(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Cusano): Alors, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Et, avant de débuter nos travaux, je vous demanderais d'observer une minute de silence à la mémoire d'un homme qui a passé des heures, des semaines, des mois dans ce salon à présenter, consulter, débattre des projets de loi. Alors, une minute de silence à la mémoire de M. Ryan.
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(9 h 35 ? 9 h 36)
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Le Président (M. Cusano): Je voudrais rappeler aux membres de la commission que notre mandat actuellement est de tenir une consultation générale à l'égard du document intitulé La planification des niveaux d'immigration 2005-2007.
Avant de demander à Mme la secrétaire, s'il y a des remplaçants, j'aimerais souligner et dire bienvenue à notre nouvelle secrétaire de la Commission de la culture, Mme Sonia Grenon. Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques) remplacé par Mme Papineau (Prévost) pour la durée du mandat et M. Bourdeau (Berthier) est remplacé par M. Thériault (Masson) pour la durée du mandat.
Le Président (M. Cusano): Merci. L'ordre du jour d'aujourd'hui est le suivant: cet avant-midi, nous procéderons aux remarques préliminaires puis nous entendrons M. James Archibald et, ensuite, MM. Pierre Fortin et Marc Van Audenrode. Cet après-midi, nous entendrons l'Association des intermédiaires financiers du Programme immigrants investisseurs du Québec, Solidarité ethnique de la Yamaska, la Fédération étudiante universitaire du Québec et la Centrale des syndicats du Québec.
Avant de céder la parole aux membres de la commission qui désirent faire des remarques... formuler des remarques préliminaires, j'aimerais que les membres de la commission m'indiquent de quelle façon qu'on va partager la période d'échange. C'est-à-dire, vous savez que nos invités ont 20 minutes pour... une période maximale de 20 minutes pour présenter leur mémoire, et chaque formation politique a une période de 20 minutes pour échanger avec nos invités. Au niveau de la Commission de la culture, il a été de coutume de procéder par des blocs de 10 minutes en alternance. Est-ce que ça vous convient?
Une voix: ...
Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, j'invite tous ceux qui ont des déclarations d'ouverture de bien m'indiquer s'ils veulent parler. Mme la ministre.
Déclarations d'ouverture
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: ...plaisir. Merci, M. le Président. Mmes et MM. les parlementaires, j'aimerais d'abord, avant de débuter ces remarques, vous présenter les gens qui m'accompagnent: ma sous-ministre adjointe, Mme Maryse Alcindor, qui est responsable de tout le volet immigration et relations interculturelles pour le ministère; l'attachée politique à l'arrière, Mme Viviane Moreno, qui aussi à mon cabinet... elle s'occupe des mêmes questions; et vous verrez circuler de temps à autre mon attaché de presse, M. Desharnais.
Alors, nous participons aujourd'hui à un exercice démocratique extrêmement important qui, nous le remarquons, prend beaucoup plus de place dans notre actualité et nous démontre qu'il devient un enjeu de société primordial. Alors, je tiens à vous assurer notre entière collaboration tout au long de cette commission.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler les origines de cette commission. La première consultation publique en matière d'immigration à se tenir dans le cadre d'une commission parlementaire a eu lieu en 1991, à l'occasion de l'énoncé de politique intitulé Au Québec pour bâtir ensemble, une initiative du gouvernement libéral de l'époque. Le Québec venait alors, avec l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains, de se doter d'un outil crucial qui lui permettrait d'agir directement en matière d'immigration afin de contribuer à son redressement démographique, à la pérennité du fait français, à sa prospérité économique et à son ouverture sur le monde. Nous en sommes au quatrième exercice du genre. Celui que nous entreprenons aujourd'hui a pour objectif de trouver un point d'équilibre entre les besoins liés à la dynamique démographique et à la capacité de la société québécoise à intégrer harmonieusement les nouveaux arrivants, dont les deux tiers sont accueillis dans le cadre des programmes de sélection du Québec.
Nous avons reçu plus de 80 mémoires ? un record ? pour cette consultation qui ont tous été analysés et dont les recommandations seront prises en compte. Toutes les personnes et tous les organismes qui ont préparé ces mémoires n'ont pas tous demandé à être entendus devant nous. En fait, plus d'une cinquantaine de personnes et d'organismes défileront devant cette commission au cours des prochaines semaines. Ceci traduit l'importance que les différents intervenants de tous les milieux accordent aux enjeux soulevés par l'immigration. Cela témoigne que la nécessité de l'immigration devient un véritable enjeu de société et certainement une plus grande conscientisation de ce phénomène qui émerge au Québec. Je tiens donc à remercier très sincèrement toutes les personnes et organismes qui ont rassemblé leurs idées et leurs réflexions et qui ont pris le temps de rédiger un mémoire.
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(9 h 40)
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Ces enjeux revêtent encore plus d'importance, puisque nous faisons face actuellement à des défis majeurs liés au vieillissement de notre population et à notre faible taux de natalité. Ces phénomènes ont des incidences marquées sur le renouvellement de notre main-d'oeuvre et la vitalité de notre économie et, indirectement, sur l'avenir de notre société. Si la tendance actuelle se maintient, nous pourrions assister, dans un horizon de 25 ans, à une baisse marquée de la taille de la population québécoise et, d'ici 10 ans, à un déclin de la population en âge de travailler. D'ailleurs, on note déjà une baisse de la population dans six des régions administratives du Québec. La conjugaison de ces deux facteurs aura une incidence certaine sur le développement de notre économie et celle de plusieurs régions. Le Québec en entier en sera affecté.
Le Québec est effectivement à un tournant majeur de son évolution. Si nous n'intervenons pas maintenant, il nous sera difficile de contrer ces tendances démographiques. Dans les années soixante, on comptait huit personnes en âge de travailler pour une personne de plus de 65 ans. Aujourd'hui, ce rapport s'établit à cinq pour un et, en 2030, il sera de deux pour un. Selon les données de l'Institut de la statistique du Québec de février 2004, de 965 000 qu'il est aujourd'hui, le nombre de personnes de 65 ans et plus passera à 2,2 millions en 2031. On a peine à imaginer les coûts liés à ces perspectives de décroissance démographique et la pression énorme que nous mettrons sur nos institutions, notamment sur notre système de santé. Si nous n'intervenons pas maintenant, ce sont nos jeunes qui auront à faire face à ce choc démographique. Il deviendra alors difficile d'infléchir cette tendance et de garantir au Québec sa position stratégique et concurrentielle ici même, au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde.
Les perspectives démographiques exigent une vaste réflexion et des actions concrètes. Le gouvernement se doit de moderniser et d'adapter ses pratiques afin de s'assurer que le Québec, aujourd'hui comme à l'avenir, continuera de briller parmi les meilleurs. L'immigration représente un levier stratégique privilégié pour infléchir ces tendances démographiques et pour assurer le développement social, économique et culturel de notre société. En ce sens, nous avons la responsabilité d'adapter nos interventions à l'évolution de l'ensemble des enjeux qui sous-tendent l'immigration, l'intégration, de même que les relations interculturelles.
Pour que le Québec demeure attrayant dans ce domaine, nous devons être en mesure d'offrir aux nouveaux arrivants que nous accueillons chez nous et pour lesquels nous investissons des ressources de meilleures conditions d'intégration. Voilà pourquoi cette intégration des milliers de personnes qui viennent chaque année contribuer à notre développement collectif est un enjeu des plus importants. Il ne suffit pas d'augmenter le volume des nouveaux arrivants à chaque année, il faut aussi être capable d'offrir le soutien nécessaire à cette intégration complète et harmonieuse. Il faut développer les bons moyens, s'assurer que ce que nous investissons, ce que nous offrons répond à leurs réels besoins. En ce sens, nous devons, comme société, entreprendre un virage. Durant les neuf dernières années, le gouvernement a concentré ses efforts sur la francisation de nouveaux arrivants. C'est bien, la francisation, bien sûr, c'est à la base d'une participation active à la société québécoise. Mais nous devons aller plus loin. L'intégration des nouveaux arrivants commande une action plus large qui implique tous les acteurs de la société: le gouvernement, les ministères et organismes, les municipalités, le monde des affaires, les entreprises, les organismes communautaires. Le succès de l'intégration doit être une responsabilité partagée de tous.
Les personnes qui viennent s'établir chez nous sont à la recherche d'un avenir meilleur. Nous devons en ce sens mieux les outiller afin qu'elles puissent accéder plus rapidement et plus efficacement au marché du travail et qu'elles puissent se trouver un travail correspondant davantage à leurs attentes. L'accès à un emploi à la hauteur de leurs compétences représente l'une des aspirations profondes des individus, et, vous le savez, un des obstacles à l'insertion à l'emploi pour les nouveaux arrivants reste la reconnaissance de leur formation et de leurs compétences. Cette question est complexe, je le reconnais, mais cette complexité ne doit pas nous dispenser d'agir. Tant les employeurs que les organismes de réglementation des métiers et professions, et au premier chef les ordres professionnels, semblent avoir toujours de la difficulté à reconnaître pleinement ces formations et ces compétences. Des actions ont été menées, mais ce n'est pas suffisant. Les résultats sont bien en deçà des attentes. La société québécoise, les employeurs, les organismes représentatifs ne sont pas assez conscients du potentiel des personnes immigrantes et de l'importance de ces obstacles. Je m'interroge également sur les efforts réels qui sont faits. Est-ce qu'on fait vraiment... est-ce qu'ils font vraiment tout en leur pouvoir pour éliminer ces barrières à l'emploi? Est-ce qu'on assume suffisamment les responsabilités à l'égard des personnes compétentes qui souhaitent simplement, simplement exercer leur profession?
Par ailleurs, j'ai entendu, au cours de la tournée de consultation que j'ai effectuée, des employeurs et des leaders des différentes régions du Québec demander un meilleur arrimage entre les besoins en main-d'oeuvre et la sélection que le ministère fait à l'étranger. Certaines régions ont davantage besoin de soudeurs, de mécaniciens, d'opérateurs de machinerie que de diplômés universitaires. Nous devrons en tenir compte.
J'ai aussi constaté que les données sur le marché du travail nous révèlent que certains groupes de la population sont largement sous-représentés, et ce, qu'ils soient nouvellement arrivés ou ici depuis quelques générations. Je pense, entre autres, bien sûr aux Québécois et Québécoises des minorités visibles. Comment comprendre que des personnes scolarisées nées ici, issues des minorités visibles, n'ayant aucun problème de scolarité, ou de reconnaissance de diplôme, ou d'expérience soient deux fois moins... soient deux fois plus, pardon, en situation de chômage? Cette question m'interpelle et me trouble énormément. Nous ne pouvons expliquer cette situation qu'en reconnaissant collectivement que des personnes vivent de la discrimination en raison de leur origine ou de la couleur de leur peau. C'est inacceptable dans une société qui a comme valeur fondamentale l'inclusion.
Au cours de cette commission, je vais non seulement écouter afin d'identifier des pistes de solution à ces problèmes et valider celles que nous avons en tête ? vous le savez, un plan d'action sera déposé sous peu ? mais je vais aussi avoir des attentes. Le gouvernement ne peut travailler seul à modifier le cours des choses. Les représentants des régions, les acteurs socioéconomiques, les employeurs doivent agir dans leur milieu. Ils doivent aussi investir dans l'avenir par l'intégration de ces nouvelles Québécoises et de ces nouveaux Québécois. Je dis investir, car il y aura un coût. Il faut du temps, mais parfois moins qu'on le croit, pour qu'un travailleur étranger devienne un employé parfaitement intégré et performant. Mais ce nouvel employé apporte aussi un bagage de connaissances et de savoir-faire qui nous enrichit tous collectivement. Nous devons mettre en commun et ensemble toutes les ressources, car les solutions sont aussi entre les mains de plusieurs, entre les nôtres, celles de ces intervenants, et la réponse à cette problématique se trouve dans l'effort collectif et complémentaire des différents acteurs.
Ceci est d'autant plus important que nous avons d'importants défis à relever, notamment au regard du renouvellement de cette main-d'oeuvre. Dans les perspectives professionnelles, pour la période 2002-2006, Emploi-Québec fait état d'une demande de main-d'oeuvre qui devrait totaliser 640 000 postes, dont plus de 350 000 pour le seul remplacement des retraités et des décès. Donc, des pénuries de main-d'oeuvre se profileraient à l'horizon dans presque tous les secteurs de l'activité économique et dans bon nombre des régions au Québec. Ces pénuries pourraient même s'amplifier au fur et à mesure qu'on se rapprochera du début du déclin de la population en âge de travailler prévu en 2010.
Par ailleurs, le financement des services publics, notamment santé et sécurité sociale, pourrait devenir de plus en plus difficile, on le voit, on le sait, cette population en âge de travailler représentant une proportion de moins en moins grande de la population totale. L'immigration, parce qu'elle permet un apport direct et immédiat de jeunes travailleurs qualifiés et éventuellement d'entrepreneurs et d'investissements ? et on en parlera aujourd'hui ? bien sûr, ce n'est pas la seule solution, mais une des solutions aptes à contrer les effets néfastes de ces pénuries.
L'immigration peut aussi contribuer à la vitalité du fait français au Québec. Près de 15 ans après la publication de l'énoncé politique de Mme Gagnon-Tremblay, le consensus en la matière demeure ferme au Québec: la préservation de l'identité culturelle de la société québécoise et la pérennité du fait français représentent toujours un enjeu majeur de développement. La prise en compte de cet enjeu pour une société comme la nôtre, francophone, noyée dans un continent nord-américain anglophone, exige la poursuite et même l'accentuation des efforts que nous avons déjà consentis. Cette poursuite s'impose notamment parce que la maîtrise du français constitue une condition indispensable à une participation pleine et entière à la vie économique, politique, sociale et culturelle de notre société. Mais ces efforts doivent être cependant adaptés aux réalités nouvelles de l'immigration, aux réalités d'aujourd'hui pour continuer à produire des résultats attendus en termes d'adaptation. Je pense à des services davantage centrés sur les besoins des individus, compte tenu de leur profil professionnel et aussi de leurs contraintes en termes d'accessibilité et de flexibilité dans les horaires et les formules d'apprentissage.
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(9 h 50)
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En effet, les modifications dans la taille et la composition de l'immigration des dernières années combinées aux transformations du marché du travail ont provoqué à la fois une demande accrue, je dirais même une pression, sur les services de francisation, en plus de faire apparaître de nouveaux besoins. Ainsi, bien que le nombre des immigrants connaissant le français à leur arrivée au Québec ait augmenté, ils sont quand même plus nombreux à recourir à ces services pour améliorer leur maîtrise de la langue française, particulièrement en emploi. Le défi demeure d'actualité.
Autre enjeu auquel nous faisons face, c'est celui d'une meilleure répartition des nouveaux arrivants sur le territoire du Québec. Les actions déployées par le gouvernement et par les intervenants régionaux ont permis d'accroître le nombre d'immigrants établis en région sans toutefois réussir à hausser la proportion. Ainsi, de 1991 à 2001, le nombre de personnes nées à l'étranger et établies hors de la région métropolitaine est passé de 70 000 à 85 000, soit une proportion stable d'environ 12 %. Ce n'est pas suffisant.
La régionalisation de l'immigration représente un formidable défi pour notre société, car elle vise réellement à infléchir cette tendance contraire qui est observée. Le succès ou l'échec de cette régionalisation affectera aussi l'avenir démographique et économique de plusieurs régions québécoises. En effet, pour les régions dont le déclin démographique est amorcé et dont les besoins en main-d'oeuvre sont importants, l'apport de l'immigration représente une partie de la solution pour faire face à l'urgence de la situation.
Je dois vous dire que, lors de la tournée régionale, on a quand même réalisé, et vu, et entendu de nombreux acteurs socioéconomiques régionaux qui nous ont demandé d'intervenir en ce sens, mais aussi qui ont pris conscience de cette urgence et de cette importance. Cette volonté s'est exprimée de façon particulièrement vive ici même, dans la région de la Capitale-Nationale, où les instances politiques et un bon nombre d'intervenants ont non seulement affirmé leur intention d'accueillir plus de personnes immigrantes, mais se sont également engagés dans des actions concrètes à favoriser l'atteinte de cet objectif. Deuxième pôle démographique et économique du Québec, la région de la Capitale-Nationale représente une priorité en matière de développement de l'immigration au Québec, mais ne négligeons pas la grande région de Montréal où la réalité de l'intégration peut sembler plus avancée étant donné la présence plus forte de communautés culturelles. Mais je dois vous dire qu'on a là de nouveaux enjeux d'intégration sociale et que les objectifs ne sont pas tout à fait atteints.
Je vous rappellerai donc... Et je reviendrai ? parce qu'il ne me reste que cinq minutes ? je reviendrai brièvement aux résultats obtenus parce qu'on doit aussi discuter des niveaux d'immigration pour les prochaines années. Alors, je ferai un bref rappel sur les résultats obtenus pour la planification 2001-2003. En 2001, le Québec a accueilli 37 537 nouveaux arrivants, un résultat largement supérieur au seuil minimal établi. En 2002, 37 619 ont été admis. Et, cette année, vous le savez, un chiffre presque record, puisque nous aurons admis 39 445 nouveaux arrivants. Pour 2004, le volume global devrait se situer à environ 43 000 immigrants.
Les résultats obtenus pendant cette période nous fournissent de bonnes nouvelles. Les nouveaux arrivants qui connaissent le français à leur arrivée en sol québécois sont de plus en plus nombreux, parce qu'ils atteignent plus de 50 %. C'est bien. Et notre sélection... et ils sont de plus en plus nombreux à être sélectionnés dans la catégorie de l'immigration économique. Ils sont plus scolarisés.
Donc, notre document de référence présente des scénarios de réduction et de stabilisation, des niveaux de plus légère augmentation. Ou alors devons-nous choisir une arrivée encore plus massive? Devons-nous le privilégier collectivement? C'est pour ça que d'entendre ce que ceux qui seront devant nous auront à dire sera déterminant pour notre avenir collectif.
Je vous souhaite, à tous les membres de cette commission, très certainement que les propos seront enrichissants, mais surtout qu'ils sauront nous guider pour avoir les bonnes réponses et faire les bonnes... prendre les bonnes décisions et opter pour les bons choix qui sont cruciaux pour l'avenir de notre société. Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Prévost.
Mme Lucie Papineau
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, chers collègues députés et députées de l'Assemblée nationale. Je voudrais saluer aussi les gens qui nous accompagnent, Mélanie Malenfant, qui est la recherchiste chez nous, et Luc Thériault, député de Masson, qui va nous accompagner.
Alors, je suis vraiment très heureuse de participer à cet exercice tellement important pour le développement harmonieux de la société québécoise. Il va être fort intéressant de rencontrer autant de groupes, 50... près de 50 de toutes les régions du Québec, car l'immigration est une question qui touche tous les Québécois et toutes les Québécoises. L'immigration a aussi une incidence sur tellement d'autres matières. La démographie est le principal défi auquel les politiciens, tous partis confondus, devront répondre dans les années à venir. Bien que l'immigration n'est pas la seule réponse à la problématique démographique, elle peut certainement faire partie d'une vision globale visant à infléchir sur l'évolution démographique du Québec.
Quelques données révélatrices de l'importance de l'exercice parlementaire que représente cette commission: au Québec, la population immigrée, au sein de la population totale, est de 9,9 %; en 2003, les admissions attendues devraient se situer entre 36 000 et 40 000 immigrants. Il sera peut-être inutile, là, de répéter toutes les données qu'on connaît déjà, mais il faut garder en tête que l'enjeu migratoire touche des milliers de personnes tant au Québec que partout ailleurs au monde.
Le marché du travail est en évolution au Québec, et ce, dans plusieurs secteurs d'activité diversifiés. Entre 2002 et 2006, selon Emploi-Québec, plus de 640 000 postes devront être comblés. Les possibilités d'emploi seront également plus élevées dans des emplois nécessitant une formation universitaire. L'immigration économique est certainement une réponse à cette réalité.
Le recensement de mai 2001 nous a appris que la langue française était de moins en moins utilisée par les nouveaux arrivants. 49 % des immigrants arrivés entre 1996 et 2001 utilisaient le français au travail. Depuis 1980 cependant, la proportion des allophones qui utilisent surtout le français au travail diminue continuellement. La pérennité du fait français doit demeurer une priorité pour le gouvernement du Québec.
Le gouvernement du Québec devra également continuer à se préoccuper de l'occupation dynamique de l'ensemble du territoire québécois. Entre 1998 et 2002, plus de 27 000 immigrants admis au Québec projetaient de s'installer hors de la région de Montréal. Pour des raisons évidentes, le gouvernement du Québec doit continuer à mettre tous les efforts nécessaires pour que chacune des régions du Québec bénéficie de l'immigration. Ainsi, je suis fière de représenter en cette Chambre une vision sociale et un projet de société sur l'avenir du Québec dans lequel les citoyens issus de l'immigration joueront un rôle de premier plan.
D'entrée de jeu, il m'apparaît incontournable de discuter de l'idée du gouvernement du Québec de confier à une agence indépendante le soin de gérer l'immigration au Québec. En fait, le ministère de l'Immigration n'existerait plus, à l'image de l'agence fédérale du revenu, par exemple. Nouvelle parue dans La Presse du 6 février dernier sous la plume de M. Denis Lessard, qui a la réputation d'être assez bien renseigné: les parties du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qui touchent l'immigration seraient transformées en agence.
Première question: Comment le gouvernement peut-il entreprendre une démarche de consultation sachant qu'il compte littéralement se désengager de l'immigration? Une agence indépendante gérera incidemment de façon indépendante, et ultimement on pourra choisir de mettre de côté les constats et les résultats de cette commission parlementaire autant en ce qui a trait aux niveaux d'immigration qu'aux moyens mis en oeuvre pour les atteindre. Je comprends mal comment la ministre peut nous dire, ce matin, que l'immigration représente une véritable priorité pour son gouvernement, alors qu'elle souhaite se défaire de l'imputabilité liée aux fonctions du ministre de l'Immigration. Je la mets donc en garde dès maintenant contre de malheureuses décisions qui pourraient être prises à l'égard de l'immigration au nom de la réingénierie et des baisses virtuelles d'impôts.
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(10 heures)
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Je demande donc à la ministre de clarifier ses intentions, de nous expliquer ses projets. Quels seraient les services offerts par une telle agence? Quels seraient les programmes offerts? Quel serait le lien d'autorité entre le Conseil des ministres et une telle agence? Quels seraient ses budgets? Autant de questions qui, pour que nos travaux soient constructifs, doivent être répondues dès maintenant. Je lui demande donc de déposer immédiatement son projet d'agence devant les membres de la commission afin d'éclairer nos travaux. L'immigration est effectivement un dossier majeur de l'État à l'égard duquel je serai fort vigilante.
Justement, la ministre promet, depuis plusieurs semaines déjà, un plan d'action en matière d'immigration, ce qui surviendra fort probablement à l'issue de nos travaux. Je conçois donc que ce plan d'action sera à l'image des représentations que nous aurons dans les prochaines semaines. On peut dès maintenant formuler quelques idées à l'égard d'un tel plan d'action.
Le programme libéral et les propos tenus par la ministre sur diverses tribunes nous ont informés que les mandats d'accueil et d'intégration seraient désormais dévolus aux organismes communautaires, ce qui suggère la disparition des carrefours d'intégration, et que le tout s'opérerait désormais dans les communautés plutôt que sur une base territoriale. J'invite ici la ministre à la prudence ? je la vois qui me fait signe que non. Mais, tout en reconnaissant la compétence et l'apport exceptionnel des organismes et de tous les milieux de toutes les communautés, je réitère qu'il est du devoir de l'État de faire en sorte d'éviter la ghettoïsation des nouveaux arrivants. J'espère donc voir, dans un futur plan d'action, des mesures concrètes en ce sens.
Le gouvernement conviendra certainement dans son plan d'action que l'emploi, par les contacts et les collaborations qu'il nécessite, permettra à l'immigrant de faciliter son intégration dans toutes les dimensions de la vie sociale en lui permettant également de développer un sentiment d'appartenance au Québec. Mais une insertion réussie en emploi nécessite que d'autres éléments, telle une démarche de francisation, soient réussis.
Comme il semble que le choix du gouvernement sera d'abolir les carrefours d'intégration, une transformation des façons de faire s'annonce. Cette commission nous éclairera certainement sur la nécessité et l'opportunité d'une telle manoeuvre. Je tiens à affirmer dès maintenant que le futur plan d'action, qui s'attaquera, j'imagine, à la disponibilité des outils d'apprentissage, à l'apprentissage du français dès l'étranger, à l'adaptation des services de francisation pour les employeurs et selon les régions, devra d'abord et avant tout mettre des moyens de l'avant pour réduire les délais d'attente autant pour les immigrants reçus que pour ceux en attente d'un statut de réfugié du gouvernement fédéral.
L'occupation dynamique du territoire est une préoccupation constante pour tous les députés de notre aile parlementaire. Il faut être conscient qu'il existe deux réalités de l'immigration au Québec, celle de Montréal et celle des régions. Le gouvernement du Parti québécois avait signé plusieurs ententes spécifiques en immigration avec plusieurs régions, dont la région des Laurentides, et je voudrais juste ici vous donner très brièvement un peu ce qui se passe dans la région des Laurentides.
Malheureusement, nous n'avons pas de carrefour d'intégration, mais nous avons un organisme qui s'appelle Le Coffret, qui est un centre d'orientation et de formation pour favoriser les relations ethniques. C'est un projet-pilote, justement de la fin des années quatre-vingt, avec Mme Gagnon-Tremblay, en matière d'attraction des immigrants en région. Donc, ils ont près de 15 ans d'existence. Ça fonctionne bien, mais ça pourrait aller mieux. Ils reçoivent de 150 à 200 immigrants par année. Le Coffret les accueille, leur trouve le logement, les insère dans la communauté, les dirige vers des organismes pour leur trouver des emplois.
Mais là où le problème aussi est majeur, en plus du manque de logements, c'est les cours de français en région pour les enfants. À Montréal, les enfants ont des cours de français, je vous dirais, plus longs, ce qui n'est pas le cas en région. Les enfants sont mis dans des classes souvent avec des enfants en difficulté, ce qui est très difficile pour un enfant immigrant.
Ce qu'on retrouve aussi dans les régions, c'est les immigrants investisseurs qui arrivent et qui n'ont aucune connaissance du français, ce qui est un peu la problématique de la région de Saint-Jérôme, je vous dirais, où des immigrants achètent des commerces et n'ont aucune notion de l'anglais et du français. Assez que Le Coffret doit, et même parce qu'on manque d'interprètes, exiger ou essayer d'avoir des phrases... quand il arrive, par exemple, un vol à l'étalage dans un de ces commerces, que le propriétaire puisse au moins comprendre le policier pour être capable de réagir, et c'est aussi grave que ça. Chez nous, l'immigrant ne parle ni français ni anglais, et on parle d'un immigrant investisseur. Alors, il serait primordial de s'assurer, je pense, que des cours de français soient disponibles en région surtout.
Alors, la priorité du gouvernement devrait donc être celle de travailler en partenariat avec les intervenants sur le terrain dans les différentes régions. Je crois que le gouvernement actuel devrait choisir de faire confiance à ces régions pour qu'elles puissent mener à bien ces ententes qui ont été signées par les différents partenaires socioéconomiques des régions et de faire en sorte que le MRCI fasse une réelle décentralisation des ressources dans les organismes.
Dans nos discussions avec les groupes, nous avons eu un certain son de cloche: que les régions souhaitent plus d'autonomie face au ministère dans la gestion de la régionalisation de l'immigration. Je demande donc formellement à la ministre, ce matin, d'intervenir auprès de ses collègues du ministère du Développement économique et régional afin que les organismes en immigration soient directement invités à prendre part à la Conférence régionale des élus. Ça nous apparaît la meilleure façon de faire en sorte que l'immigration devienne une réalité régionale.
Si je n'avais qu'un seul message, M. le Président, à passer ce matin, ce serait de dire à la ministre que l'urgence en immigration est plutôt à propos de la concertation des acteurs socioéconomiques de tous les milieux pour les questions d'immigration. Tous ont un rôle à jouer: les ministères, les groupes communautaires, les municipalités, les institutions d'enseignement. Un futur plan d'action, avant de mettre de l'avant de nouvelles formules, devrait plutôt voir à rassembler les acteurs qui font office de service de première ligne et à faire l'arrimage entre les différents ministères du gouvernement afin que les nouvelles réalités d'un Québec diversifié culturellement soient en filigrane de toutes les politiques gouvernementales. Il faut à tout prix éviter que les organismes communautaires se retrouvent seuls face aux réalités de l'immigration. Ainsi, il ne faut pas passer d'une forte centralisation au MRCI à une décentralisation large et non concertée, communauté par communauté.
Je pourrais parler encore longtemps, mais l'important pour moi ce matin, c'est d'entendre ce que les gens ont pris la peine d'écrire et de venir nous dire, et qui se sont déplacés jusqu'à l'Assemblée nationale. Je souhaite que nos travaux soient constructifs, et un bon pas a été fait en ce sens, au fait que les gens du MRCI nous ont rendu disponible le résumé des mémoires. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Prévost. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants pour des remarques préliminaires? Non. À ce moment-ci, s'il n'y en a pas d'autres, vous allez me permettre, dans mon cas, de faire une brève remarque.
Le président, M. William Cusano
J'étais extrêmement fier de présider cette commission sur l'immigration parce que je suis un immigrant. Je suis arrivé ici dans les années cinquante, au tout début des années cinquante, où les services gouvernementaux n'existaient presque pas, presque pas, à l'époque. Et je peux affirmer que, dans l'ensemble, même s'il y a eu certaines difficultés, l'accueil de la part des Québécois a été extrêmement chaleureux, extrêmement chaleureux. Et le Québec m'a permis d'étudier au primaire, au secondaire, collégial, universitaire, m'a permis de faire un travail, de choisir une profession, celle d'enseignant et, par la suite, de directeur d'école. Et le plus grand privilège qui m'a été accordé ici, au Québec, et cela je tiens à le dire parce qu'il n'y a pas beaucoup d'États où ça se produit, qu'un immigrant ait l'opportunité de siéger comme membre de l'Assemblée nationale. Alors, je tenais à dire ça à tous que, pour moi, c'est un honneur et un privilège en tant qu'immigrant d'avoir participé, d'avoir été accepté, d'avoir été intégré à cette société québécoise, et je crois qu'on va faire la même chose avec tous les autres qu'on attend. Alors, ceci étant dit, je vous remercie.
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(10 h 10)
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Alors, maintenant, on passe au niveau de nos invités, et je demanderais à M. James Archibald, director, Centre for Continuing Education, McGill University, de prendre place, s'il vous plaît. Alors, pour les fins du Journal des débats, je demanderais à la personne qui vient de prendre place de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.
Auditions
M. James Archibald
M. Archibald (James): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. les parlementaires, je m'appelle James Archibald. Je suis le directeur du Département d'études en traduction à l'Université McGill et je suis également directeur du Centre d'examen national pour les certifications françaises qui s'appellent le Diplôme d'études en langue française et le Diplôme approfondi de langue française, qui sont disponibles partout au pays.
Le Président (M. Cusano): M. Archibald, vous disposez d'une période maximale de 20 minutes pour votre exposé.
M. Archibald (James): D'accord.
Le Président (M. Cusano): Il sera suivi d'un échange de 40 minutes avec les membres de cette commission. Alors, allez-y.
M. Archibald (James): Très bien, merci. Pour entrer en matière, Mme la ministre a évoqué le fait que nous nous sommes réunis ici, aujourd'hui, pour la quatrième fois pour examiner les questions d'immigration. Moi-même, j'ai pu participer trois fois à cette réflexion d'ensemble. Donc, c'est un dossier qui m'intéresse tout particulièrement pour des raisons professionnelles, en tant que prof, et pour des raisons personnelles, parce que, comme vous venez de le dire, j'ai l'honneur et le privilège de me présenter devant vous en ma qualité d'immigrant qui a été reçu, ici, au Québec, et donc je suis particulièrement sensible aux enjeux présentés par le document de consultation et par toute la problématique.
Dans la mesure où je m'intéresse plutôt aux questions linguistiques, je vais, au lieu de revoir dans son ensemble les différentes remarques que j'ai pu faire dans mon mémoire, je vais me concentrer surtout sur les questions d'ordre linguistique. Toutefois, pour entrer en matière, je suis, après avoir lu le document et réfléchi à la question, d'avis que nous avons besoin d'élargir notre vision de l'immigration et que nous avons besoin d'élargir notre vision de façon à comprendre, dans notre compréhension du phénomène migratoire, les flux migratoires qui touchent non seulement le mouvement des populations de l'extérieur du Québec et du pays sur le plan international, mais également les flux migratoires à l'intérieur de la fédération canadienne, parce qu'il y a un phénomène de pertes et de gains à l'intérieur de la fédération ? et, d'autre part, parce que le Québec participe à des alliances d'autres États dans les Amériques, de voir comment notre action peut avoir un effet sur ces flux migratoires dans ces zones-là, car le Québec a mis un accent très important sur sa politique d'expansion culturelle et économique, enfin sur tout le territoire des Amériques. Si bien que j'estime qu'il est important d'élargir cette vision pour joindre dans nos actions culturelles et linguistiques à l'étranger l'étude de l'impact des flux migratoires dans un sens beaucoup plus large du terme.
Cela est d'autant plus vrai que nous recevons au Québec un bon nombre de personnes formées à l'étranger et nous cherchons, comme on l'a dit dans le document de consultation, des personnes jeunes ? il ne faudrait peut-être pas faire de l'âgisme, ici, mais enfin ? nous cherchons des personnes jeunes ayant des compétences et ayant la possibilité de s'intégrer relativement facilement dans un État dont la langue officielle est le français. Donc, c'est un enjeu très important et un enjeu qui interpelle cette vision d'avenir d'un Québec où le français demeure un fait pérenne dans le contexte, il ne faut pas l'oublier.
Je crois que, dans le document, j'ai soulevé un certain nombre d'exemples, et l'un des exemples que je voudrais vous citer dans ce contexte, c'est l'exemple de la bidiplomation. C'est un phénomène intéressant où nous pouvons collaborer avec des universités à l'étranger de façon, dans des secteurs de pointe, à former des jeunes qui sont compétents et qui ont un intérêt à travailler dans le contexte d'un État de langue française dans des universités à la fois à l'étranger et au Québec. Il existe déjà un certain nombre d'exemples sur le territoire des Amériques, et je crois qu'il faudrait approfondir des actions de ce type-là.
En tant qu'universitaire, je crois aussi qu'il est important d'élargir notre action d'échange sur le plan de la recherche, sur le plan des étudiants, sur le plan du recrutement des professeurs. On a remarqué, par exemple, dans le document que nous faisons face à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Et il est vrai aussi que, dans le milieu de l'enseignement universitaire, nous faisons face aussi à une pénurie prévisible dans la mesure où il y a plusieurs de nos professeurs qui sont sur le point de prendre leur retraite ? on vieillit, n'est-ce pas ? et il faut absolument renouveler notre stock du côté des universités. Et souvent les universités québécoises font du recrutement à l'étranger à la fois de profs et d'étudiants, et ces personnes ont souvent l'habitude de demeurer au pays après et de contribuer de façon très positive au développement du pays.
Pour revenir à la question de la langue, je crois, dans un premier temps, qu'il faut revenir sur le fait que la langue est une question purement stratégique, c'est-à-dire que, dans toutes les stratégies de développement de la société québécoise, le point de mire souvent doit être la question de linguistique, la question de voir dans quelle mesure les actions linguistiques et les actions culturelles qui sont très liées à la langue, n'est-ce pas, ont un impact direct sur les flux migratoires et les efforts d'intégration et de francisation des primo-arrivants.
Or, le mobile peut-être le plus important de la politique d'immigration devrait, à mon avis, être le maintien de la spécificité linguistique et culturelle du Québec par des actions concrètes. Je ne dis pas que nous ne faisons pas assez actuellement, d'ailleurs le dossier démontre que nous avons succès presque sur succès, ce qui est le résultat d'une action concertée sur une certaine période de temps, et je crois qu'il est important de prendre les mesures pour maintenir ce rythme de croisière sinon, pour reprendre le terme de Mme la ministre, de l'améliorer, de faire mieux. On peut faire mieux, n'est-ce pas? Donc, il ne s'agit pas d'aller en arrière, il s'agit de faire mieux.
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(10 h 20)
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J'ai participé de près et de loin d'ailleurs à la consultation de notre collègue Larose quand il a étudié la question de la langue, et c'était un exercice extrêmement intéressant parce qu'on a pu voir comment le Québec dans son ensemble réagissait à ces questions-là. Le rapport Larose n'a pas laissé énormément de traces. Par contre, dans notre esprit collectif, la notion de l'approche citoyenne, présentée dans le rapport Larose, est absolument centrale, et je crois que nous devons, dans notre action linguistique et culturelle, maintenir une approche citoyenne comme moyen de promouvoir un nouveau vouloir-vivre collectif, pour citer l'ami Larose, parce que ce vouloir-vivre collectif a un pouvoir rassembleur et il permet de rejoindre à la fois les francophones de souche et les immigrants ou les migrants non francophones et allophones pour souder tout ce monde dans une société ayant une certaine uniformité.
Par conséquent, cette approche citoyenne peut très bien faire l'objet d'une promotion dans le milieu corporatif pour assurer une meilleure intégration des migrants et des immigrants ? vous noterez que je distingue entre les migrants et les immigrants, pour des raisons précises ? et de cette manière-là le Québec peut, en fait, faire la promotion, dans le cadre de ses programmes d'intégration, d'une culture de participation et d'une culture de responsabilisation des néo-Québécois face à la langue officielle. J'insiste lourdement là-dessus parce que toute personne non francophone qui arrive au Québec, qui adopte comme langue d'usage, ou comme langue commune, le français a des responsabilités. C'est le prof de traduction qui parle à ce moment-ci parce que, en fait, dans notre communauté de traducteurs au Québec, plusieurs traducteurs sont issus de l'immigration, parce que ce sont des immigrants souvent qui ont les compétences linguistiques autres que le bilinguisme traditionnel que l'on retrouve au Canada. Et donc il est important, je crois, d'insister sur le fait que ces gens-là doivent arriver à un niveau de maîtrise de la langue qui leur permette de participer de manière responsable au développement de la culture dont le véhicule principal est la langue. Et donc il est important que les politiques du gouvernement respectent cette notion.
Par ailleurs, le phénomène de la migration ou de l'immigration est un phénomène de multilatéralité dans la mesure où, sur le plan international, le français n'est pas simplement un fait du Québec, mais c'est une langue ? une grande langue ? internationale utilisée comme langue officielle dans plusieurs pays et utilisée aussi comme langue de science, langue de culture dans beaucoup d'autres pays. J'ai cité, une fois, par le passé, par exemple, l'exemple de la Grèce, où le français n'est pas la langue officielle. Par contre, si vous voulez entrer à la fonction publique et travailler au ministère des Affaires étrangères en Grèce, vous êtes obligé de passer un examen de français pour prouver votre maîtrise du français. Et je crois qu'il est important de reconnaître qu'il y a plusieurs pays qui accordent une importance particulière au français et que nous devons reconnaître qu'il y a, à l'échelle internationale, moyen de reconnaître ces niveaux de maîtrise de façon plus, peut-être, transparente.
Et c'est pour cela que je crois qu'il est important que le Québec adopte un cadre commun de référence, reconnu à l'échelle internationale, de façon à faciliter les flux migratoires, pour éviter également des décisions aléatoires lorsqu'il s'agit de déterminer si, oui ou non, un immigrant éventuel est compétent ou pas en français. Et je crois que l'expérience de l'Union européenne est importante ici. Évidemment, le Québec a sa spécificité, ses intérêts propres, mais il faut apprendre de l'expérience internationale et il faut voir, je crois, dans ce sens, l'utilité d'un cadre commun de référence qui facilite la mobilité et qui assure une mesure transparente et commune de maîtrise de la langue dans tous les pays qui participent à une union donnée, que ce soit la francophonie, que ce soit l'ALENA, que ce soit enfin d'autres pays, etc. Donc, l'idée, c'est d'avoir une mesure commune pour éviter l'aléatoire. Et je crois que c'est très important sur ce plan-là. Or, je n'ai pas à vous convaincre que la langue est le joyau de la couronne, pour ainsi dire, dans cette politique, mais je crois qu'il est important, toutes les fois que l'on réfléchit à ces questions de politique, de revenir sur ces questions et de voir comment on peut faire mieux. Car on peut faire mieux.
J'ajoute deux ou trois petites remarques précises dans d'autres parties du document. Et l'un des aspects, c'est la question qui nous intéresse, c'est l'aspect de la compétence professionnelle. Alors, il est bien évident que la compétence linguistique ou la maîtrise de la langue fait partie de la compétence professionnelle. Et je crois ? enfin, nous avons déjà travaillé avec différents organismes du gouvernement à ce chapitre-là ? et je crois qu'il est important que le gouvernement actuel, en collaboration avec l'Office des professions, revoie les règlements d'équivalence de façon à mieux huiler, si vous voulez, le système. Parce que, dans l'état actuel des choses, nous avons créé par ci par là des situations problématiques de sous-emploi et, au lieu d'ouvrir les voies d'accès, nous avons créé certaines embûches. Et je crois qu'il est important de revoir donc de façon systématique ces règlements d'équivalence.
D'autre part... et j'ai déjà recommandé d'ailleurs à l'OQLF de revoir aussi le règlement touchant la compétence en français de façon à pouvoir reconnaître un cadre commun, de façon à pouvoir reconnaître des certifications étrangères ou des certifications reconnues à l'échelle internationale, de façon à pouvoir identifier déjà, dès le moment où l'immigrant se présente aux autorités d'immigration à l'extérieur du pays, des preuves reconnues de maîtrise de la langue. Alors, il est bien évident que, dans les recherches, on peut prouver très clairement que ces mesures de compétence, ces mesures de maîtrise facilitent non seulement l'intégration des travailleurs compétents à l'intérieur de certaines zones, mais aussi ces certifications reconnues à l'échelle internationale sont une façon aussi de faciliter la mobilité et de faciliter la mise à niveau des compétences dès que le migrant arrive sur le territoire en question, parce que ça nous donne des balises précises au lieu de dépendre d'un certain nombre de jugements purement aléatoires.
Je ne veux pas par là critiquer ce que nos collègues au MRCI ont fait, parce qu'ils ont fait vraiment un travail de pionnier sur ce plan-là, sur le plan de la description des normes, des standards, etc., et le travail d'intégration qui s'est fait de ce côté-là, je ne critique aucunement ce qui a été fait. Mais je reviens sur le leitmotiv, si vous voulez, de nos discussions: on peut faire mieux. Et on peut s'ouvrir sur le monde en adoptant cette ouverture d'esprit qui reconnaisse justement des certifications à l'étranger. Et en termes de...
Le Président (M. Cusano): M. Archibald, je dois vous rappeler que vous disposez de deux minutes pour la conclusion.
M. Archibald (James): Voilà. J'en suis vraiment à la fin. Et en terminant je réponds à la question de base: Est-ce que c'est le choix un, deux ou trois? Je suis d'avis que, dans le contexte actuel, nous sommes dans un contexte de consolidation. Nous savons que nous avons des enjeux extrêmement sérieux, que l'avenir est en jeu.
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(10 h 30)
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Par contre, au lieu de partir la guerre et nous amener des quantités énormes de primo-arrivants, si nous n'avons pas la capacité d'accueil, la capacité d'intégration, une capacité accrue de francisation, une participation plus large de la société québécoise dans tous les sens, je crois que nous courons un certain danger à augmenter de façon démesurée l'arrivée des nouveaux migrants ou immigrants sur le territoire de Québec.
Donc, j'opte personnellement pour le scénario numéro 2, en ajoutant un petit bémol, si vous voulez. C'est que, si on adopte le scénario numéro 2, il faut faire un effort sérieux, pas simplement des belles paroles, n'est-ce pas, mais un effort sérieux de remise à niveau de tous les moyens dont on dispose pour sélectionner, intégrer et franciser. Et, si on ne fait pas cela, on risque de louper l'objectif qui est en fait un objectif commun de tout le monde. Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Archibald. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. Archibald, je dois d'emblée vous dire merci. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Il est abordé d'une façon... sous un angle de réflexion légèrement différent. Mais ce qui me réjouit aussi, je ne vous le cache pas, et ce que je retiens de votre présentation, c'est que votre conclusion rejoint en tous points non seulement le constat que j'ai fait depuis 10 mois, mais rejoint aussi très fortement une préoccupation que j'ai par rapport à non seulement notre capacité d'accueillir mais notre obligation de résultat. Et c'est pour ça que le plan d'action prend son sens, tout à fait dans le sens que vous l'avez évoqué. Et je souhaite que les travaux de cette commission soient effectivement, puisque vous avez le privilège d'être le premier devant nous, soient extrêmement éclairants de ce point de vue là.
Si je reviens à votre mémoire, je vous amène rapidement à la page 3 parce que je suis intriguée par la suggestion de non seulement adopter une politique d'immigration, mais bien une politique d'impatriation. Je vous avoue que j'aimerais peut-être vous entendre davantage. J'ai cru saisir le lien entre les flux migratoires et l'immigration comme telle, mais je vous avoue que, si vous étiez capable de nous résumer de façon un peu plus précise les éléments que pourrait comporter une politique d'impatriation...
Le Président (M. Cusano): M. Archibald.
M. Archibald (James): Volontiers. Je ne veux pas descendre dans de petits détails techniques. Mais, en fait, je l'ai mentionné parce que, dans votre document de consultation, vous nous avez donné la liberté de comparer des situations hors Québec. Alors, dans la mesure où je travaille de très près avec des collègues français, dans une université française, etc., et que nous avons fait un certain nombre de travaux sur le plan comparatiste entre les politiques d'immigration et d'intégration en Europe et ici, j'ai soulevé cette question parce que, dans les mouvements de population, nous avons en fait beaucoup de Québécois qui se sont établis à l'étranger.
Dans le cas de l'impatriation, en fait, on parle de gens à l'époque actuelle, donc des gens qui travaillent pour des entreprises à l'étranger, des gens qui se sont expatriés pour des raisons économiques surtout et qui, à un certain moment, ont à prendre une décision: Est-ce qu'on reste à l'étranger, est-ce qu'on fait notre vie en Californie ou est-ce qu'on revient ? parce qu'il y a beaucoup de Québécois en Californie ? est-ce qu'on revient à Montréal, ou à Québec, ou dans les Laurentides? Et la France a examiné la question et a demandé au Sénat d'ailleurs de faire une étude assez approfondie sur la problématique, en collaboration avec la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. Et, si vous voulez approfondir cette définition, n'est-ce pas, ce serait peut-être utile que les gens dans votre cabinet examinent le rapport soumis au Sénat sur le phénomène de l'impatriation.
L'autre aspect, c'est que la Chambre de commerce a mis un accent très important là-dessus parce qu'il y avait beaucoup de gens qui font du va-et-vient. Donc, ils ont travaillé six mois à l'étranger, ils vont revenir, etc. Donc, les problèmes d'impatriation, c'est les problèmes d'impôt, c'est des problèmes d'éducation, c'est le problème d'intégration, c'est le problème des mariages à l'étranger, etc., des enfants produits de ces mariages. Donc, c'est excessivement complexe. Mais quand on a une politique d'impatriation, ça veut dire que l'État prévoit les moyens de faciliter ces mouvements et en fait prévoit la possibilité de les retenir à long terme.
Mme Courchesne: ...M. le Président?
Le Président (M. Cusano): Certainement, Mme la ministre.
Mme Courchesne: Si je comprends bien, c'est que non seulement on facilite ces mouvements, mais dans un but que ces gens puissent revenir ? parce que l'objectif de ça, c'est qu'ils sont libres peut-être de partir, mais s'ils ne partaient pas ce serait encore mieux... et que donc, si on a effectivement ? je comprends beaucoup mieux... que, si on a ces moyens de gérer la mouvance, bien probablement qu'ils seront plus enclins à un moment de leur vie de revenir là où sont les racines. C'est un peu ce que vous nous dites.
M. Archibald (James): Oui.
Mme Courchesne: Bien, je trouve ça extrêmement intéressant.
M. Archibald (James): En fait, c'est le problème de la fuite des cerveaux.
Mme Courchesne: Oui, j'en conviens tout à fait. Cela dit, il n'en demeure pas moins que c'est intéressant d'aborder ça sous l'angle de prévoir et d'essayer de gérer un peu ou faciliter ? je préfère le mot ? faciliter un peu les conditions pour rendre le Québec plus attrayant et y rester.
Mais ce que je comprends, c'est que cette politique-là ne s'adresse pas uniquement aux Québécois de souche, mais ce que vous nous dites et nous mettez en garde, puis on le voit: il y a une problématique de rétention aussi des nouveaux arrivants à qui on demande la maîtrise du français, souvent à qui on enseigne le français, mais qui malgré tout peuvent être tentés d'aller vers d'autres provinces ou d'autres pays.
M. Archibald (James): Si bien que le Québec devient non pas une terre d'accueil, mais le Québec devient une terre de transit.
Mme Courchesne: De transition. Donc, j'avoue que j'apprécie énormément dans ce sens-là. Vous nous dites aussi, et ça aussi, c'est un peu nouveau, vous nous dites aussi d'explorer la possibilité, un peu via New York d'une certaine façon, d'intéresser les francophones de Nouvelle-Angleterre et de d'autres bassins américains. Là où je veux vous amener, c'est sous la notion justement de ce bassin américain. Pourquoi plus... et vous êtes un des seuls à aller dans cette direction-là. Quand on parle d'immigration, on parle de bien, bien d'autres pays avant de parler des États-Unis. Alors, j'aimerais vous entendre un peu sur votre intérêt à nous dire que, au fond, on néglige ce bassin-là et on ne devrait pas. Pourquoi?
Le Président (M. Cusano): M. Archibald.
M. Archibald (James): C'est peut-être émotif, c'est aussi scientifique. Je suis originaire de la Nouvelle-Angleterre, c'est peut-être pour ça que je le mentionne. Mais c'est Louis Dollot, en fait, qui a développé l'idée d'utiliser la langue et la culture comme moyen stratégique de développement. C'est le moyen, n'est-ce pas, d'entrer dans un marché, de créer une certaine présence, d'avoir une certaine influence sur un marché. Et il est bien évident que, depuis l'avènement du Parti québécois au gouvernement, le Québec a fait énormément pour appuyer les minorités, ce que nous appelons en fait les minorités canadiennes-françaises, entre guillemets, à l'étranger, par des programmes d'action culturels, des programmes d'action linguistiques, etc.
Mais il est bien évident que, contrairement aux politiques multiculturelles du Canada et aux politiques pluriculturelles du Québec, car il faut distinguer entre les deux, la politique américaine est une politique d'assimilation. Et arrivé à la deuxième, troisième génération, évidemment l'identité française demeure l'identité avec pépé et mémé, et puis c'est tout, c'est fini.
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(10 h 40)
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Par contre, il y a un souvenir, il y a quelque chose dans le fond qui reste, et je crois que les politiques et les programmes d'action culturelle et linguistique doivent être renforcés. Nous avons des antennes, nous avons des délégations partout aux États-Unis, dans certaines zones stratégiques, et que nous devons, à mon avis ? c'est l'universitaire qui parle, mais enfin... nous devons mettre l'accent sur des programmes qui permettent à ces gens-là qui ont des antécédents de venir étudier, de venir renouer les liens avec un Québec qui représente la pérennité du français en Amérique du Nord. Et je crois que c'est important, parce que, quand on fait du marketing, n'est-ce pas, on cherche les marchés où il y a des possibilités de développement. Là, il y a des possibilités de développement.
J'ai soulevé il y a trois ans précisément, j'ai soulevé la même chose ici ? ce n'était pas dans cette salle, c'était dans l'autre salle, mais enfin ? et notre collègue, Pierre-Étienne Laporte, était membre de l'opposition à l'époque et il m'a répondu d'une façon tranchante, comme d'habitude, en me disant: «Mais c'est du bois mort, nous perdons notre temps.» Je suis désolé, M. Laporte, ce n'est pas du bois mort, c'est du bois qu'on fait revivre. Et il faut renouer ces liens. Ça ne veut pas dire que vous allez avoir une immigration massive, n'est-ce pas, mais je crois que c'est important comme geste, et nous avons mis en place toute une infrastructure pour le faire, et pourquoi ne pas en profiter?
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Archibald. Je dois à ce moment-ci céder la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. M. Archibald, merci pour votre mémoire. C'est très intéressant de vous avoir ici, ce matin, avec nous. Je vais aller dans le sens d'où vous vous êtes arrêté, avec les gens de l'Est des États-Unis. J'ai eu la chance d'avoir une entreprise au Vermont, où il y a beaucoup justement de... je vous dirais, de Québécois qui, de plusieurs générations, se sont installés au Vermont et qui heureusement ont encore souvent un lien familial avec des Québécois. Et, quand vous dites qu'il faut refaire ces liens, de ce que j'ai constaté, ils ont déjà des liens familiaux, mais ça... en tout cas, de ce que j'ai constaté, ça ne les incite pas vraiment à revenir au Québec. Ils viennent en visite, ils viennent voir la famille, mais ils sont installés là-bas. Même leurs noms ont changé, des Desnoyers, ça devient des... ou des Desrosiers, ça devient des Derosiers ou... Comment, en plus de la famille, en plus du fait qu'ils ont de la famille ici, comment faire pour les ramener?
M. Archibald (James): Ah! si j'avais la recette... Je partagerais volontiers la recette.
Mme Papineau: Parce qu'il y en a beaucoup, hein!
M. Archibald (James): Mais la question est pertinente dans la mesure où, comme Dollot explique, la question de langue, la question de culture, c'est un moyen de faire un lien. Et puis par la suite, une fois que vous avez capté l'attention des gens, n'est-ce pas, on peut présenter toute la palette de possibilités: la promotion d'investissement, développement économique, la question d'activités transfrontalières, etc.
Et je crois qu'il y a d'autres acteurs qui doivent entrer en ligne de compte à ce moment-là. Je ne suis pas économiste, par contre je crois que c'est... vous mettez le pied dans la porte en utilisant ? sans jeu de mots, bien entendu, avec pauvre M. Laporte ? mais vous mettez le pied dans la porte, en utilisant la carte de la langue et de la culture, et puis ensuite on peut entamer avec des discussions d'investissement, de projets communs, de projets de développement.
Et n'oubliez pas que l'une de nos industries les plus importantes, peut-être pas en termes de chiffres mais en termes d'identité, ce sont les industries culturelles. Et je crois qu'il faut avoir l'esprit un peu créateur pour rentrer dans ce type de dossier et commencer à développer ces liens. Ces liens ne se créent pas du jour au lendemain. Il faut investir du temps, de l'énergie, il faut avoir peut-être une sorte de foi innée, en disant que ça va marcher à long terme.
Le Président (M. Cusano): Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci. Vous nous parlez, dans votre mémoire, de montée du communautarisme, comme si ça pouvait représenter en quelque sorte un risque pour le développement d'un Québec culturellement diversifié. Pourriez-vous être un peu plus explicite sur les moyens à mettre en place pour nous éviter de tomber dans ce piège et plutôt faire profiter la société québécoise de ce phénomène?
M. Archibald (James): En fait, j'ai cité un petit exemple qui a été cité par Mme Kastoryano dans une étude qu'elle a faite sur l'immigration relativement à l'identité turque en France. Le communautarisme évidemment est problématique dans un pays dont l'objectif consiste en l'intégration. Je ne parle pas d'assimilation; je parle d'intégration. Donc, ça veut dire que le migrant arrive au pays et il est responsabilisé et il s'intègre dans la vie économique et culturelle du pays ? je peux vous citer une liste d'exemples. Et l'ennui, c'est que, quand vous encouragez, de façon étatique, la création de ce que nous avons appelé au Québec les communautés culturelles qui deviennent presque autonomes, des groupuscules étanches qui ont leurs propres objectifs de maintien, etc., le danger que l'on court, c'est que ces gens-là ont parfois des objectifs de développement culturel qui vont à l'encontre, en fait, des objectifs de l'État.
Et il est important, je crois, d'être vigilants et de voir, dans la mesure où nous avons des flux migratoires venant de différents pays, de différentes cultures, ayant différents objectifs, différentes perspectives du monde, etc., de faire en sorte qu'on mette toujours l'accent sur l'intégration, sur la participation, sur la responsabilisation, et que nous faisions tout pour éviter la minorisation et la marginalisation de ces groupes qui risquent parfois, pour des raisons simplement de sécurité personnelle ou de sécurité collective, de se replier sur eux-mêmes lorsqu'ils arrivent au pays.
Je prends l'exemple, par exemple, de l'industrie du vêtement où vous avez souvent des regroupements de gens de certaines communautés culturelles qui se replient sur eux-mêmes, qui créent des sous-marchés de travail, etc., et qui ne s'intègrent pas. Et ça nous prend parfois deux, trois générations avant de casser ce problème. Or, dans d'autres pays qui vivent des problèmes migratoires, ce phénomène existe. Donc, à l'invitation d'un ministre justement, il faut, je crois, profiter de l'expérience d'autres pays qui ont vécu le positif et le négatif de cette question-là.
Donc, dans le contexte franco-français, dans le contexte hexagonal, évidemment, le communautarisme représente un danger pour un État qui se veut ouvert sur la pluralité mais qui veut également promouvoir la responsabilité, je dirais, républicaine de l'immigrant. Donc, ça, c'est une mise en garde.
Mme Papineau: O.K. Parfait.
Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce que vous avez d'autres questions?
Mme Papineau: Oui.
Le Président (M. Cusano): Oui, oui. Allez.
Mme Papineau: À la page 8 de votre mémoire, M. Archibald, vous parlez d'activités gouvernementales de promotion coordonnées et efficaces. Avez-vous des suggestions à nous apporter sur les meilleurs moyens à prendre par l'État pour concrètement attirer et retenir les immigrants francophones?
Le Président (M. Cusano): M. Archibald.
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(10 h 50)
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M. Archibald (James): Bon. Et là j'ai plusieurs idées en tête, mais ce qui est important, je crois, à retenir, c'est que, si l'immigrant décide de s'établir au Québec, évidemment il y a une question de ? comment dirais-je? ? d'attirance socioculturelle, etc. Par contre, si on décide de s'établir dans un nouveau pays, on décide de s'établir dans ce pays-là pour des raisons économiques, pour des raisons de travail, pour des raisons professionnelles. Et l'exemple que j'ai cité dans le mémoire de l'OPQ, par exemple, est probant parce que nous recherchons des gens qualifiés à l'extérieur pour entrer dans certaines professions et nous devons opter pour des moyens de reconnaissance, des moyens d'insertion, des moyens d'accompagnement même pour mieux... enfin pour permettre à ces migrants de mieux réussir leur intégration.
Alors, j'ai cité l'exemple du mentorat de l'Ordre des traducteurs. Alors, le mentorat est un système intéressant dans la mesure où ça s'intègre très facilement dans le système professionnel québécois, mais aussi du côté de l'industrie et du commerce, Ça s'intègre également dans les entreprises. On peut avoir des programmes de mentorat appuyés par l'État... enfin appuyés par les pouvoirs publics de façon à mieux encadrer le migrant ou l'immigrant qui arrive dans une entreprise au Québec, même un investisseur, pour lui permettre de mieux fonctionner, pour lui permettre de se responsabiliser de son propre gré.
Mme Papineau: Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. M. Archibald, merci beaucoup pour votre mémoire et puis pour vos réflexions très intéressantes puis très importantes de ce matin.
Il y a une question qui m'intéresse particulièrement, c'est celle que pose l'enjeu de la reconnaissance des acquis, de la formation, des diplômes détenus par des candidats, des immigrants qui vous arrivent. On sait que des ordres professionnels sont mus par une mission de protection du public puis ils ont la responsabilité de s'assurer que leurs membres prodiguent des services ou des soins de qualité. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 24, que les règlements d'équivalence vous semblent être à ce moment-ci un obstacle systémique à la reconnaissance des diplômes et de la formation. Pouvez-vous me dire en quoi ou élaborer un peu sur cette question?
M. Archibald (James): Bon. Lorsque le professionnel ? là, nous sommes dans le cadre des 40 et quelques professions reconnues officiellement au Québec... Donc, lorsque le professionnel arrive sur le territoire, ou prépare son arrivée sur le territoire, évidemment on fait miroiter une pénurie de main-d'oeuvre et des possibilités d'emploi, d'une intégration professionnelle, etc. Et les autorités de l'Immigration évidemment peuvent très bien présenter l'état des industries, enfin des professions de la santé, par exemple. C'est l'exemple que j'ai cité.
Nous avons mené ? c'est l'année dernière, si je me souviens bien ? une opération en France pour recruter des infirmiers et des infirmières. Et ce qui est important, c'est que les gens au niveau des bureaux d'immigration à l'étranger, quand l'immigré éventuel est interviewé, on lui présente les gloires, les attraits du Québec attractif, n'est-ce pas? Dès que cette personne entre ici, il faut que les règles du jeu soient transparentes et il faut que les gens sachent à quoi s'en tenir quand ils arrivent au pays. Il ne faut pas utiliser des leurres, n'est-ce pas? Il ne faut pas leurrer les immigrants. Il faut leur dire précisément ce qu'il en est.
Donc, si j'arrive de Roumanie et je suis architecte, je veux savoir quelles sont les exigences, dans quelle mesure est-ce que je rencontre ces exigences, de façon absolument transparente. Or, évidemment on sait très bien que chacun des ordres professionnels a un tableau d'équivalence, un règlement d'équivalence, etc., et que ce n'est pas tellement difficile d'avoir des documents très transparents sur ce plan-là. Évidemment, c'est une oeuvre absolument gigantesque de devoir faire ça pour tout le monde.
Par contre, nous savons que le Québec recrute sur certains territoires... et puis peut-être prioriser ces territoires pour savoir exactement ce qu'on doit faire pour être beaucoup plus transparents, si bien que nous n'attirons pas quelqu'un sous de faux prétextes en disant que cette personne va pouvoir s'intégrer.
Bon. On lui donne son visa d'immigration, il a son certificat d'acceptation du Québec, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il arrive ici, il se présente à l'ordre professionnel en question, et puis l'ordre professionnel lui dit: Bien, écoutez, je suis désolé, mais on ne peut pas vous délivrer le permis parce que vous n'avez pas les équivalences nécessaires. Bien, tant mieux. Mais, quand il le sait à l'avance, il sait très bien, quand il arrive sur le territoire, il y a peut-être un programme de perfectionnement, il y a peut-être un programme de mise à niveau, il y a peut-être un programme d'intégration ou de mentorat, etc., mais les règles du jeu sont claires.
Et l'autre aspect... non seulement l'aspect professionnel, donc compétence professionnelle, c'est la question de compétence linguistique, car la compétence linguistique est aussi une compétence professionnelle. Je me permets de vous rappeler que, selon le règlement de la Charte de la langue française, vous ne pouvez pas exercer une profession au Québec sans avoir de la langue officielle une connaissance suffisante, et c'est notre responsabilité de le dire à l'étranger clairement, ouvertement, de manière transparente.
Mme Legault: Donc, vous voyez là surtout un enjeu, en tout cas de communication qui soit bien claire pour qu'un candidat à l'étranger puisse rêver bien sûr, mais rêver en sachant bien, là, le contexte de la terre d'accueil qui l'attend.
M. Archibald (James): Et voilà. Et en fait il y a des études que j'ai déjà citées ici, dans cette commission, qui démontrent que souvent l'immigrant professionnel qui arrive et qui n'atteint pas ses objectifs, le Québec devient non pas une terre d'accueil mais le Québec devient une terre de transit, et cette personne cherche une issue. C'est le phénomène de ce qu'on appelle la réémigration, et on veut éviter ça.
Mme Legault: Je peux poser une autre question? Justement, le MRCI est à l'étranger. Avec ce que vous nous dites, on peut imaginer que, bon, l'accompagnement, qu'il soit peut-être plus personnalisé à l'étranger, faciliterait justement la réussite. Comment voyez-vous l'arrimage dans ce contexte-là des ordres professionnels et le MRCI dans cette démarche, mettons, qui pourrait s'entamer...
M. Archibald (James): Je me permets maintenant de devenir plus radical. Nonobstant les grands succès du MRCI, coup de chapeau, ils ont fait vraiment énormément de choses, mais on peut faire mieux. Et je crois que l'une des choses que je recommande, c'est peut-être un peu exagéré de ma part, mais enfin, peu importe, comme universitaire, je suis libre penseur, et je peux dire ce que je veux. J'estime qu'il y a deux pôles là. Un pôle, c'est l'aspect citoyen, c'est l'aspect de travail civique, c'est une sorte de portail, si vous voulez, pour celui qui s'intègre, celui qui se responsabilise, celui qui participe. Et l'autre point de mire, si je puis dire, de ce ministère actuel, c'est le dossier de l'immigration. Et je crois qu'il faut aller au-delà de cette notion d'immigration et regarder plutôt la gestion des flux migratoires. des flux migratoires non seulement venant de l'étranger, mais les flux migratoires à l'intérieur même de la Confédération canadienne parce que nous perdons des Québécois en Ontario, en Colombie-Britannique, etc., et il n'y a pas de phénomène d'impatriation.
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(11 heures)
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Donc, à mon avis, pour clarifier les choses, Eugène Ionesco disait une fois: «Pour mieux intégrer, il faut désintégrer.» Il faut peut-être scinder ce ministère en deux et dire: Bon, il y a le côté portail du Québec, l'approche citoyenne, l'appui, l'accompagnement, la francisation, projet d'intégration, etc., tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, etc., mais on peut faire mieux; et puis, d'un autre côté, d'avoir un ministère ? je dis bien un ministère ? qui s'occupe de la question migratoire, de gérer ces questions migratoires, parce que c'est un enjeu très important pour le Québec à l'avenir, et on ne peut pas mettre ça de côté. C'est central. C'est un enjeu central pour le développement de la société québécoise, et nous devons, sur le plan ministériel, avoir un ministère qui gère sérieusement ces questions d'immigration.
Alors, il y a d'autres pays qui ont opté pour ce modèle-là. L'Espagne, par exemple, a un ministère d'Immigration ? je ne l'ai pas inventé, hein! Et l'idée, c'est que l'Espagne, comme pays, a des régions autonomes, entretien des relations très étroites avec les pays membres de l'Union latine et permet aux gens, par exemple d'Argentine, de passer des examens dans les universités espagnoles, d'avoir des reconnaissances professionnelles. Il y a une mobilité, une question de vote, etc. ? enfin, c'est très compliqué, le dossier, mais il y a un ministère dont la responsabilité est de gérer le phénomène migratoire, que ce soit immigration, émigration, réémigration, impatriation ou expatriation. Inutile de vous dire que le dossier est drôlement compliqué, mais il ne faut pas avoir peur de ces défis-là, parce que c'est le défi de notre avenir.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Archibald. Je passe maintenant la parole au député de Masson.
M. Thériault: Oui. M. Archibald, à la page 19 de votre mémoire, vous soulevez la problématique de la compossibilité. J'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus, parce que ça me semble être, d'abord, un concept qui est nouveau pour moi, mais en plus le coeur du défi qu'on aurait à, si vous voulez, rencontrer, à relever dans les années à venir. J'aimerais vous entendre un peu plus.
M. Archibald (James): D'accord. J'ai l'impression d'être ici dans un jury de soutenance de thèse. Mais, en fait, la compossibilité est une notion philosophique qu'on retrouve souvent... enfin, principalement dans les travaux de Leibniz. Je m'excuse de vous servir cette sauce ici, mais enfin, la notion est importante. Je vous donne un exemple très facile: vous avez sur un plage un maître nageur, a, et vous avez deux nageurs, b et c; les nageurs b et c sont en train de se noyer, mais vous n'avez qu'un maître nageur et le maître nageur a l'obligation de secourir le nageur en difficulté. Il doit choisir. Or, le nageur choisit... Je veux dire: Le maître nageur choisit le nageur b et, malheureusement, le c se noie. C'est parce que sauver b et c, ils ne sont pas compossibles, ce ne sont pas des objectifs qu'on peut atteindre en même temps.
Or, à partir de là, on peut dire qu'il peut paraître contradictoire d'atteindre certains objectifs, mais il faut repenser ces objectifs dans la mesure où le défi d'un gouvernement, souvent, c'est de gérer l'impossible. Et le défi d'un gouvernement, c'est de savoir comment est-ce qu'on peut atteindre des objectifs qui paraissent contradictoires, mais l'atteinte des objectifs paraissant contradictoires est en effet au bénéfice de l'État.
Or, ça se pose souvent, par exemple, dans le cas du maintien de l'identité d'origine et de l'insertion de l'immigré dans une nouvelle identité adoptive. Comment jouer ce jeu-là? Et ça rejoint, en fait, la question que la députée de Prévost a posée sur le communautarisme, en fait, c'est-à-dire qu'on peut promouvoir l'identité culturelle des communautés culturelles, etc., promouvoir l'enseignement par des programmes comme PELO, etc., l'enseignement des langues d'origine, des cultures d'origine, etc., qui nous aident à maintenir des liens, et en même temps promouvoir des projets d'intégration et de responsabilisation sociale. Donc, c'est un peu le sens de la compossibilité. Et c'est pour ça que je conclus dans le mémoire en disant: «La compossibilité n'est pas un rêve utopique.» C'est un défi drôlement difficile à relever, mais c'est pour ça que nous avons des gouvernements, pour relever des défis impossibles.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Archibald. M. le député de Masson.
M. Thériault: Donc, créer une société plurielle mais qui doit tout de même promouvoir, préserver et protéger sa spécificité dans une mer culturelle adverse.
M. Archibald (James): C'est... «Ecco», comme nous disons en italien. Et je dois dire que, si je profite de l'expérience étrangère, par exemple, l'équivalent français de l'OQLF, autrefois, c'était la DGLF, la Délégation générale à la langue française, et la Délégation générale à la langue française, en France, a changé de nom. Ce n'est plus la Délégation générale à la langue française, mais c'est la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, reconnaissant qu'il y a des langues régionales, reconnaissant qu'il y a des langues d'importation et que, comme État, nous avons besoin d'appuyer, d'accompagner ces gens-là dans le maintien d'une identité, mais une identité qui peut être une identité plurielle, pas nécessairement contradictoire. C'est difficile, mais ce n'est pas impossible.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Masson, allez-y.
M. Thériault: Oui, merci. À la page 18 de votre mémoire, 17-18, vous avancez l'idée que le gouvernement devrait établir des partenariats avec les autres acteurs du marché du travail pour favoriser la francisation, là, des nouveaux arrivants. On comprend dans le discours de la ministre que l'accueil et l'intégration seraient davantage dévolus aux communautés culturelles elles-mêmes. Qu'est-ce que vous pensez de cette façon de faire? Est-ce que ça ne pourrait pas constituer une sorte de frein à la francisation et à l'intégration et voire même donner lieu à un phénomène que l'on doit absolument éviter, soit d'ouvrir la porte à la ghettoïsation?
Le Président (M. Cusano): M. Archibald.
M. Archibald (James): Je crois, pour répondre directement à votre question, que le travail sociétal de francisation et d'intégration, c'est un travail dont le gouvernement porte la responsabilité. Le gouvernement doit mettre en place l'infrastructure nécessaire. Le gouvernement doit mettre en place les acteurs qui peuvent travailler ensemble vers un but commun, n'est-ce pas? Et quand j'ai rédigé cette phrase, en fait, dans le mémoire, j'ai réfléchi à l'action du MRCI. J'étais fort impressionné, par exemple, quand j'ai découvert qu'il y a une action commune entre le MRCI et le mouvement syndical ? parce que le travailleur lui-même a un intérêt à pouvoir maîtriser la langue commune qu'il va utiliser, espérons-le, en milieu de travail ? et que c'est une responsabilité partagée dans la mesure où le gouvernement peut encourager par différents moyens dont il dispose la participation d'acteurs de la société civile dans l'intégration des migrants et des immigrants.
Donc, je crois qu'il faut à ce moment-là avoir l'esprit assez large pour comprendre qu'il faut interpeller les syndicats, il faut interpeller les communautés culturelles, il faut interpeller les ordres professionnels, etc., dans un travail commun. Parce que tout le monde s'engage sur cette voie-là. Et je crois qu'il est important de reconnaître que c'est en travaillant en partenariat qu'on atteint ces objectifs-là. Ce n'est pas en déléguant un travail à quelqu'un d'autre et on s'en lave les mains après, n'est-ce pas? Il faut vraiment responsabiliser... Il faut travailler en partenariat, mais il faut responsabiliser les partenaires. C'est un peu comme un mariage, n'est-ce pas?
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Archibald (James): Je m'arrête là.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Masson, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Thériault: Non.
Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, le temps qui était à notre disposition étant écoulé, j'aimerais au nom de mes collègues vous remercier, M. Archibald, de votre disponibilité et de votre collaboration.
Et j'aimerais suspendre pour environ 10 minutes afin de permettre à nos prochains invités de venir prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
(Reprise à 11 h 24)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à nos invités de bien vouloir s'identifier pour fins du Journal des débats, s'il vous plaît.
MM. Pierre Fortin et Marc Van Audenrode
M. Fortin (Pierre): Alors, mon nom est Pierre Fortin. Je suis professeur d'économie à l'Université du Québec à Montréal.
M. Van Audenrode (Marc): Mon nom est Marc Van Audenrode. Je suis professeur d'économie à l'Université Laval.
Le Président (M. Cusano): Merci et bienvenue. J'aimerais vous informer que vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre exposé, et cette période sera suivie d'un échange de 40 minutes avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
M. Van Audenrode (Marc): Merci, M. le Président. Je vais vous faire une introduction un peu générale, et puis Pierre passera pour la suite du mémoire. C'est un mémoire que nous avons rédigé à l'invitation de l'ADIF qui nous avait demandé de nous pencher sur le programme d'investisseurs immigrants. En dépit du fait que nous ayons fait et rédigé ce rapport à l'invitation de l'ADIF, c'est un rapport indépendant et c'est une expertise indépendante, et tous les éléments qui sont contenus dans le rapport proviennent de notre analyse.
En guise d'introduction, je voudrais simplement peut-être un peu replacer l'importance du programme d'investisseurs immigrants dans la politique d'immigration en général pour le Québec et retracer deux points qui me semblent et qui nous semblent importants: le premier est qu'on ne peut pas inféoder ou on ne peut pas orienter la politique d'immigration du Québec en fonction d'objectifs impossibles à atteindre, d'une part; et, deuxièmement, on ne peut pas non plus orienter la politique d'immigration du Québec en fonction de problèmes inexistants. Et je m'explique sur ces deux points.
La grande préoccupation du moment au Québec, et c'est une préoccupation réelle et c'est important que les gouvernements et les pouvoirs publics s'en préoccupent, c'est le problème démographique qui va nous frapper dans les 25 prochaines années. L'ampleur de ce choc-là est encore trop fortement sous-estimée. Pierre et moi avons estimé rapidement que le choc démographique pourrait signifier d'ici une vingtaine d'années une augmentation de la charge fiscale moyenne du Québécois moyen de 25 %. Donc, c'est un choc majeur. Il est important et il ne faut pas le négliger. Il faut prendre toutes les mesures politiques pour essayer d'y répondre.
Par contre, notre point, c'est que la politique d'immigration ne peut que marginalement aider à répondre à ce problème. La politique d'immigration et l'immigration en tant que telles ne remplaceront pas les bébés que les Québécois n'ont pas eu il y a 20 ans. Il n'y a rien qui peut les remplacer. Et l'impact de l'immigration sur la structure démographique du Québec, même si le niveau d'immigration était augmenté considérablement, c'est-à-dire multiplié par cinq ou par six, ne serait que marginal. Et il y a une raison très simple à cette réalité-là, et ce n'est pas moi qui l'ai dit, ce sont les démographes, c'est que la structure démographique de la famille immigrante moyenne n'est pas très différente de la structure de la famille québécoise moyenne. Ils sont un peu plus jeunes, ils ont un petit peu plus d'enfants, mais tout ça n'est que marginal. Et, si, à ça, on ajoute les pratiques de regroupements familiaux, on se rend compte qu'en fait ce que vous faites, c'est ramener d'autres familles qui ont en moyenne le même âge que la famille québécoise moyenne et que l'impact sur la démographie ne serait que très limité. Donc, il faut absolument ne pas penser la politique d'immigration comme étant une solution à ce problème démographique qui va nous arriver.
Le deuxième point, c'est qu'on pense également qu'en conséquence de ce problème, ce choc démographique, le Québec, d'ici une vingtaine d'années, il va faire face à un problème de pénurie généralisée de la main-d'oeuvre. La réponse à ça est que ça ne va pas se passer, ce ne sera pas le cas. Ce qui va se passer va être beaucoup plus grave, ça va être que la taille de notre économie va rétrécir, que la charge fiscale sur les gens qui vont continuer à travailler va augmenter, mais les circonstances dans lesquelles la pénurie généralisée de la main-d'oeuvre à la grandeur d'un pays peut exister sont extrêmement rares. Et tout nous porte à croire que ça ne pourrait pas se développer au Québec tel que la politique monétaire particulièrement est pensée pour le moment au Canada et tel que la politique fiscale et économique est pensée pour le moment en Amérique du Nord.
Si une pénurie généralisée de main-d'oeuvre devait se manifester au Québec, eh bien, tout simplement, les taux d'intérêt augmenteraient, l'économie ralentirait et la demande de main-d'oeuvre baisserait, et le problème se résoudrait de cette façon-là. C'est évidemment une solution un peu dure, une solution qui n'est pas agréable, parce que ça signifie une diminution de la taille de l'économie et une diminution des revenus de tous les Québécois.
Mais, en tout cas, on ne doit pas penser que l'immigration devrait être conçue ou devrait être organisée en fonction d'une arrivée massive de main-d'oeuvre pour faire face à une pénurie généralisée de la main-d'oeuvre. Au contraire, ce qu'on peut penser, ce dont l'économie québécoise va manquer dans 20 ans, c'est d'entrepreneurship, parce que l'entrepreneurship, il est d'abord et avant tout chez les jeunes et qu'il n'y aura plus beaucoup de jeunes au Québec. Et, d'autre part, ça va être de capital. Et pourquoi de capital? Bien, parce qu'on va voir cette génération de baby-boomers qui va prendre sa retraite de façon massive et va commencer à retirer ses avoirs, à retirer ses épargnes, et donc il va y avoir un manque de capital assez sévère pour les investisseurs québécois.
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(11 h 30)
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Ça, c'est un peu le tableau général des circonstances dans lesquelles le programme d'investisseurs immigrants s'inscrit. Et Pierre va peut-être vous parler un peu plus du programme en tant que tel et des avantages et des conséquences du programme pour l'économie québécoise.
M. Fortin (Pierre): Merci. Alors, le programme comme tel, je pense qu'il est assez bien connu, le programme d'immigration pour investisseurs, je ne recommencerai pas à le décrire dans ses détails. On demande à des immigrants travailleurs potentiels de démontrer leur capacité de s'intégrer au marché de travail. De la même manière, on demande à des gens qui sont des investisseurs, des entrepreneurs à démontrer leur capacité d'investir. Alors, dans les deux cas, on fait des demandes, et ils acquièrent des points pour l'obtention du Certificat de sélection Québec qui conduit à l'obtention du statut de résident permanent à Ottawa.
Donc, on demande aux immigrants investisseurs qui veulent acquérir ces points-là d'investir 400 000 $ au Québec pour une période de cinq années. Ce qui est fondamental dans tout ça, c'est qu'on leur demande de renoncer à l'intérêt de ce capital de 400 000 $ pendant cinq années, ce qui équivaut... ce qui dégage, au fond, une somme pour chaque tranche de 400 000 $... Au net, ça dégage une somme de 80 000 $ pour l'aide financière aux entreprises et la rémunération des intermédiaires et d'Investissement Québec, etc. Alors donc, il y a un jumelage ici entre l'immigration et l'aide financière aux entreprises qui est gérée par Investissement Québec.
Ce qu'il y a de particulier dans la formule mise au point par le ministre Godin autrefois et la ministre Robic, qui sont vos prédécesseurs, c'est que cette formule-là repose sur un partenariat privé-public entre le ministère de l'Immigration, Investissement Québec, d'une part, et les intermédiaires financiers, d'autre part. C'est une formule qui est extrêmement populaire, qui marche efficacement, qui est populaire à la fois auprès des entreprises et auprès des immigrants eux-mêmes, et qui commence à être imitée. On a des sons de cloche très clairs que l'Angleterre et l'Australie s'en vont dans cette direction-là et vont venir nous faire concurrence ici. Bien sûr, les autres provinces canadiennes ne sont pas vraiment, comme on dit, dans la game, ils n'ont pas adopté la formule Godin-Robic qui est la nôtre, et donc nos compétiteurs vont être les Anglais, les Australiens à l'avenir.
Les résultats de tout ça, en gros, pour l'aide financière aux entreprises, c'est qu'il y a à peu près chaque année quelque chose comme une cinquantaine de millions de dollars qui sont prêtés aux entreprises, des projets qui sont évalués, préparés par les intermédiaires financiers et analysés et recommandés par Investissement Québec, le cas échéant. C'est surtout les PME manufacturières exportatrices, donc peut-être ce qu'on a de plus dynamique au Québec en termes de croissance d'entreprises, qui captent cette aide financière là via Investissement Québec. Il y a un équilibre régional aussi qui est très... tout à fait clair. La répartition correspond à peu près à la répartition de l'activité économique au Québec. Et, comme c'est le manufacturier et que le développement régional passe d'abord et avant tout par le développement manufacturier parce que les services... le primaire, c'est déjà complètement utilisé et le tertiaire, c'est plutôt la région montréalaise qui le capte, donc ça fait un effet synergique très important pour le développement économique régional.
Il y a également, en plus des entreprises qui reçoivent une cinquantaine de millions de dollars... il y a les intermédiaires eux-mêmes qui reçoivent des honoraires d'une quarantaine de millions, le ministère, à peu près 9 millions par année, et Investissement Québec, 4,5 millions, ce qui fait un total de 13 millions, un peu plus, pour le ministère et Investissement Québec ensemble. Donc, c'est de l'argent que M. Séguin va chercher, mais malheureusement pas nécessairement que le ministère va chercher, évidemment parce que, si M. Séguin voit que le ministère fait plus d'argent, peut-être qu'il va... ou peut-être la présidente du Conseil du trésor va dire: Bon, bien là, ça va faire partie de vos coupures. Mais enfin, ça, c'est une question que je ne veux pas discuter ici, là.
Maintenant, quelles sont les conséquences macroéconomiques? Le coeur de notre présentation, ça a été de calculer les conséquences macroéconomiques sur l'ensemble de l'économie du Québec de ce programme-là. On calcule des effets à court terme et puis à moyen, long terme. Les effets à court terme, c'est qu'est-ce qu'engendre directement la construction et l'installation des nouveaux équipements lorsqu'ils sont construits et installés. Et c'est à peu près 360 emplois en moyenne, et ça, indépendamment de la région... pour 50 millions d'investissements, par exemple, et ce, indépendamment de la région où l'investissement a lieu. Et, lorsque l'investissement a lieu dans une région, ce sont des emplois qui demeurent pour la majeure partie dans la région elle-même.
L'effet permanent, lui, est dû, une fois que l'investissement est fait, au fonctionnement des nouvelles usines, des nouveaux équipements implantés, et ça, ça engendre évidemment plus d'emplois encore. On a calculé à peu près 800 emplois de plus par année pour 50 millions de dollars investis par année au Québec. Et c'est un effet cumulatif. Ce sont des emplois qui s'ajoutent les uns par-dessus les autres année après année.
L'effet également sur les revenus gouvernementaux est très important. Vous avez le 4,5 millions, que j'ai mentionné tout à l'heure, que retient Investissement Québec des investisseurs, vous avez à peu près 9 millions par année qui est retenu par le MRCI, donc, 13,5. Il y a aussi de ces effets à court et à long terme des revenus fiscaux induits qui sont retenus par le gouvernement du Québec, 10 millions dans le cas de l'aide aux entreprises. Et évidemment il y a des dépenses qui sont effectuées par les intermédiaires financiers, tout l'argent qui est inclus dans le système, un autre 3 millions. Au total, il y a plus de 25 millions qui retournent au gouvernement contre une dépense que nous estimons à peu près à 2 millions, peut-être 3 millions maximum, pour le coût de gérer ce programme-là au ministère.
Également, on s'est penché sur l'impact que ça a sur l'industrie financière, et bien sûr l'industrie financière, en faisant fonctionner... en aidant Investissement Québec et le ministère à faire fonctionner le programme, génère aussi des emplois dans des firmes d'avocats, de comptables, de consultants en immigration, etc.
Mais également ce qui est important, ce sont les effets dynamiques, qu'on n'a néanmoins pas chiffrés, sur le développement économique du Québec. Vous avez des gens qui sont des intermédiaires financiers québécois et qui sont implantés à peu près partout où il y a des services d'immigration du Québec à travers le monde, et qui développent des affaires avec des gens qui ont de l'argent pour en faire des affaires, et qui peuvent évidemment, avec les dossiers d'entreprises dont ils s'occupent, créer des liens pour promouvoir les exportations québécoises. Il y a donc un effet dynamique sur le développement du Québec.
On passe, à la fin de notre texte ? et je termine là-dessus ? sur un certain nombre de critiques qui sont faites à l'endroit du programme, et je pense que ce qui est important pour l'avenir, c'est de reconnaître clairement que le programme a des faiblesses sur le plan de la rétention des investisseurs au Québec même. Après cinq ans, il y a à peu près... pas plus que 20 % des investisseurs qui ont été admis au Québec qui sont présents au Québec. On ne s'attend pas que ce soit 100 % bien sûr, parce que, je veux dire, s'il fallait s'attendre que tous les entrepreneurs au Québec soient 100 % du temps au Québec, il faudrait retirer sa citoyenneté à Paul Desmarais, mais, quand même, 20 %, c'est un chiffre qui est relativement faible et, bon, notre conclusion là-dessus, c'est qu'il faut simplement travailler plus fort pour l'augmenter.
Il faut aussi compter sur les enfants de ces gens-là qui font leurs études au Québec très souvent et qui apprennent le français et l'anglais ici, parce que, de plus en plus, ce sont des Chinois. La Chine va être probablement, au XXe siècle, le plus grand réservoir d'immigration en Amérique du Nord, donc il faut commencer à composer avec ça et travailler fort.
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(11 h 40)
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Peut-être aussi qu'il faudrait que le ministère pousse sur Immigration Canada, là, Citoyenneté et Immigration Canada, pour qu'ils accélèrent un peu la venue d'immigrants investisseurs dont les dossiers traînent sur les tables, on ne sait pas où, par exemple en provenance d'Afrique du Nord, d'Afrique occidentale ou au Proche-Orient où il y a un très bon bassin de francophones.
Et donc notre stratégie dans ce contexte-là proposée serait non pas de dire: Bon, bien là, ils ne parlent pas assez français ou anglais ou bien ils ne sont pas assez présents au Québec, on va les flusher, mais plutôt de travailler ardemment à renforcer leur contribution économique, d'une part, mais aussi culturelle et sociale à la société québécoise. Voilà. J'espère que je n'ai pas trop excédé le temps qui nous était imparti.
Le Président (M. Cusano): Il vous reste quelques minutes. Alors, merci beaucoup. Est-ce que vous avez quelque chose à rajouter pour le moment? Non? Alors, je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, d'abord, je vous souhaite la bienvenue, vous dire à quel point je suis et nous sommes honorés de votre présence. Et je pèse mes mots parce que, bien sûr, vous avez un excellent mémoire qui apporte, je trouve, une bouffée d'air frais, et c'est doux à mes oreilles, mais surtout j'apprécie que deux chercheurs universitaires comme vous, professeurs émérites, preniez le temps de nous dire pourquoi ce dossier est au coeur et est si important, là, et se situe tellement bien dans une stratégie de développement économique, particulièrement en région. Et ça, je pense qu'il faut qu'il y ait de plus en plus de gens comme vous qui, on ne se le cachera pas, avez une excellente crédibilité... mais je pense que c'est très important que vous preniez la parole haut et fort pour nous appuyer dans ces démarches-là. Je vous le dis en toute franchise et en toute simplicité.
Cela dit, d'emblée, je vais vous dire que, au cours des dernières semaines, derniers mois, j'ai travaillé activement à certains éléments de ce programme, mais surtout sous deux aspects, d'abord pour réitérer toute l'importance que j'y accorde à titre de programme d'investissement, donc de programme structurant sur le plan économique... Pour moi, ce programme-là doit être situé d'abord dans ce positionnement. Ce n'est pas, à mes yeux, un programme qui a pour principal objectif l'immigration, je le dis, ce qui ne l'exclut pas, mais je dis: Il faut d'abord analyser ce programme-là pour les objectifs qu'il a à atteindre et pour lesquels il a été créé.
Mais, par ailleurs, et je trouve ça... Je vous avoue, quand j'ai lu votre mémoire, j'ai eu des chocs aussi, là. Je ne savais plus si je devais être encouragée ou découragée. Quand vous nous parlez des chiffres qui ont trait aux pénuries, c'est un point de vue qui, aussi, va faire l'objet d'un débat de société très fort. Parce que vous nous dites: Écoutez, attention, il n'y aura pas nécessairement de pénurie généralisée, ce qui va arriver, c'est le contraire ? puis c'est encore plus grave, tant qu'à moi ? on va réduire la taille de notre économie. Ça, je trouve ça extrêmement préoccupant et je sens que vous allez confronter bien des points de vue là-dessus, surtout si on aborde un forum sur la démographie, tel que le premier ministre l'a annoncé en fin de semaine, lié aux enjeux... sur le développement économique, mais lié aux enjeux démographiques. Donc, vous arrivez dans des ondes de choc et vous nous dites: Bien, au fond, ce qu'il va falloir faire, c'est cibler davantage les pénuries et voir comment on va pouvoir, selon les régions, combler ces postes. Je résume parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais c'est un peu ça, ma compréhension.
Par contre, je suis d'avis avec vous que ce qu'il faut, c'est développer l'entrepreneurship et s'assurer qu'on a de l'injection de capital au Québec. Et on dit ? et c'est votre conclusion ? ce programme-là est un excellent moyen. Mais comment fait-on malgré tout, là... C'est là qu'il y a une imprécision, entre le fait qu'on veut ça pour le Québec, le fait que ces investisseurs effectivement n'ont pas tendance à demeurer... On dit: Ce n'est pas le but principal, mais, moi, je me dis comme ministre: Est-ce que je ne peux pas quand même, dans un deuxième temps, dans un deuxième volet, contribuer à faire en sorte que ces entrepreneurs restent pour justement augmenter cet entrepreneurship dont on a tant besoin?
Ma question, c'est: comment pouvons-nous faire pour les garder? C'est-à-dire que, dans les grilles, sans rentrer dans la technicalité, on donne des points sur trois profils: la connaissance de la gestion financière, matérielle et humaine. Et là il y avait des recommandations qui disaient: On pourrait peut-être être moins sévère puis regarder plus un profil que l'autre. Moi, en profane, je dis: Bien, il me semble que, si on veut un entrepreneur au Québec, il est mieux de bien connaître la gestion financière, peut-être plus que la gestion matérielle parce qu'il y a des gens qui peuvent pallier à ça. Est-ce que nous faisons les bons choix? Je comprends que vous avez une évaluation, somme toute, positive de notre programme, vous le trouvez bien équilibré dans la répartition par rapport aux régions, mais ce capital humain aussi, là... Il y a l'argent, mais il y a le capital humain, là. Est-ce qu'on est... est-ce qu'il y a quelque chose... est-ce que c'est une préoccupation qu'on devrait, malgré tout, avoir, bien que, je le répète, moi, ma tête est faite, c'est d'abord un programme d'investissement? Mais est-ce qu'il n'y a pas un lien qui devrait être plus précisé? Est-ce qu'on n'a pas quelque chose de plus qu'on pourrait bonifier pour s'assurer que, malgré tout... C'est intéressant d'associer le capital argent au capital humain, puisque vous nous dites qu'on aura un problème d'entrepreneurship au Québec prochainement.
Le Président (M. Cusano): M. Fortin.
M. Fortin (Pierre): Merci pour vos commentaires. Après les fleurs, j'attendais un pot, mais il n'en est pas venu, heureusement. Ha, ha, ha! Merci beaucoup, beaucoup. En ce qui concerne les chiffres sur la pénurie, là, je pense que tout ce qu'on a présenté, c'est essentiellement ce qu'on trouve dans la littérature scientifique ici. Je ne sais pas comment, on dirait qu'il y a une espèce de médiatisation, à un moment donné, de slogan qui est parti: Bon, bien on va manquer de 640 000 emplois en 2006. Puis là tout le monde répète ça, puis ce qui est répété devient une vérité, puis, tout à coup, ça peut avoir des influences en politique. On voulait juste refroidir un peu cette tendance-là. Ce n'est pas du tout ce que l'analyse économique nous dit qu'il va se produire.
Cependant, ça ne signifie pas que l'immigration n'a pas un rôle important. Ce sur quoi Marc a insisté, c'est qu'on va avoir une pénurie d'entrepreneurs parce que ce sont les âges jeunes qui produisent des entrepreneurs, et on va avoir moins de jeunes. Et par conséquent, bon, ce programme-là est bien campé pour répondre à une des pénuries que va provoquer le vieillissement de la population.
Et évidemment l'autre aspect, c'est la pénurie de capital de risque. Dans notre texte, on calcule que ce qui est fourni par le Programme immigrants investisseurs équivaut à peu près à 15 % de tout le capital de risque privé qui est fourni au Québec dans une année. Donc, il faut renforcer ça. Donc, on ne vient pas dire que l'immigration, ce n'est pas important, mais qu'il faut aller l'orienter vers les objectifs qu'elle est capable de résoudre efficacement, puis on pense qu'elle l'est.
Deuxièmement, en ce qui concerne la rétention qui serait à améliorer, d'abord la clientèle qu'on a aux immigrants investisseurs, ce sont des gens qui ont de 45 à 64 ans, à peu près, aux trois quarts. Donc, il y a des choses qu'on peut faire avec ces gens-là, mais il y a des choses qu'on ne peut pas faire. C'est pour ça qu'on insiste plus sur les enfants de ces gens-là, d'un côté. D'autre part, ce que des gens de 45 à 64 ans peuvent faire, c'est, en s'intégrant... C'est qu'ils peuvent, si on les aide, si on les amène à Montréal, si on les envoie dans les régions... Mais là, si on va rencontrer quelqu'un, je ne sais pas, à Alger et puis qu'il ne vient jamais à Montréal, puis qu'il n'a jamais vu le Québec, il va avoir le Québec dans son coeur parce qu'il pense que le Québec lui a donné une bonne chance de devenir Canadien, mais il faut qu'il vienne puis il faut peut-être demander à ces intermédiaires financiers là, qu'on rémunère d'ailleurs, d'aider ces gens-là, leur faire connaître des entrepreneurs québécois.
Je veux dire, l'économie, ça fonctionne par réseaux. Je veux dire, il faut les aider à créer des liens avec les autres... Ces gens-là, ils se connaissent entre eux, ils se sentent littéralement. Un entrepreneur, qu'il soit Chinois ou Argentin, il va comprendre immédiatement un entrepreneur québécois qui ne dira pas un mot d'anglais. Ils vont se comprendre, ces gens-là. Et donc c'est l'effort qu'il y a à faire pour la rétention, je pense. Et puis, bon, ça pourrait même dynamiser la partie économique, parce que le 400 000 $, ils peuvent décider de le laisser, là, après le cinq ans plutôt que de le rapatrier, et de réinvestir. Donc, c'est tout simplement qu'il faut les accrocher plus. Il faut faire plus d'efforts pour évidemment, d'une part, la langue, mais aussi pour créer des liens avec le Québec, leur montrer que Montréal, c'est peut-être plus le fun, dans un sens, que Vancouver.
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(11 h 50)
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Le Président (M. Cusano): ...je dois vous dire, Mme la ministre, votre temps est écoulé. Je dois passer la parole à Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: J'ai tout de suite une première question à vous poser. La démonstration du Programme d'immigrants investisseurs est assez claire dans votre mémoire, et je pense qu'on peut se féliciter de l'avoir mis en place. Par contre, comme vous nous l'exposez, certains problèmes demeurent: le fait que ces investisseurs-là ne demeurent pas au Québec... Ils investissent au Québec, ils vont demeurer ailleurs. Dans une forte proportion, à part ça. Et même je vous dirais que... Dans votre mémoire, vous mentionnez, par exemple, ils vont... 26 % des intentions de résidence s'en vont en Colombie-Britannique, mais, par contre, que 90 % des fonds nouvellement souscrits au Canada par des immigrants investisseurs sont passés par le programme québécois, et le pourcentage de ceux qui projetaient de s'installer au Québec était de 56 % seulement. Pourquoi ils investissent au Québec puis ils s'en vont rester, je sais pas, en Colombie-Britannique, en Ontario?
Le Président (M. Cusano): M. Fortin.
M. Fortin (Pierre): Bien, ce sont des gens qui veulent être immigrants au Canada, et le programme québécois est le programme qui leur permet le plus efficacement d'atteindre cet objectif-là.
Mme Papineau: Est-ce que notre programme est différent de celui des...
M. Fortin (Pierre): Oui.
Mme Papineau: Dans quel sens?
M. Fortin (Pierre): Il est différent. Marc peut donner plus de détails là-dessus.
M. Van Audenrode (Marc): Il est clairement plus organisé. On est clairement beaucoup plus agressif dans le recrutement de ces immigrants, potentiellement.
Une voix: Le partenariat.
M. Van Audenrode (Marc): Le partenariat fonctionne très bien. Le système à trois joueurs, des intermédiaires financiers, d'Investisement Québec et du ministère, fonctionne extrêmement bien. Ce partenariat-là, il n'existe pas dans les autres provinces, il n'existe pas au niveau fédéral, et c'est pour ça que le programme fonctionne tellement bien au Québec.
Je voudrais peut-être juste rajouter un point sur les questions de rétention et d'intégration qui... Dans une certaine mesure, les questions de rétention, ça va un peu au-delà de notre expertise. Tout ce que je peux vous dire, moi, ce sont des choses que je vis de mon expérience personnelle, et c'est deux choses. La première, c'est, un, savoir ce qui va être une immigration à succès, quelqu'un qui va s'intégrer, rester vivre au Québec, est extrêmement difficile à prédire. Et j'ai vu autour de moi des gens francophones d'origine européenne, donc qui avaient tout pour s'intégrer très bien, qui, un jour, ont décidé qu'ils n'aimaient plus ça, qu'ils retournaient en France ou s'en allaient aux États-Unis. Donc, c'est extrêmement difficile de savoir ce qui va être une immigration à succès et où les gens vont rester. Et je ne pense pas, d'ailleurs, que les chiffres qu'on montre pour le Programme d'immigrants investisseurs, qui sont très bas, ne soient vraiment très différents de ce qui se passe dans d'autres programmes d'immigration pour des personnes comparables, avec le même niveau de mobilité ou le même niveau de capacité à voyager, à s'intégrer ailleurs dans le monde.
Et la deuxième chose s'adresse... Le point reste: pensons l'immigration plutôt en termes des enfants. Pensons l'immigration plutôt en termes des enfants. Et, même si ces enfants ne restent pas là... Moi, je peux vous dire, je ne suis pas certain que mes quatre enfants vont rester au Québec, mais, s'ils s'en vont, ce seront des petits Québécois, là. Ils auront passé leurs 20 premières années de leur vie au Québec, et ce seront des Québécois. Et, comme Pierre l'a dit, l'économie du futur, c'est une économie de réseaux, et ce n'est pas une mauvaise chose que d'avoir ces gens qui sont passés au Québec, qui se considèrent Québécois et qui, un jour, décident d'aller vivre ailleurs, et continueront à fonctionner dans le réseau, et continueront à, je crois, être un atout.
M. Fortin (Pierre): Je trouve que c'est assez extraordinaire de voir qu'à cause, en particulier, de ce programme-là, je veux dire, il y a tant de Chinois qui entendent parler du Québec, viennent au Québec, alors que l'économie chinoise est l'une qui est en expansion la plus rapide à travers le monde, là, tu sais, qui est appelée à l'être pendant une bonne partie du XXIe siècle. Alors... Et ces gens-là, l'immigrant investisseur type, ce qu'il veut ? je dis «il» parce qu'il n'y a pas beaucoup de femmes là-dedans, là ? c'est que... Il fait ça pour ses enfants. Il veut venir au Canada pour s'assurer que ses enfants aient la meilleure éducation possible. Puis il vient au Québec parce que, au Canada, c'est le programme québécois qui est le plus accueillant, O.K.? Donc, c'est comme... On a beaucoup en notre faveur, il s'agit de le renforcer. Et ça nous dit même que, si on veut les accrocher encore plus, il faut agir justement sur la bonne intégration de leurs enfants, par exemple, dès qu'ils arrivent à Montréal, leur mettre sur la table les possibilités, par exemple, pour les écoles et pour les collèges et les universités, qu'ils sachent au départ où aller, où sont les bonnes écoles. À l'UQAM, c'est excellent en passant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fortin (Pierre): À Laval, oui, aussi, mais c'est à Québec, alors...
Mme Papineau: Vous avez tantôt parlé, M. Van Audenrode ? c'est comme ça qu'on prononce? ? vous avez parlé des entrepreneurs, de l'entrepreneurship. Vous avez dit que c'est surtout les jeunes entrepreneurs immigrants qui viendraient au Québec. Parce que vous avez dit d'ailleurs qu'on va manquer d'entrepreneurs, on va manquer... L'entrepreneurship n'y sera plus à un moment donné. Qu'est-ce que vous pensez des jeunes... Et j'y vais surtout sur l'entrepreneurship parce que vous avez dit: On va manquer d'entrepreneurship. Moi, si je vous dis: Non, je ne pense pas, parce que les jeunes retraités reviennent sur le marché du travail et se partent en affaires, c'est courant. Comment vous voyez... Est-ce que j'ai raison de le dire?
M. Van Audenrode (Marc): C'est vrai que les jeunes retraités reviennent sur le marché du travail. Et d'ailleurs c'est probablement la chose qui va sauver l'économie québécoise. Mon point est un peu différent. Ce n'est pas à 55 ans qu'on se lance dans une entreprise risquée financièrement et qu'on fait des investissements risqués, et qu'on démarre sa petite et moyenne entreprise. Ça arrive, c'est plus rare.
Mme Papineau: ...vous avez dit tantôt, si j'ai bien compris, que les jeunes immigrants, vous les mettiez à 45 ans, à peu près?
M. Van Audenrode (Marc): Ils arrivent plus âgés. Ils arrivent avec leurs investissements et ils amènent des enfants avec eux qui ont grandi dans cette vie d'entrepreneurship et donc qui vont venir se rajouter aux jeunes Québécois. Encore une fois, je pense tout ce problème en termes d'enfants. Ils vont ramener des enfants avec eux qui auront grandi dans des familles d'entrepreneurs et qui vont se rajouter aux autres jeunes Québécois dont on va bien manquer pour travailler en ce sens-là.
Mme Papineau: Mais, quand vous avez parlé tantôt, je pensais que vous disiez que c'étaient des jeunes immigrants entrepreneurs qui arrivaient au Québec.
M. Van Audenrode (Marc): C'est ça. Ils sont plus âgés, en moyenne, que la moyenne...
Mme Papineau: Ils sont plus âgés.
M. Van Audenrode (Marc): ...des autres immigrants, comme Pierre l'a dit.
M. Fortin (Pierre): Souvent aussi, d'ailleurs, la raison pour laquelle ils sont partis, c'est que, comme ils ont, pour les trois quarts, entre 45 ans et 64 ans, leurs entreprises existent déjà à l'étranger, ils ont déjà des entreprises, alors il faut qu'ils soient souvent là-bas. Tout comme M. Desmarais, il faut qu'il soit souvent en Europe, tu sais, pour ses affaires.
Mme Papineau: J'ai encore du temps, M. le Président?
Le Président (M. Cusano): Oui, oui.
Mme Papineau: Oui?
Le Président (M. Cusano): Allez-y.
Mme Papineau: Vous nous dites également que...
Le Président (M. Cusano): Il vous reste trois minutes, Mme la députée.
Mme Papineau: Trois minutes? J'ai le temps de poser ma question. Vous nous dites également que le MRCI semble démontrer une certaine tiédeur face à ce programme en ne proposant que d'accueillir 2 600 personnes dans la catégorie des gens d'affaires par année, peu importent les scénarios envisagés. Quel serait, d'après vous, ce niveau d'accueil le plus performant et que le Québec pourrait se permettre en termes de capacité d'accueil? Si 2 600, là, ne vous semble pas assez, là, jusqu'où on pourrait aller, mais tout en étant capable de les accueillir?
M. Fortin (Pierre): Je vous remercie de prolonger votre question, ça me permet de réfléchir.
Mme Papineau: Ça vous permet de réfléchir.
M. Fortin (Pierre): Disons que la grande priorité, je crois, pour le moment, c'est d'améliorer la qualité de notre accueil. Notre accueil est déjà bon, mais il faut qu'il soit super, et d'autant plus qu'on va avoir de la concurrence d'autres pays, ça ne sera pas long. Et donc je ne pousserais pas en faveur d'une énorme expansion, une expansion rapide, mais une expansion de 4 % ou 5 % par année du nombre à partir de 2 600, dont 2 600, et puis, bon, on augmente, 2 700, 2 800, 2 900. Ce serait, je pense, tout à fait raisonnable dans les années, mais...
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(12 heures)
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En fait, on n'a pas fait coucher personne sur le fauteuil du psychanalyste au ministère, là. Nous, ce qu'on dit... Bon, on ne veut pas faire de manchette avec ça, tout ce qu'on dit, c'est que c'est dommage que le... On parle d'un scénario de réduction, c'est 2 600; un scénario moyen d'augmentation du nombre d'immigrants, c'est 2 600; puis un scénario d'expansion, c'est encore 2 600. Donc, c'est une espèce de preuve indirecte qu'il n'y a pas un... le document technique n'accordait pas en lui-même, tel qu'il a été produit, là, par les gens du ministère, une importance particulière à ce programme-là. On pense qu'il mériterait mieux, tout simplement.
M. Van Audenrode (Marc): Il y a peut-être une autre façon de répondre à la question. Il y a de dire: On ne perçoit pas qu'aujourd'hui à ce niveau le programme d'une façon ou d'une autre chasse d'autres candidats immigrants ou que les immigrants investisseurs arrivent au Québec au détriment de catégories d'investisseurs. Aussi longtemps que ça reste une réalité, je ne vois pas pourquoi on devrait maintenir ou on ne pourrait pas augmenter le nombre d'immigrants qui arrivent dans ce programme.
Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de La Peltrie.
Mme Hamel: Merci. C'est fort intéressant. Je voudrais vous ramener sur... On a parlé de la rétention des immigrants investisseurs, de miser plutôt auprès de leurs enfants, là, pour les conserver ici.
Vous avez parlé de la qualité de notre accueil aussi, puis, en page 17 de votre mémoire, vous parlez de critiques du programme puis vous en énumérez quelques-unes, là: les immigrants investisseurs reçoivent un traitement de faveur parce qu'ils sont scolarisés et fortunés.
Ce qui m'amène à vous demander: est-ce que les Québécois, est-ce qu'on est accueillants envers ces gens-là? S'il y a de l'amélioration à faire, ce serait quoi? Est-ce qu'ils sont bien vus, ces gens-là, puis pourquoi ils ne sont pas bien vus, s'ils ne le sont pas? On dirait que vous soulignez, là, des problèmes à cet égard-là.
M. Van Audenrode (Marc): Je pense qu'il y a beaucoup de méconnaissance du programme et que, si vous demandiez la croyance populaire autour de ce programme-là, c'est que ce sont des gens qui sont en train d'acheter leur passeport canadien. Et je crois que c'est vraiment la façon dont le programme est perçu. Et là, à ce niveau, il y a un travail d'éducation à faire, qui est de dire: Ce n'est pas le cas.
Il y a plusieurs façons d'arriver au Québec, en tant qu'immigrant. Il y a plusieurs catégories d'immigration. Il y en a une qui relève des... des immigrants investisseurs et qui permet à des gens qui n'ont pas d'autres qualités, qui n'ont pas de diplôme très élevé ou souvent qui ne sont pas francophones, de pouvoir espérer rentrer au Québec, et simplement c'est leur façon à eux d'entrer au Québec. Donc, je crois qu'il y a à ce niveau-là un énorme travail d'éducation à faire dans la population.
M. Fortin (Pierre): Je dirais que, si on veut avoir un petit sens du timing pratique, là, immédiatement, c'est, tout de suite, de courir au Conseil du trésor avec M. Séguin et puis leur dire: Bien, écoutez, là, c'est très bon pour le développement économique du Québec, cette histoire-là, mais on a besoin d'augmenter le taux de rétention, et pour ça il faut investir un peu plus d'argent ? que ces gens-là d'ailleurs donnent au ministère et puis donnent à Investissement Québec ? pour peut-être s'assurer qu'ils viennent à Montréal, s'assurer qu'ils vont dans les régions, leur faire rencontrer des entrepreneurs d'ici, puis ce n'est pas long que les liens se développent à ce moment-là, et faire en sorte que cet argent-là, qu'ils donnent au ministère et qu'ils donnent à Investissement Québec, ne retourne pas dans le fonds consolidé uniquement. Point à la ligne. Si vous voulez que j'appelle Mme Forget, M. Séguin pour vous, je vais le faire volontiers.
Mme Hamel: En fait... travail au niveau du Québec, changer l'image qu'ils ont ici auprès de la population, là, de...
M. Van Audenrode (Marc): Oui, je pense que c'est important.
Mme Hamel: Oui, mettre des efforts là. Merci.
Le Président (M. Cusano): Excusez-moi. J'étais un peu distrait. Bon, Mme la ministre, vous avez une question?
Mme Courchesne: Non, j'ai un commentaire. Je veux rassurer M. Fortin dès maintenant. La démarche, elle est faite. Elle est faite de façon très ferme, à la fois pour ce dossier-là mais aussi pour l'ensemble du... Vous savez, il y a un plan d'action qui s'en vient, et c'est évident qu'il y a des enjeux financiers, et je peux vous le dire d'emblée, que cette démarche-là elle est déjà faite. Je pense que c'est important. Si vous voulez, avec tout le poids de votre crédibilité, l'appuyer, vous êtes extrêmement bienvenus, mais je pense que votre présence ici et la teneur de votre mémoire en témoignent. Alors je vais... M. le Président, c'était un commentaire que je sentais pertinent, important de mentionner.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Mme la députée de Chambly.
Mme Legault: Messieurs, bonjour. Je veux revenir sur la question aussi de la rétention de nos investisseurs. Pour réussir en affaires, évidemment, ça prend une bonne connaissance du marché. Les caractéristiques spécifiques du marché québécois, elles sont là. Comment voyez-vous des solutions pour faciliter un meilleur arrimage, là, entre les entrepreneurs d'ici puis les entrepreneurs qui nous viennent d'ailleurs, justement pour leur permettre de mieux saisir les dynamiques qui nous caractérisent?
M. Fortin (Pierre): Je vais commencer à répondre en laissant Marc réfléchir à la deuxième partie de la réponse.
Moi, la manière dont je vois ça, c'est qu'il faut tabler beaucoup sur le travail des partenaires financiers du programme, c'est-à-dire les intermédiaires financiers et les sociétés de fiducie et de courtage qui connectent... Au fond, c'est parce que, ces gens-là, ils sont des... Le propre des intermédiaires, c'est d'être des intermédiaires, dans le sens que, d'un côté, ils connectent avec les immigrants investisseurs, puis, de l'autre, ils connectent avec les entreprises qui recherchent l'aide financière. Et donc, comme ils ont l'information des deux côtés, ce serait à eux autres à créer le pairage ou, en français, le «matching» dont on a besoin pour renforcer les liens entre les entrepreneurs québécois et ces entrepreneurs de l'extérieur qui songent à venir au Québec. Je pense que c'est une tâche qu'on pourrait confier aux intermédiaires financiers, puis je crois qu'ils seraient absolument ravis de jouer ce rôle-là.
M. Van Audenrode (Marc): Oui, je crois... Ces immigrants investisseurs, ils sont des personnes qui ont une valeur nette ou un avoir net d'autour de 2 millions de dollars, et ce qui est important, c'est de les convaincre... Bon, ce n'est pas juste une fois, c'est: Venez au Québec, faites des affaires au Québec. Il y a d'autres affaires au Québec, là, ce n'est pas juste cet investissement que vous allez faire pour gagner votre statut d'immigrant. C'est qu'il y a, en fait, d'autres opportunités d'affaires pour vous qui êtes un homme d'affaires ici, au Québec. Et donc je crois que tout ce que Pierre vient de décrire est excellent dans ce sens-là: créer les contacts, et surtout les amener au Québec, leur faire voir les possibilités, les faire rencontrer les entrepreneurs d'ici. Je crois que c'est important.
M. Fortin (Pierre): Les amener à l'OSM, par exemple.
Le Président (M. Cusano): Merci. Vous avez terminé, Mme la députée de Chambly? Je cède maintenant la parole à la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Bon matin, messieurs. Merci pour vos excellents commentaires et votre mémoire.
Une petite question rapide: Est-ce que j'ai bien compris que le 400 000 $ qu'on demande des investisseurs, donc, c'est un placement sans intérêt pour cinq ans? C'est bien ça? O.K.
Est-ce que vous percevez que ça peut être quand même attractif pour des gens d'affaires qui normalement veulent avoir du retour sur des investissements? Est-ce que c'est correct que ça continue d'être comme ça? Est-ce que les investisseurs étrangers transcendent justement cette notion de profit? Je vous pose la question...
M. Van Audenrode (Marc): Bien, c'est leur façon de contribuer et c'est leur façon de gagner leur statut d'investisseur immigrant. Ils doivent accepter de renoncer à l'intérêt sur une somme de 400 000 $ pendant cinq ans. C'est probablement une façon plus directe parce qu'elle est liée à certains investissements dans les petites et moyennes entreprises québécoises que d'exiger de leur part un paiement, si la politique leur exigeait directement un paiement plutôt que de vraiment investir physiquement.
M. Fortin (Pierre): La preuve qu'ils sont enthousiastes d'ailleurs, c'est qu'il y a une longue file d'attente. Je veux dire, on pourrait demain matin doubler le nombre si on voulait, là, tu sais. Mais il faut le faire avec une certaine prudence et progressivement; s'assurer aussi qu'Ottawa fait toutes les vérifications du fait qu'ils ont gagné cet argent-là de façon licite, parce qu'on ne veut pas évidemment, mais...
Mme Vien: Oui.
M. Fortin (Pierre): Donc, ils sont très nombreux à attendre aux portes, à toutes fins pratiques. Ce qui est une preuve que ce n'est pas des demandes exagérées qui sont faites par le Québec, et c'est une formule qui est très populaire.
Mme Vien: Bien. Merci.
Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a d'autres questions à ma droite? Alors, je cède la parole au député de Masson.
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(12 h 10)
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M. Thériault: Oui. Vous avez parlé tout à l'heure de la qualité de l'accueil et qu'il fallait au plus vite améliorer la qualité de l'accueil. Il y a des mémoires qui laissent entendre qu'on devrait envisager de déléguer une partie du travail de sélection, d'accueil, d'intégration aux intermédiaires financiers. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Van Audenrode (Marc): Je pense qu'il faut que chacun des acteurs joue son rôle. Les intermédiaires financiers recrutent et doivent s'occuper de ces immigrants une fois qu'ils sont arrivés au Québec. Ils devraient probablement avoir un rôle plus important une fois qu'ils sont arrivés au Québec.
La sélection, je crois, doit rester le privilège du gouvernement. Et je crois que, de façon ultime, c'est au gouvernement de faire ces choix-là, tout comme les questions de sécurité doivent rester à Ottawa ? en tout cas, dans le contexte actuel. Et c'est important, je veux dire, que les gens ne débordent pas de leur rôle.
Le plaidoyer que Pierre faisait sur un plus grand rôle des immigrants investisseurs, je pense, portait essentiellement sur: que faire une fois que ces gens-là sont au Québec ou encore que faire pour aider ces gens-là dans leurs démarches, pour aider à mieux comprendre l'importance de leurs démarches d'investissant immigrant en venant éventuellement au Québec, avant de faire leur demande d'investisseurs? Mais je ne pense pas que ce serait désirable de leur laisser faire la sélection en tant que telle.
M. Fortin (Pierre): Une façon... dans notre petit mémoire, une suggestion qu'on fait qui est basée sur au fond la rumeur urbaine, c'est que cette rumeur-là veut qu'il y a un très grand nombre de dossiers d'Afrique du Nord qui traînent ? ou du Proche-Orient ? et qui pourraient facilement être accélérés et puis ils traînent non pas au MRCI ? au ministère québécois ? mais à Ottawa. Donc, ce serait de pousser sur le gouvernement fédéral pour...
Parce que ça fait partie aussi de notre objectif de francité du Québec. Je veux dire, on demeure des francophones majoritairement ici, puis on veut promouvoir le fait français. Et donc la probabilité que quelqu'un qui vient d'Afrique du Nord parle français est beaucoup plus grande que s'il vient du Hunan, par exemple, tu sais. Et par conséquent, si on voit qu'il y a un petit blocage du côté du bassin méditerranéen, bien, il faudrait peut-être travailler un peu plus fort pour dégager ce conduit-là.
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Thériault: Oui. Alors, bon, accélérer les délais. Mais, au niveau de la qualité de l'accueil, est-ce que... En synthèse, là, en points nodaux, qu'est-ce qu'il faudrait améliorer rapidement?
M. Fortin (Pierre): Les faire venir à Montréal, et, de Montréal, leur faire voir au moins une ville, une petite ville en dehors de Montréal, incluant Québec, une petite ville.
Des voix: Ha, ha, ha!
Des voix: ...
M. Fortin (Pierre): Montréal ou Québec ou d'autres villes, je crois.
Le Président (M. Cusano): ...ces commentaires-là...
M. Fortin (Pierre): Bon, et c'est capital. Parce que, présentement, il y en a un certain nombre qui voient le Québec de façon très abstraite et même le Canada de façon très abstraite, et ne viennent pas sur place, et toute la transaction se fait à l'étranger. Il faut, physiquement autant que possible, les amener ici puis...
Le deuxième aspect sur la qualité de l'accueil, c'est d'essayer de comprendre c'est quoi, leurs objectifs. La plupart d'entre eux, c'est d'avoir une bonne place pour donner une bonne éducation à leurs enfants. Les enfants qui s'en vont à l'école française ou au collège, à l'université ? en anglais ou en français ? bon, il faut les aider à trouver ça rapidement, puis ils vont être très reconnaissants de ça. Ça crée des liens. Et puis, autant que possible, bien, leur faire rencontrer quelques entrepreneurs québécois ou un, ou deux, ou trois, je ne le sais pas, là, c'est ça que j'entends par la qualité de l'accueil puis les priorités.
Les faire venir à Montréal, leur faire voir le Québec, ce qu'il y a de beau au Québec et puis leur faire rencontrer du monde et puis comprendre leurs objectifs en termes immobiliers. Évidemment, il faut qu'ils s'achètent une maison s'ils viennent au Québec, et, également, trouver des bonnes écoles pour leurs enfants. C'est ça. Je veux dire, c'est des êtres humains. Mme la ministre parlait du capital humain là-dedans, c'est comme ça qu'on va le développer, à notre avis.
Le Président (M. Cusano): Oui?
M. Thériault: D'après vous autres, quels sont les intervenants économiques qui devraient être associés pour faciliter l'intégration et la rétention des immigrants investisseurs au Québec? Quelle devrait être la stratégie du gouvernement, à cet égard-là? Est-ce qu'il y a d'autres intervenants économiques qui devraient être associés à la démarche?
M. Fortin (Pierre): Bien, ce dont on vient de parler, à mon avis, c'est déjà tout ça, c'est déjà beaucoup. Je veux dire, on pourrait sans doute faire passer assez facilement le taux de rétention... Bien, enfin, quand on dit le taux de présence au Québec puis on dit que c'est un petit peu moins que 20 %, il faut faire attention là-dedans, tu sais. Des investisseurs internationaux ou des entrepreneurs internationaux, ils ne sont pas toujours au Québec même s'ils sont Québécois. Tu sais, je mentionnais l'exemple de Péladeau ou de Desmarais tantôt, ou d'un M. Coutu ? bien, c'est M. Desmarais, M. Péladeau aussi, là, c'est tous des messieurs ? et donc il faut faire attention, là, d'exagérer, là, en disant qu'ils ne sont pas sur place. Il faut parfois qu'ils aillent à l'étranger pour faire des affaires. Mais, pour faire augmenter ça, oui, la qualité de l'accueil.
Je veux dire, il faut autant que possible faire l'impossible au départ pour qu'ils aient le Québec tatoué sur le coeur, tu sais, premièrement. Puis, deuxièmement, une fois que c'est fait, bien, poursuivre ces contacts-là, par exemple en leur faisant rencontrer les entrepreneurs où leur argent aboutit finalement, faire un espèce de suivi.
Évidemment, on ne veut pas devenir comme des... ce n'est pas des enfants, ces gens-là, là, tu sais. Il ne faut pas les prendre par la main, tu sais. Il y a une limite à vouloir être empressés à les faire s'intégrer. Ils vont dire: Écoute, une minute, là! C'est assez, là, je veux dire, je suis capable de me débrouiller tout seul. Mais c'est certain qu'il faut faire plus que présentement pour ça. Tout simplement, il faut en faire plus.
Le Président (M. Cusano): M. le député.
M. Thériault: ...entendiez tout à l'heure quand vous disiez: Ils viennent d'abord au Canada, et puis le programme est bien au Québec, donc ils se retrouvent ici. Mais finalement il n'y a pas de...
M. Fortin (Pierre): Oui. C'est plus Québec que ça, parce que...
M. Thériault: Pardon?
M. Fortin (Pierre): C'est plus... ils sont plus Québec que ça.
M. Thériault: O.K.
M. Fortin (Pierre): Parce que la façon dont ils entrent au Canada, c'est par le Québec, et puis, pour eux, c'est Québec. C'est: Go Québec!
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté de l'opposition?
Mme Papineau: Ça va.
Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, j'aimerais bien remercier nos invités pour leur présentation et un échange extrêmement intéressant.
J'aimerais annoncer aux membres de la commission qu'il est possible de laisser vos documents ici, la salle sera surveillée.
Alors, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, et, à ce moment-là, nous entendrons l'Association des intermédiaires financiers du Programme immigrants investisseurs du Québec. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 14 h 2)
Le Président (M. Cusano): La Commission de la culture reprend ses travaux. À ce moment-ci, nous devrons entendre l'Association des intermédiaires financiers du Programme immigrants investisseurs du Québec.
J'aimerais demander aux gens qui se sont présentés à la table de bien s'identifier pour les fins du Journal des débats.
Associations des intermédiaires
financiers du Programme immigrants
investisseurs du Québec (ADIF)
M. Leblanc (Louis): Oui, merci. Merci, M. le Président. Mon nom est Louis Leblanc. Je suis président de l'ADIF, qui est l'Association des intermédiaires financiers, dans le dossier investisseurs immigrants et je suis aussi vice-président et directeur général pour la Financière Banque Nationale. Et, pour l'occasion, cet après-midi je suis accompagné de M. Marc Audet, qui est vice-président à la Fiducie Desjardins.
J'aimerais vous remercier, M. le Président, Mme la ministre, et les membres de la commission...
Le Président (M. Cusano): Un instant. Je voudrais juste vous rappeler notre procédure, avant.
M. Leblanc (Louis): Ah! excusez-moi.
Le Président (M. Cusano): Oui. Alors, vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation, qui sera suivie d'un échange avec les parlementaires d'une durée de 40 minutes. Si vous avez des documents à distribuer, vous n'avez qu'à me le faire savoir, et, à ce moment-là, on pourra distribuer les documents aux membres de la commission. Alors, vous pouvez procéder.
M. Leblanc (Louis): Parfait. Merci, M. le Président. Et, encore une fois, Mme la ministre et les membres de la commission, je vous remercie de l'occasion de nous faire entendre à l'égard du dossier investisseurs immigrants, entre autres pour qu'on puisse exprimer notre opinion sur les performances et les retombées du dossier investisseurs immigrants, ainsi que les recommandations pour augmenter l'impact du programme.
J'aimerais relater mon expérience personnelle dans le Programme investisseurs immigrants. Pour certains d'entre vous, vous savez que je suis impliqué dans le programme depuis ses tous débuts, 1986, à l'époque avec Mme Robic et M. Godin, lors de la création en fait du dossier investisseurs immigrants, et mon implication a permis de voir l'évolution du programme, en fait qui a commencé en 1986 avec des placements de 250 000 $ pour une durée de trois ans qui étaient garantis par des lettres de crédits bancaires, à la réalité d'aujourd'hui qui en est une où on offre aux investisseurs immigrants des billets à terme, émis par Investissement Québec, d'une valeur de 400 000 $, pour une durée de cinq ans.
Je pense que mon engagement historique dans le Programme investisseurs immigrants me donne une perspective particulière à l'égard de l'analyse et de l'évaluation des bénéfices du programme. Et je pense que le premier constat capital que j'aimerais mettre de l'avant est le succès incontestable du programme ? on n'a qu'à écouter les propos de MM. Fortin et Van Audenrode ce matin; on a vu M. Picher, dans La Presse, ainsi que M. Bérubé, dans Le Devoir aujourd'hui ? pour relater les succès financiers associés au dossier investisseurs immigrants, et j'ose dire que la raison principale du succès du programme est le partenariat privé-public.
À l'époque, le gouvernement du Québec a été très sage, je pense, en 1985-1986, de demander le service des gens du secteur financier pour s'occuper de la question du placement des fonds. À l'époque, on avait décidé de scinder l'univers de l'immigration en deux. Le ministère de l'Immigration, évidemment qui n'est pas un ministère de financement corporatif, a décidé de s'occuper de la question de l'immigration des investisseurs, et, nous, gens du secteur privé, soit maisons de courtage et fiducies, avons eu comme mandat de s'occuper du placement des fonds, alors qu'au gouvernement fédéral il y a eu beaucoup plus de rigidité historique à l'époque où... Parce qu'on n'a pas voulu réglementer les intermédiaires à l'époque, il s'est ensuivi des problèmes historiques que l'on connaît dans le programme fédéral dans nos services à l'immigrant, tant du point de vue de nature financière que du nombre de candidats qui ont fait application versus le succès applicable au dossier Québec.
Et à cet égard-là je pense que la participation du secteur privé-public a permis deux éléments importants. Premièrement, il y a une flexibilité de marché quant au placement des fonds qui s'est développée, une notion d'ingénierie financière très importante. Je pense que tous les intermédiaires financiers ont fait preuve, au fil des années, d'une grande imagination à l'égard de l'ingénierie financière pour offrir des véhicules financiers qui répondent vraiment aux aspirations des investisseurs immigrants. C'est une des raisons, je pense, entre autres, pourquoi on a eu tant de succès au niveau du nombre de conventions de clients signées dans le dossier Québec versus le dossier fédéral.
Et, deuxièmement, il y a eu l'agressivité naturelle du secteur privé quant au démarchage des clients. Moi et Marc ? et je reconnais mes collègues, certains membres de l'ADIF qui sont ici ? on a une réalité quotidienne où on passe, je dirais, un quatre mois par année minimum à l'étranger, où on fait un démarchage très actif dans le dossier investisseurs, que ce soit... Actuellement, évidemment, la Chine est un marché très important, très porteur dans le dossier investisseurs immigrants, mais, historiquement, on pense à Hong Kong, Taiwan, on pense à la Corée du Sud, on pense à l'Amérique du Sud actuellement, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord. Ce sont tous des marchés dans lesquels les intermédiaires financiers font un démarchage très actif. Et, en fait, ils sont un petit peu les agents du gouvernement pour la sollicitation des investisseurs, et ça, ça fonctionne depuis les 18 dernières années en termes de démarchage agressif sur les marchés étrangers.
Alors, ce que j'aime dire, c'est que, au niveau du mandat initial qui nous a été confié, on a, j'ose dire, atteint un score de 100 % au niveau de la rétention des capitaux. Évidemment, le terme «rétention», il circule souvent dans nos discussions. Moi, ce que j'aime dire, c'est que le mandat initial que nous avions, qui est en termes de rétention de capitaux... il est important de noter que 100 % des fonds, tous les dollars, depuis 14 ans, dévolus au dossier investisseurs immigrants ont été placés au Québec, donc toutes les sommes qui venaient de nos investisseurs immigrants québécois ont été placés effectivement auprès de PME québécoises.
Alors, ce que j'aimerais faire avec vous pour mettre la table, c'est vous donner quelques chiffres sur, premièrement, le Programme investisseurs immigrants en termes de chiffres dans une dimension historique pour essayer de nous remettre un petit peu... Oups! je pense que c'est un problème avec la grandeur de nos tableaux.
Alors, au niveau des chiffres, ce que nous avons fait dans le dossier, si on regarde un petit peu avec un recul historique, nous avons effectué pour plus de 4 milliards d'investissements depuis 1986 dans le dossier investisseurs immigrants. Il s'est créé au Québec approximativement 15 000 nouveaux emplois, et ces emplois ont été principalement en région. Quand je dis «principalement en région», on estime approximativement que plus de 60 % de tous les emplois créés dans le dossier investisseurs immigrants ont été faits en région. Et c'était en fait, je pense, un accord de principe qui a tenu, que ce soit avec Mme Gagnon-Tremblay, que ce soit avec M. Boisclair, à l'époque, une volonté commune de vouloir favoriser les régions en termes d'investissement. Et à cet égard-là on a vraiment tenu, je pense, notre bout de l'entente à vouloir faciliter des financements en région comme telle. Et, depuis les trois dernières années, le Québec a attiré plus de 90 % des fonds qui sont souscrits par les investisseurs immigrants au Canada. Si on regarde l'enveloppe canadienne, depuis trois ans, 90 % des investisseurs choisissent le produit québécois au niveau du Programme d'investisseurs immigrants.
Et le dernier point important pour nous, c'est qu'il n'y a pas un dollar qui a été payé par les contribuables québécois depuis 1986 dans le dossier investisseurs immigrants, parce que toutes les PME qui reçoivent du financement, comme le disait le rapport Brunet récemment, c'est de l'argent qui vient du capital de risque du secteur privé. Et, en fait, c'est un rapport... ce qu'on a vu avec les chiffres du rapport Brunet, et M. Fortin le mentionnait ce matin, près de 15 % des sommes qui sont dévolues en capital de risque au Québec, secteur privé, viennent du dossier investisseurs immigrants. Alors, ça, je pense que c'est important à noter, parce que les firmes qui ont le bénéfice du financement dans le dossier investisseurs immigrants, ce n'est pas à coup de subsides de différents organismes gouvernementaux, mais c'est strictement émanant du dossier investisseurs immigrants comme tel.
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(14 h 10)
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Maintenant, ce que j'aimerais faire rapidement, c'est: regardons les gains d'un Programme investisseurs immigrants pour une année particulière, qui est l'année 2003. En 2003, il s'est fait pour... il s'est donné pour 42 millions de dollars de subventions à près de 200... 196 PME ont bénéficié des subventions dans le dossier investisseurs. Il s'est fait aussi l'achat de plus de 500 millions de dollars d'obligations. Comme vous savez, la garantie qu'on offre aux investisseurs immigrants, c'est un billet à terme émis par Investissement Québec. Et donc, par le truchement de l'émission du billet à terme, il s'est fait pour 500 millions de dollars d'achat d'obligations. Il s'est, par ricochet, versé pour 5 millions de revenus à Investissement Québec pour payer les frais d'opération, parce que, dans la coupure du partage, il y a une partie du revenu qui doit être applicable, versée à Investissement Québec, pour la somme, en 2003, de 5 millions.
Contribution de 8 millions de dollars au budget du MRCI au cours de l'année 2003, à cause des frais que l'on charge, entre autres, aux investisseurs lors du dépôt de la candidature. Et il s'est fait pour près de 300 millions de dollars de prêts faits par les banques d'ici aux investisseurs parce que, sans aller trop dans les arcanes techniques du programme, les investisseurs immigrants, en général, choisissent une option de prêt, c'est-à-dire qu'ils vont dire: Bien, je dépose une partie de la somme au comptant, et, nous, les institutions financières, allons lui prêter le solde. L'investisseur dépose 120 000 $, on va lui prêter 280 000 $, pour faire le total de 400 000 $ qui est donné en subvention aux PME. Et, de cette transaction, il a découlé pour 300 millions de prêts qui sont faits par les différentes institutions financières québécoises auprès d'investisseurs étrangers.
Alors, ce que je voulais, c'est mettre la table de façon très générale à l'égard d'où nous en sommes actuellement dans nos investisseurs immigrants. Et j'inviterais maintenant Marc ? M. Audet ? de faire une présentation sur les recommandations qu'on vous soumet à l'égard du programme.
Une voix: ...
Le Président (M. Cusano): On ne se sert pas du cellulaire, ici, en commission parlementaire. Alors, vous pouvez continuer.
M. Leblanc (Louis): Alors, je vais céder la parole à M. Audet pour question de recommandations.
M. Audet (Marc): Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bon après-midi. Donc, ce matin, MM. Pierre Fortin et Marc Van Audenrode ainsi que Louis cet après-midi vous ont présenté le programme afin de mieux vous familiariser, et les mérites que le programme a apportés au Québec.
Au niveau de l'ADIF, nous sommes sûrs... on veut s'assurer que le programme perdure pour les prochaines années, et on a décidé de vous faire quelques recommandations qu'on a regroupées en trois principales pour la présente commission.
Notre première recommandation est le virage client. Depuis plusieurs années, on sent un certain désappointement auprès du MRCI envers des fois le Programme immigrants, surtout au niveau... peut-être au niveau de la rétention. On en parlait encore ce matin, on le sait, on doit travailler davantage peut-être pour aller chercher l'entrepreneurship qu'on veut.
Donc, nous, nous croyons sincèrement que, pour favoriser la rétention, on doit passer par le virage client. Et ça, c'est bon pour toutes les catégories. Ce n'est pas juste bon pour les immigrants investisseurs, mais peut-être que c'est plus important pour ce type de clients là, compte tenu de leur profil.
Donc, on s'est dit: si l'immigrant est considéré comme un client, la journée 1, donc un client s'attend à un service donné. Donc, si on lui donne un service donné, avec un niveau... Il va en sortir une satisfaction, et, avec la satisfaction, je pense que le client va avoir un intérêt, il va être favorable à différentes choses, et on croit qu'on devrait s'avantager davantage sur la rétention.
Il faut comprendre que l'ensemble des intermédiaires financiers impliqués dans ce programme-là sont, dans la grande majorité, des Québécois. On parle aussi du groupe Banque Nationale, Desjardins et d'autres institutions. Donc, on a tout intérêt, pour nos propres institutions, que ces gens-là viennent s'établir au Québec, pour des raisons économiques bien évidentes.
On ne croit pas, par contre, par des mesures... Actuellement, on tente de demander au client, lors de l'entrevue de sélection, de souscrire par écrit comme quoi il a la ferme intention de s'établir au Québec ou peut-être en voulant modifier la grille de sélection également pour changer peut-être un peu le profil de l'investisseur...
Le service d'accueil... On pense que l'impact pourrait être minime. D'un autre côté, si on mettait en place un service, appelons-le tapis rouge ? je pense qu'on est dans la salle idéale pour l'appeler comme ça ? dès la journée 1, c'est-à-dire la journée où le client a son premier contact direct ou indirect avec le Québec...
Souvent... On l'a mentionné ce matin puis encore cet après-midi, la Chine est un bassin très important d'immigrants. Tout le monde dit: Bon, bien, tous les Chinois s'en vont à Vancouver. Je pense que le Québec, si on allait davantage vers le client, c'est-à-dire... On regarde les dernières mesures administratives que le Québec a prises: il n'y a plus de mission en Chine. Toutes les missions... Toutes les entrevues se font maintenant à Hong Kong. Il n'y a aucune promotion qui se fait en Chine. Donc, ça peut être assez difficile d'intéresser un Chinois à venir au Québec si le Québec ne s'intéresse pas, d'un autre côté, aussi à la Chine.
Donc, un client qui est satisfait va parler en bien du Québec. Il va faire la référence à d'autres amis. Par contre, un client insatisfait peut avoir davantage d'impacts. Donc, on croit qu'il y a un travail à faire, prioritairement. On a parlé beaucoup d'accueil ce matin, mais l'accueil, je pense, doit se faire à l'étranger, c'est-à-dire, dès la journée 1, quelqu'un qui demande une information quelconque, l'accueil commence là.
Également, en avril 2003, le MRCI a augmenté ses frais de 850 $ à 3 850 $, et une partie de ces hausses... de ces frais-là était pour justifier justement plus d'investissements au niveau de la promotion, de la rétention, etc. Donc, je crois qu'on est sur la bonne voie, mais il faudrait mettre la machine en marche.
Également, nous avons eu vent que l'Association du Barreau canadien, je crois, lors d'un mémoire de l'an 2000, a avancé ce point-là également au niveau du virage client. Donc, nous croyons que le MRCI devrait, en plus de ses objectifs quantitatifs, au niveau de ses objectifs, avoir des objectifs qualificatifs, tel que le virage client.
Au niveau de la recommandation 2, l'augmentation des objectifs d'admission au Québec, les immigrés investisseurs pour 2005-2007. Si on examine le tableau suivant, de 1995 à 2002 ? je signale une erreur ici ? c'est 25 000 immigrants, gens d'affaires, donc requérant principal et dépendants. Gens d'affaires ici, on a inclus investisseurs, travailleurs autonomes et entrepreneurs. De ces 25 000, 60 % étaient des investisseurs, donc requérant principal et dépendants, et l'appliquant principal, on parle de 4 336, donc un ratio de 3,5 individus par application. Si on regarde la moyenne au cours des dernières années, donc on a un pourcentage de l'ordre de 60 % des gens d'affaires qui sont des investisseurs, avec un ratio de 3,5.
Si nous prenons les objectifs du MRCI, donc les scénarios, qu'ils soient ? on a mentionné ce matin ? qu'ils soient croissance ou stabilisation, etc., c'est toujours de 2 600. Pour les trois dernières années, la tendance des gens d'affaires était davantage vers les 70 %. Donc, prenons l'hypothèse qu'on maintient les trois dernières années à 70 %, donc ça représenterait 1 820 investisseurs, donc requérant principal et dépendants. Et, si on va seulement au niveau des investisseurs, donc si on divise par 3,5, on parle de 520 investisseurs. 520 investisseurs, à 400 000 $ d'investissement, on parle de 208 millions d'investissements au Québec versus actuellement plus de 550 millions dans les dernières années.
Donc, notre question est de savoir si... Il faut prendre pour hypothèse, peut-être pour les gens, là, qui sont plus au niveau de l'immigration, qu'il faut y aller sur une année normale, parce que l'admission se fait toujours par après, il y a un délai. Il y a un délai au niveau de l'immigration; on est tributaires du fédéral, on en a parlé ce matin. Mais, si le programme commençait aujourd'hui, on avait un client aujourd'hui, il avait son certificat de sélection trois mois plus tard et sa résidence permanente neuf mois plus tard, c'est les chiffres qu'on aurait avec la planification actuelle. Et, si le Québec suivait la tendance nationale, c'est-à-dire au cours des dernières années, c'est environ 225 000 résidences permanentes qu'il s'est donné au Canada. Donc, si le Québec prenait sa position, son poids démographique ? ici on voit 23,6 %, contrairement à 14,5 % au cours des dernières années ? et si on faisait le même type de calcul, on parlerait de 1 075 investisseurs, donc pour 400 millions. Et, si on allait plus loin avec la tendance qu'au niveau national, on se dit que le Canada veut avoir 1 % de son immigration au niveau de la population totale, donc on parlerait de 300 000, donc on parle de 1 420, donc pour 560 millions. Donc, on se demande pourquoi un niveau si bas est prévu, et d'autant plus si notre recommandation 1 est appliquée, donc le virage client, plus de rétention, plus d'admissions, donc les chiffres encore à la hausse.
Également, j'aimerais porter à votre attention que, depuis le 1er avril 1999, tous les fonds souscrits au Québec... tous les gens ont l'obligation de venir s'établir techniquement au Québec, contrairement aux années antécédentes. Donc, les chiffres... Si on prend une base historique, le Québec a été très performant, mais il y avait peut-être 30 % dans notre portefeuille des gens qu'on savait déjà d'avance qu'ils allaient s'établir dans les autres provinces. Donc, là, maintenant, avec le volume d'affaires que nous avons, c'est sûr qu'il y a une tendance à la hausse. Et l'infrastructure que les intermédiaires financiers, tel que M. Leblanc a mentionné plus tôt... fait en sorte qu'on est capables de lever plus ou moins, bon an mal an, 2 500 immigrants investisseurs par année à travers le monde, avec les structures de tout l'ensemble du réseau des intermédiaires financiers. Et, si ce nombre n'augmente pas, il va falloir les placer ailleurs, ces immigrants-là, notamment dans le programme fédéral qui est le programme compétiteur au Québec. Donc, il serait important que le MRCI revoie son niveau d'admissions prévu par son plan triennal pour les gens d'affaires.
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(14 h 20)
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Notre dernière recommandation est la reconnaissance de la valeur d'un CSQ. Malgré les différents efforts que le MRCI apportera à ce programme, il ne faut pas perdre de vue la finalité recherchée par les candidats, soit la résidence permanente canadienne. Le Québec doit s'assurer que les candidats qu'il a sélectionnés seront admis au Canada le plus rapidement possible dans la mesure qui respecte l'ensemble des législations canadiennes.
La situation actuelle devient de plus en plus délicate, à notre avis, pour le Québec, et ce, particulièrement depuis la mise en place du nouveau programme, le 8 juin 2000, avec la collaboration d'Investissement Québec. Si on regarde ici les chiffres, depuis la mise en place du nouveau programme, le 8 juin 2000, c'est 2 322 placements qu'il s'est effectué auprès d'Investissement Québec, au 31 décembre 2003, pour 928 millions de dollars. Sur cet argent-là, une grande partie a été au fonds consolidé de la province, à l'administration d'Investissement Québec, aux consultants avocats en immigration, aux intermédiaires financiers et aux PME bénéficiaires.
L'industrie s'accorde pour dire que 90 % de ces gens-là devraient obtenir la résidence permanente suite au contrôle médical et sécuritaire. Actuellement, selon les chiffres que nous avons, Investissement Québec aurait eu la confirmation seulement de plus ou moins 420 résidences permanentes à ce jour, qui représentent seulement 20 % des 2 322. Donc, selon les chiffres de notre industrie, actuellement tous nos clients de 2001, donc plus de deux, mettons, trois ans, 50 % d'eux sont sans visa; 2002, 75 % d'eux sans visa; et, 2003, 99 % d'entre eux, sans visa.
Le Président (M. Cusano): En conclusion.
M. Audet (Marc): En conclusion, si on regarde la moyenne, ça prendrait environ 18 mois actuellement après le Certificat de sélection du Québec pour obtenir la résidence permanente et si le fédéral traitait seulement les dossiers du Québec, et, si on ajoute les dossiers fédéral, on parle d'un délai actuellement de 36 mois. Donc, on pense que le Québec pourrait avoir des problèmes avec les investisseurs qui ont... Le Québec a utilisé les sommes des investisseurs, les PME, etc., et, eux, ils n'ont pas eu la finalité, soit le visa canadien, actuellement. Donc, ça pourrait créer une pression.
Deuxièmement, les objectifs d'admission et la compétitivité du programme pourraient être remis en jeu.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, messieurs, je tiens à vous remercier, premièrement, de votre présence fort nombreuse, ce qui démontre que vous y accordez une réelle importance et aussi à... je pense que vous avez travaillé très fort à nous présenter ces tableaux synthèses qui apportent des éléments nouveaux au dossier, et je tiens à vous dire à quel point c'est apprécié.
J'ai plusieurs remarques, vous me permettrez, surtout sur ces liens que vous faites par rapport au nombre d'admissions ou au nombre de... au potentiel en fait d'investissements versus les capacités, si vous voulez, d'admettre, à titre de résidents permanents, les investisseurs. Je pense que vous touchez un peu le coeur d'une problématique réelle. Parce que je ne reviendrai pas, là, sur le fait de l'importance que j'accorde au programme. Je l'ai dit ce matin, je l'ai dit ce midi, vous étiez présents, donc, je ne reviendrai pas là-dessus. J'aimerais plutôt aborder rapidement ces questions-là, parce que vous touchez le coeur d'un problème majeur qui, bien sûr, concerne les délais du gouvernement fédéral. Mais, quand on regarde vos statistiques entre 2000 et 2003, il faut aussi se dire qu'il y a eu un événement entre les deux qui, à mon humble avis, vient interagir et interférer dans ce programme-là.
Je pense qu'il faut se parler franchement. Il y a eu du côté fédéral un resserrement très important sur la sécurité des fonds. Bon, est-ce que c'est réel, pas réel? Je ne veux pas juger, je ne porte pas de jugement là-dessus. Nous-mêmes, au gouvernement du Québec... Et on n'en a pas parlé: il y a un rapport qui s'appelle le rapport KPMG, qui a été remis à Investissement Québec, sur justement la rigueur de gestion et la sécurité de la gestion des risques sur la provenance des fonds. Alors, il ne faut pas faire comme si ça n'existait pas. Mais il est évident que, sur la scène internationale, en termes de sécurité, ça a suscité énormément de questionnement du côté fédéral. Et je serai appelée à renforcer certaines mesures pour s'assurer qu'on est capables, en collaboration avec les intermédiaires financiers, qu'on est capables de sécuriser au maximum la légalité de la provenance des fonds. Je tiens à le dire parce que c'est une dimension qui est extrêmement importante.
Maintenant, il ne faut pas non plus que cette question-là soit un prétexte ou que ces délais indus... que cette question-là ne se règle pas favorablement au niveau fédéral, et ça, j'en conviens totalement, et il faut aussi que le gouvernement fédéral réalise que c'est un programme d'investissement important pour le Québec. Il faudra donc, et c'est déjà amorcé ? je l'ai dit, là, c'est amorcé depuis plusieurs semaines... il faut réitérer, nous, comme gouvernement, toute l'importance que nous accordons à ce programme. Il faudra donc que le gouvernement fédéral suive dans la capacité de réduire ces délais.
Cela dit, moi, ce qui m'intéresse par rapport à ça... parce que c'est sûr qu'on préférerait 500 millions par année d'investissements, une fois que ce que je viens de dire est réglé, idéalement. Est-ce que, vous, intermédiaires financiers, êtes convaincus que vous avez la capacité avec les consultants en immigration ? parce qu'il faudrait en parler aussi, des consultants en immigration, c'est aussi une autre problématique ? mais est-ce qu'on a, tout le monde ensemble, collectivement une capacité réelle d'aller chercher rapidement plus que 2 500 investisseurs immigrants par année?
Si votre réponse est oui, est-ce que vous pourriez rapidement et brièvement me dire qu'est-ce que vous feriez de plus, comment ça se passerait et comment pouvons-nous, je dirais, intensifier ? parce que vous le dites dans votre rapport ? comment pourrions-nous intensifier notre partenariat? Et vous parlez même que vous souhaiteriez qu'on vous délègue davantage d'étapes, j'aimerais vous entendre à cet égard-là aussi.
M. Leblanc (Louis): Mme la ministre, je pense qu'il y a différents éléments de réponse à apporter à vos questions. Certainement, un, comme vous dites, est-ce qu'on est en mesure? La réponse est oui. Marc l'a mentionné plus tôt, on a, là... Avec les effectifs que nous avons à l'étranger et les collaborations avec les consultants en immigration, pour nous, avoir une expectative de pouvoir signer un 2 500 investisseurs immigrants sur une base annuelle, c'est tout à fait réaliste.
Le problème, je pense, le plus important est au niveau de l'appareil gouvernemental. J'aime souvent dire, dans le dossier d'investisseurs immigrants, qu'il y a trois priorités: la première, les délais; la deuxième, les délais; et la troisième, les délais. Tout est question de procédure de dossiers. Et la difficulté que l'on vit dans le dossier investisseurs immigrants, c'est que, si on amène un flot beaucoup plus important de candidats, il faudrait que le Québec ait un personnel adéquat pour pouvoir traiter avec rapidité les candidats en termes d'application dans le dossier investisseurs immigrants. Ça, pour moi, c'est sans doute l'élément le plus important au niveau de la capacité de... et je pense que la capacité puisse être mise en place.
Les délais, la difficulté qu'on y voit aussi... il y a la question ? et je dois le mentionner bien ouvertement ? d'attitudes parfois qu'on a vues historiquement au niveau du ministère de l'Immigration. Ça, on se parle très franchement, on a vu des attitudes dans le passé où les gens étaient ? passez-moi le mot ? tièdes à l'égard des candidatures investisseurs immigrants, et ça, je pense qu'il y a un changement de garde, un changement de philosophie à apporter.
Ce que je mentionne, c'est que je suis excessivement fier aujourd'hui d'avoir eu la présentation de M. Fortin, parce que c'est une première en 17 ans où les gens dans l'industrie prennent la peine de faire faire une étude. Évidemment, on est vus comme les vendeurs de frigidaires dans le pôle Nord. C'est des gens que, si nous amenons des chiffres positifs sur le dossier, on dit: Bien, oui, c'est évident, vous êtes les courtiers, les banquiers, les fiducies, vous en tirez un bénéfice.
Mais je pense que, avec l'étude de M. Fortin et de M. Van Audenrode, c'est clair qu'il y a un avantage manifeste au niveau des PME, mais il y a aussi un avantage au niveau du gouvernement, tant à l'égard du ministère des Finances via Investissement Québec, aussi en termes de revenus pour le ministère de l'Immigration. Alors, pour moi, c'est un «win-win» en termes de situation au niveau du dossier.
Mme Courchesne: Vous me permettrez, M. le Président, d'apporter quelques chiffres à l'appui, vous dire qu'effectivement, en 2003, il y a eu une réduction des délais à Hong Kong de 18 à six mois dans l'obtention du CSQ ? là, je parle du ministère que je dirige ? et que, comme 85 % des dossiers viennent de Hong Kong, en 2003, nous avons ajouté six analystes de plus qui incluent différentes mesures.
Moi, je pense qu'on touche un bon point. Par ailleurs, si j'écoute M. Fortin ce matin, je vous écoute aujourd'hui, tout est dans la volonté de donner de l'importance à ce programme, et ça, je pense que c'est un aspect extrêmement important, et que, quand on a la volonté politique de donner de l'importance à un dossier, habituellement les moyens suivent.
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(14 h 30)
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Alors, je peux vous dire qu'en 2003 ? parce que, vous le savez, j'ai été sensibilisée à ce dossier-là dès le départ, dès mon arrivée ? on a donc corrigé une partie de la situation en fonction des données que je vous donne présentement. Cela dit, on convient avec vous que, du côté fédéral et du côté de cette rigueur dans la sécurité des fonds, eh bien, c'est une démarche qui se poursuit.
Cela dit, quand vous nous dites que vous pourriez aussi... Et M. Fortin a été explicite ce matin en disant: Écoutez, dans des stratégies de rétention, on pourrait aussi développer des partenariats. Et vous avez offert un peu aussi cette idée d'accroître ce partenariat-là. Est-ce que, par exemple, de créer un réseautage de gens d'affaires... Parce que ça fait partie, là, du service client, du service tapis rouge.
Et je suis d'accord, je vous dis aussi que toutes les entrevues, dans les mesures que j'annoncerai, devront se faire à Montréal. Ce sera les cas d'exception qui ne se feront pas à Montréal. Moi, je suis d'accord avec ça. Si on veut qu'ils viennent ici, si on veut les mettre en lien avec nos propres entrepreneurs, il faut qu'on trouve le moyen que ces gens-là viennent.
Alors, est-ce que vous pourriez participer, par exemple, à la création ou est-ce que c'est votre rôle ? prenons ça comme ça ? de participer à la mise sur pied d'un réseautage de gens d'affaires entre les investisseurs étrangers et nos entrepreneurs? Est-ce que ça, c'est un des éléments? Est-ce qu'il y en a d'autres? Est-ce que vous avez des idées à cet effet-là?
Le Président (M. Cusano): Brièvement, s'il vous plaît.
M. Leblanc (Louis): Oui, je dirais qu'il y a deux points, si je peux me permettre. Au niveau des applicants principaux, certainement qu'au niveau de Montréal on est prêts à participer à développer un réseau. Ça se fait. Si, par exemple, on incitait des gens à venir à Montréal au niveau de l'entrevue ? et ça, ça se verrait via les délais très courts, si on pouvait avoir des délais très courts en termes d'entrevue au niveau de Montréal ? il pourrait y avoir une situation, par exemple, où on alloue un certain nombre de points.
Si le client assiste à des plénières, par exemple. On dit: On fait un deux jours de plénière avec la Chambre de commerce, les gens de Montréal International. Bon, je lance des idées comme ça, mais il pourrait y avoir une plénière, je me permets de dire, obligatoire pour faire connaître le Québec. Parce qu'un des éléments fondamentaux, c'est que les gens ne connaissent pas le Québec et ne connaissent pas les avantages comparés du Québec.
Un exemple que je vous donne, et très simple, c'est à l'égard du pouvoir hydroélectrique du Québec. Si on veut avoir une valeur ajoutée ? parce que vous savez que le projet des Trois Gorges en Chine, actuellement, tout le monde en parle ? le Québec, on est excessivement bien situés en Amérique du Nord pour faire un corollaire de la force relative de la Chine en hydroélectricité avec ce qui se passe chez nous, au Québec, actuellement. Ce n'est qu'un exemple d'avantages qu'on pourrait présenter relativement à des investisseurs qui sont à Montréal, pour autant qu'on y assigne une question de points.
Un deuxième élément, si je peux me permettre, c'est à l'égard des enfants. Nos clients disent toujours: La priorité au niveau de pourquoi les gens émigrent, c'est pour leurs enfants, et je pense qu'avec le ministère de l'Éducation il pourrait y avoir des tentatives de parrainage au niveau de ce que les Anglais appellent des «boarding schools», parce qu'un des problèmes qu'il y a actuellement au niveau du Québec, c'est qu'il y a relativement peu de «boarding schools» relativement, par exemple, à la Colombie-Britannique qui a investi beaucoup depuis 20 ans dans la question de l'éducation, le pensionnat sept jours pour les enfants. Alors, ça, c'est une autre approche qui pourrait être faite au niveau de l'éducation pour les enfants.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. Leblanc, vous venez juste de parler justement du pensionnat sept jours. Si j'ai bien compris, c'est pour les enfants?
M. Leblanc (Louis): Oui.
Mme Papineau: O.K. Parfait. À votre quatrième recommandation... Je vais vous amener à votre quatrième recommandation. Oui, c'est ça, c'est celle-là, le pensionnat sept jours. Quand vous parlez du pensionnat sept jours, là, c'est vraiment... C'est parce que je ne vois pas l'idée d'un pensionnat à temps plein. Vous parlez d'un pensionnat où l'enfant va coucher?
M. Leblanc (Louis): Je vais vous expliquer. Oui. Un des problèmes... Un problème qui existe...
Mme Papineau: Parce que je veux juste vous amener une précision. C'est que j'ai été pensionnaire puis je me dis: Il me semble que, des pensionnats, il n'y en a plus beaucoup, de pensionnats. Il y en a encore, mais pas beaucoup.
Une voix: À Sainte-Thérèse, il y en a un.
Mme Papineau: À Sainte-Thérèse, il y en a un, mais...
M. Leblanc (Louis): Et c'est un problème. Pourquoi? Je vais vous l'expliquer. Le problème de base est le suivant. Vous posez la question aux investisseurs immigrants pourquoi ils émigrent. 90 % disent: C'est pour mes enfants. Et tous les investisseurs étrangers ? il faut convenir qu'ils demeurent en Chine, à Taiwan ou à Hong Kong ? aimeraient offrir à leurs enfants une éducation de qualité. Ils seraient même prêts à envoyer les enfants au Canada étudier avant que, eux, atterrissent au Canada. Et la Colombie-Britannique a été très agressive, depuis les 20 dernières années, de développer le réseau de ce qu'on appelle le «boarding school» et les pensionnats sept jours.
Par exemple, à Hong Kong, à toutes les années, il y a ce qui s'appelle «Education Week», à l'ambassade canadienne, où le Québec est absent, mais où tu as beaucoup d'écoles de la Colombie-Britannique qui comprennent que la priorité de l'immigration, c'est l'enfant. Mais évidemment l'enfant chinois qui vient au Québec ou en Colombie-Britannique ne peut pas être mis à l'hôtel durant le week-end. Et il y a une volonté... Et je vous dirais que, s'il y avait une infrastructure, un projet pilote avec le ministère de l'Éducation pour cibler des écoles qui pourraient offrir une infrastructure cinq étoiles où, je me permets de le dire, le coût ne serait pas un problème pour le client, vous seriez surpris de voir le nombre de clients qui seraient intéressés à envoyer leurs enfants à l'école québécoise, mais évidemment avec un environnement qui les garde dans leur environnement scolaire, puisque les parents, eux, sont encore à Taiwan ou en Chine. Et ça, c'est des choses qui se vivent actuellement, par exemple, en Colombie-Britannique et qui pourraient être renforcées au niveau du Québec définitivement dans un esprit de rétention.
Mme Papineau: Je vous amènerai aussi sur votre proposition n° 11 quand vous dites qu'on devrait examiner les possibilités de déléguer une partie du travail aux intermédiaires financiers. J'aimerais ça si vous pouviez être plus précis.
M. Leblanc (Louis): Sur ce point, je vais laisser M. Audet répondre.
M. Audet (Marc): Oui, c'est sûr, dépendant du contexte. Je pense qu'il y a une volonté aussi, je pense, ministérielle à regarder au niveau des partenaires et je pense qu'au niveau des intermédiaires financiers, au cours des dernières années, on a toujours été là pour appuyer le ministère à différents niveaux.
Donc, ça, on pense que, à différents niveaux, que ce soit au niveau de travailler sur la rétention ou peut-être dans le «day-to-day», il pourrait y avoir certaines discussions qui pourraient avoir lieu. On n'a pas mis de pistes en tant que telles sur la table, dépendant quelle est l'orientation aussi que le gouvernement veut lui donner. Ce n'est pas nous qui peut décider est-ce qu'il veut... à quel niveau qu'il veut nous impliquer et quelle imputabilité qu'il veut nous donner aussi, de l'autre côté. C'est sûr qu'on peut par... C'est-à-dire que le secteur privé, je pense, a toujours sa locomotive: dépenses, revenus, etc., au niveau de l'efficacité. Et je pense qu'on pourrait apporter à différents niveaux, et ce serait à discuter, je pense, avec le ministère. Et c'est pour ça que, depuis plusieurs années, on suggère au ministère qu'il rétablisse, comme ce qu'il était en 1997, un comité aviseur à l'effet que le ministère, peut-être avec deux, trois intervenants du milieu des intermédiaires financiers, des fonctionnaires, des gens du cabinet... et qu'on puisse une fois ou deux fois par mois se rencontrer sur différents sujets pour améliorer la mécanique.
Donc, ça existait jusqu'en 1997, je crois. Louis et moi, on était sur le comité à l'époque et on pouvait échanger avec les gens pour assurer la continuité et la pérennité du programme.
Mme Papineau: Ce que vous dites actuellement, est-ce que c'est votre recommandation n° 10? Quand vous dites qu'on va mettre sur pied une évaluation périodique avec les intermédiaires financiers?
M. Audet (Marc): Oui, exactement.
Mme Papineau: C'est ça? Parfait. Moi, ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Masson.
M. Thériault: Oui. Ce qui est intéressant dans une commission parlementaire, c'est qu'on a des gens assis autour d'une table qui viennent d'horizons totalement différents. Et, pour pouvoir comprendre davantage votre recommandation n° 1, puisque je ne proviens pas d'une culture ou d'une sous-culture de la finance ou des affaires, j'ai un peu de difficultés avec votre virage client. Alors, si on fait un virage client, quand on parle d'un immigrant investisseur, pour ne pas que ce soit réducteur ? parce que je pourrais retenir tout simplement le concept de service, de satisfaction et de rétention ? j'aimerais ça que, dans un premier temps, vous puissiez me dire... Virage client par rapport à quoi? Comment vous qualifieriez la situation actuelle, dans un premier temps?
M. Audet (Marc): Bon, qu'est-ce qu'on entend par virage client, c'est, dans tout le processus, la relation d'un immigrant investisseur potentiel jusqu'à son «landing», sa résidence permanente au Canada, dans tout son processus. Actuellement, ils ne sont pas vus comme un client, je veux dire, en tant que tel. Le Québec, à mes yeux, aurait beaucoup d'autres choses à offrir: un, d'avoir peut-être juste un service de réponse aux gens qui se présentent aux différents services d'immigration du Québec à l'étranger. Souvent, les officiers sont très occupés par le «day-to-day», par les entrevues de sélection, etc. Donc, il n'y a pas personne qui peut leur répondre sur différentes questions sur le Québec, sur l'économie, etc. Lors des entrevues de sélection, aussi, avoir des officiers aussi... Il ne faut pas s'en cacher, on fait affaire avec des gens d'affaires avec une moyenne de 2 millions d'avoir net, et il y a certains officiers d'immigration qui n'ont peut-être pas le bagage financier administratif ? on regarde des bilans financiers ? donc, il y a des gens qui n'ont peut-être pas toute la formation. Donc, c'est tout le package qu'on appelle, les services un peu tapis rouge, c'est-à-dire.
En cours de route aussi, donner une trousse sur le Québec. On leur remet un certificat de sélection du Québec actuellement. C'est juste une feuille, puis on dit: Bon, bien, voici un certificat de sélection du Québec. Mais avoir une trousse avec tous les avantages économiques dans un secteur d'activité particulier, pas seulement juste les régions, mais un peu plus que ça, et d'avoir peut-être, au service d'immigration à l'étranger, des séances de formation... d'information, parce que ? Mme la ministre l'a mentionné plus tôt ? les délais s'allongent de plus en plus entre le Québec et le fédéral. Donc, les candidats peuvent être tentés d'aller vers d'autres provinces suite à la sélection du Québec. Donc, si on les entretient pendant ce temps-là avec de l'information pour les aider à s'établir, je pense qu'on pourrait les garder, mais c'est toujours l'approche: j'ai un client, je veux le garder, je veux le conserver, qu'est-ce que je peux faire de plus, c'est aller vers lui.
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(14 h 40)
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M. Thériault: Donc, ce serait plutôt un virage efficacité axé sur les besoins de la personne, parce que, ce qu'on veut, c'est que ces gens-là puissent s'intégrer à notre communauté. Donc, ça pourrait être un virage personne personnalisé. C'est-à-dire qu'en quelque part, si on veut que ces gens-là deviennent des citoyens du Québec, ils seront plus que des clients. Et donc, s'ils sont traités plus comme des personnes, j'imagine que, à ce moment-là, ils pourront rester dans un partenariat d'affaires avec les gens et vouloir y contribuer, à cette société-là, au niveau des affaires.
C'est une question de concept, tout simplement. Ce que je comprends, c'est qu'il y a une bonne intention. Il n'y a pas nécessairement une volonté de réduire la personne, mais plutôt de lui donner tous les services dont il a besoin pour devenir effectivement un investisseur et un immigrant investisseur ici. Parce que, je veux dire, ce n'est pas seulement que la personne de l'investisseur qui s'en vient ici, c'est aussi essentiellement... Et ce qu'on vise, c'est toute la famille, hein? Alors, à ce moment-là, je veux dire, il faut donc répondre à tous les besoins des personnes immigrantes qui veulent investir au Québec. On se comprend? Bon, d'accord.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée de Chambly.
Mme Legault: Oui, merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Merci beaucoup pour l'éclairage que vous nous apportez. On a abordé tout à l'heure la question, en fait, des principales motivations pour les clients investisseurs qui était celle d'assurer soit la continuité de leurs affaires ou je ne sais trop, mais via leurs enfants, hein, ils veulent que leurs enfants s'établissent ici. Comment trouvez-vous... Comment se vit le climat d'affaires pour l'investisseur? Est-ce qu'il veut lui-même s'intégrer et puis aller de l'avant avec une entreprise ou si c'est plutôt un objectif de deuxième génération? Comment ça se passe?
M. Leblanc (Louis): Je pense que le point important de comprendre, c'est que, dans nos institutions financières, c'est une notion passive d'investissement qu'on offre aux clients. Le client cible que nous avons, ce sont des gens d'affaires fortunés qui ont une famille et des affaires à l'étranger, donc les gens viennent vraiment pour leurs enfants.
De dire que ces gens-là veulent démarrer demain une entreprise active, non. En fait, la grande force du dossier, pourquoi les gens sont prêts à laisser 400 000 $ sans rendement pendant cinq ans, c'est qu'on leur dit: Écoute, tu obtiens un visa sans aucune condition, qui veut dire que tu peux faire à peu près ce que tu veux au Canada, d'être retraité à avoir un... démarrer une entreprise demain. Tu n'as pas de risque sur la transaction parce que tu as une garantie gouvernementale offerte, un billet d'Investissement Québec qui est offert, et l'important, c'est que c'est une notion passive. C'est nous qui sommes mandatés pour faire le placement en ton nom. Et cet élément de passivité est important pour un homme d'affaires qui a déjà des affaires à l'étranger. Ça ne veut pas dire qu'éventuellement ils ne sont pas intéressés à faire des choses, sauf que le conseil qu'on donne, je pense, tous à nos clients, c'est: Avant de venir faire des affaires immédiatement, venez goûter le Québec, venez vous établir, voir comment les choses se déroulent, les us et coutumes en termes de transactions, parce que les gens ne connaissent pas le pays, et, après ça, faire des choses éventuellement. Mais la motivation principale qui les attire, entre autres, c'est à cause de la passivité relativement aux placements du 400 000 $.
M. Audet (Marc): Si je peux rajouter, souvent, on dit qu'il faut penser, je pense, à la deuxième génération. Les enfants viennent étudier ici. Ils sortent de l'université, ils ont 22, 23, 24 ans. Ils ont des us et coutumes d'autres pays. Et souvent ça va permettre à ces gens-là justement là d'établir l'entreprise peut-être, le lien familial, de faire le pont entre leur pays d'origine et le Québec. C'est-à-dire, il sort de l'université, il n'y a peut-être pas d'emploi dans son domaine, et le père va dire: O.K., je vais réinvestir un million au Québec, on va faire un import-export du même produit qu'on a ou un échange commercial, etc. Et c'est là, je pense, qu'on doit travailler davantage, d'où l'importance encore... on revient encore sur les étudiants, et de travailler là-dessus, parce que, un coup qu'on a les étudiants ici, et s'ils ont les moyens de venir au Canada et la volonté, on va s'occuper d'aller chercher les parents par la suite.
Mme Legault: Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Bonjour, messieurs. Bienvenue dans cette noble Assemblée et à cette commission. Tout à l'heure, vous avez piqué ma curiosité lorsque évidemment vous parliez de rétention. Et vous avez dit quelque chose qui me semble très important, c'est-à-dire: Lorsque les immigrants ont goûté le Québec, auront goûté au Québec, qu'est-ce qui les amènerait à investir ou à investir davantage dans une entreprise? Et ce que j'aimerais savoir de vous: Quels sont les domaines d'activité, selon vous, qui sont les plus ciblés, qui pourraient éventuellement attirer davantage d'immigrants? Il doit y avoir des domaines spécifiques que, vous, vous percevez en la qualité des immigrants potentiels.
M. Leblanc (Louis): Je pense que... Évidemment, ça dépend du profil de client dont on parle, mais un des... Bon, je dirais... Bien, je pense... Comme la clientèle chinoise qui représente 80 % de nos affaires actuellement ont tous intérêt à investir dans un domaine qui offre une valeur ajoutée, qu'ils pourraient importer chez eux. Alors, ça peut être au niveau de la biotechnologie, du biomédical, tous les secteurs dans lesquels nous sommes porteurs en termes d'exportation. C'est des domaines qui intéressent les investisseurs comme tels. Sauf que, je vous dirai, le bémol que, nous, on met, parce que nous sommes impliqués dans des transactions avec des clients au niveau international, le bémol souvent est de dire à un client: Ce n'est pas vraiment qu'est-ce que tu désires plutôt que qu'est-ce que tu sais faire. Parce que 98 % des transactions à succès, c'est lorsque la personne investit dans son domaine d'expertise. Ce n'est pas impossible, mais très, très rare qu'un client qui a été dans la production de chandails va verser dans le biomédical et à l'inverse. Alors, plutôt...
Et le rôle qu'on donne, ça se fait tant au niveau des délégations à l'étranger que du gouvernement fédéral, c'est-à-dire que tu dois très bien déshabiller ton client, savoir quel est son domaine d'expertise, et c'est en rapport avec son domaine d'expertise qu'on peut trouver chaussure à son pied. Parce que l'avantage que nous avons au Québec, par exemple, versus l'Ontario, c'est que le Québec est doté d'une multitude d'entreprises autochtones où le siège social est ici, au Québec, alors que, en Ontario, il y a une réalité très américaine, les choses se décident aux États-Unis. Et cette réalité de PME québécoises où le siège social est ici, c'est très intéressant parce que c'est un entrepreneur type que nous avons au Québec, et un client souvent, par exemple, aussi est un entrepreneur type.
Alors, le maillage qui peut se faire est très intéressant au niveau de la clientèle, particulièrement pour une économie comme le Québec versus la Colombie-Britannique qui est une économie de ressources naturelles qui est intégrée verticalement, de très grandes sociétés où, là, l'entrepreneurship est beaucoup moins présent à la base qu'il l'est au Québec. Donc, le maillage qui peut se faire est tout à fait possible encore dans un domaine d'expertise du client.
M. Mercier: ...M. le Président?
Le Président (M. Cusano): Certainement.
M. Mercier: Très rapidement. Alors, diriez-vous que l'immigrant qui éventuellement veut investir est beaucoup plus attiré par l'industrie de services ou de production et de recherche? Alors, pour le Québec, j'entends. La tendance, pour mieux nous guider puis nous éclairer, serait vers laquelle de ces deux alternatives?
M. Leblanc (Louis): Encore une fois, je pense qu'il n'y a pas de tendance lourde qui se dessine au niveau des investissements, mais j'aurais tendance à croire que l'expérience personnelle au niveau manufacturier est un secteur d'intérêt pour les clients, le secteur manufacturier qui est un corollaire le plus naturel dans leur domaine d'expertise chez eux. Et surtout avec l'ouverture que l'on voit, la richesse fulgurante qui se développe en Chine actuellement...
On ne doit pas oublier une chose importante à mentionner, c'est que le Québec est le fer de lance de l'immigration des gens d'affaires en Chine actuellement. M. Fortin l'a mentionné ce matin, la Chine, c'est l'économie du XXIe siècle, et on est très heureux, nous, comme intermédiaires financiers, de savoir que le produit d'immigration de gens d'affaires ? l'expression anglaise «the cherry picking» ? qui se fait actuellement au niveau de la Chine, les gens pensent Québec, et ça, c'est fondamental.
Et aussi les Chinois n'ont pas une idée préconçue à l'égard de l'anglais, par exemple, que pourrait avoir un client historique de Hong Kong. Les gens de... Hong Kong, comme vous savez, était une dépendance britannique; l'anglais était très important. Un Chinois de Shenyang ou de Shenzhen ou de Guangzhou, français, anglais, n'a pas vraiment... Et je suis honnête en disant que ces gens-là ont beaucoup moins d'idées préconçues à l'égard du maillage linguistique que pourraient avoir historiquement un client de Hong Kong. Donc, il y a une opportunité exceptionnelle pour le Québec, puisque nous sommes le plus important joueur actuellement en Chine à l'égard de l'attrait de gens d'affaires. C'est fondamental.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Monsieur, en ce qui me concerne, j'aurais une petite curiosité, moi, du côté de la relation que vous entretenez avec Investissement Québec. Comment ça se passe? Est-ce que vous jugez que les relations que vous avez actuellement avec Investissement Québec sont probantes, que ça va bien? Quel genre de bilan vous dressez?
M. Leblanc (Louis): En fait, oui. Bon. On est parfois, j'ose dire, surpris de la qualité de la relation parce que nous avons commencé à travailler en 2000, alors qu'on nous avait, mettons les choses claires, un petit peu imposé la relation avec Investissement Québec en 2000. Mais je vous dirai que la relation d'affaires va excessivement bien. Entre autres, avec André Côté, son groupe d'individus chez Investissement Québec, on a développé très rapidement une cohésion, je pense, une relation très franche, très directe. C'est des gens avec qui on peut parler, et la relation que nous avons avec eux actuellement, elle est bien accomplie, parce que notre rôle, à nous, c'est d'identifier des PME pour fins de financement, et on soumet les candidatures en termes de recommandations chez Investissement Québec, et c'est Investissement Québec qui les approuve. Mais, dans la réalité, la grande majorité, sinon l'ensemble des recommandations que nous avons faites chez Investissement Québec ont à peu près toujours été acceptées avec certaines modulations qu'Investissement Québec demande d'apporter. Mais je vous dirais que, nous, à cet égard-là, la relation que nous avons, elle est tout à fait correcte avec Investissement Québec.
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(14 h 50)
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Et même que je dirais un conseil qu'on a discuté entre nous, c'est que parfois on trouve une faiblesse au niveau des officiers d'immigration du gouvernement du Québec. Et, je pense, l'idée pourrait être bonne d'avoir une forme de parrainage des officiers d'immigration québécois avec les gens d'Investissement Québec pour qu'ils comprennent mieux les notions d'ingénierie financière, les notions de bilan. Et vous avez une expertise souvent cachée, chez Investissement Québec, qui pourrait être d'un grand bénéfice auprès de vos fonctionnaires à l'immigration en termes de formation des individus.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Oui. Moi, je fais juste un commentaire. Je trouve fascinant toute l'aide que vous pouvez apporter à un immigrant investisseur. En fait, vous l'accompagnez jusqu'au bout. Mais je vois aussi tout l'écart qu'il y a entre l'aide que vous apportez à un immigrant investisseur et l'aide qu'un immigrant autre peut recevoir. Il y a un écart immense entre les deux, et je me demandais s'il y avait une façon pour soutenir la... Je trouve ça formidable, ce que vous faites pour les immigrants investisseurs, mais ce que...
Dans une vision plus globale, on pourrait utiliser certaines de vos astuces, ou de vos moyens, pour aider l'immigrant autre que l'immigrant investisseur. Parce que ce que je réalise, c'est que l'aide que vous apportez à l'immigrant investisseur est énorme comparée à un immigrant autre qui arrive, qui, lui, n'a pas toute l'aide que vous pouvez apporter. Mais est-ce qu'il y aurait quelque chose qu'on peut retenir de votre travail, qui pourrait s'appliquer dans une vision plus globale, j'entends?
M. Audet (Marc): À deux niveaux, je crois, oui, qu'on pourrait mettre notre expertise à profit pour le ministère, pour une autre catégorie, qui sont les immigrants entrepreneurs, qui sont très similaires. Les entrepreneurs, ce sont les gens qui décident de vraiment... de couper le lien avec leurs pays, qui n'ont plus d'affaires dans leur pays. Ils partent une nouvelle entreprise, ici, au Québec. Eux autres, ils ont une obligation de partir une entreprise, et actuellement ils sont laissés à eux-mêmes. Et c'est pour ça qu'on voit les chiffres du MRCI des dernières années, le nombre des entrepreneurs est sur la pente basse. Donc, nous sommes convaincus, s'il y avait un partenariat avec les intermédiaires financiers, qu'on pourrait aider dans des projets d'affaires, on est dans ce milieu-là. Et je pense que c'est peut-être quelque chose que le MRCI pourrait regarder, là, au cours des prochains mois et prochaines années. Mais on est sûrs qu'au niveau des entrepreneurs qui étaient avant un nombre beaucoup plus élevé que les investisseurs, la tangente a changé vers les investisseurs, compte tenu, je pense, du service qu'on pouvait offrir.
Un autre niveau peut-être, ce serait de recopier peut-être le modèle de la relation des intermédiaires financiers pour le Programme investisseurs, et peut-être potentiellement entrepreneurs, peut-être pour d'autres catégories à d'autres niveaux. On parle... quand on... si on parle d'étudiants, notamment. Et ce qui me vient en tête, c'est que... Je connais bien les universités, etc. Les universités, je pense que c'est encore la fonction un peu publique, etc. C'est lourd, la mécanique. Donc, à mes yeux, il doit y avoir des agences au Québec ou à l'extérieur qui pourraient faire la promotion d'avantages et aider le Québec. Il y a déjà des centres comme le Canadian Education Center qui existent au Canada, mais ce sont seulement des universités ou collèges anglophones qui sont là-dedans. Si on avait le même concept Québec, je dirais, pour faire la promotion collèges et universités et faire du démarchage à l'étranger comme, nous, on le fait...
Et le problème aussi, on a... Il ne faut pas s'en cacher, les autres universités dans les autres provinces aussi, il y a le côté financier aussi. Les gens amènent des étudiants, mais il y a des échanges, il y a de l'argent qui circule aussi. Tandis qu'ici, au Québec, on a certains paramètres financiers auxquels on ne peut pas toucher. Mais je pense que, oui, on pourrait avoir un autre concept, tel que dans le cadre du Programme immigrants, pour d'autres catégories.
Mme Papineau: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée. M. le député de Masson, vous avez une question? Non? Merci. Alors, le temps qui était mis à votre disposition est terminé, et j'aimerais remercier nos invités. Et je vais demander à nos prochains invités de prendre place, et, pour ce faire, je vais suspendre pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 14 h 54)
(Reprise à 15 h 2)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on reprend nos travaux à ce moment-ci. Nos invités sont la Solidarité ethnique régionale de la Yamaska. Et, pour les fins du Journal des débats, j'aimerais demander à nos invités de s'identifier.
Solidarité ethnique régionale
de la Yamaska (SERY)
Mme Pravert (Anne-Laure): Mme Anne-Laure Pravert, directrice générale.
Le Président (M. Cusano): C'est bien. Bienvenue.
M. Wissanji (Noory): Noory Wissanji, président du C.A.
Le Président (M. Cusano): Bienvenue. Alors, pour vous expliquer nos procédures, vous avez une période de temps de 20 minutes pour faire votre présentation. Elle sera suivie, cette période, d'un échange avec les membres de la commission pour une durée maximale de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.
Mme Pravert (Anne-Laure): Merci. Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, MM., Mmes les préfets. Donc, je suis directrice générale de l'organisme Solidarité ethnique régionale de la Yamaska, qui est un organisme qui oeuvre auprès des personnes immigrantes depuis bientôt 12 ans dans la Montérégie, et plus précisément à Granby.
Donc, je vais vous faire une présentation succincte de l'organisme qui a été créée donc en 1992 pour répondre aux besoins d'intégration de la personne immigrante. On favorise bien sûr l'intégration de ce public et le rapprochement interculturel grâce à ses différents services. Alors, je vais vous nommer ces services. On a bien sûr des projets qui se multiplient autour du service de l'accueil, de l'emploi, de la régionalisation, du bénévolat, du secteur scolaire et bien sûr de la francisation.
Pour développer rapidement les différents services qu'offre notre organisme, l'accueil, donc ça, c'est un service qui répond aux besoins fondamentaux des personnes immigrantes afin de les accompagner dans une démarche d'installation, mais également d'intégration, pour les rendre autonomes dans leur milieu de vie. Donc, là, on peut, par exemple, parler de recherche de logement, d'interprétariat, d'aide pour compléter les formulaires gouvernementaux, les inscriptions aux écoles et également un support social non négligeable.
Après, nous avons un service très important aussi, c'est le service d'aide à l'emploi. L'importance pour les personnes immigrantes, pour notre clientèle, d'obtenir un emploi pour réussir, donc une bonne intégration... On offre des services comme des rencontres individuelles, des formations de groupe, des préparations de C.V., soutien dans les démarches d'évaluation comparative des diplômes et également des acquis professionnels, préparation aux entrevues d'embauche, aide à la recherche d'emploi, suivi après emploi et accompagnement dans les démarches de retour aux études.
On a un service également, un service pilote qui est mis en place à Granby depuis deux ans maintenant, qui est le service régionalisation, où, là, on s'assure d'assurer la promotion et de rendre attractive notre région auprès des personnes immigrantes qui sont notamment scolarisées, ou qualifiées, ou soit déjà installées à Montréal ou en voie de l'être. C'est un service donc qui nous permet de contacter des personnes directement dans leur pays par Internet, donc pour des personnes hautement qualifiées au niveau de la scolarité, au niveau des compétences professionnelles, qui vont venir s'installer en région.
On a bien sûr un service très important, le bénévolat, avec une équipe de 70 bénévoles qui donc très actifs et qui sont impliqués dans différentes activités, comme l'accompagnement pour les achats, les rendez-vous médicaux, l'écoute, la francisation, l'aide aux devoirs, le travail de bureau. C'est sûr que c'est un poste qui, pour l'instant, n'est pas permanent dans notre organisme.
Nous avons ensuite un poste, un service d'aide à l'intégration scolaire qui, lui, vise à favoriser l'intégration scolaire des élèves immigrants et qui soutient les parents dans ce domaine. Là encore, on développe des outils de l'ordre de l'aide aux devoirs, des démarches d'accueil scolaire, interprétariat, des soutiens aux intervenants du monde scolaire, et c'est un programme qui est donc financé par la commission scolaire du Val-des-Cerfs, à Granby.
On a bien sûr la francisation, service qui est nécessaire et obligatoire, qui est le cours de francisation... qui sont offerts à notre clientèle, tant les cours de temps complet, temps... temps plein, pardon, et de temps partiel dans nos locaux et dans les locaux également du cégep de Granby.
Et, pour terminer, un comité socioculturel qui chapeaute différentes activités qui vont être mises en place au cours de l'année afin d'offrir un lieu d'échange et de rencontre avec notre clientèle puis également avec, je dirais, la population locale de Granby, comme des activités, des pique-niques d'été, la fête des enfants, l'hiver, des ateliers de sensibilisation auprès de nos partenaires, etc. Donc, voilà un petit peu les différents services qu'offre notre organisme.
Donc, c'est sûr que, nous, on oeuvre vraiment sur le terrain, et la principale clientèle à laquelle on répond, ce sont les réfugiés publics qui représentent en moyenne 70 % de nos clientèles. Après, on a les indépendants qui, eux, se développent beaucoup aussi depuis qu'on a le service régionalisation. Et il faut savoir également qu'on a un taux de rétention qui est supérieur à plus de 80 % en région, ce qui est un taux important.
Au niveau de la situation de Granby, pour vous situer un petit peu où on est placés, Granby est donc à 60 km du sud-est de Montréal et compte 58 765 habitants. Il y a énormément d'entreprises manufacturières. Elle dispose également de centres de formation professionnelle et technique pour répondre aux besoins des entreprises de la région.
On a une situation géographique qui est très favorable. On est proches de Montréal et on offre aussi un bassin au niveau de l'emploi qui est très profitable. Bien sûr, au niveau touristique, on est aussi reconnu pour la qualité de vie, qui est non négligeable dans la rétention aussi de notre clientèle.
Au niveau de l'économie, il y a une création nette d'emplois qui devrait atteindre plus de 50 000 postes entre 2001 et 2006. Dans le mémoire que je vous ai remis, il y a des annexes, donc ça, ça concerne l'annexe 3. Et il y a plusieurs postes qui seront disponibles en raison des retraites et des décès de la main-d'oeuvre, en plus de l'expansion engendrée par la poursuite de la croissance économique. Donc, là, on parle de 117 000 postes d'ici la fin 2006. Vous pourriez... si vous voulez plus d'information, je vous demande d'aller voir l'annexe 3.
On a donc à ce jour de nombreux postes qui sont offerts par les employeurs et qui demeurent vacants. Quant aux entrepreneurs, d'ici 15 ans, plus de 75 % d'entre eux seront à la retraite, créant ainsi un gros problème de relève.
Au niveau de l'immigration en région, pour 2001, pour la MRC de La Haute-Yamaska, on compte au total 2 030 immigrants, soit 3 % de la population. Pour Granby, en moyenne 1 390 immigrants, mais là je tiens à relever que, depuis les deux dernières années, il y a une augmentation majeure de ce chiffre-là. On a doublé notre clientèle. Donc, c'est ce que je vous ai... Oui, c'est ça. Les quotas des familles à recevoir sont dépassés depuis ces dernières années. Pour vous parler de cette année, avril 2003, on compte 51 ménages, 30 étaient prévus au protocole; 113 personnes et 90 étaient prévues au protocole.
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(15 h 10)
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C'est également important de noter que la population d'âge actif dans la région de Granby, plus particulièrement en Montérégie, devrait diminuer dès 2008, deux ans avant l'ensemble de la Montérégie, quand je parle de la MRC Haute-Yamaska. Même si l'immigration n'est pas le seul moyen pour répondre aux problématiques qui découlent du vieillissement de la population et la baisse notoire au niveau de la natalité, c'est un facteur qui est vraiment important pour répondre en partie à ces problématiques-là. Donc, c'est pour ça que maintenant je vais vous parler des recommandations qu'on peut vous faire.
Donc, c'est sûr que la recommandation première, c'est l'augmentation progressive des différentes catégories. On parle de progressive, c'est-à-dire que c'est un travail qui doit se faire progressivement au niveau de la région, ne pas passer d'un état double de notre clientèle en l'espace de trois années. Il faut y aller progressivement. C'est important de consolider en région l'intégration des personnes immigrantes d'une part pour répondre à leurs besoins au niveau des carrières professionnelles, de la qualité de vie, mais également pour contribuer à l'essor de nos régions. Cette dimension ne va pas sans un ajustement financier des ressources qui oeuvrent sur le terrain. Ça, c'est un point sur lequel je vais revenir dans la recommandation n° 2.
Dans la planification proposée, l'accent est mis sur l'intégration des indépendants. C'est sûr que c'est une clientèle qui est importante... important de prendre en considération ces clientèles, mais, nous, on tenait également à mettre l'accent sur les personnes et les familles réfugiées publiques, l'importance aussi de considérer cette clientèle-là. Parce que c'est sûr qu'à premier regard la personne indépendante va s'inscrire plus facilement dans un prototype d'intégration dans la société québécoise, ne serait-ce que pour citer la langue si la personne est déjà francisée, mais la clientèle réfugiés publics, même si elle prend plus de temps ? il y a un temps au niveau de la francisation, au niveau de reprise d'études bien souvent ? c'est quand même une clientèle qui viennent souvent en famille, donc qui contribuent à l'essor de nos régions, mais c'est également une clientèle qui a beaucoup de volonté et qui est très, très persévérante dans ses démarches, en tout cas, nous, dans ce qu'on voit à Granby.
Donc, là, je vous propose différents axes de recommandations. La première chose, et ce qui nous paraît important, c'est de mettre l'accent sur le fait qu'il y ait une volonté commune. Donc, ça, c'est: comité de différents partenaires. L'intégration des personnes immigrantes en région ne peut dépendre que d'un seul organisme, c'est évident. Il s'agit là donc d'une volonté commune, d'une part, bien du gouvernement, comme par la mise en place d'une commission parlementaire qui permettrait de créer un projet collectif de société, mais également de la ville et des institutions qui sont impliquées dans ce processus.
Je pense, par exemple, à la politique familiale où les villes devraient intégrer l'immigration dans ses priorités; qu'une aide financière, humaine ou mobilière, puisse soutenir l'importance du travail que réalise un organisme comme le nôtre pour sa région; de mettre en avant, dans cette politique, l'accent au niveau du logement, des loisirs, de la culture, des transports urbains, parce qu'il faut voir qu'une grande partie de notre clientèle, et plus particulièrement les réfugiés publics, ne possède pas de véhicules; et bien sûr un soutien aux organismes oeuvrant dans ce domaine.
La mise en place d'un comité des partenaires a déjà permis aujourd'hui de répondre plus adéquatement à des problématiques comme celle de la francisation où, là, avec l'aide du MRCI, d'Emploi-Québec, du cégep, du CRIF, on a mis en place des projets pilotes en région pour donner aux personnes immigrantes la possibilité de poursuivre leurs études au niveau de la francisation, suite au programme du MRCI, notamment au niveau du français écrit. Parce que, dans notre clientèle, on se rend compte qu'il y en a beaucoup qui vont avoir des difficultés de retrouver un emploi à cause d'un manque d'acquis au niveau du français écrit. Je pense aux personnes qui veulent reprendre des études, aux personnes qui ont des diplômes et des acquis dans leur profession, où, dans leur milieu professionnel, ils ont besoin de lire des documents ou d'écrire, et, à ce niveau-là, je dirais, la francisation MRCI n'est pas suffisante. Donc, on met en place deux projets pilotes: une classe qui va travailler le français écrit au CRIF, formation aux adultes, et une classe et un programme AEC au cégep.
Donc, c'est sûr que ce communiqué doit être renforcé pour qu'il puisse être un moteur de recherche et d'action plus important. Ce travail d'envergure ne peut se faire qu'en partenariat avec la ville et les institutions partenaires. Donc, là, je mets l'accent sur le fait qu'un organisme comme SERY, à Granby, peut gérer des urgences, éteindre des feux, faire un travail de qualité, mais, si on veut travailler, faire de la prévention, travailler de nouveaux projets, ce n'est évidemment pas seuls qu'on va y arriver. C'est vraiment par un partenariat.
Le point deux, ça, c'est le financement adéquat. C'est évident que des organismes qui oeuvrent à l'intégration des personnes immigrantes en région ont besoin de disposer d'un budget qui leur permet de répondre adéquatement aux besoins réels des personnes immigrantes, à savoir l'intégration réussie au sein d'une société. Cependant, nous sommes à ce jour mobilisés autour des besoins d'urgence, comme je vous le disais, et nous éteignons des feux sans avoir les ressources et le temps pour travailler à élaborer de nouveaux outils d'intégration pertinents. Actuellement, entre la lourdeur bureaucratique et le manque de ressources au niveau du fonctionnement de base, on s'acharne pour conserver un poste de secrétaire et de responsable de bénévoles.
Donc, ça, c'est la réalité de notre organisme, la réalité de ce qu'on vit en région, c'est-à-dire qu'il y a eu une augmentation très importante de l'arrivée de personnes immigrantes en région, et nos services ne se sont pas développés, je dirais, sur le même ordre de temps que l'arrivée de cette clientèle-là. Donc, il y a des besoins de base qui sont à mettre en place, et je pense que le temps qu'on consacre à ces problématiques devrait être mis ailleurs. Et on recommande donc que des organismes, comme SERY, qui oeuvrent dans ce domaine, aient une aide financière qui réponde à des besoins de base. Je pense à un poste comme responsable des bénévoles ou secrétaire-réceptionniste.
La troisième recommandation, c'est le développement de la régionalisation. Donc, là, ça touche plus la clientèle indépendante. L'intégration des personnes immigrantes qualifiées est également un atout pour une région comme la nôtre, c'est évident. Et on peut aller chercher des profils qui répondent adéquatement à une demande spécifique au niveau du marché de l'emploi. Donc, je pense que, là encore, c'est important de mettre l'investissement qu'il faut à ce service, en développant de nouveaux outils d'attraction comme avec l'aide de l'informatique, une ressource qui permettrait sur le terrain de venir sonder les demandes des employeurs, de les sensibiliser à la clientèle immigrante. Et il y a aussi de plus en plus de personnes indépendantes qui arrivent non francisées ? ça, c'est une nouvelle réalité ? et ce qui alourdit les démarches à ce niveau. Donc, présentement, il y a une personne qui s'occupe de ce secteur-là qui est également un secteur en grand développement.
Quatrième recommandation, la campagne de sensibilisation, que j'aimerais aussi un programme d'éducation, parce que, même si le comité actuel qui est mis en place avec la ville de Granby, le cégep, Emploi-Québec, le CRIF, le CLD, le CLSC, la Maison des familles, notre organisme, même si on travaille activement sur ce dossier, l'intégration des personnes immigrantes dans une localité dépend également d'une ouverture de la part de l'ensemble de la population, et on entend le grand public et les entreprises.
Il reste encore à ce jour un grand travail de sensibilisation à mettre en place au niveau provincial, régional et local. Des préjugés bien ancrés, surtout dans les régions où l'immigration est un fait nouveau en rapport avec Montréal. Par sensibilisation, on entend, par exemple, une campagne de communication dans les journaux ? ce qu'on a déjà fait l'année dernière ? des ateliers de sensibilisation ? ce qu'on a pu faire pendant la semaine du Québec interculturel ? auprès de nos différents partenaires, tant au niveau des partenaires comme le cégep, l'hôpital, la police, mais également auprès du grand public, des activités d'échange interculturel.
Même si, à ce jour, un travail a été déjà amorcé à ce niveau, il reste à poser des actions régulières et récurrentes avec un budget ajusté pour toucher de plus en plus de monde, c'est-à-dire que, jusqu'à aujourd'hui, on a des budgets très centrés sur une semaine, ou sur une activité en particulier, mais on n'a pas la possibilité de mettre en place une récurrence, une régularité pour arriver à travailler... faire un travail de fond auprès de la population locale et les entreprises, et ça, ça nous paraît très important.
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(15 h 20)
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Recommandation n° 5 ? j'en ai déjà un petit peu discuté avant ? c'est au niveau de la francisation plus accrue et plus adéquate. Les mesures qui sont applicables à Montréal en ce qui a trait à la francisation ne sont pas forcément adéquates dans une région comme celle de Granby. Selon les niveaux, il est impossible d'ouvrir certaines classes par manque d'élèves parce que, nous, on a des quotas à respecter, il nous faut tant d'élèves pour démarrer une classe, mais c'est les quotas de Montréal. Alors, c'est sûr qu'à Montréal ils n'ont pas de difficulté à démarrer une classe niveau 204, mais, dans une région comme Granby, ça nous prend ? je ne le sais pas ? 19 personnes pour débuter la classe; on en a 14 puis on reste avec ce problème-là. Donc, la réalité de la région n'est pas forcément la réalité de Montréal. Donc, ça, c'est un point qu'il faut prendre... c'est un point important, ce qui occasionne des délais importants, voire une impossibilité d'accès. Il y a certaines personnes qui n'ont encore pas accédé à la francisation, ce sont des niveaux 205, par exemple.
Le Président (M. Cusano): Il vous reste deux minutes pour conclure, madame.
Mme Pravert (Anne-Laure): Deux?
Le Président (M. Cusano): Deux minutes pour conclure.
Mme Pravert (Anne-Laure): O.K. Et puis il y a des temps d'attente des fois d'un an. Cette année, je dirais qu'on a fait un beau travail avec le MRCI et on est arrivés à répondre plus adéquatement à nos clientèles. Donc, c'est sûr que ça entraîne une surcharge de travail dans notre service d'accueil. Et c'est également pénalisant au niveau de Revenu Québec; notre clientèle est plus de temps sur l'assistance-emploi.
Comme je vous ai dit, on avait fait des efforts, et il y a deux projets pilotes qui sont actuellement en cours avec la classe au cégep et la classe au privé. Et je pense que ce type de projet pourrait être à mettre en place en région.
Reconnaissance des acquis. D'un point de vue provincial et fédéral, il y a un important travail à faire au niveau de la reconnaissance des acquis tant au niveau des diplômes que des expériences professionnelles. C'est évident qu'il faut sensibiliser les ordres pour trouver des portes d'accès plus adéquates, selon les profils de notre clientèle. De continuer également à sensibiliser les entreprises pour faciliter l'accès au monde professionnel, de créer des formations à court et moyen terme pour valider les acquis, de faciliter les démarches administratives. Comme il a été dit précédemment, il va y avoir une pénurie de main-d'oeuvre, mais rien ne sert de répondre à cette problématique par l'intégration d'un plus grand nombre d'immigrants dans notre province s'ils restent sur l'assistance ou l'assurance-emploi. C'est évident. Et je vais... j'ai bientôt fini.
Un programme de parrainage. Donc, ça, c'est lié au parrainage collectif.
Programme d'intégration scolaire. Actuellement, le programme qui est mis en place est non récurrent, et je pense que, là, ce serait important qu'une récurrence y soit faite auprès des enfants dans l'intégration, surtout pour créer également une unité auprès des écoles, auprès des cégeps pour qu'ils arrivent à mieux travailler avec ce type de clientèle.
La recommandation n° 9, c'est un accompagnement psychosocial. Ça, c'est évident que c'est un besoin de notre clientèle, et, jusqu'à aujourd'hui, on ne peut pas y répondre tout à fait favorablement.
Un service de traduction et service régionalisé, ça, c'est deux services qui devraient être développés, ou des commissions devraient être mises en place pour trouver des pistes de solution. Excusez-moi...
Le Président (M. Cusano): Je vais vous interrompre, madame. Votre temps est écoulé.
Mme Pravert (Anne-Laure): Oui. Excusez-moi si je fais difficulté à la Chambre, hein...
Le Président (M. Cusano): Alors, je passe maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens sincèrement à vous féliciter chaleureusement parce que votre présentation est très éloquente, mais, indépendamment de ça, quand on regarde toutes les activités auxquelles vous touchez, que vous soutenez, que vous participez, de réunir 65 bénévoles et plus, je sais que ça veut dire beaucoup de détermination, d'énergie mais, avant tout, je crois, de conviction. Et je suis certaine que mes collègues joignent leur voix à la mienne pour vous dire, et je vous le dis: C'est avec des organismes comme le vôtre qu'il est important de consolider les partenariats et de les renforcer. Et croyez-moi, là, les propos que je tiens sont enregistrés et sont donc publics. Ils seront retenus contre moi. La députée de Prévost se fera un plaisir de me les rappeler.
Mais je vous le dis sans rire, parce que je crois que, particulièrement en région, c'est la base de l'action qui doit être déployée. Et vous avez dit une chose très importante, vous avez dit: Nous devons travailler avec une volonté commune. Donc, il faut mettre justement autour d'une table toutes ces ressources, toute cette expertise que vous êtes en train de développer, et que vous avez développée, et qui doit faire en sorte qu'on canalise nos actions dans la même direction, et, moi, je rajoute toujours: avec l'obligation de résultat. Je pense que c'est un peu de ça qui en découle.
Si vous me permettez, vous avez abordé une question, puis vous savez que j'ai fait le tour du Québec, et je me suis beaucoup questionnée parce que, historiquement, dans le nombre de réfugiés que nous accueillons chaque année ? parce que ça fait partie de nos volontés et de nos obligations, je dirais, d'accueillir une proportion assez importante de gens qui ont ce statut de réfugiés publics... et historiquement le ministère oriente ces gens vers les régions. Et j'en ai rencontré plusieurs, plusieurs, de ces réfugiés, notamment dans les classes de francisation. Et je me pose la question: est-ce que nous avons raison, de façon, je dirais, presque systématique, d'orienter ces gens qui arrivent ici pour des raisons très différentes d'un travailleur indépendant? Mais, moi, je trouve qu'ils sont parfois plus marqués par la vie, dans un moment de vie difficile et d'insécurité beaucoup plus grande parce qu'ils ont dû fuir leur pays.
Donc, est-ce que c'est une bonne décision de dire: Vous allez aller dans une région ? Granby, ce n'est pas trop éloigné, mais quand même ? vous allez aller dans une région où vous êtes plus isolés, vous êtes plus loin et où vous vous... où parfois ils se retrouvent plus entre eux. Et, moi, ce que j'ai senti, c'est que c'était difficile de briser l'isolement et c'était difficile de faire en sorte qu'ils s'intègrent à l'ensemble de la population d'une région. Ils avaient tendance à rester entre eux.
Alors, ma question, c'est... et j'ai bien écouté votre commentaire, mais est-ce que c'est vraiment la solution, même si vous dites: Nous, on pense que, oui, il faut qu'ils viennent en région. Mais est-ce que ces constats que je fais, vous ne les ressentez pas? Est-ce qu'il y a des moyens spécifiques qu'il faut mettre sur pied par rapport à cette catégorie?
Mme Pravert (Anne-Laure): C'est sûr que, moi, je peux vous répondre pour Granby. Au niveau de Granby, jusqu'à aujourd'hui, il y a une très bonne intégration de la personne immigrante, pour vous donner un chiffre: 80 % de remise à l'emploi, donc ça montre l'intégration de la personne qui vient briser son isolement par le travail.
C'est évident qu'on va être amené, au cours des prochaines années, à recevoir de plus en plus de personnes, par exemple, des Colombiens, d'Afghans, puis c'est évident que, quand on se retrouve dans un pays qui nous est étranger, avec une langue qui nous est étrangère, on a tendance à créer des liens avec ces personnes qui ont un passé commun, d'où l'importance de faire un travail de sensibilisation et un programme d'éducation auprès du grand public, auprès des entreprises.
Et, moi, j'ai un projet qui me tient vraiment à coeur, c'est vraiment de créer un lieu d'échange interculturel qui permettrait à la population locale, aux entreprises, à nos partenaires et bien sûr à notre clientèle de se rencontrer, de partager autour d'un café, de travailler sur des thèmes, sur des projets, de bénéficier d'ateliers ou de formation, d'aller à une exposition de peinture de Colombie ? là, je vous donne des exemples spontanément ? de développer des ressources parce que... de partager nos différences pour un enrichissement. Mais, s'il n'y a pas cette création de lieu puis cette volonté commune à ça, c'est évident que Granby peut, à un moment donné, rencontrer cette problématique-là.
Puis je peux vous dire que, moi, j'ai une expérience ? comme vous pouvez l'entendre, je suis Française, ça fait quatre ans que je suis au Québec ? et j'ai vécu l'échec de l'intégration des personnes immigrantes dans mon pays, et ça a été beaucoup justement par ce fait de mettre les immigrants d'un côté puis de ne pas faire des liens, de ne pas travailler à des liens d'échange, de sensibilisation, de partenariat.
Donc, je pense que, oui, il y aurait beaucoup à développer à ce niveau-là, mais c'est évident qu'il y a les ressources qui vont avec ces projets-là. Parce que, nous, présentement, comme on fonctionne, on a la plus grande volonté du monde pour répondre à ces besoins-là, mais on est pris aussi à éteindre les feux, comme je l'ai mentionné avant. Je ne le sais pas si M. Wissanji...
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(15 h 30)
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.M. Wissanji (Noory): Mme la ministre, moi, ça fait 10 ans que je m'occupe du SERY, je peux vous dire qu'à Granby le niveau de service que les nouveaux arrivants reçoivent est probablement supérieur à partout ailleurs au Québec. Et nous avons reçu au moins quatre ministres à Granby, au SERY, et ils nous l'ont tous dit. Nous avons, par exemple, en termes de... pour éviter ce que vous dites, la ghettoïsation des gens, créé des ateliers dans les cégeps la dernière Semaine interculturelle du Québec. Nous avons un programme pour essayer de faire un maillage avec la population, un programme de parrainage. Le parrainage, il marche chez nous. Depuis 10 ans, nous multiplions de petits projets-pilotes qui donnent des résultats.
Le taux de rétention à Granby est phénoménal. La MRC n'en revient pas combien on retient nos gens chez nous. On a toujours des compliments du MRCI. Et finalement demandez à nos gens s'ils veulent retourner à Montréal. Nos gens qui viennent d'arriver à Granby achètent des maisons à Granby. Ça, c'est un signe d'intégration, entre nous. Économiquement, ils deviennent indépendants parce qu'on les met rapidement à l'emploi. Et, quelques années après, ils sont propriétaires de maisons. Pour moi, c'est des indicateurs clés qui disent qu'on a un succès de rétention ici. Et il n'y a pas de raison pourquoi ils devraient être à Montréal. Donc, éthiquement, je n'ai pas ce problème éthique de dire: Pourquoi est-ce qu'on les fait rentrer en région? Ceci dit, je ne suis pas à Québec; je ne suis pas très loin de Montréal, c'est vrai.
Mme Courchesne: Quel est le rôle de la municipalité? C'est-à-dire que je le connais, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que la ville vous apporte comme soutien? Parce que ma compréhension, c'est que bien sûr la ville, le conseil municipal a démontré une volonté, cela dit, de vouloir créer un environnement propice, mais j'aimerais vous entendre davantage sur ce que vous croyez que devrait être le rôle d'une ville au Québec, par exemple, dans d'autres régions.
Est-ce que la ville ne serait pas aussi en mesure, parce qu'elle est très près des gens au niveau des services de proximité... est-ce que la ville ne serait pas bien placée pour participer à cette campagne de sensibilisation? Mais est-ce qu'il y a d'autres services ou d'autres activités qu'on serait en droit de demander, dans un partenariat toujours, mais à la ville? Comment voyez-vous ça d'un point de vue régional?
Mme Pravert (Anne-Laure): Actuellement, il y a une amorce qui a été faite avec la ville, notamment en mettant en place le Comité des partenaires, comme je le nommais tout à l'heure, avec le cégep, la ville de Granby, le CRIF, le CLD, CLSC, etc. C'est évident qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau-là, travail de sensibilisation, ne serait-ce que de sensibilisation par rapport à la réalité du problème de natalité et de vieillissement de la population, de corrélation avec l'apport que peut être l'immigration en région. Je pense que la ville pourrait beaucoup nous aider au niveau des services, ne serait-ce qu'au niveau des transports.
C'est pour ça que je mettais l'accent sur la politique familiale, comme ça se fait déjà dans certaines villes. Je pense à la ville de Saint-Hyacinthe, à la ville de Sherbrooke. Il y a une volonté dans la politique familiale d'intégrer une politique à l'immigration pour permettre aux organismes, et surtout à la clientèle de ces organismes-là, de bénéficier de services au niveau des transports. Je pense aussi au niveau des logements, la possibilité de créer plus de logements sociaux, de favoriser des transports en commun plus adéquats avec les besoins de notre clientèle, de favoriser le prêt de salles ou d'espaces communs pour des échanges interculturels, de favoriser des échanges aussi auprès des loisirs, auprès de la culture de la ville, donc vraiment d'intégrer ça dans la politique familiale. Et, si on le voit à plus grande échelle, pourquoi ne pas donner comme mission aux villes d'intégrer ça dans leur politique familiale pour qu'elles aient une unité, créer une unité pour répondre à ces clientèles?
Le Président (M. Cusano): Merci. Je m'excuse, le temps est écoulé. Mme la députée de Papineau... de Prévost. Puis je savais que ça allait arriver. Je m'attendais que ça allait arriver aujourd'hui, mais excusez-moi.
Mme Papineau: ...en autant que vous ne m'appellerez pas Mme MacMillan. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Cusano): Non, non, non. Ça, il n'y a pas de doute, Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, tout d'abord, je voudrais vous dire que je suis très sensible à votre mémoire, puisque, dans ma région, il y a un organisme comme le vôtre. Moi, je demeure à Saint-Jérôme. Donc, Saint-Jérôme, Granby, c'est à peu près le même genre de municipalité. Chez nous, c'est Le Coffret qui offre sensiblement les mêmes services que vous offrez, mais qui ont, eux, un lieu de rencontre justement et qui mettent à profit, parce que vraiment... C'est vraiment un lieu de rencontre non seulement pour les personnes immigrantes, mais aussi pour les gens de la communauté qui vont... Et dernièrement il y avait justement une exposition de... Je ne me souviens pas, je pense, c'était la Colombie, et les gens avaient fabriqué eux-mêmes de l'artisanat, et la population était invitée à aller voir. Donc, c'était vraiment un beau partage, et ils réussissent très bien à ce niveau-là.
Maintenant, je vous entendais parler, et je sais que vous dites que vous avez réuni alentour d'une même table plusieurs partenaires. Est-ce que ces partenaires sont régionaux? Et je m'explique. Justement, on parlait des municipalités tantôt. Moi, je... On sait que maintenant nous avons les conférences régionales des élus. Vous savez que ça a été formé avec la loi n° 34 à la dernière session. Et, alentour de cette table, se retrouvent notamment les maires des municipalités et qui ont un rôle à jouer, je pense, dans l'intégration des immigrants dans leur communauté. Est-ce que vous voyez... est-ce que vous pensez pertinente votre présence alentour de cette table qu'est la conférence régionale des élus?
Mme Pravert (Anne-Laure): ...parce que jusqu'à présent on fait appel beaucoup à des organismes comme nous pour être consultés, mais peu pour être décideurs, entre guillemets. Et je pense qu'à ce niveau-là on est les mieux mandatés pour répondre de la réalité immigrante sur le terrain, sur les problématiques qui en découlent et les solutions qui peuvent être apportées.
M. Wissanji (Noory): Si vous permettez un commentaire, madame, au niveau de la mairie. Notre budget, depuis 10 ans, a augmenté année après année. Nous avons commencé à peu près à zéro dollar, aujourd'hui nous sommes rendus autour de 300 000 $ par an. Ça fait des années que nous essayons de faire des démarches au niveau de la mairie et de la ville de Granby. Historiquement, on avait 1 000 $ par an comme organisation, puis ils ont trouvé le moyen de l'enlever, ce 1 000 $ là. Alors, ça vous donne un petit peu le niveau d'implication de la mairie de la ville de Granby, à Granby. C'est surprenant combien on peut développer avec tous les partenaires communautaires à Granby ? on parle de CLSC, de l'école, CLD, on parle du cégep, du MRCI ? et la ville est peu présente et prend peu d'engagements. Actuellement, c'est le constat qu'on fait, là. Alors, certainement, s'il y a une table où on peut s'asseoir avec la ville et confronter la ville, ce serait très bien.
Mme Papineau: Donc, justement, si vous étiez à la table de la conférence régionale des élus, vous pourriez vous faire entendre auprès de la mairie et avec les autres partenaires, bien sûr. Mais ce serait peut-être pertinent, à ce moment-là, que vous soyez à cette table-là pour sensibiliser peut-être la ville qui... en tout cas, à tout le moins ouvrir un dialogue avec la ville.
J'ai une deuxième question, je voudrais savoir... Et je fais toujours référence, étant donné que Granby et Saint-Jérôme, c'est quand même assez semblable... La francisation dans les régions, vous avez souligné que c'était assez difficile. Vous avez des familles qui arrivent à Granby avec des enfants d'âge scolaire, au primaire. Comment se passe l'intégration des enfants au niveau scolaire dans la région, par exemple?
Mme Pravert (Anne-Laure): Là où je parlais tout à...
Mme Papineau: Je parle de francisation, toujours.
Mme Pravert (Anne-Laure): O.K. Au niveau de la francisation, ils n'ont pas accès à des cours de francisation. Ils vont directement dans le milieu scolaire local, dans les écoles, et là il y a une personne actuellement qui est financée par la commission scolaire, sur un programme jeunesse, qui accompagne les parents et enfants dans ces premières démarches. Et là on se rend compte qu'il n'y a aucune unité entre les écoles, c'est-à-dire que, sur certaines écoles, il va y avoir des classes spéciales pour ce type de clientèle là ou, dans d'autres classes, dans d'autres écoles, l'enfant va être directement intégré dans une classe, et il a, je dirais, une capacité d'apprentissage phénoménale. Il y a un gros travail qui reste à faire au niveau de l'intégration scolaire, notamment pour trouver des outils communs qui puissent être offerts aux enseignants, aux écoles puis également, bien sûr, soutenir nos élèves, notre jeune clientèle.
n(15 h 40)nMme Papineau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Cusano): Donc, M. le député de Masson.
M. Thériault: Merci, M. le Président. Votre intervention est fort pertinente parce que ce qu'on comprend à vos propos, c'est qu'une véritable politique d'immigration nécessite une véritable politique d'intégration et qu'en quelque part, s'il n'y a pas, au-delà du travail, qui est quand même la base d'une intégration dont on peut présumer qu'elle pourra être réussie, pour satisfaire les besoins élémentaires... s'il n'y a pas de volonté et de lieux d'échange interculturel, alors là on ne peut pas profiter effectivement de la richesse d'une société plurielle.
Et, dans ce sens-là, votre action, via la réception de nouveaux arrivants, va un peu à l'encontre d'une dominante dans notre société qui est l'individualisme, métro, boulot, dodo, hein? Alors, on arrive dans une région, et nécessairement votre dynamique sociale, votre dynamique communautaire se trouve en fond à contre-courant de la tendance générale. Ce que l'on ne veut pas, c'est que les gens qui arrivent chez vous tombent dans la même dynamique métro, boulot, dodo. Il n'y aurait pas d'intégration, il y aurait risque, à ce moment-là, du chacun pour soi et de la ghettoïsation en quelque part. Donc, au-delà de l'intégration au marché du travail, au-delà de la francisation, ça prend des lieux d'échange interculturel. Or, j'aimerais que vous puissiez nous dessiner encore un peu plus votre projet dont vous nous avez parlé un petit peu tout à l'heure.
Le Président (M. Cusano): En deux minutes, s'il vous plaît.
Mme Pravert (Anne-Laure): O.K. C'est sûr que le lieu d'échange interculturel, c'est un outil parmi tant d'autres. Ce n'est pas le seul que je vois à l'intégration des personnes immigrantes en région. Je parlais tout à l'heure de la validation des acquis. Les acquis de compétences, le parrainage, l'intégration scolaire, l'accompagnement psychosocial sont tous des outils pour permettre cette intégration-là.
Le lieu d'échange interculturel comme, moi, je l'imagine ou notre équipe l'imagine, c'est vraiment un lieu où l'organisme, les services de l'organisme sont à la disposition de notre clientèle, mais qui est également, en devanture, un lieu où on met en place des activités. Ça peut être autant de la formation offerte.
On en a fait déjà un premier essai, lors de la semaine du Québec interculturelle, auprès des élèves du cégep, auprès des entreprises, auprès de la police, auprès du conseil municipal, auprès du centre local d'emploi, des formations de sensibilisation à la communication, à la compréhension de la réalité de cette clientèle, des lieux tout simplement d'échange autour ? comme je le nommais tout à l'heure ? autour d'un café ou autour d'une exposition. Ça peut être également une personne qui vient nous parler de la réalité de son pays, de ce qu'il a vécu, de son chemin de vie. Ça peut être également un Québécois qui vient nous parler du sirop d'érable ou, je ne sais pas, de la poutine. Non, ce n'est pas le bon exemple, le sirop, c'est mieux. Ça peut être également, bien sûr, des outils offerts comme des pratiques de français, des pratiques... des échanges de compétences. Une personne, je pense à une Afghane qui... on en a une actuellement qui chante admirablement et qui était... puis qui aurait... officieusement professeur de chant dans son pays, pourrait offrir des cours de chant. Donc, c'est ces échanges, là, un lieu qui permettrait ces échanges-là.
Mais, comme je vous dis, si on n'a déjà pas un financement qui nous permet d'assurer notre base, on se bat à... Comment je vais avoir ma secrétaire? On en est encore là. Puis on a aussi ces grands rêves, là, aussi.
Le Président (M. Cusano): Merci, madame.
Mme Pravert (Anne-Laure): Je pense qu'il faut déjà assurer cette base-là pour, après, construire des rêves auxquels je crois énormément.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Mme la députée de Chambly, la parole est à vous.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre contribution puis pour l'action d'une valeur tout à fait inestimable, là, pour la région de Granby.
J'avais quelques questions. Premièrement, une curiosité: les bénévoles qui sont chez vous, est-ce que ce sont des immigrants qui ont réussi leur intégration et puis qui parrainent ou si c'est des bénévoles de la population? Comment...
Mme Pravert (Anne-Laure): Les deux.
Mme Legault: Un peu des deux?
Mme Pravert (Anne-Laure): Les deux, oui. Il y en a beaucoup qui ont bénéficié des services des personnes bénévoles en arrivant, notamment nos familles réfugiées publiques, bénéficié des services bénévoles comme l'accompagnement à l'achat de vêtements ou accompagnements médicaux, qui, après, vont passer une période, à peu près, d'un an en francisation et qui vont vouloir remettre ce qu'ils ont reçu à travers le bénévolat. Et on a également une population locale comme des anciens enseignants, des personnes à la retraite qui ont développé une expertise qu'ils souhaitent offrir à notre clientèle, qui ont également une expérience interculturelle, qui ont vécu à l'étranger, qui ont appris l'espagnol puis qui ont le goût de pouvoir retrouver cette richesse de... ces richesses de l'échange interculturel. Donc, on a vraiment les deux types de profil.
Mme Legault: Merci. Dans le mémoire aussi, vous dites, bon, qu'il serait pertinent de développer des nouveaux outils d'attraction pour intéresser les nouveaux arrivants aux régions, à quoi pensez-vous plus précisément?
Mme Pravert (Anne-Laure): Au niveau de la régionalisation?
Mme Legault: Oui.
Mme Pravert (Anne-Laure): Je pense, par exemple, à une personne qui irait sur le terrain sonder les entreprises non seulement pour aller voir leurs besoins en main-d'oeuvre parce qu'on se rend compte d'une... il y a un besoin réel au niveau des entreprises qui ne va que s'accroître, d'arriver à trouver le profil adéquat à cette demande. Donc, c'est d'arriver à sonder c'est quoi, le réel besoin de ces entreprises-là. Mais, pas juste ça, c'est également d'arriver à les sensibiliser au public, à ces clientèles immigrantes là, pour casser les préjugés ou les... C'est ça. Donc, ce serait un premier outil.
Le deuxième outil ? puis, après, je vous laisse la parole ? le deuxième outil, ce serait au niveau de l'informatique, développer une base de données ou quelque chose qui permette de toucher plus de monde à l'étranger au niveau des indépendants. Donc, là, c'est encore flou, mais c'est un projet auquel on croit.
M. Wissanji (Noory): Nous avons actuellement une section qui s'occupe de régionalisation avec un monsieur qui travaille là-dedans à temps plein, et son travail, c'est de recruter de la main-d'oeuvre à Montréal pour venir en région, chez nous. Et il a développé un outil informatique où il affiche les emplois disponibles dans la région, et ces emplois... ces outils évidemment sont disponibles dans toutes les organisations à Montréal. Et il fait beaucoup de travail à l'étranger aussi.
Nous avons, par exemple, des gens qui sont venus à Granby, qui ont été contactés chez eux, en France, par notre outil informatique. Et c'est un projet-pilote de la MRC, et ça fait trois ans. Ils le renouvellent à chaque année parce que nous développons une expertise pointue là-dessus.
Mme Pravert (Anne-Laure): On a actuellement 800 employeurs sur cette banque de données et puis on a 607 abonnés. Et on a jusqu'à présent 500 C.V. qui sont sur notre base de données, pour vous donner des chiffres.
Mme Legault: Non, non, c'est très intéressant, parce que, quand j'ai reçu votre mémoire, j'ai vu le domaine courriel que vous avez choisi, www.pourtravailler.qc.ca, hein, SERY, et je me suis dit que ce n'était certainement pas par hasard, que ce choix-là était probablement une indication à l'effet que, quand on détient un emploi, un bon emploi, bien on peut s'intégrer d'une façon réussie, j'imagine. Corrigez-moi si je me trompe. J'imagine que c'est un facteur clé, hein? On s'entend là-dessus?
Mme Pravert (Anne-Laure): C'est évident. Le premier facteur clé, c'est la francisation. Le deuxième facteur clé, l'emploi. Et il y a souvent un emploi tremplin qui va permettre à la personne, après, de vraiment trouver sa place et puis s'émanciper.
Le Président (M. Cusano): M. le député de Charlesbourg.
n(15 h 50)nM. Mercier: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Effectivement, j'abonde dans le même sens que mes collègues ici à l'effet que vous êtes un organisme d'accueil et d'intégration que je qualifierais d'audacieux, avant-gardiste et surtout responsable. Parce que, dans le fond, vous tendez la main aux nouveaux arrivants ici et vous les accompagnez dans un processus d'intégration qui n'est pas toujours facile, et je dois l'admettre. Et justement, puisque vous détenez un certain savoir, une certaine connaissance... ma collègue de Prévost mentionnait justement son organisme, qui est Le Coffret, c'est bien ça?
Une voix: ...
M. Mercier: Eux également détiennent un savoir et une expertise qui, à mon avis, pourraient être partagés entre différents organismes. Je ne sais pas combien d'organismes comme le vôtre il existe ici, au Québec, mais y a-t-il une association qui vous regroupe ou, du moins, est-ce que, vous, vous avez mis de l'avant un certain, je vous dirais... pas maraudage, mais est-ce que vous allez un petit peu partout en région, des fois, pour répandre un petit peu votre bonne nouvelle, ou vos connaissances, ou votre savoir-faire en ce sens pour pouvoir le faire partager à des régions ou des municipalités qui malheureusement n'ont pas des organismes comme le vôtre dans leur territoire?
Mme Pravert (Anne-Laure): Je pense qu'on a beaucoup à apprendre les uns des autres. Il y a la TCRI qui fait le lien entre les organismes qui oeuvrent dans ce domaine, mais c'est évident aussi qu'il y a un manque de temps pour qu'on puisse se rencontrer, s'asseoir et puis travailler ensemble des outils. On revient un petit peu dans ce que vous dites à ce que j'ai noté, dans le fait qu'on éteint beaucoup de feux. Puis je trouve qu'en éteignant des feux on travaille aussi à développer de nouveaux projets. Et ça nous prendrait du temps et une capacité de le faire pour vraiment mener à bien des projets plus solides, mais la TCRI fait un excellent travail déjà à ce niveau-là.
M. Mercier: Merci.
Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a d'autres questions à ma droite? Mme la ministre, vous disposez de deux minutes.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Très rapidement, dans cette notion de l'emploi, dans votre région, quels sont les principaux facteurs de réticence des employeurs à embaucher les nouveaux immigrants? Est-ce que vous êtes capables de nous donner des pistes à cet égard-là?
Mme Pravert (Anne-Laure): C'est sûr que, à ce niveau-là, nous, on est une région qui a un très fort taux de placement, plus de 80 % de remise à l'emploi. Donc, il y a quand même déjà une belle ouverture. Je dirais qu'on est une région qui a une bonne capacité d'accueil. S'il y avait encore un travail à faire, au niveau de la minorité visible, au niveau du fait que la personne ne comprenne pas qu'on ne sache pas «tabarnouche», ça veut dire quoi ou ? c'est un exemple parmi tant d'autres... mais, ce n'est pas forcément l'employeur, mais les employés ou les collègues de travail de la personne. Cette personne peut vivre du racisme à ce niveau-là. En tout cas, lui, il le vit comme un racisme. Ça peut être simplement une incompréhension au niveau de la différence, mais, au niveau de la francisation, du dialogue, on a rencontré des difficultés. Minorités visibles, c'est évident. La peur qu'on vienne voler les emplois et la peur qu'on vienne voler les logements aussi dans certaines...
Mais, à partir du moment où on leur explique, ils comprennent. Mais il y a cette peur-là. S'il n'y a pas d'explication à l'inconnu ou à quelque chose de nouveau, il y a la peur qui se met en place, c'est évident: Donc, ah, mais ils viennent nous voler nos jobs. Ça, c'est sûr qu'on l'entend. C'est pour ça qu'on a fait une campagne de sensibilisation dans les journaux, par des ateliers. On s'est déplacé, on a rencontré... Les gens nous disaient: Mais, qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'ils viennent pour prendre le travail? Bon, bien, là on a pu dialoguer, et puis il y a quand même une belle ouverture. À partir du moment où la personne comprend la nouveauté ou comprend la différence, là il y a la possibilité de mettre en place des échanges très productifs, des échanges très riches. Mais, s'il n'y a pas cette amorce au niveau de la compréhension, il peut y avoir encore un petit travail à faire.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. Et c'est pour ça que des organismes comme le vôtre doivent exister, pour justement faire comprendre à la communauté qui accueille tout l'apport que ces gens peuvent apporter dans une communauté. C'est très important que vous soyez présents sur le terrain. En tout cas, chez nous, ils sont très présents et ils font un bon travail au niveau justement de faire comprendre aux gens que ce n'est pas ça qui... il faut faire de la place à ces immigrants qui nous arrivent.
Je voudrais... Dans votre mémoire, vous parlez de parrainage collectif. Et j'en ai un petit peu entendu parler, moi aussi, mais je voudrais ? c'est à la page 7 de votre mémoire ? et je voudrais pouvoir vous entendre... ou élaborer votre vision, la vision de votre organisme du parrainage collectif et dans quelle mesure le gouvernement du Québec devrait... Qu'est-ce que le gouvernement du Québec devrait mettre à votre disposition pour qu'un tel programme soit efficace?
Mme Pravert (Anne-Laure): O.K. Donc, là, on parle surtout de réunification familiale, pour qu'une personne puisse faire venir une autre personne de son pays, une facilité d'accès à ce service-là au niveau financier des gens, c'est-à-dire que, selon le degré de parenté, la personne doit avoir tant d'argent pour faire venir un membre de sa famille.
Mme Papineau: Mais est-ce que le parrainage collectif n'est pas celui que la communauté s'engage à parrainer la famille qui arrive? Moi, j'avais compris... À moins que ce soit différent de ce que je comprends, mais le parrainage collectif serait que le... c'est la communauté qui s'engage pendant un an à assurer les besoins d'une famille.
Mme Pravert (Anne-Laure): Non. Actuellement, ça, ce n'est pas mis en place à Granby au niveau de la communauté.
Mme Papineau: Ce n'est pas ce qu'est le parrainage collectif?
Mme Courchesne: Pas la communauté, la communauté étant... Tu parles de la communauté culturelle, c'est-à-dire...
Mme Papineau: Non, non, non, pas la communauté culturelle, je parle de la communauté en général, la communauté accueillante.
Mme Courchesne: Vous me permettez, M. le Président, ou...
Mme Papineau: Excusez-nous, madame, là, on vient...
Le Président (M. Cusano): Oui, de consentement, on va le permettre.
Mme Courchesne: En fait, la formule du parrainage comme telle, c'est que, contrairement à la réunion familiale... c'est qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui garantisse, si vous voulez, la prise en charge des besoins essentiels. Donc, dans ce sens-là... Mais ce n'est pas obligé d'être un membre de la famille, si c'est ce que vous voulez dire.
Mme Papineau: ...parrainage collectif.
Mme Courchesne: Mais ce n'est pas la communauté au sens large, là, il faut que ce soit identifié. Il faut que les gens qui acceptent de parrainer soient clairement identifiés et acceptés, comprenez-vous? Ce n'est pas... Comment je pourrais dire ça? Ça pourrait être un organisme à la limite. Ça pourrait être un organisme. Par exemple, SERY pourrait se...
Mme Papineau: Ah, bon, c'est ça.
Mme Courchesne: Ça, si c'est ça, votre question, oui, à la limite, un organisme pourrait le faire. Sauf qu'il faut faire très attention parce que ce sont des organismes sans but lucratif. Alors, il faudrait que l'organisme puisse presque avoir une garantie bancaire. Alors, dans les faits, ce n'est pas si évident que ça. Comme dit madame, ils ont des ressources déjà très limitées à la base et pas d'actif. Les organismes sans but lucratif ont très, très, très peu d'actif. Les bureaux, les ordinateurs, ça ne peut pas fournir une garantie bancaire. J'arrête là, là, parce que je ne veux pas prendre le temps, mais c'était pour vous donner cette explication.
Le Président (M. Cusano): Oui, parce qu'il va falloir imputer votre temps sur le temps de Mme la députée.
Mme Papineau: Ça va.
Le Président (M. Cusano): Ça va. Est-ce que vous avez d'autres questions? Ça va?
Mme Papineau: Ça va, oui. C'est parce que le parrainage collectif...
Le Président (M. Cusano): M. le député de Masson.
M. Thériault: Oui, au niveau... Vous avez parlé tout à l'heure des délais d'attente pour les cours de francisation et vous nous avez parlé, entre autres choses, des quotas inappropriés, Montréal versus régions. Y a-t-il d'autres mesures que vous souhaiteriez voir mises en place?
Mme Pravert (Anne-Laure): C'est un petit peu le projet-pilote qu'on vient de mettre en place essentiellement pour la clientèle qui veut faire un retour aux études ou un retour à l'emploi, d'avoir une francisation plus accrue au niveau de l'écrit. Parce que c'est sûr que les mesures qui sont mises en place par le MRCI, les différents niveaux ? qui commencent aux cours adaptés, après, ce sont les cours réguliers avec les niveaux 201 jusqu'à 205, 206 ? vont leur permettre de travailler à un français pour socialiser, pour se faire comprendre, mais, par rapport à leur emploi, bien souvent ils vont être handicapés au niveau de l'écrit. Donc, s'il y avait un outil à mettre en place, ce serait celui-là, et puis bien évidemment qu'il y ait un peu plus de flexibilité pour démarrer des classes en région par rapport au nombre de clients, comme je l'ai dit. Ce seraient les deux choses que je verrais.
M. Thériault: Et au niveau des délais d'attente, là?
Mme Pravert (Anne-Laure): Oui. Bien, les délais d'attente sont en lien avec le nombre de personnes pour créer une classe.
M. Thériault: Mais, au-delà de ces quotas inappropriés, est-ce que vous voyez d'autres mesures?
Mme Pravert (Anne-Laure): Pour pallier aux délais d'attente?
M. Thériault: Oui.
n(16 heures)nMme Pravert (Anne-Laure): C'est sûr que, si les quotas... si le nombre de personnes est plus petit pour démarrer une classe, l'attente va être plus courte. C'est évident qu'il y a aussi les pratiques de français qui actuellement sont données par nos bénévoles. C'est le temps d'attente pour que la personne ne reste pas sans rien, de son arrivée à sa francisation. Comme je vous le disais, il y a des fois plusieurs mois d'attente. Donc, présentement, c'est notre service de bénévolat qui arrive à... en tout cas, qui essaie de pallier à cette problématique-là.
Donc, pourquoi pas une ressource qui permettrait de démarrer des petits groupes? Mais c'est sûr que, si on peut déjà démarrer à plus petits groupes, on règle déjà une partie de l'attente.
Le Président (M. Cusano): Alors, j'aimerais, au nom de mes collègues, vous remercier pour votre présentation, et je peux vous assurer que les membres ont bien entendu les mots de la ministre au début de cette présentation. Alors, on vous souhaite bonne chance et bon travail. Merci beaucoup.
À ce moment-ci, je demanderais à la Fédération étudiante universitaire du Québec de bien vouloir prendre place. Alors, en conséquence, je vais suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 5)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons entendre à ce moment-ci la Fédération étudiante universitaire du Québec, et, pour les fins du Journal des débats, je demanderais à nos invités de bien vouloir s'identifier.
Fédération étudiante
universitaire du Québec (FEUQ)
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Pier-André Bouchard, vice-président de la Fédération étudiante universitaire du Québec, et, à mes côtés, Nick Vikander, qui est coordonnateur aux affaires internationales de la FEUQ.
Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, je voudrais vous expliquer notre fonctionnement. Vous disposez d'une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation. Elle sera suivie par un échange entre les membres de la commission et vous-mêmes; cette période est de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Bien. Bonjour à tous, bonjour à toutes. La Fédération étudiante universitaire est une association sans but lucratif, composée de 19 associations étudiantes membres à travers le Québec. Elle représente plus de 148 000 étudiants et étudiantes dans les différentes universités québécoises. Nous nous acharnons à défendre évidemment une éducation accessible et de qualité non seulement pour nos membres, mais aussi au bénéfice de la société québécoise.
Dans le cahier de consultation en fait qui a été mis en ligne par la ministre, on voyait en fait... on faisait un état de la situation en matière de démographie au Québec pour les années futures, les années à venir. On peut résumer en fait ces éléments-là en trois points: d'une part, un vieillissement de la population, combiné d'une diminution de l'accroissement naturel; une croissance évidemment des dépenses dans les différents ministères, notamment par exemple au ministère de la Santé; et, par conséquent, qui dit vieillissement de la population dit vieillissement de la contribution fiscale des travailleurs, donc une diminution des revenus pour le gouvernement du Québec. Par conséquent, le Québec fera face bientôt à une impasse fiscale, et il est important en fait d'y faire face dès maintenant.
Pour redresser évidemment cette situation, l'immigration constitue une avenue, constitue un levier stratégique ? pour paraphraser le document de consultation ? et, évidemment, pour améliorer, entre guillemets, la pyramide d'âge du Québec, il est important d'accueillir et de favoriser le plus de jeunes possible en fait au Québec, plus particulièrement, et c'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui, les jeunes universitaires. Il y a plusieurs raisons en fait qui nous font plaider en cette faveur. D'une part, leur capacité d'adaptation à la réalité québécoise. En fait, ces gens-là doivent faire face au réseau universitaire. Ce n'est pas un monstre en soi, mais apprendre dans une langue qui n'est pas nécessairement la nôtre nécessite en fait une capacité d'adaptation relativement importante. Ces gens-là doivent donc avoir déjà en partant une bonne connaissance du français pour être en mesure d'oeuvrer dans nos universités.
C'est également des candidats de choix en matière d'insertion socioprofessionnelle au Québec. Il est relativement aisé de se convaincre que ces gens-là, ayant étudié en fait une profession faite par des gens d'ici... il est relativement aisé de se convaincre que ces gens-là seront en mesure évidemment de l'appliquer ici par la suite. On n'a qu'à penser aux ordres professionnels, par exemple, l'Ordre professionnel des ingénieurs ou les médecins, qui évidemment prônent en fait un enseignement pour la société québécoise.
C'est aussi un impact économique nécessaire et positif évidemment pour le Québec. Le Québec, en fait, est une société du savoir: 75 % des emplois à venir nécessiteront un diplôme d'études postsecondaires. On parle, sur ce 75 % là... ou, en fait, au total, un emploi sur quatre nécessitera un diplôme d'études universitaires. Donc, c'est une donnée qui évidemment est à prendre en considération, surtout si on conjugue cet élément-là au fait qu'il y a une diminution de la population étudiante universitaire au Québec.
n(16 h 10)n C'est un apport fiscal pour évidemment le gouvernement du Québec, leur présence. En fait, s'ils n'étaient pas là, les dépenses dans l'économie québécoise que ces gens-là engendrent seraient faites ailleurs, et donc les retombées fiscales qui s'ensuivent en fait vont directement au gouvernement.
À titre d'exemple, je me permets de citer Marius Demers, qui est économiste au ministère de l'Éducation du Québec, mentionnant qu'un étudiant universitaire contribue de l'ordre de 500 000 $ de plus dans sa vie active aux revenus du gouvernement du Québec qu'un étudiant au collégial. Il est question de l'ordre de 734 000 $ de plus qu'un étudiant... en fait qu'un travailleur plutôt, ex-étudiant travailleur ayant un Diplôme d'études secondaires. Donc, évidemment, l'importance de la contribution des étudiants ou des ex-étudiants, lorsqu'ils sont sur le marché du travail, est significative pour les revenus de l'État.
C'est également une façon d'amener des revenus d'argent, en fait des argents supplémentaires dans la province. On voit en fait une statistique éloquente sur la question au niveau de la recherche dans nos universités. Le CRSNG ? le Conseil de la recherche et des sciences naturelles et du génie ? donne annuellement 3 980 000 000 de plus que, en fait, uniquement par la présence des étudiants internationaux au Québec. C'est donc un élément qui évidemment a des conséquences économiques importantes sur évidemment le réseau universitaire mais aussi le Québec. En somme, il y a un manque d'argent à venir, il faut compenser en partie par l'immigration. Les étudiants universitaires, en fait l'immigration en termes d'étudiants internationaux, constituent des candidats de choix.
Je vais laisser mon collègue vous présenter en fait quelques mesures qui seraient en fait intéressantes non seulement pour les attirer... Et puis ensuite nous verrons en fait quelles mesures... Évidemment, les attirer, ce n'est pas suffisant, il faut aussi les inciter à rester au Québec. Donc, nous vous présenterons quelques mesures pour favoriser en fait leur rétention.
M. Vikander (Nick): Merci. Bonjour. Comme mon collègue a mentionné, ce qu'on va discuter maintenant, c'est quelques façons que le gouvernement du Québec pourrait attirer davantage d'étudiants internationaux pour faire concurrence à d'autres pays qui aussi cherchent des étudiants internationaux pour aller chez eux. Je vais faire une partie, la première partie de mon intervention en anglais. C'est pour vous avertir.
One of the main issues, not only with international students, but, of course, with all students, is that of tuition fees. It is not, of course, the only reason which makes it less attractive to study in Québec, but, nonetheless, we feel it is an important one.
Tuition fees for international students range between approximately $9000 and $10 000 per year; therefore, approximately six times what it is for Québec students to study. In that sense, these tuition fees have been higher for international students for a number of decades. One of the original reasons for this was that taxpayers and citizens in Québec, as in other parts of Canada and other countries, found it's reasonable that international students would pay higher fees as they didn't have to contribute to the tax system in Québec. In a sense, they were considered to be a burden on Québec.
Work that we have done has shown that, at least in our view, international students even financially cannot be considered to be a burden in Québec; in fact, they bring a number of important elements. An economic study that was done earlier this year calculated the actual economic impact of both out-of-province Canadian and international students on the Québec economy. What it found out was that, when adding up all the expenses, the percentage of students who stay in fact in the province of Québec, in terms of tax dollars, brings in more money from these international students than it actually costs to train them.
So, in that sense, we don't promote the idea of differential fees. However, we realize that, in a moderate amount of time, it's not reasonable to have these fees eliminated. However, we feel an important first step would be to have a tuition freeze for the differential fees for Canadian out-of-province and especially international students. We feel that'll be important for students actually planning their budgets, especially considering that international students do not have the right to work off campuses to actually try and finance any part of their studies.
Another important aspect is not just about student finances and the quality of life for international students. It has to do with the grants of the Québec Government actually given to a fair number of them. 70% of international students pay the Québec student fees as opposed to the higher international student fees. The reason for this is strategically to promote alliances with different countries, be it France, be it countries in Northern Africa or other countries that Québec has bilateral dealings with.
In this sense, we feel that this is an important step that should in fact be promoted more, as well as having a tuition freeze for out-of-province and international students, to, in fact, gradually begin to offer more grants to attract a higher number of international students to Québec. An interesting aspect of this is that grants can be used in a strategic way, either to attract students from certain countries that are designated as being more ideal perhaps or perhaps to attract students to universities in Québec's regions rather than simply to the universities on the island of Montréal.
Clearly, for this, it doesn't only touch the MRCI, it also touches the Ministry of Education and other ministries in Québec. So, in this sense, we present it, as we feel it's an important issue in this context, but it would have to have a coordination and a collaboration between ministries.
Peut-être pour continuer en français, un autre enjeu que nous pensons qui est assez important, c'est le fait... l'idée du travail hors campus. Comme j'ai mentionné, le Canada est un des seuls pays développés en fait qui ne permet pas aux étudiants internationaux de travailler hors campus pendant leur séjour au Québec ou ailleurs au Canada. Si on pense à un aspect de concurrence, alors ce n'est pas quelque chose qui fait en sorte que le Québec ou le reste du Canada est un endroit nécessairement très positif dans ce sens-là pour venir, pour un étudiant international. Dans ce sens-là, nous pensons que laisser les étudiants internationaux... leur permettre de travailler hors campus va favoriser l'intégration et aussi va favoriser leur qualité de vie et faire en sorte que leur séjour au Québec est plus positif.
Il y a quelques années, il y avait des changements aux lois fédérales qui ont permis en principe le travail hors campus pour les étudiants internationaux. Maintenant, c'est une question d'administration et de mise en place. Jusqu'à maintenant, il n'y pas de programme au Québec. Cependant, on voit, dans la province du Manitoba, que, eux autres, ils ont un projet pilote qui existe maintenant, qui laisserait les étudiants internationaux travailler partout au Manitoba.
À la FEUQ, on pense que ce serait important d'avoir aussitôt que possible une entente entre le Québec et le Canada pour faire en sorte que ces étudiants-là ont le droit de travailler à temps partiel pendant leurs études, pour les raisons que, moi, j'ai citées. Nous pensons que la logique de dire qu'ils vont prendre des jobs des Québécois, les emplois des Québécois, c'est quelque chose qui est assez dépassée, et ce serait important pour le Canada, et le Québec en particulier, de faire une affaire que beaucoup d'autres pays en Europe puis d'autres pays développés font déjà.
Finalement, je vais juste mentionner quelques exemples en termes de bureaucratie et tout le système que les étudiants internationaux doivent faire face enfin pour venir au Québec. Juste deux exemples que je vais mentionner. Certainement, il y a des gens ici qui vont connaître ces dossiers-là plus que le nôtre, mais, quand même, quelque chose pour mentionner.
Des fois, ce qu'on entend, c'est que les étudiants internationaux ont des problèmes pour recevoir leur permis d'études pour venir en fait au Canada. Ils reçoivent leur Certificat de sélection du Québec, et, après ça, ils doivent aller au gouvernement fédéral pour avoir le visa d'études avant de venir ici. Des fois, ça prend beaucoup de temps. C'est une question de coordination, une question simplement de temps en fait, et, des fois, il y a des étudiants qui n'ont pas leur visa juste avant qu'ils commencent... qu'ils sont supposés de commencer leurs études ou même après. Alors, ça, c'est quelque chose pour garder en tête, c'est quelque chose qui pourrait faire en sorte que les étudiants internationaux qui commencent à venir au Québec n'ont pas nécessairement une expérience très positive au début.
Un autre facteur quand même qui est intéressant, c'est le fait que les étudiants, bon, les personnes, les visiteurs, disons, ce qu'on comprend, doivent faire leur demande pour leur... les affaires de sélection mais aussi le permis de leur pays ou un endroit proche de leur pays. Ils n'ont pas le droit de demander leur permis d'études pour devenir étudiants au Québec du Québec ou du Canada. C'est quelque chose qu'on pense que ce n'est pas nécessairement important d'avoir un règlement comme ça, et, si quelqu'un est au Québec, voire Montréal ou Québec ou une autre ville, et décide à ce point-là que ce serait intéressant de venir comme étudiant, de mettre le moins d'obstacles en place, en tout cas, pour favoriser qu'ils décident de venir étudier au Québec.
Alors, pour faire le résumé, enfin, ça touche plusieurs affaires pour faire en sorte que le Québec fait concurrence aux autres pays, aussi pour améliorer la qualité de vie des étudiants internationaux. On parle de leurs finances, on parle d'un gel des frais de scolarité, des frais différenciés qui sont déjà beaucoup plus hauts que les frais pour les Québécois. Aussi, on parle d'augmenter précisément le nombre de bourses d'une façon stratégique, ce qui pourrait faire en sorte qu'il y ait plus d'étudiants internationaux qui viennent mais aussi de différentes régions ou de différents pays. De travailler hors campus, c'est quelque chose qu'on pense est très important et c'est quelque chose qu'il n'y a pas de vraie raison pourquoi on ne verrait pas un accord dans les mois qui suivent et c'est quelque chose sur lequel on insiste particulièrement. Et aussi il y a certainement quelques changements en termes de bureaucratie et règlements qui pourraient faire en sorte que le Québec puisse accueillir un plus grand nombre d'étudiants plus facilement.
n(16 h 20)n Je vais maintenant passer la parole à Pier-André pour discuter de quelques aspects de la rétention, qui est quand même quelque chose qui est important. On est au courant, si on peut dire, qu'on ne peut pas espérer que 100 % des étudiants internationaux vont rester au Québec. Une question de relations avec d'autres pays et de diplomatie. C'est clair qu'on serait les derniers à décider de vouloir voler les cerveaux des pays en développement ou des choses comme ça. Cependant, on voit que, s'il y a plus d'étudiants qui viennent ici, il y a déjà à peu près 20 % qui décident de rester. On pense qu'il y a quelques mesures en termes de fiscalité, en termes d'information, qui pourraient faire en sorte que le Québec est plus accueillant pour ces étudiants-là, et, s'ils décident de rester, ce serait quand même quelque chose de plus positif pour contrer le choc démographique et le défi de la fiscalité pour les années à venir au Québec.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Alors, on a vu en fait quelques éléments pouvant favoriser l'attraction de ces jeunes-là au Québec. Maintenant, comment faire en sorte qu'ils puissent y demeurer? Et évidemment c'est un autre enjeu. On en a vu un exemple éloquent, je pense, avec les gens qui faisaient la consultation précédente.
Nous évidemment proposons deux mesures: ce sont... une légèrement plus musclée, et l'autre qui est davantage en fait incitative. La première en fait est au niveau fiscal ou au niveau de la contribution du gouvernement du Québec. Encore une fois, là, il y a un intérêt stratégique pour le gouvernement, par exemple, qu'il puisse le faire de manière à distribuer au régional. On parle d'une exemption fiscale en fait qui est à déterminer. On ne s'est pas attardés évidemment à la mécanique, mais on peut imaginer que c'est relativement... en fait, c'est réaliste de mettre une telle politique en place. Évidemment, on préconise que cette politique-là soit liée évidemment à deux éléments: d'une part, la notion de travail, c'est-à-dire que ces gens-là puissent déjà être... c'est déjà lié en fait à leur travail dans le milieu; et puis une autre qui pourrait être davantage intéressante, c'est au niveau de la permanence, donc de demeurer au Québec, par exemple, quelque chose lié à l'achat d'une propriété qui permettrait en fait... qui favoriserait l'établissement de ces gens-là au Québec.
Une autre qui est relativement simple, mais qui à tout le moins mérite d'être mise en place constitue une simple campagne d'information auprès des étudiants internationaux qui sont déjà dans nos universités. C'est relativement de faible coût et ça permet... en fait l'information permettrait sensiblement d'augmenter le taux de rétention auprès de ces gens-là.
Donc, ça constituait l'essentiel de notre présentation. Grosso modo, les axes intégrateurs que nous vous présentons en fait sont axés autour du choc démographique, de la problématique fiscale qui s'en viennent. Nous jugeons en fait que les étudiants universitaires provenant de d'autres pays sont des candidats de choix pour l'immigration au Québec.
Nous vous avons présenté en fait différents moyens de favoriser leur attraction au Québec et de les faire rester. Pour reprendre en fait le document de consultation, nous voyons en fait que ces gens-là sont jeunes, polyvalents, qualifiés, peuvent avoir des enfants ? évidemment, peut-être moins au niveau universitaire ? et connaissent déjà le français et donc remplissent la plupart des critères en fait qui étaient mentionnés dans le cahier de consultation. Donc, évidemment, leur contribution fiscale est plus élevée en fait que les travailleurs n'ayant pas de diplôme universitaire. C'est un élément important, nous jugeons, pour l'avenir des finances québécoises et, bref, pour la pérennité de nos services publics.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, merci d'être devant nous. Je vous avoue que je suis très heureuse de voir le type de réflexion à laquelle vous vous êtes livrés. Et ça démontre, je vous dirais ? je vous le dis comme je le pense ? le sérieux de votre engagement au sein de la FEUQ. La raison pour laquelle je dis ça, c'est que vous touchez effectivement, encore là, le coeur un peu de la problématique que nous rencontrons dans ce dossier-là.
Mais, d'une part, vous êtes très conscients que le choc démographique aura des conséquences très sérieuses sur l'avenir de nos institutions, particulièrement universitaires. D'une part, en termes de financement bien sûr, s'il y a moins d'étudiants, on... tu sais, il y a moins de frais de scolarité, ça fait un poids plus lourd. Ce que ça veut dire, c'est que ça peut mettre en péril la qualité de notre enseignement.
Mais vous abordez aussi la question de la recherche et vous nous dites qu'effectivement il y a un pourcentage très élevé de la recherche qui est là grâce à la contribution et la collaboration d'étudiants étrangers.
Moi, je veux aller plus loin par rapport à ça parce que toute cette question des étudiants étrangers, il faut bien comprendre, c'est une question extrêmement délicate pour plusieurs raisons. Bien sûr, que, entre pays, il y a une concurrence très vive et que la voie diplomatique est à son meilleur dans ce dossier-là, parce que, que ce ne soit pas uniquement pour les pays en voie de développement où on irait chercher effectivement des gens de grand calibre, mais, même dans les pays occidentaux, il y a là une dynamique très, très délicate où les pays nous surveillent. En fait, on se surveille mutuellement, parce que mutuellement on veut s'assurer qu'il y a un encadrement à cet échange d'étudiants entre pays, parce que ce n'est pas seulement le Québec qui est confronté à un vieillissement de population et à un déclin démographique, tous les pays occidentaux sont confrontés à ça. Allons en Europe, c'est encore plus féroce et plus vif qu'ici.
Et vous faites un plaidoyer, dans votre mémoire, sur le fait qu'on ne devrait pas charger les frais différenciés aux étudiants étrangers. Moi, je... Il faudrait poser la question au gouvernement précédent: qu'est-ce qui a vraiment motivé le fait qu'ils ont instauré en 1997 ces frais différenciés? Mais il est évident que, dans notre conjoncture à nous, le risque de charger est... À partir du moment ? on doit quand même l'admettre ? où nos frais de scolarité sont très bas, bien, c'est évident que la tendance très forte d'étudiants étrangers de venir ici puis de repartir, parce que les frais sont très bas, est très grande, donc on n'améliore pas notre situation. Même en termes de rétention, on augmente le problème en termes de rétention, à mon humble avis.
Par contre, vous n'avez pas tort dans votre démonstration, non plus, sur la qualité des personnes qui viennent et la nécessité de vouloir les garder. Moi, je vous dirais, pour avoir discuté beaucoup avec les universités, avec le ministère de l'Éducation, là, ça va aussi loin que d'empêcher des ententes de collaboration entre centres de recherche, par exemple, ou entre recherches de calibre international. Si jamais, nous, on mettait des mesures incitatives d'ordre fiscal ou si on réduisait nos frais de scolarité, je vous assure qu'il y a des universités qui auraient difficulté à élaborer et signer des ententes de recherche de calibre et de niveau international et d'interéchange.
C'est une question, à mon avis, complexe, qui doit être abordée à des niveaux qui sont vraiment en dehors, par exemple, d'une problématique d'un ministère de l'Immigration. Je ne dis pas que c'est impossible. Je sens qu'il y a comme un progrès ou des ouvertures par rapport à ça, c'est-à-dire qu'on ne peut pas non plus nous empêcher d'intéresser les étudiants étrangers et de faire valoir les avantages concurrentiels du Québec, de faire valoir la qualité de vie du Québec, de faire valoir l'intérêt de vouloir s'implanter ici, au Québec.
Moi, ma question, c'est: est-ce que votre association, la FEUQ, serait intéressée ? et de quelle façon ? à collaborer avec nous pour identifier des mesures de... Là, vous en avez fait sur le plan fiscal, mais, moi, je dirais plus au niveau terrain, avec les étudiants étrangers, est-ce que vous avez, à votre connaissance, des indications, des indices qui nous permettraient de travailler avec vous et avec eux, parce que vous les fréquentez quotidiennement, pour essayer de sortir un peu de la problématique, là, que je viens de vous exposer? Est-ce qu'il y a des choses plus précises auxquelles vous pourriez penser? Et comment on pourrait amorcer cette question-là avec vous?
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la ministre. La parole est à vous.
Mme Courchesne: Ah! on a un nouveau président.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): D'une part, le premier élément qui nous vient en tête au niveau de... Bon, certainement, nous serions ouverts évidemment à collaborer avec le gouvernement sur cette question-là.
n(16 h 30)n Le premier enjeu en fait qui nous vient à l'esprit... en fait qui nous vient à l'esprit sur les éléments que nous pourrions mettre en place ou comment nous pouvons améliorer justement la problématique relève, nous l'avons mentionné, du travail hors campus. Ces éléments-là, en fait... Les étudiants, par leur intégration, en fait, au marché professionnel, bon, pendant la durée de leurs études évidemment dans une proportion moindre... favorise évidemment l'intégration à la communauté québécoise et donc suscite l'adhérence en fait, leur permet de s'intégrer au Québec.
Donc, vous n'êtes pas sans savoir en fait qu'il y a une élection fédérale à venir, en fait sous peu. Ça fera partie des éléments que nous adresserons évidemment, lors de la campagne, aux différents partis politiques justement pour, en fait, leur propre intérêt. Ça a des répercussions, en fait, sur leurs conditions de vie, et je vous dirai que c'est une partie de la population étudiante qui a une très... qui a très peu de propension, en fait, à utiliser les mécanismes usuels pour défendre leurs intérêts ou leurs droits, notamment en fait parce qu'ils ont peur, bon, de divers facteurs, notamment de se faire expulser ou de... Bon, il y a des fois des méconnaissances du système en tant que tel, là, mais on entend...
Bon, vous dites qu'on est sur le terrain. Effectivement, on entend quelquefois des histoires d'horreur d'étudiants qui ont recours à la prostitution pour financer leurs études ou financer leur vie au Québec, alors qu'ils ne peuvent pas justement aller chercher des revenus supplémentaires et que, d'un autre côté, ce que le gouvernement leur dit, c'est que, l'année qui s'en vient, leurs frais de scolarité vont augmenter de, bon, d'un montant x, là, mais sera fixé... sera augmenté à la hausse, alors qu'ils ne peuvent pas augmenter leurs revenus de manière proportionnelle. Donc, évidemment, ce sont des cas de figure, là, il ne faut pas en faire des cas généraux, mais ça illustre la problématique, en fait, qui peut... qui est présente sur les campus.
Le Président (M. Mercier): Merci. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Il me semble que j'étais dans une salle, réunie dimanche et vendredi soir, où j'ai entendu très fortement et fermement le premier ministre dire qu'il y avait un gel des frais de scolarité au Québec. On n'arrête pas de le dire. Le collègue de l'Éducation n'arrête pas de le dire. Le premier ministre l'a répété très fort vendredi soir. Je vous fais juste ce rappel-là. Je vous invite à lire son discours. Il est public.
Cela dit, je veux revenir sur le travail hors campus pour vous dire que justement à cette conférence fédérale-provinciale qui s'est tenue à Victoria récemment, il y a deux, trois semaines, j'ai abordé ce dossier-là. Parce que j'ai fait le tour de certains campus universitaires, et il y a beaucoup d'étudiants étrangers qui m'ont parlé de cette question-là. Je vous invite, si vous rencontrez effectivement des députés ou ministres fédéraux... vous dire que ça fait bien longtemps, là, que le Canada est sur l'expérience pilote. Il veut même signer des expériences pilotes avec le Québec. Je ne sais pas c'est quoi qui est si compliqué et pourquoi ça prend autant d'expériences pilotes au Manitoba, au Nouveau-Brunswick puis au Québec avant de décider que les étudiants étrangers peuvent travailler en dehors du campus. Moi, honnêtement, là, je vous le dis sincèrement, je leur ai dit, je vais le répéter, je suis très inconfortable avec cette question-là. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas offrir, comme pays, des expériences professionnelles et de vie à des jeunes qui étudient pour se façonner une carrière puis qui ne demandent pas mieux qu'à profiter de cette expérience, ne serait-ce comme jeunes êtres humains.
En tout cas, je n'élaborerai pas là-dessus, là, mais je peux vous assurer que ça, vous avez mon appui indéfectible dans ce dossier-là, parce que j'essaie de comprendre la logique, pourquoi on ne peut pas travailler en dehors des campus, je ne comprends pas. C'est toujours, encore, dans une question protectionniste. C'est sûr qu'on a des jeunes étudiants qui cherchent de l'emploi l'été, je comprends ça. Je comprends ça. Je comprends aussi qu'il y a des régions qui ont plus de chômage que d'autres. Je comprends qu'il y a aussi des difficultés pour trouver de l'emploi chez nos jeunes. Mais je vous dis encore une fois, je pense qu'on aurait intérêt à essayer, encore là, de mettre nos efforts en commun pour trouver des solutions à cette problématique-là.
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. Messieurs, moi, j'aurais une question à vous poser: est-ce que la FEUQ met en place des mécanismes d'intégration pour les étudiants sur le campus ou si... Et, là je vais être bien précise, c'est que, dans trois universités différentes, les personnes, les étudiants immigrants sont comme isolés, sont à part, ils se tiennent ensemble, et il n'y a pas vraiment même d'intégration en milieu universitaire. Est-ce que la FEUQ a un mécanisme d'intégration pour les étudiants sur le campus? Et est-ce qu'il se fait des efforts pour les intégrer, de votre part, les étudiants immigrants?
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la députée. La parole est à vous.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Oui. Je me permettrais d'abord une précision, peut-être avant de répondre à la question, qui s'adresse à la ministre. Au niveau des frais de scolarité, les frais de scolarité sont gelés, nous l'avons entendu maintes et maintes fois, pour les étudiants résidents du Québec. Les étudiants internationaux et les étudiants canadiens résidant hors Québec, en fait, sont les victimes d'une hausse. Encore cette année, nous avons pu le voir au Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études.
Ceci dit, la FEUQ est un organisme, en fait, qui représente les étudiants auprès du gouvernement et qui ne siège pas, en fait, par exemple, à titre d'association étudiante sur les campus. Ceci dit, nos membres, c'est-à-dire les associations étudiantes, ont des activités aussi variées que nombreuses, évidemment qui touchent les étudiants réguliers, mais aussi des plus spécifiques qui touchent les étudiants internationaux. Je peux vous donner un exemple. Je viens de l'Université Laval. Donc, à l'Université Laval, on peut voir à chaque début de session, en collaboration, en fait, avec le Service d'activités aux étudiants de l'université, l'association étudiante de premier cycle et de cycle supérieur, organiser un 5 à 7 d'intégration, en fait, destiné aux étudiants internationaux. Des mesures de ce type, on peut en retrouver aussi ailleurs évidemment, dans d'autres universités, et la FEUQ en tant que telle, au-delà en fait de défendre leurs intérêts, aussi en fait a en son sein trois officiers qui sont des étudiants étrangers, dont deux à la maîtrise, et donc en ce sens fait quelque peu sa part pour les étudiants internationaux.
M. Vikander (Nick): Peut-être juste pour rajouter... Je pense que c'est assez complet. À l'université où, moi, j'étudiais auparavant, à l'Université McGill, il y a quand même une assez bonne... une très bonne présence d'étudiants internationaux qui sont là. Et, moi, je dirais aussi, malgré les problèmes qui existent partout, il y a quand même des efforts par l'association locale, l'association étudiante, mais aussi par les groupes d'étudiants internationaux qui sont là.
Et, dans ce contexte-là, ce n'est pas ségrégué ou seulement les étudiants d'autres pays peuvent être là, mais c'est clairement ouvert à tout le monde, étudiants québécois, canadiens, États-Unis et d'autres pays, pour essayer de faire en sorte que le monde se parle et se comprend, d'avoir une expérience positive. Mais, comme mon collègue a mentionné, le travail de la FEUQ ? et il y a plus de travail qui se fait cette année et l'année passée par rapport à ces dossiers-là ? c'est largement de voir la situation pour ces étudiants-là, voir quels enjeux politiques peuvent exister pour améliorer leur qualité de vie, et leur expérience d'études, et faire les représentations aux différentes instances pour essayer d'avoir du progrès dans ce sens-là.
Le Président (M. Mercier): Merci. Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci. Dans votre mémoire, vous parlez, entre autres, des baisses importantes qui sont prévues sur les bancs d'université d'ici 2015 et 2016, et plus particulièrement dans les universités en région. Comment vous... Qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire, que le gouvernement du Québec pourrait faire pour justement garder les étudiants dans... Parce que ce sont des petites universités, vous le dites dans le mémoire, et on voit l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, c'est moins 10 %, moins 10,7 %, et, à Rimouski, moins 11 %. C'est à la page 5 de votre mémoire. Donc, les étudiants, en région, sont en baisse dans les universités. C'est ce que vous dites dans le mémoire.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Qu'est-ce que le gouvernement du Québec pourrait faire pour que les étudiants universitaires restent en région ou aillent étudier en région? Sur l'incitatif, par exemple.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Bien, certainement, au niveau des...
Le Président (M. Mercier): Allez-y, la parole est à vous.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Désolé. Vous me rappellerez si ça se produit encore.
Le Président (M. Mercier): N'ayez crainte.
n(16 h 40)nM. Bouchard St-Amant (Pier-André): Certainement, une des premières mesures en fait qui peut être mise en place par le gouvernement sur cette question-là justement et dans ses politiques au niveau d'accueil d'étudiants internationaux... peut en fait orienter ou, je dirais, choisir à quels endroits ou à quel milieu, en fait, les étudiants doivent... peuvent participer, quelle université ils peuvent fréquenter. C'est déjà un premier élément qui peut être mis en place par le gouvernement du Québec.
Effectivement, la problématique régionale est alarmante. On peut, en fait... Je ne sais pas si vous avez lu l'étude de Madeleine Gauthier, en fait, sur la migration interrégionale au Québec, mais le choc démographique est 10 fois plus élevé, je pense, en fait, est en accéléré, est 10 fois plus rapide dans les régions du Québec par opposition aux grands centres. Donc, effectivement, une mesure coercitive au niveau de l'immigration serait une mesure, en fait, qui favoriserait l'intégration des jeunes en région.
M. Vikander (Nick): Peut-être juste une chose intéressante à noter...
Le Président (M. Mercier): Allez-y.
M. Vikander (Nick): ...c'est que, pour tous les étudiants internationaux, québécois, canadiens hors Québec, la majorité des étudiants qui étudient en région restent là, et les étudiants qui s'en vont à Montréal ou à Québec, c'est beaucoup... En tout cas, c'est un plus petit pourcentage qui retourne dans la région. Pour la FEUQ, en général, l'importance des universités en région est claire pour nous autres.
Dans ce sens-là, Pier-André a mentionné quelques aspects. Un autre aspect qu'on a mentionné dans notre présentation, c'est en effet les questions de bourses pour les étudiants internationaux. Les bourses sont quelque chose qui sont souples. Elles peuvent être offertes à des étudiants à une université ou d'un pays... peut-être pas d'une autre. Alors, c'est quelque chose qui pourrait inspirer les étudiants d'aller en région. Et, en parlant avec des étudiants à l'Université du Québec à Rimouski, par exemple, ce n'est pas vrai que les étudiants internationaux qui sont là, tout le monde a déjà des bourses, ce n'est pas vrai du tout. Il y a encore un pourcentage important, selon eux, qui paient les frais normaux étudiants québécois. Alors, la question de bourse, quand même, ce serait quelque chose intéressant à noter.
Le Président (M. Mercier): ...allez-y, vous pouvez continuer votre intervention.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Peut-être pour terminer, en fait, la députée faisait mention de l'importance, en fait, et la ministre aussi faisait importance... démontrait l'importance en fait de la présence des étudiants dans le réseau universitaire pour garantir son financement. Il est très clair que la politique actuelle... Nous avons la chance d'en débattre, là, mais il est très clair que la politique actuelle sur le financement de nos universités repose, pour l'essentiel, sur le nombre d'étudiants qu'elles sont en mesure d'accueillir. Donc, si nous pouvons en fait garantir une augmentation, en fait, ou une stabilisation des populations étudiantes dans les universités de région, certainement nous verrons un meilleur système universitaire public dans nos régions.
Et puis il serait fallacieux en fait de croire que le financement évidemment par étudiant est 100 % adapté au système universitaire. Il y a de nombreux coûts fixes qui entrent en ligne de compte, et justement le déclin de la population étudiante universitaire dans nos régions est une problématique qui affecte également à très court terme, là, les finances publiques en fait de nos universités.
Le Président (M. Mercier): Très rapidement, Mme la députée de Prévost, il nous reste une minute.
Mme Papineau: Oui, juste pour ma gouverne. On sait que les frais pour les étudiants réguliers sont gelés ici, au Québec, et on sait aussi que les frais pour les étudiants étrangers augmentent, bon, d'une façon... d'année en année, bon. Comment on se compare... Par rapport aux immigrants... par rapport aux étudiants immigrants, comment se compare le Québec par rapport aux autres provinces? Est-ce que c'est encore plus bas que les autres provinces, les frais qu'on charge aux...
Le Président (M. Mercier): Oui, allez-y.
M. Vikander (Nick): On n'a pas les statistiques devant nous, ça se peut que les frais sont... Il y a une différence entre les provinces, mais ce n'est pas une différence d'ordre de grandeur. Ça se peut très bien que le Québec est un peu plus bas que la moyenne. Ce serait quelque chose à vérifier.
Puis quelque chose à noter, c'est que, par exemple, en Europe de l'Ouest, dans l'Union européenne, maintenant, le concept de frais différenciés n'existe plus. Un étudiant en France peut aller en Allemagne et payer les mêmes frais qu'un étudiant local là-bas, qui est quelque chose d'assez intéressant.
Mme Papineau: O.K. Merci.
Le Président (M. Mercier): Je vous remercie. Maintenant, je cède la parole au côté ministériel, à la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Avant vous, on a reçu des intervenants qui oeuvrent dans le domaine de l'accueil et de l'intégration en région puis qui nous faisaient part, bon, du fait ? puis, intuitivement, on peut même l'imaginer aussi ? qu'il y a certains préjugés qui existent dans la communauté d'accueil relativement à l'emploi, tu sais, puis que là il y a un besoin d'informer les gens pour leur dire: Bien, voici... expliquer, en fait, là, les bénéfices d'une immigration réussie pour que la menace ou la peur qui peut s'installer dans un milieu soit minimisée au maximum. Et ça m'amène à votre recommandation. Vous dites: Bien, on devrait... vous recommandez que le gouvernement augmente les bourses aux étudiants internationaux. Est-ce que ce préjugé-là existe ou... existe-t-il en fait au sein de la communauté étudiante à l'effet de dire: Bien, il y aurait davantage de bourses qui seraient données aux étudiants étrangers, puis, à ce moment-là, bien peut-être que ça fait moins de bourses pour nous? Est-ce que cette compétition-là peut exister, ou la sentez-vous, ou avez-vous une opinion?
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): En fait, le préjugé que les étudiants québécois ont à l'égard des étudiants internationaux est plutôt un préjugé contraire à la question, est: Pourquoi les étudiants internationaux paient-ils plus que nous? Et particulièrement en fait lorsque nous... particulièrement lorsque l'on fait la démonstration en fait que le fardeau économique n'en est pas un, en fait, mais que c'est bien un investissement pour le Québec que d'avoir la présence de ces gens-là à court comme à long terme. Donc, évidemment, non, je ne pense pas, en fait particulièrement lorsque nous sommes en mesure de constater en fait qu'il y aura bientôt en fait un manque à gagner important sur les bancs d'école... les bancs de nos universités.
Le Président (M. Cusano): Merci. Oui, Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Bonjour, messieurs. Bienvenue. Une petite question rapide pour vous cet après-midi: Seriez-vous capables de nous brosser en quelques phrases le profil économique des étudiants internationaux? Peut-être à tort ou est-ce une lubie de l'esprit croyons-nous ou se faisons-nous dire que les gens qui viennent étudier chez nous, ce sont quand même des gens en provenance de l'extérieur qui ont les moyens, qui sont indépendants de fortune, provenant de familles plutôt élevées. Est-ce que c'est le cas? Est-ce que vous êtes capables de nous brosser le profil moyen d'un étudiant, une étudiante qui nous provient de l'étranger?
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Les éléments en fait que nous avons sous la main sur la question des étudiants internationaux viennent essentiellement de deux recherches qui ont été effectuées, l'une qui a été faite en fait par Handa, Crowley et Alfano de l'Université du Québec... l'Université McGill, pardon, sur l'impact économique en fait des étudiants universitaires à McGill. Au niveau de leur profil économique, c'est-à-dire le statut, il serait extrêmement fallacieux de faire... de sortir des statistiques descriptives générales étant donné que la composition même en fait de ce corpus... de cette partie du corpus universitaire est très éclatée, là, notamment à cause de leur provenance et de leur...
Mme Vien: Vous nous demandez ? si vous me permettez ? vous nous demandez d'augmenter les bourses, d'être plus sensibles aux frais de scolarité par rapport à cette clientèle-là et... C'est-à-dire que quelle est la raison qui pousserait à faire ça? C'est-à-dire que est-ce que ces gens-là en ont besoin? Est-ce que ces gens-là sont dans le besoin? Est-ce qu'ils vivent des particularités difficiles?
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Bien, c'est là que... Enfin, j'y arrivais.
Mme Vien: Ah, d'accord.
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): En fait, comme je vous le mentionnais plus tôt, il existe des cas justement d'étudiants internationaux qui n'ont pas les capacités financières nécessaires en fait pour assumer l'évolution des dépenses, notamment en termes de frais différenciés qui se produisent au Québec. Le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration en fait impose un barème minimal pour la... en termes de revenus financiers, là, en termes de capacité financière à résider au Québec pour ces étudiants-là. Ceci dit, ce barème en fait est relativement bas, là, n'est pas adéquat. Donc, oui, effectivement, il existe des cas d'étudiants qui ont des problèmes financiers importants en fait provenant d'ailleurs.
Mme Vien: Est-ce que la FEUQ l'a documenté?
n(16 h 50)nM. Vikander (Nick): Juste pour ajouter, il y avait une étude faite par la FEUQ ? je crois que c'était en 2002 ? sur la situation globalement des étudiants internationaux, pas seulement en termes d'économie. Il y avait un sondage qui a été cité là-dedans. Je ne me souviens pas si c'était de l'AUCC ou d'un autre groupe, mais un sondage qui a demandé aux étudiants internationaux de dire de quel niveau... en tout cas, la famille était de quel niveau de revenus. Les réponses, c'était... en grande partie, c'était la famille qui en tout cas faisait face au fardeau des frais de scolarité, qui sont quand même assez hauts. Même pour un étudiant québécois, 9 000 $ par année, c'est assez... ce serait assez haut. Je pense, tout le monde serait d'accord. Mais la réponse en général, c'était... la plupart des étudiants, la grande majorité ne disaient pas... disaient que leur famille n'était pas les plus riches du pays, non plus n'était pas les plus pauvres des pays. On peut alors voir dans une situation peut-être dans la classe moyenne. Mais on doit aussi ne pas oublier que, dans plusieurs pays, de dire qu'ils ne sont pas les plus pauvres, ça ne veut pas nécessairement dire que leur famille ou eux autres ont vraiment les moyens que quelqu'un de classe moyenne au Québec ou dans le reste du Canada.
Le Président (M. Cusano): Oui, Mme la députée de Chambly.
Mme Legault: Oui, une autre question. Les étudiants internationaux ou hors Québec qui viennent chez nous puis qui décident de s'installer au Québec, d'après vous, ils font ce choix-là pour quels motifs? Quelle est votre lecture? Est-ce que c'est par l'emploi? Est-ce que c'est... Qu'est-ce qui les... Quels sont les motifs de leur décision de rester?
M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Certainement, les... En fait, l'intégration socioprofessionnelle constitue un élément important dans le choix d'une... en fait, dans la vie d'une personne. Les facteurs sont nombreux. Le premier évidemment qui me vient à l'esprit peut être les avantages en fait reliés au système gouvernemental au Québec, c'est-à-dire, bon, l'universalité de nos services, notamment, particulièrement en santé, un système d'éducation relativement accessible. Bref, les politiques sociales qui sont implantées au Québec de cette mesure... de cette manière en fait constituent des avantages indéniables pour les candidats en fait à l'immigration.
Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a d'autres questions à ma gauche? Oui, M. le député de Masson.
M. Thériault: Oui, je voulais juste savoir ? et, bon, peut-être que la FEUQ n'est pas informée ou, si elle l'est, qu'est-ce qu'elle en pense ? savoir ce que vous pensez de la revendication de la table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées, là, qui ont fait des représentations auprès des autorités fédérales. La loi fédérale a été modifiée pour permettre l'aide financière aux étudiants réfugiés en attendant d'obtenir leur statut de résidents permanents. Or, est-ce que la FEUQ est d'accord avec cette revendication-là? Et est-ce qu'elle est au courant que présentement il y a une impasse avec le gouvernement du Québec là-dessus?
M. Vikander (Nick): En fait, cet enjeu-là a été soulevé par les groupes étudiants, au niveau fédéral, l'année passée, et aussi autour de la table de la FEUQ. Et, si je me souviens bien, en fait, il y avait une proposition qui a été adoptée en faveur des droits des réfugiés d'avoir accès à l'aide financière au Québec.
M. Thériault: Déjà là, il y a déjà un pas qui a été fait dans l'ensemble des autres territoires du Québec... du Canada, c'est-à-dire. Alors, j'imagine que ce sera un élément qui pourrait être concrètement, là, revendiqué pour améliorer le sort des étudiants.
Le Président (M. Cusano): Merci. Il n'y a pas d'autres questions? Alors, je tiens à remercier nos invités. Et, à ce moment-ci, je demanderais... je vais suspendre pour environ cinq minutes afin de permettre à nos prochains invités de prendre place. Alors, je vous remercie de votre collaboration et de votre présentation.
(Suspension de la séance à 16 h 54)
(Reprise à 17 h 3)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. À ce moment-ci, nous entendrons la Centrale des syndicats du Québec, et j'aimerais demander à nos invités de bien vouloir s'identifier.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
M. Séguin (Pierre): Bonjour. Pierre Séguin, vice-président de la Centrale des syndicats du Québec. Et je suis accompagné par ma collègue Nicole de Sève, conseillère à la Centrale.
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Séguin (Pierre): Vous m'excuserez, M. le Président, je croyais que c'était madame qui devait se présenter elle-même. Donc, je m'excuse.
Le Président (M. Cusano): Bon. Vous avez une période de 20 minutes pour faire votre exposé. Elle sera suivie d'un échange entre les membres de la commission et vous-même pour une durée maximale de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.
M. Séguin (Pierre): Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Et, à toutes les personnes ici présentes cet après-midi, bon après-midi. Mme la ministre, bonjour.
Nous voulons, dans un premier temps bien sûr, vous informer, et, comme vous le savez déjà, la Centrale des syndicats du Québec est un organisme qui représente 170 000 membres. Une forte proportion de ces personnes sont en éducation. Donc, on parle, là, d'un nombre de 100 000 ou tout près, et l'ensemble des autres collègues gravitent dans des secteurs comme les services sociaux, santé, la garde éducative, loisirs, communications et culture.
La Centrale des syndicats du Québec a toujours porté un intérêt très particulier à la question de l'immigration, et, de ce fait, l'a démontré dans la mesure où elle a procédé au dépôt de plusieurs mémoires, et ce, depuis un certain nombre d'années.
Nous aimerions, cet après-midi, réitérer que, pour la Centrale des syndicats du Québec, la politique d'immigration doit s'inscrire dans un projet collectif engageant et englobant. Nous sommes persuadés que la société québécoise est en mesure d'offrir ce genre de situation... cette possibilité-là à l'ensemble des personnes qui souhaitent immigrer au Québec, et ce, dans une perspective de développer une société originale pluriethnique et de langue française, démocratique, laïque et ouverte sur le monde.
Dans cette perspective-là, nous sommes très convaincus que le français ? compte tenu que le Québec, comme vous le savez très bien, parle français ? que le français doit primer dans la perspective de permettre à des personnes d'immigrer au Québec. Le français, pour nous... Pour qu'une personne émigre au Québec, elle doit minimalement ? et c'est fondamental pour la Centrale des syndicats du Québec ? être informée que, sur la terre québécoise et au sein de la société québécoise, le français prime dans toutes ses sphères d'activité. Donc, une fois que la personne est informée adéquatement du caractère français de la société québécoise, il est plus facile d'entrevoir qu'il y aura une possibilité pour cette personne-là de bien s'intégrer au sein de la société québécoise.
Qui plus est, nous pensons qu'il est impératif que tous les moyens soient offerts aux personnes immigrantes pour être capables... pour être en mesure de parfaire leurs connaissances de la langue française, et nous souhaitons que, dans ce contexte, il y ait un effort certain fait dès la sélection des immigrants pour s'assurer que ces personnes-là connaissent bien les rudiments de la langue française et soient en mesure de s'intégrer adéquatement à la société québécoise. Bien sûr, le fait de connaître la langue française n'est pas nécessairement le seul élément qui permette, entre autres, d'assurer l'intégration de la personne au sein de la société québécoise, mais il est un élément fort important. Il est surtout fort...
Nous souhaiterions vous exprimer qu'il est important pour la Centrale des syndicats du Québec qu'une fois la personne informée du caractère français de la société québécoise et que tout... que la société d'accueil mette en place tous les moyens nécessaires pour que la personne, une fois entrée au Québec, puisse acquérir les rudiments de la langue française dans le meilleur contexte. Tout cela doit se faire, se réaliser dans un espace temps qui lui permette d'atteindre un niveau linguistique, un niveau de français plus qu'acceptable et plus que fonctionnel.
Nous pensons que la personne qui émigre au Québec le fait pour des choix tout à fait pertinents et que, en l'occurrence, tout doit être mis de l'avant pour que la personne puisse être assurée que, à l'intérieur de la société québécoise, elle pourra obtenir et acquérir les éléments nécessaires à son bon fonctionnement et à sa prise en charge autonome bien sûr au sein de la société pour qu'elle puisse vraiment s'intégrer à l'ensemble de toutes les facettes de la société québécoise.
Nous souhaitons également que, dans ce contexte-là... Et comme vous le savez pertinemment bien, les personnes qui arrivent au Québec n'ont peut-être pas nécessairement toujours les rudiments essentiels et nécessaires à l'acquisition rapide de tous les éléments de la langue française. Et, par voie de conséquence, nous pensons que, comme nous le disions tantôt, il est important de tout mettre en oeuvre pour que ces personnes-là puissent acquérir les rudiments essentiels, mais, en même temps, que l'emphase soit mise sur la francisation également des parents, parce que nous sommes persuadés que, strictement permettre aux immigrants eux-mêmes d'acquérir les rudiments de la langue, c'est un bon pas dans la bonne direction, mais que tout doit être tenté pour que l'ensemble des personnes qui composent la cellule familiale, d'une part, de la personne immigrante puissent bénéficier des mêmes services de la société d'accueil.
Nous pensons aussi par rapport à la francisation que, dans le contexte du travail, il est souhaitable, voire même impératif que tous les efforts soient faits pour s'assurer que la francisation en milieu de travail puisse être accentuée. Nous constatons qu'effectivement il y a des améliorations qui ont été réalisées au fil des ans, mais que beaucoup reste encore à faire.
n(17 h 10)n Qui plus est, tout dernièrement, nous avons été témoins que des modifications ont été apportées à la loi n° 90, entre autres, qui faisaient en sorte que les entreprises pouvaient prendre 1 % de leur masse salariale pour assurer une formation aux personnes, au personnel, pour être en mesure de répondre à leurs besoins et également permettre d'accentuer et de maximiser la formation en lien avec l'intégration des immigrants dans leurs milieux de travail réciproques, et aussi de franciser certains termes qui peuvent être utilisés dans le contexte du travail.
Nous pensons que le fait d'avoir augmenté la masse salariale ? donc, auparavant, c'était 250 000 $ et plus, donc il y avait des entreprises qui pouvaient utiliser ce pourcentage-là, le 1 %, entre autres, pour s'assurer de la formation de leurs employés ? mais le fait d'avoir haussé ça à 1 million de dollars, nous craignons que la francisation en entreprise soit de plus en plus difficile et que de moins en moins de personnes, entre autres immigrantes, puissent bénéficier de cette ressource-là. Donc, nous souhaiterions que, dans le prochain budget, il soit pris en compte qu'il est nécessaire d'ajouter des montants additionnels pour s'assurer que la francisation en entreprise se poursuive.
La francisation en entreprise également est d'autant plus nécessaire que, pour les personnes immigrantes, s'intégrer dans un milieu de travail en n'ayant que des rudiments très fragmentaires limite dans une certaine mesure leur intégration à la société en général, donc, d'où l'importance pour nous d'assurer et de maximiser la francisation en entreprise, et, au besoin, procéder à certaines modifications législatives pour que cela puisse se réaliser.
Dans le contexte du mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, il est également question de la régionalisation de l'immigration. Pour nous, il s'agit là d'un volet important, et nous croyons qu'il est méritoire de souligner l'effort qui est présenté dans le projet de planification de procéder à une certaine régionalisation de l'immigration. Mais nous avons quand même certaines réserves à cet égard-là, car, dans l'ensemble des expériences que les personnes immigrantes connaissent à leur arrivée dans une société d'accueil, normalement, elles optent pour les grands centres. Donc, c'est assez rare ? et ce, nonobstant leurs situations personnelle et professionnelle ? qu'elles optent nécessairement pour le déplacement en région. Nous pensons que, si nous voulons procéder à la régionalisation de l'immigration, il faille nécessairement revoir le développement économique des régions, sans quoi nous pensons que le déplacement des immigrants en région risque d'être beaucoup compliqué par le fait que les personnes, au niveau de leurs compétences personnelles et professionnelles, ont tendance à se déplacer là où il y a des emplois, là où il y a possibilité d'obtenir un travail régulier sur une base... à temps complet plutôt que d'avoir à multiplier divers travaux qui peuvent être précaires pour assurer leurs revenus et bien sûr leur intégration à la société d'accueil.
Dans cette perspective-là, nous pensons que, la régionalisation... on doit minimalement faire en sorte que l'ensemble des services offerts aux personnes immigrantes puisse également être mis en place, parce que dans une société d'accueil, lorsqu'on souhaite que les immigrants se déplacent en région, c'est une chose que les personnes puissent être en mesure de trouver un travail, mais, en même temps, il faut minimalement que la société qui va les accueillir, donc la région comme telle, puisse avoir en son sein une politique d'accueil des immigrants pour que, le cas échéant, ces personnes puissent, au-delà du fait qu'elles ont un travail régulier, avoir recours à des services qui leur permettent, sur le plan culturel, sur le plan social et sur le plan personnel, toutes les capacités et toutes les possibilités pour assurer une plus grande intégration au sein de cette société-là. Donc, en termes plus clairs, se donner tous les moyens nécessaires pour être capables de faire en sorte que l'immigrante ou l'immigrant reste, soit en région ou dans sa société d'accueil, pour nous, ça nous apparaît tout à fait essentiel.
En même temps, lorsque, dans le projet, on fait allusion, entre autres, à la possibilité que, au niveau de l'accueil comme tel, nous puissions demander à la communauté d'origine de la personne immigrante d'être tenue ou de prendre en responsabilité l'arrivée de ladite personne immigrante... est en soi un élément fort intéressant, mais, en même temps, nous préoccupe beaucoup, parce que nous craignons dans ce sens-là que le fait de déplacer la responsabilité ou de demander au groupe à qui appartient... de qui est issu l'immigrant comme tel de prendre en responsabilité l'arrivée et le soutien local de la personne fasse en sorte que le gouvernement, dans une certaine mesure, se déresponsabilise de la nécessité qu'il a de prendre en charge la personne immigrante lorsqu'elle intègre la société d'accueil. Nous pensons que le gouvernement a la responsabilité, en tant que société d'accueil, d'assumer en grande partie l'intégration des personnes immigrantes.
Une petite seconde. Oui. Dans ce contexte-là ? nous arrivons bientôt à la conclusion ? nous sommes d'accord en termes de scénarios proposés. Excusez-moi...
Ah oui! Dans la perspective aussi par rapport au point ? il reste deux secondes, deux minutes, oui... Dans la perspective où les personnes immigrantes ont reçu une formation à l'extérieur du pays, nous aimerions également que les efforts soient consentis pour faire en sorte qu'on puisse reconnaître de façon plus systématique la formation que les personnes ont pu recevoir dans leur pays d'origine pour que, une fois intégrées au pays d'accueil, elles puissent très rapidement accéder au marché du travail, et, ceci faisant, intégrer effectivement de façon très significative la société d'accueil.
Nous optons, en termes de scénarios, pour le troisième scénario. Donc, nous serions tout à fait favorables à ce que la capacité d'accueil du Québec soit haussée pour que nous puissions opter dans l'accueil à l'arrivée d'un plus grand nombre de personnes. En même temps, je m'en voudrais de laisser sous silence ? très rapidement ? que nous souhaitons également qu'il y ait un effort louable porté aux réfugiés qui sont dans des situations de détresse, parce que, bien sûr, il y a, à la surface de la planète, au moment où on se parle, beaucoup de personnes qui sont en attente d'un pays d'accueil. Et, dans ce contexte-là, nous aimerions que le gouvernement du Québec se donne les moyens pour être capable de permettre à ces personnes-là de pouvoir intégrer une société à l'intérieur de laquelle ils pourront espérer vivre une vie plus épanouissante que celle qu'ils connaissent au moment où on se parle.
On vous remercie beaucoup, et à vous la parole, je crois.
Le Président (M. Cusano): Est-ce que... Madame, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Alors, je cède la parole à la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, madame, monsieur, merci beaucoup, malgré l'heure tardive, d'avoir été patients et d'être devant nous aujourd'hui.
Je suis très contente que les syndicats participent à cette commission parlementaire. Je vous dirai que c'est une préoccupation pour moi de faire en sorte que tous les intervenants de notre société puissent se prononcer sur ce débat et cet enjeu de société majeurs. Et, à partir du moment où vous êtes très présents sur le terrain des entreprises, je vous dirai que je crois qu'il y a certainement une collaboration à établir ? un dialogue, en tout cas, mettons ça comme ça ? sur ce que vous rencontrez mais qui rejoignent très certainement certaines de nos préoccupations.
Mais, avant d'aller plus précisément sur le dossier de l'emploi comme tel, je voudrais revenir à votre mémoire, à la page 9, où vous écrivez et vous parlez des orientations que j'aurais annoncées et qui viseraient à confier l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants ? et vous l'avez mentionné dans votre propos ? à leur propre communautés culturelles.
n(17 h 20)n Moi, je voudrais vous demander de me dire quand, où et dans quel journal et quand, si c'est dans un endroit public, j'aurais dit de tels propos. On a voulu faire beaucoup de millage, que ce soit de l'autre côté de la Chambre ou que ce soit dans les médias, pour me faire tenir de tels propos. Mais, moi, je peux vous assurer, en toute conscience, que je n'ai jamais tenu de tels propos.
Le gouvernement ? et le ministère, lequel je dirige ? a toujours parlé de partenariat avec des organismes communautaires qui existent déjà, qui sont déjà sur le terrain et des organismes communautaires multiethniques qui ont développé une expérience dans l'accueil et l'intégration et pour lesquels le gouvernement précédent a signé de nombreux accords de partenariats. Et je peux vous assurer que nous poursuivrons dans ce même esprit, c'est-à-dire de travailler avec les gens pour lesquels il y avait déjà les partenariats d'établis par le passé, bien avant que le gouvernement Charest arrive en poste. Donc, il n'y a pas de changement de cap à cet égard-là ou il n'y a pas de changement d'orientation à cet égard-là. On se situe donc dans une continuité avec ceux et celles qui avaient ces partenariats avec le ministère que je dirige.
Je vous le dis, parce que, par ailleurs, pour moi, ce qui est très important, c'est que l'intégration doit être une responsabilité partagée, c'est-à-dire que, effectivement, cette tournée sur le terrain nous indique que, nous, les gouvernements, les municipalités, les employeurs, les syndicats, les organismes, tous devons à mon avis essayer de trouver une direction commune où nous pourrons définir les outils nécessaires pour avoir ce succès d'intégration.
Et j'ai constaté qu'un des gros problèmes puis ce n'est pas... c'est très facile à constater, hein, pas besoin d'aller loin puis pas besoin de travailler longtemps pour réaliser que le problème majeur, c'est l'intégration en emploi.
Cela dit, j'ai bien entendu aussi ce que vous dites sur la francisation. Mais, là aussi, on a eu l'occasion de dire à plusieurs, plusieurs reprises, que la maîtrise de la langue française est un incontournable, que c'est non négociable et que c'est la base de pouvoir jouer un rôle actif dans notre société. Nous sommes une société francophone, on va le demeurer, et on va s'assurer que nos nouveaux arrivants ont accès à cette francisation et, j'ajouterais, en emploi aussi. Je pense que la francisation doit s'adapter aux réalités d'aujourd'hui.
Mais, si je reviens à ce problème de chômage chez les nouveaux arrivants, ce problème en emploi, ma question pour vous, c'est: comment voyez-vous justement cette... Quelles sont les conditions qui favoriseraient un succès d'intégration en emploi? Quelles sont les réticences des employeurs? Quel pourrait être le rôle des syndicats, dans une entreprise donnée, cela dit? Parce que, moi, je crois beaucoup au fait que les régions ne vont pas se... l'immigration ne va se régionaliser dans toutes les régions en même temps de la même façon. C'est impossible.
Maintenant, est-ce que c'est réaliste de penser qu'on peut travailler là où il y a des pénuries de main-d'oeuvre, travailler plus activement, et là s'assurer qu'on a les bonnes personnes pour occuper les bons postes? Et comment voyez-vous le rôle de votre syndicat dans cette dynamique-là?
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre.
Mme de Sève (Nicole): Je vais simplement souligner, Mme la ministre, que c'est vrai que vous avez parlé de partenariat. Mais, si on se fiait au programme de votre parti de faire des partenariats et d'établir les contrats de service ? ce que vous parlez ? et, ensuite, d'évaluer, dans le cadre de la vision de partenariat, la pertinence d'intégrer, de fusionner et d'associer, d'abolir les différents services d'accueil et d'intégration, ça nous plaçait de plain-pied dans tout ce qui est actuellement sur la table avec la réingénierie et le recours au communautaire, donc au privé de plus en plus pour effectuer ce qui, à notre avis... Et je pense que nous le disons très clairement dans le mémoire: il ne s'agit pas pour nous de dire qu'il n'y a pas une responsabilité, les communautés, c'est même un lieu essentiel de passage et de soutien dans le processus d'intégration, mais l'État aurait la responsabilité première, et c'est à l'ensemble de la société d'accueil d'intégrer et non pas simplement aux organismes communautaires. Ça, c'est pour votre première chose.
Par rapport au chômage et aux conditions d'intégration, depuis 1986, la Centrale des syndicats du Québec ? CEQ autrefois ? se bat pour l'application concrète des programmes d'accès à l'égalité en emploi. On ne peut pas dire que ce soit le plus grand succès que nous avons eu. D'une, la négociation de ces ententes-là est toujours tout à fait difficile dans les milieux de travail, et un ensemble d'obstacles sont toujours présents lorsqu'il vient le temps de mettre en oeuvre ces programmes d'accès à l'égalité. Et, même dans les milieux que nous représentons ? pour avoir été porte-parole sur ces programmes-là, même dans les milieux que nous représentons ? dans le milieu de l'éducation, on ne peut pas non plus parler d'un succès total, au contraire.
En même temps, je reviens sur le terrain que nous représentons, notamment le personnel de l'éducation, force est de constater actuellement que, dans les facultés d'éducation des universités, le pourcentage de personnes issues des communautés dites culturelles, de l'immigration ou nées ici, de deuxième ou troisième génération, sont peu présentes. Nous avons effectué...
Mme Courchesne: Peu?
Mme de Sève (Nicole): Peu présentes. Nous complétons actuellement une recherche avec l'Université du Québec à Montréal dans le cadre des services aux collectivités, et, de fait, le pourcentage est très infime. Les raisons sont multiples: le facteur d'attraction de l'emploi, etc. Donc, c'est vrai qu'il y a des conditions, mais il y a aussi la capacité d'attraction du problème.
L'autre question que vous... je pense, et vous l'avez soulevée tout à l'heure avec la Fédération... la FEUQ, c'est aussi la reconnaissance. La reconnaissance des compétences, la reconnaissance des acquis. Et là-dessus j'écoutais... je relisais ce matin le verbatim de ce qui a été dit, je pense qu'il y a un effort qui va être très important à faire auprès des ordres professionnels. Et je pense à un notamment, l'Ordre des dentistes, où il faut que les gens qui ont une formation soient obligés de recommencer complètement leurs études. Il n'y a même pas de reconnaissance de stages. Et il y a un groupe, notamment il y a deux ans, tout ce qu'on a pu leur offrir dans le cadre d'Emploi-Québec, c'est de devenir techniciennes dentaires, alors que ces gens-là étaient soit responsables de... dentistes dans leur pays ou responsables de la santé publique. Et tout ce qu'on a pu, à cause du blocage, là... Ce n'est pas un blocage gouvernemental. Les ordres ont un élément important... un rôle important à jouer là-dessus. Et je pense que, là, c'est deux... en tout cas, deux des éléments, moi, que je vois, là, au niveau de l'emploi. En même temps, il faut faire attention, la Centrale n'est pas dans les entreprises privées. Donc, nous sommes, comme l'a dit M. le vice-président...
Mme Courchesne: M. le Président, ça va?
Le Président (M. Cusano): Oui. Il vous reste une minute, madame.
Mme Courchesne: Je laisserai ma collègue députée de Chambly réagir dans un autre 10 minutes sur les dentistes.
Deux choses: vous convenez donc que... vous parlez d'un programme d'un parti politique et non d'orientations annoncées par la ministre, on s'entend, là-dessus?
Deuxièmement, je comprends que vous n'êtes pas dans l'entreprise privée. Mais je vous dirais, là, que j'étais au courant des statistiques pour les universités qui sont des employeurs et de gros employeurs, que ce soit Montréal, Laval ou d'autres universités. Et c'est dans ce sens-là où je dis: Finalement, comment pouvons-nous identifier avec... Parce que vous avez des membres à sensibiliser aussi, parce qu'il y a des attitudes corporatistes aussi. Puis je le dis avec réserve, là, je le dis avec prudence, mais je pense qu'on peut se dire ça et que, dans ce sens-là, je me dis: Bon, bien, bravo! si vous êtes devant nous, c'est parce que vous avez aussi envie de sensibiliser vos membres à cette réalité-là.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je dois maintenant céder la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. Monsieur, madame, tout d'abord, je suis fort heureuse d'entendre la ministre affirmer que l'intégration demeurera une responsabilité partagée. Pour sa gouverne, je lui citerai un extrait de la page 9 du plan d'action du PLQ pour les communautés culturelles sur lequel nous avons cru pouvoir nous fier, et je cite:
«Faire des partenariats et établir des contrats de service avec des organismes communautaires des communautés culturelles accrédités par le gouvernement. Ces organismes communautaires auront la structure et la capacité d'assurer, avec un financement adéquat et l'encadrement du gouvernement, les services d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants[...].
«Qui de mieux placé qu'un groupe de personnes déjà installées au Québec, ayant fait face et surmonté les obstacles de l'immigration et qui possèdent les mêmes références culturelles, le même code de valeurs, pour guider et conseiller les nouveaux arrivants? Un [organisme communautaire d'accueil et d'intégration]parrainera en quelque sorte les nouveaux arrivants.»n(17 h 30)n Alors, je suis bien... en tout cas, je constate une fois de plus, là, qu'on change d'idée. Tant mieux, là, mais je suis heureuse d'entendre la ministre affirmer que l'intégration demeurera une responsabilité partagée.
Dans un autre ordre d'idées, une rumeur ? et je dis bien une rumeur ? est persistante à l'effet que la réingénierie allait bientôt atteindre le MRCI et que les fonctions d'immigration seraient désormais dévolues à une agence indépendante du gouvernement. Ma formation politique voit là un désengagement de l'État, et j'aimerais vous entendre sur ce sujet.
M. Séguin (Pierre): Merci beaucoup, madame. D'abord, dans un premier temps, j'ose croire que les membres du gouvernement qui ont été élus au mois d'avril dernier ont été élus pour mettre en application leur programme. Donc, il est heureux d'apprendre que, par rapport à ce qui est inscrit dans le programme... dans le projet politique du gouvernement en place, il puisse y avoir minimalement une certaine volonté de voir à appliquer ce qu'on avait laissé entendre, qui se réaliserait à un certain moment donné. Nous sommes heureux d'entendre que Mme la ministre change un peu d'idée par rapport à ça, qu'il n'y aura pas... qu'il n'y aura pas effectivement de sous-traitance par rapport aux responsabilités de l'État à l'égard de l'accueil des personnes immigrantes au Québec.
Toutefois, nous sommes aussi également très préoccupés par le fait qu'il pourrait y avoir éventuellement une déresponsabilisation de l'État et une transmission des responsabilités de l'État entre les mains d'agences qui éventuellement pourraient s'occuper de toute la question d'immigration au Québec. Nous ne nous cacherons pas que nous n'optons pas pour cela, bien sûr. Nous pensons que la société québécoise telle qu'elle est... et c'est une terre d'accueil où il fait bon y vivre, et nous osons espérer que le gouvernement du Québec conservera l'entièreté de sa capacité dans la gestion de la question de l'immigration.
Mme Papineau: Ce seraient quoi, les conséquences d'une agence, selon vous?
M. Séguin (Pierre): Écoutez, madame, moi, je pense qu'à partir du moment où le gouvernement du Québec confierait à une agence la responsabilité de se préoccuper de la question d'immigration, sans présumer que tout pourrait arriver, il n'en demeure pas moins que beaucoup de risques pourraient voir le jour, et il pourrait y être là question d'arbitraire dans une certaine mesure, et ce, envers quoi, nous, on aurait énormément de réserves. Nous pensons que le gouvernement doit conserver l'entière responsabilité de la question d'immigration en son sein, et ne pas procéder, autant que faire se peut, là, à céder sa responsabilité à une agence parce que nous pensons que les risques sont trop grands pour les personnes immigrantes elles-mêmes.
Mme Papineau: Moi, comme je vous dis, je suis un peu inquiète, dans le sens que les travaux de cette commission, à ce moment-ci, seraient comme caducs, s'il y avait une agence qui s'appropriait l'immigration. Ce qu'on fait aujourd'hui, là, ce serait comme... bien, ce serait une agence indépendante qui ne serait pas obligée d'accepter les constats ou les résultats de cette commission.
M. Séguin (Pierre): On parle ici de l'imputabilité, bien sûr, madame, et, que, dans la perspective où le gouvernement se déresponsabiliserait en donnant à une agence le mandat d'agir de la sorte, je pense qu'au niveau des citoyens comme tel et du gouvernement, il serait là question de... C'est une question d'éthique, hein, à mon point de vue, et que le fait de se déresponsabiliser est très préoccupant pour nous, et nous ne souhaitons pas que cela se réalise.
Mme Papineau: O.K. J'ai fini.
Le Président (M. Cusano): Oui, M. le député de Masson, en vous rappelant que vous avez cinq minutes.
M. Thériault: Oui. Alors, M. Séguin, Mme de Sève, j'ai lu attentivement votre mémoire et je dirais qu'il dénote beaucoup de lucidité et il fait preuve de ce que j'appellerais une non-complaisance à l'endroit de la problématique du français comme langue commune et langue de travail. Et je pense qu'à ce stade-ci de l'évolution du contexte américain et international et de la mondialisation, c'est nécessaire effectivement d'arrêter de se taper dans le dos sur les progrès et de voir ce qu'il y a à faire encore pour améliorer la pérennité du fait français au Québec.
Vous nous soulevez ? et je vais commencer de façon un peu plus précise ? vous nous soulevez, à la page 8 de votre mémoire, des situations difficiles, notamment en ce qui a trait à l'offre de cours de français, de délais d'attente qui ont comme conséquence le fait d'augmenter les listes d'attente. Comment il faudrait optimiser les ressources et comment on pourrait faire en sorte qu'on puisse le plus rapidement possible offrir ces cours-là au plus grand nombre de nouveaux arrivants?
M. Séguin (Pierre): En fait, nous croyons que, lorsque nous avons comme seul critère l'employabilité, là se joue l'ensemble des fondements reliés à cette question-là, parce que, si nous avions la volonté intrinsèque de s'assurer que l'ensemble des services puissent être mis de l'avant pour permettre une intégration des personnes immigrantes adéquate, nous aurions la volonté et la responsabilité d'y associer les services nécessaires à la francisation.
Donc, à l'accueil: prendre en charge les personnes immigrantes, leur donner la formation adéquate, donc une base plus que fonctionnelle au niveau de la langue française, et ainsi assurer, en le faisant bien sûr avec l'ensemble des intervenants de la cellule, donc la famille près de la personne immigrante, s'assurer que la personne pourra éventuellement jouer un rôle plein et entier au niveau de son intégration au sein de la société.
Et au niveau communautaire également: s'assurer que, une fois que ces premières prémices-là sont acquises, se réalisent, s'assurer éventuellement que, chemin faisant, il y aura, tout au long du parcours, d'autres mécanismes qui permettront à la personne de s'intégrer bien sûr au niveau du travail, mais également au sein de la société par le biais de formation continue pour ancrer et enraciner la langue comme telle qui est un outil, selon nous, essentiel à l'intégration pleine et entière de la personne immigrante.
Le Président (M. Cusano): Oui, madame, je vais vous céder la parole, mais en vous rappelant que vous ne disposez que d'une minute.
Mme de Sève (Nicole): Très rapidement, je vais ajouter... Oui, je vais ajouter très rapidement. Dans le réseau public de l'éducation, nous avons assisté, au cours des dernières années, à un sous-financement ? et ça, ce n'est pas simplement depuis un an, mais c'est récurrent ? des services de francisation. Donc, il y a eu aussi déjà, au nom d'une rigueur budgétaire donc, des difficultés de financement qui ont amené un fardeau beaucoup plus grand sur les SEMO ou les organismes d'intégration. Mais, en même temps, beaucoup de nos personnes immigrantes utilisent aussi les services d'Emploi-Québec et c'est là aussi que la pression, elle est très grande.
Donc, à votre réponse, un financement adéquat et, comme M. Séguin l'a montré tout à l'heure, des correctifs pour pouvoir réinjecter de l'argent dans les entreprises parce qu'il se fait de la francisation dans les entreprises, donc une question de fric.
Le Président (M. Cusano): Merci, madame. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Chambly.
Mme Legault: Oui, merci, M. le Président. Bonjour. Vous savez peut-être que, dans une vie antérieure, j'ai occupé la fonction de directrice générale de l'Ordre des dentistes et j'ai besoin d'apporter certaines informations aux membres du comité relativement au processus d'équivalences. Vous savez certainement que le Code des professions encadre l'exercice des ordres, la fonction des ordres professionnels, les 45 ordres professionnels. Et puis, en vertu de l'article 86, tous les ordres doivent se doter d'un règlement de reconnaissance d'équivalence de diplôme... c'est-à-dire de formation et de diplôme. Et, en 1994, l'Ordre des dentistes a adopté tel règlement qui stipule un certain nombre de modalités et, entre autres choses, il y a la constitution d'un comité qui étudie des demandes d'équivalence de diplôme, et cette étude de dossiers là est complétée par une évaluation des connaissances de jugement clinique, etc., qui conduit dans les faits à des reconnaissances d'équivalence de diplôme et de formation et qui conduisent éventuellement à l'obtention d'un permis.
n(17 h 40)n Je voudrais vous dire que, pour avoir participé très activement dans une conférence d'organismes de réglementation au niveau canadien, le Québec est doté actuellement de mécanismes qui sont très novateurs, et le Québec exerce actuellement un leadership au sein de la Fédération canadienne relativement aux mécanismes en place pour l'évaluation et la reconnaissance des acquis et de la formation. Et l'Alberta a une obligation semblable à la nôtre depuis 2001. Mais, pour ce qui est de la dentisterie plus spécifiquement, il est vrai de dire que, dans les huit autres provinces, à ce moment-ci, il y a des programmes de formation d'une durée de deux ans auxquels les candidats doivent obligatoirement participer avant d'obtenir un permis d'exercice.
Donc, je veux le préciser parce qu'il y a des efforts très importants, des sommes d'argent importantes qui sont consenties par les membres d'un ordre professionnel pour justement accueillir des professionnels étrangers, tout ça évidemment, dans le cadre de la mission des ordres qui est celui de la protection du public. Alors, je voulais juste apporter cette...
Le Président (M. Cusano): Merci. Oui. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Courchesne: À mon tour, c'est l'heure des précisions ? il est six heures moins vingt ? pour vous dire... et je pense qu'il faut être très clair parce que c'est la première journée de notre commission parlementaire. Alors, c'est évident qu'on peut décider de vouloir parler de la réingénierie de l'État pendant quatre semaines, mais le but de cette commission, je le rappelle, c'est de parler des niveaux d'immigration et des meilleurs moyens d'immigration.
Moi, je répète ce que j'ai dit ce matin, il n'est aucunement question que l'État se désengage de tout le dossier de la politique de l'immigration, que ce soit au niveau de la sélection, de l'accueil ou de l'intégration. Alors, je pense que ce serait stérile qu'on veuille encore...
Et j'invite la députée de Prévost à la prudence à vouloir toujours interpréter entre les lignes à partir de rumeurs. Je trouve que, là, on a un petit problème de vouloir jouer sur quelque chose qu'on n'a pas vu, qu'on n'a pas devant soi. Il n'y a pas de proposition. On va encore essayer de faire en sorte qu'on porte des intentions qui, là, créent certainement des préjudices à tous ceux et celles qui sont devant nous puis qui viennent ici pour vraiment contribuer à une réflexion, et je le répète, à un débat de société fort important. Si on veut faire bifurquer l'objet de cette commission, je pense que ce serait extrêmement dommageable pour certainement les décisions que le gouvernement aura à prendre. Ce n'est pas uniquement les gens qui sont ici, mais c'est l'ensemble du gouvernement, et on est tous ensemble pour s'entendre que cet enjeu d'immigration est fort important.
Alors, je le répète, le dossier de la réingénierie, c'est une chose, mais, en tant que ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, je peux vous assurer que d'aucune façon le gouvernement ne va se désengager. L'objectif des travaux qui sont en cours, c'est de faire en sorte que les communautés culturelles, les représentants des communautés culturelles, très majoritairement Québécois et Québécoises ? hein, n'est-ce pas, ils sont ici depuis longtemps ? notre objectif, c'est qu'ils se rapprochent du gouvernement non seulement...
Parce que je vous rappellerai que votre gouvernement précédent n'a absolument rien fait, O.K., pour faire en sorte que ces gens-là puissent s'insérer dans un processus décisionnel qui les concerne. Le gouvernement précédent a mis beaucoup d'accent sur la francisation, j'en suis, et je reconnais cet effort. Mais on est tous d'accord, c'est unanime pour dire que ce n'était pas suffisant. On se retrouve aujourd'hui avec des problèmes d'intégration dans différents secteurs d'activité de notre société qui ne sont pas répondus. Alors, pendant neuf ans, il n'y pas eu beaucoup d'efforts de faits pour corriger cette situation-là.
Alors, je vous dirais que, avant de crier au loup, là, attendons de voir les projets concrets sur la table puis des propositions concrètes sur la table parce que justement ce respect et cette reconnaissance... et enfin bâtissons une relation de confiance avec les communautés culturelles, ce que, vous, vous n'avez pas été capables de faire pendant neuf ans.
Alors, vous comprendrez que notre objectif, ce n'est certainement pas de faire en sorte que le gouvernement se désengage dans cette notion de confiance et de reconnaissance envers les communautés culturelles et le processus décisionnel d'accueil, d'intégration et d'immigration au Québec.
Le Président (M. Cusano): Merci. Avant de procéder, je voudrais rappeler aux membres de la commission qu'en commission parlementaire, comme en Chambre, on doit s'adresser au président.
Mme Courchesne: Je m'excuse encore une fois, M. le Président. Vous avez bien raison de me rappeler à l'ordre sur cette question.
Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants à ma droite? Oui, Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Merci, M. le Président. Ce sera très rapide. Madame, monsieur. Madame, tout à l'heure, vous faisiez allusion à ? et vous me corrigerez, là, si je ne rapporte pas bien vos propos ? que vous notiez un sous-financement au niveau des programmes de francisation dans les écoles. Est-ce que c'est bien ce que j'ai compris, Mme de Sève?
Mme de Sève (Nicole): Avec les années, la francisation ? parce que c'était effectué beaucoup dans le cadre de l'éducation des adultes notamment ? alors, c'est de plus en plus en décroissance, oui, à la fois comme densité, nombre d'heures, si vous voulez, et à la fois comme budget. Oui.
Mme Vien: Et ça, est-ce qu'on est capable de...
Mme de Sève (Nicole): ...madame, je ne les ai pas apportés avec moi, aujourd'hui.
Mme Vien: Est-ce qu'on est capable, dans le temps, de savoir... Ce sous-financement prend sa source depuis quelle année à peu près?
M. Séguin (Pierre): Il est difficile...
Mme Vien: C'est-u sur une période des 10 dernières années, des...
M. Séguin (Pierre): Il est difficile, madame, d'arriver bien sûr avec une réponse tout à fait spécifique par rapport à votre question, mais... et ça peut se vérifier, le cas échéant, mais ce qui est clair dans notre esprit, c'est qu'il y a eu, au fil des ans, des compressions budgétaires, des modifications dans les allocations qui avaient été allouées pour de la francisation, qui ont été insuffisantes. Donc, dans cette perspective-là, on a dû remanier, retravailler un peu la conjoncture pour faire en sorte que le service et la possibilité d'offrir de la francisation persiste, mais avec des conditions précaires, donc ça a eu des impacts tout à fait malheureux.
Je voudrais juste rajouter, et sans nécessairement, là, paraître cynique: nous avons présenté un mémoire, ici, qui, selon nous, revêt une importance certaine, pour ne pas dire une certaine importance. Et assister, cet après-midi, à des échanges qui nous permettent de constater qu'il y a des divergences d'opinions entre un côté de la salle et l'autre nous instruit, bien sûr, mais nous aimerions, si cela est possible, qu'on puisse se concentrer sur le document qu'on a pris l'initiative de préparer parce que nous considérons que c'est une question qui est fondamentale pour nous, l'immigration, et nous voulons, bien sûr, encore une fois, spécifier que nous ne souhaitons pas de quelque façon que ce soit...
Et il est heureux que la ministre, aujourd'hui, nous indique sa volonté de ne pas procéder à quelque désengagement que ce soit. Nous allons repartir d'ici, cet après-midi, fort heureux, parce que, dans notre esprit, il y avait des craintes. Bon, bien sûr, nous ne partons pas avec l'âme en paix, mais nous prenons bien en compte le fait que Mme la ministre a pris le temps, sur la présentation de notre mémoire, pour nous rassurer et rassurer l'ensemble des gens présents ici, aujourd'hui, de sa volonté de ne pas procéder au désengagement de l'État dans ses responsabilités à l'égard de l'immigration.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Je cède maintenant... Est-ce qu'il y a des questions à ma gauche? M. le député de Masson.
M. Thériault: Oui. Quand on regarde le rôle que peuvent jouer les syndicats en matière de francisation, je pense qu'on est devant une évidence, et cette évidence-là, c'est que le rôle que vous jouez, c'est un rôle de partenaire organique. Et vous notez à la page 12 «que l'apprentissage du français devrait être reconnu comme un droit fondamental», j'en suis. Par contre, un petit peu plus loin, la phrase d'après, vous nous dites: Il faudrait qu'il y ait des pressions pour «que les sommes nécessaires à la francisation des entreprises soient dégagées lors du prochain budget». Avez-vous évalué... avez-vous évalué quelles seraient les sommes nécessaires? Non, je ne serai pas éclairé, aujourd'hui, là-dessus? Ce n'est pas grave, mais éventuellement j'imagine que vous allez chiffrer ça.
À la page 10, vous parlez de renforcer les dispositions législatives pour protéger le droit de travailler en français et les dispositions législatives qui interdisent à un employeur d'utiliser la connaissance d'une autre langue que le français pour accéder à un emploi ou pour obtenir une promotion. Quand vous parlez de renforcer les dispositions législatives, là, vous avez quoi en tête, là, dans cette... à ce créneau-là, à cet item-là, là?
n(17 h 50)nM. Séguin (Pierre): Dans un premier temps, en lien avec votre première question, bien sûr, nous ne nous sommes pas préparés dans la perspective d'arriver avec des chiffres tout à fait spécifiques quant à l'investissement recherché et requis. Toutefois, il n'en demeure pas moins que le fait que la loi n° 90 ait subi des modifications qui auront pour effet de laisser sur le pas de la porte une multitude de personnes quant à la possibilité de l'entreprise d'investir des montants d'argent, compte tenu que leur masse salariale serait inférieure, là, à un million de dollars, en termes de francisation, entre autres, là, nous laisse un peu pantois. Donc, nous souhaiterions éventuellement qu'il y ait un accroissement des budgets nécessaires.
En lien avec les mesures législatives, à partir du moment où on considère que le français est un droit fondamental et qu'il est nécessaire et requis pour être capable d'exercer pleinement sa place, en tout cas, vivre complètement et pleinement son implication dans la société québécoise, nous voulons nous assurer qu'on ne pourra pas faire indirectement ce qu'on souhaiterait faire directement dans la perspective où, à partir du moment où, dans une entreprise, par exemple, il est question d'avoir à travailler avec une technologie qui est dans une autre langue parce qu'on n'a pas pris l'initiative de franciser ou parce que nos contacts avec des communautés culturelles à l'extérieur du pays obligent d'avoir une certaine connaissance d'une autre langue, que ce critère-là devienne essentiel et exclusif à l'embauche. Nous pensons que les personnes peuvent obtenir de l'emploi, mais si jamais il est question à ce moment-là que d'autres langues soient nécessaires à l'accomplissement de la tâche comme tel, bien qu'il y ait, encore là, des mécanismes qui fassent en sorte que la formation puisse être donnée aux personnes pour qu'elles puissent être susceptibles d'obtenir des promotions envisagées.
Le Président (M. Cusano): Allez-y. Vous avez une autre question, M. le député?
M. Thériault: Vous soulevez, toujours à la page 8, une perception de luttes de pouvoir entre le MRCI, le MEQ et le MESSF. J'aimerais vous entendre là-dessus, au sujet de la francisation du réseau des commissions scolaires. Cette perception des luttes de pouvoir, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme de Sève (Nicole): Non. Ce que vous avez constaté, et vous le savez sûrement, plusieurs personnes qui arrivent notamment en situation de détresse ? ou comme réfugiés, qui est l'expression retenue par le ministère ? ne sont pas nécessairement des parlants français, et ils ont droit notamment aux mesures d'Emploi-Québec ou des prestations de la sécurité du revenu et les mesures d'Emploi-Québec pour pouvoir être francisés et pouvoir donc y avoir accès plus rapidement. Ce qu'on sent, c'est qu'Emploi-Québec ? et ça, pour siéger sur un comité sectoriel d'Emploi-Québec... ce que fait Emploi-Québec souvent, ce sont des pressions, en fonction des budgets que ça coûte pour faire ces formations-là, pour raccourcir le temps des formations. Il est là, le deal qui se joue, c'est-à-dire est-ce que c'est six mois pour qu'une personne ? parce que c'est vrai que ça coûte cher, ces allocations-là, là; on n'est pas irresponsables... Donc, est-ce que c'est six mois? Et à ce moment-là ? et puis ça, plusieurs personnes... et vous avez dans vos invités bien des gens qui vont vous le rapporter ? à un moment donné on lui dit: Écoutez, vous êtes apte à rentrer sur le marché du travail, votre connaissance du français est suffisante pour. Et à ce moment-là la personne est poussée sur le marché du travail parce que les mesures financières de soutien lui seront coupées. Ça a un effet sur le nombre d'heures, sur la quantité de personnes qui peut être accueillie dans les commissions scolaires notamment, donc dans les cours de francisation.
Donc, il y a un jeu, ce n'est pas partout, mais on le sent. Et nos membres qui travaillent notamment en éducation des adultes en francisation voient régulièrement des pressions pour adapter la nature des formations, leur durée dans le temps, et voient régulièrement des personnes partir. Donc, il y a un jeu qui est autour de l'économique et qui fait que souvent c'est un français fonctionnel qui est enseigné et non pas... parce que c'est la game économique qui se joue dans les deux. C'est ça qu'on vous replace.
Pour votre première question, j'ajouterais seulement que nous avons dernièrement déposé un mémoire devant le Conseil de la langue française où on reprécise les mesures législatives, mais... Et on fait la démonstration, notamment dans notre milieu, comment l'anglais, notamment dans les cégeps et les universités, peut devenir, à court terme, un critère d'embauche. Et soit que c'est via la charte ou soit que c'est via les législations du travail, soit donc ça relève de la ministre responsable de l'application de la charte... Donc, on le met à l'attention du ministère, de manière à ce qu'il y ait des suivis qui soient faits. Quel est le meilleur outil, la charte ou la législation du travail? On serait prêts à le regarder. Mais il ne faut pas que la langue, la connaissance d'une autre langue devienne un critère d'embauche, et c'est de plus en plus, et on le voit dans nos milieux ? et on l'a très bien documenté avec des cas très précis ? donc que ça devienne... Donc, on ouvre ce champ-là, ce n'est pas dans la question des seuils d'immigration, mais est-ce que ça va devenir une autre question? Et là il nous semble qu'il y a des représentations politiques qui peuvent être faites par ce ministère.
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Thériault: Si je vous comprends bien, vous soulevez finalement le fait que la francisation doit dépasser le niveau fonctionnel lié à l'employabilité. Il faut donc poursuivre la francisation, l'augmenter, avoir les argents nécessaires pour aller plus loin. Et aller plus loin, ça veut dire aller dans l'intégration des apprentissages, l'apprentissage des valeurs, des codes de la société d'accueil. Ça, je vous comprends bien là-dessus.
Et donc vous soulevez à ce moment-là qu'une politique d'immigration doit nécessairement être une politique d'intégration et, si une politique d'intégration passe par la francisation, mais alors, là, il faut non pas aller vers le plus petit dénominateur commun, mais aller vers non seulement la transmission d'un vocabulaire qui va nous aider à travailler, mais aussi de ce qui définit l'individu à l'intérieur d'une société, donc les valeurs, sinon il n'y aura pas d'intégration possible.
Donc, une politique d'immigration doit pouvoir relever le défi de l'intégration. Donc, ça prend... il faut poursuivre dans le temps la francisation et les cours. C'est ce que je comprends.
Le Président (M. Cusano): Merci pour la question. Je vous rappelle qu'il vous reste 30 secondes pour y répondre.
M. Séguin (Pierre): Tout à fait. Nous pensons qu'une personne immigrante au Québec doit nécessairement s'attendre à avoir toutes les possibilités qui lui sont offertes pour s'intégrer de façon pleine et entière à la société québécoise, et ce n'est pas qu'en lui permettant d'acquérir des bribes d'une langue qu'on peut espérer que cette personne-là joue pleinement son rôle dans la nouvelle société d'accueil.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Au nom de mes collègues, je tiens à remercier le représentant de la Centrale des syndicats du Québec. Et, compte tenu de l'heure, les travaux de la Commission de la culture sont ajournés au jeudi 12 février 2004, à 9 h 30, et, selon les informations que je possède, seraient ici même, dans le salon. Merci. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 17 h 58)