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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, September 22, 2005 - Vol. 38 N° 52

Consultation générale sur le projet de loi n° 86 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Nous avions débuté cette consultation-là la semaine dernière. Donc, bienvenue en commission parlementaire.

Je vous rappelle, en passant, pour ceux qui ont des téléphones cellulaires et qui ne sont pas familiers avec les auditions en commission parlementaire, de bien vouloir fermer au moins la sonnerie.

Je rappelle le mandat de la commission: la Commission de la culture est réunie afin d'entreprendre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Perreault (Chauveau) remplace Mme Legault (Chambly) et M. Bédard (Chicoutimi) remplace Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, aujourd'hui, nous recevrons, dans l'ordre, comme premier groupe, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui sera suivie du Barreau du Québec et du Conseil de presse du Québec; après suspension pour l'heure du repas, nous entendrons, cet après-midi, l'Institut généalogique Drouin et Jean-Pierre-Yves Pepin, qui seront suivis du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, qui sera suivi du Parti québécois, et, à 17 heures, finalement l'Association sur l'accès et la protection de l'information avant l'ajournement de 18 heures.

J'aimerais maintenant demander au ministre s'il a des documents à déposer.

n (9 h 40) n

M. Pelletier: Oui, M. le Président, avec la permission des membres de la commission, j'aimerais déposer une ébauche de politique sur la protection des renseignements personnels et une ébauche de politique de diffusion de l'information afin qu'au cours des prochains jours les gens qui viennent témoigner ici, qui viendront, puissent s'exprimer sur ces deux documents. Et j'aimerais également que ces documents soient disponibles sur le site Internet de la commission afin que la population puisse en prendre connaissance.

Documents déposés

Le Président (M. Brodeur): Parfait. Le document est déposé. Je crois qu'il y a des copies pour tous les membres. Merci, M. le ministre.

Auditions (suite)

Donc, nous sommes maintenant prêts à accueillir notre premier groupe, que je vois déjà installé, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle brièvement les règles d'audition: donc, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire état de votre mémoire, et, à la suite de ça, c'est un échange qui s'ensuit avec les membres de la commission. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et ensuite de ça de procéder à la lecture de votre mémoire. La parole est à vous.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Dowd (Marc-André): Alors, avec plaisir. Mon nom est Marc-André Dowd, je suis président par intérim de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Pierre Bosset, qui est directeur de la recherche et de la planification, et, à ma gauche, de Me Daniel Carpentier, qui est conseiller juridique à la Direction de la recherche et de la planification de la commission et l'auteur du mémoire qui vous est présenté ce matin.

M. le Président, d'abord merci aux membres de la commission de nous entendre. Je commencerai en rappelant que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse doit assurer la promotion et le respect des principes de la charte par toutes les mesures appropriées, y compris l'examen des textes législatifs. Or, parmi les principes de la charte, on retrouve deux droits: de façon plus précise, le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 5 de la charte, ainsi que le droit à l'information, qui, lui, est reconnu par l'article 44 de la charte.

Sur la base de ces principes, la commission présente, aujourd'hui, ses commentaires sur le projet de loi n° 86. Je voudrais préciser que ces commentaires s'appuient et s'inspirent largement de présentations antérieures de la commission à l'occasion de divers projets de loi sur le même thème ou à l'occasion également de l'examen des rapports quinquennaux de l'application de la loi. Je vais d'ailleurs reprendre une citation d'un texte de la commission il y a deux ans, qui, encore aujourd'hui, demeure d'actualité: «Après tant de débats[...], la révision de La Loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé doit être menée à bien dans les plus brefs délais, afin que ces textes législatifs, qui ont préséance sur les autres législations ? tout comme la Charte des droits et libertés de la personne ? et présentent de ce fait le même caractère quasi constitutionnel, correspondent mieux aux besoins de protection et de transparence que suscitent les développements sociaux et technologiques.» Fin de citation.

De l'avis de la commission, le projet de loi n° 86 contient plusieurs améliorations qui devraient être adoptées le plus tôt possible. Je les résume rapidement.

Ainsi, la commission est favorable à l'adoption des dispositions qui prévoient qu'une politique de diffusion de l'information soit établie et mise en oeuvre par les organismes publics, politique devant comporter des mesures favorisant l'accès à l'information et identifiant les types de documents devant être diffusés systématiquement.

Elle est également favorable aux dispositions exigeant des organismes publics qu'ils se dotent de mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels et qu'ils adoptent et mettent en oeuvre une politique de protection de ces renseignements personnels.

Elle appuie les précisions relatives aux ententes écrites portant sur l'échange de renseignements personnels entre un organisme public et toute personne ? je fais référence à l'article 37.

Elle est en faveur de l'adoption de la disposition qui impose à un organisme public qui communique, à l'extérieur du Québec, des renseignements personnels l'obligation de garantir une protection équivalente à celle de la Loi sur l'accès.

Elle appuie enfin l'adoption des diverses dispositions apportant des modifications à la structure de la Commission d'accès à l'information, au mode de présélection de ses membres ainsi qu'à leur affectation exclusive à l'une des deux sections de la commission.

Malgré ces avancées, la commission estime que certaines modifications devraient être apportées au projet de loi. Compte tenu du temps qui nous est alloué pour notre présentation, nous aborderons seulement quelques éléments principaux faisant l'objet d'une recommandation de modification dans notre mémoire.

Le premier point sur lequel j'aimerais insister concerne l'accès aux documents pour les personnes handicapées. Le projet de loi n° 86 prévoit un droit d'accès, sur support de substitution, aux documents des organismes publics ainsi qu'un accès du même type, dans les deux secteurs, public et privé, aux renseignements concernant une personne qui les demande. Je cite l'article pertinent du projet de loi: «Donner accès au document [ou donner communication du renseignement] sur un support de substitution adapté à une personne ayant une déficience visuelle ou auditive, sauf si le transfert soulève des difficultés pratiques sérieuses, notamment en raison des coûts.» La loi prévoit également que des frais peuvent être exigés pour le transfert sur un support de substitution.

Ces dispositions répondent en partie aux attentes de la commission mais appellent deux commentaires importants. D'abord, quant au droit d'accès adapté, les droits d'accès ainsi reconnus comportent une limite intrinsèque qui ne correspond pas à la limite qui est habituellement applicable en matière de droit à l'égalité sans discrimination fondée sur le handicap. En effet, en matière de droit à l'égalité, particulièrement dans les cas de discrimination fondée sur le handicap, le concept d'accommodement raisonnable sans contrainte excessive fait partie intégrante de ce droit. Ce concept a pour effet d'obliger tout fournisseur de services assujetti aux obligations de la Charte des droits et libertés à prévoir, dans ses normes de prestation de services, qu'un accommodement raisonnable doit être offert à une personne handicapée, à moins qu'un tel accommodement constitue pour lui une contrainte excessive, la preuve de la contrainte excessive appartenant au fournisseur de services. Or, ce que prévoit le projet de loi, comme limite à la reconnaissance d'un droit d'accès adapté, ne renvoie pas au critère de la contrainte excessive. Les termes qu'on utilise dans le projet de loi, «difficultés pratiques sérieuses», risquent d'être interprétés différemment et à notre avis probablement d'une façon plus large que le concept de «contrainte excessive» qui a fait l'objet de nombreuses interprétations judiciaires et qui réfère maintenant à une notion qui est bien connue. C'est pourquoi la commission recommande de remplacer, aux articles 21, 47 et 110 du projet de loi, les mots «soulève des difficultés pratiques sérieuses, notamment en raison des coûts» par les mots «constitue une contrainte excessive».

Quant aux frais d'adaptation d'un document pouvant être exigés du requérant, bien que la commission ait indiqué que cela pouvait être prévu, elle ne souhaitait certainement pas que cela soit la règle, puisqu'elle précisait que ces frais ne devraient être exigés que dans certains cas. Or, le projet de loi autorise tout organisme public ou toute entreprise à exiger en tout temps les frais liés à l'adaptation d'un document. Cette façon de faire pourrait avoir un impact disproportionné sur l'exercice du droit d'accès des personnes ayant une déficience visuelle ou auditive. Cet impact pourrait même être considéré discriminatoire sur la base du handicap de ces personnes, dans la mesure où elles devront payer plus cher leur droit d'accès à un document d'un organisme public ou à un renseignement personnel les concernant. Aussi la commission est-elle d'avis que la possibilité d'exiger des frais supplémentaires aux frais d'accès normalement exigés dans le cas où un document doit être mis sur un support de substitution adapté ne devrait être permise que dans les cas où ces frais d'adaptation constituent pour l'organisme ou l'entreprise une contrainte excessive, ce fardeau de preuve appartenant encore une fois à l'organisme ou à l'entreprise.

J'aimerais parler maintenant rapidement de la question particulière de l'accès au dossier d'un enfant. Dans son mémoire sur le dernier rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, nous appuyions la recommandation de la Commission d'accès d'ajouter à la Loi sur l'accès une disposition qui stipulerait que l'intérêt de l'enfant doit prévaloir lorsqu'une personne y ayant droit demande accès au dossier de cet enfant. Nous appuyons cette recommandation parce qu'elle vise à mettre en oeuvre un principe fondamental reconnu clairement en droit international et en droit national, soit que l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent l'enfant. De plus, nous sommes d'avis que ce même principe devrait être reconnu dans la loi concernant le secteur privé.

Par ailleurs, la commission considère qu'un autre principe fondamental eu égard aux droits de l'enfant n'était pas couvert par cette recommandation, à savoir la reconnaissance du droit de l'enfant d'exprimer son opinion sur toute question l'intéressant et d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, ce qui inclut les questions relatives à l'accès au dossier. La commission réitère donc ces recommandations visant à introduire dans les deux lois sur la protection des renseignements personnels le principe, un, de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute décision le concernant et, deux, le droit de l'enfant d'exprimer son opinion sur toute question l'intéressant et d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant.

Je vais maintenant céder la parole à Me Daniel Carpentier pour des questions importantes aux yeux de la commission concernant le changement de finalité.

n (9 h 50) n

M. Carpentier (Daniel): Le projet de loi n° 86 propose l'ajout d'un article à la Loi sur l'accès, l'article 65.1. C'est une disposition qui vient clairement établir, dans un premier temps, que le renseignement recueilli, parce qu'il était nécessaire à l'exercice des attributions d'un organisme, ne peut être utilisé à d'autres fins que celles pour lesquelles il a été recueilli. C'est ce que nous appelons le critère de la finalité, critère essentiel à la validité d'un consentement éclairé. Toutefois, dans le même souffle, cette disposition permettrait de déroger à ce critère si l'organisme considère notamment que ce renseignement peut être utilisé à des fins compatibles à la finalité première. La commission voit, dans cette exception à la règle de l'utilisation d'un renseignement personnel aux seules fins déclarées par l'organisme public lors de la collecte, une entorse majeure aux principes régissant la protection des renseignements personnels dans la Loi sur l'accès. Cette exception nous semble d'autant plus créer une brèche dans le principe de finalité qu'aucune mesure de contrôle par la Commission d'accès à l'information n'est prévue ou, à défaut, une obligation d'informer celle-ci que cette utilisation se fera à d'autres fins.

La commission à cet égard recommande que les seuls cas où un organisme public peut utiliser un renseignement personnel à d'autres fins que celles pour lesquelles il l'a recueilli sont lorsqu'il obtient le consentement de la personne concernée, si l'utilisation est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, après en avoir informé la Commission d'accès, ou sur autorisation de la Commission d'accès à l'information dans les autres cas.

Un deuxième élément, qui traite de la question du couplage de fichiers. Le projet de loi n° 86 propose de modifier l'actuel article 68.1 de la Loi sur l'accès relatif au couplage de fichiers lorsque cela est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, de telle sorte que cette opération ne soit plus l'objet d'une entente écrite soumise à la Commission d'accès pour avis. Il est proposé dans cet article que la Commission d'accès soit informée de cette opération de couplage.

La Commission d'accès avait recommandé, en 1997, dans son rapport quinquennal, que, dans tous les cas, non seulement les cas de couplage de fichiers, mais dans tous les cas où il y aurait communication de renseignements personnels, la Commission d'accès devrait en être informée et qu'ensuite elle ait la possibilité ou non d'émettre un avis formel. L'article 68.1 proposé rencontre en partie l'objectif de la Commission d'accès. Toutefois, comme il ne prévoit pas que celle-ci aura la possibilité d'émettre un avis favorable ou défavorable à cet échange, cette nouvelle disposition favorisera à notre avis une prolifération de comparaisons de fichiers entre organismes publics sans qu'aucune mesure de contrôle a priori puisse être exercée. Une telle approche risque donc de créer une nouvelle brèche dans le principe de l'étanchéité des organismes publics, principe fondamental de la Loi sur l'accès qui garantit le droit au respect de la vie privée. C'est pourquoi la commission recommande que le projet de loi soit modifié afin de permettre à la Commission d'accès à l'information d'émettre, si elle le juge opportun, un avis sur tout projet de couplage de fichiers, conformément aux dispositions de l'article 70 de la Loi sur l'accès.

M. Dowd (Marc-André): Une brève conclusion. On s'aperçoit que le projet de loi n° 86 contient plusieurs améliorations qui devraient être adoptées le plus tôt possible, compte tenu, rappelons-le, qu'il s'agit du troisième projet de loi sur le sujet et que deux rapports quinquennaux concernant l'application de la loi ont été produits et examinés par la Commission de la culture depuis 1997. Malgré ces avancées, la commission estime que certaines modifications devraient être apportées au projet de loi afin d'améliorer les propositions qui y sont contenues. Nous vous en avons fait part lors de notre présentation.

Principalement, et c'est le message qu'on souhaite que vous reteniez, la commission met en garde le législateur d'adopter des dispositions qui risquent de fragiliser les fondements de la Loi sur l'accès, à savoir le principe de la finalité unique des renseignements personnels recueillis et celui du cloisonnement entre organismes publics. La commission tient à exprimer son inquiétude face à ces avenues où le devoir de transparence de l'État, s'il est souhaitable en matière d'accès à l'information, devient un devoir de discrétion en matière de protection des renseignements personnels. Il y a là un fragile équilibre à respecter. Une chose est certaine, le citoyen doit savoir à quelles fins on collige des renseignements personnels à son sujet, quelle utilisation en sera faite, par qui et pourquoi. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci beaucoup, M. Dowd, M. Bosset, M. Carpentier, de votre présentation, de votre mémoire également. Merci de l'intérêt que vous portez au projet de loi n° 86.

La commission s'est dite favorable aux changements de structure que nous proposons en ce qui concerne la Commission d'accès à l'information, à savoir une espèce de division de la commission en deux sections, l'une étant plus juridictionnelle et l'autre étant plus administrative, et vous dites que cela permettrait à la Commission d'accès à l'information dans le fond de mieux assumer son mandat de promotion des droits fondamentaux à la protection de la vie privée et du droit à l'information. Ça m'a un petit peu surpris. Je me demandais: Est-ce que ce ne serait pas plutôt le mandat, ça, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse? Qu'en est-il au juste? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Dowd (Marc-André): Sur la première question concernant... Je reviendrai sur le mandat de la commission. Sur la question concernant les changements de structure à la Commission d'accès à l'information, ce qui recueillait l'approbation de la commission à prime abord, c'était la clarification entre les deux sections, les deux missions, qui est, selon nous, de nature à renforcer les exigences d'impartialité mais surtout d'apparence d'impartialité dans l'exercice de la fonction juridictionnelle de la Commission d'accès à l'information, clarifier également les deux mandats de la Commission d'accès à l'information en ce qui concerne la responsabilité de surveillance, O.K., qui, elle, appartient clairement à la Commission d'accès à l'information.

Quant au mandat de promotion du droit à l'information, il est exact que, ce droit étant inscrit dans la charte, au chapitre des droits économiques et sociaux, O.K., la commission peut et doit assumer une responsabilité de promotion de ce droit-là, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et d'ailleurs. en ce sens-là, je me permets de dire au passage, de rappeler une de nos recommandations qui est à l'effet de ramener le droit à l'information, qui est actuellement dans la section des droits économiques et sociaux, au rang de droits fondamentaux, au rang des droits fondamentaux, donc au chapitre premier de la charte. Il serait de nature, selon nous, à renforcer l'importance accordée au droit à l'information. Je dirais que, de façon principale, cette responsabilité de promotion s'effectue par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, mais qu'on ne prétend pas en être les uniques titulaires. C'est ce que j'aurais à dire sur la question, à moins que vous vouliez compléter. Oui. Me Carpentier voudrait compléter.

M. Carpentier (Daniel): La question de la promotion, elle a déjà été abordée, ça ne devrait pas relever de la Commission des droits ou de la Commission d'accès. C'est que, la Commission des droits, notre mandat est effectivement de faire la promotion du droit au respect de la vie privée et du droit à l'information, et ces droits-là couvrent des réalités, je dirais, beaucoup plus larges que les domaines d'application de la Loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé.

Un autre élément est que la Commission d'accès à l'information, par ses activités, développe une expertise. Elle est au coeur des problèmes de protection des renseignements personnels recueillis et d'accès aux documents d'organismes publics. Elle possède donc, là, une expertise que nous n'avons pas, puisque nous ne travaillons pas au quotidien sur ces questions-là. Nous n'avons pas ces responsabilités-là.

M. Pelletier: Merci. J'aimerais également vous entendre à nouveau, peut-être de façon un petit peu plus explicite ? vous l'avez abordé, tout à l'heure, dans votre exposé, néanmoins ? vous entendre à nouveau sur l'encadrement de l'utilisation de renseignements personnels à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été recueillis. Et là je renvoie à l'article 31 du projet de loi. Je sais qu'il y a des cas où vous souhaitez qu'il y ait une autorisation de la commission afin qu'il y ait utilisation de renseignements personnels pour de telles fins. Pouvez-vous nous donner des exemples, être un petit peu plus concrets par rapport à ce qui devrait être soumis à l'autorisation de la commission et ce qui ne devrait pas l'être?

n (10 heures) n

M. Dowd (Marc-André): Je partirais, premièrement, du fait... En fait, ce qui fonde l'inquiétude de la commission, c'est que, dans le texte qui est proposé à l'ajout de l'article 65.1, la première partie, le postulat, on y adhère totalement, c'est qu'un renseignement personnel ne peut être utilisé au sein d'un organisme public qu'aux fins pour lesquelles il a été recueilli. C'est clair, c'est limpide et c'est le sens qu'on souhaite qui soit donné. Par contre, quand on regarde par la suite la série d'exceptions qui seraient prévues, on se rend compte que l'interprétation de ces exceptions-là pourrait être faite très largement, par exemple le premier point: «Lorsque son utilisation est à des fins compatibles avec celles pour lesquelles il a été recueilli.» Or, qui examine la compatibilité: l'organisme qui transmet, l'organisme qui va recevoir? Du point de vue du citoyen, comment ça s'exprime? La même chose pour le bénéfice de la personne concernée. L'évaluation du bénéfice d'une personne, c'est une question éminemment discutable.

Alors, quand on a regardé ces questions-là, on s'est dit ? et j'arrive plus précisément avec votre question ? que la transmission de renseignements personnels à des fins autres pouvait se justifier à notre avis dans trois situations, et c'est la norme de contrôle qu'on vous propose, que la commission propose d'inscrire au projet de loi: premièrement, avec le consentement de la personne concernée. Si on a un consentement véritable de la personne concernée, ça ne pose aucun problème. Deuxièmement, si l'utilisation est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, après en avoir informé la Commission d'accès à l'information. Ce qu'on constate, à ce moment-là, c'est que c'est prévu par la loi, que ça a fait l'objet d'un débat démocratique et que, comme c'est nécessaire à l'application d'une loi, on a un devoir d'informer la Commission d'accès à l'information, mais, dans l'application de la loi, on peut utiliser le renseignement à une fin autre. Et, troisièmement, les cas où ça pourrait s'appliquer, sur autorisation de la Commission d'accès à l'information. C'est qu'on dit: Qui est le mieux placé pour évaluer justement les critères qui sont intéressants à la compatibilité des fins, le bénéfice de la personne? Ça devrait, selon nous, être l'organisme qui a la spécialisation, l'organisme spécialisé sur ces questions-là, qui est la Commission d'accès à l'information.

Alors, on ne dit pas que les critères qui sont prévus aux exceptions de l'article 65.1 ne sont pas acceptables en soi; on dit que, quand on les examine, O.K., la Commission d'accès à l'information pourrait tenir compte de ces critères-là mais serait dans un rôle parfait pour en déterminer l'application.

Maintenant, peut-être que Me Carpentier voudrait compléter.

M. Carpentier (Daniel): Peut-être un mot sur... Si je relis 65.1, le premier alinéa et ensuite le paragraphe 1°, là je ne comprends plus. Si on pose le principe ? et, selon nous et notre expérience, c'est que c'est un principe fondamental dans la Loi sur l'accès ? qu'un renseignement ne peut être utilisé que pour les fins pour lesquelles il a été recueilli et qu'on ne peut recueillir que les renseignements nécessaires ? ça, c'est le principe de base de cette loi ? et là si on applique le paragraphe 1° du deuxième alinéa, bien on vient de le changer. Et je lis, à ce moment-là, le premier alinéa, qui est: Le renseignement ne peut être utilisé au sein d'un organisme qu'aux fins pour lesquelles il a été recueilli ou est compatible, puis on a le même effet: aucun contrôle, aucune information au citoyen.

Une fois qu'on l'a recueilli, si on juge que c'est compatible ? là, on peut imaginer toutes sortes de choses, je n'ai pas de situation concrète à vous soumettre ? je ne sais pas ce que le ministère du Revenu va considérer qu'il est compatible avec les renseignements que j'ai fournis aux fins de ma déclaration d'impôt sur le revenu. Je ne le sais pas.

M. Dowd (Marc-André): C'est la nécessité en fait d'un contrôle a priori, qui apparaît nécessaire. Donc, quand on introduit le critère de l'autorisation de la Commission d'accès à l'information, c'est avant que la transmission se fasse. Donc, si la Commission d'accès y donne son aval, l'autorise, c'est parce qu'il a été jugé que c'est fondé et que ça répond à des critères qui conviennent à la Commission d'accès à l'information. D'introduire aucun contrôle ou un contrôle a posteriori, après l'échange de renseignements ou l'utilisation du renseignement à des fins autres, ça nous apparaît dénaturer la finalité même de la loi.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci de votre présentation. D'ailleurs, vos derniers commentaires, ils vont dans le sens de plusieurs organismes qui sont venus devant nous, qui ont les mêmes préoccupations. Et je vais aller un peu plus loin même, et une partie de votre mémoire porte là-dessus, mais, sur le couplage auparavant qui était restreint avec entente et avis préalable de la commission, là, maintenant, vous voyez cet article disparaître, et ce qu'on prévoit strictement, c'est un avis... même pas un avis, d'informer la Commission d'accès à l'information, informer la commission donc qu'il y aura une telle procédure, alors qu'on le sait... Je ne sais pas quels sont... quelle est plutôt votre vision par rapport au couplage, mais, moi, mon impression, c'est que, dans la protection des renseignements et les fins pour lesquelles les renseignements sont donnés, je pense qu'un des éléments importants est justement d'éviter ou du moins de garder exceptionnel ce couplage d'information.

M. Dowd (Marc-André): M. Carpentier va répondre sur la question du couplage.

M. Carpentier (Daniel): Sur cette question, nous sommes, je dirais, en accord avec les positions antérieures de la Commission d'accès à l'information. C'est que, dans cette question, si on traite spécifiquement du couplage, la Commission d'accès a déjà dit qu'elle avait des difficultés avec la notion même de couplage, qu'on n'arrive pas à la définir, et l'article était difficilement applicable. Et là-dessus, bon, on se fie à l'expertise de la Commission d'accès, qui a examiné ces questions. Et elle proposait, et ce avec quoi la Commission des droits est en accord avec la Commission d'accès, elle proposait que, tout échange du renseignement personnel, que ce soit un renseignement ou des fichiers de milliers de renseignements, la commission en soit avisée et qu'elle ait le pouvoir... la Commission d'accès en soit avisée et qu'elle ait à ce moment le pouvoir d'émettre un avis favorable ou défavorable. Si elle ne l'émet pas, il y a un délai, et c'est donc que l'échange peut se faire. Et c'est la mesure de contrôle, toujours ce concept de contrôle a priori, avant de procéder à un échange, qui permettrait de résoudre cette situation. Je pense que ces dispositions...

Quand on parle de couplage, à une époque ? on a évolué en termes de technologie ? c'étaient ces immenses ordinateurs et c'était très lourd comme technique pour faire des échanges, etc. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus fréquent, c'est plus facile à échanger, mais les contrôles sont peut-être plus faciles à exercer aussi, compte tenu du développement de la technologie.

M. Bédard: Donc, pour vous, c'est un recul important en termes de protection de renseignements et de possibilité même d'utilisation, à l'encontre même de ce principe de protection des renseignements personnels. C'est un recul important.

M. Carpentier (Daniel): C'est ce que la commission a dit dans son mémoire.

M. Bédard: Et c'est ce que vous percevez aussi.

Sur 65.1, maintenant qu'on établit... Et, comme les autres aussi, vous voyez effectivement que le principe devient presque l'exception. Est-ce qu'il y a avantage à conserver une telle disposition?

M. Dowd (Marc-André): Je pense qu'il y a certainement avantage à rendre très clair le principe, c'est-à-dire le premier paragraphe. O.K.?

M. Bédard: Oui. C'est ça, oui.

M. Dowd (Marc-André): Alors ça, effectivement ça recueille notre aval parce que ça exprime dans son essence ce que devrait être l'essence même, en fait la question de la finalité du renseignement, la raison pour laquelle il est recueilli. Par ailleurs, on se rend compte aussi qu'il y a certaines exceptions qui doivent se trouver dans la loi, et bon modestement on suggère une norme, qu'on vous propose. C'est qu'on voyait les trois cas types: le consentement, l'utilisation liée à l'application de la loi et l'autorisation de la Commission d'accès à l'information. Ça aurait l'avantage, je pense, de structurer la réflexion sur la question, c'est-à-dire le principe de la finalité ? un renseignement personnel ne peut être utilisé, au sein d'un organisme public, qu'aux fins pour lesquelles il a été recueilli ? et les trois seules exceptions sont clairement énoncées, et on doit se retrouver dans un de ces trois cas de figure là pour utiliser à d'autres fins un renseignement personnel.

M. Bédard: Est-ce qu'on devrait par la même occasion... Vous faites une proposition à la page 9 de votre mémoire, celle d'introduire aussi le principe du consentement. Est-ce que vous trouvez que ce serait l'endroit approprié pour inclure le principe du...

n (10 h 10) n

M. Dowd (Marc-André): Je pense que oui. Je voulais l'ajouter tout à l'heure, qu'on trouvait intéressante la proposition qui était dans un projet de loi antérieur et qu'on ne voyait pas reprise dans le projet de loi n° 86, de définir le consentement véritable, définir les conditions du consentement, et, comme on le dit dans notre mémoire, on souligne que ça participe à l'effort de resserrement des normes applicables en matière de protection des renseignements personnels. Alors, comme la disposition se retrouve déjà dans la loi sur le secteur privé, on souhaiterait qu'elle soit également prévue dans la loi sur le secteur public, loi sur l'accès à l'information.

M. Bédard: Merci de cette proposition. En passant, c'est des éléments très clairs, parce que, le consentement, évidemment il faut qu'il soit clair. On peut le demander et on sait à quel point maintenant c'est facile d'avoir des consentements à à peu près tout. Donc, de vraiment clarifier ce qui est un consentement et quelle est sa portée, je pense que c'est de nature à améliorer la protection des renseignements qui sont donnés.

M. Dowd (Marc-André): Et, dans la mesure où on fait référence, dans notre proposition, à la question du consentement de la personne concernée, ce serait l'endroit tout indiqué pour définir les conditions de ce consentement-là.

M. Bédard: Voilà. Et même que ça oblige même à prévoir, lorsque tu veux utiliser à d'autres fins... les conditions de ça, parce que... Si tu prévois les conditions pour donner ton accord, il faut que, lorsque la demande est faite, autrement dit, ce soit très clair, pour la personne qui donne son consentement, quelles sont les autres fins pour lesquelles il pourrait être donné.

M. Dowd (Marc-André): Exactement. Ça aurait l'avantage...

M. Bédard: Et donc on n'a même pas à le définir, on définit les deux côtés lorsqu'on prévoit un élément plus clair en ce qui concerne le consentement.

M. Dowd (Marc-André): Tout à fait.

M. Bédard: Merci. Sur des éléments plus techniques mais que j'aimerais bien comprendre, concernant les personnes handicapées, très soucieux... On sait à quel point c'est important pour eux de faire des avancées à chaque modification, puis leur combat est toujours parsemé d'embûches et de raisons de toutes sortes, économiques et autres, alors ce qui fait que je suis très soucieux, et j'espère que le projet de loi effectivement constituera une amélioration. En ce qui concerne les frais, ça me semble clair, vous avez la proposition qui est la leur, qui est... Je ne sais pas si c'est la leur, seulement pour être sûr. Autrement dit, on ne peut pas prévoir des frais qui iraient au-delà de ce qui est demandé pour une personne qui fait une demande de renseignement sans support.

M. Dowd (Marc-André): La proposition de l'OPHQ à cet égard est plus précise sur ce point-là.

M. Bédard: C'est ça. Est-ce que vous vous rendez à... Bien, vous vous rendez, est-ce que vous considérez que cette approche-là est la bonne? Est-ce qu'elle va beaucoup plus dans l'économie d'une égalité au sens de la charte?

M. Dowd (Marc-André): Bien, tout à fait. Notre postulat de base, c'est la question de l'égalité, c'est que la personne handicapée doit être traitée au même pied qu'un autre citoyen. Et de fait, si très largement on permet aux organisations et très facilement on permet aux organisations et aux entreprises d'imposer des frais pour les transferts sur support de substitution, on se rend compte qu'à ce moment-là c'est le droit à l'égalité de la personne, sans discrimination fondée sur le handicap, qui est en cause. Alors, notre proposition, quand on réfère à la notion de contrainte excessive, O.K., pour l'organisation ou pour l'entreprise, ne doit... On ne doit jamais oublier l'idée d'égalité, et je pense que la proposition de l'OPHQ permet justement d'assurer cette égalité de traitement là. Alors, elle est intéressante en ce sens-là.

M. Bédard: Merci. Sur la contrainte excessive, et je regarde par rapport à... Là, je veux bien comprendre. Je n'ai pas pratiqué beaucoup dans le domaine, mais... Bon, il y a l'obligation d'accommodement raisonnable, évidemment. Vous, vous dites que l'utilisation des termes «difficultés pratiques sérieuses» est un recul par rapport à l'utilisation des contraintes excessives.

M. Dowd (Marc-André): En fait, ce qu'on dit, c'est que, quand on parle du droit à l'égalité des personnes handicapées, il y a déjà un concept qui fait partie du droit à l'égalité, pas seulement des personnes handicapées, mais en fait du droit à l'égalité en général, mais particulièrement applicable aux personnes handicapées, qui est celui de l'accommodement raisonnable. Tout fournisseur de services a l'obligation, à l'heure actuelle, selon la Charte des droits et libertés, O.K., à l'égard d'une personne handicapée, d'offrir un accommodement raisonnable de façon à lui rendre disponible sans discrimination le service public, dans la mesure où ça ne constitue pas, pour le fournisseur de services, une contrainte excessive, et c'est au fournisseur de services à prouver que c'est une...

M. Bédard: Contrainte excessive.

M. Dowd (Marc-André): ...qu'il y a contrainte excessive, qui inclut d'ailleurs la question des coûts, O.K. ? ça fait partie des arguments qui sont invoqués par les fournisseurs de services ? mais qui dans chaque cas doit être établie. L'avantage qu'on aurait, je pense, c'est que...

Il y a un corpus de jurisprudence très bien défini sur la question de l'accommodement raisonnable, jusqu'où ça va. Il y a des jugements de la Cour suprême sur le concept d'«accommodement raisonnable», sur le concept de «contrainte excessive». La Cour suprême a dit d'ailleurs que ça supposait une certaine contrainte. Alors ça, c'est à l'avantage des personnes handicapées que de dire...

Pour assurer le droit à l'égalité des personnes handicapées, c'est certain que ça suppose une certaine contrainte à l'égard des organismes et des entreprises. C'est l'état actuel du droit. Ce qu'on dit, c'est que l'expression soulève des difficultés pratiques sérieuses, notamment en raison des coûts. Il y a des risques qu'elle soit interprétée plus largement et qu'elle brime le droit à l'égalité des personnes handicapées. Alors, pourquoi ne pas incorporer dans la loi ce qui est clairement reconnu et qui de toute façon, je dirais, malgré ce libellé-là, ne libérerait pas, dans l'état actuel du droit, les organismes et les entreprises de leur obligation d'accommodement raisonnable?

M. Bédard: O.K. Ça fait que ça irait dans le sens des termes qui ont été choisis et qui sont clairement définis par la jurisprudence, et, dans tous les cas, ça ne modifierait pas le droit actuel qui est celui de faire la preuve d'une contrainte...

M. Dowd (Marc-André): En fait, ça le rendrait plus explicite. Mais je vais laisser Me Bosset compléter sur cette question-là.

M. Bosset (Pierre): Juste deux mots sur la notion de «contrainte excessive», deux mots supplémentaires. Je pense qu'un facteur dont il faut tenir compte également, c'est celui de la sécurité juridique. Je pense qu'aucun législateur ne peut être indifférent à cet argument-là. Il faut que les justiciables, les entreprises, les institutions publiques sachent à quoi s'en tenir en vertu d'une loi. Or, le concept de «contrainte excessive», qui fait l'objet d'une application par les tribunaux depuis 20 ans, est relativement bien défini, beaucoup mieux défini en tout cas que ne semble l'être celui de «difficultés pratiques sérieuses».

M. Bédard: Merci. Sur l'ajout de l'article 70.1 sur les renseignements personnels qui sont transmis à un organisme à l'extérieur du Québec, si je lis bien votre mémoire, vous souhaitez... Vous en avez peu parlé pendant votre présentation, sinon vous n'avez pas eu le temps. Ce que vous souhaitez, c'est quoi exactement?

M. Dowd (Marc-André): On appuie la proposition qui est présentée. Mais je vais laisser Me Carpentier compléter sur la question.

M. Carpentier (Daniel): C'est sur la situation donc d'un organisme qui communique des renseignements à l'étranger. C'est bien ça?

M. Bédard: Oui.

M. Carpentier (Daniel): Bien, c'est ça, on appuie la proposition qu'il y a dans le projet de loi puisqu'elle impose à l'organisme de garantir que ces renseignements-là recevront la même protection.

M. Bédard: Et ce qui est prévu dans le projet de loi actuel fait en sorte que ces renseignements vont être protégés de la même manière lorsqu'ils sont transmis? C'est ce que vous constatez?

M. Carpentier (Daniel): Oui, c'est ça, c'est que... Bon, je lis 70.1, c'est: l'organisme qui communique à l'extérieur des renseignements ou qui confie à une personne ou à un organisme à l'extérieur la tâche de détenir, utiliser, communiquer pour son compte de tels renseignements, qu'il ait la capacité de détenir et de traiter ces renseignements, doit prendre les moyens nécessaires pour s'assurer qu'ils bénéficient d'une protection équivalente... Alors, on pense que c'est une avancée.

M. Bédard: Mais les moyens nécessaires, ce n'est pas une obligation de résultat, on s'entend, les moyens nécessaires. Donc, est-ce qu'on devrait préciser ce terme?

M. Carpentier (Daniel): Écoutez, à notre avis, ça...

M. Bédard: Parce que ça a quand même... Vous savez, dans un monde où l'information circule très rapidement, est-ce qu'on est mieux de renforcer ce terme? Parce que certains nous disaient que «moyens nécessaires», ça leur soulevait des doutes quant aux obligations. L'avez-vous analysé un peu plus?

M. Carpentier (Daniel): On n'a pas analysé plus à fond ce texte; déjà, il ajoutait une garantie. Mais, écoutez, une lecture comme celle-là, «les moyens nécessaires pour s'assurer qu'ils bénéficient d'une protection», ça me semble des termes relativement...

M. Bédard: Convenables?

M. Carpentier (Daniel): ...contraignants.

M. Dowd (Marc-André): Je rajouterais que, si on peut... Exactement, s'il y a des interrogations sur les mots «moyens nécessaires», il y a quand même les mots «pour s'assurer». Alors, quand on s'assure de quelque chose, ça m'apparaît en tout cas, dans le texte, assez fort comme formulation.

M. Bédard: O.K. Peut-être une chose aussi. Le ministre nous a dit que... Il a déposé des ébauches de règlement ? je pense qu'ils sont publics maintenant, ils sont déposés à la commission ? concernant la politique de divulgation. Comme vous n'en avez pas eu connaissance avant, je souhaiterais et, j'imagine, les autres membres de la commission souhaiteraient aussi avoir vos commentaires, si c'est possible, par rapport à l'application de ces... des deux côtés, tant au niveau de la protection qu'au niveau de la divulgation.

M. Dowd (Marc-André): On va effectivement recevoir les projets puis...

n (10 h 20) n

M. Bédard: Merci. De façon plus générale, est-ce que vous jugez qu'il est utile ou souhaitable de modifier le rôle de la Commission d'accès par rapport à la protection des renseignements personnels, par rapport aux avis qu'elle doit donner? Parce que ce qu'on constate, c'est qu'il y a une certaine... D'abord, il y a des nouveaux termes qui sont introduits et bon beaucoup d'exceptions qui risquent, en fin de compte, de faire en sorte que le rôle de la commission, comme vous le disiez, va venir a posteriori... ou une demande d'avis... pas d'avis, d'informer la commission, donc comment elle peut réagir à partir de là, alors qu'avant il y avait un processus quand même assez serré. Quel est l'avantage, selon vous, de changer le mode actuel de fonctionnement?

M. Dowd (Marc-André): Il y a deux choses. Sur la structure, sur la question de la division plus claire, je pense que ça répond aux préoccupations, il y a un débat, depuis plusieurs années, sur ces questions-là. À notre avis, de l'avis de la commission, la proposition qui est faite de vraiment créer deux sections, je ne dirais pas hermétiques mais, disons, très clairement séparées, c'est de nature à, comme je le disais en début de présentation, réaffirmer, renforcer les exigences liées à l'impartialité, l'apparence d'impartialité dans la fonction juridictionnelle. C'est également, je pense, de nature à renforcer le rôle lié à la surveillance en lui adjoignant une vice-présidence propre et vraiment marquée. O.K.? Et par ailleurs nos propres propositions font en sorte, si elles étaient adoptées, d'aller dans le sens de renforcer le mécanisme de contrôle a priori qui serait exercé par la Commission d'accès à l'information. Alors, c'est ce que je peux dire sur les propositions de modification sur la structure.

M. Carpentier (Daniel): Peut-être un mot sur le rôle de surveillance ou d'avis de la Commission d'accès. Il me semble qu'il est essentiel, à tout le moins, de maintenir celui qu'elle a en ce moment, sinon de le renforcer, parce que les... Le domaine d'intervention, ce sont des renseignements personnels, et à cet égard, sur la protection des renseignements personnels, on peut difficilement replacer une personne dans la situation antérieure. On n'est pas dans des biens matériels, des sommes d'argent, bien que l'échange de ces renseignements-là puisse avoir des impacts de cet ordre sur des personnes, mais ce que j'appellerais un champ d'application, un domaine plus mou, des renseignements personnels, et c'est l'utilisation qu'on en fait et comment l'État utilise ça dans ses différentes composantes. C'est d'autant plus important que ce principe, qui a été mis de l'avant et renforcé au fil des ans, de contrôle a priori est essentiel.

M. Bédard: Actuellement, vous sentez qu'il est élagué, là, du moins qu'il est diminué?

M. Carpentier (Daniel): C'est notre analyse.

M. Bédard: Et vous n'êtes pas les seuls, je vous dirais, à faire cette analyse. Dans ce cas-ci, la prudence est sûrement la mère de toutes les vertus, là, en termes de divulgation d'information, ça semble clair, et c'est pour ça que je posais la question avec vous. On aura l'occasion, lors de l'étude détaillée, d'aller plus loin avec le ministre. Mais on crée tellement d'exceptions, on semble vouloir tellement atténuer à plusieurs égards ? pas à tous les égards mais à plusieurs égards ? le rôle de la commission que ça ne peut pas faire autrement que soulever des inquiétudes. Alors, vos commentaires seront pris en compte.

M. Dowd (Marc-André): Parfait.

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous vous remercions de votre participation aux travaux de la commission. Merci à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le Barreau du Québec s'installe.

(Suspension de la séance à 10 h 24)

 

(Reprise à 10 h 27)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer en recevant le Barreau du Québec, qui est déjà installé. Bienvenue en commission parlementaire.

Je vous rappelle brièvement les règles d'audition ici, en commission: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et, à la suite de cette présentation, il y a une période d'échange avec les membres de la commission. Pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais donc de vous identifier et ensuite de ça de procéder à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Barreau du Québec

Mme Lemieux (Madeleine): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition, Mmes, MM. les députés. Je suis Madeleine Lemieux, bâtonnière du Barreau du Québec. Je suis accompagnée de Me Sylvie Champagne, à ma gauche, qui est avocate au Service de recherche et de législation et secrétaire du groupe de travail sur l'accès à l'information, et de Me Raymond Doray, associé du cabinet Lavery, de Billy et membre du groupe de travail sur l'accès à l'information.

Nous vous remercions d'abord de cette opportunité de présenter les remarques du Barreau du Québec sur le projet de loi n° 86. Notre présentation va référer à certains de nos commentaires mais pas à l'ensemble du mémoire, et possiblement que, par la période de questions, nous y arriverons. Alors, la présentation sera faite par les trois personnes présentes. Nous avons divisé les sujets.

Quelques mots d'abord pour vous présenter le Barreau du Québec. Le Barreau regroupe plus de 20 000 membres en règle. Son principal mandat est d'assurer la protection du public. Pour ce faire, il doit veiller à la discipline de la profession, au respect de la déontologie ainsi qu'à la vérification de la compétence tant de ses membres que des personnes qui veulent joindre les rangs. Le Barreau veille également à assurer la primauté du droit, maintenir la séparation des pouvoirs, promouvoir l'égalité de tous devant la loi et protéger l'équilibre souvent précaire entre les droits du citoyen et les pouvoirs de l'État.

Je vous parlerai de l'assujettissement des ordres professionnels, Me Doray abordera plus précisément les modifications à la Loi d'accès et Me Champagne, les modifications à la loi du secteur privé et l'harmonisation des dispositions pénales.

L'accès à l'information et la protection de la vie privée sont des principes auxquels le Barreau du Québec attache la plus haute importance. Il est d'ailleurs intervenu à ce sujet à plusieurs reprises. Le Barreau est favorable au projet de loi n° 86 qui vise à améliorer la Loi sur l'accès et la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la modernisation de l'État, sous réserve de certains commentaires et préoccupations reliés à la protection des renseignements personnels, de certains outils et des questionnements sur la portée de certaines dispositions. Les objectifs du gouvernement doivent être atteints dans le respect des droits fondamentaux, c'est-à-dire d'abord le respect de la vie privée et, deuxièmement, la transparence de l'État.n(10 h 30)n

Pour ce qui est de l'assujettissement des ordres professionnels, soulignons que le Barreau du Québec a participé aux travaux du Conseil interprofessionnel du Québec relativement à l'analyse du projet de loi n° 86. Le Barreau est d'accord avec les commentaires formulés par le Conseil interprofessionnel du Québec dans son mémoire, qui, j'espère, vous est déjà parvenu, sur le projet de loi n° 86.

Le régime proposé dans le projet de loi reflète la dualité des ordres professionnels en prévoyant d'une part l'assujettissement des ordres à la Loi sur l'accès à l'égard des documents qu'ils possèdent et qui sont relatifs au contrôle de l'exercice de la profession. Ils seront par contre visés par la Loi sur la protection des renseignements personnels pour ce qui est des renseignements qui se rapportent au rapport de type associatif de l'ordre. Il s'agit d'un compromis, mais le Barreau du Québec s'interroge à savoir si les gains de transparence pour la population sauront compenser le poids administratif et financier et les pertes d'efficacité qui risquent d'accompagner ce régime d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Nous nous interrogeons si la population a véritablement besoin d'un tel régime, quels sont les gains concrets qui résulteront de ce régime pour la population. Nous verrons à l'usage si le régime proposé apporte les bénéfices recherchés sans compromettre l'exécution du mandat de protection du public des ordres professionnels.

Le Barreau est également d'accord avec le Conseil interprofessionnel du Québec qui juge important de bonifier le projet de loi n° 86, notamment en ce qui a trait à regrouper dans le Code des professions toutes les restrictions à l'accès applicables aux documents et renseignements personnels détenus par un ordre dans le cadre du contrôle de l'exercice de la profession. Il s'agit de l'article 139 du projet de loi n° 86, qui propose les nouveaux articles 108.1, 108.3 et 108.4 du Code des professions.

Nous soulignons qu'une attention particulière doit être apportée au dossier du syndic. Avec les nouvelles dispositions proposées dans le projet de loi n° 86, il est plus que vraisemblable que ces dossiers feront l'objet de multiples litiges devant la Commission d'accès à l'information si le législateur n'accorde pas une protection explicite, sans ambiguïté et très claire dans la loi. Le Barreau est d'avis, à l'instar du Conseil interprofessionnel du Québec, que le législateur devrait en toute logique prévoir spécifiquement, à l'article 108.3 du Code des professions, une restriction visant à assurer la confidentialité des renseignements obtenus, détenus ou communiqués par le syndic dans le cadre de son travail d'enquête. Il serait fort utile que l'exception du secret professionnel soit clairement mentionnée dans la liste des restrictions applicables au droit d'accès, au nouvel article 108.3 du Code des professions, tel qu'il est proposé dans le projet de loi.

Ceci termine nos remarques sur la question de l'assujettissement des ordres professionnels, remarques qui seront beaucoup plus explicites lorsque le Conseil interprofessionnel se présentera devant la commission parlementaire. Je passe maintenant la parole à Me Doray qui va vous faire part de nos remarques sur les modifications à la Loi d'accès.

M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je n'aborderai pas tous les aspects ou toutes les questions qui sont traités dans le mémoire au regard des modifications proposées à la Loi sur l'accès, je me contenterai d'attirer votre attention sur certains aspects.

D'abord, à l'article 7, le plan de classification qui est proposé pour permettre aux citoyens d'exercer leur droit d'accès aux documents des organismes publics, on se rappellera que, dans le cadre de la Loi sur l'accès qui est actuellement en vigueur, l'obligation des organismes publics, c'est d'avoir une liste de classement des documents, et je pense que tous conviennent que cet outil qu'est la liste de classement n'est pas vraiment adapté à l'exercice du droit d'accès. Il y a un problème que la Commission d'accès a identifié à juste titre. Dans le projet de loi, on suggère un plan de classification. La commission, elle, suggérait un outil beaucoup plus... j'allais dire complexe, un index général des documents d'un organisme public, donc un outil qui donnerait plus de détails sur ce que détiennent les organismes publics.

La position du Barreau à ce sujet-là est que le plan de classification n'est probablement pas un outil approprié. Donc, la recommandation, ou enfin la proposition de l'article 7 n'est peut-être pas appropriée, parce que le plan de classification, c'est une notion qui nous provient de la Loi sur les archives et qu'il n'est vraiment pas conçu pour l'objectif de répertorier, d'identifier des documents que détient un organisme public et qui pourraient intéresser des citoyens voulant faire des demandes d'accès. Et, dans cette perspective-là, ce que pense le Barreau, c'est qu'il faudrait un outil qui permette non pas d'avoir une liste détaillée des documents ? je pense que c'est irréaliste et le Barreau pense que c'est excessif ? mais beaucoup plus un outil qui permet, de façon intelligente, aux citoyens de savoir quels sont les principaux documents, sujets qui sont abordés par un organisme public, quelles sont d'abord les différentes directions ou, d'un point de vue administratif, comment il est organisé, cet organisme public, mais également quels sont les dossiers qui sont traités actuellement ou qui ont été traités au cours des années, de manière à ce que, de façon intelligente, une personne puisse dire: Bien, moi, c'est les documents ou les études, les analyses qui traitent de telle problématique que j'aimerais obtenir en utilisant la Loi sur l'accès.

En ce qui a trait à l'article 11 du projet de loi ? je ne parlerai pas de l'article 8, puisque le Barreau n'a pas pris connaissance des deux projets, le projet de politique de diffusion de l'information et le projet de politique relative à la protection des renseignements personnels ? l'article 11 nous traite en fait de l'application de la procédure de consultation des tiers, qui se retrouve aux articles 25 et 49 de la Loi sur l'accès, et l'on a prévu pour l'essentiel que, lorsque des renseignements qui ont été fournis par un tiers à un organisme public font l'objet d'une demande d'accès mais que ces documents ont par ailleurs un caractère public, soit en vertu d'une autre loi ou du nouvel article qui est prévu, qui est 41.1 dans le projet de loi, le régime de consultation du tiers pour obtenir ces observations ne s'appliquerait pas.

La position du Barreau à ce sujet-là, c'est qu'interpréter qu'un renseignement a un caractère public n'est pas toujours facile, et je peux vous donner un exemple qui est tiré de la jurisprudence. S'est posée la question, il y a plusieurs années, de savoir si les manifestes de circulation de déchets dangereux, donc ces documents détenus par le ministère de l'Environnement à l'époque, qui établissaient que des déchets avaient été transportés, des déchets dangereux avaient été transportés entre un point a et un point b, avaient un caractère public, et d'aucuns pensaient que oui, puisque ça traitait de déchets dangereux, et le caractère public était conféré par la loi aux renseignements, permettant de connaître la présence de contaminants dans l'environnement. Donc, est-ce que des déchets dangereux transportés dans un camion sont effectivement des renseignements... ou les documents qui en traitent, des renseignements traitant de la présence de contaminants dans l'environnement? C'est sujet à discussion, à controverse et à interprétation. Et d'ailleurs ça a donné lieu à un débat très long devant la Commission d'accès, qui s'est poursuivi devant la Cour du Québec.

Ne pas donner aux tiers concernés la possibilité de faire valoir leurs points de vue par un minimum d'avis préalable, peut-être pas un avis aussi formel que celui des articles 25 et 49 mais au moins un avis bona fide leur permettant de savoir qu'on s'apprête à rendre accessibles des renseignements ou des documents qu'ils ont fournis à l'État et qui peuvent révéler évidemment leurs processus industriels de manière à ce que, le cas échéant, ils puissent s'adresser aux tribunaux, par exemple à la Cour supérieure, nous semblerait une façon équitable de traiter ce type de renseignements.

L'article 17 du projet de loi vient créer ce qui est assez surprenant, c'est-à-dire des règles permettant aux organismes publics de communiquer des renseignements qui ne sont pas des renseignements nominatifs mais des renseignements administratifs, qui sont par ailleurs visés par des restrictions impératives de la Loi sur l'accès, telles que les articles 23, 24, 28 ou 29. Le Barreau est d'opinion que cette disposition vient bouleverser la logique inhérente de la Loi sur l'accès qui a prévalu depuis 1982, lorsque la loi a été adoptée, à savoir que, pour les renseignements nominatifs, qu'on appellera renseignements personnels enfin avec le projet de loi, pour éviter une multiplication de concepts, mais que les renseignements administratifs, contrairement aux renseignements personnels, ne sont pas visés par une interdiction de divulgation à l'intérieur de l'appareil d'État, et, pour les renseignements nominatifs ou personnels, on a prévu que chaque organisme public est une cellule distincte qui ne peut communiquer des renseignements personnels que lorsque la loi le permet ou lorsque la personne concernée a donné son consentement. Mais, pour ce qui est des renseignements administratifs, notamment des renseignements fournis par des tiers, il n'est pas interdit aux organismes publics de se les échanger.

n(10 h 40)n

C'est notre compréhension et ça a toujours été la compréhension de la loi, et je pense que c'est la logique que le législateur... Et, si on relit le rapport Paré, il est très clair que la volonté du législateur n'a jamais été d'interdire la circulation, par exemple, d'une demande de subvention par une entreprise qui s'adresse au ministère de l'Industrie, et dont une partie de la demande est transférée à la SGF, et ensuite qu'on en traite au Conseil du trésor et au ministère des Finances. On n'a pas besoin d'un consentement manifeste, spécifique et éclairé de l'entreprise. Il va de soi que, si elle veut obtenir de l'argent de l'État, les différentes composantes de ce même État se parleront entre elles.

En adoptant l'article 17, je pense qu'on vient bouleverser cette logique et on vient lancer le message que les seuls cas où des renseignements administratifs visés par des restrictions impératives de la Loi sur l'accès pourront être divulgués entre organismes publics, ce sont les cas prévus par la loi, et je vous soumets que la liste est loin d'être exhaustive. Par exemple, on y permet la communication de renseignements visés par les dispositions impératives à un procureur de l'organisme public pour les fins d'une poursuite, mais on ne prévoit pas qu'on peut communiquer à un procureur de l'organisme... pour les fins d'obtenir un avis juridique. Ce n'est qu'un exemple, mais, quand on vient nous donner une liste des situations où il est permis de communiquer des renseignements administratifs, on vient de lancer un message que, dans toute autre situation, il sera interdit de le faire.

Pour ce qui est des communications de renseignements nominatifs, l'article 37 du projet de loi ? et je pense que vous en avez traité avec la Commission des droits de la personne antérieurement ? prévoit des cas où il y a un avis préalable donné à la Commission d'accès à l'information et des cas où il y a entente qui doit être signée entre les deux organismes impliqués et soumission de l'entente à la Commission d'accès à l'information pour avis, avec la possibilité que l'avis de la commission soit éventuellement soumis à l'Assemblée nationale. Simple remarque à ce sujet, c'est qu'il nous semble que les cas qui ont été choisis pour un avis préalable sont des cas beaucoup plus lourds, si vous me permettez le qualificatif, à savoir des cas où des bases de données sont communiquées entre organismes publics ou des cas où un organisme public obtient des renseignements du secteur privé, alors qu'on a prévu des ententes approuvées par la commission dans des cas qui ne sont pas d'une gravité aussi importante, nous semble-t-il.

La communication à un organisme public de renseignements nécessaires à l'exercice des attributions de l'organisme ou à la mise en oeuvre d'un programme dont l'organisme a la gestion, ce sont des objectifs tout à fait légitimes. La communication qui est faite au bénéfice de la personne concernée, je pense que c'est plus que légitime. Et la communication nécessaire dans le cas de la prestation d'un service, c'est dans l'intérêt des citoyens. Pourquoi soumettre ça à un processus lourd d'avis préalable à la Commission d'accès à l'information, avec entente signée entre les parties et nécessité d'attendre que la commission ait émis son avis, alors que les cas de transfert de bases de données obtenues du secteur privé ou encore, entre organismes publics, d'interconnexion de bases de données ne donnent lieu qu'à un avis préalable? Ça nous semble, à tout le moins, surprenant.

D'un point de vue, je dirais, plus procédural, certaines dispositions traitent du fonctionnement de la Commission d'accès à l'information. L'article 140 du projet de loi traite de cette possibilité que la commission requière des parties à un litige de lui soumettre leurs observations par écrit, ce qui pour le Barreau est quelque chose de fort intéressant pour alléger la procédure et accélérer le traitement des litiges en matière d'accès à l'information. Cependant, le Barreau croit opportun de faire des mises en garde parce qu'il ne faut pas oublier que le choix qui a été fait par le législateur québécois en 1982, c'est le choix d'un tribunal qui exerce des pouvoirs quasi judiciaires. Ce n'est pas un organisme administratif, comme c'est le cas au fédéral ou dans la plupart des provinces canadiennes, qui traite des questions d'accès à l'information ou de protection des renseignements personnels, c'est un véritable tribunal qu'on a créé au Québec, avec ses grandeurs et ses misères. Mais ça implique des obligations procédurales.

Et de demander aux parties de plaider par écrit, ça peut être intéressant, ça peut être une voie certainement envisageable, mais il ne faut pas oublier qu'en matière d'accès à l'information ce qui est généralement l'objet du litige, c'est une question de fait. La commission doit apprécier les faits pour déterminer si l'une ou l'autre des restrictions à l'accès s'applique. Et en conséquence, si ce sont des questions de fait, les parties devraient avoir le pouvoir d'interroger ou de contre-interroger les représentants de l'organisme public pour vérifier si les motifs de refus sont réels, et à l'inverse l'organisme public devrait avoir la possibilité, dans certains cas, de contre-interroger la preuve ou les témoins que le demandeur veut présenter à la commission, que ce soit oralement ou par écrit.

Donc, il nous semble qu'il y a peut-être des aménagements à apporter à cette ouverture qui est intéressante mais qui n'est peut-être pas tout à fait complète, quitte à ce que les interrogatoires se fassent à l'extérieur de la commission, qu'on prévoie des interrogatoires hors de la présence de la commission et qu'on dépose les transcriptions. Ça pourrait être une façon de simplifier la procédure. Mais, à tout le moins, le régime, tel que proposé, risque de donner lieu à des violations des règles de l'équité procédurale.

Pour ce qui est de la question des pouvoirs de la commission, le mémoire traite également de cette délégation qui serait permise au président de la Commission d'accès à l'information en faveur des employés de la commission, qui pourraient même avoir, suite à une enquête, la capacité d'émettre des ordonnances qui affectent des organismes publics, et cela nous semble tout à fait inacceptable que des gens qui n'ont pas été nommés par l'Assemblée nationale, comme les membres de la Commission d'accès à l'information, qui n'ont aucune responsabilité véritable, qui n'ont pas été choisis en vertu d'un processus assurant leur indépendance, se voient conférer des pouvoirs d'ordonnance extrêmement lourds de conséquences.

Je termine, je passe la parole à Me Champagne qui va vous parler très rapidement de la loi du secteur privé. Ce ne sera pas long, il y a quelques articles qui sont visés.

Le Président (M. Brodeur): J'aurais donc besoin d'un consentement de la commission, puisque j'imagine que votre exposé va durer plus que 18 secondes. Il y a consentement? Oui. Allez-y.

Mme Champagne (Sylvie): Je vous remercie. Je suis capable d'être brève, mais pas autant que 18 secondes.

Alors, en regardant le projet de loi n° 86, le Barreau a constaté que le législateur n'avait pas pris l'opportunité de venir clarifier certains points nébuleux dans la jurisprudence. Alors, le premier point, c'est la notion de «dossier». On retrouve encore, dans la loi dans le secteur privé, à plusieurs articles, la notion de «dossier», alors que la Commission d'accès à l'information s'intéresse beaucoup plus à la question de savoir si les renseignements recueillis par une entreprise répondent au critère de nécessité et s'ils sont utilisés à des fins pertinentes et à des finalités pour lesquelles ils ont été recueillis à l'origine. Alors, fait à noter, c'est qu'il n'y a pas de référence à la notion de «dossier» dans la loi fédérale, ni dans les autres lois ailleurs dans les provinces, ni ailleurs dans le monde.

Le deuxième point qui fait partie de la controverse jurisprudentielle, c'est la question à savoir si les faits et gestes d'une personne, dans l'exercice de ses fonctions, constituent des renseignements personnels. Le Barreau aurait souhaité que le législateur vienne clarifier cette situation-là dans le projet de loi n° 86. Même chose pour la question des opinions. La Commission d'accès est divisée à savoir si l'opinion d'une personne émise au sujet d'une autre est un renseignement personnel au sujet de l'opinant, de manière à ce que la personne concernée puisse savoir, en bout de piste, ce que des tiers pensent d'elle et qu'ils ont communiqué à une entreprise.

Maintenant, au niveau du projet de loi n° 86, à l'article 108, on propose de modifier la définition de la liste nominative pour ajouter les adresses technologiques, ce qui est très bien. Par contre, la définition de la liste nominative est incomplète et crée actuellement un sérieux problème d'interprétation. En effet, une liste de noms, d'adresses, de numéros de téléphone et d'adresses technologiques est sans aucune utilité à des fins de prospection commerciale ou philanthropique, à moins que cette liste ne contienne aussi des critères qui ont servi à sa constitution, c'est-à-dire la liste des personnes qui sont titulaires d'un abonnement à une telle revue, la liste des personnes qui ont contribué à la campagne de souscription d'un hôpital, etc. C'est d'ailleurs pourquoi le premier alinéa de l'article 22 traite des renseignements servant à la constitution d'une liste. Par contre, la définition de liste nominative ne reprend pas cet élément crucial sans lequel une liste nominative est proprement inutile. En conséquence, une modification devrait être apportée à la définition de la liste nominative telle que proposée par le projet de loi n° 86, à l'article 108.

n(10 h 50)n

Je vous amène maintenant à l'article 115. Le Barreau croit que de permettre à la personne concernée d'avoir accès aux renseignements qui sont contenus dans son dossier et qui concernent également une autre personne physique, lorsque la divulgation n'est pas susceptible de nuire sérieusement à cette autre personne physique, est une bonne chose. En fait, il est difficile d'accepter que la personne concernée se voie refuser l'accès à des parties importantes de son dossier parce que cela révélera en même temps des renseignements sur un tiers. Vraisemblablement par souci de cohésion avec l'article 88 de la Loi sur l'accès, le projet de loi n° 86 propose de retrancher cet élément de transparence supplémentaire qui était jusqu'à maintenant applicable dans le secteur privé. C'est plutôt l'inverse qui devrait être fait. Donc, on devrait changer l'article 88 de la Loi sur l'accès, tel qu'il existe actuellement, pour le moduler sur l'article 40 de la loi sur le secteur privé et non pas l'inverse.

Au niveau de l'harmonisation des dispositions pénales, je pourrai répondre aux questions des gens. Je pense que ça reprend une recommandation qui avait été faite par la Commission d'accès à l'information lors de son dernier rapport quinquennal, en 2002. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Avant de passer la parole, pour une première question, au ministre, je dois vous souligner que nous avons pris quatre minutes dans la période de questions, qui seront soustraites pour respecter l'agenda. Donc, M. le ministre.

M. Pelletier: Oui. Merci. Merci, M. le Président. Merci, Mme Lemieux, merci de votre présentation, Mme Champagne, M. Doray. Merci également de votre mémoire qui est, je dirais, fort bien fait et qui est assez précis par rapport au projet de loi n° 86, qui est même assez technique, qui donc nous offre matière à réflexion.

J'ai noté des commentaires intéressants par rapport aux modifications que nous proposons à l'article 68 de la loi sur l'accès à l'information. Alors, comme vous le savez, à l'article 68, nous sommes en présence d'un certain nombre de renseignements qui normalement ne pourraient être divulgués sans avoir une entente écrite, en quelque sorte, et vous semblez affirmer qu'on va trop loin et que dans le fond la divulgation de ces informations devrait être un peu plus permissive, question probablement, je vous dirais, d'harmoniser avec les situations plus préoccupantes, comme vous le dites vous-mêmes, qui sont celles de l'article 66 et celles de l'article 68.1. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que ça détonne par rapport à ce qu'on entend normalement dans cette commission.

M. Doray (Raymond): Écoutez, la position du Barreau à ce sujet-là, ce n'est pas nécessairement qu'on devrait abroger le régime des ententes et des avis, avis émis par la commission suite à un projet d'entente qui lui est soumis pour ce qui est visé par l'article 68; c'est, je pense, plutôt de constater que, pour des communications qui sont beaucoup moins lourdes de conséquences, on impose une procédure qui est assez sévère, alors que, pour des communications beaucoup plus lourdes de conséquences, on ne fait que prévoir un avis préalable à la commission, avec beaucoup moins de formalisme. Donc, je ne pense pas que la position du Barreau, c'est que nécessairement on devrait, dans les cas prévus à l'article 68, mettre de côté la signature d'ententes soumises à la commission pour avis, mais peut-être plus de constater que les cas de 66 et de 67.1 sont assujettis à une règle qui n'est probablement pas assez sévère, vu l'importance des renseignements qui peuvent être communiqués par ce mécanisme ou cette voie-là.

Maintenant, effectivement, on peut se poser la question: Est-ce que, dans des cas où il est dans l'intérêt de l'administré que des renseignements soient communiqués entre deux organismes publics, il est opportun qu'il y ait entente entre les organismes publics, signature donc et négociation d'une entente, soumission à la Commission d'accès à l'information pour obtenir son avis? Est-ce qu'on n'ajoute pas une lourdeur à l'appareil d'État, alors que l'objectif de la communication, c'est d'être au bénéfice de la personne concernée? Si ce n'est pas au bénéfice de la personne concernée, celle-ci pourra exercer les recours et peut-être même faire annuler les décisions, puisque, dans l'article 162 de la Loi sur l'accès, disposition... en fait 166, excusez-moi, il y a la possibilité de faire annuler par les tribunaux une décision qui a été prise en violation des règles de confidentialité des renseignements personnels. Donc, il y a quand même, pour le citoyen... Non seulement il peut se plaindre à la commission du fait qu'on a, par exemple, communiqué des renseignements que l'on a prétendu être à son bénéfice, alors que ce ne l'était pas, mais en plus il y a une possibilité de faire annuler une décision qui aura été prise en s'adressant aux tribunaux. Donc, il y a déjà là, quand même, un certain mécanisme de contrôle.

M. Pelletier: Alors, si je comprends bien, vous vous interrogez par rapport à la lourdeur que représentent les modifications que nous proposons à l'article 68.

M. Doray (Raymond): D'une certaine façon, oui, pour les cas où la communication est faite dans l'intérêt du justiciable ou pour des motifs qui sont suffisamment bien balisés par les exceptions qui y sont prévues.

M. Pelletier: C'est ça. Venant du Barreau du Québec, évidemment c'est quelque chose d'assez important et ça va nous amener effectivement à réfléchir à tout cela davantage. Vous savez, nous, notre but ? puis c'est le but également de l'opposition officielle, je crois ? c'est d'essayer de bien définir, de bien cerner le rôle de la Commission d'accès à l'information. Bon. Quel doit être son rôle de surveillance? Quel doit être son rôle d'approbation? Dans quels cas cette approbation-là, est-elle vraiment nécessaire? Est-ce qu'on peut, dans certains cas, être plus permissif mais permettre à la commission d'intervenir pour empêcher des abus ou pour, en fin de compte, corriger la situation lorsqu'il y a des abus?

L'exercice qu'on fait jusqu'à présent est un exercice de réflexion. L'opposition officielle, et l'ADQ, et le gouvernement, l'exercice qu'on fait, c'est d'essayer de bien cerner le rôle qui va être dévolu à la Commission d'accès à l'information en vertu de la nouvelle loi. Est-ce que vous pourriez nous dire un peu, vous, c'est quoi, vos attentes par rapport à la commission? Est-ce que vraiment on ne lui en met pas trop sur les épaules en ce moment? Est-ce qu'il y aurait moyen de ne prévoir son intervention, dans certains cas, que dans des situations d'abus? C'est quoi? Comment vous voyez ça au juste?

M. Doray (Raymond): M. le ministre, je pense que vous posez très bien l'équation. J'ai le plaisir, dans ma carrière, dans ma pratique, d'être en relation avec la commission depuis ses tout débuts, depuis plus de 20 ans, et effectivement je serais d'accord avec vous à dire qu'on en demande beaucoup à la commission et qu'on lui donne très peu de moyens pour accomplir un peu l'impossible.

Et il y a aussi une autre préoccupation qui doit entrer dans l'équation, c'est l'efficacité de l'État. Si évidemment on demande à la commission d'émettre des avis à tout bout de champ, c'est une partie importante de ses ressources qui sont consacrées à la préparation d'avis de négociation avec les organismes publics, alors que dans le fond, si l'on balise bien les situations où il est permis aux organismes publics de s'échanger des renseignements personnels et que c'est dans l'intérêt public que ces échanges de renseignements ont lieu, à ce moment-là, le rôle de la commission pourrait se limiter à un contrôle a posteriori. Ça coûte nettement moins cher, c'est nettement plus efficace et, en bout de piste, les citoyens sont en mesure d'obtenir la qualité de service.

n(11 heures)n

Parce que, la communication de renseignements personnels, on a souvent tendance à penser que ça ne sert qu'à rendre la vie des citoyens moins agréable, que c'est pour les punir, que c'est pour les poursuivre, mais, dans la grande majorité des cas, les renseignements personnels sont échangés entre organismes publics par souci d'efficacité, pour rendre des meilleures décisions, pour être certains d'avoir entre les mains tous les éléments qui permettront de donner un service adéquat. Et, à cet égard-là, le réseau de la santé, par exemple, qu'on considère comme étant des cellules hermétiques, on sait tous que la réalité des choses, ce n'est pas ça. Les organismes de santé, que ce soient les hôpitaux, les CLSC, les régies régionales, ont besoin d'interagir entre elles pour donner des services adéquats, pour être en mesure de dire: On va avoir une travailleuse sociale du CLSC qui va aller à domicile donner des soins à une personne âgée parce que le médecin pense telle chose. Il faut qu'il y ait de l'échange de renseignements. Ce n'est pas une mauvaise chose. Et c'est un cas tout à fait classique d'échange de renseignements personnels dans le but d'une prestation de services de qualité. Pourquoi ces échanges-là devraient être soumis à la Commission d'accès à l'information pour avis? Je vous avoue sincèrement que j'ai de la difficulté à comprendre. Donc, si on balise bien, on peut certainement éviter un travail à la commission et on peut surtout améliorer la qualité des services.

M. Pelletier: Je ne crois pas que vous vous soyez prononcés sur la structure de la commission, cette espèce de division entre une section plus adjudicative, juridictionnelle, puis une section plus administrative. Visiblement, vous étiez conscients ? votre sourire en témoigne ? vous étiez conscients de cette question, qui ne vous a pas échappé, mais j'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus.

M. Doray (Raymond): M. le ministre, je dois dire que personnellement j'ai eu l'occasion de me prononcer de façon assez détaillée sur le sujet, puisque votre prédécesseur m'avait demandé de préparer une étude sur l'organisation de la Commission d'accès à l'information, étude qui a été déposée à l'Assemblée nationale et qui a fait l'objet d'ailleurs de discussions en commission parlementaire. Et la recommandation qui avait été faite dans ce document, que j'ai préparé à la demande du ministère des Relations avec les citoyens, était à l'effet qu'il y avait lieu de séparer carrément les fonctions de surveillance et de contrôle de la Commission d'accès à l'information et ses fonctions d'adjudication en deux organismes distincts, comme c'est le cas, par exemple, à la Commission des droits de la personne, dont le travail consiste à faire la promotion de l'égalité et des autres droits consacrés dans la charte, à faire des enquêtes et de la surveillance, mais, lorsqu'il y a des litiges, c'est le Tribunal des droits de la personne qui s'en occupe, ce qui assure évidemment non seulement l'impartialité, mais l'apparence d'impartialité.

J'ai toujours personnellement cru que c'était la voie idéale, et c'était la recommandation du rapport. Et le Barreau en a discuté à l'époque. Ce n'est pas dans le mémoire qui vous est présenté, mais traditionnellement je pense que la position du Barreau a toujours été qu'effectivement les citoyens devraient avoir les meilleures garanties d'impartialité et d'équité procédurale. Maintenant, le législateur, pour des raisons qui sont peut-être des contingences économiques, a choisi de laisser à la Commission d'accès à l'information les deux fonctions, mais, une voie de compromis, en les séparant à l'intérieur de la commission, ce qui est une voie de compromis intéressante.

Je suis un peu étonné parce que j'ai pris connaissance de la position de la Commission d'accès à l'information à ce sujet-là, qui s'y oppose en faisant valoir que c'est l'expertise de la commission qui pourrait être mise en péril par cette séparation de ses pouvoirs en deux volets. Je vous avoue que je ne trouve pas l'argument très convaincant. Il me semble que le compromis qui est suggéré dans le projet de loi n° 86 est un minimum. Et que la commission s'y oppose est un peu étonnant, puisque ce n'est pas une question d'expertise que l'on apprend en faisant des enquêtes, dont on va se servir quand on va par la suite rendre des décisions. Ce n'est pas ça, l'enjeu. L'enjeu, c'est que, quand on enquête, on n'agit pas comme personne impartiale, on s'en va chercher des renseignements et on est imprégné d'une... j'allais dire d'une vision de chercher des violations de la loi. On a un pouvoir inquisitorial de l'État entre les mains. Et le rôle de l'enquêteur, ce n'est pas d'être un arbitre impartial, c'est d'essayer de voir s'il y a eu effectivement commission d'une infraction, alors que le décideur, lui, doit entendre tous les points de vue et ne pas être imprégné déjà de certains préjugés. Donc, cette notion d'expertise, il me semble qu'elle n'est absolument pas convaincante.

À tout le moins, votre proposition, dans le projet de loi n° 86, devrait être un minimum ou un standard minimum, et idéalement faudra-t-il continuer la réflexion et penser, un jour, quand peut-être les moyens de l'État le permettront, de diviser en deux organismes... Mais je n'ai jamais entendu personne dire que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec avait perdu de son expertise le jour où on a créé le Tribunal des droits de la personne.

M. Pelletier: Il y a une autre question par rapport à laquelle j'aimerais vous entendre et que vous n'avez pas abordée, ni dans votre mémoire ni dans votre présentation orale, c'est la question de l'indépendance, en fin de compte, du représentant dans chaque ministère, du responsable de l'accès à l'information ou de la protection des renseignements personnels ? encore une fois, par votre sourire, je vois que c'est une question qui ne vous a pas échappé. Alors, j'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus.

M. Doray (Raymond): Écoutez, l'article 8 de la Loi sur l'accès, c'est une question fort intéressante, l'article 8 de la Loi sur l'accès qui crée cette fonction de responsable et qui la confie à la personne ayant la plus haute autorité dans l'organisme public tout en lui permettant de la déléguer à un cadre. Juridiquement, je pense que tous s'entendent pour dire qu'il s'agit d'une délégation de fonction, et, en droit, une délégation de fonction permet au délégant de la reprendre en tout temps et même, dans un dossier particulier, d'imposer sa décision à celui auquel il a confié une fonction pour pouvoir apporter son éclairage et sa vision des choses lorsqu'une décision doit être prise sur, par exemple, la communication d'un document faisant l'objet d'une demande d'accès. Donc, le choix qui a été fait en 1982 ? et c'est un choix volontaire; le rapport Paré en parle abondamment ? c'est de confier la responsabilité de l'accès à l'information à la personne ayant la plus haute autorité, donc au ministre dans un ministère, au président d'organisme dans un organisme décentralisé, de façon à ce que ce soient des décisions importantes...

Et on savait à l'époque ? j'ai eu le plaisir de travailler comme conseiller juridique de la commission Paré ? on savait à l'époque que l'information ? et on le sait toujours ? que l'information, c'est le nerf de la guerre, c'est le coeur du fonctionnement d'un organisme public. Donc, on ne peut pas isoler le ministre, isoler le président de l'organisme et dire: C'est le responsable de l'accès ? qui est un de vos subalternes, d'ailleurs ? qui va décider, en regardant la loi, ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas et qui pourrait dans le fond, par ce biais-là, faire une révolution de palais, dans la mesure où les décisions qui sont prises sont d'une importance capitale dans certains cas.

Moi, je pense que c'est de l'angélisme que de croire que le responsable de l'accès va devenir ou devrait être une personne totalement indépendante. Il est le représentant du dirigeant de l'organisme, et, si le dirigeant ultimement considère que, pour certains dossiers extrêmement sensibles, il est dans l'intérêt de l'organisme de refuser la communication et d'aller en débattre devant la commission et devant les tribunaux, je pense que c'est sa responsabilité, il sera jugé politiquement pour ça. Maintenant, qu'un de ses subalternes vienne dire: M. le ministre, vous n'avez peut-être pas envie que ce document-là soit rendu accessible, votre interprétation de l'article 27 de la loi n'est pas la même que la mienne, mais, comme je suis le responsable, je vais le rendre accessible malgré tout, et vous vivrez avec les conséquences, ça me semble être une négation du fonctionnement de l'État et de la responsabilité aussi politique des personnes qui sont soit élues soit nommées pour agir au sein de l'État. Mais c'est un point de vue qu'on peut ne pas partager, j'en conviens parfaitement.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Écoutez, je suis consterné. Je vais saluer Mme la bâtonnière et ceux qui vous accompagnent. Évidemment, Me Doray, on a eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, lors des auditions de la Commission de la culture. Évidemment, il avait une belle expertise, plusieurs des mémoires avaient été préparés en collaboration avec Me Doray, et je suis fort heureux de l'accueillir à nouveau, aujourd'hui, dans cette présentation.

n(11 h 10)n

Je suis consterné d'abord quant à vos derniers commentaires. Je suis assez consterné, je vous dirais. Où peut s'appliquer une volonté réelle d'une politique de divulgation automatique, autrement dit d'être transparent ? et c'est ce qu'on souhaite ? lorsqu'on ramène toute décision d'une politique de divulgation automatique à une décision qui, elle, est strictement politique? Où s'exerce, autrement dit, Me Doray, le droit du public à avoir l'information? Si la loi le lui permet, où s'exerce ce droit-là? Comment peut s'appliquer une politique de divulgation si on la soumet aux diktats d'une réalité qui, elle, est strictement politique?

M. Doray (Raymond): Bien, je pense qu'on parle de deux choses, avec respect. Une politique automatique de divulgation n'a pas pour but d'aller à l'encontre des principes de la loi. C'est un aménagement, qui me semble tout à fait opportun, qui fait en sorte que certains documents qui ont été identifiés au préalable seront accessibles par Internet ou par un moyen qui peut être une bibliothèque ou un centre de documentation, mais idéalement par Internet, de façon à ce que les citoyens n'aient pas à utiliser la procédure de la Loi d'accès, les délais et les problèmes, qui peuvent en découler, de litige, et ainsi de suite. C'est comme une prédécision que l'organisme a prise en disant: Tel document, qui est d'intérêt public, devrait être accessible immédiatement. On n'a pas d'objection, donc on le met sur notre site Internet. Pour moi, ce n'est pas plus, ce n'est pas moins. Une politique automatique, ça ne met pas de côté les restrictions de la Loi d'accès, ça ne met pas de côté la prérogative de la personne qui exerce la plus haute autorité, au sein de l'organisme, d'agir.

M. Bédard: Allons plus loin effectivement sur les politiques, mais sur une demande d'accès. Vous dites que le ministre doit avoir son oeil pour décider, son regard, à la lumière de ses préoccupations à lui, s'il doit divulguer ou non, autrement dit qu'il est en appel de la décision du responsable d'accès à l'information?

M. Doray (Raymond): Non. Attention! Je vous parle du fonctionnement à l'intérieur de l'organisme public.

M. Bédard: Oui, oui, on est à l'intérieur. Le responsable dit...

M. Doray (Raymond): À l'intérieur de l'organisme public, le...

M. Bédard: Je vais vous donner un exemple, Me Doray. Il y a une demande d'accès. Le responsable dit: Effectivement, la loi est suivie, ce document devrait être transmis, selon les conditions de la loi. Et je pense que c'est là un droit d'un citoyen d'y avoir... Ce que j'ai compris ? vous me détromperez si j'ai compris l'inverse ? ce que vous me dites, c'est que le ministre a le droit ultime... devrait plutôt avoir le droit ultime de dire: Non, non, non, malgré la loi, malgré votre décision, moi, je considère que cette information ne doit pas être divulguée.

M. Doray (Raymond): Ce que je vous dis, c'est que c'est l'État du droit au moment où on se parle. À l'heure actuelle, l'autorité est confiée par la loi, dans un organisme public, au ministre...

M. Bédard: Elle est au sous-ministre, au sous-ministre.

M. Doray (Raymond): ...au ministre, à la personne exerçant la plus haute autorité, et la jurisprudence est très claire, c'est le ministre.

M. Bédard: Ceux qui exercent actuellement, Me Doray, ce sont les sous-ministres qui exercent?

M. Doray (Raymond): Non. Dans la plupart des organismes publics, le responsable de l'accès est généralement le secrétaire du ministère. Dans les ministères, ça va être le secrétaire ou le directeur du Service juridique dans des organismes publics. Mais la personne qui a la plus haute autorité, donc celui que le législateur a nommé comme le responsable de l'accès avec un grand R, c'est le ministre dans un ministère, c'est la personne qui exerce la plus haute autorité au sein de l'organisme, et lui a le droit de déléguer. Il délègue des fonctions.

M. Bédard: Mais où est le droit à l'information, Me Doray, mais où est l'exercice du droit à l'information là-dedans? Si un responsable de l'accès, qui a la compétence pour appliquer la loi, détermine effectivement que le citoyen a droit à cette information... Et vous ne pensez pas que, pour une meilleure administration puis une plus grande transparence, ce responsable devrait au contraire être protégé, avoir une plus grande indépendance pour que... Parce que, là, on ne parle pas de privilège, on ne parle pas d'une décision discrétionnaire, on parle d'une application de la loi. Et là ce que vous me ramenez... Vous me dites: Au contraire, on ne devrait jamais accorder cette indépendance. Et je vois que le ministre est d'accord, semble du moins partager votre opinion, ce qui m'inquiète. Et, au-delà de la loi, vous irez vous pourvoir devant la Commission d'accès, vous embaucherez des avocats. Allez devant la commission, puis, dans cinq ans, vous aurez peut-être raison. Mais, moi, comme ministre, je vous dis: Même si la loi dit ça, c'est non. Comment peut réagir un responsable d'accès à l'information face à une telle réalité?

M. Doray (Raymond): M. le député, je ne présume pas que les ministres et les dirigeants d'organismes sont de mauvaise foi, je présume qu'ils sont de bonne foi. Mais on peut ne pas s'entendre sur l'interprétation des dispositions de la Loi d'accès et des restrictions. Et les restrictions prêtent à interprétation, toutes et chacune. D'abord, la plupart sont des restrictions qui sont discrétionnaires. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis, une recommandation jusqu'à ce que la décision soit prise. Il peut refuser de communiquer un document dont la divulgation a un impact sur un processus judiciaire. Donc, il y a une discrétion dans la plupart des restrictions.

M. Bédard: Ce n'est pas vrai. Excusez-moi, Me Doray, mais ces exceptions sont prévues à la loi. Lorsque c'est des décisions qui sont prises... Quand c'est des informations qui concernent une prise de décision, l'exception est prévue à la loi. Quand c'est le cas d'une procédure judiciaire, ils n'ont pas le droit de les transmettre, et vous... Il y a une exception qui est prévue à la loi, et il y en a plusieurs d'ailleurs qui...

M. Doray (Raymond): Elles sont permissives.

M. Bédard: Et plusieurs des informations sont protégées, et là on parle vraiment d'informations d'autre nature. Là, vous me parlez d'exceptions qui existent déjà à la loi et que le responsable de l'accès va lui-même traiter et constater. Je ne vous parle pas de ça, moi, je vous parle de d'autres informations que la loi permet à sa lecture même.

M. Doray (Raymond): M. le député, je pense qu'on ne se comprend pas.

M. Bédard: Bien, à l'évidence. C'est pour ça qu'on...

M. Doray (Raymond): Permettez-moi juste d'essayer...

M. Bédard: Je vais passer à un autre thème.

M. Doray (Raymond): Non, non, mais...

M. Bédard: Non, parce que je suis surpris de votre point de vue, mais en même temps je le respecte.

M. Doray (Raymond): Mais je pense que ce que vous dites démontre que vous ne comprenez pas ce que j'ai dit.

M. Bédard: Bien, mais qu'on ne se comprend pas.

M. Doray (Raymond): Alors, permettez-moi d'essayer de l'expliquer très succinctement.

M. Bédard: Allez-y.

M. Doray (Raymond): Ce que je vous dis, c'est que le responsable de l'accès exerce ces pouvoirs parce qu'ils lui sont délégués par le ministre ou par le dirigeant d'organisme et que, les restrictions de la Loi d'accès, la plupart sont discrétionnaires. Les critères sont prévus dans la loi. Mais l'organisme peut ou refuser de communiquer les renseignements ou peut décider de les communiquer. C'est très rare, les restrictions qui sont impératives, dans la Loi sur l'accès. Il y en a quatre sur les 22. Et ce que je vous dis, c'est que l'exercice de cette discrétion et même l'interprétation des faits pour savoir si tel document est, oui ou non, visé par...

Par exemple, «sa divulgation est susceptible d'avoir un impact sur un processus judiciaire», c'est très discrétionnaire, ça, de décider si c'est susceptible d'avoir un impact sur un processus judiciaire. Je pense que, dans 95 % des cas, le responsable va être capable de décider ça tout seul. Mais il n'y a rien qui empêche, dans le régime qu'on a adopté, celui qui a délégué les pouvoirs et qui est responsable, qui est le ministre, de dire: Ce dossier-là est trop important, et je pense qu'on devrait exercer la discrétion, et je pense que l'article 32 ou l'article 37 s'applique. Et la meilleure preuve de ça, M. le député, savez-vous c'est quoi? C'est qu'on a adopté, dans la Loi sur l'accès, une disposition qui permet même au gouvernement d'adopter un décret pour se soustraire à l'application de la Loi d'accès. C'est donc la preuve que l'on a prévu... C'est un article qui n'a jamais été utilisé mais qui est dans la Loi d'accès. Le gouvernement peut adopter un décret et se soustraire à la Loi d'accès, même si techniquement c'est un document qui est totalement accessible. Donc, on a maintenu la suprématie du pouvoir politique dans la Loi d'accès. Ce n'est pas une loi d'application totalement automatique.

M. Bédard: C'est exactement pourquoi nous souhaitons effectivement voir renforcé le rôle du responsable d'accès à l'information, Me Doray. Ce que vous me dites, c'est que vous êtes contre cet aspect du renforcement.

M. Doray (Raymond): Je pense...

M. Bédard: Ce que vous souhaitez, c'est de plutôt prévoir l'inverse, et ça, je le constate avec vous, là. Mais, moi, je vous dis: Plusieurs des gens sont venus nous dire le contraire. Et je respecte votre opinion, sauf que j'ai de la misère à la concilier avec une volonté réelle d'appliquer la loi et d'autoriser les gens, et dans un souci de transparence...

M. Doray (Raymond): Vous voulez...

M. Bédard: Et en même temps il peut y avoir... Vous le savez, les exceptions sont prévues, et le jugement des responsables... Les gens sont formés. Mais en même temps je comprends bien vos éléments.

Mais un autre aussi qui m'étonne, Me Doray... C'est pour ça... Le temps file. Parce que j'avais lu votre mémoire, Me Doray, mais aussi la bâtonnière... Mme la bâtonnière, je m'excuse, il faut que je m'adresse aussi à vous.

Mme Lemieux (Madeleine): Allez-y, mais, vous savez, je me plais à dire que le Barreau est constitué de 20 000 experts. Bien, j'en ai un, là.

M. Bédard: Oui, oui, effectivement. Alors, Mme la bâtonnière, Me Doray, j'avais lu votre mémoire par rapport à l'argument a contrario sur l'article 68. Là, maintenant, c'est le seul... 68.1 est maintenant exclu des avis préalables de la Commission d'accès à l'information. Et 66... Ou vous prenez l'argument de 68.1, vous dites: 66 et 68.1, qui prévoit le couplage, et 66, sont des articles qui concernent des informations quand même importantes, dont l'intérêt du citoyen est concerné, et, dans ce cas-là, maintenant, plus particulièrement pour l'article 68.1... 66, c'était simplement «informer la commission», mais 68.1, c'était «entente et avis favorable de la Commission d'accès à l'information». J'avais compris de 68 que vous souhaitiez plutôt qu'on garde le même processus ou du moins qu'on l'applique aussi à 66. Mais ce que j'ai compris de votre argument, c'est que, pour le seul article qui prévoit l'entente plus l'avis, vous souhaitez purement et simplement que la commission n'ait pas à émettre d'avis. Parce que, là, la commission n'en émet plus non plus pour les exercices de couplage. Alors, vous souhaitez aussi qu'elle ne le fasse plus pour les informations prévues à 68? Parce que je pensais que vous vouliez renforcer 68.1 et 66, mais, en vous écoutant, là, j'ai compris le contraire.

n(11 h 20)n

M. Doray (Raymond): M. le député, dans le mémoire, ce que l'on souligne, c'est l'incohérence, c'est que les situations les plus graves ne sont pas soumises à un avis préalable, alors que les situations qui sont souvent dans l'intérêt du justiciable ou de l'administré sont soumises à un processus formel d'entente écrite et d'avis de la Commission d'accès à l'information. Dans le mémoire, ça s'arrête là. Le ministre m'a posé la question: Est-ce que vous pensez que les situations prévues par 68.1 devraient continuer à être assujetties au mécanisme formel? Là-dessus, j'ai simplement émis une opinion, qui n'est que la mienne, j'ai dit: Écoutez, on en demande peut-être beaucoup à la commission, et il y a des cas où, lorsque le pouvoir de communiquer des renseignements est bien balisé et que c'est clairement dans l'intérêt de l'individu, pourquoi passer par un processus d'avis à la commission alors que c'est dans l'intérêt des individus? Ça me semble être du «red tape», comme on dit en anglais, c'est-à-dire de la bureaucratie inutile. Mais ça ne s'applique pas à toutes les situations, M. le député. Il y a des cas où l'avis de la commission devrait continuer à s'appliquer parce qu'il y a des enjeux, il y a l'intérêt de la collectivité versus l'intérêt de l'individu, par exemple, qui doivent être jaugés par un arbitre, et la commission est le bon forum pour faire cet arbitrage.

M. Bédard: Ma collègue a des questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Sur ce point plus précisément, si on parle d'un renseignement qui serait dans l'intérêt de la personne, communiqué à un autre organisme, pourquoi on ne revient pas à la base, la base aussi du droit civil, qui est le consentement libre et éclairé? Que cette personne donne son consentement, ça va finir le débat. Au lieu qu'un autre juge du bien ou du fondement, là, de mon intérêt ou de l'intérêt de la personne à communiquer le renseignement, il me semble que ce serait bien plus simple d'aller sur la pierre d'assise de tout notre droit que de donner un consentement et qu'après ça ce soient des tiers qui décident de l'utilisation de ces renseignements-là, un, et, deux, que la personne, a posteriori, là, lorsque les renseignements sont partis, décide de contester la décision. Il me semble qu'on fait le cheminement inverse.

M. Doray (Raymond): C'est sûr que le consentement est la clé, c'est la pierre d'assise de la loi, et, si on est capable d'aller chercher le consentement, on est tous, je pense, d'accord, aujourd'hui, ici, pour favoriser ce mécanisme-là. C'est l'article 53 de la loi qui le prévoit. Mais il y a des cas où la recherche du consentement est d'une lourdeur excessive et elle n'est pas praticable, et, dans certains cas, il est illusoire, le consentement.

Vous savez, vous entrez dans un hôpital, là, puis vous êtes presque à l'article de la mort, et on vous fait signer des formulaires dans lesquels il y a à peu près 18 consentements. Entre vous et moi, là, la valeur de ce consentement est assez douteuse. Pourquoi ne pas baliser, dans la loi, des cas où il est raisonnable que l'État, qui doit à la fois tenir compte de l'intérêt individuel mais de l'efficacité aussi des services qu'il donne, ait prévu qu'il y ait des échanges de renseignements? Ce n'est que ça, le but du régime des communications de renseignements, aux termes des articles 59 et suivants de la loi. Il y a des cas où, le consentement, vous ne l'aurez jamais parce que, si c'est communiquer des renseignements dans le but de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, c'est sûr que les fraudeurs ne vous donneront pas leur consentement pour que vous échangiez des renseignements entre organismes publics ou entre... C'est pour ça qu'il faut les prévoir.

Mme Roy: Mais l'exemple que vous dites, là, au niveau de la santé est prévu par le projet de loi n° 83, il va y avoir un régime spécifique à ce niveau-là. Par contre, dans les autres cas, moi, je pense que la balance des inconvénients, en niant aux personnes le consentement éclairé, en tout cas dans ce cas-là, doit aller nettement en faveur d'un vrai consentement plutôt qu'un droit à s'échanger les renseignements. Quand on met les deux dans la balance, s'il y a des inconvénients à subir, je pense qu'il faut qu'on aille vers le consentement éclairé à une finalité spécifique.

M. Doray (Raymond): Dans un monde idéal, je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Brodeur): Pour une question, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Donc, par rapport à cet article, autrement dit, dans un monde idéal, vous le dites, c'est le consentement. Mais il y a des exceptions qui sont prévues. Il y a même des ententes. Dans le régime actuel, il y a des ententes qui prévoient bon les changements d'adresse, des choses comme ça, des informations, et le cadre actuel le permet.

Si je veux bien comprendre vos arguments et la finalité de ce que vous souhaitez comme proposition... Parce que le ministre disait: Je vais bien prendre soin de... J'entends bien vos commentaires et je vais en prendre compte. La Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen puis la Commission des droits de la personne nous disent: Attention! les modifications que vous faites aux articles 67 et suivants, là on traverse une barrière, c'est dangereux, tant sur le couplage que sur le rôle que doit jouer a priori la commission, parce que, lorsqu'une information est divulguée, lorsqu'il y a violation de la protection des renseignements personnels, il est trop tard, effectivement, il est difficile de trouver un mode qui va pleinement compenser la personne. Donc, le mal est fait.

Est-ce que vous pensez souhaitable le maintien du mode actuel? Mais, comme vous le disiez, Me Doray, si la commission a trop de travail, est-ce qu'on ne devrait pas ajouter, autrement dit, des ressources pour en même temps s'assurer de la protection des droits des individus et en même temps un meilleur fonctionnement étatique en général et une meilleure gestion administrative, plutôt que de choisir la voie qui a été choisie, confier moins de responsabilités à la Commission d'accès?

M. Doray (Raymond): Écoutez, c'est certain que de donner plus de moyens à la commission est une bonne chose. Mais il ne faut pas non plus sombrer dans un État qui contrôle tout et qui devient d'une lourdeur absolument excessive. Vous savez combien de temps, dans certains cas, la commission a pris à rendre des avis? Et ce n'est pas simplement parce qu'elle n'avait pas de personnel, c'est parce qu'elle n'avait pas la connaissance du domaine dans lequel elle a émis des avis, et ça a donné lieu à des documents qui sont abracadabrants, c'est-à-dire qu'ils démontrent une méconnaissance du domaine. Et on ne peut pas le reprocher à la commission, c'est parce que l'État est complexe.

M. Bédard: Mais ça m'inquiète, moi, parce que c'est ma balise, moi, la commission, c'est ma balise. Donc, je ne peux pas dire: Maintenant, comme des fois les avis sont favorables et défavorables, là, j'enlève toute barrière. Donc, je me dis: Est-ce que j'ajoute des ressources? Parce que le fait d'enlever des responsabilités, moi, ça ne m'aide pas dans la protection des renseignements personnels.

M. Doray (Raymond): M. le député, il y a un problème dans la Loi d'accès. Savez-vous c'est quoi?

M. Bédard: Allez-y.

M. Doray (Raymond): Il manque un concept qui s'appelle l'intérêt public. On a juste oublié de mettre l'intérêt public dans cette loi-là, et ça fait 20 ans qu'on vit avec. Mais, en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, surtout de protection des renseignements personnels, ça ne peut pas être un absolu, la vie privée d'un individu qui vit en société et qui demande des services à l'État, ça ne peut pas être un absolu, il faut que ce soit contrebalancé par l'intérêt de la collectivité. Sauf que, quand on demande à la commission un avis, on lui demande un avis à la lumière des principes de la Loi d'accès qui a comme règle la confidentialité des renseignements nominatifs. Donc, la commission ne prend pas en considération l'intérêt public, ce n'est pas son rôle. Elle vous dit: Voici les dangers en termes de protection de la vie privée, alors que dans le fond le rôle qu'on aurait dû lui donner, c'est de faire ce «balance test» entre l'intérêt de la collectivité à porter atteinte à la vie privée d'un individu versus les droits fondamentaux de l'individu pour arriver à des décisions éclairées. Et là peut-être qu'à ce moment-là les avis de la commission auraient peut-être plus de pertinence et aideraient aussi les parlementaires à suivre le travail de la commission.

M. Bédard: ...

Le Président (M. Brodeur): Excusez, M. le député, malheureusement le temps imparti est déjà dépassé passablement, et, si nous voulons continuer notre agenda dans le temps voulu, je dois remercier le Barreau du Québec, suspendre quelques instants en attendant que le Conseil de presse du Québec puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

 

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Nous recevons donc, maintenant, le Conseil de presse du Québec.

Le temps que vous soyez installés... pour vous rappeler les règles de la commission, que vous savez peut-être déjà. Donc, vous avez un maximum de temps de 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire. C'est suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Comme le veut la tradition et pour le bénéfice de notre Journal des débats, je vous demanderais en premier lieu de vous identifier et ensuite de procéder à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Conseil du presse du Québec (CPQ)

M. Corriveau (Raymond): Alors, bonjour, M. le ministre, M. le Président de la commission, M. le porte-parole de l'opposition officielle, madame messieurs. Alors, je suis en présence de Mme Nathalie Verge, qui est secrétaire générale du Conseil de presse. Je me nomme Raymond Corriveau et je suis le président.

Pour justement me conformer à la limite de temps, je vais m'imposer la lecture d'un document complémentaire au mémoire que nous avons présenté.

Alors, le Conseil de presse est avant tout un organisme à but non lucratif qui oeuvre depuis plus de 30 ans pour la protection de la liberté de presse et le droit du public à une information de qualité. Il agit notamment comme tribunal d'honneur de la presse québécoise, il émet des avis sur diverses questions ou pratiques en lien avec sa mission.

Le conseil d'administration du conseil est composé de 22 personnes, dont sept représentants provenant des entreprises de presse, sept journalistes choisis par l'assemblée générale de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et sept représentants du public. Le 22e membre est le président, représentant du public. Tous les comités, dont le Comité des plaintes et de l'éthique de l'information, sont tripartites. C'est une condition de quorum à toutes nos instances.

Depuis sa fondation, en 1973, le conseil a été appelé à se pencher, à titre de tribunal d'honneur, sur plus de 2 000 plaintes. Tout ça a nécessité au-delà de 54 000 heures de bénévolat de la part de tous nos membres. Les décisions rendues par le conseil de même que l'ensemble des avis publics qu'il a publiés font jurisprudence en matière d'éthique de l'information. Le Conseil de presse agit en somme comme protecteur du citoyen en matière d'information, et le service qu'il dispense à cet égard à la population possède un caractère fondamentalement public.

Nous allons restreindre notre intervention au domaine traditionnellement couvert par le Conseil de presse. Notre mémoire ne porte donc que sur l'introduction du principe de divulgation automatique prévu dans le projet de loi. Nous ferons tout de même quelques commentaires sur d'autres aspects du projet de loi qui touchent plus particulièrement les préoccupations du conseil. Nous tenons à préciser que le conseil croit à la rigueur absolue en matière de gestion de l'accès à l'information ainsi qu'au principe de transparence de l'Administration publique lorsqu'il s'agit d'information publique. Il ne faut pas interpréter les commentaires du conseil sur le projet de loi comme insistant sur une transparence sans discernement pour les informations nominatives, que le projet de loi appelle dorénavant personnelles. Nous ne commenterons donc pas cet aspect important du projet de loi n° 86.

La mission du Conseil de presse s'articule essentiellement autour de deux grands axes: protéger la liberté de presse et le droit du public à une information de qualité. C'est principalement en vertu de ce dernier axe de sa mission que le conseil se préoccupe, depuis plusieurs années, du droit d'accès à l'information détenu par des organismes publics et plus particulièrement du projet de loi n° 86. Vu ce rôle, le conseil porte un intérêt marqué à l'accès à l'information gouvernementale. D'ailleurs, le guide de principes du conseil, intitulé Droits et responsabilités de la presse, prévoit, à son article 1.1.2 ? et vous excuserez la longue citation, mais c'est la justification de notre présence ? et je cite: «L'État doit témoigner d'une volonté politique ferme de rendre son administration aussi transparente que possible. Les institutions et les pouvoirs publics ont l'obligation de respecter cet objectif de transparence et de faciliter l'accès aux documents publics. [...]Les citoyens ont le droit inaliénable d'être pleinement et adéquatement renseignés sur les faits, les gestes et les décisions des responsables de l'Administration publique. [...]Il est essentiel que la presse ait accès à l'information concernant l'appareil administratif de l'État ainsi que des institutions et organismes qui en relèvent ou qui en sont une extension. Toute entrave d'ordre juridique ou administratif [...] en la matière constitue une atteinte à la liberté de presse et à la fonction sociale qui lui est dévolue ? c'est important ? ainsi qu'au droit légitime de la population d'être informée des faits et gestes de son Administration publique.» Fin de la citation.

Bien que des progrès importants aient été observés depuis l'adoption de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, des efforts supplémentaires doivent être consentis par les organismes publics afin de faciliter le recours à l'information de nature publique. Les journalistes trouvent encore trop souvent, trop souvent des embûches importantes devant eux lorsqu'ils formulent une demande d'accès à l'information auprès des organismes visés par la loi. On dénote souvent que certains ministères ou organismes mettent plus de temps que d'autres à répondre, que certains ne fournissent qu'un très faible pourcentage d'information en lien avec les demandes présentées. Il n'est pas non plus rare que des journalistes fassent enquête sur un dossier chaud qui puisse susciter une inquiétude au sein de l'Administration publique. Dans ce cas, certains font parfois face à des difficultés procédurales importantes pour se procurer des documents pouvant confirmer leurs prétentions. Les délais sont tels qu'ils font parfois en sorte qu'un article n'est pas publié ou que les informations données par des sources, quoique crédibles, ne peuvent pas être confirmées par la suite ni communiquées au public.

Le Conseil de presse ne peut que presser les autorités gouvernementales à encourager la diffusion d'information de nature publique. L'information publiée dans les médias n'en sera que de meilleure qualité, les rumeurs pourront être plus facilement vérifiées ou infirmées. Bref, le public et la démocratie seront mieux servis. C'est dans ce sens que le conseil estime que le principe de divulgation automatique prévu au projet de loi n° 86 est un pas important dans la bonne direction, c'est-à-dire la simplification de l'accès à l'information de nature publique.

Dans notre mémoire, nous avons évoqué une récente enquête menée, en juin 2005, à travers le Canada, par l'Association canadienne des journaux. Au cours de cette enquête, une série de demandes d'accès à l'information ont été formulées par des journalistes ciblés à chacun des gouvernements provinciaux et au gouvernement fédéral. Je tiens à dire, en passant, que la méthodologie de cette enquête était absolument impeccable: mêmes questions partout, etc. À la lecture des résultats de cette enquête, le gouvernement du Québec arrive à des résultats sous la moyenne des provinces quant au ratio de demandes d'accès à l'information accordées. En effet, seulement 50 % des demandes ont trouvé réponse, contrairement à plus de 70 % en Ontario et en Colombie-Britannique, plus de 80 % à Terre-Neuve et au Manitoba et 93 % en Alberta. Ces résultats semblent significatifs d'une culture du secret encore trop présente au sein des organismes publics québécois et qui mérite d'être corrigée.

n(11 h 40)n

On lisait récemment, dans le magazine le Trente, sous la plume de Mme Monique Dumont, que des autorités publiques, fédérales dans ce cas précis, semblent, encore aujourd'hui, être tentées de détruire des documents publics sensibles. Cette culture nuit à la démocratie et va à l'encontre de l'intérêt public. Bien qu'à une autre échelle de gouvernement cette illustration ne fait que renforcer l'opinion du Conseil de presse à l'effet que le rôle de surveillance de la Commission d'accès est important et que la culture de la transparence doit franchir encore des pas avant d'être réellement imprégnée dans l'Administration publique... Le Conseil de presse déplore qu'encore aujourd'hui, trop souvent, on interprète la Loi d'accès par le prisme de la restriction plutôt que par celui de l'ouverture.

La Commission d'accès à l'information allait dans le même sens en affirmant, dans le Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé, rapport sur la mise en oeuvre de la loi, et je cite: «Les organismes publics doivent [...] revoir leur façon de gérer leurs documents, avec l'objectif premier de les rendre plus facilement accessibles et de minimiser les démarches que doivent entreprendre les demandeurs d'accès pour les obtenir. L'équation est évidente: moins il y aura de procédures pour obtenir un document et mieux sera respecté le droit à l'information.» Fin de citation. En ce sens, le Conseil de presse appuie la position de la commission.

Je dirais ici que nous allons citer à plusieurs reprises des éléments produits par la Commission d'accès à l'information. Ce n'est pas pour dire la même chose que les autres, mais c'est bel et bien pour identifier des plateformes possibles de consensus.

Donc, il est clair que l'information de nature publique gagnera à être publiée à plus grande échelle. De cette façon, les citoyens seront davantage en mesure de connaître les fondements des décisions gouvernementales et d'autres informations qui leur permettent de faire des choix éclairés. En bout de ligne, les institutions publiques, les journalistes, le public ressortiraient tous gagnants d'une large diffusion des documents publics.

Comme je le disais d'entrée de jeu, le Conseil de presse souhaite concentrer son intervention sur l'article 8 du projet de loi n° 86, qui prévoit l'insertion d'un nouvel article dans la Loi d'accès, soit l'article 16.1, qui se lirait comme suit ? début de citation: un ministère ou organisme gouvernemental visé par l'article 3 ou organisme public visé par règlement doit mettre en oeuvre la politique de diffusion de l'information établie par règlement du gouvernement. Cette politique prévoit des mesures favorisant l'accès à l'information et identifie les types de documents ou renseignements accessibles en vertu de la loi qui doivent être diffusés systématiquement, notamment dans un site Internet.

Cette disposition permettrait un accès automatique à diverses informations publiques détenues par les ministères et organismes visés par la loi, évitant ainsi l'obligation, pour les journalistes ou le public, de procéder à une demande d'accès. Avec l'introduction de politiques de divulgation automatique, un certain nombre des demandes, qui peuvent nécessiter un traitement de plusieurs semaines pour les journalistes et le public, ne seraient plus nécessaires. Le Conseil considère donc que cette disposition peut faciliter l'accès à l'information, et nous nous réjouissons de l'intention du gouvernement d'en proposer l'adoption.

Le conseil souligne aussi, tout comme le faisait la Commission d'accès devant cette même commission, que ? je cite ? «l'information automatiquement accessible au citoyen doit aller au-delà de la simple information relative aux services offerts par l'Administration publique. Informer le citoyen sur les services auxquels il a droit est une chose, rendre facilement accessibles les documents détenus par l'Administration publique en est une autre.» Le conseil ne peut qu'insister sur le fait que c'est ce pas en particulier qu'il s'agit de franchir.

Ceci étant dit, la portée et l'efficacité de cette nouvelle disposition législative dépendront du contenu du règlement qui en découlera et des politiques de divulgation adoptées par chaque ministère. Le Conseil de presse insiste sur le fait que le règlement devra être clair et manifester une intention formelle de favoriser une diffusion automatique d'une grande quantité d'information de nature publique dans un format facile d'accès et bien structuré, de façon à ce que le public et les journalistes qui l'informent puissent s'y retrouver facilement. C'est dans ce contexte que le conseil insiste sur l'importance que le règlement, qui sera adopté par le gouvernement sans l'intervention de l'Assemblée nationale, afin de préciser l'application de la loi, ait une large portée. Ainsi, il favorisera la plus grande transparence possible pour le public et les journalistes.

Les politiques qui seront adoptées devront clairement favoriser l'ouverture et la diffusion et en éliminer le plus possible les exceptions pointues qui, s'accumulant, pourraient rendre presque inapplicable le principe de diffusion automatique préconisé par le projet de loi n° 86. En ce sens, le Conseil de presse appuie les commentaires de la Commission d'accès dans le rapport sur la mise en oeuvre, et je cite: «La commission estime que [le] plan devrait prévoir la publication d'une information variée et abondante ne se limitant pas à de simples renseignements sur les services offerts par l'organisme.» C'est important de le rappeler.

Donc, nous avons appris ce matin qu'il y a eu divulgation en fait d'une ébauche réglementaire. Nous n'avons pas eu le loisir d'en prendre connaissance, mais je pense quand même important de souligner un certain nombre de questions qui nous préoccupent à cet égard-là. La première: Le public sera-t-il informé lorsqu'un ministère ou tout autre organisme assujetti à la loi rendra publics de nouveaux documents? Si oui, de quelle façon? Y aura-t-il une période de temps prescrite pour que les documents soient rendus publics? Et combien de temps seront-ils disponibles? La Commission d'accès effectuera-t-elle une veille afin de s'assurer que tous les ministères et organismes se conforment réellement à l'article 8 du projet de loi et au règlement en découlant? Qui pourra sanctionner le défaut d'un ministère de se conformer aux obligations de sa politique de divulgation? La commission aura-t-elle, de sa propre initiative, un pouvoir de sanction? La commission pourra-t-elle servir de médiateur entre le citoyen ou le journaliste et un ministère ou organisme public lorsque des litiges naîtront entre eux à l'égard de la divulgation automatique?

Ces questions méritent d'être précisées. Les règles du jeu doivent être claires pour les citoyens et les journalistes. Le pouvoir de sanction ou de surveillance de la commission devrait être précisé de façon à favoriser la confiance des utilisateurs envers le système de divulgation de l'information. Le conseil estime que le règlement et les politiques devront fournir un maximum d'information au public, en lui précisant toutefois, de façon claire et non équivoque, que, si un document n'est pas divulgué de façon automatique, il peut toutefois faire l'objet d'une demande d'accès.

Nous aimerions attirer l'attention des membres de la commission sur certains aspects du projet de loi qui interpellent aussi, mais un peu moins directement, la mission du conseil. D'abord, nous nous réjouissons de l'élargissement de la portée de la loi à davantage d'organismes municipaux et d'établissements de type universitaire. Le palier municipal est un niveau important de démocratie, au Québec, qui retient beaucoup l'attention du public dans toutes les régions, qui sont couvertes par plus d'une centaine d'hebdomadaires et des médias électroniques locaux et régionaux. L'accès aux documents publics est fondamental pour ces journalistes qui souhaitent informer le citoyen le plus professionnellement possible sur les enjeux locaux. C'est aussi dans ce contexte que le conseil souligne l'importance de l'article 18 du projet de loi, qui prévoit que le responsable de l'accès doit prêter assistance pour identifier le document susceptible de contenir les renseignements recherchés par un demandeur. Cette disposition, si elle est correctement appliquée, permettra aux journalistes et au public de se faire guider dans les dédales parfois complexes de l'Administration publique afin de bien cerner leurs demandes, évitant ainsi des délais trop souvent longs et inutiles.

Cet article met aussi en lumière le rôle fondamental que jouent les responsables de l'accès et l'importance de leur formation et de leur indépendance. Le conseil ne peut qu'appuyer la Commission d'accès à l'information qui insistait, dans son mémoire présenté devant vous la semaine dernière, sur l'adoption de mesures pour assurer cette indépendance. Sans nous prononcer sur le type de mesures à privilégier, il semble naturel que les responsables soient en quelque sorte détachés des pressions indues qui pourraient être exercées sur eux par le ministère ou l'organisme pour lequel ils travaillent. Pour le conseil, l'apparence de conflit d'intérêts doit être évitée. C'est d'ailleurs l'un des principes que nous avons retenus dans notre guide déontologique. C'est ainsi qu'on s'assure de la confiance du public dans ce processus si important d'accès à l'information.

Pour conclure, le Conseil de presse considère que l'article 8 du projet de loi n° 86, conjugué à un plan efficace visant une réelle transparence, permettra que soit diffusée de l'information importante en évitant des délais et des coûts. Dans la perspective du droit du public à de l'information de qualité, cette disposition ne peut être que positive. Toutefois, le Conseil de presse considère qu'il est impératif que les grandes lignes du contenu du règlement soient rendues publiques ? alors, c'est déjà chose faite ? avant l'adoption du projet de loi afin de répondre aux questions importantes soulevées précédemment dans notre intervention. Ce pas en avant vers la divulgation automatique doit avoir des dents, sinon il sera malheureusement peu utile. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. M. le ministre.

n(11 h 50)n

M. Pelletier: M. Corriveau, Mme Verge, merci beaucoup d'être ici, aujourd'hui. Merci de votre mémoire également. Vous renvoyez, dans votre mémoire ? vous l'avez fait aussi, tout à l'heure, verbalement, en quelque sorte ? à l'Enquête nationale sur l'accès à l'information qui a été menée par l'Association canadienne des journaux. Cette enquête conclut qu'il y a une culture du secret encore trop présente au sein des organismes publics québécois. Cela s'appuie sur le fait que 50 % des demandes d'accès effectuées par des journalistes auraient... seulement 50 %, pardon, des demandes d'accès effectuées par des journalistes auraient reçu une réponse positive. Cependant, je note que dans le fond la taille de l'échantillon sur lequel est fondée cette enquête est extrêmement réduite. En fait, sur 311 demandes de renseignements dans tout le Canada, il y en a eu seulement huit qui l'ont été au Québec, et, sur les huit, il y en a six qui concernent les services municipaux. Alors, huit demandes de renseignements sur 311 par rapport au Québec, six des huit dans le domaine municipal, conclure qu'il y a une culture du secret au Québec, ça me semble en fait nettement exagéré. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Corriveau (Raymond): Bien, écoutez, d'abord, c'est la même mécanique partout. Cependant, il faut aussi voir que ce sont... C'est intéressant de voir que vous avez inclus les services municipaux dans le projet de loi, puisque c'est clair qu'il y avait un problème là. Cette enquête-là conclut de cette façon-là, mais rappelons-nous les dossiers noirs faits par la Fédération professionnelle des journalistes. Rappelons-nous, au congrès de l'an dernier, à Québec, il y a eu un dossier noir consacré à l'accès à l'information au niveau gouvernemental. Donc, je pense que, oui, on fait référence à cette étude-là, mais la Fédération professionnelle des journalistes a largement, là, documenté nombre de difficultés d'accès. Donc, je pense que c'est une perception plus globale, et, en ce sens-là, c'est que c'est intéressant de voir aussi la Commission d'accès proposer des mécanismes d'ouverture. Donc, je pense que c'est un peu un constat que tout le monde fait, là.

M. Pelletier: Oui. Oui, oui. Écoutez, vous avez droit d'avoir cette opinion-là. Je souligne simplement que l'enquête, moi, me semble fragile. J'ai vu d'ailleurs des articles de journaux qui faisaient état des résultats de l'enquête, des conclusions de l'enquête. En tout cas, par rapport au Québec, ça ne me semble pas du tout convaincant.

Quoi qu'il en soit, concernant notre politique de diffusion de l'information, vous faites des commentaires par rapport à l'article 8 du projet de loi, qui vise justement à prévoir que les ministères du gouvernement et les organismes gouvernementaux vont être en quelque sorte, comment dirais-je, vont être obligés de mettre en oeuvre la politique de diffusion. Le pendant existe aussi pour la politique de protection des renseignements personnels, à l'article 28 du projet de loi, et vous dites: On aimerait que ça ait des dents. Bon. Et vous avez posé une série de questions, et ces questions-là méritent réponse, soit dit en passant, celles que vous avez posées par rapport à la politique de diffusion. Mais je vous retournerais les questions, je vous demanderais de me conseiller.

Lorsque vous dites, à titre d'exemple, que vous souhaitez que le public soit informé, lorsqu'un ministère ou un autre organisme public rend publics de nouveaux documents, vous avez dit tout à l'heure: Comment cela sera-t-il fait? Je vous pose la question: Comment pensez-vous que ça devrait être fait?

M. Corriveau (Raymond): On pourrait penser à une forme de liste d'abonnement, qui serait une mécanique soit sur Internet ou accessible par téléphone, où les gens pourraient aller voir, par exemple, sur Internet quels sont les nouveaux documents produits par chaque ministère, et ils seront disponibles quand, etc., de manière à ce qu'en fait ce ne soit pas un dédale pour savoir: Oui, ça, ça va sortir, mais quand? Et aussi ça va être là combien de temps? Parce qu'il y a certains ministères qui pourraient faire ça un petit peu plus rapidement que d'autres. Le mettre disponible une semaine, c'est une chose, hein, mais... Alors, il faut prévoir ça aussi.

M. Pelletier: Vous vous demandez aussi s'il y aura une période de temps prescrite pour que les documents soient rendus publics et pendant combien de temps ils seront disponibles. Excellente question. Je vous la pose. Vous, qu'est-ce que vous nous proposez?

M. Corriveau (Raymond): Bien, écoutez, il y a des paramètres de faisabilité, j'imagine, là, le temps de la mise en forme et... Si on parle de divulgation automatique et qu'il y a entente, pourquoi y aurait-il des restrictions? Alors, je pense qu'on devrait plutôt prévoir une mécanique qui aviserait... Les ministères pourraient aviser la commission ou le public: Excusez-nous, là, il y a un retard. Parce que bon, on le sait, l'univers de l'informatique étant ce qu'il est, on sait qu'il y a un retard. Mais normalement il s'agirait peut-être de s'entendre, de voir les modalités de faisabilité avec chaque ministère. Mais, à un moment donné, il faut que les documents sortent. Et il faut comprendre que, dans l'intérêt public, ce délai ne peut pas être trop long, hein, parce que souvent il y a des débats ou, ce qui est encore pire, il y a des rumeurs qui pourraient survenir, puisqu'il y a des délais de divulgation, donc des intentions prêtées, alors qu'il n'y a aucune intention, il y a un problème avec un document PDF qui bloque, comme ça m'est arrivé, là. Donc, je pense qu'on devrait prévoir, avec chacun des ministères, dans des paramètres de faisabilité et d'acceptabilité, que ce soit automatique dans les délais plus brefs, là.

M. Pelletier: Vous soulignez également que la Commission d'accès à l'information devrait assurer une veille en quelque sorte pour s'assurer justement que l'article 8 soit respecté. Vous proposez même que la Commission d'accès à l'information serve comme médiateur dans le cas où un conflit naîtrait entre un ministère ou un organisme gouvernemental, d'une part, et, d'autre part, un citoyen ou en quelque sorte un journaliste qui aurait un intérêt plus particulier sur une question. J'aimerais ça vous entendre davantage sur justement ce rôle de veille ou de médiateur que vous envisagez pour la commission.

M. Corriveau (Raymond): Oui. Le rôle de veille m'apparaît essentiel dans la mesure où un citoyen ne peut pas se plaindre de ce qu'il ne sait pas. Alors, ça demande une lecture proactive et quelqu'un qui connaît la machine, qui connaît ce qui se passe, donc quelqu'un qui est très près de la machine gouvernementale, pour effectuer une mécanique de veille.

Maintenant, quand vous posez la question de la médiation, peut-on imaginer qu'il y ait un médiateur attitré à temps plein, au service de la commission, qui agirait, à ce moment-là, et développerait... Parce que, vous savez, la médiation, d'ailleurs pour l'avoir enseignée, nécessite un savoir mais en même temps une certaine mécanique d'approche, et je pense que ce sont des qualités qui se développent à l'usage, si vous me permettez l'expression, et quelqu'un peut développer cette aptitude-là, quelqu'un qui connaît un peu les réactions, qui peut... À mon avis, une fonction de médiateur serait peut-être une chose envisageable.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie de votre présentation, M. Corriveau, Mme Verge. Évidemment, votre mémoire porte principalement sur l'accès aux documents. D'ailleurs, lors du rapport de la Commission d'accès à l'information, il y avait eu des recommandations très précises par rapport, je vous dirais, à cette... de mettre fin à cette culture du secret. D'ailleurs, je suis un peu surpris... Puis, en toute amitié pour mon collègue, là, à l'époque, tout le monde reconnaissait effectivement qu'il y avait... Et ce n'est pas quelque chose de malsain. Il y a quelque chose de naturel de vouloir protéger les informations qu'on a. Toute organisation souhaite le faire dans des... Alors, souvent, il faut arriver, de façon législative ou par des politiques très claires, à faire en sorte qu'on dévoile l'information. Et il n'y a rien de péjoratif en soi. C'est surtout lorsqu'il est combiné au droit du public à l'information qu'il faut s'assurer effectivement que l'exercice de ces droits se réalise, là, dans le respect des cadres qui sont donnés. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a adopté... ou à l'époque que la ministre avait souhaité qu'on adopte une politique de divulgation automatique. C'était justement pour contrer cette culture du secret.

M. Corriveau (Raymond): En fait, il y a un argument théorique, au niveau de la communication, qui peut justifier ce problème-là, c'est la mécanique de la double contrainte. Alors, quand quelqu'un est dans une culture organisationnelle et on lui demande dans le fond de fonctionner à l'intérieur d'un système, ce système, il a différentes fonctions. Je n'entrerai pas en détail dans les paramètres d'homéostasie, mais, ce système-là, pour fonctionner à l'intérieur de ce même système, on doit partager les qualités, les objectifs de ce système. Alors, la personne qui travaille dans un ministère doit donc être conforme, pour bien y vivre, avec les objectifs, orientations, culture organisationnels du ministère, et tout à coup on lui demande dans le fond de se rattacher à d'autres paramètres qui sont ceux de la loi. Alors là on place l'individu dans une position, ce qu'on appelle de double contrainte en communication, et ça conduit vers des situations absolument intenables pour la personne qui a à le vivre. C'est le début de la pathogenèse, comme on dit dans le système de Palo Alto.

n(12 heures)n

M. Bédard: Effectivement. Et vous avez vu un peu la Commission de la culture, lorsqu'on avait entendu les représentants... et même des représentants des fonctionnaires nous faire part de leur réalité. Et là je ne vous parle pas simplement au niveau de l'Administration à Québec, dans les ministères, mais plutôt dans les autres aussi organisations municipales. C'est aussi important dans les organisations décentralisées. Il y avait cette même préoccupation de la réalité vécue par l'individu qui va parfois prendre des décisions un peu à contresens, d'où une des recommandations du rapport de la Commission de la culture, la recommandation unanime d'assurer une meilleure protection à ce responsable. Et je vois qu'une de vos recommandations que vous souhaitez aussi, c'est que ce responsable soit, sans être totalement à l'abri ? évidemment, tu es en contact avec les gens de ton ministère ? bien qu'il ait... Nous, on avait proposé, par exemple, qu'il ait un recours particulier, un peu comme il existe en matière de droit du travail, ou de congédiement illégal, ou d'exercice d'un droit par la Charte des droits ou par le code, donc que, s'il y a des mesures discriminatoires, des pressions indues, lui aurait un recours qui lui est particulier.

Est-ce que vous pensez que ce type de mesure tout d'abord est de nature à lui donner, sans lui donner toute la latitude, une certaine latitude d'appréciation de la loi?

M. Corriveau (Raymond): C'est délicat un peu de se prononcer sur toute la mécanique de gérance de ça. J'ai l'impression qu'il y a, dans la fonction publique, les ressources nécessaires pour discuter d'une avenue, et je pense que ce qui est... En tout cas, le message ? et vous avez remarqué qu'on n'a pas voulu se prononcer sur la mécanique ? mais le message qu'on veut lancer ici, c'est que vraiment il faut qu'on trouve ensemble une mécanique pour protéger ces personnes-là qui automatiquement se situeront en position de double contrainte. Alors, la proposition que vous faites mériterait en fait d'être discutée entre toutes les parties et des gens qui ont vécu... Et, si j'avais une suggestion à vous faire, c'est de travailler sur une solution avec des gens qui ont vécu des situations difficiles dans les ministères parce que généralement ce sont de très bonnes personnes, là, hein, qui se sont trouvées coincées, des gens dévoués à la fois à l'État, à la fois au service de l'État, et, à un moment donné, ils se trouvent coincés dans des situations totalement invivables. Alors, moi, si j'avais une suggestion à vous faire, c'est de travailler avec ces gens-là qui on vécu ces situations-là, de voir quelles ont été leurs difficultés et comment collectivement, ensemble, on pourrait pallier à ça.

M. Bédard: Vous avez entendu tantôt le responsable du Barreau. Effectivement, conformément à la loi, cette personne-là, c'est un pouvoir qui est délégué, donc qui peut à la limite lui être retiré, qui peut être rapatrié. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait lieu de consacrer ce pouvoir-là, donc de faire en sorte... ou qu'il serait un pouvoir délégué, mais peut-être à une autre instance qui, elle, s'assure de l'application de la Loi d'accès, et pas au ministre responsable du ministère? Là, je réfléchis, parce qu'en même temps, quand on souhaite de l'indépendance, quand on souhaite contrer une culture du secret, il faut donner les moyens, sinon ça ne se réalisera pas.

M. Corriveau (Raymond): Non, ça, on est tout à fait d'accord, et je pense que tout le monde ici, autour de la table, partage la même vision, là. On veut finalement que le citoyen ait accès à une information. En fait, nous, quand on parle de protéger l'apparence de conflit d'intérêts, si c'est vrai à l'intérieur même de la Commission d'accès à l'information, on se demande comment ça se fait que ce ne serait plus vrai dans un ministère, là. Je fais référence aux arguments des gens du Barreau avant. Donc, dans un cas, ça fonctionne, puis, dans d'autres cas, ça ne fonctionne pas. Alors, on a un peu de difficultés avec ça. Ce qu'il faut donc, à notre avis, c'est de centrer sur une solution qui est vivable pour les acteurs, qui est aussi applicable.

Et là est-ce que ça doit être des gens complètement externes aux ministères? Ça c'est difficile. Je ne sais pas si... Je pense que, comme je disais tantôt, ce serait à travailler avec les parties, et je pense qu'il y a quelque part des gens de bonne volonté qui pourraient peut-être en venir à la conclusion que, oui, c'est le seul moyen ou, non, peut-être qu'il y a un aménagement autre. Mais j'avoue que pour l'instant, moi ? c'est peut-être ma formation de professeur d'université ? sans avoir travaillé avec les gens concernés, j'aurais de la misère à faire une proposition. J'ai toujours tendance à vouloir travailler avec les gens concernés, ceux qui ont vécu les problèmes, puis ça veut dire aussi peut-être d'anciens ministres, tout comme des... et qui nous expliquent comment ils vivent ça puis comment on peut régler ça. Ils ont peut-être des meilleures solutions que moi.

M. Bédard: Merci, M. Corriveau.

Concernant le règlement, vous avez vu effectivement... Vous n'avez pas pu... On l'a lu aussi rapidement, là, de côté, puis je voyais les questions que vous posiez. Vous avez certaines de vos réponses. J'aimerais peut-être ? et là je ne veux pas commencer à vous questionner parce que je pense que ça mérite un regard un peu plus, disons, approfondi ? si c'était possible, comme vous êtes les premiers concernés par... ? bien, les premiers, du moins, en tout cas, vous êtes sûrement responsables d'une partie des demandes ? donc de nous faire part de vos commentaires par écrit. Et, quand je dis... pas à moi, c'est à la commission, ici. Ce serait sûrement souhaitable.

M. Corriveau (Raymond): C'est bien entendu.

M. Bédard: Parfait. Merci. Je le demande parce que, moi, je pense que cette politique, si on veut vraiment qu'elle s'applique, elle doit trouver appui sur la réalité, et là vous la vivez assez quotidiennement, je vous dirais, là. Donc, votre éclairage est important.

Le ministre demandait une proposition tantôt par rapport aux nouveaux documents, par exemple un onglet qui indiquerait, dans le site, les nouveaux documents, je vous dirais, des deux dernières semaines ou du dernier mois, pour ne pas que ce document soit placé quelque part puis finalement qu'on ne le retrouve pas, mais que plutôt il y ait, comme on voit souvent, là, bon les dernières mises à jour sur les documents, alors... cliquer là-dessus, et là, bon, il y a une liste, qui apparaît, de documents. Est-ce que vous pensez que technologiquement ce serait la plus simple?

M. Corriveau (Raymond): Ce serait simple, mais il faudrait aussi indiquer quand ce document sera transféré dans la banque et/ou comment on fait pour se rendre dans la banque à partir de telle date, de façon à ce que... Bon, on voit apparaître un document, mais, à un moment donné, s'il retourne dans la fameuse grande machine, on peut... si on ne sait pas comment s'y rendre. Alors, ça pourrait même être une façon pour certains individus de retrouver la filière qu'ils ont perdue, là: Ah oui, c'est dans cette partie-là que l'on traite de... Parce que, pour me promener là-dessus, ce n'est pas toujours simple. Donc, c'est une suggestion intéressante, mais, comme je vous dis, avec les précisions que je verrais, là.

M. Bédard: Merci, M. Corriveau. En terminant, je me souviens, lors des représentations aussi, et vous en faites part un peu dans votre mémoire, il y avait une grande préoccupation par rapport aux délais et que souvent, bon, on avait raison. Mais, quand on a raison quatre ans, cinq ans plus tard, bien, dans le domaine de l'information, ça ne vaut plus grand-chose. Du moins, c'est beaucoup moins pertinent, hein? Et parfois même on nous disait qu'on utilisait les recours en contestation de façon presque dilatoire, dans certains cas, et, sans nommer personne, là, il était arrivé... Alors, actuellement, il y a certaines... Finalement il n'y a pas beaucoup d'ajouts au projet de loi pour diminuer ces délais. Vous, est-ce que vous vous en déclarez satisfaits? Est-ce que vous pensez qu'il aurait fallu aller plus loin? Est-ce qu'il aurait fallu s'assurer d'une juridiction exclusive de la Commission d'accès à l'information?

M. Corriveau (Raymond): Bien, je pense qu'il faut comprendre d'abord que le délai joue contre la démocratie et peut même jouer contre même les organismes et les parties en place, parce que les délais laissent place à la rumeur et à l'interprétation multiple. Donc, c'est clair que c'est un élément important, et là il s'agit de voir: Est-ce qu'on peut alléger la procédure? Je pense que c'est plutôt dans les technicalités administratives. Mais, si l'intention est là, si... Le projet de loi, peut-être dans les dimensions réglementaires, pourrait peut-être en parler. Je ne sais pas.

M. Bédard: La Commission de la culture avait proposé à l'époque de faire de cette décision quasi judiciaire d'un tribunal administratif... de lui ajouter une protection, donc de faire en sorte que cette décision soit finale et sans appel, un peu comme la plupart des tribunaux administratifs, et qui donnerait ouverture strictement à la révision judiciaire, qu'on appelle, et qui, vous le savez, est quand même autorisée de façon très rare, donc qui fait en sorte que les délais sont plus rapides. Est-ce que vous pensez que c'est une solution qui devrait être envisagée?

M. Corriveau (Raymond): Je pense que toutes les solutions qui... Écoutez, nous, c'est l'intérêt du public à l'information, donc toutes les solutions qui visent à diminuer ce temps-là sont bonnes. Mais il y a une solution en amont qu'il ne faut pas oublier, c'est celle de la médiation. Alors, je pense que la meilleure solution, c'est d'éviter, autant que faire se peut, toute la démarche juridique, et c'est là que le rôle d'un médiateur peut devenir capital, en essayant de concilier... Et même c'est que, dans l'exercice de la médiation, les parties peuvent en venir à voir qu'à un moment donné les intérêts seront très limités, pour l'un et pour l'autre, d'entreprendre une mécanique judiciaire, qui est toujours celle qu'on connaît, là.

M. Bédard: Plus de médiation, donc...

M. Corriveau (Raymond): Oui. Moi, j'insisterais d'abord sur une solution en amont, et bien après... C'est parce qu'on ne veut pas bousculer le droit non plus, là, mais je pense qu'il faut insister, en amont, sur cet aspect-là.

M. Bédard: Merci, M. Corriveau.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Lotbinière.

n(12 h 10)n

Mme Roy: Merci, M. le Président. J'ai lu l'ébauche de la politique de divulgation automatique ce matin et je l'ai lue rapidement. J'imagine, là, qu'il y a certaines dispositions qui vont vous intéresser un peu plus que d'autres. Comme en son article 6, là, on dit: «L'organisme visé doit diffuser systématiquement dans un site Internet, dans toute autre section:

«6° les études, recherches, rapports de statistiques, réalisés par l'organisme ou pour son compte, les plus fréquemment demandés ? et c'est là, là ? ou qui présentent un intérêt pour l'information du public.»

Bien entendu, si la personne qui est responsable de la divulgation décide que ça ne présente pas un intérêt pour l'information du public, on ne saura pas que cette étude-là, ces recherches, ces rapports de statistiques existent. Je pense que ça, c'est aussi...

Vous avez élaboré là-dessus, mais très vitement, là. Quand on ne sait pas que ça existe, on ne peut pas... Donc, pensez-vous que ? moi, c'est une proposition comme ça que j'amène sur la table parce que je voudrais qu'on puisse en discuter un petit peu, même si c'est à brûle-pourpoint ? que, lorsqu'il décide de ne pas présenter une étude, une recherche, un rapport de statistiques, il doit soit aviser la commission ou il doit soit écrire sur le site Internet que cette étude n'est pas divulguée pour des fins d'intérêt public? Parce que ça va être difficile d'en discuter si on n'en connaît pas le contenu. Ça va prendre quelqu'un qui voit l'étude, le rapport, et qui justifie le refus de ne pas le divulguer. J'ai l'impression qu'il manque une partie, là, pour que cet article-là s'applique raisonnablement puis que ce ne soient pas des motifs ou des considérations obliques qui fassent que cette étude-là n'est pas divulguée.

M. Corriveau (Raymond): Je pense que d'abord il faudrait qu'il y ait une information sur ce qui est disponible. Et peut-être que, je ne sais pas, l'intention, c'était de ne pas surcharger les sites, mais, à un moment donné, de dire: Bien, là, ce n'est pas accessible directement, mais, si vous le voulez, on peut vous l'envoyer, ou c'est accessible par PDF, ou je ne sais pas, là. Mais je pense que ce qu'il faut être bien clair dans notre esprit, c'est que ne pas divulguer quelque chose de façon automatique, ça ne veut pas dire que c'est interdit de divulgation. Ce n'est pas ça que ça veut dire. Donc, il faudrait que les gens peut-être, à un moment donné, puissent avoir accès, d'abord savoir que ça existe, et je suis tout à fait d'accord avec vous, mais aussi donner des options, fournir des options, à ce moment-là, de dire: Bien...

Mme Roy: Mais, ce qui répond un peu à ce que vous dites, là, il y a deux systèmes: il y a la divulgation automatique puis il y a la divulgation sur demande. Puis il est prévu, à l'article 7°, la divulgation sur demande. On dit: «Les documents déjà communiqués dans le cadre d'une demande d'accès auprès du responsable de l'accès aux documents qui présentent un intérêt pour l'information du public.» Ça, ça veut dire que, toutes les demandes qui auront lieu et qui auront été répondues positivement, il va falloir les regarder une à une et se demander si ça présente un intérêt pour l'information du public en contrebalançant qu'est-ce que c'est, l'intérêt de l'information du public, là, toutes les composantes de cette notion-là. Je pense qu'ici aussi, là, on voit que c'est la même notion qui revient et qui...

M. Corriveau (Raymond): En fait, je pense que c'est pour ça qu'on... Le principe général de la divulgation automatique, tu sais, moins on va lui mettre des exceptions, comme on le disait, là, moins il va y avoir le cumul d'exceptions ? puis il y en a déjà pas mal au niveau de la loi, là ? moins on va en mettre, mieux ça va aller, en fait. Parce que sinon on va juste reporter le problème dans une mécanique un peu plus sophistiquée, et personne autour de la table ne sera heureux. Parce que ce qu'on voit bien, là, c'est qu'il y a une intention, tout le monde, d'augmenter, hein, la transparence de l'État et la capacité d'exercer la démocratie, dans le fond. Ce projet de loi, c'est ça qui est derrière ça.

Mme Roy: Mais bien sûr il faut rester dans l'optique que la personne qui va prendre cette décision-là est dans la double contrainte.

M. Corriveau (Raymond): C'est pour ça qu'il s'agit de ne pas la mettre dans la double contrainte. C'est pour ça. Il y a une logique dans notre affaire, là, hein? Donc, mécanique de veille, pas de double contrainte, divulgation automatique, éviter les exceptions. Vous savez, tout ça, ça s'accumule.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui, très rapidement. Vous lirez aussi l'article 7 qui prévoit, dans les dispositions finales, là, que «la présente politique ne vise pas les documents produits avant son entrée en vigueur et qui sont énumérés aux paragraphes 6° à 11°», ce qui fait que c'est les principaux documents. Et là on voit, un peu plus loin, à l'article 9: «Les obligations prévues dans la présente politique doivent être remplies dans un délai de dix-huit (18) mois avant son entrée en vigueur.» Alors, je vous invite à... J'ai hâte de vous entendre là-dessus.

M. Corriveau (Raymond): On va lire ça.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je remercie le Conseil de presse du Québec. Je rappelle aux députés qu'ils peuvent laisser leurs effets ici et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

 

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Nous commençons, cet après-midi, en recevant l'Institut généalogique Drouin et Jean-Pierre-Yves Pepin.

Donc, brièvement, je vous rappelle les règles de la commission parlementaire: vous avez un temps maximal, pour la présentation de votre mémoire, de 20 minutes, à la suite duquel il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. Avant de débuter la lecture ou la présentation de votre mémoire, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous prierais tout d'abord de vous identifier, et ensuite de ça la parole sera à vous. Allez-y.

Institut généalogique Drouin et
M. Jean-Pierre-Yves Pepin

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Alors, mon nom est Jean-Pierre-Yves Pepin, je suis le propriétaire de l'Institut généalogique Drouin. Je suis accompagné, aujourd'hui, de Me Jean-Pierre Garceau-Bussières, de Québec, qui est ici présent.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Allez-y.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Alors, le mémoire. Dans la présentation, je ne ferai pas une lecture intégrale des premières pages, je vais vous faire, pour chacun des points, la présentation.

n(14 h 10)n

Alors, l'Institut généalogique Drouin a été fondé, en 1899, par Joseph Drouin, qui est décédé en 1937 et qui a écrit plus de 1 600 généalogies familiales. À son décès, son fils, Gabriel Drouin, qui est né en 1913 et qui était avocat ? tous les deux étaient avocats ? a poursuivi l'oeuvre de l'Institut généalogique Drouin en publiant plus de 15 000 ouvrages. Des milliers de patronymes du Québec ont été ainsi présentés et conservés du début de la Nouvelle-France jusqu'à nos jours. L'Institut généalogique Drouin a rassemblé, d'abord grâce à la collaboration des familles, une banque de données incroyable.

Les registres de l'état civil du Québec contenus dans les 2 366 microfilms du fonds Drouin présentent 1 886 microfilms touchant la période du XXe siècle, ce qui représente 80 % de l'information contemporaine, les dates extrêmes rencontrées allant jusqu'en 1968 pour le Québec, donc de l'origine de la Nouvelle-France à 1968. L'ensemble de cette collection-là, que j'ai acquise en 1997, on a terminé la numérisation de tout ce fonds-là. Vous pouvez regarder sur mon site Internet de l'Institut Drouin où déjà il y a plus de 1 million de visiteurs. Quand j'ai écrit le mémoire, il y en avait tout près de 1 million, au 14 mai 2001 aller à la présentation du mémoire. La semaine passée, nous avons dépassé le million de visiteurs internautes.

Page 2, la démarche personnelle de Jean-Pierre-Yves Pepin. Alors, moi, j'ai acquis le fonds Drouin, l'Institut généalogique Drouin, en 1997. Le fonds était pour être vendu aux Américains, et, pour sauvegarder le patrimoine familial et funéraire des Québécois et Québécoises, j'ai préservé ce fonds-là. La démarche personnelle que j'ai faite à partir de là, ça a été d'en faire une diffusion immédiate aux grandes bibliothèques du Québec et aux grandes sociétés d'histoire et de généalogie, qui ont acheté le fonds Drouin pour pouvoir justement donner la continuité des renseignements nominatifs des registres de baptêmes, mariages et sépultures. Et, pour ce faire, j'avais d'abord eu un avis juridique, que vous pouvez retrouver en annexe dans mon document, qui permettait à l'Institut Drouin... qui a eu l'autorisation du gouvernement du Québec, en 1938, de faire la photographie de tous les registres de l'état civil du Québec par l'entremise du gouvernement et de l'Assemblée des évêques catholiques et protestants. Alors, moi, j'ai continué ça, sauf qu'au lieu de publier des généalogies familiales j'ai mis à la disposition du commun des mortels et de tout le public en général du Québec la masse de documentation.

Pour préserver ma démarche, je suis d'avis que la notion d'identité individuelle est indissociable du fait que nous vivons en société. Depuis toujours, l'homme a cherché à connaître d'où il vient, ce qu'il fait sur la terre et où il s'en va, cette démarche ayant bien sûr des aspects spirituels et socioculturels mais aussi un contenu généalogique. C'est pourquoi je combats toutes les mesures prises par l'État pour limiter la recherche des individus à l'égard de leurs ancêtres et leurs origines. Sur le plan collectif, ces démarches s'inscrivent dans le désir d'un peuple d'affirmer son identité et sa particularité. Au Québec, étant une minorité francophone dans une mer anglophone, cette démarche prend un relief particulier qu'exprime fort bien notre devise nationale: Je me souviens.

État de fait, page 4, point n° 3. En 1994, l'accès aux registres d'état civil était entièrement libre aux chercheurs. Puis, une décision administrative... l'État a bloqué cet accès pour les registres de moins de 100 ans. Puis, le législateur a renforcé les dispositions en protégeant la vie privée avec différentes lois qui sont intervenues. Mais, dans les années qui suivirent ce dépôt de lois là, de différentes lois, le législateur s'est rendu rapidement compte qu'à certains égards sa démarche conduisait à des culs-de-sac et desservait mal finalement le but poursuivi. À titre d'exemple, en 2002, les délais d'accès à l'information aux Archives nationales étaient limités à 150 ans. Alors, après des modifications, cette période a été restreinte à 100 ans. Mais il demeure encore de nombreuses incongruités où le bras gauche de l'État semble ignorer ce que fait le bras droit de celui-ci. D'une part, l'État veut protéger les renseignements personnels concernant un individu, alors que d'un autre côté il oblige la divulgation de ceux-ci à titre de mesures de publicité à l'égard des tiers. Alors, voyons, pour les naissances, les mariages et les sépultures, qu'est-ce qu'il en est.

Au niveau des actes de naissance... l'acte de naissance et aux données qu'il contient est extrêmement limité pour les 100 dernières années. D'autre part, on exige l'inscription de la date de naissance dans tous les documents publiés dans les registres des droits personnels réels et mobiliers.

Un renseignement personnel est défini comme étant de nature à identifier l'individu. L'État indique, sur un permis de conduire ? prenons ça comme exemple ? de tout conducteur, son nom, sa date de naissance, incorporée à son numéro de permis, son adresse, son sexe, la couleur de ses yeux, sa taille. Ce sont tous des renseignements qui deviennent divulgués. Sur un certificat d'immatriculation de tout véhicule va être reproduit le numéro de permis du conducteur alors que l'on sait également que, sur la carte d'assurance maladie, ces numéros-là apparaissent. Exemple, les notaires, comme preuve d'identité des intervenants à leurs actes notariés, exigent la production du permis de conduire et d'une carte d'assurance maladie et en conservent des photocopies dans leurs dossiers.

La date de naissance de tout citoyen du Québec est divulguée, en rapport avec son nom et son adresse, dans l'Annuaire des citoyens du Québec, qui comprend des fiches de plus de 5 millions d'individus majeurs au Québec. Vous pouvez trouver, en annexe, là, ma propre présentation, ainsi que mon épouse, de l'Annuaire des citoyens du Québec. De plus, les listes électorales provinciales et municipales comprenaient jusqu'à tout récemment la date de naissance des individus. Avec le nom, l'adresse et la date de naissance, il devient très facile d'identifier un individu. Alors, vous voyez que la loi prévoit de garder un degré de confidentialité pour ne pas qu'on reconnaisse l'individu, et, en même temps que la main gauche et la main droite, bien le législateur a permis, pour fins d'identification électorale ou pour d'autres listes d'organismes, que cela paraisse.

Au niveau des actes de mariage, l'acte de mariage tombe sous le couvert de l'interdiction de consultation édictée par le Directeur de l'état civil. Encore là, les contradictions sont nombreuses. D'abord, le Bureau de la statistique du Québec, qui collige pour des fins statistiques tous les actes de naissance, mariage et décès du Québec, a remis à la Société de généalogie de Québec... qui en a tiré une base de données sur laquelle on peut y retrouver tous les éléments de décès et de mariage.

Point 5. De plus, la majorité des actes notariés, dont plusieurs doivent être publiés au Bureau de la publicité des droits réels, contiennent une clause donnant tous les détails sur l'état matrimonial des parties.

Point 6. Si les actes de mariage sont confidentiels, les dossiers de divorce conservés dans chacun des palais de justice du Québec sont librement accessibles à tous et contiennent davantage de renseignements personnels que l'acte de mariage lui-même.

Point 7. Enfin, l'État exige que, dans la publication préalable du contrat de mariage des futurs époux avant la célébration de leur mariage, ceux-ci fassent la déclaration.

Concernant les actes de décès, la même prérogative concernant les mariages: on retrouve... du Bureau de la statistique du Québec d'avoir remis à la Société de généalogie de Québec le dossier cumulatif 1926-1998 de toutes les personnes décédées au Québec, d'où l'incongruité avec une période de prescription de 30 ans ou de 100 ans.

Par ailleurs, si le décédé possède des biens immobiliers, le Code civil du Québec oblige la publication, au Bureau de la publicité des droits, du testament et d'un acte de transmission d'hérédité. Inutile de dire que ces deux actes contiennent énormément de renseignements confidentiels que l'on étale à la face même de tous les tiers.

Autres, point 10. La loi oblige la publication de tous les actes juridiques, et encore là vous retrouverez, au Bureau de droits et publicité, une somme considérable d'informations qui sont divulguées et qui sont d'aspect juridique et nominatif.

Les greffes des palais de justice conservent la totalité des dossiers judiciaires, qui sont pleinement accessibles à tout tiers qui le désire.

Un fichier cumulatif d'information généalogique présentant des individus ou des couples et plus de 150 références sur iceux est en préparation. Vous verrez, en annexe, un fichier qui s'appelle ABCD, sur lequel, moi, je travaille, mais toutes les sociétés de généalogie créent des fichiers cumulatifs sur les gens, hommes, femmes, couples, et qui sont regroupés en plus de 150 champs sur chacun des individus. Et, si vous allez à l'horizontale, sur 150 colonnes... la définition, et, en verticale, vous pouvez avoir 2, 4, 5, 10 millions de personnes de mentionnées. L'objectif de ce fichier comprendra des informations sur 23 à 24 millions de Québécois, des origines de la Nouvelle-France au Québec moderne. Vous pouvez voir ça en annexe également.

En conclusion, voilà donc de nombreux exemples où le principe de vie privée est battu en brèche par les volontés de l'État. Devant de telles contradictions, nous estimons que l'État n'a pas à faire porter aux chercheurs en généalogie des restrictions qu'il est le premier à ne pas respecter.

Commentaires sur la notion d'identité, page 8. Chaque individu est unique. Les traits de notre visage, nos empreintes digitales, notre ADN, notre bagage chromosomique, notre histoire personnelle font de chacun de nous un exemplaire unique sur cette terre. Cette notion individuelle d'identité prend un sens dans notre vie pour la société. Si nous vivions seuls dans un coin, nous n'aurions pas besoin effectivement d'avoir un nom, une date de naissance. C'est pourquoi, pour nous distinguer les uns des autres, sont apparus, au XIIe siècle, les noms de famille, puis, en 1539, par l'édit de Villers-Cotterêts, l'obligation de faire enregistrer les actes de naissance.

n(14 h 20)n

Puis, vers 1840, le législateur québécois a créé le Bureau d'enregistrement, devenu le Bureau de droits de la publicité, afin de publiciser les actes d'hypothèque grevant les propriétés immobilières de façon à ce que les créanciers connaissent avec précision leurs rangs.

Alors, si vous prenez le même cheminement, bien c'est sûr que tous les actes de baptême, mariage, sépulture, les actes notariés, les déclarations d'hérédité, les testaments sont tous empreints de la notion d'identité pour chacun de ces documents-là. C'est pourquoi nous croyons que les entraves à la recherche en matière d'identité doivent être levées, d'autant plus que, sur le plan collectif, celle-ci devient la mémoire de tout un peuple.

Page 10, considérations à l'égard du Code civil du Québec. L'article 36 du Code civil donne certains exemples d'atteinte à la vie privée. Plus particulièrement, le paragraphe 5° prévoit que l'usage du nom, de l'image, de la ressemblance ou de la voix à toute autre fin que l'information légitime du public est une atteinte à la vie privée d'un individu. Les articles 37 et suivants visent tous ceux qui constituent des dossiers sur une autre personne. Or, la constitution d'un dossier sur un individu est précisément le lot quotidien du travail du généalogiste. Il recherche les actes de naissance, de mariage et de décès de ses ancêtres et des collatéraux, et par la suite vient s'ajouter à ces informations toute autre information qu'il peut glaner sur les faits et gestes ou actes juridiques posés par l'individu, de façon à étoffer une biographie.

Dans ce cas, généralement, le travail du généalogiste porte sur des individus qui n'ont pas eu de carrière publique et dont théoriquement l'expectative de la vie privée peut être importante. Toutefois, ce qui vient tempérer cette dernière affirmation est le fait que les généalogistes s'intéressent à leurs ancêtres. La loi concernant la divulgation de ces renseignements-là empêche le généalogiste, dans certains cas, de pouvoir opérer.

Insertion dans le Code civil. S'il est soustrait de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le généalogiste demeure soumis aux dispositions du Code civil. Comme l'affirme la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, dont vous avez reçu le mémoire il y a quelques jours, la semaine passée... En conséquence, nous demandons que le texte du troisième paragraphe de l'article 1 sur la Loi sur la protection des renseignements personnels se retrouve dans le Code civil.

L'utilisation du mot «légitime». Lors de la modification du troisième paragraphe de l'article 1 sur la Loi de protection des renseignements personnels, le législateur a ajouté le mot «légitime» dans l'expression «l'information du public». Cet ajout n'est ni involontaire ni banal. Nous sommes d'accord avec les notions d'«information du public». Ces notions sont largement encadrées par la jurisprudence en matière de diffamation qui protège l'individu contre toute mention fautive, mensongère ou dommageable sur sa personne ou sa personnalité.

Voulant poser une balise semblable à celle du paragraphe 5° de l'article 36 du Code civil, nous considérons que le législateur veut restreindre l'information à laquelle le public a droit, notamment à l'égard de l'identité. Nous avons déjà affirmé que l'identité d'un individu est d'intérêt public, et en conséquence cette balise nous apparaît superflue. En conséquence, l'identité est d'intérêt public et ne doit pas être soumise aux restrictions de la protection de la vie privée. Qui plus est, la règle d'interdiction d'accès de 100 ans brime particulièrement tous les Québécois et Québécoises dont la famille s'est implantée au Québec, depuis 1900. Ceci nous apparaît une atteinte intolérable à leur droit à l'identité et à la mémoire.

Les Archives nationales du Québec et la Bibliothèque nationale du Québec, en page 13. Les deux organismes ont été fusionnés par le présent gouvernement il y a quelques mois, sauf que l'harmonisation des lois n'a pas eu lieu. Et, à l'intérieur de ça, vous avez un article qui fait une prescription, et tout citoyen qui dépose aux Archives nationales, en liasse ou en documents complets, en boîte complète... Alors, si la période... Le donateur faisant ce legs ou ce dépôt aux Archives nationales... le responsable des Archives nationales va grever ce don-là d'une période de prescription de 100 ans, alors que, nous, on pense que la Bibliothèque nationale, qui n'a pas cette période de prescription de 100 ans là... C'est deux poids, deux mesures. On demande justement de pouvoir harmoniser ça. Alors, l'article 27 sur la Loi sur les archives, pour les documents versés par des personnes ou des organismes qui ne sont pas publics, est du même effet.

Toutefois, nous souhaitons voir disparaître de l'article 26 le pouvoir donné au conservateur ou à l'organisme public de déterminer un délai d'inaccessibilité à défaut de fixation d'un délai dans le dépôt ou le versement du document. En effet, si le dépositaire ou le donateur n'a pas choisi de mettre un délai, nous voyons mal en quoi le conservateur pourrait se substituer à lui et restreindre la consultation, et surtout dans le contexte de la fusion de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales.

Page 15, considérations relatives à l'adoption. De tout temps, les cas d'adoption ont été considérés comme particulièrement sensibles à l'égard de l'accès à l'information. Il a fallu de nombreuses années de lutte aux enfants adoptés afin de pouvoir connaître le nom de leurs parents. Mais, aujourd'hui, pour les enfants qui le désirent, l'État doit obtenir le consentement des parents pour donner satisfaction à la requête de l'enfant. Le travail du généalogiste est généralement touché par ces restrictions.

Nous estimons que tout enfant possède un droit inaliénable de connaître ses origines, et ce, peu importe le consentement ou le refus de ses parents biologiques. Ce droit est, selon nous, partie intégrante du droit à l'identité reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés et par la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Actuellement, le Directeur de l'état civil refuse toute demande d'une personne visant à ajouter le nom de ses parents naturels à son nom pour le motif qu'il s'agit de son véritable nom. Toutefois, il admet ce changement de nom sur la base de l'utilisation du nom des parents naturels par le nom d'usage. C'est le cas de Me Jean-Pierre Garceau-Bussières, qui m'accompagne... que vous avez en annexe sur son changement de nom personnel qu'il a obtenu après des années de lutte.

Actuellement, nous sommes informés que des registres contenant des renseignements sur les enfants adoptés, autrefois tenus par les communautés religieuses, sont entre les mains des sociétés historiques et généalogiques, qui en permettent le libre accès au public. Il en va de même des informations apparaissant dans la copie paroissiale des registres de l'état civil.

Page 16, encore l'état civil. En terminant, nous voulons revenir sur l'état civil et l'interdiction de consultation. Nous continuons de dénoncer le fait que l'état civil, par une mesure administrative, soit inaccessible aux chercheurs pour les 100 dernières années. De plus, le Directeur de l'état civil n'est pas soumis à la Loi sur l'accès aux documents.

Il est assez singulier de constater que les Églises des différentes confessions religieuses du Québec de même que les autorités ecclésiastiques ou paroissiales consentent de plus en plus à ouvrir leurs registres de l'état civil des 100 dernières années aux chercheurs, venant ainsi contrer les efforts restrictifs du Directeur de l'état civil, qui, dans ce contexte, nous apparaissent de plus en plus vains et contre-productifs. Depuis de nombreuses années, plusieurs chercheurs en généalogie ont publié des répertoires de naissances ? et, moi-même, je continue à faire la numérisation ? de certaines paroisses. On en a fait encore le mois passé, jusqu'en 2005 inclusivement, dans certaines paroisses du Québec. De nos jours, le microfilmage et la numérisation de tous les actes permettent de les consulter facilement avec un large... public, et ce, à des coûts minimes.

Nous savons que le Directeur de l'état civil a entièrement numérisé les registres de l'état civil qui sont en sa possession. En plus de notre demande de libre accès aux chercheurs des registres de l'état civil de moins de 100 ans, nous demandons à ce que les sociétés de généalogie puissent continuer à publier leurs répertoires de naissances, baptêmes, mariages, décès et sépultures librement, à partir des informations glanées dans les registres de l'état civil des 100 dernières années.

Conclusion, page 17. En conclusion, nous soumettons les recommandations suivantes à la commission:

1° que la notion d'identité est d'intérêt public et ne tombe pas sous le coup des mesures restrictives de la protection de la vie privée;

2° que le texte du troisième paragraphe de l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels soit ajouté au Code civil de façon à permettre aux chercheurs et aux sociétés de généalogie de pouvoir, en toute légalité, constituer des fichiers généalogiques et de les diffuser;

3° que le mot «légitime» apparaissant au paragraphe... de l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ? et de l'ajout que nous souhaitons au Code civil ? soit rayé;

4° que, pour les cas d'adoption, il s'agisse d'un droit inaliénable et absolu de l'enfant de connaître le nom de ses parents biologiques, et ce, peu importe le consentement ou non de ces derniers;

5° que l'État abolisse l'interdiction de consultation des registres de l'état civil pour les 100 dernières années, tel qu'édicté par le Directeur de l'état civil;

6° que les chercheurs et les sociétés de généalogie puissent, en toute légalité, publier, constituer un fichier cumulatif d'information généalogique et publier des répertoires de naissances, mariages, décès tirés de l'information qu'ils auront glanée dans les registres de l'état civil; et le dernier point

7° que la deuxième phrase du paragraphe... de l'article 26 de la Loi sur les archives, se lisant... soit abrogée: «À défaut de convention à cet effet, le conservateur ou l'organisme public peut déterminer [le] délai.»

n(14 h 30)n

Grosso modo, c'est la présentation du mémoire. Je vous inciterais juste à regarder en annexe immédiatement, à l'annexe III, l'Annuaire des citoyens du Québec, qui présente des fiches de citoyens. Comme il y en a pour 5,4 millions, vous incluant vous tous qui êtes dans cette salle, vous êtes répertoriés dans cet annuaire-là avec vos coordonnées: nom, prénom, date de naissance, adresse civique.

J'attire votre attention que la fiche électorale présentée par chacun des directeurs d'élection dans chacune des paroisses, villes, comtés est à la disposition de tous les citoyens du Québec et qu'on y retrouve les renseignements nominatifs: nom, prénom et date de naissance, comme sur la carte d'assurance maladie, le permis de conduire ou le certificat d'immatriculation.

Vous savez, de tout temps, dans les registres de l'état civil, il y a eu des déclarations d'hérédité ou des gens qui sont venus corroborer la reconnaissance de paternité. On en a des milliers de cas, dans les registres de l'état civil qui sont disponibles au commun des chercheurs, et le fonds Drouin en a diffusé plusieurs dizaines de milliers. Je vous inviterais à regarder, en ce qui concerne la banque de données cumulatives, chacun des éléments ici, que ce soient les naissances ou les baptêmes. Le présent mémoire vous donne des exemples de tout ce qu'on retrouve dans une notice nécrologique ou dans le Bureau de la statistique du Québec concernant l'information, la notion de l'individu, l'identité, la date de naissance, mariage, sépulture. Dans certains cas, ce sont des documents, comme vous voyez, sur le mariage qui vont apparaître.

Non seulement la carte d'assurance maladie, mais également certains notaires... Prenons comme les gens qui ont fait la renonciation à la loi n° 146 pour le patrimoine familial. Ils devaient obligatoirement mettre leurs numéros d'assurance sociale, et ces documents-là sont publics. Toute personne peut aller les consulter au Bureau de droits et publicité. Donc, vous avez à la fois le statut matrimonial, associé à l'adresse de la personne, avec son numéro d'assurance sociale.

Je voudrais attirer votre attention sur les fiches de décès que...

Le Président (M. Brodeur): Juste un instant, M. Pepin. Je vais avoir besoin d'un consentement parce qu'on est déjà rendus à 22 minutes.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Ah! bien, je m'excuse. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Ou on peut passer immédiatement à une période de questions où vous pourrez...

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): À la période des questions? Ça ne pose pas de problème.

Le Président (M. Brodeur): ...ajouter à votre mémoire... Il y a consentement, si vous voulez ajouter des choses, là.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Bien, il me resterait juste à attirer votre attention sur le document pour la banque de données, l'annexe VII. Quand je vous parlais tantôt d'un cumulatif d'information, alors vous avez un exemple concret d'une banque de données cumulatives sur les informations qu'on retrouve pour des probants, donc le nom d'une personne, soit comme célibataire ou mariée. S'il est marié, vous l'avez en couple; s'il est célibataire, vous avez juste la personne. Et vous avez les 160 champs qui sont déterminés, qui contreviennent actuellement à plusieurs points de loi s'ils sont placés cumulativement. Mais, en généalogie, on ne peut pas faire de banque de données sans pouvoir les mettre cumulativement. Actuellement, les banques sont dressées pour faire tout ce qui concerne naissances, baptêmes, d'une part, un second fichier pour faire les mariages, un second fichier pour faire tout ce qui est décès. Que ce soit avec le Groupe Nécro qui a été formé, où plus de 80 personnes travaillent à la constitution et à la conservation du patrimoine funéraire, on est en train de tout numériser les pierres tombales du Québec, et ils vont tous être indexés, diffusés sur Internet ou diffusés gratuitement dans toutes les sociétés de généalogie.

Alors, je suis ouvert maintenant à toutes les questions que vous voudriez me poser.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Pepin. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci. Merci, M. Pepin. C'était une bonne présentation. C'est assez éloquent.

Dans le fond, ce que vous faites, c'est un plaidoyer visant à souligner que des informations que l'on veut protéger sont de toute façon disponibles, sont de toute façon sur la place publique, et que ceux qui s'intéressent à la question peuvent très bien les trouver quelque part, d'où le caractère très relatif, si je comprends bien, de la protection qu'elles ont, ces informations-là, en vertu du Code civil du Québec. Du moins, c'est ma compréhension de vos propos.

Je souligne par ailleurs que, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, il est déjà prévu que «la présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public». Donc, il y a déjà, dans cette loi-là, je peux dire, une mesure qui a été adoptée en faveur des généalogistes par le gouvernement du Québec. Je comprends que vous voulez maintenant que le gouvernement aille plus loin et essentiellement qu'il modifie le Code civil du Québec.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Avant de le modifier... Vous venez d'utiliser le mot «légitime». Vous voyez, avant de faire la modification de la loi, le journaliste pouvait divulguer une information d'intérêt public. Quand on a modifié la loi puis qu'on a ajouté le «matériel historique et généalogique», on a donné une nouvelle balise qui est inaccessible... pas inaccessible, qui est inacceptable, pour nous, parce qu'il est accompagné du mot «légitime».

Pourquoi, le législateur, avez-vous ajouté le mot «légitime» dans le contexte où c'est la base même que nous devons faire pour créer des banques? Nous n'avons pas à demander ou à créer un besoin légitime pour en faire la diffusion, puisque, de la constituer, c'est déjà en soi une fin légitime. Et, si on veut la diffuser, ça laisse une balise, pour le milieu de l'histoire et de la généalogie, qui est contraignante, qui pourrait être passible de poursuites. Et, à ce niveau-là, peut-être que Me Garceau-Bussières pourrait vous donner une incidence particulière pour dire que ces balises-là ouvrent la porte à des poursuites juridiques alors que le généalogiste amateur ou professionnel, l'historien amateur ou professionnel qui veut rédiger des biographies, qui veut constituer des banques de données...

On nous a donné, dans un premier temps, l'autorisation officielle, la loi nous permet de créer ces banques-là. Mais, en même temps qu'ils ont créé ça, en mettant le mot «légitime» dedans. L'information sur l'identité d'une personne n'a pas à être légitime. Chacun de vous, on ne pourrait pas vous identifier, on ne pourrait pas vous reconnaître, vous interpeller sans cette notion d'identité là, et elle n'a pas à être légitime, puisqu'elle est circonstancielle de fait. Alors, je pense que le législateur, en mettant cette restriction-là, doit modifier, dans la présente, l'harmonisation de ces lois-là pour donner plus d'ampleur à ça.

M. Pelletier: Je comprends votre point de vue. Cependant, ce dont on parle ici, c'est de la fin, hein, la fin de l'utilisation, la fin de la détention, la fin finalement de la collecte, la finalité poursuivie. Est-ce qu'il n'y a pas des cas où effectivement ces informations-là sont colligées pour des fins qui sont illégitimes? Prenez l'hypothèse où quelqu'un voudrait les colliger pour avoir accès à des informations confidentielles sur un individu ou le dossier d'un individu pour des fins illégales ou autrement. Est-ce qu'à ce moment-là ce n'est pas, en fin de compte, une protection, qu'on accorde dans la loi, qui va de soi, c'est-à-dire que la finalité pour laquelle les informations sont colligées, détenues et puis utilisées, bien ça doit être une finalité légitime? Est-ce que ce n'est pas une protection normale, d'une part? Puis d'autre part y a-t-il vraiment tant de cas où vous vous butez à des obstacles à cause de ça? Est-ce que vraiment il y a des cas où on vous dit: Non, non, non, vous n'avez pas droit à telle, telle, telle information parce que c'est illégitime? Est-ce qu'en d'autres termes ça vous pose un problème en termes concrets, là? Concrètement, c'est-u un problème ou si c'est un faux problème?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Bien, c'est à la fois un faux problème quand le législateur a mis le mot «légitime». Ce n'est pas nous qui l'avons mis là. Nous, nous subissons les contraintes juridiques dans lesquelles les législateurs, quand ils créent... Quand vous créez vos lois et qu'elles ne sont pas harmonisées entre elles, vous nous créez de nouvelles embûches, vous nous créez de nouvelles obligations qui pourraient être passibles de poursuites. Et, nous, on dit, dans le milieu de l'histoire et de la généalogie, qu'avant d'avoir fait la modification vous ne vous étiez jamais préoccupés de la rendre légitime quand c'était le journaliste qui la publiait, et, quand vous avez dit que le journaliste, et l'historien, et le généalogiste allaient donner ça, vous avez ajouté le mot «légitime». Alors, pourquoi l'avez-vous fait et que vous ne l'aviez pas fait dans la présentation pour le journaliste? Le journaliste pouvait divulguer de l'information. Et il y a déjà, de toute façon, des points de loi que, si on fait de la diffamation ou autres, il y a matière à poursuite, et les lois sont claires là-dessus, alors que, quand on a corrigé la loi puis qu'on a ajouté le mot «légitime»... On dit: Vous ouvrez une balise qui ne nous concerne pas.

Pourquoi le législateur a-t-il posé cette balise-là? Pour certaines fins de finalité? Mais, dans l'ensemble, là, pour le milieu de l'histoire et de la généalogie, ce n'est pas une préoccupation majeure pour nous, on dit qu'elle est de trop. Elle n'était pas là avant, et, avant 1994, on n'avait pas ces restrictions-là. Et, quand vous avez fait la modification, il y a deux, trois ans... Vous nous rajoutez une balise à laquelle, nous, on n'a pas à s'en tenir à ça. Quand on crée une banque de données, on ne la crée pas pour être malicieux, on la crée parce que le lot propre du généalogiste, c'est de créer sur des individus un fichier central. Nous, on n'est pas là pour faire un fichier qui va servir à des fins de poursuites commerciales ou à des fins de... Non, non. C'est une recherche historique et généalogique. Et on dit que tout ce qui est à caractère nominatif et tout ce qui s'ensuit dans les registres de l'état civil, dans les registres présentés ou déposés soit dans des cas de poursuite, des actes notariés, des actes de déclaration d'hérédité ou des actes de succession, etc., on dit que toute cette masse de documentation là, c'est le propre du généalogiste et de l'historien de l'analyser et d'en colliger dans des banques de données.

n(14 h 40)n

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): M. le ministre, j'aimerais ajouter à la réponse à votre remarque que, tel que le troisième alinéa de l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé est rédigé, un généalogiste privé, n'importe quel d'entre vous, comme moi-même, qui est intéressé à faire des recherches généalogiques pour sa propre ascendance, pour celle de ses enfants... Et, si la fin qu'il poursuit n'est pas une fin d'information légitime du public, la loi s'applique à lui et sa collecte est illégale. C'est ça que la loi dit. Parce que, comme vous l'aviez si bien souligné, la limitation du mot «légitime» est liée à la fin, O.K.? Mais, si vous mettez uniquement «à des fins d'information du public», c'est la fin en soi qui fait que la collecte devient légale, fait en sorte que la Loi de la protection me s'y applique pas. Mais le fait d'ajouter «légitime» ou «illégitime» n'y change rien, c'est la fin qui doit être atteinte.

Et, comme je vous le soulignais, cette fin-là fait en sorte que des recherches privées sont soumises à l'application de la loi si elles ne sont pas destinées à être soumises au public. Mais le seul effet du mot «légitime» vient donner un arbitraire à un tribunal pour déterminer, dans un débat ? et j'ai vu dans d'autres mémoires que des organismes attendent depuis longtemps que ce débat ait lieu, et il n'est jamais venu ? mais un débat soumis à un tribunal, déterminer si une collecte est légitime ou ne l'est pas. C'est une limite qui, à partir du moment où la fin est déterminée, n'a pas de raison d'être, je vous soumets.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Oui. Merci. J'aurais quand même aimé que vous me donniez des exemples concrets de cas où ça pose un problème, là, parce que pour l'instant je trouve que ça demeure assez théorique comme explication.

Cela étant dit, je vais vous poser une autre question. Vous identifiez les éléments formant l'identité d'un individu ? ça, c'est à la page 8 de votre mémoire ? les éléments formant l'identité d'un individu comme étant des éléments qui dans le fond ne doivent pas faire l'objet d'une protection particulière. J'aimerais que vous me définissiez c'est quoi pour vous, tous les éléments formant l'identité d'un individu. Parce qu'il faut d'abord qu'on s'entende là-dessus, sur le contenu de votre expression, qui est l'expression clé pour votre mémoire. J'aimerais d'abord qu'on s'entende là-dessus pour savoir quelle est l'ampleur finalement de ce que vous souhaitez obtenir.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Au départ, pour la notion d'identité, c'est un nom, un prénom, une date de naissance. Évidemment, un nom, et un prénom et une date de naissance, ça implique des parents, un père, une mère. Ça implique, si on est croyant puis qu'on a utilisé la religion catholique... Pour faire un baptême, il y a des parrains et marraines qui viennent témoigner de l'état de fait. Si c'est dans le domaine d'un enregistrement public, on n'a pas le parrain et la marraine. La notion d'identité sert après à des individus à se marier, lesquelles notions de mariage sont d'ordre public. On ne peut pas se marier sans faire des avis publics, pour les catholiques, en chaire, qui doivent être annoncés à trois reprises dans les deux paroisses des mariés. Toute personne décédée doit obligatoirement avoir une sépulture. La loi oblige la mise en terre, de quelque façon que ce soit, là, que ce soit, etc. Alors, la notion d'identité, elle va donc suivre obligatoirement un individu. Et on dit: Il n'y a rien de privé dans la notion d'identité, et ces critères-là sont la base pour déterminer le cheminement généalogique, historique et journalistique.

On ne pourrait pas interpeller le premier ministre puis l'appeler Jean Charest si au départ il n'avait pas été baptisé et nommé Jean Charest, pour ne pas le confondre avec une autre personne. Et on dit que la notion Jean Charest, la notion Jean-Pierre-Yves Pepin, cette notion d'identité là, elle est à caractère privé, mais elle est déterminante pour qu'elle soit une notion d'identité et publique. Vous n'êtes pas capable d'aller au bureau de poste, aller chercher une lettre enregistrée sans que vous démontriez que vous soyez Jean-Pierre-Yves Pepin. Vous ne pouvez pas faire votre demande de passeport sans avoir accompagné cette... Vous ne pouvez pas aller voter sans montrer que vous êtes Jean-Pierre-Yves Pepin. Vous ne pouvez pas faire aucune démarche publique sans que cette notion d'identité là intervienne. Et de ce fait on demande à ce que justement ce soit abstrait, que cette abstraction-là fasse partie intégrante d'un individu sans restriction à la loi sur les renseignements personnels. Ça n'atteint pas un renseignement personnel. Et d'ailleurs le législateur a été clair là-dessus, il a créé des tas d'articles dans les différentes lois pour ne pas qu'on abuse de cette notion d'identité là.

Mais la notion première d'identité sur votre nom ou votre naissance, elle est galvaudée quotidiennement et partout, et à d'autres fins que cette propre notion là. Mais ce n'est pas nous qui le faisons, ça. Quand on vous demande de laisser votre carte d'assurance maladie quand vous allez chercher une poussette dans un lieu commercial, on ne vous demande pas un dépôt en argent, on vous demande de laisser votre carte d'assurance maladie. C'est incroyable. On n'a pas le droit de demander ça. Mais, quand vous allez dans un centre commercial, il y en a certains que c'est ça qu'ils demandent. À venir jusqu'à il y a quelques mois, pour entrer et avoir une clé de vestiaire aux Archives nationales du Québec, on vous demandait de laisser une preuve d'identité, pas un montant d'argent, de laisser votre preuve d'identité. Ça a été corrigé, là. Mais, voyez-vous, on a servi la carte d'assurance maladie, le permis de conduire, etc., à d'autres fins pour lesquelles elles ont été créées. Ce n'est pas nous qui avons fait ça, là. Nous, comme généalogistes, on constate après que l'usage qui en est fait découle que la notion d'identité...

On n'en a pas, de carte permanente d'identité de citoyen, au Québec comme au Canada. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Ce n'est pas nous qui avons créé cet état de fait là. Le législateur le fait perdurer en créant de nouvelles lois et en mettant de nouvelles balises plus restrictives les unes que les autres et souvent incohérentes entre elles. Ce n'est pas nous qui avons fait la loi sur les élections, la Loi sur les archives nationales, la Loi sur la Bibliothèque nationale, la loi sur les renseignements personnels, le Code civil. Mais, entre toutes ces lois-là, il y a souvent de l'inharmonie dans son application, autant pour le journaliste que l'historien et le généalogiste, d'où l'importance de reconnaître que tout ce qui concerne la notion d'identité doit être à caractère public.

Et arrêtez de dire que, vous, monsieur, je n'ai pas le droit de divulguer votre âge indûment. Vous êtes dans toutes ces listes-là, puis on n'y peut rien. L'Annuaire des citoyens du Québec, là, ça a été créé par le gouvernement et diffusé par le gouvernement. S'il sert à d'autres fins ? c'est marqué dans la loi qu'on ne doit pas s'en servir à d'autres fins ? mais qu'est-ce que vous voulez qu'on vous dise? Vous ne nous donnez pas une carte d'identité qu'on pourrait montrer puis qui aurait une image dessus sur laquelle Jean-Pierre-Yves Pepin est là. Alors, quand, moi, j'ai voulu entrer ici, tantôt, on m'a demandé mon permis de conduire ou ma carte d'assurance maladie pour valider que j'étais Jean-Pierre-Yves Pepin, pour que je vienne à la commission parlementaire. Mon nom vient de traîner là puis il traîne ici, là. Ce n'est pas moi, ce n'est pas nous, du milieu de l'histoire et de la généalogie, qui faisons ces contraintes administratives et physiques là, c'est l'application, qui découle dans un fonctionnement normal en société, qui fait qu'on doit décliner notre identité et, par le fait même, neuf fois sur 10, notre âge ou notre adresse. Et, ces éléments d'identité là, il faut que la commission fasse reconnaître, dans les modifications des lois à apporter, que ce ne sont pas des renseignements d'ordre privé et qu'on contraint à la loi sur les renseignements personnels en divulguant votre nom, votre âge, votre adresse, ou etc. Ça va de soi, là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Pepin, de votre présentation.

On a eu plusieurs... pas plusieurs, on a eu un groupe effectivement qui recoupait certaines de vos recommandations. Cela m'éveillait en même temps quand vous disiez: On laisse nos cartes, des cartes... Les gens utilisent parfois des cartes à d'autres fins que l'information qu'elles véhiculent. Plusieurs, à une certaine époque, militaient pour la carte de citoyenneté justement pour éviter une telle chose qui n'a d'autre but que d'identifier finalement l'individu. Peut-être que ce serait effectivement... Les gens disaient: Bon, bien, encore une autre carte. Mais finalement elle répondrait aux fins pour lesquelles elle serait créée, strictement être identifié.

n(14 h 50)n

Je regardais vos différentes recommandations, la dernière où... et là j'essayais de voir s'il y avait des exemples où c'est déjà arrivé, là, où vous recommandiez, quant au délai, là, que le conservateur à qui quelqu'un cède... que ce conservateur-là ou l'organisme public ne détermine pas finalement de délai, là. Est-ce que vous avez des exemples de...

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): On a des dizaines d'exemples.

M. Bédard: Oui, mais peut-être m'en donner un ou deux, là, pour bien comprendre.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Bon, bien, écoutez, le simple citoyen qui va déposer... Prenons l'exemple de tout le fonds littéraire Albert-Ferland qui a été déposé, et la personne qui l'a déposé était âgée, ne connaissait pas la loi et ne savait pas qu'elle pouvait ne pas mettre de période prescriptive. Alors, dès qu'elle a donné son fonds, puis qui comprenait des informations artistiques, poétiques et autres, culturelles, ce don-là a été, avec une période de prescription, immédiatement soumis à une période de prescription de 100 ans, sauf si la famille veut le consulter. Bien, ça veut dire que tous les milieux littéraires qui veulent produire une biographie sur Albert Ferland vont devoir attendre 100 ans pour consulter toute la correspondance personnelle, toute la documentation familiale, pour une période prescriptive, alors que c'est le conservateur qui va mettre cette période de prescription là, parce que c'est automatique, dans son article 26, il n'y en a pas de mis, c'est lui qui la met. Alors, voyez-vous, on dit: S'il fait ce dépôt-là à la Bibliothèque nationale, il n'y a pas de période prescriptive, mais, s'il fait le dépôt aux Archives nationales, il y a une période prescriptive. Alors, on dit: Écoutez, c'est un non-sens, là, tu sais.

C'est comme toute la documentation qui entoure, puis je vous ai ouvert le volet, l'adoption. Toute la documentation qui entoure ça, souvent il y a eu des documentations, des legs personnels qui ont été versés aux Archives nationales. Quand même que je vous nommerais des noms, vous allez aller consulter un fichier qui est fermé pour une période de 100 ans puis qu'on ne pourra pas consulter avant 100 ans. Mais la personne qui l'a donné, elle n'en a pas mis, de période de prescription, elle. Et, si elle n'en a pas mis, pourquoi un tiers vient mettre cette restriction-là? Et, si, moi, j'en fais le don... Moi, je suis une personne avisée, là. Je sais qu'en allant faire mon don, que ce soit pour choquer certaines gens ou tout simplement pour le rendre à un libre accès, je ne mettrai pas de période de prescription dans le fonds Drouin quand on va le déposer. Et Dieu sait pourtant qu'on a des millions de pages d'information qui pourraient, dans certains cas, rendre mal à l'aise certains politiciens, certains avocats, certains notaires, certains notables. Mais ça fait partie d'un dépôt sans période de prescription.

Et, si vous prenez intégralement les recherches qui sont faites, entre autres, par des enfants adoptifs, on a besoin d'aller consulter et de ne pas attendre une période de 100 ans avant d'aller consulter des documents qui ont été déposés et où on ne peut pas aller y puiser l'information. Écoutez, la personne qui a 30 ans ou 40 ans... Si Me Jean-Pierre Garceau-Bussières avait dû attendre, pour faire ses recherches généalogiques, que la période prescriptive de 100 ans soit abolie, bien il n'aurait pas pu faire son changement de nom et connaître ses vrais parents, ses frères, ses soeurs par la suite sans pouvoir avoir eu accès à ces masses d'information là. Et on dit simplement: Écoutez, il s'agit maintenant d'harmoniser vos propres lois concernant ça, à tout le moins de faire l'inverse, d'obliger...

M. Bédard: Si vous cédez vos biens ? mais vous décédez ? par exemple, aux Archives, ce n'est pas 30 ans? C'est 100 ans?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Il y a une période de prescription de 30 ans après le décès d'une personne.

M. Bédard: C'est ça.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Mais les documents... Prenons la correspondance d'une personne qui en a fait un dépôt aux Archives nationales. Ce n'est pas un don qui est affecté au décès de la personne, là. S'il a fait ce don-là en 1960 puis qu'il décède en 1982, la période de prescription, ce n'est pas 82-52, là. Sur les documents de son décès, il y a une période de prescription de 30 ans. Mais, si, par ailleurs, il est militaire, vous avez accès immédiatement à l'information. Il y a d'autres lois fédérales qui sont en non-concordance avec le provincial. Mais, si le dépôt de...

Prenons l'exemple du fonds Ferland qui a été fait 30 ans avant son décès. Mais, la période qui a été donnée par le registrateur, il a donné une période prescriptive de 100 ans. Les gens ne pourront pas y toucher avant 2037, là. Et pourtant il n'y a rien de contre-indiqué par Albert Ferland, dans lequel on pourrait utiliser la correspondance ou ses notes historiques. On va devoir attendre une période indue pour rédiger une biographie. Et, pour la mémoire collective du Québec, il est très important de reconnaître l'harmonisation entre ces lois-là.

M. Bédard: Est-ce que les héritiers peuvent changer...

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Oui, mais, vous savez, les héritiers, une fois sur deux, ou bien quelqu'un... Il y a beaucoup de gens qui meurent sans héritier. Il y a beaucoup de gens dont les héritiers ont fait eux-mêmes...

Prenons le cas de Roland-J. Auger qui était ici, à Québec, et qui a donné son fonds par l'entremise de sa nièce ? il n'a pas d'enfant, lui ? et ça a été donné à la ville de Laval. Bon, bien, l'ensemble de ce fonds-là, il avait été question de l'envoyer aux Archives. Il y a une partie qui est allée aux Archives ici, à Québec, une partie aux Archives à Montréal, mais, l'ensemble du fonds dont a hérité la cousine, elle en fait un legs particulier à la ville de Laval qui a accepté le fonds puis qui a maintenant l'obligation de le garder en entité. O.K.? Mais, le fonds à la ville de Laval, encore faut-il que vous sachiez qu'il existe puis encore faut-il que vous sachiez qu'il n'y a eu pas de mainlevée dessus. Alors, à partir du moment où ce n'est pas sous l'organisme des Archives nationales que va se retrouver ça ou de la Bibliothèque nationale, ils ne seront pas indexés, il n'y aura pas de période de prescription, et etc. Et ça, on peut vous donner des dizaines d'exemples sur des fonds politiques, des fonds culturels, des fonds, etc., là.

M. Bédard: Autre recommandation, et je ne sais pas... comme généalogiste que vous parlez ou... parce que ça englobe, de façon plus grande... Et je n'émets pas d'opinion sur la question, là, mais vous dites, dans votre recommandation 4, que, pour les cas d'adoption, il s'agit d'un droit inaliénable et absolu de l'enfant de connaître le nom de ses parents biologiques, et ce, peu importe le consentement ou non de ces derniers. Mais là est-ce que vous parlez comme généalogiste? Vous, vous souhaitez avoir ces informations?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Pas rien que comme généalogiste, mais comme particulier, comme individu. Écoutez, le fonds Drouin existe depuis plus de 100 ans. Il ne s'écoule pas une semaine sans que cinq, 10, 15, 30 personnes me demandent leur aide pour retrouver leurs parents naturels dans le cadre du fonds Drouin. Je leur explique que je n'ai pas le temps de m'occuper de ça, et que, dans le fonds Drouin, il y a déjà 23 millions d'actes de baptême, mariage, sépulture, et que parmi ceux-là il y en a plusieurs dizaines de milliers qui parlent déjà de changement de nom, d'adoption, etc. C'est sûr qu'éventuellement ça va être consigné puis ça va être plus élaboré. Mais, dans un premier temps, l'enfant lui-même, puis vous pouvez poser la question, ou peut-être que mon confrère pourrait élaborer là-dessus, les parents... C'est le gouvernement qui a mis un organisme pour gérer la diffusion de cette information-là, alors que l'enfant possède son propre droit inaliénable. Et, quand le législateur a statué là-dessus, il a donné des restrictions et des balises tellement importantes que ça rouvre matière à aller jusqu'à la Cour suprême du Canada. Le problème, c'est que...

M. Bédard: Mais j'aimerais savoir: Ça vient d'où, ce droit inaliénable?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Bien, c'est un droit inaliénable. Dans la Charte canadienne des droits et libertés, dans la charte québécoise des droits et libertés, vous avez ce droit-là de notion ou... Me Garceau-Bussières.

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): Écoutez, il n'y a pas encore de jurisprudence sur cette question-là, mais le droit à l'identité reconnu par les chartes, à mon point de vue, inclut le droit de savoir qui l'on est, le droit de connaître ses origines, puisque ce sont nos origines qui nous donnent notre identité véritable.

M. Bédard: Ça a dû être plaidé sûrement.

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): Pardon?

M. Bédard: Ça a dû être plaidé, il y a des gens... Ça a dû être plaidé. Ça a sûrement déjà été plaidé.

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): Ça n'a pas été plaidé, à ma connaissance, mais, quant à moi...

Mon cas personnel est soumis en annexe. J'ai 59 ans aujourd'hui. Dès l'âge de 11 ans, je suis parti à la recherche de mes parents naturels, même si j'étais dans une très bonne famille adoptive. En 1987, à 41 ans, j'ai retrouvé ma mère naturelle, mon père, cinq frères et soeurs de mêmes parents. Et, depuis 1987, j'ai utilisé le nom Garceau, en plus de mon nom, le nom de mon père adoptif, Bussières, dans mon nom. Et, lorsque j'ai décidé que je porterais un nom conforme à ma véritable identité, c'est-à-dire le nom de mon père naturel et le nom de mon père adoptif, j'ai présenté ma requête, dont vous avez la première page en annexe, au Directeur de l'état civil, et, comme j'avais été informé que le Directeur de l'état civil n'accordait pas, pour ce motif-là de retrouvailles, de changement de nom, j'ai fondé également ma requête sur l'usage. Mais on m'a accordé, comme vous voyez du jugement annexé, on m'a accordé le changement de nom sur la seule base de l'usage. N'eût été de l'usage reconnu par même des décrets du lieutenant-gouverneur en conseil ou des lettres de ministres, on ne me l'aurait jamais accordé, et, en ce cas-là, vous pouvez être certains que je serais monté jusqu'en Cour suprême du Canada pour que ce droit-là, me fondant sur la charte, me soit reconnu.

M. Bédard: O.K. Non, mais je voulais simplement savoir par rapport...

n(15 heures)n

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): Parce que c'est une question d'identité. Identité, là, pour chacun d'entre nous, c'est qui nous sommes, de qui nous sommes nés, quand nous sommes nés. Et, pour aller dans le sens du contenu du mémoire, je ne peux pas concevoir que ces renseignements-là, qui tiennent à notre existence, soient confidentiels.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci pour ce mémoire intéressant. Donc, je vais suspendre quelques instants pour permettre au Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 1)

 

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je désire souhaiter la bienvenue au Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec. Bienvenue en commission parlementaire.

Je vais vous expliquer, avant de vous identifier, de quelle façon on fonctionne: vous avez une période maximale de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le désirez. À prime abord, pour le bénéfice du Journal des débats, vous devez vous identifier, et, à la suite de ça, vous pouvez prendre la parole immédiatement pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Regroupement des aveugles et
amblyopes du Québec (RAAQ)

M. Binet (René): Merci, M. le Président. Alors, la présentation va se passer de la façon suivante: je vais introduire ce qu'est le regroupement, et par la suite Mme Vézina va introduire, va présenter le mémoire, et j'en ferai une petite partie, et par la suite on passera aux questions.

Alors, d'abord, je vous présente, à ma gauche, Mme Véronique Vézina, qui est directrice générale du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, et moi-même, René Binet, membre du conseil d'administration de ce regroupement. Une petite parenthèse, M. le Président. J'aimerais excuser notre président, M. Pierre Croisetière, qui ne peut être présent cet après-midi. Pour d'autres occupations, il ne pouvait pas être là.

Alors, le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec existe depuis 1975. Ce regroupement a été mis en place pour défendre les droits et veiller à la promotion des intérêts des personnes qui ont une déficience visuelle et également veiller à leur intégration et à leur participation sociale pleine et entière. Le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, le RAAQ, a été reconnu assez rapidement par le gouvernement du Québec comme l'instance principale représentant les personnes aveugles au Québec. Notre regroupement constitue 12 associations réparties à travers la province.

Nos moyens de consultation, nous avons quand même à peu près 10 comités actifs présentement. Nous sommes également membres de nombreux comités externes et collaborons avec 30 partenaires qui travaillent de près ou de loin pour la déficience visuelle, et ce, dans les domaines social, économique, politique et culturel. Nous sommes également membres de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN, et nos organismes régionaux, eux, sont membres des regroupements des organismes de promotion, ce qu'on appelle, dans notre jargon, les ROP.

Le RAAQ joue un rôle de premier plan en matière d'emploi, d'accessibilité à l'information, transport, santé et services sociaux et environnement. Ces dernières années, nous avons travaillé ? c'est un de nos principaux dossiers ? l'accès à l'information parce que c'est une grande barrière pour les personnes qui ont une déficience visuelle, l'accès à l'information, l'accès aux documents écrits. Et on est très heureux que vous puissiez nous entendre cet après-midi, car, nous, on croit que l'amélioration de l'accès à l'information et des documents écrits pourra permettre de diminuer énormément des contraintes et des barrières et favoriser l'intégration des personnes handicapées visuelles au niveau de la société en général.

Alors, là-dessus, M. le Président, je vais passer la parole à ma collègue, Mme Véronique Vézina, qui va vous présenter maintenant l'essence du mémoire.

Mme Vézina (Véronique): Merci. Bien, tout d'abord, je tiens à vous préciser que nous ne reviendrons pas sur tous les aspects du projet de loi qui nous a été présenté, puisque, la semaine prochaine, la COPHAN viendra elle-même vous faire la présentation de son mémoire très exhaustif, des sujets qui nous préoccupent en tant que personnes handicapées et citoyennes et citoyens à part entière. Nous tenons quand même à préciser que, comme nos partenaires du milieu associatif, le RAAQ croit à la nécessité d'inclure les notions de respect des droits fondamentaux, de droit au respect de la vie privée, de droit au respect du secret professionnel, de respect du droit à l'égalité, d'obligation d'accommodement, d'accessibilité universelle dans cette législation. Nous concentrerons notre présentation essentiellement sur deux aspects qui préoccupent plus spécifiquement les personnes déficientes visuelles, soit l'accès aux documents publics dans nos médias de substitution et l'accessibilité du Web.

Dans la proposition de ce projet de loi, nous avons été ravis de constater qu'il intègre certains concepts visant à améliorer l'accès aux documents publics aux personnes déficientes visuelles. Par contre, force nous a été de constater que ces modifications ne répondent pas aux demandes que nous avons réitérées à plusieurs reprises concernant les mesures d'accommodement et l'absence d'obligation en matière d'information virtuelle.

Pour commencer, j'aimerais amener quelques précisions concernant les mesures d'accommodement. Le projet de loi parle encore une fois d'accommodement raisonnable, alors que nous revendiquons, depuis plusieurs années, l'obligation d'accommodement qui, elle, vise à abolir tous les obstacles liés à la limitation. Nous désirons rappeler que l'obligation d'accommodement laisserait moins de place à interprétation aux ministères et aux organismes publics afin qu'ils acceptent nos demandes, qui se voient encore refusées en 2005. Comme exemple, j'aimerais vous soumettre certaines situations récentes qui, malgré les mesures d'accommodement raisonnable qui sont reconnues, se sont vues refusées.

Le premier exemple provient directement de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui a refusé, à la demande d'un plaignant, de produire en braille le document des règles et procédures suivant le dépôt d'une plainte à cette instance. La réponse qui a été obtenue lors de cette demande, c'est que seule la Charte des droits et libertés de la personne était disponible en braille.

Le deuxième exemple que nous souhaitons citer vise le ministère de la Santé et des Services sociaux qui avait produit différentes documentations sur le SRAS lors de l'étendue de cette épidémie, en 2004. Nous sommes toujours en attente de ces documents sur des médias de substitution. Peut-être seront-ils disponibles si une nouvelle vague se présente.

Comme dernier exemple, j'aimerais citer les organismes qui font des efforts en produisant en braille des synthèses de documents mais qui ne produisent pas l'intégralité de ces derniers. Pourquoi n'aurions-nous pas droit, comme tout citoyen, à la version intégrale des textes? Ces exemples motivent notre demande à revendiquer une obligation d'accommodement, puisque les mesures actuelles ne permettent pas de répondre à nos besoins.

Nous sommes d'autant plus inquiets, car la nouvelle législation précise que des frais pourraient être réclamés au demandeur pour la transcription dans son média de substitution. Est-ce normal de payer pour des documents qui sont accessibles sans frais au reste de la population? Ici, on ne réclame pas la gratuité mais l'égalité. Nous sommes prêts à défrayer les coûts équivalents à ceux chargés au reste de la population, mais nous nous objectons à voir insérer une réglementation permettant d'ajouter des frais supplémentaires pour les médias de substitution. Avec des mesures comme celle-ci, cette loi vient reconnaître les contraintes spécifiques des personnes handicapées visuelles et vise en même temps le maintien de situations handicapantes.

n(15 h 10)n

Avant de redonner la parole à M. Binet, qui vous parlera plus spécifiquement de l'accessibilité aux sites Web, j'aimerais spécifier encore certains éléments sur la transcription des documents publics sur des médias de substitution. Vous êtes sûrement déjà informés des méthodes utilisées pour transcrire les documents. Je tiens quand même à vous rappeler ce qui existe, soit le gros caractère, le braille, l'audio en format analogique et, de plus en plus, en format numérique, et les fichiers électroniques. Je tiens à vous préciser cet élément, puisque la tendance porte souvent sur les coûts élevés reliés à ces transcriptions, et plus spécifiquement celles sur le braille.

Il est important de vous préciser que, tant au Canada qu'en Ontario ? d'ailleurs, ce dernier vient de renforcer sa loi sur l'accessibilité ? les documents publics sont disponibles, à la demande des citoyens, dans le mode de substitution qu'ils utilisent depuis plusieurs années et que les montants accordés à cette transcription ne figurent même pas dans leurs rapports financiers, tellement les coûts sont minimes. Pourquoi cela serait-il différent au Québec? Le message véhiculé dans ce projet de loi exprime une crainte à ce sujet, puisque, malgré l'insertion de certaines mesures d'accommodement pour les personnes déficientes visuelles, on fait encore référence aux notions de coûts élevés liés au transfert sur des supports de substitution, et cet élément permettra encore aux ministères et organismes publics de se dispenser de leur responsabilité d'accommodement.

Je passe maintenant la parole à M. Binet qui vous entretiendra de notre préoccupation sur l'absence de législation sur l'accessibilité du Web.

M. Binet (René): Merci. Alors, je pense qu'on est tous conscients qu'aujourd'hui Internet, c'est l'avenir pour la diffusion de l'information, et la meilleure preuve de ça, c'est que la plupart des organismes gouvernementaux maintenant diffusent leur information sur le Web. Cependant, on est très déçus que le projet de loi n° 86 passe sous silence l'obligation de rendre accessibles ces sites Web. Cette absence nous préoccupe d'autant plus qu'on sait que l'information prend une place de plus en plus importante dans la vie citoyenne, aujourd'hui. Nous, ce qu'on demande, entre autres, c'est qu'on reconnaisse ce droit à l'accès aux documents virtuels, les documents sur le Web, et ce, en considérant la technologie et les limitations, en considérant aussi les personnes qui ont des limitations fonctionnelles.

Je peux vous donner un exemple. Actuellement, beaucoup de documents sont maintenant sous format PDF. Bon, pour différentes raisons techniques, les personnes fonctionnellement aveugles comme moi ont difficilement accès aux documents PDF. Souvent, on se bute à des refus quand on demande d'avoir les documents en format Word, par exemple. Alors ça, pour nous, on trouve ça quand même inacceptable. On a droit à cette information-là. Et souvent c'est tellement minime d'avoir un document qui souvent va être fait en format Word de toute façon. Ce n'est pas tous les documents, mais beaucoup de gens utilisent ce format-là.

Évidemment, sous le gouvernement actuel, on parle de gouvernement en ligne, on prône le gouvernement en ligne. Malheureusement, on constate que la plupart des sites Web des organismes publics et parapublics respectent minimalement les normes d'accessibilité du Web. Ce qui serait intéressant, c'est de se référer à la loi ontarienne, des personnes ontariennes, qui contient un article, l'article 6, qui oblige les instances publiques à rendre les sites Web accessibles. D'ailleurs, cet article est renforcé justement par la loi que Mme Vézina vous parlait tout à l'heure, la loi sur l'accessibilité pour les personnes handicapées en Ontario.

Alors, maintenant, Mme Vézina va conclure avec nos représentations, nos recommandations.

Mme Vézina (Véronique): Comme il vient de vous dire, je vais terminer en vous résumant finalement nos trois principales positions sur ce projet de loi.

Premièrement, nous souhaitons que le gouvernement se dote, après consultation des organismes de promotion, d'une législation avec obligation d'accommodement permettant aux personnes ayant des limitations fonctionnelles d'avoir accès aux documents publics dans leurs médias de communication, et ce, sans frais supplémentaires liés au support de substitution privilégié.

Il faudra aussi voir intégrée à cette loi une obligation de rendre accessibles aux personnes ayant des limitations fonctionnelles les sites Web des ministères et organismes publics, et ce, en tenant compte des normes de la WAI.

Et finalement, même si nous ne l'avons pas abordé dans notre présentation, le gouvernement doit favoriser des mesures permettant aux personnes ayant une limitation fonctionnelle, et spécifiquement visuelle, d'accéder, de façon sécuritaire, aux lieux de diffusion des documents et aux services publics. Donc, on n'a pas utilisé tout notre temps, mais merci de votre attention, et puis on est prêts à passer à la période de questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, je suis prêt à reconnaître, pour une première question, M. le ministre.

M. Pelletier: Merci, Mme Vézina, M. Binet, pour votre présentation aujourd'hui, pour votre mémoire.

J'aimerais savoir, dans un premier temps. Évidemment, vous êtes les représentants d'un regroupement, le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec. Donc, ce regroupement des membres, j'imagine que, parmi vos membres, il y en a certains qui ont déjà fait des demandes d'accès à l'information. J'aimerais ça savoir comment ça se passe en termes concrets ? je ne sais pas si vous êtes au courant ? mais comment ça se passe pour les personnes aveugles et amblyopes, les demandes d'accès à l'information qu'elles formulent.

M. Binet (René): Bien, je vais vous donner un exemple concret qui est arrivé l'an dernier. Nous, on a quelqu'un dans notre regroupement qui avait demandé l'intégrale du projet de loi n° 56, là, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, et ce qu'on lui a répondu, c'est: On va vous donner la synthèse parce que c'est raisonnable. C'est un petit peu ce que Véronique amenait tantôt. C'est qu'à un moment donné pourquoi, parce qu'il est handicapé visuel, fonctionnellement aveugle, et qu'il veut sa documentation en braille, dans ce cas-ci, pourquoi il aurait droit seulement qu'à la synthèse pendant que, l'intégrale, bien toutes les personnes en général y ont droit? Je vous donne un exemple concret, là.

M. Pelletier: Vous mentionnez dans votre mémoire qu'il faudrait rendre accessibles aux personnes handicapées visuelles les sites Web des organismes qui sont visés par la Loi sur l'accès. Tout à l'heure, vous avez mentionné un certain nombre de moyens, hein, le braille, l'audio, j'ai tout entendu ça. Mais je voulais vous entendre plus particulièrement sur la question de savoir comment est-ce qu'on peut rendre nos sites plus accessibles. C'est quoi finalement, tous les moyens qui sont à notre disposition, avec lesquels les personnes aveugles ou amblyopes sont familières? Donc, quels sont les moyens qui sont à notre disposition pour rendre nos sites Web plus accessibles?

M. Binet (René): Je vais y aller de façon très sommaire. Par exemple, définir les alternatives textes, O.K., sur les liens images, souvent on se retrouve avec des liens où il n'y a pas de texte; faire des boutons pour faire en sorte que les personnes puissent agrandir l'image; éliminer, dans la mesure du possible, les flashs. Peut-être que Véronique a d'autres exemples aussi.

Mme Vézina (Véronique): Bien, sans nécessairement vous amener des exemples supplémentaires, il faut comprendre que, lorsqu'on rend accessible un site Web, il y a tout d'abord trois niveaux d'accessibilité, le premier étant l'accessibilité minimale, le deuxième, un peu plus et le troisième, une accessibilité totale à un site. Présentement, la majeure partie des sites gouvernementaux répondent aux 14 premiers critères pour rendre un site accessible, dont les exemples que M. Binet vient de vous présenter. Nous, on n'est pas informaticiens, on ne pourra pas vous mettre sur la table les différentes techniques pour le rendre accessible. Par contre, il existe différents documents qui ont été produits par la Web Accessibility Initiative, par AccessibilitéWeb ici, au Québec. Et puis il y a aussi différents sites gouvernementaux fédéraux qui, eux, produisent pour leurs ministères les techniques finalement pour rendre accessibles leurs sites, et ceux-là sont appliqués dans leurs différents ministères puis ils pourraient être transposables sur les sites ici, au Québec. L'Ontario le fait aussi, d'ailleurs, là. On n'est pas informaticiens, on ne pourrait pas vous amener les différentes techniques, mais il existe des documents qui expliquent comment le faire.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Vous venez de parler du fédéral, vous venez de parler de l'Ontario. Dans votre mémoire, vous renvoyez à la loi fédérale et vous renvoyez à la loi ontarienne. J'aimerais savoir en quoi ces lois-là peuvent nous inspirer, aujourd'hui, dans notre démarche par rapport au projet de loi n° 86.

n(15 h 20)n

Mme Vézina (Véronique): Si on parle de l'accès aux documents publics, lorsqu'on fait une demande au fédéral... D'ailleurs, au fédéral, il y a un endroit où on peut s'adresser directement pour obtenir tout document public en média substitut. Donc, on n'a qu'à les contacter et on va recevoir, dans un délai dit raisonnable, tout dépendant si le document a déjà été produit ou s'ils doivent le faire faire, le document qui nous est demandé. Donc, on ne se voit pas refuser automatiquement le document, comme il arrive de façon sporadique ici, à moins que ce soit techniquement impossible, là, qu'il y ait un bris de matériel ou des choses très excessives qui arrivent. Mais habituellement tout nous est communiqué, dans le média où on le demande, assez rapidement.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre mémoire. Nous avons eu des représentations ici de l'Office des personnes handicapées, là, plus particulièrement en ce qui concerne les frais, et eux avaient la proposition suivante. Et je veux bien comprendre, j'ai l'impression que vous allez un peu plus loin. Eux disaient: Lorsqu'ils demandent... Le projet de loi prévoit que bon les frais de transposition peuvent être chargés à la personne qui en fait la demande. Eux, ils disaient: Il faut absolument limiter ces frais aux frais ordinaires demandés à une personne qui demande une copie d'un document, un. Deux, ils disaient: Vous devez aussi enlever toute espèce de frais si le lieu ou le... le renseignement n'est pas disponible... n'est pas accessible ou le lieu n'est pas accessible pour la personne.

Vous, est-ce que vous demandez finalement, à chaque fois qu'il y a une demande de transposition dans un moyen autre, que ces frais-là ne... qu'on ne charge aucuns frais?

Mme Vézina (Véronique): Ce qu'on demande, c'est que, si le document qui est offert au public en général demande, par exemple, un coût de 10 $, on est prêts à défrayer ce montant-là, sauf que nous ne sommes pas prêts à défrayer des coûts supplémentaires qui sont liés à des frais de transcription.

M. Bédard: Parfait. Non, non, effectivement, et c'était la représentation de l'office. Ça va avec le droit à l'égalité.

Peut-être une question un peu plus technique. Tantôt, je vous écoutais sur le PDF, là, les documents disponibles. Vous pouvez les transposer sur Word par la suite puis après ça avoir... J'imagine que, quand ils sont sur Word, pour vous c'est plus facile de les rendre accessibles. Un document sur PDF peut être copié sur Word?

Mme Vézina (Véronique): Actuellement, il y a certains documents PDF qui permettent qu'on les copie sur un document Word, sauf qu'il faut comprendre que, lorsqu'on copie le document, il y a une perte d'information ou un mélange d'information qui se fait, ce qui fait qu'on n'a pas l'information intégrale. Puis la difficulté qui est présente avec un document PDF, c'est qu'un document PDF, c'est comme une image, donc les synthèses vocales qu'on utilise sur un ordinateur ou les afficheurs braille ne permettent pas de lire une image, même si c'est du texte qui est présent.

M. Bédard: O.K. D'ailleurs, par rapport à la première question, je voyais d'ailleurs qu'au fédéral il y a un règlement qui existe quant aux frais et qui dit en toutes lettres que ces frais ne doivent pas dépasser le montant qui est exigé pour la reproduction du même document sur un support traditionnel. Donc, c'est le genre de disposition que vous souhaiteriez voir introduire, j'imagine, dans la loi ou dans ses règlements.

Mme Vézina (Véronique): C'est ce qu'on expliquait tout à l'heure, on est prêts à payer les frais qui sont normaux pour tout individu dans la population.

M. Bédard: Parfait. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Donc, on vous remercie beaucoup pour cette présentation. Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe, qui est le Parti québécois, puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 24)

 

(Reprise à 15 h 44)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux et nous reprenons avec le prochain groupe, qui est le Parti québécois.

Donc, je vous rappelle les règles en commission parlementaire: vous avez, pour débuter, un maximum de temps de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugerez à propos, et qui sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout simplement, au point de départ, de vous présenter, et, à la suite de ça, la parole est à vous pour la présentation de votre mémoire.

Parti québécois (PQ)

Mme Richard (Monique): Merci, M. le Président. Alors, à ma droite, Marie Bouillé, qui est membre de l'exécutif national et responsable du groupe d'action politique des femmes; à ma gauche, Mme Sylvie Charbonneau, qui est directrice de la recherche et de la formation au Parti québécois; et Monique Richard, présidente du Parti québécois.

Alors, merci beaucoup. C'est un exercice important pour nous. On est à même de constater que l'exercice de la démocratie a considérablement changé depuis les 30 dernières années, tant au Québec qu'ailleurs. On a en effet, bien sûr, assisté à une désaffection graduelle de la population pour les affaires publiques, les citoyennes et les citoyens ayant, de plus en plus, tendance à concentrer leurs intérêts sur des préoccupations plus personnelles que collectives. On observe aussi un écart grandissant entre les citoyennes, les citoyens et l'État, dont le fonctionnement s'est complexifié, ce qui amène bien sûr une incompréhension de plus en plus grande envers l'appareil gouvernemental.

Un certain nombre de facteurs sont susceptibles de rendre à la population la confiance dans sa capacité d'influencer le cours des affaires publiques. Deux de ces facteurs: la transparence de l'administration publique et, le deuxième, la protection de la vie privée. La Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels a adopté, en 1982, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pour répondre à un certain nombre de préoccupations des citoyennes et des citoyens. Plusieurs préoccupations appuient notre intervention.

Maintenant, aujourd'hui, la Commission d'accès à l'information propose une réforme de l'accès à l'information en faisant sien le choix de la transparence. Cette réforme s'imposait, bien sûr, puisqu'on doit considérer l'évolution des nouvelles technologies de communication qui permettent une fluidité grandissante dans la circulation de l'information mais qui aussi comportent de grands défis au plan de la protection des renseignements personnels.

Pour nous, l'exercice d'une démocratie réellement participative passe nécessairement par l'information pleine et entière de toutes les citoyennes et de tous les citoyens. L'accès à l'information est un principe démocratique essentiel. La protection de la vie privée étant le pendant de ce droit, la loi devrait offrir toutes les mesures de sécurité pour protéger les renseignements personnels.

Parlons maintenant de droit d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information propose une réforme dont la pierre d'assise consiste en l'adoption d'une politique de publication automatique de l'information. Deux objectifs qu'elle vise: premièrement, permettre aux citoyennes et aux citoyens de savoir quelle information est détenue par l'État et, un deuxième objectif, leur permettre d'avoir accès sans formalité à une information de qualité et diversifiée. Et bien sûr elle s'appuie sur ces principes pour proposer qu'une politique de publication automatique de l'information soit mise en oeuvre.

Le Parti québécois adhère entièrement au principe de publication automatique de l'information. Pour les membres du parti, l'exercice d'une démocratie participative implique que chaque citoyenne et citoyen puisse accéder facilement et rapidement à une information claire et simple sur les services et programmes, et il en va de même bien sûr pour leurs dossiers personnels.

Les nouvelles technologies de l'information et l'accès grandissant des Québécoises et des Québécois à Internet ouvrent de nombreuses possibilités. Le Parti québécois est tout à fait en accord avec le développement de systèmes conviviaux d'échange d'information entre les citoyennes, les citoyens et les organismes publics. Cependant, il faut éviter de constituer des mégabanques de renseignements personnels sur lesquelles on pourrait perdre de vue toutes les utilisations. Il faut également assurer une sécurité optimale des renseignements personnels détenus par les organismes publics et privés.

En conséquence de ce qui précède, le Parti québécois considère que le gouvernement du Québec devrait résolument aller de l'avant avec la mise en oeuvre d'une politique de publication automatique de l'information et qu'on devrait aussi retrouver, dans la Loi sur l'accès, une obligation explicite pour les organismes publics d'adopter une telle politique pour qu'il y ait convergence et même façon de faire, unité dans la façon de faire. Or, on ne retrouve pas une telle obligation dans le projet de loi n° 86. On parle plutôt d'obligation d'établir un plan de classification conforme à la Loi sur les archives. Ce plan de classification certes va faciliter la recherche, mais il serait important qu'on le complète par l'exigence d'établir une liste des dossiers et documents reconnus accessibles, ce qui faciliterait les choses pour les citoyennes et les citoyens.

n(15 h 50)n

Quant à l'ajout par l'article 8 de l'obligation de la mise en oeuvre d'une politique de diffusion de l'information, à notre avis elle est trop timide. On est loin d'instituer le principe explicite d'une publication automatique, et le gouvernement n'inclut pas dans la loi de mesures contraignant les organismes publics à publier l'information qu'ils détiennent. Selon nous, le sens de cet article vise à favoriser l'accès plutôt qu'à établir une obligation de publication automatique. Alors, on recommande donc que le projet de loi n° 86 soit modifié de manière à inclure clairement, dans la Loi sur l'accès, des mesures contraignant les organismes publics et gouvernementaux à adopter et à appliquer une politique de publication automatique de l'information.

En ce qui a trait au droit d'accès des personnes ayant une déficience sensorielle, il y a là un lieu de questionnement fort important. À notre avis, c'est timide, au niveau gouvernemental, quand on affirme explicitement le droit à l'information avec l'article 21. Cette mesure législative vient ouvrir la porte à une limitation du devoir de donner accès aux documents sur un support de substitution adapté pour les personnes ayant une déficience visuelle ou auditive pour de simples raisons de coûts. L'article 6 du projet de loi ajoute la possibilité d'exiger des frais pour le coût du transfert sur support de substitution. Je pense que ça, c'est une dimension fort importante. Il faut absolument que la loi contienne le droit réel, pour les personnes qui ont des déficiences sensorielles, d'avoir accès.

Et on voit ? et j'ai eu à intervenir comme présidente d'un mouvement de groupe de personnes handicapées avec des déficiences ? qu'il faut maintenant, avec les nouvelles technologies, miser beaucoup plus sur l'inclusion que sur l'exclusion. Si on ajoute, par le biais d'un article, des frais supplémentaires pour être en mesure d'obtenir les supports de substitution, on crée encore là une distinction entre les différents types de personnes, ce qui à notre avis nie un peu ce que devrait être l'avènement des nouvelles technologies pour les personnes qui ont des déficiences. Puis je pense que ça, c'est vraiment un volet très important pour nous.

Je voudrais revenir aussi sur toute la question des mesures. Vous avez parlé, à un certain moment donné, M. le ministre, de règlement qui devait sortir dans un certain laps de temps assez court. Bien sûr, compte tenu qu'on n'a pa vu ce règlement, les inquiétudes sont toujours là, et ça me permet d'insister sur le fait que la loi devrait contenir le maximum d'encadrement pour faire en sorte que, par le biais de règlements qui pourraient se modifier au fil du temps, on atténue la portée des droits qu'on voudrait reconnaître aux personnes.

Quant à l'accès à l'information environnementale, de l'avis de la Commission de la culture, la règle de la transparence devrait prévaloir en matière environnementale. On parle d'un certain nombre de restrictions aux article 28, 29, 30 et 33. Bien sûr, il y aura des restrictions sur le droit d'accès qui ne s'appliqueront pas quand c'est des risques pour la vie, pour la santé et la sécurité d'une personne, mais on ne voudrait pas que des restrictions nous amènent à évaluer que certains organismes publics pourraient se servir de la possibilité d'invoquer l'effet de la divulgation de l'information pour en refuser l'accès. Alors, je pense qu'il y a là un certain questionnement autour de la transparence.

En matière d'accès à l'information, ce que nous voudrions aussi, bien sûr c'est un plan d'action. L'accès à l'information qui nous est proposé, ça implique bien sûr des modifications à la loi pour améliorer ce droit, mais ça implique aussi un changement de culture qu'il faut opérer. On constate que de nombreux organismes publics rendent accessibles une foule d'informations par Internet. En même temps, on se rend compte que ce ne sont pas des initiatives qui sont uniformes, et ça permet donc difficilement aux citoyennes et aux citoyens de s'y retrouver. Donc, si on avait un plan d'action qui établit un processus pour concrétiser le principe de la publication automatique de l'information et la protection des renseignements, je pense qu'on améliorerait grandement notre sort à cet égard.

Je laisse la parole à Mme Bouillé.

Mme Bouillé (Marie): Merci. M. le Président, donc, pour ce qui est du rôle de la personne responsable, les responsables de l'accès à l'information des organismes publics et gouvernementaux ont un rôle essentiel dans l'importance mais aussi la crédibilité qu'on veut donner à l'application de la loi. La loi actuelle décrit les devoirs et responsabilités de la personne qui assume ce rôle, mais elle est muette sur les prémisses qui devraient guider l'exercice de cette fonction. Or, cette tâche est délicate lorsqu'il s'agit, par exemple, d'évaluer le caractère public d'une information ou la sensibilité de documents produits par leur organisme. Dans ce contexte-là, il est souhaitable d'encadrer davantage le pouvoir discrétionnaire de la personne responsable, de lui accorder un meilleur soutien et d'accroître son imputabilité.

L'application de la loi s'est systématisée au fil des années, et un soutien accru a été accordé aux responsables. Il y a toutefois encore des efforts à faire afin de mieux les outiller pour leur permettre de saisir davantage toute la portée du droit d'accès à l'information. La formation des nouvelles personnes responsables de l'accès, complétée par une formation continue, est essentielle. Nous recommandons donc au gouvernement de mettre en place un programme de formation des personnes nouvellement désignées responsables de l'accès à l'information ainsi qu'un plan de formation continue pour les personnes déjà en fonction.

Par ailleurs, l'expérience démontre malheureusement que la personne responsable n'applique pas toujours son pouvoir discrétionnaire avec rigueur, notamment lorsqu'elle refuse l'accès à des documents. Souvent, les motifs exposés se limitent à citer l'article en vertu duquel l'accès est refusé. Compte tenu du principe de base du droit d'accès à l'information, les citoyennes et les citoyens sont en droit de connaître et de comprendre les raisons pour lesquelles l'accès est refusé. Ces raisons devraient donner un éclairage sur le contexte particulier, lié à l'information demandée, de l'organisme concerné. Cela contribuerait à accroître la confiance des citoyennes et des citoyens dans les décisions rendues par l'Administration publique. On s'attendrait donc à ce que le projet de loi vienne renforcer l'obligation de motiver les décisions de refus d'accès. Le Parti québécois fait donc sienne la recommandation de la Commission de la culture appuyant la recommandation n° 3 de la CAI qui vise à obliger le responsable de l'accès à indiquer au demandeur, lorsque le contexte s'y prête, quel préjudice la communication du document pourrait engendrer, quel est le processus décisionnel actuellement en cours et à quel moment le document pourra être accessible.

Les citoyennes et les citoyens ont souvent la perception qu'ils n'ont aucune prise sur les décisions de leurs institutions publiques. Ils ont l'impression que les décisions, qui ont pourtant un impact sur leur vie, sont prises par des personnes débranchées de la réalité, qui ne tiennent pas compte de leurs intérêts. Il découle de cette perception un cynisme populaire que la transparence des rapports entre la population et l'État peut contribuer à combattre. Dans ce contexte, l'indépendance de la personne responsable de l'accès à l'information est un des facteurs importants pour améliorer cette transparence. Si la personne responsable se sent à l'abri des pressions ou de l'influence de son organisme, cela engendrera nécessairement des rapports différents dans la transmission des décisions. Par conséquent, le Parti québécois fait sienne la recommandation aussi de la Commission de la culture à l'effet qu'une disposition de la Loi sur l'accès devrait clairement stipuler que le responsable de l'accès doit pouvoir bénéficier d'un mécanisme de protection particulier afin de préserver le libre exercice de son pouvoir discrétionnaire et de le prémunir contre toute pression indue dans l'accomplissement de son mandat.

Finalement, il faut donner plus de visibilité à l'application de la Loi sur l'accès et accroître l'imputabilité des responsables. L'administration de cette loi gagnerait beaucoup en transparence si, comme la CAI et la Commission de la culture le suggèrent, le rapport annuel des organismes contenait une partie expressément réservée au bilan par les responsables de l'application de la loi. Cette mesure permettrait de plus aux parlementaires de poser des questions à ce sujet dans le cadre de la reddition de comptes de l'Administration publique. La Commission de la culture en fait d'ailleurs une condition incontournable. Le Parti québécois recommande donc que le projet de loi soit amendé afin d'exiger que les responsables de l'accès des organismes publics et gouvernementaux produisent annuellement un bilan de l'application de la Loi sur l'accès.

Quant à la protection de la vie privée, bien que le droit à l'information soit essentiel pour l'exercice d'une démocratie participative, il est cependant limité par le droit à la vie privée. Toute la question de la protection des renseignements personnels recueillis et détenus par les organismes publics et privés revêt une importance primordiale.

L'article 28 du projet de loi introduit une obligation pour les organismes publics de prendre des mesures de sécurité et d'adopter une politique visant la protection des renseignements personnels. Il s'agit là d'une exigence positive. En revanche, il ne faudrait pas qu'en raison de cette obligation générale chacune des utilisations ou chacun des échanges de renseignements personnels ne soient pas supervisés par la CAI, d'autant plus que la lecture des articles 31 et suivants soulèvent certaines inquiétudes justement en regard de l'utilisation et de l'échange des renseignements personnels.

n(16 heures)n

L'article 31, par exemple, du projet de loi ne limite, d'entrée de jeu, l'utilisation des renseignements personnels qu'aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis mais ouvre ensuite la porte à certaines utilisations sans consentement. Les trois premiers paragraphes du premier alinéa laissent à l'appréciation de l'Administration publique l'utilisation de renseignements personnels sans que le consentement des intéressés et la surveillance de la CAI ne soient requis. Or, on peut se demander comment seront interprétés ces paragraphes par les organismes publics.

Notamment, entre autres, le mot «bénéfice», au paragraphe 2°. Comment on va s'assurer que l'interprétation sera uniforme dans l'ensemble des organismes de la fonction publique? Il s'agit là d'une ouverture inquiétante pour nous. La seule exception faite est le paragraphe 4°. Toutefois, il ne s'agit que d'informer la commission au préalable. L'organisme n'a donc pas l'obligation de recevoir une autorisation de la CAI avant de procéder à cet échange de données.

Les articles 33 et 38 du projet de loi ont pour effet de permettre la communication de renseignements personnels détenus par un organisme public si cela est rendu nécessaire à l'application d'une loi, même si cette communication n'y est pas prévue expressément. Bien sûr, la CAI doit en être informée au préalable. Elle en sera informée lors de l'échange de départ. Mais le sera-t-elle ensuite dans toutes les déclinaisons du projet? Par exemple, si une citoyenne ou un citoyen transmet ses nouvelles coordonnées à un service gouvernemental centralisé et que celui-ci les retransmet à tous les services concernés, ces derniers seront-ils soumis à la même surveillance s'ils retransmettent à leur tour l'information, particulièrement quand il y a échange d'information par la suite avec le privé?

De plus, les modifications proposées à l'article 67.2 de la loi exemptent dorénavant les organismes publics qui confient un mandat à un autre de le faire par écrit et de préciser les mesures qu'il doit prendre pour assurer que les renseignements personnels ne seront utilisés que pour les fins du mandat et qu'ils seront par la suite détruits à son terme. La surveillance par la CAI n'est pas exigée non plus.

Afin de protéger la relation entre les citoyennes, les citoyens et l'État en matière de protection des renseignements personnels, la Commission de la culture juge essentiel que le gouvernement maintienne les exigences du consentement et de l'autorisation préalable par la CAI des projets de partage et/ou de couplage d'information. Le Parti québécois recommande donc que le projet de loi soit revu afin de s'assurer que le consentement des intéressés ou la surveillance de la CAI seront exigés lors de l'utilisation ou de l'échange de renseignements personnels par les organismes publics.

Mme Richard (Monique): En guise de conclusion, bien sûr, vous dire qu'on appuie le gouvernement du Québec dans sa contestation de la validité constitutionnelle de la loi fédérale, à partir bien sûr de la défense des champs de compétence et des valeurs démocratiques que ça sous-tend, bien sûr. Et, en conclusion, l'accès à l'information, à des renseignements personnels, c'est un droit qu'on doit améliorer. Cependant, la transparence est un critère indéniable. Avec le développement des services en ligne, la prudence est de mise, et je pense que c'est important, tout le développement sur le consentement des personnes, quand on parle de la vie privée des personnes.

Alors, c'est l'essentiel de notre mémoire. On est prêtes à répondre à vos questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci pour la présentation de votre mémoire. Et je suis prêt à reconnaître une première question. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci, mesdames, pour votre présence aujourd'hui, pour votre présentation et pour l'intérêt que vous manifestez pour le projet de loi n° 86.

Dans votre mémoire, à la page 10, vous affirmez ceci, vous dites: «Le Parti québécois fait donc sienne la recommandation de la Commission de la culture appuyant la recommandation n° 3 de la CAI qui vise à obliger le responsable de l'accès à indiquer au demandeur, lorsque le contexte s'y prête, quel préjudice la communication du document pourrait engendrer, quel est le processus décisionnel actuellement en cours et à quel moment le document pourrait être accessible.» C'est exactement ça que vous avez lu il y a un instant, d'ailleurs, Mme Bouillé. J'aimerais savoir: Qu'est-ce que vous entendez par «lorsque le contexte s'y prête»? Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus, là? Parce que c'est quand même une réserve qui est importante dans votre mémoire. J'aimerais ça savoir ce que vous avez en tête.

Mme Bouillé (Marie): C'est sûr qu'il y a toujours, pour nous, deux principes, mais principalement un principe de base qui est l'accès à l'information. L'information doit être rendue disponible, et le citoyen et la citoyenne doivent pouvoir s'y retrouver, donc un accès facile, convivial, etc. Il y a toute la question aussi qui est la protection des renseignements personnels qui doit être assurée par l'État, et il y a des questions aussi de sécurité, si on veut, et c'est plus par rapport à cette allusion-là qu'on y fait. C'est sûr que, quand on parle de questions de sécurité, à ce moment-là, il y a un contexte qui peut être justifié et explicable envers le citoyen ou la citoyenne qui fait la demande, à l'effet que pour l'instant l'information ne peut pas lui être divulguée.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: O.K. Vous recommandez également d'inclure dans la loi des mesures contraignant les organismes gouvernementaux en quelque sorte, les ministères du Parlement, à adopter et à appliquer une politique de publication automatique de l'information. Qu'est-ce que vous entendez par «des mesures contraignant les organismes»? Parce qu'a priori je pense que tout le monde va admettre que c'est très difficile pour le gouvernement de s'imposer de lui-même des pénalités ou d'en imposer à ses propres organismes. Il y a peut-être d'autres mesures cependant qui peuvent être envisagées, qui auraient un effet contraignant. Est-ce que vous avez quelque chose en tête, au juste?

Mme Richard (Monique): Bien, nous, ce qu'on veut être en mesure... C'est le résultat qu'on veut, finalement. La méthode appartient au gouvernement. Mais, à partir du moment où un gouvernement va décider d'une loi, il faut qu'il soit en mesure d'en assurer la portée. Et, pour nous, on trouve très important que les organismes soient aussi assujettis au même type de fonctionnement, pour ne pas qu'on ait d'écart entre la volonté gouvernementale, qui a été écrite et votée dans le cadre d'une loi, et les actions ensuite des organismes publics, qui sont des partenaires, à un certain titre, sur un certain nombre de questions. Alors, c'est la cohérence aussi.

Moi, je pense qu'à partir du moment où on est en mesure d'avoir cette unité d'action, je pense que c'est important. Et c'est d'ailleurs dans ce cadre-là qu'on se référait à un plan d'action aussi dans la loi, pour se donner des outils et mettre à contribution, de façon très claire et explicite, ces organismes-là. Alors, c'est important que ce soit dit dans la loi, cette contrainte, cette obligation, parce que, quand on vote une loi, c'est sérieux, et il faut qu'elle ait la portée qu'on voudrait bien qu'elle ait, et donc il faut que les organismes travaillent dans le même sens.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Le plan d'action justement dont vous parlez, bon on retrouve l'expression dans votre mémoire, l'expression vient également de la Commission de la culture, c'est une recommandation de la Commission de la culture. Le plan d'action, dans votre esprit, est-ce que c'est dans le fond la politique de diffusion avec un certain nombre d'engagements gouvernementaux qui entourent ça? Est-ce que c'est ça que vous entendez par «plan d'action»?

Mme Richard (Monique): Un plan d'action, c'est un plan de mise en oeuvre où on indique chacune des étapes de cette mise en oeuvre, on indique qu'est-ce que chacune des étapes a comme portée, quel genre de document on veut, certaines lignes de conduite finalement sur la publication automatique et une espèce de cadre de fonctionnement avec un échéancier aussi pour qu'on soit au rendez-vous des résultats.

M. Pelletier: Et vous n'avez pas fait de commentaire, d'après ce que j'ai vu, par rapport à la proposition qu'on met de l'avant concernant la structure de la commission. Alors, vous savez que, nous, nous proposons que la commission soit divisée en quelque sorte en un volet administratif, un volet juridictionnel. J'aimerais vous entendre par rapport à cette proposition-là que nous mettons sur la table.

Mme Richard (Monique): ...la parole à Mme Charbonneau.

Mme Charbonneau (Sylvie): Les membres de l'exécutif du parti trouvent intéressant qu'on puisse augmenter le nombre de membres de la commission. C'est quelque chose qui est intéressant. Dans la discussion que les membres ont eue, on n'est pas certains que le fait de diviser les juridictions comme ça apporte quelque chose de nouveau et quelque chose d'important pour l'application de la loi. On s'est même posé la question: Est-ce que ça ne pourrait pas même entrer en conflit parfois de gérer l'application de la loi en silo de cette façon-là? Maintenant, on n'a pas vu non plus d'inconvénient important à fonctionner de cette façon-là, mais il y a des doutes, disons, qui persistent.

M. Pelletier: Vous vous posez des questions par rapport à cette division-là. Auriez-vous tendance à dire: On préfère le statu quo à cette proposition-là ou... Est-ce que vous avez examiné ça?

Mme Richard (Monique): On ne s'est pas situés, comme Mme Charbonneau l'a dit. On a débattu de la question sans trop savoir comment se situer. On avait plus des questionnements: Pourquoi les modifications? Et est-ce que ça peut générer plus de difficultés qu'autre chose, là? Mais on n'avait pas de position claire là-dessus.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, Mme Richard, Mme Charbonneau, Mme Bouillé, bien, merci de votre mémoire. Merci de vous intéresser à cette importante question qu'est l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels.n(16 h 10)n

Vous nous rappelez d'ailleurs certaines des recommandations que nous avions faites à l'époque, la Commission de la culture, qui reprenaient parfois aussi des recommandations que nous avait faites la Commission d'accès à l'information, et c'est bien d'y revenir.

Je vous invite d'abord à prendre connaissance de l'ébauche. C'est une ébauche, évidemment, on n'est pas rendus à la fin, donc elle mérite d'être bonifiée à la lumière de vos commentaires et de ceux qu'on entend jusqu'à maintenant. C'est évidemment un document qui risque d'être... en tout cas que plusieurs vont souhaiter être additionné, là, de plusieurs éléments.

Entre autres, un des éléments importants que vous faites ressortir, c'est un peu sur l'uniformisation si on veut une véritable politique, évidemment, et la réaction des organisations à cette politique et à la divulgation de l'information est différente d'une organisation à une autre, et c'est vrai pour les ministères. Donc, si on veut vraiment appliquer et qu'il y ait une véritable politique de divulgation, c'est de s'assurer d'une certaine uniformité. Et, à la lecture de l'ébauche de politique, en tout cas vous nous ferez vos commentaires, mais on voit difficilement comment on peut avoir cette uniformité, puisque les travers des organisations... ou plutôt cette culture du secret peut continuer à s'illustrer à travers leur propre politique que, eux, ils vont mettre en branle.

Donc, de ce que je comprends, vous visez vraiment deux finalités: l'uniformisation, mais en même temps d'être beaucoup plus concret dans cette politique et de ne pas laisser à un comité, ou à une personne en particulier, ou à un comité le soin d'établir les grands paramètres de cette politique. C'est ce que vous souhaitez?

Mme Richard (Monique): Bien, c'est très clair, on sait très bien que les différents organismes qui ont à appliquer cette politique ont des fonctionnements qui leur sont spécifiques, et on veut respecter ça.

Mais en même temps, moi, je pense qu'au-delà de se mêler ? passez-moi l'expression ? de la poutine administrative des organisations quant à leurs façons de faire il reste qu'il y a un certain nombre de règles d'encadrement qui devraient être précisées et qui devraient, selon le fonctionnement de chacune des organisations, leur créer un certain nombre d'obligations. Alors, l'uniformité, c'est dans ce qu'ils doivent donner dans l'accessibilité.

Vous avez sûrement entendu comme moi énormément de citoyens et de citoyennes qui ne s'y retrouvent pas parce que les façons de faire sont différentes d'un organisme à l'autre, et c'est pour ça que je pense, moi, qu'un plan d'action, un certain nombre de règles en créant l'obligation aux organismes, ça devrait être présent de façon à encadrer le processus. Bien sûr, les organisations agiront au mieux pour répondre à ces responsabilités-là, à cette uniformité-là avec ce qu'elles sont comme organisations, avec les moyens qu'elles ont aussi, mais, moi, je pense que, quand on modifie une loi comme celle-là, on doit, comme je le disais tout à l'heure, s'assurer de sa portée réelle. Si on n'est pas capable d'assurer la portée, bien on ne prend pas la peine de la modifier, à mon avis. Et, si on la modifie, on donne un cadre qui est utilisable par les différents organismes pour répondre à l'obligation de résultat que nous donne cette loi-là.

Oui, la dimension concrète des choses... Souvent, des personnes vont chercher des documents. Ça me fait penser au livre Avez-vous vu Charlie?, là, qu'on cherche un peu partout, tellement il est minuscule. Alors, je pense que c'est important de donner aussi des processus pour faire en sorte que les gens s'y retrouvent.

M. Bédard: Merci. C'est parce que je lisais un peu le règlement, et il y a effectivement des documents qui sont visés. Par contre, on laisse aussi de grandes latitudes. Quand on parle, au paragraphe 6°... Puis là évidemment vous ne l'avez pas devant vous, là. Je m'excuse de... Vous l'avez, on vous l'a ajouté, là, mais... À l'article 6, au paragraphe 6°, les études, recherches, rapports statistiques réalisés par l'organisme ou pour son compte, les plus fréquemment demandés ou qui représentent un intérêt pour l'information du public évidemment ou qui représentent un intérêt pour l'information du public, ça laisse place à quand même beaucoup d'interprétations, hein, et un travers d'une organisation risque de se manifester à travers l'interprétation qu'on va faire de l'intérêt du public, d'où...

Mme Richard (Monique): Effectivement, si on parle d'environnement, par exemple, qui est un dossier assez... si on parle d'agriculture, peu importe le secteur où on se retrouve, à un moment donné, on doit l'avoir, l'information, et les citoyens et les citoyennes la veulent pour être en mesure de prendre des décisions et de faire des interventions.

Il y avait Mme Bouillé qui voulait ajouter quelque chose.

Mme Bouillé (Marie): Je veux juste rappeler que le principe de base vraiment et qu'on souhaiterait voir vraiment comme enchâsser dans cette loi-là, c'est l'accès à l'information pour les citoyennes et les citoyens. C'est vraiment de ce bout-là de la lorgnette qu'il faut le regarder. Donc, pour quelqu'un qui, au Québec, cherche une information, il doit pouvoir s'y retrouver facilement, que ce soit disponible, et qu'il s'y retrouve, pas qu'il essaie de comprendre les dédales administratifs des organismes publics, entre autres.

M. Bédard: D'où l'idée aussi évidemment de ne pas simplement avoir un plan de classification aussi mais un index des éléments qui vont être beaucoup plus malléables et qui vont pouvoir identifier les documents. D'ailleurs, le Conseil de presse, je pense, nous recommandait, ce matin, aussi les nouveaux documents, qu'il y ait même un index particulier pour qu'on puisse savoir très rapidement quels sont les nouveaux documents qui sont maintenant disponibles sur le site ou ailleurs par le ministère. Sinon, quand on ajoute un nom à une liste déjà très longue, bien c'est très difficile pour les gens de s'y retrouver.

Au niveau des droits des personnes handicapées, je vois que vous recoupez plusieurs des recommandations qui nous ont été faites par rapport aux frais. Une des propositions que nous avons de l'Office des personnes handicapées... Et vous dites dans votre mémoire qu'il est difficile qu'on puisse faire supporter la possibilité de faire payer à la personne, finalement, d'exiger des frais pour les coûts de transfert sur support de substitution, qui sont, là, très élevés. Et l'Office des personnes handicapées et deux autres organisations ? dont une qui vous a précédée tout à l'heure ? semblaient positifs à l'effet que, si des frais sont demandés, ils ne peuvent pas être au-delà des frais qui sont demandés à tout citoyen pour le transfert sur support papier. Est-ce que ça vous semblerait acceptable?

Mme Richard (Monique): Oui. Nous, je pense que notre préoccupation, c'est l'équité. Je pense que, s'il y a des frais qui s'appliquent à tout le monde, ils s'appliqueront, mais ils ne doivent pas être amplifiés du fait d'un handicap ou d'une difficulté. Puis on sait effectivement que toute cette question des supports de substitution, c'est onéreux, c'est exigeant. Alors, moi, je pense que, si on a une loi qui prône l'accessibilité, la transparence, la disponibilité de l'information, bien il faut avoir aussi les outils et faire en sorte que tout le monde, à parts égales ? j'ai presque envie d'utiliser le terme ? puisse ? parce qu'on en a parlé depuis 20 ans, À part... égale, au Québec ? que les personnes qui ont des difficultés puissent aussi, sur le même pied que les autres, avoir accès.

M. Bédard: J'aime bien aussi votre recommandation à la page 10. C'était une des recommandations que, nous, nous avions faite, la Commission de la culture. C'était concernant l'obligation pour le responsable d'aller un peu plus loin dans le refus qu'il envoie. Et je me souviens, à l'époque, plusieurs nous l'avaient représenté. On reçoit finalement un non avec un article de loi, ou à peu près, et la personne est frustrée. Je me souviens même d'avoir eu, à mon bureau de comté, une personne, à ce moment-là, qui est arrivée avec sa demande de refus, et, moi, j'étais dans les travaux de la commission. Il a fallu que je ressorte ma loi pour être sûr, et c'est moi qui lui ai expliqué: Bon, bien, ça devrait ressembler à ça, mais ce n'est peut-être pas ça non plus; mais je vois l'article, il y a trois possibilités, donc ça devrait être ça.

Vous proposez des éléments qui me semblent intéressants, là, qui n'ont pas été retenus à l'intérieur du projet de loi. Mais est-ce que c'est venu de votre réflexion ou vous avez fouillé dans d'autres législations où on prévoyait une telle façon de faire de façon beaucoup plus descriptive?

Mme Charbonneau (Sylvie): Oui. C'est sûr qu'on a examiné l'ensemble des recommandations qui ont été faites, et on a été particulièrement sensibles à ça justement parce que des citoyens aussi, des militants, chez nous, nous ont fait part de cette frustration de ne pas recevoir toute l'information et de ne pas comprendre surtout pourquoi on leur refusait un document. Je pense que ça fait partie du droit fondamental de bien comprendre pourquoi on refuse. S'il faut faire toute une procédure pour avoir le fin mot de l'histoire, savoir dans le fond pourquoi on refuse l'accès à l'information... C'est difficile pour un citoyen d'aborder ça, alors que c'est si simple d'inclure dans une lettre le détail de ce pourquoi on ne peut pas diffuser l'information. Ça permet au citoyen de se situer et de comprendre le mouvement de l'organisme gouvernemental.

n(16 h 20)n

M. Bédard: Merci.

Mme Richard (Monique): Et je pense que, quand on parle de transparence, quand on parle d'accessibilité, on parle en même temps de respect des personnes. Et, quand on fait une démarche pour accéder à une information, c'est normal, en personnes intelligentes que nous sommes, de recevoir les raisons pourquoi ce n'est pas possible, compte tenu qu'il y a une loi d'accès à l'information.

M. Bédard: Merci. Je sais que mon collègue a des questions. J'aurais peut-être une petite représentation. Des fois, il y a des éléments qui sont importants. Dans votre mémoire, à la page 9, comme l'avait souhaité d'ailleurs la Commission de la culture, là, celui d'assurer une formation continue... Et je pense effectivement, vu l'évolution de ce droit, des décisions même et des façons de faire, il est important que cette formation soit continue.

Et, au règlement, actuellement ? et c'est des détails, mais on voit que ça peut avoir toute son importance ? on y prévoit la mise sur pied d'un programme de formation, en matière d'accès obligatoire, pour tous les nouveaux responsables de l'accès aux documents et de veiller à ce qu'un programme soit aussi offert aux sous-ministres, aux sous-ministres associés, adjoints, ainsi qu'aux dirigeants des organismes gouvernementaux. Je pense qu'il faut aussi... Ce n'est pas parce qu'on a une formation de départ... Et ça, ce n'est pas seulement vrai pour les responsables d'accès, évidemment, c'est une réalité dans le monde du travail en général: ça prend une politique de formation continue de ces responsables et pas simplement lors de leur entrée en fonction. Donc, ce serait un des éléments à voir ajoutés à une véritable politique.

Mme Bouillé (Marie): Tout à fait, tout à fait. Pour nous, c'est essentiel, là, non seulement pour les nouvelles personnes nommées, mais que systématiquement... surtout parce qu'en regard de l'application de la loi il y a vraiment, au fil du temps, des ajustements, etc. Donc, il faut, je pense, rappeler aux personnes l'importance de leur rôle mais aussi toute la question de la protection des renseignements personnels. C'est quand même fondamental, là, en termes de vie citoyenne, et ces personnes-là ont un grand rôle. Donc, la formation, pour nous, est au coeur du support qui doit être donné à la responsabilité accordée à la fonction, oui.

M. Bédard: Merci. Je vous invite ? je le fais à chacun, donc je vais le faire à vous aussi ? à prendre connaissance du règlement et à nous transmettre... le projet de règlement plutôt et à nous transmettre vos commentaires, parce qu'il y a certains éléments que vous allez retrouver ou il y a des informations plus précises quant aux documents qui doivent être admissibles, mais est-ce qu'on peut aller plus loin par rapport aux demandes que vous avez? Donc, j'aimerais avoir vos commentaires par la suite. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Donc, je remercie le Parti québécois pour la présentation de son mémoire. Je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Association sur l'accès et la protection de l'information puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

 

(Reprise à 16 h 26)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos auditions. Nous recevons donc l'Association sur l'accès et la protection de l'information.

Je vous explique brièvement les règles de la commission: vous avez un maximum de 20 minutes pour présenter, de la façon que vous jugerez à propos, votre mémoire, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Avant de débuter la présentation de votre mémoire, je vous prierais, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous identifier et ensuite de ça de procéder à cette présentation-là. Donc, la parole est à vous.

Association sur l'accès et la protection
de l'information (AAPI)

Mme Laurendeau (Viviane): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, il nous fait plaisir de vous présenter le mémoire de l'Association sur l'accès et la protection de l'information dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 86. Je me présente, Viviane Laurendeau, vice-présidente de l'association; à ma droite, Me François Charrette, secrétaire de l'association; et, à ma gauche, Mme Linda Girard, directrice générale. Le président de l'association, le Dr Bruno L'Heureux, a été convoqué, hier, à une importante réunion par le président de l'Agence de santé de Montréal et pour cette raison vous prie de l'excuser.

L'association, mise sur pied il y a 14 ans, est un organisme sans but lucratif qui vise à regrouper des personnes ayant un intérêt en matière d'accès à l'information, de protection des renseignements personnels et de respect de la vie privée. Elle regroupe plus de 300 membres qui proviennent principalement du secteur public québécois mais également des professionnels, des organismes ou des entreprises du secteur privé. Ils sont principalement des responsables, des juristes, des archivistes et des gestionnaires qui proviennent de différents secteurs d'activité, notamment du domaine municipal, du milieu de l'éducation, du secteur de la santé et des services sociaux, des ministères et organismes ainsi que du secteur privé. Son action s'articule autour de quatre grands axes: la formation et le perfectionnement; l'information et la sensibilisation; les conférences et colloques sur des sujets d'actualité; et enfin la représentation auprès des instances gouvernementales et parlementaires.

L'association élabore, chaque année, un important programme de perfectionnement, d'activités et d'événements tant pour ses membres que pour le public. Pour répondre à son mandat d'information, l'association publiera, cet automne, un guide pratique de plus de 1 000 pages sur l'accès et la protection de l'information, qui fournira aux responsables des organismes publics un outil de référence pratique et complet leur permettant de mieux comprendre et appliquer les obligations que leur impose la Loi sur l'accès.

n(16 h 30)n

Forte de son expertise en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, depuis sa fondation, elle participe aux différentes consultations publiques touchant les avant-projets de loi et projets de loi qui traitent directement ou indirectement de questions liées au droit à l'information et à la protection des renseignements personnels. À titre d'exemple, l'association a présenté ses observations dans le cadre des débats publics relatifs à l'opportunité d'avoir une carte d'identité au Québec, à la protection des renseignements personnels et à la recherche généalogique, ainsi qu'à la vidéosurveillance. Elle a également participé à plusieurs commissions parlementaires au sujet de la révision de la Loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé ainsi qu'à la consultation portant sur La loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions. Puisque sa raison d'être est de promouvoir l'accès à l'information, le respect de la vie privée et la protection des renseignements personnels, l'association croit qu'il est de son devoir d'intervenir lorsque l'intérêt du public est en cause, tout comme lorsque les intérêts de ses membres sont affectés par une mesure législative ou réglementaire ou par une politique gouvernementale. Il arrive également que des événements externes justifient son intervention. C'est dans cette perspective qu'elle se propose, aujourd'hui, de soumettre ses commentaires au sujet du projet de loi.

En dernier lieu, nous croyons opportun de souligner que l'association reçoit annuellement une aide financière du Secrétariat de la réforme des institutions démocratiques et de l'accès à l'information afin de soutenir ses activités. Ce faisant, le secrétariat reconnaît que l'association assume une tâche importante auprès des responsables, ces derniers jouant un rôle cardinal dans la mise en oeuvre du régime d'accès à l'information gouvernementale et de protection des renseignements personnels. Ce partenariat entre l'association et le secrétariat a du reste permis de mieux cerner les contraintes inhérentes à l'exercice des fonctions des responsables, à identifier les besoins de formation et de perfectionnement et ultimement à favoriser une reconnaissance plus efficace des deux droits fondamentaux consacrés dans la Loi sur l'accès et dans la Charte des droits et libertés de la personne, le droit à l'information et le droit à la vie privée.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, Me François Charrette, qui vous fera part des commentaires et observations de l'association à l'égard du projet de loi.

M. Charrette (François): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, alors, d'entrée de jeu, il est bon de mentionner que l'association accueille favorablement le projet de loi qui a été présenté. Ainsi, nous nous réjouissons que plusieurs éléments s'y retrouvent. C'est le cas notamment des dispositions relatives au support de substitution, à la création de deux sections au sein de la Commission d'accès à l'information, au processus de sélection des membres de cette même commission ainsi qu'à l'élimination de la requête pour permission d'en appeler à la Cour du Québec. Il en est de même des dispositions du projet de loi qui prévoient désormais qu'il ne reviendra plus à la Commission d'accès à l'information de procéder à une évaluation des lois qu'elle administre mais plutôt au ministre responsable, à qui il incombera de faire procéder à un rapport indépendant sur la mise en oeuvre de ces lois.

Je vais aborder, dans le cadre de ma présentation, certains éléments du mémoire, là, et non pas le reprendre au long. Alors, dans un premier temps, à l'égard de l'obligation d'établir et de tenir à jour un plan de classification, c'est-à-dire l'article 7 du projet de loi, alors le plan de classification auquel fait référence le règlement sur le calendrier de conservation est, d'abord et avant tout, un outil de gestion interne élaboré par les organismes publics dans le but d'établir des règles de conservation des documents et non pas un document conçu pour les citoyens afin de les aider à repérer des documents et faciliter l'exercice du droit d'accès. À notre avis, le plan de classification est beaucoup trop général pour permettre au citoyen de bien comprendre la nature des activités d'un organisme public en particulier et d'identifier les documents qui pourraient l'intéresser.

Ce dont les demandeurs d'accès ont besoin, croyons-nous, c'est d'un outil beaucoup plus spécifique qui permette, dans chaque organisme, d'identifier spécifiquement chacune de ses directions et sections administratives, avec une description de leurs mandats respectifs et un index des types de dossiers détenus. Cet index devrait du reste être mis à jour afin de refléter l'objet des dossiers administratifs sur lesquels le personnel de l'organisme a travaillé au cours des années antérieures ou sur lesquels il travaille actuellement. On constatera d'ailleurs que, dans plusieurs sites Internet d'organisme public, on retrouve déjà un index détaillé des différentes directions et services des organismes et des types de dossiers qu'ils sont appelés à détenir.

En ce qui concerne la politique de diffusion de l'information établie par règlement, alors, évidemment, l'association souscrit à cet élément important de la réforme contenue dans le projet de loi. Elle est d'opinion qu'il s'agit d'une mesure proactive importante qui devra avoir pour effet de réduire le volume de demandes d'accès à traiter dans le cadre de la procédure formelle de la Loi sur l'accès. On doit toutefois regretter que le Règlement sur la politique de diffusion de l'information ne vise que les ministères et organismes gouvernementaux. Nous ne voyons pas pourquoi les organismes scolaires, les organismes municipaux et les établissements de santé et de services sociaux ne seraient pas soumis aux mêmes exigences de transparence.

Dans un domaine un peu plus technique, en ce qui concerne la communication de renseignements visée par les articles 23, 24, 28 et 29 de la Loi d'accès, les restrictions qu'on appelle impératives, tel que proposé, le nouvel article 41.2 de la Loi sur l'accès vise à permettre à un organisme public de communiquer un renseignement qui n'est pas nominatif mais qui est visé par une restriction impérative. L'ajout d'une telle disposition est surprenant. L'économie générale de la Loi sur l'accès, telle que nous l'avons toujours comprise, est à l'effet que les renseignements personnels ne peuvent circuler entre les organismes publics que dans les cas et aux conditions prévus par la Loi sur l'accès. Mais, en ce qui concerne les renseignements administratifs, c'est-à-dire les renseignements qui ne sont pas des renseignements personnels, il n'existe pas, dans la Loi sur l'accès, de règle de confidentialité équivalente à celle que l'on retrouve à l'article 53 de la Loi sur l'accès. Tout ce que prévoient les articles 23, 24, 28 et 29 de cette loi, ce sont des restrictions impératives qui sont applicables lorsque l'organisme public est saisi d'une demande d'accès à des documents. Il n'a jamais été de l'intention du législateur, croyons-nous, d'empêcher la circulation des documents et des renseignements administratifs entre les diverses composantes de l'État.

Dans ce contexte, l'adoption de l'article 41.2, tel que proposé, pourrait non pas élargir la possibilité pour les organismes de s'échanger des documents et renseignements administratifs, telle qu'elle existe actuellement, mais au contraire en limiter la circulation aux seuls cas prévus par cette disposition.

Quant au risque que la liste de l'article 41.2 ne soit pas complète, il nous semble très élevé. À titre d'exemple, le paragraphe 1° prévoit la communication de renseignements au procureur de l'organisme lorsque le renseignement est nécessaire aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi. Il serait donc illégal de communiquer un dossier administratif contenant des renseignements visés par les articles 23, 24, 28 et 29 aux avocats externes de l'organisme pour obtenir un avis juridique ou pour entreprendre des poursuites civiles, puisque l'exception ne vise que les infractions aux lois. Alors, c'est le danger lorsqu'on se met à décortiquer ou à vouloir par une liste déterminer les situations, on risque d'en oublier, qui nous semblent pourtant évidentes aujourd'hui. En somme, nous craignons les effets pervers de cette disposition telle que libellée. Nous croyons que c'est dans l'article 171 de la Loi sur l'accès qu'il y aurait lieu de prévoir une règle interprétative à l'effet que cette loi n'a pas pour effet de restreindre la communication de documents ou renseignements visés par le chapitre II de la Loi sur l'accès à d'autres organismes publics.

Parlons maintenant de l'obligation de prêter assistance au demandeur. Actuellement, l'article 42 de la Loi sur l'accès prévoit que, pour être recevable, la demande d'accès à un document doit être suffisamment précise pour permettre de le trouver, alors que son article 44 énonce que le responsable doit prêter assistance à toute personne qui le requiert. Le texte proposé consiste à abroger l'article 44 et à ajouter un deuxième alinéa à l'article 42 de manière à imposer au responsable l'obligation de prêter assistance non seulement aux personnes qui le requièrent, mais également aux personnes dont les demandes d'accès ne sont pas suffisamment précises.

De prime abord, cette modification peut sembler généreuse et justifiée. L'association croit cependant qu'elle risque de placer le responsable de l'accès dans une situation intenable. Il ne faut pas oublier que ce dernier a l'obligation de répondre à une demande d'accès dans un délai de 20 jours. Le rôle du responsable consiste, à l'intérieur de ce délai, à analyser la demande d'accès, à rechercher les documents demandés, à les analyser à la lumière des restrictions et autres dispositions de la loi et enfin à rendre une décision. C'est donc en fonction de la demande telle que formulée que le responsable doit rendre sa décision dans les 20 jours.

Il faut comprendre, et je pense que c'est important de le rappeler, que les demandes imprécises relèvent, la plupart du temps, pour l'avoir vécu à l'intérieur d'un organisme public, de ce qu'il convient d'appeler les parties de pêche, de sorte que la demande finale diffère complètement de la demande initiale. Or, ce nouvel article 42 a pour conséquence de faire jouer à la fois au responsable de l'accès deux rôles difficilement conciliables, à savoir celui de décideur au sein de l'organisme et celui de conseiller du demandeur. Nous croyons à cet égard que la situation qui prévaut actuellement aux termes de l'article 44 de la Loi sur l'accès est tout à fait appropriée et ne requiert aucune modification.

n(16 h 40)n

En ce qui concerne les modifications proposées par le projet de loi au chapitre de la protection des renseignements personnels dans le cadre de la Loi sur l'accès, l'association se doit également de manifester une certaine déception. Notre association aurait espéré qu'on procède à une réforme en profondeur du régime afin de le rendre plus simple, moins bureaucratique, moins sujet à des débats judiciaires et quasi judiciaires. Ainsi, il nous est difficile de comprendre qu'un employé du secteur privé qui demande accès à son dossier ne puisse se le voir refuser que dans des circonstances exceptionnelles.

En fait, dans la loi du secteur privé, il existe quatre situations où on peut refuser à un employé d'une entreprise accès à son dossier. Pour leur part, les employés des organismes publics qui désirent consulter leurs dossiers risquent de faire face à 23 restrictions dont plusieurs sont impératives. De même, contrairement à leurs homologues du secteur privé, dès qu'un renseignement concerne une autre personne physique et se retrouve dans leurs dossiers, il leur est strictement interdit d'en prendre connaissance, et ce, sans égard au préjudice qu'en subirait le tiers.

Dans la même veine, nous aurions apprécié que le présent processus de révision donne lieu à une réflexion sur la notion de «renseignement personnel ou nominatif». Les renseignements qui concernent les faits et gestes d'un employé ou d'un professionnel dans l'exercice de ses fonctions sont-ils des renseignements personnels? Après 20 ans, on se retrouve encore avec deux courants jurisprudentiels sur cette question fondamentale. Les idées ou les opinions émises par un autre individu à notre sujet constituent-ils des renseignements personnels pour celui qui a émis l'opinion en question? À cet égard, on peut constater qu'en vertu de la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels l'opinion qu'un employé émet sur un autre individu n'est pas un renseignement personnel pour celui qui a émis l'opinion. Malheureusement, le projet de loi à l'étude ne traite pas non plus de cette question, pas plus qu'il ne remet en question la sphère de protection qu'on vise par la section sur la protection des renseignements personnels.

Dans un autre ordre d'idées, en ce qui concerne l'obligation d'adopter et de mettre en oeuvre une politique de protection des renseignements personnels, alors l'association croit que l'adoption d'une politique par voie réglementaire qui traite des divers aspects précédemment mentionnés est une excellente initiative qui va tout à fait dans le sens du plan d'action gouvernemental en matière de protection des renseignements personnels. Par contre, nous nous interrogeons encore une fois sur les motifs pouvant justifier que l'article 16.1 ne vise qu'un ministère ou un organisme gouvernemental visé par l'article 3 ou encore un organisme public visé par règlement. Cette façon de faire semble indiquer que ces organismes nécessitent un encadrement particulier en matière de protection des renseignements personnels, alors que cet encadrement ne serait pas nécessaire pour les organismes municipaux, les organismes scolaires et les établissements de santé et de services sociaux.

Obligation de soumettre une entente de communication de renseignements personnels à la commission. Alors, dans notre mémoire, vous allez voir, on a développé toute une section à cet égard-là. De manière simplifiée, là, plutôt que de se promener d'un article à l'autre ? puis ça pourrait devenir un peu complexe dans le cadre du temps qu'on dispose ? disons que la situation proposée fait en sorte qu'on se retrouve avec une multitude de possibilités ou de chemins pour en arriver à un même but. C'est-à-dire que vous remarquerez qu'il y a des situations qui sont visées par différents articles. Certains de ces articles-là nécessitent un avis préalable, d'autres une entente écrite, puis des fois, si on passe par 67, on n'a pas besoin d'avis préalable ni d'entente, et la situation... Finalement, l'organisme va choisir son chemin. On est rendus avec un régime fort complexe qui donne beaucoup de possibilités.

Et, quand je m'en venais ? je reste en Montérégie puis je m'en venais, ce matin, sur la 20 ? je me disais: La meilleure façon, ce serait de prendre un grand tableau blanc, trois crayons de couleur, les cas qui ne visent pas d'avis, les cas qui visent un avis préalable et les cas qui visent une entente écrite, et on verrait des chemins extrêmement complexes. C'est un peu le régime où on en est rendus, et ça, je ne suis pas sûr que c'est la situation la plus souhaitable pour tout le monde. Ce n'est pas simple pour les organismes, et je ne pense pas nécessairement que le citoyen soit mieux servi par un régime d'une telle complexité, parce qu'on n'arrive même pas à lui expliquer que, oui, c'est vrai que par tel article ça prend une entente, mais on passe par telle autre puis celle-là n'en prévoit pas. Et ça, c'est difficile pour les citoyens de comprendre les choix qu'on fait.

Modifications proposées à la Loi sur l'accès en matière de révision et d'enquête. Écoutez, seulement un point dans le cadre de la présentation. Certaines dispositions prévoient la délégation... En fait, les nouveaux articles 130.2 et 139 de la Loi sur l'accès permettent au président de la Commission d'accès à l'information de déléguer au personnel de la commission des pouvoirs dévolus à cette dernière. À titre d'exemple, l'article 129 prévoit qu'au terme d'une enquête la commission peut, après avoir fourni à l'organisme public l'occasion de présenter ses observations écrites, lui ordonner de prendre des mesures qu'elle juge appropriées. En d'autres mots, le personnel de la commission pourrait exercer des pouvoirs d'ordonnance à l'égard d'un organisme public. L'association juge qu'une telle délégation de pouvoirs est inacceptable puisque les conséquences de telles ordonnances sont très graves pour les organismes publics. L'importance de ces pouvoirs commande qu'ils soient exercés seulement par des commissaires.

Quelques mots à l'égard de la loi sur le secteur privé. Deux mots. Alors, évidemment, l'association aurait souhaité une harmonisation un peu plus grande entre les régimes parce que, dans le fond, la protection des renseignements personnels, la vie privée des gens, qu'elle soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, ils devraient obtenir une protection équivalente.

Je vais juste vous parler de l'interdiction de communiquer à la personne concernée des renseignements concernant une autre personne. Vous savez que, dans la Loi sur l'accès, le régime, il est différent que dans le secteur privé. Dans le secteur privé, il faut que le renseignement concerne une autre personne et que sa divulgation cause un préjudice sérieux... sérieusement nuise, plutôt que préjudice sérieux, alors qu'on n'a pas ce concept de «préjudice» dans le secteur public. Ce qui est proposé, c'est de modifier le secteur privé pour enlever cette notion de «préjudice» du secteur privé, pour que, là, on ait l'équivalent dans les deux régimes, c'est-à-dire que, dès qu'il y a un renseignement nominatif, il sera interdit de le communiquer.

Il faut faire attention parce que, dans le dossier d'un individu, lorsqu'on inscrit le nom d'une autre personne, il y a toujours un renseignement nominatif qui justifie la présence: c'est soit un plaignant, c'est soit un témoin, c'est soit un dénonciateur, c'est soit une personne qui a émis une opinion. Donc, il y a toujours, toujours un renseignement, et pourtant il n'y a pas nécessairement un préjudice sérieux. Alors, il faut se demander si c'est une bonne chose de toujours systématiquement refuser, parce que ça crée beaucoup de frustration pour les demandeurs de ne pas comprendre pourquoi on cache toujours les noms. Parce que les responsables passent pour des méchants parce qu'ils cachent des bouts de document, mais dans le fond ils ne font qu'appliquer la loi, surtout que ce sont des dispositions impératives. Alors, dans ce contexte-là, ce qu'on préconise, c'est que la situation qui prévaut présentement, à cet égard-là, dans le secteur privé, c'est celle-là qu'on devrait transporter dans le secteur public, et non pas l'inverse. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci pour la présentation de votre mémoire. Et je suis prêt à reconnaître le ministre pour une première question.

M. Pelletier: Merci beaucoup, Mme Laurendeau, Mme Girard, M. Charrette. Merci de votre présentation. Merci de votre mémoire. Merci de l'intérêt que vous manifestez pour le projet de loi n° 86.

Vous affirmez dans votre mémoire, par rapport aux situations qui sont prévues à l'article 68 de la Loi sur l'accès, qu'en fait vous ne voyez pas pourquoi cette situation-là requerrait l'avis préalable de la Commission d'accès à l'information. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'en fait c'est quand même, je dirais, des propos qui détonnent par rapport à ce que certaines personnes viennent nous dire ici, depuis le début de la commission.

M. Charrette (François): Effectivement, j'ai écouté, par le biais d'Internet, les deux premières journées d'audience devant cette commission, et beaucoup de personnes sont venues parler de différents scénarios catastrophiques face à l'échange d'information.

Ce qu'il faut comprendre, puis je ne reprendrai pas le contenu du mémoire, là, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que, lorsqu'un organisme public fournit un service à un citoyen ? donc, c'est son client, il est en prestation de services ? et qu'il doit, pour être en mesure de fournir le service demandé, interagir avec un autre organisme, c'est certain que c'est à l'avantage de la personne. Et ça, on est venu vous le dire. Comment le responsable, comment l'organisme va faire pour déterminer si c'est à l'avantage ou au bénéfice de la personne? Bien, premièrement, je vous dirais, là, que pas mal tout le monde ici est suffisamment intelligent pour discerner ce qui est bon et pas bon pour une personne. Et il ne faut pas oublier qu'on est dans le cadre d'une prestation de services, là. Les gens nous demandent des choses parce qu'on administre un programme quelconque. Alors, on se comprend qu'une décision défavorable, ce n'est pas nécessairement au bénéfice. Par contre, s'il nous manque un renseignement pour compléter le dossier et là fournir la prestation qui est demandée, tout le monde va dire: Bien, c'est évident que c'est au bénéfice. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on annonçait, dans le mémoire...

n(16 h 50)n

Il y a d'autres situations qui sont mentionnées, mais nous ne voyons pas la crainte telle qu'elle vous a été présentée par certains organismes qui se sont présentés devant vous. C'est sûr que, si vous partez de la prémisse que les organismes cherchent à faire le mal, c'est sûr qu'il n'y a rien qui fonctionnera. Mais je pense que, dans la vie, il faut partir du principe que tout le monde est de bonne foi, les organismes travaillent bien, font leur possible, et, dans ce contexte-là, on est tous capables et responsables d'évaluer les situations.

Alors, dans le cas dont je vous parle, au bénéfice d'une personne, c'est souvent des communications ad hoc. Alors, l'obligation d'en aviser la commission à chaque fois qu'on le fait, je ne suis même pas sûr qu'au sein d'un organisme on va pouvoir répertorier ces choses-là. Moi, il me manque un renseignement d'un organisme qui est partenaire à la gestion d'un programme, puis je communique avec pour l'avoir pour après ça donner ma réponse au citoyen qui a demandé le bénéfice. Bien, il va falloir que j'envoie un avis avant de communiquer... puis là je n'ai pas besoin d'une entente, ou, si je passe par 7, parce que c'est l'application de la loi que je fais... administre un programme, je n'aurai pas besoin d'entente. Alors, je pense que le régime, il est fort complexe, et je ne suis pas convaincu, comme on le mentionnait au mémoire, qu'on a ciblé nécessairement les bonnes situations.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Si on ne demande pas, en vertu de l'article 68, l'avis préalable de la Commission d'accès à l'information, est-ce que vous voyez néanmoins un rôle pour la commission par rapport à la divulgation et à la circulation des informations?

M. Charrette (François): Bien, écoutez, il y a ce qu'on a toujours considéré comme étant les couplages de fichiers. Lorsque deux organismes échangent ou permettent à leurs banques de données de se parler, hein, et de se croiser, je pense que la commission devrait... Parce que, premièrement, c'est des opérations systématiques, alors c'est facile de soumettre un dossier à la Commission d'accès pour lui demander si elle est favorable au croisement ou si elle considère que ça pourrait porter atteinte à la vie privée des gens. Alors, oui, il y a un rôle, manifestement. Il s'agit juste de déterminer les situations qui requièrent... À partir du moment où qu'on est plus dans le cadre du dossier cas par cas, je pense que d'imposer des avis et des démarches au près de la commission, quels qu'ils soient, ça devient extrêmement lourd administrativement.

M. Pelletier: Une question qui est largement discutée ici, c'est celle de l'indépendance des responsables de l'accès à l'information ou de la protection des renseignements personnels par rapport aux organismes, bon, dont ils font partie. Nous avons entendu, aujourd'hui, le Barreau du Québec, et particulièrement Me Raymond Doray, plaider en faveur de la situation actuelle, en vertu de laquelle en quelque sorte il y a une délégation de pouvoirs en faveur des responsables de l'accès à l'information dans les différents ministères et organismes gouvernementaux. Me Doray est venu nous dire que c'était normal et que c'était de toute façon ce qui se faisait partout. J'aimerais vous entendre sur cette même question.

M. Charrette (François): La notion d'indépendance, à moins qu'on lui donne une différente portée, là, je pense qu'il faut faire attention aux différentes notions qu'on véhicule. La Loi sur l'accès a comme prémisse que c'est la personne qui a la plus haute autorité au sein de l'organisme qui est la responsable de l'application de la loi. Alors, en partant, la responsable de l'accès, qui est la personne ayant la plus haute autorité, ne peut pas être indépendante elle-même de son organisation. C'est certain que les décisions qu'elle est appelée à rendre dans l'application de cette loi-là doivent nécessairement être dans l'intérêt de son organisation. Alors, par le mécanisme de l'article 8, cette personne-là peut déléguer à quelqu'un au sein de son organisation, et la loi dit: Pas à n'importe qui, là, ça prend un membre, un membre du conseil ou un membre du personnel de direction. Or, ce n'est pas à n'importe qui qu'on a dit qu'on pouvait déléguer ces pouvoirs-là ou ces responsabilités-là, c'est à des gens très, très spécifiques. Encore une fois, ces gens-là, si vous les prenez dans la sphère supérieure du personnel de direction d'un organisme, ils sont confrontés nécessairement à prendre des décisions dans l'intérêt de l'organisation.

Alors, quand on parle d'indépendance, je pense que c'est une fiction que de penser qu'on va rendre le responsable... à moins qu'on le sorte de l'organisme, là, si on prend quelqu'un à l'extérieur de l'organisme. Mais, à l'intérieur de l'organisme, de le rendre indépendant face à son organisation, je pense qu'il faut être prudent dans ces démarches-là. On a quand même un peu plus de 20 ans de vie avec la Loi sur l'accès et à date je dois vous dire qu'on s'accommode très bien du régime actuel.

C'est sûr que les demandeurs voudraient que le responsable devienne un conseiller puis qu'il épouse leur cause, mais ça, il faut qu'ils comprennent, ces gens-là, que le responsable est un dirigeant ou un membre du personnel de direction. Donc, il n'est pas n'importe qui dans l'organisation et il est là pour appliquer une loi, mais il est là aussi comme personne qui occupe un poste au sein de l'organisme public.

M. Pelletier: C'est évident que vos propos ont beaucoup de résonance parce que vous représentez les gens qui sont eux-mêmes responsables dans les ministères et organismes gouvernementaux. À cet égard, j'aimerais savoir comment vous expliquez cette proposition que vous faites de remplacer le plan de classification par un index. L'index établirait, si je comprends bien, en quelque sorte... d'abord identifierait les entités administratives, établirait quel est leur mandat, quels sont les types de dossiers qu'ils détiennent. J'aimerais savoir ? ici, je plaide l'ignorance en guise de défense: Est-ce que ces index-là existent déjà ou est-ce que les ministères auraient à créer de nouveaux documents?

M. Charrette (François): Je vais laisser Mme Laurendeau vous répondre à cette question-là en raison de ses compétences particulières en question de gestion documentaire.

Mme Laurendeau (Viviane): Je dirais que, quand on parle de plan de classification tel que proposé, c'est essentiellement une structure d'organisation des dossiers dans une entreprise, dans un organisme, alors que ce qu'on propose en tant qu'index, c'est plus la liste des documents détenus par l'organisme, mais essentiellement présentée selon les pouvoirs administratifs de l'organisme, et tout ça. Donc, est-ce que les organismes détiennent déjà ces index-là? Oui, dans la mesure où ils ont appliqué la structure de classification dans un contexte très précis où on nomme précisément chacun des dossiers.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, à vous trois, merci de vos représentations. Je vous remercie de votre mémoire aussi qui reprend en bonne partie, d'ailleurs, beaucoup des arguments qui ont été développés par le Barreau et Me Doray. Je vous remercie. Par contre, je comprends que des fois l'écriture peut se ressembler, mais vos arguments sont différents quand on discute ensemble.

Par rapport à l'article 68.1, je comprenais de la lecture de votre mémoire et aussi celui du Barreau et de la discussion que j'ai eue avec Me Doray qu'évidemment, les avis qui sont demandés, là, maintenant, le seul avis préalable, et qui sera seulement un avis préalable, c'est le cas de l'application de l'article 68.1. Vous, vous nous dites: Sur 68, qui est le couplage d'information, là aussi, un peu comme la Commission d'accès à l'information, comme le Protecteur du citoyen et d'autres, vous nous dites: Là, on devrait soumettre toute intention de couplage à une entente et aussi à un avis de la Commission d'accès, ce qui n'empêche pas le gouvernement d'ailleurs d'agir autrement, on le sait, quand... Parce que, si on veut appliquer l'intérêt public, on peut aller à l'encontre d'un avis défavorable de la Commission d'accès à l'information.

J'ai été au Trésor, j'ai vu des avis circuler. Des fois, on lit ça et c'est tannant. Bien oui, mais pourtant ça aurait été plus simple de procéder comme ça, mais la commission, elle nous dit: Woup! attention, attention, parce que, là, il y a une protection, vous pouvez atteindre au principe de la protection. Donc, vous, vous seriez très ouverts ou vous souhaiteriez que tout ce qui concerne le domaine du couplage d'information soit soumis à un avis préalable de la Commission d'accès à l'information. C'est ce que j'ai bien compris de vos commentaires?

M. Charrette (François): Bien, premièrement, sur le vocabulaire, la remarque que vous avez faite, simplement mentionner que je suis coauteur, avec Me Raymond Doray, de l'ouvrage La loi annotée, et par conséquent on se réunit régulièrement pour rédiger ensemble le volume, ce qui nous amène évidemment à développer une écriture qui, vous en conviendrez, peut se ressembler, ce qui peut expliquer effectivement que vous retrouvez des similitudes. Remarquez également qu'au niveau du contenu, je pense que vous l'avez bien mentionné, la position est différente. Que ce soit un avis préalable, que ce soit de soumettre à la commission l'entente par laquelle on va procéder au couplage et même obtenir une autorisation...

M. Bédard: Quand on parle d'avis préalable, c'est de soumettre à la commission donc l'entente, et elle émet un avis sur cette entente?

M. Charrette (François): Elle l'autorise ou elle ne l'autorise pas. Écoutez, là, c'est une question d'évaluation de risque puis de comment on perçoit les choses. Il me semble qu'au niveau de la vie privée des gens le fait de prendre un mégafichier, de le croiser avec un deuxième pour obtenir une résultante est beaucoup plus grave que l'échange de renseignements, que je vais aller chercher une donnée auprès d'un autre organisme partenaire parce que mon dossier n'est pas complet. Si l'organisme est appelé à fournir des prestations en matière d'invalidité...

n(17 heures)n

Moi, je travaille à la Commission de la construction du Québec, et on est un assureur dans le domaine de la construction. Il y a des dossiers qu'on doit faire conjointement avec la CSST en raison de la nature de l'invalidité. Si c'est un accident de travail, c'est la CSST qui va être l'organisme de qui va relever le dossier. Mais, tant que ce n'est pas établi, nous, on assure la protection de ce qu'on appelle nos clients, les salariés de la construction. Alors, c'est certain que, le dossier, tant que la question ne sera pas tranchée, on doit cheminer en parallèle. Alors, est-ce que ça, c'est attentatoire à la vie privée davantage qu'un couplage de mégafichiers?

M. Bédard: Je suis d'accord avec vous, là. Là, on va du plus grand... Mais allons plus loin. Le régime actuel prévoit des ententes qui sont approuvées. Est-ce que vous avez tenté d'en négocier une, par exemple, dans le domaine que vous me dites? Parce que, moi, j'en connais plusieurs, ententes qui ont été négociées et approuvées par la Commission d'accès, puis effectivement c'est pour le bien de tout le monde, et, moi, je pense qu'on a émis un avis favorable. Est-ce que, par exemple, votre organisme a tenté d'utiliser cette façon de faire?

M. Charrette (François): Je vous dirais, pas à notre initiative, mais on a des partenaires, on a d'autres organismes, on a le ministère du Revenu qui, par le biais de son plan qu'il dépose annuellement à la commission... et qu'ils font approuver les échanges avec divers autres organismes. Alors, on a une entente approuvée par la Commission d'accès à cet égard-là.

M. Bédard: O.K. Donc, c'est possible.

M. Charrette (François): Oui.

M. Bédard: Ce que je vous dis, c'est ça, c'est que... Puis on ne défend pas une chapelle, là. Mais ce que je vois du régime actuel: il a certains défauts, mais il a des grandes qualités. Les défauts, c'est que parfois ça peut sembler lourd pour l'administration des fois d'être obligée de négocier des ententes. Mais, moi, ce que j'ai vu dans l'application ? parce qu'on a quand même été au gouvernement pendant une période ? c'est que ça donne des bons garde-fous quand même, là. Et pourquoi ne pas conserver cette possibilité d'entente? Parce que, les cas qui se manifestent le plus régulièrement, vous, à la Commission de la construction, au ministère du Revenu ou dans d'autres organismes, disons que ça couvre la large majorité des demandes qui sont... Sécurité du revenu. Donc, on a des cas types qui doivent représenter à peu près 85 %, 90 % des cas où on peut prévoir des ententes. Quand on ne peut pas, c'est qu'ils contreviennent à l'économie de la protection des renseignements personnels. Mais encore là le gouvernement peut, de sa propre initiative, invoquer l'intérêt public et dire: Malgré l'avis défavorable de la Commission d'accès à l'information, je fais la publication de mon règlement et nous allons dans ce sens-là. Je comprends qu'il y a un prix à payer, mais il y a surtout une obligation d'expliquer pourquoi on va à l'encontre.

Vous ne pensez pas que c'est un garde-fou qui est quand même... qui n'empêche rien finalement mais qui assure qu'on n'agira pas finalement a posteriori, comme la Commission d'accès et le Protecteur du citoyen nous disent, et la Commission des droits et libertés, que, dans le souci du bien, comme vous dites ? parce que, moi, je pense que l'Administration publique souhaite le bien de tout le monde, et je n'en ai aucun doute; je n'ai jamais émis un commentaire qui pouvait dire ça, ni le Protecteur du citoyen ni moi ? mais, dans l'application, ça conduise effectivement à quelque chose qui, lui, est contraire à la loi, qu'on n'agisse pas de façon curative ? et, quand il y a un dévoilement d'information, c'est dur de soigner ça, vous le savez ? mais de façon, comme le prévoit actuellement la loi, de façon beaucoup plus préventive?

M. Charrette (François): Notre position à cet égard... Écoutez, je vais revenir un peu... puis je ne veux pas nécessairement me répéter. C'est-à-dire que, dans la mesure où on parle de situations systématiques et répétitives, on n'a pas vraiment d'objection à ce que l'organisme aille soit chercher une autorisation, soit avise la commission de ses actions. Ce qu'on dit, c'est que les dispositions dont on parle visent également des cas particuliers, et ça, ça devient impossible à gérer.

M. Bédard: Ça, je suis conscient... Dans vos cas à vous, là, les cas qui se retrouvent généralement, c'est quoi? C'est de l'ordre de combien en termes de pourcentage à peu près? Et là je comprends que ce n'est pas statistique puis ce n'est pas scientifique, là, mais pouvez-vous me donner une idée, là, en termes de traitement de dossiers? Moi, je le fais dans mon bureau de comté, là, je peux vous donner une bonne idée. Vous, comme... Et là je vous parle évidemment au niveau de la Commission de la construction du Québec.

M. Charrette (François): Des demandes provenant d'autres organismes?

M. Bédard: Oui, où vous avez besoin justement soit d'utiliser une entente ou... Est-ce que ces demandes-là finalement sont souvent soit couvertes ou se retrouvent souvent, là, à répétition, et que les cas particuliers... On parle de quel pourcentage à peu près, vous pensez?

M. Charrette (François): Je vous dirais que, dans notre cas à nous, notre situation, peut-être en raison des activités dans lesquelles on intervient, les demandes qu'on reçoit des autres organismes proviennent d'enquêteurs qui ont des pouvoirs d'enquêteur. Alors, c'est beaucoup dans la lutte contre le travail au noir que les interventions se font, et, dans ce cas-là, on est dans un régime dérogatoire où on n'a pas besoin d'entente. On a besoin de vérifier certaines modalités à l'égard de la demande, mais on n'a pas besoin d'entente comme telle. C'est pour ça qu'on a très peu d'ententes, à la Commission de la construction, formellement.

M. Bédard: O.K. Donc, la grande partie effectivement est couverte par les exceptions parce que c'est dans le domaine d'une enquête et d'une contravention à la loi.

M. Charrette (François): Exactement.

M. Bédard: O.K. Donc, le régime actuel permet d'aller chercher les informations.

M. Charrette (François): Oui, oui. Tout à fait. Dans ces cas-là, ce n'est pas un problème.

M. Bédard: O.K. Donc, sur l'entente écrite, vous êtes ouverts à étendre à l'avis de la commission, à l'article 68... Parce qu'actuellement, vous l'avez vu, l'article 68 demande, si je ne me trompe pas, simplement d'informer la commission sur un couplage d'information. Alors, moi, je pense, et vous êtes d'accord avec le Protecteur du citoyen et la Commission d'accès, qu'il faut aller plus loin de ce côté-là.

M. Charrette (François): Bien, 68, c'est un peu le sens de la remarque dans le mémoire, il faut faire attention. Lorsqu'à 1.1°, à 68, on parle «à un organisme public ou à un organisme d'un autre gouvernement lorsque la communication est manifestement au bénéfice de la personne concernée», bien il va y avoir des situations... Lorsqu'on parle de la personne et non pas de l'ensemble des personnes visées, on est dans des cas-par-cas. Et là, nous demander d'aller individuellement, à la commission, envoyer des avis, je ne sais pas comment ils vont traiter ça. Mais, des situations comme ça, lorsqu'on traite un volume important de dossiers par jour ? et ça, vous le savez, que les gros organismes en traitent beaucoup ? on ne pourra pas instaurer un mécanisme automatique qui envoie un avis. Premièrement, ça ne pourra pas passer par le bureau du responsable. Le responsable ne fait pas des opérations, règle générale, là. Alors, cette mécanique-là... Et c'est pour ça qu'on fait le commentaire qu'on ne semble pas viser nécessairement les bonnes situations pour nous référer à la Commission d'accès.

M. Bédard: Comme 66 aussi, et là on parle plus de documents... «Avant de recueillir auprès d'une personne ou d'un organisme privé des renseignements nominatifs déjà colligés concernant une ou plusieurs [de ces] personnes, un organisme public doit en informer la commission.» Là, vous dites qu'à ce moment-ci aussi on devrait... Ce que j'ai compris, c'est que 68 et 66 sont plus graves, donc on devrait alourdir... pas alourdir, mais on devrait prévoir un avis préalable?

M. Charrette (François): Je ne voudrais surtout pas me contredire, parce qu'avec le mémoire, lorsqu'on a recommandé... En fait, oui, c'est ce qu'on a écrit, oui. Ça veut dire...

M. Bédard: O.K. Dans ce cas-ci, on parle encore d'informer au préalable, mais est-ce qu'on devrait demander un avis?

M. Charrette (François): Si on demande un avis, on va devenir tributaires des délais de traitement de la commission. Donc, si on fait juste aviser, on envoie l'avis. Si on demande une autorisation, il faut qu'ils traitent notre dossier. Je veux dire, dépendamment des situations qui vont passer par cet article-là, si le temps devient un enjeu important pour le citoyen, on va faire face à des délais, encore une fois. Or, l'important dans les situations plus critiques, c'est de faire intervenir, d'une manière raisonnable, la commission. Dans certains cas, l'entente est préférable parce qu'elle va pouvoir donner une autorisation. Dans d'autres cas, un avis, ce sera suffisant, puis, dans d'autres cas, je pense qu'on devrait tout simplement laisser l'organisme assumer ses responsabilités et aller de l'avant avec les dispositions.

M. Bédard: O.K. La CAI avait des craintes ? et c'est ce que vous me disiez, d'ailleurs ? par rapport au régime actuel mais aussi aux modifications qu'on va apporter aux articles 67 et suivants, 67.2... Et, eux, ils disaient un peu la même chose que vous, là: le régime fait en sorte que des fois on ne peut pas en vertu de d'autres articles, mais on pourrait de d'autres façons. La CAI recommande, entre autres, que l'article 68 soit clarifié afin d'éviter bon les situations que vous me parliez, afin d'éviter, que les organismes publics puissent se soustraire au contrôle a priori de la Commission d'accès à l'information en concluant des contrats de services ou d'entreprise visés par l'article 67.2 plutôt que de conclure des ententes dans le cadre de l'article 68. Mais c'est un peu inquiétant, entendre ça, hein?

M. Charrette (François): C'est ce que je vous expliquais tout à l'heure, c'est-à-dire que même 67 actuellement, là, sans modification nécessaire à l'application de la loi, est déjà utilisé. Les organismes concluent des ententes sur la base de 67 mais ne sont pas soumis à une approbation de la Commission d'accès. Il y a quand même un régime qui s'instaure, une pratique, je dirais, ou plutôt une façon de faire qui protège les renseignements, puisqu'il y en a une, entente, règle générale, en vertu de 67. Elle n'est juste pas soumise pour approbation. C'est un mécanisme qui nous permet de fonctionner avec une plus grande célérité.

M. Bédard: Dans votre expérience à vous comme responsable, est-ce que c'est... Mais là évidemment vous me dites que, comme vous êtes couverts par les exceptions... Mais en tout cas, à votre connaissance, au niveau de l'association, des ententes qui n'ont pas été approuvées par la Commission d'accès à l'information parce que contraires à la protection des renseignements personnels, est-ce que c'est fréquent? Est-ce que c'est...

n(17 h 10)n

M. Charrette (François): Bien, écoutez, 67 existe déjà, donc, des mandats, les organismes en donnent. On va avoir une entente écrite dans laquelle on va joindre habituellement soit, à l'intérieur de l'entente, les clauses relatives à l'engagement de confidentialité ou, dans un document annexé à l'entente ou au mandat, là, la procuration, peu importe comment on l'appelle, mais il y a un écrit derrière ça. Alors, effectivement, ça existe actuellement, et évidemment ces ententes-là, ces contrats-là, peu importe ? c'est un contrat civil, en fait ? sont répertoriés et font partie du registre des communications, alors les gens peuvent y avoir accès.

M. Bédard: Une question plus générale: Comme vous avez une bonne connaissance au niveau de l'application de la loi, est-ce que, selon vous, la gestion de la loi de l'accès à l'information ? et là je vous parle plus de divulgation automatique ? est-ce que la gestion par ministères se ressemble beaucoup ou il y a de grandes différences dans cette divulgation et dans les autorisations qui sont faites quant à rendre publiques certaines informations? Est-ce qu'il y a des cultures différentes, finalement?

M. Charrette (François): Je vous dirais, là, écoutez, ça fait près de 15 ans que j'oeuvre dans ce domaine-là, j'ai passé 12 ans en pratique privée, ça fait maintenant deux ans et demi que je suis au sein d'un organisme public. Je pense qu'au niveau des ministères et organismes ceux qui sont d'ailleurs visés par les projets de règlement ont des politiques relativement uniformes dans la gestion des renseignements personnels, et, derrière ça, les raisons qui justifient cette uniformité-là, c'est la mise en place, entre autres, d'un réseau de responsables, la possibilité d'échanger. Ça a permis aux gens de... Parce qu'on communique entre nous, là. Quand on fait face à des difficultés, on va appeler un collègue d'un autre organisme et on va dire: Comment vous traitez ces choses-là? Donc, il y a de l'échange qui s'est fait ? et là on parle de 20 ans d'application de la loi, là ? il y a un réseau qui s'est établi et les gens communiquent. Alors, je vous dirais qu'à l'intérieur des ministères et organismes gouvernementaux c'est relativement similaire.

Si on change de domaine et là on s'en va dans des secteurs comme l'éducation, le municipal et la santé, là on ne pourra pas faire les comparables parce qu'ils vivent des réalités très différentes.

M. Bédard: Effectivement. Et là vous me parlez de protection des renseignements ou de divulgation des renseignements?

M. Charrette (François): Dans les deux cas, là. Les responsables, lorsqu'on est mal pris, des fois on va appeler un collègue pour poser des questions, pour dire: Ce genre de problème là, de quelle façon le traiteriez-vous?

M. Bédard: Parce que, quand on a fait des auditions concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information, il était beaucoup question effectivement de cette culture du secret qu'on retrouvait dans... et là je ne vous dis pas strictement dans l'appareil public, dans les organisations même, bon, municipales et les autres organismes, et qui n'est pas d'ailleurs unique à l'appareil public, mais, moi, je pense aussi à toute organisation. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a des lois qui obligent de rendre ces informations... sinon les gens ne le feraient pas, ou du moins ce serait très, très variable comme fonctionnement. Est-ce que, selon vous, il y a un problème actuel par rapport à la divulgation d'information? Est-ce que vous sentez ça? Et là je ne veux pas vous mettre de pression inutilement, là.

M. Charrette (François): Si vous posez la question à quelqu'un qui travaille pour l'organisme, j'aurais tendance à vous dire que, s'il y a des problèmes, ils sont mineurs.

M. Bédard: Bien, c'est ça, mais... Non, mais je veux vous entendre, vous êtes là.

M. Charrette (François): Si vous posez la question à un demandeur, on va vous parler de graves problèmes.

M. Bédard: Non, non, mais, si c'est votre conception, c'est ça que je veux savoir. Je veux savoir vraiment votre idée puis je ne veux pas vous mettre dans le trouble, là. Au contraire, je veux simplement... Votre perception de cette réalité-là, c'est quoi?

M. Charrette (François): Je pense qu'au niveau des hautes directions et des responsables les gens comprennent la portée de la Loi d'accès et l'esprit de la Loi d'accès. Dans nos organisations, au niveau des opérations, les gens qui traitent des dossiers, pas d'accès, là, traitent des dossiers en vertu des programmes qu'on administre, ces gens-là vont toujours se demander pourquoi on fait une demande, alors qu'il est bien établi, au niveau du responsable, que l'intérêt du demandeur n'est pas important. On ne pose pas la question.

M. Bédard: Du côté divulgation d'information, de façon plus générale, au public, là. Là, vous avez plus le côté protection des renseignements.

M. Charrette (François): Pas nécessairement, pas nécessairement, parce que, même au niveau des documents administratifs, les gens vont se demander: Bien, pourquoi ils veulent ça? Pourquoi les gens veulent tel document? C'est le réflexe, au niveau des opérations. On se demande: Qu'est-ce qu'il va faire avec ça? C'est un document qui... Alors, c'est un peu la réaction des gens. Ce n'est pas: il n'existe pas, puis on le cache en dessous de la table, puis on dit: Qu'est-ce que tu veux obtenir? Ce n'est pas ça, là. C'est plutôt: Qu'est-ce qui motive les demandes? Qu'est-ce qu'ils vont faire avec le document? Pourquoi ils veulent ça? On ne les connaît pas, eux autres. Parce qu'il faut comprendre: pour un organisme public, on travaille avec des clientèles cibles.

Dans notre cas à nous, c'est l'industrie de la construction. On connaît nos joueurs, on connaît nos intervenants: associations patronales, des employeurs; associations syndicales, des salariés. Alors ça, c'est notre monde. Quand ces gens-là font des demandes, on sait où ils s'en vont parce qu'on gère des programmes, puis ces gens-là interviennent dans nos activités quotidiennement. Mais là il arrive quelqu'un de nulle part qui n'est pas un salarié de la construction puis qui fait une demande. On dit: Bien, c'est drôle. Pourquoi il veut obtenir ça, tu sais? Alors, oui, il y a un réflexe de se demander pourquoi on fait cette... Je n'irais pas jusqu'à qualifier ça de politique du secret, là, je ne pense pas. Je pense qu'il y a des interrogations: Comment ça se fait que quelqu'un qu'on ne connaît pas s'intéresse à nos affaires? Je pense que c'est un peu normal. Quelqu'un vient frapper à la porte. Vous êtes qui, vous, là?

M. Bédard: Bien oui. Bien, voilà. C'est le réflexe de tout le monde, les députés aussi. Tout le monde a ce réflexe-là.

M. Charrette (François): Tout à fait.

M. Bédard: Je vous remercie. Je n'ai plus d'autre question.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.

Mme Vien: J'en aurais une toute petite, M. Charrette, pour vous. Je constate que vous parlez quand même très peu de la formation des responsables d'accès. Vous dites et on a déjà entendu des gens de votre organisation nous dire effectivement que vous faites de la formation, également du perfectionnement auprès des responsables. Il y a des gens qui nous ont parlé, aujourd'hui, de la nécessité d'y aller avec de la formation continue. Vous êtes dans le domaine dans votre quotidienneté, vous savez de quoi on parle quand on parle de formation. Moi, je m'interroge à savoir effectivement, dans des petites organisations ? vous, vous êtes dans une grande organisation ? mais, dans les petites organisations, où le nombre de personnes qui y travaillent est réduit, comment la personne qui est responsable de l'accès... Puis je pense à une municipalité. Une petite municipalité, c'est la secrétaire-trésorière qui va devenir la responsable de l'accès. Comment vous jugez actuellement la formation de ces gens-là pour entreprendre un tel travail? Est-ce qu'il est adéquat? Est-ce que vous y songez? Bon, je sais que vous avez un plan de match, au niveau de la formation des gens, sur la table, un guide de 1 000 pages, mais, en amont de ça, là, est-ce que les gens sont suffisamment formés?

M. Charrette (François): Bien, je pense qu'il faut soutenir les responsables par différentes initiatives. L'association cherche à être créative à cet égard-là. La connaissance passe par la formation. La formation initiale, la formation continue, vous l'avez entendu, je pense que c'est fondamental. On est dans un domaine qui n'est pas évident. On est dans un domaine où l'interrelation de différentes lois... Parce que, la Loi sur l'accès, moi, je prétends qu'elle est complexe en soi, mais en plus elle interagit avec les lois sectorielles qui gouvernent le secteur d'activité. L'exemple des municipalités, faire le lien parfait entre la Loi sur l'accès, et le Code municipal, et la Loi des cités et villes, ce n'est pas évident, et la jurisprudence de la commission ne simplifie pas toujours les choses. Donc, je pense qu'il faut insister sur la formation, sur la connaissance.

Récemment ? moi, je demeure en Montérégie ? un journaliste s'est présenté dans une petite municipalité près de chez moi et a demandé à obtenir une copie d'un règlement parce qu'il y avait une chicane de baignade à un endroit, puis il y a un règlement qui interdit la baignade. Et le journaliste s'est fait répondre que la municipalité avait 20 jours pour lui donner le règlement, alors qu'on sait que, un règlement municipal en vigueur, il n'y a aucune restriction qui s'applique à ça. Je veux dire, pourquoi appliquer... Alors, il y a certainement de la sensibilisation et de la formation à faire, là, parce que c'est beau, dire qu'on a 20 jours, mais il ne faut pas se cacher derrière le 20 jours. Est-ce que c'est parce qu'on voulait le... Parce qu'un règlement, là, veux veux pas, on va le donner, c'est évident, il n'y a pas de restriction qui s'applique à ça. Donc, je pense que la formation doit devenir une pierre angulaire de tout programme, de toute initiative si on veut vraiment arrimer les différents secteurs puis rendre un peu la Loi d'accès cohérente.

Mme Vien: Parce que les gens ? je termine là-dessus ? parce que les gens qui arrivent dans ces organisations-là arrivent non formés pour faire de l'accès à l'information...

M. Charrette (François): Ah! tout à fait. Oui, oui, tout à fait, là.

Mme Vien: On ne se cachera pas ça, là, c'est très vrai.

M. Charrette (François): Je veux dire, des spécialistes dans le domaine de l'accès, au Québec...

Une voix: ...

Mme Vien: Non, c'est ça.

M. Charrette (François): Puis là je fais la distinction qu'on a faite tout à l'heure, les grands organismes, souvent on a une équipe de travail, là. Puis je voudrais juste apporter une précision: je ne suis pas responsable au sein de mon organisation, je ne suis pas avocat en support au responsable. Alors, voyez-vous, l'organisation a les moyens de se payer un spécialiste, dans ce domaine-là, à ses côtés, mais c'est vrai que ce n'est pas tout le monde, et il faut donc offrir aux gens et rendre disponible de la formation pour permettre aux petites organisations également d'accéder à cette connaissance-là pour une meilleure application de la loi.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je remercie l'Association sur l'accès et la protection de l'information. C'est tout pour aujourd'hui, donc j'ajourne les travaux au mardi 27 septembre 2005, à 9 h 30, dans la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 17 h 20)


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