(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vois que le son est excellent ici. Au parlement, ça ne sonne pas de la même façon. Donc, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte et, tout comme à l'habituel en commission parlementaire, je rappelle aux gens qui ont des téléphones cellulaires de bien vous rappeler au moins d'enlever la sonnerie. Donc, merci, bienvenue.
Remarques préliminaires
Le président, M. Bernard Brodeur
Mesdames et messieurs, membres de la commission, distingués invités, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue en auditions publiques de la Commission de la culture portant sur le patrimoine religieux du Québec. C'est avec beaucoup d'enthousiasme et aussi avec de grandes attentes que la Commission de la culture a lancé sa consultation générale sur le patrimoine religieux en juin dernier, dans le cadre d'un mandat d'initiative. Laissez-moi vous dire que nos attentes ont été comblées puisque près de 140 organismes, 140 organismes de différents milieux, experts, praticiens et individus ont répondu jusqu'à présent à la consultation par l'entremise d'un mémoire ou d'un questionnaire en ligne.
Il est rare, pour ne pas dire exceptionnel, qu'une commission parlementaire se déplace à l'extérieur de l'hôtel du Parlement pour tenir des auditions publiques. Les membres de la commission ont estimé que la conservation et la mise en valeur du patrimoine religieux dans son ensemble constituent des enjeux qui justifient de tels déplacements, car il s'agit non seulement d'une problématique présente sur l'ensemble du territoire québécois, mais aussi qui comporte des particularités souvent fort différentes d'une localité à l'autre.
Mais le choix de se déplacer réside en premier lieu dans le fait de vouloir créer une opportunité, une fenêtre ouverte, pour ainsi dire, visant à susciter la mobilisation et la concertation des intervenants concernés et de la population en général. Bref, plus les médias locaux et nationaux parleront des enjeux du patrimoine, plus la population sera sensibilisée, se sentira concernée et s'impliquera dans la recherche de solutions durables. C'est en quelque sorte le pari que nous faisons en allant de l'avant avec cette commission itinérante.
Les membres de la commission sont très heureux de débuter leurs auditions ici, à Montréal, où l'on retrouve la plus grande concentration de lieux patrimoniaux religieux. Montréal n'est-elle pas d'ailleurs souvent présentée comme étant la ville aux cent clochers? La commission sera ensuite à Gatineau la semaine prochaine, puis à Sherbrooke et Saguenay les 13 et 27 octobre prochains, elle poursuivra sa tournée à Rimouski puis à Trois-Rivières les 3 et 9 novembre 2005. Les auditions devraient se terminer à Québec en novembre 2005. Elles seront suivies de l'élaboration du rapport final, que nous souhaitons remettre dans les meilleurs délais. J'en profite aussi pour informer les groupes de la région de Montréal et des environs qui ne pourront malheureusement être entendus au cours des deux journées d'auditions qu'ils auront la chance d'être éventuellement entendus à Québec ou encore ailleurs en région.
Vous savez, rares sont les députés qui, dans leurs comtés, n'ont pas été interpellés, à un moment ou à un autre, sur des questions liées à la sauvegarde de biens meubles ou immeubles à caractère religieux. Ces biens font partie d'ailleurs de notre patrimoine collectif. On dit d'ailleurs... Souvent, on a entendu que nos églises sont nos châteaux à nous. Il est donc important, pour ne pas les perdre, que nous travaillions tous ensemble à la recherche de solutions durables et de nouvelles façons de faire. Aussi, au cours des deux prochains jours, nous nous mettrons en mode écoute et nous échangerons avec vous sur des cas concrets de reconversion et sur des pistes de solution visant à assurer la conservation et la mise en valeur de cet important héritage culturel.
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(9 h 40)
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Je nous souhaite donc des discussions riches et fécondes, et je cède de ce pas la parole à mon collègue porte-parole de l'opposition en matière de culture. Comme nous sommes en commission parlementaire, nous adoptons les règles de commission parlementaire, donc je cède la parole au député de Mercier.
M. Daniel Turp
M. Turp: Merci, M. le Président. Chers collègues de la Commission de la culture, mesdames et messieurs, au nom de l'opposition officielle et de mes collègues Nicole Léger, députée de Pointe-aux-Trembles, Léandre Dion, député de Saint-Hyacinthe, et ma collègue Jocelyne Caron, députée de Terrebonne, qui se joindra à nous dans les prochaines heures, j'aimerais vous dire le plaisir de nous retrouver à Montréal et de voir l'Assemblée nationale y siéger en quelque sorte à travers sa Commission de la culture.
Jadis, le Parlement siégeait ici, à Montréal, au Marché Bonsecours, à une autre époque, et légiférait alors dans l'intérêt de la nation. Aujourd'hui, notre Assemblée nationale, qui a son siège dans la capitale nationale ? et il est heureux qu'il en soit ainsi ? a décidé de siéger à Montréal, et je crois que c'est une expérience non seulement utile, mais qui devra se répéter, parce que je crois que les élus du peuple doivent se déplacer vers les citoyennes et les citoyens et non seulement exiger d'eux et d'elles qu'ils se déplacent vers elle, dans la capitale nationale.
Nous sommes réunis donc ici, comme nous le serons dans la capitale, à la fin de nos travaux, et dans les cinq régions du Québec, pour informer d'abord la population de la richesse de notre patrimoine religieux, pour parler des 2 796 lieux de culte dont on constate qu'il y en a 2 023 qui sont catholiques mais aussi 773 qui sont d'autres confessions religieuses, donc de parler de cette richesse patrimoniale et de mobiliser la population, comme les travaux le permettront, je l'espère, afin de favoriser la participation des autorités, et des personnes, et des experts à nos travaux. Je crois que la commission a comme ambition de contribuer à l'émergence d'un espace d'échange et de concertation pour favoriser le dialogue entre ces autorités et les élus de l'Assemblée nationale. Et, moi, je compte beaucoup, personnellement, sur cette expertise que nous avons au Québec, dont on a d'ailleurs un témoignage, ce matin, dans les pages du journal Le Devoir, par la publication d'une partie du mémoire de Mme Gauthier et de M. Marsan, qui sauront, eux aussi, nous éclairer.
La commission veut toutefois entendre, d'abord et avant tout, la voix des citoyennes et des citoyens qui ont à coeur le patrimoine religieux et veulent en assurer la sauvegarde et la mise en valeur. Et, au terme de nos travaux, j'espère, M. le Président, que des solutions seront dégagées pour assurer à long terme la préservation du patrimoine religieux québécois, qui assurera aussi la protection et la préservation de la diversité religieuse du Québec. Et j'espère que nous aurons aussi des solutions de nature financière pour assurer que l'État, les autorités, les citoyens, à travers l'État, partagent, équitablement et avec les générations futures en vue, les responsabilités d'assurer la préservation de ce patrimoine.
Donc, en tant que porte-parole de l'opposition officielle, je tiens à assurer les personnes et les groupes qui témoigneront devant la commission de notre écoute attentive et vous remercie à l'avance pour les énergies et le temps que vous aurez investis dans la préparation des mémoires et des représentations devant la commission. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour deux minutes.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs et chers collègues, Mgr Jean-Claude Turcotte. Effectivement, les députés se sont sentis interpellés par ce... Nous avons voulu faire un mandat d'initiative parce que le mandat d'initiative nous permet d'étudier toute matière d'intérêt public. Je pense que, celui-là, on est interpellés régulièrement, dans toutes les régions du Québec, par rapport à nos églises, la suite des choses. Nous allons nous pencher particulièrement sur la situation tant du patrimoine mobilier et du patrimoine immatériel que sur celle du patrimoine bâti, donc: le bâti, le mobilier, l'archivistique immatérielle. Il y a des questions sur les effets de tout le patrimoine religieux particulièrement autant pour les églises que pour les résidences des religieuses et religieux, les biens mobiliers, les archives, les oeuvres d'art, aussi tout ce qui porte sur les traditions, les savoirs et les savoir-faire religieux aussi derrière tout ce patrimoine religieux là. Alors, il y a des perspectives, des enjeux.
On a trois questions qu'on pose clairement, celles du quoi conserver, comment le conserver et qui le conservera. Quoi conserver? Le choix des biens tel quel. Comment les conserver? Bon, bien, toute la conservation, le recyclage, la mise en valeur, les types de projets qui sont mis de l'avant actuellement pour la suite des choses. Et qui les conservera? Donc, est-ce que c'est une responsabilité partagée? Ce sont des questions très claires, de documents que vous avez pu voir. Alors, on est très content des mémoires.
Et je pense que c'est un sujet extraordinaire pour le Québec parce qu'autant on parle de tradition, de patrimoine, d'histoire mais c'est aussi tout, je pourrais dire, l'humain derrière toutes, je pourrais dire, ces années de culture québécoise, tout le comportement humain, les attitudes. On voit qu'il y a des gens à travers le Québec, leurs églises, c'est important. Même si mon collègue... on parlait aussi de pratiques religieuses un peu moins que plusieurs années auparavant, mais il en reste que c'est un sujet fascinant. Alors, nous serons à l'écoute, et j'espère que nous pourrons trouver ensemble les solutions pour l'avenir du Québec, à travers tout ça.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme James (Nelligan) est remplacée par M. Tomassi (LaFontaine); Mme Legault (Chambly) est remplacée par M. Descoteaux (Groulx); M. Moreau (Marguerite-D'Youville)... non, désolé, Mme Papineau (Prévost) va être remplacée, pour la durée du mandat, par M. Dion (Saint-Hyacinthe).
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Comme vous avez compris, c'est exactement le même jargon qu'au Parlement, même si, pour nous, ça fait un peu spécial d'être à l'extérieur de ses murs.
Donc, l'horaire de la journée sera le suivant: nous aurons le plaisir de recevoir aujourd'hui, dans l'ordre suivant: la Corporation archiépiscopale catholique romaine de Montréal; suivie de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec; ensuite de ça, nous entendrons les diocèses anglicans de Montréal et de Québec; cet après-midi, au retour, à 14 heures, nous entendrons Jean-Claude Marsan et Raymonde Gauthier; Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal; M. Jean Trudel; M. Daniel Saintonge; qui sera suivi de Les Pierres vivantes de Saint-Pierre-Apôtre; en soirée, nous allons continuer nos travaux en entendant, en premier lieu, Me Antoine Leduc; suivi du Groupe immobilier Prével; et enfin l'Économusée de l'au-delà. Donc, j'invite nos premiers intervenants à bien vouloir prendre place.
Auditions
Donc, je vous souhaite la bienvenue en commission parlementaire. C'est un honneur pour la commission de vous recevoir ici, aujourd'hui. Et je désire tout d'abord vous rappeler les règles usuelles de la commission parlementaire. Le temps imparti à chacun des groupes, ce matin, est d'une durée de 60 minutes. La façon de procéder est la suivante: vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire, ce qui sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission d'une durée totale de 40 minutes. Naturellement, pour les besoins du Journal des débats, la transcription du Journal des débats, on vous demanderait de vous présenter, même si vous êtes bien connu, pour permettre aux gens de faire leur travail correctement de transcription. Donc, la parole est à vous. Merci.
Corporation archiépiscopale catholique
romaine de Montréal (CACRM)
M. Turcotte (Jean-Claude): Alors, merci, M. le Président. Mon nom est Jean-Claude Turcotte. Par mes temps libres, je suis archevêque du diocèse de Montréal, et j'ai l'honneur, ce matin, de présider la... enfin la comparution et d'ouvrir ce débat. J'en suis très reconnaissant au président et aux membres de la commission.
Et je présente, tout de suite, les gens qui m'accompagnent: à ma droite, M. Louis-Philippe Desrosiers, qui est ce qu'on appelle le procureur du diocèse de Montréal ? pas «procureur» au sens légal, mais «procureur» au sens de «procurer les fonds», ce qui est un rôle très important, vous comprenez, dans la situation où on se trouve; et, à ma gauche, M. Bernard Fortin, qui est le directeur de notre Service des réaménagements pastoraux et qui veille évidemment sur toutes les questions de regroupement de paroisses, de vente d'églises, et ces choses-là. Et, à tour de rôle, ils viendront vous donner un exposé un peu du travail qui est le leur. Je signale aussi, présent ici, l'abbé Philippe de Maupeou, qui est le nouveau président de notre comité d'art sacré, qui a remplacé l'abbé Turmel à partir du début de l'année et qui évidemment, si jamais il y avait besoin de questions, pourra se joindre à nous.
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(9 h 50)
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J'introduis, tout de suite, mon intervention en vous disant que je ne lirai pas le mémoire, je suis très conscient que vous en avez pris connaissance. Je voudrais simplement vous dire pourquoi il nous est apparu important, nous, à Montréal en tout cas, de venir traiter de cette question devant vous. La raison me paraît fort simple: je pense qu'il y a, dans la ville de Montréal, dans le diocèse de Montréal... en gros, là, c'est l'île de Montréal, c'est l'île Jésus, la ville de Laval et cette pointe du côté de L'Assomption qui comprend Repentigny, Le Gardeur, Saint-Paul-l'Ermite, L'Assomption, enfin toutes ces petites villes qui sont là. Ce diocèse a une caractéristique, je pense, très particulière, qui lui est propre et qui mérite qu'on y attache quelque attention, du moins pendant quelques minutes. Quelle est cette situation particulière?
On a dit tantôt que Montréal était la ville aux cent clochers, les 100 ont fait pas mal de petits. Il y a beaucoup plus que 100 clochers à Montréal. On dénombre, simplement en nombre de paroisses catholiques, 246 dont la plupart ont un clocher. Alors, vous voyez que cette remarque un peu humoristique qui date du XIXe siècle, je pense, a depuis ce temps considérablement augmenté. Et je ne parle que des églises catholiques, mais on pourrait parler des synagogues, des églises aussi des autres communautés chrétiennes, de tous ces groupes religieux qui pullulent dans notre milieu, qui compte au moins 150 nationalités différentes.
Cette situation particulière, elle est laquelle? Elle est le fait que Montréal est une ville dans laquelle il y a énormément de mobilité. Vous savez sans doute que Montréal est une ville qui compte 60 % de locataires, ce qui est, je pense, assez unique au Québec. Ce qui vous indique que, chaque année, c'est la grande corrida des déménagements, dont on a changé les dates mais dont on fait état chaque année parce qu'on manque de logements. Des fois, on en a trop; des fois, on n'en a pas assez. Mais cette ville a une mobilité de population qui est assez unique.
En plus, il y a également le fait que, dans Montréal, il n'y a pas, je pense, de ghetto, et c'est heureux, de ghetto religieux ou linguistique, ou tout cela, mais il y a de fortes concentrations de groupes de gens qui vivent d'assistance sociale, d'aide sociale ou de... qu'on appelle des secteurs de pauvreté. Si on avait devant nous une carte de la ville de Montréal, on pourrait vous montrer, par exemple, ce grand T sociologique renversé qui compose ce qu'on appelle les zones de pauvreté dans notre ville. Bon. Cette zone de pauvreté, vers le nord, commence maintenant vers Ahuntsic, comprend Villeray, comprend des quartiers comme une partie de Rosemont, par exemple, le Mile End, une partie de Notre-Dame-de-Grâce, enfin tous ces gens qui... cet axe autour de Saint-Laurent et qui s'élargit de plus en plus, dans lequel on trouve une concentration de milieux plutôt pauvres; qui s'étend par la suite, du côté est, avec Centre-Sud, Hochelaga-Maisonneuve, qui est bien connu, et même un peu plus dans l'est, de ce côté-là; du côté ouest aussi, avec des quartiers comme Saint-Henri, Pointe Saint-Charles, Côte Saint-Paul en partie, Verdun ? peut-être pas l'île des Soeurs mais le vieux Verdun.
Alors, tout cela fait que, dans Montréal, vous avez des quartiers qui autrefois étaient très prospères, très populeux et qui se sont donné des équipements pas simplement religieux, même parfois civiques, importants, qu'on a de plus en plus de difficultés à soutenir aujourd'hui parce que la population ne peut pas suffire à payer ces installations.
C'est particulièrement vrai pour les églises. Ces quartiers qui autrefois constituaient presque des villages avaient une certaine fierté et se sont donné souvent des cathédrales. Je n'en veux pour preuve que... Simplement dans le répertoire, que votre commission connaît sûrement, qui date déjà du premier trimestre 1981, que la communauté urbaine avait fait des églises ? il y en a un aussi pour les couvents, les ensembles religieux, il y en a pour les banques, enfin c'est une petite merveille, mais, moi, je vous avoue que, depuis les années quatre-vingt, c'est un peu ma bible ? il y a, dans ce répertoire, 104 édifices d'églises qui sont recensés ? et vraiment bien fait ? dont 63 appartiennent à la religion catholique. Sur ces 63, 41 se retrouvent dans les secteurs de pauvreté que je vous ai décrits, ça veut donc dire que ces paroisses... qui souvent sont des monuments historiques absolument remarquables, hein, je pense à l'église Saint-Jean-Baptiste, je pense à l'église Saint-Nom-de-Jésus, que vous connaissez, Saint-Clément, sont situés maintenant dans des lieux où la population, selon le système actuel du Québec qui est: la fabrique voit à payer ses propres dépenses, la population est incapable de suffire en tout cas à payer l'entretien, le maintien des services et de l'édifice qui est le leur.
Alors, évidemment, ça fait quelques années qu'on s'est penché sur ce problème-là. Je ne vous cache pas qu'à Montréal ça fait très longtemps qu'on se préoccupe de ces questions. Moi, je suis heureux de voir, aujourd'hui, cette commission. Je suis le premier à m'en réjouir, ça fait 30 ans que je l'attends, que je la réclame. Je n'ai pas la réponse à toutes les questions que vous avez posées, je n'ai ni la compétence ni l'expertise pour vous donner tous les critères. J'ai lu, ce matin, l'article qu'on soulignait, de M. Marsan et de Mme Gauthier. Je pense qu'eux seront beaucoup plus intéressants en tout cas à trouver les critères qu'il faut pour définir vraiment le patrimoine.
Mais je peux vous dire que, depuis la fin des années soixante, et grâce à un homme que je nomme et à qui je rends témoignage, qui est l'abbé Claude Turmel... je pense qu'il a déposé un mémoire, je ne sais pas s'il va comparaître devant vous, mais c'est un homme qui a une compétence remarquable et qui, revenant d'études dans les années soixante-six, soixante-sept, travaillant à la chancellerie ? qui est un peu le secrétariat général du diocèse ? a pris en charge ce dossier et qui nous a aidés dans Montréal, d'abord le cardinal Léger, le cardinal Grégoire ensuite et moi-même, nous a aidés énormément à être attentifs à ce patrimoine religieux en constituant ce qu'on a appelé le comité d'art sacré. De mémoire, parce que j'en ai fait partie, j'ai eu l'honneur d'en faire partie dans les années soixante-quatorze à quatre-vingt à peu près, de mémoire je me souviens d'hommes et de femmes absolument remarquables qui ont travaillé au sein de ce comité. Je pense à: feu l'architecte Claude Beaulieu qui est une sommité, je pense, dans le domaine artistique et patrimonial; à l'architecte Denis Marchand; à Germain Casavant, qui a travaillé beaucoup à cette étude de la communauté urbaine; à M. Jean Trudel, qui va paraître devant vous; à Clément Demers, qui a été récemment décoré; à Mme Pagé. Enfin, pendant des années, ce comité ? et que nous continuons d'ailleurs encore aujourd'hui ? nous a aidés à être attentifs au patrimoine.
Comment? D'abord, en donnant des conseils aux paroisses. Les paroisses, malheureusement, au Québec, on n'a pas toujours été très, très conscients de la valeur patrimoniale qui était la nôtre, et il s'est commis beaucoup d'erreurs, bon, à Montréal comme ailleurs, il ne s'agit pas de revenir là-dessus. Mais je peux vous dire que, depuis que le comité d'art sacré est chez nous, il y a eu beaucoup moins d'erreurs qui ont été commises, d'abord en faisant prendre conscience aux marguilliers, qui sont les propriétaires de cette église et qui, avec le curé, doivent veiller à ce bien, de la valeur patrimoniale qui est la leur; deuxièmement, en sauvant une série du mobilier dont on n'avait plus eu besoin avec les changements liturgiques, en sauvant de ce mobilier, dont on a d'ailleurs une très grande réserve au sous-sol de la cathédrale... Ceux qui ont vu le film de Denys Arcand, je pense, Les invasions barbares ont vu certaines scènes qui ont été tournées dans le sous-sol de la cathédrale. Vous avez pu voir des statues, des choses qu'on garde, malheureusement pas dans des conditions de conservation idéales, mais on a toujours eu le souci de prendre soin de ces choses, de les garder. En plus, beaucoup de ces trésors ont été soit prêtés au Musée des beaux-arts ou soit investis dans d'autres églises pour de la redécoration à partir de ces chefs-d'oeuvre qui sont nôtres. Alors, c'est un effort, je tiens à le souligner, qu'on doit beaucoup à l'abbé Claude Turmel, à qui je lève mon chapeau de ce côté-là.
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(10 heures)
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Évidemment, cet effort nécessitait énormément de finances, et c'est pourquoi, dès les années quatre-vingt, nous avons commencé un fonds d'entraide paroissiale. Nous avons pensé, à ce moment-là, emprunter de certaines communautés religieuses, de certaines paroisses plus riches des sous à bas taux d'intérêt pour pouvoir les prêter à bas taux d'intérêt pour aider ces paroisses. M. Desrosiers vous en parlera tantôt, de notre fonds d'entraide paroissiale, mais, depuis les années quatre-vingt, ce fonds d'entraide a fourni des millions pour aider les paroisses, et je dirais que 90 % des argents qui ont été investis, c'est pour la conservation du patrimoine. Certains disent qu'on fait de la pastorale avec ça. Je pense que c'est une erreur, c'est surtout consacré pour entretenir les bâtiments, permettre de les maintenir, et particulièrement pour maintenir les églises, patrimoniales souvent, dans des milieux de pauvreté.
Je ne vous cache pas que j'ai des conseillers financiers, parce que je ne suis pas un expert dans ce domaine, et souvent les conseillers financiers nous disent: Avec le système qui est celui de l'Église, quand une paroisse n'est pas capable d'arriver, il faut la fermer, elle n'est pas capable de subvenir à ses propres besoins. Si j'avais suivi leurs conseils, il n'y aurait plus d'églises dans Saint-Henri?Pointe-Saint-Charles. Il n'y en aurait plus dans le Centre-Sud. Il n'y en aurait plus dans le Mile End. Il n'y en aurait pas beaucoup dans Hochelaga-Maisonneuve. Et ça, pour moi, je ne vous cache pas que ça aurait été un contre-témoignage épouvantable de l'Église de laisser des gens à leur propre sort parce qu'ils n'ont pas les sous pour faire vivre l'église. Si, l'Église, on n'est pas capables de s'entraider pour aider ceux qui sont plus pauvres à sauver des églises, eh bien, nous manquons notre coup.
Alors, ça a été un des premiers moyens qu'on s'est donnés. Un autre qui est connu aussi, je pense, qui a quand même une répercussion, nous faisons une campagne annuelle, chaque année, où nous allons chercher 1,5 million à 2 millions pour aider ces paroisses à se maintenir.
À partir des années quatre-vingt-dix, nous avons été très actifs: le comité d'art sacré, chez nous, le diocèse; avec les diocèses du Québec, pour la fondation de Pierres vivantes, qui a été un organisme mis sur pied pour l'ensemble du Québec, un organisme qui a été mis sur pied pour l'ensemble du Québec et pour toutes les églises du Québec, on a voulu, dès le point de départ, que ce soit mis sur un plan oecuménique; Pierres vivantes qui a donné naissance à la Fondation du patrimoine religieux et qui même a engendré des ententes-cadres entre le ministère des Affaires culturelles et le diocèse de Québec et de Montréal, que nous avons signées avec plaisir ? ces ententes achèvent, là, elles doivent se terminer, si mon souvenir est exact, en 2006, alors il faudrait les reconduire.
Alors, devant cette situation, il me semble qu'il y a trois conclusions que j'aimerais donner. La première, c'est que nous avons fait à date des efforts énormes pour maintenir le patrimoine. Nous sommes rendus pas loin du bout du rouleau. Nous ne pourrons pas continuer sans l'aide de l'État, sans l'aide en tout cas... une aide extérieure de ce côté-là parce que ça devient trop lourd pour nos moyens. À quoi serons-nous condamnés? Serons-nous obligés de fermer des églises, de mettre des barricades dans les fenêtres, ou je ne sais pas quoi? Je ne le sais pas. Mais on commence à se poser de sérieuses questions. Si on ne nous vient pas en aide... M. le Président l'a dit tantôt, nos pères n'ont pas fait des châteaux, là, ils ont fait des églises, et des sacrées belles églises, dans notre milieu. C'est vrai pour Montréal, mais c'est vrai pour l'ensemble du Québec. Nous sommes rendus à un point de non-retour. Alors, je pense que là-dessus il faut que l'État, il me semble, prenne sa responsabilité. Tous les États modernes ont un budget, je pense, pour le patrimoine.
La deuxième chose que je dirais: Il faut une nécessaire concertation entre l'Église, entre les différents paliers de gouvernement, entre les organismes qui se préoccupent du patrimoine, et nous sommes très ouverts à cette concertation. C'est sûr que ce n'est jamais facile de se concerter parce que, quand on se concerte, des fois on s'achoppe, hein, on a des idées différentes. Mais actuellement c'est en train de devenir excessivement difficile. Il y a des normes provinciales, il y a des normes fédérales, il y a des normes municipales. Il y a même des normes de quartier, qui sont différentes d'un quartier à l'autre. Moi, quand j'ai pris le diocèse de Montréal en 1990, je pense que j'avais 42 municipalités. Bon. Vous avez fait des fusions. D'autres, on les a défaits. Fusions, fusionnez, ne fusionnez pas, de toute façon ça n'a rien changé avec les quartiers, je pense que je suis rendu à 60 municipalités. C'est encore plus compliqué que c'était avant, chacun ayant ses normes, ses façons de traiter le patrimoine, et tout cela. Je n'ai pas la réponse à cette question, mais je dis: La concertation est absolument nécessaire entre tous les paliers de gouvernement et les gens intéressés là-dessus. Et, quant à l'Église que j'ai l'honneur de présider, j'offre toute ma collaboration pour cette concertation.
Enfin, une dernière chose que je donne avant de donner la parole à mes collègues, c'est une suggestion que j'ai faite au gouvernement de M. Bourassa, au gouvernement de M. Lévesque, au gouvernement de M. Bouchard, de M. Charest, celle d'un moratoire. Ne serait-il pas possible qu'on s'entende, aux différents paliers de gouvernement, pour faire un moratoire qui serait le suivant: avant de construire quelque unité nouvelle pour des besoins sociaux ou politiques, ou je ne sais pas quoi, ne pourrait-on pas se pencher sur la possibilité d'utiliser des biens patrimoniaux pour faire une bibliothèque, pour faire je ne sais pas quoi, moi, un édifice pour le Cirque du Soleil ou faire des choses comme cela?
C'est dans la mesure où on va avoir une volonté collective qu'on pourra trouver les solutions. Puis ce n'est pas facile parce qu'en pratique ? on pourra vous en parler ? les utilisations pour les églises, là, il n'y en a pas des tonnes, il y a des choses qui peuvent convenir, d'autres qui conviennent moins, et, à moins de dire: On va détruire tout notre patrimoine pour récupérer les terrains ? ce qui serait une hérésie, hein, ce serait une affreuseté épouvantable ? je pense qu'il va falloir se concerter. Et il me semble que l'idée d'un moratoire... ou une commission où seraient représentés différents niveaux, s'interrogeraient... Peut-être que souvent on pourrait dire: Non, ça ne convient pas. Mais, si on pouvait utiliser un certain nombre de nos édifices patrimoniaux, ça peut être des églises, ça peut être des ensembles de couvents, des ensembles patrimoniaux quelconques, parce qu'il y en a d'autres aussi qui peuvent être utilisés, je pense que ce serait beaucoup plus facile, à ce moment-là, en tout cas, de venir à bout, de façon concrète et peut-être économique, de la sauvegarde du patrimoine alors.
Maintenant, j'aimerais laisser la parole pendant quelques minutes peut-être à M. Desrosiers, qui vous parlera des difficultés financières des fabriques.
Le Président (M. Brodeur): Si vous permettez, nous allons peut-être transgresser les règles, nous avons presque atteint le 20 minutes, est-ce qu'il y a consentement pour excéder le 20 minutes usuel? Il y a consentement, vous pouvez y aller.
M. Desrosiers (Louis-Philippe): On va essayer de ne pas en prendre trop. Alors, moi, je veux juste vous parler un peu des finances des paroisses et du fonds d'entraide, voir leur rôle dans tout ça.
Alors, le fonds d'entraide, qui a été commencé comme une activité de la corporation en 1980, est une entité légale depuis 1992. Actuellement, ce fonds-là prête à 55 paroisses une somme de 6,8 millions, qui est empruntée de d'autres paroisses, une quarantaine, de communautés religieuses et du capital de départ. Au cours des années, plus d'une centaine, donc plus que la moitié des paroisses du diocèse ou environ, ont fait appel à ce fonds-là comme outil de financement, principalement pour des travaux majeurs à leurs bâtiments et à quelques occasions pour passer à travers des jours plus difficiles, mais surtout pour le bâtiment. Et il faut réaliser que les prêts que ce fonds d'entraide là fait, peu d'institutions financières auraient accepté de les faire, compte tenu de la faible garantie que peut représenter, pour une institution financière, une église, surtout les plus anciennes, qui sont souvent patrimoniales, et aussi des difficultés de respect de cédule de remboursement que demandent ces institutions financières là à des paroisses, compte tenu de l'incertitude dans l'entrée des revenus des paroisses. Alors, on voit la difficulté d'aller sur le marché. En 2004 ? les derniers chiffres disponibles ? 123 paroisses du diocèse de Montréal sont déficitaires, et malgré ça elles opèrent partout.
Les coûts reliés aux bâtiments, dans le diocèse de Montréal, sont plus que 35 % du budget d'une paroisse actuellement, et ces bâtiments-là servent autant aux besoins de l'Église mais aussi à beaucoup d'organismes communautaires qui les utilisent. Il ne faut pas penser que nos bâtiments ne servent qu'une heure par semaine pour une messe le dimanche, ou deux. Elles servent aux AA, elles servent à des cuisines communautaires, à toutes sortes d'organismes, à la ville de Montréal, dans une dizaine de cas, qui tient, à un moment donné, des activités pour les jeunes, et tout. Donc, nos bâtiments sont beaucoup plus utilisés qu'uniquement pour les messes. Et il faut réaliser que les coûts d'huile de l'hiver prochain seront ce que tout le monde peut se douter actuellement: on parle d'une hausse de plus de 50 % par rapport à l'année passée.
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(10 h 10)
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Alors, au total, dans le diocèse de Montréal, on parle de consolider des paroisses, à un moment donné, de 204 millions, dont 175 millions, c'est du béton, c'est des bâtiments, et il y a 29 millions qui est investi en encaisse puis en placements. Alors, ça vous donne une idée du diocèse de Montréal, ce qu'il a fait au cours des dernières années. Alors, je pense que ça place un peu, M. le cardinal, la situation financière.
M. Turcotte (Jean-Claude): En ce qui concerne la vente des églises, vous l'avez déjà dans ça, ça fait qu'on répondra volontiers aux questions, pour respecter l'horaire de la commission.
Le Président (M. Brodeur): Merci pour le dépôt de ce mémoire si intéressant. Tous les membres de la commission en ont pris connaissance. On entend le cri du coeur, on entend le cri du coeur. C'est certain que la capacité financière de l'Église, comme celle du gouvernement d'ailleurs, est restreinte, et, si nous tenons cette commission parlementaire là, je crois, c'est parce qu'il y a urgence, urgence de la tenir et d'agir. Je vous remercie également pour la proposition faite, proposition de moratoire qui semble fort intéressante, malgré que les gouvernements ont tendance à moins construire depuis quelques années, mais quand même ce n'est pas une proposition qui devrait rester hors la rédaction de nos rapports à la fin.
Petite question pour débuter, puis là je peux faire... je n'ose pas utiliser l'expression «l'avocat du diable», ce n'est peut-être pas la circonstance pour utiliser cette expression-là. Nous avons entendu déjà et nous entendrons probablement encore, lors de cette commission, aujourd'hui ou demain, des gens venir nous dire que, oui, les Églises ont cédé... bien, c'est-à-dire l'Église en général a cédé des bâtiments et a réinvesti dans le culte et non pas dans l'entretien des bâtiments ? d'ailleurs, Mgr Turcotte, vous avez soulevé le point tantôt ? et on se demande, nous, ici, en commission parlementaire, s'il y a une politique, une politique de l'archevêché ou des diocèses en général sur la répartition des sommes qui proviennent de la vente des églises. Il y en a quelques-unes de vendues depuis particulièrement une dizaine d'années. Est-ce qu'il y a une politique qui a été établie pour la répartition de ces sommes-là?
M. Turcotte (Jean-Claude): Tout à fait. D'abord, la Loi des fabriques prévoit que ces argents-là doivent retourner à des fabriques. Donc, elles sont remises à l'évêque pour retourner à des fins de fabrique. Notre politique à nous, c'est, d'une part, de payer les dettes d'abord de cette paroisse qui est vendue, parce que souvent cette paroisse avait des dettes soit au fonds d'entraide ou à d'autres organismes; deuxièmement, de donner une grande partie de ces argents qui sont recueillis aux paroisses environnantes qui prennent le territoire de la paroisse qui est disparue ou qui a été vendue. Il y a toujours une partie aussi qui est remise au fonds d'entraide pour aider les paroisses les plus nécessiteuses dont je vous parlais, donnant ce grand T sociologique de ce côté-là.
Si bien que je n'ai pas peur d'affirmer que les ventes d'églises ont servi surtout au maintien des édifices, beaucoup plus, hélas, parce que, de mon point de vue, l'Église n'est pas là pour être un musée d'entretien des édifices, elle a aussi des fins pastorales. Et je dirais facilement que la proportion que je vous ai donnée, entre 90 % servant à des fins de type patrimonial proprement dites, c'est à peu près la proportion, puis il y aurait un 10 % qui sert à des fins d'ordre pastoral. Mais les fins d'ordre pastoral, c'est souvent, aussi, très relié avec... par exemple, c'est pour payer un salaire à un curé qui s'occupe aussi de l'administration. C'est pour permettre que certains locaux soient aménagés pour de la pastorale, mais ça touche aussi à l'utilisation du patrimoine pour le rentabiliser. Mais, à 90 %, je n'ai aucune crainte d'affirmer que cet argent retourne à 100 % à des fins de fabrique, mais à 90 % pour des fins patrimoniales.
Le Président (M. Brodeur): Deuxième question, dans le but de mettre la table aussi pour le reste de nos auditions, on a parlé de biens mobiliers, d'églises, de bâtiments. On parle aussi beaucoup de protection du patrimoine mobilier. Vous disiez tantôt qu'il y a un sous-sol d'église qui est rempli de biens mobiliers. On nous dit, on nous a dit à quelques reprises, lors de préconsultations, que beaucoup des biens mobiliers qui ornaient nos églises ont malheureusement trouvé preneur à l'extérieur du Québec. Lorsqu'il y a une fermeture d'église ? je parlais de politique tantôt de redistribution d'argent ? y a-t-il également une politique de conservation de ces biens mobiliers là? Alors qu'on doit absolument, là, céder des églises dans plusieurs cas, et ça viendra encore, quelle est la politique de l'Église québécoise en ce qui concerne la conservation des ces biens mobiliers là?
M. Turcotte (Jean-Claude): Là aussi, la Loi des fabriques est très claire: une fabrique ne peut pas disposer de ses biens, de ses objets religieux sans obtenir l'autorisation de l'évêque. Il y a eu un procès célèbre au Québec, le procès de L'Ange-Gardien, dont les gens de Québec se souviennent bien, où des objets avaient été vendus même à certaines institutions gouvernementales et qui ont dû retourner aux fabriques parce que l'autorisation de l'évêque n'avait pas été obtenue. Moi, je peux vous dire que jamais je n'autorise une vente à des organismes qui ne sont pas des organismes d'église.
Alors, en gros, on peut dire que notre politique, c'est la conservation. C'est pourquoi d'ailleurs le sous-sol de la cathédrale est plein de ces objets religieux que nous conservons, qui ont une certaine valeur, on a une collection, et certains de ces objets, comme je vous dis, ont été prêtés pour le Musée des beaux-arts. Je suis en discussion d'ailleurs, actuellement, avec M. Lamarre, qui est le président, pour voir comment on pourrait encore mieux améliorer notre... parce qu'eux autres disposent de moyens pour la conservation qui sont beaucoup plus importants que les nôtres. Alors, je pense qu'ils vont venir faire une déposition ici, le Musée des beaux-arts. Alors, nous sommes tout à fait prêts en tout cas à travailler avec eux là-dessus. Mais on a une politique de conservation, c'est évident. Et souvent ces objets vont être replacés dans d'autres églises qui sont redécorées. On a des exemples assez fameux, je pense à Saint-François-de-Sales, où vous avez une sculpture absolument remarquable de la sainte Famille qui a été placée là; à l'église de Saint-Joseph de Rivière-des-Prairies, où on a utilisé des retables ou des choses qui avaient été utilisés à la paroisse Sainte-Catherine-d'Alexandrie qui a été démolie dans les années quatre-vingt. Et il y a plusieurs exemples comme ça.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Mgr Turcotte, bon matin, et aux gens qui vous accompagnent. Je suis vraiment très contente de vous recevoir avec l'ensemble de mes collègues ce matin.
J'aimerais revenir sur cette idée de moratoire. De toute évidence, vous persistez justement dans cette demande qui relève... en fait qui remonte à assez loin. J'aimerais savoir: Est-ce que vous avez documenté justement ce que représenterait l'imposition d'un moratoire? Est-ce que l'on sait, par exemple... Est-ce que vous avez des données là-dessus, sur le nombre de bâtiments qu'il serait possible de sauvegarder? Est-ce que c'est bien documenté?
M. Turcotte (Jean-Claude): Écoutez, non. Je serais malhonnête en vous disant que j'ai documenté. D'abord, je ne possède pas tous les éléments. Moi, je pense surtout aux églises, mais je pense aussi à des couvents. Il y a des exemples absolument heureux, récents. Je pense, par exemple, au couvent des Soeurs Jésus-Marie qui a été vendu à l'Université de Montréal, l'ancien couvent qui est un monument extraordinaire; le couvent des Soeurs grises aussi, au coin de Guy et René-Lévesque, qui va passer à l'Université Concordia, avec une entente, dans 15 ans.
Donc, c'est très long, ces choses-là, mais je pense que c'est heureux parce que ça permet, un, de conserver un édifice patrimonial aux mains d'un organisme sérieux, ce n'est pas des entrepreneurs, là, qui vont faire des condominiums ou des choses comme ça, deux, aussi c'est de maintenir la vocation. Bon. Je vous donne des exemples en tout cas où je m'interroge. Bon. Je sais que, pour le Cirque du Soleil, on a donné ? et c'est tout à fait heureux ? des sommes considérables pour faire un centre, hein, de formation. N'aurait-on pas pu utiliser une église, comme on a fait à Québec? Je pose la question, je suis peut-être bien naïf. Les bibliothèques, il s'en construit, il s'en construira encore. Je pense qu'une bibliothèque pourrait convenir très convenablement dans une église et la réaffecter. Une salle de concert, on a des églises qui ont un son absolument extraordinaire au Québec, hein, même on va enregistrer dans certaines églises. Ne pourrait-on pas envisager d'en avoir quelques-unes qui deviendraient des salles, moins coûteuses peut-être qu'une Place des Arts, même s'il nous en faut une, hein, mais pour l'Orchestre symphonique?
Je ne vous cache pas avoir fait des suggestions à M. Péladeau à l'époque, à un tas de monde. On me disait toujours: Vous avez donc des bonnes idées, monseigneur. Mais ça n'aboutissait jamais, alors je la pousse encore. Et je pense que, n'ayant pas les moyens de documenter, il faudrait peut-être que, suite à une commission comme la vôtre, on se donne les moyens de documenter une question comme celle-là, qui pourrait peut-être offrir en tout cas une piste, je ne dis pas la solution avec un grand S, ça n'existe pas, mais une piste de solution intéressante.
Mme Vien: Est-ce que toutes les reconversions sont bonnes, à votre avis? Tantôt, vous parliez de, bon, il s'agit de promoteurs sérieux. En existe-t-il qui ne sont pas sérieux?
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(10 h 20)
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M. Turcotte (Jean-Claude): Bien, c'est-à-dire «qui ne sont pas sérieux», tout le monde est très sérieux, c'est évident, mais disons qu'il y en a qui sont plus intéressés à faire des sous que d'autres, hein? Bon. Nous, nous avons vendu une vingtaine d'églises. On nous ramène souvent le cas de l'église Saint-Jean-de-la-Croix où il s'est construit des condominiums, où on a sauvé une structure puis on a placé des choses. Bon. À l'époque, je ne vous cache pas, c'est avant les ententes qu'on a signées, c'était la meilleure offre qui s'était faite à nous pour, d'une part, permettre à la communauté chrétienne qui était là de continuer ses activités avec les locaux qu'elle avait besoin, d'autre part, à la communauté sociale aussi, hein? Par exemple, le presbytère a été consacré à une oeuvre avec sa soeur Madeleine, qui a été une vedette de la télévision à un moment donné, là, tout le monde... Il n'y a pas personne qui a souligné que c'était à Saint-Jean-de-la-Croix, ça, et que c'est nous qui avons permis à cette religieuse... qui fait un travail absolument merveilleux dans le quartier, qu'on a illustré à Radio-Canada dans un reportage, et c'est grâce à cela. On a même refusé des offres plus avantageuses, hein, parce que c'était celle qui nous permettait le plus de respecter le milieu.
On a respecté toutes les normes à l'époque. Mais les normes ont changé depuis ce temps-là, chaque quartier a les siennes, et tout ça. Alors, le gros des ventes d'églises actuellement qu'on a faites, nous, ça a été à deux fins, d'abord à une autre Église chrétienne, c'est la première chose qu'on recherche. Quand on vend une église, on va l'offrir à des communautés orthodoxes, à des communautés même catholiques de d'autres dénominations.
On a plusieurs églises, nous, qu'on a mis... Je vous donne l'exemple de l'église Sainte-Cunégonde, Sainte-Cunégonde qui est une merveille, ça a été construit par l'architecte Marchand, le même qui a fait la chapelle du Grand Séminaire et qui a refait le parlement d'Ottawa. Cette église sur laquelle on a investi plus de 1 million, là, pour la maintenir, aujourd'hui on l'a confiée à la communauté coréenne, qui se réunit là tous les dimanches et qui en prend bien soin. Bon, voilà. Sainte-Marguerite-Marie, la paroisse où j'ai été baptisé, hein, en plein Centre-Sud, où il n'y a plus beaucoup de pratiquants dans ce coin-là, hein, qui est un Cormier, donc un architecte un peu sérieux, eh bien, elle a été confiée à la communauté latino-américaine, et tous les dimanches et toute la semaine, c'est plein de monde qui en prennent bien soin. Alors, on a fait donc des changements, hein, de vocation interne à l'église. On l'a fait avec des frères chrétiens aussi de d'autres Églises, dénomination protestante quelconque, des Églises baptistes, des Églises évangélistes, ou des choses comme ça, on en a vendu quand même, près de la moitié des églises ont été vendues à d'autres communautés chrétiennes.
On a aussi vendu pour des fins sociales. Bon. Je pense au Chic Resto Pop, par exemple, que je suis très heureux de voir dans l'église où moi-même j'ai été vicaire, à Saint-Mathias, et puis ils ont eu une subvention gouvernementale et franchement ils ont acheté ça pour pas grand-chose. Dans Hochelaga-Maisonneuve, c'est un modèle du genre, je pense. Bon. Je pense à d'autres églises qui ont été... Saint-Ferdinand... Saint-Bernard qui sert maintenant d'école à une institution, je pense, privée. Bon. On a un certain nombre de choses comme celles-là.
Un certain nombre, on a commencé aussi, depuis deux ans, à aller dans le domaine du logement social. Bon. Saint-Étienne, par exemple, qui a été démolie et qui est devenue une habitation à loyer modique, avec une petite chapelle qui convient aux locaux des gens, bien cette église, c'est un projet qui date d'au moins 30 ans à ma connaissance, qui a pris 30 ans à se réaliser. Avec la FTQ, récemment nous avions deux projets, un du côté de Montréal-Nord, qui se termine, un autre du côté de Sainte-Élisabeth-du-Portugal, mais, avec toutes les chinoiseries de la ville, du quartier, puis tout ça, il n'a pas encore abouti, mais c'est un projet de logement qu'on appelle ? comment est-ce qu'on appelle ça?
Une voix: Abordable.
M. Turcotte (Jean-Claude): ... ? abordable. On aurait aimé mieux faire du logement social, mais, pour ça, il faut avoir des fonds. Quand les fonds sont disponibles, ça va. Mais nous nous sommes alliés avec la FTQ et la ville de Montréal pour faire du logement abordable pour des gens qui trouveront là la sécurité à un prix quand même convenable. Ce n'est pas ce qui va convenir peut-être aux plus pauvres, mais ça convient quand même à une classe moyenne qui est de plus en plus nombreuse.
Alors, c'est comme ça qu'on développe nos projets. Un seul a été pour un condominium. Malheureusement, quand on parle de Montréal, on ne montre que celui-là, hein, mais on oublie la vingtaine d'autres qui servent à des fins sociales, à des fins d'habitation populaire et surtout à des fins religieuses, ce pour quoi, d'abord et avant tout, une église est faite.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: ...
Le Président (M. Brodeur): Oui, c'est bien ça, c'est bien vous.
M. Dion: Merci, M. le Président. Je pensais que je passerais le dernier, vous voyez? Alors là, quand on passe le premier, on s'attend... Mais il paraît que parfois les derniers sont les premiers, hein?
M. Turcotte (Jean-Claude): Ça a été dit par quelqu'un de célèbre, il me semble.
M. Dion: Oui. Alors, merci beaucoup, M. le cardinal, de venir ici nous entretenir. Je sais que c'est une question extrêmement difficile qu'on a à trancher, ou enfin il faudra trancher de toute façon parce que les faits vont trancher avant nous si on ne tranche pas, si on ne prend pas des décisions. Mais ce qui inspire en fait, et ça, je pense qu'il faudrait s'en souvenir à chaque étape de nos décisions et de nos recommandations, ce qui inspire ce que nous faisons aujourd'hui, cette consultation-là, c'est la volonté de continuité. Il y a d'autres valeurs dans la société qui sont très grandes aussi, mais la valeur de continuité est une valeur importante, et je pense que la valeur de continuité devrait être celle qui nous inspirerait dans la façon de trouver des solutions. Et, pour assurer la continuité d'un édifice, tels une église ou un couvent, ou ces choses-là, je pense qu'il y a une condition qui de toute façon va nous rattraper quelles que soient les décisions qu'on voudra prendre, c'est que, pour assurer la continuité, il faut assurer une certaine utilité, parfois on appelle ça une rentabilité, mais enfin une utilité, en tout cas.
Alors, la question, d'un point de vue très, un peu, très... peut-être un peu trop... plus micro: Est-ce que l'Église actuellement, à Montréal, a une politique par rapport à l'utilisation des églises actuelles à des fins, par exemple, touristiques? Parce que vous disiez au début: On n'a pas de cathédrale, on a des églises... c'est-à-dire qu'on n'a pas de château, on a des cathédrales, on a des églises. Et c'est vrai qu'il y en a de très belles, et, quand on visite partout au Québec, on n'aime pas ça... Moi, j'aime ça visiter des églises, je trouve qu'il y en a de très belles. Parfois, on est déçu aussi, et, quand on arrive puis que la porte est barrée, bien, évidemment, on retourne, on va ailleurs. Alors, est-ce qu'il y a une politique d'utilisation à cette fin-là qui pourrait d'une certaine façon contribuer à la rentabilité d'une église?
M. Turcotte (Jean-Claude): Vous me posez une question qui est excessivement difficile parce que c'est toute la question de l'accessibilité. Moi, je peux vous dire qu'à la cathédrale dont je suis un curé c'est ouvert de 7 heures le matin à 7 heures, 8 heures le soir, mais ça coûte une fortune. La surveillance... Vous savez, aujourd'hui, depuis qu'on a vidé les instituts psychiatriques, et tout ça, on a souvent laissé sur la rue des gens qui n'ont peut-être pas les moyens de se soigner aussi facilement. L'itinérance a augmenté, alors les vols, les bris, je vous donne simplement... malgré la surveillance qu'on fait, vous savez. Je me souviens, il n'y a pas plus que trois ans, on a des grands crucifix, des grands chandeliers chaque côté de l'autel, bien un être malade est arrivé, puis il a tout foutu ça par terre, créant des dommages de 20 000 $. Alors, c'est pourquoi souvent on est obligé de les fermer.
Je sais que Notre-Dame aussi fait un effort énorme ? certains aiment la façon qu'ils font, d'autres ne l'aiment pas, mais tout de même ? pour mettre en valeur cette chose-là. Il existe également deux... au moins deux, à ma connaissance, sinon trois organismes qui font visiter des églises. Nous sommes tout à fait prêts à collaborer avec eux, nous collaborons de toute façon avec eux quand c'est organisé. Mais malheureusement la politique que l'on a faite, vu ces dommages par des vols ou par des vandalismes, on a demandé à plusieurs églises d'avoir au moins une petite chapelle accessible pour que les gens puissent aller prier. Alors, il y a sûrement une quarantaine d'églises à Montréal où une chapelle est ouverte jour et nuit. Je peux même vous dire qu'il y en a une, les Pères du Saint-Sacrement, où maintenant il y a une communauté où on a une chapelle qui est ouverte jour et nuit. Il y a des gens qui ont une carte magnétique, des gens fiables, et qui peuvent aller prier même la nuit. C'est assez moderne comme système. Évidemment, on ne peut pas répandre ça partout.
Mais cette politique là-dessus, elle est très coûteuse. Il faudrait assurer une surveillance dont nous n'avons pas, hélas, toujours les moyens. Mais c'est vraiment dommage parce que... Mais peut-être qu'on pourrait organiser mieux les groupes touristiques qui font des tournées et qui vont voir des églises. Vous savez, quand on pense à Saint-Pierre-Apôtre, on pense à certaines de nos églises à Montréal qui sont peu connues mais qui sont des bijoux, hein, sans parler de celles de la province, j'en connais quelques-unes, vous savez, le long du fleuve Saint-Laurent, il y en a des belles, hein, dans Bellechasse, là, Saint-Michel.
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(10 h 30)
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Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, Mgr Turcotte, de ce mémoire d'abord, je crois, qui est très intéressant, très instructif, et de votre présentation devant la commission. J'ai deux questions pour vous. Vous avez dit que vous attendiez cette commission depuis 30 ans. Vous nous demandez de... ou vous proposez que les ententes conclues en 2001 soient renouvelées en 2006 ? ça, c'est l'an prochain. Vous nous proposez un moratoire. Quand voulez-vous que le gouvernement agisse? Est-ce que vous pourriez nous suggérer une échéance de nos travaux, et concrète, pour toute cette question du patrimoine religieux?
Et ma deuxième question, elle porte sur le moratoire en particulier. Je trouve la suggestion intéressante. Très concrètement, par exemple, moi qui est le député... dans lequel il y a l'église Saint-Jean-Baptiste, j'ai reçu, un jour, un téléphone du curé me demandant si je voulais bien visiter cette église, qu'il voulait offrir au Conservatoire de musique de Montréal. Et il m'a dit que le conservatoire, sa directrice, Mme Lagacé, avait visité l'église et qu'elle serait intéressée mais seulement à condition qu'il y ait des changements majeurs. Et on a dit, on lui a répondu: Bien, ce n'est pas évident qu'on accepterait des changements majeurs à cet objet de patrimoine religieux. Alors, ma question est: Alors, quel rôle l'Église veut-elle jouer, continuer à jouer lorsqu'il s'agit du lieu à préserver, lorsqu'il s'agit, par exemple, d'une utilisation publique qui pourrait être celle rendue possible par un moratoire? Parce que, plutôt que de construire le conservatoire avec la salle de concert de l'OSM sur l'îlot Balmoral, on pourrait envisager qu'il soit plutôt logé à l'église Saint-Jean-Baptiste.
M. Turcotte (Jean-Claude): Bon. Je vais commencer par la question de l'échéance. J'aurais le goût de vous dire... quand ça fait 30 ans qu'on attend une chose, j'aurais le goût de vous dire: Avant-hier. Mais il y a quand même une chose sur laquelle j'attends de cette commission beaucoup d'éclaircissements, moi, c'est sur: Qu'est la définition du patrimoine, et les catégories de patrimoine? Tout n'est pas patrimoine, c'est évident. Il y a sûrement là-dedans... Je m'inspire beaucoup de l'article, que j'ai bien aimé, ce matin, de Jean-Claude Marsan et de Mme Gauthier. Il y a A, A plus, A moins, puis il y a B, B plus, B moins, et à date on ne considère comme patrimonial que ce qui est construit avant 1945. Dans ce document, ici, ça va à peu près jusqu'à 1932. On a un certain nombre de critères. Vous en avez émis un certain nombre, de critères. Ça, c'est la chose à éclaircir avant d'avoir une politique, et je pense que c'est peut-être la priorité de cette commission, d'établir véritablement des critères patrimoniaux pour qu'on puisse juger, pour les églises, pour les ensembles, etc., ces choses-là. Et le plus tôt ce sera le mieux. Comme je vous dis, moi, je parle pour Montréal. Je pense que je me fais le porte-parole de beaucoup de collègues dans d'autres diocèses qui sont vraiment rendus au bout du rouleau aussi. Bon.
En ce qui concerne le moratoire, ça aussi, c'est une question qui est fort complexe parce que... Bon. Je regarde, par exemple, Saint-Jean-Baptiste, que je connais bien, qui est une église absolument magnifique, qui comporte, je pense, 4 000 places, dans laquelle il y a un baldaquin absolument superbe. Vous avez deux orgues dans cette église: l'orgue majeur en arrière, puis un orgue secondaire sur un côté. Je sais que M. Boucher, qui est l'organiste, considère que c'est un des endroits les meilleurs. L'acoustique, semble-t-il, est très bonne. Alors, qu'est-ce qu'il faut retenir de tout ça pour faire des changements par rapport à des besoins comme celui-là? Je sais qu'actuellement il se fait quelques concerts, de temps en temps, là-bas. Je dois dire, pour être allé à quelques-uns des concerts, que ce soit à Notre-Dame ou à Saint-Jean-Baptiste: Ce n'est pas l'endroit le plus confortable pour passer sa veillée, hein? Le confort de notre siège n'est pas très, très à la hauteur de la qualité musicale qu'on y entend. Bon. Ça, ce n'est pas trop grave. Mais, dans le décor lui-même, comment le rendre? Je pense que des experts pourraient trouver... Je sais qu'il existe, à travers le monde, des exemples remarquables d'aménagement où on a su trouver... Et même au Québec, hein? Là-dessus, on a des architectes qui sont vraiment des gens créateurs et qui pourraient nous aider particulièrement à trouver ce qui est essentiel, qu'il faut conserver, ce qui est accessoire et tout ce qui est vraiment libre.
Mais, vous avez raison, il faut aller jusque-là si on veut rendre utiles certains de ces bâtiments. Il faut aller jusqu'à une transformation qui rende possible, hein, une nouvelle finalité. Et certaines finalités me semblent en tout cas aller plus dans le sens du religieux pour lequel l'édifice sera construit que d'autres, hein? Bon. Je pense que transformer une église dans un cinéma où on présenterait des films plus ou moins catholiques, pour ne pas employer d'autres termes, ça poserait question à la population. Mais, par rapport à tout ce qui est le domaine artistique... Bon. Je pense à la musique, je pense même à des expositions. Je sais que le Gesù actuellement fait un effort énorme, avec sa salle et même en haut, pour des expositions de peinture. Alors, il y a des expériences là-dessus qu'on pourrait regarder et voir comment on peut s'en inspirer pour d'autres choses. Même des bibliothèques, vous avez des exemples à travers le monde en tout cas où des choses ont été faites. Et je pense même, au point de vue... Je parlais du cirque tantôt. Il y a une église qui a été transformée, je pense, dans la ville de Québec... Peut-être qu'on pourrait s'inspirer de ces choses-là et trouver d'autres idées.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci, M. le Président. M. Turcotte, toujours un plaisir de vous rencontrer. Doublement content quand vous parlez d'églises: Saint-Joseph, de la Rivière-des-Prairies, une très belle église, et Saint-Jean-Baptiste, qui est dans le comté de Mercier, une très belle église où est-ce que les ondes sont très positives. Je me suis marié à cette église et je peux vous dire que les ondes sont extraordinaires: le mariage dure depuis 11 ans.
M. Turcotte (Jean-Claude): Alors, bravo!
M. Tomassi: Mais, au-delà de tout, il y a la Fondation du patrimoine religieux qui avait été mise en place, où est-ce qu'il y avait eu un budget et où est-ce qu'ils ont un fonctionnement qui est proprement dit en accord avec le diocèse de Montréal et d'autres intervenants. Là, si je comprends bien, une des demandes que vous faites, c'est peut-être de reporter le budget et qu'on puisse aller de l'avant.
En termes de fonctionnement, sur la Fondation du patrimoine religieux, est-ce que c'est un fonctionnement qui à votre avis aujourd'hui fait l'unanimité ou est-ce qu'il y a peut-être des changements à apporter pour revenir peut-être à l'autre question qui avait été posée, à tout ce qui a trait à ce qui est patrimoine ou non patrimonial? Hein? Vous savez, la ligne, là, elle est très mince. Est-ce qu'on change la vitre, est-ce qu'on ne la change pas? Est-ce que le mur a une valeur ou n'en a pas? Alors, dans ce sens-là, est-ce que peut-être on n'aurait pas pu ouvrir un peu plus cette fondation pour peut-être permettre à ces gens d'avoir une vision un peu plus large de ce qui est patrimonial ou non?
M. Turcotte (Jean-Claude): Bien, écoutez, je pense qu'on a été très inspiré en créant la Fondation du patrimoine, en ce sens qu'elle a rendu des services ? elle en rend encore d'ailleurs ? signalés. Bon. Je ne vois pas pourquoi on changerait. Tout est perfectible bien sûr, hein? Ils y vont avec les normes actuelles sur le patrimoine. Par exemple, une des normes qui est actuellement... qui doit, me semble-t-il, être remise en question, c'est que, pour être patrimonial, il faut avoir été construit avant 1945. Bon. Alors, il y en a sûrement après aussi qui le sont parce qu'on a des églises modernes ? peut-être pas toutes mais un certain nombre ? aussi qu'il faudrait en tout cas inventorier et qui ont une certaine valeur. Bon.
À la mesure où on leur donne des normes claires, il me semble que cette fondation doit être encouragée et pour deux raisons. La première, c'est que cette fondation, elle est de la base, elle est faite avec des gens qui sont sur le terrain, avec des gens qui connaissent ces questions-là. Parce que tout le monde ne connaît pas les questions patrimoniales avec... Attention, ce n'est pas tous les architectes qui sont des experts. Mais on a ici, au Québec, je pense, quand même certains hommes et certaines femmes qui ont une connaissance là-dedans. Alors, on les retrouve là-dedans.
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(10 h 40)
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L'autre raison, vous savez, quand quelque chose est fait directement par le gouvernement, je ne sais pas pourquoi, ça coûte toujours plus cher, hein? Je m'en doute, remarquez, vous le savez peut-être mieux que moi. Mais on a intérêt, je pense, à faire faire ça par des organismes sans but lucratif, tout en ayant un oeil dessus, c'est évident. Mais, avec 1 million qu'on met là-dedans, je suis convaincu qu'on est capable de faire beaucoup plus que certains services gouvernementaux à cause de la machine.
Ce n'est pas un reproche que je fais, mais, avec le fait que, quand les gens voient que c'est le gouvernement, bien on va arrondir les coins, puis tout ça, hein... Ça, j'ai souvent dit ça à des premiers ministres et je le dis encore aujourd'hui, je pense que, quand il y a moyen d'éviter que le gouvernement intervienne directement mais passe par des organismes comme celui-là, on peut rentabiliser l'argent qu'on investit. Et, en ce sens-là, la Fondation du patrimoine a prouvé que cette chose-là était vraie, et je ne vois pas pourquoi on changerait cette formule, quitte à l'améliorer, là, hein, avec des nouveaux critères, formule qui a fait ses preuves.
Le Président (M. Brodeur): Pour une répartition juste du temps, pour une courte question, M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Mgr Turcotte, j'allais dire: Merci pour vos lumières. Et vous avez évoqué un cas peut-être malheureux d'une transformation au niveau de copropriétés. Ce serait bien triste que, dans quelques générations, nos enfants et petits-enfants regardent les livres d'histoire et, à l'image d'une église, évoquent le fait qu'on construisait des condos à cette époque-là. Mais est-ce que, pour éviter ça ? vous avez parlé de cession d'églises justement ? dans une vision à plus long terme, vous ne croyez pas qu'il y a un risque, lorsque ce patrimoine-là aura passé d'une main à l'autre, qu'on revienne à une problématique qui sera peut-être plus pécuniaire qu'autre, et qu'il y ait ultimement des transformations, et donc, à plus long terme justement, on perdrait ce patrimoine-là?
Ma question est à l'effet donc... Considérez-vous que la législation actuelle est suffisante pour protéger à long terme ce patrimoine religieux, d'autant plus qu'à mon sens l'Église est encore bien vivante? J'ai eu le plaisir d'être partenaire, dans mon coin de pays, dans les Basses-Laurentides, aux Journées mondiales de la jeunesse qui ont attiré... nos propres jeunes y étaient, donc j'étais très fier. Et l'église sert actuellement très activement pour toute la communauté. Donc, ma question, c'est ça: Est-ce que vous croyez effectivement que notre patrimoine à long terme est protégé, que la législation est suffisante ou qu'il y a vraiment des choses à faire de ce côté-là?
M. Turcotte (Jean-Claude): Je vous remercie de cette question qui est fort importante. La réponse à ça, c'est non parce qu'une fois qu'on a vendu un édifice, que ce soit à un organisme religieux autre que catholique, ou tout ça, ou même à un organisme sans but lucratif, il devient propriétaire, et l'église peut, dans un second temps, passer à des fins qui nous scandaliseraient. En ce sens-là, je pense... et c'est pourquoi, moi, je prône la concertation. Il faut qu'on s'entende pour éviter ces choses-là. Vous savez, certaines Églises à qui on vend actuellement... On ne vend pas à des sectes, c'est évident. On ne vend qu'à des Églises chrétiennes parce qu'il nous semble, en tout cas dans la population actuelle, que la mentalité verrait peut-être d'un mauvais oeil qu'on vende à des religions bouddhistes ou musulmanes. Mais ces Églises chrétiennes n'ont pas toutes la structure de l'Église anglicane, par exemple, ou de l'Église catholique, qui offrent un certain sérieux à cause de... ou même l'Église luthérienne, ou même la United Church. Certaines Églises sont plus souples, sont plus, je dirais, atomisées. Alors, les conséquences là-dessus... Et, vous avez raison, je pense qu'il faut revoir à long terme la législation si on ne veut pas se retrouver dans une seconde génération avec la situation que vous décrivez.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Monseigneur, j'aimerais vous entendre un peu plus sur la communauté ou sur la symbolique. Il a fallu, nous, s'entendre déjà sur la définition, dans notre document de consultation, là, à l'annexe 2, les définitions de ce qu'est un diocèse, ce que c'est, une fabrique, ce que c'est, une paroisse, pour se comprendre un peu, de ce qu'on parle, parce qu'une paroisse peut avoir plusieurs églises, donc ce n'est pas nécessairement une paroisse, une église. Bon. Et, moi, je me réfère un peu à mon père où, à un moment donné, je me souviens qu'il circulait, à Montréal, en fonction des paroisses, des quartiers. On est dans la paroisse Sainte-Louise-de-Marillac, je me dirige vers Sainte-Cunégonde. Alors ce que... Maintenant, aujourd'hui, on entend moins cette façon de faire les choses à Montréal. Donc, il y a tout un savoir, là, puis il y a toute une culture qui disparaît, avec les années, à travers tout ça.
Lorsqu'une... J'ai vu beaucoup de gens... Je vis dans Pointe-aux-Trembles. M. le curé de Pointe-aux-Trembles, qui est ici aussi, je veux lui dire bonjour. La communauté réagit très fortement lorsque leur église doit... Il y a un problème de réfection d'un toit, avec quelque part quelque chose qui coule, bon, peu importe, là, elle réagit. Elle pratique moins, mais, lorsque son église doit disparaître, il y a toute une réaction, et, comme députés, on le vit dans chacun de nos quartiers.
Alors, que se passe-t-il lorsqu'avant qu'il y ait une cession de bien ou avant qu'il y ait une vente, avant qu'on soit rendu... Le but, au départ, est de le conserver. Lorsqu'on ne peut pas le conserver, je vous ai entendu un peu, puis, de ce qu'on lit, bon, il y a différentes avenues qu'il faut regarder, puis la commission va éclaircir à ce niveau-là. Mais il reste, quand une communauté... Il faut gérer, là, cette symbolique-là aussi. Lorsqu'une église doit probablement être vendue, qu'est-ce qu'il se passe chez vous? Est-ce qu'au départ, là... Parce que la première réaction doit sûrement... On va appeler l'archevêché, on va appeler la paroisse, on va dire à l'archevêché: C'est quoi, l'aide qu'on peut avoir? Ils n'arrivent pas tout de suite au député. Nous autres, ils arrivent un petit peu plus tard, en général. Alors, j'aimerais vous entendre, monseigneur, sur toute la symbolique puis tout l'esprit du départ d'une église, ce que ça implique.
M. Turcotte (Jean-Claude): Première chose que je dirais, c'est que nous ne voulons pas et nous n'avons pas voulu faire un plan dans un bureau où, de façon abstraite, on juge que là ça va être une telle, là ça va être une telle, et tout ça. On essaie d'être fidèle à l'avis. Je vous avoue que... Les fusions forcées, on a vu que ce n'est pas toujours un succès, alors on essaie de ne pas en faire, d'autant plus que notre système fait que chaque paroisse est une entité légale autonome, avec à sa tête un curé que je nomme et six marguilliers qui sont élus pour deux ans chacun par la population qui est invitée. Toute la population qui se dit catholique vient, chaque année, élire ses marguilliers. Alors, c'est ce corps-là qui est chargé de l'administration.
Pour faire des choses aussi importantes qu'emprunter des sous, pour vendre l'église, disposer de certains biens, on demande aussi... la Loi des fabriques prévoit qu'il y ait une assemblée de paroissiens. Donc, il y a une formule qui est prévue dans la Loi des fabriques: pendant deux, trois dimanches, il faut que ce soit annoncé publiquement, puis les gens sont invités, il y a réunion, et on prend des votes à la majorité. C'est quand même très démocratique. Alors, je peux vous dire que les fusions de paroisses, les regroupements de paroisses auxquels nous sommes obligés, à cause du personnel et à cause du fait aussi que, nos édifices, on essaie de les rentabiliser le plus possible, ne se font jamais sans le consentement des paroissiens.
Ce qui est difficile toujours, c'est qu'au moment où des décisions ont été prises, après un cheminement de la communauté qui dure parfois des années, là il y a des gens qui se réveillent, hein, qui n'ont jamais été à l'église, puis là: Ah, ça va disparaître! Bien oui, mais, à un moment donné, tu sais ? «no taxation without representation», comme disent nos amis grecs ? il faut que tu participes à la vie de ta communauté, hein? Alors, c'est là qu'il peut y avoir parfois des choses comme celle-là. On essaie de faire comprendre autant que possible.
Je peux vous dire qu'on en a eu, des fusions, dans le diocèse de Montréal. Il y en a eu une bonne quarantaine. Et, bon, il y a eu quelques accrochages. Je comprends que... Je pense à certains... en tout cas à Pointe-aux-Trembles. Je me souviens avec émotion de certaines d'entre elles. Mais il reste qu'en général on essaie de le faire en mettant dans le coup la population pratiquante parce que c'est celle qu'on atteint, hein?
Évidemment, quand vous touchez à une église, là, vous touchez un symbole. Mais ce n'est pas facile, vous savez, de toucher à un symbole et de plaire à tout le monde. Mais je peux vous dire que notre politique, c'est d'avoir une participation majoritaire de la communauté. Et jamais je n'ai accepté, moi, qu'on ne vende une église ou qu'on ne fusionne s'il n'y a pas l'accord majoritaire des marguilliers et si je n'ai pas un accord très important ? je ne dirais pas 51 %, là, je ne veux pas rentrer là-dessus, hein, ça, c'est des choses que vous connaissez mieux que moi ? de l'assemblée des paroissiens qui disent: Bien, on accepte, faute de combattants... Mais malgré cela il y a toujours des gens qui nous reviennent, qui se réveillent un peu tard et qui... Mais dans l'ensemble je dois dire qu'on essaie de le faire avec le plus de participation possible de nos gens et on n'impose rien, si bien que je n'ai pas de plan secret. Les gens qui pensent qu'on a un plan secret, là, puis que... Non, on le fait avec l'accord des gens et on est patients, très patients.
Le Président (M. Brodeur): Pour une dernière et courte question, M. le député de Mercier.
M. Turp: ...je voudrais revenir sur l'échéancier. Luc Noppen et Lucie Morisset, dans le mémoire qu'ils ont préparé pour la commission, nous ont proposé une échéance, 2010, pour sauver les églises. Et ils proposent des choses qui ne vous plairont pas nécessairement, là, mais il proposent une échéance: 2010. Il faut faire des lois, peut-être des programmes, de la concertation. Est-ce que c'est une échéance qui vous paraît raisonnable et utile pour sauver les églises et les églises catholiques du Québec?
M. Turcotte (Jean-Claude): En tout cas, en ce qui concerne Montréal, si je dois attendre en 2010 pour sauver certaines églises patrimoniales que j'ai, c'est trop tard, je vous le dis bien franchement. Tu sais, quand je dois fournir 100 000 $, 150 000 $ par année, moi, pour le budget presque courant de Saint-Jean-Baptiste, Saint-Nom-de-Jésus de Maisonneuve, de Saint-Clément-d'Youville, et tutti quanti, je ne suis plus capable de faire ça.
M. Turp: Donc, là, vous nous dites aujourd'hui: Le temps presse.
M. Turcotte (Jean-Claude): Oui. Je pense qu'il y a une urgence.
M. Turp: Mais, vous, vous nous dites: Après 2010, c'est trop tard.
M. Turcotte (Jean-Claude): Bien, 2010, si on a réglé tout l'ensemble de la situation du Québec, ce sera beau. Mais il faut qu'avant ça peut-être il y ait des gestes intermédiaires qui soient posés. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Turp: Ça va.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci beaucoup, Mgr Turcotte, M. Desrosiers et M. Fortin. Merci énormément. En quelque sorte, vous êtes les premiers à intervenir lors de nos auditions, c'est presque une bénédiction de nos travaux. Merci beaucoup.
Donc, je vais suspendre quelques instants pour laisser le temps à l'Assemblée des évêques catholiques du Québec de s'installer.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 10 h 56)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Nous, à l'habituel on demande, au parlement, aux gens de s'installer. C'est déjà fait. Il y a eu un petit délai pour le café, à l'intermission, mais nous accueillons l'Assemblée des évêques catholiques du Québec.
Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle la règle de nos interventions en commission parlementaire, puisque nous sommes en commission parlementaire tout comme si nous étions au parlement. Donc, la règle est la suivante: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire, ce qui est suivi par un échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vais vous demander, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous présenter et à la suite de présenter votre mémoire, qui sera suivi par une période d'échange. La parole est à vous.
Assemblée des évêques catholiques
du Québec (AECQ)
M. Cazabon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Je salue aussi les membres de la commission. Et je me présente: je suis Gilles Cazabon, évêque du diocèse de Saint-Jérôme et président de l'Assemblée des évêques du Québec. Aujourd'hui, je suis ici en compagnie de M. Lucien Lemieux, prêtre du diocèse de Saint-Jean-Longueuil et historien, et de M. Germain Tremblay, qui est adjoint au secrétaire général de notre assemblée, dans les dossiers de législation et d'administration.
Le mémoire que je vous présente aujourd'hui a été préparé aussi par un comité de consultants et soumis à l'Assemblée des évêques du Québec, qui l'a accepté, et j'ai la joie de pouvoir vous le présenter ce matin. Je vais lire le mémoire, mais vous allez remarquer que parfois je vais sauter des phrases ou peut-être des parties de paragraphe, mais, de cette façon-là, vous pourrez, je pense, me suivre assez facilement.
La Commission de la culture de l'Assemblée nationale du Québec a publié, en juin 2005, un document de consultation en vue d'une consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec. Ce document nous apparaît opportun. Nous sommes d'autant plus sensibles à cette initiative que l'Église catholique romaine a été la première institution, au Québec, à favoriser l'expression artistique, spécialement dans la construction et l'ornementation des lieux de culte. Le patrimoine religieux constitue encore la principale richesse de l'art québécois. Nous nous rendons compte cependant que le noeud du problème continue de se trouver dans la perception qu'ont les gens du patrimoine, spécialement du patrimoine religieux.
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(11 heures)
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Dans son rapport synthèse Assurer la pérennité du patrimoine religieux au Québec, paru en juillet 2000, la Commission des biens culturels du Québec avait pourtant réussi à définir ainsi ce dernier: «Sont considérés comme faisant partie du patrimoine religieux les biens immobiliers, mobiliers ou archivistiques qui correspondent à l'ensemble des paramètres suivants:
«[le premier,] ils appartiennent ou ont appartenu à une Église ou tradition, ou ils lui sont reliés ou l'ont été dans le passé, l'Église ou la tradition en cause étant représentée par l'une ou l'autre de ses composantes: fabrique paroissiale, communauté religieuse, diocèse, consistoire, etc.;
«[deuxièmement,] ils ont été, selon le cas, construits, fabriqués ou acquis en vue de l'une ou l'autre des fonctions inhérentes ou corollaires à la mission religieuse, institutionnelle ou sociale de leur propriétaire ? culte, résidence, enseignement, soins aux personnes, subsistance, villégiature ? ou à des fins des témoignage;
«[et troisièmement,] ils ont une valeur patrimoniale.» Une telle conception du patrimoine religieux ne nous semble pas présente dans le document de consultation. Bien plus, elle laisse place à une approche fort différente, ce qui nous surprend et provoque en nous une certaine déception.
Selon nous, le patrimoine religieux catholique romain est un héritage marqué par la foi chrétienne et par un souci d'évangélisation. Il s'agit d'un ensemble de biens mobiliers, incluant en particulier des oeuvres d'art religieux et des archives, de biens immobiliers ainsi que du patrimoine immatériel qui conserve son importance. Ces biens ont servi, servent ou pourraient servir à la vie et à la mission de notre Église, ce qui vaudrait pour toute autre tradition religieuse. Dès le point de départ, nous affirmons, rassurés là-dessus par des études historiques et juridiques, qu'il s'agit de biens patrimoniaux qui appartiennent à des institutions qui en sont propriétaires et dépositaires. Selon la jurisprudence, toute fabrique de paroisse, par exemple, est une personne morale de droit public. Le patrimoine religieux n'a pas moins une valeur culturelle pour toute la collectivité.
Nous porterons notre attention principalement sur ce qui a trait aux biens immobiliers des paroisses et un peu sur les biens mobiliers. D'ailleurs, il est écrit avec justesse dans le document de consultation: «La question de l'avenir des églises est sans contredit la plus épineuse de la problématique d'ensemble de la préservation du patrimoine religieux.» Respectant les interrogations que se pose la Commission de la culture, voici nos opinions et observations.
D'abord, les critères. Tel que rapporté dans le document de consultation, le texte de la Commission des biens culturels du Québec fait ressortir les diverses composantes d'un lieu de culte: spirituelle ou religieuse, communautaire, historique, ancienne, artistique, économique ou financière, touristique et sociale. Il nous apparaît indéniable que le patrimoine religieux fait partie intégrante de la culture québécoise et qu'il est une composante du paysage urbain ou rural du Québec. Nous endossons ainsi le but de la Fondation du patrimoine religieux du Québec, qui est d'ordre culturel et non cultuel: «Favoriser la survivance des sites religieux ayant une grande valeur historique et esthétique.» De fait, depuis 1995, cet objectif est en voie de réalisation, grâce à une gestion de partenariat efficace avec les fabriques paroissiales et les communautés concernées.
Certes, le patrimoine religieux origine de personnes qui, dans le cas des paroisses, adhèrent à l'Église dont elles font activement partie. Ainsi, les biens patrimoniaux religieux appartiennent non à l'ensemble de la population québécoise, mais à des propriétaires bien identifiés, par exemple à des fabriques paroissiales ou à une congrégation de vie consacrée. D'ailleurs, selon les sources législatives, depuis l'Acte de Québec en 1774 et l'Acte constitutionnel de 1791, seules les personnes de religion catholique romaine ont contribué au financement des fabriques paroissiales, toutes les autres n'y ayant jamais été obligées. Sous le Régime français antérieur, toute la population était catholique romaine.
Les biens patrimoniaux religieux ont été érigés ou acquis afin de favoriser le rassemblement communautaire, la prière et le culte, le ressourcement et l'engagement. Comme les immeubles patrimoniaux religieux n'ont pas de valeur marchande reconnue et que leur transformation risque de mener à la disparition de la richesse culturelle des édifices, il importe que ces derniers, considérés à juste titre comme étant de valeur patrimoniale élevée ou même de valeur communautaire reconnue localement, soient sauvegardés, assurés d'un entretien constant et mis en valeur. Leur fonction sociale n'est pas moins réelle, même s'ils appartiennent à des personnes morales ou physiques.
Nous souhaitons donc que, dans le processus de sélection des biens à caractère religieux devant être préservés et mis en valeur, les critères suivant soient retenus dans l'ordre prioritaire que nous indiquons ci-après, tout en rappelant que ce processus relève d'abord et avant tout des propriétaires de ces biens. Premier critère, d'abord le respect de leur signification religieuse, sacrale, spirituelle et évangélisatrice; deux, ensuite la préoccupation de l'impact communautaire certes en milieu dit rural, mais aussi dans la plupart des quartiers urbains; trois, enfin la qualité artistique et la valeur historique de l'édifice ainsi que des biens mobiliers qui en font partie.
Types de projet à mettre de l'avant. Durant la décennie de 1960, de nombreuses institutions ont été vendues à l'État provincial par des diocèses et des congrégations de vie consacrée. Ces édifices étaient utilisés surtout dans les secteurs de la santé et de l'éducation, deux domaines dans lesquels l'Église s'était engagée avec l'État depuis des siècles. Une dimension patrimoniale n'y était pas absente. Cette expérience bilatérale a cependant été fort différente de celle qui nous concerne dans la consultation en cours. Sans oublier la première, qui fut bénéfique pour l'État, nous envisageons d'autres types de projets en ce qui a trait aux immeubles religieux et à leurs oeuvres d'art.
Certes, se détacher de biens religieux, même de peu de valeur patrimoniale, est un déchirement, car ils sont des témoignages de foi chrétienne. Nous proposons des types de projets avec le désir de protéger la dimension sacrale des biens religieux. Sans doute, le sacré peut avoir été jadis omniprésent au Québec, mais une véritable sécularisation demeure respectueuse d'une culture où le sacré continue d'avoir sa place, car il fait partie de la vie et de l'histoire de tout être humain ainsi que de toute collectivité.
Des expériences récentes en divers milieux québécois apportent d'ailleurs un éclairage pour l'avenir. Il nous apparaît nécessaire de privilégier les types de projets qui suivent. D'abord, l'inventaire des lieux de culte. Il faudrait réviser l'inventaire des lieux de culte pour tenir compte des critères déjà mentionnés à la fin de la partie I et énumérés en ordre prioritaire. L'on arriverait ainsi à discerner avec justesse les immeubles qui font partie du patrimoine religieux. En ce sens, les diocèses du Québec ont entrepris un inventaire minutieux, et cette activité s'avère nécessaire partout au Québec.
n(11 h 10)n Deuxièmement, activités diverses d'évangélisation. Des activités paroissiales diversifiées se déroulent à longueur d'année, dans les immeubles paroissiaux: réunions d'équipes, de comités et de conseils, services de secrétariat et d'accueil, bureaux du personnel, rencontres multiples ? éveil spirituel et religieux des petits enfants, catéchèse des enfants, préparation des parents au baptême de leur enfant, éducation de la foi des adultes du cercle biblique au mouvement de la Vie montante ? rassemblements festifs et d'autres encore. Tout ce qui favorise la diversité des activités d'évangélisation doit être tenu en compte dans quelque projet d'avenir. Par exemple, au sein d'un secteur interparoissial, une église pourrait être transformée en un lieu de rencontre compatible avec la mission de l'Église sans qu'elle ne serve désormais au culte.
Trois, l'avenir des églises paroissiales. Pour sa part, la Fondation du patrimoine religieux du Québec a établi une hiérarchie de solutions au problème que pose l'avenir des églises paroissiales. La commission peut s'en inspirer dans le respect des critères prioritaires auxquels nous tenons. Nous n'en envisageons pas moins ? et c'est déjà commencé en certains milieux ? que des immeubles paroissiaux excédentaires, incluant des églises qui sont ou qui seraient considérées comme n'ayant pas de valeur patrimoniale, puissent être vendus pour d'autres fins que religieuses, si possible cependant pour des oeuvres sociales et communautaires. De cette façon seraient protégés des services de proximité que les édifices religieux ont souvent abrités dans les quartiers urbains et qui étaient ouverts à toute personne en difficulté, de quelque croyance qu'elle ait été. Toute oeuvre d'art faisant partie du mobilier et des immeubles doit être sauvegardée. Nous rappelons que les immeubles d'une fabrique ne se limitent pas à l'église et que celle-ci n'est pas uniquement un lieu de culte.
Archives diocésaines et paroissiales. Le domaine des archives diocésaines et paroissiales fait problème. Notre publication de 1999, Les archives paroissiales. Guide de gestion et de mise en valeur, ne peut pas remédier à des années d'une certaine incurie dont nous ne sommes pas les seuls responsables. Tout en favorisant la mise en commun des archives et la solidarité effective de toutes les personnes concernées, nous voulons que soient privilégiées, par un éventuel organisme québécois du patrimoine religieux, toutes les initiatives propres à améliorer l'archivistique religieuse. L'histoire religieuse du Québec en ressortirait grandie et, par elle, celle de toute la population. Une initiative comme celle du Centre des archives historiques du diocèse de Québec devrait être répétée dans toutes les régions de la province.
Partage des responsabilités. D'abord, organismes québécois du patrimoine religieux. La Fondation du patrimoine religieux du Québec a prouvé sa compétence et son efficacité. Elle a favorisé la solidarité. Des expériences dans le diocèse de Québec, en 1999, à Montréal, en 2001, et dans la MRC de Portneuf, en 2004, font ressortir l'importance de la collaboration locale entre les propriétaires des édifices, les municipalités et le ministère de la Culture et des Communications. Des colloques internationaux, provinciaux et régionaux ont eu lieu. Mission patrimoine religieux poursuit ses objectifs auprès des congrégations de vie consacrée. Il importe de consolider et de promouvoir les liens entre tous ces intervenants. Cela devrait être assuré par un organisme québécois du patrimoine religieux. Des personnes qui représenteraient les Églises, les traditions religieuses et l'État ainsi que des personnes expertes en patrimoine religieux pourraient en faire partie. Sa mission en serait une d'accompagnement et de formation des personnes localement responsables et des institutions propriétaires des biens patrimoniaux religieux.
Principe de subsidiarité. Que le Québec dispose d'une approche de gestion globale et cohérente en matière de préservation et de mise en valeur de ce patrimoine, tant mieux. Il s'agit d'une conclusion qui ressort de notre réflexion à l'occasion de la consultation en cours. Ce ne peut être fait sans dialogue ni sans entente avec l'Église, dans ses diverses composantes, propriétaire du patrimoine religieux catholique. Un organisme tel que la Fondation du patrimoine religieux du Québec, dont la mission et la composition pourraient être modifiées, sinon le nom, pourrait gérer la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine. Les six objectifs visés par la Commission de la culture pourraient ainsi être atteints. Travailler de concert avec les gens les plus immédiatement concernés est indispensable. Le principe de subsidiarité gagne toujours à être appliqué.
Et le financement. L'apport financier de l'État sera nécessaire et devra être amplifié aux niveaux provincial et municipal. Nous ne sous-estimons pas pour autant les dons directs de la part des populations concernées. Une subvention gouvernementale pour une campagne locale de financement pourrait servir de levier. Pourquoi l'organisme québécois du patrimoine religieux, tel que proposé, n'instaurerait-il pas la semaine annuelle du patrimoine religieux, incluant une campagne de financement? Les municipalités ne devraient-elles pas inclure dans leur budget un pourcentage de dépenses pour la restauration et l'entretien de leur patrimoine, par exemple à même ce qui a trait à leurs immobilisations? Il s'agirait d'un pas de plus dans la voie déjà tracée par le fait que les municipalités ne taxent pas la propriété foncière des édifices religieux. De toute façon, un tel apport financier étatique, provincial ou municipal, ressemblerait à toute aide financière du ministère de la Culture et des Communications faite à des musées ou à des théâtres, des corporations qui conservent leurs droits de propriété et qui comptent sur l'appui financier du mécénat. Un pourcentage d'impôt provincial ou de taxes municipales ne pourrait-il pas être envisagé pour le patrimoine religieux de façon spécifique?
Le lien gouvernemental. Le gouvernement provincial doit afficher la plus grande cohérence dans ses interventions, ce qui suppose l'harmonisation des politiques, des réglementations et des programmes d'un ministère à l'autre ainsi qu'une gestion exemplaire des édifices à caractère patrimonial. L'éventuel organisme provincial responsable du patrimoine religieux ? à bien distinguer du patrimoine en général ? pourrait établir des liens avec certains ministères, par exemple celui du Tourisme et celui de l'Éducation, afin que, d'une part, des circuits touristiques soient favorisés dans le domaine religieux, ce qui est d'ailleurs en demande de la part d'une clientèle de plus en plus ouverte au phénomène religieux, et que, d'autre part, des visites d'élèves, d'étudiants et d'étudiantes soient promues, dans les écoles, en faveur d'une culture historique, religieuse et artistique. Et que dire de la promotion possible de certaines publications spécialisées?
Changements législatifs et réglementaires. Il ne nous apparaît pas utile d'amender la Loi sur les fabriques pour ce qui a trait au patrimoine religieux. Des engagements contractuels semblables à ceux des diocèses de Québec, en 1997, et de Montréal, en 2001, pourraient être faits par les autres évêques catholiques romains du Québec. La mise sur pied d'une fiducie du patrimoine religieux excédentaire mérite d'être étudiée avec soin, en concertation avec les intéressés.
Et voici ma conclusion, M. le Président. Dans la continuité avec le rapport synthèse de la Commission des biens culturels du Québec du 28 juillet 2000, nous en rappelons les quatre idées essentielles: la reconnaissance publique de leur valeur patrimoniale; le respect des droits des propriétaires des biens patrimoniaux; le rôle actif de ces propriétaires dans la reconnaissance, la préservation et la mise en valeur du patrimoine; l'intervention de l'ensemble des citoyens dans le processus de reconnaissance du patrimoine.
n(11 h 20)n En participant, MM. et Mmes les membres de cette commission, à la consultation sur le patrimoine religieux du Québec, nous vous assurons de notre intérêt à participer à la réalisation des décisions qui en ressortiront. Bien que nos institutions ecclésiales, fondées et entretenues grâce à des personnes bienfaitrices et donatrices, connaissent de nouvelles réalités, nous voulons collaborer à la préservation, à la revalorisation et à l'avenir du patrimoine religieux du Québec. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, Mgr Cazabon. C'est toujours un plaisir de vous recevoir. J'ai l'habitude de dire: Bienvenue au parlement, mais, même si les murs sont bleus, les rideaux sont rouges et sur un fond grisâtre, nous ne sommes pas au parlement.
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Oui. Ceci étant dit donc, pour une première question, on a parlé beaucoup de critères, depuis des mois, Mgr Turcotte en a fait mention tantôt, de critères sur quoi devons-nous protéger. Vous avez, comme premier critère, parlé de respect de la signification religieuse des bâtiments. Ma première question porte là-dessus. Parce que c'est certain que plusieurs bâtiments devront être réaffectés à autre chose ? on a parlé tantôt de bibliothèques, d'endroits communautaires ? mais est-ce que le respect de la signification religieuse fait en sorte qu'on a... Tantôt, on a parlé du Cirque du Soleil, donc ce n'est pas une signification vraiment religieuse, le Cirque du Soleil, des gymnases, des condos, etc. Donc, j'aimerais vous entendre préciser sur le respect de la signification religieuse, sur la réaffectation de bâtiments, d'églises entre autres, là. Est-ce qu'il y a une définition sur laquelle on doit s'entendre? Est-ce que... Par exemple, c'est certain qu'un condo, ce n'est pas toujours religieux, ni un gymnase, ni le Cirque du Soleil. Est-ce que vous avez une définition un peu plus précise de ce premier critère que vous avez exposé?
M. Cazabon (Gilles): Merci de mettre en valeur les critères que nous présentons ici, ce matin. Dans la réponse aux questions, les vôtres et celles des membres de la commission, parfois je me référerai à mes deux compagnons, ici. Je demanderais à M. Lemieux peut-être de commenter un peu la question qui est posée maintenant.
M. Lemieux (Lucien): À la page 6, on fait référence au Bulletin d'information et on aurait peut-être pu mettre en annexe la hiérarchie des solutions aux problèmes du patrimoine religieux qui a été préparée, si on peut dire, par la Fondation du patrimoine religieux. Et c'est dans le Bulletin d'information, volume 4, n° 4, hiver 2005. Je pense que cette liste hiérarchique de solutions peut éclairer la question que vous posez sur la prédominance que l'on met au religieux, au sacré.
Et c'est clair que la première solution c'est de laisser le lieu ouvert ? vous ne l'avez pas dans votre texte; deuxièmement, c'est de partager le lieu de culte avec d'autres communautés ? mais c'est toujours hiérarchique, donc les deux premiers valent plus que la neuvième; troisièmement, céder le lieu de culte à une autre tradition capable d'en conserver la vocation et d'en assumer l'entretien; quatrièmement, voir à une mise en valeur touristique applicable à certains lieux de culte; cinquièmement, considérer le recyclage partiel, par exemple le recyclage du presbytère ? ce n'est quand même pas l'église ? ou le recyclage du sous-sol ou des bâtiments annexes; sixièmement, créer un lieu polyvalent, par exemple culte et autre fonction ? Mgr Turcotte a fait allusion à ce qu'on conserve, par exemple, une chapelle, même s'il y a une construction; septièmement, songer à une mise en veilleuse ? on ne s'énerve pas, on regarde s'il n'y a pas d'autre possibilité; huitièmement, effectuer un recyclage complet, de préférence dans des fonctions compatibles telles que conversion en musée ou en bibliothèque ? on est rendu au huitièmement; et, neuvièmement, si aucune autre solution n'est possible, envisager la démolition.
Alors, je pense que cette référence du bas de la page 6, là, dans le Bulletin d'information, ce serait intéressant que vous l'incluiez, d'une certaine manière, comme annexe à notre dossier. Je trouve que ça aide à saisir... Nous autres, nous endossons ce genre de hiérarchie. Quand je dis «nous autres», là, c'est un peu le comité des consultants qui a travaillé pour l'Assemblée des évêques du Québec.
Document déposé
Le Président (M. Brodeur): ...comme dépôt en commission parlementaire votre document?
M. Lemieux (Lucien): Oui.
M. Tremblay (Germain): Oui. Si vous permettez également, les trois critères que nous vous présentons, il faut bien les situer. Le paragraphe d'avant les situe. Nous disons que nous souhaitons que, dans le processus de sélection des biens à caractère religieux devant être préservés et mis en valeur... Donc, ce ne sont pas des critères qui pourraient s'appliquer pour tout autre bâtiment religieux qui n'aurait pas de valeur patrimoniale. On a, dans certains diocèses du Québec, des églises qui ont été aménagées à partir de vieux bâtiments de l'armée, là, suite à la Deuxième Guerre mondiale. Bien entendu, les critères qui sont là ne s'appliquent pas vraiment.
Nous regardons d'abord les édifices qui ont un caractère patrimonial, pour lesquels nous sommes intéressés de continuer la mission de l'Église d'abord, et c'est toujours ce qui nous a guidés, nous, dans la préparation du mémoire. La solution idéale pour nous, si on regarde vraiment le plus grand rêve que nous aurions, c'est de pouvoir tous les conserver pour la mission pour laquelle ils ont été bâtis. Mais, quand ce n'est pas possible, là, il y a là une hiérarchisation des solutions que l'on peut regarder. Donc, il faut bien situer nos trois critères par rapport à ce qui précède dans le processus de sélection des biens à caractère religieux devant être préservés et mis en valeur, ce qui est tiré du document de consultation.
M. Lemieux (Lucien): ...qu'on a répondu aux questions, hein?
Une voix: Oui.
M. Lemieux (Lucien): À vos trois questions.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Vous avez, Mgr Cazabon... Vous parlez de financement de cette conservation-là. Vous avez émis l'hypothèse que les gouvernements, autant provincial que municipaux, devraient s'impliquer. J'ai moins entendu parler de l'implication de l'Église. C'est certain que tout le monde, y compris l'Église, y compris les gouvernements provinciaux et municipaux, ont certaines limites de financement, mais je ne vous ai pas entendu élaborer sur l'implication elle-même de l'Église dans cette conservation-là. Vous avez parlé de fiducie. D'ailleurs, en Angleterre ? je le disais ce matin, au point de presse ? eux ont créé un trust qui était financé autant par les gouvernements, que par l'Église, que par des fonds privés. Donc, on peut toujours s'inspirer, pour un modèle québécois, de ce qui s'est passé en Angleterre ou en France. Mais j'aimerais vous entendre sur l'implication de l'Église dans une telle fiducie, puisque vous représentez les évêques du Québec en entier. Donc, par votre fonction, vous représentez autant les églises du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, de la Montérégie, de Montréal ou de Québec. Comment l'Église pourrait s'impliquer dans une éventuelle solution pour conserver le patrimoine religieux?
M. Cazabon (Gilles): Bon. Alors, revenons un peu à la structure interne du fonctionnement de l'Église, d'abord la fabrique et ensuite, eh bien, le diocèse. C'est à ces deux niveaux qu'il faut regarder les choses.
Vous n'êtes pas sans savoir que la situation de plusieurs fabriques au Québec, situation financière, est de plus en plus précaire, et ceci a nécessairement des répercussions aussi au niveau des diocèses. Notre mémoire ne le mentionne pas explicitement. Ceci ne veut pas dire que nous ne sommes pas intéressés à pouvoir y contribuer financièrement, comme par exemple en pouvant peut-être aider une fabrique, à partir d'un fonds qu'un diocèse se donne, pouvoir aider une fabrique qui a un projet de restauration d'édifice, mais toujours en concertation avec le niveau municipal ou provincial. Dans la mesure où les fabriques et les diocèses le pourront, je pense qu'ils seront intéressés à faire quelque chose. Mais je vous dis que, dans les circonstances actuelles, ça devient de plus en plus difficile.
Tout à l'heure, le cardinal Turcotte a parlé de ce fonds d'entraide qui existe à Montréal. Il y a sans doute des diocèses aussi qui ont commencé à mettre sur pied des fonds semblables, mais nous ne pouvons pas vous dire que nous pourrons contribuer substantiellement à cet effort.
n(11 h 30)nM. Lemieux (Lucien): Je voudrais mentionner deux choses. Dans le document de consultation ? puis vous venez d'y faire référence, M. Brodeur ? vous avez parlé de ce qui se passe en Angleterre avec le trust, de ce qui se passe peut-être en France. Je ne voudrais pas que la commission soit trop marquée par ces deux expériences-là, car historiquement ce sont véritablement deux pays qui ont vécu des choses très différentes de celles du Québec. Nous n'avons pas voulu contester ce genre d'approche, mais elle nous apparaît trompeuse. L'Église d'Angleterre est encore une Église d'État, ce qui n'a jamais été le cas ici, si ce n'est sous le Régime français. Et, deuxièmement, en France, on sait très bien que ce qui s'est passé en 1905 était, d'une certaine manière, lié à la Révolution française et à ce que M. Napoléon avait fait par la suite. Moi, je pense que de tels exemples européens ne nous aident pas, et nous le disons très bien, dans le texte, que de toute façon il y a beaucoup d'autres exemples. Vous le mentionnez, mais vous apportez ces deux en exergue.
Deuxième chose que je voudrais mentionner, c'est que nous parlons d'un organisme québécois du patrimoine religieux qui pourrait être la fondation, transformée ou pas. Vous avez remarqué que, pour ce qui concerne la fiducie du patrimoine, la phrase laisse entendre qu'il faudrait s'en reparler. Alors, si vous comprenez bien le texte, je ne pense pas qu'il faille aller dans une voie où il y aurait une fiducie bipartite.
Le Président (M. Brodeur): Oui, en complément de réponse.
M. Tremblay (Germain): Pour tenter de répondre encore davantage directement à votre question, d'abord, notre mémoire, lorsqu'on parle de financement, on commence en disant «l'apport financier» et non pas «la prise en charge financière par l'État». C'était peut-être trop évident pour nous. Bien entendu, on continue à être impliqués. Les chrétiens pratiquants, même s'ils sont moins nombreux, continuent à être très, très généreux. Et même, dans plusieurs coins de la province, dans plusieurs diocèses, beaucoup de ces catholiques qui pratiquent plus ou moins régulièrement continuent à donner malgré tout. Donc, on a encore un bon apport financier en dons par les chrétiennes et les chrétiens. Donc, bien sûr, on ne se disqualifie pas.
Les solutions que nous proposons ici sont un éventail, ce n'est pas une solution exhaustive. On tente de trouver ensemble et avec vous quelles pourraient être les solutions, notamment pour des églises à caractère patrimonial qui sont un peu plus difficiles à entretenir. Tout le monde connaît quels peuvent être les coûts d'une réparation de toiture, de chauffage, ou etc. Donc, c'est à ce niveau-là qu'on a vraiment besoin de l'apport financier, d'une collaboration financière de divers organismes, dont l'État. On propose ici, là, différentes solutions. On va même jusqu'à proposer quelque chose de neuf ici, au Québec, c'est-à-dire un pourcentage d'impôt provincial ou de taxes municipales pour le patrimoine religieux, comme ça peut se faire dans d'autres pays.
On tente, on essaie de trouver des solutions parce que, nous, on connaît, de notre côté, quelles sont nos difficultés puis comment est-ce qu'on est pris souvent entre justement un budget pour la rénovation et la préservation, un budget pour continuer notre mission première qui est l'évangélisation. On n'existe pas d'abord pour entretenir des musées mais pour évangéliser, mais on a quand même besoin de nos bâtiments pour le faire. Donc, voyez-vous, c'est une panoplie de solutions qui n'est pas exhaustive, mais on commence à chercher avec vous des solutions qui seraient satisfaisantes pour toutes les parties.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Je vois, dans votre conclusion d'abord, à part des critères que vous mettez dans la conclusion, là, qui viennent de la Commission aussi des biens culturels du Québec ou que vous réitérez, vous parlez beaucoup de... À la fin, votre conclusion est surtout sur la préservation, et la revalorisation, et l'avenir du patrimoine religieux. Donc, quand on lit le document et ce que vous avez apporté, on parle principalement presque de conserver intégralement, si possible, les lieux, les églises actuelles. Bon. Si c'était simple comme ça, on n'aurait peut-être pas les problématiques qu'on a aujourd'hui.
Vous insistez beaucoup sur la distinction entre le patrimoine collectif et la propriété collective. Vous revenez un petit peu plus loin dans votre mémoire, vous clarifiez bien que les biens patrimoniaux appartiennent tous à des institutions qui en sont propriétaires et dépositaires. Pourtant, vous parlez quand même de responsabilité partagée. On entend un petit peu ce qui ensuit de la fiducie, là. Ce n'est pas clair en tout cas, pour moi, la description de la fiducie que vous émettez, de tout à l'heure. Alors, comment vous la voyez, cette responsabilité partagée là? Si on conserve les choses telles qu'elles sont actuellement, on a des problématiques aussi de cette préservation-là et puis de la vente, là, des églises, entre autres, là. J'aimerais vous entendre sur cette responsabilité-là partagée. Est-ce que vous la voyez partagée, la responsabilité? Vous semblez... oui, mais ça ne me semble pas clair, comment elle est partagée, tout en conservant que les propriétaires sont les propriétaires dans le fond de... il y a une propriété qui est collective, mais ce n'est pas nécessairement le patrimoine collectif.
M. Cazabon (Gilles): M. Lemieux, est-ce que vous aimeriez commencer?
M. Lemieux (Lucien): Vous avez bien lu, Mme Léger. C'est très clair que la distinction entre «propriété collective» et «patrimoine collectif» ressort. Et c'est sûr qu'autour de la table des consultants il n'y avait pas de paranoïa, il n'y avait pas de méfiance, il y avait un genre de discernement ? spirituel, j'espère ? qui faisait en sorte qu'on évite de faire en sorte que le patrimoine religieux devienne la propriété de l'État. De telle sorte qu'on revient souvent sur le fait qu'il s'agit d'une propriété privée qui appartient aux personnes qui y ont contribué à travers des institutions. Mais ça ne veut pas dire qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre patrimoniale collective et qu'elle n'ait pas des dimensions culturelles. Et, dans ce sens-là, il est possible que l'État puisse intervenir de façon telle qu'elle favorise la préservation et l'amélioration de cette dimension culturelle patrimoniale religieuse. Je ne sais pas si je m'exprime bien.
Mme Léger: Vous vous exprimez bien et vous pesez bien vos mots pour qu'on puisse bien les saisir. Parlez-moi de la fiducie.
M. Lemieux (Lucien): Je ne sais pas pourquoi on revient sur la fiducie, parce que ça a de l'air être le moyen qui est proposé. Je vous avoue franchement qu'on ne pencherait pas de ce côté-là. Et c'est clair que l'expérience de la fondation nous aide à comprendre qu'il y a des possibilités de collaboration financière sans que ce soit une fiducie administrée par l'État, quitte à ce qu'il y ait partage entre l'Église et l'État là-dessus. Mais on n'avait pas beaucoup d'économistes autour de la table.
M. Tremblay (Germain): Malgré le fait que la propriété demeure privée, je crois qu'il y a aussi une question d'intérêt public et de bien commun. Je crois que l'intérêt est public, par rapport au patrimoine religieux, et qu'à cause de cet intérêt la population en bonne partie demeure intéressée et désirera participer même si elle n'est pas ou peu pratiquante.
Donc, on a beaucoup insisté là-dessus dans notre mémoire, on va continuer à le faire également pour ne pas être pris au piège ou pris en otage également. On insiste et on continue à dire qu'on demeure les propriétaires et qu'on va faire tout ce que l'on peut, tant que faire se peut, pour garder ce patrimoine-là en santé, ouvert, intéressant, toujours à la poursuite de la mission qui est la nôtre.
Les gens continuent à donner, les pratiquants; ceux qui ne pratiquent pas, plusieurs continuent à donner. Mais on est conscient, même s'il n'y avait pas d'économiste autour de la table, qu'on ne pourra pas tenir le coup longtemps à partir des rêves puis des intérêts de tous et chacun par rapport au patrimoine religieux.
n(11 h 40)n Donc, c'est en ce sens-là et dans cette ligne-là que nous continuons et que nous réfléchissons: bien... intérêt commun, intérêt public, patrimoine d'intérêt public mais de propriété privée. Et c'est à cause de cet intérêt public là que nous voulons trouver des solutions qui vont aller jusqu'à une certaine collaboration entre divers organismes et même de l'État dans la mesure de ses capacités également.
Le Président (M. Brodeur): Le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: M. le Président. Merci beaucoup, monseigneur et à vous tous, d'être venus nous rencontrer pour nous exposer votre point de vue concernant ce problème qui est vraiment un problème délicat à résoudre, d'autant plus qu'il touche à tous les niveaux: culturel, je dirais aussi sentimental, historique et à des convictions profondes de beaucoup de gens. Et c'est très intéressant de vous entendre tout de suite après l'Église de Montréal, parce qu'on voit bien que ? je pense que c'est très apparent dans les deux documents ? l'expérience historique par rapport au patrimoine religieux est différente. Dans un cas comme dans l'autre, ça nous éclaire.
Là où j'ai un problème ? et je vais vous soumettre bien simplement la difficulté que je rencontre et ça vous permettra de faire un commentaire là-dessus ? c'est que dans une première partie, à la première page, vous établissez la définition du patrimoine religieux, donc je ne reviens pas là-dessus, et vous dites, à la page suivante: «Une telle conception [...] laisse place à une approche...» enfin que vous êtes différents en tout cas... vous êtes déçus de cette définition du patrimoine religieux. Et vous arrivez à la page 4, où vous avez tendance à nous suggérer une définition différente qui partirait... ou enfin qui partirait d'un établissement des valeurs à partir de la signification religieuse des objets ou des immobilisations, l'impact communautaire et enfin la qualité artistique.
Alors, le problème que j'ai avec cette approche-là est le suivant, c'est que l'État, il me semble, n'a pas à choisir une religion par rapport à l'autre, mais, plus que ça, il n'a pas à choisir en faveur ou contre le fait qu'on soit religieux ou qu'on croie en la religion. Je pense que, dans un État laïque moderne, il appartient à chacun de choisir ça. Donc, il me semble que l'État serait un peu malvenu d'aller prendre les choses à partir de leur signification religieuse.
Je vais vous donner un exemple concret. Il y a des objets religieux qui n'appartiennent peut-être pas à notre religion mais qui sont des objets religieux et qui, dans notre culture, ont peut-être une connotation beaucoup plus d'objets violents que d'objets religieux ou ont une connotation beaucoup plus... ils font penser beaucoup plus à la soumission d'une moitié de l'humanité à l'autre moitié plutôt qu'à une élévation de l'esprit et du coeur. Bon. Alors, vous voyez que ça pose des problèmes, dans une société moderne où on accepte des gens de partout ? et je pense que c'est heureux parce qu'ils viennent nous enrichir de leurs cultures.
Donc, le problème que j'ai: il me semble que l'État ne choisit pas être pour ou contre la religion, ne choisit pas non plus tel ou tel aspect religieux, mais le rôle de l'État est en fonction de la culture du peuple, il part du peuple et non pas de quoi que ce soit d'autre. Et il me semble que son rôle, c'est de protéger l'évolution de la culture de ce peuple dans la continuité en respectant les tendances de chacun. Alors, c'est pour ça que j'ai de la misère à voir... à structurer ma pensée ou en tout cas l'avenir de cette problématique de la protection du patrimoine religieux à partir des catégories que vous suggérez à la page 4. Vous comprenez la problématique que j'ai?
M. Lemieux (Lucien): Moi, je pense que vous avez une bonne vision de l'État, là, je suis d'accord avec ça. Et, ici, c'est vrai qu'on est sur un terrain qui peut contrevenir à un principe de séparation de l'Église et de l'État. Bon. Mais il reste qu'il y a des points communs, par le biais patrimonial, des fois j'aimerais mieux dire «matrimonial», mais en tout cas patrimonial et par le biais culturel, et ça, ça relève de l'État. Et, qu'il y ait des biens patrimoniaux à connotation religieuse comme il y en a sous d'autres connotations, artistiques ou etc., pourquoi pas? Alors, je pense qu'à ce moment-là l'État peut intervenir. Mais on insiste beaucoup dans le respect des responsables, propriétaires des biens en question.
Quand vous faites allusion, en haut de la page 2, à ce qui est précédé au bas de la page 1, nous avons endossé ce qui avait été dit: Assurer la pérennité du patrimoine religieux au Québec, en juillet 2000. On ne contredit pas ça, au contraire. Ce que l'on met en opposition, c'est une certaine façon de présenter le document actuel de consultation, qui ne nous semble pas comme une continuité du document de 2000, et, dans ce sens-là, ça nous a mis un peu mal à l'aise. De toute façon, dans le document de consultation, il y a deux brèves allusions au document de 2000: une pour nous dire une statistique, l'autre pour nous dire qu'il y avait trois questions qui avaient été posées qui venaient d'un autre auteur.
Tantôt, on parlait de continuité. Je pense que, de votre côté, il est important que vous saisissiez qu'il y a des choses qui ont commencé à être faites au niveau de la commission, au niveau étatique, depuis un certain nombre d'années, et on ne voudrait pas qu'on recommence à zéro. L'impression, là, que c'est complètement nouveau, ce qu'on va dire aujourd'hui puis dans les jours suivants, elle est valable pour un certain nombre de personnes, mais, vous savez, quand on est au niveau gouvernemental comme souvent dans l'institut ecclésiastique, on est souvent pris dans l'immédiatisme, et, moi, je suis un historien et je sais très bien qu'on oublie souvent des choses qu'on a déjà faites et qui sont paquetées à quelque part. Bon.
Alors, ce qu'on veut, nous autres, tout simplement, c'est de faire en sorte qu'il y ait une continuation de ce qui a été entrepris comme réflexion, une insistance sur qui sont les véritables propriétaires, parce que ça ne nous apparaît pas clair, dans le document de consultation, que les vrais propriétaires des biens patrimoniaux religieux sont reconnus. C'est clair aussi qu'il y a un genre de lecture de la situation de la vie de l'Église au Québec, à l'heure actuelle, qui est minimaliste, c'est-à-dire qui est comme réduite à rien que le culte le dimanche, alors qu'il y a beaucoup d'autres activités qui se font dans ces milieux-là. On a un petit peu l'impression qu'il y aurait peut-être eu d'autres personnes que des catholiques romains qui auraient antérieurement défrayé le coût de ces immeubles-là, ce qui est faux.
Alors, évidemment, c'est une approche qu'on essaie de rendre la plus vraie, la plus directe possible, la plus transparente. Mais on a comme un peu l'impression que c'est une commission sur le patrimoine, mais peut-être pas sur le patrimoine religieux. Alors, il ne faut pas l'oublier que c'est ça, il ne faut pas oublier le mot «religieux». C'est du patrimoine religieux dont on parle. Donc, nous autres, on insiste sur la dimension religieuse de ce patrimoine-là. Et c'est sérieux, ce n'est pas juste une affaire technique, ce n'est pas juste une affaire d'argent. Mais je pense que, dans un contexte plus global, c'est possible d'avoir des solutions à long terme sans trop tarder.
Le Président (M. Brodeur): Dans le temps...
M. Lemieux (Lucien): Quand je parle, par exemple, je parle longtemps, des fois.
Le Président (M. Brodeur): Justement, dans le temps qui nous est imparti, nous avons le temps pour une question du côté ministériel et une question du côté de l'opposition. M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci, M. le Président. Tout d'abord, M. Cazabon, monseigneur, je voudrais vous féliciter de votre récente nomination à l'élection à l'Assemblée des évêques du Québec. Nous sommes tous ici élus, et on sait que vos pairs vous ont choisi peut-être pour les bonnes raisons. Et, dans votre première sortie publique, je crois, en votre poste de président, vous êtes ici, devant nous, pour parler du patrimoine religieux.
Ma question, et je reviendrais peut-être à ce que le député de Saint-Hyacinthe faisait état tantôt, des critères de sélection, à savoir comment sélectionner les biens religieux, et vous énumérez trois critères. Et je voudrais savoir: L'inventaire actuellement, qui a été fait préalablement par la Fondation du patrimoine religieux, énumère certains critères et certains lieux où est-ce que sont ces éléments-là, ces lieux-là, son patrimoine, si on appliquait vos critères dans la sélection de ces lieux qui ont été classés patrimoine, quel est l'impact? Est-ce qu'on en diminue, est-ce qu'on en augmente? Quel est l'impact sur l'inventaire que la Fondation du patrimoine religieux a mis en place? Si vous avez la réponse.
M. Cazabon (Gilles): Merci, monsieur. Je demanderais à M. Lemieux ou à M. Tremblay de répondre à votre question, qui est très intéressante.
n(11 h 50)nM. Lemieux (Lucien): Moi, ce que j'ai entendu autour de la table, lorsque j'étais présent avec les consultants, c'est que c'est une expérience valable, c'est une expérience insuffisante, souvent faite par des personnes qui étaient peut-être en préparation de devenir compétentes, et malheureusement qui s'est arrêtée en 1945. On aimerait mieux que ça aille jusqu'en 1975. Alors, il y a des choses à compléter. C'est un point de départ. L'impact du nombre d'immeubles en question qu'il faudrait préserver ou pas, je ne peux pas vous donner de chiffres là-dessus.
M. Tremblay (Germain): ..nos critères ne viennent pas disqualifier cette hiérarchie, mais on dit: Il y a toujours des choses à peaufiner. Et c'est dans cet esprit-là que nos critères disent: Probablement qu'une bonne partie des édifices qui ont été hiérarchisés, on les retrouverait également dans une hiérarchie faite à partir de nos critères. Mais honnêtement, l'exercice, nous ne l'avons pas fait. La table des consultants avec les évêques, on a consacré notre temps... Quand on sait le 15 juin qu'on passe en commission parlementaire puis que les mémoires doivent arriver le 2 septembre puis qu'il y a un mois de vacances là-dedans, on a été à l'essentiel, on n'a pas fait l'exercice. Mais...
M. Tomassi: ...en vacances vous aussi.
M. Tremblay (Germain): Mais l'exercice devrait être fait. Ce serait intéressant de le faire. On ne préjuge pas donc des résultats. Mais on dit que, si on regardait à partir de nos critères, probablement qu'il y aurait des différences. Mais l'exercice n'est pas fait.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Deux questions sur la propriété et la subsidiarité, un bien grand mot, là, dont on a parlé.
Une voix: ...
M. Turp: Oui, de l'Union européenne et bien avant. De qui? De...
M. Lemieux (Lucien):Quadragesimo anno, 1931.
M. Turp: Voilà. Une bulle...
M. Lemieux (Lucien): Une encyclique papale...
M. Turp: ...une encyclique papale.
M. Lemieux (Lucien): ...sur les questions sociales.
M. Turp: Voilà, et qui a inspiré les fondateurs de l'Union européenne, là, qui...
M. Lemieux (Lucien): Même M. Bourassa, à un moment donné, est revenu avec ça.
M. Turp: Oui, dans la campagne de 1992 sur l'accord de Charlottetown. Mais propriété, j'aimerais savoir quelle est l'objection que vous avez à ce que la propriété d'églises, par exemple, devienne la propriété de l'État? Dans d'autres pays qui croient à la séparation de l'Église et de l'État, comme la France, les pays qui y croient moins comme le Royaume-Uni, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, des ministères ou des fiducies deviennent propriétaires d'églises, et ça ne semble donc pas poser un problème en termes de séparation. Alors, je voudrais savoir sur quoi vous fondez l'objection, parce qu'il semble qu'il y a une objection à ce que l'État devienne propriétaire d'églises, elle-même. Bien que je comprends que, si l'Église n'a plus les moyens, peut-être accepterait-elle que l'État devienne propriétaire d'églises. Ou est-ce que je me trompe en interprétant vos propos de cette façon-là?
Et ma deuxième question, c'est sur la subsidiarité. Alors, si la subsidiarité doit s'appliquer, alors quelles sont les compétences de l'Église sur cette question de préservation du patrimoine religieux?
M. Lemieux (Lucien): Moi, je pense qu'il faut respecter des propriétaires de quelque bien que ce soit, et j'espère de ne pas énoncer un principe qui n'a pas d'allure, là. Et je pense qu'il est important de préserver les institutions qui ont leur spécificité. Et, dans ce sens-là, peut-être que je ne comprends pas exactement tout ce que pourrait vouloir dire une fiducie, mais l'attrait de s'approprier les biens des autres existe partout. Et je ne veux pas faire de morale ici, même si je suis curé. Bon.
Mais excepté qu'assurer qu'une telle fiducie... Et, quand on parle, dans le document de consultation... On précise: «Une fiducie de gestion devrait-elle être créée ? d'abord, c'est une question ? de façon à prendre en charge les édifices excédentaires du patrimoine religieux québécois?» Alors, c'est très précis, cette phrase-là. Bon. Moi, j'ai comme l'impression qu'il y a possibilité de collaborer sans que ce soit de la copropriété.
Et je reviens ici au principe de subsidiarité. Il est possible... Et, à ce propos-là, l'expérience de la fondation ? pour répondre à la première question ? est intéressante depuis 10 ans. Il y a un genre de collaboration qui n'est pas une fiducie. Deuxièmement, le principe de subsidiarité, il n'est pas facile à appliquer. On peut parler de cohérence, on peut parler d'harmonisation, on peut parler de beaucoup de choses, mais ce qui est sûr, c'est que les gens, au Québec, actuellement sont intéressés à participer à leur affaire pour autant qu'ils aient du pouvoir. Le principe de subsidiarité, c'est de laisser le pouvoir... le plus de pouvoir possible aux gens les plus immédiatement concernés. Donc, à Contrecoeur, si on veut faire en sorte que l'église, par exemple, puisse tenir le coup, si c'est un bien patrimonial, il est très important ? et c'est sur la Rive-Sud de Montréal ? que les gens du milieu, non seulement les paroissiens, mais les citoyens soient partie prenante sous l'angle culturel, patrimonial, sous l'angle du fait que c'est quelque chose qui intéresse la population.
Le Président (M. Brodeur): Pour une courte conclusion.
M. Tremblay (Germain): Je vais me limiter à un seul commentaire. C'est que je ne suis pas certain que l'on doit d'abord se fier et prendre modèle sur l'expérience européenne par rapport à cela. Notre expérience est différente et notre histoire est différente, nos traditions également, et il y a une sensibilité québécoise, de la part des gens, qui est différente également. Quand on aura 100 ou 150 ans d'histoire par rapport à ce domaine, on verra où est-ce qu'on se situe puis on verra que les mentalités ne sont plus les mêmes. Mais il faut faire attention également de ne pas provoquer des changements tels que plus personne, à l'intérieur même d'une seule génération, ne se reconnaîtra dans ce qu'a été et ce qu'est encore l'histoire et la sensibilité religieuse au Québec.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de...
M. Cazabon (Gilles): ...que le cardinal était pour vous une bénédiction, tout à l'heure; j'espère que nous continuons à l'être aussi.
Le Président (M. Brodeur): Certainement. Merci. Donc, merci à l'Assemblée des évêques catholiques du Québec. Merci, Mgr Cazabon, M. Tremblay, M. Lemieux.
Je vais suspendre quelques instants, le temps de permettre aux diocèses anglicans de Montréal et de Québec de s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 11 h 58)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue en commission parlementaire. Nous recevons maintenant les diocèses anglicans de Montréal et de Québec. Je vous rappelle la façon de procéder, qui est assez simple: vous avez un maximum de temps de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui sera suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, comme je le dis depuis ce matin, je vais vous demander de vous identifier en premier, et, à la suite de ça, la parole sera à vous pour votre présentation. Vous pouvez y aller.
Diocèses anglicans de Montréal et de Québec
M. Hannen (Peter D.): Peter Hannen, l'archidiacre de Montréal et vicaire général du diocèse de Montréal.
M. Raymond (Walter): Walter Raymond, doyen dans la cathédrale Holy Trinity, à Québec.
Mme Lemercier (Sophie): Sophie Lemercier, assistante archiviste au diocèse anglican de Montréal.
Le Président (M. Brodeur): Bienvenue. La parole est à vous.
Mme Lemercier (Sophie): Alors, M. le Président, chers membres de la commission. Encore une fois, les anglicans de Montréal et de Québec veulent exprimer leur reconnaissance de leur offrir l'occasion d'exprimer leurs vues sur le patrimoine religieux. Pour cette communication, nous désirons vous faire part des points les plus importants tirés de notre mémoire, soit: l'harmonie des églises dans le paysage urbain, le patrimoine religieux non bâti, l'impact financier du tourisme religieux et nos considérations face à l'avenir de la Fondation du patrimoine religieux. Je cède donc la parole au vénérable Peter Hannen, vicaire général et archidiacre de Montréal.
M. Hannen (Peter D.): La commission a reçu notre mémoire. Je veux profiter de cette occasion afin de parler un peu plus sur ce que nous avons déjà écrit dans la soumission au sujet de l'environnement des églises, c'est-à-dire leur importance dans le paysage urbain.
Nous avons cité le cas de St. Luke, Rosemont, à la page 12 du mémoire, dont la jumelle existe à Saint-Lambert, et qui a été donc démolie. Même si l'église même ne valait pas la peine d'être sauvée, le plan des condos qui l'ont remplacée témoigne de la grande perte dans l'aspect visuel du quartier. Ce développement était tout à fait dans le secteur privé, auquel nous reviendrons. Et la photo se trouve sur l'avant-dernière page de notre mémoire d'aujourd'hui.
n(12 heures)n Mais, déjà, nous avons d'autres exemples à citer dans le secteur public, c'est-à-dire où des fonds publics ont été versés. Encore, à la page 12 du mémoire, nous trouvons le cas de St. John the Evangelist, entourée de l'UQAM. Les nouvelles photos soulignent la situation.
Nous, les contribuables, avons-nous le droit de demander que les subventions envers les universités soient dépensées dans une... les autres universités ou n'importe quelles autres institutions qui reçoivent des fonds publics, soient dépensées dans une manière plus sympathique à l'environnement existant, soit ecclésiastique soit autre?
Toujours à la page 12, nous avons l'église St. James the Apostle, rue Sainte-Catherine, à Montréal. Un peu à l'ouest de cette église, au coin de la rue Mackay, l'Université Concordia vient d'ériger un bâtiment neuf, fidèle aux normes provinciales qui exigent qu'un pourcentage soit dédié aux oeuvres d'art. La façade est porte l'oeuvre d'art extérieure la plus grande au Canada. Mais ce projet a été planifié et érigé sans que l'université ne contrôle le terrain de l'autre côté de la rue Mackay. Le résultat: le promoteur qui est le propriétaire de ce terrain construira un édifice de huit ou 10 étages qui rendra invisible l'oeuvre d'art avoisinante. La ville de Montréal est sympathique au projet bien sûr à cause des taxes prévues. Entre-temps, l'église avait vendu à l'université un petit lot de leur terrain à un prix beaucoup moins que le prix offert par le promoteur pour encourager l'université à augmenter l'espace vert sur le campus. Les photos sur cette page de notre présentation d'aujourd'hui et la dernière page nous démontrent comment ce développement cacherait l'oeuvre d'art à Concordia vue de l'est et changera la belle vue de l'église vue de l'ouest. Est-ce que c'est trop demander aux différents paliers de gouvernement qu'ils «get their act together», comme on dirait en anglais?
Comme témoignage qu'il est possible d'harmoniser les églises avec leur environnement, nous vous présentons une photo de l'église unie St. James, sur la rue Sainte-Catherine, à l'angle de City Councillors, à Montréal, comme un bon exemple de coopération gouvernementale. Ici, on grandit un espace vert presque inexistant sur la rue Sainte-Catherine, tandis qu'à St. James the Apostle on risque de le diminuer.
Nous terminons où nous avons commencé, avec le secteur privé et le bijou dans la couronne anglicane à Montréal, la cathédrale Christ Church et le développement achevé en 1988. Avons-nous le droit d'en demander autant du secteur public? Plusieurs instances gouvernementales et aussi plusieurs ministères se trouvent souvent au coeur de ces projets. Les plans d'urbanisme des villes ne concordent pas toujours avec les visées des gens du patrimoine. Lorsqu'il y a octroi de fonds publics, il serait de mise qu'un échange d'informations plus efficace soit fait, mais surtout que tous et chacun utilise son gros bon sens.
Je cède la parole à Mme Sophie Lemercier, assistante archiviste diocésaine.
Mme Lemercier (Sophie): Bonjour. Deux éléments du patrimoine non bâti seront traités ici: les objets mobiliers et les archives. Ces deux catégories sont les laissés-pour-compte et les plus fragiles de la grande famille du patrimoine religieux.
Les objets mobiliers des églises sont souvent aussi les objets de convoitise de la part des voleurs et des antiquaires qui les ont vendus et les vendent encore à prix fort, notamment à nos voisins du sud. La grande majorité des paroisses ne possèdent pas d'inventaire ni pour les objets et encore moins pour les archives. Ces inventaires se trouvent bien nécessaires lorsqu'un vol ou un sinistre se produit.
Les archives, quant à elles, disparaissent de façon plus massive lors de ménages de printemps intempestifs ou alors sont victimes du temps mais surtout de l'humidité ou de la chaleur excessive du cagibi où on les a abandonnées. Le patrimoine archivistique est la source première de renseignements sur tous les biens possédés par les paroisses et sur l'église paroissiale même. Considérant cette logique, les archives devraient être les premières préservées lorsqu'on parle de patrimoine.
La solution réside en premier lieu à prendre connaissance des objets et des archives que les paroisses possèdent. Pour cela, des inventaires comme celui qu'a mené la Fondation du patrimoine religieux doivent être entrepris. Ensuite, nous serons à même de savoir quelles sont les urgences. Afin de réaliser ces inventaires, un influx d'argent est nécessaire afin que des professionnels soient mis à contribution.
n(12 h 10)n Un comité de la fondation se penche en ce moment sur la question des biens immobiliers et des oeuvres d'art des églises. Nous espérons que ce projet ne demeurera pas sur les tablettes, car investir dans la sauvegarde des objets mobiliers et des archives est un geste concret vers une vision globale du patrimoine. Je cède la parole au très révérend Walter Raymond, doyen de la cathédrale Holy Trinity à Québec.
M. Raymond (Walter): Merci beaucoup. Dans notre mémoire, à la page 13, nous parlons de l'importance ou de l'attrait touristique régional de nos églises, nos belles églises du patrimoine religieux, et on voudrait tout simplement faire le point qu'investir dans le patrimoine religieux n'est pas seulement un acte de conservation, un acte moral, mais c'est aussi un acte avec une importance économique.
Je vous présente aujourd'hui, je pense ? dans l'ensemble, les photos que vous avez là, moi, je l'ai en grand ? une photo d'un groupe qui est prise un beau dimanche en septembre. C'est la fin de semaine de la fête du Travail, tout dernièrement. Là, il y a 120 personnes dans cette photo dont une personne seule de Québec ou du Québec, c'est moi. Et je dois vous... Vous pouvez peut-être discerner par la photo, c'était un groupe qui vraiment a dépensé du fric en bonne quantité dans notre région de la capitale, de la Vielle Capitale. C'est des gens qui ont resté à l'Auberge Saint-Antoine, ou au Château Frontenac, ou d'autres établissements de premier rang. Ils étaient là trois, quatre jours, cinq jours et ils ont mangé dans les meilleurs restaurants, magasiné dans nos quartiers touristiques. Ils sont allés en gang jouer un tournoi d'amis au Club de golf du Vallon.
Qu'est-ce qu'on pourrait afficher comme prix? C'est un beau mariage, hein? Vous auriez dû voir les costumes... et enfin vous pouvez les voir. Qu'est-ce qu'on pourrait dire comme somme totale dépensée par cet unique événement un jour en fin de semaine, en septembre 2005? 100 000 $ en total, 120 personnes qui dépensent de cette manière-là, ou plus? Supposons 100 000 $. Nous, à la cathédrale anglicane, on demande un don charitable de 500 $ pour un mariage. Hein? On ne le sait pas, on ne veut pas vendre les sacrements, on ne veut pas décourager les gens, c'est toujours un peu embêtant. Assez souvent les gens peuvent payer plus, mais... Mais de ce 100 000 $ nous avons eu comme revenu à la cathédrale, pour le patrimoine religieux, 0,5 %. Et je dois vous avouer que ce 500 $ est loin d'être investi directement dans le patrimoine ou l'entretien du patrimoine, et c'est dans nos coûts courants. Par contre, la province, la ville de Québec, le fédéral ont gagné combien de ce 100 000 $, ce même 100 000 $ hypothétique, hein?
C'est tout simplement pour dire que, encore je reviens à mon point principal, il y a bien des gens qui profitent de notre religion... de notre patrimoine religieux, et c'est souvent les petites communautés qui se trouvent chargées avec les responsabilités de les entretenir. Et il faut comprendre qu'investir, ce n'est pas seulement une question de conservation, mais aussi c'est investir dans l'infrastructure touristique, aussi, dans bien des cas.
Alors, je cède la parole de nouveau au vénérable Peter Hannen.
M. Hannen (Peter D.): Je complète cette communication avec un mot d'appui pour la Fondation du patrimoine religieux du Québec. Mais d'abord il nous faut faire notre mea culpa.
À la page 18 de notre soumission, nous avons fait erreur en disant que l'Historic Churches Preservation Trust, en Angleterre, aurait été fondé en des temps de grands mécènes. En fait, le trust n'a été fondé qu'en 1953, peu après la Deuxième Guerre mondiale. Ce fait souligne la grande affection des citoyens d'Angleterre envers leurs églises même dans une époque de grande austérité. On peut mentionner aussi la grande fierté de chaque comté en Angleterre envers leurs cathédrales. Ce niveau d'intérêt n'existe pas ici, alors nous ne pourrions pas chercher une solution à l'anglaise. Quant à la France, c'est un État très séculier et très centralisé où les églises paroissiales appartiennent aux communes et les cathédrales à l'État. Dans le Québec multiculturel du XXIe siècle, une telle solution à la française ne nous semble pas ni possible ni souhaitable.
Le partenariat qui existe depuis 1995 entre les Églises et le gouvernement dans la fondation est pour nous la solution idéale. Sans doute la fondation se trompait, de temps en temps, dans le passé, mais maintenant, étant donné que la fondation a répondu à toutes les exigences du ministère, nous attendons juste que la fondation reçoive les fonds toujours bloqués dans le budget pour accomplir son mandat. La fondation a permis la préservation de nombreuses églises dignes de mention. Nous croyons qu'elle a encore sa place pour le futur.
Voici, en quelques minutes, l'essentiel du message que nous adressons, nous, anglicans, à vous, membres de la Commission de la culture. Les points soulevés dans cette communication nous touchent particulièrement. Nous espérons vous avoir intéressés et nous vous réitérons toute notre collaboration dans le futur.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre présentation. J'ai une petite question, au point de départ, parce qu'à un moment donné il y a une phrase qui m'a frappé. Parce que j'avais posé une question, ce matin, à Mgr Turcotte, concernant les biens immobiliers qui... j'avais soulevé le fait qu'on nous avait dit que plusieurs objets mobiliers sont partis pour les États-Unis. Et vous soulevez le fait que les objets mobiliers des églises sont souvent aussi des objets de convoitise de la part des voleurs et des antiquaires qui les ont vendus et les vendent encore à prix fort, notamment à nos voisins du sud. Mgr Turcotte nous disait, ce matin, que, pour eux, pour l'Église catholique romaine, il y avait une politique de cession de ces biens religieux là. Est-ce que l'Église anglicane a une politique? Ou comment se retrouvent-ils dans les mains... on ne parlera pas des voleurs parce qu'eux ne demandent pas de permission habituellement, là, mais comment se rendent-ils chez les antiquaires? Comment se rendent-ils aux États-Unis? Chez vous, comment procédez-vous pour ces biens mobiliers là?
M. Raymond (Walter): Je peux vous donner le cas qu'on cite d'ailleurs dans notre mémoire. Il y a eu un ensemble d'orfèvrerie qui a été donné par le roi Georges III, en 1760... c'est ça, au tout début de la colonie anglaise ? très bel ensemble, d'ailleurs vous en avez une photo dans le mémoire ? et il y a eu un emprunt, ça a été emprunté... deux morceaux de ce service ont été empruntés par l'église de Frelighsburg. Pendant une trentaine d'années, cet ensemble-là a été gardé dans un coffre-fort, dans un bureau d'assurance où travaillait un marguillier de la paroisse. Alors, on ne savait pas où c'était, cette orfèvrerie-là, on avait perdu trace un peu.
C'est un peu comme ça quand on parle des choses qui sont meubles, «mouvables». Bon. Effectivement, où sont-ils? Nous avons, à la cathédrale, tout un ensemble de calices, et de patènes, et de... on ne sait pas d'où ça vient, ce qui est peut-être plus dommage, là, on ne connaît pas l'histoire des objets. Alors, je pense qu'il y a vraiment besoin d'un genre d'inventaire national des biens, qu'on peut les suivre, surtout si on les identifie comme ayant une importance.
En tant que politique comme telle, c'est sûr que c'est notre évêque... l'archevêque du Québec qui est propriétaire en bien des cas. On ne peut pas le vendre tout simplement. Mais ce n'est pas toujours évident.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci. Merci beaucoup. Bienvenue. Dans votre mémoire, il est fait mention des solutions de conversion, de recyclage, de nombre d'immeubles. Vous avez mentionné plusieurs de vos exemples, là. L'Église unie St-James, là, où est-ce qu'aujourd'hui ils sont en rénovation pour, je crois, refaire voir la façade, on a enlevé... on est en train d'enlever les magasins qui étaient sur la rue Sainte-Catherine pour donner accès à cette magnifique église. Il y a aussi une église, si je ne m'abuse, qui est sur Berry et Viger, pas loin d'ici, je pense que ça appartient aussi à la communauté anglicane... Non?
M. Hannen (Peter D.): Pas encore. C'était une église anglicane, vendue dans les années 1920, l'église maronite, je crois, et le nom a changé de Trinity à Saint-Sauveur, n'est-ce pas? Saint-Sauveur. Maintenant, l'église a été vendue une autre fois; on a parlé d'un spa ou quelque chose...
M. Tomassi: D'un spa, exactement. Une personnalité artistique de notre... Mais l'église ne vous appartient pas. Mais est-ce que vous avez d'autres exemples, dans votre diocèse, de recyclage d'immeubles? Par quoi commencez-vous, là? Quelle est votre grille d'évaluation pour dire: Bon, bien, on va aller plus dans ce... Je comprends Sainte-Catherine, unie St. James, c'est de redonner la façade. Mais est-ce qu'il y a d'autres vocations qui ont été données à certaines de vos églises, à part celle qui a été détruite à Saint-Lambert, là? Est-ce qu'il y a d'autres éléments, ou est-ce que vous avez une grille pour dire: Bon, bien, nous, là, l'église, on va aller dans ce sens-là, on va aller de cette manière-là? Est-ce que vous avez des exemples concrets?
n(12 h 20)nM. Hannen (Peter D.): Non, franchement. Dans le diocèse de Montréal, ça, presque, n'existe pas. On parle de la salle paroissiale de St. James the Apostle, dans la rue Sainte-Catherine; on parle de Trinity Church, rue Sherbrooke Ouest, juste au coin de Malo, Girouard, Décarie, parce que c'est une église qui est incapable d'être autosuffisante maintenant, et il faut faire quelque chose. On parle de démolition, mais c'est un exemple unique, à Montréal, d'un certain type d'architecture gothique perpendiculaire très spécial, et je suis certain qu'Héritage Montréal s'intéresserait beaucoup dans l'église et dans la question de démolir cette église. Alors, c'est une... Mais il y a peu d'exemples. On a du recyclage au complet, comme St. Thomas, au coin de De Lorimier, qui est maintenant une école de danse. Mais on parle des années 40 ou 50, de cette conversion.
Mme Lemercier (Sophie): Il y a aussi le cas de Church of the Ascension, sur du Parc, qui a été vendue à la ville de Montréal pour en faire la bibliothèque du Mile End, en 1991.
M. Tomassi: Mais actuellement, en tant que diocèse, là, si... Là, actuellement, il y a le patrimoine, la préservation de ces lieux, mais est-ce que, vous, en tant que diocèse, vous avez quand même une grille ou une manière de faire? On prend la question de l'Église catholique qui a vendu l'église qui est dans la Petite-Italie, là, transformée en condominiums, est-ce que c'est des avenues que, vous, en tant que... Il y a des églises, comme vous dites, qui ne font plus leurs frais, là, que vous êtes pris avec ces églises-là. Est-ce que vous avez quand même un certain degré... avant de les vendre ou avant de les démolir, est-ce que vous mettez en place un certain degré de mise en place, là, de mesures, avant d'arriver à une destruction complète, là?
M. Hannen (Peter D.): Démolir, c'est la dernière option. On peut parler, je pense, d'une église dans le village de Bromont, autrefois Shefford Ouest, je crois... West Shefford, West Shefford; l'église est maintenant une maison privée, tout à fait convertie en maison privée. Il reste toujours la question du cimetière et qu'est-ce qui se passe avec le cimetière. On a vendu les ruines de l'église, à Iberville, qui est partie d'un ensemble seigneurial, le manoir, l'église anglicane, le presbytère, etc., incendié par des adolescents, il y a quelques années, et on a vendu tout le terrain et les ruines du presbytère et de l'église et le cimetière à la ville de Saint-Jean, Iberville.
M. Raymond (Walter): Si je peux continuer. Notre situation, dans la communauté anglicane, au Québec, c'est qu'on a beaucoup moins d'églises. On n'a peut-être pas élaboré des genres de grilles. On va les traiter... on va traiter ces questions vraiment cas à cas. Comme l'église St. Matthew, à Québec, sur la rue Saint-Jean, a été vendue à la ville de Québec pour 1 $ ? si je comprends bien, la ville n'a jamais payé le 1 $, là ? et c'est maintenant une belle bibliothèque. L'église, à Frampton, pas loin ? Frampton n'est pas dans vos comtés...
Une voix: Frampton?
M. Raymond (Walter): ...c'est dans vos comtés, oui? ? qui sert maintenant comme théâtre d'été, c'est un bail avec la municipalité de Frampton, de 99 ans, une affaire comme ça. Donc, ça dépend vraiment le genre de négociation avec le milieu, selon les situations de l'église, on va chercher des solutions.
Éventuellement, on ne peut pas garder des édifices qui sont vides. On a une congrégation à Lower Ireland où il y a deux... il y en avait trois l'année passée, maintenant il y a deux membres ? un de décédé ? et là c'est la ville de Lower Ireland qui va en prendre charge. On est contents de voir ce genre de développement là. C'est sûr que c'est la solution qu'on préfère. Mais, comme j'ai dit, il n'y a pas vraiment une politique comme tel, là, c'est...
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, merci pour ce beau mémoire, bien illustré d'ailleurs avec les photographies des églises et celles qui ont été reconverties. Ça nous donne une illustration de ce qui a été fait avec plusieurs des églises dont vous avez dû procéder à la vente. Et on voit que leur vocation, comme celle qui est souhaitée par vos collègues de l'Église catholique, est souvent une vocation sociale, culturelle, éducative. Des bibliothèques, je crois, ont été aménagées dans d'anciennes églises anglicanes.
Ce qui, je trouve, est intéressant, c'est que vous veniez nous dire ? et on avait des questions de journalistes, ce matin ? que la situation dans l'Église anglicane est aussi difficile. Ce n'est pas seulement l'Église catholique et ses nombreux lieux de culte qui ont des difficultés, c'est aussi le cas pour l'Église anglicane. Et peut-être pourriez-vous nous parler de l'étendue de ces difficultés, dans un premier temps. Mgr Turcotte nous a dit tout à l'heure qu'il y avait une urgence, une telle urgence qu'il faut penser à une échéance très rapide avant qu'il ne soit pris dans une situation où il est trop tard, comme il le disait tout à l'heure.
En même temps, vous ne proposez pas de solution sur la gestion. Vous nous invitez, comme le faisaient vos prédécesseurs à cette tribune, à votre tribune, de rejeter l'exemple français et de rejeter l'exemple britannique, à cause de nos traditions, sans doute, aussi. Alors, quelle est la solution au plan de la gestion? Vous parlez de la fondation actuelle, mais vous savez que sa façon de gérer les choses fait l'objet de plusieurs critiques également et que l'on cherche, quant à nous, une solution de rechange ou en tout cas peut-être une façon d'améliorer cette fondation. Alors, est-ce que vous avez des propositions concrètes à nous faire au sujet de cette gestion? Et est-ce que, vous, vous avez une objection à la question du transfert de la propriété de vos églises à l'État, comme les catholiques ont une objection?
Et ma dernière question porte sur le caractère byzantin et de plus en plus politisé des processus actuels d'octrois de soutien à l'Église. Parce que, dans votre mémoire, vous êtes assez sévères, puis c'est très inquiétant, je vous cite à la page 18: «De plus, la procédure à chaque niveau ? alors je comprends au niveau du Québec, au niveau des municipalités ? est devenue de plus en plus "byzantine", et apparemment de plus en plus politisée, ce qui est tout à fait à l'opposé, faut-il dire, de la situation qui prévalait depuis 1995.» Alors, je crois que ce serait très utile pour les membres de cette commission de dire... de savoir pourquoi vous trouvez que c'est à la fois byzantin et peut-être surtout politisé, le processus de soutien à la préservation du patrimoine.
M. Hannen (Peter D.): Le troisième est le byzanticisme; deuxième, c'est la solution à la française. La première était?
M. Turp: Et la première... Qu'est-ce que c'était, la première? Est-ce que c'est aussi sérieux dans votre confession qu'au niveau de la confession catholique, le problème?
M. Hannen (Peter D.): Oui. Mais il faut ajouter qu'on a très peu d'églises énormes, comme chez le partenaire Turcotte, par exemple. Dans la ville de Montréal, nous avons deux églises... trois églises, disons, St. George, St. James the Apostle et la cathédrale, qui sont à la fois grandes et grandioses comme une église de l'archidiocèse de Montréal. Mais la plupart sont beaucoup plus petites et beaucoup plus simples, beaucoup moins difficiles à réparer, à redécorer, à maintenir, à chauffer, à assurer, n'importe quoi. La situation est assez sérieuse, mais je crois...
M. Raymond (Walter): Si je peux continuer sur cette même question. Mais, ceci dit, il y a, par exemple, à l'angle de rue d'Auteuil, juste en montant la rue Saint-Jean, dans le Vieux-Québec, peut-être vous avez passé devant, qui est en décombres, l'ancienne école anglicane pour les garçons pauvres. Et c'est là, donc ça s'empire, c'est une situation qui s'empire.
Et enfin je peux dire que, moi, je suis membre... je suis résident du quartier, du comté de Taschereau, puis, durant les dernières élections provinciales, sachant que nous avions et nous avons toujours une avocate assez féroce, Mme Maltais, dans ce domaine, qui est l'ancienne ministre de la Culture, j'ai adressé une lettre à M. Michel Bédard, qui était candidat libéral, à savoir ce serait quoi, la politique du Parti libéral une fois élu. J'ai eu une lettre de Jean Charest, datée 2 avril 2003 ? j'en ai des copies ? où il dit qu'un prochain gouvernement libéral entend faire adopter rapidement une politique du patrimoine. Et on parle plus tard que ce serait là une priorité du prochain gouvernement.
n(12 h 30)n Bien, nous voici 26 mois plus tard, puis il y a des dossiers, un tas de dossiers qui grandissent, il y a des cas qui deviennent de plus en plus urgents. Vous savez, si vous êtes propriétaire d'une maison, si la toiture coule, ce n'est pas attendre deux, trois ans avant de la réparer, il faut agir, il y a un certain côté urgent dans tout ça.
Puis, moi, je suis très content de voir le début de cette commission; j'espère que ça va avoir effectivement l'appui du gouvernement, puis qu'il y aurait des solutions puis, sur le court terme, quelque chose de bien vite. Nous, à la Fondation du patrimoine religieux ? je suis membre de ça ? on attend le budget de 2004 toujours. Ça fait qu'on a des projets... pas en manque de projets. Mais c'est un peu ça peut-être, la troisième question qui concerne le byzantin, le byzantin et le politique. Je vous cède la parole.
M. Hannen (Peter D.): Où commencer? Est-ce que vous avez une réponse à la première question?
M. Turp: Oui. Les problèmes sont sérieux mais ne sont peut-être pas aussi sérieux que l'Église catholique parce que les bâtiments ne sont pas aussi grandioses. Mais quand même il y a des problèmes qu'on ne peut pas négliger, dont il ne faut pas négliger l'importance.
M. Hannen (Peter D.): Et il y a par comparaison peu d'anglicans qu'il y a de catholiques romains, soit pratiquants soit non-pratiquants, pour supporter leurs églises.
La question de la solution à la française, je ne peux guère imaginer la situation où cette solution serait acceptable aux Québécois. On parlerait seulement des églises excédentaires, ou les églises patrimoniales bâties avant 1945, ou de toute église, tous les temples, toutes les synagogues, toutes les mosquées, les salles du royaume, n'importe quoi? Qu'est-ce qui se passe en France? Est-ce que les salles du royaume sont la propriété de l'État? Et c'est une situation dont on n'a jamais discuté, bien, parce que franchement, comme idée sérieuse, l'idée n'est jamais arrivée sur la table anglicane, je crois. Mais il faudrait préciser ce qu'on voulait dire. Est-ce qu'on parle d'églises excédentaires, ou patrimoniales, ou de n'importe quelle tradition, soit chrétienne soit autre? Mais est-ce que les Québécois musulmans accepteraient l'idée que leurs mosquées soient la propriété de l'État? Je m'en doute, mais...
M. Turp: ...parler au nom d'eux, mais au nom de l'Église anglicane, votre réponse à vous, c'est non?
M. Hannen (Peter D.): Oui, je pense que je peux dire non.
M. Turp: O.K.
Le Président (M. Brodeur): La réponse: oui, c'est non. Monsieur...
M. Raymond (Walter): Pour dire que, je pense, la pratique de la Fondation du patrimoine religieux, toutes les critiques comprises, est très bien, dans le sens que c'est un plan qui assiste aux Églises de continuer à faire ce qu'on fait depuis... enfin, dans le monde depuis 2000 ans, ici depuis des siècles, et c'est continuer d'entretenir et conserver le patrimoine religieux. On connaît notre affaire jusqu'à un certain point. Je sais que M. Noppen n'est pas d'accord, mais enfin on a un autre point de vue.
Mais c'est sûr aussi qu'il y avait ce fameux volet trois, si je comprends bien, qui est assister à la conversion des lieux à un autre... excédentaires, des églises excédentaires à d'autres usages. Alors, peut-être, à ce moment-là, comme je disais tantôt, avec le cas de l'église St. Mathews qui est maintenant bibliothèque, c'est vraiment une discussion qui devrait avoir lieu sur la place publique puis qui implique plusieurs partenaires privés, publics, etc., décider qu'est-ce qu'il devient de ces édifices au moment où l'Église n'est plus en mesure de s'en occuper pour faute de pratiquants, ou quoi.
Alors, je pense, on n'a pas adressé... Bien, enfin, on a... dans l'indication de notre appui d'une fondation, dans le document, le mémoire, mais on n'avait pas adressé ces questions comme telles parce qu'essentiellement je pense qu'on est contents avec la politique qui a été développée. Non pas seulement depuis 1995, vous savez. Je pense que c'est Gérard D. Levesque qui a commencé à dépenser des cennes pour le patrimoine religieux. Nous, à la cathédrale, on en a profité durant le régime libéral, en 1991. C'est que ce n'est pas... c'est à travers des partis politiques et des mouvements politiques, mais quand même, moi, je suis fier de faire partie d'une société où on veut investir dans la protection et la conservation de ces édifices-là. Et je trouve qu'il y a quelque chose en voie déjà, depuis bien des années, mais c'est une question de «fine tuning», si vous me permettez un peu d'anglais, pas nécessairement de réinvention de la roue.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue dans cette enceinte...
M. Hannen (Peter D.): ...
Le Président (M. Brodeur): ...un complément de réponse?
M. Hannen (Peter D.): Oui. Il y a deux autres questions de M. Turp: le byzantinisme et la solution anglicane. La solution, je crois que... Nous croyons d'avoir souligné notre solution, qui est la fondation, avec toutes ses imperfections peut-être, et ses fautes, et ses culpa. Mais néanmoins le partenariat qui existe depuis la fondation de la fondation, en 1995, pour nous, c'est la solution. Est-ce qu'on peut dire idéale? Ce n'est pas idéal, mais certainement une solution qui marchait, qui avait du succès, mais qui maintenant est bloquée par le byzantinisme, c'est-à-dire les convolutions de, comment dit-on, «red tape». Il y a tellement de niveaux de décision. Autrefois, une décision de la table de Montréal serait appuyée au niveau central de la fondation ? et voilà! ? il y avait des fonds. Peut-être on s'est trompé de temps en temps, mais maintenant qu'on a répondu à toutes les exigences du ministère et... Mais chaque projet s'arrête au niveau ministériel, il n'y a pas de fonds depuis deux ans ou plus que deux ans, alors les gens se découragent. Pourquoi préparer un projet, dépenser de l'argent pour architectes, ingénieurs, n'importe quoi? Pour rien. So... Et la solution, je crois que c'est la fondation, «twit» un peu, comme on dit en anglais, peut-être, mais néanmoins le partenariat entre le gouvernement et les Églises.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Brodeur): Il vous reste le temps au moins pour une question.
M. Mercier: Au moins une question? Alors, je serai bref, si je comprends, M. le Président. Alors, je disais à nouveau bienvenue ici, dans cette enceinte, dite virtuelle, de l'Assemblée nationale mais ô plus que réelle évidemment en cette commission parlementaire sur le patrimoine religieux!
n(12 h 40)n Évidemment, vous avez été très clairs en ce qui concerne les explications que vous avez données à mes collègues, mais j'aimerais revenir sur le document de présentation que vous avez lu et présenté tout à l'heure. Vous abordez notamment et plus précisément, là, tout ce qui est le volet aménagement urbain. Soit, j'en suis conscient. Évidemment, bon, tout ça relève de l'intégration architecturale. On sait, à un moment donné, lorsqu'une église, une cathédrale doit s'intégrer, mais la municipalité a un très grand rôle à jouer via la commission d'urbanisme, etc., il y a beaucoup de représentations qui se font. Et je remarque, par les photos, autant ici, à Montréal, que la cathédrale que je connais à Québec ? et je tiens à saluer plus particulièrement le très Révérend Walter Raymond, compte tenu que je suis de Charlesbourg, donc de Québec ? je remarque dans les photos évidemment que vous avez réussi à conserver ces magnifiques édifices dans des milieux qui peuvent paraître plutôt, à certains égards, peut-être même loufoques ou qui posent un certain anachronisme, je vous dirais, au niveau visuel. Mais ce que je veux savoir de vous, compte tenu que vous avez, pour la majeure partie, été capables de garder, conserver ces édifices, je veux connaître les trucs.
Évidemment, il n'y a pas de solution miracle. Il n'y en a pas, on le sait. Toutefois, je sais que souvent les municipalités... Et je prends Holy Trinity Church, à Québec, qui est magnifique et qui est dans le coeur du Vieux-Québec. Je comprends, c'est quand même un site historique protégé par la ville de Québec, mais également vous avez réussi à faire quelque chose de très bien avec ça. Il y a beaucoup de touristes, vous en avez fait mention tout à l'heure, dans la présentation. Évidemment, on sait que la ville de Québec notamment et les autres villes au Québec ont des ententes avec le ministère, et j'aimerais savoir de quelle façon, évidemment pour le bénéfice de mes collègues, ici, compte tenu que je connais relativement le dossier, et également pour la transcription, comment est-ce, comment est-ce que ça fonctionne, quelle est la logistique de tout ça et quel est le ratio... combien retenez-vous de tout ça pour finalement rénover, restaurer l'édifice en question, la cathédrale. Ou, si ça ne fonctionne pas comme ça, peut-être nous l'expliquer. Ensuite, j'ai une très brève question en ce qui concerne le tourisme.
M. Raymond (Walter): La cathédrale, donc? O.K. Bien, disons, actuellement, depuis quelques années, on a la continuation du programme qu'on appelle McVille ? ce n'est pas McDo, c'est McVille ? et c'est entre le ministère des Affaires culturelles et la ville de Québec, pour promouvoir le tourisme religieux. C'est des subventions qui nous permettent... Par exemple, l'année passée, on a pu réaliser une exposition qui est maintenant permanente, l'été, des panneaux didactiques, si vous voulez, à l'intérieur de la cathédrale ? donc les visiteurs peuvent faire le tour de l'intérieur de la cathédrale ? et qui sont très bien réalisés, qu'on n'aurait pas pu sûrement réaliser de nos propres sources, nous-mêmes, et c'était une subvention, si je me rappelle bien, de l'ordre de 25 000 $. Et on a eu, je pense, une subvention de 4 000 $ pour des dépliants auparavant, là ? ça va dater de 1999 ou 2000 ? dans le même programme. Et là, tout dernièrement ? je pense qu'on est en position de l'annoncer, on avait eu une lettre, en hiver, de M. L'Allier, le maire de Québec, mais ça a été confirmé par le ministère justement de la Culture tout dernièrement ? un 50 000 $ qu'on peut dépenser vers la restauration des cloches de la cathédrale, qui ne tombent pas ? on espère qu'elles ne tombent pas, mais enfin ? qui n'entrent pas dans la catégorie du patrimoine religieux, étant donné que les priorités sont plus dans ce qu'on dit la brique et le mortier, tout ça. Alors, c'est sûr qu'on...
Mais là, comme je parle, on a un problème de drainage à la cathédrale. Alors, là, on parle d'un projet d'un demi-million. Ça prend plus que ça. Le projet du clocher, c'est probablement, si on faisait tout ce qu'on devrait faire ? mais on ne va pas pouvoir le faire ? ce serait un 400 000 $, 500 000 $. C'est très apprécié, mais évidemment ça nous impose quand même des choses aussi.
M. Mercier: Oui. Je sais que le temps file, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Très courte question.
M. Mercier: Et je tenais à vous l'entendre dire effectivement de votre bouche parce que je pense qu'à Québec vous êtes un des exemples, je vous dirais, de leadership en cette matière. Et vous parlez, bon, que vous avez un problème de drainage, et évidemment je suis assuré que vous allez trouver une solution. Mais également j'aimerais... Très rapidement, M. le Président. Vous parliez de tourisme. Est-ce que vous recevez de l'entreprise privée, qui évidemment abonde à Québec, des ristournes, par exemple, pour toutes les visites qui sont faites ou toute la promotion qui est axée sur la cathédrale en question, par exemple?
M. Raymond (Walter): Oui puis non. On a les fameux «Ghost Tours» qui viennent chez nous, on n'aime pas ça faire la promotion trop ? à un moment donné, je pense que le journal Le Soleil parlait de la cathédrale hantée, et on n'aimait pas trop ça ? mais qui nous donnent, je pense, 1 $ par visiteur. C'est ça.
M. Mercier: Combien?
M. Raymond (Walter): 1 $ par visiteur, dans des «Ghost Tours». C'est quand même peut-être 2 000 $ par été. Nous, on vit par des miettes. On fait marcher les affaires par des miettes, et... Non, il n'y a pas... Disons que ce serait peut-être une chose à faire, d'aller cogner à la porte des hommes d'affaires, des commerçants autour de nous, etc., mais là il faut comprendre, on a des petits moyens. On est une équipe d'une personne, à la cathédrale ? vous le voyez, je suis ici, aujourd'hui, par hasard ? et on ne peut pas tout faire. Donc, ça prend, je pense, une certaine implication sur le plan politique, dans le meilleur sens du terme, où on va impliquer les gens. Monseigneur le cardinal parlait tantôt de concertation. Je pense que c'est vraiment la politique à son meilleur quand les gens qui ont un but commun, on peut trouver les moyens de travailler ensemble puis trouver les ressources, et tout ça. Puis je pense que c'est le rôle... ce serait la vocation du gouvernement de donner du leadership dans ces domaines-là, puis on souhaiterait ça.
M. Turp: Vous ne voulez quand même pas des PPP dans ce domaine-là, vous autres, là?
M. Dion: ...ma collègue, ici, qui avait une question à poser et qui me donne son tour de parole.
Le Président (M. Brodeur): Allez-y.
M. Dion: C'est une question qui me préoccupe et que je vais vous exprimer en toute transparence parce que c'est important. Pour moi, en tout cas. J'espère que ce le sera pour les autres aussi. C'est que, pendant un certain nombre d'années, à la fin des années quatre-vingt-dix, j'étais adjoint parlementaire de la ministre de la Culture, et j'ai eu la chance de travailler avec la fondation, et j'ai trouvé des choses extrêmement intéressantes, à la fondation, mais aussi un piège important. Ce que j'ai trouvé intéressant, premièrement, c'est l'enracinement de la problématique ou de la solution dans les populations locales. Je pense que c'était ça qui était la valeur importante, la valeur la plus importante. Par contre, évidemment, par-delà le manque de ressources financières ou techniques qui est toujours latent, il y avait un piège important. C'est, je pense, la difficulté pour la fondation de se distancier, de prendre une distance critique suffisante par rapport aux demandes qui venaient de partout. Il fallait être équitable, en mettre un peu partout, puis c'était fait dans un esprit d'équité, tout ça, mais il reste qu'il y avait peut-être un problème d'avoir une distance critique suffisante pour que les fonds aillent toujours au meilleur endroit, et vous avez fait, je pense, allusion à ça tout à l'heure.
Alors, face à ça, évidemment, il y a toutes sortes de possibilités. Il y a une tendance, qui est exprimée dans le document de consultation, qui est la tendance vers la création d'un organisme autonome, qui nous est annoncée à la fin de l'article qui est paru dans Le Devoir aujourd'hui, donc la nécessité d'un organisme autonome. Demain, vous lirez, dans Le Devoir, l'article de Raymonde Gauthier et Jean-Claude Marsan et vous pourrez vous faire une idée de ce qu'ils proposent. Donc, d'un côté, une fiducie, d'un autre côté, la fondation. La fiducie, qui est à mon sens une tendance à la bureaucratisation des solutions, ce qui est une tendance légitime ? on a créé le ministère de l'Éducation, en 1960, et personne ne s'en plaint aujourd'hui, je pense que c'est une tendance légitime ? et l'autre tendance, qui est la tendance au partenariat, qui est profondément ancrée dans la tradition du Québec, la tradition culturelle du Québec. Alors, la question que je pose: Qu'est-ce qu'il faudrait changer si on optait pour la fondation? Qu'est-ce qu'il faudrait changer pour assurer cette distance critique pour l'avenir?
M. Hannen (Peter D.): Même comme ancien curé d'une paroisse à Notre-Dame-de-Grâce, mon église a été refusée par la table de Montréal. Alors, franchement, je me sentais assez distancé... ou que la table était assez distancée de la situation. Je ne suis pas certain que je suis d'accord qu'il n'y avait pas assez de distance dans les décisions de... Je suis familier seulement avec la table de Montréal, mais je ne suis pas certain que je...
M. Raymond (Walter): À Québec, je ne sais pas si la situation est unique à Québec, mais nous profitons de la présence des architectes et ingénieurs du ministère, qui viennent de Grande-Allée participer à la table... qui sont membres de la table de consultation. Je sais, par exemple, à la cathédrale, la salle Carter, on avait besoin de réparations à la toiture. L'architecte arrive, a dit: On va remplacer la toiture en cuivre installée en 1947. Et c'est l'architecte du ministère qui a dit: Wo, minute! C'est bon pour 100 ans, une toiture comme ça. Puis donc on a pu faire une réparation à un tiers du prix, remplaçant les places qui étaient endommagées par les... Enfin, on se servait des haches pour déglacer. Et, ce genre de distance, donc je pense encore que c'était l'histoire de partenariat avec l'État qui permet... avec une expertise d'État. Puis je sais que M. Robert Fortin... enfin les membres de la fonction publique qui participent dans la fondation apportent la distance critique, je pense, à partir de la définition de leur rôle dans nos comités. Alors, je ne sais pas si ça fonctionne ailleurs comme ça.
M. Hannen (Peter D.): Mais ce que vous venez de dire, M. le doyen, c'est qu'il n'y avait pas assez de distance entre les gens qui s'intéressent dans la cathédrale au centre de la Vieille Capitale de Québec et...
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hannen (Peter D.): ...peut-être un peu de parti pris pour la capitale du Québec, hein?
Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci beaucoup. Donc, je remercie les diocèses anglicans de Montréal et de Québec pour votre intervention. Merci grandement.
Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 8)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je déclare la séance réouverte. Je vous rappelle que, ce matin, nous avons débuté notre mandat, et nous continuons, cet après-midi, nos auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec.
J'invite donc M. Jean-Claude Marsan, professeur titulaire à l'École d'architecture de l'Université de Montréal, et Mme Raymonde Gauthier, professeure associée au Département d'histoire de l'art de l'Université du Québec à Montréal, de bien vouloir s'installer devant nous, s'il vous plaît. On en a abondamment entendu parler ce matin, suite à l'article paru dans le journal Le Devoir. Je vous laisse le temps de vous installer, en vous rappelant quelle est la façon de procéder en commission parlementaire, puisque nous sommes en commission parlementaire. C'est comme si nous étions au parlement. La façon de procéder est la suivante: vous avez un maximum de 20 minutes pour votre exposé, ce qui sera suivi par un échange avec les membres de la commission. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, la coutume le veut, je vous demanderais de vous identifier tout d'abord, et ensuite la parole est à vous. Allez-y.
M. Jean-Claude Marsan
et Mme Raymonde Gauthier
M. Marsan (Jean-Claude): Alors, merci, M. le Président. Alors, je suis Jean-Claude Marsan, et je suis professeur titulaire à l'École d'architecture de l'Université de Montréal.
Mme Gauthier (Raymonde): Raymonde Gauthier. J'enseigne depuis 1976 à l'UQAM, au Département d'histoire de l'art. Je suis retraitée depuis un an, mais je suis là à titre de professeure associée.
Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.
Mme Gauthier (Raymonde): Et je continue de faire de la recherche...
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Bienvenue. Allez-y.
M. Marsan (Jean-Claude): Alors, merci. Alors, avec votre permission, je vais vous transmettre les grandes lignes de notre mémoire, que nous avons composé ensemble, et j'espère que Raymonde prendra la parole si jamais il y a des choses qu'elle pourrait ajouter pour mieux préciser notre mémoire.
Alors, comme vous le savez sûrement, le patrimoine religieux québécois est un des plus abondants en Amérique du Nord, et les changements que nous avons dans la culture collective créent un problème qui est considérable. On ne s'est pas encore rendu compte à quel point ceci va devenir, disons, un problème. Maintenant, nous ne voulons pas traiter tous les aspects de ce problème, mais deux aspects particuliers: d'abord l'importance de ce patrimoine et de la connaissance de ce patrimoine, ça veut dire quel type d'inventaire qu'on devrait faire ? il y a un inventaire, disons, qui est en cours, qui nous semble déficient ? et, deuxièmement, quel type de gouvernance devrions-nous nous donner. Nous plaidons pour un organisme crédible et autonome qui prendrait en charge non pas uniquement le patrimoine religieux, mais tout le patrimoine au Québec.
Alors, vous savez que la Fondation du patrimoine religieux a entrepris de réaliser un inventaire des lieux de culte au Québec. C'est très important d'avoir une connaissance approfondie de ce patrimoine si on veut le conserver et le mettre en valeur. Mais, malheureusement ? et nous sommes deux témoins de ce qui s'est passé, Raymonde et moi ? la méthodologie qui a été mise au point pour atteindre cet objectif est complètement déficiente et, deuxièmement, les agents qu'on a recrutés, malgré toute leur bonne volonté, ne sont pas à la hauteur de ce type de tâche. Et cet inventaire, si on n'apporte pas des correctifs rapidement, risque de n'être qu'une banque d'images.
Alors, dans cet inventaire, il y a quatre critères qui sont retenus: d'abord, le critère de la valeur historique et symbolique d'un bâtiment ? disons, un lieu ou un bâtiment, là, c'est la même chose; deuxièmement, la valeur architecturale et l'intégrité à l'extérieur; troisièmement, la valeur architecturale et l'intégrité à l'intérieur; et, quatrièmement, l'importance que représente ce lien dans l'environnement.
n(14 h 10)n Lorsqu'on considère ce quatrième critère, c'est un critère qui est très important parce que les lieux de culte ont contribué à structurer les paysages ruraux et urbains et ils ont contribué à identifier vraiment qu'est-ce qu'était la culture québécoise. Or, malheureusement, dans la méthodologie, ce critère, qu'on peut appeler un critère d'appropriation, n'a pas le même poids que les autres, dans le sens que les autres ont un poids par eux-mêmes, les autres critères ? en fait histoire, architecture, architecture ? et, celui-là, bien on dit: C'est plus ou c'est moins. Alors, ceci nous apparaît effectivement une perte dans l'inventaire parce qu'on met de côté une valeur qui, selon nous, est fondamentale.
Deuxièmement, c'est dangereux d'apporter effectivement une appréciation d'un bien architectural en faisant une distinction entre l'architecture extérieure et l'architecture intérieure. Laissez-moi prendre un exemple. Si on prend, disons, l'oratoire Saint-Joseph, que vous connaissez bien. Si vous le jugez pour l'architecture extérieure, vous allez mettre en fait une très bonne cote. Si vous le jugez pour l'architecture intérieure, vous allez mettre une cote sûrement inférieure. Donc, la cote qui va en résulter va être inférieure. Mais dans le fond c'est qu'il y a toujours une valeur qui transcende ces biens-là.
Prenez l'église du Saint-Sacrement. Bon. Il n'y a pas d'extérieur, elle est incluse dans un couvent, il n'y a pas de façade principale, etc. Donc, si on la juge d'une façon, disons, particulière pour l'extérieur, on risque effectivement de donner une cote qui est très inférieure, alors que l'intérieur est absolument remarquable. D'ailleurs, l'église, elle est classée. Alors, habituellement, on prend l'architecture dans son ensemble, et, dépendant de la puissance effectivement de cet art, qu'il soit à l'extérieur ou à l'intérieur, c'est ça effectivement qui l'emporte.
Alors, les agents à qui on demande de porter des jugements, on leur donne effectivement une hiérarchie en disant: Regardez-le bien, et, s'il est d'importance nationale, ça mérite un A, donc c'est vraiment la plus haute importance. Mais «nationale», ici, ne réfère qu'au Québec. Dans le domaine de l'architecture, vous savez, ne référer qu'au Québec n'est pas effectivement une référence. Que faire, disons, par hypothèse, avec Christ Church qui est un reflet effectivement d'un mouvement qui était international? Bon. Après ça, il y a une importance B, régionale, et l'importance locale. Alors, vous avez là une méthodologie qui n'a pas de nuances et qui ne répond pas effectivement à la complexité de la réalité.
Maintenant, ce qui est encore pire ? je m'excuse de prendre cette appréciation-là ? c'est lorsque l'agent a dit: Bien, écoutez, ce bien-là, c'est A pour l'histoire, c'est B pour l'architecture intérieure, c'est C pour l'architecture extérieure. Donc, il y a A, B, C. Là, ça correspond effectivement, comme une table d'impôt, à une série de lettres déjà codifiées. Ça dit: Bien, voici, votre bâtiment, il est bon, il n'est pas bon, il est médiocre ou autre.
Et les termes qu'on emploie sont très significatifs du sens qu'on n'a pas compris qu'est-ce que c'est vraiment, le patrimoine. Alors, on dit: Il y a A, incontournable, B, exceptionnelle, C, supérieure, D, moyenne, valeur moyenne, et E, significative. On ne semble pas connaître le français, dans le sens qu'«incontournable» et «exceptionnelle», ça, c'est synonyme. Quelque chose qui est incontournable, quelque chose qui est exceptionnel, c'est la même chose. Maintenant, lorsque vous dites «incontournable», qu'est-ce que ça veut dire en français? Ça veut dire «inévitable». Comment une valeur patrimoniale peut-elle être inévitable? On est dans le domaine effectivement des valeurs, là, un domaine effectivement... ce n'est pas mathématique, là, et là on dit: C'est vraiment le sens d'«incontournable».
Et après ça on dit «supérieure». Supérieure à quoi? Pour connaître la valeur supérieure de quelque chose, il faut avoir un point de référence. Supérieure à moyenne? Mais «moyenne», en français, ça veut dire médiocre. Donc, supérieure à «médiocre». Ou encore on prend «moyenne» comme «valeur médiane». Mais «valeur médiane», il faut que ça réfère à quelque chose d'intrinsèque. Si ça ne réfère pas à quelque chose d'intrinsèque, on ne sait pas quelle est la valeur du bien. Est-ce que, disons, en moyenne c'est un bon patrimoine, alors qu'on dit «moyen»? Alors, on est pris dans une situation où on ne contrôle pas même les termes. Et ça va jusqu'à «significatif». En français, «significatif» veut dire «important et marquant». Donc, c'est la dernière catégorie qui est importante et marquante. Alors, je vous avoue... En fait, Raymonde et moi, on a été, disons, membres de la table de concertation et on s'arrachait les cheveux avec ce type effectivement de méthodologie et ce type de signification des termes dont on ne contrôle même pas la signification des termes.
Et, lorsqu'on fait des tables, comme dans les impôts, des tables prédéterminées de combinaisons de lettres, ça ne fonctionne pas non plus parce qu'une appréciation d'une valeur patrimoniale est une opération mentale où il y a la connaissance, il y a l'analyse, il y a le raisonnement et il y a aussi l'intuition. L'intuition joue un rôle important, on le sent, surtout ceux qui ont travaillé dans ça depuis 20, 25 ans. On le sent très souvent par intuition quelle est la valeur, alors, à ce moment-là, les combinaisons mathématiques ne veulent rien dire.
On se demande, nous, pourquoi on n'a pas pris une méthodologie éprouvée. Dans le domaine universitaire, qu'on soit aux États-Unis, qu'on soit en Angleterre, qu'on soit au Canada, on a effectivement une méthodologie d'évaluation. Excellent, donc A plus, A, A moins ? vous avez des nuances, à ce moment-là; très bon, B plus, B, B moins; bon, C plus, C, C moins; passable, D moins, D; faible: E. Alors, tout le monde connaît cette méthodologie, du moins devrait la connaître, lorsqu'on fait, disons, une évaluation semblable. L'avantage de cette méthodologie, c'est qu'elle est connue, première des choses. Les lettres correspondent autant à l'évaluation que vous faites, là, le critère historique, que l'appréciation d'ensemble. Si vous dites, par hypothèse: Du point de vue de l'histoire, c'est un B, le B veut dire effectivement très bon, mais, dans l'appréciation d'ensemble, le B va vouloir dire très bon aussi. Alors que, dans la méthodologie appliquée, le A ou le B ne correspondent pas, effectivement, selon qu'on l'applique au critère ou à l'appréciation d'ensemble.
Alors, cette méthodologie était appliquée par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada pour l'évaluation patrimoniale de plus de 1 millier de gares ferroviaires. Raymonde Gauthier y a participé, j'y ai participé, et ça a très, très bien fonctionné. Évidemment, il y a un coût à utiliser une méthodologie semblable, mais, lorsqu'on a un patrimoine, là, aussi important, je pense qu'il faut accepter aussi d'y mettre le prix.
Alors, notre grande crainte, nous, concernant cet aspect-là, c'est qu'à partir du fait que le Québec est une société distincte, on avance avec des méthodologies qui ne sont pas éprouvées et qui font de nous des provinciaux, il n'y a pas d'autre mot. Nous sommes des provinciaux à la fois parce que nos méthodes ne sont pas comparables aux autres et aussi c'est parce qu'on ne peut pas non plus la communiquer au reste du monde. Communiquer une chose semblable au reste du monde, ils vont nous prendre effectivement pour des provinciaux. Il n'y aura pas d'autre mot parce que, dans notre domaine, il y a effectivement des principes reconnus au point de vue international et qui sont appliqués, entre autres, par le Bureau d'examen d'édifices fédéraux du patrimoine, qui sont appliqués par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Je m'excuse de parler du Canada, là, mais au moins ces organismes se réfèrent à des principes reconnus mondialement. Alors, nous, lorsqu'on avance avec nos petites affaires qui sont mijotées entre nous, on se met dans une situation très vulnérable.
Mme Gauthier (Raymonde): Pour éviter des confusions, j'aimerais apporter des précisions relatives à l'inventaire. J'ai été mêlée à la question de l'inventaire un peu avant Jean-Claude, puisqu'on m'avait demandée dès le recrutement des... ça s'appelait des agents mais que, moi, j'ai appelés les jeunes parce qu'ils étaient payés par le Fonds jeunesse. C'était des étudiants fraîchement diplômés et qui n'avaient pas énormément d'expérience. Le critère pour les engager, c'était la limite d'âge, comme le Fonds jeunesse l'exige. Alors, nos excellents étudiants, ceux qui avaient des maîtrises et qui étaient étudiants au doctorat, n'ont pas pu faire l'inventaire.
Alors, c'étaient des jeunes sans expérience qui n'étaient pas tellement encadrés. On leur a donné une série de conférences. Je leur ai moi-même donné une conférence au tout début du travail. Et je devais avoir une journée de formation à leur donner, et ensuite on a coupé cette journée-là ? une simple anecdote ? en disant: On va diminuer la quantité d'information qu'on leur donne sur l'histoire de l'architecture religieuse au Québec puis on va leur donner plus de temps pour apprendre à manipuler la caméra numérique. Alors, effectivement, ils ont très bien réussi parce que, si vous regardez le site de la Fondation du patrimoine religieux, de l'inventaire du patrimoine religieux, les images sont formidables. C'est une magnifique banque d'images, je pense, qui va rester, qui va toujours être utile, en tout cas à une date précise, là, ces images-là sont datées, mais qui va servir au moins à savoir de quoi avait l'air le patrimoine en 2004-2005. Bon.
n(14 h 20)n Mais ce qui a manqué, au niveau de l'inventaire, c'était vraiment l'encadrement par des... ce qu'on appelle, dans le métier, des seniors, c'est-à-dire des professeurs, des gens qui avaient l'habitude de ce genre de choses là. Et ça, ça n'a pas été fait, et ça a été fait, je dirais, non seulement pas selon les critères internationaux, mais avec de très pauvres moyens, je dirais. Je modifierais ça en disant: Avec des moyens de pauvre. Et, puisqu'on considère que le patrimoine religieux, c'est ce qu'on a de plus intéressant au niveau architecture, au Québec, en tout cas pour ce qui est antérieur à 1939... je ne veux pas divaguer sur l'architecture contemporaine, là, mais, si on considère que c'est ça qui est le plus important, au risque d'être vulgaire, je dirais: Il fallait mettre le paquet et il fallait mettre le paquet au niveau de la surveillance, il fallait mettre le paquet au niveau de l'analyse primaire. Au moment où les étudiants prenaient les photos avec quelques notions historiques, il aurait fallu que quelqu'un encadre cette analyse-là avant que l'annotation soit mise.
Parce que, pour votre information, l'annotation dont Jean-Claude a parlé, dans sa présentation et dans l'article, c'est ça qui va servir théoriquement ? en tout cas, pour l'instant, c'est ça qui était dans le programme ? à déterminer la subvention et le niveau de subvention à la restauration des églises et qui va servir aussi à déterminer la nécessité de conserver l'église ou de ne pas la conserver. Pour l'église Notre-Dame, je ne pense pas que ça cause des problèmes; pour l'oratoire Saint-Joseph non plus. Mais j'étais dans la région de Saint-Hyacinthe, dimanche, à Saint-Jude. Je regardais l'église de Saint-Jude, puis, M. Dion, je ne veux pas vous blesser, mais elle est en très mauvais état. Mais, sur le plan historique et symbolique, c'est une église très importante qui a été construite dans les années 1850 et dont personne ne se soucie.
Alors, toute cette opération-là de notation, et d'inventaire, et de prise d'images va avoir des conséquences. Elle doit être rectifiée, réorientée, révisée, revue, en tout cas toute sortes de choses avec des r, là, et... avant qu'on l'adopte de façon officielle.
M. Marsan (Jean-Claude): Merci, Raymonde. Alors, Raymonde a touché quand même un point qui est délicat parce que les étudiants qui ont été engagés ont été exemplaires dans leur engagement, dans leur dévotion ? pas dans le mot «dévotion» ? absolument, mais on ne peut pas, à cet âge-là, si je me réfère à l'âge que j'avais à ce moment-là, avoir la connaissance profonde des choses.
Lorsqu'on parle d'un patrimoine religieux, on ne parle pas uniquement de style baroque en disant: Bien, les francophones en fait ont ou avaient un catholicisme triomphant, c'était le baroque, puis les anglophones, c'était le néo-gothique. C'est beaucoup plus profond que ça. Chez les anglophones, chez les protestants, dans plusieurs dénominations, le dépouillement est essentiel. Encore faut-il avoir une expérience. On se met dans la peau en fait des jeunes qui voient une église effectivement totalement dépouillée. On compare ça à l'église Notre-Dame puis on dit: Bien, le patrimoine, il n'est pas fort. Ou il peut être effectivement plus fort dans le dépouillement qu'il peut l'être dans la splendeur. Donc, il y a tout ça effectivement qui ne pouvait pas être pris en compte à cause effectivement du type à la fois de méthodologie et des agents qui, à travers tout leur dévouement, n'avaient pas nécessairement la compétence ou l'expérience voulue.
Alors, la même chose au niveau des tables de concertation. La ville de Québec ou la région de Québec, plutôt, la région de Montréal, nous sommes chanceux parce que nous avons, dans les universités, des programmes. Je suis responsable d'un programme semblable. Il y a un programme, à l'UQAM, avec M. Noppen, où effectivement il y a des connaissances, et ils ont un foyer de réflexion et de recherche. Mais, lorsque vous arrivez dans les tables de concertation, dans les régions éloignées, ils n'ont pas nécessairement la même capacité d'avoir de l'information, de la connaissance. Et là on risque d'avoir un inventaire qui n'aura pas effectivement l'uniformité voulue. Ce n'est pas parce que vous êtes en région éloignée que votre patrimoine n'est pas plus important que celui de la région centrale. Alors, tout ça doit être mis en considération concernant cette question-là.
Alors, tout ça pose la question de gérance. L'impression qu'on a, c'est comme si nous avions effectivement une fortune familiale, on confiait ça en fait à quelqu'un de la famille pour le gérer, la personne de la famille a plein de bonne volonté, mais elle n'a pas de connaissances, et de toute façon il n'y a pas d'argent pour avoir un notaire qui a du bon sens. Bon. Et c'est là qu'on met en doute... en fait qu'on met en péril notre patrimoine. Alors, on a répondu à ça.
La Fondation du patrimoine religieux a été exemplaire aussi. D'avoir réuni autour d'une table de concertation à la fois catholiques, protestants et juifs, c'est déjà effectivement, disons, beaucoup. D'avoir dépensé autant d'énergie ? on les connaît, ces gens-là ? c'est absolument, disons, admirable. Mais là on est devant une situation où on a au minimum 2 500 églises, là, à considérer, sans compter les monastères, les collèges, les institutions, etc., et qu'est-ce qu'on va faire de bon avec ça? La fondation à long terme ne pourra pas maintenir tout ça, trouver des budgets, aller chercher l'expertise, rentrer en partenariat avec les municipalités, ce n'est pas possible. Il va falloir trouver un modèle de gérance.
Alors, on nous met, comme modèle de gérance, la France. La France effectivement, à cause de la division de l'Église et de l'État, s'occupe de ce qu'elle appelle le patrimoine des pauvres. Lorsque vous voyez effectivement Notre-Dame-la-Grande, à Poitiers, ça ne fait pas pauvre, mais ils s'en occupent. Bon. Sauf que la France, c'est la France, et, je dois dire, pour avoir des relations grâce à notre programme puis avec la région de Poitou-Charentes, ce n'est pas toujours exemplaire, la conservation que font les Français, parce qu'ils sont soumis, comme nous, à des questions budgétaires.
Mais il faut comprendre aussi que la culture n'est pas uniquement dans le bien physique lui-même, elle est aussi dans les modes de gérance. Si vous allez en Angleterre, si vous allez aux États-Unis, c'est des modes totalement différents. J'ai eu l'occasion de faire mes études en Grande-Bretagne, et vous avez là un modèle quand même drôlement intéressant qu'on appelle National Trust. Alors, National Trust, c'est un organisme en fait d'intérêt public qui s'occupe en fait de gérer le patrimoine, de le conserver, de le mettre en valeur. Ils ont à peu près au-dessus de 1 million de membres, ils ont à peu près entre 80 000 et 100 000 bénévoles. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que ça devient une force politique parce que les députés ne peuvent pas ignorer qu'il y a 1 million de membres. Et, deuxièmement, ça veut dire que c'est un patrimoine qui est approprié, dans le sens que les gens participent eux-mêmes à la conservation, et ceci nous semble être à notre avis un moyen de conservation qui peut être de loin plus satisfaisant que dire: On remet ça, disons, à l'État. Et il ne faut pas ignorer que notre culture québécoise, elle est française, mais elle a été marquée aussi par la Grande-Bretagne, puis elle a été marquée par un côté américain, et les Américains fonctionnent un peu comme l'Angleterre avec le National Trust.
Le grand danger de confier aussi ça à l'État, c'est que là on va dire: Le patrimoine, c'est bien beau, mais c'est de la brique, c'est du béton, c'est du bois, mais qu'est-ce qu'on fait avec la santé, qu'est-ce qu'on fait avec l'éducation? Là, vous allez rentrer en concurrence, et le patrimoine va toujours être perdant au niveau des budgets, parce qu'effectivement, s'il faut sauver une vie, c'est préférable de sauver une vie humaine qu'une vie de bâtiment, hein?
Le Président (M. Brodeur): ...
M. Marsan (Jean-Claude): Oui?
Le Président (M. Brodeur): Si vous me permettez. C'est parce que le temps est déjà écoulé. On va prendre un consentement pour que vous puissiez conclure. On va passer à une période...
M. Marsan (Jean-Claude): Moi, je suis convaincu que vous allez le faire, alors je vais accélérer. Bon.
Et, troisièmement, je dois dire effectivement que confier à l'État n'est pas toujours non plus la solution la plus souhaitable. On est effectivement dans un bâtiment qui a déviergé, je m'excuse de le dire, là, qui a déviergé le patrimoine montréalais. Promenez-vous effectivement au Palais des congrès, l'agrandissement, là, promenez-vous sur la rue Saint-Antoine et allez voir qu'est-ce qu'on a fait avec notre patrimoine. Le patrimoine du Vieux-Montréal, il est là, puis on a fait un bâtiment et qui est l'équivalent effectivement qu'on retrouve dans les banlieues.
Bon. Il faut se donner un moyen de gérance où on va avoir un organisme d'intérêt public qui va être capable d'aller chercher les meilleures expertises ? elles sont là, les expertises, il y en a chez Raymonde, il y en a dans mon département, etc., elles sont là ? être capable de travailler avec les municipalités ? parce que ça se programme, ça, la conservation par l'urbanisme, dépendant effectivement qu'est-ce qu'on veut ? être capable surtout d'aller chercher l'adhésion des citoyens, parce qu'il n'y a pas de patrimoine, il n'y a pas de conservation s'il n'y a pas d'appropriation.
n(14 h 30)n Laissez-moi prendre un dernier exemple, là, pour terminer. Le Musée des beaux-arts de Montréal ? j'ai été membre du conseil pendant une vingtaine d'années ? qu'est-ce que c'est? C'est une institution qui conserve un patrimoine artistique. Si vous voyiez l'intérêt que portent les gens bénévoles au Musée des beaux-arts, le temps qu'ils y mettent gratuitement, la qualité qu'ils ont produite ? c'est un musée maintenant qui est reconnu dans le monde entier ? la fierté que cela développe, et nous sommes le musée au Canada qui va chercher le plus d'argent dans le public. C'est ça de moins que l'État fait et c'est ça de plus que nous avons parce que nous sommes tous des gens qui y croyons, à ce musée-là.
Alors, créons un organisme qui va s'occuper pas uniquement de patrimoine religieux, du patrimoine en général, dont le religieux va être le gros morceau, mais mettons les gens à contribution. Alors, je vous remercie. Je m'excuse d'avoir dépassé le temps. C'est à cause de Raymonde.
Mme Gauthier (Raymonde): C'est toujours de ma faute.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci. C'est fort intéressant, d'autant plus que vous tentez de répondre vraiment aux questions que la commission se pose, c'est-à-dire quoi protéger, et établir en premier lieu les critères. Et les critères... Depuis que nous avons annoncé la tenue de notre commission parlementaire, depuis juin dernier, nous avons l'occasion de rencontrer des gens. Les gens se sont intéressés beaucoup à ces critères-là. Et on voit que, tout dépend des gens avec qui on discute, souvent qui sont dans les grands centres ou des gens en région, les critères peuvent à la fois pour certains être différents.
C'est certain que pour une personne... Puis on le voit plus peut-être dans les petits villages. Les gens les plus âgés dans les petits villages, si on prend des gens, par exemple, qui viennent du Bas-Saint-Laurent ou des régions semblables, tentent de donner beaucoup, beaucoup d'importance, je dirais, au critère de mémoire. Ils ont été baptisés à une église, ils se sont mariés à cette église-là, ils ont baptisé... c'est-à-dire la famille, les mariages, etc. Donc, ça a une valeur pour eux historique à leur égard. Est-ce que ces critères-là doivent aussi être tenus en compte, puisque nous allons en tenir compte partout au Québec parce que tout le monde a été baptisé dans une église, une ou l'autre? Chacun a un faible pour une église, une ou l'autre, peu importe la valeur historique ou architecturale. Donc, est-ce que c'est des critères dont nous devrons tenir compte?
Mme Gauthier (Raymonde): Est-ce que je peux répondre tout de suite à ça? Ça s'appelle l'appropriation, et l'appropriation est faite parce qu'on a été baptisé là, on a été marié là puis on va être enterré là. Mais c'est un critère qui normalement, dans les évaluations, est un critère important et qui ne faisait pas partie des critères... des évaluations. Les églises ont été évaluées comme si c'étaient des oeuvres d'art, comme si c'était La Joconde, pas comme si c'étaient des bâtiments qui avaient été payés par les gens d'abord, sinon eux, leurs ancêtres, et qui étaient utilisés par les gens. Je voudrais bien utiliser La Joconde, mais je ne peux pas. Alors, c'est deux systèmes complètement différents, de jauger les choses comme des oeuvres d'art ou de les jauger comme des bâtiments publics appartenant, en vertu de la Loi sur les fabriques de 1791... que j'ai bien expliqué, dans mon livre, que c'est bien important que cette notion d'appropriation là soit mesurée.
Quand on a fait l'inventaire des gares ferroviaires patrimoniales ? ce n'est pas moi qui ai choisi le titre de cette loi-là ? il y avait un critère effectivement pour l'appropriation. Et, quand les gens manifestaient de l'intérêt, avaient déjà commencé à écrire des choses dans les journaux locaux ou à créer des comités pour la conservation de la gare, ils obtenaient des points justement dans ces critères-là. C'est ce qui a permis ? enfin sous mon règne, Jean-Claude est venu après moi ? sous mon règne, de garder un certain nombre de gares sur le tracé du P'tit Train du Nord, qui ont servi... elles ne servaient plus comme gares, mais elles ont servi à faire des relais pour la piste cyclable. Parce qu'il y avait une appropriation, on sentait que les gens en avaient besoin. Alors, évidemment, il n'était pas peut-être question d'en prendre deux, une à la suite de l'autre, mais d'en avoir un certain nombre qui étaient architecturalement, historiquement, intéressantes et qui en même temps pouvaient être recyclées à d'autres fins. Mais ça, ce n'était pas un critère de l'inventaire qui a été fait l'an dernier.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Donc, c'en est un, ça pourrait en être un...
Mme Gauthier (Raymonde): C'en est un très important. À la Commission des biens culturels, à un moment donné ? j'ai été vice-présidente de la Commission des biens culturels, on porte tous plusieurs chapeaux quand on fait ce métier-là ? on avait l'église de Rapide-Danseur, en Abitibi ? je ne sais pas si vous êtes familier avec ça ? qui...
Le Président (M. Brodeur): ...il y en a un là qui serait rapide danseur.
Mme Gauthier (Raymonde): ... ? ah oui? Je suis moins familière avec Star Académie ? qui est une église qui a été construite par les gens et dont l'intérieur a été sculpté par certains paroissiens dans le Tentest. Alors, du Tentest, vous savez ce que c'est? C'est du carton qui... enfin c'est une marque commerciale qui... du carton qui est né après la guerre, et qui était constitué de plusieurs, plusieurs feuilles de papier brun bien collées, et qui avait une certaine épaisseur, qui avait 3/4 de pouce d'épaisseur. Alors, on a sculpté l'intérieur d'une église avec toutes sortes de motifs grecs ou néo-grecs à l'intérieur de l'église, et les gens trouvaient ça magnifique. Et ce bâtiment ? Mme Brunet, là-bas, vous le dirait ? est un monument historique et très important pour les gens de cette région-là. Mais, si vous comparez l'église de Rapide-Danseur avec l'église Notre-Dame, l'église de Rapide-Danseur va perdre. C'est ça qu'on ne veut pas.
On ne voudrait pas que toutes les églises soient jugées à la même aune que les synagogues, enfin ce qui est arrivé, entre autres, pour les synagogues: si elles étaient petites et mal placées, elles n'avaient pas des bonnes notes; si elles étaient grosses et bien placées, elles avaient des bonnes notes. Les églises protestantes, qui étaient évidemment peu ornées à l'intérieur, ont eu des très mauvaises notes, et même si elles représentaient un mouvement artistique très important et une période historique très importante de notre histoire. Alors, on ne peut pas fonctionner comme ça. C'est comme faire le diagnostic de la maladie d'une personne: on ne peut pas... chaque individu est différent. Et je disais souvent à mes étudiants: Les bâtiments, c'est comme des personnes, sauf qu'ils vivent plus longtemps.
Le Président (M. Brodeur): Oui. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Gauthier (Raymonde): Pardon?
Le Président (M. Brodeur): Je m'adressais à Mme la députée.
Mme Vien: Il m'interpelle...
Le Président (M. Brodeur): En vous regardant, je l'ai interpellée.
Mme Vien: Je comprends que c'est sérieux, là, ce que vous nous dites cet après-midi, là, que l'inventaire qui a été fait, selon vous...
Mme Gauthier (Raymonde): Pas vraiment valable.
Mme Vien: Qu'on peut émettre certains bémols. Qu'est-ce qu'on fait à partir de ce moment-là? Est-ce que c'est caduc? Est-ce qu'on doit recommencer?
Mme Gauthier (Raymonde): Il y avait une partie du projet...
Mme Vien: Si on se fie... on émet des notes, des classements à partir de ces analyses-là, est-ce qu'on ne sera pas biaisés tout le long de notre travail? Quelle est votre solution?
Mme Gauthier (Raymonde): Il y avait un troisième stade de cet inventaire-là, qui devait s'appeler la phase III, dont on questionne l'importance maintenant pour des raisons budgétaires, qui devait être revu effectivement par des experts... bien je ne sais pas si j'en fais partie, là, mais, disons, qui devait être revu par des gens qui connaissent ça et qui étaient en mesure au moins de réviser ce qui avait été produit par les jeunes payés par le Fonds Jeunesse. Et là on se pose la question à savoir si ça doit être fait. Moi, je pense que ça doit être entièrement révisé. Tout le travail doit être entièrement révisé par des gens qui connaissent ça avant qu'il y ait des églises qui disparaissent parce qu'elles n'ont pas eu la bonne cote, et puis que le toit coule, et puis que, bon, elles soient démolies par négligence.
M. Marsan (Jean-Claude): En fait, il y aurait une méthodologie possible. Il s'agirait effectivement de prendre des exemples en fait de divers types, sans prendre les 2 500, là, faire un échantillonnage et, avec une très bonne méthodologie effectivement de révision, voir quel est le pourcentage qui correspond vraiment à ce qui est souhaitable puis quel est le pourcentage qui correspond à ce qui n'est pas souhaitable, puis après ça on prendra la décision. «That's all».
Mme Vien: Donnez-nous un exemple de... Illustrez-nous ça, là.
M. Marsan (Jean-Claude): Bien, écoutez, on peut prendre effectivement des exemples qui sont métropolitains. Prenons l'église du Gesù du Grand Montréal et prenons effectivement une église en Abitibi. Bon. Considérons l'église du Gesù par rapport à toute sa philosophie, les Jésuites, etc., et considérons l'église en Abitibi par rapport à la population, etc., et voyons effectivement quelles sont les comparaisons qu'on puisse faire. Parce que, si on laisse tomber un critère comme l'appropriation, bon, dans le cas de l'église du Gesù, ça a moins de poids, d'une certaine façon, sauf pour des gens comme moi qui ont fait leur cours là-bas. Mais, dans le cas effectivement des régions éloignées, où les gens sont nés, ont vécu avec ces modèles-là, là, ça prend plus d'importance parce qu'il va falloir trouver un moyen de...
L'idéal serait de tout recommencer. Est-ce qu'on peut se le permettre? Et, si on ne peut pas tout recommencer, avoir une méthodologie pour s'assurer qu'au moins on va pouvoir quand même avoir une façon de corriger cet inventaire-là pour qu'il soit crédible. Actuellement, il ne l'est pas, crédible. C'est perdu comme travail.
Mme Vien: ...faire un peu de pouce sur ce qu'a énoncé M. le Président tantôt?
M. Marsan (Jean-Claude): Je vous en prie, oui.
Mme Vien: Quel est vraiment le rapport qui existe entre l'appropriation et la valeur patrimoniale? J'ai un peu de difficultés, je vous l'avoue, à faire le lien entre les deux.
n(14 h 40)nM. Marsan (Jean-Claude): En fait, l'appropriation fait partie de la valeur patrimoniale. Je vais vous donner un exemple très, très simple. Vous connaissez le Vieux-Port de Montréal. Bon. Si on cherche une qualité esthétique dans le Vieux-Port, on n'en trouvera pas, de qualité esthétique. Et ça, c'est un des grands problèmes, c'est qu'on cherche trop la qualité esthétique dans le patrimoine. Mais le fait que le Vieux-Port de Montréal soit devenu la promenade des Montréalais en fait un lieu patrimonial parce que les gens effectivement ont approprié... ils ont fait soi-même effectivement ce lieu-là, et ça, c'est un critère qui est fondamental.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Alors, merci, madame, monsieur, de la présentation de votre mémoire, mais aussi... on a lu aussi, dans Le Devoir...
M. Marsan (Jean-Claude): Ah! Déjà.
Mme Léger: ...entre autres. Bon. Il y a beaucoup d'éléments, là, qui nous questionnent. D'une part, vous avez parlé, tout à l'heure, de connaissances, d'analyse, de raisonnement mais aussi d'intuition. Ça, je veux juste vous en parler un petit peu, mais j'ai quand même deux questions bien précises.
Dans la notion d'appropriation telle quelle, je ne sais pas si vous avez entendu l'Assemblée des évêques catholiques, ce matin, qui faisait la distinction entre le patrimoine collectif et la propriété collective. Je fais le lien avec votre préoccupation, d'une part, que le patrimoine religieux ne soit pas nécessairement qu'une préoccupation des leaders de la population pratiquante. Vous avez fait le lien avec la Fondation, à ce moment-là, du patrimoine religieux. Donc, je voudrais vous entendre un petit peu plus sur cet aspect-là.
Ma deuxième question est sur le rôle de la Fondation du patrimoine, parce que vous parlez d'un organisme davantage indépendant, là, de ce que vous avancez. Que reste-t-il du rôle tel quel de la Fondation du patrimoine? Est-ce que vous mettez ça à terre, la Fondation du patrimoine? Est-ce que la Fondation du patrimoine ne va que recevoir des projets? C'est quoi, l'avenir de la Fondation du patrimoine, de ce que vous apportez?
Voilà mes deux questions, qui sont différentes, là, mais ça...
Mme Gauthier (Raymonde): Il faudrait peut-être regarder la genèse de la Fondation du patrimoine religieux. Alors, cette idée a été générée, entre autres, par l'abbé Claude Turmel de réunir les Églises, et, sur la Fondation du patrimoine religieux, il y a des représentants des Églises. Alors, évidemment, les catholiques ont beaucoup de représentants, et les Juifs en ont beaucoup moins, et les protestants se situent entre les deux, suivant les dénominations ou, comme ils appellent ça, les traditions. Suivant les traditions religieuses, les anglicans sont plus actifs et puis les méthodistes le sont beaucoup moins. Alors, il y a un problème par rapport à ça. Parce que c'est sûr que c'était une excellente idée de réunir tous ces gens, parce que, bon, le patrimoine architectural religieux s'en allait chez le diable, c'est le cas de le dire, et il fallait vraiment faire quelque chose. Alors, comme groupe, l'Église a demandé au gouvernement de les aider à garder leurs églises.
Il y a une autre problématique. C'est que les églises n'appartiennent pas à l'Église. C'est ça, l'affaire. Alors, il y a une autre, encore, problématique, mais que je ne voudrais pas aborder... c'est que les couvents puis les églises, c'est deux systèmes différents, et puis il ne faut vraiment pas mêler tout le système des couvents, des monastères, etc., avec le système des églises.
Ce qui est arrivé ? une petite leçon d'histoire ? en 1791, les Anglais ne voulaient pas payer... les Britanniques, qui étaient les nouveaux arrivants, ne voulaient pas payer pour la construction des églises catholiques. Alors, on a fait une petite loi, qui s'appelle la Loi des fabriques, suivant laquelle le coût de la construction d'une église était réparti sur l'ensemble des catholiques dans un territoire géographique donné. Alors, du rang Saint-Machin au rang Saint-Truc, tous les gens qui étaient compris là-dedans devaient payer et, s'ils ne payaient pas, c'est simple, ils allaient en enfer. Alors, quelques-uns sont même, en prime, allés en prison, mais en général ils payaient.
Et ils ont payé quelquefois... Enfin, évidemment, ceux qui étaient les gros, comme on dit. Les gros cultivateurs, qui avaient beaucoup d'arpents en culture, payaient plus. Parce que la norme, c'était le nombre d'arpents en culture. Alors, ceux qui avaient plus d'arpents en culture payaient plus, et le petit nouveau colon qui avait trois arbres d'abattus, lui, il ne payait pas grand-chose. Et évidemment c'était allongé, ça, sur des périodes excessivement longues. Ça pouvait être payé sur 20 ans, 25 ans. Si l'église brûlait entre-temps... et hop! on recommence.
Mme Léger: Selon vous, l'église telle quelle appartient... Parce que vous écrivez... vous dites: L'église n'appartient pas nécessairement à la population que pratiquante.
Mme Gauthier (Raymonde): Non, non.
Mme Léger: Mais, si on écoutait l'Assemblée des évêques, il y a une propriété privée, là, pour... je ne sais pas si vous avez entendu, ce matin, là, que le patrimoine collectif, c'est une chose, mais la propriété collective, c'est différent, là. Ils distinguent vraiment les deux aspects.
Mme Gauthier (Raymonde): Mais vous pourrez, vous, débattre avec des avocats là-dessus, là, mais oublions... disons, oublions le couvent, là, il ne faut vraiment pas mêler ça, mais effectivement... C'est pour ça qu'à chaque année, en début de... à l'hiver, on nomme les marguilliers. C'est théoriquement les représentants. C'est la première institution démocratique au Québec, ça, la fabrique, hein? Alors, à chaque mois de janvier, on élit des marguilliers pour qu'ils administrent les biens de l'église. C'est sûr que le curé est là, puis qu'il fait les prières, puis qu'il les conseille, mais les marguilliers sont les représentants de la population catholique et les représentants de la population qui... j'allais dire les dignes continuateurs des catholiques qui ont payé ces églises-là au... pas au XVIIe parce que c'était le roi qui payait, mais à partir de 1791. Alors, je pense que les églises appartiennent... Enfin, vous vous chicanerez avec tous les avocats du monde si vous voulez, mais, de ce que je comprends, les églises appartiennent au peuple québécois.
M. Marsan (Jean-Claude): Oui. On pourrait faire une référence avec les lois sur les biens culturels que nous avons connues. Jusqu'en, si je ne me trompe pas, 1950, il fallait demander au propriétaire d'un bâtiment... il fallait...
Le Président (M. Brodeur): ...ça fait de la distorsion.
M. Marsan (Jean-Claude): D'accord. Il fallait demander à un propriétaire d'un bâtiment sa volonté pour classer. Mais on s'est aperçu qu'on ne pouvait pas faire ça. Ce n'est pas parce qu'un bâtiment était propriété privée qu'il n'avait pas une valeur collective. Maintenant, on ne demande plus, dans le sens que le gouvernement va dire, la ministre de la Culture et des Communications va dire: Nous reconnaissons que ce bâtiment-là, même s'il est privé, il est effectivement classé parce qu'il représente une valeur collective, et le propriétaire, il peut se jeter en bas du pont s'il veut, ça n'a rien à voir, dans le sens que ça devient effectivement un bien collectif.
Alors, nous, ce que nous disons: Les églises, c'est un bien collectif, c'est comme un patrimoine public, c'est comme les écoles, c'est comme les palais de justice, c'est comme tout ce qui sert effectivement à une société et qui représente une valeur. En fait, la culture, la religion, le culte, ce sont des valeurs, mais ce sont des valeurs qui sont collectives. Ce n'est pas parce qu'ils sont portés d'un côté par les protestants, par les catholiques ou par les juifs que ce n'est pas des valeurs qui sont collectives, parce qu'autrement on va se mettre dans une situation où, si l'Église décide qu'elle ne veut pas les conserver, on va priver effectivement un peuple au complet de ses racines, de sa mémoire et de ce qui fait sa valeur. Alors ça, c'est fondamental, selon nous.
Le Président (M. Brodeur): M. le député... Oui, avez-vous...
Mme Gauthier (Raymonde): Bien, moi, je voulais juste donner comme exemple, là: dans les années soixante-dix, au moment où j'ai commencé ma carrière à l'Université du Québec à Montréal, il y a quatre églises qui sont disparues, quatre églises que rétrospectivement on sait qu'elles étaient très importantes sur le plan de l'histoire de l'architecture, sur le plan de l'histoire tout court, de Montréal. C'est, entre autres, Sainte-Catherine-d'Alexandrie, sur la rue Amherst, Saint-Henri, à Saint-Henri. Aujourd'hui, tout le quartier, le vieux Saint-Henri est démembré par la disparition de... le fait que l'église ait été démolie. Il a fallu démolir Sainte-Cunégonde, qui était une merveille architecturale, parce qu'évidemment c'étaient des quartiers pauvres, et les gens n'étaient plus capables de subvenir aux besoins de ces églises-là. Alors, vous savez, les quartiers pauvres, au Québec, il y en a plusieurs. C'est dangereux.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Bien, je pense que vous répondez en partie à la question que j'allais vous soumettre, puisqu'on l'a entendu, ce matin, autant des représentants de l'Église catholique que de l'Église anglicane: les deux Églises se retrouvent avec des bâtiments excédentaires, et, à un moment donné, dans leurs inventaires, ils ne peuvent plus soutenir le bâtiment et ils ne veulent plus le garder. Et ça rejoint un peu les critères d'appropriation dont on parlait. Est-ce qu'à ce moment-là, si notre appréciation de la valeur, la façon dont elle a été établie n'est pas valable, est-ce qu'on doit quand même faire des distinctions lorsque l'Église... Parce que l'aspect appropriation va disparaître si l'Église décide de se départir d'un bien de cette nature-là. Est-ce que notre appréciation va varier, à ce moment-là, en fonction de ça? Et est-ce que nos critères justement doivent être en fonction en partie du fait que l'Église désire maintenir son immeuble ou ne désire pas maintenir son immeuble?
M. Marsan (Jean-Claude): Ça peut varier dépendant des personnes, dans le sens que, si vous avez été baptisé dans une église, c'est sûr que vous allez ressentir un certain pincement de coeur le jour où on va la démolir. Ça, c'est sûr et certain. Mais, vous, là, pour vous, vous devez être comme moi non-pratiquant et voir effectivement l'église Notre-Dame-de-Grâce en disant: Merde! C'est vraiment une contribution au paysage urbain, même si je ne vais pas à la messe là, même si je n'ai pas été baptisé là, ça nous appartient, ça fait partie du paysage, ça nous identifie, ça nous donne effectivement cette culture, comme d'autres éléments, qui fait partie du fait qu'on est Montréalais ou on est Québécois. Ça fait partie effectivement de nous.
M. Descoteaux: Mais, dans la mesure où, pour l'Église, c'est un bâtiment excédentaire, au niveau de la valeur qu'on va lui donner, il va mériter d'être conservé tout autant qu'un autre qui...
Mme Gauthier (Raymonde): Moi, je trouve que l'Église doit donner son point de vue parce qu'évidemment les membres de l'Église, quelle que soit leur tradition, leur dénomination, ont été associés à l'histoire de cette Église-là tout le temps. Mais, un peu à la manière du classement des bâtiments historiques, c'est une des composantes, et je... Enfin, pour avoir été vice-présidente de la Commission des biens culturels, vous savez qu'il y a des audiences publiques avant les classements. J'ai aussi présidé le Comité consultatif de Montréal sur la protection des biens culturels, et, avant de classer... ça ne s'appelle pas classer, à Montréal, mais avant de... l'équivalent de classer un bâtiment à Montréal, on a des audiences publiques, on dit aux gens: Qu'est-ce que vous en pensez? Voici, sur le plan historique, pourquoi c'est important, voici, sur le plan architectural, pourquoi c'est important, voici... Et, vous, est-ce que vous considérez ce bâtiment-là assez important pour être subventionné par l'État ou pris en charge par l'État ? il y a différents niveaux, là ? pris en charge complètement par l'État? Qu'est-ce que vous en pensez, bon, tout le monde? Aujourd'hui, là, c'est assez difficile de faire des interventions majeures, gouvernementales, sans interroger la population, la preuve c'est que vous êtes là. Mais donc l'Église, c'est un interlocuteur important, mais ce n'est pas le seul interlocuteur. Moi, dans mon esprit, l'église n'appartient pas à l'Église, je le répète.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.
Mme Gauthier (Raymonde): Ou les églises n'appartiennent pas à l'Église.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Vous savez, tout le monde veut aller au ciel, mais il n'y a personne qui veut mourir, c'est bien connu, tout le monde sait ça. Qui doit payer la facture si on garde les églises ouvertes? Parce que, si effectivement on met dans la balance toute la question de l'appropriation, je pense que, là, on ouvre assez grand le... Hein? On s'entend, là, que tout le monde est assez... ? comment je dirais ? se sent concerné par son église, même si on ne la fréquente pas ou très peu, ça fait partie du paysage dans un village, dans une ville, dans un quartier. Qu'est-ce que vous répondez à cette question-là: Ça appartient à qui à ce moment-là?
M. Marsan (Jean-Claude): Oui, puis c'est justement la raison pour laquelle on a besoin effectivement d'un organisme contemporain capable de se comparer à ce qui se fait aux États-Unis, ou en Angleterre, ou en Grande-Bretagne, dans le sens qu'il y a là toute une démarche qu'il faut faire, à savoir, bon: Voici une église qui ne sert plus, à quoi peut-elle servir? Ce n'est pas nécessaire qu'elle reste un lieu de culte indéfiniment. Elle peut servir à autre chose, dépendant des besoins qu'on peut avoir, si elle est compatible avec certaines fonctions. Là, il y a toute une réflexion et une expertise à développer, et, d'une façon systématique, avoir effectivement comme projet de les conserver.
On va en perdre, il ne faut pas se faire d'illusion, mais, la façon qu'on est parti, on va en perdre beaucoup. Mais il faut absolument... En fait, la Charte de Venise dit: Le meilleur moyen de conserver, c'est une fonction utile effectivement à la société. Parce que le grand problème du patrimoine, c'est très simple, c'est l'entretien. Si vous ne pouvez pas entretenir, oubliez ça. Donc, il faut trouver des fonctions qui sont utiles à la société et qui vont permettre l'entretien. Une église peut devenir un palais de justice, pourquoi pas?
Mme Vien: Est-ce que vous connaissez, monsieur dame, la proposition que, semble-t-il, a faite Mgr Turcotte à différents premiers ministres du Québec, à savoir d'imposer un moratoire pour justement veiller à ce que, si on a à construire des édifices publics, entre autres, comme des bibliothèques ou autres projets à caractère public, on doive obligatoirement regarder s'il y a dans les parages une église? Vous êtes d'accord avec ça?
n(14 h 50)nM. Marsan (Jean-Claude): Absolument, absolument, absolument. Et justement c'est là qu'on sent le besoin effectivement d'un organisme public qui va faire ce rôle-là, qui va jouer ce rôle-là. En Angleterre, on ne peut pas abandonner l'église. Lorsqu'il arrive qu'une église, elle est abandonnée, vous avez x années à ne rien faire, ne pas toucher, à essayer de trouver une solution, et ce n'est qu'après tout un processus qu'on va se condamner à la démolir, mais pas dans l'immédiat, mais faut-il que ce soit pris en charge par quelqu'un. Et la Fondation du patrimoine religieux, malgré tout, en fait, son dévouement, n'est pas équipée pour faire ça, parce que la seule façon de faire ça, c'est avec le gouvernement, avec les municipalités, avec les chercheurs, et c'est complexe, c'est très, très complexe. Donc, ça prend un organisme d'intérêt public qui répond à cette complexité-là, comme ça se passe ailleurs.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être là. J'ai fait une réflexion pas mal pendant que vous parliez, je m'en excuse. J'ai dit: Vraiment, il pose les bonnes questions. Mais je vais essayer d'en poser une bonne, moi aussi. Parce que je suis quand même intrigué, autant j'ai trouvé... j'ai été impressionné par la première partie de votre exposé sur la classification... Et ça me semble à la fois troublant et important, la question que vous avez posée là. Je pense qu'on ne peut pas... S'il arrivait qu'on se rende compte qu'on s'en va dans la mauvaise direction, il faudrait peut-être corriger le tir avant d'aller trop loin. Bon. Mais la question que je me pose, c'est que je n'ai pas compris le passage que vous avez fait de cette étape-là à l'étape de dire: Il nous faut un organisme autonome qui serait propriétaire du patrimoine religieux. Et c'est peut-être que j'ai mal compris, peut-être que ce n'est pas ça que vous avez dit. Mais c'est ce que j'ai compris. Alors, quand un organisme...
Ce qui semble être clair, c'est que vous contestez vraiment l'appropriation par l'État. Bon. Ça, c'est clair. Vous contestez aussi la propriété par l'Église en disant: Ça appartient aux gens. Là-dessus, j'ai un peu de difficultés parce qu'il me semble que ça appartient à la fabrique, hein? C'est sûr que le Québec appartient aux Québécois, mais la terre de M. Untel appartient à M. Untel. Alors, je pense qu'il y a des... Mais il ne faut pas rester attaché à la dimension strictement juridique parce qu'il faut... Je pense bien que ce que vous avez dit en tout dernier lieu, c'est que ce qui doit déterminer notre démarche, ce n'est pas autant le passé que l'avenir, bien qu'il faille prendre acte à la fois de la valeur de l'appropriation et de la valeur artistique. Dans ce contexte-là, je pose la question dans ces termes-là, c'est une question ouverte: Pourquoi est-ce que cet organisme autonome ne serait pas la fondation revue et corrigée? Et pourquoi faut-il que gérer en fonction de l'avenir veuille dire nécessairement être propriétaire? Alors, c'est les deux questions que je me pose.
Mme Gauthier (Raymonde): O.K. Je veux juste faire un petit...
Le Président (M. Brodeur): ...de répondre depuis tantôt.
Mme Gauthier (Raymonde): Vous dites, M. Dion, que l'église, le bâtiment église appartient à la fabrique. La fabrique n'est pas un organisme religieux. La fabrique est un organisme civil légal. Bon. Et, en corollaire à ça, si vous créez un organisme, il peut s'appeler la Fondation du patrimoine religieux, mais il ne doit pas être entièrement monopolisé par l'Église. Il doit avoir des affreux non-pratiquants comme moi dedans, puisque c'est non religieux, puisque la base est non religieuse.
M. Marsan (Jean-Claude): Il n'est pas nécessaire que l'organisme, par hypothèse qui s'appelle trust québécois, soit propriétaire de l'église. Ce qui est important, c'est: lorsque l'Église ne peut plus soutenir effectivement un bâtiment, elle le refile à cet organisme-là, qui, lui, va essayer de trouver une solution et qui va être équipé pour le faire.
Bon. Que la Fondation du patrimoine religieux se transforme éventuellement pour répondre à ça, d'accord. Mais je pense qu'on aurait avantage à prendre tout le patrimoine sous un même... Autrement, ça peut devenir, effectivement, difficile. Bon. Faisons comme certains dans d'autres sociétés, notamment en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, cherchons un modèle qui fonctionne ailleurs et adaptons ce modèle à nous. Mais sûr et certain on ne pourra pas continuer de la façon qu'on est parti parce qu'on s'en va vers une crise majeure. Ça, c'est sûr et certain, sûr et certain.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: D'abord, merci de faire rayonner les travaux de notre commission par votre article de ce matin et celui qui sera publié demain. Nous, on a eu l'avantage de pouvoir lire les deux parties au début des travaux de la commission parce qu'on a reçu votre mémoire. Et j'aimerais aller plus loin.
Si, comme vous le suggérez, ce modèle, là, du Churches Conservation Trust du Royaume-Uni est celui qui devrait nous inspirer, qu'est-ce que l'on devrait retenir et ne pas retenir de ce modèle ? parce que vous le connaissez de toute évidence bien, et, je pense, ça pourrait beaucoup nous éclairer ? ce que nous devrions accepter, nous devrions ne pas accepter à cause de notre tradition?
M. Marsan (Jean-Claude): Oui. Mais votre référence effectivement à un organisme d'Angleterre, qui est le Churches... nous faisons référence au National Trust.
M. Turp: ...Trust.
M. Marsan (Jean-Claude): Oui, absolument, absolument. Je ne veux pas dire que, dans le cadre de National Trust, il n'y aura pas effectivement des subdivisions, si vous voulez, mais on sent le besoin, au Québec, d'avoir effectivement ? comment je dirais bien ça ? un parapluie qui va prendre ça en charge, le patrimoine, y compris le patrimoine religieux.
M. Turp: Mais alors, juste avant que vous poursuiviez, qu'est-ce qui justifie qu'au Québec on aurait un modèle qui se distingue donc du Royaume-Uni qui a choisi un National Trust pour les éléments du patrimoine qui ne sont pas reliés aux églises et un autre organisme distinct pour les églises?
M. Marsan (Jean-Claude): Je pense que, dans un questionnement semblable, il faut se rendre compte qu'on ne peut pas effectivement y répondre facilement. Si on décide d'aller dans ce sens-là, il va falloir faire des recherches approfondies pour savoir quels sont... Il y a aussi en Australie, il y a aussi...
Une voix: Nouvelle-Zélande.
M. Marsan (Jean-Claude): ...en Nouvelle-Zélande, il y a plusieurs effectivement sociétés qui sont concernées par le patrimoine. Est-ce qu'on n'aurait pas avantage, avec les moyens que nous avons, nous avons des centres de recherche semblables, que le gouvernement nous donne des mandats pour essayer de définir, disons... d'abord évaluer ces modèles-là, regarder quels sont les avantages, les inconvénients et comment, nous, notre propre culture, on pourrait définir un modèle mais qui s'inscrit dans les grands principes internationaux de façon à s'assurer d'avoir un instrument valable.
Parce qu'il y a une chose qu'il faut se rendre compte, le patrimoine, effectivement, bon, c'est nécessaire pour notre identité, ça nous permet effectivement une affirmation collective, mais ce n'est pas quelque chose qui est... C'est de l'économie maintenant, hein, le patrimoine est rendu un élément économique fort important, et c'est un instrument de développement. On peut le voir même ici, au Quartier international. Bon. Alors, c'est toute cette dimension future du Québec qu'on souhaitait qui soit prise en charge d'une façon contemporaine, comme ça se passe en Australie, comme ça se passe en Grande-Bretagne, comme ça se passe aux États-Unis, comme ça se passe de leur façon en France, alors qu'ici on a l'impression qu'on est un peu en retard maintenant.
M. Turp: Est-ce que ce serait une urgence pour les églises? Moi, j'ai posé...
M. Marsan (Jean-Claude): Oui, absolument, absolument, oui.
M. Turp: ...j'ai posé la question, ce matin, à Mgr Turcotte, et j'ai évoqué l'échéance dont parlent vos collègues Luc Noppen et Lucie Morisset dans leur mémoire, de 2010, là. Parce qu'on se rend bien compte qu'une politique du patrimoine, ça prend du temps à accoucher, au Québec, là, une politique globale, là, et là notre commission, nous, elle est préoccupée par le patrimoine religieux. N'y a-t-il pas une telle urgence pour les églises, de quelque confession que ce soit, qu'il faudrait envisager une solution à la britannique, avec un Churches Conservation Trust?
M. Marsan (Jean-Claude): C'est une possibilité, c'est une possibilité.
Mme Gauthier (Raymonde): Oui, mais, si vous permettez, juste entre-temps, peut-être que, si on révisait l'inventaire qui a été fait, ça nous donnerait déjà des armes pour regarder le problème, au moins si on avait ça. Ça, ça peut se faire à l'intérieur de six mois, ce n'est pas long. Mettez un an si vous voulez, mais, dans six mois, vous pouvez en faire beaucoup. Des gens qui ont fait ça toute leur vie, ça ne leur prend pas trois heures à déterminer la valeur patrimoniale d'un bâtiment. Ils peuvent vous raconter l'histoire d'un bâtiment dans n'importe quelle paroisse du Québec, son importance architecturale, historique. L'appropriation, ça, c'est à vérifier, mais il y a des gens sur le terrain qui peuvent en témoigner, le député entre autres. Mais ça peut être fait rapidement, ça, au moins dans un premier temps, de manière à ce qu'on sache comment le petit peu d'argent qu'on a peut être le mieux dépensé. Bon.
n(15 heures)n Après ça, qu'il y ait un organisme qui soit comme une espèce de purgatoire pour les églises qui ne sont plus en usage ou qui sont excédentaires ? je m'excuse de mes références religieuses ? qu'on confie ça à un organisme qui est chargé de s'assurer du chauffage, essayer d'attendre pour voir s'il y aurait une possibilité de réutilisation, ça aussi, ce n'est pas très long à organiser. Sur une période d'un an ou deux, on est capable d'organiser ça aussi. Bon. Puis un grand National Trust qui ait une section église, une section couvent, une section résidence sera peut-être un beau grand rêve qui va s'échelonner sur plusieurs années, mais il reste qu'il y a des choses qui peuvent être faites à très court terme.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, le temps imparti est déjà écoulé. On vous remercie énormément, M. Marsan, Mme Gauthier.
Je vais suspendre quelques instants, le temps que Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal puissent s'installer.
(Suspension de la séance à 15 h 7)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Nous recevons Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal. Bienvenue en commission parlementaire. Je vais vous rappeler les règles des commissions parlementaires que nous utilisons généralement au parlement, mais, aujourd'hui, c'est le parlement virtuel, ici. Donc, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.
Je dois souligner un tout petit changement parce que j'ai à quitter pour une entrevue, pour quelques minutes. Donc, si je quitte, ce n'est pas parce que vos propos ne sont pas intéressants, c'est parce que je dois partir, et un autre membre de la commission me remplacera à ce moment-là.
Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demande donc de vous identifier, et, à la suite de ça, la parole sera à vous pour un maximum de 20 minutes.
Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal
M. Gendron (Lionel): Lionel Gendron, supérieur provincial des Prêtres de Saint-Sulpice.
M. Morin (Jean-Pierre): Jean-Pierre Morin, avocat, conseiller juridique des Prêtres de Saint-Sulpice.
M. Charland (Guy): Guy Charland, procureur provincial, pour employer une terminologie liturgique ou enfin ecclésiale, ou responsable des finances des Prêtres de Saint-Sulpice.
M. Lussier (Jean-Pierre): Jean-Pierre Lussier, sulpicien, bibliothécaire et président du Comité des archives et du patrimoine.
Le Président (M. Brodeur): Allez-y, la parole est à vous.
M. Gendron (Lionel): Alors, en tant que supérieur, je tiens à vous remercier, mesdames messieurs, distingués membres de la commission, d'avoir accueilli notre mémoire et de nous accueillir ici, aujourd'hui.
Les Prêtres de Saint-Sulpice sont une société de prêtres diocésains fondée en 1641 par Jean-Jacques Olier, curé de la paroisse Saint-Sulpice de Paris, société qui a pour but la formation du clergé et les missions. Olier fut à l'origine de la Société Notre-Dame de Montréal, qui s'était donné comme but de fonder Ville-Marie et de financer Ville-Marie. En 1657, Olier envoyait à Montréal les quatre premiers sulpiciens. Aujourd'hui, la statue de Jean-Jacques Olier se retrouve sur la façade de l'édifice de l'Assemblée nationale, à Québec, à titre de cofondateur de Montréal, et cela, même s'il n'a jamais franchi l'Atlantique.
La Société Notre-Dame s'est rapidement et lourdement endettée, et elle a dû céder la place, le 9 mars 1663, aux sulpiciens, qui devinrent propriétaires et seigneurs de l'île de Montréal. Ce fut un acte de donation mais, comme on dit, onéreux, puisque les sulpiciens avaient pour mission de régler les dettes de la société. Ce fut M. de Bretonvilliers, successeur d'Olier, qui paya la lourde dette, la lourde facture de 130 000 livres tournois, qui donnerait, semble-t-il, un chiffre peut-être supérieur à la valeur de l'île à cette époque.
Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les sulpiciens furent toujours originaires de France, et le motif était simple, c'était la lourdeur financière de la mission qui imposait la venue de prêtres autonomes financièrement. Alors, issus de familles privilégiées, de familles nobles, de parlementaires, ces hommes cultivés, vu leurs responsabilités religieuses et civiles, à Montréal, ont marqué la vie de l'Église, la vie de la société ainsi que la vie culturelle et artistique. Aujourd'hui, Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal poursuivent une oeuvre d'éducation aux collèges de Montréal et André-Grasset et la formation des prêtres au Canada, ici, à l'Institut de formation théologique du Grand Séminaire de Montréal et au Central Seminary à Edmonton, et aussi à l'étranger: Rome, Japon, Colombie et Brésil.
Après 350 ans pratiquement de présence à Montréal, nous avons un patrimoine immatériel très grand mais aussi un patrimoine d'archives, de biens mobiliers et de bibliothèques absolument unique. Ce patrimoine, nous le croyons essentiel à une meilleure intelligence de l'histoire mais aussi de l'actualité de Montréal, bien sûr, mais aussi du Québec, du Canada et de l'Amérique du Nord. Conscients de la qualité inestimable de cet héritage, nous avons, Prêtres de Saint-Sulpice, depuis plusieurs années, dans la mesure de nos moyens, élaboré des politiques et entrepris des actions pour sa conservation et sa mise en valeur, et c'est ce dont nous allons vous parler aujourd'hui.
M. Lussier (Jean-Pierre): Alors, mesdames messieurs, conscients de l'importance de son héritage, c'est avec enthousiasme que Saint-Sulpice désire apporter sa contribution à la mise en valeur de ses biens culturels. Depuis 1982, les assemblées provinciales de Saint-Sulpice ont toujours eu le souci de préciser les interventions nécessaires à la sauvegarde des biens culturels. Le Conseil provincial, fidèle à son rôle de maître d'oeuvre, a retenu les services professionnels d'un archiviste depuis 1997 et d'une conservatrice depuis 2002. Des inventaires sont en cours grâce à des subventions gouvernementales du Québec et du Canada. Le Conseil provincial de Saint-Sulpice prévoit d'autres jalons, comme, dans les années à venir, la réunification des livres rares et anciens de ses bibliothèques et la restauration du séminaire de Saint-Sulpice. Dans ce projet, il apparaît que le séminaire de Saint-Sulpice, résidence de la communauté sulpicienne au Canada depuis 1685, devrait être retenu comme la pierre angulaire de la politique de gestion du patrimoine sulpicien et être envisagé comme un éventuel lieu de mémoire, tout en respectant le caractère résidentiel du séminaire.
Quant aux archives, elles totalisent, sur une période de près de 350 ans, environ un kilomètre linéaire de documents, près de 8 000 cartes géographiques, plans techniques, plus de 75 000 documents iconographiques et des heures d'enregistrements sonores et filmés. Les biens mobiliers, depuis le XVIIe siècle, comprennent des collections d'oeuvres d'art et des objets patrimoniaux qui répondaient aux besoins religieux et civils des sulpiciens et de leurs institutions. Ils comprennent également des ensembles d'une grande valeur historique et artistique. Et les bibliothèques, elles reflètent les connaissances religieuses, culturelles et civiles des sulpiciens. Elles contiennent une grande diversité de sujets couvrant les périodes du XVIe siècle jusqu'à aujourd'hui, de nombreux volumes en effet en langue autochtone et des livres rares et anciens, comme quelques premiers imprimés européens ou canadiens.
Pour la poursuite de ce projet, nous nous proposons de former une corporation des biens culturels pour les gérer et les mettre en valeur, et nous songeons à créer une fondation dans ce but. Enfin, nous avons l'intention de rendre accessibles au public ces différents biens culturels, nous le désirons et nous y travaillons. Pour nous, c'est un devoir de mémoire et nous entendons y répondre. Je vous remercie.
M. Morin (Jean-Pierre): Mesdames et messieurs, vous venez d'entendre, exprimé simplement, le projet des Prêtres de Saint-Sulpice sur lequel ils travaillent depuis 20 ans. Au cours de ce travail, Les Prêtres de Saint-Sulpice ont développé des expériences ou des expertises et ont pu faire des constats, des constats qui ont été relatés dans le document, dans le mémoire que nous vous avons présenté.
n(15 h 20)n Cinq constats à cet effet méritent, à notre point de vue, d'être soulignés et ces cinq constats-là sont, dans un premier point, le temps. Alors, vous avez vu que, pendant une période de 20 ans, Les Prêtres de Saint-Sulpice ont procédé, bien, à un décompte de biens, un inventaire de biens, une évaluation des biens qu'ils avaient, c'est-à-dire l'importance relative des biens les uns par rapport aux autres. Et donc on suggère de ne pas se précipiter dans des classements tous azimuts parce qu'il faut effectivement être en mesure de savoir la qualité des biens que l'on a et que ces biens-là, à ce moment-là, doivent être, à ce moment-là, hiérarchisés pour pouvoir prendre des décisions éclairées. Bien entendu, il arrivera des redondances, des biens, que ce soient les biens de Saint-Sulpice ou des biens d'autres patrimoines religieux, détermineront des redondances, et il faudra à ce moment-là prendre des décisions pour les biens en redondance. Mais donc, dans un premier temps, il faut prendre le temps nécessaire pour faire l'analyse de la qualité des biens que l'on a entre les mains.
Toujours au niveau du temps, nous croyons qu'il faut relativiser certains critères qui peuvent paraître très importants aujourd'hui mais qui, dans quelques années, ne le seront plus. Prenons, par exemple, la question de l'appropriation dont on a parlé il y a quelques minutes: le lieu du baptême, le lieu de première communion, le lieu du mariage, pour une génération de plus en plus vieillissante, pour les gens de mon âge, ça a une importance; pour mes enfants et pour mes petits-enfants, ça en aura beaucoup moins. C'est des concepts qui peut-être, éventuellement, devront être relativisés. Je ne veux pas dire par là que ces biens-là ne sont pas importants en soi, certains biens le sont et ces biens-là importants doivent être traités, comme nous vous le dirons plus tard, d'une façon différente. Mais, si le bien n'a qu'une qualité sociale et qu'il n'y a pas non plus de prise en charge, par la communauté, du bien, on doit donc être en mesure de relativiser, au niveau des critères, ce bien. Il en va de même des qualités paysagères des biens dans les villages. On a tous bien connu le fait que, dans les villages, l'église était l'endroit de prédilection pour les rassemblements. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et des églises de peu de qualité peut-être devront éventuellement disparaître ou être réutilisées à d'autres fins.
Comme vous l'avez vu de plus dans l'exposé des Prêtres de Saint-Sulpice, cette communauté fondatrice privilégie la valeur historique des biens qu'elle a et elle a mis le focus sur une de ses propriétés, celle du 116 Notre-Dame Ouest, qui est le séminaire, le vieux séminaire de Montréal, où là elle a commencé son oeuvre et où cette propriété a des qualités qui sont inestimables et qui sont reconnues par tous. Saint-Sulpice détient aussi d'autres propriétés, celles, par exemple, du Grand Séminaire sur la rue Sherbrooke, du collège Marianopolis, qui ont été reconnues par différents intervenants comme des propriétés ayant un caractère exceptionnel au niveau du patrimoine. Toutefois, Saint-Sulpice n'a pas les moyens de conserver toutes ses propriétés avec les effectifs qu'elle a actuellement, et il faudra donc que bientôt des décisions soient prises et par Saint-Sulpice et par la collectivité montréalaise pour savoir ce qu'il faudra faire de ces biens. Si on peut leur trouver des vocations qui vont dans la mission de Saint-Sulpice, facilement, ces biens-là pourront s'inscrire et conserver leur identité propre. Mais, advenant danger de ne pas répondre aux missions, des questionnements importants devront avoir lieu, et c'est des questionnements éminents qui se font.
Et nous arrivons donc, après cette question de valeur historique, parce qu'on dit qu'on privilégie la valeur historique des biens de Saint-Sulpice en s'alignant sur le 116, on arrive également sur la pression économique. Nous avons des bâtiments importants qui ont des coûts d'entretien très importants et dont de nombreux individus ou collectivités veulent s'approprier, et nous ne voulons pas que ces biens-là soient l'objet d'appropriations qui ne soient pas de l'intérêt pour la collectivité. Si les gouvernements, tant canadien, québécois que montréalais, découvrent un intérêt pour ces biens, ils doivent être en mesure de trouver des moyens pour supporter l'existence, la conservation de ces biens.
Les gens diront: Il faut que le gouvernement se l'approprie. D'autres diront: Il faut que des organismes se l'approprient. Nous n'avons pas de solution à vous proposer d'une façon idéale, mais ce qu'on pense, c'est que, dans l'intervalle, il doit y avoir, dans le cas de changement de vocation de certains biens, des dégrèvements fonciers qui doivent intervenir, des ententes également pour l'entretien de certains biens qui ont un caractère, par exemple, naturel et écologique exceptionnel et qui doivent faire l'objet de protection. L'État n'a pas les moyens de tout protéger. L'État doit faire des choix. Mais imposer, de l'autre côté, aux communautés religieuses le devoir de tout conserver met en péril l'ensemble de leur patrimoine, et, si on ne leur permet pas d'en disposer à une juste valeur, leur permettant à ce moment-là de cibler leur objectif, on risque, à ce moment-là, de voir toutes les propriétés perdues à tout jamais pour la collectivité.
L'implication du milieu. Vous avez ici des gens qui vous disent: Nous avons un projet, nous avons un projet articulé, nous avons un projet dont nous voulons être les maîtres d'oeuvre. L'implication du milieu, il nous semble, que ce soit pour Les Prêtres de Saint-Sulpice ou pour l'ensemble des gens de la collectivité qui veulent protéger le patrimoine religieux, est primordiale. À cet effet, cet été, nous entendions parler de l'église Notre-Dame-de-la-Défense, où les citoyens d'origine italienne ont mis sur pied un programme de conservation important, de prêts à la fabrique, de différentes façons pour eux de conserver leurs biens. Alors, on doit encourager... et l'État doit encourager de tels projets en permettant des déductions, tout au moins des déductions fiscales qui ne soient pas la déduction fiscale usuelle, là, de dons de charité, mais une déduction fiscale spéciale pour la mise en valeur d'un patrimoine qui doit être conservé, et ça devrait être au niveau de tous les gouvernements.
Enfin, bien entendu, cette question de prise en charge par le milieu ne peut couvrir toutes les possibilités. Il y aura bien entendu des cas où les collectivités n'ont pas les moyens financiers, les régions pauvres, des endroits où la collectivité n'est pas capable de supporter, aujourd'hui, des monuments importants qui sont érigés sur leur territoire. Alors, on réfère à ce moment-là... On vous suggère de penser à un organisme de la nature de celle des fiducies de patience, ou «trust fund», dont il a été question par la présentation antérieure. On n'a pas le détail, nous ne sommes pas des spécialistes, mais, pour avoir pris connaissance de différents documents qui existent sur cette matière, on pense qu'il vaut mieux mettre en réserve des bâtiments pour une période donnée plutôt qu'en disposer d'une façon immédiate, sans être en mesure, à ce moment-là, plus tard de pouvoir les récupérer. Bien entendu, on suggère dans de telles circonstances que la propriété privée qui passe à une telle fiducie soit payée par une compensation juste et équitable pour la valeur du bien, telle que l'évaluation peut le permettre.
Une autre...
Le Président (M. Descoteaux): ...conclure ou peut-être... Est-ce que vous en avez pour quelques minutes encore?
M. Morin (Jean-Pierre): Bien, vous lirez. Je vais aller rapidement, à ce moment-là, aux acteurs concernés... on vient d'en parler, aux expériences étrangères. Nous avons parlé également de Churches Conservation Trust. On a également un exemple intéressant qui nous vient de France, l'abbaye des Ardennes, qui est un exemple intéressant d'appropriation d'une propriété, qui a été, pendant de nombreuses années, abandonnée, réaffectée, réaménagée, réabandonnée et qui est devenue, à un moment donné, une étable pour le bétail, à deux périodes dans son existence, qui va depuis les années 1100 ou 1200... mais qui, aujourd'hui, sert de lieu de conservation de toute la littérature écrite en France, par l'intervention des collectivités locales.
Donc, ce que nous privilégions, c'est effectivement que le patrimoine soit conservé mais qu'il soit conservé vivant, que ça ne devienne pas une muséification, mais qu'on puisse permettre, à ce moment-là, que l'exemple de la vie qui a été et l'exemple de la vie qui continue puissent continuer, à ce moment-là, d'avoir une influence sur la société. Parce qu'on a des valeurs qui viennent de ces biens-là, et ces valeurs-là sont encore existantes et présentes. Si on les met dans un musée sans pouvoir voir de référence précise, on pense qu'il y a une perte importante. Et le projet que mes clients vous exposent est un projet d'ouverture vers la société mais de conservation de maîtrise d'oeuvre de leurs propriétés.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Oui?
M. Gendron (Lionel): Simplement une note pour dire que, si jamais il y avait des questions plus pointues, plus spécialisées, dans la salle, il y a notre archiviste, Marc Lacasse, et aussi la conservatrice de nos collections, Mme Monique Lanthier.
Le Président (M. Descoteaux): Parfait. Nous en prenons bonne note. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Merci beaucoup. Bienvenue à chacun d'entre vous à cette commission itinérante. Vous avez parlé d'une possible déduction fiscale et qu'elle serait adoptée à tous les niveaux de gouvernement, et, bon, je vois là donc une demande d'implication municipale. Je comprends bien? Est-ce que vous voyez le monde municipal avoir une contribution ou une implication beaucoup plus grande que ce que l'on voit actuellement?
n(15 h 30)n On comprend que ? je vais juste terminer, je sais que vous êtes impatients de répondre, c'est bien, c'est bien ? le monde municipal est de plus en plus et de mieux en mieux préparé pour faire face à la chose culturelle, hein, on élabore de plus en plus des politiques culturelles. Vous soulevez, dans votre mémoire aussi, la possibilité d'y aller avec une politique patrimoniale. Alors, j'aimerais que vous nous parliez un peu de cette implication municipale que vous souhaitez voir dans le futur, au niveau de la sauvegarde, de la mise en valeur du patrimoine religieux.
M. Morin (Jean-Pierre): Eh bien, évidemment, depuis les dernières années et puis depuis, je vous dirais, le début des années quatre-vingt-dix, les municipalités ont pris sur elles de prendre un rôle plus actif au niveau du développement culturel. Alors, je me rappelle, lors du dépôt du rapport Arpin, je représentais une municipalité à l'époque et j'avais fait des représentations pour assumer ou dire à la commission parlementaire que la municipalité avait son rôle à jouer. Bien sûr, la municipalité a son rôle à jouer, mais la municipalité a des moyens limités par les modes de perception de ses revenus. La taxe foncière, je pense que la municipalité y participe déjà au niveau des institutions religieuses parce qu'il n'y a pas de taxe foncière pour les... Mais, quand les vocations changent, est-ce que la municipalité peut... Et on a l'exemple parfait dans une église qu'on essaie de vendre depuis deux ans. On a, puisque le culte est arrêté, des réclamations fiscales importantes de la part de la municipalité parce qu'on n'a pas pu transformer l'église en bien social, à vocation sociale, tel que le projet est. Donc, il y a bien sûr une volonté municipale d'assumer son rôle.
La ville de Montréal a adopté, au printemps ou cet automne... l'hiver dernier, sa politique du patrimoine. Elle veut être un leader au niveau de son propre patrimoine. Ils ont en place, les municipalités, des règlements d'urbanisme qui protègent le patrimoine. Mais ce n'est pas, à mon point de vue, les municipalités qui peuvent tout gérer là-dessus. D'autant plus que la dévolution peut des fois être difficile. On a à prendre l'exemple, et ce n'est pas un patrimoine religieux... mais le patrimoine du Mont-Royal, qui actuellement fait l'objet d'une déclaration de la ministre, c'est un site historique et patrimonial reconnu: les problèmes de gestion qui existent entre la ville et le ministère des Affaires culturelles, les problèmes suscités au niveau des différents arrondissements dans le traitement des différentes demandes qui sont faites. Prenons l'exemple de l'oratoire Saint-Joseph, dont on a parlé tantôt, dont on a vanté les mérites. L'oratoire Saint-Joseph, ces dernières années, a tenté de faire un projet de rénovation importante: ils ont eu à rencontrer de tels problèmes que n'importe qui aurait baissé les bras n'eût été de la détermination de M. Aumont et de M. Trempe, les principaux recteurs de l'oratoire Saint-Joseph, pour mener à terme le projet.
Alors, je ne vous dis pas, non, que la municipalité n'a pas un rôle à jouer, mais je dis que le législateur doit dire, le législateur que vous êtes doit dire à la municipalité quelles sont les balises dans lesquelles vous devez agir et comment vous devez agir. Et ce n'est pas à... Parce qu'autrement on va rester avec des élus municipaux ? que je respecte beaucoup parce que j'en ai été un moi-même pendant de nombreuses années ? des élus municipaux qui, avec toute la bonne volonté, n'ont pas les ressources nécessaires pour analyser et traiter ces dossiers-là.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Et, pour être fidèle avec les propos que j'ai tenus ce matin avec les diocèses anglicans de Montréal et Québec, et je fais un petit peu de pouce peut-être sur la question de ma collègue: Croyez-vous que c'est le gouvernement, là, le législateur, comme vous le dites, qui doit chapeauter tous les paramètres, c'est-à-dire la décision de choisir une église plus qu'une autre? Ou si c'est à la municipalité à élaborer ses priorités, c'est-à-dire qu'elle-même, parce qu'elle connaît bien évidemment ses citoyens, elle connaît le niveau d'appropriation, entre guillemets, elle connaît l'histoire de son église, etc., beaucoup plus que peut-être le législateur, ou une fondation, ou un trust, ou quoi que ce soit... Croyez-vous donc que c'est la municipalité qui doit elle-même prioriser et ensuite revenir auprès du législateur pour dire: Écoutez, c'est notre priorité, c'est là qu'on va investir les sous, etc.? Alors, selon vous, est-ce que ça doit monter ou est-ce que ça doit descendre?
M. Morin (Jean-Pierre): Ça doit monter, mais ça doit monter de plus bas que le niveau que vous avez placé: ça doit monter de la population, du citoyen même. Et j'ai des exemples parfaits de la municipalité où je demeure, où une école a été récemment fermée, une école qui s'appelle, pour Boucherville, école Sacré-Coeur, où un comité du patrimoine local est en charge actuellement de trouver une nouvelle vocation à ce bâtiment parce que c'est à valeur patrimoniale importante pour la collectivité, et on demande des appuis, dans un premier temps, de la municipalité, mais on va demander éventuellement, aussi, des appuis d'autres niveaux de paliers de gouvernement.
Mais, s'il n'y a pas au départ, à mon point de vue, de demande ou de mobilisation auprès d'un projet par des gens qui sont sur place, on risque d'aller investir des sommes importantes sans avoir d'intérêt qui va être à court ou moyen terme. Il y a bien sûr, et au-delà de ça, et nous le disions dans le mémoire, il y a des bâtiments d'une valeur intrinsèque qui sont incontournables, etc., et il y a des critères qui ont été mentionnés tantôt. Ça, c'est une catégorie, à mon point de vue, qui est une catégorie à part. Mais, pour les biens d'usage commun, usuel, je pense qu'il faut que ça vienne de la base.
M. Mercier: Parfaitement d'accord. Et, M. le Président, vous me permettez une petite question très rapide?
Le Président (M. Descoteaux): Allez-y, M. le député.
M. Mercier: Parce que vous avez attisé ma curiosité à la page... je crois que c'est à la page 26 de votre mémoire, vous parlez du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport qui doit encourager, dans ses programmes d'enseignement général, du primaire au collégial, des activités de sensibilisation au patrimoine. Et là vous avez vraiment piqué ma curiosité: Est-ce que c'est parce que, selon vous, les jeunes connaissent de moins en moins leur histoire, leurs biens culturels, ce qui les a précédés, leur patrimoine, soit?
M. Morin (Jean-Pierre): Effectivement, oui, je pense qu'il n'y a pas d'activité, à moins que des projets particuliers existent dans les écoles, il n'y pas, dans les programmes existant actuellement, de possibilité pour les jeunes de s'approprier ou de savoir le patrimoine qu'ils ont. Il me semble que c'est évident.
M. Mercier: Alors, ça se traduit de quelle façon, évidemment: en d'autres cours? Des cours qui s'insèrent dans des cours d'histoire?
M. Morin (Jean-Pierre): Je ne suis pas un spécialiste d'éducation, mais...
M. Mercier: Et je vous pose la question parce que...
M. Morin (Jean-Pierre): Non, non, mais je ne suis pas un spécialiste de l'éducation, mais je...
M. Mercier: ...je vous pose la question parce que je suis aussi membre de la Commission de l'éducation, alors c'est pour ça que vous avez...
M. Morin (Jean-Pierre): Mais, dans une approche qui est maintenant des connaissances transversales, je pense qu'on peut sûrement insérer là-dedans, que ce soit au primaire ou au secondaire, certaines connaissances qui permettront aux jeunes de savoir d'où ils viennent, où ils sont, pourquoi leurs rues ont telles formes, pourquoi leur église a telle forme, pourquoi les trottoirs, les lampadaires sont de telle façon? Si on n'a pas ça, si on ne forme pas les jeunes, je pense que là aussi on aboutit, dans quelques années, à une méconnaissance et à une culture d'ordre, comme on dit dans notre mémoire, une culture d'ordre international où il n'y a plus de couleur locale, il n'y a plus d'identité, on devient un consommateur, et tout le monde est heureux.
M. Gendron (Lionel): Dans le mémoire, on fait allusion à des collaborations qui existent actuellement avec des cégeps, des universités. C'est des gens qui déjà s'orientent, je dirais, bon, pour l'orientation archivistique ou muséale, et tout ça, et, même eux, lorsqu'ils rencontrent ce que nous avons, ils sont tout simplement émerveillés. Pour eux, ça a été une découverte, ils n'imaginaient pas des choses semblables. Alors, je pense qu'il y a sûrement moyen, au niveau de l'éducation, là, de mieux former et informer.
M. Mercier: Parce que, plus souvent qu'autrement, l'histoire de l'art, on l'apprend beaucoup plus tard, si on prend des cours, vous le savez, à l'université, etc. Alors, histoire de l'art s'apprend d'abord à la fin collégial ou cégep et ensuite à l'université, mais très rarement, très rarement, au niveau... au premier secondaire ou au deuxième, on apprend l'histoire de l'art. Alors, si je vous comprends bien, si je vous comprends bien, ce serait d'insérer, quelque part là-dedans, à un niveau plus précoce, l'enseignement de l'histoire culturelle, patrimoniale ou de l'art. C'est ça? D'accord.
Le Président (M. Descoteaux): J'étais très heureux d'entendre de votre réponse que vous vouliez garder aussi très vivant l'aspect de cette valeur, de ce patrimoine-là. Et ça me démontre jusqu'à un certain point à quel point l'appropriation est relative, et j'aimerais peut-être entendre, en quelques secondes, avant de céder la parole à mon collègue de Mercier, quel aspect serait gardé vivant ou conservé vivant, là, le plus possible?
M. Gendron (Lionel): Bon, peut-être que Jean-Pierre pourrait davantage...
n(15 h 40)nM. Lussier (Jean-Pierre): Bien, disons que notre premier travail, c'est de rassembler et de faire l'inventaire. Mais après ça on n'a fait encore aucune analyse sur le... on n'a jamais... on n'a pas encore documenté nos objets. Ce que nous rêvons, d'une certaine façon, c'est de pouvoir offrir un lieu qui rappelle ? on parle en fonction des sulpiciens ? les activités des sulpiciens depuis 350 ans, à travers l'histoire. Et on constate aujourd'hui que l'oubli est à nos portes. Et, même à Saint-Sulpice, on a été victime un peu de cet oubli-là. Qu'on pense à l'Université de Montréal ou qu'on pense à la Grande Bibliothèque, on n'a pas mentionné l'apport important de Saint-Sulpice. Même dans notre formation que nous donnons dans les grands séminaires, j'ai appris dernièrement qu'à l'Université de Montréal, à la faculté de théologie, on voulait donner un cours sur l'art religieux parce que ça répond à un besoin, et on est ignorant. Et, cette ignorance-là, on la trouve à tous les niveaux de la société.
M. Gendron (Lionel): ...M. le Président, disons que j'ajoute. En fait, si vous regardez dans le mémoire, nous n'avons pas l'intention de faire un musée. On insiste toujours, même s'il faut... Justement, on a un devoir de mémoire. On veut garder cette résidence active. Il y a toujours la nuance que ça demeure la résidence des Prêtres de Saint-Sulpice. Alors, notre but bien sûr, c'est encore notre mission, et cette mission, comme je l'ai dit au tout début, s'exerce ici, au Canada, mais elle s'exerce aussi ailleurs. Et nous sommes vivants. Alors, il faudra toujours garder dans nos maisons... même s'il y a tout cet aspect patrimonial qui sera mis en valeur, garder cette maison comme maison de vivants.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. M. le député de Mercier.
M. Turp: M. le Président, je voudrais d'abord dire merci aux sulpiciens, qui ont contribué à la formation de ma grande fille, qui a fréquenté le collège André-Grasset, et c'est quelque chose dont je suis très fier parce que le collège l'a bien formée, puis elle garde un bon souvenir de son passage...
Une voix: ...
M. Turp: Oui, mais, non, en fait je ne me donne aucun crédit parce que c'est ma fille qui a choisi son collège après avoir exploré d'autres possibilités. Alors, elle avait choisi Grasset.
Écoutez, votre mémoire est intéressant parce qu'il parle de votre responsabilité, et de ce que vous avez, et de ce que vous voulez faire pour préserver et mettre en valeur les biens culturels des Prêtres de Saint-Sulpice. Alors, c'est intéressant parce que les autres mémoires parlent surtout de comment on devrait gérer les églises et... Et en même temps, moi, j'aimerais savoir, dans ce projet qui est le vôtre, quel est le rôle respectif de votre communauté et de l'État. Parce que, pour réussir ce projet, vous souhaitez obtenir le soutien de l'État, vous avez déjà obtenu le soutien de l'État, des subventions de plusieurs ministères, autant du gouvernement du Canada, du gouvernement du Québec. Je ne sais pas si c'est le cas au niveau de la ville et de l'arrondissement. Mais, tout en disant que l'État-providence est terminé, l'Église n'est plus la providence ou la seule, en même temps je vois dans le mémoire que vous souhaitez le soutien de l'État. Alors, comment devrait-on penser le rôle respectif de l'État et d'une communauté comme la vôtre dans le financement d'un projet comme celui-là?
M. Gendron (Lionel): Si vous permettez, je vais demander à notre responsable des finances de répondre.
M. Turp: Au procureur.
M. Charland (Guy): C'est assez complexe. Il y a d'abord une reconnaissance. Je dois dire que le ministère de la Culture reconnaît l'importance de la maison du 116, Notre-Dame Ouest, puisque c'est là qu'est le plus important, et les autres maisons aussi, le Grand Séminaire, le Séminaire de philosophie situé sur la montagne. Ce sont des lieux que le ministère de la Culture reconnaît comme étant des milieux très importants pour le milieu montréalais. Alors, évidemment, à ce moment-là, le ministère, comme vous dites, est certainement intéressé à vouloir aider, dans la mesure de ses moyens et dans la mesure de nos moyens.
Alors, il y a eu des années où nous avons fait des travaux majeurs, par exemple au Grand Séminaire de Montréal, dans les années, je dirais, 1986, 1990, avec le ministère ? des fois, c'était 40 % ministère, 60 % Saint-Sulpice ou 50-50 ? où nous avons fait les tours, en avant, les jardins, le toit de la chapelle, bon, tout ce coin-là a été refait. Au séminaire Saint-Sulpice, d'ici quelque temps, vous apprendrez que nous allons, avec l'aide de la ville et du ministère, commencer les réfections du toit, la maçonnerie. On a un petit projet de trois ans.
Alors, évidemment on a besoin de l'aide de l'État, mais, je dirais, il y a une prise de conscience qui s'est faite de l'importance de ce que Saint-Sulpice possède, non pas que les autres communautés, ce n'est pas important, que les autres églises, ce n'est pas important, mais, pour Montréal, pour l'histoire du Canada, pour l'histoire du Québec, pour l'histoire de Montréal, évidemment ces biens culturels que nous avons, et les bâtiments, et ce qu'il y a dedans, on parlait de volumes, on parle d'objets, on parle d'archives absolument incroyables, qui ne sont pas facilement... Ce n'est pas facilement consulté parce qu'on n'a pas les moyens de les mettre à la disposition d'historiens qui peuvent consulter. Quoiqu'actuellement un groupe d'historiens de l'Université de Montréal, du Département d'histoire, est en train d'écrire une histoire de Saint-Sulpice, et ils ont accès à nos archives actuellement, et puis il y a un travail qui s'est fait de classification. Alors, on aura déjà un début de ce que Saint-Sulpice a été au point de vue historique.
Mais la question évidemment: il va falloir aussi que Saint-Sulpice trouve des fonds ailleurs que du gouvernement. Je pense qu'on est bien conscient que le gouvernement ne peut pas... On parle tout de même de plusieurs millions, là, on ne parle pas simplement de quelques centaines de milliers de dollars. Alors, Saint-Sulpice va être obligé... et on vous a parlé peut-être de mettre sur pied une fondation.
Il y aurait ce qu'on appelait aussi tout à l'heure... on a parlé d'une fiducie de patience, c'est-à-dire qu'à un moment donné il va falloir qu'on ait la patience d'attendre d'avoir les argents pour faire des choses, donc qu'on assure, comme on le disait tout à l'heure, que ça va être un organisme évidemment québécois qui supervisera des monuments qui sont très importants, ou des oeuvres, ou des collections dont on ne sait pas quoi faire, mais qu'il faudrait au moins les protéger pour un certain temps. Ça ne prendra peut-être pas nécessairement des sommes qui sont énormes, mais ça permettrait de protéger, pour quelques années, des objets, ou des monuments, ou des... ce qui permettrait, le temps de décider qu'est-ce qu'on fait, comment on fait et qui on trouve, quels sont les mécènes qu'on pourrait trouver pour...
Parce qu'ici il s'agirait de se poser la question: Quels sont les mécènes qu'on peut intéresser? On voit qu'il y a des mécènes qui sont intéressés à la Place des Arts, à l'Orchestre symphonique, à l'Orchestre métropolitain; est-ce qu'il y a des mécènes qui seraient intéressés au patrimoine de Saint-Sulpice? Étant très peu connu, ce patrimoine, on n'a pas beaucoup de mécènes. Peut-être, si on le fait mieux connaître...
M. Turp: Est-ce que votre situation se distingue en définitive, par exemple, de la situation de l'Église catholique ou des églises catholiques en ce que vous avez davantage de moyens? Est-ce que c'est ça qui fait que vous pouvez contribuer vous-mêmes peut-être davantage et que vous avez moins besoin de l'État qu'eux semblent en avoir besoin?
M. Charland (Guy): Non, je ne dirais pas ça. C'est parce que... Bien, là, on parlait, tout à l'heure, qu'il faut faire la distinction très claire entre les églises et les ensembles conventuels. Si on parle du collège de Montréal, Grand Séminaire, le collège Grasset, enfin on pourrait parler des monastères des ? voyons ? des soeurs cloîtrées, là, des...
M. Turp: Les carmélites.
M. Charland (Guy): ...les carmélites et les moines à Oka, ces ensembles conventuels, c'est autre chose, c'est un autre domaine. Et, dans ces ensembles conventuels, sans être très riches, tout de même les gens se sont construits un petit patrimoine, ils ont un petit patrimoine qui leur permet de subvenir aux besoins de leurs membres et peut-être un peu de sous qui leur permet de soutenir un peu certaines oeuvres.
À Saint-Sulpice, on ne peut pas dire que nous avons un patrimoine énorme. On a ce qu'il faut pour soutenir les membres, pour les éduquer, les former, s'en occuper toute leur vie jusqu'à leur mort, ça, bon, on a ce qu'il faut. Mais il y a un petit montant qui est là et dont on peut, avec les intérêts, essayer de faire des choses, et ça nous permet...
n(15 h 50)n Mais par contre il faut... et je pense que, dans le document, on le dit à plusieurs endroits, il faut permettre aux organismes religieux comme les grands ensembles conventuels de parfois se départir de certaines choses pour se permettre d'aller se refaire, ou recommencer ou continuer ce qui est là. Quand on a un grand terrain, est-ce qu'il faut garder tout le terrain absolument en parfaite harmonie avec peut-être un ensemble parce qu'on le voit comme un grand parc? Et, pendant ce temps-là, bien il y a un édifice qui se détériore, et cet édifice-là, si on avait la permission de pouvoir vendre une partie du terrain, on pourrait peut-être mettre un peu d'argent sur l'édifice, avec l'aide de l'État mais moins fort: au lieu de demander 100 % de subvention, ça pourrait être 20 %, ou 30 %, ou 40 %.
M. Turp: Mais je comprends. Aussi, ce que je trouve intéressant, c'est que vous êtes disposés, ouverts à l'idée que, si, par exemple, l'État québécois créait l'équivalent d'un National Trust, là, que vos biens ou les biens culturels qui sont les vôtres pourraient être ? comment dire? ? encadrés ou tomber sous la compétence partielle d'un organisme qui vise à protéger le patrimoine dans son ensemble. Donc, vous seriez ouverts...
M. Charland (Guy): Oui. Mais nous sommes déjà...
M. Turp: ...à des formes de collaboration avec un organisme comme celui-là dans l'avenir?
M. Charland (Guy): Nous le sommes déjà, d'une certaine façon. Étant dans le Vieux-Montréal, nous sommes soumis aux règlements de la ville et du ministère de la Culture pour ce qui est du Vieux-Montréal. Le Séminaire de philosophie est soumis aux règlements du parc du Mont-Royal. Le Grand Séminaire de Montréal a été déclaré site historique, alors nous sommes déjà soumis à des règlements, nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons avec les biens que nous avons. Le gouvernement est déjà, je dirais, partie prenante dans les décisions que nous voulons faire, parce que, si on veut faire quelque chose, il faut tout de même aller consulter le gouvernement. Je ne dis pas que le gouvernement doit nécessairement donner la permission dans tout, mais il faut consulter. Alors, déjà, actuellement, nous sommes dans des zones de protection, et Saint-Sulpice est bien prêt à collaborer avec les différents ministères, que ce soit fédéral, ou provincial, ou municipal.
M. Turp: Ça, je crois comprendre, parce que je l'ai lu dans le mémoire, c'est assez catégorique d'ailleurs, que, pour ce qui est de la propriété, par exemple, là, là vous êtes catégoriques, hein, la propriété, c'est la vôtre et ça ne pourrait pas être à terme celle de l'État.
M. Gendron (Lionel): Je pense que, bon, c'est peut-être pour ça aussi que j'ai souligné qu'on avait payé la dette de l'île de Montréal, ce n'était pas simplement une concession qui nous avait été faite. Et, je dirais, il faut être conscient que le collège Grasset, dont vous parliez, a vécu grâce aux salaires non versés aux professeurs pendant de nombreuses années. Alors, aujourd'hui, leur vie est un peu plus difficile, la vie du collège, parce que, bon, il faut exiger davantage des parents, et tout ça.
Mais je dirais que, nous, nous... le mot serait peut-être le mot «proactif», nous sommes conscients des valeurs que nous avons et nous voulons agir comme maîtres d'oeuvre dans la conservation, mais non seulement la conservation, la mise en valeur et aussi l'ouverture au public, dans les mesures où cela serait possible. Mais nous savons bien que... J'étais surpris que mon... le procureur... Au fond, on n'a pas tellement d'argent, on a besoin d'être soutenus pour faire ce que nous faisons. Et je dois dire que le gouvernement, depuis quelques années, le ministère de la Culture, des Communications, connaît la valeur de ce que nous avons et nous a appuyés depuis de nombreuses années, j'oserais dire, assez généreusement.
Le Président (M. Descoteaux): ...la députée de Bellechasse. Une brève question.
Mme Vien: Oui, oui, très, très brève. Je reviens à vous, monsieur, puis je me reporte avec vous à Boucherville. Vous nous disiez tout à l'heure que vous aviez une école qui a suscité beaucoup d'intérêt chez les citoyens, en fait qu'ils ont décidé de se rassembler et de dire: Qu'est-ce qu'on peut faire avec notre école? Et vous avez dit quelque chose qui m'a interpellée: Pour eux, cette école a une valeur patrimoniale. Je m'interroge encore là-dessus, parce que je m'interrogeais avec des gens qui ont défilé devant nous, avant vous: Est-ce qu'il n'y a pas un peu mélange des genres? Est-ce qu'on ne mélange pas «valeur patrimoniale» avec «valeur sentimentale»?
M. Morin (Jean-Pierre): Je vous dirai qu'en ce qui concerne l'école en question c'est la plus vieille école de Boucherville qui était jusqu'à récemment en opération. Cette école-là était avant ça propriété d'une communauté religieuse, a, à l'intérieur de l'école, une chapelle, un rappel du lieu de culte. C'était le «collège» Sacré-Coeur avant de devenir l'école Sacré-Coeur. Donc, ce n'est pas juste un attachement sentimental.
Il y a d'autres bâtiments à Boucherville, il y a trois églises à Boucherville. Les gens, à Boucherville, vont s'attacher à l'église patrimoniale de Boucherville. Il y a deux autres constructions qui, à mon point de vue, dans quelques années, deviendront obsolètes, complètement obsolètes, dont les gens pourront se débarrasser. Par contre, dans les années quatre-vingt, la ville de Boucherville a acquis le presbytère patrimonial de l'église Sainte-Famille et l'a pris en charge pour en conserver... et en faire un lieu de développement culturel, un centre culturel. Alors, c'est des exemples qui montrent que, quand une communauté se prend en main, elle peut conserver ses éléments patrimoniaux d'une façon soutenue et ordonnée.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Merci, Mme la députée. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Je vous remercie, M. le Président. Juste un mot pour vous dire à quel point je trouve intéressante votre présentation. Parce qu'on a eu des présentations très intéressantes, ce matin, des évêques et tout ça, et c'était magnifique, et, tout à l'heure, de M. Marsan, mais je trouve que votre présentation présente un point de vue tout à fait original par rapport à ce qu'on a vu. Votre positionnement dans la société, votre histoire et votre mission aussi fait en sorte que votre patrimoine est à certains égards distinct par rapport à l'ensemble du patrimoine religieux du Québec. Et je trouve ça... Il y a matière à réflexion, là, pour nous, et je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, messieurs. Nous allons suspendre quelques instants, le temps de... nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Donc, nous accueillons... nous demandons à M. Jean Trudel, professeur titulaire au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal, de s'approcher. Je vois que M. Trudel est déjà là. D'ailleurs, on a parlé de vous ce matin...
Une voix: En bien!
Le Président (M. Brodeur): ...en bien, en bien. Certains groupes vous ont cité.
M. Trudel (Jean): Je suis très heureux d'apprendre ça.
Le Président (M. Brodeur): Donc, bienvenue en commission parlementaire. Puisqu'ici vous êtes comme au Parlement, c'est le Parlement qui se déplace.
Je vous explique les règles de façon succincte: vous avez un temps de 15 minutes pour présenter votre mémoire, et, à la suite de la présentation de votre mémoire, nous passons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sentez-vous bien à l'aise pour commencer. Habituellement, je demande aux membres de s'identifier, mais, étant donné que le groupe se constitue d'une personne, je vais vous demander immédiatement de procéder à la présentation de votre mémoire.
M. Tomassi: ...s'ils vous ont remis votre redevance, là, sur vos citations.
M. Jean Trudel
M. Trudel (Jean): J'espère que ça va venir. Bon. Alors, je n'ai pas besoin de me présenter, donc ça va. J'ai déposé, devant la commission, un mémoire qui porte sur le patrimoine religieux mobilier du Québec, donc j'ai fait porter tout le contenu du mémoire sur le patrimoine religieux mobilier parce que je savais, et pour les connaître, que j'ai des savants confrères, dans d'autres universités et dans ma propre université, qui allaient débattre longuement la question du patrimoine religieux immobilier. Je l'ai fait parce que je me suis basé sur mon expérience personnelle, depuis 1966, à la fois en tant qu'historien de l'art spécialisé en arts anciens du Québec, en tant que muséologue et en tant que professeur.
Le patrimoine religieux mobilier fait partie de notre histoire culturelle et de son évolution et il est essentiel pour comprendre comment les nombreuses églises québécoises, quelles que soient leurs dénominations, ont été utilisées par les fidèles. Alors, il y a le contenant puis il y a le contenu, et le contenu court actuellement de très grands dangers. Et le patrimoine mobilier a toujours été et est toujours extrêmement vulnérable. Il n'a pas attiré autant de mesures de protection que le patrimoine immobilier, et son étude est encore, disons, pas tout à fait à ses débuts mais pas loin.
Pourtant, ce patrimoine-là est un des éléments distinctifs de notre société en Amérique du Nord et présente un intérêt unique pour le tourisme culturel en voie de développement. Et je souligne ça parce que je pense que c'est un aspect important si on songe à le mettre en valeur. Des efforts financiers devraient être faits pour sa connaissance, sa conservation et sa mise en valeur, et ces efforts ne m'apparaissent pas comme des dépenses mais comme des investissements en vue de mieux comprendre qui nous avons été et qui nous sommes. Le patrimoine religieux mobilier, c'est notre richesse collective, et nous n'en connaissons pas malheureusement toute l'importance.
J'ai retracé, dans mon mémoire, un peu les hauts et les bas, les mésaventures et les aventures du patrimoine mobilier du Québec dans le passé, et j'en suis venu à quatre points qui m'apparaissent importants. Tout d'abord, il n'y a pas vraiment de politique du patrimoine qui nous permette actuellement d'établir des balises assez précises. En fait, est-ce que c'est nécessaire? Je ne sais pas. Mais il y a quatre points qui m'apparaissent possibles à ce moment-ci, le premier étant évidemment de faire... et le plus important, c'est qu'on puisse faire l'inventaire de ce patrimoine-là ? je retouche les points de M. Marsan.
Et je pense que la Fondation du patrimoine religieux a manifesté, le printemps dernier, l'intention d'étudier la possibilité de faire un inventaire du patrimoine mobilier religieux, et c'est évident que ça s'impose, parce que l'inventaire des oeuvres d'art que le gouvernement avait entrepris avec Gérard Morisset dès 1934 est comme ainsi dire... s'est enlisé dans les dédales de la bureaucratie après la mort de Gérard Morisset, dans les années quatre-vingt, et s'est complètement immobilisé.
Or, l'idée d'un inventaire du patrimoine religieux mobilier est quelque chose qui nous permettrait de reprendre cet inventaire de Morisset, de le remettre à jour, de constater ce qui est parti, ce qui est toujours là et de l'ajuster à des choses que... bon, à des objets du patrimoine auxquels Morisset n'accordait pas d'importance, comme par exemple... ou auxquels on accorde de plus en plus d'importance, comme les textiles, par exemple, tous les vêtements des prêtres dans les paroisse. On a perdu une quantité incroyable de ce patrimoine simplement parce qu'on ne voyait pas trop l'importance de le conserver et qu'il n'en existe pas d'inventaire. Donc, un inventaire national accessible nous permettrait des études en profondeur, et une diffusion dans le public, et ainsi que des prises de décision en ce qui concerne les politiques de préservation.
Et je mentionne la Fondation du patrimoine religieux parce qu'elle a manifesté l'intention de le faire. Je n'ai pas eu de contact avec eux depuis. Bon. Mais je pense que ça ne devrait pas... il devrait y avoir d'autres expertises qui entrent en jeu dans cet inventaire, comme celle... et c'est ma formation en titre, les musées, qui me porte à dire ça, parce que c'est un secteur que je connais bien, donc l'expertise de la Société des musées québécois, par exemple, pour la mise en ligne des inventaires des collections des musées, l'expertise du Centre de conservation du Québec. En fait, il va falloir dresser des fiches d'inventaire qui soient complètes et qui touchent tous les éléments de ce patrimoine mobilier que nous conservons. Donc, ça m'apparaît la chose la plus importante.
Si on arrivait à mettre ça en marche, ce serait le geste le plus... et en utilisant toutes les expertises qu'on a au Québec. Et on en a, mais elles travaillent chacune de leur côté habituellement, et c'est un peu gênant. Donc, il me semble que, si on arrivait à mettre ça en marche, ce ne serait pas des fortunes, là, ce serait quelque chose qui serait essentiel pour la préservation de notre patrimoine mobilier et aussi pour son étude. Parce que, comme historien de l'art québécois, c'est des fois très difficile d'avoir une vue d'ensemble de ce qui est conservé, parce qu'on n'a pas de repères. Ce serait important aussi pour chaque paroisse, par exemple, chaque église de savoir ce qu'ils possèdent et pour pouvoir mieux le préserver.
Alors, la deuxième recommandation, enfin la deuxième remarque ? disons que c'est des recommandations, c'est des suggestions, je ne vais pas dans les détails, mais je pense que mon mémoire quand même touche des choses importantes ? le deuxième point dont je voudrais parler, c'est les communautés religieuses, les biens conservés par les communautés religieuses. Mettons les églises à part; dans les églises, il y a des initiatives qui sont prises un peu partout actuellement et qui sont fort intéressantes, mais parfois maladroites, mais fort intéressantes pour mettre en valeur: la visite de l'église, par exemple, le patrimoine qu'ils conservent. Mais il y a encore énormément de choses à faire ? là, j'essaie de mettre quatre points qui m'apparaissent réalisables et importants à ce moment-ci.
n(16 h 10)n Les communautés religieuses qui conservent un patrimoine religieux mobilier important devraient être soutenues financièrement par le ministère de la Culture et des Communications. Là, j'emploie le jargon des subventions aux musées du ministère, autrefois on appelait ça des musées accrédités. Je suis très au courant de la question, puisque j'ai contribué à la conception du Musée des Hospitalières de l'Hôtel-Dieu, j'ai été président de son conseil d'administration et que, pendant 10 ans, on a fait des représentations au ministère de la Culture et des Communications sans avoir vraiment de réponse positive. Je pense que la directrice fondatrice du Musée des Hospitalières est assise dans la salle, vous pourrez lui en parler si vous voulez... l'ancienne directrice du Musée des Hospitalières, avec qui j'ai eu grand plaisir à travailler.
Donc, les communautés religieuses, je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais elles conservent, on l'a vu ? bien, enfin, Les Prêtres de Saint-Sulpice font partie de ça ? elles conservent une partie extrêmement importante du patrimoine mobilier le plus ancien du Québec. Et ce patrimoine-là, plusieurs d'entre elles l'ont mis en valeur, ont construit des musées, animent des musées. Parce que les musées ? je m'élève un peu contre Les Prêtres de Saint-Sulpice ? ce n'est pas des endroits morts, c'est des endroits très vivants.
Donc, ces communautés qui ont construit des musées, qui exposent leur patrimoine et qui le conservent, il y a des efforts extraordinaires qui se sont faits là, et ces efforts-là devraient au moins être un peu plus soutenus, au moins qu'il y ait une sorte de crédit moral avec un petit soutien financier qui soit accordé par le gouvernement. On a beau les reconnaître, comme dans les nouveaux termes du jargon du ministère, reconnaître un musée, ce n'est pas lui donner un sou, c'est juste lui donner un appui moral, mais je pense qu'ils méritent plus que ça. Je sais que les Hospitalières de l'Hôtel-Dieu ont mis beaucoup d'énergie, de temps et de conviction à faire leur musée et ont toujours été extrêmement déçues par le peu de support que le gouvernement québécois leur a accordé. Et la même chose s'applique à d'autres communautés religieuses, dont je souligne le dynamisme absolument extraordinaire pour certaines d'entre elles.
Il y a un troisième point qui m'apparaît important, qui m'est sauté aux yeux, c'est toute la question de la mise en valeur du patrimoine religieux des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec. Et ça, c'est dans la foulée de la deuxième recommandation que je fais. Le ministère de la Culture et des Communications et la Commission des biens culturels ont classé, assez récemment, 700 objets de patrimoine mobilier conservés par les Augustines de l'Hôtel-Dieu, et ces objets-là, je peux le dire parce que je les connais, sont d'une qualité absolument extraordinaire. Il y en a une partie d'entre eux, de ces objets-là, qui ont été empruntés par le Musée canadien des civilisations dans une exposition, il n'y a pas longtemps.
Mais, là où ça me brûle un peu, là, c'est qu'on se vante d'avoir classé ces objets-là, bon, et puis on ferme la porte, puis on met la clé dans la serrure. Alors, où ils sont, ces objets-là? Qui peut les voir? Ça fait partie de notre patrimoine. Les Augustines de l'Hôtel-Dieu ont présenté un projet, ont un projet que je ne connais pas très bien, mais, d'après le site Internet que j'ai vu, qui m'apparaît extrêmement intéressant, pour utiliser à la fois leur bâtiment et la mise en valeur de leur patrimoine religieux. Et ce projet-là, je peux vous dire, ferait un tabac au niveau du tourisme qui pourrait visiter cet ensemble-là qui est proposé. Bon. Alors ça, ça m'apparaît une autre chose qui me préoccupe beaucoup. Là, j'essaie de vous soumettre un peu mes préoccupations sans vouloir faire de grands déploiements d'ensembles.
Le quatrième point que je mets en valeur, c'est que... et il est relié au premier point, le point de l'inventaire: un inventaire doit être vivant, un inventaire ne doit pas être simplement mis dans un tiroir de classeur, comme c'est déjà arrivé à celui de Gérard Morisset, et puis, 20 ans après, on se rend compte que, bon, tout a changé, les objets ne sont plus là, etc. Bon. L'inventaire, il doit être fait, et refait, et inspecté, on doit inspecter un peu ce qui existe, repérer ce qui est en danger, régler les cas. Bon. Or, ce à quoi j'essaie de vendre mon idée, qui allie à la fois... une fois que cet inventaire-là sera fait, qui pourrait impliquer le réseau des musées québécois: il faudrait qu'on utilise plus les expertises qu'on a au Québec.
On a un réseau de musées québécois qui s'étend dans toutes les régions administratives. Or, il suffirait, une fois l'inventaire terminé, qu'on désigne un musée par région administrative, par exemple, ou par région et que ce musée-là s'adjoigne une personne ? ça peut être un contractuel, ça peut être un poste permanent ? puisse s'adjoindre quelqu'un qui travaille justement à faire le tour de sa région pour voir à ce que... repérer les dangers possibles d'un inventaire, ou compléter l'inventaire, ou poursuivre des recherches sur le patrimoine religieux de la région, qu'il pourrait tourner en exposition présentée dans son musée et avec une publication, de telle sorte que les gens en région soient fiers de leur patrimoine. Et, quand les gens connaissent ce qu'ils ont comme patrimoine, c'est eux qui en sont les premiers protecteurs, finalement.
Donc, il y a toute la... Là, je pense que je n'irai pas plus loin dans mon résumé, mais il y a d'autres dimensions. Il y a la dimension diffusion des connaissances du patrimoine. On a évoqué le ministère de l'Éducation tout à l'heure. Il y a la diffusion aussi d'au moins... J'ai des étudiants, à l'université, qui ne savent pas ce que c'est qu'une chaire dans une église. Bon. C'est dommage, mais je donne des cours sur le patrimoine religieux du Québec, sur l'art religieux du Québec, bien ils me demandent qu'est-ce que c'est, une chaire. Il y a des choses comme ça qui arrivent aujourd'hui et qui font qu'il faudrait qu'il y ait une sorte de préparation à quelque part, dans les livres d'histoire ou dans les livres qui parlent de la culture québécoise. Voilà.
Le Président (M. Brodeur): ...de conclure, puisque le 15 minutes est terminé.
M. Trudel (Jean): Et je conclus. C'est ma conclusion.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Donc, ils ignorent les plaisirs de la «chaire».
M. Trudel (Jean): Ça, je ne le sais pas.
Le Président (M. Brodeur): Première question. Premièrement, je constate que vous avez le mémoire n° 1, donc je vous félicite pour votre façon prompte de répondre. Merci beaucoup d'être ici. Deux questions très simples pour débuter.
Vous parlez d'inventaire de biens mobiliers. J'ai posé moi-même deux questions, ce matin, à deux groupes différents, dont, je crois, le groupe dont faisait partie Mgr Ouellet et aussi, également, les prêtres anglicans qui étaient ici. D'ailleurs, dans le mémoire des anglicans, on illustrait en une phrase la perte d'objets mobiliers qui sont partis chez nos voisins du sud. Mgr Turcotte ? j'ai fait un lapsus tantôt, Mgr Turcotte ? Mgr Turcotte nous disait qu'il y avait une politique de préservation des biens immobiliers.
Donc, comme première question, j'aimerais savoir si, oui, il y a eu perte de nombreux objets religieux depuis quelques années, suite à la fermeture et à la fusion de plusieurs églises. Et ensuite de ça de quelle façon devrait-on procéder pour cet inventaire-là? Est-ce que nous devrions imposer à toutes les congrégations religieuses et toutes les Églises de faire un inventaire précis de tout ce qu'ils possèdent dans ces bâtiments-là?
M. Trudel (Jean): Bon. Il y a deux questions extrêmement intéressantes. Alors, qu'est-ce qui arrive au patrimoine mobilier qui est dans les églises qu'on démolit? Je n'en ai aucune idée. Est-ce que quelqu'un s'en occupe à quelque part? Peut-être l'abbé... Le seul qui, à ma connaissance, s'est occupé de ces questions-là, c'est l'abbé Claude Turmel.
Maintenant, est-ce qu'on a perdu du patrimoine mobilier religieux? Oui, on en a perdu depuis mille neuf cent... Je cite un article des années quarante, dans mon mémoire, où on déplore le fait que ça part vers les États-Unis. Donc, ce n'est pas nouveau. Je pense que Gérard Morisset a fait vraiment des tentatives extraordinaires de conservation de ce patrimoine parce qu'il en a saisi l'importance, et pas seulement de conservation, mais de diffusion des connaissances de ce patrimoine-là. Je pense que ce qu'on connaît bien, on le protège; ce qu'on ne connaît pas, on le laisse aller.
Dans ce qui concerne... La deuxième question concernait l'inventaire.
Le Président (M. Brodeur): L'inventaire. Vous procédez de façon systématique? Bien, en imposant des...
n(16 h 20)nM. Trudel (Jean): Bien, écoutez, on a plusieurs options. Là, il faudrait qu'il y ait une sorte de réunion au sommet à quelque part pour décider quand... Bon. D'abord, d'établir qu'il est essentiel, moi, ça m'apparaît... ça me saute aux yeux. Ça me saute aux yeux aussi que c'est la première priorité qu'on a. Comment le faire, c'est autre chose. Il y a beaucoup d'inventaires qui ont été faits déjà et qu'il va falloir fusionner en un endroit. Parce que, si on demande à... Et il va falloir avoir des fiches modèles aussi, parce qu'il faudrait qu'ils puissent servir à faire de la recherche, et pour ça il faut qu'il y ait une certaine uniformité. C'est le problème auquel a fait face le Réseau canadien d'information sur le patrimoine, à Ottawa, quant à sa création à la fin des années soixante-dix. J'ai été témoin de ça.
Bon. Maintenant, il va falloir qu'on mette nos compétences ensemble et qu'on décide ça: Est-ce qu'on va laisser ça aux paroisses ou est-ce qu'on va former des gens, qu'on va faire comme le processus qu'on a fait pour l'architecture? Sauf que là il va falloir... la question ne sera pas d'évaluer l'importance du patrimoine, mais d'avoir des gens formés au repérage du patrimoine. Parce que, si je parle du patrimoine religieux mobilier, ça ne veut pas... Je veux dire, un tabouret dans une église, ça en fait partie, c'est un meuble. Enfin, il y a toutes ces nuances-là sur la définition de ce que c'est.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que vous suggérez que les personnes qui seraient chargées de procéder à l'inventaire seraient des personnes neutres, extérieures justement à...
M. Trudel (Jean): ...à l'église.
Le Président (M. Brodeur): ...à l'église? Oui?
M. Trudel (Jean): Oui, tout à fait. Je pense que ce serait beaucoup plus prudent.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Merci. M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci, M. le Président. Alors, M. Trudel, bienvenue. Je voudrais peut-être revenir un peu sur les communautés religieuses. Vous nous avez parlé de musées; à ce que j'ai compris de votre intervention, vous en avez listés pas mal ou vous en connaissez pas mal qui sont situés...
M. Trudel (Jean): ...quelques-unes, oui.
M. Tomassi: Pour l'information générale, on parle de combien de musées? Combien de musées de communautés religieuses existe-t-il?
M. Trudel (Jean): Je pense que je mentionne dans mon mémoire qu'il y a 14 musées qui appartiennent à des congrégations religieuses.
Le Président (M. Brodeur): ...quelques instants.
M. Tomassi: Pardon. Et vous avez dit qu'aucun musée actuellement n'obtient de subventions du ministère?
M. Trudel (Jean): C'est-à-dire, il faut nuancer. Là, je parle de la subvention au fonctionnement ou du musée autrefois dit accrédité. Il n'y en a qu'un seul, c'est le Musée des Ursulines de Québec, qui historiquement s'est fait accréditer au moment où le programme de subventions aux musées a commencé. Les autres musées, ça ne veut pas dire qu'ils ne reçoivent pas de subventions du ministère. Le Musée des Hospitalières de l'Hôtel-Dieu a toujours reçu un accueil absolument extraordinaire, de la direction générale qui est à Montréal, par exemple. Il les soutient dans des demandes de subventions ponctuelles, selon les programmes du ministère. Mais c'est des subventions pour réaliser, je ne sais pas, moi, une exposition ou un renouvellement de la présentation des collections, mais ce n'est pas des subventions de fonctionnement, ce n'est pas des subventions qui vont payer le salaire du personnel, par exemple.
Le Président (M. Tomassi): Et, pour peut-être revenir à votre première idée, là, celle d'avoir peut-être un inventaire des biens mobiliers au Québec, on sait tous, là, la situation financière des gouvernements, là, que ce soit au municipal...
Une voix: ...
Le Président (M. Tomassi): Exactement. Est-ce que, de votre point de vue, en étant une personne du milieu qui connaît et qui a étudié peut-être d'autres endroits où est-ce que ces inventaires-là ont été faits ? ...
Une voix: ...
Le Président (M. Tomassi): ...non? ? est-ce qu'il y a un moyen où est-ce que, je ne sais pas, moi, la Faculté des arts pourrait être mise à contribution avec les étudiants, disons, à un projet à long terme, des étudiants au doctorat, à la maîtrise, ou est-ce qu'un projet pourrait être mis en place et où là peut-être le gouvernement pourrait, je ne sais pas, là, verser une subvention pour le fonctionnement de cette recherche-là pour faire l'inventaire de ces lieux?
M. Trudel (Jean): Ce qui m'apparaît, c'est évident, bon, que cet inventaire-là serait plus complexe que l'inventaire des bâtiments comme tels, parce que là il faut aller dans les sacristies puis dans les racoins, dans les caves, etc., et faire le tour, vraiment voir ce qu'il y a. Donc, ça va être plus long, c'est sûr. Mais ça, ça peut se faire sur plusieurs années. Évidemment, l'idée que vous suggérez... Les étudiants ont toujours besoin d'argent. L'idée d'utiliser des étudiants à la maîtrise ou des étudiants qui ont suivi les cours sur ce sujet-là ou au doctorat, tout ça me semble quelque chose de tout à fait possible, si on peut financer leurs déplacements, par exemple, ou le... comme un travail d'été, par exemple. Ça peut se faire.
Le Président (M. Tomassi): Ça va? Oui, il vous reste deux minutes.
Mme Vien: En étant bien conscients que M. Marsan et Mme Gauthier, tout à l'heure, nous ont fait des grandes mises en garde ? je pense que vous étiez dans la salle. Une petite question rapide pour vous. Vous parlez, entre autres, qu'on devrait supporter davantage les musées des communautés religieuses, etc. Dans le document de consultation, il y a une question aussi qui était posée, M. Trudel, c'est: Qui devrait payer au bout du compte? Qui, selon vous, doit payer? Est-ce que l'État seul doit intervenir au niveau du financement? Comment vous voyez la chose, vous?
M. Trudel (Jean): Non, écoutez, les musées des communautés religieuses qui existent et qui ne reçoivent pas de subvention au fonctionnement se débrouillent actuellement. Ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait leur apporter au moins un semblant de support financier pour qu'elles se sentent intégrées dans la communauté québécoise plus. Ce qui va arriver, c'est que les communautés sont en voie d'extinction, les religieuses ne se renouvellent plus. Qu'est-ce qui va arriver des collections et des bâtiments patrimoniaux qu'elles ont? Il faudrait peut-être se poser la question maintenant. Et, moi, je vois ça comme une espèce de geste qui leur dit: Écoutez, on est très fier de ce que vous avez fait; on ne peut pas vous subventionner tout votre fonctionnement mais au moins vous appuyer de façon concrète.
Mme Vien: Merci.
Le Président (M. Tomassi): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, merci pour ce mémoire parce qu'il nous situe la question dans sa perspective historique, hein, et je crois que, quand on fait un travail comme celui qui est le nôtre, là, maintenant, d'avoir un mémoire comme le vôtre qui nous situe, qui nous parle des problèmes du patrimoine mobilier dans son contexte historique et des événements comme le vol de L'Ange-Gardien, dont nous a parlé Mgr Turcotte d'ailleurs ce matin, nous a été très, très utile, et je crois que vous nous aidez à avoir ce devoir de mémoire qui s'impose en matière de patrimoine religieux, qu'il soit immobilier ou mobilier.
J'aimerais revenir sur l'inventaire parce que je comprends un petit peu moins bien votre réponse à mon collègue, là. S'il y a une chose qui semble ne pas avoir été bien faite par la Fondation du patrimoine religieux, c'est l'inventaire. C'est ce que nous ont dit M. Marsan, Mme Gauthier, c'est ce que disent plusieurs autres intervenants dans leurs mémoires. Et ils disent: Bien, des étudiants, ça va, ça fait des bons emplois d'été, mais ils n'ont pas l'expertise nécessaire, et c'est tout à recommencer. M. Marsan, tout à l'heure, m'a dit: C'est tout à recommencer. Alors, est-ce qu'on devrait prendre le risque de commencer un inventaire du patrimoine mobilier avec des étudiants pour avoir M. Marsan et d'autres plus tard nous dire: C'est tout à recommencer?
Alors, ça, c'est donc ma première question. Et ça me paraît d'autant plus difficile dans cette proposition que vous dites que c'est encore plus complexe, que ça va prendre encore plus de temps. Et donc est-ce qu'il ne faut pas là ne pas répéter ce que plusieurs considèrent comme une erreur et se donner et donner à des experts, de véritables experts, pas des experts en formation, le soin de faire cet inventaire? Ça, c'est ma première question.
M. Trudel (Jean): À propos de la contribution de M. Marsan, Mme Gauthier, ce matin, a dit que ça se corrigeait, ce qui avait été fait. Si je ne me trompe pas, je l'ai bien entendu dire qu'en six mois on pourrait ajuster, et c'était la question simplement d'évaluation des bâtiments qui était importante pour leur conservation ou leur démolition, et que ça, ça pourrait se faire par un comité d'experts. Mais l'inventaire comme tel, il a été fait, les photos étaient bonnes, les dimensions, les dates, puis, bon, les dossiers sont là. Il y a tout déjà un fond de documentation à la Fondation du patrimoine religieux et qu'on ne peut pas mettre de côté, qui a été fait et qui est disponible ? moi, je m'en sers en tout cas ? sur Internet.
n(16 h 30)n Donc, la question de confier... Pourquoi confier à la Fondation du patrimoine religieux ou à un autre organisme? Parce que, si on se met en tête de chercher quelque chose d'autre, ça peut prendre des années, et il est temps de le faire, cet inventaire du patrimoine mobilier. Et la fondation me semble bien placée, puisqu'elle a manifesté l'intention de... en tout cas l'intention d'éventuellement se lancer là-dedans, elle me semble bien placée pour l'établir et le mettre en ligne comme on a fait. Mais c'est une question de bien partir, c'est tout.
M. Turp: Alors, la question se pose: Pour bien le partir, est-ce qu'il faut le partir avec des experts ou des étudiants, et quelle que soit la valeur que peuvent avoir des étudiants, pour ne pas qu'il y ait à corriger plus tard?
M. Trudel (Jean): C'est d'essayer de faire le mieux possible. Mais il y a la première étape qui est la décision de savoir quoi inventorier dans les églises, hein, d'établir les fiches pour savoir quels renseignements recueillir, etc., donc de faire les fiches. Mais les étudiants, on peut les encadrer, ils peuvent être encadrés aussi.
M. Turp: Et là, sur l'inventaire, vous avez évoqué, tout à l'heure, que ça se... il me semblait que vous évoquiez le fait que ça devrait être un inventaire plus technique qui serait un inventaire presque comptable de ce que nous avons et non pas qualitatif. Mais, lorsqu'il s'agira de déterminer ce qui doit être préservé, est-ce qu'on ne devrait pas faire un inventaire qui soit de nature qualitative, pour déterminer ce qui devra être préservé, ou est-ce que vous présumez que tout le patrimoine mobilier devra être préservé?
M. Trudel (Jean): Bon. Oui, c'est une question intéressante. Mais à mon sens ce qu'il faut faire, ce n'est pas un inventaire qualitatif, c'est un inventaire pour savoir qu'est-ce qu'il y a, en fin du compte. Après, on verra. L'évaluation qualitative peut se faire à partir des fiches d'inventaire ou en retournant sur place, s'il y a des décisions à prendre. Mais tout le patrimoine religieux mobilier, à mon sens, chaque élément de ce patrimoine-là est important. Et, pour moi ? d'ailleurs, je le mentionne dans mon mémoire ? ce qui est important aussi, ce serait autant que possible de le conserver in situ, c'est-à-dire là où il est, plutôt que ? et pourtant j'ai une carrière de 30 ans dans les musées ? le mettre dans un musée où il est complètement décroché du contexte, où les gens perdent contact avec la valeur émotionnelle de ces objets-là et où on a de la difficulté à expliquer leur usage aussi.
M. Turp: Conciliez-vous ça avec votre quatrième recommandation: qu'on utilise le réseau des musées pour...
M. Trudel (Jean): Oui, simplement parce qu'on garde, à ce moment-là, le patrimoine en place dans des régions.
M. Turp: Mais pas nécessairement dans les lieux de culte, dans les églises?
M. Trudel (Jean): Non, non, non, je ne parlais pas dans les musées, là, en région, je parlais de rattacher aux musées régionaux une personne qui connaisse quelque chose au patrimoine religieux et qui soit capable de circuler en région. Et ça, ça permettrait de garder le patrimoine sur place en région.
M. Turp: Une dernière question, M. le Président. Lorsque l'on envisagera... parce que ça nous est proposé de peut-être faire quelque chose comme l'équivalent d'un National Trust comme au Royaume-Uni, quelle pourrait être la responsabilité de cette fiducie nationale, s'agissant du patrimoine mobilier?
M. Trudel (Jean): J'avoue ne pas avoir réfléchi à cette question, là. J'ai un peu de difficultés à vous répondre. Le patrimoine qui est en place actuellement appartient aux fabriques et aux communautés.
M. Turp: ...la question différemment, alors: Est-ce que le patrimoine mobilier est aussi important que le patrimoine immobilier lorsqu'il s'agit d'en assurer la préservation et la mise en valeur?
M. Trudel (Jean): Oui. À mon sens, oui. À mon sens, oui, parce que le patrimoine immobilier se comprend difficilement sans le patrimoine mobilier: savoir dans le fond qui venait dans ces églises-là, qui venait dans ces bâtiments-là, et comment on les utilisait, et comment chacun a pensé ajouter à son ornementation.
Le Président (M. Tomassi): Alors, merci, M. le député de Mercier. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Trudel, pour votre présentation. Évidemment, vous avez bien fait la distinction entre l'inventaire et la classification. Je pense que c'est une distinction précieuse pour nous présentement, là, pour comprendre toute la mécanique qu'il faudra éventuellement, peut-être, mettre en place. Et je reviens à la question qui vient d'être posée par mon collègue concernant toute la question du patrimoine immobilier et est-ce qu'il y aurait lieu qu'il y ait un organisme, comme on le suggère à certains endroits, un organisme autonome qui prenne charge du patrimoine immobilier afin d'en assurer la conservation. Est-ce que ce patrimoine immobilier...
Évidemment, actuellement, on sait que le patrimoine immobilier appartient, comme vous l'avez dit... quoique ça se discute, là, mais en général ? on ne rentrera pas dans les détails juridiques ? appartient en général soit aux communautés soit aux fabriques. Mais il y a un problème: l'État intervient pour subventionner, donc il doit avoir un droit de regard puisqu'il met de l'argent. Alors, est-ce que ça doit impliquer... Est-ce que l'implication dans le financement doit entraîner une implication dans la gestion et dans la propriété? Alors, c'est toute la question: Est-ce qu'on doit confier ça à un organisme indépendant? Et qui ça pourrait être? Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Trudel (Jean): C'est un problème extrêmement complexe, à mon sens. Je ne vous envie pas d'avoir à jongler avec tout ça. C'est pour ça que je n'ai pas touché au patrimoine immobilier et que les solutions que je présente concernent uniquement le patrimoine mobilier et sont à la surface des problèmes seulement. Je ne sais pas, vraiment, je ne sais pas quelle serait la meilleure solution, sauf qu'il va falloir trouver une solution. C'est tout ce que je sais.
M. Turp: Vous ne nous aidez pas beaucoup, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel (Jean): Bien, la formule d'un trust est intéressante et serait... Mais c'est à étudier, ça ne peut pas se décider du jour au lendemain comme ça. Il faudrait étudier les implications que ça va avoir, et quel va être le rôle de cet organisme-là, et quelles vont être les ressources de cet organisme, et où il va aller trouver ses ressources. Par exemple, vis-à-vis le patrimoine mobilier, il y a bien des choses que je pourrais vous dire dont... Il faudrait faire en sorte que ce patrimoine-là soit présenté aux visiteurs des églises, mais il faudrait qu'il soit en même temps en sécurité. Il faudrait encore une fois qu'il y ait des notions de présentation muséologique qui soient appliquées aussi. Ça coûte très cher, tout ça. Alors, je pense qu'il s'agit d'y aller... Moi, ce que j'ai essayé d'identifier, c'est où je mettrais mes priorités.
Le Président (M. Tomassi): Alors, merci beaucoup, M. Trudel, de votre présentation.
M. Trudel (Jean): Ça m'a fait plaisir.
Le Président (M. Tomassi): Et j'inviterais M. Daniel Saintonge à bien vouloir prendre la parole.
Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise à 16 h 46)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Nous recevrons donc, maintenant, M. Daniel Saintonge. Bienvenue en commission parlementaire.
M. Saintonge (Daniel): Merci.
Le Président (M. Brodeur): Donc, je vous rappelle brièvement la façon que nous avons de procéder ? j'imagine que vous avez eu le temps de voir un petit peu tantôt: vous avez un temps de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui est suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
M. Daniel Saintonge
M. Saintonge (Daniel): Merci. Je remercie la commission de me permettre de m'exprimer à l'occasion de la consultation sur la protection du patrimoine religieux. Je m'excuse aussi pour les erreurs de style, présentation, ponctuation dans mon mémoire, je l'ai fait comme à la dernière seconde.
n(16 h 50)n Le document de consultation de la commission demandait de répondre aux questions: Qui? Quoi? Comment? Mon mémoire offre quelques voies de réflexion à ces questions. L'intervention d'aujourd'hui fait suite au mémoire et portera sur les points suivants: Pourquoi?; qui suis-je?, mais sans débat existentiel; un sommaire de la première partie du mémoire; les principales difficultés du comment, quand et combien?
Pourquoi? Les autres mémoires présentés ont probablement répondu de multiples façons à cette question. J'aimerais apporter ma propre interprétation. La sauvegarde du patrimoine religieux me touche en premier lieu pour des raisons personnellement sentimentales et nostalgiques. Je fais partie des dernières générations à avoir eu une enfance à l'eau bénite et à avoir été façonnées dans un Québec catholique et canadien-français. Le sujet aussi m'appelle comme citoyen du Québec. Les religions ? j'insiste sur le pluriel ? ont été une composante majeure de notre société jusque loin au XXe siècle. On pense immédiatement à l'emprise de l'Église catholique, mais le poids moral, économique et la force coercitive des autres confessions envers leurs croyants étaient aussi opprimants.
À une époque pas si lointaine, la religion était intégrée au quotidien dans les moeurs québécoises. Qui se souvient de ce que sont une barrette, un catafalque funèbre ou un retable? Qui se découvre et salue en croisant un religieux? Qui porte un scapulaire? Qui a un saint Christophe dans son auto? Qui récite encore les grâces ou récite un chapelet au coucher? Tous ces détails et bien d'autres de la vie québécoise sont sur le chemin de l'oubli. Les jeunes générations ne peuvent pas concevoir ce qu'était la vie ici avant Vatican et la Révolution tranquille. Malgré un certain obscurantisme et une forte résistance aux idées nouvelles, sans l'implication des religions, nous n'aurions pas eu de soins de santé, pas eu de soins d'éducation, ni d'esprit de race, ni de survie; nous n'aurions pas le Québec d'aujourd'hui. Nos édifices religieux et lieux de culte sont les témoins privilégiés de ce mode de vie qui a régné pendant plusieurs siècles. À ce titre, ils doivent être conservés et maintenus. Ils doivent servir comme repères du passé et aussi continuer à vivre et à remplir une mission dans la société actuelle et future.
Qui suis-je? Un Québécois probablement pure laine, issu d'un milieu plutôt bourgeois et ayant une éducation classique et, je l'espère, un esprit ouvert. J'ai toujours eu un intérêt pour l'architecture, les beaux immeubles et les vieilles pierres. Depuis une quinzaine d'années, j'ai développé une passion pour l'histoire de Montréal, avec un accent particulier pour les lieux de culte. Il y a environ six ans, j'ai commencé une recherche sur l'histoire de chacun des lieux de culte de Montréal au XIXe siècle, avec l'espoir d'une hypothétique publication future. Malgré une formation autodidacte, j'ai remarqué que j'avais une connaissance du sujet plus grande que plusieurs, sans prétendre, loin de là, maîtriser ce sujet au complet. Les spécialistes connaissent habituellement très bien l'historique de leur propre confession mais très peu celui des autres confessions. J'essaie de relier tous ces historiques ensemble.
À l'occasion de cette recherche, une liste de lieux de culte ayant eu plusieurs fonctions est apparue, ce qui m'amène à la première partie du mémoire. Cette liste m'intriguait, et l'idée de l'analyser s'est imposée. La conclusion n'est pas nouvelle. Plusieurs intervenants de la sauvegarde du patrimoine religieux l'ont compris intuitivement. Par contre, elle a le mérite de s'appuyer sur des chiffres et d'être validée par les faits passés. Un lieu de culte, pour passer à travers les âges, doit maintenir une vocation soit religieuse, soit communautaire, ou, encore mieux, les deux. Toute autre affectation d'un lieu de culte entraîne sa disparition.
Le comment et ses difficultés. L'étape suivante, c'est ça, et donc le comment et ses difficultés. C'est irréaliste de croire que nos immenses lieux de culte pourront survivre grâce à la présence d'un seul utilisateur religieux ou communautaire. Ces types d'organisations n'ont pas les reins assez solides pour supporter cette charge. Donc, la solution réside dans l'utilisation simultanée des lieux par plusieurs organismes. Ceci assure une base plus large de la fréquentation et une meilleure vitalité. Plusieurs utilisateurs signifie aussi une source moins risquée et plus stable des revenus nécessaires.
La partie la plus difficile de la solution proposée dans ce mémoire n'est pas la création d'une régie indépendante pour la sauvegarde du patrimoine religieux ni la formation multidisciplinaire ou multiconfessionnelle de son conseil d'administration. La difficulté consiste à convaincre chaque propriétaire actuel de céder une bonne partie de ses droits et prérogatives à un organisme indépendant et non confessionnel, ceci pour permettre la pérennité des lieux de culte et pour le bénéfice de l'ensemble de la société québécoise. Cela signifie, pour chacun de ces propriétaires, l'abandon de leurs objectifs individuels au profit d'un objectif collectif. Cela demande aussi de leur part une très grande ouverture d'esprit face à une utilisation multiple par des organismes religieux ou communautaires possiblement contraires à leur idéologie.
Je mentionne, dans le mémoire, que certains clochers feraient de très beaux minarets. Je suis sûr que cette idée en a choqué plusieurs. C'est ce que j'entends quand je parle d'oppositions et de difficultés. Pourtant, c'est préférable de voir un lieu de culte avec un minaret et fréquenté par des croyants qu'utilisé comme «sun deck» d'un condo de luxe ou, pire, simplement démoli. Les propriétaires actuels des lieux de culte veulent conserver leurs visions, privilèges et actifs actuels tout en transférant le fardeau financier et administratif à d'autres. Les solutions, malgré un certain consensus, devront probablement être imposées globalement pour le bien commun, et non être définies en fonction des désirs de quelques communautés.
Cependant, les propriétaires actuels seront les premiers à bénéficier du transfert de lieux de culte à une régie. Une part beaucoup moins importante de leurs dépenses sera accordée à l'entretien des lieux. Ainsi délivrés des problèmes d'intendance et avec plus de moyens disponibles, ils pourront mieux se consacrer à leur mission religieuse. Rendre cette solution à terme signifie l'embauche de bons vendeurs et d'experts en communication et en information.
L'autre difficulté provient du type d'attitude. Le comment ou la solution à la sauvegarde du patrimoine religieux est pluriel. Les intervenants auprès de la commission ont suggéré différentes avenues. Toutes ces suggestions ont leur mérite. La mienne s'intéresse aux lieux de culte en milieu urbain. La problématique de la sauvegarde de notre patrimoine religieux est complexe et comprend de multiples variables. Donc, la réponse aux nombreuses propositions n'est pas: Est-ce vraiment réalisable? mais plutôt: Comment les réaliser? Chaque idée soumise doit avoir le mérite d'être analysée et envisagée positivement.
Quand? Les réponses varient entre «très pressé» et «avant-hier». Attendre que les communautés propriétaires confient leurs biens à une régie ou à un trust, comme on parle souvent, revient à accueillir un malade en phase terminale. C'est évident que celles-ci vont accepter de confier leurs biens en dernier recours seulement, donc les transferts de gestion et des biens doivent commencer immédiatement, avant que les immeubles soient irrécupérables. Ce transfert devrait s'effectuer progressivement et être complété dans un délai d'environ cinq ans. Une liste hiérarchisée déterminera l'ordre des lieux qui passeront sous le contrôle de la régie. Les priorités seront basées sur un pointage en fonction de facteurs combinant l'état actuel, l'espérance de vie de l'immeuble et l'espérance de vie de la communauté. Tous les délais ne font qu'accentuer et complexifier le problème, donc la solution doit être en vigueur le plus rapidement possible, et elle devra être probablement imposée pour être efficace et bénéfique à l'ensemble de la société québécoise.
Combien? Grosse question. La plupart des intervenants demandent, pour beaucoup de bonnes raisons, une plus grande implication pécuniaire des autorités. Je suggère plutôt de maintenir les budgets à leur niveau actuel pour quelques années seulement et ensuite de diminuer les subventions à un niveau minimum. L'engagement financier des gouvernements fédéraux, provinciaux, municipaux et des autres organismes doit demeurer stable pour l'instant.
La première utilisation des fonds actuels sert ou servirait à la création de la régie de la sauvegarde du patrimoine religieux. Les expertises nécessaires à cet organisme existent déjà en partie à la Fondation du patrimoine religieux du Québec, à la Société immobilière du Québec. Les Sulpiciens aussi ont leurs experts, et la plupart des diocèses. Ensuite, les premiers lieux de culte passés sous le contrôle de la régie seront aménagés sommairement pour en permettre la location à des organismes religieux et communautaires. Le coût de ces aménagements temporaires devrait être limité à un prix par pied carré.
n(17 heures)n Une fois les locaux loués, le centre religieux et communautaire s'achemine vers une autonomie financière presque complète. Cette étape devrait être complétée à l'intérieur de trois ou quatre ans du transfert. À ce stade, le centre peut trouver facilement du financement pour des aménagements plus durables et des travaux importants de conservation et de restauration. En effet, avec un bâtiment ayant une certaine valeur, des baux signés à moyen et long terme et possiblement un endossement du gouvernement, les centres peuvent emprunter auprès des institutions financières privées à des conditions avantageuses. Comme tous ces lieux de culte ne sont pas transférés en même temps et parviennent à une autonomie à des moments différents, les coûts initiaux pour les niveaux de gouvernement sont étalés sur plusieurs années et disparaissent presque complètement par la suite.
Le transfert des lieux de culte ne nécessite pas non plus d'investissement majeur. La régie signe un contrat de gestionnaire à long terme, 25 ans et plus, avec les propriétaires des lieux de culte. On ne parle pas d'acheter tous ces lieux, il n'y a personne qui a les moyens de faire ça. Ce contrat prévoit la prise en charge complète des lieux, de leur administration et de leur gestion avec les pouvoirs financiers et matériels en conséquence. C'est donc un contrat très étendu de gestion. Les propriétaires actuels conservent leurs titres de propriété et deviennent les utilisateurs prioritaires. Par contre, la régie a le dernier mot et un contrôle complet sur les lieux et leur disposition. Cette planification financière signifie pour les autorités un engagement décroissant et à long terme seulement le maintien de subventions minimes pour chaque centre.
Je remercie les membres pour leur attention et je vais essayer de répondre à vos questions au meilleur de ma connaissance.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci beaucoup, je vous remercie pour ce travail-là qui est une source de réflexion importante.
Pour débuter, une première question: juste peut-être demander des éclaircissements parce qu'advenant le cas où la législation permettrait seulement à ces lieux de culte là d'être, de servir comme lieux de culte ou lieux communautaires... Mon expérience personnelle comme député après quatre mandats, on a à s'occuper de groupes communautaires dans chacun de nos comtés, et le problème qui arrive souvent, c'est le financement. Ces gens-là n'ont pas des financements énormes, ça devient difficile de trouver des endroits pour les accommoder, et, quand on parle de manque de financement, on sait que les lieux de culte ont souvent besoin de très, très grandes réparations ou coûtent cher à entretenir. On a des chiffres qu'ils nous ont présentés simplement pour le chauffage de ces lieux-là. Donc, c'est excessivement dispendieux. On sait également que les gouvernements n'ont pas les ressources nécessaires présentement pour investir à la juste valeur de la grandeur du patrimoine. Mgr Turcotte, ce matin, nous disait aussi qu'eux aussi n'ont pas les fonds nécessairement pour financer tous ces projets-là. Comment peut-on avoir un financement qui soit raisonnable pour garder, entretenir surtout et réparer tous ces bâtiments-là qui souvent sont d'entretien à grands frais et de réparations très coûteuses?
M. Saintonge (Daniel): La question est un peu... est abordée de biais dans le mémoire. La solution réside dans le nombre. Une église... surtout les églises catholiques ont des capacités, là, juste pour donner une idée de l'espace, de 1 000, ou 1 500, ou 2 000, ou 3 000 fidèles, ce qui fait énormément de pieds carrés. O.K.? Quand je parle d'utilisateurs, j'utilise toujours le pluriel. Un exemple que je donne, c'est que, par exemple, une église pourrait être utilisée par quatre communautés religieuses très facilement. Comme les communautés religieuses ont des groupes de fidèles de 50, 100, 200 maximum, vous mettez une communauté dans chaque transept, une communauté dans... puis deux communautés à chaque bout de la nef. Vous avez quatre utilisateurs, à ce moment-là, au lieu d'avoir un seul utilisateur.
Quand on parle d'utilisateurs communautaires, la plupart des organismes communautaires, comme vous le mentionnez, subsistent de peine et de misère. Une partie de leurs dépenses consiste à payer un loyer dans des bâtiments qui sont généralement inadéquats. L'offre est simple: un organisme communautaire loue une ancienne boutique qu'il paie 1 500 $ par mois; vous lui dites: Tu t'en viens dans un ancien lieu de culte, ça te coûte 1 200 $ par mois, puis en plus tu as une exemption de taxes, par exemple. Si vous mettez... Je lance des chiffres, là, je n'ai pas la science infuse, là, mais disons qu'un lieu de culte coûte 10 000 $ par mois à opérer, c'est à peu près ça, 10 locataires à 1 000 $, et l'espace est là, il s'agit tout simplement d'aménager à l'intérieur, dépendant si on parle d'utilisateurs religieux ou communautaires... Si on parle d'utilisateurs communautaires, malheureusement pour M. Trudel, on enlève les bancs, on bâtit une mezzanine, tu as énormément d'espaces de bureaux. Si on parle d'utilisateurs religieux, bon, on divise, avec des retables, l'espace intérieur.
Le Président (M. Brodeur): Il faut trouver un financement pour les rénovations si...
M. Saintonge (Daniel): Oui, mais, ça...
Le Président (M. Brodeur): ...pour les rénovations ou les aménagements qui seront à faire en ces lieux-là.
M. Saintonge (Daniel): Oui. Comme je l'explique, on parle au début d'aménagements minimums, O.K.? Une fois que l'espace est loué, ça devient du financement privé pour mettre des aménagements permanents et faire des restaurations plus importantes. Le Président (M. Brodeur): M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Justement peut-être, là-dessus, vous parlez d'aménagements minimums, mais, si je me réfère à des édifices, par exemple, à Québec, qui devraient être convertis pour le tourisme ? on en entendait parler tout à l'heure d'un autre groupe ? une mise à normes coûte très cher, par exemple, si on pense à l'installation de gicleurs, accès pour handicapés, alarme incendie, etc., et ça coûte une fortune. Et c'est justement un des problèmes du Musée des Augustines, à Québec, parce que, s'ils veulent ouvrir au grand public, je ne vous dirai pas que la mise à normes va coûter plus cher que les biens qu'ils ont parce que c'est une valeur presque inestimable, toutefois ça coûte très cher.
Et j'essaie de faire le pont en plus avec la régie dont vous nous parlez ou vous nous proposez, peu importe. J'essaie de voir comment est-ce que l'organisme en question et certaines utilisations des lieux de cultes pour le tourisme ou autre, j'essaie de voir comment est-ce que, vous, vous agencez les deux et comment est-ce que les deux s'articulent ensemble. Et ma seule réponse, c'est le financement. Mais le financement proviendrait d'où exactement? C'est la réponse... dans le fond, c'est la réponse que l'on cherche, et c'est la question évidemment que l'on pose depuis tout le début de cette commission. Le financement proviendrait d'où?
M. Saintonge (Daniel): Au début... Bon. La régie, je l'appelle régie, mais ça peut être... c'est un terme que j'utilise... générique. L'idée, c'est un organisme indépendant non confessionnel qui s'occuperait de gérer, d'administrer les lieux de culte, O.K.? Au niveau du financement, je propose d'utiliser les argents actuels, sans en rajouter.
M. Mercier: Actuels, pouvez-vous nous éclaircir...
M. Saintonge (Daniel): Les différentes subventions, bénéfices qui existent, etc.
M. Mercier: Et vous croyez que ça pourrait être suffisant?
M. Saintonge (Daniel): Oui... bien, oui, parce qu'on le fait sur une base progressive. Je ne parle pas de prendre 600 lieux de culte à Montréal et les convertir d'un coup, O.K.? On en convertit une couple par année, c'est pour ça qu'on étend ça sur une couple d'années, O.K.? Je comprends le principe de la mise à normes ? ça fait partie un peu de mon métier ? mais je pense qu'il y aurait lieu peut-être de faire des exceptions temporaires. Vous parliez de gicleurs, qui est très efficace, sauf que, si on parle de protection du patrimoine, des gicleurs, c'est moins sûr, là.
M. Mercier: Mais évidemment c'est très... Oui, mais je me permets de vous interrompre. C'est très, très, très spécifique ou technique, ce dont je vous parle, mais, aussitôt qu'on ouvre à un grand public, c'est clair qu'il y a une mise à normes, le Code du bâtiment, etc., et on doit s'y conformer. Alors, c'est pour ça que tout de suite, moi, ça éveille en moi dollars, ça éveille en moi fonds publics, etc., et je deviens très pragmatique, là, vous allez dire peut-être trop rationnel, mais c'est la première question. Nous, en tant que législateurs, c'est les sous pour pouvoir donner au public un service ou un bien. Alors, c'est pour ça que j'essaie de voir la relation entre vos deux recommandations, là, entre la régie et optimiser ? et ça, j'en conviens, certes ? l'utilisation de lieux de culte pour le grand public ou pour d'autres religions.
n(17 h 10)nM. Saintonge (Daniel): Il y a quelque chose sur lequel j'insiste beaucoup parce que c'est basé... c'est la conclusion de la première partie, c'est que les lieux doivent être utilisés à des fins soit communautaires ou religieuses, O.K.? Musées, oui, sauf que tu peux recycler seulement un très petit nombre d'églises en musées, O.K.? Il y en a d'autres qui ont... l'Écomusée de l'au-delà, qui va venir demain, je pense, qui parle d'utiliser les églises comme mausolées. C'est bien, là encore, comme idée, mais encore là tu peux juste en réutiliser quelques-unes. Puis, j'imagine, la commission va avoir plein d'autres suggestions fort intéressantes.
Mais je reviens à l'idée de l'usage communautaire et de l'usage religieux des lieux. C'est ce que l'histoire prouve. Les seules églises qui survivent, c'est celles qui sont utilisées de même. Les autres sont démolies ou disparaissent. Si on regarde dans le passé, il y a eu des églises qui ont été transformées en boutiques, en usines, en manufactures. Vous avez le Free Church, l'ancien Free Church, juste sur la rue Côté, ici. Vous ne savez même pas qu'il y a eu une église là-dedans. En tout cas.
Je pense qu'il va falloir que les autorités qui régissent les normes, pour le bien-être de tout le monde, puissent peut-être accepter certains délais de mise en place. Le principe énuméré là-dedans, c'est que, dans l'immédiat, tu fais le minimum. Une fois que c'est loué, n'importe quelle institution financière ou la majorité des institutions financières vont accepter de faire un prêt. Et, à ce moment-là, oui, tu peux mettre un système de gicleurs, tu peux mettre une belle couverture en cuivre, tu peux redorer toutes les dorures, etc. On parle à long terme.
M. Mercier: D'accord. M. le Président, vous me permettez, très rapidement?
Le Président (M. Brodeur): Allez-y, rapidement.
M. Mercier: Oui, très rapidement. On parle de lieux de culte qui sont utilisés par d'autres groupes ou traditions religieuses. Ce matin, nous avions un groupe qui nous a clairement dit ? et il y a plusieurs personnes qui étaient ici, ce matin, ou la plupart d'entre vous ? qu'il était hors de question de vendre à un autre groupe religieux, par exemple, que l'Église chrétienne ou romaine, alors que, vous, votre option, c'est que, non, vous êtes très ouvert, que ce soit religion musulmane, bouddhiste, etc. Alors, est-ce que vous pouvez...
M. Saintonge (Daniel): Sans aller dans les extrêmes, là, mais, je veux dire, le...
M. Mercier: Oui. Alors, en contrepartie, vous répondriez quoi au groupe de ce matin?
M. Saintonge (Daniel): C'est ce que je dis quand je parle de réticences. Et c'est ce que je dis quand je parle de réticences et de difficultés. Pourtant, là encore, si on se fie à l'expérience de l'histoire, je pourrais vous citer des dizaines de lieux de culte qui ont été tour à tour anglicans, judaïques et orthodoxes, par exemple. C'est très courant, ça.
M. Mercier: Est-ce qu'il y a des exemples très connus ici, au Québec, à Québec, Montréal, en région?
M. Saintonge (Daniel): À Montréal, oui.
M. Mercier: Plusieurs?
M. Saintonge (Daniel): L'annexe du mémoire en donne un paquet. Je prends sur la rue René-Lévesque... Non, je pense à Saint-Gilles, Saint-Gilles, qui est une église presbytérienne...
M. Mercier: Évidemment, c'est pour l'information des gens qui sont ici pour la transcription, compte tenu qu'on n'a pas tous le mémoire.
M. Saintonge (Daniel): O.K., qui est sur Saint-Joseph, de mémoire, qui était une église presbytérienne, qui est devenue une synagogue et qui est maintenant une cathédrale orthodoxe. Ça en est un, exemple, mais je pourrais en citer un paquet d'autres.
C'est que, si on se contente de garder la confession du lieu, ça va mourir. Ça va mourir parce que les communautés, si on pense, par exemple, les communautés catholiques romaines ou je pense aux anglicans qui subissent le même problème depuis plus longtemps... Vous allez dans une église, le dimanche, il y a 10, 20, 30 personnes, 50. Noël, il y en a peut-être 75. Or, c'est certain que... Puis c'est dans des quartiers qui ne sont pas en expansion, qui sont stables. Donc, il n'y a pas de remplacement de clientèle, O.K.?
Par contre, on peut rester dans des confessions connexes. Je mentionne à un moment dans le mémoire: Le plaisir, c'est de lire un livre de téléphone. Regardez sous la section Églises, regardez sous la section Communautés, vous allez en avoir des tonnes, d'Églises et de communautés. Le problème, c'est que la majorité de ces Églises-là... Je me promenais tantôt sur la rue Papineau, j'ai vu l'Église du Nazaréen de... je ne sais pas trop quoi, là. Je ne sais pas combien il y a de membres là-dedans, là: une ancienne station-service. J'en vois une autre qui est comme une vieille boutique, une autre qui était un bar, tu sais. Toutes ces communautés-là seraient enchantées, pour quelques dollars de moins que leur loyer actuel, d'avoir un lieu de culte décent ou qui va devenir décent.
Évidemment, il faut aller les chercher, il faut aller leur tendre la main, et c'est pour ça que je parle d'une régie indépendante et non confessionnelle. Parce que c'est certain que, sans vouloir manquer de respect au diocèse catholique, je vois très mal Mgr Turcotte aller voir un rabbin puis lui dire ? les rabbins aussi, dans Outremont, il y a une synagogue à tous les trois coins de rue, là, dans les bas-duplex, mais ça, c'est une question de tradition religieuse, là, O.K.? ? puis là dire: Regarde, j'ai une belle place pour toi.
Il y a toutes les religions orientales, toutes les religions musulmanes. Montréal a une diversité religieuse énorme. Il y a toutes les communautés: évangélique, baptiste, charismatique, renouveau religieux, etc., des candidats soit ce seraient les Témoins de Jéhovah et les Adventistes, eux autres, ils ont du cash, ça ferait des très bons locataires. En tout cas, je m'excuse, je me laisse aller.
M. Mercier: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. En tout cas, votre mémoire fait une proposition concrète, là, s'agissant de l'organisme qui pourrait se voir confier un rôle dans la sauvegarde du patrimoine religieux, et vous présentez ce que serait son mandat de façon assez détaillée, mais j'ai quand même quelques questions.
D'abord, juste une remarque. Je crois qu'il serait difficile de qualifier cet organisme de régie, comme vous souhaitez le faire, parce que cette appellation est généralement réservée, comme office par exemple, à un organisme de nature paragouvernementale qui ne détient pas l'autonomie que vous souhaiteriez qu'ait cette régie. Alors donc, il faudra peut-être penser à une autre terminologie. Mais on comprend très bien que vous souhaitez que ce soit un organisme autonome, indépendant du gouvernement et qui pourra peut-être être financé par l'État mais qui aurait une indépendance et une autonomie.
Mais c'est quand même curieux, vous dites... vous maintenez le droit de propriété des églises, mais vous le videz de tout contenu, vous le videz de tout contenu.
M. Saintonge (Daniel): C'est un peu ça. C'est un peu ça.
M. Turp: Alors donc, c'est un droit de propriété éminemment symbolique, alors qu'on est venu nous dire ce matin, à la fois les catholiques et les anglicans, qu'il n'en est pas question, et les Sulpiciens sont venus nous dire la même chose. Et notre ami le révérend anglican nous a dit: Je doute que les musulmans acceptent cela aussi. Il ne parlait pas pour eux, là, mais...
Alors, j'ai le sentiment que votre proposition, elle ne serait pas très bien reçue par les communautés elles-mêmes. Vous en êtes peut-être conscient, mais vous voulez quand même... ce que, vous, vous pensez être utile, c'est de reconnaître un droit de propriété symbolique, parce que là vous le videz de tout son contenu. Parce que le droit de propriété justement veut être accompagné du droit d'administration, de gestion, pareil comme si on louait à des organismes ces lieux de culte, les sommes résultant de cette location iraient à la régie et non pas à l'église, là, j'imagine.
Alors, comment est-ce que c'est compatible avec ce qu'on entend, nous, et l'idée qu'on ne doive pas peut-être penser de vider le droit de propriété de tout son sens?
M. Saintonge (Daniel): La raison pour laquelle je laisse le droit de propriété aux communautés actuelles est tout simplement d'ordre économique. Parce que l'autre solution, c'est carrément d'acheter le lieu de culte, et ça devient impensable; économiquement, ça devient impensable.
M. Turp: Il y a des autorités religieuses qui ont vendu des biens, dont on peut difficilement évaluer la valeur marchande, à 1 $, par exemple.
n(17 h 20)nM. Saintonge (Daniel): Oui, dans certains cas, c'est qu'ils choisissent évidemment l'acheteur. Les anglicans ont fait ça un certain temps. Il y a aussi tout le... comme parenthèse, là, toutes les églises qui sont devenues excédentaires au moment de la formation de l'Église unie, là, en 1925. Oui, certaines communautés religieuses vont accepter de vendre à un organisme qui partage la même idéologie. Moi, ce que je propose, c'est que les communautés propriétaires continuent à utiliser, ils deviennent l'utilisateur prioritaire, O.K.? Et je pars du principe que malheureusement la majorité de ces communautés-là, à plus ou moins brève échéance, vont disparaître. Dans un secteur de la ville où vous avez deux, trois, quatre, cinq églises, toutes confessions confondues ? puis des fois vous en avez deux, l'une à côté de l'autre, ou trois dans le même pâté de maisons ? c'est certain qu'il y a à peine assez de fidèles pour remplir la moitié d'une seule de ces églises-là actuellement.
M. Turp: Qu'est-ce qui arrive lors de la disparition? Est-ce que la propriété passe à la régie?
M. Saintonge (Daniel): La propriété pourrait passer à la régie à ce moment-là. Par contre, dans le droit de gestion, je mentionne que la régie a comme le dernier mot. Je sais que c'est assez arbitraire et assez cavalier, ce que je propose.
M. Turp: Ça va peut-être être vu comme une expropriation déguisée sans compensation.
M. Saintonge (Daniel): Presque.
M. Turp: Alors, on va peut-être invoquer...
M. Saintonge (Daniel): Bien, je dirais, presque...
M. Turp: ...la Charte des droits et libertés, qui protège le droit à la propriété privée. C'est dangereux, là, au plan des recours juridiques fondés sur la charte.
M. Saintonge (Daniel): Peut-être, je ne suis pas expert là-dedans, mais...
M. Turp: Moi, ce que je remarque aussi, c'est que votre proposition de régie concerne la sauvegarde du patrimoine immobilier seulement, et M. Trudel vient de nous parler de l'importance de préserver le patrimoine mobilier, qui est aussi important, qui est lié au patrimoine immobilier. Qu'est-ce qui fait que vous ne souhaitez pas confier à cet organisme des responsabilités à l'égard du patrimoine mobilier lui-même?
M. Saintonge (Daniel): Disons que la solution, l'idée n'a pas été... je n'ai tout simplement pas abordé l'idée du patrimoine mobilier, O.K.? Je me suis concentré sur un point, qui sont les lieux de culte en milieu urbain. Par contre, ce que je mentionne dans le mémoire, c'est que la majorité... moi, j'appelle ça des centres religieux et communautaires, là, à défaut de meilleure définition, auraient tous leurs minimusées. Ils ont tous des très beaux vestibules où vous pouvez mettre quelques articles, quelques items en exposition pour que les gens qui passent se rappellent que, oui, c'était la paroisse Unetelle ou l'église Unetelle. Par contre, évidemment, c'est certain que ça ne va occuper qu'une très petite partie du patrimoine mobilier.
D'un autre côté, l'idée au niveau de l'aménagement intérieur, quand je parle d'une espèce de structure intérieure ou d'une espèce de... d'une maison à l'intérieur d'une maison, je veux dire qu'à ce moment-là certains mobiliers pourraient rester en place, tels que les chemins de croix, les confessionnaux, peut-être les baptistères, parce qu'on parle d'une structure à l'intérieur d'espaces occupés par les bancs, là.
M. Turp: Moi, je comprends qu'il n'y a pas de discrimination, ici, à l'égard des autorités religieuses. Ça ? cette solution ? devrait être appliqué à la fois à la confession catholique, protestante, juive, musulmane, donc à tous les lieux de culte, quels qu'ils soient.
M. Saintonge (Daniel): Oui. Par contre, le problème est plus accentué pour les catholiques parce que les lieux de culte catholiques arrivent à la fin de leur première existence, alors que, par exemple, les anglicans ou beaucoup de bâtiments de l'Église unie ont déjà eu une deuxième ou une troisième existence, parmi les plus vieux, je parle, là.
M. Turp: Et vous vous rendez compte qu'une solution comme ça imposerait probablement une loi, une législation qui exigerait des communautés qu'elles cèdent leur droit de gestion sur des bâtiments dont elles sont propriétaires, et qu'adopter une loi dans des conditions où les communautés s'objectent à cette façon de voir les choses, ce n'est pas évident, là, pour des législateurs comme nous, là.
M. Saintonge (Daniel): Je vous répondrais en deux points. Le premier, c'est que, comme tout bon Québécois pure laine ou presque, j'ai, entre autres, un oncle qui est curé puis j'ai une tante qui est religieuse, en tout cas... Et je me souviens de mon oncle ? bien, il est retraité maintenant ? qui me parlait, du temps qu'il était curé de sa paroisse, des... pas des difficultés, mais de la lassitude qu'il avait à gérer le nombre d'ampoules qu'il devait y avoir dans la place, à vérifier combien de gallons de peinture ça prenait chaque année, à calculer le nombre de rouleaux de papier à essuie-tout dans les salles de bain, et ça le déprimait royalement. Ce que je propose au fond, et c'est pour ça que je dis qu'il y a un certain avantage pour les propriétaires actuels, c'est que tous ces problèmes de gestion là, vous n'avez plus à vous en occuper. Votre lieu de culte vous coûte actuellement 10 000 $ par mois, vous allez avoir un loyer de 1 000 $ par mois ou de 1 500 $ par mois. Donc, tout l'argent en supplément ou excédent, vous pouvez l'utiliser pour votre mission, O.K.?
L'autre point, puis là je me sens un petit peu frondeur: c'est certain que ce que je propose demande beaucoup d'abnégation de la part des autorités religieuses, mais on m'a toujours dit que la foi avait beaucoup d'abnégation.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, M. Saintonge, je vous félicite pour votre intérêt pour la conservation du patrimoine religieux.
M. Saintonge (Daniel): Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci encore. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que Les Pierres vivantes de Saint-Pierre-Apôtre s'installent en avant de nous.
(Suspension de la séance à 17 h 22)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Vous voyez que je commence même si les collègues sont au café ou à l'eau pour les inciter à revenir le plus rapidement possible.
Donc, nous avons notre dernier groupe avant l'heure du repas, Les Pierres vivantes de Saint-Pierre-Apôtre. Donc, je vous rappelle le processus qui est le même depuis ce matin et qui est le même habituellement en commission parlementaire: vous avez une période de présentation, en l'occurrence un temps de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, qui est suivie d'échanges avec les membres de la commission. Donc, compte tenu de l'heure, je vous demande immédiatement, premièrement, de vous identifier pour le bénéfice de notre Journal des débats et ensuite de ça la parole est à vous pour la présentation du mémoire.
Les Pierres vivantes de Saint-Pierre-Apôtre
M. Allard (Jean): Bonsoir, M. le Président. Mon nom est Jean Allard. Je remercie la commission de nous donner le privilège de venir présenter notre mémoire. Mme Déry, porte-parole du comité Les Pierres vivantes, et François Blain est président du comité de coordination. Je suis moi-même un des membres du comité de coordination de ce groupe de paroissiens qui veulent, aujourd'hui, vous faire entendre une histoire qui est différente de celle que vous avez peut-être entendue au cours de la journée, ce matin, ou même que vous avez peut-être entendue comme députés au cours des dernières années. Les gens vous ont sollicités pour faire face à des fermetures. Il n'y avait pas de paroissiens ? on entend ça souvent. M. Saintonge nous le rappelait tantôt, pas de paroissiens, on ferme les églises, pas d'argent. Nous, on pense avoir un cas intéressant et important à présenter, un cas d'espèce, parce qu'on fait face à une menace de fermeture d'église. Il y a beaucoup d'argent qui appartient aux paroissiens. L'église a des fidèles. Et je ne suis pas seul ici, aujourd'hui. Plusieurs paroissiens sont même venus assister aux débats pour bien comprendre ce qui se passe, là, à travers vos démarches.
Certains spécialistes vous ont parlé de biens mobiliers; d'autres, de biens immobiliers. Nous, on veut vous parler de gens qui vivent dans une église et qui vivent une fermeture d'église. Nous représentons donc un groupe qui vit dans une paroisse qui a été fondée il y a 50 ans, une église dont la construction est solide, encore récente, je dirais, et comprenant de multiples fidèles.
n(17 h 30)n Donc, je laisserai à Mme Déry le soin de vous présenter les faits, et François Blain, un peu plus tard, interviendra pour parler de nos stratégies par rapport à ce dossier-là.
Mme Déry (Ghislaine): Alors, bonjour. Alors, je vais vous faire part de notre paroisse qui est quand même une paroisse qui était bien nantie, dégagée de toutes dettes, ayant, depuis plusieurs années, un bilan financier positif et un solde accumulé de plus de 70 000 $, assumant en totalité ses charges d'entretien, de réparation, de ressources humaines, payant, à chaque année, sa cathédratique, c'est-à-dire à peu près de l'ordre de 9 000 $ chaque année, et possédant une église qui est évaluée à 3,2 millions de dollars. Elle est en excellente condition matérielle et aucunement abandonnée par ses paroissiens.
Saint-Pierre-Apôtre de Longueuil ne correspond aucunement au profil habituel des paroisses que l'on ferme ou que l'on vend, que l'on transforme ou même que l'on rase. Notre situation constitue un exemple concret à notre avis de pillage qui semble se dessiner, car la communauté était et est encore capable de faire vivre son église, avec une fréquentation dominicale de plus de 200 personnes.
Un petit bref historique de notre église. Elle fut construite dans les années cinquante jusqu'à 1952. En 1967, grâce à la générosité des paroissiens, l'émission de certificats aura permis d'assurer le remboursement de la dette et des intérêts pour l'église et le presbytère, et ce, en sept années consécutives. C'est donc dire que cette église et son presbytère devenaient la propriété des paroissiens et paroissiennes.
Il s'agit donc d'une église qui se ferme, planifié et camouflé par un projet de fusion administrative. En 2003-2004, le diocèse de Saint-Jean-Longueuil nous propose une réunification de sept paroisses, dont la nôtre, pour n'en faire qu'une seule, afin de contrer les problèmes reliés à l'aspect financier et au nombre de prêtres. Donc, en avril 2004, les marguilliers de notre paroisse, dont je faisais partie, acceptent cette réunification en signant une proposition de dissolution de la fabrique. Dans nos échanges avec le diocèse, jamais la vocation même de notre église ne fut mise en cause ni même questionnée. Arrive décembre 2004. Sans consultation aucune, on nous avise, en chaire, que l'église deviendrait un centre pastoral et que le lieu serait fermé au culte à compter de juillet 2005.
Ce qu'il faut retenir de la démarche de notre diocèse, c'est que les propositions de l'évêché portaient uniquement et exclusivement sur la répartition du territoire des paroisses, mais jamais sur l'avenir de notre église propre, que les marguilliers ont accepté une fusion de la fabrique au profit d'une réunification, mais jamais ils n'ont ratifié la disparition du lieu de culte, qu'aucune rencontre n'a eu lieu sur le territoire de la paroisse, qu'aucune consultation publique sur la réunification et sur la fermeture de notre église n'a été convoquée pour l'ensemble des paroissiens et des citoyens du territoire de Saint-Pierre-Apôtre. En fait, le projet de fusion a été présenté très discrètement à quelques fidèles et, il faut bien le dire, est demeuré secrètement conservé jusqu'à son annonce publique.
Il y a eu des consultations bidon et, jusqu'aux démarches d'humiliations, l'Église n'a pas discuté, elle a plutôt décrété. En décembre 2004, nous apprenions, par un message inséré au semainier paroissial de la part de notre évêque, Mgr Berthelet, que notre église changera de vocation et que notre lieu de culte fermera pour faire place à un centre pastoral. La consternation était palpable chez les paroissiens et paroissiennes. Ce message a été transmis au prône par une religieuse. Aucun prêtre n'a jugé bon de venir en parler, pas plus que l'évêque d'ailleurs. C'est toute une communauté qui est frustrée et qui n'a eu droit à aucun respect de la part des membres du clergé. On est à même de constater que les demandes légitimes d'un groupe de fidèles chez nous ont été bafouées.
Donc, on fait maintenant une démarche pour reprendre en main notre lieu communautaire qui est pour nous significatif. Face à ces décisions unilatérales, les paroissiens évidemment ont réagi, et plusieurs membres du clergé ont réagi également. Pour les empêcher de s'organiser, le curé de la mégaparoisse a refusé que les paroissiens puissent se réunir dans des locaux au sous-sol de leur propre église. Ces locaux sont pourtant loués, sans problème, à n'importe quelle organisation. Par divers moyens de pression, les paroissiens ont obtenu que l'évêque, Mgr Berthelet, vienne entendre les doléances de cette communauté chrétienne. Cette rencontre a cependant été noyautée par la communauté de la mégaparoisse, et l'évêque a donc profité de cette rencontre bien plus pour répéter son message que pour entendre les paroissiens de Saint-Pierre-Apôtre. À la suite de pressions, de manifestations, de lettres et d'articles dans les journaux, notre communauté a rencontré l'évêché à quelques reprises sans jamais pouvoir obtenir de support pour maintenir ce lieu de culte bien vivant.
Devant la détermination de nos paroissiens, l'évêque a décidé, pour un an, de ne pas modifier la structure de l'église et de ne pas déménager l'orgue dans un autre lieu. Et, concernant les célébrations eucharistiques, il nous offre une messe le samedi, en après-midi, à compter du 10 septembre 2005. Au terme de ce délai, c'est-à-dire d'un an, la situation pourra être reconsidérée. Les paroissiens ont donc refusé ce scénario, car ils considèrent que cette proposition conduit manifestement à permettre de vider graduellement l'église et à détruire la vie communautaire de ce milieu, ce que l'on constate déjà d'ailleurs. Le diocèse offre uniquement un lieu où les fidèles deviendront les acteurs de leur propre disparition.
Alors, notre paroisse en santé, ça signifie: notre situation financière était enviable, une richesse collective, sans passif, évaluée à 270 000 $ sous forme de placements, de liquidités, un bail à long terme lié au presbytère, par exemple, des locations de salles au sous-sol, avec une église qui est évaluée à 3,2 millions. Les redevances au diocèse étaient acquittées annuellement. Quelque temps après la dissolution de notre paroisse, les fonds qui se trouvaient dans le compte qu'elle détenait auprès de son institution financière furent transférés. Même un second compte, géré par des paroissiens et dédié spécifiquement aux plus démunis de notre paroisse, fut également détourné sans les signatures d'autorisation.
Des travaux parfois majeurs étaient entrepris afin de maintenir notre église et son presbytère en bon état. Nous avions toujours les argents en poche pour entreprendre ces travaux. L'engagement bénévole a par ailleurs permis de supporter des travaux majeurs. Tout cela sans jamais demander d'aide auprès du diocèse ou encore du gouvernement. Bref, rien qui ne permette au clergé de soutenir que ces paroissiens sont égoïstes parce qu'ils refusent de se soumettre à un grand projet d'évangélisation. C'est une église rentable dont on parle, qui n'avait aucune dette et qui fut bien administrée, comportant une communauté chrétienne qui était solidaire, avec un nombre impressionnant de bénévoles, constamment en activité, possédant un sentiment d'appartenance fort et qui représente un bassin significatif de fidèles et de pratiquants. L'on est en droit de s'interroger sur les visées réelles de cette fermeture par l'autorité diocésaine. Nous croyons que les décisions de l'évêque ont été des décisions d'ordres administratif et politique et aucunement en lien avec une démarche ecclésiale. Nous jugeons que cette autorité a abusé de son pouvoir lié au culte pour prendre des décisions civiles et administratives.
n(17 h 40)nM. Blain (François): Les temps changent, hein, la présence de la commission en fait foi. Je vous rappelle qu'en 1965 c'est l'Assemblée des évêques du Québec qui a rédigé la Loi sur les fabriques. Elle a pris 14 ans pour rédiger la loi et, à ce titre-là, j'espère que les travaux de la commission vont être plus rapides.
Je vais vous lire, si vous me permettez, parce que je ne ferai pas une lecture du mémoire, vous l'avez, je vais quand même vous lire un extrait du Journal des... de l'Assemblée nationale, de juillet 1965, qui est une réponse de M. Daniel Johnson père à M. Lesage, liée évidemment à la Loi sur les fabriques. Alors, c'est textuel.
«C'est une délégation des pouvoirs de l'État à l'Église. Tandis qu'avec les commissaires pour l'érection civile, c'étaient évidemment des fonctionnaires qui agissaient au nom de l'État, et l'État se gardait, à ce moment-là, sa juridiction en ce qui le concerne, le civil, et l'évêque, lui, s'occupait des choses au point de vue religieux. Et voici que, contrairement à la tendance actuelle ? en 1965, on se rappelle, hein, nationalisation d'Hydro-Québec, on parlait aussi de reprendre la santé en main, l'éducation en main, et, dans le domaine du patrimoine, on inversait la machine ? [...] une foule de législations adoptées par le gouvernement actuel, l'Église reçoit de la part de l'État une délégation de pouvoirs qu'elle n'avait pas autrefois.» Et on parle au sujet de l'article 2 qui confère à l'évêque l'ensemble des pouvoirs liés à une paroisse et les biens meubles et immeubles qui sont dans cette paroisse. Et la réponse du député qui défendait le dossier a été de dire effectivement: «Les commissaires pour l'érection civile... n'auront plus aucune autorité, ne seront plus d'aucune utilité. Il n'y aura plus besoin de commissaires. Le simple décret de l'évêque constitue, crée la paroisse et la fabrique.» Évidemment, comme vous avez vu dans notre mémoire, le point central de notre mémoire réside dans le questionnement sur le droit de propriété des paroisses, des biens meubles et immeubles qui sont dans les paroisses. En 1965, l'État a changé une pratique qui était existante depuis à peu près 300 ans, qui était issue soit du code anglais ou de la pratique du Code civil français, mais les deux, dans le même sens, reconnaissaient la prééminence du civil sur le religieux en ce qui a trait aux biens meubles et immeubles. En 1965, gros changement. Et ce qu'on s'est aperçu, c'est que le droit de propriété, le droit de consulter... On se souvient qu'avant 1965, si l'assemblée des paroissiens ne jugeait pas utile telle réfection de paroisse, ou tel ajustement, ou telle construction, il n'y en avait pas, de construction. À partir de 1965, tout a changé. Mais ce qui n'a pas changé, c'est quand même le pouvoir de la taxation, les cotisations. Ça, ça a demeuré, hein, jusque presque dans les années quatre-vingt. Alors, évidemment, nous, on questionne beaucoup ça.
D'un point de vue historique ou juridique, les principes qui se dégagent à l'analyse sont le souci de reconnaître la prééminence des pouvoirs civils sur l'appareil ecclésial, la présence d'une logique de payeur-propriétaire, l'obligation de consulter l'assemblée des paroissiens et sa souveraineté, de l'assemblée, non sur le culte, mais bien sur des biens temporels d'une paroisse ainsi que sur ses structures mêmes, permettant l'exercice de celui-ci.
Le Président (M. Brodeur): Si vous voulez conclure, puisque le temps est presque terminé.
M. Blain (François): Je n'ai pas de difficulté avec ça. Notre intervention vise à questionner et à remettre en cause l'actuelle Loi sur les fabriques relativement au régime de droit de propriété des biens meubles et immeubles des paroisses et aussi en ce qui a trait aux règles qu'elle énonce et qui sont applicables aux modifications de structure de ces mêmes paroisses. Nous comptons utiliser sous peu et en dehors de cette commission...
Je vais y aller directement. Je vais juste vous poser une question, à la commission, ou vous aiguillonner. Tantôt, M. Turp en a parlé rapidement. Moi, je pense qu'au niveau de la Charte des droits, responsabilités, l'article 6 qui reconnaît le droit de propriété peut être questionné vis-à-vis la loi... c'est-à-dire la Loi des fabriques peut être questionnée en ce qui a trait à cet article-là et aussi à l'article 52 qui touche la prédominance de la Charte des droits sur d'autres lois.
Évidemment, vous l'avez vu, nous, il est clair qu'il faut que la société civile reprenne le contrôle des droits de propriété en ce qui a trait aux lieux de culte. Évidemment, le culte va demeurer, et c'est ce qu'on espère, mais on pense que la société civile doit gérer ces biens-là.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je vous félicite pour votre mémoire. Il fait original par rapport aux autres mémoires que nous avons reçus aujourd'hui. Mais nous sommes d'autant plus heureux d'entendre votre mémoire, puisque possiblement que le genre de mouvement qu'a créé la possible fermeture de votre église se répète à plusieurs endroits au Québec. C'est enrichissant pour la commission déjà de voir le préambule de ce qui peut se produire à plusieurs reprises au Québec.
Évidemment, la Commission de la culture s'est donné comme mandat de protéger le patrimoine religieux, et, quand on parle de patrimoine religieux, si on parle de biens immobiliers, comme vous en faites mention, parlant de votre église ? vous en parlez avec beaucoup de passion, d'ailleurs ? c'est d'établir des critères, des critères de protection, sur des valeurs historiques, des valeurs architecturales, des valeurs artistiques.
M. Trudel tantôt a parlé d'appropriation, et vous plaidez la valeur d'appropriation justement de votre église, de l'endroit où vous vous êtes peut-être mariés, de l'endroit où vous avez baptisé vos enfants, vos petits-enfants. Donc, ça devient fort important pour la population. C'est pour cette raison-là que votre mémoire est fort important aux yeux de la commission. Mais vous comprendrez également que ce problème-là va se répéter autant de fois qu'il y a d'églises qui vont fermer au Québec. Donc, c'est fort important de l'imager.
Vous avez dit également que votre église serait à recycler ? comme on emploie le mot «recycler» ? en centre pastoral, donc qui demeure toujours la propriété, là, du même diocèse. Reste à établir le droit de propriété, ce qui est fort important. Votre question, M. Blain, était fort appropriée sur le droit de propriété: Comment l'établit-on? Il y a toutes sortes de prétentions, les gens l'interprètent de façon excessivement différente.
Mais j'aimerais vous entendre... Si je vous pose la question, si je parle autre que de l'appropriation, est-ce que votre église, pour nous aider à porter un jugement sur... pas un jugement, une appréciation sur votre mémoire, est-ce que votre église a une valeur patrimoniale, une valeur historique, une valeur qui nous permettrait d'additionner à votre valeur d'appropriation pour protéger toutes ces églises-là? Vous comprendrez que, si on ne juge que sur cette valeur d'appropriation, il faudra, à ce moment-là, protéger les 2 023 églises catholiques du Québec. Donc, ça devient un principe qu'on doit étayer un peu plus, le principe d'appropriation. Est-ce qu'on peut ajouter à cette valeur-là une valeur historique, une valeur autre à votre église, là, pour empêcher sa transformation?
Mme Déry (Ghislaine): Moi, je peux dire, par les nombreux documents que j'ai lus avant de venir à la commission... ils faisaient mention qu'un orgue pouvait faire partie des objets qu'on pouvait protéger dans une église, et notre orgue date de 1914, quand même avant 1945. Je ne sais pas s'il peut sauver notre église.
Le Président (M. Brodeur): Certains diront que l'orgue peut être déménagé.
Une voix: Question de...
Le Président (M. Brodeur): Certains diront qu'il peut être déménagé. Mais, en ce qui me concerne, le message est fort important pour la commission. On doit se pencher absolument sur cette grande valeur d'appropriation qui a été soulevée dans quelques mémoires, ce matin, et pour moi c'est fort important. Je ne sais pas s'il y a un collègue qui a quelque chose à ajouter en rapport à cette valeur-là. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui, allez-y.
Mme Léger: D'abord, merci de votre mémoire et d'être ici, présents, à la commission. Moi, j'apprécie beaucoup quand les gens s'impliquent dans des démarches puis dans... selon les causes qu'ils veulent défendre. Bon. Ça semble aller mal, là, évidemment, comment vous nous avez décrit tout l'historique dans le fond de votre démarche, les problématiques que vous avez avec le clergé. Autant ça peut être ce que le président disait, autant que ça peut être comme ça un peu partout, autant ça peut être aussi très différent et autant... parce que ça peut être semblable sur certains aspects. Alors, c'est ce qui fait que chaque lieu de culte... toute la dynamique autour d'un lieu de culte, autant sa conservation, son architecture, mais autant ses paroissiens et autant ses pratiquants, et les non-pratiquants aussi.
Alors, la question que j'ai posée ce matin, et je vais vous la reposer: À qui appartient l'église, la vôtre?
M. Allard (Jean): C'est une excellente question, madame. Dans vos documents, vous soulignez que les églises appartiennent aux fabriques. On vient de vous expliquer un cas où on a fait disparaître la fabrique puis qu'on s'est approprié l'église.
n(17 h 50)n Nous, ce qu'on peut vous dire, c'est qu'il y a des historiens, des gens qui nous disent: Cette église-là, le terrain a été donné par la ville de Longueuil. Les paroissiens ont payé pour faire construire l'église. Il y a eu une émission de certificats, des montants de 100 $, pour qu'on rembourse plus rapidement les hypothèques et les emprunts qui avaient été faits pour la construction de l'église. Nous considérons que cette église nous appartient. Nous la faisons vivre, nous l'avons payée, nous l'avons construite. Les gens qui sont ici, dans la salle, aujourd'hui, sont des gens qui ont construit leur paroisse, qui ont construit leur église et qui désirent continuer à y vivre, dans cette paroisse. Et évidemment on en revient, hein, à la situation d'appartenance, et cette communauté, qui est une communauté religieuse, est beaucoup plus largement une communauté de solidarité, et ils sentent le besoin de faire vivre leur lieu. Mais, pour vous répondre très précisément, on considère que nous sommes les propriétaires, que les paroissiens, les citoyens, que la société civile est propriétaire de cette église.
Mme Léger: Est-ce que vous dites la même chose pour l'ensemble des églises du Québec et l'ensemble des paroissiens du Québec? Est-ce que vous vous appropriez votre église... Parce que vous avez expliqué la démarche. Je pense que vous avez pris bien le temps, madame, d'expliquer toute l'implication de la communauté puis que... Vous avez dit tout à l'heure, même au début de votre présentation, que, par chez vous, c'était différent. Est-ce que vous voulez dire que, par le reste du Québec, ce n'est pas la même chose, que, chez vous, c'est votre église, mais qu'ailleurs ce n'est peut-être pas nécessairement l'église des paroissiens? Vous comprenez la question?
Ce n'est pas... Parce qu'autant le mandat d'initiative qu'on se donne, que la Commission de la culture s'est donné, on n'a pas les solutions, là... Tu sais, on les étudie, on essaie de comprendre. C'est pour ça aussi... les auditions sont là, les audiences sont là exprès pour entendre tous les gens. Or, comme c'est un problème qui existe depuis tellement d'années, les gens disent: Bien, il était temps. Oui, il était temps, mais c'est parce qu'aussi, au fil des années, j'imagine, il n'y avait pas de solution. Parce qu'on ne serait pas rendus où on est aujourd'hui. Alors, autant le clergé a cette problématique-là, autant les paroissiens peuvent l'avoir, mais autant aussi toute la partie patrimoniale, là... Parce qu'on parle de patrimoine religieux à travers tout ça.
M. Blain (François): Regardez, depuis à peu près 10 ans, hein, les fermetures d'église ont suscité à chaque fois des réactions émotives, des réactions d'appropriation, une perte du sentiment d'appartenance. On a senti ça dans toutes les communautés, dans toutes les communautés où on a pu lire des reportages là-dessus. Et, moi, je pense que, dans plusieurs communautés, le sentiment d'appartenance ou d'appropriation est très fort. En fermant le lieu, on vient de briser des liens, on vient de briser des liens d'appropriation, un sentiment d'appartenance dans une communauté, et c'est fort dommage. Je lisais un article de Statistique Canada récemment qui disait que la pratique paroissiale, hein, est corrélée positivement, là, donc a des effets directs sur le sentiment d'appartenance et le tissu social d'une communauté, hein, l'année passée, là, le résultat de cette étude-là. Donc, il est clair qu'il y a des enjeux à ce niveau-là.
La question que vous avez posée tantôt, cependant, d'un point de vue juridique, je vous dirais, la propriété des églises actuellement, c'est le clergé qui l'a. Ce n'est personne d'autre, c'est le clergé. Il décide de tout, article 2, ça s'arrête là. Regardez à tous les autres articles de la Loi sur les fabriques, il n'y a rien dans cette loi-là qui permet à des citoyens, des paroissiens, autant organisés qu'ils soient, de contrer une orientation du clergé sur une fermeture, sur une aliénation de biens. Il n'y a rien, c'est bardé mur à mur.
Mme Léger: Mais comment voyez-vous, dans cette... Je vais terminer. Comment voyez-vous, dans la démarche que vous avez entreprise, comment voyez-vous le rôle du clergé outre ce qui s'est passé, là? Mais, si on parle, dans l'ensemble du Québec aussi, de comment vous voyez les choses, quel est le rôle du clergé dans ça, quelle est sa...
M. Blain (François): Le rôle du clergé, c'est d'assurer le culte, hein, le culte et dans toutes ses sphères. D'évangéliser, c'est le rôle du clergé. Ce n'est pas d'être un gestionnaire immobilier. Et là actuellement le clergé est un gestionnaire immobilier, mobilier, et il y a des transferts de fonds. Écoutez, là, dans notre paroisse, nous, c'est 275 000 $ qui a transité, là. C'est de l'argent, hein? Avec ce montant-là, on aurait pu continuer à faire vivre la paroisse, là, plusieurs années. Mais là la paroisse ferme, fusionnée, et l'argent est parti. Écoutez, est-ce qu'il sert encore aux paroissiens? On se questionne parce qu'il a transité vers la cocathédrale.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Avant de passer la parole au député de LaFontaine, si je comprends bien, votre proposition est de modifier la Loi sur les fabriques pour changer la notion de droit de propriété.
M. Blain (François): Absolument.
Mme Déry (Ghislaine): Et aussi je me questionne beaucoup, moi, sur le fait... On a parlé, tout à l'heure, que notre église est un petit peu différente. C'est dans le sens que nous ne sommes pas déficitaires, on n'a pas de problème financier, on n'a jamais demandé de l'aide de personne, et on nous ferme. Imaginez, s'il avait fallu qu'on soit en faillite quasiment, qu'est-ce qu'il serait arrivé.
On est capables de faire vivre notre église, on a encore des fidèles pratiquants qui sont là. On a offert au clergé... Bon. Ils veulent faire de l'évangélisation. On a un sous-sol qui est de la même grandeur que l'église, pourquoi ne pas utiliser le sous-sol? On était prêts à le sacrifier pour leur donner, on est prêts à collaborer. Mais se faire mettre dehors de notre propre église, c'est très frustrant, surtout qu'on était préparés à recevoir les paroissiens qui venaient de d'autres paroisses et qui étaient en difficulté, qu'on le savait. Notre curé nous avait préparés. On a dit: On va essayer d'être accueillants. On n'a jamais pensé qu'on faisait partie des gens qui sortiraient. Alors, comme on n'a pas été préparés, que ça s'est fait en catimini, et qu'on ne nous a pas consultés, d'où, là, vient la frustration de tous les paroissiens chez nous.
Le Président (M. Brodeur): Merci pour... Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Question d'éclaircissement, s'il vous plaît. En fait, si la fabrique n'avait pas signé ce document, la fabrique donc serait restée telle quelle, vous auriez pu demeurer une espèce de rempart contre... Est-ce que je comprends bien? Ça, ce n'est pas évident à comprendre, hein, on n'est pas des légistes, puis on ne joue pas là-dedans tous les jours.
Mme Déry (Ghislaine): On parlait de réunification. C'est seulement ce terme-là. Alors, pour faire une église forte...
Mme Vien: Que des fabriques.
Mme Déry (Ghislaine): ...c'est pour ça qu'on a accepté de se réunifier avec six autres paroisses. Et il n'était jamais question d'autre chose que de se réunifier. C'est pour ça qu'elle a accepté la dissolution. Maintenant, il y a eu des débats, il y a eu de la discussion parmi nous, les marguilliers ? j'étais membre, moi, là ? et on a posé la question à notre curé: Qu'est-ce qu'il advient si on refuse de dissoudre notre paroisse? Il nous a dit: Bien, qu'est-ce que vous voulez, vous allez vous isoler et puis de toute façon le clergé va finir par faire ce qu'il a comme objectif, d'en faire un centre pastoral. Alors, devant ces faits-là, on s'est dit: On va se réunifier, on fera une église plus forte, sans jamais savoir que notre église fermerait ses portes pour le culte.
Mme Vien: Dans la nouvelle fabrique ? parce que vous êtes dans un regroupement de fabriques, c'est ce que je comprends ? est-ce que vous n'avez pas un peu des sympathisants qui... à l'intérieur?
Mme Déry (Ghislaine): Il y a un marguillier, aujourd'hui, qui fait partie de notre paroisse. Un sur six, je ne peux pas vous dire qu'il a la majorité. Mais ce n'est pas administré tout à fait comme nous, puis je ne veux pas les mettre en doute évidemment, là. Ils ont leurs façons de voir les choses avec le curé, qui... Chez nous, le curé était un membre à part parce que notre président d'assemblée était un laïc nommé par notre évêque, ce qui n'est pas le cas dans la mégaparoisse, qui est... le curé de la paroisse qui est le président de la fabrique. Donc, c'est un petit peu différent et beaucoup plus impliqué, mais je ne conteste pas ça. C'est une autre façon de gérer.
Le Président (M. Brodeur): Ça va?
M. Allard (Jean): Pour l'éclaircissement. Parce que c'est vrai que ce n'est pas un dossier facile à comprendre, hein, il y a plein d'éléments là-dedans, là, qu'on se demande comment ça se fait, hein, une fabrique, comment ça marche. Dans le fond, nous autres aussi, on apprend comment ça marche, une fabrique. Vous soulignez...
Mme Vien: ...disent que c'est toutes sortes de monde qui sont propriétaires aussi, là. On est tout mêlés, là.
M. Allard (Jean): Mais c'est ça. Vous soulignez dans vos documents que la fabrique est propriétaire, puis, nous, ce qu'on a vécu, c'est une fabrique qui a perdu ses droits sans véritablement s'en apercevoir, et ce qu'on conteste beaucoup, c'est de ne pas avoir été consultés. Nous, les paroissiens, les gens qui se considèrent comme propriétaires de ces lieux-là n'ont pas été consultés, et ça, ça nous apparaît comme quelque chose qui nous permettra de contester légalement la démarche qui est entreprise par l'évêché.
Le Président (M. Brodeur): En conclusion...
M. Blain (François): Oui, en conclusion, pour éclairer un peu... Écoutez, quand vous regardez la Loi des fabriques, vous voyez qu'à l'article 16, là, je cite ça de mémoire, on a les pouvoirs ou prérogatives de la fabrique, mais vous constaterez qu'à chaque fois qu'il y a une décision importante elle doit référer à l'évêque pour autorisation. À chaque fois. Donc, moi, ce n'est pas la notion de propriétaire que je connais. Et, à l'article 2, c'est l'évêque qui décide de façon unilatérale le territoire de la paroisse. Alors, dans notre cas, si les marguilliers n'avaient pas signé la fusion, l'évêque aurait pu la décréter, la fusion, et avec toute l'autorité que la Loi sur les fabriques lui reconnaît.
Donc, dans la Loi des fabriques, il faut comprendre qu'il n'y a pas aucune obligation de l'évêque de consulter l'ensemble des paroissiens. Il n'y a pas d'obligation. C'est pour ça que c'est important, la Loi des fabriques, parce que cette loi-là a nié l'exercice du droit pendant 300 ans en l'espace de... La promulgation de cette loi-là, il y a eu un déni de propriété puis surtout du droit de consultation qui existait avant et qui, là, n'existe plus. Et on voulait vous présenter notre exemple parce que ce n'est pas un exemple problème, vous comprenez? Il n'y avait pas de raison problématique pour la fermer, cette paroisse-là, au contraire. Le seul problème qu'il y avait, selon le diocèse, c'étaient des prêtres, mais on avait l'argent pour en engager, des prêtres.
Le Président (M. Brodeur): On vous remercie énormément. C'est un exemple pratique qui est soumis à la commission, qui implique peut-être des éventuelles précisions sur les droits de propriété, sur peut-être aussi de mise en accent sur le concept d'appropriation. Donc, on vous remercie d'avoir enrichi la pensée de nos membres pour la réalisation du rapport final. Merci beaucoup de vous intéresser au patrimoine religieux.
Donc, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Il est 20 heures. Nous recevons Me Antoine Leduc. Bienvenue en commission parlementaire. Un bref rappel de la façon de procéder que nous avons: donc, vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire ou vos notes, ou de la façon dont vous voulez bien le présenter, et une période ensuite d'échange s'ensuit avec les membres de la commission. Donc, Me Leduc, la parole est à vous.
M. Antoine Leduc
M. Leduc (Antoine): Alors, merci beaucoup, M. le député de Shefford. Merci aux membres de la commission d'avoir accepté de m'entendre suite au mémoire que j'ai déposé. Ce soir, avec vous, brièvement, j'aimerais discuter d'un thème qui, me semble-t-il, n'est pas assez souvent abordé lorsque l'on traite des questions touchant l'avenir du patrimoine religieux. C'est celui de l'avenir de l'orgue et de ses artisans dans ce contexte-là, et il y a quelques éléments de réflexion qui, je pense, devraient être pris en considération.
Juste pour vous situer un peu, pour savoir à qui un peu vous avez affaire, je suis moi-même organiste. Je suis originaire de Saint-Hyacinthe, donc ça ne vous surprendra pas d'apprendre que non seulement, à Saint-Hyacinthe, on fait des orgues, mais on fait aussi des organistes. Alors, il y a depuis longtemps plusieurs facteurs d'orgues qui sont notoires et établis, dont la maison Casavant, mais il y en a plusieurs autres aussi.
Et j'ai eu le privilège d'étudier au Conservatoire de musique et d'art dramatique sous la direction de Gaston Harel et d'être aussi très proche de Raymond Daveluy dans ce domaine-là, et d'être par la suite impliqué dans le milieu musical québécois, non seulement dans le milieu de l'orgue, comme secrétaire du conseil d'administration de la Fédération québécoise des amis de l'orgue, qui est une organisation qui regroupe non seulement les facteurs d'orgues, les organistes, mais aussi tous les amateurs, et les mélomanes, et les sociétés de concerts qui sont dédiés à l'organisation d'activités liées à l'orgue... Et, à cet égard-là, j'ai plusieurs observations à vous faire, qui se fondent non seulement sur une expérience vécue comme organiste, mais aussi sur une expérience vécue comme organisateur de concerts ou comme membre d'une société qui représente des organistes. Mais je le fais évidemment, ce soir, devant vous, à titre purement personnel. Je ne représente personne.
Alors, comme je le disais plus tôt, l'orgue, à mon sens, n'est pas assez pris en considération. Il devrait l'être parce que, malheureusement ou heureusement, l'histoire de l'orgue, au Québec, est intimement liée et associée à celle de l'Église. La plupart des orgues qu'on a au Québec sont situés dans les églises, à peut-être une ou deux exceptions près où on a des orgues dans des salles de concert, contrairement à ce qu'on voit en Europe, où les salles de concert sont, la plupart du temps, toujours dotées d'un orgue. Ici, en Amérique du Nord, c'est plus rare. Il y a la salle Redpath de l'Université McGill qui a un orgue, mais à part ça il y avait la salle Claude-Champagne. Cet orgue-là va être démonté, à ce qu'on m'a dit. Il a été vendu. Apparemment que de toute façon ce n'était pas un orgue d'un intérêt assez considérable pour qu'on justifie de le conserver. Mais tout ça pour vous dire que les orgues sont dans les églises, au Québec, et il y a des pièces maîtresses de la facture d'orgues non seulement québécoise, mais aussi de la facture d'orgues étrangère... et c'est ce que je vais regarder avec vous.
Quand on parle de l'importance de l'orgue, c'est non seulement l'orgue lui-même qui est important en tant qu'instrument de musique, mais aussi au point de vue de la facture. Notre facture d'orgues, depuis très longtemps, peut-être parce que le Québec, et la Nouvelle-France avant, était une colonie avec une mission religieuse très forte... Les orgues ont été installés dès le début de la colonie ici. D'aussi loin qu'on se souvienne, on a fait venir des orgues de France, que ce soit à Québec ou à Montréal, et ça a été très important par la suite, tant et si bien que des facteurs d'orgues comme Casavant Frères aujourd'hui ou Fernand Létourneau sont reconnus, non seulement ici, mais dans le monde entier, comme comptant parmi les meilleurs facteurs d'orgues au monde. Alors, ce n'est pas rien.
Et, au-delà de ça, les organistes eux-mêmes occupaient une place prépondérante dans la vie musicale non seulement de leur collectivité, mais également dans la vie de la musique et de la culture au Québec. On pense à des organismes très prestigieux comme l'Académie de musique du Québec, qui administre le concours du Prix d'Europe, qui a toujours été, bien comment dire, sous la houlette d'organistes. Les Jeunesses musicales du Canada, Gaston Harel, c'est un organiste réputé, le premier président national de cette société-là. Raymond Daveluy a été directeur des conservatoires. Il a également formé une pléiade de musiciens. Qu'on pense à Jacques Lacombe, qui est le premier chef invité de l'Orchestre symphonique de Montréal, bien c'est un organiste de formation. Alors, pour vous dire que les organistes d'ici ont rayonné non seulement ici, mais à l'étranger. Ce n'était pas juste une carrière d'organiste d'église ou d'organiste liturgique, mais c'est une carrière qui a eu une importance dans le milieu musical et le milieu culturel. Et, aujourd'hui, bien, il y en a de moins en moins, puis on va voir tout à l'heure que leur sort à eux est également lié à celui du patrimoine.
Je voudrais dire deux mots sur l'importance de l'orgue dans la hiérarchisation que la commission est appelée à examiner dans la valeur des temples qui sont à conserver. Parce que je souscris, moi, à la proposition voulant que l'on ne pourra pas tout conserver. C'est la prémisse, à ce que je crois comprendre, sur laquelle la commission fonctionne. Donc, il faut faire un tri, il faut faire un inventaire. Et ce qui est vrai pour les églises est vrai pour les orgues. Ce n'est pas tous les orgues qui sont beaux, ce n'est pas tous les orgues qui méritent d'être conservés, et, à cet égard-là, ça prend un véritable travail d'experts qui devra être fait.
Et, pour ce qui est de l'inventaire, de la façon dont ça se fait actuellement, je sais qu'il y a plusieurs experts qui se sont penchés sur la question. Le professeur Marsan, aujourd'hui, dans Le Devoir, avait d'ailleurs un texte qui est, je pense, un résumé de son mémoire qui vous a été soumis. Le professeur Noppen aussi, dans son ouvrage, a longuement élaboré sur ce sujet-là, pour dire que finalement les critères et la façon dont l'évaluation a été faite, même si... Parce qu'il y a une évaluation, comme vous savez, qui a été faite par la Fondation du patrimoine, commanditée par le ministère de la Culture. Bien, la façon dont elle a été faite, c'est peut-être utile, mais on n'est peut-être pas allé assez en profondeur.
Et, moi, comme organiste et comme musicien intéressé à l'orgue, ce que je constate, c'est que, dans tous ces critères-là, l'orgue n'est jamais mentionné, et pourtant l'orgue requiert une expertise qui est toute particulière. Et, à cet égard-là, on ne peut pas demander à tout un chacun, malheureusement, de faire cette évaluation-là. Ça prend des facteurs d'orgues, ça prend des architectes parce qu'il y a un aspect visuel à l'orgue, pas seulement sonore, ça prend des ingénieurs en acoustique pour savoir quel est le vaisseau dans lequel l'orgue sonne. Alors, ce sont toutes ces composantes-là qui font qu'un orgue est intéressant et qu'un orgue est unique aussi. Même si on demandait à Casavant Frères de faire le même orgue, avec le même type de jeux, il ne sonnera pas pareil qu'on le place dans un endroit et qu'après ça on le déménage dans un autre, parce que l'orgue, contrairement à d'autres instruments ? c'est le cas pour tous les instruments, mais c'est encore plus vrai dans le cas de l'orgue ? est tributaire de l'acoustique dans laquelle il est installé. Et c'est pour ça qu'on dit que l'orgue fait corps avec le lieu dans lequel il se trouve.
Et c'est ma formation de juriste, là, maintenant qui va me faire parler. L'orgue, on a longtemps considéré que c'était un immeuble par destination parce que l'orgue fait corps avec l'église et qu'il assure la vocation culturelle de ce lieu-là. Alors, tout ça pour vous dire que, l'orgue, on le considère actuellement, au ministère de la Culture, comme un meuble, mais je pense que ce serait bien de le considérer différemment et ce serait bien aussi de faire en sorte que l'orgue soit un des critères prépondérants pour déterminer la hiérarchisation des temples. Par exemple, il y a des églises qui sont, à mon oeil de profane en tout cas, pour les autres questions, assez ordinaires mais qui comptent un orgue fabuleux avec une acoustique majestueuse.
Et l'exemple que je vous ai donné dans le mémoire, c'est l'orgue de l'église de l'Immaculée-Conception de Montréal, qui est un orgue construit par le facteur allemand Rudolf von Beckerath, en 1961, qui était installé là à ce moment-là. Alors, si on se fie au critère de l'ancienneté, tel qu'il a existé depuis des années, pour classifier les instruments, cet orgue-là ne pourrait pas l'être. Or, cet orgue-là a provoqué, avec celui de l'oratoire Saint-Joseph, qui est du même facteur d'orgues, une révolution dans les façons de faire dans la facture d'orgues ici, au Québec, qui, à ce moment-là, s'enlisait et qui avait atteint, selon certains experts, une certaine médiocrité. Alors, Casavant a changé ses pratiques. Ça lui a permis d'éviter la faillite, à un certain moment donné, et de retrouver l'excellence de ses pratiques telles qu'elle les avait dans le passé.
Alors, si les critères de l'ancienneté ou les autres critères de l'église devaient prévaloir, l'église de l'Immaculée-Conception ne serait jamais conservée, de telle sorte que... J'ai même constaté, en allant fouiller sur l'inventaire qui est disponible à la Fondation du patrimoine religieux, qu'on n'a même pas daigné classer cette église-là. Alors, c'est vous dire... C'est vous dire aussi l'importance de l'instrument. L'instrument a donné lieu à plusieurs manifestations musicales et artistiques d'envergure. Bernard Lagacé a enregistré deux fois l'intégrale Bach.
n(20 h 10)n Alors, je vais conclure parce que je sais qu'il me reste peut-être deux minutes pour dire...
Le Président (M. Brodeur): 24 secondes.
M. Leduc (Antoine): Alors, d'accord. Ce que je suggérerais, moi, à la commission, c'est de faire un inventaire détaillé des orgues et aussi, pendant le temps de faire cet inventaire-là, de faire un moratoire, de changer donc la législation, pour faire en sorte que les fabriques, les diocèses ne puissent changer le statut des temples tel qu'il existe actuellement jusqu'à temps que cet inventaire-là soit terminé, si le gouvernement veut prendre des actions pour établir une hiérarchisation et conserver un certain nombre de temples. Et après coup, bien, c'est à la doctrine française que j'adhère, moi. Je considère qu'on devrait nationaliser les plus beaux temples qui auront été identifiés. C'est sûr qu'on n'en conservera pas 3 000, mais, s'il y en a quelques centaines, ce serait ça, l'idée.
Alors, j'ai terminé à cet égard-là. J'aurais aimé dire quelques mots sur la situation des organistes, mais je le ferai peut-être si vous avez des questions à cet égard-là. Alors, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Fort intéressant. Première question que je me pose, on parlait... Vous me volez presque une question. Tantôt, vous avez parlé d'immeubles par destination, c'est-à-dire de: orgue, bien mobilier, ou orgue, bien immobilier puisque devenu immeuble par une destination? Ce peut être défendable. Vous me disiez qu'on le prend comme un bien mobilier, l'orgue. Est-ce que c'est ...
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Immobilier, pardon.
M. Leduc (Antoine): Bien, c'est-à-dire que, moi, je vous suggère que c'est un bien immeuble, sauf que, si on regarde dans la classification du ministère de la Culture, pour les orgues qui sont classés, c'est considéré comme des biens meubles.
Le Président (M. Brodeur): Des biens meubles.
M. Leduc (Antoine): Oui.
Le Président (M. Brodeur): La question: N'est-ce pas préférable qu'il soit considéré comme un bien meuble qui pourrait être déplacé, dans une église qui pourrait être réaffectée à autre chose? Donc, s'il reste un immeuble par destination, il devra être cédé légalement avec l'église, et légalement on ne pourra pas enlever cet orgue-là de l'église.
M. Leduc (Antoine): C'est clair que c'est une façon de voir la chose. Moi, je la regarde de l'autre bout de la lorgnette pour vous dire que c'est un critère pour conserver certains temples. Comme par exemple, prenons l'exemple de l'orgue de l'Imaculée-Conception. Si on fermait cette église-là... Il y a peut-être 100 fidèles par dimanche qui vont là. C'était une paroisse dont les Jésuites s'occupaient autrefois et puis qui n'a presque plus d'activités au point de vue liturgique. Si on déplaçait cet orgue-là ailleurs, ce n'est pas évident qu'il pourrait sonner aussi bien. Alors, il n'y a rien qui empêcherait d'en faire une maison de la culture sur le Plateau?Mont-Royal, et alors... Non, mais je sais qu'ils ne pourront pas tous faire des salles de concert, mais il y a des cas d'exception comme celui-là.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que chaque église possède un orgue présentement au Québec?
M. Leduc (Antoine): Pas nécessairement...
Le Président (M. Brodeur): Mais la plupart.
M. Leduc (Antoine): ...mais la plupart du temps, parce que c'était un signe de richesse. Plus vous reculez dans les paroisses éloignées, c'étaient des harmoniums, mais, quand on avait de l'argent ou qu'on voulait en tout cas mettre de l'argent, l'orgue, c'était un symbole de richesse pour les paroisses, et la plupart des paroisses en ont. Intéressants, ça, c'est une autre question.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci, M. le Président. Je voudrais peut-être revenir sur la question du rôle de la fondation. Vous avez parlé tantôt comme quoi, selon l'inventaire qui avait été fait, la fondation n'a pas été assez loin, selon ce que vous nous avez dit. Or, deux questions peut-être. C'est de dire: Jusqu'à où vous voulez qu'elle aille? De deux, vous voulez la voir modifier, vous voulez accroître son rôle, faire en sorte qu'elle puisse fonctionner. Là, je vois que c'est des nouveaux pouvoirs, plus de budget. En réalité, là, on va retourner toujours au même pot: il faut de l'argent. Alors, vous voyez ça comment?
M. Leduc (Antoine): Bien, écoutez, moi, quand je dis «la fondation», que ce soit la fondation ou une autre organisation, j'appelle à une modification du rôle de cet organisme-là pour prendre en charge l'avenir du patrimoine religieux. Alors, la fondation, c'est une organisation autonome qui ne relève pas nécessairement du gouvernement. Mais, dans l'optique où le gouvernement nationalise, entre guillemets, les plus belles églises et veut s'en occuper, alors, oui, je juge que la fondation, ou l'organisme qui la remplacerait, serait appelée à avoir des budgets puis des effectifs pour fonctionner convenablement.
Puis, en ce qui a trait à l'inventaire, de la façon dont il a été fait, bien ce n'est pas exagéré de demander qu'un inventaire des orgues soit fait, parce qu'à l'heure actuelle, là, il n'y en a pas, d'inventaire des orgues. Et l'inventaire, tel qu'il a été fait, des lieux de culte par la Fondation du patrimoine ne se souciait pas au premier chef de cette question-là. De telle sorte qu'on n'a pas d'idée de ce qu'est l'inventaire du parc des orgues au Québec, en ce moment. Et je pense que c'est une question assez fondamentale pour juger non seulement de la valeur d'une église, mais aussi de la valeur des instruments, si on veut les déplacer. À tout perdre, là, si on ne peut pas conserver l'église puis on peut l'installer ailleurs, dans une salle de concert, tant mieux. Mais, si on ne fait pas l'inventaire, on ne le saura pas. Puis ce n'est pas juste un inventaire quantitatif, mais c'est un inventaire qualitatif, donc il faut établir la qualité de ces instruments-là pour savoir desquels on peut se départir ou lesquels ont une certaine valeur et qu'est-ce qu'on peut demander pour. Et, à cet égard-là, bien ça prend des experts pour le faire, et ce n'est pas ce que la fondation a fait en ce moment, d'après ma compréhension en tout cas.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de... Oui?
M. Tomassi: ...
Le Président (M. Brodeur): Allez-y, M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Oui. Je comprends un peu la mission que vous voulez donner à cette fondation, mais je veux essayer de revenir, là, sur la question du budget en tant que tel. La fondation va avoir besoin d'un budget. On parle ici, là, de protéger un peu le patrimoine religieux, voir comment on peut y arriver, de quelle façon, de trouver une manière où est-ce que nécessairement, là, il faut qu'il y ait une entrée d'argent à un moment donné, là, veux veux pas. Je me dis: Si le gouvernement, là, on est conscient de la situation financière, là... puis ce n'est pas parce qu'on va faire des changements mineurs que l'argent va pousser dans les arbres, là.
Je me dis: Vous, là, en tant que tel, vous voulez dire: On reprend même les lieux de culte, on les prend sous notre aile? C'est tout l'autre aspect, là, l'aspect d'aménagement de la remise aux normes, que ce soit pour faire une toiture, la brique, la maçonnerie, les fenêtres, là. Il y a des belles églises où est-ce que ça coûte de l'argent, là. Les gens qui les ont construites, ils les ont très, très, très bien construites. Aujourd'hui, je ne pense pas qu'un être humain ou une entreprise se lancerait dans une aventure comme celle-là, parce que le travail qu'il y a là-dessus, la richesse, c'est impensable. Mais je me dis, moi, là: Selon vous, là, on les prend toutes à notre main, là? On fait quoi, là? On crée une nouvelle taxe? Il y a quelqu'un, à un moment donné, qu'il va falloir...
M. Leduc (Antoine): Bien, ça peut être une possibilité. Je sais que, dans le mémoire qui a été produit par la commission, ça faisait partie des questions qui étaient posées. Oui, c'est une possibilité. Mais, cela étant dit, ça ne veut pas dire, quand on prend en charge tous les temples, que ce sont tous les temples qui existent actuellement. D'où l'importance de faire l'inventaire pour essayer de réduire au strict nécessaire les temples qui seraient conservés et qui jouiraient d'une protection étatique ou législative. Évidemment, pour financer ça, c'est clair que l'argent ne pousse pas dans les arbres. Mais en même temps, si les monuments en question bénéficient d'une protection du gouvernement et qu'ils sont entretenus avec, comment dire, une fréquence assez régulière, il y a moyen de les maintenir sans que tout soit fait d'un coup.
En France, moi, ce que je sais, c'est que la plupart des temples sont la propriété de l'État. Et ça peut prendre 10 ans, 15 ans, par exemple, avant qu'un orgue soit restauré. On restaure un clavier, on restaure un jeu. Puis, à un moment donné, quand on a eu des fonds, quand l'argent rentre, quand le gouvernement en a, quand il y a des dons qui sont faits, il y a possibilité de financer ça sans que ça devienne un fardeau trop lourd. Et il y aura possibilité, sans que ce soit nécessairement juste par des taxes, de le faire aussi dans un concept de partenariat public-privé. J'imagine qu'il y a des collectivités qui voudraient mettre en évidence certains de ces monuments-là et s'associer au gouvernement pour le faire. Quelles sont les solutions que le gouvernement devrait explorer? Je pense qu'il y en a plusieurs, mais c'est clair que ça va prendre de l'argent, puis c'est une question de volonté politique à ce moment-là.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, félicitations pour ce beau mémoire. J'invite mes collègues qui ne l'ont pas encore lu à lire un mémoire qui est exemplaire par la qualité de son contenu, l'excellence de son français. Et c'est presque comme un article que vous pourriez publier dans une revue de droit, là, vous qui êtes juriste...
M. Leduc (Antoine): ...mes temps libres.
M. Turp: ...ce que vous voulez faire, là. Il y a quelques notes intrapaginales qui méritent d'être lues. En fait, c'est un très, très bon mémoire, et je crois que vous avez raison de souligner et de prendre le temps de venir dans cette commission pour nous parler de l'importance de l'orgue dans ce patrimoine religieux. On devrait être tellement fiers, au Québec, d'avoir ces grands facteurs d'orgues qu'ont été les Casavant et leurs successeurs. Je me rappelle d'avoir lu la belle histoire un peu romancée de Mathieu-Robert Sauvé sur les Casavant, là, et sur leur contribution vraiment exceptionnelle à l'histoire de la musique et du patrimoine religieux au Québec. Donc, vous avez tout à fait raison de souligner l'importance, à notre commission, de ce travail.
n(20 h 20)n Je vais vouloir vous donner l'occasion, alors sautez sur l'occasion, là, après avoir répondu à ma question, de parler du rôle des organistes parce que, si vous consacrez la dernière partie de votre mémoire à cette question... Mais vous parlez de Marie-Claire Alain, la grande organiste Marie-Claire Alain, et vous venez tout juste d'évoquer la situation en France. Est-ce qu'à votre connaissance l'État français, qui est effectivement propriétaire de cathédrales et qui a une politique dont on nous dit qu'elle n'est pas bonne pour le Québec... Autant les catholiques que les anglicans, ce matin, nous ont dit: Ce n'est pas ça qu'il faut, là, il ne faut pas nationaliser, comme vous le proposez, les temples ou les églises. Mais, s'agissant de l'orgue, est-ce que ce qu'a fait la France a eu un impact positif sur l'orgue comme élément du patrimoine religieux?
M. Leduc (Antoine): Sans hésiter... pardon, la réponse est oui. La réponse est oui parce que... Excusez-moi, je souffre d'un petit rhume en ce moment. La réponse est oui parce que les orgues appartiennent généralement aux municipalités quand on est en dehors des cathédrales. Et, quand on est dans les cathédrales comme Notre-Dame-de-Paris, bien c'est la mairie de Paris qui s'occupe non seulement de l'orgue, mais d'engager l'organiste, ce qui est un bienfait immense pour les musiciens parce que, chez certains clercs ou ecclésiastiques, on connaît bien la musique, mais malheureusement ce n'est pas le cas de tout le monde. Et ça permet aux organistes compétents d'être engagés sur concours, qui est organisé par les municipalités, et de vraiment pouvoir bien jouer. Ils sont rémunérés aussi par les municipalités. Je ne pense pas qu'ils gagnent des salaires faramineux, parce qu'ils ont d'autres activités, mais ils sont quand même payés. Et ça fait une grosse différence en France.
La situation des conservatoires, juste pour l'enseignement de la musique, est très différente. C'est encore l'État qui finance ça à 100 % là-bas, et on a estimé que c'était une décision qui était dans l'intérêt national de favoriser le développement des arts. Et, dans ce sens-là, les musiciens, en France, et les organistes ont une tribune et qui n'est pas nécessairement tributaire de la fréquentation des lieux de culte. Et, ici, en ce moment, bien, les organistes, de plus en plus, n'ont pas d'office à jouer. Et, quand ils ont des offices à jouer, je peux vous le dire d'expérience, on nous offre 35 $ la messe. Alors, si vous en avez deux par semaine, vous comptez sur une année, peut-être avec quelques funérailles, ça vous fait un salaire de 5 000 $ par année.
S'il n'y a plus personne qui est intéressé à l'instrument parce qu'on enseigne moins l'orgue qu'avant... Les collèges classiques avant avaient des classes d'orgue. Le séminaire de Saint-Hyacinthe, le séminaire de La Pocatière avaient des classes d'orgue. Ils ont formé des organistes qui ne devenaient pas nécessairement des musiciens professionnels mais qui après ça rayonnaient sur le territoire et étaient des musiciens compétents. Aujourd'hui, il n'y a même plus ce débouché-là pour les gens qui veulent faire carrière en orgue au Québec, et les récitals d'orgue se font de plus en plus rares. Alors, c'est comme un cercle vicieux, tout ça. Et les salaires qu'on donne aux musiciens, même si l'église est pleine, parce que les gens n'acceptent pas nécessairement de payer pour ce type de concert là... Quoique l'expérience peut varier. Si on va à l'oratoire Saint-Joseph, par exemple, ça se transforme en une autre expérience, et les gens acceptent, dans un tel temple, de le faire. Mais, si on va en région, on a des meilleurs cachets si on passe le chapeau à la fin de la soirée que si on demande un prix fixe.
Et tout ça pour vous dire que les organistes gagnent moins de 500 $ pour un concert. Alors, si vous en faites 10 par année, ça fait 5 000 $. Tout ça pour vous dire qu'on n'est pas ici pour se lamenter sur le sort des organistes. Moi, par exemple, j'ai fait autre chose. Je suis devenu avocat puis je gagne très bien ma vie. Sauf qu'à un moment donné je me suis rendu compte que je ne pourrais pas faire ce métier-là. Et je ne suis pas le seul. Je peux vous dire qu'à l'époque où j'ai étudié au conservatoire de Montréal, on était peut-être deux dans la classe, et les classes ne sont plus très nombreuses. Et les musiciens n'ont pas de débouchés en ce moment.
Et je pense que, si l'État veut faire quelque chose sur le patrimoine, puis je conclus là-dessus, il faut mettre en valeur ce patrimoine-là. Alors, c'est impensable qu'on restaure des orgues, puis il y a des millions qui ont été donnés, des centaines de milliers de dollars, parce que les orgues coûtent très cher, et on n'a pas d'argent pour payer l'organiste qui va jouer dessus, alors que les musiciens ont des formations aussi longues que n'importe quel autre type d'études puis ça coûte généralement aussi cher.
M. Turp: J'ai évoqué, ce matin, avec Mgr Turcotte, l'exemple de l'église Saint-Jean-Baptiste, qui est d'ailleurs dans ma circonscription de Mercier, qui a un orgue magnifique, qui est d'ailleurs un des lieux où on fait de ces récitals d'orgue et concerts. Et le diocèse a fait une démarche qui visait à offrir au conservatoire l'église. Il était disposé à lui vendre pour 1 $. Et, à un moment donné, ça a choppé parce que le conservatoire... Mme Lagacée, Isolde, fille d'un grande organiste, a dit: Regardez, il va falloir faire des changements majeurs devant cette église, et donc ce n'est peut-être pas évident, là, qu'on peut même accepter votre offre parce que vous ne voulez pas qu'on fasse ces changements majeurs.
Alors, comment résoudre cela? Parce que ce serait extraordinaire, pour un conservatoire, d'avoir cet orgue aussi et de pouvoir former les classes d'organistes. Alors, pour vous, si je comprends bien, une église comme Saint-Jean-Baptiste devrait être nationalisée. Ça aurait comme conséquence de la remettre dans les mains de l'État ou de la ville de Montréal, par exemple, et d'offrir un avenir un peu plus radieux à son organiste.
M. Leduc (Antoine): Oui, absolument. Quoique l'organiste de Saint-Jean-Baptiste n'a pas de difficulté à gagner sa vie parce qu'il fait bien des choses, c'est un musicien actif. Mais c'est une tribune tellement importante et c'est une église tellement importante... Il n'y a pas seulement qu'un orgue, il y en a trois dans cette église-là. Il y en a un dans la chapelle, en arrière, il y a un orgue de choeur et il y a un orgue à l'arrière, qui est le grand orgue. Et c'est dommage parce qu'à une certaine époque il y avait peut-être 3 000 fidèles par dimanche qui se déplaçaient là. Et, le sachant pour avoir été moi-même organiste auxiliaire dans cette église-là il n'y a pas tellement longtemps, quand on joue les dimanches, sauf si c'est pour des concerts, il y a 50 personnes.
Alors, c'est clair que c'est une église avec laquelle on pourrait faire quelque chose, qui est au coeur du plateau, qui a une tradition culturelle. Les orchestres, l'Orchestre symphonique de Montréal, l'Orchestre métropolitain vont là très régulièrement. Alors, je ne sais pas de quelles modifications Mme Lagacé parlait, si ça impliquait une reconfiguration de l'immeuble, mais celui-là, à mon sens, ça fait partie des temples qui ont une valeur non seulement au point de vue de l'orgue, mais, à mon oeil de profane, pour les questions architecturales, qui ont été reconnues par d'autres, qui devraient être conservés comme tels. Et ça, c'est un parmi je ne sais pas combien et c'est là que le travail de l'inventaire compte et est important.
Évidemment, tout cet exercice-là est important dans la mesure où l'État est à la recherche de solutions, dans la mesure où l'État veut s'impliquer. Et puis je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui a d'autres questions, mais juste pour vous dire, suite aux commentaires que vous avez faits des représentations que vous avez eues, ce matin, du clergé, je ne suis pas surpris outre mesure, et cette tendance-là a d'ailleurs été relevée par le Pr Noppen dans son livre. Je suis sûr qu'il va venir vous en parler beaucoup plus éloquemment que moi demain, mais je joins ma voix à la sienne pour dire que ce n'est pas ce qu'il faut écouter, que la solution française a fonctionné, que c'est un précédent qui nous montre qu'il y a possibilité de conserver les biens, les biens qui ont été légués par les générations précédentes, sans que ça devienne un fardeau qu'il ne soit pas possible de rencontrer maintenant, aujourd'hui.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, Me Leduc. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons. Merci de l'intérêt que vous portez à ce patrimoine religieux là. Et je vais suspendre quelques instants pour permettre au Groupe immobilier Prével de s'installer.
(Suspension de la séance à 20 h 29)
(Reprise à 20 h 30)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous sommes maintenant prêts à accueillir notre prochain invité, le Groupe immobilier Prével, représenté par M. Jacques Vincent. Bienvenue en commission parlementaire, puisque vous êtes, comme au parlement, en commission parlementaire. Je vous explique brièvement la règle de la commission pour ce soir. Vous avez un maximum de temps de 10 minutes pour présenter votre mémoire ou vos propos, que nous avons déjà reçus, en commission parlementaire, par écrit. Donc, vous avez une période maximum de 10 minutes, qui est suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Groupe immobilier Prével inc.
M. Vincent (Jacques): Merci. On sait que beaucoup de sites, bon, à caractère religieux vont devenir disponibles, dans les années qui viennent, face à la désaffection de ces sites-là. L'État a des ressources limitées et, pour ces ressources, il a de grandes priorités, que ce soit la santé ou l'éducation. Il faut donc trouver des nouvelles avenues pour protéger et conserver notre patrimoine religieux, et nous croyons que le privé fait partie de la solution.
Notre expérience de promoteur nous a démontré que le critère financier est souvent occulté par les débats concernant la protection et la mise en valeur d'une propriété religieuse. Actuellement, le classement des biens religieux s'appuie principalement sur la valeur historique, la qualité architecturale, l'intégrité de l'ensemble immobilier et l'appropriation par la communauté. Comme je l'ai dit, les ressources financières, tant des communautés religieuses que du gouvernement, s'amenuisent, et, plus ça va aller, face au patrimoine important qui va arriver sur le marché... C'est quelque chose qui ne fonctionne plus, c'est un déséquilibre qui soulève des questions économiques importantes.
Il apparaît évident que le classement des biens religieux doit intégrer la notion d'investissements nécessaires pour leur conservation. Il s'agit de distinguer, d'une part, ce qui est d'intérêt primordial, pour lequel nous sommes collectivement prêts à payer pour maintenir l'intégrité du bien, et, d'autre part, ce qui peut être reconverti afin de conserver certaines caractéristiques exceptionnelles du lieu tout en le transformant. Ce dernier peut donc faire l'objet d'un projet privé soumis à certaines règles d'aménagement. Un tel classement implique que la population fasse des choix préalables en connaissance de cause. Ces choix collectifs feront alors l'objet d'un consensus qui évitera de retomber dans le phénomène de réaction populaire où l'opposition à tout projet constitue l'unique mantra de la protection du patrimoine.
Quant au rôle des différents intervenants dans ça, nous souhaitons une approche cohérente envers tous les intervenants, qui va faciliter les démarches dans le quotidien de ceux qui interviennent à chaque niveau. Les autorités publiques ont le devoir d'établir un processus de concertation qui permet d'offrir des directives claires aux différents intervenants. Il est prioritaire de faciliter l'interaction des niveaux de gestion municipaux avec les autres paliers gouvernementaux. Il ne faut pas multiplier les interlocuteurs en matière de patrimoine, plutôt établir des règles consensuelles afin de favoriser des procédures simples, limpides et transparentes.
Le patrimoine participe à notre culture collective. Il appartient donc à tous les acteurs de la société de trouver des solutions pour le protéger et le mettre en valeur. Dans un processus de classement, c'est tous les membres qui doivent se prononcer, mais se prononcer avec le réalisme économique qui doit l'accompagner. Les communautés religieuses méritent aujourd'hui de retirer certains bénéfices des établissements qu'elles ont érigés ou entretenus. Ces biens témoignent, entre autres, du rôle central qu'elles ont tenu dans l'éducation et dans les soins de santé au Québec. D'une certaine façon, nous sommes redevables envers ces communautés.
Les investisseurs privés et les citoyens sont à la source de la sauvegarde du patrimoine. Leur intérêt représente l'ampleur des moyens et des solutions que nous pouvons développer. Ils peuvent contribuer directement à la mise en valeur des biens. Suite à l'acceptation collective d'un classement, les autorités publiques doivent élaborer des règles d'encadrement et d'accompagnement qui favorisent l'action du milieu. À cet égard, les citoyens ne peuvent pas uniquement assurer un rôle d'opposants. Ils doivent s'engager dans la mise en valeur en entérinant des objectifs cohérents de reconversion pouvant être soumis par les promoteurs privés. La reconversion d'un site est une forme de conservation du patrimoine. On n'est pas obligé de garder son aspect antique... l'aspect de l'ancien. Le reconvertir, c'est le conserver. Pour mettre en valeur la catégorie de biens patrimoniaux pouvant être reconvertis, il faut que les autorités publiques offrent un support aux promoteurs privés, non pas en subsides, mais plutôt en simplifiant le processus d'approbation des projets.
Quant aux règles, les règles attenantes au patrimoine ne doivent pas être perçues comme un obstacle mais plutôt comme un moteur à leur réalisation. Il s'agit de simplifier les règles plutôt que de les multiplier. Les lois et les règlements doivent s'établir en concordance afin de faciliter l'encadrement des moyens d'action. Dès les prémisses d'une requête d'intervention sur un bien religieux, les autorités municipales doivent pouvoir facilement maîtriser les règles afin de les exposer clairement aux intervenants et de faciliter leur cheminement.
Rappelons que le patrimoine ne consiste pas à s'émouvoir sur les ruines d'architectures antérieures, mais, comme Jean-Claude Marsan l'a déjà mentionné, le patrimoine constitue davantage un levier pour témoigner de l'identité des communautés et protéger les ressources par respect pour les générations futures. Les lois et règlements ne doivent donc pas fossiliser le patrimoine mais favoriser son évolution et sa survie. À cet égard, il est inacceptable que l'absence de positionnement sur certains biens religieux se transforme en expropriation déguisée où l'entretien et la prise en charge d'un bien sont écartés au profit du laisser-aller. Les communautés religieuses n'ont pas, à elles seules, à payer le prix de la sauvegarde d'un patrimoine que l'on estime collectif. Au-delà des lois et des règlements, l'inertie décisionnelle constitue une menace sérieuse à la protection du patrimoine.
Quant aux types de projets pouvant être d'intérêt à reconversion, nous, nous sommes une entreprise qui avons des opérations résidentielles. Nous pensons qu'il y a beaucoup d'ensembles conventuels qui se prêtent très bien à cette nouvelle vie, pas à les conserver tels qu'ils sont, mais à une nouvelle vie. Nous avons tenté par le passé à quatre reprises la reconversion d'ensembles conventuels. Ces endroits constituent des espaces résidentiels traditionnels qui favorisent le partage d'espaces communs. Ils sont logiquement faciles à convertir en logements. Ils constituent pour nous des espaces extraordinaires qui favorisent la réalisation de projets originaux. Malheureusement, nous n'avons jamais pu en faire la démonstration, puisque ces projets se sont butés à divers problèmes lors des processus de réalisation. Généralement, nos intentions de reconversion ont été systématiquement bloquées, sans même que les qualités du projet eurent été évaluées. Pourtant, le monastère du Bon-Pasteur, à Montréal, a fait la preuve de ce potentiel de reconversion dans les années quatre-vingt.
Il y a plein de projets, dans d'autres pays, où il y a des reconversions. Et peut-être attirer votre attention sur un projet que l'Espagne et le Portugal ont mis de l'avant, des projets de reconversion très intéressants d'ensembles conventuels. Les dirigeants de ces pays avaient pris l'initiative d'investir dans la mise en valeur des immeubles religieux, les transformant en auberges qu'on appelle les «paradores» ou les «pousadas». Ils ont par la suite cédé ces propriétés au domaine privé de l'hôtellerie. Aujourd'hui, l'Espagne et le Portugal profitent d'un réseau de gîtes qui révèlent la richesse de leur patrimoine religieux et en font leur fierté au niveau du tourisme selon... Ces «paradores» et ces «pousadas» font partie de leur identité touristique.
En conclusion, des règles claires, un réalisme financier pour intégrer le privé à la protection du patrimoine religieux. Je vous remercie.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Fort intéressant. Fort intéressant d'avoir un promoteur ici, parmi les gens qui viennent émettre leur opinion ici, en commission parlementaire. Donc, c'est fort intéressant. Je crois présentement que vous avez déjà réalisé des projets à partir de... on dit «recycler» du patrimoine religieux. Vous l'avez... Oui.
M. Vincent (Jacques): ...recyclage, on a tenté de faire beaucoup de patrimoine religieux. Le seul qu'on a réussi, c'est le recyclage industriel. On a plusieurs projets qu'on est arrivés à recycler, industriels, en conservant l'aspect patrimonial des industries, mais, dans le patrimoine religieux, on n'y est jamais arrivés.
Le Président (M. Brodeur): C'est certain... Vous disiez tantôt que vous vouliez avoir des directives claires. C'est l'objectif de la commission parlementaire de proposer justement des critères clairs pour permettre la préservation du patrimoine religieux. Donc, nous avons déjà dit et émis l'opinion à plusieurs reprises que nous ne pourrons pas tout conserver, mais il faudra conserver la partie patrimoine religieux à valeur architecturale historique.
n(20 h 40)n Comment pouvez-vous concilier... Parce que vous dites que vous avez eu beaucoup d'opposition. Est-ce que vous avez fait des propositions sur des monuments qui impliquent ces critères-là, soit un patrimoine historique, un patrimoine architectural, artistique, ou ne devrait-on pas se contenter, dans la construction, par exemple lorsque vous parlez de transformer peut-être en immeubles à condos ou d'autres immeubles de ce genre-là, de se concentrer sur des biens religieux qui ne seront pas préservés par une politique à intervenir ou à faire par le gouvernement du Québec? Est-ce qu'on ne devrait pas distinguer le patrimoine qui n'est, disons, pas classé architectural, ou historique, ou artistique, et permettre simplement, dans ces bâtisses-là, la reconversion en condominiums?
M. Vincent (Jacques): Nous, on est tout à fait d'accord. C'est justement, quand on dit qu'on veut des choses claires, que l'État se prononce de faire un inventaire, de faire une classification puis qu'on nous dise: Tel bâtiment, telle place, il est classé protection, on veut le protéger, puis on veut le garder tel quel, puis on va payer pour, je pense que c'est ce qu'il faut que ça dise aussi. Parce que je faisais état qu'on ne peut pas demander aux communautés religieuses de supporter ça. Donc, qu'on dise: Nous, on pense que le bâtiment numéro untel a une valeur patrimoniale tel qu'il est, on veut le garder comme ça, on est prêts à payer pour. Donc, nous, comme promoteurs, laissez-moi vous dire qu'on ne touchera pas à ça avec... on va s'éloigner de ça.
Mais, d'autre part, il y a peut-être une deuxième partie. Il y a du patrimoine qui peut être intéressant, mais que l'État ne veut pas payer pour. Bien, si l'État ne veut pas payer pour, qu'on analyse et puis qu'on dise, par exemple, de changer un couvent, hein, qui a déjà une vocation résidentielle, si on garde l'intégralité du bâtiment, on garde certains espaces communs, de le conserver, de le transformer en une autre forme d'habitation, je pense qu'on pourrait conserver le patrimoine et, par le fait même, avoir des ressources du privé. Puis, quand on dit «le privé», c'est les promoteurs puis les citoyens qui vont venir demeurer dans ces lieux-là, et on a protégé le patrimoine. Puis, dans la deuxième catégorie, on est prêt à faire ça à l'intérieur de certaines règles. On ne demande pas un «free-for-all», n'importe quoi. Il y a certaines règles pour préserver cet esprit du patrimoine là.
Il y a une troisième catégorie où l'État dit: Nous, là, ça, c'est d'aucun intérêt, on ne touchera jamais à ça. Puis on s'engage... Je dirais qu'il y a un engagement à dire: On ne classera jamais ça. De sorte qu'à un moment donné, pour le citoyen, il ne se battra pas pour aller demander à l'État, qui ne lui répondra pas, de dire: Oui, on est prêt à le classer ou pas. Mais, le citoyen, ça va être clair pour lui qu'il n'aura pas d'argent de l'État de cette façon-là. Le citoyen, à ce moment-là, s'il veut le garder, ce bâtiment-là, si c'est dans son quartier puis ça l'intéresse, on fera un référendum et, dans le quartier, on dira... les citoyens viendront dire: Oui, on veut garder ce bâtiment-là. Et, sur le bulletin de vote, ce sera marqué: Oui, on veut le garder, mais on va vous charger 500 $ de taxes par année pour le garder, oui ou non, si c'est le cas. Ce sera peut-être 200 $, ce sera peut-être 300 $. Le réalisme économique. Le citoyen n'est pas là juste pour dire non, il est là pour: Oui, je veux le conserver, mais je mets mon portefeuille, j'accompagne mon portefeuille à ce que je dis. Ça, c'est un réalisme économique.
Mais, pour revenir à votre question, la première, fondamentalement qu'il y ait un classement, qu'il y ait des bâtiments qu'on dit: On les conserve, c'est tout à fait logique. Mais, je répète, il faut mettre l'argent qui va avec ça. Si on ne met pas l'argent, ce n'est pas un classement. On ne peut pas demander aux communautés religieuses de supporter ça.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Non, ça va. Moi, c'est pas mal répondu. Est-ce que tu aurais une question?
M. Tomassi: Oui.
Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Vous parlez... Vous avez nécessairement eu des mauvaises expériences, là, dans plusieurs de vos projets. Le dernier en ligne, ce doit être le projet des carmélites à Montréal. Vous avez fait mention tantôt de quatre autres projets qui ont subi le même sort, une opposition peut-être et des citoyens et peut-être la ville de Montréal ou le ministère de la Culture, là, pour le classement qu'ils avaient. Vous les avez laissé tomber à l'eau? Vous n'y allez plus? De un. De deux, est-ce que plus la ville de Montréal que le ministère de la Culture ou vice versa? Où est votre difficulté, là?
En temps et lieu, là, je sais que la population, elle peut prendre position, là, même si ça n'a aucune valeur patrimoniale. Tantôt, on a eu un exemple, là, des gens de Longueuil, où est-ce que leur église n'a aucune valeur patrimoniale, à part peut-être de l'orgue qui était de 1914, sauf qu'ils s'opposent aussi à la fermeture de leur église. Mais, au-delà des citoyens, votre difficulté, c'est-u plus vis-à-vis la Culture... Montréal, ou bien la question du ministère de la Culture et la non, peut-être, compréhension ou la mauvaise interprétation ou définition que chacun d'entre eux en fait, là?
M. Vincent (Jacques): Disons que ça n'a pas toujours été à cause d'un refus. Des fois, c'est un... Qu'on parle de Saints Noms de Marie et Jésus, il y a eu un appel d'offres, oui. Ça avait été offert à l'Université, d'abord, de Montréal. L'Université de Montréal a dit: Non, on n'en veut pas. Il y a eu un appel d'offres. On est embarqués dans l'appel d'offres, et, lorsqu'on est arrivés à l'aboutissement, l'Université de Montréal a dit: Bien, on ne peut pas laisser aller ça, à bien y penser, on devrait probablement le prendre. Bon. Je trouve que ça, c'est un processus qui devrait être clair à un moment donné. On l'offre d'abord... puis on est tout à fait d'accord avec ça, on ne veut pas prendre la place de d'autres. Mais, le jour où on nous implique dans le processus, respectons-nous, respectons ceux qui sont... On a mis beaucoup d'énergie dans la préparation de ce projet-là, pour que l'Université de Montréal vienne dire après ça: Non, on n'y va plus. Ça fait que ça, c'en est un, exemple.
Il y a eu un autre exemple où il y a eu une autre institution, mais, dans le processus, ça n'avait pas été fait au départ. Puis on est prêts... comme promoteurs, on est prêts à accepter des règles, qu'il y ait des changements, qu'il y ait des risques, ça fait partie de notre métier ? à chaque fois qu'on nous fait une proposition, elle ne fonctionne pas ? mais avec des règles claires puis des règles du marché. Si on prend... On est intervenus sur le Monastère du Précieux-Sang. Il y a eu une certaine opposition du milieu. Je pense qu'aujourd'hui la proposition qu'on a faite... et je ne veux pas critiquer mes confrères qui ont fait ce projet-là, mais notre proposition était d'une valeur, d'une qualité supérieure, pas parce qu'ils ont mal fait les choses, ne serait-ce que parce que, nous, on conservait l'entité complète, on conservait complètement le monastère. Aujourd'hui, il y a la moitié du monastère qui est détruite. Après, ça a fini par se passer plus tard. Mais ça, c'en est un, exemple de dire: Il y a quelqu'un qui ne s'est pas prononcé de façon claire au début, de dire...
Bon. Des fois, c'est peut-être... Dans le cas des carmélites, si l'État venait nous dire clairement aujourd'hui: Oui, on le classe ou, non, on ne le classe pas, on aurait aimé mieux que ça se fasse avant qu'on embarque. Nous autres, on avait compris, avant qu'on s'embarque dans ça, qu'il n'y avait pas de classement dans l'air, ou quoi que ce soit. Mais, le jour où ça se prononcerait rapidement, si c'est un oui, on classe, et puis, bon, bien, nous autres, on n'a plus d'affaire là puis on s'en va, puis c'est fini, si c'est un classement de le garder dans son intégralité. Si on ne le classe pas, bien, à un moment donné, on peut continuer à intervenir, discuter avec les citoyens. Aujourd'hui, notre projet est comme... n'est pas accueilli par les citoyens parce qu'on a toujours l'espoir du classement, donc on ne veut même pas écouter, regarder puis analyser notre projet.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Ça tombe bien, ce projet est dans ma circonscription, et, juste pour assurer la transparence des choses, moi, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer M. Vincent. Mais, pour plus de transparence encore, moi, je fais partie d'une coalition qui s'oppose à la reconversion du monastère en condominiums, comme le suggère le Groupe Prével, et j'ai quand même... Je pense qu'il y a... il faut dire que... Et je crois que notre présence ici en est une qui tient compte de vos préoccupations. La lourdeur bureaucratique, les délais de classement sont tels que les investisseurs privés quelque part veulent peut-être même profiter de cette espèce d'espace qui leur est donné parce qu'il n'y a pas de classement et parce que ça prend du temps, puis on espère qu'il n'y en aura pas, et on est dans une situation où on voit un monastère qui va devenir un lieu extraordinaire de reconversion puis permettre à une entreprise comme la vôtre de faire de bonnes affaires.
Mais je vous suis un peu moins, par exemple, quand vous dites: Oh! On n'a jamais pu évaluer la qualité du projet, hein? Moi, je ne l'ai jamais vu, votre projet. Vous êtes venu à mon bureau, vous avez dit: Non, je ne peux vous le montrer. Puis les gens ne l'ont pas vu non plus. Et alors, moi, là, je ne suis pas capable d'évaluer la qualité de votre projet parce que vous le gardez secret. Alors, si on reproche un certain manque de clarté des règles du gouvernement, on peut peut-être reprocher un certain manque de transparence d'un investisseur privé qui garde ses cartes près de sa veste, là, pour des raisons qui parfois échappent aux gens qui veulent évaluer un projet.
Alors donc, moi, je veux savoir, là: Même si les règles du jeu sont plus claires, là, est-ce qu'un investisseur privé comme vous, vous allez accepter la contrepartie de la transparence et de montrer aux citoyens puis au milieu ce qu'est un projet et qu'est-ce qu'on veut faire précisément avec un ensemble conventuel comme le monastère ou avec d'autres ensembles conventuels qui ne seraient peut-être pas classés?
n(20 h 50)nM. Vincent (Jacques): D'abord, pour le fait qu'on n'ait pas voulu vous montrer le projet, le minimum, c'est de le montrer aux intervenants qui reçoivent le projet, qui est la municipalité, qui est l'arrondissement. L'arrondissement n'était pas prêt à recevoir notre projet face au mouvement qu'il y avait. Ils nous ont demandé, et on a accepté avec, je pense, beaucoup de grâce, de laisser de la place au milieu. Je pense que ce n'est pas le temps de venir déposer un projet public quand on laisse la place aux citoyens de se prononcer puis la place de faire autre chose avec le monastère. Ça aurait été très malhabile. Donc, moi, je pense sincèrement que le fait de ne pas soumettre notre projet, ce n'est pas par obscurantisme et par malveillance face aux citoyens. Au contraire, ça a été parce qu'on nous a demandé de donner une chance à faire autre chose avec ce projet-là. C'est pour ça que notre projet n'a pas été sur la table. Donc, au départ, là, je voudrais qu'on mette les choses claires. Ça, je trouve, c'est important que ce soit dit.
Moi, je vous dis, quant à votre question sur le fait de mettre notre projet public: Nous, là, on est prêts à le mettre public, mais soyez prêts à le recevoir au niveau de la communauté, mais le jour où il y aura des règles claire. Puis les règles claires, je pense que je me répète, ça veut dire qu'on sait ce qui est classé, que le gouvernement paie, on sait qu'il y a des projets qu'on veut conserver, des choses qui seraient faites en partenariat avec le privé, puis on sait qu'il y en a d'autres qui ne seront pas classés, que ce soit une règle ferme, qu'elle ne change pas à tous les jours. Ça, le jour où il y a ça, puis on va arriver dans un... on n'ira pas dans celui qui est classé, que le gouvernement veut garder, veut payer. Dans le deuxième, où on va dire: On veut le garder puis on veut qu'il y ait des choses qui soient conservées, on va participer avec le milieu, avec tout le monde, de façon évidente parce que ce sont les règles du jeu. Quant à la troisième partie, si ce n'est d'aucun intérêt patrimonial, je pense qu'on devrait laisser ça au libre marché, comme autre chose.
M. Turp: Est-ce que vous pensez que le fait d'avoir des règles plus claires, que les classements se fassent de façon plus rapide va résoudre le problème, va résoudre vraiment le problème? Ou est-ce que vous ne profitez pas, là, maintenant, d'une espèce de situation de flou mais tout en constatant qu'à chaque fois que vous faites un projet il y a une mobilisation citoyenne pour vous empêcher de faire un projet? Parce que peut-être, dans l'opinion publique, chez les citoyens, on ne veut pas que des ensembles conventuels soient transformés en condominiums, on veut qu'ils...
M. Vincent (Jacques): Je reprends mon exemple. Le couvent Saint-Isidore est démoli aujourd'hui. Le Précieux-Sang est démoli à moitié. Peut-être qu'il y a des situations comme ça, mais je vous dis qu'il faut chercher de nouvelles avenues. Si on garde cette avenue-là, avec tout le patrimoine qui s'en vient sur le marché, il n'y en aura plus tantôt de patrimoine religieux à sauvegarder, il va tout être à terre. C'est ça que je vous dis.
Aujourd'hui, moi, je ne pense pas que je suis chanceux d'avoir un flou. Je suis plutôt malchanceux d'avoir un flou parce que je dépense plein d'argent pour rien alors que j'arrive dans cette avenue-là de façon très bien intentionnée de faire bien les choses. Puis la preuve, je pense, c'est la démarche qu'on a faite avec la communauté de se retirer puis leur permettre de faire autre chose. Je pense qu'on a démontré une bonne foi évidente dans ça. Mais, moi, ce que je veux... Les règles, c'est sûr qu'on va les jouer si elles sont claires. Si on nous dit: C'est classé, on n'y va pas, on ne travaillera pas là-dessus, puis ça va être fini. Si, au centre, on dit: Oui, on est prêt à recevoir des projets, on va y aller puis on va jouer la règle. C'est clair, clair que... Mais ce n'est pas de le classer à tout moment. Je pense qu'un jour il y a un inventaire du patrimoine religieux au Québec qui s'établit puis il y a une certaine rigidité, il ne change pas au gré du vent, comme une feuille, n'importe quand. Le jour où il est bien établi, ce patrimoine-là, qu'on prenne le temps qu'il faut, un an, deux ans, trois ans à le faire, mais, le jour où il est établi, on s'y tient. Puis, comme je vous donnais comme exemple, s'il y a du monde qui veulent le changer, bien il y a un aspect financier qui est relié à ça.
M. Turp: Qu'est-ce que vous diriez si la règle devenait comme en France, où on nationalise les lieux de culte, ils deviennent la propriété... ou sont administrés par l'État? Est-ce qu'un entrepreneur privé comme vous a une objection à une solution du type français, par exemple?
M. Vincent (Jacques): Moi, le jour où l'État... Le mot «nationaliser», je ne sais pas qu'est-ce qu'il veut dire dans votre bouche. Moi, je pense que vous ne pouvez pas exproprier indûment les religieuses. Si vous leur payez la juste valeur, vous prendrez leurs biens. Mais ça, pour moi, il n'y a pas une règle plus claire que ça: l'État, il l'a acheté, le monastère, je n'aurai jamais d'ambition d'aller travailler dessus. Mais je sais que l'État ne pourra pas tous les acheter, tous les acheter, les monastères. Donc, à un moment donné, il va en rester, puis ce que je demande à l'État, c'est: Celui-là, vous le trouvez moins intéressant, dites de façon claire: Oui, toi, du privé, tu peux y aller, avec des conditions de transformation ou dans un marché libre. C'est ce que je demande. Donc, votre position de dire «l'État nationalise», je ne pense pas que l'État va tout nationaliser. Il va nationaliser les choses fondamentales. Ça revient à ma première proposition: un classement avec l'argent qui va avec. La nationalisation, c'est ça, pour moi. Moi, je suis tout à fait d'accord avec ça mais clairement: C'est fait, ça, on dit: C'est nationalisé, on n'y touche plus.
Le Président (M. Brodeur): Merci de votre intervention. Je rappelle aux membres de la commission que nous sommes ici pour entendre chacun des groupes et pour donner un rapport final qui nous permettra de donner une opinion basée sur des mémoires et sur les commentaires qu'on nous aura faits. Donc, je vous remercie beaucoup, M. Vincent.
Je vais suspendre quelques instants, le temps qu'Écomusée de l'au-delà s'installe.
(Suspension de la séance à 20 h 57)
(Reprise à 20 h 59)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes maintenant prêts à entendre l'Écomusée de l'au-delà. Je vous rappelle brièvement les règles. J'imagine que vous les connaissez déjà pour avoir assisté aux mémoires précédents. Donc, vous avez un maximum de 10 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon que vous le jugerez à propos, qui sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Étant donné que vous êtes trois personnes, je vous demanderais, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous identifier avant de prendre la parole définitivement pour la présentation de votre mémoire.
Écomusée de l'au-delà
M. Beaudin (François): Alors, mon nom est François Beaudin. Je suis le président de l'Écomusée de l'au-delà.
M. Tremblay (Alain): Alain Tremblay. Je suis le directeur de l'Écomusée de l'au-delà.
M. Décary (Jean): Jean Décary, urbaniste à la retraite de la ville de Montréal. Et j'avais fait le plan de mise en valeur du mont Royal, ce qui m'a amené à m'associer à l'Écomusée pour la question des mausolées.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. La parole est à vous.
M. Beaudin (François): Merci, M. le Président, de nous avoir invités à cette rencontre. L'Écomusée de l'au-delà, signataire de ce mémoire, a été fondé en 1991 et s'est donné pour objectif de promouvoir la connaissance, la conservation et la restauration des cimetières de même que le développement des nouvelles formes de sépulture et de commémoration des défunts. L'organisme souhaite par ailleurs susciter la participation et l'engagement des individus, des familles, des associations et des autorités dans la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine en cherchant à accorder modes de sépulture et de commémoration et développement durable.
n(21 heures)n La sépulture est l'une des grandes manifestations de l'humanité. Au Québec, mis à part les pratiques amérindiennes, les premiers cimetières remontent bien sûr au tout début de la colonisation. Le musée de la Pointe-à-Callière en est la preuve. Artistes populaires ou reconnus concrétiseront, au fil des ans, le langage symbolique de la mort dans des enclos paroissiaux ou dans toutes sortes de milieux ou d'immeubles où les restes humains seront conservés. Les cimetières-jardins des grandes villes sont les dépositaires d'oeuvres d'art, la plupart du temps en bronze, signées par de grands artistes. Ces monuments ont une valeur patrimoniale à définir, mais tout lieu de sépulture, même le plus simple, est par définition un site à valeur patrimoniale. La valeur première et intrinsèque de tout cimetière est liée à la présence mémorielle des morts, au culte des morts et des ancêtres. Dans toutes les sociétés, c'est l'une des grandes valeurs humaines et sociales.
Le caractère patrimonial de plusieurs lieux de sépulture réside également dans l'aménagement paysager des cimetières-jardins, dont le concept signifie que la nature y joue un rôle prépondérant et occupe une place aussi importante que celle des monuments, établissant un bel équilibre entre le végétal et le minéral, entre culture et nature. La valeur artistique de certains cimetières quant à elle est reliée à l'importance des artistes et des artisans et à la valeur esthétique des monuments. Ces oeuvres d'art donnent de plus aux sites funéraires une fonction muséale, un musée sans murs ? c'est le sens de l'écomusée ? dont tous peuvent tirer gracieusement un bénéfice culturel.
Peu connus et souvent victimes de désaffection, les lieux de sépulture affrontent seuls l'usure du temps. Ces monuments appartiennent au concessionnaire du lot, qui a donc la responsabilité de les entretenir. La protection en est alors bien aléatoire. Quand les descendants sont finalement rejoints, si la dispersion des familles n'y fait pas obstacle, ils se montrent peu intéressés par la restauration, qui commande, entre autres, des débours onéreux.
Par ailleurs, peut-être que vous l'ignoriez, mais les cimetières sont victimes de vols et de vandalisme. C'est catastrophique au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dont l'impressionnante collection d'oeuvres d'art dispersée dans une si vaste étendue attire la convoitise des receleurs. On ne compte plus les bas-reliefs, les appliques, les statuettes et les médaillons qui se volatilisent et dont ne subsistent que les traces du délit. L'absence apparente de surveillance et les lacunes de la législation concernant le recel des objets d'art favorisent ces atteintes au patrimoine: un objet volé, trois ans après qu'il tombe entre les mains d'un particulier, il est libéré de toute poursuite.
Enfin, des interventions humaines jugées intempestives altèrent irréversiblement, depuis quelques années, les cimetières-jardins, qui sont nos lieux de sépulture patrimoniaux par excellence. L'exemple que nous donnons dans notre mémoire est celui du cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, que nous connaissons davantage. Ce cimetière, qui est le plus important au Québec, et même au Canada, bétonne son espace. Il aligne, en les multipliant, des stèles de granit, dont la densité est en totale discontinuité avec la disposition paysagère des monuments, l'une des caractéristiques majeures des cimetières-jardins.
Mais le paysage est surtout encombré par la construction de mausolées, où sont rangés des corps pendant 99 ans, et qu'on retrouve souvent en banlieue, le long des autoroutes, dans des zones commerciales ou industrielles. Ces constructions ne respectent pas les caractéristiques morphologiques et les principes fondamentaux qui ont façonné le cimetière de la montagne. La direction du cimetière avance, pour se justifier, la nécessité de concurrencer sur leur propre terrain les nouveaux cimetières gérés en banlieue par les grandes maisons funéraires. Elle agit ainsi comme une entreprise privée qui gère un bien privé. Pourtant, ces lieux de culte sont des biens à caractère public, qui devraient donc être de plus en plus sous la responsabilité d'institutions davantage représentatives que les fabriques qui en ont la gouverne.
Le patrimoine funéraire ne sera protégé qu'à certaines conditions. La toute première est la connaissance que nous nous en donnerons, pour poser, avec une compétence fondée sur la recherche, les gestes appropriés à sa conservation et à sa mise en valeur. Il conviendra en parallèle de nous doter d'un outil législatif qui départagera, dans un souci de continuité, la responsabilité de l'entretien des monuments entre le propriétaire d'un cimetière gestionnaire et les pouvoirs publics. On devrait aussi se donner des moyens efficaces de surveillance et une loi plus sévère sur le recel d'oeuvres d'art. Comme pour le patrimoine religieux en général, des spécialistes et des responsables devront gérer le dossier, et des budgets spécifiques devront y être consacrés. On voudrait plus de gestion démocratique dans les cimetières en en confiant, autant que faire se peut, la responsabilité à des élus.
L'Écomusée de l'au-delà est convaincu que, pour protéger ce patrimoine, on doit s'inspirer d'un modèle de développement durable qui, en concordance avec une pratique funéraire de plus en plus populaire, la crémation, facilite la réalisation de la mission du cimetière, c'est-à-dire la disposition des corps, à l'opposée de leur conservation, que les mausolées, hors ou dans les cimetières, promeuvent. Enfin, l'Écomusée de l'au-delà préconise d'emblée, pour assurer la protection des cimetières, en particulier patrimoniaux, que les églises accueillent les cendres de leurs paroissiens, reprenant ainsi une longue tradition, celle des cimetières jouxtant les églises ou même celle encore plus longue de la réception des corps en son sein même, cette fois incinérés et placés aujourd'hui à l'étage au-dessus et non plus dans des cryptes.
Nous avons formulé un certain nombre de recommandations auxquelles je vous réfère dans notre mémoire. Je veux vous dire, en terminant mon intervention, que cette partie du patrimoine est victime de la disparition de la mort. On ne parle plus de mort dans notre société: on disparaît, on quitte, on s'en va, on laisse les autres, on ne meurt plus.
M. Tremblay (Alain): Je pourrais ajouter qu'il a été beaucoup question d'inventaires aujourd'hui, d'inventaires de biens religieux. J'aimerais ajouter que, même imparfaits, ils ont le mérite d'exister, alors que les cimetières ont été exclus des inventaires. Et puis ce n'est peut-être pas pour rien que ça a été... parce que, dans certains... Les petits cimetières de paroisse, où le chiffre d'affaires n'est pas très important, évidemment les fabriques paroissiales sont très généreuses de donner l'information sur les affaires de la fabrique. Mais, quand on arrive dans les grands centres, dans des grands cimetières comme Le repos Saint-François d'Assise, qui appartient à l'archevêché, ou le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, alors là les affaires sont privées.
Mais, pour vous donner une idée, là, un seul cimetière, par exemple, Le repos Saint-François d'Assise, vous avez un terrain de 8 millions de pieds carrés, mais, dans les faits, il y a seulement 4 millions de pieds carrés d'utilisés. Donc, je veux dire, c'est des terrains non développés, qui ont une valeur commerciale, mais, comme c'est des biens d'église, alors on ne les calcule pas. Mais, si on faisait l'inventaire de tous les biens ? je pense au cimetière Belmont de Québec, qui ont des immenses propriétés non développées ? on se rendrait compte qu'il y a là quelque chose de très, très, très important financièrement, là. Je ne veux pas dire d'aller prendre ces terrains-là pour les développer, mais ça a des valeurs. Comme, sur le mont Royal, je veux dire, il y a des forêts entières qui ne sont pas développées, alors c'est peut-être des terrains qui pourraient être achetés par la CUM, alors... trouver de l'argent pour financer indirectement autre chose.
Alors, nous, on a mené un combat. On vous a envoyé une lettre, il n'y a pas longtemps, il y a deux jours, pour vous demander... La ministre de la Culture vient d'autoriser le cimetière Notre-Dame-des-Neiges à construire un immense mausolée qui va contenir, entre autres, en plus des enfeus pour le corps au complet, 35 000 niches funéraires. Je pense que ça aurait été un endroit autre que le mont Royal. Dans des églises, ça aurait été beaucoup plus logique de mettre ça. Alors, on vous demandait d'intervenir pour demander à la ministre de revenir sur sa décision, même si on sait que c'est peu probable. Alors, si Jean veut ajouter quelque chose, peut-être...
Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, votre temps imparti est terminé, mais vous pourriez, dans le cours d'une...
Une voix: ...consentement.
Le Président (M. Brodeur): Consentement?
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Il y a consentement. Allez-y.
M. Décary (Jean): Ce ne sera pas long.
Le Président (M. Brodeur): On réduira la période de questions de nos membres.
n(21 h 10)nM. Décary (Jean): Comme je disais, c'est à partir du mont Royal justement que je suis arrivé à cette question-là. Vous savez peut-être que le plan de mise en valeur du mont Royal repose sur le développement, la conservation, mais la mise en valeur des quatre grandes fonctions symboliques de la montagne, qui sont les fameux quatre S: le sacré, la santé, le savoir et le statut social, et c'est... Les cimetières sur le mont Royal représentent presque 50 % de la superficie de l'arrondissement historique et naturel qui a été décrété l'an dernier.
Et une des choses qui, dès le début, dès 1989-1990, nous avait frappés, c'était justement cette demande du cimetière de construire à peu près 14 nouveaux mausolées dans le... Ce qui nous a amenés à réfléchir sur la typologie des cimetières et à s'apercevoir qu'effectivement, si le cimetière Mont-Royal n'est pas un cimetière-jardin typique, il est un hybride entre le cimetière civique et le cimetière-jardin, mais il reste que le côté jardin, même si les plantations ne sont pas faites de la même façon que dans les cimetières anglo-saxons, est dominant, la dimension jardin est dominante. Et évidemment, dans ce contexte-là, les bâtiments considérables, les grosses boîtes des mausolées nous apparaissaient contradictoires par rapport à cette typologie-là. Donc, on a lutté contre ça, on a empêché que ça se fasse, on a décrété la nécessité d'un plan directeur, d'un plan de mise en valeur, en 1995, et qui a retardé finalement les décisions sur les mausolées.
Et, moi, pensant faire d'une pierre deux coups, j'ai dit: Écoute, on pourrait faire sauver le patrimoine paysager du mont Royal et le patrimoine architectural des vieilles églises en transférant la fonction et l'économie funéraires dans les églises, ce qui était rendu possible par le développement considérable de l'incinération, presque 70 % maintenant. Donc, les enfeus, c'est très compliqué à gérer, ça pose des problèmes, mais les petites cases pour les niches funéraires dans les contre-allées d'une église, il n'y a pas de problème.
Donc, on a développé ça. Il y a cinq ans maintenant qu'on a soumis une proposition d'étude de faisabilité très détaillée là-dessus. Ce n'est toujours pas fait. Il y a une autre étude qui a été faite mais qui a été faite dans une perspective marchande, alors que, nous, on n'est pas dans une perspective marchande. Il s'agit simplement de rajouter une économie d'appoint dans le fond dans les églises, dans les plus belles églises patrimoniales des vieux quartiers, qui sont les plus belles et les plus menacées, les plus désertées, etc., et on avait proposé donc toute une typologie aussi d'églises. On avait trois églises: la plus belle, Saint-Jean-Baptiste évidemment; Saint-Louis-de-France, où, bon, on peut faire à peu près n'importe quoi parce qu'elle n'a jamais été terminée; et puis je pense que l'autre, c'est Saint-Pierre-Apôtre ? c'est ça?
On avait également regardé la possibilité qui avait été lancée par d'autres, M. Marsan en particulier, de prendre une église au complet et de la transformer en columbarium. Mais ça nous intéressait moins parce que dans le fond ça ne pose pas de problème de cohabitation. Nous, ce qui nous intéressait, c'était la cohabitation des services religieux, les cultes et puis de cette fonction-là qui d'après nous venait aussi souligner et renforcer le caractère sacré, qui est souvent mis à mal dans les églises aujourd'hui.
Autre fonction qui était intéressante, c'était de redonner à l'église également sa fonction communautaire. Il y a déjà pas mal d'activités communautaires qui s'installent dans les églises. Une de plus mais avec un caractère sacré nous apparaissait tout à fait intéressante. Et on avait également regardé la possibilité de plusieurs types de gestion, depuis, bon, la fabrique jusqu'à un OSBL local, jusqu'à éventuellement donner la gestion de ces columbariums en églises, par exemple, au cimetière Mont-Royal pour le compenser pour la perte, etc. Donc, il y avait des possibilités, mais ça n'a jamais été étudié encore une fois et ça reste à voir.
Je pense que c'est une excellente idée. Je pense que ça nous permettrait non seulement de garder les églises ouvertes, dans la mesure où c'est possible, mais éventuellement, également, de les déplacer. Parce que l'opposition qu'on nous a faite, c'est qu'une fois que c'est là bien c'est très difficile à bouger. Ce n'est pas vrai. Des sépultures ont été systématiquement bougées dans tous les cimetières du monde, depuis fort longtemps. Et donc, de ce côté-là, ça nous semble toujours une option tout à fait valable, mais encore une fois il faudrait peut-être faire une étude sérieuse, qui n'a encore pas été faite. Une seule étude a été faite, dans une perspective commerciale: Où c'est qu'on irait se mettre pour avoir le plus de morts?, ou alors: Venez mourir chez nous. Des choses comme ça. Et je pense qu'il faut donc retravailler cette question-là, je pense que c'est tout à fait important.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Fort intéressant. Dans un premier temps, je dois vous dire que la Commission de la culture, dans le jargon législatif, n'a peut-être pas la compétence pour gérer la construction de mausolées dans les cimetières. Donc, j'ai pris connaissance de la lettre que vous avez envoyée, nous allons vous répondre le plus rapidement possible. Par contre, le mandat de la commission parlementaire, c'est de trouver des solutions pour la conservation du patrimoine religieux, qui est considéré souvent comme historique, architectural, d'une valeur patrimoniale, donc plus grande valeur que des monuments qui sont construits plus récemment. Donc, on n'a pas à juger du bon goût ou du mauvais goût actuel, on a plutôt à juger du bon goût ou du mauvais goût passé. Donc, la Commission de la culture n'a pas compétence, là, pour décider ou faire des recommandations à la ministre à ce sujet-là.
Dans un second temps, je trouve très intéressante la suggestion de reconversion d'églises en quelque sorte en columbariums. C'est une idée qui fait son chemin. D'ailleurs, j'ai vu... Dans un mémoire qui nous sera présenté à Sherbrooke, je crois, on soulève également ce point. Donc, ça, ça fait partie de la matière que... la commission parlementaire peut donner une appréciation sur cette suggestion-là, qui est fort intéressante. Donc, si je comprends bien votre suggestion, non seulement vous auriez peut-être un projet, mais c'est une façon de reconvertir peut-être une ou deux églises par grande ville ou bien par petite municipalité, une suggestion à faire à des gens qui pourraient au moins se servir d'églises pour servir de columbariums. Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre? Non?
M. Décary (Jean): Comme je l'ai dit tout à l'heure, convertir une église au complet, c'est assez simple...
Le Président (M. Brodeur): Ou en partie.
M. Décary (Jean): ...dans le fond, ça prend un bon architecte. C'est tout ce que ça prend. C'est déjà beaucoup, remarquez. Mais, non, non, c'est d'intégrer la fonction dans les églises encore ouvertes au culte. Donc, c'est toute la question de la cohabitation qui pose un problème architectural extrêmement simple. Parce qu'on ne peut pas mettre n'importe quoi dans l'église Saint-Jean-Baptiste. Dans l'église ? voyons, l'autre, là ? Saint-Louis-de-France, il n'y a pas de gros problèmes parce que les murs sont encore en béton. Donc, c'est ça, c'est ça, l'hypothèse, là.
Le Président (M. Brodeur): ...qu'à long terme que l'église garde sa même fonction pour l'éternité.
M. Décary (Jean): Bien, c'est ça, c'est ça. L'hypothèse, c'est de l'aider à garder cette fonction-là.
Le Président (M. Brodeur): ...dire: Pour l'éternité.
M. Décary (Jean): Bien, pas pour l'éternité, mais, si jamais ça tombe, effectivement on peut déménager facilement les petites urnes funéraires. C'est ça, il n'y a pas de problème. Disons qu'on pourrait éventuellement les mettre effectivement dans une seule grande... oui, qui aurait été convertie. Mais notre étude au départ, ce n'était pas ça. C'était d'aider les églises à rester ouvertes et à entretenir effectivement leur architecture patrimoniale, bien sûr. On s'est aperçu, dans les rencontres qu'on a eues avec l'archevêché... avec la fondation plutôt, que la position de l'archevêché là-dessus était très claire: c'est qu'eux autres ils veulent plutôt vendre, et donc ils voyaient ça comme un obstacle éventuellement à la mise en vente. Et donc on a eu un refus assez systématique de ce côté-là.
Le Président (M. Brodeur): Parce que, si on fait l'analyse que la pratique religieuse est de moins en moins grande, il faut comprendre que la situation est telle aujourd'hui, mais, dans 20 ans, dans 30 ans, dans 50 ans, elle sera peut-être différente. Donc, chaque bâtisse à caractère religieux qui aurait été convertie selon votre suggestion, on aura peut-être un dilemme à ce moment-là...
M. Tremblay (Alain): Pas nécessairement. Si on installe une fonction funéraire dans une église, bon, cette fonction-là, elle peut cohabiter avec d'autres fonctions.
Le Président (M. Brodeur): La fonction principale deviendrait accessoire.
M. Tremblay (Alain): Elle devient accessoire, mais, je veux dire, elle peut cohabiter avec d'autres fonctions. On peut penser... Il y a un monsieur, cet après-midi, qui a parlé d'un concept, là, où des organismes communautaires partagent un même lieu. Il n'y aucune... On passe... C'est presque une maison de la culture, là. Mais il n'y a aucune contradiction à faire cohabiter une fonction funéraire avec d'autres fonctions.
Les morts, on les mettait, aller jusqu'en 1850, dans les églises, et puis les églises servaient pour des... Elles peuvent servir pour des concerts, ou toutes sortes de choses. L'idée, c'est de faire cohabiter ces fonctions-là. Mais une fonction funéraire dans une église, ça ne prend pas beaucoup de place, hein, c'est très minime, ça peut être très discret. L'idée, c'est: tout est dans la manière, comme disait M. Beaulieu, qui est mort.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: J'aimerais vous entendre sur la partie peut-être... un fonds spécial, là, que vous avez élaboré dans... une taxe lors de l'installation d'un nouveau monument funéraire. Alors, c'est la constitution dans le fond... Vous avez fait le lien avec d'autres provinces, là. Est-ce qu'il y a d'autres provinces, dans le fond, qui ont mis sur pied un genre de fonds de... cette forme de fond là?
M. Beaudin (François): L'Ontario.
M. Tremblay (Alain): L'Ontario. Ce qui arrive, c'est que les monuments appartiennent aux familles. Le fonds de terrain appartient à la fabrique parce que c'est une concession qu'on vend et puis... Malheureusement, souvent les cimetières ont dépensé l'argent qu'ils auraient dû mettre en fiducie pour l'entretien du cimetière pour la réparation du toit, en croyant qu'ils auraient toujours les mêmes revenus. Mais malheureusement l'industrie funéraire leur a volé une partie. Mais ça, c'est pour la gestion du cimetière.
n(21 h 20)n Mais, en ce qui concerne les biens, d'ailleurs, après deux, trois, quatre générations, bien, évidemment, quand tu arrives puis là on t'informe que ton grand-père a laissé un monument important et que tu en es l'héritier, puis ça va coûter 25 000 $ pour le réparer, évidemment ça ne t'excite pas beaucoup, et puis on peut comprendre ça. Mais il faut trouver une solution parce que, je veux dire, il y a des monuments qui ont acquis avec le temps une valeur patrimoniale.
Prenons l'exemple, par exemple, du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Il y a 60 000 monuments juste pour Notre-Dame-des-Neiges. Si, sur les 60 000, il y a 3 000 ou 4 000 monuments qui ont acquis une valeur patrimoniale mais qu'ils sont à peu près tous orphelins, il faut trouver une solution. Alors, une taxe peut-être de 10 $ sur tous les nouveaux monuments, qui pourrait servir à l'entretien du patrimoine funéraire, bien ce serait... En Ontario, là, moi, ce qu'on m'a dit ? parce que je n'ai pas les chiffres exacts, là ? en l'espace de 10 ans, ils ont accumulé un fonds suffisamment important qu'ils pensent même de réduire la taxe. Alors, ça ne prend pas grand-chose. Puis, quand on pense aux dépenses que les gens font lors d'une funéraille ? on parle d'un 4 000 $ ou 5 000 $ par funérailles ? alors mettre une taxe de 10 $, c'est une affaire de rien, on met déjà 25 $ pour enregistrer les défunts à l'état civil. Donc, on met 10 $ de plus puis on va chercher de l'argent.
Mais, vous savez, au Québec, on ne sait même pas combien on a de cimetières. On sait qu'il y a environ 1 200 cimetières catholiques, là, en opération, mais on n'a même pas une liste de cimetières. Alors, il serait peut-être important qu'on fasse ça et puis qu'on soutienne un peu aussi des organismes qui s'occupent de patrimoine.
Mme Léger: Mais comment... vous parlez... Si je reviens aux monuments, là, tels quels, dans les cimetières, là, comment on peut... comment on peut déterminer... Quels sont les critères pour déterminer la valeur patrimoniale du monument?
M. Tremblay (Alain): Ça n'existe pas encore. On est en train de tenter de mettre au point une fiche descriptive qui pourrait nous donner une idée, là, mais il y a une variété tellement grande de monuments qu'on est pour le moment incapable. Mais on tente de travailler là-dessus. Mais ça fait partie des tâches à faire.
Mme Léger: Là, vous parlez aussi d'un répertoire du patrimoine funéraire.
M. Beaudin (François): Si je peux intervenir, madame, pour dire des éléments dont on peut tenir compte, c'est l'importance des membres des familles sur le plan historique, des gens qui ont occupé des fonctions dans la société. Il y a des monuments qui sont des monuments commémoratifs, par exemple il y a un monument pour les pompiers au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Il y a des monuments qui identifient des personnages importants de l'histoire publique du Québec. Il y a les artistes et artisans qui ont travaillé à la fabrication de certains monuments. Donc, il y a quand même des éléments qu'on peut repérer et qui permettraient au moins d'avoir une vue d'ensemble de la qualité et de l'importance relative des monuments qui mériteraient, d'abord et avant tout, d'être préservés.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Vous savez, une des choses que je trouvais très intéressantes dans votre mémoire ? vous l'avez abordée à la toute fin ? c'est l'application du principe de développement durable à cette question de la préservation du patrimoine funéraire. Puis il faudrait avoir la préoccupation, M. le Président, là, nous qui sommes à la veille d'adopter une loi sur le développement durable, d'assurer que nous l'appliquions dans l'ensemble de la question de la préservation du patrimoine religieux, là, d'avoir à l'esprit le principe du développement durable dans nos propositions visant à maintenir le patrimoine religieux. Puis vous nous ouvrez la voie à cela en disant: Dans le cas du patrimoine funéraire, appliquons le principe, et voici comment, dans ce domaine-là, il s'applique précisément, là: temps de concession restreint, concession de lots plus petits, réappropriation d'anciens lots, et ainsi de suite. Qu'est-ce qui vous a fait... Qu'est-ce qui vous a fait...
M. Tremblay (Alain): Réfléchir à cette question-là?
M. Turp: Oui, c'est ça.
M. Tremblay (Alain): Bien, écoutez, là, c'est en étudiant la question du mont Royal où on s'est rendu compte que les cimetières n'arrêtaient pas de grossir, puis on voulait protéger le mont Royal, alors on s'est rendu compte qu'il y avait un problème. Et puis il y a différents types de disposition des morts, mais ce qui cause problème... Bon. Si on conserve des morts, par exemple, dans des buildings, dans la région de Montréal, là, on construit un mausolée, là, de ? je ne sais pas, moi ? genre 25 000 pieds carrés à tous les huit, neuf mois, là. Un peu partout, chaque entreprise a son projet de mausolée où on entrepose des cadavres pour... Excusez l'expression, je ne veux pas être... Mais sauf que ça, ce n'est pas du développement durable parce qu'il va falloir... C'est comme l'équivalent de construire une église. Alors, à tous les huit mois, neuf mois, autour de Montréal, c'est comme si on construisait une église. En principe, on est supposé de mettre de l'argent en fiducie pour l'entretien de ça, mais il va falloir les chauffer, les climatiser. Alors, sur le mont Royal, on a entreposé jusqu'à présent 20 000 cadavres, puis là on se prépare à en entreposer 20 000 autres. Alors ça, ça coûte extrêmement cher, mais sauf que c'est très, très, très payant. Alors ça, c'est pour un segment de marché.
L'autre majorité du monde, qui opte pour la crémation, eux autres, il n'y a pas de problème parce que des cendres, ça ne prend pas beaucoup de place. Mais ce qui prend de la place, c'est les objets de commémoration, alors des monuments. Si on met un monument collectif, bien le monument prend beaucoup plus de place que les cendres. Tu peux mettre des centaines et des centaines d'urnes funéraires sur un petit terrain, mais tu ne peux pas mettre des centaines et des centaines de monuments. Alors, l'idée, c'est d'introduire des monuments collectifs.
Alors, l'avantage du monument collectif, c'est que tu peux mettre 500 noms sur un même monument, puis tu peux faire travailler un artiste pour créer une oeuvre intéressante, puis tu vas avoir 500 personnes pour la payer. Alors, au lieu d'avoir 500 monuments banals, bien tu vas en avoir un intéressant. Il y a déjà des oeuvres, par exemple, de Charles Daudelin au cimetière Mont-Royal. Il y a la possibilité de faire des plantations commémoratives. Mais, par exemple... Mais le problème, c'est que c'est devenu une industrie tellement payante et puis tellement secrète, comme on n'a pas le droit de regard sur l'avenir de tout ça. Notre-Dame-des-Neiges, c'est un exemple extraordinaire, mais c'est la même chose à Québec, hein, je veux dire, il y a beaucoup, beaucoup d'argent à faire, hein? Alors, il y a des entrepreneurs qui ont pris le contrôle des cimetières puis des fabriques et puis qui font de l'argent, puis on ne sait pas ce qui se passe et puis... Mais ça, ce n'est pas du développement durable.
M. Turp: Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, bon, il y a à peine pour 30 secondes. On vous remercie beaucoup. Ça donne une perception différente à la façon qu'on pourrait administrer nos cimetières. Ça donne vraiment, là, un bon aperçu de ce qu'on peut faire, c'est fort intéressant. Et je vous dis immédiatement qu'il y a d'autres mémoires qui seront proposés dans les prochaines semaines qui en viennent à des conclusions semblables. Donc, on vous remercie beaucoup. Pour nous... Oui?
M. Beaudin (François): Juste ajouter un dernier point qui n'est pas sur le patrimoine funéraire, mais pour vous parler de la France. Il ne faut pas oublier que la Révolution française a créé un dépôt extraordinaire de bâtiments, d'objets, de volumes, d'archives, d'objets de musée, et la France a pris quand même un siècle à digérer tout ça. Il ne faudrait pas oublier ça et penser qu'on va régler notre problème en deux ans.
Le Président (M. Brodeur): On vous garantit que notre rapport sera... On vous garantit que notre rapport sera déposé avant un siècle.
M. Tremblay (Alain): Espérons qu'il n'ira pas à la même place que le rapport Arpin.
Le Président (M. Brodeur): Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux au mercredi 21 septembre 2005, à 9 h 30, au même endroit, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 29)