(Quinze heures six minutes)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre! Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Avant que nous commencions, je demanderais à tout le monde de bien vouloir mettre leur téléphone cellulaire en veilleuse pour ne pas qu'on soit dérangés. Et je vais commencer en donnant l'exemple, je vais faire ça avec le mien, n'est-ce pas?
Alors, nous sommes réunis afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pierre Moreau, député de Marguerite-D'Youville, est remplacé par M. Alain Paquet, député de Laval-des-Rapides; M. André Boulerice, député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, est remplacé par M. André Boisclair, député de Gouin; Mme Jocelyne Caron, députée de Terrebonne, est remplacée par M. Camil Bouchard, député de Vachon.
Mémoire déposé
Le Président (M. Cusano): Merci. Avant de procéder, j'aimerais indiquer aux membres de la commission que, dans le cadre du présent mandat, la commission a reçu un mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Cet organisme n'a pas été entendu lors des consultations particulières. Par conséquence, je dépose ce mémoire pour tous les membres de la commission.
Remarques préliminaires
Alors, nous sommes prêts maintenant à commencer avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Alors, M. le Président, les remarques préliminaires seront très, très courtes. Nous sommes aujourd'hui à l'étape de l'étude article par article du projet de loi n° 53. Nous avons rencontré à peu près une dizaine d'organismes, la semaine dernière, ici même, à cette même commission, mercredi et jeudi, où nous avons eu de bons échanges sur le fond mais aussi sur la forme du projet de loi. Je pense qu'on a été en mesure de clarifier certains aspects qui sont questionnés sur certains articles du projet de loi.
Je réitère mon ouverture à apporter des amendements pour certainement clarifier... clarifier les précisions, clarifier les articles qui peuvent être améliorés et bonifiés. Donc, cette ouverture, je la réitère aujourd'hui. Il y aura effectivement des amendements d'apportés à cet égard-là.
Par contre, je veux tout simplement répéter les principes qui nous guident, qui sont très importants, qui se retrouvent dans la loi de 1994, qui sont les fondements mêmes de la Loi sur l'immigration au Québec, c'est-à-dire de pouvoir assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec, cette diversité dont nous sommes fiers, cette diversité que nous voulons maintenir et que nous voulons enrichir.
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(15 h 10)
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La volonté du gouvernement est de faire en sorte que des hommes, et des femmes, et des familles de toutes les régions du monde puissent annuellement avoir accès à l'immigration au Québec. Et ça, c'est une volonté ferme non seulement de la ministre, mais aussi du gouvernement. Alors, les précisions qui seront apportées aujourd'hui iront dans le sens de ces objectifs que nous devons maintenir. C'est le sens de la politique de l'immigration depuis bon nombre d'années.
Ce que le projet de loi vise aussi, c'est effectivement de rendre transparent... en toute justice et équité, donc de rendre publiques annuellement les orientations et les informations qui seront déposées à l'Assemblée nationale, pratiques qui étaient utilisées depuis plus d'une dizaine d'années et qui, pour la première fois donc, seront rendues publiques.
Je vous dirais ? et c'est dans ce sens-là qu'il faut faire une distinction très grande, très importante ? que cette façon de faire ne modifie en rien la grille de sélection qui vise à choisir les candidats qui répondent aux besoins du Québec, qui répondent aux besoins... et je reprends les termes même de l'accord Canada-Québec: qui correspondent aux caractéristiques linguistiques, culturelles et économiques du Québec. Ces termes-là ne sont pas nouveaux, ce sont les termes qui figurent très, très, très bien à l'accord Canada-Québec et qui ont toujours été les termes de référence.
Donc, cette grille de sélection, elle est maintenue, elle est intègre et elle est intégrale. Je pense que c'est important d'insister sur ces aspects-là et qu'il n'y a pas d'autres façons, pour être accepté, de pouvoir passer le test de l'évaluation de cette grille de sélection. Et le projet de loi qui est devant nous ne modifie d'aucune façon, donc, cette grille de sélection.
Alors, M. le Président, je pense que nous pourrions, en tout cas en ce qui me concerne, vous dire que je souhaite très sincèrement que nous puissions, au cours des prochaines heures, travailler en collaboration dans un esprit positif, dans un esprit vraiment qui sera non seulement dans l'intérêt du Québec dans la gestion de cette politique de l'immigration, mais aussi dans le respect de tous ceux et celles qui, comme je le disais précédemment, veulent pouvoir immigrer et refaire cette vie avec beaucoup d'espoir, et que nous puissions les accueillir chaleureusement ici même, au Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Lucie Papineau
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. M. le Président, nous sommes ici, cet après-midi, afin de travailler article par article le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration. Honnêtement, M. le Président, je m'interroge toujours sur l'opportunité d'adopter un tel projet de loi à toute vapeur sans consultation publique préalable, et je crois sincèrement qu'il aurait fallu reporter ce projet de loi à la session de l'automne afin justement de procéder à une large consultation publique. Une consultation publique, M. le Président, pour poursuivre la réflexion et espérer qu'un réel débat s'engage pour permettre à la population québécoise et aux organismes impliqués dans la protection des droits des immigrants et du public de se faire entendre et d'éclairer la ministre dans sa démarche. Ainsi, la population québécoise aurait l'opportunité de participer activement à l'évolution de son propre tissu social dans lequel il sera donné de se véhiculer dans 10, 20 et 50 ans.
Et, M. le Président, nous ne sommes pas seuls à penser de cette façon. Je citerai la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes qui écrivait, dans un communiqué du 1er juin dernier, que «ce projet de loi soulève de nombreuses questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponse pour l'instant. Nous comprenons mal pourquoi le gouvernement insiste tant pour légiférer à toute vitesse alors que ce projet de loi suscite tant de débats», fait remarquer la présidente de la table, Rivka Augenfeld. Et elle ajoute: «Nous déplorons qu'il ne puisse y avoir un débat public sur des questions aussi fondamentales comme l'universalité de l'accès au processus québécois d'immigration ou la priorisation de certains bassins d'immigration par rapport à d'autres.»
D'ailleurs, chez la Protectrice du citoyen, on questionne l'urgence d'agir. À l'Association du Barreau canadien également, ils regrettent l'absence d'une large consultation publique ni même d'un délai raisonnable pour formuler une position approfondie.
Il y a aussi l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration qui sont venus nous dire que les conséquences de l'adoption du projet de loi n° 53 sont telles qu'ils estiment qu'il est impératif que l'étude de ce projet de loi soit remise à l'automne 2004, et ce, afin d'approfondir les tenants et aboutissants des modifications proposées par la ministre.
Vous le savez, M. le Président, depuis le début, l'opposition officielle est contre ce projet de loi tel que présenté. L'opposition officielle a été surprise de prendre connaissance de ce projet de loi sur des principes dont il n'avait jamais été question lors de la commission sur le plan triennal au printemps dernier, et, il faut le dire, M. le Président, cette commission a duré près d'un mois.
L'opposition a mené une bataille à l'Assemblée nationale afin que la ministre recule sur les nouvelles dispositions contenues dans ce projet de loi, qui ouvrent toute grande la porte à la discrimination systémique à l'égard des immigrants potentiels provenant de certaines régions du monde.
Le projet de loi prévoit en effet que la ministre pourra, dans le plan qu'elle déposera à l'Assemblée nationale, en plus de préciser les niveaux d'immigration, établir les orientations qu'elle souhaite prendre à l'égard de la diversité du patrimoine socioculturel québécois. Elle pourra indiquer, dans son plan, le nombre maximum de ressortissants étrangers qui pourront s'établir au Québec ou le nombre de certificats de sélection qui pourront être délivrés. Ce nombre pourra être réparti par catégories d'immigrants ou par bassins géographiques.
Nous ne croyons pas que le principe de diversité du patrimoine socioculturel, dont on parle à l'article 4 du projet de loi et qui n'est défini nulle part à la loi actuelle, ne requière de fermer totalement les portes du Québec à certains bassins géographiques. Qui peut prétendre définir le modèle optimal de diversité culturelle?
Il ne faut pas oublier que l'immigration, historiquement, s'est faite par vagues, au Québec: des vagues de la Chine, d'Haïti ou autres. Qui peut prévoir ce qui arrivera dans cinq ans, dans 10 ans, dans 20 ans? Combien le Québec a-t-il besoin de Juifs? Combien le Québec a-t-il besoin de Palestiniens? Combien le Québec a-t-il besoin de Chinois, de Roumains, de Maghrébins ou de Sud-Américains pour parvenir à la pleine diversité culturelle? Et surtout quels sont les groupes que le Québec accueille en trop grand nombre et met en péril le tissu social?
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(15 h 20)
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Ce projet de loi prévoit également que la ministre pourra réglementer la profession de consultant en immigration en déterminant les catégories de consultants, en déterminant des normes de qualification, en déterminant les fonctions du ministre à l'égard de leur reconnaissance et en déterminant les dispositions relatives aux infractions de ces consultants.
Il faut noter que le projet de loi prévoit que les membres de certains ordres professionnels peuvent être exclus de cette réglementation: on parle ici du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires et des ordres comptables.
On arrive à l'Assemblée nationale avec un projet de loi sans connaître le portrait de la situation. Il faut des réponses claires avant de légiférer. Combien existe-t-il vraiment de cas problématiques avec des consultants en immigration qui ne sont pas membres d'ordres professionnels? Quel pouvoir de surveillance et d'encadrement la ministre peut-elle se donner en dehors du Québec?
Alors, avant que l'on débatte sur quoi que ce soit à l'égard des consultants, encore faut-il savoir de quoi on parle. Il faut dire que la proposition de la ministre pose un problème de cohérence avec le système professionnel en cours au Québec. Il semble que le gouvernement du Québec souhaite imposer ses propres règles par rapport aux décisions du gouvernement fédéral, en matière des consultants en immigration. Cette modification à la Loi sur l'immigration est aussi un conflit entre le rôle étatique de gestionnaire sectoriel en immigration et le rôle étatique de gestionnaire de normes professionnelles.
Au sujet de la suspension des demandes, le projet de loi prévoit que la ministre peut suspendre la réception de demandes de certificats de sélection pour une période déterminée. Encore une fois, cette suspension peut s'avérer pour un bassin géographique ou pour une catégorie d'immigrants. La suspension de la réception des demandes de certificats de sélection en provenance de certains pays sur la base de critères linguistiques et culturels nous apparaît comme étant une mesure contraire à la façon dont le Québec a géré l'immigration depuis 15 ans.
M. le Président, les différents groupes consultés considèrent que la ministre s'octroie des pouvoirs de réglementation qui sont très grands. Les intervenants s'entendent pour dire que la ministre pourra prendre d'importantes décisions sans que personne ne soit consulté. C'est une vision des choses avec laquelle nous sommes d'accord.
La ministre se donne des pouvoirs de réglementation trop grands. Elle présente un projet de loi qui lui confère le droit de réglementer sur toutes sortes de matières sensibles. Elle pourra, après son adoption, faire paraître à la Gazette officielle des règlements qui pourraient avoir pour effet que le Québec cesse de recevoir des demandes de sélection de certains pays ou de certaines catégories d'immigrants.
Qui la ministre consultera-t-elle pour prendre de telles décisions? Quels seraient les recours des personnes touchées par ces décisions? Sur la base de quels critères la ministre choisira-t-elle de sélectionner les immigrants québécois dans certains pays et moins dans d'autres? Comment la ministre verra-t-elle à ce que la grille de sélection des immigrants demeure neutre face à l'appartenance ethnique?
Le gouvernement du Québec s'est donné une grille pour sélectionner ses immigrants, cette grille reconnue entre toutes pour sa neutralité. La ministre nous dit: Cette grille n'est en rien changée, altérée ou modifiée. C'est une bonne nouvelle, mais la ministre doit reconnaître que cette grille cessera tout simplement de s'appliquer à certains pays. La nationalité l'emportera donc comme critère, au-delà des compétences et de la capacité à s'intégrer.
On peut reconnaître ? d'ailleurs la plupart des groupes le reconnaissent d'emblée ? que l'État souhaite se donner des balises pour encadrer les objectifs sociaux et démographiques de l'immigration. Par contre, les pouvoirs que la ministre souhaite se donner doivent absolument être précisés et encadrés. Il est nécessaire qu'elle se donne l'obligation de rendre des comptes à l'Assemblée nationale.
L'article 12 du projet de loi crée une situation où le gouvernement peut décider de refuser d'étudier les demandes de certains groupes, toujours sur la base de leurs pays d'origine ou de leurs catégories d'immigrants. Pire encore, le cinquième alinéa de l'article prévoit que cette mesure est rétroactive aux demandes reçues avant l'entrée en vigueur de cette mesure et qui n'ont pas été étudiées par le gouvernement. Je l'ai dit et je le redis: C'est, M. le Président, ce qui est de plus odieux dans le projet de loi que nous avons devant nous. Heureusement, la ministre semble vouloir y apporter des amendements, suite à tous les tollés que nous avons entendus des groupes qui se sont présentés devant nous.
Alors, comment suspendre la réception des demandes de certificats de sélection que le ministère a déjà reçues? On pouvait croire que la ministre mettait cette mesure en place afin de vider complètement les listes d'attente en provenance des pays du Maghreb, où, présentement, quelques milliers de demandes sont en attente, à la suite d'un flux important de demandes liées au choix du gouvernement du Québec de restreindre l'accueil en provenance de ces pays afin de diversifier le patrimoine socioculturel du Québec. Ce n'est certainement pas en procédant de cette manière que la ministre rétablira la situation. Le Québec risque ainsi de se passer de candidatures fort intéressantes.
Les conséquences de l'adoption du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, sont telles qu'il est impératif que l'étude de ce projet de loi soit remise à l'automne 2004, et ce, afin d'approfondir les tenants et aboutissants des modifications proposées par la ministre. Il est évident, avec les failles et les risques que comporte ce projet de loi, que le gouvernement doit réexaminer ces propositions législatives et accorder plus de temps aux intervenants concernés pour étudier ces dernières.
Une consultation publique sur ce projet de loi permettrait aux intéressés d'exprimer leur position et permettrait à l'Assemblée nationale de prendre une décision éclairée dans l'intérêt de l'avenir de la société québécoise. Personne ne doit être favorable à un projet de loi imparfait qui vise à corriger les imperfections administratives marquées par le manque apparent de transparence, d'équité, de justice et d'imputabilité.
Mais, puisque nous sommes ici, M. le Président, nous serons très vigilants et tenterons de convaincre la ministre qu'il est indispensable qu'elle corrige le tir en annonçant des amendements à ce projet de loi pour le moins controversé, car ce qui est en jeu est non seulement la qualité de vie des milliers de Québécois et Québécoises issus de l'immigration et celle de milliers d'autres en devenir, mais également de l'avenir social, culturel, économique et démographique du Québec, sans négliger, certes, son image auprès de la communauté internationale.
À ce stade-ci, M. le Président, j'aimerais demander à la ministre de déposer en bloc ses amendements au projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Prévost. Il y a une demande de la part de la députée de Prévost: que la ministre dépose les amendements en bloc. Mme la ministre.
Mme Courchesne: M. le Président, je vais les déposer un par un.
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(15 h 30)
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Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Alors, effectivement nous sommes ici pour l'étude détaillée du projet de loi n° 53, qui ? rappelons le projet de loi n° 53 ? confie au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration le pouvoir d'établir les orientations en matière d'immigration et prévoit que celles-ci sont déposées à l'Assemblée nationale. Le projet ajoute au plan annuel d'immigration l'objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec, notamment en permettant la répartition de la sélection des ressortissants étrangers par bassins géographiques. Le projet autorise aussi le ministre à suspendre temporairement la réception de demandes de certificats de sélection pour immigrer au Québec. D'autres éléments, dont le traitement médical, la reconnaissance des consultants en immigration, le contrôle de leurs activités, les infractions pénales et les recours au Tribunal administratif qui sont aussi des éléments dans le projet de loi qui est devant nous actuellement, le projet de loi n° 53.
Nous avons entendu quelques groupes, M. le Président, qui sont venus nous présenter leurs mémoires ici, en commission parlementaire; nous aurions aimé en entendre davantage. Quelques-uns sont venus nous dire... et la plupart d'entre eux disent qu'ils manquent de temps. Ça a été le principal objectif, je dirais, de l'ensemble des groupes qui sont venus nous rencontrer, que tout se fait un peu trop vite, qu'effectivement il y a des choses à discuter.
Il y a des éléments de débat dans le projet de loi qui est là, des éléments qui apportent... des articles de journaux qu'on voit, qui ont fait la une... de beaucoup d'articles. Je prends celui du Soleil, d'une part, le 26 mai dernier: La ministre se défend de vouloir cesser d'accueillir les nouveaux arrivants de certaines régions ? Plus de contrôle pour diversifier le bassin d'immigrants. C'est du Soleil. Un autre du Soleil, de la Protectrice du citoyen qui déboulonne... qui dit: La Protectrice du citoyen déboulonne le projet de loi sur l'immigration? celui que nous sommes en train de regarder ? elle y voit des accrocs à l'équité et à l'égalité. Alors, ce n'est pas peu dire, ça, M. le Président, des accrocs à l'équité et à l'égalité. Un autre du Soleil: Québec veut serrer la vis ? Le contrôle est à 100 % usurpé par la ministre, dénonce un spécialiste, un article de Mylène Moisan, et d'autres articles.
Je n'énumérerai pas tous les articles ici, devant la commission parlementaire, à ce moment-ci, M. le Président, mais ça apporte dans le fond toute l'inquiétude, l'inquiétude apportée à ce projet de loi là, que les citoyens, que les médias, que certains journalistes nous rendent clairement devant nous, à cette commission parlementaire là, le temps qu'on étudie le projet de loi.
Il y a des éléments absolument fondamentaux dans le projet de loi, M. le Président, qui, de ce côté-ci de la commission parlementaire, dans l'opposition officielle, ne passent pas. Et pourtant on a demandé quand même à la ministre, la semaine dernière particulièrement, lors des consultations particulières, qu'elle prenne le temps puis qu'elle prenne le temps cet automne de pouvoir vraiment nous donner le temps, donner le temps aux gens, donner le temps au débat de se faire. Parce qu'on parle... Dans ce projet de loi là, il y a des éléments, qui sont importants, de discrimination, de racisme, de préjugés. Est-ce qu'ils sont tous fondés? Est-ce qu'ils sont tous bien approfondis? Ça, c'est une autre paire de manches, M. le Président, mais ça suscite ce genre de débat là.
Est-ce qu'on peut se permettre... Je ne pense pas qu'un gouvernement qui arrive depuis un an peut se permettre encore une fois d'apporter un projet de loi qui suscite ce genre de débat là. Là, on parle de racisme. Alors, je sais que la ministre nous a quelquefois soulevé que ce n'est pas nécessairement... qu'elle ne voit pas nécessairement du racisme, mais ce n'est pas nous nécessairement qui le disons, là, c'est les articles, les gens qui ont cette inquiétude-là par rapport à ce projet de loi là.
Alors, il y a des inquiétudes et particulièrement celui des bassins géographiques. Je pourrais dire qu'il y a des éléments du discours de la ministre... Des déclarations qu'elle a faites permettent de nous poser certaines questions sur le... C'est les déclarations qu'elle a pu faire, entre autres, sur celui qu'elle a dit: «Actuellement, il y a des demandes très fortes, presque trop fortes, de certains bassins géographiques, qui font que l'on pourrait accueillir 100 % de notre immigration de deux ou trois pays seulement.» Notre immigration, M. le Président, est presque exemplaire dans le monde parce qu'elle repose sur une grille de sélection. C'est une grille de sélection qui est appliquée uniformément, sans distinction raciale, sans distinction nécessairement d'origine.
Alors, c'est quoi, le fait de vouloir maintenant... de faire, dans ce projet de loi là, ce genre de distinction là qui nous ramène à des notions de bassin géographique, qui veut dire que des pays, des parties importantes de certains pays, principalement, il a été dénoté, celles du Maroc, de la Tunisie, de l'Algérie, pays que l'on appelle communément les pays du Maghreb... Est-ce que c'est ça qui est derrière l'intention de la ministre, de dire: Bien, dans tel bassin, tel territoire international, il y aura des gens qu'on va leur dire: Non, vous ne rentrez pas au pays? C'est là toute la question derrière le bassin géographique, et la ministre n'a pas pris le temps de l'expliquer davantage. Et puis, même si elle l'expliquerait, le débat n'a pas été fait, le débat n'a pas été fait suffisamment pour qu'on puisse vraiment, de ce côté-ci en tout cas, d'une part, de vraiment appuyer ce projet de loi là.
M. le Président, il faut quand même se dire aussi que la main a été tendue quand même à la ministre, du côté de l'opposition officielle, à ce qu'elle puisse, dépendant des amendements qu'elle devait apporter et qu'elle doit apporter... mais qu'on aurait aimé savoir quelle est son ouverture, on ne le sait pas, là, l'ouverture, là, de la ministre. Alors, ma collègue, ici, qui est la porte-parole en matière d'immigration demande à la ministre de pouvoir déposer en bloc les amendements, ce qui nous amènerait à savoir... Parce qu'elle nous a toujours dit, la ministre, depuis la semaine dernière particulièrement dans les consultations, que: Vous allez voir, vous allez voir, il va y avoir des amendements; avec des amendements, ça va répondre à vos questions, ça va répondre à vos questions.
Bien là présentement on commence l'étude détaillée, on n'est pas plus avancés nécessairement. On a eu quelques consultations, pas tous, on n'a même pas... Bon. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous ont déposé leur mémoire, on aurait aimé les entendre, comme d'autres qu'il aurait été intéressant d'entendre. Et puis, si la ministre s'était avancée un peu plus sur les amendements, peut-être qu'elle aurait pu aller chercher l'unanimité. Je lui ai dit, la semaine dernière, que peut-être elle aurait pu aller chercher l'unanimité de l'Assemblée nationale en sachant déjà si elle répond aux objections que nous avons, particulièrement de la rétroactivité. Il y a des groupes qui sont venus nous dire que ça, c'était dangereux, cet élément-là du projet de loi de rétroactivité.
Tout le bassin géographique, d'une part, mais toute la gestion aussi de la diversité du patrimoine socioculturel, ce n'est pas clair, M. le Président, et il aurait été intéressant que la ministre puisse nous parler... bien, en tout cas, d'apporter les amendements qu'elle voulait apporter, parce que le projet de loi actuel, il n'est pas acceptable. Ma collègue a beaucoup dit, particulièrement dans ses communiqués et partout, que c'était un projet de loi même odieux.
Alors, j'imagine, j'entends la Protectrice du citoyen qui dit... entre autres, qui nous a dit dans son mémoire, bon, particulièrement pour écarter ou cibler certains groupes: «Cette nouvelle disposition accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire qui aura pour effet de retirer temporairement un privilège à certaines catégories d'immigrants. Or, même si la discrétion vise un privilège et non un droit, il m'apparaît essentiel d'en préciser les modalités d'application. Il en va des valeurs de transparence, d'équité et d'intégrité dans le traitement des dossiers. À cet égard, donc, le projet de loi souffre de lacunes qu'il faudrait combler à mon avis.» Et il y a plusieurs autres déclarations de plusieurs groupes qui sont venus nous voir. Je vois, entre autres, particulièrement l'Association du Barreau canadien, division du Québec, qui dit: «Le concept de bassin géographique et surtout la fixation de maximum par bassin exigent l'application de critères inévitablement discriminatoires.»
Alors, il y en a plusieurs comme ça, là, je pourrais vous en énumérer un grand nombre, M. le Président, de ce genre de commentaires des gens qui sont directement concernés, là, hein, par l'immigration, là, parce qu'on a quand même vu certains groupes qui sont directement liés par tout le plan d'immigration, d'une part, du gouvernement, mais, aussi, toute la sélection des immigrants au Québec.
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(15 h 40)
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Alors, M. le Président, je réitère et j'appuie ma collègue qui est la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration, qu'on souhaite ardemment que la ministre puisse être capable de vouloir retarder son projet de loi, qu'il aille cet automne ou on lui demande ? en bloc ? de pouvoir nous donner les amendements pour qu'on puisse voir l'ouverture de la ministre, qu'elle a semblé nous dire la semaine dernière qu'elle était sensible aux arguments qui ont été émis ici et que, bon, probablement, avec les amendements, ça répondrait à plusieurs de nos inquiétudes, mais je dirais plus qu'inquiétudes, même, on pourrait dire d'être offusqués de certains éléments qui sont dedans, particulièrement la rétroactivité et le bassin géographique, la notion de bassin géographique qui, pour nous, apporte, amène une certaine discrimination, préjugés, etc.
Le 4 juin dernier, là, dans Le Soleil, l'article du Soleil, de Mylène Moisan, disait: «La ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, Michelle Courchesne, s'est engagée hier à apporter les modifications nécessaires pour calmer les nombreuses inquiétudes soulevées depuis le dépôt de son projet de loi sur l'immigration.» Alors, M. le Président, on attend patiemment de savoir qu'est-ce qui va améliorer le projet de loi, qui va faire que l'opposition officielle peut avancer, elle aussi, dans le sens de ne pas vouloir faire de la discrimination, d'apporter des préjugés ou certains préjugés particulièrement raciaux au niveau de ce débat-là que nous avons devant nous pour le projet de loi n° 53.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? M. le député de Vachon.
M. Camil Bouchard
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Je désire, au point de départ, vous saluer et saluer mes collègues de cette commission.
M. le Président, je n'aurais jamais pensé, je n'aurais jamais pensé que, en accédant à l'Assemblée nationale, j'aurais été mis en face d'autant de projets de loi, depuis que nous siégeons dans cette Assemblée, qui menacent directement ou indirectement les libertés fondamentales de nos concitoyens.
Ce constat, je le fais, M. le Président ? peut-être que vous n'avez pas siégé à cette commission ? eu égard notamment à une première expérience que nous avons eue en regard des lois n° 7 et n° 8, proposées et déposées à l'époque par le ministre de la Santé et des Services sociaux, concernant l'accès... ou je devrais dire plutôt l'interdiction à la syndicalisation des ressources intermédiaires en santé ou des personnes qui travaillent dans les services de garde familiaux.
M. le Président, si j'évoque ces deux projets de loi, c'est que nous avons, à l'époque ? et nous maintenons toujours ? argué que, en interdisant la syndicalisation à ces personnes, c'est-à-dire que, en niant les décisions antérieures des tribunaux administratifs appropriés qui reconnaissaient le statut de travailleurs, de salariés à ces personnes et en allant au-delà de cette reconnaissance, le gouvernement se plaçait dans une situation extrêmement délicate en menace à des droits fondamentaux, tout simplement parce que, par ce biais, il se trouvait à refuser à des milliers de concitoyennes, surtout des concitoyennes, et de concitoyens québécois la possibilité d'avoir accès à des protections d'ordre social dans le domaine, M. le Président, des conditions de travail.
L'évocation de ces deux projets de loi et des conversations que nous avons eues à l'époque sur ces projets de loi n'est pas vaine dans les circonstances, M. le Président, parce que se profilent, derrière le projet de loi que nous présente la ministre, les mêmes inquiétudes et les mêmes menaces à l'égard de certains droits fondamentaux qui sont protégés par nos chartes des droits et libertés.
Est-ce que ce serait là une caractéristique d'un nouveau gouvernement impétueux et peut-être un peu spontanéiste vis-à-vis de sa façon d'écrire ses lois et de les adopter en vitesse? Est-ce que ce serait là plutôt une marque de commerce d'un groupe politique qui, quelque part, se méfierait de l'utilisation peut-être abusive d'un certain nombre de droits?
Je pose des questions, M. le Président, je n'y réponds pas directement. Mais il me semble que, à l'intérieur de quelques mois, nous avons eu à débattre et à se référer très fréquemment à la Charte des droits et libertés pour juger du bien-fondé du législateur dans ses propositions.
L'Assemblée nationale regroupe des hommes et des femmes qui, au point de départ et en toute bonne foi, chacun d'entre elles et d'entre eux poursuivent, je pense, un idéal d'assurer le bien commun à la population, hein? Nous avons tous et toutes été élus, je pense, à partir de cette motivation. Et il arrive que des propositions de projets de loi puissent heurter, sans qu'il y ait malfaisance ou sans qu'il y ait intention de bafouer un certain nombre de droits, puissent heurter le bien commun tout simplement de la façon dont on présente et on planifie les lois en question.
Dans le cas des lois nos 7 et 8, nous savons bien, tout le monde, en tant qu'élus, qu'il y avait, avant ces lois, un risque que des personnes se syndicalisent à un taux de 12 %, 13 %, 15 %, 17 % ou 20 % parmi les ressources intermédiaires en santé et parmi les services de garde en milieu familial. Nous savions, et nous savions que cela pouvait, M. le Président, engendrer des coûts supplémentaires à l'État. Mais ces coûts supplémentaires, bien qu'ils puissent être inquiétants ? et je procède par analogie en rapport avec la loi qui nous est soumise maintenant ? ces coûts supplémentaires qui représentent quelque part un inconvénient dans la gestion des budgets de l'État, ces coûts supplémentaires ont été envisagés et la solution à ces coûts supplémentaires a été envisagée en interdisant indirectement l'accès à la syndicalisation, en refusant le statut de salariés à ces personnes. Autrement dit, en face d'un problème budgétaire, on a eu recours à des lois ? les lois nos 7 et 8 ? qui refusent un droit à la syndicalisation, donc qui menacent ? qui menacent ? un droit fondamental d'association reconnu par nos chartes des droits et libertés.
Et, M. le Président, l'analogie en ce qui concerne le projet de loi actuel, me semble-t-il, est assez claire. Nous avons devant nous un projet de loi qui tente de répondre à un vrai problème, le problème d'un retard administratif à traiter des centaines et des milliers de dossiers de personnes qui, partout dans le monde, veulent s'installer au Québec.
Ces longues listes de dossiers en attente présentent un problème à la fois éthique pour un État et un problème de gestion administrative qu'on ne peut nier. Tout le monde s'entendra ici que, s'il y avait de très courtes listes dans le traitement des dossiers de personnes en demande d'immigration, tout le monde s'en trouverait plus heureux, plus satisfait. Et nous sommes tous d'accord pour dire que les objectifs qui pourraient être poursuivis à l'effet de réduire ces listes d'attente sont en soi honorables et bienvenus, M. le Président.
Mais admettons que nous avons là affaire à un problème d'ordre administratif et admettons que quelque part il puisse en effet arriver que la machine administrative de traitement des dossiers s'enraye, qu'elle s'embourbe et qu'elle ne puisse traiter de façon satisfaisante les dossiers qui sont en attente. Mais est-ce qu'on va régler un problème administratif et quelque part un problème qui interpelle notre éthique parce que qui souhaite que des personnes en état de transition et qui ont appliqué pour immigrer au Québec, qui ont fait toutes les démarches possibles, qui ont déboursé souvent d'un budget extrêmement ténu, qui souhaite que ces personnes-là soient mises en attente de longs mois ou de longues années? Personne. Personne. Et il y a certainement là une préoccupation à propos du bien commun dans les objectifs qui sont visés de réduire la liste.
n(15 h 50)n Cependant, M. le Président, le problème qui se pose devant nous, c'est qu'il semble, du point de vue de plusieurs observateurs, dont le Barreau canadien notamment, que le problème administratif et, le cas échéant, le problème éthique qui seraient soulevés par ces listes d'attente ne peuvent être solutionnés par une approche qui, de par ses dispositions mêmes, viendrait aggraver le problème éthique sans nécessairement solutionner le problème administratif.
Alors, je m'explique, M. le Président, là-dessus. Le projet de loi, premièrement, passe d'un concept d'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec à un concept de diversité du patrimoine socioculturel du Québec. Subtilement, nous sommes passés d'un concept qui faisait consensus autour de qu'est-ce qui pouvait constituer l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec vers un concept de diversité, un concept qui nous arrive d'on ne sait où, qui quelque part n'a aucune espèce de fondement conceptuel explicite, qui est extrêmement difficile à définir et pour lequel la ministre ne fournit jusqu'à maintenant aucune indication, aucun effort quant à une définition opérationnelle de ce concept de diversité socioculturelle.
Alors ça, c'est un premier problème, M. le Président. C'est que, en invoquant ce nouveau concept ? je répète, on passe d'un concept d'enrichissement à un concept de diversité ? la ministre introduit tout un univers de nouvelles réalités, à moins que ce soient des réifications, mais, à supposer que ce soit fondé, de nouvelles réalités qui ne sont pas définies dans le projet de loi.
Alors, à quel moment la ministre pourrait-elle et ses acolytes gouvernementaux pourront-ils décider que nous avons atteint un niveau de diversité optimal, un niveau de diversité idéal ou un niveau de diversité qui soit acceptable? On n'en a aucune indication, M. le Président, et je doute fort que la ministre puisse produire devant nous une définition de cette diversité qui puisse répondre à ce type de question. Et, s'il en était, nous serions très heureux d'en débattre, et on pourrait à ce moment-là se baser sur un certain nombre de paramètres qui, pour des parlementaires que nous sommes, me semblent le minimum requis pour des débats qui sont éclairants et éclairés. Voilà pour le premier aspect, M. le Président, ce glissement du concept d'enrichissement, ce concept de diversité.
Et, en passant, M. le Président, le concept de diversité, il renvoie à quoi? Il renvoie essentiellement, j'imagine ? puis là je fais appel à vos connaissances, M. le Président, de citoyen attentif de nos communautés ? ce concept de diversité, il renvoie à un concept sans doute plus fondamental de cohésion sociale. C'est-à-dire qu'on pose la question: À quel moment des groupes qui ne partagent pas nécessairement les mêmes racines culturelles, les mêmes valeurs ou exactement les mêmes valeurs, qui ne partagent pas nécessairement les mêmes objectifs dans la vie, qui n'ont pas les mêmes goûts, les mêmes activités quotidiennes, à quel moment ces groupes-là ou dans quelles conditions ces groupes-là forment-ils un groupe qui peut opérer quotidiennement dans l'harmonie, qui peut de temps à autres se mobiliser autour d'un même objectif, qui peut devenir un écran de protection contre des menaces extérieures ? une communauté donnée peut se donner des écrans de protection contre les éléments extérieurs ? à quel moment une communauté peut-elle prétendre à une cohésion sociale et une diversité telle qu'elle a atteint un niveau de fonctionnement optimum dans son développement, dans le but de se développer?
Très difficile de répondre à ces questions-là, M. le Président. Il y a des études qui sont faites maintenant à Chicago dans des quartiers... dans 343 communautés du Grand Chicago pour tenter de répondre à cette question de la cohésion sociale et de son fonctionnement optimum. On n'est pas sortis de l'auberge, M. le Président, si on veut tenter maintenant d'introduire dans un projet de loi, un projet qui nous semble à prime abord extrêmement vertueux et angélique, celui de la diversité et sans doute celui de la cohésion sociale, mais pour lequel on n'a pas grande indication, de la part de la ministre et de son entourage, quant à la définition opérationnelle...
Très modestement, M. le Président, je vous soumettrai que la cohésion sociale repose sur deux grandes dimensions: celle d'un minimum et non pas d'une totalité, mais d'un minimum de valeurs partagées et celle d'un minimum d'interactions et d'activités partagées entre les membres d'une communauté. Et j'ai eu l'occasion, M. le Président, il y a deux semaines, d'assister à la fête nationale des Italiens à Montréal, et, pour qui veut savoir ce que c'est que la cohésion sociale dans une communauté, bien il n'a qu'à se présenter à cette fête-là et il ou elle comprendra ce qu'on veut indiquer par cette notion.
Cependant, M. le Président, vous qui la connaissez très bien, cette communauté, est-ce qu'on serait capables, à partir du projet de loi qui nous est soumis par la ministre, de refaire l'histoire et de se demander: Si ce projet de loi avait existé à l'époque, dans les années quarante, dans les années quarante-cinq, dans les années cinquante, et que nous ayons été mis en présence d'une très forte demande cohésive de la communauté italienne d'immigrer dans cette terre d'accueil que représentait le Québec à l'époque, qu'est-ce qui serait advenu de toutes ces familles de cette première génération, de cette deuxième et de cette troisième génération de la communauté italienne que l'on a accueillies à bras ouverts sans se demander si ce bassin géographique avait fourni son dû ou non et, dans cette partie de Montréal où les Italiens s'installaient, s'il y avait suffisamment d'Italiens ou si on avait dépassé une certaine limite ou si on n'avait pas dépassé une certaine limite, si l'équilibre entre francophones, anglophones et Italiens était suffisant?
Quelle sorte de question, quelle sorte de boîte de Pandore sommes-nous en train d'ouvrir, M. le Président, avec ce concept de diversité optimale du patrimoine socioculturel? Quelle sorte de boîte de Pandore sommes-nous en train d'ouvrir et de menaces dans nos relations entre communautés fraternelles au Québec?
Je pose la question non simplement en vertu des personnes qui nous arrivent, mais aussi en vertu des personnes et des communautés qui sont déjà installées au Québec, M. le Président, et qui s'inquiètent quelque part que l'on remue tout cela et que l'on vienne à poser des questions à rebours sur l'utilité, la non-utilité, la fonctionnalité, la non-fonctionnalité, l'opportunité, la non-opportunité, la pertinence ou l'impertinence qu'il y ait tant de personnes de tel ou de tel bassin géographique à Montréal, M. le Président, par exemple, ou à Québec ou n'importe où au Québec.
Alors, M. le Président, il y aurait encore beaucoup plus à dire concernant les a priori de ce projet de loi. Et je sais, je sais, M. le Président, que la ministre a été attentive à un certain nombre de remarques qui lui ont été faites via les médias, via nos interventions à l'Assemblée nationale, via des collègues, nous dit-elle, de son propre parti et...
Mme Courchesne: ...
M. Bouchard (Vachon): ...oui, via les consultations particulières qu'elle a menées. Je pense qu'elle a dû être attentive à cela et qu'elle a dû, dès lors, commencer à réfléchir sur ce concept de diversité, ce concept de bassin géographique qui pourrait être exclu ou non et ce concept de rétroactivité dans l'application de la dimension de la sélection par bassins géographiques et qu'elle a préparé, M. le Président, un certain nombre d'amendements dont elle pourrait sans doute être fière. Et on raccourcirait et on irait droit au but dans nos discussions à propos de ce projet de loi si la ministre acceptait de déposer en bloc ses amendements pour que nous puissions voir où en est la réflexion de la ministre au moment où on se parle. Peut-être qu'on dit des choses maintenant qui sont tout à fait non pertinentes tout simplement parce qu'elle a déjà réfléchi à la question et en est venue à la conclusion qu'on s'entendrait facilement. Alors, pourquoi ne dépose-t-elle tout simplement pas ses amendements en bloc pour que l'on puisse juger du bien-fondé de l'ensemble de ces dispositions dans ce projet de loi n° 53, M. le Président? Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Vachon. Je cède maintenant la parole à... Je n'ai pas de demande. Est-ce que j'ai une demande du député de Gouin? Oui?
M. Bouchard (Vachon): Tout à fait. J'ai demandé à la ministre de déposer...
Le Président (M. Cusano): Mais là c'est parce que vous avez... la question a déjà été posée et la ministre a déjà répondu.
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, excusez-moi.
Le Président (M. Cusano): Oui?
M. Bouchard (Vachon): Je comprends peut-être mal le fonctionnement des commissions, mais est-ce que la ministre n'a pas le loisir de changer d'idée en cours de route?
Mme Courchesne: Ah oui!
Le Président (M. Cusano): Ah oui, oui! elle a le loisir. Alors, bon, bien, Mme la ministre, il y a une deuxième demande si vous voulez déposer en bloc votre...
Mme Courchesne: Écoutez, est-ce que je peux réagir? Non? Je n'ai pas le droit de parler, là, hein?
Le Président (M. Cusano): Non, c'est juste...
Une voix: Bien oui, bien oui.
Une voix: Peut-être que par consentement...
Mme Courchesne: Je ne sais pas. J'ai le droit?
Le Président (M. Cusano): Mme la ministre.
n(16 heures)nMme Courchesne: Non, non, mais, écoutez, j'ai une simple remarque puis j'écouterai le député de Gouin avec attention s'il a des remarques préliminaires. Mais, M. le Président, je trouve ça curieux: on veut les demandes en bloc à l'heure actuelle, mais, dans la même foulée, chaque député qui s'est prononcé dit aussi: Il faut attendre à l'automne. Alors, vous comprendrez ma prudence.
Le Président (M. Cusano): Merci. Monsieur le...
Mme Courchesne: Non, mais là, je m'excuse, vous dites que vous souhaitez que la loi soit reportée à l'automne. J'ai entendu ça plusieurs fois. Alors, vous comprenez ma prudence.
Le Président (M. Cusano): O.K. Alors, je comprends que les amendements ne sont pas déposés.
Mme Courchesne: À cette étape-ci, non.
Le Président (M. Cusano): Alors, M. le député, à ce stade-ci, ils ne sont pas déposés. M. le député de Gouin et le leader de l'opposition officielle.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, d'abord je voudrais vous saluer et saluer les membres de la commission, saluer notre secrétaire qui, si je comprends bien, officie pour une des premières fois comme secrétaire bien en titre. Alors, je veux la saluer... Non? C'est ce qu'on m'avait indiqué.
Une voix: Ça fait un bout de temps qu'elle fait ça.
M. Boisclair: C'est la première fois que j'ai le plaisir en tout cas de la saluer.
Je veux à mon tour, M. le Président, intervenir et faire quelques remarques préliminaires. Je veux, d'entrée de jeu, qu'il soit clair... Et j'ai consulté mes collègues: ce que nous cherchons, c'est une bonification du projet de loi. Et, si les bonifications qui sont proposées sont des bonifications qui vont dans le sens des commentaires qui ont été faits par les gens qui sont venus en commission parlementaire, par des commentateurs qui se sont exprimés sur la question, par mes collègues, et en particulier la députée de Prévost, bien il est clair, M. le Président, que nous ferons notre devoir correctement et que ce projet de loi normalement devrait suivre son cours et être adopté pour la fin de cette session.
Je n'ai pas de boule de cristal, mais je penserais bien que, vendredi prochain, nous serons dans les dernières heures à siéger en commission parlementaire, donc d'ici vendredi, pas qui vient, mais le suivant. Le leader a appelé des projets de loi mardi, projets de loi privés, mardi, donc ça veut dire qu'on siège au moins jusqu'à mercredi. Et, possiblement, on a, l'opposition officielle, là, par son travail... Si aucun mouvement n'est manifesté sur ce projet de loi et sur un autre qui est l'omnibus municipal, où on nous a annoncé là encore des amendements ? mais là, cette fois-ci, on les a déposés ? on pourrait siéger jusqu'à vendredi. Et, écoutez, notre plaisir aussi, ce serait de revenir quand même siéger mardi, au lendemain du référendum sur les défusions. Je rêverais, moi, de pouvoir proposer au chef de l'opposition et à ma collègue députée de Bourget d'organiser une période de questions après les référendums sur les défusions, ce serait vraiment fantastique, l'opposition ferait flèche dans de nombreuses directions. Mais je pense que le leader du gouvernement, M. le Président, va me priver de ce plaisir.
Donc, je veux que ce soit clair, là, auprès des gens de la commission: nous n'avons pas le matériel, compte tenu du menu législatif, pour mener une bataille parlementaire qui pourrait nous donner des gains parlementaires. Tous les projets contestés ou qui auraient pu soulever des discussions ? si le mot «contestés» vous apparaît trop fort ? ont été reportés pour l'automne. Prenons l'exemple du Commissaire à la santé, prenons le cas de la question du «no fault», toutes ces questions feront l'objet de consultations, des documents d'orientation dans certains cas seront déposés. Alors, en d'autres mots, le menu législatif, là, pour cette session-ci, n'est pas très contentieux, pour le moins.
Donc, l'opposition ne gagne rien à manifester, sur le plan parlementaire, une opposition sur ce projet de loi, espérant ? certains auraient pu penser ? bloquer un autre projet de loi. Ça, on n'est pas du tout, du tout, du tout là-dedans, là. On n'est pas là-dedans, on est sur une question de fond. Je le répète, M. le Président: L'opposition officielle n'a aucun gain parlementaire à utiliser la joute parlementaire pour espérer obtenir un gain politique de fin de session, il n'y a pas de menu législatif. Donc, nous sommes ici avec... je suis ici avec mes collègues pour marquer une opposition de fond ? de fond ? et je voudrais m'exprimer sur cette question et sur ce qui explique notre présence.
D'abord, M. le Président, de tout temps le Québec s'est distingué de par le monde par la qualité de ses politiques d'immigration. Ses politiques d'immigration ont fait en sorte que le Québec est une des rares sociétés qui fait le choix de sélectionner des candidats à l'immigration à l'étranger. Nous avons donc en ces matières une politique proactive, et cette politique, elle nous distingue, et nous pouvons en être fiers.
Alentour de l'immigration aussi s'est développée une compétence tout originale du Québec. Pensons à l'entente Cullen-Couture, pensons à l'entente McDougall?Gagnon-Tremblay. Pensons donc à un intérêt toujours bien présent du peuple québécois de pouvoir gérer de son mieux les flux migratoires qu'il accueille sur son territoire. Cette préoccupation est même devenue, à un moment donné, au sommet des priorités politiques lorsqu'il était proposé, dans les accords de Meech, de faire de cette question de l'immigration une question clé. Et, si ma mémoire est juste ? je ne voudrais pas vous induire en erreur ? M. le Président, je pense même qu'on donnait plus de valeur à cette entente administrative dans les accords de Meech. Donc, il y avait véritablement une préoccupation.
Puis il y a un apprentissage qui s'est fait dans la société québécoise. Qu'est-ce que nous avons appris, M. le Président, avec le temps? Nous avons appris à bien sélectionner à l'étranger. Il était une époque où, au ministère de l'Immigration, essentiellement les outils les plus importants qui étaient utilisés étaient ceux des listes des emplois disponibles par opposition aux listes qui étaient à l'époque soustraites des candidatures d'immigration, et on cherchait essentiellement, au gouvernement, à faire la meilleure jonction possible entre un emploi occupé par une personne à l'étranger et un poste qui, selon des données d'Emploi-Québec en particulier, serait disponible au Québec. Donc, on tentait de faire cette adéquation de l'offre et de la demande.
Au fil du temps est apparu le fait que cette adéquation, bien que, sur le plan théorique, elle pouvait sembler intéressante, mais, sur le plan pratique, c'était excessivement difficile à faire. Pourquoi? Parce que d'abord les emplois qui sont affichés comme étant disponibles au Québec ne le sont pas nécessairement toujours à cause d'une rareté de main-d'oeuvre, ils le sont, dans certains secteurs, aussi à cause des politiques salariales qui font en sorte que les emplois disponibles trouvent difficilement preneurs. On s'est rendu compte aussi qu'entre le moment où une personne fait le choix d'immigrer et dans les faits immigre il peut se passer un long délai non seulement à cause du processus de sélection québécois, mais aussi à cause du processus d'émission de visa. Puis, une fois que la personne a son CSQ, a son visa, ce n'est pas évident que, dans les heures qui vont suivre, là, elle va faire le choix de venir au Québec. Et donc on s'est retrouvé dans un contexte où ce jeu de l'adéquation de l'offre et de la demande était un jeu un peu complexe et un jeu qui parfois nous privait de bonnes candidatures et parfois attirait chez nous des candidatures qui n'étaient pas celles nécessairement dont le Québec avait de besoin.
Donc, qu'est-ce que le gouvernement a fait? Inspirés de sages conseils de gens qui étaient d'expérience, je pense entre autres à Yvan Turcotte, qui était à l'époque responsable des questions d'immigration, qui aujourd'hui occupe de plus hautes fonctions au ministère de l'Immigration, les gens de l'appareil public nous ont convaincus, et nous l'avons fait avec beaucoup d'enthousiasme, de changer complètement l'approche et d'en arriver dans une approche où, plutôt que de regarder les emplois disponibles et les emplois occupés à l'étranger par les candidats, on va miser sur un concept qui est celui du concept de l'employabilité et de la mobilité professionnelle.
En somme, ce que le Québec cherche, ce sont des gens qui, lorsqu'ils vont venir ici... lorsque nous avons fait le choix... D'ailleurs, nous leur avons accordé ce privilège de les sélectionner pour venir immigrer ici. L'immigration, M. le Président, vous le savez comme moi, n'est pas un droit, c'est un privilège que nous accordons à des gens de venir sur notre territoire national. Nous, nous avons fait le choix d'accorder ce privilège en disant: Bien, ces personnes, qui voient aussi dans le geste administratif que nous posons un jugement sur la qualité de leurs candidatures et sur la possibilité réelle qu'ils ont de s'intégrer, on fait le choix de dire: Misons d'abord et avant tout sur le profil de la personne et sur ce qu'on a appelé donc ce potentiel d'employabilité et de mobilité professionnelle.
n(16 h 10)n Comment on a évalué ça? Bien, on a regardé... Comment on évalue ce potentiel? De façon assez simple, M. le Président: on regarde essentiellement l'âge de la personne; on regarde la connaissance de la langue française, à laquelle on accorde plus de points qu'à la connaissance de la langue anglaise, mais on donne des points pour la connaissance de la langue anglaise; on regarde le niveau de scolarité; on regarde l'expérience de travail, dans quel domaine les gens ont travaillé. On regarde aussi, puis c'est un fait nouveau, si les personnes sont déjà venues au Québec, si elles ont une expérience du Québec, et donc, à cet égard, on a des critères objectifs sur lesquels on a pu miser pour avoir un outil de sélection qui soit neutre, neutre en ce sens qu'il s'applique de façon égale partout sur le territoire, et un outil qui, dans les faits, nous permet aussi de sélectionner de meilleurs candidats.
Parce que, dans le fond, M. le Président, la capacité d'une personne de pouvoir participer au développement de la société n'a rien à voir avec le territoire national de là où la personne provient. Je ne voudrais pas ici, moi-même, reprendre des préjugés qui sont colportés trop facilement dans notre société, mais ni la couleur de la peau, ni le territoire national, ni les convictions religieuses n'ont à voir avec les compétences d'une personne puis la possibilité bien réelle pour ces personnes de s'intégrer sur le marché du travail. Donc, ces outils sont de bons outils, qui s'appliquent de façon neutre.
Est-ce que ces outils, M. le Président, nous mettent à l'abri d'erreurs? Certainement pas. Et parfois il faut noter ? puis je dirais même trop souvent ? que les immigrants, lorsqu'ils arrivent ici, première génération, connaissent une véritable déqualification professionnelle. Donc, les premières années sont véritablement difficiles. Pourquoi? Parce que, pour plusieurs d'entre eux et d'entre elles, l'absence d'expérience de travail sur le continent est un obstacle. Et il faut comprendre que, dans certains cas, le marché du travail est organisé complètement différemment. Les compétences sont parfois aussi difficiles à faire reconnaître. Il y a aussi des rigidités, disons-le, sur le marché du travail. Pensons, entre autres, aux ordres professionnels. Donc, ce n'est pas des outils parfaits, mais ce sont quand même des bons outils.
Mais jamais il ne nous est venu à l'idée d'ajouter à cette grille, qui... la ministre, je l'ai entendue, nous indique qu'ils vont continuer... c'est cette grille qui va continuer de s'appliquer, un critère pour venir dire: Nous bloquons des bassins. Jamais. Jamais ce n'est arrivé. Oui, il y a eu des retards. À l'époque, quand j'étais moi-même ministre, le bureau de Paris traitait d'immenses volumes, j'avais eu, à un moment donné... et c'est dans les annales du ministère, en conférence de presse sur la nouvelle grille de sélection, j'avais indiqué qu'une des conséquences de cette grille, ce serait qu'on aurait davantage de candidats qui viennent du Maghreb. Cette petite phrase que j'ai prononcée s'est retrouvée chez tous les consultants, chez tous les spécialistes, et on a accueilli à l'époque une pluie de candidatures venant du Maghreb. Jamais, malgré tout ça, on n'a bloqué les bassins. On a traité de façon administrative ces candidatures, puis le Québec dans les faits est allé chercher d'excellents candidats. Jamais non plus, lorsqu'on accueillait 60 % de gens qu'on sélectionnait dans la catégorie d'employabilité et de la mobilité professionnelle, des gens qui venaient du bassin de Paris, jamais personne, un jour, ne pensait dire: Au nom de la diversité, on va faire entrer moins de Français, puis on va faire entrer plus de Latino-Américains, plus de gens de l'Europe de l'Est.
Le premier ministre lui-même ne se gêne pas en disant: Je veux... Charest vise la France, je me souviens... je m'excuse, M. le Président: [Le premier ministre] vise la France, bien c'était un titre de journal dont on a tous pris connaissance. Le premier ministre lui-même disait: Je fais ce choix très conscient, il y a là un bassin, il y a des candidatures intéressantes, puis il y a plein de gens qui pourraient faire le choix puis de gagner, de ce choix, de faire, de réaliser un projet d'immigration puis de le réaliser au Québec.
Donc, comment ça se fait que ça apparaît à ce moment-ci? Et c'est ça, la première question qu'il faut poser à la ministre. Si elle réclame ce pouvoir qui n'existe pas dans le droit, qui n'existait pas jusqu'à aujourd'hui dans le droit québécois, si elle réclame ce pouvoir qui n'existe pas non plus dans le droit fédéral, la première question qu'il faut lui poser, c'est: Pourquoi? Puis quels bassins veut-elle bloquer? Moi, M. le Président, là, on va être bien clair, là, je ne consentirai pas puis je ne recommanderai pas à mes collègues, puis dans les discussions que je vais avoir avec eux, qu'on aille de l'avant si on ne sait pas en quoi ce pouvoir discrétionnaire, qui n'est pas arbitraire... Je comprends que la ministre doit aller au Conseil des ministres puis qu'elle doit passer à travers les comités ministériels, puis ainsi de suite, puis requérir l'avis des autres ministères. Mais je veux, alors que le législateur s'apprête à donner à la ministre des pouvoirs qu'on pourrait qualifier d'extraordinaires, savoir qu'est-ce qu'elle veut en faire. Et j'ai demandé cette question-là à l'adoption de principe, au débat qu'on a fait sur l'adoption de principe. Je n'ai pas eu de réponse. Et je comprends qu'en commission parlementaire nous n'avons pas eu non plus guère de réponse sur ces questions.
Et, si la ministre vise le Maghreb, qu'elle nous dise en quoi la situation du Maghreb... Parce que c'est ce qu'on déduit, là. C'est ce qu'on déduit parce que la ministre nous parle des délais des candidatures qui viennent du Maghreb. Donc, j'en conclus que le prochain bassin qu'elle veut fermer... le premier bassin qu'elle veut fermer, c'est le bassin du Maghreb. Je m'autorise à cette conclusion, elle n'est pas validée, mais, compte tenu de ce que j'entendais, j'en déduis que c'est le Maghreb qu'elle veut fermer. Donc, si elle veut fermer le Maghreb, qu'elle nous dise en quoi ces candidatures ne sont pas de bonnes candidatures pour le Québec, qu'elle nous dise en quoi, M. le Président, ces candidatures sont une menace à la diversité du patrimoine socioculturel québécois.
Puis, si elle veut bloquer le Maghreb, qu'elle nous dise pourquoi elle bloque le Maghreb, alors qu'à une autre époque, quand on recevait 60 % de candidats qui venaient de la France, personne ne s'est jamais posé cette question. C'est pour ça que la Commission des droits de la personne, que le Protecteur du citoyen puis tous ceux qui connaissent... qui s'intéressent à la défense des droits, l'AQAADI, l'association canadienne des avocats en droit d'immigration, le Barreau canadien, la Commission des droits, posent cette question. Jamais ce n'est venu à l'esprit du législateur, quand on avait une majorité de gens qui venaient de France, de dire: Attention! menace à la diversité socioculturelle, il faut plus de Maghrébins, plus de Latino-Américains, plus de gens qui viennent de l'Europe de l'Est, toujours en appliquant la même grille. Bon.
Alors, posons-nous la question: Peut-être y aurait-il des questions de sécurité? Disons qu'on met ça sur la table. Les événements du 11 septembre, ils sont là. On est bien conscients, M. le Président, que des questions de sécurité préoccupent la ministre de l'Immigration. Ça a d'ailleurs été... je ne dis pas dans le cas aujourd'hui, mais dans les discussions qui se sont faites avec les Américains et le gouvernement canadien. Pour moi-même avoir rencontré, quand j'étais ministre, M. le Président, l'ambassadeur américain au Canada, je peux vous dire que l'ambassadeur américain m'a questionné... Je n'étais plus ministre de l'Immigration à l'époque, j'étais ministre de l'Environnement quand je l'ai rencontré, puis on a discuté de deux choses avec l'ambassadeur américain, on a discuté de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto ? et l'ambassadeur avait un propos dont je me souviendrai longtemps, sur le Protocole de Kyoto ? puis immédiatement il me dit: M. le député, vous avez aussi été ministre de l'Immigration. Puis on a ouvert sur l'immigration.
Alors, cette question, elle préoccupe du monde, à quelque part, au gouvernement, au point que le gouvernement, à l'époque, avait pris certaines dispositions pour l'émission de certificats de naissance. Mon collègue, à l'époque, député de Fabre, avait aussi fait le choix de dire: Les certificats de naissance ne seront plus disponibles sur Internet, essentiellement motivé par des questions de sécurité. Alors, cette question-là, elle existe. Mais, si cette question-là existe puis elle est dans l'esprit de la ministre, je veux simplement plaider que ce n'est pas à elle à gérer ça. Elle n'a aucune compétence pour porter un jugement sur la sécurité, pas qu'elle n'a pas une opinion, mais c'est le fédéral qui admet sur le territoire, c'est le fédéral qui gère sur des questions de sécurité puis de santé, puis qui émet des visas.
Donc, si la ministre... de deux choses l'une: soit qu'elle fait la sale job du gouvernement fédéral puis qu'elle est inspirée par des questions de sécurité ? elle nous a dit que non, je prends sa parole ? ou, pour une raison, qu'elle perçoit qu'il y a une menace en quelque part à la diversité, je vais le dire une fois, à la diversité du patrimoine socioculturel québécois ? je vais y arriver, je vous le promets, M. le Président, à le dire d'un seul coup d'ici la fin de cette commission. Alors, mais qu'elle nous dise l'un ou l'autre, là, c'est quoi, le problème puis en quoi les candidatures du Maghreb sont un problème?
Puis je veux dire, M. le Président, que... Et je termine là-dessus ? vous m'indiquez qu'il me reste trois minutes ? je veux dire, M. le Président, que les questions d'immigration se sont toujours discutées, au Québec, plus que dans un relatif consensus: dans un grand consensus. Le Parti québécois a appuyé le Parti libéral et Mme Gagnon-Tremblay quand Paul Müller, entre autres, avait tenu la plume pour écrire l'énoncé de politique qui a guidé le gouvernement. Le gouvernement d'aujourd'hui a appuyé nous, de l'opposition officielle, lorsqu'on a déposé la nouvelle grille de sélection et qu'on a présenté pour la première fois un énoncé de politique, que je vous invite à relire, Prévoir et planifier. On a reçu l'appui de vous. Là, ce consensus, M. le Président, que nous avons établi, il est menacé.
Et je compte sur la ministre pour qu'elle rende publics les amendements, pour qu'elle nous dise en quoi elle veut apporter des ajustements, on a lu dans les journaux, on a entendu à l'Assemblée nationale qu'il y avait des ajustements qui étaient possibles, puis, à partir de là, on va juger. Mais, au nom de ce dialogue qui s'est toujours fait entre les familles politiques, la ministre a ce premier devoir de transparence: nous dire pourquoi... où elle veut utiliser ce pouvoir discrétionnaire. La ministre qui se drape dans la transparence ? j'ai entendu ses commentaires de remarques préliminaires ? qu'elle nous dise, là, où elle veut utiliser ce pouvoir-là; deuxièmement, qu'elle rende publics les amendements, puis on verra de quelle façon nous pourrons faire en sorte que ce consensus entre les familles politiques, qui a toujours existé, bien que ce consensus puisse être maintenu puis, espérons-le, M. le Président, que ce consensus puisse grandir.
n(16 h 20)n Et j'ai discuté, à l'époque, avec la députée de Saint-François, quand elle était ministre de l'Immigration. Il y avait ce dialogue franc, ouvert, harmonieux. Il n'y a jamais eu de... passez-moi l'expression un peu vulgaire, mais il n'y a jamais eu de game politique sur les questions d'immigration. Il n'y a pas eu de... L'opposition libérale de l'époque puis péquiste d'une autre époque n'a jamais essayé d'utiliser ce dossier pour mettre des bâtons dans les roues de nos adversaires. Nous nous sommes toujours entendus sur les politiques.
Bien sûr, il y a de la politique, bien sûr, parfois nous reprenons de accents partisans, mais jamais, sur ces questions, nous nous sommes divisés sur le fond. Moi, je plaide pour que ce consensus... alors qu'on veut accueillir davantage d'immigrants au Québec, c'est le choix de la ministre, alors qu'on est tous ici pour dire que c'est important, puis que ça valorise le Québec, puis ça enrichit le Québec, bien je plaide, M. le Président, parce que c'est important, qu'on maintienne ce consensus entre les familles politiques. Seule la ministre a la réponse à cette question, à ces attentes, et j'espère qu'elle saura entendre cette voix qui m'apparaît raisonnable, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Alors, à ce moment-ici, j'appelle l'article...
M. Boisclair: J'ai une motion, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Vous avez une motion?
M. Boisclair: Oui.
Le Président (M. Cusano): Je vous écoute.
Motion proposant de mettre une copie des projets
de règlement à la disposition des députés
M. Boisclair: Alors, je vous la dépose dans un petit instant. Alors, M. le Président:
«Il est proposé que la Commission de la culture souhaite que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration mette à la disposition des députés une copie des projets de règlements concernant l'application du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, et ce, dans le but de faciliter l'étude détaillée du projet de loi.»Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce qu'il y a des commentaires au niveau de la recevabilité de cette motion?
M. Boisclair: Cette motion, M. le Président, m'apparaît en tous points conforme à celles qui ont déjà été déposées. Je vous réfère à une décision du 14 décembre 1992, qui avait été rendue par le député de Jeanne-Mance, Michel Bissonnet, alors qu'il était président d'une commission plénière. Je vous réfère aussi à une autre motion, du 21 décembre 1998, sur le projet de loi n° 178, une décision de M. Jean-Pierre Saintonge. Ces deux jurisprudences me confortent dans la pensée que j'ai que cette motion est recevable, puisque la motion mutatis mutandis est en tous points conforme à celles qui ont déjà été jugées recevables, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? À ce moment-ici, je vais prendre quelques minutes pour bien regarder la motion ainsi que des décisions antérieures. Alors, je suspends à loisir.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
(Reprise à 16 h 33)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, les membres de la commission ont été saisis par la motion suivante:
«Il est proposé que la Commission de la culture souhaite que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration mette à la disposition des députés une copie des projets de règlements concernant l'application du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, et ce, dans le but de faciliter l'étude détaillée du projet de loi.» Alors, la présidence doit se prononcer sur la recevabilité de cette motion. Et, après avoir regardé les décisions parlementaires très expérimentées, je dois vous dire à ce moment-ci qu'une telle motion certainement aiderait et contribuerait à un meilleur accomplissement de la part du travail qui est fait dans la commission. Alors, je juge cette motion recevable. Alors, M. le député de...
M. Boisclair: Une demi-heure?
Le Président (M. Cusano): Vous connaissez le règlement autant que moi, M. le député de Gouin. Alors, vous disposez d'une demi-heure.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, je pense que la clé de mon propos, c'est vous qui l'avez identifiée. Vous avez vous-même, dans la neutralité qui vous habite, vous avez indiqué aux membres de cette commission et au public qui nous regarde que cela faciliterait grandement les travaux de cette commission si nous avions accès aux règlements que la ministre pourra adopter avec les nouvelles dispositions habilitantes qui sont contenues au projet de loi.
M. le Président, quelle est la différence entre la loi et le règlement? Parce qu'il faut revenir, pour que les gens comprennent bien, particulièrement ceux qui nous écoutent, il faut faire cette distinction importante. Une loi, M. le Président, est un pouvoir qui est donné à une personne responsable de la loi, en l'occurrence un ministre, un membre du Conseil exécutif, qui, en fonction de ce que contient la loi, doit se comporter d'une façon ou d'une autre, qui a un pouvoir que n'a pas un autre, et qui donc vient encadrer la société dans laquelle nous vivons, et chacune des lois est de responsabilité d'un ministre.
Ces lois sont débattues ici, à l'Assemblée nationale, et c'est nous, les parlementaires, qui confions des pouvoirs aux membres du Conseil des ministres. Nous le faisons en débattant d'un projet de loi, en discutant de son adoption de principe, en discutant article par article en commission parlementaire, un rapport est déposé à l'Assemblée nationale, nous discutons de ce rapport sur le travail qui a été fait en commission et finalement il y a un débat sur l'adoption finale. Ce processus est un processus qui nous assure d'une complète transparence. Ce processus aussi nous permet, à nous qui sommes les membres du législatif, de bien faire notre travail. Et, lorsqu'on accorde un pouvoir à un membre du Conseil exécutif par une loi, bien on s'assure que les choses sont bien faites.
Un règlement cependant, M. le Président, ne suit pas du tout, du tout, du tout le même chemin pour être adopté. Un règlement ne fait pas l'objet de débats à l'Assemblée nationale, un règlement ne fait pas l'objet de discussions en commission parlementaire. Un règlement est discuté uniquement au Conseil des ministres, et ce règlement est adopté par décret du Conseil des ministres.
Donc, la loi, c'est une chose, un processus d'adoption bien connu, qui appartient au législatif, réglementé dans notre règlement de l'Assemblée nationale, et le règlement, lui, bien est un processus complètement distinct, qui répond non pas du règlement de l'Assemblée nationale mais, si ma mémoire est juste, d'une loi sur l'exécutif ou d'une loi dont je ne saurais vous donner le titre exact mais qui relève de tout autre disposition. Donc, un règlement, c'est adopté par décret du gouvernement.
De quelle façon un ministre peut-il adopter un règlement? Seulement s'il a le pouvoir habilitant dans la loi d'adopter un règlement. Un ministre ne pourrait pas adopter un règlement s'il n'a pas le pouvoir de le faire. C'est donc dans la loi qu'on trouve la source du droit. Et jamais d'ailleurs un règlement ne peut dépasser dans sa portée le sens qu'a voulu lui donner le législateur, sans quoi ce règlement est réputé être ultra vires, il va plus loin que ce que le législateur a prévu. Si on dit, par exemple, dans la loi, qu'un ministre peut adopter un pouvoir... par règlement, peut décider d'un certain nombre de questions, bien le règlement peut uniquement porter sur les éléments visés dans la loi.
Alors, M. le Président, il se trouve que la ministre, membre du Conseil exécutif, réclame de nous, du législatif, de nouveaux pouvoirs. Moi, je suis bien prêt à lui accorder ces pouvoirs, mais encore faudrait-il savoir, M. le Président, à quoi ces pouvoirs vont servir. Et c'est pour ça que nous aimerions bien avoir une copie des règlements, parce que, au même moment où la ministre nous demande à nous, du législatif, de lui conférer des nouveaux pouvoirs, nous ne savons pas ce qu'elle peut et ce qu'elle veut en faire. Nous en avons une vague idée dans la loi, mais souvent, M. le Président, le diable se cache dans les détails, et ce serait important qu'on ait ces discussions-là, comme vous l'avez d'ailleurs si bien dit en indiquant aux membres de cette commission que cela faciliterait notre travail.
n(16 h 40)n Je vous ramène de façon plus précise à la Loi sur l'immigration au Québec. Cette loi, à la section IV, prévoit, donne des pouvoirs habilitants à la ministre pour qu'elle puisse adopter des règlements. On indique, à l'article 3.3: «Le gouvernement peut faire des règlements pour», et là a, b, c, et là c'est bien détaillé, il y a une liste de pouvoirs réglementaires qui sont à la disposition de la ministre. Sauf, M. le Président, puis ce qui est assez intéressant, c'est que déjà le législateur a accordé ainsi de nombreux pouvoirs réglementaires à la ministre, mais jamais ces pouvoirs n'ont été en vigueur. M. le Président, je pense que c'est une des spécificités de la Loi sur l'immigration. À plusieurs reprises, les ministres de l'Immigration, et je ne parle pas en particulier de l'actuelle ministre, mais se sont présentés devant le législateur pour réclamer des pouvoirs, et c'est frappant de voir que plusieurs d'entre eux n'ont jamais été en vigueur. Je pense en particulier aux articles 3.3c4, d, d1, e, f, f1, f1.1, et il y a là aussi une autre... une longue liste.
Donc, M. le Président, la première chose que je veux dire à la ministre, par cette motion, c'est de dire: Attention, là, le législateur, on n'est pas ici pour rien faire. Puis, si la ministre réclame des pouvoirs, c'est donc dire, puis je l'espère, qu'elle souhaite agir, sans quoi, M. le Président, bien nous conclurons que la ministre veut juste s'en tenir à un discours public qui serait mielleux, intéressant, pour faire plaisir à des clientèles en adoptant une loi mais en ne jamais faisant suivre les règlements. Je n'accuse pas du tout la ministre de ces choses, elle semble bien commise, entre autres sur la question de vouloir encadrer les conseillers en immigration. Mais, si c'est le cas, encore faudrait-il qu'on voit de quelle façon elle veut faire les choses.
Parce que, s'il y a une question qui a été bien discutée en commission parlementaire, c'est bien l'approche que prendrait la ministre, qui suscite bien des questions, et ce qui nous incite d'autant plus à vouloir voir les règlements. Pourquoi cette approche suscite bien des questions, M. le Président? Parce que la ministre, dans une loi, est en train d'organiser une espèce d'ordre professionnel à titre réservé, dans des dispositions particulières qui n'ont rien à voir avec les dispositions qui existent pour les professionnels gérés par le Code des professions et l'Ordre des professions avec tout un système disciplinaire assez complexe.
C'est inusité de voir un gouvernement procéder de cette façon. Je pense que la dernière qui avait fait ce choix, c'était, à l'époque... vous m'excuserez, M. le Président, j'oublie le nom de sa circonscription, mais c'était Mme Louise Robic, qui était ministre des Institutions financières. Elle était députée sur l'île de Laval ? ça me reviendra peut-être d'ici la fin de cette séance. Mais la ministre des Institution financières de l'époque, Mme Robic, avait fait le choix d'utiliser un procédé semblable pour réglementer le cas des courtiers en valeurs mobilières. Alors, il y a une chambre de... en valeurs immobilières, pardon, pas en valeurs mobilières, en valeurs immobilières, ceux qu'on appelle de façon plus...
Une voix: Les agents.
M. Boisclair: ...les agents, ceux qu'on appelle de façon plus populaire les agents d'immeubles. On a créé une chambre d'immeubles, on a créé des obligations professionnelles, on a créé un titre réservé. Tout ça s'est fait dans une loi d'intérêt public, sans utiliser les dispositions du Code des professions, ce qui avait d'ailleurs, à l'époque, valu de nombreuses remontrances au gouvernement de la part des gens qui étaient responsables des ordres professionnels. Bon.
Mais le précédent existe, ce n'est pas impossible de le faire, puis je ne pense pas que le Québec se porte moins bien maintenant que les agents d'immeubles sont mieux encadrés, au contraire, plusieurs pourraient prétendre que c'est là une chose qui a ajouté au professionnalisme des agents d'immeubles.
Donc, encore faut-il savoir ce que la ministre, elle, souhaite faire et de quelle façon elle veut le faire. Et surtout qu'à l'article 11 du projet de loi, M. le Président, le gouvernement se donne le pouvoir donc de changer le droit et d'adopter de nouveaux règlements, par exemple de «déterminer les conditions de validité et la durée d'un certificat de sélection, qui peuvent varier selon les catégories de ressortissants étrangers ou à l'intérieur d'une même catégorie et selon que la demande est faite au Québec ou à l'étranger».
Le gouvernement pourra «déterminer les conditions de validité d'un certificat d'acceptation, qui peuvent varier selon la catégorie d'emploi ou à l'intérieur d'une même catégorie, et déterminer la durée d'un certificat d'acceptation qui peut varier, dans le cas d'un ressortissant étranger qui vient étudier au Québec, selon qu'il est mineur ou majeur ou selon [un] programme ou la durée des études, et, dans le cas de celui qui vient travailler au Québec, selon la catégorie d'emploi ou à l'intérieur d'une même catégorie, ainsi que selon la durée de son emploi, son expérience professionnelle ou les besoins de main-d'oeuvre dans sa profession».
Le gouvernement se donne aussi le pouvoir de «déterminer les cas de caducité d'un certificat de sélection ou d'acceptation, qui peuvent varier selon la catégorie de ressortissants étrangers ou à l'intérieur d'une même catégorie».
En somme, M. le Président, là je pourrais poursuivre très, très longtemps, mais l'article 11 du projet de loi nous en donne à boire et à manger sur ces questions.
J'attire votre attention sur un dernier élément que je n'avais pas encore nommé dans la liste, mais c'est justement en vertu de ces nouveaux pouvoirs habilitants que la ministre pourra établir des normes de qualification pour la reconnaissance d'un consultant en immigration ainsi que les conditions à remplir et les renseignements ou documents à fournir pour être reconnu, la durée de cette reconnaissance, les conditions de son renouvellement, les droits exigés pour une demande de reconnaissance ou son renouvellement. Par exemple, c'est en vertu de ce pouvoir que la ministre pourra décider d'exiger, par exemple, qu'un conseiller en immigration détienne une formation universitaire de niveau bac dans un domaine qu'elle déterminerait. C'est une possibilité. La ministre pourrait exiger qu'une personne ait une expérience professionnelle pertinente.
Mais, si la ministre est sérieuse quand elle dit qu'elle veut réglementer le secteur des consultants en immigration, elle ne peut pas s'en tenir qu'à ces quelques articles de loi qui lui donnent des pouvoirs habilitants. La substance, tout le monde l'a compris ici, dans cette commission, ce n'est pas les articles habilitants, c'est dans les règlements qui vont venir. Puis on ne sait même pas... Pour porter un jugement sur le travail de la ministre, qui est membre de l'Exécutif, nous ne savons pas, nous, puis je pense que personne de cette commission ne le sait non plus, quel est l'échéancier de travail de la ministre.
La ministre peut bien faire des grands discours sur sa volonté de régler cette question qui est complexe, mais encore faudrait-il connaître la substance et connaître ses échéances. D'autant plus qu'on apprend dans la loi que c'est la ministre elle-même qui va déterminer les fonctions et pouvoirs qu'elle-même aura en matière de reconnaissance des consultants en immigration et de surveillance de leurs activités. C'est assez particulier de voir dans une loi un pouvoir habilitant par lequel la ministre se donne le pouvoir elle-même de déterminer les fonctions et pouvoirs qui seront les siens. Regardez cette disposition, M. le Président ? vous en avez vu pas mal, des lois passer, là ? mais un pouvoir habilitant à la ministre de «déterminer les fonctions et [les] pouvoirs du ministre en matière de reconnaissance des consultants en immigration et de surveillance de leurs activités et les cas ou conditions de refus, de suspension, de révocation ou de non-renouvellement d'une reconnaissance».
Je peux-tu vous dire que ça puis un pouvoir habilitant large, ouvert à la façon dont mes bras sont ouverts en ce moment, M. le Président, il n'y a pas grand différence? La ministre, je le répète, se donne le pouvoir de définir ses propres pouvoirs en matière de reconnaissance et de surveillance. Aucune disposition dans la loi sur ces pouvoirs de reconnaissance, aucune disposition dans la loi sur ces pouvoirs de surveillance: elle va mettre ça dans le règlement. Attention! Moi, je suis prêt à faire un débat longtemps sur ce seul article. C'est la première fois, je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres qui ont été adoptés, mais que je vois une disposition pour un pouvoir habilitant rédigée dans des termes aussi larges que ça.
La ministre se donne le pouvoir, dans la loi, de déterminer elle-même, dans un règlement, quels seront ses pouvoirs. Depuis quand on détermine les pouvoirs d'un ministre par règlement si ce n'est pas dans un pouvoir habilitant? Je ne suis pas légiste. Mon commentaire est davantage celui de quelqu'un qui fait une lecture attentive de ces textes, qui en a une certaine connaissance, mais ça puis un pouvoir tous azimuts là, c'est à peu près la même chose.
Je répète aussi que, sur ce pouvoir habilitant, la ministre pourra «déterminer les conditions ou obligations applicables à un consultant en immigration ou les activités qui lui sont interdites, notamment quant à la publicité de ses activités». Alors, plein de gens seraient intéressés à savoir ce qu'il en est de ce pouvoir. Les avocats ont sûrement une opinion là-dessus. L'Office de protection du consommateur a certainement une opinion là-dessus. Les groupes de défense de droits ont très certainement une opinion là-dessus. Les organismes qui font de l'accueil, et de l'intégration des immigrants, et de l'établissement sont aussi intéressés à savoir quelles seront ces règles. Nenni. La ministre dit: Faites-moi confiance, je vais rapporter mon projet de loi à la maison puis je vais tout m'occuper de ça. Attention! Avant de lui confier ce pouvoir, M. le Président, on demande un certain nombre d'assurances. Puis ce n'est pas naïf, là.
L'autre article qui suit: «Prescrire le contenu et le montant de l'assurance responsabilité professionnelle que doit détenir [le] consultant en immigration.» Ça va être quoi, le montant? Si le mécanisme de mise sur pied de contrôle des activités des consultants en immigration est pour être un mécanisme crédible, encore faut-il qu'il y ait une assurance responsabilité qui soit à la hauteur, qui aille de pair. La ministre, j'espère au moins qu'elle va nous dire qu'est-ce qu'elle a en tête. C'est quoi, le montant d'assurance responsabilité qu'un consultant devra souscrire? Quelle sera les obligations qui lui seront faites en ces matières?
n(16 h 50)n Et donc la ministre finalement se donne le pouvoir de déterminer, parmi les dispositions d'un règlement, celles dont la violation constitue une infraction, infraction qui est sans doute passible d'amendes qui sont prévues aux dispositions de l'actuelle loi. Mais je serais bien curieux, moi, de savoir qu'est-ce qui va faire l'objet d'une infraction, qu'est-ce qui ne fera pas l'objet d'une infraction.
Donc, tout ce temps, M. le Président, pour vous dire qu'avoir des règlements, ce n'est pas un caprice. Et je suis convaincu que la ministre, qui, depuis un an, réfléchit sur la question de l'encadrement des consultants en immigration, puis aussi depuis le temps, M. le Président, que le ministère réfléchit à ces questions, elle a sûrement des opinions et elle a sûrement des textes qui sont prêts ou au moins, à défaut d'avoir des textes rédigés dans le détail, prêts à publier dans la Gazette officielle, au moins quelques repères, quelques balises pour nous permettre de procéder.
Donc, voilà ce qui constitue, M. le Président, l'essentiel de ma plaidoirie en faveur de la motion que j'ai présentée. Mais cela ne s'arrête pas là, M. le Président. Il faut ajouter aussi une réflexion sur l'équilibre global du projet de loi. Je répète que la ministre, si elle refuse cette motion, viendra ajouter à nos inquiétudes et nous mènera à penser qu'elle nous invite à légiférer dans le noir: Faites-moi confiance, je vais tout vous régler ça! Moi, je suis bien prêt à faire confiance aux gens, je suis bien prêt, comme membre du législatif, à donner des pouvoirs à une ministre, mais encore faudrait-il qu'on l'entende.
Puis jamais, à l'Assemblée nationale, et j'ai demandé en commission parlementaire... je n'étais pas là au moment des consultations, mais jamais je n'ai entendu la ministre s'exprimer sur aucune des questions qui sont là dans le détail. Elle nous a tous dit, dans son discours de première lecture, qu'elle voulait mieux réglementer les agents. Elle nous a parlé des pouvoirs qu'elle voulait réclamer de l'Assemblée nationale, mais jamais, jamais elle ne nous a dit quelles seront les règles, quelles seront les conditions. Comment voulez-vous, dans ces circonstances, que je lui donne un chèque en blanc? Alors, M. le Président, cela me fait penser que ce projet de loi est un projet de loi important. Il peut sembler insignifiant par le nombre des articles, mais, quand on regarde les pouvoirs que nous nous apprêtons à accorder à la ministre, c'est un projet de loi important.
Puis la suspicion, M. le Président, dont je vous parle, elle est d'autant plus grande, elle est d'autant plus grande que la ministre réclame aussi un pouvoir discrétionnaire très grand pour bloquer des bassins. Alors, je comprends que ce projet de loi s'intitule Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, mais il se s'en serait... il en aurait fallu de peu, devrais-je dire, pour que ce projet de loi s'intitule loi confiant des pouvoirs extraordinaires à la ministre de l'Immigration. Parce que c'est ça qu'on est en train de faire par ce projet de loi: non seulement des pouvoirs habilitants forts sans règlements, pouvoirs discrétionnaires jamais vus, bien sûr balisés par une décision du Conseil des ministres, mais pouvoirs d'initiative jamais vus en droit québécois puis qui n'existent pas non plus en droit fédéral.
Mais là qu'est-ce qui se passe, M. le Président, pour que la ministre légifère de cette façon et nous tienne dans le silence? Je le répète, M. le Président, nous sommes ici depuis 15 heures, j'ai entendu chacun de mes collègues s'exprimer puis demander le dépôt des amendements, j'ai entendu la ministre nous dire qu'elle comprenait bien la demande, qu'elle avait des inquiétudes, j'ai tenté de la rassurer, mais toujours pas plus les amendements, là, M. le Président. Deux heures plus tard: toujours dans le silence, toujours dans le noir. Ça fait que, vous pensez bien, M. le Président... Je peux-tu vous faire une gageure, moi? Quand on va demander les règlements, on va se faire dire la même affaire puis on va se faire dire: Les règlements...
Puis j'ai entendu dire: C'est sûr. «C'est sûr», qui a dit... C'est la ministre qui a dit «c'est sûr»? Ah bien! Ma foi du bon Dieu! Ça va mal, M. le Président! Ça va mal, c'est sûr. Avant même, M. le Président, que la cause ait été finie de plaider, la ministre tranche, ne dit pas un mot à ses collègues membres du législatif, ne témoigne d'aucun respect pour eux puis leur dit: C'est sûr, puis question réglée, moi, ministre, j'ai tranché.
Aïe! M. le Président, ce n'est pas comme ça qu'on fait ses classes à l'Assemblée nationale du Québec. Ce n'est pas comme ça que la ministre Gagnon-Tremblay est devenue une des grandes ministres, qui a géré... qui a eu le portefeuille de l'Immigration. Ce n'est pas comme ça que Couture non plus est devenu un ministre de l'Immigration qui a eu de l'envergure puis qui a laissé sa trace. Des ministres qui s'expriment de cette façon sont des ministres de passage. Et je comprends ses collègues de rester silencieux, parce que, imaginez-vous donc, M. le Président, ils espèrent tous un remaniement. Puis il y en a sûrement un ou une dans cette gang-là, certainement d'autres plus nombreux en haut, à l'Assemblée nationale, au salon bleu, qui souhaitent la job que l'actuelle ministre de l'Immigration a. Ils ne la mettront pas, M. le Président, en garde. Mais, avec l'expérience de gens comme la vôtre, M. le Président, vous qui avez vu bien des gens passer dans le parlement, vous qui avez présidé bien des commissions parlementaires, vous savez très bien que ce genre d'arrogance ne mène nulle part. Puis ce n'est pas de cette façon que quelqu'un... surtout quand c'est le temps de venir défendre un premier projet de loi, ce n'est pas en témoignant de cette façon de faire puis de cette arrogance qu'on marque le parlementarisme, qu'on marque la qualité des relations qu'on entretient dans une commission parlementaire.
J'aurais le goût, M. le Président, de ne plus utiliser ma salive, la ministre a tranché: C'est clair, vous ne les aurez pas, mais je vais prendre... je vais continuer, M. le Président, pour dire à la ministre que tout cela procède d'une... d'une «intention» ne serait pas le mot juste, mais d'une démarche qui n'est jamais vue en matière d'immigration. Il y a des thèmes à l'Assemblée nationale, je pense entre autres à la question de la culture, à la question de l'immigration, il y a eu des consensus importants entre les familles politiques. Mais pensez-vous que l'opposition du Parti québécois... Quand Mme Gagnon-Tremblay, députée de Saint-François, ministre de l'Immigration, a déposé son énoncé de politique, pensez-vous que c'est de cette façon que l'opposition officielle aurait accordé son appui si on avait eu une ministre qui était aussi têtue puis aussi obtuse, M. le Président?
La ministre de l'époque avait décidé d'entendre, de mémoire, au moins 50 groupes sur son énoncé de politique, si ce n'est davantage, au point, M. le Président, que nous avions tous développé, entre nous, membres de cette commission, une convivialité remarquable. Cette convivialité s'était même étendue aussi au personnel politique de la ministre de l'époque. Je me souviens, entre autres, de Paul Müller qui avait tenu la plume de cette politique et qui régulièrement venait échanger avec nous, justifier certains propos, mais l'équipe était disponible. Là, vous ne voyez pas ça ici, là, M. le Président. On se réfugie dans le silence, on se réfugie dans ses certitudes. Pas d'amendements, pas de règlements, puis chacun, on est assis de notre bord de la table puis on nous demande de faire le travail puis de donner des pouvoirs extraordinaires à la ministre. Eh mon Dieu! M. le Président, on va jaser longtemps!
Alors, j'invite à nouveau la ministre à changer de ton. J'invite la ministre, M. le Président, à faire preuve de plus de respect pour ce qui s'est passé dans ce Parlement avant elle. Parce que des ministres qui arrivent dans un ministère qui disent: Tout ce qui s'est passé avant moi, là, ce n'est pas important puis, maintenant que j'arrive, là, là c'est important, puis là la vraie histoire commence, c'est tous des ministres qui se sont plantés puis qui n'ont jamais fait long feu au Conseil des ministres.
Ça existe, ça, en quelque part dans notre Parlement, la tradition, puis ça, là, c'est bien plus grand que nous tous ici additionnés. Ça existe aussi des règles parlementaires, pas celles non plus qui sont écrites, pas juste celles qui sont écrites dans notre règlement de l'Assemblée nationale puis les procédures, là. Il y a dans ce Parlement quelque chose d'encore plus beau puis de plus important que les règles de procédure, qui sont l'ensemble des règles non écrites qu'on apprend avec le temps, qui se sont bâties avec le temps, ce que nous appelons affectueusement dans ce Parlement le grand livre. Le grand livre prescrit des choses pas écrites dans le règlement, pas écrites non plus dans une loi, mais sur les usages, sur les us et coutumes du Parlement. Et ces usages, ces us et coutumes, M. le Président, ils sont importants puis ils ont leur place. C'est ce qui nous permet, dans cette Assemblée puis en commission parlementaire, d'avoir des rapports civilisés.
n(17 heures)n Parce que c'est quoi, M. le Président, le parlementarisme, si ce n'est pas une façon pour nous de discuter de façon intelligente, de discuter sans la violence, de discuter avec le respect des gens et de leurs idées? C'est ça, c'est un immense privilège que nous avons de pourvoir faire ça, de débattre de sujets importants qui, dans les faits, nous divisent, qui, dans les faits, parfois pourraient vouloir nous faire mettre le poing sur la table, mais toujours de le faire grâce, entre autres, à l'autorité du président, de faire les choses correctement. Donc, les us et coutumes, le parlementarisme, c'est quelque chose de bien. Toutes celles et ceux qui pensent que le Parlement, là, c'est une perte de temps, attention! Attention, M. le Président! Il y a un équilibre dans un rapport de force. Bien sûr, les ministériels ont la majorité. Mais nous avons, de ce côté-ci, un pouvoir d'initiative, nous avons un droit de parole, puis c'est cet équilibre qui se fait entre la majorité puis le droit de parole de l'opposition qui permet à l'un et l'autre d'avoir des rapports qui pourraient sembler tout à fait disproportionnés en force, du fait du poids de la majorité, mais c'est ces droits que nous avons, nous, de l'opposition qui nous permettent de trouver un équilibre qui a satisfait les Québécois et les Québécoises depuis plus de 200 ans. Nous siégeons ici dans le plus vieux parlement du continent. Plus de 200 ans d'histoire. Il y a donc quelque chose là de juste.
Puis on ne peut pas, donc, M. le Président, arriver ici, fraîchement nommé ministre, pas d'expérience de député à l'Assemblée nationale, puis se dire: Je suis ministre et puis, puisque je suis ministre, je mets mon poing sur la table: Nenni, non, je ne donne pas mes règlements, je ne dépose pas mes amendements puis vous, du pouvoir législatif, là, allez vous faire cuire un oeuf! Ce n'est pas de même que ça marche, M. le Président. Ce n'est pas de même que ça fonctionne, dans le parlement.
Je veux aussi, M. le Président, une fois que j'ai fait ce plaidoyer, rappeler à la ministre que son travail nous rend d'autant plus suspicieux, puis ces intentions qui sont les siennes, parce que la ministre est devenue maître dans l'art de faire des discours puis de ne pas faire ce qu'elle dit. Puis j'en veux pour preuve, M. le Président, tous les discours qu'elle a faits à l'Assemblée nationale puis en commission parlementaire sur sa volonté d'accueillir plus d'immigrants. Vous l'avez entendue comme moi. Mais, dans les faits, quand on regarde le nombre de certificats de sélection du Québec qui vont être émis dans les prochaines années: diminution. Bon. C'est vrai que la diminution est minime, mais il n'y a rien pour parler d'une augmentation. La ministre ne sélectionnera pas, dans les trois prochaines années, plus de personnes qui ont été sélectionnées l'an dernier. Même, dans les faits, elle va en sélectionner, selon ses chiffres, selon la fourchette qu'elle nous a donnée... le maximum qu'elle met dans sa fourchette, c'est 200 ou 300, de mémoire, de moins que ce qui a été fait l'an dernier.
Savez-vous ce qui se passe? C'est que ce qui va rentrer, dans les prochaines années, ça n'aura pas été sélectionné par la ministre, c'est le fruit du travail qui s'est fait dans les bureaux, les SIQ, les Services d'immigration du Québec à l'étranger, en particulier l'an dernier puis en particulier l'année d'avant. Parce qu'il y a ce délai, puis le délai... pas rien que dans le délai au Québec, mais le délai aussi pour avoir des visas. Parce que, dès qu'on a émis un certificat de sélection, par la suite il faut un visa du gouvernement fédéral, puis tout ça fait en sorte de retarder l'entrée.
Ça fait que ceux qui sont rentrés aujourd'hui, là, au Québec, comme immigrants, pensez-vous qu'ils ont été sélectionnés il y a six mois? Bien voyons donc! Pour la plupart, ça fait trois ans qu'ils ont une demande. Ça a dû prendre pas loin d'un an avoir un certificat de sélection du Québec. Ça a dû prendre au moins six mois, dépendant du bureau, mais ça peut dans certains cas aller jusqu'à un an, deux ans, trois ans ? ça a été déjà des délais de deux ans et demi, trois ans, à Hong Kong ? pour avoir un visa du gouvernement fédéral.
Ça fait que, là, oubliez les discours, là, si on veut accueillir plus d'immigrants, là. Par rapport aux admissions sur le territoire, l'effort qui a été fait ces dernières années a un impact marginal. Puis c'est d'autant plus choquant, M. le Président, de voir ce double discours qu'elle nous fait la preuve qu'elle n'émettra pas plus de certificats de sélection dans les prochaines années. Regardez ça attentivement, c'est à la page 8 de son document de planification qui a été déposé.
Ça fait que tout ça nous rend suspicieux, M. le Président. Tout ça nous fait mettre en doute les intentions. Je ne veux pas porter de... Il est encore temps de corriger le tir, et j'espère, M. le Président, que c'est ce que la ministre fera, qu'elle corrigera le tir, plus transparente. Elle ne nous a pas encore dit où elle veut utiliser le pouvoir discrétionnaire. Elle ne nous a pas encore déposé les amendements, puis là elle nous indique qu'elle ne veut pas déposer les règlements. Bien mal parti, M. le Président.
Et ça, bien plus que sa propre situation, c'est la nôtre, comme législateurs, qui en sortons déconsidérés, parce que les gens disent que l'Exécutif mène tout, puis, nous autres, on est des machines à voter, ici, au parlement. Bien, les députés du gouvernement, ils ont le choix de corriger ce message puis de voter avec nous sur cette motion.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Gouin. En ce qui concerne le temps qui est alloué sur ce genre de motion, l'auteur de la motion dispose de 30 minutes; il a pris ses 30 minutes. Le porte-parole ou la porte-parole officielle disposera aussi de 30 minutes. Et, du côté de la ministre, il y aura 30 minutes. Les autres membres de la commission vont disposer de 10 minutes pour chaque intervention, et seulement qu'une intervention. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. J'ai bien écouté, M. le Président, notamment le député de Gouin, et j'ai bien écouté aussi la motion qui a été déposée, et, c'est drôle, M. le Président, quand on est dans l'opposition puis quand on est dans le pouvoir, on ne voit pas la vie de la même façon. Parce qu'en 1998 le ministre de l'Immigration de l'époque, qui est devant moi, il a déposé aussi des amendements, une loi ? il a modifié la loi de 1994 ? puis c'est curieux, hein, en 1998, dans cette loi-là, il se donnait lui aussi des pouvoirs de réglementer. Puis il y en avait beaucoup, là, M. le Président, il y en avait deux pages, là, une page et demie. C'est la même chose, là.
Une voix: ...
Le Président (M. Cusano): S'il vous plaît!
Mme Courchesne: Ça, ce n'est pas ça, le but du propos, M. le Président. Le but du propos, c'est que, lui aussi, là, il a déposé des pouvoirs qu'il voulait avoir par règlement. À ce que je sache, M. le Président, en 1998, lui qui nous fait de grands discours sur le rôle du parlementarisme et des parlementaires, autour de cette table, est-ce que, lui, M. le Président, en 1998, il a déposé ses règlements en même temps que son projet de loi?
M. Boisclair: ...
Le Président (M. Cusano): Un instant.
M. Boisclair: Question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): C'est quoi, la question de règlement, M. le député?
M. Boisclair: La ministre ne peut pas me prêter des motifs indignes. Jamais les libéraux de l'époque n'avaient demandé les règlements.
Le Président (M. Cusano): M. le député, je pense que ce n'est pas une question de...
M. Boisclair: ...
Le Président (M. Cusano): Non, non, ce n'est pas une question de règlement. M. le député de Gouin, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce n'est pas une question de règlement. Tout le monde vous a écouté attentivement, alors je demande la même courtoisie au niveau d'autres intervenants. La parole est à la ministre. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. C'est une simple question que je posais, M. le Président, c'est: Est-ce qu'effectivement, dans la très, très, très, très, très grande majorité des dépôts de projet de loi, M. le Président, où tous les ministres, dans les projets de loi ou dans la très, très, très grande majorité, demandent des pouvoirs réglementaires, est-ce que, dans cette tradition dont il nous parle...
Et je comprends qu'il nous parle des traditions, c'est important, les traditions, puis je comprends qu'il peut, avec sa longue expérience, nous dire que, dans certaines traditions, il y a des valeurs. Mais, M. le Président, ce que je fais aujourd'hui devant tous les collègues, c'est effectivement ce que lui-même a fait en 1998. Puis c'était à peu près le même type d'amendements, le même type de précisions, de modifications qui s'adaptent à des réalités qui évoluent. Il l'a dit lui-même d'ailleurs: tout le dossier de l'immigration est un dossier qui évolue constamment. Et donc, effectivement, il est normal qu'un ministre, une ministre puisse effectivement demander des modifications qui permettent dans certains cas des flexibilités, dans certains cas des ajustement qui répondent habituellement ? habituellement ? à des situations qui sont très concrètes et qui proviennent de la demande de gens qui vivent ces situations.
Ici, dans la majorité des cas, ça concerne beaucoup, beaucoup les emplois temporaires, ceux qui nous arrivent... pas les emplois temporaires, mais ceux qui viennent temporairement et qui ont des liens avec des employeurs, pour lesquels les employeurs nous demandent certaines flexibilités. Mais le coeur de cet article 11, M. le Président, puis le principal règlement que nous voulons élaborer, c'est effectivement celui qui concerne les consultants en immigration. C'est effectivement le gros morceau réglementaire de ce projet de loi. Il y en a plusieurs...
Puis là, M. le Président, il ne faut pas penser que ce projet de loi a été fait uniquement à partir des remarques qu'on a entendues au cours des dernières semaines. Ce projet de loi a été demandé par plusieurs intervenants qui sont venus lors de la consultation publique sur les niveaux d'immigration, où là on a parlé abondamment des consultants en immigration. Et je fais suffisamment de terrain depuis un an pour savoir qu'il est plus que temps que le Québec prenne ses responsabilités dans le dossier des consultants en immigration.
Le député de Gouin, M. le Président, nous dit que le ministère y réfléchit depuis très longtemps à ces questions-là. Je ne sais pas ce que ça veut dire dans son esprit, «très longtemps», mais, si ça fait très longtemps que le ministère réfléchit à ces questions-là, pourquoi ils ne l'ont pas fait, eux autres, M. le Président? Pourquoi, quand eux étaient au pouvoir, pendant neuf ans, ils ne l'ont pas réglée, la question des consultants en immigration? Puis pourquoi aujourd'hui, là, il faudrait qu'en même temps que le projet de loi on dépose un projet de règlement?
n(17 h 10)n Bien, M. le Président, je l'ai dit la semaine dernière, je l'ai dit dans ce même salon que ce projet de loi sur les consultants en immigration, il sera fait en collaboration avec des intervenants externes aussi au ministère. Il y a beaucoup de questions qui se posent à l'égard de cette façon de réglementer les consultants en immigration, et on va le faire avec ceux qui sont concernés par ces questions-là. On va le faire avec des ordres professionnels aussi, qui ont demandé de collaborer, ils ont demandé lors de la précédente consultation en commission parlementaire.
Alors, contrairement à ce qu'affirme le député de Gouin, ce n'est absolument pas dans une attitude d'autorité que je me présente devant vous avec ce projet de loi là. Au contraire, je pense qu'on essaie de respecter les étapes parlementaires. Moi, je brûle d'envie, brûle d'envie de vous déposer les amendements puis de commencer à étudier les articles un par un. Un par un. Un par un. On va les étudier un par un. Un par un. Moi, je suis prête si on m'assure qu'on commence l'article 1, pas si on s'éternise dans des motions une par derrière l'autre.
C'est ça, la question, M. le Président. Si on est sérieux, si on veut vraiment ? puis j'ai bien écouté les députés ? travailler dans le sens d'améliorer nos façons de faire en immigration pour répondre à des situations réelles, bien on va commencer à travailler maintenant. Mais vous ne pouvez pas dire que vous voulez travailler les amendements maintenant puis, en même temps, demander de reporter le projet de loi à l'automne. Il y a comme une contradiction en quelque part. Elle est là, la contradiction. Moi, je veux bien, mais, dans ce sens-là, M. le Président, je vous dis que le projet de règlement sur les consultants en immigration sera fait à partir de groupes de travail qui collaborerons à définir comment nous devons le faire adéquatement.
Alors, quant au reste du projet de loi, M. le Président, j'ai aussi écouté tout ce qu'on répète depuis deux ou trois semaines, puis ce que je trouve étrange, c'est que, toujours en 1999 ? cette fois-là, c'était un autre ministre, mais en 1999 ? il y a eu aussi un amendement qui a été passé à la Loi de l'immigration, et cet amendement-là, M. le Président, donnait des pouvoirs aussi très importants. Et on parlait aussi de suspension, M. le Président, et là on parlait de suspension de certificats de sélection. Alors là, M. le Président, au lieu de suspendre à l'entrée, on suspend à la sortie. On suspend à la sortie. Et notre ministre de l'époque effectivement a parlé de maximum, a parlé de plafond.
C'est drôle, M. le Président, en 1999, il n'y a personne qui s'est insurgé contre ça. Mais là c'était plus... À mon esprit à moi, là, une fois que le ressortissant étranger a fait ses demandes, a déposé sa demande d'immigration, le député de Gouin l'a bien mentionné, il y a des délais, il y a des délais qui sont malheureux, tant qu'à moi, mais il y a des délais. Alors là, il dépose sa demande, il attend, il attend. Là, finalement, on étudie. On est à... étape par étape. On se qualifie à la grille de sélection. On réussit avec succès l'évaluation. On attend le délai fédéral, on attend le délai fédéral. Puis là ? woups! ? tout à coup, là on est sur le point d'avoir notre certificat de sélection, mais là il y a un pouvoir dans la loi qui dit qu'on peut suspendre la délivrance du certificat de sélection.
Moi, M. le Président, là, je ne sais pas, mais, par respect pour ceux qui sont dans ces pays, qui attendent, là, on leur dit: Bien là, là, écoutez, oui, on pense que vous êtes des bons candidats, mais, sans préavis, là, sans préavis, on suspend la délivrance du certificat de sélection. Bien, M. le Président, nous, ce qu'on veut faire, là, par respect pour ceux qui dépensent des sous, qui basculent leur vie, qui prennent des décisions extrêmement importantes, nous, on dit: On veut suspendre la réception, et temporairement, M. le Président, c'est très important de le mentionner, temporairement, on veut suspendre la réception de la demande ? la réception de la demande ? en toute justice et en toute équité.
Mais, là où des députés d'en face induisent le public en erreur, M. le Président, c'est qu'ils laissent croire que, si on suspend la réception de la demande, on ne continuera pas à accepter des gens. Et ça, c'est faux de laisser croire qu'on va fermer des portes, M. le Président. Ce n'est pas parce qu'on suspend la demande que, durant cette même année-là, on ne continue pas à accepter des hommes et des femmes, peu importe leur pays ou leur continent d'origine.
Et, moi, ça me fait sourire, M. le Président, quand toujours le député de Gouin dit qu'en 2004... Dans la même phrase, il nous dit qu'en 2004 on va réduire ? heureusement qu'il rajoute «légèrement», c'est 200 personnes ? de 200 personnes le nombre d'émissions de certificats de sélection, alors que, dans la même phrase, il nous explique qu'on est sur leur année de promotion et de recrutement.
M. le Président, on s'est juste ajusté à leurs chiffres. On est sur les derniers, et, dans ce sens-là, à partir de 2005 jusqu'à 2008, bien ce qu'on a démontré à l'Assemblée nationale, dans le cas annuel, c'est qu'on augmentait le nombre de certificats de sélection. Bien oui.
M. Boisclair: ...
Mme Courchesne: Non, mais on l'a annoncé, on a annoncé quand même que nos niveaux d'immigration, M. le Président...
Le Président (M. Cusano): S'il vous plaît, M. le député de Gouin!
Mme Courchesne: ...passeraient de 39 500, cette année, à 42 000, et qu'on va se rendre à 48 000 en 2007, M. le Président. Je n'ai pas dit que c'est...
M. Boisclair: ...
Mme Courchesne: M. le Président, je ne peux pas travailler de cette façon-là.
Le Président (M. Cusano): Je m'excuse. M. le député de Gouin, s'il vous plaît! Non, c'est parce que je vous entends, là. Je sais, j'ai deux oreilles, là, mais je n'entends seulement qu'une personne à la fois, là. O.K.?
M. Boisclair: Ça vaut pour la ministre aussi, quand on parle.
Le Président (M. Cusano): Non, non. M. le député de Gouin, hein, s'il vous plaît. Alors...
M. Boisclair: Non, mais ça marche des deux côtés.
Le Président (M. Cusano): Non, non. Je ne veux pas qu'on... Ça va bien, là, jusqu'à date, là. Il ne faudrait pas qu'on commence à grimper dans les rideaux, là. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous. Puis je demanderais à tout le monde de collaborer, s'il vous plaît.
Mme Courchesne: Alors, M. le Président, c'est évident, M. le Président, que, si on veut avoir 48 000 nouveaux arrivants en 2007, c'est parce qu'on va augmenter le nombre de certificats de sélection, M. le Président. C'est évident. Quand on parle d'une croissance, M. le Président, c'est dans ce sens-là que, hein... Je pense qu'on peut jouer sur les mots, mais je pense que le député de Gouin, qui nous dit qu'il a beaucoup d'expérience, a suffisamment d'expérience pour savoir que, si on se rend à 48 000 en 2007, c'est parce qu'on aura augmenté le nombre de certificats de sélection de façon significative, M. le Président.
Alors, c'est dans ce sens-là qu'effectivement, si on est sérieux dans le travail de collaboration qu'on veut faire ou dans... C'est-à-dire que, si on est sérieux dans la volonté de vouloir étudier le projet de loi, de vouloir remarquer si les amendements sont acceptables ou pas, il faut donc, M. le Président, procéder à l'étude du projet de loi article par article.
Et ça, on a le choix de pouvoir déposer les amendements, M. le Président, article par article. Et, dans ce sens-là, on a l'avantage qu'il y ait 18 articles. Alors, ça ne devrait pas... Ça peut susciter des débats, ça peut susciter des discussions, on est encore ouverts à cette discussion-là. Mais je pense que nous avons aussi le privilège de dire: Procédons article par article, sans brimer personne, sans brimer le droit des parlementaires de s'informer puis d'en débattre en vertu de nos règles parlementaires, M. le Président. Et je fais appel justement au sens des responsabilités de l'ensemble des parlementaires pour faire en sorte que nous puissions amorcer cette étude article par article dès maintenant, M. le Président.
n(17 h 20)n Parce qu'il y a beaucoup de gens, puis j'en ai rencontré beaucoup, depuis deux, trois semaines, je vous dirais, là, des centaines de personnes, depuis trois semaines, qui ont manifesté des inquiétudes mais qui saluent le courage du gouvernement de régler cette question-là une fois pour toutes et d'énoncer publiquement quelles sont les véritables orientations d'un gouvernement en matière de gestion de l'immigration, M. le Président. Et c'est de ça que je voudrais pouvoir discuter avec les députés de l'opposition, très positivement, très sereinement en pouvant déposer article par article les amendements qui sont là. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost, en vous rappelant que vous avez un droit de parole maximal de 30 minutes.
Mme Lucie Papineau
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. M. le Président, vous comprendrez qu'on ne peut pas adopter ni même, je dirais, débattre ce projet de loi sans connaître les intentions de la ministre. C'est pour ça qu'on veut qu'elle dépose les règlements, puisque ces règlements ne se retrouveront pas à l'Assemblée nationale. On le sait, les lois sont adoptées par l'Assemblée nationale, mais les règlements, on ne les voit pas à l'Assemblée nationale, ils passent au Conseil des ministres, et les parlementaires ne les voient que dans la Gazette officielle. Tantôt, M. le Président, la ministre a dit qu'elle ne les présenterait pas, ces règlements, et depuis le début elle nous parle de transparence. Elle avait, là, l'opportunité de vraiment en faire, de la transparence, et de les déposer.
Et j'aurais voulu aussi qu'elle s'exprime sur son pouvoir de réglementer. Parce que, demain matin, là, est-ce qu'elle peut nous dire quel bassin elle veut fermer? On ne les connais pas, ses intentions. On n'a d'ailleurs jamais entendu parler de projet de loi là, puis on n'a pas consulté non plus. Donc, je pense qu'il est de notre devoir, comme parlementaires, M. le Président, d'en faire, des motions, de questionner pour connaître les intentions de la ministre. Puis on pourrait même les faire parvenir, ces amendements-là, au Protecteur du citoyen puis à la Commission des droits de la personne.
Je voudrais faire suite aux propos de mon collègue de Gouin. Quand la ministre a déposé, le 26 mai dernier, son plan d'immigration 2005-2007 qui fait état de la planification triennale des niveaux d'admission du Québec, par la Loi sur l'immigration, la ministre est obligée de déposer ce plan à l'Assemblée nationale, tel que prévu à l'article 3.01. Par ailleurs, l'alinéa 3 de ce même article stipule: «Le plan fait aussi état des activités de sélection projetées et indique le nombre maximum ou estimé de certificats de sélection pouvant être délivrés par catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie.» Or, dans le plan 2005-2007, le plan ne fait aucunement état des activités de sélection prévues. Ce qui revient à dire, M. le Président, que la ministre n'est pas conforme à sa propre loi. Alors comment parler de transparence dans ces conditions-là?
Le niveau d'admission, c'est le nombre de nouveaux arrivants qui choisiront de s'établir au Québec dans une année donnée, prévu par le gouvernement, mais sur lequel le gouvernement n'a que très peu de contrôle. Et les activités de sélection sont le nombre de certificats de sélection que le Québec compte accorder dans une année, ce qui permet de prévoir les niveaux d'admission des années subséquentes. Ainsi, un gouvernement peut bien dire qu'il souhaite augmenter le nombre d'immigrants, nous ne voyons ses efforts que par les activités de sélection.
M. le Président, ce projet de loi qui révise les critères de sélection des immigrants, le gouvernement ouvre toute grande sa porte à la discrimination. Le gouvernement flirte avec l'arbitraire. Il s'expose à éliminer sans raison valable des candidatures provenant des ressortissants appartenant à tel groupe religieux ou ethnique. Il lui reviendra aussi de déterminer c'est quoi, le bon pourcentage de ressortissants asiatiques; c'est quoi, le bon pourcentage de ressortissants maghrébins; combien de pourcentage dans la société québécoise il faut de gens de l'Europe de l'Est. C'est inacceptable. Jamais on n'acceptera de s'associer à une politique d'immigration qui utilise, je dirais, ce critère flou, M. le Président, subjectif de sauvegarde de la diversité du patrimoine socioculturel. Je le redis: Cela ouvre la porte grand à la discrimination et au préjugé.
De plus, ce projet de loi octroie des pouvoirs discrétionnaires démesurés à la ministre de l'Immigration. Les critères de sélection des immigrants doivent demeurer des critères objectifs mesurables, comme l'âge, la formation, l'éducation, la connaissance du Québec et la langue française. On craint un glissement vers une sélection basée plutôt sur la provenance des gens, la couleur de la peau et peut-être même les convictions religieuses. On estime, M. le Président, que le projet de loi vient en contradiction des politiques défendues dans le passé par le gouvernement du Québec, toutes familles politiques confondues.
Depuis le dépôt en Chambre, le mois dernier, le projet de Loi modifiant la Loi sur l'immigration soulève de plus en plus d'inquiétudes, notamment en ce qui a trait à la notion de bassin géographique et au pouvoir qu'il octroie à la ministre de suspendre pendant plusieurs années la réception des demandes d'un coin de la planète ou de renvoyer à l'extérieur celles déjà reçues.
Dans une lettre de 13 pages adressée à la ministre de l'Immigration, le Barreau l'exhorte à faire marche arrière. Le travail n'est pas achevé, disent-ils, il commence tout juste. Par conséquent, ils demandent à la ministre de suspendre immédiatement le processus d'adoption de ce projet de loi pour que tous les enjeux puissent être réellement débattus, évalués et que le Québec ne s'engage pas tête baissée dans une direction qu'il pourrait regretter plus tard. Arrêtons-nous pour réfléchir, dit le Barreau.
On reproche à l'État de vouloir précipiter l'adoption d'ici la fin juin, précipiter l'adoption des plus importants amendements législatifs depuis la mise en vigueur de la Loi sur l'immigration, en 1968. On déplore aussi l'absence de la notion de bassin géographique et le manque d'encadrement... Pardon. On déplore aussi l'absence de consultation publique ? pardon ? une position difficilement justifiable en regard des conséquences potentielles et des enjeux en cause. Parmi ceux-ci, on questionne sur le manque de précision de la notion de bassin géographique et le manque d'encadrement des nouveaux pouvoirs que s'octroie le gouvernement, y voyant là un sérieux risque d'arbitraire et une discrimination basée sur l'appartenance à une race ou à un groupe ethnique ou religieux.
À l'instar de la Protectrice du citoyen, Pauline Champoux-Lesage, ils s'indignent de la rétroactivité accompagnant les moratoires. Le ministère crée des attentes légitimes en sollicitant des candidatures sur la base de critères de sélection établis et ne peut modifier les règles de jeu en cours de route à son propre gré. Comme vous le savez, nous avons de la difficulté avec ce principe de rétroactivité et l'approche à la pièce par bassins géographiques. Ça heurte les principes de la Charte des droits. Ce serait d'ailleurs une première au Canada. Nous croyons qu'il y a moyen d'atteindre les mêmes objectifs en ayant une approche plus globale.
M. le Président, je réitère qu'il serait très sage que le gouvernement puisse utiliser les semaines qui viennent ou de le reporter à l'automne pour tenir des consultations plus approfondies, notamment sur la question relative à la suspension de la sélection dans un certain nombre de bassins géographiques dans le monde.
Pourquoi est-ce qu'il me semble sage, je dirais même très sage, que les prochains mois puissent servir à réfléchir sur les conséquences et la gravité, je dirais, de ce qui est introduit dans le projet de loi n° 53 et les conséquences que ça peut avoir non seulement sur la perception du Québec à l'étranger, mais aussi sur la perception que les Québécois peuvent avoir de l'immigration de ces régions qu'on ne nous fait pas connaître maintenant mais qui seraient mises au pas?
n(17 h 30)n M. le Président, il y a un certain nombre de précédents récents qui ont amené le gouvernement, avec raison, à revenir sur certaines de ses décisions. Je pense en particulier au rétablissement des allocations à la francisation. Et, ma foi, M. le Président, je félicite la ministre, qui a réussi à obtenir les fonds qui lui avaient été enlevés. Et ces fonds supplémentaires qui lui avaient été initialement enlevés lors de l'étude des crédits lui sont maintenant réinjectés et ils vont permettre de rétablir les allocations de la formation à 115 $ pour les immigrants inscrits à des cours de français. Alors, c'est donc dire que le temps porte conseil, M. le Président, puisque cette décision avait suscité un tollé.
Cette décision d'abolir les allocations de formation pour les remplacer par des allocations de participation de 30 $ seulement, oui, ça a provoqué un tollé. Et finalement il a fallu une mobilisation de l'opinion publique pour que le gouvernement revienne sur cette décision. Bien, je pense qu'il doit en être également ainsi pour les dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi n° 53, pour certaines dispositions, du moins. Je comprends que celles des dispositions qui ont à voir... Certaines des dispositions ne posent pas de problème. Mais certaines, mais d'autres, oui. M. le Président, elles sont d'une gravité telle que cela justifierait le report de ce projet de loi à l'automne.
M. le Président, je comprends que la ministre plaide des bonnes intentions. Et j'ai écouté avec intérêt les discours qu'elle fait. Mais je dois cependant conclure que les bonnes intentions ne suffisent pas. Je ne les mets pas en doute, les bonnes intentions, mais on juge un arbre à ses fruits, comme on dit, et on juge une loi non pas aux bonnes intentions de son auteur, mais aux dispositions que l'on retrouve dans cette loi.
M. le Président, ce qui m'inquiète, c'est d'abord ces déclarations diffuses à l'effet que nous ne reconnaîtrions plus la diversité culturelle, dans notre société, parce qu'une partie importante de notre immigration viendrait principalement des pays tels le Maroc, la Tunisie ou l'Algérie, pays que l'on appelle les pays du Maghreb. Et, si la ministre des Relations avec les citoyens pense qu'il y a là un problème, bien, qu'elle le dise, alors que finalement on tourne autour d'une problématique qui a amené la ministre, entre autres dans certaines déclarations...
Je cite, Le Soleil, 26 mai: «"Actuellement il y a des demandes très fortes, presque trop fortes..."» Qu'est-ce que ça signifie, «presque trop fortes»? On devrait se réjouir d'être attractif, on devrait se réjouir d'avoir plus de demandes que nous n'avons eu dans le passé. «"Actuellement il y a des demandes très fortes, presque trop fortes, de certains bassins géographiques ? et c'est la ministre qui parle ? qui font que l'on pourrait accueillir 100 % de notre immigration de deux ou trois pays seulement..."» Qu'est-ce que c'est, ça, M. le Président, laisser planer cette espèce de menace diffuse qui nous viendrait de ces deux ou trois pays? Et pourquoi est-ce qu'on accueillerait 100 % de notre immigration de ces deux, trois pays? M. le Président, notre immigration est exemplaire dans le monde parce qu'elle repose sur une grille de sélection, grille de sélection qui est appliquée uniformément, sans distinction raciale, sans distinction d'origine. Alors, de quoi s'agit-il maintenant? Il s'agit, avec le projet de loi tel que présenté, il s'agit donc, à la ministre, de se donner le pouvoir de suspendre la réception des demandes de sélection pour certains pays, une certaine partie du monde, alors qu'on voit bien l'intention nette, là, qui est introduite avec cette disposition.
Parce que la loi actuelle a déjà un dispositif, lorsque la demande d'immigration de l'étranger excède l'offre que l'on a faite, étant donné qu'on rétablit très démocratiquement ? j'en suis très fière ? qu'on établit des seuils d'immigration qui sont discutés en commission parlementaire. Et je suis convaincue, M. le Président, que vous-même comme beaucoup des membres de cette Assemblée ont eu l'occasion d'échanger avec des délégations de parlementaires de parlements étrangers pour leur expliquer ce que nous avions mis en place comme débats publics sur ces seuils d'immigration.
Alors, M. le Président, une fois qu'il nous semble que ces seuils vont être dépassés parce que la demande est trop forte, il y a un dispositif qui existe actuellement et qui n'a pas été utilisé, puisque la demande de sélection n'excédait pas nos seuils, il y a un dispositif dans la loi qui permet à la ministre des Relations avec les citoyens de suspendre mais de suspendre uniformément les demandes qui viennent de l'étranger, et non pas de le faire en discriminant.
Parce que, M. le Président, je veux bien les discours... J'ai bien entendu les discours de la ministre à l'effet qu'il y avait l'ouverture, mais cela devient de la discrimination systémique, cela devient de la discrimination introduite dans une loi, qui consiste à dire: Le bassin géographique de tel pays, vous, là, oubliez ça, on ne vous recevra pas. Même si vous correspondez à toutes les conditions de notre grille de sélection, on vous ferme l'accès, on vous ferme la porte.
Et si on parlait franc? Et, quand on parle franc, alors on relit notamment les interventions en commission parlementaire. Le 17 février dernier, lorsque la ministre, en réponse à une présentation faite par le président de l'Association des avocats en droit de l'immigration... alors la ministre répond, en parlant du Maghreb, puisque c'est du Maghreb qu'il s'agit... Pourquoi est-ce que la ministre et les membres du gouvernement n'en discutent pas de manière transparente, M. le Président? Elle disait ceci, le 17 février dernier, alors c'est ce qu'elle dit: «Ça suscite une problématique.» Elle disait: «Il faut comprendre [...] que nous pourrions accepter 100 % des nouveaux arrivants provenant du Maghreb.» Toujours cette espèce de menace diffuse qui est répétée le 17 dernier, en commission parlementaire, dans le journal Le Soleil. Et on ajoute ceci: «Ça suscite une problématique[...]. Ça suscite une problématique qui est [très] préoccupante[...]. [Alors,] le Québec a toujours été très fier, tous gouvernements confondus ? elle a raison ? de ne pas fonctionner par voie de quota.» Alors, pour éviter les quotas, en disant: Voilà, on en reçoit tant de tel pays et tant de tel pays, puisqu'on a une grille de sélection et que, selon les dates d'arrivée des demandes, on les traite, n'est-ce pas, à partir de cette grille de sélection uniformément appliquée, alors elle introduit, pour ne pas le dire clairement, en disant: Voilà, on va fonctionner avec des quotas... elle ferme complètement des bassins géographiques dans certains pays.
Mais comment appeler ça autrement que de la discrimination, en disant: Vous, vous correspondez à notre grille de sélection, notamment dans cette grille de sélection où on réclame que les demandeurs de statut d'immigrant indépendant... Parce que, là, il s'agit d'immigrants indépendants qui viennent ici pour travailler et qui doivent, en répondant aux grilles de sélection, correspondre à une série de conditions d'employabilité et de francisation. Alors, on leur dit: Non, vous y correspondez, mais, comme vous êtes dans un pays où on a fermé l'accessibilité, alors, vous, ce sera non. Alors, comment appeler ça autrement, M. le Président, que de la discrimination? Je ne vois pas d'autre mot que cela.
D'autant plus que, si on y regarde de près, de quelle menace s'agit-il? Qu'est-ce qu'on veut éviter en introduisant un dispositif comme celui qu'on retrouve à l'article 12 et qui finalement ferme complètement l'immigration québécoise à certains pays? Qu'est-ce qu'on veut éviter?
Alors, les chiffres qui ont été cités en commission parlementaire, je les reprends ici. Alors, on parle évidemment toujours de travailleurs économiques, mais ceux que je vais citer en termes de travailleurs indépendants montrent bien que la réalité de l'immigration en provenance du Maghreb est la suivante: en 2001, il y a eu 7 317 certificats de sélection du Québec qui ont été accordés; en 2002, il y en a eu 5 591; en 2003, 4 500; puis, en 2004, 3 970 ? il s'agit de prévisions pour 2004.n(17 h 40)n Alors, on voit bien que, si on additionne ? là, cette fois, je vais citer la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ? l'ensemble des personnes provenant des trois pays du Maghreb que je mentionnais, donc la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, l'an dernier, le Québec a accueilli 9 000 personnes provenant du Maghreb sur 39 000, c'est-à-dire 23 %. Alors, où est la menace de l'hégémonie? Parce que, d'un côté, j'entendais le discours qui plaide sur la diversité, même dans les communiqués de presse, sur la diversification de notre immigration. Alors, où est le problème? Qu'est-ce qu'on veut? Qu'est-ce qu'on veut résoudre et pourquoi utilise-t-on cette manière discriminatoire?
S'il n'y a pas d'intention ? je ne veux pas prêter d'intention coupable ? alors c'est malhabile, c'est maladroit. Il faut que le gouvernement, avant d'adopter le principe ? parce que c'est du principe de loi qui est déjà adopté et qu'on est ici en train de discuter article par article, dont il est question... Mais, avant d'adopter ce projet de loi, pourquoi ne pas procéder, M. le Président, à des consultations qui devraient se dérouler en commission parlementaire? Pourquoi ne pas tenir des consultations approfondies et certainement prendre le temps qu'il faut, avant de nous engager dans cette direction sans précédent qui nous amène à discriminer en fonction non plus d'une grille de sélection uniformément appliquée, mais en fonction des pays de provenance?
Alors, voilà l'essentiel du commentaire que je voulais apporter, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Prévost. J'ai une demande d'intervention de la part du député de Laval-des-Rapides.
M. Alain Paquet
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Tout à l'heure, nous avons eu droit à de belles paroles, entre autres, du député de Gouin et qui a parlé des beaux moments du parlementarisme et de l'importance du rôle que nous avons, comme parlementaires. Et c'est effectivement un rôle extrêmement important. C'est un grand honneur que nous avons ici de représenter nos concitoyens et d'élever le niveau du débat, de faire évoluer aussi le parlementarisme de manière à pouvoir débattre des questions de fond, mais aussi parfois, peut-être, de ne pas traîner non plus juste autour en faisant des motions pour des motions et de dire, d'un côté: On voudrait discuter maintenant du fond, mais, de l'autre côté: On va attendre à l'automne pour procéder. Et là, à un moment donné, on a deux poids, deux mesures dans le discours, et la population nous regarde aller puis elle dit: Écoutez, là, c'est quoi, la cohérence du discours qui est présenté?
On parle, tout à l'heure, qu'il y a eu plusieurs ministres qui ont passé. Le député de Gouin, il est bien tranquille maintenant, il nous écoute attentivement. Et le député de Gouin nous disait encore, tout à l'heure ? hein, écoutez-le, il est très tranquille présentement ? il nous disait: Vous savez, M. le Président, il y a eu beaucoup de ministres. Bien oui, il y a beaucoup de ministres en immigration: par exemple, il y a eu le député de Verchères; il y a eu la députée d'Hochelaga-Maisonneuve; il y a eu le député d'Abitibi-Est, qui a eu aussi, je pense, comme ministre délégué, le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques; il y a eu le député de Mercier, le député de Richelieu et le député de Fabre. Tous différents ministres sous l'administration précédente, hein, qui forment maintenant l'opposition officielle, hein, qui ont, eux, il semblerait, des indices.
Eux avaient une très grande estime, et je ne doute pas qu'ils avaient une grande estime du parlementarisme. Mais j'aimerais bien voir les exemples quand est-ce qu'ils ont déposé des projets de règlement. À ma connaissance ? et, s'il y a des exceptions, je serai très heureux de l'apprendre, hein ? aucunement. Ça ne s'est jamais fait. Et je ne crois pas qu'il y ait eu beaucoup d'exemples, dans d'autres projets de loi non plus, d'autres ministres de l'administration précédente qui ont eu l'idée de déposer des projets de règlement pour consultation par les parlementaires. On va avoir la chance de faire une réforme des institutions démocratiques et du parlementarisme, et on aura l'occasion de trouver des mécanismes pour considérer des éléments comme ceux-là.
Mais là on arrive aujourd'hui, on dit: On veut avoir les projets de règlement, mais, dans le fond, faites-vous-en pas, on veut attendre à l'automne. On veut attendre. Et ces ministres de l'Immigration, les sept qui ont passé sous l'administration précédente, hein, bien est-ce qu'on est en train de nous dire, de l'autre côté, de l'opposition, qu'ils ne comprenaient pas la Loi de l'immigration? Le député, tout à l'heure, de Vachon parlait du patrimoine socioculturel comme étant un nouveau concept; c'est dans la Loi de l'immigration. Alors donc, on parle de gestion du patrimoine socioculturel, mais, lorsqu'on dit: contribue à «l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec», comme dit le projet de loi, effectivement on parle de gestion, mais on parle quand même du même concept aussi. C'est relié. On s'entend qu'au départ il faut s'entendre sur ce que représente le patrimoine socioculturel.
Alors donc, M. le Président, lorsque les sept ministres de l'administration précédente, hein, eux, ont procédé à des suspensions, hein, à des suspensions, dans la loi, dans l'application de la loi, des suspensions de certificats de sélection, hein, ils ont fermé effectivement la porte sans transparence aucune. Là, on a l'occasion de discuter, ce soir... cet après-midi, en fin de journée et ce soir, d'un projet de loi qui dit: Maintenant, comment est-ce qu'on peut, de façon transparente, vérifier, et non pas de façon, je dirais même, odieuse...
Je ne dis pas que c'était l'intention, mais c'était odieux de dire: Maintenant, on ferme la porte; vous avez déjà, maintenant, votre certificat de sélection, et maintenant c'est bien de valeur, c'est passé, on ferme la porte. Alors que l'intention du projet de loi est de dire: Attention, dans des circonstances particulières, on peut, à l'entrée, temporairement, suspendre l'émission d'un certificat de sélection à l'entrée... d'une demande, pardon, pas un certificat de sélection, mais une demande ? pardon, c'est important, c'est une différence, une distinction importante ? temporairement, sur une base justifiée.
Bien là on parle de transparence vis-à-vis la population et on parle de transparence vis-à-vis ces citoyens d'autres pays qui veulent venir s'installer au Québec. Et là on parle d'ouverture, on parle de respect pour eux et pour elles, plutôt que de leur dire: Bien, faites une demande. Là, ça va s'empiler sur des grandes listes d'attente... Et on sait qu'on a été habitué à des grandes listes, dans le passé, sous l'ancienne administration, sur bien des dossiers. Et ce n'est pas facile, de corriger ça, parce qu'on hérite de problèmes qui ont duré très, très longtemps, sous l'ancienne administration, hein? Mais donc, au lieu de gérer des listes d'attente qui sont très, très longues, on dit maintenant: On va se donner la possibilité, dans un contexte justifié, de pouvoir dire: Attention, on suspend la demande temporairement. C'est très, très différent de l'application non transparente par sept ministres de l'Immigration qui ont passé sous l'administration du gouvernement du Parti québécois. Ça, c'est ça, la réalité, et les concitoyens du Québec comprennent très bien de quoi on parle lorsqu'on parle de cela.
Et on a l'occasion maintenant de procéder et de faire un débat de fond. Et je reconnais aux membres de l'opposition et à tous les membres de la commission, hein, de pouvoir participer à ce débat-là article par article. C'est l'occasion qu'on a, lors de l'étude d'un projet de loi, de pouvoir débattre, dire: Voici, l'article 1 pose telle problématique, adresse telle question, est-ce qu'on est d'accord? est-ce qu'on n'est pas d'accord? est-ce qu'on peut l'amender? Ensuite, l'article 2, et ainsi de suite.
Mais là ce à quoi on assiste de la part de l'opposition, depuis le début de l'après-midi, c'est de dire: Bien, on a eu des consultations particulières, la semaine dernière, puis c'était important, et la ministre les a entendues, tous les membres de la commission les ont entendues; on a l'occasion maintenant de procéder à l'étude article par article; mais, non, ce qu'on nous propose, c'est de faire des motions préliminaires. Et j'anticipe, parce que je vois que les textes sont bien préparés de l'autre côté ? et c'est leur droit, hein, les recherchistes, de l'autre côté, font leur travail de préparer les textes, qui sont lus brillamment par les membres de l'opposition officielle dans certains cas ? mais on aura l'occasion de dire: Bien, maintenant, au lieu de passer par des motions et de retarder le débat, allons directement sur la discussion de fond.
Alors, je pense que j'invite les membres de l'opposition officielle à dire: Allons à l'étude article par article; les articles qui ne posent pas de problème, qui ne sont pas contentieux, on pourra procéder ? la population va juger du travail de l'opposition officielle et de l'ensemble des membres de la commission parlementaire ? dire: Tel article, il n'y a pas de débat, c'est adopté, s'il y a lieu, hein, et, s'il n'y a pas lieu, bien ce sera rejeté, mais le vote aura eu lieu; et, par la suite, de passer aux articles où il y a plus matière à débat et de parler du fond de la question.
Mais non, malheureusement... Et je sais que les citoyens du Québec, hein... On a eu, aujourd'hui, un rapport d'étude sur la connaissance et les perceptions des citoyens à l'égard de l'Assemblée nationale et des députés. Et on l'entend, tous et toutes autant que nous sommes, ici, à l'Assemblée nationale, on entend nos citoyens dire: Bien, on a l'impression des fois que ça n'avance pas, au Parlement, ou que des fois ça avance trop vite sur certaines choses, mais globalement parfois on a l'impression que ça n'avance pas, on ne fait pas les discussions de fond. Bien, on a l'occasion de faire la discussion de fond. J'invite, j'invite les membres de l'opposition officielle de faire part de cette ouverture-là, de dire: Allons-y article par article; les articles...
Et je les ai entendus, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, nous dire que certains articles ne posaient pas de problème. J'ai cru entendre ça dans les déclarations, la semaine dernière, de la députée de Prévost en particulier et de d'autres députés de l'opposition officielle. Bien, ceux qui n'ont pas de problème, c'est le temps de dire: Voici, ceux-là, il n'y a pas de problème. Par contre, tel article, on a des questions, on a des... et: Est-ce qu'il y a des amendements? Et, s'il y a des amendements, ils vont être déposés. On aura l'occasion d'en débattre et de faire des sous-amendements. C'est une possibilité, pour les membres de l'opposition officielle et tous les membres de la commission parlementaire, de faire des sous-amendements.
Voici une occasion, hein, de démontrer ce travail constructif qui se fait, en général, de la part de l'ensemble des membres des commissions parlementaires, plutôt que de procéder présentement et de dire: Bien là on fait une motion préliminaire, puis il y en aura probablement une autre ou une pile, probablement, de papiers ? peut-être que ça va en être ou que ce n'en est pas, je ne veux pas présumer, mais il y aura peut-être d'autres motions préliminaires, peut-être pas ? mais donc de procéder. Alors, ils ont l'occasion, les membres de l'opposition officielle, de montrer, je crois, avec une grande dignité pour l'institution démocratique dans laquelle nous avons la chance et l'honneur de travailler et d'oeuvrer... de procéder.
n(17 h 50)n Et je les invite maintenant à rejeter la motion préliminaire. Encore fois, les projets de règlement, ce n'est pas courant, à l'Assemblée nationale. Il y a peut-être des choses qu'on pourrait faire là-dessus, travailler là-dessus à d'autres occasions, je veux bien. Mais là de ne pas dire: Bien, maintenant, on demande quelque chose que, à ma connaissance, encore une fois, aucun des sept ministres qui ont passé à l'Immigration sous le gouvernement du Parti québécois n'a jamais fait, hein... de dire: Maintenant, procédons à l'étude détaillée article par article du projet de loi, discutons du fond des choses. Et l'opposition aura l'occasion de dire: On n'est pas d'accord avec tel article, on sera d'accord avec tel amendement, s'il y a lieu, etc., mais plutôt que de penser, là, maintenant, de dire: Bien, on va parler, parler, parler, parler, et on va continuer jusqu'à minuit.
Le Président (M. Cusano): En terminant, M. le député.
M. Paquet: Alors, c'est une occasion, M. le Président, hein, encore une fois... et c'est pour ça que j'invite les membres de la commission à rejeter la motion préliminaire et même l'opposition à retirer cette motion et à procéder à l'étude du fond du projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Merci, M. le Président. D'autant plus qu'on ne la retirera pas, M. le Président, on l'a déposée et on y croit, à cette motion-là. Alors, d'entendre le député de Laval-des-Rapides, M. le Président, ça me fouette un petit peu, je pourrais dire, sur quelques éléments que je trouve qui ne vont absolument pas dans le sens de la motion qui est là, d'une part.
D'abord, on va répéter la motion:
«Il est proposé que la Commission de la culture souhaite que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration mette à la disposition des députés une copie des projets de règlements concernant l'application du projet de loi n° 53, la Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec ? qu'on étudie présentement ? et ce, dans le but de faciliter l'étude détaillée du projet de loi.» Quand j'entends le député de Laval-des-Rapides, M. le Président, nous parler qu'on retarde presque le débat, là, comment peut-on dire une chose comme ça? C'est comme si on perd notre temps, M. le Président, d'être ici, en commission parlementaire, à poser des questions, à avoir écouté certaines personnes, certaines associations qui sont venues, puis qu'on serait prêt à en entendre encore, d'ailleurs, d'autres associations, d'autres groupes. Parce que ce qu'ils sont venus nous dire ici ? il faudrait peut-être le rappeler, M. le Président, au député de Laval-des-Rapides ? les gens, c'est qu'ils auraient aimé que le projet de loi soit retardé pour qu'il y ait un meilleur débat.
Ce n'est pas que le projet de loi nécessairement n'est pas nécessairement bon. C'est ce qui s'est dit tout à l'heure, puis c'est ce que le député de Laval-des-Rapides dit. Vous dites qu'il est bon, donc procédons; il y a des articles qui sont bons, allons-y. Est-ce qu'on peut avoir une vision un petit peu, ici, M. le Président? Est-ce qu'on est capable de voir que, dans un projet de loi, il y a des choses qui suscitent beaucoup de débats et que ce n'est pas parce que tel article est correct puis tel autre...
Parce qu'il y a 18 articles, la ministre a parlé des 18 articles tout à l'heure. Il y a certains articles qui ne posent pas de problème, il y en a qui sont corrects, M. le Président, mais il y en a d'autres qui ne le sont pas, et ceux-là, ça mérite un débat. Et ça mérite un débat plus en profondeur que ce que le député de Laval-des-Rapides, le ministre peut-être un jour ? ce qu'il souhaiterait, tout à l'heure, quand le député de Gouin a glissé quelques commentaires, il y a eu des sourires, l'autre côté, à cet effet... Mais c'est ça. De soulever le débat ici, M. le Président, c'est important, il y a des éléments qui sont fondamentaux.
Et, quand on parle d'une contradiction, la ministre a parlé de contradiction: Oui, cet automne, mais dans le fond vous nous dites que vous voulez qu'on dépose les règlements, vous voulez avoir les amendements, les déposer en bloc, les amendements, M. le Président, je ne vois aucune contradiction. C'est que les débats doivent se faire parce qu'il y a des éléments, dans ce projet de loi là, qui suscitent ce débat-là.
Si, avec les amendements de la ministre, qu'elle va apporter, elle éclaire le débat avec ses amendements, on n'a pas besoin de discuter puis d'aller si longtemps que ça. On est là, ici, comme opposition officielle, on a écouté les gens, et elle aussi, comme ministre, M. le Président, a écouté les gens. Alors, il n'y a rien de contradictoire entre le fait de vouloir déposer ici, en bloc, les amendements et en même temps de vouloir dire qu'on aimerait le retarder, parce qu'on veut les débats, parce qu'on veut des débats sur des éléments de ce projet de loi là qui ne sont pas clairs, M. le Président. Si tout ça est bonifié et clarifié avec les amendements, on parle de la même chose, M. le Président.
Alors, j'espère que c'est clair, là, cette fois-ci, parce que souvent la ministre nous dit qu'elle doit répéter. Bien, nous aussi, on va répéter la même chose, de ce côté-ci, par rapport à ces éléments-là.
J'ai entendu la ministre dire qu'on va le faire aussi avec ceux qui sont concernés, là, la suite des choses. Bien, je veux dire, on l'est, concerné, beaucoup, l'opposition aussi. Alors, on représente nous-mêmes, ici, des citoyens. La porte-parole écoute les gens des associations de l'immigration, que ce soient des gens qui travaillent, des consultants, etc., dans le domaine de l'immigration. Je pense que c'est important aussi qu'on se sente autant concernés, nous aussi.
On parle du sérieux de notre... du sérieux de... Est-ce qu'on est sérieux puis qu'on a de la bonne volonté? J'ai entendu ça de la ministre tout à l'heure ? on pourra ressortir, là, ce qu'elle a dit. Bien là c'est quoi, M. le Président? On n'est pas sérieux? Est-ce qu'elle veut dire que, nous, de ce côté-ci, on n'est pas sérieux? On est très sérieux, M. le Président. C'est un débat fondamental. Si on vous disait à vous, M. le Président, là, si on disait à tous les gens de votre communauté italienne, on dit: Bon, bien, à partir de maintenant, on suspend les gens de la communauté italienne, on suspend les demandes de la communauté italienne, ça susciterait un débat, hein? Je ne pense pas qu'on réglerait ça par un projet de loi comme ça, demain matin.
Le Président (M. Cusano): Je ne peux pas répondre à ce moment-ci, madame.
Mme Léger: Je sais que vous ne pouvez pas répondre, mais je devine probablement ce que vous me direz. Alors, c'est important, ça, M. le Président, là. Suspendre la demande, ça a l'air comme facile: on va suspendre les demandes. Il y a des relations internationales qui se sont faites avec le Québec et avec... les relations à travers le monde, qui se sont faites avec des communautés, avec plusieurs communautés. Bien, ce n'est pas juste suspendre comme ça, là, des demandes, là, puis tout va bien, c'est juste parce qu'il y a trop de demandes.
Tant mieux, si des gens veulent venir au Québec. Avec nos problèmes de démographie particulièrement, c'est un avenir prometteur avec l'immigration. Alors, je pense qu'on est tous conscients de ça. D'ailleurs, le gouvernement libéral, M. le Président, nous dit qu'ils font des forums, des forums régionaux particulièrement, sur cette thématique-là, alors j'imagine qu'il doit y avoir une connivence puis d'avoir une pertinence du débat de l'immigration qui doit être importante.
Alors, M. le Président, moi, quand j'entends ce genre d'argumentation-là, en nous disant qu'on est contradictoire, vous comprenez que je ne l'accepte pas, d'une part. Et vous dire: qu'il y ait eu deux, trois, 10, 12, 15 ministres, 20 ministres de l'Immigration, M. le Président, tant mieux, si ça a fait évoluer l'immigration au Québec puis tant mieux au fil des choses. Moi, quand on dit: Bien, nous, on a fait ci, puis on n'a pas fait mieux, puis: Nous autres, on fait mieux, tout ça... Là, ce gouvernement-là, M. le Président, c'est un gouvernement qui a été élu, là, puis qui gouverne. Puis, s'ils disent: Gouverner, c'est d'adopter rapidement des projets de loi qui n'ont pas nécessairement le consensus à travers le Québec, surtout sur les groupes concernés, alors je me pose la question encore: Est-ce qu'on revient un peu à ce qui s'est passé en décembre dernier, avec les bâillons de tous les projets de loi qu'on a eus, qui nous ont défilé ça, des projets fondamentaux?
L'immigration est aussi fondamentale, M. le Président. C'est un projet de loi important. C'est un projet de loi qu'on l'a dit qu'on est prêt à aller plus loin. Mais, si on avait le moindrement les amendements, ça nous aiderait de voir la suite et l'orientation de la ministre dans le projet de loi. Mais, si c'est des amendements pour changer un mot avec un autre mot, on va continuer, M. le Président, à riposter à cet effet-là, parce que c'est important, le projet de loi n° 53 qui est pour l'immigration au Québec, particulièrement pour modifier la Loi de l'immigration au Québec.
Alors, nous sommes sérieux dans notre démarche, M. le Président, que cette motion-là est importante. C'est des projets de règlement, mais je veux quand même insister, M. le Président, de déposer une copie des projets de règlement. Pourquoi qu'on pose cette question-là? Pourquoi qu'on apporte cette motion-là? C'est parce qu'il nous apparaît clairement qu'il y a, pour nous, un manque de substance quelque part. Alors, évidemment, il y a plein de projets de loi qui ont été... Toutes les lois qui ont été adoptées au Québec, qui avaient des... qui ont des règlements, parce que les règlements apportent la substance, apportent la couleur, apportent la précision au projet de loi...
Quand on voit, particulièrement dans le projet de loi, «définir l'expression "consultant en immigration", déterminer des catégories de consultants et prévoir des normes différentes selon les catégories», c'est sûr que ça suscite... On a vu, j'ai vu, dans un des mémoires, celui de la Société canadienne de consultants en immigration, qui nous disait la définition de... eux, comment ils voient ce que c'est, le consultant en immigration, alors il y a une définition qui est là, qui est la leur: «Désigne toute personne qui est membre de la Société et est donc autorisée à représenter, conseiller ou consulter un tiers à l'égard d'une procédure [et une] demande devant le ministre, un agent ou la commission.» Alors ça, c'est leur définition. Est-ce que c'est ce genre de définition là qui va être dans le règlement que la ministre va vouloir adopter?
Alors, évidemment, ce règlement-là, il aurait été intéressant pour... Ce n'est pas le fait que, tous les projets de loi, il faut avoir la copie des règlements. Il y en a, des projets de loi, qui n'ont pas été... on ne savait pas les règlements d'avance. Si on la demande aujourd'hui, c'est parce que, d'abord, on n'a pas les amendements, d'une part, et qu'il y a des éléments qui sont importants, dans ce qu'on voit dans le projet de loi, qui méritent de meilleures explications.
Alors, c'est l'argument principal, M. le Président, que j'apporte par rapport de vouloir déposer le projet de règlement. Alors, que d'autres ministres l'aient fait ou pas fait, ce n'est pas ça, la question aujourd'hui. La question, aujourd'hui, est de savoir davantage les intentions de la ministre par rapport à différents éléments, différents articles qu'on voit dans le projet de loi. Si on avait eu les amendements, c'est évident qu'on n'aurait pas cette motion-là, ici, qu'on présenterait cette motion-là. On aurait vu les orientations de la ministre dans l'ensemble des amendements qu'elle veut faire.
Si elle a vraiment écouté le monde, si elle a vraiment eu le consensus des gens, alors ça nous aurait éclairé davantage, M. le Président. Alors, je maintiens et j'appuie mon collègue de Gouin sur cette motion-là.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. J'ai une demande d'intervention de la part du député de Vachon, mais, compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux à 18 heures. Alors, à ce moment-là, la parole sera au député de Vachon. Merci.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 14)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Au moment où est-ce que j'ai suspendu les travaux la parole était au député de Vachon. M. le député.
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, est-ce que vous auriez l'amabilité de relire la motion, s'il vous plaît?
Le Président (M. Cusano): Certainement. Alors, la motion qui est devant nous:
«Il est proposé que la Commission de la culture souhaite que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration mette à la disposition des députés une copie des projets de règlements concernant l'application du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, et ce, dans le but de faciliter l'étude détaillée du projet de loi.»M. Camil Bouchard
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, cette motion, M. le Président, tient de la même philosophie et du même principe que l'ouverture que nous avons manifestée au début de nos délibérations et de l'invitation que nous avons faite à la ministre de produire en bloc les amendements qu'elle entend proposer à cette commission sur la loi qu'elle nous présente. Cette philosophie, elle est relativement simple à comprendre.
Depuis le débat sur les principes de ce projet de loi au salon de l'Assemblée nationale, il y a eu un certain nombre d'interventions de notre part et de la part également des personnes qui ont participé aux consultations particulières, et il y a eu énormément aussi d'interventions dans les médias qui ont fait dire à la ministre éventuellement qu'elle était disposée à présenter devant cette commission, devant l'étude du projet de loi article par article, un certain nombre d'amendements, et nous lui avons demandé de produire ces amendements en bloc. Et nous lui demandons maintenant de produire une déclaration des règlements qu'elle entend adopter en vertu de cette loi parce que nous pensons que nous devons, à titre de parlementaires, nous informer correctement des orientations, des intentions réelles de la ministre.
On sait que toutes sortes d'interprétations ont été, M. le Président, avancées quant aux intentions de la ministre, notamment parce que, comme je le disais antérieurement lors d'une intervention à l'Assemblée nationale, le pouvoir que se donne la ministre dans ce projet de loi est un pouvoir extraordinaire. C'est de fait un pouvoir discrétionnaire qu'elle partagera avec un entourage très restreint, ce qui me faisait dire, M. le Président, à l'époque: Plus il y a de pouvoir discrétionnaire, moins il devrait y avoir d'arbitraire. Et on pourra convenir, M. le Président, que la connaissance des règlements qui accompagneront ce projet de loi, cette connaissance nous permettra de diminuer sans doute le sentiment de l'arbitraire qui semble caractériser ce projet de loi. Plus la ministre est précise dans sa capacité de communiquer ses intentions ? et on sait très bien que les règlements traduisent nettement et clairement les intentions du législateur ? plus elle sera précise dans l'expression de ses intentions, moins elle sera soupçonnée d'utiliser ou de se diriger vers un environnement arbitraire où son pouvoir discrétionnaire pourrait éventuellement conduire à des dérapages, inconscients ou non, à des injustices ou à des abus.
Alors, notre intention, M. le Président, en demandant que la ministre nous produise ces règlements, n'est pas autrement que celle de nous faire changer d'opinion quant au doute qui nous habite concernant les intentions réelles de la ministre en déposant son projet de loi. Et, comme le disait l'homme de théâtre et humoriste bien connu ? et que mon collègue de Laval-des-Rapides connaît bien sans doute ? Tristan Bernard: «Je veux bien changer d'opinion mais avec qui?» Alors, il faut avoir un interlocuteur. Il faut savoir ce que la ministre pense. Il faut savoir ce qu'elle planifie. Il faut savoir ce qu'elle entretient comme projet, dans cette loi qu'elle soumet à l'étude, pour pouvoir éventuellement changer d'opinion sur les intentions réelles de la ministre. Jusqu'à maintenant, ce que nous avons vu, c'est un projet de loi dans lequel on nous annonce l'adoption non simplement d'une nouvelle façon de définir la population qu'on accueillera ou qu'on n'accueillera pas au Québec dans le cadre de l'immigration, mais on nous annonce aussi un changement important au niveau du concept même, du concept central qui définit l'objectif de la loi.
n(20 h 20)n Je vous répète, M. le Président, qu'on passe d'un projet de loi où l'objectif est d'enrichir... le projet de loi a comme objectif... le projet de loi... la loi n° 53 a comme objectif l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec à un projet de loi où on se préoccupe désormais comme objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec, ce qui est très différent, M. le Président.
Alors, devant ce double changement important, à la fois au niveau de l'objectif et à la fois au niveau des moyens ? et là je fais référence plus spécifiquement à la capacité que la ministre aurait éventuellement de décider qu'un bassin géographique donné ne serait plus valide en tant que région géographique ou que pays ou nation comme source d'immigration durant un temps donné, un temps d'ailleurs qui ne dépasserait pas un an mais qui pourrait être renouvelable ? tant qu'on aura devant nous ces énoncés vagues, sans capacité de la part de l'opposition de voir où est-ce que la ministre s'en va véritablement avec le projet de loi et quel usage elle voudra en faire, tant qu'on n'aura pas ces précisions-là, on sera placés devant un interlocuteur muet qui ne nous révèle pas ses intentions. Et, si la ministre veut convaincre à la fois les députés de l'opposition et si elle veut convaincre les critiques de son projet de loi qu'ils doivent changer d'opinion parce que, prétend-elle, son projet de loi est bon, qu'il est juste, qu'il est équitable, bien elle doit nous livrer ce type d'information.
Nous lui avons offert, de ce côté-ci de la commission, nous lui avons offert de déposer en bloc, M. le Président, les amendements. Nous lui avons fait cette offre, et, si elle avait accepté, nous n'aurions pas eu besoin de cette motion préliminaire à propos des règlements, sans doute parce que nous aurions vu plus clair dans ce que la ministre anticipait faire une fois son projet de loi adopté. Et on peut bien vouloir croire la ministre sur parole lorsqu'elle nous dit qu'elle va apporter des amendements qui vont bonifier la loi, mais encore faudrait-il, M. le Président, en connaître la véritable nature.
Or, la ministre a refusé cette offre et cette ouverture que nous manifestions de bonne foi à ce qu'elle produise les amendements pour qu'on puisse se faire tous ensemble ? y compris sans doute une bonne partie de ses collègues qui ne connaissent pas la nature des amendements ? une tête, tous ensemble, de la portée de cette loi, de la portée plus précise de cette loi. Et, devant le refus que nous a opposé la ministre lorsqu'elle dit: Non, je vous déposerai mes amendements article par article, nous nous sommes vus donc dans l'obligation de recourir à un autre mode d'acquisition de connaissances utiles et nécessaires dans la formation de notre jugement par rapport à ce projet de loi, M. le Président, celui d'un dépôt des règlements que la ministre a développés en écrivant ce nouveau projet de loi.
Alors, M. le Président, je voudrais faire une dernière remarque. Les gens d'en face nous disent qu'ils n'ont jamais vu ou ont peut-être vu très, très, très rarement une demande de la sorte, de règlement, de la part de l'opposition devant des propositions ministérielles d'amendement d'une loi existante, et on nous dit notamment qu'en 1999 un ministre avait fait un changement important, etc. Nous répliquons à cela, M. le Président, que c'est une mesure exceptionnelle pour un projet de loi qui quelque part soulève des inquiétudes et un malaise exceptionnels. Et, dans ce contexte, nous nous sentons tout à fait à l'aise de demander que la ministre dépose ce règlement. Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Vachon. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
Mise aux voix
Alors, puisqu'il n'y a pas d'autre intervenant, la motion qui est devant nous ? je l'ai prêtée à quelqu'un, elle s'en vient, merci ? alors la motion:
«Il est proposé que la Commission de la culture souhaite que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration mette à la disposition des députés une copie des projets de règlements concernant l'application du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, et ce, dans le but de faciliter l'étude détaillée du projet de loi.» Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Vote nominal.
Le Président (M. Cusano): Vote nominal. Mme la secrétaire, procédez.
La Secrétaire: M. Boisclair (Gouin)?
M. Boisclair: Pour.
La Secrétaire: Mme Papineau (Prévost)?
Mme Papineau: Pour.
La Secrétaire: Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?
Mme Léger: Pour.
La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?
M. Bouchard (Vachon): Pour.
La Secrétaire: Mme Courchesne (Fabre)?
Mme Courchesne: Contre.
La Secrétaire: Mme Legault (Chambly)?
Mme Legault: Contre.
La Secrétaire: Mme Hamel (La Peltrie)?
Mme Hamel: Contre.
La Secrétaire: Mme Vien (Bellechasse)?
Mme Vien: Contre.
La Secrétaire: M. Mercier (Charlesbourg)?
M. Mercier: Contre.
La Secrétaire: M. Paquet (Laval-des-Rapides)?
M. Paquet: Contre.
La Secrétaire: M. Cusano (Viau)?
Le Président (M. Cusano): Je m'abstiens. Le résultat, s'il vous plaît.
La Secrétaire: 4 pour, 6 contre...
Le Président (M. Cusano): Merci, alors...
La Secrétaire: ...1 abstention.
Le Président (M. Cusano): 1 abstention. Alors, la motion est rejetée.
Est-ce qu'on est prêts maintenant à passer à l'article 1 du projet de loi n° 53? Oui, Mme la députée.
Motion proposant d'entendre
le ministre de la Justice
Mme Léger: Il y a une motion, M. le Président.
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le ministre de la Justice, selon l'article 164 de nos règles.»Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, je vais prendre quelques minutes pour regarder la... Est-ce qu'il y a des commentaires sur la... Excusez-moi. Est-ce qu'il y a des commentaires sur la recevabilité de cette motion?
Une voix: Non.
Le Président (M. Cusano): Il n'y en a pas. Alors, je vais prendre quelques minutes pour regarder ça.
(Suspension de la séance à 20 h 26)
(Reprise à 20 h 32)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'ai regardé attentivement la motion qui est devant nous et je la juge recevable. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez la parole.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, il est nécessaire effectivement ? la motion que j'apporte ? de pouvoir entendre ici le ministre de la Justice qui est, en fin de compte, responsable de l'application, dans le fond, de la Charte des droits et libertés de la personne. Je suis la porte-parole au niveau du mandat des relations avec les citoyens, d'une part, donc ce qui touche particulièrement la Commission des droits de la personne, la Commission des droits de la jeunesse et toute la particularité de la Charte des droits et libertés de la personne que je partage avec mon collègue qui a le mandat au niveau de la justice particulièrement, mon collègue de Chicoutimi.
Alors, la Commission de la culture devrait l'entendre afin qu'il vienne, dans le fond, donner un avis sur le fait que le projet de loi n° 53 touche de près l'article 10, M. le Président, de la Charte, telle quelle, québécoise des droits et libertés de la personne. Alors, je vais vous lire le bout de l'article de 10, en fin de compte, l'extrait de la Charte des droits et libertés:
«Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
«Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.» On sait fondamentalement, M. le Président, que la Charte québécoise des droits et libertés d'une personne et la Charte canadienne évidemment sont des lois qui prévalent, sont au-dessus de toutes les autres lois, particulièrement parce qu'elles évoquent des éléments fondamentaux de droits de la personne et des libertés de la personne tels quels. Pourquoi ce serait important et intéressant que le ministre de la Justice soit ici, bien, comme il a à l'appliquer, cette charte-là, et que le projet de loi qui est devant nous, qui est le projet de loi n° 53... On doit redire les intentions de ce projet de loi particulièrement.
Ce projet de loi confie au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration le pouvoir d'établir les orientations en matière d'immigration et prévoit que celles-ci sont déposées à l'Assemblée nationale. Le projet ajoute, au plan annuel d'immigration, l'objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec, notamment en permettant la répartition de la sélection des ressortissants étrangers par bassins géographiques. Le projet autorise aussi le ministre à suspendre temporairement la réception des demandes de certificats de sélection pour immigrer au Québec.
Donc, c'est cette partie-là de la loi qui est devant nous, la loi n° 53, qui me fait être devant vous pour faire cette motion-là préliminaire de la demande d'avoir le ministre de la Justice. Il aurait été intéressant avec le ministre de la Justice qui applique la charte... l'application de la Charte des droits, des libertés de la personne, qui a sûrement vu, comme nous tous, je pourrais dire, les commentaires qui ont été soulevés au fil des dernières semaines, particulièrement avec le projet de loi que nous avons devant nous...
Il est évident que ça a soulevé beaucoup de problématiques quant à la liberté des personnes puis les droits des personnes, particulièrement les aspects de discrimination, les aspects même de profil racial, pour certains groupes qui sont venus qui ont fait des mémoires à ce niveau-là, je pense particulièrement au Centre de recherche-action sur les relations raciales. Bon. Évidemment, ils ont, en fait, fait des commentaires. Ils auraient aimé d'ailleurs avoir plus de temps, et encore qu'on leur accorde plus de temps nécessaire pour examiner et débattre l'accès aux données ou la diffusion publique des renseignements pour l'éclaircissement des enjeux. Le projet de loi pour eux soulève le spectre de racisme, c'est ce qui est écrit dans la préface de leur mémoire. Alors, ce n'est quand même pas nécessairement nous qui apportons cet élément-là de spectre de racisme: on l'a lu et on l'a vu, on l'a entendu de plusieurs groupes, M. le Président. Alors, c'est sûr que ce n'est sûrement pas l'intention de la ministre de soulever, je pourrais dire, ce genre de situation, mais ça soulève malgré tout ces aspects-là de ce débat-là actuel devant nous, de ce projet de loi n° 53 qui doit modifier la Loi sur l'immigration du Québec.
Donc, évidemment l'Assemblée nationale doit absolument recueillir tous les avis disponibles, en fin de compte, sur cette question qui demeure très sensible. La Charte des droits et libertés de la personne affirme et protège les droits et libertés de toute personne qui vit au Québec. Elle a comme objectif majeur d'harmoniser les rapports des citoyens entre eux et avec leurs institutions dans le respect de la dignité humaine, et le préambule de la charte, M. le Président, pose les bases de cette harmonisation en faisant notamment appel au respect mutuel et à la réciprocité.
Alors, dans le préambule particulier de la charte, c'est sûr, quand on a une charte des droits et libertés de la personne, évidemment comme elle est principale et, je pourrais dire, fondamentale sur l'aspect de l'ensemble des autres lois du Québec et que c'est le ministre de la Justice qui est responsable de cette application-là, quand on a un projet de loi comme celui de 53 qui est devant nous présentement et qui amène, je pourrais dire, qui soulève ce genre d'inquiétude là dans la population, mais particulièrement sur certains groupes qui sont venus l'exprimer et qui l'ont écrit... Alors, ce n'est pas nécessairement n'importe qui qui dit n'importe quoi, c'est quand même des groupes qui sont intéressés par le sujet et qui participent depuis plusieurs années à ce débat-là dans la société québécoise et qui sont là à différents, je pourrais dire, à différents débats ou à différents enjeux, qui participent soit à des commissions parlementaires ou à des tables, qui expriment l'idée et qui protègent dans le fond l'idée d'éviter tout racisme dans tout ce qu'on propose particulièrement ici, au Québec.
Bon. C'est sûr que ça soulève aussi, M. le Président, je pourrais dire, l'intérêt du ministre de la Justice qui applique cette charte-là des droits et libertés de la personne, quand, dans le préambule de la charte, on affirme «que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement;
«[...] que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi;
«[...] le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix;
n(20 h 40)n«[...] les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général;
«[...] les libertés et droits fondamentaux de la personne [doivent être] garantis par la volonté collective et mieux protégés contre toute violation.» Alors, c'est bon de se le rappeler, ça, M. le Président, de temps en temps, la Charte des droits et libertés. Plusieurs d'entre nous l'avons eue il y a quelques années. Moi, elle est dans mon bureau de circonscription où on l'a sur un laminé pour se rappeler que c'est ce qu'on s'est doté ici, au Québec, de cette charte-là. Ce n'est pas juste des mots, ce n'est pas juste des phrases qui sont là sur nos murs ou qu'on a sur papier, ce sont des principes et des valeurs fondamentales au Québec.
Alors, évidemment, quand on se retrouve avec différents projets de loi, la primauté de cette charte-là doit évidemment être au-dessus de toutes ces autres lois là. Donc, c'est évident que, quand on regarde le projet de loi n° 53, quand on voit tout ce qui a été soulevé... Je vois particulièrement la Protectrice du citoyen qui dit particulièrement que «cette caractérisation, notamment celle qui touche la culture, ne risque-t-elle pas d'être interprétée comme un moyen pour cibler ou écarter certains groupes» dans tout l'aspect particulier de la notion de bassin géographique? Parce que c'est là d'ailleurs qu'est soulevé tout le débat particulièrement qui est apporté autour de discrimination, autour de racisme, autour de profil racial. C'est dans cette notion-là, que la ministre apporte dans son projet de loi, du bassin géographique, d'une part, qui... ou quels seront les bassins qui seront dans le fond déterminés par la ministre, qui ne pourront pas faire de demandes nécessairement. C'est là tout l'aspect particulier des enjeux au Québec, que les gens, au Québec, nous rappellent par leurs interventions puis par les mémoires qu'ils nous ont déposés en commission parlementaire, d'une part.
Donc, la plupart... Si je poursuis un petit peu ce que la Protectrice du citoyen a dit: «Or, même si la discrétion vise un privilège et non un droit, il m'apparaît essentiel d'en préciser les modalités d'application. Il en va des valeurs de transparence, d'équité et d'intégrité dans le traitement des dossiers. À cet égard donc, le projet de loi souffre de lacunes qu'il faudrait combler à mon avis.» Et, si je prends particulièrement la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qu'il aurait été intéressant, M. le Président, d'entendre en commission parlementaire... D'abord d'entendre le ministre de la Justice, mais aussi d'entendre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, je pense que mes collègues seront d'avis avec moi que ça aurait été très, très intéressant de les avoir ici. Bon. On a eu un mémoire, ils nous ont déposé quand même un mémoire, mais j'aurais eu quelques questions à soulever, et j'imagine que mes collègues aussi, la ministre sûrement, des questions à poser aux gens de la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse, mais particulièrement au ministre de la Justice qui a la charge de l'appliquer puis qui a la responsabilité d'appliquer la charte.
Des questions très importantes que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse soulève dans son mémoire, je vous en cite quelques extraits, là: «Comment assurer la diversité socioculturelle d'un État? Qu'entend-on par le terme assurer? Quels sont les critères dont on tiendra compte pour s'assurer de préserver cette diversité?» Parce que la diversité socioculturelle, ce n'est pas évident nécessairement, la définition, la définition que nous avons. Et bon, si ce sont ces termes que la ministre dit: Bon, ça, c'est des termes qui existent déjà, c'est intéressant d'avoir la vision de la ministre ou la compréhension de la ministre de cette diversité-là socioculturelle.
«Hormis le fait qu'il est déjà prévu ? je continue avec la Commission des droits de la personne ? que la sélection faite par le Québec vise à recruter préférentiellement des gens qui ont une bonne connaissance du français, cette nouvelle notion pourrait-elle servir de base à des mesures favorisant les ressortissants de certaines origines ou venant de certains pays ou régions?» Elle mentionne aussi: «La commission considère que l'actuel article 3 de la loi [...] ? enrichissement du patrimoine socioculturel ? est amplement suffisant pour les fins des objectifs précisés par le gouvernement dans son projet de loi. Le libellé de cet article semble plus inclusif et pouvant moins porter à des interprétations contraires aux principes d'égalité qui sous-tendent la charte.» Donc, des éléments, M. le Président, importants que soulève la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Elle dit aussi que «les critères établis dans la grille de sélection des immigrants tiennent déjà compte de la capacité d'intégration des requérants, d'une part, de façon objective et, d'autre part, de façon subjective, au moyen d'une entrevue de sélection. Il nous apparaît légitime qu'un État veuille préserver la cohésion sociale en cherchant à sélectionner les candidats présentant des capacités d'adaptation à la société d'accueil. Toutefois, il est à se demander en quoi la fixation d'objectifs par "bassins géographiques" ? ce dont nous sommes interpellés par ce projet de loi ? donc une sélection basée selon des critères liés à la nationalité, permettrait de garantir davantage la cohésion sociale.» C'est là qu'est tout le débat, M. le Président, particulièrement sur cet aspect-là de garantir davantage la cohésion sociale, particulièrement en se fixant des objectifs par bassins géographiques.
«La commission est d'avis ? des droits de la personne ? que les objectifs d'immigration ne devraient en aucun cas être établis de manière à s'ajuster à une affectation inadéquate des ressources dans certaines régions du monde, compte tenu de la concentration des demandes dans ces zones, ni refléter des attitudes de méfiance pouvant exister, en raison par exemple de situations conjoncturelles, à l'endroit des personnes de certaines origines ou cultures.» Alors ça, M. le Président, là, ce que soulève la Commission des droits de la personne, là, particulièrement «à l'endroit des personnes de certaines origines ou cultures», comment peut-on déterminer, nous, au Québec, comment la ministre peut déterminer que, particulièrement ce qui été soulevé, toute la... je pourrais dire les gens de provenance du Maghreb particulièrement, que la ministre pourra identifier puis dire: Bon, bien maintenant toutes les demandes qui viennent du Maghreb ne seront pas acceptées, seront suspendues...
Elle nous mentionnait tout à l'heure particulièrement que, bon, c'est suspension temporaire jusqu'à ce que, bon, elle décide de la rétablir. Ce n'est pas le fait que ce soit temporaire, M. le Président ? bon, ça, on pourrait en rediscuter, la notion de temporaire ? mais c'est le fait que les gens peuvent faire des demandes et qu'ils n'auront pas droit nécessairement de faire ces demandes-là avec ce projet de loi là, et que, je pourrais dire, toutes les relations qui ont été faites, qui ont été travaillées au fil des années... Je vois mon collègue député de Gouin, qui est avec nous, qui a été ministre de l'Immigration, je vois tout l'intérêt qu'il a eu pendant ces années ? je ne sais pas combien d'années il a été ministre, je ne me souviens pas, là, mais il nous le dira quand il aura le goût de le partager tout à l'heure, peut-être ? évidemment, tout l'intérêt qu'il a mis à établir des relations à travers le monde, c'est des relations privilégiées, c'est beaucoup de diplomatie, beaucoup de doigté avec les organisations internationales, et que cela ne se fait pas nécessairement parce que d'une façon administrative, on dit que, bon, bien on a trop de demandes au Québec, là, maintenant, bien je regrette, vous êtes... on suspend temporairement vos demandes, quand au fil des années il s'est établi beaucoup de relations, mais aussi beaucoup d'échanges avec ces pays-là, avec ces nations-là à travers le monde, et que, là, la notion de bienvenue n'est plus là...
Ça me fait rappeler mon père, anciennement ministre du Tourisme, le premier ministre du Tourisme à l'époque, dans les années quatre-vingt-quatre, quatre-vingt-cinq, là, que c'était un temps intéressant pour aller chercher particulièrement différentes clientèles en dehors du Québec et d'ouvrir le Québec à travers le monde, particulièrement. Et il avait sorti le slogan Come and say «Bonjour», et le «Bonjour» qu'on voit même encore dans tous les restaurants du Québec, ou dans toutes les auberges, ou les endroits où on voit le beau slogan Bonjour, blanc et bleu, là, que les gens pouvaient mettre un petit peu partout pour dire aux gens: Venez-vous-en. Bon. Ça, c'était une campagne particulière pour les Américains, mais ça a été une campagne intéressante pour tout le monde de Boston, de New York, d'un peu partout, pour dire: Venez au Québec; c'est plaisant venir au Québec; Venez y séjourner, venez y faire un tour. On en parle encore aujourd'hui, M. le Président.
Mais tout ça pour vous dire que, pour un gouvernement, les orientations d'un gouvernement, mais aussi les objectifs d'un gouvernement, les priorités d'un gouvernement d'avoir de bonnes relations à travers le monde, je trouve qu'avec cette fixation-là de bassin géographique... Même si la ministre nous dit que ça se fait déjà naturellement, etc. Mais là, avant la demande, là, on dit: Vous ne faites pas de demande pour six mois ou pour un an parce qu'on a atteint nécessairement un certain bassin. Qu'il se fasse lors du certificat de sélection... J'entendais la ministre dire: C'est bien mieux après parce que d'avoir fait attendre les gens... C'est beaucoup plus important que juste de dire que c'est mieux de le faire après, c'est aussi de la... c'est tout l'impact de la fermeture dans un pays autre que celui de chez nous où on dit aux gens: Vous n'avez plus... vous n'avez pas à venir au Québec pendant plusieurs années.
n(20 h 50)n Alors, j'imagine, j'imagine les gens qui ont déjà de la famille ou qui déjà au fil des années ont acquis avec le Québec des belles relations, je ne trouve pas ça très, très accueillant, d'une part. Mais ça, c'est une raison beaucoup plus, je pourrais dire, affective, beaucoup plus émotive, ça n'enlève pas l'impression qu'il peut y avoir beaucoup de demandes... qu'il peut y avoir au Québec. Mais je ne pense pas que c'est de cette façon-là, qui vient soulever des questions plus discriminatoires, des questions qui touchent particulièrement soit la nationalité ou soit la provenance d'un endroit dans le monde, qui vient apporter, je pourrais dire, cette idée-là de la ministre particulièrement dans ce projet de loi, son projet de loi n° 53, de venir soulever ce genre de question là de discrimination...
Ce n'est pas moi qui le dit, M. le Président, c'est les gens qui sont venus nous le dire, on en a lu, on a lu à travers les journaux un peu partout. J'imagine qu'on n'est pas tout seul qui lit ces articles-là, qui écoute ce monde-là, là, ce qu'ils ont à dire par rapport à ça. Et je n'ai pas entendu la ministre venir nous rassurer à ce niveau-là, qui de bonne foi peut peut-être dire: Ce n'est pas mon but, ce n'est pas l'objectif, ce n'est pas notre but, d'être racistes ou de viser de la discrimination.
Mais les gens comme la Commission des droits de la personne viennent lui dire: Attention, il peut y avoir abus; attention, il peut y avoir de la discrimination. Comment expliquer tel ou tel mot dans le projet de loi, comment expliquer tel aspect du projet de loi, comment vous allez rassurer quand vous dites telle ou telle phrase? C'est ce qu'ils viennent dire, la Commission des droits de la personne, M. le Président, c'est ce qu'ils nous disent dans leur mémoire.
Et le ministre de la Justice par rapport à ça, bien lui qui a à l'appliquer d'abord la charte, et que c'est la Commission des droits de la personne dans le fond qui protège ces droits-là, il aurait été intéressant d'entendre le ministre de la Justice venir nous voir, nous donner son avis, dans le fond, sur particulièrement l'article 10 de la charte. Est-ce que ça touche? Est-ce que le projet de loi que nous pensons qu'il y a des aspects assez tendancieux dans le projet de loi particulièrement pour cet aspect-là de discrimination ou de racisme, il aurait été intéressant d'entendre... Alors, on demande d'entendre le ministre de la Justice particulièrement par rapport à la Charte des droits.
Mais si je veux poursuivre, M. le Président, parce que la Commission des droits de la personne a soulevé quand même quelques interrogations, et particulièrement, là, celle aussi que «la commission est d'avis que les objectifs d'immigration ne devraient en aucun cas être établis de manière à s'ajuster à une affectation inadéquate de ressources dans certaines régions du monde, compte tenu de la concentration des demandes dans ces zones ? c'est la Commission des droits qui nous dit ça, là, M. le Président ? ni refléter les attitudes de méfiance pouvant exister, en raison par exemple de situations conjoncturelles, à l'endroit des personnes de certaines origines ou cultures».
Comment la ministre va pouvoir expliquer qu'on ferme les demandes, particulièrement on suspend les demandes des pays du Maghreb? Comment elle va expliquer ça? Parce qu'il y a trop de demandes? Si je vois le pourcentage des demandes que nous avons en 2002-2003, j'imagine, c'est à peu près 23 % des demandes au Québec. Alors, comment elle peut nous dire aujourd'hui que, bon, bien, sur 39 000 possibilités, 39 000 demandes qu'ils ont eues, il y en a 9 000 qui proviennent du Maghreb? Alors, c'est trop, c'est pas assez? Comment qu'on détermine ça, M. le Président, de dire qu'il y en a trop du Maghreb? Comment elle va justifier cette suspension temporaire là particulièrement du Maghreb?
Ou, je réitère, M. le Président, de l'Italie, hein, de la communauté italienne qui est un exemple, comment on peut dire: Bon, bien on a assez de demandes qui viennent d'Italie, ou d'Europe, ou peu importe, différents endroits dans le monde, parce que la ministre en a décidé ainsi? Je ne sais pas sur quel critère qu'elle va pouvoir dire qu'on suspend les demandes qui viennent de bassins, de nations, de bassins géographiques, particulièrement?
Alors: «La Commission des droits de la personne ? d'une part ? ne considère pas inopportun l'ajout de la notion de "bassin géographique". Toutefois, l'application de cette notion pourrait selon notre analyse porter atteinte aux droits protégés par la charte.» Alors, c'est dans le mémoire de la Commission, ça, M. le Président, des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui viennent nous dire...
Donc, ça veut dire quoi, ça, M. le Président? Est-ce qu'on va avoir des poursuites? Qu'est-ce qui va se passer, là, s'il y en a qui vont trouver, qui vont dire que ça porte atteinte à leurs droits qui sont protégés par la charte? On va se mettre à avoir des poursuites de gens qui trouvent qu'il y a atteinte à leurs droits avec la charte?
La commission dit, entre autres: «Afin de prévenir d'éventuels dérapages en ce sens, la commission est d'avis qu'il est nécessaire d'indiquer, soit dans la loi soit dans le plan annuel en matière d'immigration, les critères et les situations qui permettront le recours à l'application de la sélection basée selon des "bassins géographiques". Cette transparence assurera un débat public sur la question et permettra d'analyser les bassins géographiques proposés en fonction des principes d'égalité et de dignité qui sous-tendent la charte.» Donc, moi, M. le Président, je ne suis pas une spécialiste de la Charte des droits et libertés de la personne, je suis une citoyenne, je sais qu'il y a une charte, je la connais comme parlementaire, je l'ai lue, je l'ai étudiée, j'ai entendu la commission, j'ai... Bon. Comme parlementaire, je me suis davantage peut-être sensibilisée à tous les aspects. Et, quand on fait des lois particulièrement, c'est une des choses qu'on s'assure, que ça ne fait pas atteinte à la Charte des droits et libertés de la personne. C'est la moindre des choses.
Alors, un projet de loi qui vient confronter directement aujourd'hui cette charte-là, selon ce que les gens nous disent et selon même ce que la commission vient nous dire, le ministre de la Justice doit dire quelque chose, le ministre de la Justice doit avoir une opinion, le ministre de la Justice peut... J'espère que la ministre, si on ne l'a pas entendue puis on aimerait bien l'entendre, j'espère que tout au moins elle l'a consulté, elle a parlé avec le ministre de la Justice qui doit appliquer la Charte des droits, qui a la responsabilité de l'application de la Charte des droits, a pris le temps de vraiment échanger avec lui par rapport à la charte, puis l'implication, je pourrais dire l'impact de sa notion particulièrement de bassin géographique, est-ce qu'il viendrait faire atteinte nécessairement à des droits importants?
La commission nous dit aussi qu'elle «considère que laisser au gouvernement un pouvoir discrétionnaire de fixer des objectifs en cette matière pourrait, en absence de critères justificatifs...» On ne les a pas entendus, les critères justificatifs, M. le Président. Est-ce que ces critères justificatifs là seront, dans le fond, dans les règlements, dans une réglementation, qu'on aura davantage de substance qui pourra nous expliquer quels sont les critères justificatifs? Mon collègue de Gouin tout à l'heure, qui a déposé la motion particulièrement sur le pouvoir de réglementer, était complètement pertinent. Alors, je vois juste par la commission qui nous parle de ces critères-là justificatifs qu'on n'a pas devant nous, présentement... Donc, c'est sûr que ça peut amener certaines interrogations et certaines inquiétudes. Et, quand les gens sont venus nous expliquer, nous dire en tout cas que peut-être qu'il y a des aspects de discrimination, bien quand on écoute, quand on voit et on lit la commission, ça nous inquiète aussi, évidemment.
On dit aussi: «...mentionnés dans la loi ou dans le plan annuel d'immigration, [qui peut] mener à des abus qui pourraient contrevenir aux articles 10 et 12 de la charte», M. le Président. Donc, évidemment ça vient directement, je pourrais dire, confirmer les propos que je vous apporte et la motion que j'apporte devant la commission au nom de l'opposition officielle, cette motion-là de rencontrer le ministre de la Justice.
On sait aussi qu'évidemment la charte, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 27 juin 1975 et entrée en vigueur le 28 juin 1976, la charte est dite fondamentale, car aucune disposition d'une autre loi ne peut être contraire à certains droits qui y sont énoncés, soit les droits fondamentaux, soit les droits politiques, soit les droits judiciaires et le droit à l'égalité. Alors, c'est intéressant, M. le Président, de nous rappeler que ce sont des droits qui sont là inscrits dans la charte, et qui, je pense, dans le fond nous protègent tous, les citoyens et citoyennes au-delà de certains abus qu'il peut y avoir quand on fait des lois ou quand on décide de certaines politiques, d'une part. Toutefois, un article de loi peut exceptionnellement indiquer qu'il s'applique malgré la charte.
Et il est dit aussi par la Commission des droits: «Au Québec, tous sont tenus de respecter les droits et libertés de la personne dans la mesure où la charte reconnaît que tous les individus sont égaux en valeur et en dignité. Tous sont donc tenus dans leurs rapports sociaux de respecter les droits et libertés d'autrui. Sont également tenus de se conformer à la charte tous les groupes et organismes, toutes les entreprises privées, tous les services publics ou privés, toutes les administrations gouvernementales, provinciales, municipales, scolaires, le gouvernement du Québec et ses institutions à tous les échelons de la hiérarchie.»n(21 heures)n Je fais le tour, je fais la tournée scolaire, M. le Président, dans ma circonscription, et je fais ça à chaque année. J'ai une quinzaine d'écoles primaires et secondaires, là. Je fais toujours toutes les sixième année et les quatrième secondaire et je leur demande... on parle de mon rôle de députée, tout ça, je prends le temps avec eux, à chaque année. Et les sixième année, ils ont à peu près 12 ans, 11, 12 ans, 13 ans, quelques-uns 13 ans, et, quand je leur demande, bon, ce que fait un député, bon, etc., c'est sûr qu'on a beaucoup de pédagogie à faire, dans notre rôle, comme on continue à le faire pour les adultes. Alors, on peut s'imaginer juste avec les enfants comment c'est encore plus nébuleux, notre travail tel quel. Mais, quand je leur demande: Connaissez-vous des lois, connaissez-vous... ils me parlent effectivement de leurs droits, ils me parlent qu'ils n'ont pas le droit de faire ci, qu'ils n'ont pas le droit de faire ça. Ils me parlent souvent des gratteux, qu'ils ne peuvent pas aller acheter des gratteux, ils parlent de leur petit quotidien, voir ce que sont leurs droits, puis quels sont dans le fond leurs propres... comment est-ce qu'ils peuvent identifier leur propre liberté dans un rôle comme celui de député par rapport aux institutions démocratiques, d'une part. Alors, c'est très agréable d'entendre ça.
Mais tout ça, M. le Président, pour conclure, parce qu'il ne me reste que quelques secondes, M. le Président, qu'il est impératif que nous puissions entendre le ministre de la Justice, qui pourrait venir nous donner son avis particulièrement sur le fait que le projet de loi... ce que touche le projet de loi n° 53, s'il touche directement à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Effectivement, M. le Président, j'aimerais revenir, moi aussi, à mon tour sur le rapport que nous avons reçu de la Commission des droits de la personne la semaine dernière. Je pense que c'est important qu'on reprenne les recommandations qui sont faites par la commission. Vous comprendrez que c'est sûr que, quand on dépose un projet de loi comme celui-là, on s'assure effectivement... et encore une fois les mécanismes font en sorte que tous les projets de loi sont soumis à la commission et la commission regarde tous les projets de loi pour s'assurer qu'ils sont conformes à la Charte des droits. Je pense qu'il n'y a aucun gouvernement qui va volontairement et de façon préméditée déposer des projets de loi qui iraient à l'encontre de la Charte des droits de la personne.
Je pense que c'est une charte dont on est non seulement fiers, mais qui est devenue un fondement même des valeurs de notre société qui sont... une charte aussi qui détermine en grande partie nos choix de société. Et je pense que le Québec a souvent été à l'avant-garde, a souvent été pionnier à cet égard-là. Alors, moi, je suis tout à fait d'avis... que quelque gouvernement que ce soit, à moins d'être totalement irresponsable, irait à l'encontre de la Charte des droits et libertés, forcément.
Alors, à cet égard-là, M. le Président, j'aimerais reprendre le texte qu'on a devant nous, qu'on a reçu la semaine dernière. Ce que la commission nous dit, c'est que, en tenant compte du contexte qui est exposé par le MRCI, «la commission comprend que, dans une certaine mesure, il serait inéquitable pour un État de ne recevoir comme immigrants ou réfugiés sélectionnés que les ressortissants provenant d'une seule région[...]. Suivant cette logique, il peut donc s'avérer opportun [...] de fixer des objectifs maximums d'immigration en fonction [...] de bassins géographiques[...].
«De l'avis de la commission, les critères concernant le "bassin géographique" pourraient être guidés, notamment, par la demande d'immigration globale venant des quatre coins du globe, la proportion des ressortissants qualifiables selon la grille de sélection actuelle dans certaines régions, le niveau d'immigration prévu pour une période donnée, la disponibilité, et la capacité d'accueil et d'intégration du Québec[...].
«Donc, a priori, la commission ne considère pas inopportun l'ajout de la notion de "bassin géographique". Toutefois, l'application de cette notion pourrait selon notre analyse porter atteinte aux droits protégés par la charte. Afin de prévenir d'éventuels dérapages en ce sens, la commission est d'avis qu'il est nécessaire d'indiquer, soit dans la loi soit dans le plan annuel en matière d'immigration, les critères et les situations qui permettront le recours à l'application de la sélection basée selon des "bassins géographiques". Cette transparence assurera un débat public sur la question et permettra d'analyser les bassins géographiques proposés en fonction des principes d'égalité et de dignité qui sous-tendent la charte.»
M. le Président, moi, je trouve que ces propos sont extrêmement clairs et limpides. Quand je lis, et c'est aux pages 11 et 12, je ne lis pas et je ne comprends pas que la notion de bassin géographique est contre la Charte des droits. Pas du tout. Ce que la commission demande, c'est de spécifier, soit dans la loi soit dans le plan annuel, les critères qui sous-tendent ce choix. Mais je vais aller plus loin que ça, M. le Président, je vais revenir à l'article 3.1 de la loi actuelle, article 3.1 introduit par le ministre de l'Immigration de l'époque, qui dit et qui donnait un pouvoir au ministre, un pouvoir de suspendre l'examen des demandes ou cesser de délivrer des certificats de sélection pour une catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie jusqu'au début de l'année civile suivante si le maximum prévu au plan annuel est atteint.
M. le Président, le gouvernement précédent a été le premier gouvernement à introduire une notion de maximum. En fait, c'était en 1999. Et il y avait donc cette notion première de maximum. Alors, comment pouvons-nous, M. le Président, déterminer ces maximums prévus au plan? Qu'est-ce que ça veut dire? Si on cesse l'examen des demandes ou on cesse de délivrer des certificats de sélection parce que le maximum est atteint, M. le Président, ce n'est pas une région du monde qui est fermée, c'est toutes les régions du monde. Le jour où on cesse de délivrer ou d'étudier des demandes, ça veut dire que le Québec ferme en totalité ses portes. Et ça, c'est un pouvoir que s'est donné le gouvernement précédent en vertu de maximum. Or, M. le Président, ce que j'ai dit à de nombreuses reprises et ce que l'ex-ministre de l'Immigration et les ex-ministres de l'Immigration ? parce qu'effectivement ils ont été fort nombreux en avant ? savent très bien, c'est que de tout temps, depuis que nous gérons notre immigration en fonction de l'accord Canada-Québec, effectivement, ces plans annuels étaient définis par grandes régions du monde. Et c'est pour ça qu'il y a des conseillers en immigration dans certaines grandes régions du monde qui correspondent, dans la réalité, très souvent à des continents.
n(21 h 10)n Alors, M. le Président, je le répète pour la xième fois, ce projet de loi, ce qu'il souhaite, c'est de rendre publiques, une fois par année, à l'Assemblée nationale, non seulement les orientations en matière d'immigration, mais bien la provenance de l'immigration que nous souhaitons et quelles sont justement ces orientations qui nous permettent de fixer ces capacités d'accueil et qui nous permettent d'établir ces niveaux d'immigration. Établir un niveau d'immigration, là, ce n'est pas un effet magique, ce n'est pas des chiffres qu'on sort d'un chapeau, là. C'est pas mal plus sérieux que ça. Et le gouvernement précédent et les nombreux ministres de l'Immigration savent très bien ? très bien ? que les facteurs qui motivent le plan annuel considèrent le potentiel démographique d'un pays, considèrent effectivement la tendance de la demande mais en fonction d'une promotion et de recrutement que le ministère effectue, et ça, ce n'est pas nouveau, ce n'est pas récent, ça fait des années que c'est comme ça.
Donc, pourquoi doit-on continuer à cacher cette information? Pourquoi doit-on continuer à ne pas rendre cette information publique dans l'intérêt de tous les citoyens mais aussi dans l'intérêt de ceux et celles qui veulent venir? Moi, je veux comprendre pourquoi le pouvoir de 1998 et celui de 1999 que s'est donné le gouvernement précédent, pourquoi ce pouvoir-là, il est au-dessus de tout soupçon? Et pourquoi... Lorsque nous disons qu'à l'entrée nous devons... nous voulons suspendre la réception des demandes par bassins géographiques pour justement s'assurer qu'on ne pénalise pas inutilement des régions du monde et que la Commission des droits de la personne nous dit que ce n'est pas inopportun de faire l'ajout de cette notion de bassins géographiques... C'est ce qu'elle nous dit, la commission, à ce moment-là, mais elle nous demande de spécifier les critères.
M. le Président, si nous pouvions enfin commencer l'étude des amendements article par article, peut-être qu'effectivement les députés d'en face auraient réponse à leurs questions et peut-être qu'on rejoindrait en tous points les recommandations de la commission non seulement sur cette question-là, mais aussi sur d'autres questions. Et c'est à ça que sert une commission parlementaire qui doit étudier un projet de loi article par article, M. le Président.
Que la motion que nous avons devant nous nous demande si la ministre a consulté le ministre de la Justice, M. le Président, encore une fois, moi, je veux bien, là, il faut être sérieux, les gens, les députés savent très bien que toutes les étapes des comités ministériels sont franchies, que, sur la très grande majorité de ces comités ministériels, le ministre de la Justice est présent, que le ministre de la Justice est présent au Comité de législation, que le ministre de la Justice est présent au Conseil des ministres, que le ministre de la Justice apporte une attention très particulière à l'étude de chacun des projets de loi, M. le Président, et que le ministre de la Justice, bien sûr que, s'il n'était pas d'accord avec le projet de loi, M. le Président, il aurait manifesté sa voix, M. le Président. Ça fait aussi partie du fonctionnement ou du déroulement normal des étapes que doit suivre un projet de loi, M. le Président.
Je voudrais juste, si vous me permettez avant de terminer, rappeler aux députés de l'opposition une mise en garde que nous a faite la semaine dernière le CRARR, le CRARR qui est venu devant nous. Je recite ce que le CRARR dit: «Le CRARR invite les critiques du projet de loi, y compris certains députés, à agir avec prudence et nuance afin d'éviter une banalisation du profilage racial. Depuis 2002, le CRARR a mené des activités de défense des droits, de contestation judiciaire et d'éducation en matière de profilage racial. Il considère que le profilage racial est un problème sérieux mais qu'il ne faut pas utiliser ce concept lorsque les circonstances ne le permettraient pas.» Je me permets, M. le Président, de revenir sur cette question-là parce que la tendance est forte de réutiliser cette expression, et, moi, je veux que vous sachiez que c'est un sujet qui nous inquiète, qui nous interpelle et pour lequel nous consacrons actuellement beaucoup d'efforts avec de multiples intervenants pour essayer de trouver des solutions qui soient significatives encore une fois pour prévenir cette situation particulièrement dans nos très grandes villes. Alors, j'invite aussi à la prudence à cet égard-là.
M. le Président, les députés de l'opposition de toute évidence se servent actuellement de mesures dilatoires pour retarder l'étude des articles du projet de loi, article par article. C'est leur choix, M. le Président, mais je veux leur rappeler que, la semaine dernière, nous avons reçu, ici même, tous les organismes pour lesquels ils ont soumis une invitation aux consultations. Nous n'avons argumenté sur aucun des choix, nous avons accepté de rencontrer tous ceux qui voulaient se présenter devant nous. La Commission des droits de la personne a fait le choix de ne pas se présenter devant nous. Alors, M. le Président, les consultations particulières, c'était la semaine dernière. C'était la semaine dernière et c'était à ce moment-là qu'il fallait demander à tous ceux qu'on souhaitait voir, entendre, de venir devant nous, c'était à ce moment-là qu'il fallait faire appel à ces consultations particulières.
La Charte des droits, M. le Président, est une charte qui est complète à bien des égards ? à bien des égards. La députée de Pointe-aux-Trembles nous a cité l'article 10, quant au droit à l'égalité dans la reconnaissance de l'exercice des droits et libertés, mais l'article 9.1, M. le Président, nous dit que «les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec». Mais ce qu'on rajoute, c'est que «la loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice». M. le Président, c'est ce que le projet de loi n° 53 entend faire mais toujours, toujours dans le respect de ces chartes des droits et libertés. Une loi, si elle doit passer le processus des commissions parlementaires pour l'étude article par article, c'est parce que justement nous avons tous ensemble ce travail de parlementaires à faire, qui veut que nous bonifiions la loi.
Alors, encore une fois je fais appel non seulement à la collaboration, mais à la responsabilité des députés de l'opposition pour que nous puissions procéder sans plus tarder à l'étude de ces articles, un à un, et pour lesquels il nous fera plaisir de déposer les amendements un par un. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Et porte-parole officielle en matière d'immigration.
Mme Lucie Papineau
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup. Dans un premier temps, je voudrais tout d'abord dire au député de Laval-des-Rapides que... Vous savez, M. le Président, tantôt, il a dit que, de ce côté-ci, on lisait des textes. Moi, je vais vous dire que le texte sur lequel on s'est référé tantôt, c'était un très bon texte et en fait l'allocution que Louise Harel avait faite en Chambre au sujet du projet de loi n° 53. Et je pense que, sans...
M. Paquet: ...
Le Président (M. Cusano): Oui, M. le député de Laval-des-Rapides, je vous écoute.
M. Paquet: Je crois qu'il faut référer aux membres... aux collègues de l'Assemblée par le nom des comtés et leur titre parlementaire.
Le Président (M. Cusano): Effectivement. Effectivement, Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Excusez, M. le Président. La députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M. Cusano): Je comprends que des fois on a tendance à référer à nos collègues par leur nom, mais il faut s'y référer par le nom de leur comté.
Mme Papineau: Donc, parfait. Alors, comme tantôt il y avait un petit peu de sarcasme dans la façon dont le député de Laval...
M. Paquet: Question de règlement, M. le Président. Je pense qu'on essaie de prêter des motifs...
Le Président (M. Cusano): ...M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on prête de motifs. Je n'ai pas prêté de motifs tout à l'heure en disant qu'on faisait lecture de documents. Je crois que c'est tout à fait légitime de la part des députés de lire des documents dans leurs interventions, mais je ne pense pas qu'on doit me prêter des propos ou des motifs de sarcasme ou quoi que ce soit.
Le Président (M. Cusano): O.K., alors on comprend qu'il n'y a pas de motifs d'imputés.
n(21 h 20)nMme Papineau: Enfin, faute avouée est à moitié pardonnée, M. le Président. Écoutez, je vais relire la motion, j'aimerais la relire, la motion, c'est qu'«il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le ministre de la Justice, selon l'article 164 de nos règles».
Comme on l'a dit tantôt, le ministre de la Justice est responsable de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, et il serait peut-être intéressant qu'il soit là, qu'il vienne justement nous donner son appréciation sur l'article, l'extrait de la Charte des droits et libertés, c'est l'article 10, qui est: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ? on dit bien l'origine ethnique ou nationale ? la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.» Également, dans le mémoire qui a été présenté par l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, il est mentionné... Ils ont levé des drapeaux, plusieurs d'ailleurs. Et ils écrivent que «sans avoir la prétention de pouvoir livrer une opinion de nature constitutionnelle en si peu de temps...» Et je vous dirais que tous les groupes qui sont venus nous voir en commission parlementaire et pour des consultations particulières... Ce ne sont pas des consultations dans le sens où on voudrait en avoir, justement, et en si peu de temps... C'est que tous ceux qui sont venus nous rencontrer nous on dit qu'ils avaient eu très peu de temps pour se préparer pour venir justement présenter un mémoire en commission parlementaire. Et on parle bien, ici, de consultations particulières. Quand la ministre dit que nous avons consulté, je regrette, nous n'avons consulté que certains groupes qui sont venus nous voir. Mais, quand on parle de consultations publiques, on parle d'autre chose.
Alors, ici, on dit... Les avocats, avocates en droit d'immigration, ils disent: «Nous devons aussi souligner que la Charte canadienne des droits et libertés prévoit en ses articles 1 et 15:
«"La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique."
«L'article 15 énonce:
«"La loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques."» Alors, par l'amendement législatif proposé, ils sont d'opinion que le «ministre enfreindrait peut-être l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, cette limitation risquant de ne pas passer le test de l'article 1 de cette même charte. Il ne s'agirait pas là en effet d'une limite qui soit raisonnable et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.» Alors, ce qu'ils disent, c'est que «le projet de loi ne pourrait donc être adopté tel quel, sur cette seule base, car il ne rencontre pas les critères énoncés à l'article 5 de la Loi sur les règlements». Alors, évidemment ça aurait été intéressant, ce serait intéressant d'entendre le ministre de la Justice.
Vous le savez, M. le Président, je le dis à chaque fois que j'ai l'occasion de m'exprimer, que l'opposition officielle est contre ce projet de loi. Et, à chaque fois, je reviens toujours sur les deux principes sur lesquels on ne peut vraiment pas accepter ce projet de loi sans qu'il y ait un débat. C'est entre autres... On en a contre le principe par bassins géographiques. J'ai de la difficulté, moi, à concevoir qu'on va décider, par exemple, que, entre deux personnes qui veulent venir au Québec, qui veulent venir vivre au Québec, qui veulent venir élever leurs enfants au Québec, vieillir au Québec, j'ai de la difficulté à penser que, comme gouvernement, on doive choisir entre ces deux personnes juste parce qu'elles habitent un pays en particulier. Et aussi, avec ce principe, on pourrait vraiment se priver, et on l'a dit à plusieurs occasions, se priver de personnes qui auraient des compétences dont nous aurions besoin, au Québec, et, justement parce qu'elles habitent un certain pays, on ne pourrait pas les accueillir. Et je parle entre autres... Parlons des médecins, par exemple. Est-ce qu'on dirait, parce qu'un médecin est maghrébin, on lui dit: Parce que le pays est fermé, vous n'avez pas à venir au Québec?
Contre la rétroactivité également. Vous savez que le deuxième principe sur lequel ? et je le dis et redis ? ...où je trouve le projet de loi odieux, même si la ministre nous a laissé entendre qu'il y aurait peut-être des amendements, amendements qu'on n'a pas puis qu'on aimerait bien voir sur la table... Mais, encore une fois, le principe de la rétroactivité pour nous, du côté de l'opposition officielle, c'est impensable.
En fait, il est où, le problème, M. le Président? On écoute ce qui se dit, et j'ai l'impression que c'est vraiment à cause du... je vais le dire en anglais, du «backlog», du «backlog» du Maghreb. On dirait que ce projet de loi là a été déposé sur la table à cause justement de ce problème-là. J'aurais aimé l'entendre nous dire qu'elle pourrait régler ça autrement, et je pense qu'elle peut. La loi lui permet de régler ça autrement.
De plus, M. le Président, nous avons demandé des consultations. Comme je le disais tantôt, la ministre dit que nous avons consulté. Nous avons fait des consultations particulières, mais ce ne sont que quelques groupes qui sont venus nous dire qu'effectivement il devrait y avoir une consultation publique. Tous les groupes, à ce que je me souvienne, tous les groupes sont venus nous dire qu'il devrait y avoir une consultation publique, que la population devrait être impliquée dans le devenir de la société québécoise.
Vous savez, le gouvernement libéral consulte quand ça fait son affaire. Puis je viens juste d'être dans le corridor. Vous savez, je vais revenir juste sur un petit sujet, sur les CRE. Je viens d'apprendre qu'il y a une association de femmes d'affaires qui ne sont plus partie prenante à quoi que ce soit dans leurs régions et vont devoir fermer leurs portes. Ce sont des femmes entrepreneures, une association de femmes entrepreneures. Mais, quand on a créé la CRE, on n'a pas consulté, et ces femmes-là sont exclues, carrément exclues de... Elles ne peuvent pas rejoindre les décideurs locaux. Elles sont exclues. Donc, on n'a pas consulté pour ça, la CRE.
Alors, moi, ce que je veux dire, c'est que le gouvernement actuel consulte quand ça fait son affaire, finalement. C'est peut-être pour ça qu'il y a seulement 72 % d'insatisfaction, mais enfin... Alors, ce qu'on demande, c'est vraiment qu'il y ait une consultation de la population, une consultation publique, et reportons l'étude de ce projet de loi à l'automne. C'est ce que tous les groupes sont venus nous dire.
Les groupes. J'aimerais ça vous en parler, des groupes. Puis là je vais faire un petit peu de lecture. La Protectrice du citoyen nous dit: «Cette caractérisation, notamment celle qui touche la culture, ne risque-t-elle pas d'être interprétée comme un moyen pour cibler ou écarter certains groupes[...].
«Cette nouvelle disposition ? la suspension en fait de la réception des demandes ? accorde au ministre ? et ça, c'est la Protectrice du citoyen qui le dit ? un pouvoir discrétionnaire qui aura pour effet de retirer temporairement un privilège à certaines catégories d'immigrants ? on dit bien "retirer temporairement un privilège à certaines catégories d'immigrants". Or, même si la discrétion vise un privilège et non un droit, il apparaît essentiel d'en préciser les modalités d'application. Il en va des valeurs de transparence, d'équité et d'intégrité dans le traitement des dossiers.» Donc, ce que la Protectrice du citoyen dit, c'est qu'«à cet égard donc le projet de loi souffre de lacunes qu'il faudrait combler à [son] avis».
n(21 h 30)n L'Association du Barreau canadien, division du Québec, également dit que «le concept de bassin géographique et surtout la fixation de maximum par bassin exigent l'application de critères inévitablement discriminatoires[...].
«En l'absence d'énoncés de principe et de paramètres gouvernant la répartition des [certificats de sélection] entre les différents bassins, il est tout à fait justifié de s'inquiéter du risque d'arbitraire et de discrimination basée sur l'appartenance à une race ou à un groupe ethnique ou religieux.» Il y a la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse que, tantôt, ma collègue a... Il y a le Centre de recherche. Ah! Ça, je vais revenir avec ça, parce que tantôt... Ah! je vais attaquer les journaux maintenant.
Il y a les journaux qui disent, beaucoup de journaux... D'ailleurs, ça a fait des manchettes, je dois vous dire que c'est un projet de loi qui a fait couler beaucoup d'encre. Donc, dans Le Devoir du 31 mai, on dit: «[On] se demande comment on va arriver à déterminer quelle devrait être la couleur exacte de la diaspora des immigrés[...]. À cet égard, l'opposition reprend des préoccupations que la Protectrice du citoyen, Pauline Champoux-Lesage, énonçait [récemment] dans ses commentaires [sur le projet de loi]. "Qu'entend-on par culture? Parle-t-on de valeurs? De croyances? De traditions?", [écrit]-elle [sur] la définition donnée au "bassin géographique" dans le projet de loi.» Il y a également Le Soleil, le 4 juin, qui rapporte des propos de la ministre, qui dit: «Admettant que le projet souffre tout au plus de "problèmes d'écriture", Mme [la ministre] estime qu'il lui suffira de "corriger les formulations qui créent ce type de réactions".» Bien, je regrette, mais on ne parle pas ici de problèmes d'écriture, on parle de problèmes de fond. Ce n'est pas un problème de formulation, c'est plus sérieux que ça.
Il y a également le Maghreb Express qui, eux, disent que la ministre a confirmé, en conférence de presse, que «le Maghreb est bel et bien dans le collimateur». Bien sûr, la ministre les a rassurés, lors d'une conférence de presse, en disant: «"C'est juste parce que les consultants en immigration vendent l'immigration 2 pour 1"[...]. Le minaret est tombé, il faut pendre le coiffeur, parce qu'il possède des ciseaux coupants. Et [la ministre] d'ajouter que "ce n'est que provisoire" et que c'est "juste pour avoir cette loi. Rien ne nous dit qu'on va l'utiliser." En clair: On donne une arme au soldat, en plein conflit, tout en lui interdisant de s'en servir[...]. Nous savons [...] que ? et c'est la communauté maghrébine qui parle ? notre communauté a été trop fragilisée par les préjugés ayant succédé au 11 septembre. Et cette loi risque de renforcer les préjugés!»
C'est là où je voulais en venir, au Centre de recherche-action sur les relations raciales. Un autre groupe qui dit que le projet de loi soulève le spectre de racisme, et ils écrivent: «Bien que nous comprenions les raisons de gestion des ressources justifiant l'introduction d'une telle notion, nous ne sommes pas certains que les conséquences de ce concept, au niveau de la mise en oeuvre, ne soient exemptes de discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale, la race ou la religion[...].
«Face à l'absence de critères et d'indicateurs clairs et de procédures inclusives permettant une meilleure évaluation ou reddition de compte, ou une appréciation plus publique, rigoureuse et transparente de son application, la notion de "bassins géographique" ne peut être retenue dans sa forme actuelle.» Et, de plus, ils disent que la ministre se donne des pouvoirs de réglementation trop grands.
Il y a le dernier et non le moindre, paraît-il, dans la Gazette du 1er juin, ça ne fait pas longtemps, c'est tout récent, où ils disent que «justement Mme Champoux-Lesage appelle à la transparence dans l'écriture des prochains règlements». Et je dois vous dire ce que je n'étais pas fière de voir récemment, c'est que nous étions dans le Toronto Star; ce n'était pas vraiment élégant, ce qu'on pouvait écrire à notre égard.
Ce que je demande encore une fois à la ministre ici, c'est de déposer ses amendements en bloc. Si elle l'acceptait, on saurait où elle s'inscrit, on saurait où elle s'en va, mais elle refuse tout le temps. J'aimerais vous dire que ce projet de loi, comme tous les groupes qui sont venus nous le dire en commission parlementaire, ce projet de loi est prématuré, il a été écrit trop vite, sans consultation ou si peu, Si on connaissait les amendements, on apprécierait que la ministre les dépose ce soir, ça irait tellement mieux. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Prévost. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Vachon, en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes.
M. Camil Bouchard
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je rappelle pour fins de mémoire, là, que nous discutons d'une motion à l'effet d'entendre le ministre de la Justice, selon l'article 164 de nos règles.
J'aimerais revenir, durant les prochaines minutes, sur la question de diversité du patrimoine socioculturel. La ministre invoque, pour l'adoption de son projet de loi, cette notion, et elle nous dit que l'objectif du projet de loi devrait être de nous assurer, par ce projet de loi, d'une diversité du patrimoine socioculturel. Il faut bien imaginer que quelque part la ministre sous-entend par cette expression qu'il y a une diversité idéale ou optimale. Elle nous dit: Pour arriver à cela... Et je le répète, M. le ministre, parce qu'il faut tenter de suivre un tout petit peu la logique du législateur dans sa façon de solutionner un problème qu'elle aurait identifié. Elle nous dit: Pour y arriver, nous allons donner la permission au ministre actuel ou aux ministres subséquents... Puisqu'on sait qu'il y a une succession quand même de ministres à ce ministère, et sans doute ça ne fera pas exception. Il y a, M. le Président, une disposition qui voudrait que le ministre puisse suspendre l'immigration à partir de l'identification de bassins géographiques.
M. le Président, si on remonte un petit peu plus loin dans l'argumentaire ou dans les arguments logiques de ce projet de loi, il faudrait admettre au point de départ qu'il y a un problème de diversité du patrimoine socioculturel au Québec. Il faudrait que quelqu'un ait quelque part identifié l'existence d'un déséquilibre dans notre patrimoine socioculturel. Puisque le projet de loi veut s'assurer de cette diversité et que la ministre veut utiliser des moyens extraordinaires pour s'assurer de cette diversité, quelque part quelqu'un a dû, dans l'élaboration de cette loi, identifier qu'il y avait, avec les dispositions auxquelles nous pouvons avoir recours maintenant, qu'il y avait, dans ces dispositions, un déficit, une faiblesse, un inconvénient par rapport à cet objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel. Il faudrait que la ministre ait réussi à faire la démonstration quelque part que le paradigme que nous utilisons maintenant, auquel nous nous référons maintenant est fautif quant à cet objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel.
n(21 h 40)n Mais dans aucune, aucune intervention dont j'ai pu avoir connaissance, M. le Président, il n'y a eu la moindre préoccupation, le moindre égard à propos de cette démonstration. Est-ce que la loi actuelle est déficitaire, est incompétente à nous assurer une diversité du patrimoine socioculturel au Québec, M. le Président? Nulle part nous n'avons eu des informations, une démonstration à l'effet que la loi actuelle n'atteignait pas cet objectif. Et les commentateurs ne se sont pas trompés, dans la Gazette du 3 juin ? et je cite à partir du texte: «We have diversity in Canada precisely because we did not attempt to engineer the mix.» Alors, il y a une affirmation, là, qui me semble assez intéressante à discuter. Nous aurions maintenant ? et c'est à la ministre sur laquelle repose la responsabilité de nous montrer que nous ne l'avons pas ? selon cette opinion, M. le Président, au Canada, une diversité du patrimoine socioculturel qui s'est construite précisément parce qu'on n'a pas essayé de la construire, précisément parce que les flux d'immigration au Canada, qui se font à partir de circonstances quelquefois tout à fait incontrôlables dans les pays d'origine, migratoires, des situations soit de détresse économique, de détresse politique ou alors parce qu'il y a un attrait exceptionnel d'un pays par rapport à un point de chute d'immigration, les flux migratoires successifs ont permis, selon les informations dont on disposerait et les opinions d'un certain nombre d'observateurs, à eux seuls, avec les règles que nous nous sommes données maintenant, sans intervenir sur les bassins géographiques, M. le Président, ont permis d'assurer précisément cette diversité de notre patrimoine socioculturel.
À preuve, à preuve, il n'y a pas... ou il y a très peu de pays qui représentent une masse d'immigrants plus élevée que 5 % dans l'immigration québécoise totale. Autrement dit, lorsqu'on reprend chacun des bassins géographiques auxquels on pourrait faire référence, il n'y en a aucun, M. le Président, qui représente plus que 5 % de la valeur totale de l'immigration au Québec. Ce qui veut dire que, bon an, mal an, ou de décennie en décennie, la population réussit à absorber une diversité suffisamment correcte d'immigrants en provenance de divers bassins géographiques, même si de temps à autre on voit des bouffées plus spécifiques venant d'un bassin géographique donné que d'un autre bassin géographique. Bon an, mal an, de décennie en décennie, on voit que, dans la population générale, s'ajuste un niveau de diversité contre lequel il n'y a aucune espèce de critique ou de récrimination à faire au moment où on se parle.
Alors, quel est le problème? Le problème n'en est pas un, M. le Président, d'assurer une soi-disant diversité optimale de notre patrimoine socioculturel, c'en est un... on a un problème administratif d'arriérage dans le traitement d'un certain nombre de dossiers, arriérage qu'on pourrait trouver trop important, mais on a un problème administratif qu'on tente de solutionner à partir de l'utilisation absolument surréaliste d'un concept comme celui de la diversité du patrimoine socioculturel, M. le Président. Je pense que nous faisons fausse route et que le projet que nous avons devant nous fait fausse route.
Et nous pourrons revenir éventuellement, M. le Président, sur les citations qu'a faites la ministre tout à l'heure à partir du mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous pourrons revenir là-dessus et faire la démonstration qu'il n'y a aucun lien, M. le Président, entre les recommandations que fait la commission quant à l'utilisation qui pourrait être correcte de la notion de bassin géographique, il n'y a aucun lien entre les critères que propose la commission et le concept de diversité socioculturelle, de patrimoine socioculturel tel que l'avance la ministre dans son projet de loi.
Alors, à cette fin, M. le Président, je pense qu'on doit entendre le ministre de la Justice afin qu'il vienne nous rassurer quant aux intentions gouvernementales et quant aux impacts de l'administration de la justice si jamais ce projet de loi devait être adopté. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Vachon. Je suis prêt à reconnaître d'autres intervenants. M. le député de Gouin et leader de l'opposition officielle.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, je vais prendre les 10 minutes qui me sont permises pour faire la démonstration que la ministre de l'Immigration manque à son devoir le plus fondamental, la ministre de l'Immigration qui est aussi ministre des Relations avec les citoyens, donc responsable sur le plan administratif de la Commission des droits de la personne. Le président de la commission est nommé par l'Assemblée nationale, mais les crédits de la commission sont défendus par la ministre des Relations avec les citoyens qui, elle-même, dans son propre mandat, dans le mandat constitutif de son ministère, a la responsabilité de veiller à la défense des droits fondamentaux. C'est elle qui a, dans la loi constitutive de ce ministère, la responsabilité, à tout le moins, de donner l'exemple. Parmi ses collègues, c'est elle à qui revient cette responsabilité aussi de porter un jugement, avec le ministre de la Justice, sur les agissements et les intentions de ses collègues eu égard au respect de la charte.
Donc, cette ministre, qui est responsable des relations avec les citoyens, responsable de la défense des droits, est celle qui aujourd'hui nous dit qu'elle ne veut pas entendre le ministre de la Justice, qui aujourd'hui nous dit qu'elle reste silencieuse sur des recommandations de la Commission des droits de la personne, préférant ainsi citer quelques exemples du rapport de la commission, qu'on peut tirer à son avantage, alors que l'essentiel du message que la commission adresse à la ministre en est un, message, de prudence. La ministre sait comme moi que, lorsque la commission intervient comme elle le fait, qu'elle pose les questions qu'elle pose, elle devrait agir avec énormément de prudence.
Puis pourquoi on veut entendre le ministre de la Justice, M. le Président? Parce que la ministre de l'Immigration ne parle pas, parce qu'elle préfère le silence, puis, au nom d'une game politique dont je ne comprends pas l'essence, M. le Président, dit plutôt: Bien, les amendements, on va les déposer en bloc... Combien de fois, M. le Président, est-ce que j'ai participé à des commissions parlementaires où des amendements non seulement étaient déposés en bloc ici, en commission parlementaire, mais en plus ils étaient déposés à l'Assemblée nationale avant même que le projet de loi se retrouve ici, débattu article par article. On ne crée pas ici un précédent, là. Quand un ministre veut agir avec transparence, quand il veut chercher le consensus, il a tous les moyens de le faire. Combien de fois, M. le Président, avez-vous vu, comme moi, des ministres déposer des amendements... Je l'ai fait. Je me souviens d'avoir vu mon collègue Guy Chevrette le faire aussi. Je me souviens d'avoir vu les ministres libéraux à l'époque où je siégeais dans l'opposition. Les précédents sont nombreux.
Mais, au nom d'une game parlementaire, la ministre dit: Non, non, non, on va donner ça à la goutte. Voyons donc, M. le Président, donner ça à la goutte, nous empêchant ainsi de porter un jugement global sur l'oeuvre et sur la façon dont la ministre s'est comportée. D'autant plus qu'un ministre est justifié de déposer des amendements sur une question aussi fondamentale que celle-là. Parce qu'une fois que les amendements vont être sur la table qu'est-ce que vous pensez qu'on va faire, M. le Président? Première chose qu'on va faire: on va envoyer les amendements au Barreau, on va envoyer les amendements à la Commission des droits de la personne, parce qu'on va vouloir connaître leurs opinions sur les amendements, parce que, là, la ministre va dire: Oui, mais je réponds à tout, et ainsi de suite. C'est ce qu'elle nous a dit. Attention, M. le Président! Moi, je voudrais une confirmation écrite. Puis, à chaque fois que des projets de loi qui touchent des questions aussi fondamentales que celle-là ont été débattus dans cette Assemblée, c'est toujours de cette façon qu'on a procédé.
Alors, moi, je voudrais savoir du ministre de la Justice ? c'est pour ça qu'on demande à l'entendre ? je voudrais connaître, eu égard à ses responsabilités, un certain nombre de choses fondamentales. Entre autres, quel est le suivi qu'il voudrait donner à la recommandation de la Commission des droits de la personne.
Et, moi, je vais citer un bout qui devrait faire réfléchir la ministre, de cet avis, au sujet d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel ? et je cite: «Or, la nouvelle notion proposée [...] interpelle la commission. Comment assurer ? souligné par eux ? la diversité socioculturelle d'un État? Qu'entend-on par le terme assurer? Quels sont les critères dont on tiendra compte pour s'assurer de [protéger] cette diversité? Hormis le fait qu'il est déjà prévu que la sélection faite par le Québec vise à recruter préférentiellement des gens qui ont une bonne connaissance du français, cette nouvelle notion pourrait-elle servir de base à des mesures favorisant les ressortissants de certaines origines ou venant de certains pays ou régions?»
Puis ils nous disent jusqu'à quel point, dans le passé, il y a eu, dans la loi, des mesures semblables qui se sont retrouvées puis qui ont été jugées discriminatoires. La commission fait une recommandation et indique qu'elle souhaiterait plutôt un libellé qui se lirait de la façon suivante: «contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel». Ils disent que c'est bien suffisant. Et vous voyez la nuance, elle n'est pas insignifiante: «contribuer à l'enrichissement» versus «assurer la diversité». Ça, ce n'est pas une petite chose, là, puis, moi, je serais bien curieux, M. le Président, de savoir ce que le ministre de la Justice dit de cela, aussi, M. le Président.
n(21 h 50)n Je veux aussi rappeler que, sur cette question, M. le Président, les tribunaux ont déjà porté un certain nombre de jugements. J'attire votre attention sur deux d'entre eux, deux causes qui ont été soumises. J'espère pouvoir trouver la bonne référence. C'est les gens de l'AQAADI qui en parlaient. J'ai les causes ici. La Cour fédérale, dans l'affaire Dragan puis dans l'affaire Borisova, a soulevé aussi une autre question fondamentale qui est celle de l'effet rétroactif. Et ils rappellent que, dans la loi fédérale, certaines dispositions à portée rétroactive ont été introduites, puis ils nous disent: «La cour fédérale a été submergée de recours en dommages et intérêts, en contrôles judiciaires, en recours collectifs toujours pendants à ce jour.» Il me semble que ce n'est pas déraisonnable, M. le Président, que de demander au ministre de la Justice quelle est son appréciation des dispositions du projet de loi n° 53, eu égard aux dispositions contenues dans la loi fédérale, eu égard aussi aux décisions qui ont été celles de la cour fédérale dans l'affaire Dragan puis dans l'affaire Borisova, au sujet de l'iniquité causée par l'application rétrospective de nouvelles dispositions législatives.
Alors, M. le Président, deux éléments: l'avis de la Commission des droits, l'avis fait par les gens de l'AQAADI, qui est l'Association québécoise des avocats et des avocates en droit de l'immigration, voilà deux éléments de fond sur lesquels nous nous appuyons. Et je dis à nouveau que rien n'excuse, M. le Président, le silence de la ministre. Pas une seule fois, à chaque fois qu'elle a pris la parole, la ministre n'a eu le courage de nous dire, une fois que nous, les législateurs, lui aurons confié ce pouvoir, qu'est-ce qu'elle en fera. C'est où? C'est quoi, ça, M. le Président, si ce n'est pas un manque flagrant de transparence? Elle n'a pas le courage de nous dire quels bassins elle veut bloquer puis pourquoi elle veut le faire, parce qu'elle craint, M. le Président, malgré ce qu'elle dit au sujet de la transparence, parce qu'elle craint, j'en suis convaincu, ce qui serait des conséquences politiques de son geste et préfère plutôt nous faire, nous, dans le noir, dans le doute, nous faire adopter ces mesures législatives pour une fois partir avec ses articles de loi puis, dans son bureau avec le Conseil des ministres, dire: C'est ça qu'on fait.
M. le Président, ce pouvoir exceptionnel qu'on s'apprête à accorder... que la ministre souhaite du législateur mérite un débat plus sérieux, mérite un débat plus sérieux. Et je le dis tout de suite: peut-être qu'on n'a pas les amendements parce que le Conseil des ministres a lieu demain. Parce que le ministre des Affaires municipales, dans une autre commission, lui, il a eu la sagesse d'avouer que les amendements étaient encore en discussion au sujet de l'omnibus municipal puis, entre autres, l'article 5, qui traite des conditions entourant la gestion de la production porcine. Et lui, député d'expérience, qui a connu l'opposition puis qui comprend la frustration des actuels députés de l'opposition, a dit: Écoutez, je ne suis pas encore prêt à déposer mes amendements parce que je m'en vais au Conseil des ministres, mais ? il dit ? dès que je vais avoir mes amendements validés au Conseil des ministres puis au Comité de législation ? peut-être même le Comité de législation a-t-il déjà eu lieu au moment où on se parle ? je vais déposer les amendements. Ça, M. le Président, c'est un ministre puis un député d'expérience qui est dans ce parlement, qui comprend l'importance de bien faire les choses pour que les députés puissent porter un jugement clair.
Si la ministre nous dit qu'il faut qu'elle aille au Conseil des ministres, moi, je retire toutes mes critiques au sujet du manque de transparence, parce que je comprends très bien que la ministre a sûrement des intentions puis qu'elle ne peut pas, de son propre gré, parler. Si c'est ça, M. le Président, on va faire une affaire, là: on va suspendre les travaux puis, demain, on va revenir avec les amendements passés au Conseil des ministres puis au Comité de législation. Si c'est ça, la situation, moi, je retire toutes mes critiques que j'ai pu faire ici, ce soir, sur ce qu'on a dit au sujet des amendements.
Alors, je demande, M. le Président, dans la minute qui me reste pour conclure: Est-ce que demain la ministre est au Conseil des ministres avec des amendements? Si c'est le cas, bien là on va savoir exactement de quoi il en retourne. Sinon, ça veut dire qu'elle a les amendements en poche depuis la semaine dernière parce qu'ils ont été adoptés, par définition, à la séance du Conseil des ministres de la semaine précédente. À moins qu'elle ait eu accès à un Conseil des ministres spécial sur une question comme celle-là ? cela me semblerait exagéré. Donc, les amendements sont en poche depuis au moins mercredi de la semaine dernière. Puis, si elle les a en poche depuis mercredi de la semaine dernière, bien qu'est-ce qu'elle attend pour les rendre publics?
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je ne vois personne.
Mise aux voix
Alors, à ce moment-ci, est-ce que la motion qui est présentée par la députée de Pointe-aux-Trembles... qui se lit comme suit:
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le ministre de la Justice, selon l'article 164 de nos règles.» Est-ce que cette motion est adoptée?
Mme Léger: Par vote nominal.
Le Président (M. Cusano): Alors, il y a une demande pour un vote nominal. Mme la secrétaire, voulez-vous procéder, s'il vous plaît?
La Secrétaire: Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?
Mme Léger: Pour.
La Secrétaire: Mme Papineau (Prévost)?
Mme Papineau: Pour.
La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?
M. Bouchard (Vachon): Pour.
La Secrétaire: M. Boisclair (Gouin)?
M. Boisclair: Pour.
La Secrétaire: Mme Courchesne (Fabre)?
Mme Courchesne: Contre.
La Secrétaire: Mme Legault (Chambly)?
Mme Legault: Contre.
La Secrétaire: Mme Hamel (La Peltrie)?
Mme Hamel: Contre.
La Secrétaire: Mme Vien (Bellechasse)?
Mme Vien: Contre.
La Secrétaire: M. Mercier (Charlesbourg)?
M. Mercier: Contre.
La Secrétaire: M. Paquet (Laval-des-Rapides)?
M. Paquet: Contre.
La Secrétaire: M. Cusano (Viau)?
Le Président (M. Cusano): Je m'abstiens.
La Secrétaire: Pour, 4; contre, 6; 1 abstention.
Le Président (M. Cusano): Alors, la motion est rejetée. Alors, on est prêt à passer à l'article 1 du projet de loi? Non. O.K.
M. Bouchard (Vachon): Une motion, s'il vous plaît.
Le Président (M. Cusano): Vous voulez présenter une motion, M. le député de Vachon?
M. Bouchard (Vachon): S'il vous plaît.
Le Président (M. Cusano): Avec plaisir.
Motion proposant d'entendre
la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse
M. Bouchard (Vachon): M. le Président:
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.»Le Président (M. Cusano): Je peux avoir le texte, s'il vous plaît?
(Consultation)
Le Président (M. Cusano): Bon. Alors, M. le député, j'ai le plaisir de vous informer que votre motion est recevable. Alors, vous disposez de 30 minutes pour convaincre les membres de cette commission. M. le député de Vachon.
M. Camil Bouchard
M. Bouchard (Vachon): Alors, M. le Président, j'imagine que le parti gouvernemental et la ministre en particulier, qui est responsable à titre de ministre de la commission, voient le bien-fondé de cette invitation que nous voulons faire à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. D'ailleurs, la ministre a, de sa propre initiative, il y a quelques minutes, cité quelques extraits d'un mémoire qui a été acheminé à cette commission par la commission et elle aurait sans doute, d'après la sympathie qu'elle a manifestée vis-à-vis de certains aspects en tous les cas de la réaction de la commission, un intérêt à écouter ce que la commission aurait à nous dire à propos de son projet de loi.
M. le Président, la commission, dans son mémoire, fait état d'un certain nombre de considérations et pose un certain nombre de questions auxquelles référait tout à l'heure mon collègue de Gouin. Et ces questions, on peut les trouver notamment ? et sans doute ce n'est pas une liste complète des questions que pourrait évoquer la commission ? ces questions apparaissent notamment à la page 6 du mémoire et peuvent se lire comme suit: «La nouvelle [proposition], celle d'"assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec", interpelle la commission.» Alors, déjà, la commission nous dit qu'à quelque part cette disposition de la loi vient lui poser quelques questions. Alors, elle nous dit: «Comment assurer ? en insistant sur ce terme ? la diversité socioculturelle d'un État? Qu'entend-on par le terme assurer? Quels sont les critères dont on tiendra compte pour s'assurer de préserver cette diversité?» Et la commission ne pose pas la question: Qu'est-ce qu'une diversité optimale? Puis on pourrait en débattre longuement. «Hormis le fait qu'il est déjà prévu que la sélection faite par le Québec vise à recruter préférentiellement des gens qui ont une bonne connaissance du français, cette nouvelle notion pourrait-elle servir de base à des mesures favorisant les ressortissants de certaines origines ou venant de certains pays ou de régions?» On pourrait sans doute ajouter: ou défavorisant une immigration des ressortissants de certaines origines ou de certaines régions.
n(22 heures)n Et la commission, en page 7, nous rappelle, à des fins historiques, que «plusieurs lois à caractère discriminatoire ? et c'est son texte, là ? visant soit à favoriser soit à exclure des ressortissants venant de certains coins du globe furent promulguées au cours des années», et elle nous rappelle, entre autres, l'entrée en vigueur de l'Acte sur l'immigration chinoise. Alors, cette loi interdisait à tous les Chinois, Mme la Présidente, d'entrer au Canada, à l'exception du personnel diplomatique ? à l'époque, c'est une loi qui a été votée le 1er juillet 1923 ? et à l'exception des étudiants, des enfants nés au pays de parents chinois et des marchands disposant d'un capital d'au moins 2 500 $. Alors, ça, c'est un exemple de loi qui a été à l'époque adoptée.
Un autre qui a suspendu, en août 1930, l'immigration provenant d'Europe, ceci en réaction, à l'époque, à la dépression et au taux de chômage. Alors, le gouvernement avait décidé de suspendre l'immigration en provenance de l'Europe. Plus tard, en 1952, l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'immigration, on tient compte de la capacité d'absorption économique et culturelle du Canada dans le choix des nouveaux arrivants, et on utilisait des critères relatifs à la nationalité, à l'ethnicité, à l'occupation et au style de vie des immigrants potentiels. Et enfin une dernière réglementation, Mme la Présidente, adoptée en 1962, basée sur un principe d'admissibilité universelle.
Alors, ce que nous dit la commission, c'est qu'il y a eu effectivement, dans l'histoire de la fédération canadienne, des lois qui ont été adoptées et qui ont été jugées éventuellement discriminatoires et pour lesquelles il y a eu un retrait, et la commission dit... Pour fins de citation, pour que la ministre puisse partager avec nous une autre partie du rapport de la commission, la commission dit: «Le retrait de ces critères discriminatoires de la loi fédérale sur l'immigration a permis et favorisé la diversification de l'immigration.» Autrement dit, lorsqu'on renonce à avoir recours à des critères de nationalité, d'ethnicité, de bassin de population dans la provenance des postulants en immigration, ce qu'on s'aperçoit, c'est que, lorsqu'on renonce à ce type de dispositions, de fait on favorise la diversité.
Alors, la commission poursuit en disant: «De provenance majoritairement européenne au début, les flots d'immigration, au gré des conflits mondiaux ? comme je le mentionnais tout à l'heure, mais là je le cite dans le texte ? des problèmes économiques et sociaux auxquels font face certains pays, ont changé le visage du Canada et du Québec. Sans doute le Canada et le Québec d'aujourd'hui seraient-ils bien différents si les notions ayant trait à l'ethnicité faisaient encore partie intégrante des critères de sélection de l'immigration.» Autrement dit, en laissant libre cours aux circonstances historiques, économiques et politiques au niveau mondial, en laissant libre cours à l'impact de ces circonstances sur la décision que prennent les gens de choisir le Québec comme point de chute dans leur nouvelle étape de vie, en laissant ouverte la capacité d'influence de ces circonstances sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle ou aucun pouvoir, s'installe, au fur des décennies, une diversité qui, je le mentionnais tout à l'heure, et je mets encore une fois la ministre au défi de faire la démonstration que cette diversité n'est pas à un niveau acceptable au Québec... donc cette ouverture sur des phénomènes relativement incontrôlables et pour lesquels il n'y a pas de choix discriminatoire ? on ne peut... utiliser le mot «discriminatoire» sans penser qu'il y a une intention de préjudice ? cela nous a déjà assuré un certain niveau de diversité.
Et, M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse serait d'autant plus intéressante à inviter qu'elle ? comme la ministre nous le disait tout à l'heure ? nous dit que, à la limite, la notion de bassin géographique pourrait être balisée par des critères comme, par exemple, la demande d'immigration globale qui vienne des quatre coins du globe. Autrement dit, ce que la commission nous dit, c'est que, si on veut identifier un bassin géographique et suspendre pour un moment donné que l'on pourra... dont la durée pourra être réitérée par la ministre selon le projet de loi qu'elle nous donne, ce que la commission... C'est assez intelligent, ce qu'ils nous proposent, ils disent: Mais, pour arriver à utiliser ce concept-là de bassin géographique, ce qu'on propose à la ministre, c'est qu'il y a un poids dans sa décision qui soit attribuable à la demande d'immigration globale qui vienne des quatre coins du globe. Autrement dit, si un bassin géographique donné a une demande très forte sur le Québec, ça devient, ça, un élément de pouvoir dans la décision de la ministre, ça devient un critère.
Maintenant... alors, j'ai un économiste devant moi, le député de Laval-des-Rapides, qui s'intéresse beaucoup à cette partie-là de l'affaire, parce qu'il est en train de faire, dans sa tête, des régressions logistiques. Il pose, lui, la question en termes de variance dans la nature de la décision que va prendre la ministre. Il se dit: Une variance, ça peut avoir un point négatif ou positif, dépendant de l'orientation que prend cette variable. Autrement dit, est-ce que la ministre, lorsqu'elle aurait, par exemple, à considérer la demande, hein, à supposer que le bassin géographique méditerranéen représente 40 % de la demande, le bassin américain représenterait 25 % de la demande, le bassin africain représenterait 15 % de la demande, etc., et que ce pourcentage-là devienne un critère pour prendre une décision sur le ou les bassins géographiques qui seraient exclus pour un moment donné... est-ce que le poids qu'on considérerait serait le poids positif ou négatif? Autrement dit, est-ce que la ministre se dirait: Ce poids-là, par exemple, du bassin méditerranéen, représentant 45 % de la demande, je vais attribuer un score plus élevé à ce bassin géographique? Mais plus élevé pour quel objectif? Pour l'objectif de le retirer ou pour l'objectif de le favoriser? Ça dépend de ce qu'on définit comme étant une diversité optimale.
Peut-être qu'en observant tout simplement... en discutant tout simplement de ce premier critère avec la commission, on s'apercevra de toute la complexité que représente la décision concernant l'identification du bassin géographique qui représenterait, dans la décision de la ministre, une décision juste, non discriminatoire et équitable envers les citoyens du monde qui veulent éventuellement émigrer au Québec. Et là, là, ce n'est qu'un critère, Mme la Présidente, un seul critère dont je viens de discuter, puis on pourrait en discuter beaucoup plus longuement, de ce seul critère.
Alors, si on veut faire un travail honnête, un travail respectueux dans l'élaboration d'une loi comme celle-là, je répète, Mme la Présidente, qu'il m'apparaît impérieux, nécessaire, absolument indispensable que la ministre fasse d'abord la démonstration que le niveau de diversité de notre patrimoine socioculturel est menacé présentement et que ce niveau ou que la nature de cette diversité n'est pas adéquate, selon un critère, selon des paramètres qui seraient observables et qui seraient discutables par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale et par les gens qui sont spécifiquement concernés par la question de l'immigration au Québec. Ça, c'est la première, me semble-t-il, la première condition.
n(22 h 10)n La deuxième, c'est qu'on puisse entendre la commission sur l'ensemble des critères qu'elle propose. Parce que la commission, si elle exprime une inquiétude, elle n'exprime pas une fin de non recevoir ? la ministre l'a dit tout à l'heure de façon assez claire. La commission dit: Ça peut être opportun, mais il faudrait baliser l'utilisation de ce concept à partir d'un certain nombre de critères. Je viens de discuter d'un premier critère que la commission a énuméré, a mentionné, et je viens de soulever, me semble-t-il, une première difficulté, c'est-à-dire: En quoi le poids de la demande viendrait, de façon positive ou négative, fermer la porte ou ouvrir la porte d'un bassin géographique donné?
Mme la Présidente, si on considère par ailleurs, et là je vous invite, j'invite tous les membres à prendre la page 11 du mémoire, là ? je ne sais pas si tous les membres l'ont en main ? le troisième paragraphe, que Mme la ministre nous a lu tantôt: «De l'avis de la commission, les critères concernant le bassin géographique pourraient être guidés, notamment, par la demande d'immigration globale venant des quatre coins du globe ? je l'ai déjà mentionné ? la proportion des ressortissants qualifiables selon la grille de sélection actuelle dans certaines régions, le niveau d'immigration prévu pour une période donnée, la disponibilité, et la capacité d'accueil et d'intégration du Québec. Précisons que ce dernier critère devrait être basé sur des constats et des fondements établis.» Bon. À lire ces critères, à première vue, je me dis: Intéressant, sans doute qu'on pourrait arriver à une définition opérationnelle qui quelque part pourrait trouver un appui relativement consensuel parmi la députation de l'Assemblée nationale. Mais la question que je pose à la ministre, Mme la Présidente, c'est: En quoi ces critères vont-ils assurer la soi-disant diversité du patrimoine socioculturel du Québec? Moi, je pense que l'utilisation, l'utilisation sélective de la notion de bassin géographique veut tout simplement répondre à un problème ? je le dis et je le répète encore une fois ? de nature géographique et que tenter de répondre et de faire l'ingénierie, de faire l'ingénierie de la diversité du patrimoine socioculturel, c'est faire de l'alchimie sociale, Mme la Présidente. C'est faire de l'alchimie sociale. C'est brasser une équation dont on ne connaît aucun élément correctement, bourrée d'inconnues et dont on pense éventuellement qu'il sortira quelque chose de magnifique. C'est faire de l'alchimie sociale. Ce n'est même pas à hauteur d'ingénierie sociale, c'est de l'alchimie sociale.
Et c'est très dangereux, c'est très dangereux parce que cette disposition ne vient pas répondre à l'analyse critique que nous a livrée la ministre à propos du fonctionnement du système. La ministre est aux prises avec un problème d'arriérage dans le traitement des dossiers. C'est avec ça qu'elle doit composer. C'est ça, le problème qu'elle pose sur la table, puis elle nous dit: On va régler ça avec l'aide d'une notion comme celle de l'utilisation sélective, pour ne pas dire discriminatoire, des bassins géographiques.
Et là je vois les députés d'en face qui me regardent avec intérêt, puis je comprends que quelquefois on puisse semer le doute chez les gens qui sont dans le parti gouvernemental parce que, quelque part, il faut avoir l'occasion, puis c'est ça de toute façon qu'on demande à la ministre et à ses collègues, c'est d'avoir l'occasion d'approfondir notre réflexion, d'approfondir nos connaissances en rapport avec la proposition qu'on a devant nous. Il y a des exemples à la tonne de ce que le temps, le simple passage du temps, la nouvelle analyse, la nouvelle perspective que l'on peut avoir vis-à-vis d'une question qui nous est posée... Il y a des démonstrations à la tonne comment le temps dont nous disposons pour arriver à capter correctement qu'est-ce qui est le problème et, ensuite, à capter correctement quels sont les scénarios possibles de solution devant nous... Ce temps requis est un élément extraordinairement créatif dans notre capacité d'arriver à des solutions qui sont correctes.
Et on le voit très bien. Il y a des fois qu'on condamne, par exemple, des institutions un peu trop prématurément parce qu'on n'a pas pris le temps d'analyser la situation correctement. Et là, Mme la Présidente, je le fais par analogie. J'espère que vous ne verrez pas là une digression, je le fais par analogie. Lorsque, par exemple, le premier ministre s'est mis en tête de critiquer l'administration de la Caisse de dépôt et de placement et qu'il a traité cela ? et là je vois s'activer un économiste en face ? comme une perte, il a, plus tard, constaté, quelques mois plus tard, que ce n'était pas une perte, que c'était tout simplement un mouvement des marchés boursiers qui...
La Présidente (Mme Hamel): ...M. le député?
M. Bouchard (Vachon): Non, mais c'est parce que je réveille en lui l'économiste, Mme la Présidente, et, lorsque je le réveille, cet économiste, il manque de Ritalin. Alors...
Des voix: Oh! Oh! Oh!
Une voix: Il manque de Ritalin! Franchement!
M. Bouchard (Vachon): Non, non, mais enfin on se... Alors, vous voyez...
Mme Courchesne: Faites attention.
M. Bouchard (Vachon): Oui, très bien, très bien, Mme la ministre. Mme la Présidente, ce qu'on voit dans cet exemple de la Caisse de dépôt, c'est que, un an et demi plus tard, il y a eu des gains qui se sont faits, qui se sont faits et qui ont été très clairs à la Caisse de dépôt, et qui sont venus annuler la soi-disant perte de la Caisse de dépôt. Et le député de Laval-des-Rapides a beau se confondre en toutes sortes de gestes vis-à-vis cette affirmation-là, il y a eu, de la part de la Caisse de dépôt, une amélioration de son rendement parce que les marchés ont changé. Si on avait eu l'occasion de débattre cela de façon intelligente à l'Assemblée nationale, nous aurions été capables, je pense, en tant que parlementaires, Mme la Présidente, de voir que la condamnation prématurée ? la condamnation prématurée ? du premier ministre à l'égard de la Caisse de dépôt est un bel exemple de la façon dont le temps dont nous disposons pour analyser un problème est essentiel.
Mme la Présidente, le premier ministre, la semaine dernière, a inauguré le Quartier international de Montréal et il a salué à cette occasion une création de Jean-Paul Riopelle, qui s'appelle La Joute, et qui est un monument qui occupe la place centrale du Quartier international de Montréal. Et à cette occasion le premier ministre a salué de la façon suivante cette place, il a dit que c'est à l'image du... «À l'image du Quartier international, Riopelle a toujours voulu faire les choses différemment, un quartier unique en termes d'architecture et d'aménagement, une adresse de prestige, synonyme de qualité et de créativité.» Et on apprend dans le même communiqué que le projet avait été lancé par la Caisse de dépôt et de placement du Québec en 1997, la Caisse de dépôt et de placement avait été un maître d'oeuvre, Mme la Présidente, de ce grand complexe du Quartier international de Montréal.
Alors, moi, j'invite le parti gouvernemental à s'ouvrir à la discussion, à s'ouvrir à l'exploration, à s'ouvrir à l'analyse des propositions qu'ils nous font eu égard aux précautions que nous invite à prendre non simplement la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, parce qu'on voit très bien, Mme la ministre, que, nonobstant les sections que vous avez... excusez-moi, Mme la Présidente ? nonobstant les sections que la ministre a mentionnées dans son intervention qui peuvent apparaître des dispositions qui appuient le projet de loi, la Commission de la personne s'inquiète de certains aspects du projet de loi et en plus la commission a des propositions qui soulèvent elles-mêmes des questions.
Et, Mme la Présidente, je veux faire ici un rappel de ce que nous amenait, durant les consultations particulières, l'Association du Barreau canadien. l'Association du Barreau canadien nous dit: «L'expérience des quelque 20 dernières années de sélection de ses immigrants par le Québec a permis d'atteindre cet objectif de diversité du patrimoine socioculturel. Les critères de sélection pour les diverses catégories d'immigration ont, jusqu'à ce jour, permis la sélection de candidats qualifiés représentant une grande variété de pays, de cultures et d'expériences. Que ce soit par le programme des travailleurs qualifiés ou celui des gens d'affaires, le Québec s'est assuré la sélection de candidats à la fois extrêmement qualifiés et aux profils variés.» Alors, cette association, qui est une observatrice constante des grands changements, et des grandes tendances, et des grands mouvements sociaux, et politiques, économiques, et juridiques au Canada et au Québec, cette association nous dit: Nous n'avons pas eu besoin ? nous n'avons pas eu besoin ? des dispositions de la loi qui est proposée par la ministre présentement pour arriver à nous assurer cette diversité du patrimoine socioculturel. Alors, dans les circonstances, l'association nous dit qu'il semble que le Québec atteint déjà son objectif de diversité socioculturelle.
n(22 h 20)n Et ce que fait l'association, c'est qu'elle nous souligne en même temps, M. le Président, le danger d'utiliser un critère ou l'application de critères qui seraient inévitablement discriminatoires. Et j'insiste sur le mot «inévitablement» qui, dans, j'imagine, le vocabulaire d'une association comme celle de l'Association du Barreau canadien, n'est pas sans conséquence.
Et l'association nous dit: «L'absence de précisions sur la façon dont les bassins seront définis, sur les méthodes appliquées pour établir la répartition des certificats de sélection du Québec entre les bassins et sur la définition des motifs justifiant cette répartition ne peut que soulever des inquiétudes importantes. Toute démarche dans ce contexte devrait se faire après de réelles consultations et une mûre réflexion.» Alors, M. le... M. le Président ? excusez-moi, parce que ça change vite ? il me semble que l'ordre des questions qu'on peut poser justifie amplement... il me semble que la nature des questions qu'on peut poser justifie amplement l'invitation que nous faisons aux membres du gouvernement d'accueillir la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, dans le mémoire qui nous a été livré par l'Association du Barreau canadien, voici le genre de questions qu'on peut évoquer:
«Comment définir les groupes ou [comment définir les] bassins géographiques dans le respect des valeurs québécoises [...] et à qui reviendra cette tâche?» Première grosse question, n'est-ce pas?
Deuxième question: «Quelle sera la méthodologie, quels seront les paramètres qui présideront à la fixation des maximums et comment sera déterminée la répartition des nombres attribués à chaque catégorie [ou] à chaque bassin?» Deuxième question.
Alors, une première question, je le répète: Comment on définit les groupes ou les bassins, puis qui définit? Puis la deuxième: Quelle sera la méthodologie, quels seront les paramètres qui présideront à la fixation des maximums?
Troisièmement: «Comment [on va] s'assurer de concilier la notion de sélection par bassins géographiques avec les obligations d'équité, d'égalité et de justice chères [à la population] québécoise et canadienne?» Comment on va s'assurer de concilier la notion de sélection avec les obligations d'équité?
Et «comment on va concilier les besoins du Québec ? quatrièmement ? en termes de nombre d'immigrants qui s'y installent [...] dans une période donnée», par l'utilisation ? sous-entendu ? de cette notion de bassin géographique?
Alors, il m'apparaît, M. le Président, que notre capacité d'analyser de façon sereine et compétente ? cinq secondes? cinq minutes ? notre capacité d'analyser de façon sereine et compétente les dispositions de cette loi qui nous est proposée par la ministre de l'Immigration, il nous apparaît que cette capacité pourrait être améliorée grandement si on pouvait éventuellement entendre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Je reviens, M. le Président, sur une affirmation qu'a faite la ministre à maintes reprises et surtout sur son retour à une décision que les gouvernements antérieurs ont prise au sujet de la capacité de la ministre de suspendre l'examen des demandes de certificats de sélection, et là on fait référence à l'article 3.1 de la loi actuelle. Je lis: «Le ministre suspend l'examen des demandes ou cesse de délivrer des certificats de sélection pour une catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie jusqu'au début de l'année civile suivante, si le maximum prévu au plan annuel est atteint. Il peut, pour une catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie, suspendre l'examen des demandes ou cesser la délivrance des certificats de sélection jusqu'au début de l'année civile suivante, s'il est d'avis que le maximum ou l'estimation prévu au plan annuel sera atteint.» Et on sait que le plan annuel prévoit un certain nombre de catégories qui sont définies à partir d'un certain nombre de critères qui sont connus de toutes et de tous.
Et j'ai eu comme l'impression, M. le Président, alors que la ministre faisait référence à cet alinéa du paragraphe 3.1 de la loi n° 53, qu'elle désapprouvait la nature de cet alinéa. Son intonation nous laissait penser que quelque part cette disposition-là qui permet au ministre de suspendre l'examen des demandes ne lui plaisait pas, qu'elle trouvait que c'était un pouvoir trop important accordé au ministre. Alors, lorsqu'on lui demande de déposer, lorsqu'on lui demande, M. le Président, à la ministre, de déposer ses amendements, c'est parce que quelque part on pense que, si elle a des insatisfactions par rapport à des articles actuels du projet de loi qui est maintenant en vigueur, on pourrait voir la nature des changements qu'elle veut opérer et, notamment, au sujet de cet alinéa 3.1.
Comment la ministre entend-elle modifier cet alinéa qu'elle désapprouve parce qu'elle pense que le ministre a trop de pouvoirs? Comment arrive-t-elle à solutionner ce problème? Peut-être qu'on serait d'accord, peut-être qu'on ne serait pas d'accord, mais au moins on aurait une bonne idée de ce qu'entend faire la ministre au sujet de cet alinéa. Mais la ministre a jusqu'à maintenant refusé de dévoiler en bloc ses amendements, si bien que, n'ayant pas une image d'ensemble, on ne peut pas discuter, me semble-t-il, d'une façon aussi efficace et aussi opportune l'ensemble des dispositions que s'apprête à adopter la ministre dans ses amendements au projet de loi n° 53.
M. le Président, je plaide encore instamment auprès des membres de cette commission et auprès de la ministre en particulier pour qu'elle puisse permettre, avant que l'on adopte une loi qui pourrait, bien malgré elle, provoquer ou ouvrir des portes à des pratiques qui pourraient être abusives ou discriminatoires... je l'invite instamment avec ses collègues à accepter notre proposition d'entendre les arguments de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en profondeur. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Vachon. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je serai très, très brève et je répéterai que, la semaine dernière, nous avons tenu et cette commission a tenu des consultations particulières où au moins une dizaine d'organismes sont venus se présenter. J'ai même vu, M. le Président, sur des propositions d'horaires et de scénarios, j'ai vu apparaître la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et j'ai dit que, lors de ces consultations particulières, nous n'avions aucune objection à ce moment-là de rencontrer les groupes qui voulaient se présenter. Or, la commission n'a pas voulu se présenter.
Si la commission n'a pas voulu se présenter, M. le Président, c'est qu'elle n'a pas senti le besoin de se présenter devant nous après nous avoir remis son rapport. Nous connaissons de part et d'autre très bien la commission. Nous connaissons son implication, nous connaissons son engagement. Nous connaissons toute la vigueur et la sincérité avec laquelle elle défend les droits, les droits de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. M. le Président, si elle n'a pas senti le besoin de se présenter devant nous, c'est parce qu'elle jugeait que son rapport était suffisamment clair et précis, sinon elle serait venue devant nous, M. le Président. On connaît la commission. Si elle avait senti le besoin de défendre son point de vue... Il n'y a jamais personne, personne qui a empêché la Commission des droits de se présenter devant une commission, et c'est son choix.
La commission a décidé volontairement, tout à fait librement, de ne pas se présenter devant nous, M. le Président. C'était la semaine dernière, les consultations. Ils ne nous ont pas dit qu'il y avait des problèmes particuliers d'horaires, ou d'agendas, ou quoi que ce soit, ils l'auraient manifesté. Ils le font. Ils ont choisi, M. le Président, la semaine dernière, de ne pas venir. Nous avons respecté ce choix. Ils auraient choisi de venir que nous les aurions entendus. Ils auraient choisi de se présenter devant nous, nous les aurions écoutés, nous aurions échangé avec eux de la même façon qu'on a fait avec tous les organismes qui ont manifesté le désir d'être devant nous. Nous n'avons refusé personne, M. le Président. Personne de ceux et celles qui ont manifesté le désir de se présenter, nous les avons refusés ou argumentés. Nous avons dit oui. C'était la semaine dernière. Les consultations, c'était la semaine dernière, M. le Président.
n(22 h 30)n Alors, dans ce sens-là, aujourd'hui, on s'en remet à leur rapport. On en a parlé abondamment ce soir. On a cité certains de ses passages, certaines de ses explications. Et, M. le Président, je pense encore une fois que le gouvernement a tout à fait à coeur, et non seulement a à coeur, a aussi, je l'ai dit précédemment, la responsabilité de faire en sorte que nos lois ne contreviennent pas à la Charte des droits et libertés des personnes et de la protection de la jeunesse. On a ça comme responsabilité, et je peux vous assurer que le gouvernement a, tout à fait dans l'esprit de la Charte, voulu répondre à ces préoccupations.
Alors, j'aurai encore le même discours, M. le Président. Si nous pouvions seulement étudier les articles un à un, nous pourrions tout à fait répondre aux préoccupations de la commission en déposant ces amendements article par article. Mais je pense que les étapes, les étapes du processus parlementaire pour l'adoption d'un projet de loi ont été suivies, M. le Président. Il y a pas rien qui a été non conforme à ces étapes-là. Nous les avons suivies. Nous avons répondu à ceux et celles qui se sont présentés devant nous. Nous sommes rendus à l'étape de l'article par article. Donc, pourquoi, M. le Président, ne procédons-nous pas à cette étude de l'article par article? Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost et porte-parole en matière d'immigration. Mme la députée.
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Vous disposez de 30 minutes.
Mme Papineau: 30 minutes, oui.
Le Président (M. Cusano): Oui, madame.
Mme Lucie Papineau
Mme Papineau: Je vous remercie, M. le Président. Je vais relire la motion. J'aime bien relire la motion en débutant. C'est qu'«il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse». Voilà. Telle était libellée la motion préliminaire.
M. le Président, on n'a pas entendu la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et je pense que, s'il ne sont pas venus, ce n'est pas parce qu'ils ne voulaient pas venir. Je pense qu'ils ont été pris au dépourvu.
Une voix: Franchement!
Mme Papineau: On sait combien de groupes, combien de groupes sont venus nous dire, et qui sont venus quand même et qui auraient préféré attendre et préféré approfondir le sujet. Et je ne pense pas que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pensé différemment. Et tous les groupes qui sont venus ici, qui sont venus nous présenter des mémoires nous ont aussi dit qu'ils auraient préféré attendre que de faire ça vite et auraient voulu approfondir le sujet.
Et là-dessus je vous ramène à la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes qui disent: Considérant l'importance des enjeux ? et là on ne parle pas de n'importe quoi, là ? que ce projet de loi soulève quant aux orientations futures de l'immigration au Québec, la table réclame un délai plus réaliste pour pouvoir analyser en profondeur les impacts possibles de ce changement législatif majeur afin de pouvoir apporter ses recommandations. Et la table ajoutait qu'elle était d'avis qu'il faille reporter l'adoption du projet de loi n° 53 pour pouvoir consulter ? et écoutez bien ? ses 136 organismes membres et émettre une opinion concertée du secteur communautaire.
Est-ce que, pour la ministre, le secteur communautaire n'a pas d'importance? La table demandait qu'on reporte l'étude de ce projet de loi pour qu'ils puissent consulter leurs 136 organismes sur cet enjeu, sur ces enjeux majeurs. Est-ce que, pour la ministre, le secteur communautaire n'a pas d'importance? Je le répète encore, M. le Président, l'opposition officielle est contre ce projet ? j'ai dit qu'à chaque fois je le dirais ? et surtout pour deux éléments: le bassin géographique....
Et, vous savez, je suis une fille bien terre-à-terre et je me suis dit: On parle de discrimination. Je me suis dit: Dans les Laurentides, on a énormément de gens qui viennent habiter dans les Laurentides. Voyez-vous ça, à un moment donné, si... Puis là je vais vous parler de la petite ville de Saint-Colomban où tout le monde s'en vient demeurer, à Saint-Colomban. Si le maire de Saint-Colomban, à un moment donné, disait: Oh! il y a trop de monde de Montréal ou de Laval qui viennent s'installer à Saint-Colomban, moi, j'arrête ça, je veux juste des gens de Sainte-Dorothée ou, plus précisément, d'un bassin, je ne sais pas qu'est-ce qu'on dirait, nous autres, comme Québécois. Et c'est ça, là, qu'on nous demande, là, aujourd'hui, de regarder.
M. Boisclair: M. le Président, tout à l'heure vous m'avez interrompu. Là, la ministre dérange ma collègue. Et la ministre, plutôt que de marmonner comme elle le fait, devrait plutôt répondre aux questions puis permettre à ma collègue la députée de Prévost de s'exprimer.
Le Président (M. Cusano): Je demande la collaboration de tout le monde au niveau de s'assurer qu'on puisse bien entendre les intervenants. Mme la députée de Prévost, la parole est à vous.
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. En fait, je vous le disais, je me posais la question comme ça, je me disais: Est-ce qu'on aurait le droit de discriminer parce qu'une personne demeure dans un endroit, à Montréal par exemple, veut venir s'installer à Saint-Colomban, et, je vous le dis, c'est la ville... avant, c'était un village, mais c'est la ville au Canada où il y a eu le plus une... comment on appelle les gens qui viennent s'installer là?
Une voix: L'immigration.
Une voix: Une croissance.
Mme Papineau: Une croissance.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Papineau: Je n'ai pas compris.
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: L'immigration.
Mme Papineau: ...une croissance de la population, et là, si le maire avait décidé tout d'un coup de dire: Bien, moi, les gens de Laval, là, j'en ai 42 %, là, puis j'arrête ça là parce que, maintenant, les autres, il faut qu'ils viennent, là, de, je ne sais pas, moi, de Mont-Laurier, par exemple, je ne sais pas, comme Québécois, comment on aurait réagi à ça, comment on réagirait à ça. Puis ça, ça s'appelle de la discrimination, puis, d'après moi, c'est ça qu'on fait avec ce projet de loi là. On discrimine en vertu de l'endroit, du pays. Là, je parle juste du pays, je ne parlerai pas de d'autres choses, là, mais juste du pays d'où ces gens-là viennent.
Puisque la ministre ne veut pas déposer ses amendements et comme on ne sait pas où est-ce qu'elle va aller avec son projet de loi, moi, je vais lui parler de l'article 12, la suspension de la réception des demandes de certificats de sélection, où je dis que c'est inacceptable. L'article 12 du projet de loi crée une situation, M. le Président, où le gouvernement peut décider de refuser d'étudier les demandes de certains groupes, toujours sur la base de leur pays d'origine ou de leur catégorie d'immigrants. Pire encore, le cinquième alinéa de l'article prévoit que cette mesure est rétroactive aux demandes reçues avant l'entrée en vigueur de cette mesure et qui n'ont pas été étudiées par le gouvernement. Je sais, la ministre nous dit que probablement il va y avoir un amendement. Mais, moi, je ne l'ai pas vu, cet amendement-là, puis, comme elle ne veut pas les déposer, bien on va lui en parler, de l'article 12.
Ainsi, des personnes qui aspirent à vivre au Québec pourraient, des mois après avoir fait leur demande, se voir annoncer que le gouvernement refuse d'examiner leur demande et se voir obligées de recommencer leur projet d'immigration du début et carrément changer de pays de destination. Dans certains cas bien précis, comme, par exemple, je dirais, un jeune couple qui est en train d'apprendre le français à l'extérieur, et qui a déposé une demande, et qui étudie le français déjà depuis quelque temps, et que, tout d'un coup, se verrait refusé en disant: Écoutez, on a décidé que, dans votre pays, on ne recevait plus aucune personne... Voilà, les deux ans qu'ils ont faits pour apprendre le français, pour peut-être se documenter sur le Québec, c'est fini, c'est comme s'ils n'avaient rien fait.
n(22 h 40)n On pourrait croire que la ministre met cette mesure en place afin de vider complètement les listes d'attente en provenance des pays du Maghreb, où, présentement, quelques milliers de demandes sont en attente à la suite d'un flux important de demandes dans les années 2001-2002, lié au choix du gouvernement du Québec de restreindre l'accueil en provenance de ces pays afin de diversifier le patrimoine socioculturel du Québec. La ministre, au lieu de fermer simplement l'accès au Québec à certains groupes ethniques, pourrait choisir de mettre en place des mesures administratives pour gérer la liste d'attente. Elle le peut, la loi lui permet. Elle pourrait également, afin de stimuler la diversité culturelle, faire des efforts supplémentaires de recrutement d'immigrants dans différents bassins à travers le monde. Mais encore une fois comment mesurer les besoins du Québec en matière de diversité culturelle?
Elle a parlé de consultations. Je lui répète qu'effectivement nous avons fait des consultations particulières, mais je lui répéterai encore une fois que, lors de ces consultations particulières, tous les groupes, tous les groupes sont venus nous dire qu'on devait avoir une consultation publique, qu'on devait associer la population à ce projet de loi, qu'on devait impliquer la société. Mais je pense que la ministre ne tient pas compte... ne veut pas consulter la population. C'est en fait ce que ces groupes sont venus nous dire.
Alors, moi, la motion, oui, j'aimerais bien entendre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je pense que, si on leur avait donné plus de temps, oui, ils seraient venus, M. le Président, ils seraient venus nous voir en commission parlementaire. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Prévost. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Alain Paquet
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Tout à l'heure, le député de Vachon parlait de la capacité d'analyser de façon sereine et compétente les enjeux qui sont devant nous, et je reviendrai à la proposition qui est sur la table, la motion préliminaire. Mais tout à l'heure le député de Vachon a employé une analogie, et je pense que c'est important, de manière à respecter les faits vis-à-vis nos concitoyens, quand on parle d'analogie, de bien comprendre quelles sont les implications, analyser ces analogies de façon sereine et compétente ? je pense que c'est les mots exacts du député de Vachon. Et je crois que ça s'applique très bien dans cet exemple qu'il a mentionné.
Il a fait allusion tout à l'heure au rendement du marché boursier de la Caisse de dépôt, qu'effectivement l'ensemble des Québécois et des contribuables, des Québécois et des Québécoises, ont été estomaqués, il y a deux ans, de voir une réduction de 10 % du rendement boursier, hein, de la Caisse de dépôt. Et tout à l'heure le député de Vachon a dit: Oui, mais, écoutez, ce n'est pas trop grave parce que, quelques mois plus tard, l'année suivante ? on essaie de ne pas mentionner les chiffres, mais je pense que vous conviendrez avec moi ? plus 10 %. Donc, moins 10 % plus 10 %, ça fait zéro. Donc, ce n'est pas grave, et c'est des mouvements habituels des marchés boursiers et ce n'est pas très grave.
Malheureusement, c'est très grave. Pourquoi? Parce que, lorsqu'on parle du marché boursier, de la Caisse de dépôt, d'abord il faut réaliser qu'on compare... quand la Caisse de dépôt a perdu 10 %, et on compare avec un fonds d'emprunt, un fonds par exemple de retraite, où on avait perdu... Teachers' avait perdu 5 % cette année-là, alors que la Caisse de dépôt perdait 10 %. Alors, au lieu de se ramasser, sur deux ans, avec un rendement net de 0 %, on a eu un rendement net de plus 5 %, n'eût été de l'incurie administrative, des problèmes qu'il y a eu, qui ont été d'ailleurs dénoncés par la Vérificatrice générale dans un rapport, il y a deux ans, assez accablant, qui parlait de Montréal Mode. Ça n'a rien à voir avec le marché boursier, c'était une décision de la Caisse de dépôt à l'époque. Hein, on parle de Montréal Mode. Le siège social de la Caisse de dépôt, ça non plus, ça n'a rien à voir avec le marché boursier.
Alors, quand on parle d'analyser de façon sereine et compétente, faire des analogies, le marché boursier et la Caisse de dépôt, on voit très bien que l'analogie n'était pas très, très flatteuse. Et j'invite effectivement l'opposition officielle, et le député de Vachon en particulier, à lire très attentivement les rapports du Vérificateur général, ou de la Vérificatrice générale, celui d'il y a deux ans et celui évidemment d'aujourd'hui, qu'on a eu, sur le métro de Laval, sur aussi la SGF, hein, qui coûtent une fortune, qui ont coûté une fortune, et vraiment qu'il y a des problèmes majeurs de gestion, hein, sur lesquels nous allons revenir dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, les prochaines années, pour vraiment éviter de tels désastres en termes économiques.
Mais, pour revenir maintenant à cette analogie que le député de Vachon avait amenée, je pense que c'est important de rectifier les faits, par respect pour les citoyens, et je suis certain que le député de Vachon ignorait peut-être ou il n'était pas au courant de certains de ces faits-là. Donc, je ne lui en tiens pas rigueur, c'était vraiment pour rendre les choses claires.
Mais, lorsqu'on parle donc de la motion préliminaire, on parle de capacité d'analyser de façon sereine et compétente les enjeux sur la table. On a justement l'occasion de procéder de façon sereine et compétente à l'analyse de fond des articles du projet de loi, article par article. On est rendu à la troisième motion préliminaire que l'opposition officielle présente, et les deux dernières portent... C'est les mêmes motions, à une exception près: on liste maintenant un nouveau groupe qu'on aimerait entendre. Alors, moi, j'inviterais, par respect pour les parlementaires, par respect pour l'efficacité de nos travaux et par respect pour la population, dans cette façon compétente et sereine de travailler à laquelle nous conviait tout à l'heure le député de Vachon, d'abord, d'une part, de procéder maintenant à l'étude article par article pour discuter du fond de la question, et, si on arrive tout à l'heure avec une nouvelle motion préliminaire, parce qu'il semble qu'on en a plusieurs en réserve, et c'est le droit de l'opposition officielle de le faire...
Ils nous ont annoncé qu'il y en avait, tout à l'heure, 136 ou 140 ? je ne sais plus combien de gens ? qu'on voudrait peut-être consulter. Bien, alors, pourquoi on ne discute pas tout ça ensemble, sur une seule motion, de l'ensemble des consultations? Je pense que ça permettrait de faire le débat de façon sereine sur la possibilité de faire d'autres consultations particulières. Il y en a eu la semaine dernière, on en veut encore, on n'a pas présenté ces noms-là la semaine dernière, ou ils ne se sont pas manifestés, c'était leur droit, aux gens, de se manifester. Alors là l'opposition, elle voudrait qu'on en entende d'autres. Par respect pour les concitoyens... On a eu, encore ce matin, un rapport qui expliquait comment les gens regardent nos travaux. Ils sont parfois un petit peu abasourdis par le fait qu'il y a des choses qui ont l'air à prendre plus de temps, et qu'on semble prendre des mesures, permises par le règlement, mais de reprendre des nouvelles motions, motion après motion après motion, au lieu de discuter du fond des choses.
Je pense, pour élever le niveau du débat, et je n'ai pas de doute que l'ensemble des membres de la commission peuvent le faire, hein, on pourrait procéder maintenant à l'analyse, soit, si on arrive avec une nouvelle motion, qu'on parle encore de consultations particulières parce qu'on n'a pas d'autre idée de motion à présenter pour retarder le débat, qu'on nous en présente une avec toute la liste des gens qu'on voudrait consulter, qu'on refasse la discussion sur la possibilité de consultations, d'une part, et par ailleurs qu'on procède par la suite à l'analyse détaillée article par article du projet de loi où l'opposition aura l'occasion respectueusement de faire valoir ses points et, s'il y a lieu, pour la ministre de déposer les amendements sur lesquels on pourra maintenant discuter, de ces amendements-là, et rien n'empêchera l'opposition de proposer des sous-amendements si elle le veut bien.
Mais je pense que, dans un souci véritablement de respect de l'institution démocratique et de la compréhension de nos citoyens qui nous écoutent, qui nous regardent ce soir, je pense que ce serait une belle occasion. Je tends la perche très respectueusement à mes collègues de l'opposition officielle, à nos collègues, de pouvoir procéder maintenant soit... mais pas avec une série de motions à répétition pour juste retarder le débat, pour en arriver ultimement au même point d'une façon ou de l'autre, c'est-à-dire qu'on va arriver avec d'autres motions, d'autres amendements, et ainsi de suite, mais d'aller discuter véritablement du fond des choses. D'ailleurs, même la députée de Prévost tout à l'heure a commencé à parler de l'article 12 dans sa motion. Elle avait le droit de le faire, mais elle ne parlait plus pendant un certain temps de la motion, de voir un des groupes dans la liste avec laquelle, j'imagine, ils vont arriver tout à l'heure, mais elle parlait du fond de l'article 12. Alors donc, ou bien on parle de la motion ou bien on parle de l'article 12, mais, si on veut parler de l'article 12, allons maintenant à l'étude article par article. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Oui, j'ai une demande d'intervention de la part de la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Merci, M. le Président. Je vais venir entériner la motion que mon collègue a apportée, la motion pour entendre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Mais, M. le Président, quand j'entends le député de Laval-des-Rapides nous faire des leçons de comment faire les commissions parlementaires particulièrement et de nous dire qu'on devrait commencer l'article 1 tout de suite, je ne sais pas pourquoi il a pris quelques minutes de remarques qu'il a apportées puis... C'était le temps de nous expliquer sur la motion qu'on vient de déposer pourquoi qu'on ne peut pas entendre nécessairement la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
J'ai entendu la ministre tout à l'heure dire qu'ils ne sont pas venus. C'est parce que, s'ils ne sont pas venus, la conclusion de la ministre, c'est qu'ils n'en sentaient pas le besoin. Voyons donc, M. le Président! Ils n'en sentaient pas le besoin! Ils ont manqué de temps, ils nous ont fait un mémoire, puis vite, parce qu'ils l'ont dit. On a entendu tous les groupes, ma collègue vient de le dire, on a entendu les groupes, chaque groupe nous a dit qu'ils ont manqué de temps. Alors, M. le Président, que le député de Laval-des-Rapides nous parle qu'on a eu... ça fait une semaine, puis là... bien, c'est la ministre, pardon, qui a dit ça: Mais, la semaine passée, on les a écoutés, ça fait que là on est rendu à cette étape-là.
Moi, M. le Président, comme ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance à l'époque, j'ai présenté le projet de loi, l'assurance parentale, ça nous a pris des semaines et des semaines où on a écouté tout le monde, hein, on a fait des consultations, tout le monde est venu. Alors, ça a été des semaines et... Je pense que ça a été deux mois, si ce n'est pas trois mois, en tout cas ça a pris beaucoup de temps. Puis on a écouté tout le monde, puis on a pris le temps, puis on est arrivé à une loi à l'unanimité à l'Assemblée nationale. On a pris le temps d'aller chercher l'unanimité. On regarde les résultats aujourd'hui, hein, M. le Président?
Autre loi. Lorsque j'étais ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, c'est encore un deux mois qu'on a pris pour faire la loi n° 112, loi encore à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Alors, on a écouté l'opposition, on a écouté les oppositions, puis on est arrivé à faire l'unanimité à l'Assemblée nationale. S'il y a une loi, qui est une belle loi au Québec, qu'on a adoptée tous ensemble puis on est fiers, c'est bien la loi n° 112, la loi de la pauvreté particulièrement.
n(22 h 50)n Alors, on a pris le temps. Ce n'est pas l'idée de faire juste une semaine, M. le Président. On les a entendus, on a eu quelques groupes, une dizaine..., huit groupes qu'on a entendus, la semaine passée, M. le Président, huit groupes. C'est des consultations particulières. On a entendu tout le monde, on est prêt, allons-y avec le projet de loi! M. le Président, qu'on nous dise autre chose ici. Alors, c'est bien évident que c'est important d'entendre particulièrement la Commission des droits de la personne. S'ils n'ont pas pu se présenter, la Commission des droits de la personne, je ne pense pas que ce soit la raison de la ministre, parce que ça ne leur... «je ne sentais pas le besoin de venir». Voyons donc! La Commission des droits de la personne, à chaque fois qu'il y a des projets de loi, ils viennent presque régulièrement dans les commissions parlementaires donner leur point de vue. Bon. Au moins, on a le mémoire, M. le Président, on est content d'avoir le mémoire.
Puis j'entends le député de Laval-des-Rapides: le désastre de la SGF. Je ne sais pas d'où est-ce qu'il sort, le désastre de la SGF. Moi, j'entends... Le premier ministre du Québec est venu dans ma circonscription, à Pointe-aux-Trembles, inaugurer Interquisa, Interquisa qui a dit: C'est la SGF qui a soutenu Interquisa. Il était très fier de venir inaugurer ça dans la circonscription de Pointe-aux-Trembles. Pourtant, c'est la SGF. C'est drôle, hein, c'est un désastre, un gros désastre. Interquisa, on en est fier, M. le Président, d'Interquisa, d'une part. Alors, on pourrait avoir des leçons, mais peut-être des leçons pas mal plus constructives, M. le Président.
Alors, je reviens sur la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il aurait été intéressant de les entendre effectivement, mais, dans leur mémoire, on peut soulever certains aspects qui sont importants.
D'abord, la mission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Sa mission est «de veiller au respect des principes contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne, loi de nature quasi constitutionnelle adoptée en 1975. Dans ce but, le législateur a confié à la commission la responsabilité de promouvoir ces principes par toutes mesures appropriées et, notamment, relever les dispositions des lois du Québec qui seraient contraires à la charte et faire, le cas échéant, les recommandations qui s'imposent.» Alors, il y a des éléments dans leur mémoire, des éléments importants, je pense, qu'il faut soulever, mais il aurait été intéressant d'interroger le président à l'égard de l'objectivité des critères, d'une part, qui pourraient être mis en place afin de mesurer la diversité culturelle telle quelle; l'opportunité d'inscrire à la loi des caractéristiques linguistiques, culturelles et économiques pour définir un groupe tel quel; la nécessité de la rétroactivité dans ce projet de loi, rétroactivité que la plupart des groupes sont venus nous dire que... il fallait abolir la rétroactivité. Alors, si on a un amendement de la ministre qui abolit la rétroactivité, qu'elle nous le dise, on aurait aimé l'entendre, qu'elle puisse nous les donner, ces amendements-là. Questionner la commission sur ce qui se fait ailleurs dans le monde, il aurait été intéressant d'entendre le président sur ce qui se fait ailleurs dans le monde dans un dossier comme celui-là, qui est le dossier particulièrement de l'immigration au Québec.
Et, quand on lit dans leur mémoire... D'ailleurs, ils disent particulièrement que leurs principales propositions, les propositions qu'ils apportent, ce qui serait susceptible d'avoir un impact particulièrement sur les droits protégés par la charte, ils nous disent, entre autres... Bon. Ils parlent des deuxième et troisième alinéas de l'article 3.0.1 de la loi qui seraient ainsi modifiés, comment, dans la loi, la ministre entend modifier l'article 3.0.1. «Ce nouveau critère ? disent-ils ? relatif à la sélection par bassins géographiques a pour corollaire la possibilité de suspendre d'octroyer des certificats de sélection dans une région donnée. Le quatrième alinéa de l'article 3.1 modifié se lirait ainsi...» Ils nous donnent comment il se lirait.
Mais leur analyse: «La Loi sur l'immigration au Québec prévoit à l'article 3 que la sélection des immigrants à l'étranger a pour objets, notamment, de...», et ils nomment des éléments.
Mais: «Les critères de sélection actuels, édictés par règlements, ou bien sont d'ordre économique ou bien ont des implications économiques évidentes ? la diplomation, le statut civil, le nombre de personnes à charge, l'âge, etc. Même le préjugé favorable à la capacité d'adaptation au français ? le parler ou être en mesure de l'apprendre facilement en peu de temps ? relève, à certains égards, autant de la sphère de l'adaptation économique que de l'adaptation socioculturelle.
«L'objectif d'"assurer la diversité socioculturelle" semble guider, du moins en partie, la proposition de gérer et de sélectionner l'immigration en tenant compte du "bassin géographique".
«Or, la nouvelle notion proposée, celle d'"assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec", interpelle la commission.» La question que se pose la commission: «Comment assurer la diversité socioculturelle d'un État?» Il n'y a pas de réponse à ça, M. le Président. «Qu'entend-on par le terme assurer? Quels sont les critères dont on tiendra compte pour s'assurer de préserver cette diversité? Hormis le fait qu'il est déjà prévu que la sélection faite par le Québec vise à recruter préférentiellement des gens qui ont une bonne connaissance du français, cette nouvelle notion pourrait-elle servir de base à des mesures favorisant les ressortissants de certaines origines ou venant de certains pays ou régions?» Alors, je veux bien savoir ce que... La ministre a dit: Bien, on a le mémoire, on a fait ce qu'il y avait à faire, on a consulté la Commission des droits de la personne. Bien, bravo! M. le Président, elle a consulté, on a un mémoire. Mais qu'est-ce qu'elle répond? Qu'est-ce qu'elle répond à toutes les interrogations de la Commission des droits de la personne? Alors, je veux bien avoir un mémoire qui a été déposé, mais elle répond quoi à toutes les interrogations qui sont là, qui touchent directement les droits des personnes, donc la Charte des droits et libertés des personnes? On n'a pas de réponse à ça, M. le Président. Alors, c'est fondamental. Alors, qu'on nous demande pourquoi on s'interroge, ici, du côté de l'opposition officielle, du bien-fondé d'entendre la Commission des droits de la personne et, tout à l'heure, évidemment aussi le ministre de la Justice, et évidemment d'avoir déposé la portion des règlements, particulièrement le pouvoir de réglementation, alors, M. le Président, c'est tout à fait légitime de demander d'avoir plus d'explications.
La ministre, on lui demande de déposer en bloc les amendements. On réitère encore cette demande-là, M. le Président. On veut savoir où s'en va la ministre. Alors, elle peut bien nous dire: Faisons l'article 1, puis, avec l'article 1, vous verrez bien, hein, on verra bien quels sont les amendements qui arriveront en cours de route. Mais, dans cet ensemble du projet de loi, là, on a des interrogations sur la rétroactivité, on a des interrogations particulièrement sur le bassin, dans le fond, la notion de bassin géographique, et sur la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel. Ce sont trois questions fondamentales du projet de loi. Alors, M. le Président, on a bien beau commencer l'article 1, elle ne nous a pas répondu sur ça.
Aussi, ce que j'entends depuis tout à l'heure, c'est qu'elle nous dit: Bien, vous verrez, puis on verra les amendements un après l'autre, puis vous verrez mes orientations quelque part. Mais je sens qu'il n'y en a pas, M. le Président. Je sens qu'elle a beau avoir eu des consultations pendant une journée la semaine dernière, les huit groupes qu'on a vus, qui se sont précipités à faire un mémoire... Chacun nous a dit que c'est à toute vitesse qu'ils ont eu à faire ce mémoire-là. On les a entendus, ils avaient des interrogations. La ministre n'a pas répondu à leurs interrogations à chacun, là. Il y a des questions sur les ordres professionnels. L'Association des avocats nous a posé des questions sur l'ordre professionnel, et bien d'autres, dans le fond, bien d'autres éléments. On n'a pas eu de réponse. Tout ce qu'on sait, c'est qu'on aura peut-être des amendements, peut-être, peut-être qu'on aura des amendements dans le projet de loi, puis vous verrez.
Alors, M. le Président, la réponse de la ministre à ce niveau-ci, elle est, pour nous, pas claire, en tout cas en ce qui me concerne, elle n'est pas du tout claire, et je demande encore à la ministre de déposer en bloc les amendements pour qu'on puisse voir quelles sont ses orientations. Et il aurait été important d'entendre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui aurait été d'un grand secours à cette commission, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Gouin et leader de l'opposition officielle.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Oui, M. le Président. La ministre ne me donne pas le choix. À cette heure-ci, j'aurais été tenté de déposer une motion d'ajournement, que nous pourrions débattre et que nous pourrions adopter ou rejeter. Je reviendrai peut-être à la fin de mon intervention, là, dans une dizaine de minutes ? c'est le temps qui m'est octroyé, M. le Président ? pour peut-être déposer cette motion, à nouveau, d'ajournement.
Mais la ministre ne me donne pas le choix d'intervenir. Elle ne me donne pas le choix d'intervenir parce que, tout à l'heure, dans son explication au sujet de la présence ou de l'absence de la Commission des droits de la personne, elle a indiqué, et ça m'a fait sursauter, m'a dit: La Commission des droits de la personne estime que son mémoire parle de lui-même, donc aurait d'une certaine façon indiqué qu'elle n'avait pas l'intention ou n'avait pas senti le besoin.
M. le Président, je veux d'abord dire une chose: Ce n'est pas à la ministre ou à quiconque de parler au nom de cette commission indépendante, à distance du ministre, dont les officiers principaux sont nommés par les membres de l'Assemblée nationale du Québec. Et, M. le Président, jamais je n'ai vu dans cette Assemblée une commission des droits de la personne, alors convoquée par des parlementaires, refuser de venir répondre à des questions sur le contenu de son rapport. Jamais je n'ai vu ça, M. le Président. Pourquoi? Parce que la Commission des droits de la personne, si elle avait manifesté ce propos ou si ça avait été de son intention de ne pas venir, au moins elle l'aurait écrit non pas à la ministre, mais aux membres de la commission par la voix de son secrétaire ou de sa secrétaire, pour laisser connaître son opinion.
n(23 heures)n La Commission n'obéit pas à la ministre, elle rend des comptes à l'Assemblée nationale, et jamais je n'ai vu la Commission des droits de la personne refuser de venir s'expliquer sur le contenu de ses recommandations. Parce que, si c'est ce qu'on doit comprendre des propos de la ministre, qu'elle a bâillonné la commission, elle qui a fait circuler ses amendements auprès du Conseil des relations interculturelles... Parce qu'on a tous entendu, en commission, il y a peu de temps, la représentante de la Commission des relations interculturelles nous dire qu'elle avait vu les amendements. Peut-être que... Elle l'a dit de façon claire. Puis, M. le Président, demain, là, ce serait une belle, belle, belle question, un bel outrage au Parlement. Parce que, si c'est rendu, M. le Président, que la ministre met sur la table des amendements à son projet de loi dans un organisme qu'est le Conseil des relations interculturelles avant de les mettre entre les mains de cette commission, je peux vous dire, là, qu'il va y avoir une sérieuse réprimande du président de l'Assemblée nationale.
Puis là, aujourd'hui, la ministre vient nous dire au nom de la commission qu'elle n'est pas intéressée à venir nous rendre des comptes. Attention, M. le Président! N'importe quand je suis prêt à demander à la ministre qu'elle mette son siège en jeu lorsqu'elle s'exprime au sujet des propos de la commission, lorsqu'elle prend sur elle le soin de parler au nom de la commission sans qu'on entende le président de la commission lui-même venir nous dire qu'il n'est pas intéressé à venir nous parler. N'importe quand, M. le Président, je serais très curieux d'opposer les deux propos, celui du président de la Commission des droits de la personne et ce que la ministre vient de dire au sujet de la commission. Parce que jamais, M. le Président, je n'ai entendu la commission refuser une invitation, ni entendu, ni vu surtout la Commission des droits de la personne refuser une invitation qui lui était faite par une commission parlementaire.
La commission, contrairement à la ministre, a toujours eu énormément de déférence à l'endroit des parlementaires, à l'endroit de l'Assemblée nationale, et, sur notre invitation, elle serait venue. C'est pour cette raison, M. le Président, que nous déposons ? nous déposons ? cette motion, parce qu'on n'a pas eu ce privilège d'entendre la Commission des droits de la personne, commission qui... Comme mes collègues l'ont bien démontré, en particulier ma collègue députée de Prévost, porte-parole de l'opposition en matière d'immigration, la commission est venue faire de sérieuses mises en garde, des mises en garde dont on a déjà parlé ce soir, mais je les rappelle rapidement: mises en garde d'abord sur le concept de gestion de la diversité du patrimoine socioculturel québécois ? est-ce que je l'ai eu?
Une voix: Parfaitement.
M. Boisclair: ...la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel québécois, et, deuxièmement, sur la question des bassins. Et la commission témoigne d'une farouche opposition à ce concept de gestion de diversité. Elle préfère de beaucoup, elle nous propose une suggestion, de remplacer «gestion de la diversité» par «enrichissement du patrimoine socioculturel». Ça, de mon point de vue, ça passe. Mais elle dit que rien ne justifie que la ministre vienne se donner ce pouvoir, au nom de quoi? De gérer la diversité socioculturelle.
Alors ça, c'est le débat de fond, M. le Président, là. Il a été fait, puis ma collègue députée de Prévost l'a bien fait, je ne reviendrai pas là-dessus. Mais même chose aussi sur la question des bassins et de la possibilité de bloquer des bassins, ajoutant ainsi un critère subjectif à ceux qui existent dans le processus de sélection, à savoir la grille qui, elle, s'appuie sur des critères qui sont complètement objectifs.
Donc, M. le Président, nous sommes fondés de déposer cette motion d'entendre la Commission des droits de la personne, et j'espère, de celle qui est responsable de la commission au gouvernement, de celle qui a aussi, de par son statut de ministre des Relations avec les citoyens, la responsabilité de veiller à la promotion puis au développement des droits, celle qui a le mandat dans cette société de travailler au soutien à la pleine participation des Québécois et des Québécoises, que la ministre va au moins accepter qu'on entende la commission, parce que, M. le Président, j'en viendrai à la conclusion...
Puis, je sais, je ne veux pas porter de motif, mais, lorsque j'ai entendu, de mon bureau... Tout à l'heure, lorsque je suivais les travaux de la commission de mon bureau puis que j'ai entendu la ministre dire: La commission n'était pas intéressée, elle estimait que son rapport était complet puis elle n'a pas senti le besoin de venir... qu'elle n'a pas senti le besoin... Je ne pense pas trahir beaucoup la pensée de la ministre lorsqu'elle a dit qu'elle n'a pas senti le besoin de venir. Mais, moi, là, M. le Président, je suis prêt n'importe quand à demander à la ministre qu'elle mette son siège en jeu lorsqu'elle parle de cette façon au sujet des intentions de la commission.
Elle vient, comme membre de l'Exécutif ? comme membre de l'Exécutif ? de porter un jugement sur le comportement de la commission, alors que ce jugement relève de la compétence de la commission, elle seule. Je n'ai vu aucun écrit de la commission pouvant me laisser permettre de conclure de la façon dont la ministre a conclu tout à l'heure. Rien, aucun écrit. Et je serais curieux, M. le Président, à ce moment-ci, de demander à la secrétaire de la commission ou à vous-même si nous avons reçu un écrit, autre que le rapport de la Commission des droits de la personne, nous indiquant qu'elle ne souhaitait pas, qu'elle déclinait une invitation à venir à cette Commission de la culture.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Gouin, je vous ai fait distribuer un document qui nous est parvenu...
M. Boisclair: Un mémoire?
Le Président (M. Cusano): Un mémoire, ça a été parvenu...
M. Boisclair: Est-ce que c'est le seul document que vous avez reçu?
Le Président (M. Cusano): Je n'ai pas reçu aucune autre information.
M. Boisclair: Est-ce que vous pouvez vérifier auprès du secrétariat si nous avons..
Le Président (M. Cusano): Non, non, mais... Non, non, j'ai répondu à la question, là. Non, le président et le secrétariat, on vous dit qu'on a reçu le mémoire, point final.
M. Boisclair: Parfait. Alors, nous n'avons reçu aucun écrit de la commission. C'est donc dire, M. le Président, que la ministre s'autorise de parler au nom de la commission. Ça, c'est du jamais vu, M. le Président. C'est du jamais vu. La commission parle par elle-même, par ses rapports, par ses écrits à la commission, par des communiqués de presse qu'elle peut émettre. Mais jamais un membre de l'Exécutif ne s'est permis d'interpréter des propos de la Commission des droits de la personne, jamais un membre de l'Exécutif ne s'est permis... le mot sera peut-être un peu lourd, mais cette conclusion est facile à arriver, je n'impute pas des motifs à la ministre, mais la conclusion, là, c'est qu'elle bâillonne, hein...
Le Président (M. Cusano): Non, non, M. le député...
M. Boisclair: ...qu'elle bâillonne, M. le Président, la Commission des droits de la personne.
Le Président (M. Cusano): M. le député, je pense que là vous... Le mot «bâillonner» à ce moment-ici, là...
M. Boisclair: Bon. Je retire le mot «bâillonner», M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Vous le retirez, oui? Bon.
M. Boisclair: Mais, en s'exprimant au nom de la commission puis en tirant des conclusions que la commission elle-même ne tire pas, je me demande bien, M. le Président, ce que la ministre fait si ce n'est pas que, d'elle-même, interpréter et donc ainsi de priver la commission de son droit de parole, ce qui revient à dire qu'elle est en train de bâillonner la commission. Bon. Je l'ai dit d'une autre façon, vous l'avez jugée réglementaire, M. le Président, mais je comprends que vous comprenez le sens de ma démonstration.
M. le Président, il me reste deux minutes pour...
Le Président (M. Cusano): Non, il vous reste une minute.
M. Boisclair: Une minute. Parfait, M. le Président. Une minute pour vous dire donc que cette motion m'apparaît fondée et réaliste.
J'indique aussi, M. le Président, que je termine mon introduction en disant qu'il me semble, dans les circonstances, qu'il faut ajourner nos débats, qu'il faut permettre d'aller chercher un avis écrit de la commission pour connaître quelle est son intention, à savoir si, oui ou non, elle est intéressée à venir en commission parlementaire répondre aux questions. Et c'est pour cette raison, M. le Président, qu'après mon intervention ? que je termine dans les secondes, là ? je proposerai une motion d'ajournement du débat.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion qui est devant nous? Il n'y a pas d'intervenant.
Mise aux voix
Est-ce que la motion présentée par le député de Vachon, qui se lit comme suit:
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse», est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Boisclair: Vote nominal.
Le Président (M. Cusano): Alors, vous demandez le vote nominal. Mme la secrétaire, voulez-vous procéder, s'il vous plaît, au vote nominal.
La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?
M. Bouchard (Vachon): Pour.
La Secrétaire: Mme Papineau (Prévost)?
Mme Papineau: Pour.
La Secrétaire: Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?
Mme Léger: Pour.
La Secrétaire: M. Boisclair (Gouin)?
M. Boisclair: Pour.
La Secrétaire: Mme Courchesne (Fabre)?
Mme Courchesne: Contre.
La Secrétaire: Mme Legault (Chambly)?
Mme Legault: Contre.
La Secrétaire: Mme Hamel (La Peltrie)?
Mme Hamel: Contre.
La Secrétaire: Mme Vien (Bellechasse)?
Mme Vien: Contre.
La Secrétaire: M. Mercier (Charlesbourg)?
M. Mercier: Contre.
La Secrétaire: M. Paquet (Laval-des-Rapides)?
M. Paquet: Contre.
La Secrétaire: M. Cusano (Viau)?
Le Président (M. Cusano): Je m'abstiens.
La Secrétaire: Pour, 4; contre, 6; abstentions, 1.
Le Président (M. Cusano): Alors, la motion est rejetée. Est-ce qu'on est prêts à procéder à l'article n° 1?
Motion d'ajournement des travaux
M. Boisclair: À ce moment-ci, M. le Président, je ferais motion pour ajourner notre débat, en vertu de 256, si ma mémoire est juste... 265? 267. Je m'excuse.
Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il faut que je vous lise le...
M. Boisclair: Bien, en tout cas je fais motion pour ajourner.
Le Président (M. Cusano): Je vais vous le lire, M. le député.
M. Boisclair: Merci. Merci, M. le...
Le Président (M. Cusano): C'est l'article...
M. Boisclair: Je n'ai pas le numéro par coeur de l'article.
Le Président (M. Cusano): L'article 165...
M. Boisclair: 165.
Le Président (M. Cusano): ...de notre règlement, en ce qui concerne l'ajournement des travaux, se lit comme suit:
«Un membre peut proposer que la commission ajourne ses travaux.
«Cette motion est mise aux voix sans amendement et elle ne peut être faite qu'une fois au cours d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de 10 minutes chacun.» Alors, M. le député de Gouin.
M. Boisclair: Oui. Bien, je peux nous éviter 20 minutes de débat. Si j'ai une indication que les ministériels sont pour, on pourrait tout simplement l'adopter sans débat. Sinon, si vous me permettez, M. le Président, cet intermède dans nos procédures, sinon je vais plaider.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Gouin, oui, c'est...
M. Boisclair: Non, mais je demande...
Le Président (M. Cusano): ...très gentil de votre part, M. le député, mais vous avez un droit de parole...
M. Boisclair: O.K., j'utilise mon droit de parole.
Le Président (M. Cusano): ...de 10 minutes à ce moment-ici sur la motion que vous avez présentée.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Bon. Alors, je propose cette motion d'ajournement du débat, M. le Président, pour essentiellement trois raisons. La première raison, c'est parce que la ministre, depuis le début de la soirée, se dit incapable ou refuse, malgré nos questions, de nous dire dans quels pays... quels bassins géographiques elle veut bloquer. Pourtant, elle connaît certainement la réponse à cette question. Et je ne m'explique pas que la ministre persiste, signe, s'entête à ne pas vouloir répondre à cette simple question: Dans quelles régions du monde veut-elle utiliser ce pouvoir? Quels bassins géographiques veut-elle bloquer? Premier motif à l'appui de cette motion d'ajournement.
n(23 h 10)n Deuxièmement, M. le Président, la ministre refuse de déposer les amendements, de rendre publics les amendements qu'elle entend déposer. Deux choses l'une, la pire, ce serait que la ministre ait, depuis la semaine dernière, depuis la réunion du Conseil des ministres de la semaine dernière, les amendements à son projet de loi et que sciemment elle refuse de les rendre publics. Ça, M. le Président, je ne qualifierai pas ce comportement parce que je m'écarterais des bonnes règles de procédure, mais vous comprenez comme moi que ça a quelque chose d'odieux. Donc, soit ça ou soit que la ministre doit aller, et c'est sans doute le cas, au Conseil des ministres de demain. Puisque je ne pense pas que la ministre cache ses amendements, je présume qu'elle est au Conseil des ministres demain. Alors, raison de plus pour vouloir ajourner, pour voir comment la réunion, la séance du Conseil des ministres de demain va se dérouler, puis qu'on ait les nouvelles les plus fraîches, qu'on ait les amendements les plus frais concernant ce projet de loi.
Donc, ne perdons pas notre temps ici, le débat n'est même pas fini au Conseil des ministres. Je conclus de cette façon, M. le Président, à moins que la ministre ait, depuis mercredi dernier, les amendements. Si c'est le cas, M. le Président, elle les cache puis elle ne les rend pas publics, et ça, ce serait incorrect en termes de procédure parlementaire. D'autant plus qu'on sait, on sait que la présidente du Conseil des relations interculturelles a dit qu'elle avait les amendements. Alors, j'espère que ce sont des projets d'amendement puis que la ministre nous dit que, demain, elle sera au Conseil des ministres. Parce que, si elle nous dit que, demain, elle n'est pas au Conseil des ministres puis que tout ça, c'est réglé, là ça ouvre une belle question d'atteinte aux privilèges de l'Assemblée, parce que c'est donc la preuve qu'elle aurait les amendements depuis mercredi dernier. Donc, ne prenons pas de chance, là, ajournons. Deuxième argument.
Troisième argument, M. le Président, on ne peut pas continuer ces discussions au sujet de la Commission des droits de la personne sachant ce que la ministre a dit tout à l'heure. C'est du jamais vu, M. le Président, que la Commission des droits de la personne, par celle qui a la responsabilité de la commission, c'est elle qui gère les articles de la loi qui ont trait au fonctionnement de la commission... qu'une ministre refuse d'entendre, en commission parlementaire, la Commission des droits de la personne. Et c'est aussi la première fois que j'entends un membre de l'Exécutif venir s'exprimer au nom de la commission, alors que vous avez fait la démonstration, M. le Président, en consultant le secrétariat, que vous n'aviez aucun écrit, aucune pièce justificative qui venait pouvoir nous laisser penser que la commission n'était pas intéressée à venir répondre aux questions des membres de cette commission. Jamais, M. le Président, nous n'avons vu ce genre de choses.
Puis je suis prêt n'importe quand à mettre dans la balance le propos de la ministre avec celui du président de la Commission des droits de la personne, parce que, si on a un président de Commission des droits de la personne qui dit qu'il n'est pas intéressé à venir répondre aux questions des parlementaires, là on a, comme société, là, un vrai problème, hein? Qu'un organisme privé décide de dire: Moi, mon mémoire parle de lui-même, je n'ai pas le goût de venir en commission parlementaire, tout à fait correct, hein? Je n'ai rien contre ça, moi. Je n'ai aucun, aucun, aucun jugement à porter sur leur comportement. Mais qu'un organisme public qui répond à l'Assemblée nationale, dont les officiers principaux sont nommés par l'Assemblée nationale, vienne nous dire qu'ils ne sont pas intéressés à venir en commission parlementaire, attention, M. le Président, il faut vérifier ça. Il faut vérifier cette question. Il faut vérifier cette question. Puis il me semble que c'est le deuxième élément qui justifie, M. le Président, que nous adoptions cette motion d'ajournement.
L'autre chose, M. le Président ? c'est le quatrième, il est en prime, puisqu'il me reste quelque temps ? ça tient essentiellement à la stratégie parlementaire, M. le Président. Vous savez que des motions pour commencer à l'article 1 du projet de loi... J'oublie le nom de cette motion. Enfin, il y a une procédure par laquelle on peut tout de suite attaquer l'article 1. La jurisprudence, là, c'est alentour de la troisième séance que ça commence, ça fait qu'aujourd'hui, demain... Ça fait qu'il me semble que ce serait tout simplement le gros bon sens... à moins que les députés veuillent s'entêter, mais ils connaissent la jurisprudence comme moi puis ils savent que des motions de ce genre, si c'est l'intention des collègues ? on va, demain, en caucus, rediscuter de ces questions ? mais qu'on peut très bien, encore pendant quelques séances, déposer des motions comme celle-là. Alors, il me semble qu'il y a suffisamment de matière pour qu'on puisse réfléchir puis qu'on adopte cette motion d'ajournement.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je vous avoue, là, que je ne suis pas du tout étonnée du ton du député de Gouin. On le reconnaît très bien. Mais, M. le Président, je vais vous dire, là, ça ne m'impressionne pas. S'il croit qu'il va me faire peur avec ses menaces, il se trompe.
D'abord, vous dire que je n'ai jamais refusé de déposer et de rendre publics les amendements. Ce que je dis, c'est que je les rendrai publics un par un à l'étude article par article, et ça, c'est tout à fait mon privilège et mon droit comme parlementaire de le faire de cette façon-là. Alors, je n'ai pas, à cet égard-là, de leçon à recevoir du député de Gouin.
Ce que je trouve dommage, c'est qu'il incite toujours à la confusion dans ses propos. De prétendre que la ministre refuse de rendre publics les amendements, non, mais ce n'est pas sérieux! Tout ce que je choisis, c'est de le faire article par article, et ils seront publics article par article. Alors, cessons de jouer sur les mots et cessons de dégager des perceptions qui induisent la population en erreur. Et ça, je trouve ça, là, irresponsable de la part d'un député.
M. Boisclair: M. le Président...
Mme Courchesne: M. le Président, je change de sujet.
M. Boisclair: Non, non, non!
Le Président (M. Cusano): M. le député de Gouin, oui, c'est quoi, là?
M. Boisclair: Bon. Ça, d'abord ça suscite des débats...
Le Président (M. Cusano): Non, non! C'est une question de règlement, là?
M. Boisclair: ...c'est irrespectueux. L'article 32, «irresponsable», je vous demande de... dans le dictionnaire des mots antiparlementaires, je vous demande de demander à la ministre de retirer ses paroles.
Le Président (M. Cusano): De mémoire, là, le mot «irresponsable» n'est pas considéré antiparlementaire, mais on va vérifier ? vous me trouvez la page, madame?
M. Boisclair: Ça va permettre à la ministre de reprendre son souffle, M. le Président.
Mme Courchesne: Ah! M. le Président, ne vous inquiétez surtout pas de mon souffle. Je n'ai peut-être pas la jeunesse du député de Gouin, mais j'ai encore beaucoup de souffle et beaucoup d'énergie.
Le Président (M. Cusano): Bon. Après vérification, M. le député de Gouin, le mot «irresponsable» n'est pas considéré antiparlementaire. Alors, Mme la ministre, vous pouvez poursuivre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Maintenant, M. le Président, deuxième point que je voudrais vraiment remettre dans la bonne direction. D'abord, tout à l'heure mes propos à propos de la commission étaient les suivants: j'ai dit que la commission avait toujours l'habitude de défendre les droits de tous les Québécois et les Québécoises et que, si la commission n'avait pas jugé bon de se présenter devant nous, «si», «si», je ne parle pas au nom du président, je dis «si» elle a jugé bon de ne pas se présenter devant nous, c'est qu'elle n'en avait pas senti le besoin. D'aucune façon et en aucune occasion, depuis que je suis ministre, je n'ai parlé au nom du président de la commission, ou de ses membres, ou de quelque commission.
M. le Président, c'était la semaine dernière, dans le cadre des consultations. Si les parlementaires faisaient la demande au président, je n'ai pas à décider si le président dit oui ou non. J'ai tendance à penser, comme le député, que, si des parlementaires convoquent le président de la commission, il va se présenter. Mais, la semaine dernière, ce n'était pas ça, la situation qui était devant nous. La situation qui était devant nous, c'est que les organismes choisissaient de venir ou de ne pas venir, manifestaient leur intention. Ce que j'ai dit, c'est que, s'il n'avait pas manifesté son intention de se présenter devant nous, c'est sans doute parce qu'il n'en avait pas senti le besoin. D'aucune façon je ne parle au nom du président, aucune façon, et d'aucune façon je ne dis que, si les parlementaires convoquent la commission, le président va refuser. Je n'ai jamais dit de tels propos, M. le Président. J'ai dit «sans doute», j'ai pris la peine de faire attention, de parler au conditionnel, «si». Mais, dans mes propos, je dis: Il nous a déposé un rapport, c'est sans doute le choix qu'ils ont fait. Sinon, s'il avait fait le choix de venir, il serait venu.
Alors, écoutez, M. le Président, encore une fois on laisse croire que la ministre interprète des propos d'un président que je respecte et des membres que je respecte, et jamais je n'ai fait cette allusion et je n'ai voulu me substituer à une commission ou à un président de commission. Encore une fois, M. le Président, je pense que c'est important de remettre les choses en perspective.
n(23 h 20)n En ce qui a trait, M. le Président, à la présidente du Conseil des relations interculturelles, elle n'a pas dit, M. le Président, devant nous qu'elle avait des amendements dans les mains. Elle n'a pas dit ça. Elle n'a pas déposé, elle ne nous a pas dit qu'elle avait vu des amendements. Elle a dit que la ministre les avait rencontrés, c'est vrai.
Je rappelle au député de Gouin, M. le Président, que le Conseil des relations interculturelles est un organisme-conseil à la ministre. Comme c'est un organisme-conseil à la ministre, même dans le cadre de l'élaboration d'un projet de loi, je pense que c'est tout à fait normal que la ministre consulte son organisme-conseil et qu'elle prenne conseil. Ce que j'ai fait. J'ai consulté, tous les membres du comité... du conseil étaient là, ou certains étaient absents, mais la majorité des membres étaient présents. J'y suis allée à leur demande. Nous avons échangé sur les articles de loi. J'ai manifesté de l'ouverture, comme j'ai manifesté de l'ouverture devant les parlementaires, comme je l'ai fait publiquement.
Mais jamais la présidente du Conseil des relations interculturelles n'a dit qu'elle avait des amendements en main. Ce n'est pas ce qu'elle a dit. Encore une fois, M. le Président, une autre exagération, une autre façon de dire qu'elle avait des amendements en main, M. le Président. Ce que j'ai dit, c'est qu'effectivement il y avait eu des ouvertures, et la présidente a dit que la ministre avait manifesté des ouvertures sur un terme au niveau de la rétroactivité. Ce n'est pas parce qu'on discute avec son organisme-conseil, M. le Président, que les gens ont en main des amendements. Encore une fois, M. le Président, le député de Gouin aime bien brandir la menace, là, mais encore faut-il que la menace se base sur des faits corrects, sur des faits justes, et correspondent à la teneur de mes propos, M. le Président.
M. le Président, moi, je pense sincèrement que les députés ne veulent pas étudier les amendements, ne veulent pas faire l'étude du projet de loi article par article. Mais j'apprécierais, M. le Président, qu'on continue ces travaux dans un esprit positif, sans brandir les menaces et les accusations, et surtout déformer les propos qui sont dits soit par la ministre, soit par des collègues, ou soit par des représentants qui sont venus devant nous et que nous avons tous écoutés attentivement, M. le Président. Et jamais, jamais je ne déposerais à quiconque des amendements ou que je remettrais des amendements qui n'ont pas été étudiés ici d'abord, M. le Président. Et je n'accepte pas que le député de Gouin mette en cause, d'aucune façon, mon intégrité comme ministre. Moi, je ne me permets pas de faire ça avec aucun des parlementaires qui est en face, alors qu'il cesse de mettre en cause l'intégrité de la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, M. le Président. Parce que, écoutez, j'ai quelques cheveux blancs de plus que lui, j'ai fait ma carrière, et, à ce que je sache, mon intégrité a toujours été extrêmement droite, et ce n'est pas ce soir que le député de Gouin va la remettre en cause, M. le Président. Je vous remercie.
Mise aux voix
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Alors, est-ce que la motion d'ajournement proposée par le député de Gouin est adoptée?
M. Boisclair: Vote nominal.
Le Président (M. Cusano): Alors, il y a une demande pour un vote nominal. Mme la secrétaire, je vous demande d'appeler le vote.
La Secrétaire: M. Boisclair (Gouin)?
M. Boisclair: Pour.
La Secrétaire: Mme Papineau (Prévost)?
Mme Papineau: Pour.
La Secrétaire: Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?
Mme Léger: Pour.
La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?
M. Bouchard (Vachon): Pour.
La Secrétaire: Mme Courchesne (Fabre)?
Mme Courchesne: Contre.
La Secrétaire: Mme Legault (Chambly)?
Mme Legault: Contre.
La Secrétaire: Mme Hamel (La Peltrie)?
Mme Hamel: Contre.
La Secrétaire: Mme Vien (Bellechasse)?
Mme Vien: Contre.
La Secrétaire: M. Mercier (Charlesbourg)?
M. Mercier: Contre.
La Secrétaire: M. Paquet (Laval-des-Rapides)?
M. Paquet: Contre.
La Secrétaire: M. Cusano (Viau)?
Le Président (M. Cusano): Je m'abstiens.
La Secrétaire: Pour, 4; contre, 6; 1 abstention.
Le Président (M. Cusano): Alors, la motion d'ajournement est rejetée, et maintenant on procède à l'étude de l'article 1.
M. Boisclair: Nouvelle motion, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Vous avez une autre motion, M. le député de Gouin?
Motion proposant d'entendre les leaders
des communautés maghrébines du Québec
M. Boisclair: Oui, M. le Président:
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende les leaders des communautés maghrébines du Québec, notamment le Centre maghrébin de recherches et d'information.»Le Président (M. Cusano): Est-ce que je pourrais avoir une copie de la motion?
M. Boisclair: Oui, je pense que mes collègues aussi voudraient avoir une copie de la motion, si vous pouvez, avant qu'elle soit débattue.
Le Président (M. Cusano): Oui, oui, on va vous faire... on va faire distribuer la copie. Est-ce qu'on a procédé à la distribution de la motion?
M. Boisclair: Il faut la photocopier avant.
Le Président (M. Cusano): C'est allé en photocopie. Alors, vous allez me permettre que je vais suspendre pour quelques secondes pour attendre...
Une voix: Sept minutes.
Le Président (M. Cusano): Non, pas sept minutes, non, non, pas cette fois-ci. C'est juste pour se dégourdir un peu, Mme la députée. Alors, je suspends pour quelques secondes.
(Suspension de la séance à 23 h 25)
(Reprise à 23 h 30)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la motion qui est déposée par le député de Gouin a été distribuée à tous les membres de la commission. Je me permets de vous la lire. Elle se lit comme suit:
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission de la culture tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende les leaders des communautés maghrébines du Québec, notamment le Centre maghrébin de recherches et d'information.» Alors, M. le député de Gouin, vous disposez de 30 minutes pour convaincre les membres de la commission.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Oui, M. le Président, je ne serai pas, j'en suis convaincu, le seul à essayer de convaincre les membres de cette commission. Mais vous me permettrez cependant un bref retour sur l'intervention de la ministre, qui sort très facilement de ses gonds et soudainement s'imagine que, parce que je mène un débat costaud avec elle et les membres du Parti libéral, je m'en prends à son intégrité, M. le Président. D'abord, je veux clarifier cette chose.
J'accuse la ministre de bien des choses, mais vous allez reconnaître comme moi, M. le Président, que, si une seule fois j'avais mis en cause l'intégrité de la ministre, vous m'auriez interpellé et vous m'auriez dit: M. le député, vous connaissez suffisamment bien le règlement, si vous voulez mettre en cause l'intégrité de la ministre, c'est par une motion à l'Assemblée nationale que vous devez le faire, et jamais vous n'êtes intervenu pour me dire ça. Donc là, quand la ministre joue à la dame offensée en disant que je l'accuse parce que je mets en cause son intégrité, là, nenni, M. le Président, personne n'a dit ça.
Mais je l'accuse de bien des choses cependant, M. le Président, et c'est tout à fait conforme au règlement que nous ayons ici un débat de fond. J'accuse la ministre, M. le Président, de n'avoir aucun respect pour le consensus qui s'est bâti dans cette commission et dans cette Assemblée nationale, à l'endroit d'un consensus qui s'est toujours mené sur les politiques d'immigration. Jamais je n'ai vu un ministre de l'Immigration légiférer en cachette et refuser de rendre publics ? pas au fur et à mesure d'égrener, là, comme on égrène un chapelet, M. le Président ? pour donner une vue d'ensemble, les amendements qui étaient déposés à un projet de loi. Jamais je n'ai vu ça. Et, dans le fond, M. le Président, ce n'est que l'entêtement d'une ministre qui pense qu'elle agit mieux et légifère mieux en égrenant ses amendements plutôt qu'en agissant de façon transparente puis en disant aux membres de la commission: Voici mon jeu. Voici qu'est-ce que je pense. Voici l'oeuvre dans son ensemble, et j'invite les membres de la commission à porter un jugement.
Parce que vous savez très bien, M. le Président, qu'on ne peut pas discuter juste d'un article puis ensuite passer à un autre sans savoir ce qui sera dit dans un autre article. Quand on évalue un projet de loi, ce n'est pas juste l'addition des articles les uns à côté des autres qu'on évalue, c'est l'oeuvre globale, parce que, si on amende, par exemple, à l'article 2, ça a des conséquences sur l'article 4, puis je ne peux pas discuter de l'article 2 si je n'ai pas les amendements à l'article 4, et vice versa. Donc, c'est pour ça que ma collègue députée de Prévost insiste pour qu'on ait les amendements en bloc, pour qu'on ait, dans un texte de loi, l'essentiel de la pensée de la ministre puis de la pensée du gouvernement.
Mais, non, pas le droit à ça, nous autres, pas le droit de... C'est bon pour les gens du Conseil des relations interculturelles, par exemple. C'est bon pour les groupes avec lesquels elle discute. Mais, pour nous ici, à l'Assemblée nationale, nous, les parlementaires, les membres du législatif: pas intéressant pour nous autres. Attention, M. le Président! Donc, j'accuse, premièrement, cette ministre de manquer à son devoir de transparence qui est le sien, elle qui pourtant ne se gêne pas pour se draper dans un propos sur la transparence.
J'accuse aussi la ministre de venir réclamer des pouvoirs à l'Assemblée nationale, des pouvoirs extraordinaires qui ne trouvent aucun égal dans le droit québécois ni dans le droit fédéral, des pouvoirs qui lui permettent de venir bloquer des bassins sans nous dire ? sans nous dire ? malgré le déluge de mots auquel j'ai eu droit tout à l'heure, sans nous dire pour quels bassins du monde, pour quelles régions du globe elle veut utiliser ce pouvoir, M. le Président. Aïe! Il faut quand même le faire!
Est-ce que la ministre a à ce point honte de son projet de loi qu'elle ne veut pas nous dire ce qu'elle veut en faire? Avez-vous déjà entendu, M. le Président, un législateur, un ministre venir nous dire, à des membres de commission: Adoptez mon projet de loi, mais je ne vous dirai pas ce que je vais faire avec? Voyons donc! Quand un ministre est fier de son projet de loi, quand il est convaincu que c'est la chose à faire, même dans un débat semblable à celui que nous avons ce soir, qui, admettons-le, est un débat costaud, bien les gens nous disent ce qu'ils vont faire avec le pouvoir, puis ils utilisent la finalité bien plus que le détail du projet de loi pour convaincre les membres de la commission que c'est un bon projet de loi. Là, nenni, M. le Président, pas un mot sur la finalité, pas un mot sur les objectifs, pas un mot sur les résultats attendus. Non. Mais la ministre, par exemple, elle veut du pouvoir, puis elle en veut, des pouvoirs, puis des gros pouvoirs, M. le Président, qui n'existent nulle part ailleurs. Mais pas le courage de nous dire ce qu'elle veut en faire. Donc, je l'accuse, M. le Président, de ne pas vouloir nous dire ces choses.
Deuxième élément fort en réplique à la tirade de la ministre, j'accuse aussi, M. le Président, la ministre de manquer à son devoir de transparence en refusant, malgré ses discours, dans son plan annuel d'immigration, de venir nous dire quels seront les efforts de sélection du Québec qui seront faits à l'étranger. Dans la loi, dans l'actuelle Loi sur l'immigration, il est prévu de façon explicite que le plan d'immigration doit faire référence non seulement aux admissions prévues, mais doit aussi faire référence aux activités de sélection puis au nombre de CSQ qui seront émis sur la période étudiée. Je n'ai pas l'article sous les yeux, mais c'est clairement ce que la loi dit.
Pourtant, dans le plan d'immigration déposé par la ministre, elle qui pense admettre davantage dans les prochaines années, nenni, pas un mot sur le nombre de certificats de sélection. La ministre rompt à nouveau avec la tradition, refusant de rendre public le nombre de certificats de sélection. Et pourtant la loi est claire ? je remercie ma collègue députée de Prévost qui m'achemine le texte de loi au moment où je parle: le plan fait aussi état des activités de sélection projetées et indique le nombre maximum ou estimé de certificats de sélection pouvant être délivrés par catégories ou à l'intérieur d'une même catégorie, M. le Président. Je mets au défi la ministre de m'expliquer comment il se fait que, dans son plan qu'elle a déposé il y a quelques jours à l'Assemblée nationale... comment il se fait que son plan ne fait pas, d'aucune façon, référence aux activités de sélection puis aux émissions de certificats de sélection. J'accuse donc, M. le Président, la ministre de manquer à son devoir de transparence.
En somme, M. le Président, sans remettre en cause l'intégrité de la personne puis sans nier le fait que nous avons un débat costaud, jamais je n'ai vu un ministre de l'Immigration aussi entêté, jamais je n'ai vu un ministre de l'Immigration manquer à son devoir le plus fondamental, qui est un devoir de transparence, puis jamais je n'ai vu un ministre de l'Immigration manquer autant de respect pour les consensus qui sont établis dans cette Assemblée depuis longtemps, bien avant elle, bien avant moi, M. le Président, qui nous ont pourtant tous animés lorsqu'est venu le temps de discuter des questions d'immigration.
J'accuse la ministre, M. le Président, de jeter aussi de l'huile sur le feu en laissant entendre, par ses propos et en se braquant derrière des recommandations du CRARR, que nous aurions une vision de la question du profilage racial qui tendrait à banaliser cette question. Je plaide et je maintiens, puis je suis prêt à défendre ça n'importe quand: ce que fait la ministre avec ce pouvoir où elle se donne le droit de bloquer des bassins, ce n'est rien de moins que du profilage racial. Elle se donne le droit d'identifier un territoire national ou des territoires nationaux et de dire que, parce que des gens habitent ce territoire national ou cette région du globe, elle bloque les bassins. M. le Président, jamais cette question n'est venue à l'ordre du jour lorsqu'on recevait 60 %, 65 % de gens qui venaient de France. Ça, c'était correct, puis soudainement, parce qu'ils vont venir du Maghreb, il y a un problème.
Vous voyez tout le débat de fond, je l'ai bien illustré, j'ai essayé de poser des questions précédemment, je ne reviens pas à l'essentiel. Et c'est pour ça qu'en dernier ressort, M. le Président, je suis obligé de le faire à 23 h 40, ce soir, alors qu'il y a bien des gens qui ont peu d'intérêt à ce moment-ci pour des débats parlementaires, qui dorment sur leurs deux oreilles. Mais je demande à la ministre qu'elle vienne regarder les gens de la communauté maghrébine dans les yeux de leurs représentants puis qu'elle nous dise, M. le Président, puis qu'elle dise publiquement, comme on dit dans la langue de Shakespeare, «on record, on camera», qu'elle vienne nous dire pourquoi il faut bloquer le bassin du Maghreb.
C'est ce que je présume. La ministre, ça fait deux, trois fois, là, que j'affirme que c'est le Maghreb qu'elle veut bloquer, elle ne l'a pas nié encore. Elle ne l'a pas nié encore. Puis on va être quelques-uns à continuer de l'affirmer, on va bien voir, à un moment donné, il va sûrement y avoir une esquisse d'une idée à quelque part, ou d'une opinion, sur cette question, qui va sortir.
n(23 h 40)n Mais j'aimerais donc entendre, moi, les gens de la communauté maghrébine s'exprimer, parce que ce qu'on lit dans leurs journaux, c'est que ces gens-là... Si vous pensez, M. le Président, que nous sommes inquiets, que la députée de Prévost est inquiète, attendez de voir ce qu'ils écrivent dans leur propre journal. Ma collègue députée de Prévost a cité un certain nombre d'articles qui ont paru dans un magazine, les inquiétudes sont réelles. Et la ministre ne peut pas d'un côté souffler le froid et le chaud, dire que nous sommes contents d'accueillir ces gens, qu'ils contribuent à la vie québécoise et qu'ils le font de façon exceptionnelle, puis d'un autre, M. le Président, dire à ces mêmes représentants qu'il y a là un problème.
Qu'est-ce qu'ils nous disaient, ces représentants, dans Maghreb Canada Express, publié, M. le Président, le 6 juin 2004? «Mais là on se demande ? et je cite ? si nos représentants communautaires autoproclamés...» Ça ressemble à des paroles qui ont déjà été tenues, ça, par un député à l'Assemblée nationale, ce n'est pas moi qui l'écris, hein? «...là où on se demande si nos représentants [de communauté] autoproclamés ne sont pas tombés sur la tête, c'est de les voir continuer d'afficher un enthousiasme sans réserve quand Mme la ministre avait annoncé son moratoire sur l'immigration en provenance du Maghreb! Plus exactement de certains bassins migratoires, a-t-elle déclaré, pour ne viser aucun pays en particulier. Cependant, Mme la ministre nous a confirmé, en conférence de presse, que le Maghreb est bel et bien dans le collimateur. Comment est-ce possible que nos "leaders" se taisent sur ce projet de loi [n° 55] modifiant les critères de sélection de l'immigration, alors que celui-ci avait déjà soulevé un tollé de la part de l'opposition à Québec?» Puis je pourrais continuer la lecture de l'article, M. le Président, qui termine sur des accusations toutes aussi lourdes et encore plus lourdes même, je devrais dire, que celles que nous formulons.
Donc, entendre leur éclairage. Pas, là, nous, ici, entre nous, à la commission parlementaire, à l'abri, à 23 h 30, dans notre petit climat douillet, confortable, à discuter et à deviser sur les politiques d'immigration, là. Face à face, là. Face à face avec les gens, les yeux dans les yeux, qu'elle vienne dire en quoi ces candidats ou ces candidates ont des caractéristiques qui pourraient constituer une menace à la diversité du patrimoine socioculturel québécois.
Puis, si c'est le cas pour eux, comment se fait-il que jamais cette question de la menace à la diversité ne s'est posée auparavant, M. le Président? Cette question aurait très bien pu se poser ailleurs, dans d'autres parties du Canada. Est-ce qu'un seul instant vous imaginez un ministre de l'Immigration en Colombie-Britannique avoir le culot de se lever dans leur Assemblée législative puis dire: La présence des Asiatiques venus en grand nombre, puis sélectionnés par le Canada, pas des réfugiés, là, sélectionnés par le Canada, qui sont arrivés au début des années quatre-vingt-dix à cause de la réunification d'Hong Kong, qui passait à la Chine... Plusieurs personnes très inquiètes se sont retrouvées dans le Pacific Rim puis en particulier au Canada, puis en particulier en Colombie-Britannique. Y a-tu quelqu'un qui s'est levé pour dire que ça constituait une menace à la diversité du patrimoine socioculturel canadien ou du patrimoine socioculturel de la Colombie-Britannique?
Imaginez-vous 30 secondes combien de temps un ministre de l'Immigration aurait pu survivre en Colombie-Britannique, politiquement bien sûr, s'il avait tenu des propos semblables à ceux-là? Est-ce qu'on a entendu un intellectuel canadien, de gauche ou de droite, venir dire que la contribution des Asiatiques en Colombie-Britannique puis ailleurs au Canada était une menace à la diversité du patrimoine socioculturel canadien? Est-ce qu'on est en train d'accepter, comme société, qu'on se lance dans un processus d'ingénierie sociale au nom de la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel? Attention! Attention, M. le Président! Tous sont contents. Je n'ai entendu personne remettre en cause la présence importante des communautés asiatiques.
Oui, dans ce grand mouvement, il y a eu toutes sortes de choses. Il y a eu des gens qui ont profité du système. Il y a des consultants qui ont profité aussi du système. Il y a des gens qui ont été traduits devant les tribunaux. Il y a eu un consultant, entre autres, au Québec, à un moment donné, qui a été traduit devant les tribunaux après une enquête de la Sûreté du Québec et de la GRC. Il y a eu de ces problèmes qui se sont posés quand il y a des grands volumes qui apparaissent. Il y a eu aussi, à un moment donné, un resserrement des autorités fédérales parce qu'à l'époque un problème auquel les ministres de l'Immigration étaient confrontés, c'est celui de la validité des documents.
Il devient parfois très difficile pour les représentants à l'étranger de valider la qualité des documents qui sont présentés en soutien à une demande d'immigration. Puis, à un moment donné, certains ont questionné notre processus, puis le gouvernement fédéral a resserré ses critères et ses exigences, et nous avons établi des nouveaux processus de collaboration, au point, M. le Président, qu'à l'époque ? et j'espère ne pas me tromper ? si mon souvenir est bon, j'avais même accepté que les bureaux d'immigration du Québec soient dans les bureaux de l'ambassade canadienne pour faire en sorte que les informations circulent le plus rapidement possible entre les fonctionnaires fédéraux et les fonctionnaires provinciaux, et que l'expertise des deux administrations publiques soit mise ensemble pour qu'on s'assure que les documents qui soient présentés ne soient pas des documents sans valeur, puis qu'on ne s'en fasse pas passer une petite vite, pour reprendre une expression bien québécoise de chez nous. Alors, il y en a eu, des problèmes, avec cette vague d'immigration, mais je n'ai entendu personne venir dire que ce grand mouvement d'immigration était une menace à la diversité du patrimoine socioculturel. Et l'immigration s'est toujours faite par vagues, en particulier en ce qui concerne les réfugiés.
Je comprends que les réfugiés ne sont pas visés ici, mais, si on accepte le concept de gestion de la diversité du patrimoine socioculturel pour des travailleurs indépendants qu'on sélectionne avec la grille EMP, à la limite, le raisonnement, il vaut aussi pour des réfugiés puis il vaut aussi pour des réfugiés d'ordre humanitaire. Est-ce que, au nom de la diversité du patrimoine socioculturel, les Bosniaques, quand on les a accueillis, il aurait peut-être fallu en accueillir la moitié moins, ou peut-être davantage? Au début des années quatre-vingt-dix, quand on a accueilli des milliers de Libanais, est-ce qu'au nom de ce principe de la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel on aurait pu penser un jour que ça constituait une menace? Alors, où est la menace? Puis où est la menace du Maghreb à la gestion de... à l'intégrité, devrais-je plutôt dire, du patrimoine socioculturel québécois? Alors, ce sont des questions de fond que je soulève, M. le Président.
Puis peut-être qu'à une autre époque... Vous vous souvenez, M. le Président, vous comme moi, des dispositions qui se sont retrouvées dans la loi fédérale au sujet des immigrants d'origine italienne. Vous vous souvenez aussi les excuses qui ont été celles d'un Parlement fédéral qui avait adopté des lois qui contenaient des dispositions je ne dirais pas semblables, mais qui avaient comme effet de bloquer, comme candidats à l'immigration, des candidats venant d'un pays. Ça a été ça... très rapidement raconté, sans mise en contexte, j'en conviens bien, puis avec quelques raccourcis, là, mais ça a été ça la...
Une voix: ...
M. Boisclair: J'en conviens bien, M. le Président. Je peux reciter au texte, M. le Président. Moi, je n'ai pas de fonctionnaires, Mme la ministre, qui me préparent des notes. Puis ce que je mets ici, c'est mon coeur. Je mets ici, sur cette table, mes tripes et mon coeur. Puis, si la ministre se moque parfois des hésitations que je peux avoir dans mon propos et des raccourcis que je peux faire, si j'avais autant de fonctionnaires qu'elle en a pour faire ses discours, pour mener ce débat de fond... Moi, au moins je m'essaie dans les questions que je pose, la ministre devrait avoir au moins autant de courage de s'essayer quand elle répond aux questions puis de répondre aux trois questions que je lui pose depuis le début de la soirée. Rien de ça, M. le Président. Alors, je m'excuse de ces hésitations puis de ces raccourcis, M. le Président, mais les gens comprennent, je pense, vous et les autres membres de la commission, comprennent l'essentiel de mon propos.
Donc, je veux...
Le Président (M. Cusano): Excusez. M. le député de Laval-des-Rapides?
M. Paquet: Juste en question de règlement. Peut-être un peu... le leader de l'opposition a versé un peu sur le bord... à tout le moins, très proche d'imputer des motifs encore une fois à la ministre. Je vous demanderais peut-être de rappeler le leader à la prudence à cet égard-là.
Le Président (M. Cusano): Oui, M. le député de Laval-des-Rapides. J'invite tout le monde à la prudence, et je comprends qu'on est rendu à une heure tardive. Alors, oui, effectivement je vais inviter tout le monde à la prudence dans leurs propos. Juste un rappel à la prudence.
M. Boisclair: M. le Président, ce n'est pas parce que je frôle la limite de vitesse que je dépasse la limite de vitesse.
Le Président (M. Cusano): Pardon?
M. Boisclair: Ce n'est pas parce que je frôle la limite de vitesse que je dépasse la limite de vitesse. Puis...
Le Président (M. Cusano): Vous pouvez continuer, M. le député.
M. Boisclair: Alors, M. le Président, je pense que l'idée de la motion est simple: qu'on fasse le débat ouvertement. Le principe de patrimoine socioculturel est dans la loi. Je ne remets pas ça en cause. La ministre est venue le rappeler en citant des articles de l'actuelle loi. Mais la gestion de la diversité fait appel à un tout autre concept, puis ça, là, ça n'existe pas dans la loi. Ça n'existe pas, c'est un concept tout à fait nouveau. Puis, moi, je veux savoir, M. le Président, ce que pensent les représentants de la communauté maghrébine, puis au premier chef le Centre Maghrébin de recherche et d'information, de l'impact de cette loi puis de la décision de la ministre. Puis je veux que la ministre nous dise, à nous puis à ces personnes, en quoi l'arrivée d'un plus grand nombre de candidats qui viennent du Maghreb constitue une menace à la diversité du patrimoine socioculturel.
n(23 h 50)n M. le Président, ce pouvoir n'est pas naïf et, si nous intervenons avec autant de force, c'est parce que, si, au minimum, la ministre persiste et signe et s'entête à vouloir se faire accorder ce pouvoir par ses collègues puis si ses collègues députés l'appuient et ne voient pas les choses de la même façon que nous, tous vont convenir que ce pouvoir doit être mieux balisé.
Oui, il est balisé par une décision du Conseil des ministres, puis tout le processus, tout l'appareil administratif qui vient avec. Mais, M. le Président, si vous pensez que c'est suffisant, ce type de processus qui conduit à une décision du Conseil des ministres, regardez juste l'actuel projet de loi. C'est ce processus qui conduit à une décision du Conseil des ministres, parce que la loi, là, qu'on a devant nous, là, elle est passée dans un comité ministériel, elle est allée au Comité de législation, sans doute les gens du Conseil du trésor ont dû jeter un petit coup d'oeil, puis ça s'est retrouvé au Conseil des ministres, puis un sceau du Conseil des ministres. Bien, c'est cette oeuvre qui s'est valu les critiques du Protecteur du citoyen, de la Commission des droits de la personne, de l'Association du Barreau canadien, de l'Association québécoise des avocats en droit de l'immigration, du Conseil des relations interculturelles. Donc, si vous pensez que ce processus d'encadrement d'un pouvoir discrétionnaire est ce qu'il y a de plus sublime, de plus parfait, là, détrompez-vous.
Nous en avons la preuve devant nous avec le projet de loi. Le Conseil des ministres va lui-même être obligé de s'amender, le Comité de législation va lui-même aussi être obligé de s'amender parce qu'on nous annonce des amendements. Donc, ce mécanisme n'est pas à toute épreuve. Il ne nous met pas à l'abri d'un glissement qui nous conduirait direct à la discrimination pure et simple, qui nous conduirait direct au profilage racial, puis qui nous conduirait à des politiques qui seraient fondées essentiellement sur... «essentiellement» n'est pas le mot juste, mais qui seraient, entre autres, fondées sur l'appartenance nationale des candidats et des candidates à l'immigration.
Puis je repose la question, M. le Président. Si je veux entendre les gens de la communauté maghrébine puis du Centre Maghrébin de recherche et de l'information, c'est parce qu'il y a une tout autre question aussi qui n'a jamais été tranchée. La loi, M. le Président, là, quand ça existe, les législateurs ne parlent pas pour rien dire. Puis il y a des principes qui apparaissent des fois qui viennent encadrer ou orienter les activités de l'administration. La Loi sur l'immigration du Québec, elle vient dessiner le champ d'action, mais elle vient aussi parler de valeurs.
Une des valeurs qui est contenue, sur laquelle on s'est longtemps appuyé, c'était celle de la capacité d'accueil de la société québécoise. C'était sans doute, dans la loi et dans les politiques québécoises, l'élément qu'on aurait pu qualifier de plus subjectif, parce que les niveaux, ils sont en fonction de la capacité d'accueil de la société québécoise. Mais pourtant, dans tous les énoncés de politique qu'on a connus, la capacité d'accueil, d'une certaine façon, elle a été encadrée dans un discours public où les ministres sont venus s'expliquer. Mais jamais, au nom de la capacité d'accueil, on n'est venu bloquer des bassins. On est venu dire: La capacité d'accueil... Essentiellement, c'était la question de l'emploi puis de l'intégration sur le marché du travail. Ça a été l'élément clé sur lequel on est venu un peu définir la capacité d'accueil. Donc, la loi contient déjà un certain nombre de principes qui sont un peu plus subjectifs, puis on s'en est servi pour établir des niveaux d'accueil.
Puis ces valeurs aussi sont venues nous influencer sur notre action quant aux oeuvres humanitaires puis aux gestes humanitaires que nous pouvons poser à travers une politique d'immigration. Parce que le Québec a toujours été soucieux d'accueillir des gens mal pris ailleurs dans le monde, et d'ouvrir leurs bras, puis de la générosité québécoise pour accueillir ces personnes souvent menacées dans leur vie. L'immigration donc correspond aussi à des valeurs qui sont celles de la société québécoise.
Puis nos politiques d'immigration à la fois répondent, à un pôle, à des préoccupations économiques puis, à un autre pôle, à des questions humanitaires puis la question de valeurs, puis c'est entre ces deux pôles qu'on est venu définir la capacité d'accueil. Donc, quand on parle de la capacité d'accueil en matière d'intégration, on ne parle pas de quelque chose de flou. C'est quelque chose de documenté, qui a fait l'objet de bien des débats. C'est une idée qui a été discutée ici, en commission parlementaire, puis qui a trouvé un relatif consensus. Mais là la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel: jamais, jamais aucune, aucune discussion sur ce concept et aucune balise, aucune balise sur ce concept.
Ma question était donc la suivante, M. le Président: Pourquoi introduire ça dans la loi? Pourquoi est-ce qu'on a besoin d'introduire, dans ce que sera le plan d'immigration, une référence à la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel québécois? Quelle est la valeur ajoutée d'avoir ça dans un plan d'immigration? Moi, M. le Président, je serais bien curieux d'entendre les gens du Centre Maghrébin de recherche et d'information venir répondre à cette question-là. Parce que, si on pouvait comprendre la référence sur la capacité d'accueil dans la politique d'immigration de Mme Gagnon-Tremblay, puis que tous n'ont pas hésité à dire: Oui, il y a là quelque chose, une vraie limite, puis qu'on s'est retrouvés parfois en commission parlementaire avec des gens qui disaient: Il faut plafonner les niveaux, il ne faut pas les augmenter... ils l'ont fait au nom de la capacité d'accueil. Mais est-ce qu'au nom de cette gestion de la diversité socioculturelle, à un moment donné, on va venir pour dire... exprimer des préférences puis des valeurs qui n'ont rien à voir avec tout ce que les politiques d'immigration ont poursuivi? Il me semble, M. le Président, que c'est d'aller loin.
Donc, je ne me sens pas mal à l'aise de mener ce combat. Je le fais de façon très sereine, je le fais de façon costaude, parce que j'aurais honte, M. le Président, que notre Assemblée nationale adopte une loi avec des références comme celles-là. Puis je le répète encore à mes collègues: Je n'ai aucun gain parlementaire à utiliser la bataille parlementaire comme nous le faisons, il n'y a rien au menu législatif. Cassons-nous pas l'esprit, là, c'est simple comme bonjour à comprendre.
Ce projet de loi non plus ne répond à aucun impératif financier, là. Des fois, les ministres sont pressés d'adopter des projets de loi, utilisent le bâillon parce que le président du Conseil du trésor attend les retombées d'un projet de loi, puis des fois ça justifie le bâillon. On n'est pas là-dedans, dans ce projet de loi là. On n'est pas là-dedans: pas d'impact financier, pas d'impact sur les relations fédérales-provinciales, pas d'impact sur les relations internationales qui pourrait justifier des gestes urgents. Et un débat, un concept neuf qui apparaît, qui sort d'une boîte de Cracker Jack, M. le Président, j'aurais honte de voter une loi à l'Assemblée nationale, qui vient introduire un principe comme celui-là. Puis qu'à la limite, M. le Président, si la ministre n'est pas d'accord avec moi, elle devrait peut-être reconnaître que le consensus que nous avons établi sur les politiques d'immigration, dans ce Parlement, il vaut quelque chose.
J'ai fait la démonstration qu'il n'y a aucune valeur ajoutée à ajouter la référence à la gestion de la diversité du patrimoine socioculturel. J'indique tout de suite que la référence qui est faite par la Commission des droits de la personne, qui fait référence à l'enrichissement du patrimoine socioculturel, nous convient. Je peux-tu vous dire que, si la ministre, dans ses remarques préliminaires ou n'importe quand, nous avait dit: Cette question-là, elle est réglée, on n'en serait pas là où on en est aujourd'hui?
La ministre devrait mettre de côté son entêtement, devrait prendre la soirée pour réfléchir, puisqu'elle n'a aucun gain sur le plan financier, sur le plan des relations fédérales-provinciales, elle n'a aucun intérêt. Elle devrait avoir la sagesse d'écouter l'opposition, même si elle ne partage pas entièrement notre point de vue, pour maintenir ce consensus. Parce que, si on rentre dans une bataille, dans les familles politiques, sur cette question, je ne suis pas sûr, moi, que le Québec va sortir grandi, puis je ne suis pas sûr, moi, qu'on va être bien content de ce qu'on va entendre sur les ondes de la télévision puis de la radio, parce qu'on a encore, au Québec, malgré cette société généreuse, encore des nombreux problèmes de perception. Des sondages ont été faits, la ministre de l'Immigration les connaît. Il y a encore, dans notre société, du racisme. Il y a encore de l'intolérance, ça existe. Et tous les ministres de l'Immigration ont compris ça puis tous les ministres ont évité de tomber dans une game politique sur la question de l'immigration. Ce consensus, il a de la valeur. Il a de la valeur. Puis, avant de le briser, il me semble, M. le Président, qu'il faudrait y réfléchir.
Et, compte tenu de l'heure, M. le Président, ce que nous allons sans doute commencer par faire, c'est d'aller nous reposer. Mais ce débat, M. le Président, je le fais de façon fière, entouré de ma porte-parole remarquable.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Gouin, on a du personnel qui nous indique justement le temps de parole, puis ainsi de suite, je voulais juste vous dire qu'il vous restait encore 1 min 30 s. Alors, bien je comprends que vous avez terminé. Et alors, compte tenu de l'heure, vous allez me permettre d'ajourner nos travaux sine die.
(Fin de la séance à minuit)