et qu'elles seront très accessibles pour les gens qui voudront faire de la recherche au Québec.

Une voix: ...

M. Turp: Oui.

Le Président (M. Mercier): Alors, merci, M. le député. Évidemment, je joins ma voix à celle du député et de tous les collègues ici membres afin de remercier la Fondation de l'Héritage et ses représentants, Heritage Trust Fund.

Avant d'ajourner les travaux, moi, également je tiens à remercier d'une autre façon tous les gens qui étaient ici présents à cette commission, à ces auditions sur l'avenir du patrimoine religieux au Québec, à Gatineau.

Je tiens également à remercier tous les groupes et représentants qui ont répondu favorablement à notre invitation, tous les membres de la commission. M. le secrétaire, vous-même, je vous remercie, tout votre personnel et tout le personnel de la commission, ainsi que le président permanent de cette commission, le député de Shefford.

Alors, j'ajourne donc les travaux au jeudi 13 octobre 2005, alors que la commission, dans le cadre des auditions publiques sur le patrimoine religieux, se déplacera à Sherbrooke afin de poursuivre ses auditions publiques sur le patrimoine religieux.

Je vous rappelle également que nous allons nous diriger, dans les prochaines minutes, à l'église anglicane St. James, située au 62, promenade du Portage, pour une visite guidée. Et, bien entendu, cette activité est ouverte au grand public. Alors, merci à tous.

(Fin de la séance à 16 h 25)


Document(s) related to the sitting