(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Beaumier): Alors, je déclare la séance de la commission de la culture ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission, pour cette séance, est de compléter des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 104, Loi modifiant la Charte de la langue française.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Robert (Deux-Montagnes) remplace Mme Leduc (Mille-Îles); M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis) remplace Mme Beauchamp (Sauvé); M. Marcoux (Vaudreuil) remplace M. Cusano (Viau); et M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace Mme Gauthier (Jonquière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup. Alors, notre ordre du jour aujourd'hui est le suivant, c'est-à-dire: ce matin, audition de la Confédération des syndicats nationaux, du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, et, cet après-midi, audition de la Centrale des syndicats du Québec, de l'Association des écoles privées du Québec et de la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Alors, nous avons et nous recevons les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Alors, bonjour, M. Laviolette et M. Bonnet, je crois comprendre, oui. Alors, vous auriez un exposé de 15 minutes qui serait suivi après ça d'une période d'échanges de 30 minutes également, à peu près également réparties de part et d'autre de cette table. Alors, M. Laviolette, bienvenue, et c'est à vous.
M. Laviolette (Marc): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier la commission de nous permettre de donner nos commentaires sur le projet de loi n° 104, même si on n'a eu que quelques jours pour se retourner, parce qu'on se rappelle que le projet de loi a été déposé huit mois après le rapport des États généraux sur la langue. Mais, quand même, on pense que le projet qu'on a devant nous mérite des commentaires, et c'est pour ça qu'on est ici présents ce matin.
On va, entre autres, traiter de façon particulière toute la question du français langue de travail, parce que, pour la Confédération des syndicats nationaux, il y a deux lieux absolument importants d'intégration et, pour le français, c'est le travail et l'éducation. Donc, je vais tout simplement procéder. Notre mémoire est relativement court, on va le lire pour ensuite répondre aux questions.
Le français, langue officielle et publique. Parmi les éléments positifs du projet de loi n° 104, nous appuyons le changement apporté à l'article 16 de la Charte de la langue française qui oblige l'État à utiliser uniquement la langue française dans ses communications écrites avec les personnes morales établies au Québec. Ce changement renforce le statut du français comme seule langue officielle et, compte tenu des nombreuses communications écrites entre les entreprises et l'État, ça va inciter davantage les directions anglophones ou allophones de certaines entreprises à apprendre le français ou à embaucher des personnes qui parlent français ou encore à prendre les moyens pour que leur personnel apprenne le français.
Nous nous réjouissons également que le projet de loi n° 104 corrige cette faille dans la Charte par laquelle des parents, en envoyant un enfant l'espace d'une année scolaire dans une école privée non subventionnée, achetaient pour cet enfant le droit de fréquenter par la suite l'école anglaise privée ou publique. Plus encore, non seulement ce subterfuge permettait-il à cet enfant d'acquérir le droit à l'école anglaise, mais permettait à ses frères et soeurs et à leurs descendants de faire de même sans qu'ils aient, eux, à utiliser la même échappatoire.
Cette faille dans la Charte a permis en cinq ans à 4 000 enfants, qui n'auraient pas eu le droit autrement, de fréquenter l'école anglaise. La modification de l'article 73 de la Charte proposée dans ce projet de loi permettra de colmater cette brèche. Il y a également d'autres éléments positifs à souligner dans ce projet de loi que nous révélerons à l'intérieur des différentes parties de notre mémoire qui vont suivre.
D'abord, le français, langue de travail. Nous accueillons favorablement les quelques modifications au chapitre de la francisation des lieux de travail proposées par le projet de loi n° 104, mais nous déplorons grandement le fait que le projet de loi ne cherche pas davantage à donner aux travailleuses et travailleurs et à leurs organisations syndicales un rôle plus central dans la francisation des entreprises. Pourtant, ce sont eux qui sont tous les jours dans les milieux de travail, et c'est leur droit de travailler en français qui est encore trop souvent bafoué.
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(9 h 40)
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De plus, il est de notoriété publique que le monde de l'éducation et le monde du travail sont les deux principaux champs de bataille pour concrétiser et consolider le projet de francisation de la société québécoise, projet dont la réalisation ne peut jamais être prise pour acquise une fois pour toutes, compte tenu de notre situation en Amérique du Nord, de la force de la langue anglaise dans le monde, dans les communications et dans le développement des nouvelles technologies.
Depuis longtemps, nous avons démontré que les comités de francisation fonctionnent peu ou mal, parce que les travailleuses et travailleurs n'y ont pas les moyens et les outils pour s'acquitter de leurs responsabilités et que l'Office de la langue française ne disposait pas de suffisamment de ressources humaines et de pouvoirs pour vérifier les déclarations des entreprises et pour faire enquête. Ainsi, malgré qu'il soit positif que le projet de loi n° 104 rende les comités de francisation paritaires, cela ne peut pas être suffisant.
On a sept recommandations:
Que la Charte de la langue française accorde aux membres des comités de francisation les mêmes protections que celles prévues dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Que les membres de ces comités soient réputés être au travail lorsqu'ils exercent les fonctions qui sont dévolues aux comités de francisation, de même que pour la préparation des réunions;
Que, dans une entreprise comptant plusieurs lieux de travail, la loi soit modifiée pour permettre, à la demande de l'une des parties, la mise en place d'un comité de francisation par établissement;
Que le gouvernement du Québec dégage des ressources importantes pour convaincre les dirigeantes et dirigeants d'entreprise de la nécessité de faire du français la langue du travail;
Que le gouvernement s'assure que les organismes publics et parapublics respectent le droit de travailler en français et qu'ils réduisent au minimum le nombre de postes où la connaissance d'une autre langue que le français est une condition d'accès à l'emploi;
Que le gouvernement du Québec s'assure que l'Office québécois de la langue française aura les pouvoirs et les moyens financiers et humains pour voir au maintien et à l'application stricte de la Charte dans les milieux de travail;
Que le gouvernement du Québec s'assure que l'Office québécois de la langue française aura les moyens de recueillir les renseignements qui lui sont indispensables et les ressources nécessaires et le personnel requis pour vérifier l'exactitude des déclarations que lui transmettent les entreprises et pour accompagner les comités de francisation dans leur démarche;
Que l'Office québécois de la langue française fasse le portrait statistique de l'usage du français au travail et que ce portrait soit mis à jour tous les cinq ans.
Pour ce qui est des entreprises de plus de 50 employés, nous appuyons la proposition du projet de loi n° 104 qui ferait en sorte que les entreprises de 50 à 99 employés n'auront plus 12, mais six mois, après la date de délivrance par l'Office de l'attestation d'inscription, pour lui transmettre une analyse de leur situation linguistique.
Nous considérons aussi comme positif l'amendement à l'article 140 de la Charte qui permettra à l'Office, s'il juge que le français n'est pas généralisé à tous les niveaux d'une entreprise, non seulement d'aviser celle-ci qu'elle doit adopter un programme de francisation, mais d'ordonner la création d'un comité de francisation composé de quatre à six membres et l'application des articles 136 à 138.
Nous sommes malgré tout déçus que le projet de loi n° 104 ne propose pas la formation de comités de francisation dans ces entreprises qui emploient de 50 à 99 personnes, puisque cela exclut l'ensemble des travailleuses et des travailleurs du processus de francisation. C'est pourquoi nous réitérons une recommandation que nous formulons depuis, hélas, plusieurs années et que nous avons reprise dans le mémoire que la CSN a présenté à la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec, c'est que la réglementation touchant les comités de francisation s'applique aussi aux entreprises de plus de 50 employés.
Les entreprises de moins de 50 employés. Nous déplorons fortement le fait que le projet de loi soit silencieux en ce qui a trait aux entreprises de moins de 50 employés. Pourtant, ces entreprises se multiplient à grand rythme et recrutent très souvent, particulièrement dans la région montréalaise, de nouveaux arrivants, alors que le français, souvent aussi, n'y est pas la langue de travail. Il y a environ 20 000 entreprises au Québec employant moins de 50 employés qui ne sont pas assujetties aux dispositions sur la francisation des entreprises.
Nous avons abondamment déploré cette situation dans notre mémoire à la Commission des états généraux. Là comme ailleurs, on ne peut pas se fier uniquement sur la bonne volonté et le sens de la responsabilité sociale des entreprises. Là comme dans tous les domaines, les rapports de force jouent et évoluent. Le français continue de ne pas être la langue du travail dans trop d'entreprises de 10 à 49 employés, et la situation perdurera tant que le mandat de l'Office québécois de la langue française ne sera pas étendu à ces entreprises.
Il faut aussi mener immédiatement dans ces entreprises de la région de Montréal des projets expérimentaux de francisation du travail par secteur d'activité. C'est pourquoi nous reprenons ici les recommandations formulées dans notre mémoire présenté à la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec. Il y en a trois:
Que le gouvernement du Québec fasse connaître aux employeurs, aux travailleuses et aux travailleurs des entreprises de 10 à 49 personnes les exigences de la Charte de la langue française à leur égard de même que les ressources de francisation disponibles;
Que, dans la région montréalaise, des projets expérimentaux de francisation du travail dans les milieux regroupant de 10 à 49 employés soient préparés et menés avec l'ensemble des partenaires de chaque secteur retenu comme, à titre d'exemple, les entreprises de la métallurgie primaire, l'hôtellerie ou la sous-traitance dans l'aéronautique;
Que le mandat de l'Office québécois de la langue française soit étendu afin d'y inclure à tout le moins les entreprises de 20 à 49 employés.
Pour ce qui est de la formation linguistique en milieu de travail, on ne peut pas penser franciser un milieu de travail où les travailleuses et travailleurs ne parlent pas français si on ne leur apprend pas d'abord à le maîtriser. De plus, le travail constitue, pour l'immigrant adulte, le lieu d'intégration par excellence à la vie de la communauté d'accueil. Avec l'école, c'est particulièrement au travail que les premiers contacts se tissent et que les choix stratégiques au niveau de l'appartenance se dessinent. Le milieu de travail agit comme un incitatif majeur à l'apprentissage linguistique, la personne immigrante percevant la connaissance et la maîtrise du français comme un élément de promotion et d'autonomie économique indéniable. Le milieu de travail apparaît donc comme un lieu privilégié d'intégration économique et de francisation. C'est ce que confirme notre propre expérience au sein d'un grand nombre d'entreprises de tous les secteurs.
Nos recommandations, il y en a trois:
Que le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, en collaboration avec tous les partenaires, mette en place des projets expérimentaux pour favoriser la tenue de cours de français dans les petites entreprises;
Que les subventions accordées aux centrales syndicales pour la promotion et l'organisation de cours de français en milieu de travail soient récurrentes afin de permettre l'organisation de projets à moyen et long terme;
Que le MRCI et l'Office québécois de la langue française intensifient leur collaboration et que l'Office profite de la visite des milieux de travail pour faire la promotion des cours de français.
Les syndicats sont en situation privilégiée pour défendre le droit de travailler en français et faire la promotion du français au travail. La Charte de la langue française le reconnaît d'ailleurs en leur accordant un rôle dans le processus de francisation, tout comme le gouvernement qui a instauré à la fin de années quatre-vingt un programme de soutien à la participation des travailleuses et travailleurs à la francisation.
Il faudrait également revoir les règles du programme de soutien à la participation des travailleuses et travailleurs à la francisation afin de permettre aux centrales syndicales d'établir des stratégies à moyen et à long terme. Il faut aussi leur donner les moyens de faire davantage la promotion du français et d'assurer la permanence de la francisation des entreprises par de l'information, de la formation et de mener à terme une véritable démarche de francisation des entreprises. La francisation des entreprises au Québec, et même de l'administration publique, n'est pas une chose terminée et acquise une fois pour toutes; elle est à poursuivre et à consolider.
La recommandation: Que les subventions accordées aux centrales syndicales par le programme de francisation des entreprises soient récurrentes et que les sommes allouées soient suffisantes pour permettre de faire un travail plus efficace dans ce dossier et d'assurer le suivi de la démarche.
Pour ce qui est des commentaires généraux, la fusion et la réorganisation des organismes responsables de l'application de la Charte ont, à juste titre, retenu l'attention d'un grand nombre. Sans élaborer sur cette question, mentionnons que deux éléments retiennent surtout notre attention.
Le fait que la mission jusqu'ici remplie par la Commission de protection de la langue française de même que le fait que la mission d'assurer le suivi de l'application de la Charte seraient confiées au nouvel Office québécois de la langue française nous inquiètent, en effet, puisque l'Office, qui est chargé de mettre en oeuvre les mesures de francisation, serait parfois en situation de juge et partie puisqu'il aurait à traiter des plaintes relatives aux écarts à l'application de la Charte de même qu'à porter un jugement objectif sur les conséquences de leur propre travail.
Un autre élément nous apparaît très important, il s'agit du niveau des ressources humaines et financières qui seront allouées de même que les pouvoirs qui seront attribués à ces nouveaux organismes responsables de l'application de la Charte de la langue française qui seraient créés suite à la fusion de ceux existants. Il importe que des ressources financières significatives soient attribuées à ces organismes et à ce qui en découle pour que la politique linguistique prenne tout son sens et soit porteuse de changement.
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(9 h 50)
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Le rapport de la Commission des états généraux n'a-t-il pas rappelé qu'en 20 ans les crédits alloués aux organismes de la langue sont passés de 38 millions à 22 millions en dollars constants? Il faut donc que les budgets adéquats soient confiés à ces organismes pour s'assurer qu'ils auront un fonctionnement efficace par rapport à la hauteur de la tâche et des attentes. Ce à quoi ne pourront suffire les économies d'échelle, s'il y en a.
L'autre question, c'est l'indépendance de l'Office québécois de la langue française. Nous demandions, dans notre mémoire soumis à la Commission des états généraux, que le gouvernement adopte une loi modifiant l'Office de la langue française de telle sorte que la présidence soit assumée par une personne nommée par l'Assemblée nationale, bénéficie d'un statut semblable à celui du Protecteur du citoyen et soit redevable devant l'Assemblée nationale et non au seul gouvernement. Nous avions formulé cette recommandation dans le but d'assurer à la présidence une plus grande indépendance à l'égard du pouvoir gouvernemental. Or, non seulement le projet de loi n° 104 ne répond pas à cette attente, mais, pire encore, le sous-ministre associé responsable de l'application de la politique linguistique siégera en permanence à l'Office.
Et, en conclusion, nous espérons que la commission parlementaire permettra à la ministre et au gouvernement de revoir et de reformuler le projet de loi n° 104 qui modifie la Charte de la langue française. On espère que ces modifications permettront, dans les milieux de travail, de remettre les travailleuses et travailleurs et leurs associations au centre du projet de francisation du travail et que le projet redevienne un projet mobilisateur. En gros, c'est nos commentaires sur le projet de loi n° 104.
Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. Laviolette. Alors, nous irions à une période d'échange. Alors, Mme la ministre, ce serait à votre tour.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. Laviolette, bienvenue à cette commission. Je salue également M. Bonnet. Je veux souligner la qualité de votre mémoire. Je pense que vous abordez plusieurs aspects, même si les projecteurs de votre mémoire sont placés du côté de la langue au travail, ce qui est un peu normal considérant le rôle que vous avez à jouer dans la société québécoise.
Je voudrais faire un certain nombre de remarques et de précisions sur quelques-unes de vos recommandations avant d'aborder la période d'échange. D'abord, en introduction, vous nous faites le reproche ? gentiment, mais tout de même ? d'avoir attendu huit mois et demi avant de déposer ce projet de loi. Je vous ferai remarquer que, trois mois après le dépôt du rapport de la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française, j'ai annoncé les orientations de ce projet de loi en décembre, où là, déjà... Il n'y a pas de surprises dans ce projet de loi, parce que, déjà, en décembre, j'indiquais dans quel sens nous travaillerions la rédaction du projet de loi. Et toutes les mesures qui sont abordées dans le projet de loi n° 104 ont été campées, en termes d'orientation, tout de même assez rapidement. Alors, je tenais à vous le préciser.
Par ailleurs, sur certaines recommandations, d'abord, la première recommandation, où vous dites: Peut-être que nous devrions prévoir des protections similaires dans la Charte de la langue française par rapport à celles qui sont prévues dans la loi sur la sécurité au travail. Je vous dirais que c'est assez envisageable. Le fait que des gens siègent sur des comités de francisation ne doit pas leur causer des problèmes particuliers. C'est une participation qui est légitime, qui est même prévue dans la loi. Alors, c'est des choses qui pourraient être envisagées.
Deuxième remarque, sur la recommandation n° 7, vous dites: «Que l'Office québécois de la langue française fasse le portrait statistique de l'usage du français au travail et que ce portrait soit mis à jour à tous les cinq ans.» Je vous ferai remarquer... Et là on partage quelque chose qui est très important. Je crois que nous avons le devoir de prendre les moyens pour suivre la situation linguistique de manière la plus rigoureuse possible. On ne peut pas gérer ce dossier à l'anecdote. Nous avons la chance d'avoir des connaissances qui sont beaucoup plus raffinées et des méthodologies aussi beaucoup plus raffinées qui nous permettent de voir l'évolution de la situation linguistique au Québec. Et c'est la raison pour laquelle j'ai renforcé, dans la loi n° 104, cette fonction-là de suivi de la situation linguistique. Et c'est très clair à mon esprit que la question du français au travail doit faire partie des éléments que nous devons documenter et pour lesquels nous devons faire le point de manière périodique de manière à bien appuyer les interventions que nous devons faire.
À l'article... pas à l'article, pardon, à la recommandation n° 4, vous dites: «Que le gouvernement s'assure que les organismes publics [...] respectent le droit de travailler en français et qu'ils réduisent au minimum le nombre de postes où la connaissance d'une autre langue que le français est une condition d'accès à l'emploi.» Je me permettrai de vous signaler qu'en l'an 2000, à l'occasion de certaines modifications à la Charte, l'article 46, le nouvel article 46 a prévu un pouvoir de réparation plus costaud que nous ne l'avions jusqu'à maintenant dans les cas où il y aurait eu des attentes abusives ou excessives quant à la connaissance d'une autre langue que le français.
Et, en termes de remarques préliminaires, je ferai peut-être une dernière remarque sur la question des fusions en vous disant qu'il y a d'autres modèles dans notre système. Je pense notamment au modèle de la CSST que vous connaissez fort bien, M. Laviolette, où les fonctions de prévention, sensibilisation, développement de programmes de prévention ciblés en matière de santé et de sécurité côtoient très bien les fonctions de gestion des plaintes, et c'est un peu le modèle que je propose.
Ceci étant dit, ce sur quoi je voudrais particulièrement échanger avec vous, c'est sur les enjeux autour de la francisation dans les plus petites entreprises, les entreprises de 50 employés et moins. Bon. On a eu cet échange avec d'autres intervenants. Je crois que c'est un débat qui est assez complexe dans le sens suivant: d'abord, je conviens tout à fait avec vous que le milieu de travail, c'est un milieu qui peut être favorable à la francisation des gens. C'est clair. Évidemment, le premier milieu est probablement l'école. Mais on a de nos concitoyens qui arrivent au Québec à tous âges, et c'est au moment où ils sont dans les milieux de travail où nous pouvons les contaminer à la beauté et à l'utilisation du français ? dans le beau sens du mot, on se comprend.
Ceci étant dit, moi, je crois qu'il faut être vigilants tout de même pour ne pas faire porter le poids uniquement sur les entreprises quant à la responsabilité de la francisation. Je ne suis pas sûre que c'est... Ce n'est pas le boulot d'une entreprise de franciser ses gens. Ça fait partie de ses responsabilités, mais on ne peut pas mettre ce poids-là uniquement sur les entreprises. Ça, j'en suis convaincue. Et c'est la raison pour laquelle il y a toutes sortes de mesures... On doit utiliser cet espace-là, cette période de vie des gens, j'en conviens, mais on ne peut pas mettre le poids uniquement sur les entreprises, raison pour laquelle il y a toutes sortes de mesures et de programmes qui ont été développés au cours des années, que ce soit via le MRCI, que ce soit via Emploi-Québec. Vous savez que, récemment, mon collègue ministre de l'Éducation et notre collègue ministre délégué à l'Emploi ont annoncé des investissements et une stratégie, je crois, assez consistante au niveau de la formation continue et que la question de la francisation fait partie de cet enjeu de la formation continue. Alors, en ce sens-là, je suis d'accord avec vous qu'il faut continuer ce type d'initiatives là.
Mais, au-delà de ça, l'entreprise de 50 employés et moins, on estime que c'est à peu près 220 000 entreprises de 50 employés et moins au Québec. Vous dites, en gros: Bien, on pourrait les assujettir. Est-ce que, honnêtement, du jour au lendemain, on peut assujettir 220 000 entreprises? Comment on peut ordonner cette intervention-là? Le diagnostic, il n'est pas le même pour l'ensemble de ces petites entreprises. Mais, honnêtement, là, de manière efficace et responsable, moi, je me sentirais un peu irresponsable de dire: On assujettit les entreprises de 50 employés et moins. Elles sont 220 000, puis on dit, à l'Office: Bien, organisez-vous pour que ça marche. La part, le morceau, la bouchée est tellement grande, c'est tellement complexe, le diagnostic dans toutes ces entreprises, il n'est pas le même. Comment on pourrait ordonner nos interventions en faisant en sorte qu'on soit pertinents? Plutôt que d'avaler une grande portion de ces entreprises, y aurait-il moyen... Avez-vous des idées là-dessus, sur comment nous pourrions ordonner nos interventions?
Le Président (M. Beaumier): M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Oui. Je pense que vous soulevez des questions d'ordre stratégique importantes. D'abord, sur la responsabilité des entreprises par rapport à la francisation, ça dépend par quel angle on prend ça. Nous, à la CSN, on prend ça par... le français langue de travail, c'est un droit fondamental. Et, dans les entreprises, peu importe la taille, ce n'est pas seulement pour les immigrants, là, la francisation des entreprises, c'est pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs québécois qui sont francophones de travailler dans leur langue. Et c'est surtout ça, et ça, c'est de la responsabilité des entreprises que de s'assurer que les communications à l'interne de l'entreprise se fassent dans la langue de ceux et celles qui contribuent à produire les biens ou les services de cette entreprise-là. C'est une question de respect fondamental, vu du point de vue des travailleurs et travailleuses.
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(10 heures)
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Du point de vue des immigrants, c'est déterminant, ce qui passe dans le lieu de travail parce que les choix stratégiques d'intégration à la société se font à travers... Si c'est le français qui est perçu comme un élément de promotion puis d'autonomie économique pour les immigrants, bien, à ce moment-là, ils s'intègrent à la société québécoise. Mais, si c'est l'anglais ? et il y a une tendance très forte pour que ça soit l'anglais dans les milieux de travail ? bien, on échappe tout ce morceau-là. Donc, l'école est importante, mais, dans une vie active, là, il y a 24 heures dans une journée, on en passe huit au travail, huit dans notre famille, si on est chanceux ou chanceuse, et puis il y en a huit qu'on dort, si on est chanceux, et donc c'est au moins 50 % de la vie réveillée, si je peux m'exprimer ainsi, qu'on passe au travail. Et on passe là une bonne partie de notre vie, là, toute notre vie active. Donc, le travail est clé, est déterminant pour le français, et les entreprises ont une responsabilité, et elles ne doivent pas y échapper.
Pour ce qui est des petites entreprises, la seule façon de travailler ça, c'est par secteur, O.K., si on y va par secteur. Pas entreprise par entreprise, on ne s'en sortira pas. Mais, si, par exemple... C'est pour ça qu'une de nos recommandations, on dit: On pourrait commencer par Montréal qui, quand même, est un foyer, là, d'intégration important au Québec pour les nouveaux arrivés. Bien, on pourrait travailler ça par secteur. On en suggère trois: la métallurgie primaire, l'hôtellerie, la sous-traitance dans l'aéronautique, par exemple. Ça pourrait être des secteurs. Et, à ce moment-là, on est capable de travailler de façon sectorielle.
Je sais que le patronat, au Québec, fait des boutons quand on parle d'approche sectorielle. Les seuls endroits où on a des approches sectorielles dans d'autres domaines au Québec, il y a peut-être dans le secteur public, il y a dans la construction, il y a en matière de santé et sécurité, avec les associations sectorielles. Mais, c'est des façons très efficaces, ils ont fait leurs preuves, si on prend en santé et sécurité, avec les associations sectorielles, où les gens apprennent à travailler ensemble de façon paritaire. Pourquoi paritaire? Parce que c'est l'élément prise en charge, c'est le milieu qui doit prendre en charge et être interpellé par ces défis-là. Pas seulement l'employeur, les travailleurs et travailleuses et les syndicats. Et, quand les deux parties travaillent ensemble, bien, à ce moment-là, ça facilite et ça accélère les prises en charge. Dans ce cas-ci, c'est du français, langue de travail. Donc, c'est l'approche sectorielle pour ce qui est des petites entreprises parce que tu n'as pas les masses critiques pour travailler dans les petites entreprises. Tu l'as sectoriellement, par exemple. Dans les grandes entreprises, bien là tu as la masse critique pour être capable de travailler, ça pose moins de problèmes.
Mme Lemieux: Dans cette approche-là, deux questions. Est-ce que ça veut dire... Mais je suis plutôt d'accord avec vous, là, sur l'idée qu'il faut déterminer les secteurs les plus à risque, les plus critiques, ceux pour lesquels on a des indications claires qu'il y a des défis plus grands quant au fait que le français soit la langue commune dans une entreprise. Maintenant, comment on peut appuyer ces interventions-là, sectorielles, dans la loi? Par exemple, est-ce que ça veut dire... Et, vous donnez l'exemple que d'autres éléments de l'activité au Québec sont beaucoup autour de cette approche sectorielle, c'est vrai également dans le cas de la main-d'oeuvre. Pensons à l'ensemble des comités sectoriels de main-d'oeuvre, est-ce qu'on pourrait trouver une manière d'appuyer ces interventions-là de l'Office secteur par secteur par la création, par exemple, de... Enfin, j'improvise un peu le nom, là, mais d'un comité sectoriel pour la francisation dans le secteur de l'aéronautique? Bon, est-ce que vous pensez que les milieux sont mûrs pour ce genre de structure là? Est-ce qu'il y a d'autres éléments dans la loi sur lesquels on pourrait s'appuyer pour avoir une meilleure approche sectorielle? Est-ce que vous avez des suggestions à ce sujet?
M. Laviolette (Marc): Bien, moi, je pense que les milieux sont mûrs pour ça. D'ailleurs, c'est une de nos revendications qu'on avait à la Commission des états généraux. On est prêt, on a une expertise de développée. Je vais donner un exemple, dans l'hôtellerie, nous, la CSN, on a développé une pratique d'apprentissage des cours de français. L'hôtellerie est un milieu où il y a beaucoup de communautés différentes qui y travaillent, et si la langue... Naturellement, spontanément, à cause de la pression sur le français, ici, en Amérique du Nord, ce qui devient rapidement la langue commune, c'est l'anglais. Donc, pour changer cette situation-là ? je dis bien pour changer cette situation-là ? bien il faut apprendre le français. Et, on a interpellé les employeurs, il y a eu des projets communs qui ont été faits ensemble, et ça a été un succès. Donc, oui, les milieux sont prêts pour le faire. N'essayons pas de le faire mur à mur, déterminons des cibles, comme vous avez si bien dit, puis nous, on va mettre toutes nos énergies pour que ça fonctionne. Et je suis sûr que les autres organisations syndicales le feront aussi parce que c'est une revendication commune qu'on a.
Mme Lemieux: Moi, ça va pour l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Beaumier): Oui. Malheureusement, le temps qui était alloué du côté ministériel est échu. Je m'excuse auprès de mes collègues, je ne fais que gérer. J'ai un peu à m'ingérer, alors je passe la parole au député d'Outremont, porte-parole de l'opposition pour la langue, la Charte de la langue française. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Avant de poser mes questions, j'aimerais vous demander de demander à Mme la ministre, n'est-ce pas, de nous remettre les statistiques qu'elles a mentionnées, je pense, jeudi dernier au sujet du transfert... des statistiques de transfert de l'école privée non subventionnée à l'école publique subventionnée: 483 054, n'est-ce pas? Parce qu'il y a beaucoup de... La rumeur circule beaucoup là-dessus, là, on entend toutes sortes de chiffres, 5 000, 4 000, 3 000, 2 000, mais il n'y a personne, à l'exception de Mme la ministre, qui nous ait donné, disons, l'heure quasiment juste là-dessus en disant: Les normes sont celles-là. Alors, j'aimerais beaucoup qu'on puisse obtenir les données en question pour rétablir les choses.
Alors, je peux compter sur vous, M. le Président?
Le Président (M. Beaumier): Je compte sur le fait que la ministre va nous dire certainement quelque chose.
Mme Lemieux: Ça s'en vient. Ça s'en vient, c'est une question de secondes.
M. Laporte: Nous sommes toujours impatients, Mme la ministre, toujours impatients. L'impatience est une de nos caractéristiques naturelles. M. le président de la CSN et chers invités, M. Laviolette, M. Bonnet, j'ai trouvé votre mémoire fort intéressant, parce que, sur un certain nombre de points en tout cas, il rejoint entièrement nos réticences et nos critiques sur le projet de loi n° 104.
Mais je vais commencer par vous demander de préciser peut-être ce que vous entendez par, disons, mener des expérimentations par secteur sur les entreprises de 10 à 49, parce que je suis évidemment au courant qu'il y a eu de tout temps beaucoup d'hésitation de la part des gouvernements à assujettir ces entreprises de la taille... Mais je trouve que l'idée d'expérimentation... Et ça, c'est un peu... C'est nouveau, et je voudrais vous entendre préciser ça, parce que, par exemple, je me pose la question... Je comprends très bien que vous voulez expérimenter par secteur, que vous avez des secteurs que vous prioriseriez, mais je me demandais: Est-ce que, par expérimentation, vous voulez dire appliquer sélectivement à ces entreprises de 10 à 49 le modèle de certification qu'on retrouve dans les entreprises en général avec des comités, avec... Ou si vous seriez prêts à ce qu'on puisse, disons, moduler l'administration ou l'approche en fonction de ce que vous appelez une expérimentation?
Le Président (M. Beaumier): M. Laviolette.
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(10 h 10)
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M. Laviolette (Marc): ...le fait même qu'on parle d'intervention sectorielle, on module déjà la loi. Bien entendu, il pourrait y avoir un comité de francisation paritaire, qui est le modèle prévu à 104, mais qui serait sectoriel, et il s'agirait qu'après analyse par la Commission... Ça va être le nouveau nom... L'Office, c'est-à-dire. Ça prendra d'abord une analyse de situation de l'Office pour être capable de prioriser des secteurs qui pourraient être expérimentés. On pourrait avoir ce fameux comité sectoriel. Donc, il faudrait avoir une consultation chez les travailleurs, travailleuses du secteur pour voir comment ils veulent être représentés, qui les... la même chose du côté employeurs, et, à partir de ce moment-là, bien, le comité a à travailler un programme de francisation, à une analyse, d'abord, de la situation dans son secteur et un programme de francisation adapté.
Et, tu sais, je vous donne un exemple, comme dans la restauration, il y a des grands restaurants, mais il y a des petits restaurants aussi où il y a peut-être trois, quatre, cinq employés. Tu ne peux pas avoir un comité de francisation par restaurant, donc on pourrait regrouper ce type de restauration là, et puis il y aurait un comité qui ferait l'analyse, qui ferait le suivi, qui mettrait en place les éléments qu'on a besoin pour s'assurer que ces milieux-là sont francisés, et puis un suivi de l'évolution de la situation avec une évaluation. Et, de ces différentes expérimentations là, on pourrait conclure si le modèle est satisfaisant ou pas, comment on peut l'améliorer et puis, ensuite de ça, poursuivre, là, étendre la francisation à ces petites entreprises là. Parce qu'il y en a 220 000. C'est du monde, ça, là, ça fait du monde, 220...
Une voix: ...
M. Laviolette (Marc): Un million?
Mme Lemieux: ...un million de travailleurs.
M. Laviolette (Marc): Ah, bien, c'est... Puis il y en a combien de travailleurs, travailleuses dans la main-d'oeuvre active au Québec?
Mme Lemieux: Spécialiste, M. Laviolette?
M. Laviolette (Marc): Non, non, mais, écoutez, là, je sais comment est-ce qu'il y en a à la CSN, là, mais disons que je ne me couche pas le soir en apprenant ces statistiques-là.
Mme Lemieux: Il y a au moins 1 300 000 travailleurs, quatre employés et moins.
M. Laviolette (Marc): C'est du monde.
Mme Lemieux: Les entreprises de 50 employés et moins. Oui, puis c'est pour ça que je crois qu'il faut que ce soit ordonné.
M. Laviolette (Marc): Oui, tout à fait, on partage cette analyse-là. Je pense que c'est d'ailleurs pour ça qu'on propose l'approche sectorielle, parce que, sans ça, ça ne tient pas. On ne peut pas... Si on n'a pas d'approche sectorielle, oublions ça.
M. Laporte: Ah, mais ça, sur l'approche sectorielle, je suis entièrement d'accord avec vous, parce que, autrement, ça devient impoignable, si on veut dire, pour ne pas dire ingérable, là. Mais, encore là, les précisions que je voudrais avoir... Parce que, à l'Office de la langue française, il y a tout de même une tradition d'intervention sur la base du volontarisme, là. Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que toute l'instrumentation, par exemple, l'analyse linguistique, la préparation, ça devrait être non seulement adapté, mais ça devrait être, disons, revu pour être appliqué à cette clientèle-là? Parce que vous conviendrez avec moi que la... Enfin, moi, je conviens avec moi-même étant donné que j'ai connu ça à une époque d'assez près, là, je trouve que ça fait un peu lourd comme quincaillerie, là, à transporter, disons, les grandes aux petites. Donc, ça irait à une expérimentation au sens où on expérimenterait, là, très, très généreusement, très, très largement, jusqu'à revoir les instruments, puis ainsi de suite, là. C'est ça que vous avez en tête?
M. Laviolette (Marc): Exactement. Mais, dans le fond, le processus est assez simple, il s'agit de faire un diagnostic du français, langue de travail, dans le secteur et d'identifier par le fait même où sont les problèmes et quelles sont les solutions. Donc, on ne peut pas avoir un arsenal préétabli pour ce type d'opération là, et ça se fait en marchant, comme on dit, et en expérimentant. Mais, moi, c'est comme ça qu'on voit ça. Quand on parle d'expérimenter, ça veut dire avec la flexibilité nécessaire pour que l'expérimentation soit un succès, et il faut que les parties soient d'accord avec ça. C'est comme les fameux comités d'entreprise, là, paritaires, s'il y a une des parties qui n'est pas d'accord, on a un problème, là. Il faut qu'on s'entende d'abord que le français, langue de travail, c'est stratégique pour les travailleuses et travailleurs au Québec et ensuite comment on peut améliorer ça. C'est ça, tout l'exercice.
M. Laporte: Merci pour vos précisions. Il y a deux autres questions...
Le Président (M. Beaumier): Excusez, M. le député, juste 30 secondes. Mme la ministre aurait des précisions à donner sur les chiffres qu'elle avait avancés tantôt.
M. Laporte: Mais son temps est épuisé.
Le Président (M. Beaumier): C'est parce que ce serait pour corriger la réponse qui avait été donnée.
Mme Lemieux: C'est par courtoisie.
Le Président (M. Beaumier): Je vous donnerai la minute de plus.
M. Laporte: Vous me donnerez la minute de plus?
Le Président (M. Beaumier): Oui. Mme la ministre.
M. Laporte: ...par intérêt.
Le Président (M. Beaumier): C'est pour répondre à la question de M. Laviolette.
Mme Lemieux: Alors, je veux préciser que le nombre de travailleurs est à peu près de 1,3 million au total, qu'on est à peu près 900 000 personnes dans les entreprises de 50 employés et plus, et 50 employés et moins, 450 000. C'est une corvée, tout de même.
Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Bon, il y a deux autres questions qui... Enfin, sur ces points-là, là, je suis totalement d'accord avec vous, là. Je continue à m'interroger pour essayer de comprendre pourquoi ils ont pris la décision qu'ils ont prise, là. Mais, à la page 9, si j'ai bien compris, vous êtes de mon avis à l'effet que le transfert de la fonction d'évaluation de la situation linguistique du Conseil au nouvel Office, là, vous le dites, ça crée un risque de conflit d'intérêts évident. On est d'accord là-dessus, là. C'est ce que vous dites au paragraphe, là: «Le fait que la mission jusqu'ici remplie par la Commission de...» C'est-à-dire, ici, vous parlez de la Commission de protection de la langue française, et, ensuite de ça, je pense que vous... «...serait parfois en situation de juge et partie, puisqu'il aurait à traiter des plaintes.» C'est pour la Commission de protection de la langue française, mais je me demandais si vous aviez la même opinion au sujet du Conseil, qu'on castre ou émascule, n'est-ce pas, de sa capacité, de son devoir d'évaluer la situation linguistique, et qu'on transfère ça à un office, et là on crée un conflit d'intérêts, en ce sens que, comme je le disais à mes collègues du caucus, si vous voulez m'évaluer, le meilleur conseil que j'ai à vous donner, c'est: Ne me demandez pas de m'évaluer moi-même, quoi.
Donc, est-ce que vous partagez cette opinion qu'il y a un risque de conflit d'intérêts dans le transfert de la fonction d'évaluation? Je ne parle pas dans le transfert de l'évaluation de programmes, là, il faut bien que l'Office s'évalue dans l'application de ses programmes comme n'importe quel autre organisme. Mais, dans l'évaluation de l'évolution de la situation linguistique, dont il est fondamentalement l'opérateur principal, est-ce qu'il n'y a pas un danger que cette évaluation lui étant donnée, l'Office ait tendance à l'évaluer d'une façon qui soit peut-être un peu plus... un peu trop favorable, d'autant plus qu'actuellement ça, pour ce qui est des milieux de travail, ça se fait par le Conseil avec les sondages annuels ou biannuels qui apparaissaient anciennement dans les indicateurs de la situation linguistique? Donc, est-ce que vous voyez ce conflit d'intérêts là, vous, comme moi, je le vois?
M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, je pense que c'est le sens de notre mémoire. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a un risque dans cette évaluation-là à ce qu'on justifie le travail qu'on a fait, et d'autant plus que, nous, on aurait souhaité que la présidence relève plutôt de l'Assemblée nationale pour avoir une pleine indépendance et non pas qu'elle... Et là ce n'est pas le cas dans le projet de loi, là. Donc, on dit que c'est un risque, oui. D'ailleurs... C'est parce que je reprends un peu ce que la ministre disait tantôt, elle comparaît ça à la CSST. Je tiendrais à rappeler qu'à la CSST les plaintes ou, si on aime mieux, la judiciarisation relève de la Commission des lésions professionnelles et non pas de la CSST. Bon, il y a un processus d'évaluation interne à la CSST de ses décisions, on appelle ça la révision administrative, mais disons que, quand il y a des plaintes, il faut aller voir un organisme, un tribunal administratif indépendant pour ce qui est du cas de la CSST.
Bien, je pense, ce qui va être déterminant dans tout ça aussi, c'est les moyens qu'on va donner à cette organisation-là. Si on est vraiment sérieux par rapport au français, on va y donner des moyens. Mais, si on regarde objectivement... D'ailleurs, c'est les états généraux qui nous rappelaient ça, il y a eu une diminution des moyens en 20 ans. En dollars constants, on est passé de 38 millions à 22 millions. Ça fait 16 millions de moins, ça, objectivement parlant. Parce que ça coûte des sous. Ce n'est pas vrai que la fusion, par les rationalisations que ça va entraîner, on va sauver tant d'argent que ça, là. Je ne suis pas convaincu de ça, là, et ça prend des moyens aussi qui viennent avec. Mais on dit: C'est un risque. Et puis le fait que la présidence ne relève pas de l'Assemblée nationale, c'est un risque qui est supplémentaire.
M. Laporte: Sur ce dernier point, là, encore là, nous sommes tout à fait de votre avis, là. Il n'y a pas seulement le Protecteur du citoyen, mais il y a aussi la Commission d'accès à l'information. C'est-à-dire que, moi, ce que j'avais en tête, c'est ou bien la proposition que vous faites, de faire relever la présidence de l'Assemblée nationale, ou bien d'obliger les organismes à rendre des comptes à l'Assemblée nationale à travers les commissions parlementaires annuellement ou biannuellement.
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(10 h 20)
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Mais là, le problème que vous touchez, là, vous en êtes sûrement conscient, là, c'est que, depuis quelques années ? et je pense que le Parti québécois a été agent prenant là-dessus pleinement ? nous évoluons vraiment dans un modèle ministériel, là. D'ailleurs, vous le mentionnez dans le texte quand vous dites: «Nous avions formulé cette recommandation dans le but d'assurer à la présidence une plus grande indépendance à l'égard du pouvoir gouvernemental. Or, non seulement le projet de loi n° 104 ne répond pas à cette attente, mais, pire encore, le sous-ministre associé responsable de l'application de la politique linguistique siégera en permanence à l'Office!» Donc, moi, je me rappelle très bien que, lorsqu'on a commencé ce jeu-là, là, on était devant des organismes qui étaient, comme les Américains appellent, «arm's length», c'est-à-dire à distance du politique, et, plus on avance, plus le politique est maintenant dans la boîte, là. Mais là il est vraiment dans la boîte au sens où le sous-ministre est rendu dans le conseil d'administration, là. Le problème que ça pose... L'un des problèmes que ça pose entre autres, c'est que, évidemment, dans l'éventualité où des différences d'opinions existent entre l'organisme, son président, son conseil d'administration et le ministre... Vous savez, voir le ministre dans vos pattes, là, quand on est un haut fonctionnaire, là ? je l'ai été suffisamment longtemps ? surtout sur un objet aussi délicat, sensible et controversé que la politique québécoise de la langue française, là, c'est un vrai... c'est un embarras, quoi. C'est-à-dire on ne peut pas dire ce qu'on pense. Et là non seulement le ministre ou la ministre est-elle juchée en quelque part, mais là on est rendu avec le ministre associé qui fait partie de la game, comme on dit, là. Alors là on n'est plus «arm's length» pantoute, là, on est «arm's in», O.K.? Et ça, sur ça, je suis tout à fait d'avis que vous avez parfaitement raison. C'est-à-dire que ça crée encore là peut-être pas un risque, peut-être pas un... Ça crée une situation de contrôle ministériel.
C'est bien au ministère de la Santé, c'est un ministère, mais... D'autant plus que vous savez que dans ce projet-là... Vous ne l'avez pas mentionné, mais je pense aux commentaires d'Henri Dorion dans Le Devoir d'hier, il y a des fonctions qui sont... La Commission de toponymie, là, est devenue complètement assujettie au modèle ministériel, puis on l'a, comme dit Henri... On l'a rapetissée à sa plus simple expression, là. Donc... Enfin, moi, ce que je vous dis, c'est: Tenez durement à votre opinion, parce que c'est vraiment... Je pense que là le diagnostic puis le pronostic que vous faites est tout à fait... me paraît tout à fait fondé, là. Vous êtes sérieux là-dedans, là.
Le Président (M. Beaumier): M. le député, est-ce que ce serait la conclusion peut-être, parce que là on...
M. Laporte: Oui, oui, je pose ma question, là. Il me reste encore une minute?
Le Président (M. Beaumier): Non, c'est... Elle est déjà... J'ai été très équitable, M. le député, mais on peut laisser...
M. Laporte: Bon, bien, est-ce que je peux avoir une réponse?
Le Président (M. Beaumier): On peut laisser, M. Laviolette, bien sûr. C'est pour ça que je vous disais qu'il restait un peu de temps pour M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Oui. Mais, d'abord, la CSN n'a pas l'habitude d'être farfelue par rapport à ses recommandations, on est toujours très sérieux par rapport à ce qu'on met de l'avant. Et, peut-être, le commentaire que je pourrais rajouter sur les risques, bien ça vaut pour le Parti québécois, le Parti libéral et l'ADQ. Ça vaut pour tout le monde.
Une voix: ...
M. Laviolette (Marc): C'est bien. Donc... Mais le risque est là, et nous, on le soulève, et on espère que la ministre en prendra bonne note et corrigera son projet de loi. À ce que je constate, il n'y a pas d'opposition du côté de l'opposition là-dessus. Donc, je me dis: C'est déjà bon signe.
Document déposé
Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, merci, M. Laviolette, M. Bonnet également. J'informe les membres de la commission qu'à la demande du député d'Outremont nous avons reçu le document auquel vous avez fait allusion tantôt, M. le député.
Alors, j'inviterais les représentants et représentantes du Parti libéral du Québec à se joindre à nous.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, on reprendrait nos travaux, s'il vous plaît.
Parti libéral du Québec (PLQ)
Alors, bienvenue, M. Blanchard, j'imagine.
M. Blanchard (Marc-André): Oui.
Le Président (M. Beaumier): Oui? Alors, bienvenue. Et j'aimerais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent, et ensuite vous aurez un 15 minutes pour présenter votre document. Et ensuite ce sera suivi de 30 minutes d'échange également réparties de part et d'autre de cette table. Alors, M. Blanchard.
M. Blanchard (Marc-André): Alors, M. le Président, ça me fait plaisir d'être votre invité ce matin. Je suis président du Parti libéral du Québec et j'ai le privilège d'être accompagné, pour la présentation devant vous, de la vice-présidente du Parti libéral du Québec, Mme Diane Blais, et de même que du président de la Commission-jeunesse du Parti libéral du Québec, Steeve Leblanc.
Alors, d'entrée de jeu, permettez-moi de situer le sens de notre intervention. Je comprends que notre rapport écrit, M. le Président, sera déposé\ ou est déposé au moment où on se parle, et il y a... Notre intervention est inspirée de cinq grands principes qui ont guidé l'action des gouvernements libéraux et qui animent la philosophie de notre parti.
Tout d'abord, nous sommes fermement convaincus qu'il incombe aux membres de l'Assemblée nationale, sans égard à leur allégeance politique, de s'assurer que le gouvernement du Québec, par l'ensemble des moyens mis à sa disposition, assume pleinement sa responsabilité inaliénable de défense et de promotion de la langue et de la culture françaises au Québec.
Le législateur doit aussi s'assurer que l'action du gouvernement s'inscrit dans le respect des chartes des droits, tant la Charte québécoise que la Charte canadienne. En particulier, le législateur doit veiller au respect des droits de la minorité anglophone dont la contribution passée et future à la vitalité de la société québécoise ne saurait être niée. De plus, dans le cadre de la participation du Québec à l'ensemble canadien, les élus et le gouvernement doivent porter une attention particulière à la situation des minorités acadiennes et francophones des autres provinces du Canada. Enfin, nous croyons que les politiques et les lois linguistiques doivent prendre en considération l'apport des communautés culturelles dans notre société pour faire du Québec et continuer à faire du Québec une société toujours ouverte sur le monde et soucieuse d'occuper une place unique en Amérique du Nord.
Alors, vous comprendrez qu'en raison du délai qui nous a été imparti nous limiterons nos commentaires aux aspects qui nous apparaissent les plus importants pour nous. Nous disons d'avance que nous souhaitons apporter une contribution positive aux travaux de la commission, et permettez-moi, dans un premier temps, de formuler quelques commentaires de nature... plus généraux pour certaines des dispositions.
Premièrement, il y a évidemment notre souci à tous de renforcer le climat de paix linguistique que nous connaissons au Québec depuis quelques années. Les dispositions, donc, qui seront retenues par le gouvernement devront contribuer véritablement à rendre la Charte de la langue française, d'une part, mieux adaptée aux exigences contemporaines et prévisibles de défense et de progrès du fait français et, d'autre part, plus efficace dans l'atteinte de ces objectifs. Alors, pour nous, il n'y a pas de contradiction entre les objectifs que nous recherchons comme parti politique et ceux mis de l'avant par le gouvernement dans son projet de loi. Mais l'histoire nous enseigne toutefois que des désaccords entre le parti ministériel et nous surgissent non pas tant au plan des finalités de la politique linguistique, mais plutôt au plan des moyens choisis pour les atteindre.
En ce qui a trait au projet de loi n° 104, nous sommes heureux de constater que le gouvernement a su résister à certaines mesures proposées par des tenants de positions plus radicales. Entre autres, le gouvernement a choisi de ne pas assujettir les collèges anglophones aux critères d'admissibilité à l'école anglaise au primaire et au secondaire. Le gouvernement a judicieusement conservé les dispositions actuelles de la Charte de la langue française qui portent sur l'affichage commercial. De même, les entreprises de 50 employés et moins ne seront pas assujetties aux dispositions concernant la francisation des entreprises. Alors, somme toute, pour nous, l'équilibre général de la Charte de la langue française est préservé.
Dans les modifications qu'on apportera, il importe de s'assurer que ces modifications répondent à des besoins, donc, à des situations bien réelles et qu'elles permettront d'atteindre de façon raisonnable les objectifs fixés. Alors, c'est à partir de ces prémisses-là que nous formulons certains commentaires qui sont particuliers.
n(10 h 30)n Nos commentaires vont porter sur quatre grands sujets abordés par le projet de loi: l'admissibilité à l'école anglaise, les politiques des établissements d'enseignement supérieur relativement à l'emploi et à la qualité du français, la francisation des entreprises et les organismes de la langue.
Tout d'abord, permettez-moi de formuler un commentaire au sujet de l'article 1 du projet de loi n° 104 où on trouve étonnant que le gouvernement juge nécessaire de préciser dans un règlement, M. le Président, les situations où l'administration sera autorisée à s'adresser, par exemple, à d'autres gouvernements dans une autre langue. C'est un peu comme si le gouvernement ne faisait pas confiance à son propre jugement pour évaluer les situations où une communication doit être accompagnée d'une version traduite selon la langue de l'interlocuteur. On peut déjà imaginer, là, les arcanes byzantins de cet éventuel règlement sans pour autant apercevoir les problèmes qu'entend régler le gouvernement à cet égard-là. Alors, pour nous, l'ajout, à l'article 16 de la Charte, du mot «uniquement» et du pouvoir de réglementation n'est pas approprié, et on devrait justement faire confiance à l'administration, faire confiance aux membres du gouvernement, faire confiance aux élus pour que, eux... partir avec la prémisse que ces gens-là vont respecter la lettre et l'esprit de la loi dans les communications avec les autres intervenants, et particulièrement les gouvernements étrangers, par exemple.
Le premier point principal de notre intervention touche l'admissibilité à l'école anglaise. Évidemment, ce sont les modifications les plus significatives du projet de loi. Plusieurs dimensions du chapitre VIII de la Charte sont modifiées, et certaines de ces modifications-là soulèvent des difficultés importantes. Il y a un premier commentaire qu'il faut faire, et ça, ça m'apparaît le plus important. Je trouve que le projet de loi s'attaque aux symptômes du problème ressenti par les familles québécoises, les parents, les enfants, les élèves, mais ne s'attaque pas aux racines du problème. Il faut reconnaître qu'une partie de l'attrait qu'exercent ces écoles privées anglophones auprès de plusieurs parents francophones ? il ne faut pas mettre la tête dans le sable, là ? réside dans les faiblesses marquées de la qualité de l'enseignement langue seconde dans les écoles françaises tant publiques que privées. Alors, nous, pour nous, au Parti libéral du Québec ? et ça fait longtemps qu'on le dit ? il est clair que si le gouvernement acceptait de permettre l'enseignement de l'anglais dès la première année du primaire et qu'une attention particulière soit accordée à l'embauche et à la formation d'enseignants compétents en nombre suffisant, cet attrait s'estomperait très vite.
Et, de même, on peut faire le même commentaire en ce qui a trait au renforcement de la qualité du français. En modifiant la Charte, comme je l'ai dit tantôt, le gouvernement s'attaque aux symptômes de gens qui souhaitent un enseignement de la langue anglaise, langue seconde, dès la première année, mais il ne fait rien de concluant pour trouver une solution véritable à ce problème-là qui est une aspiration extrêmement légitime de la part des familles québécoises de vouloir que leurs enfants reçoivent un enseignement de langue anglaise, langue seconde, de qualité et très rapidement. Moi, je trouve ça loufoque, M. le Président, que chez les anglophones, les jeunes enfants anglais, on permette... on impose le bilinguisme dès la première année, alors que dans les écoles francophones on prive les francophones québécois et québécoises de cet avantage-là.
Pour analyser les modifications proposées par la ministre, il nous manque certaines choses. Et, certains groupes qui nous ont précédés l'ont évoqué, il y a des données qui nous sont incomplètes ou qui sont dans un état tel qu'elles ne nous permettent pas de bien mesurer l'ampleur actuelle et l'évolution récente du phénomène de transfert qui implique les élèves provenant des écoles anglaises privées vers les écoles anglaises non privées subventionnées ou publiques, même. Alors, ces informations-là nous apparaissent nécessaires, dans un premier temps, avant de poursuivre les discussions plus à fond sur ce projet de loi là.
Mais, par-delà la question des chiffres, M. le Président, nous sommes en accord avec l'objectif qui vise à mettre fin à la pratique qui permet, par une brève fréquentation de l'école privée non subventionnée, de recevoir un certificat d'admissibilité et de bénéficier ainsi des droits prévus à l'article 73. On ne doit pas permettre de faire indirectement ce que la loi ne permet pas de faire directement, et notre position est extrêmement claire là-dessus. Mais la voie choisie par le gouvernement pour contrer le phénomène, là, elle n'est pas sans difficulté. Le projet de loi, tel que stipulé, a pour effet de faire en sorte que l'enseignement en anglais reçu dans une école anglaise non subventionnée ne sera plus considéré aux fins de l'admissibilité à l'école anglaise. Ah oui, le ministre... On n'a aucune mention de l'impact pour les individus. On pourrait présumer ? et je pense que vous aurez des présentations à cet effet-là cet après-midi ? que certaines écoles ne pourront plus accueillir un nombre suffisant d'élèves pour assurer leur bon fonctionnement.
Alors, le gouvernement peut bien dire qu'il a beau professer de son droit et de l'assurance de sa position, mais il y en a quand même certains dans notre société, plusieurs, qui voient dans cette approche une atteinte à leurs droits protégés soit par la Charte canadienne... Par exemple, on l'a vu dans l'arrêt Hoskin, arrêt de la Cour d'appel. Cet arrêt-là, les avocats au dossier ont déjà mentionné qu'ils en appelleraient vraisemblablement à la Cour suprême. Alors, il est peut-être... À ce moment-ci, on se lance dans un débat juridique qui apparaît très certain et on connaîtra donc une période d'incertitude et des débats possiblement acrimonieux et... parce que ces écoles-là, évidemment, voudront défendre leur existence.
Regardons le problème. Le phénomène de transfert qu'on veut empêcher, il y a deux aspects qu'il faut distinguer. Il y a un premier aspect, et c'est ce que la ministre appelle le «truc», la passerelle, avec laquelle... Pour nous, il n'y a pas de doute, il faut bloquer cette passerelle-là, c'est-à-dire d'utiliser l'école privée non subventionnée pour une passerelle, pour acheter pendant une courte période le passage à l'école privée subventionnée ou à l'école publique anglaise.
Mais il y a un deuxième aspect qu'il faut regarder. Il y a quand même des parents dans cette situation-là qui choisissent d'inscrire leurs enfants pour l'ensemble du cours primaire dans une école anglaise privée non subventionnée, et, dans ces écoles-là, par exemple, à Montréal, il y en a plusieurs qui offrent à la fois le primaire et le secondaire. Les écoles qui offrent le primaire, la plupart du temps, sont privées non subventionnées, et la même école, le même établissement offre le secondaire, et la portion secondaire est privée, mais subventionnée. Alors, l'effet du projet de loi empêcherait aux parents qui ont choisi, par exemple, dans ce cas-ci, l'école privée dans un premier temps pour le primaire, de continuer dans le même établissement, et il nous apparaît qu'il faut regarder cette situation-là.
Le point le plus important concernant... M. le Président, pour nous, c'est... Là où il y a vraiment un problème, c'est la question de 81, 85 et 85.1. Alors, le gouvernement du Parti québécois, en adoptant la Charte, avait clairement fait sien le principe qui vise à maintenir unies les familles à l'école, et là c'est une brèche qu'on fait là-dedans, c'est une brèche qu'on fait dans ce principe-là qui avait été consacré par la loi 101, à l'époque, par Camille Laurin. Il est étonnant de voir un gouvernement du Parti québécois tourner le dos à ce principe-là. Et les articles en question, 81 et 85, dans le cas de motifs de troubles graves d'apprentissage ou de situation familiale ou humanitaire grave, sont des cas très limités, sont des cas où les familles sont en difficulté, et il est important que les principes... que la famille, les élèves puissent continuer à être... les frères et soeurs puissent continuer à être avec les personnes, les élèves qui peuvent bénéficier de ces critères d'admissibilité là.
Maintenant, rapidement, je passerai la parole au président de la Commission-Jeunesse de notre parti, pendant une minute, qui parlera des politiques des établissements d'enseignement supérieur. Alors, Steeve Leblanc.
Le Président (M. Beaumier): Alors, M. Leblanc, vous auriez une minute malheureusement, mais toute une minute.
M. Leblanc (Steeve): Pas de problème.
Le Président (M. Beaumier): Merci.
M. Leblanc (Steeve): Au niveau des politiques d'établissements d'enseignement supérieur. Comme on le sait, le rapport de la commission Larose proposait d'inclure les établissements collégiaux et universitaires dans la définition de l'administration pour les fins d'usage de la langue française. On est d'avis qu'une telle proposition aurait eu pour effet d'imposer des obligations aux établissements d'enseignement supérieur, des obligations qui dépassent leurs moyens, mais surtout qui ne s'accordent pas avec la complexité et la diversité des situations vécues en raison du rayonnement de leurs activités.
n(10 h 40)n On est cependant heureux de constater que le gouvernement n'a pas retenu cette approche. Le projet de loi, à l'article 10, fait obligation aux établissements de se doter d'une politique relative à l'emploi et à la qualité de la langue française et détermine les rubriques que doit composer une telle politique. Il s'agit d'une obligation qui aura des effets positifs et intéressants, on le croit, pour la promotion de la langue française. Une politique qui aurait été plus contraignante à ce sujet, qui aurait défini, par exemple, les normes ou les critères à atteindre aurait comporté des risques de dérapage sérieux pour la liberté académique de ces établissements. Nous invitons donc le gouvernement à ne pas déroger de l'article 10 tel que présenté dans le projet de loi à cet égard. Chaque établissement sera donc libre d'accepter et d'adopter la politique qui convient à sa réalité propre, en fonction des pratiques et politiques institutionnelles qui lui sont propres. Cette approche, à laquelle les collèges et universités souscrivent déjà, on y souscrit également. Et j'aimerais rappeler, comme je viens de le dire, que nous demandons au gouvernement de ne pas déroger du libellé de l'article 10 dans le projet de loi.
Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Leblanc.
M. Blanchard (Marc-André): M. le Président, avec votre permission, si on pouvait bénéficier d'à peu près trente-cinq secondes pour que Mme Blais ? ou une minute ? fasse juste quelques remarques concernant la francisation des entreprises.
Le Président (M. Beaumier ): Bien sûr. Mme Blais.
Mme Blais (Diane): Bonjour, M. le Président. Au chapitre de la francisation des entreprises, les mesures proposées s'inspirent davantage d'une vision bureaucratique que d'une réelle volonté d'encourager de façon concrète les entreprises du Québec à améliorer la situation du français au travail.
Entre autres, le projet de loi n° 104 propose de réduire de 12 à six mois les délais prévus pour remettre les analyses de leur situation linguistique et les plans de francisation exigés. On s'interroge sur l'efficacité de cette troisième proposition dans le but de poursuivre des efforts de francisation en milieu de travail au Québec. Plusieurs entreprises sauront certainement produire leurs analyses et leurs programmes dans les délais restreints proposés, mais nous assisterons aussi à des situations où bon nombre d'entreprises ne pourront respecter ces délais. De plus, la production hâtive de ces analyses et de ces programmes ne garantit en rien une amélioration de la pertinence et de la qualité de ces mêmes analyses et programmes. Une accélération de la production de ces documents demandera de la part de l'Office une augmentation de sa capacité de traitement de dossiers, d'où l'ajout de ressources supplémentaires pour pouvoir traiter les dossiers.
Donc, il serait plus judicieux pour l'Office de consacrer des ressources additionnelles pour soutenir les entreprises ainsi que les travailleurs et les travailleuses du Québec dans leur démarche et pour améliorer le français en milieu de travail, soit par de la formation, des travaux de recherche, des travaux terminologiques, surtout dans les secteurs en plein développement. Ce soutien est particulièrement crucial dans les domaines à croissance rapide que nous connaissons où les processus d'innovation et de recherche sont au coeur des activités de l'entreprise. Sans une aide externe, ces entreprises ne pourront que tarder à adapter leurs instruments de travail et le contexte d'utilisation du français. Nous proposons donc plutôt au gouvernement de conserver les délais actuellement en vigueur dans la loi et de plutôt consacrer des ressources appropriées au soutien de la francisation des entreprises du Québec. Merci.
Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme Blais. Alors, nous procédons aux échanges. Mme la ministre.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, M. Blanchard, bonjour et bienvenue à cette commission. Je salue également Mme Blais et M. Leblanc. Je vous remercie de votre mémoire, qui est assez dense. Et, comme on vient de le recevoir, alors j'ai essayé de passer à travers en même temps que j'entendais vos remarques.
Quelques petites remarques avant d'aborder une période d'échange. D'abord, je vais commencer par la fin, votre point de vue sur la question des organismes de la langue. On résume un peu une situation en peu de mots, mais enfin, c'est ça, les organismes qui sont chargés de l'application de la Charte de la langue française. Votre propos, je crois, tourne beaucoup autour de l'imputabilité. Je voudrais vous rappeler que la loi n° 82, adoptée l'année dernière ou il y a deux ans, la Loi sur l'administration publique, offre des possibilités que personne n'avait il y a quelques années et qu'il y a... Je ne vous en ferai pas la synthèse, mais il y a toutes sortes de mécanismes qui sont à la disposition des parlementaires, notamment, qui n'étaient pas à la disposition des parlementaires jusqu'à l'adoption de cette loi, et que, en tout temps, pour ce type d'organismes, ils peuvent être convoqués par une commission à l'Assemblée nationale. On a donc des moyens de travailler autour d'une plus grande imputabilité de ce type d'organismes. Que ce soit l'Office de la langue française ou tout autre, des moyens nouveaux à la disposition des parlementaires et qu'il ne faudrait pas ignorer.
Mon propos... Enfin, ce sur quoi j'aimerais avoir un échange, sur deux questions. La question de la francisation, on y reviendra. Mais, la première, sur toute la question d'admissibilité à l'école anglaise par la fréquentation pour une brève période d'une école anglaise non subventionnée, vous dites d'entrée de jeu, d'ailleurs dans la première page de votre mémoire, dans le résumé, dès le troisième paragraphe... Vous dites: «Le Parti libéral du Québec partage l'objectif de mettre fin à la pratique, donc, qui consiste à obtenir l'admissibilité à l'école anglaise par la fréquentation [...] d'une école anglaise non subventionnée.» Lorsqu'on va plus loin dans votre mémoire et qu'on prend, donc, ce chapitre sur l'admissibilité à l'école anglaise, je me rends compte toutefois... Puis, je veux bien comprendre le sens de l'énoncé de ce principe, vous dites: Oui, il ne faut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. Mais, sur l'ensemble des mesures qui sont proposées par le projet de loi n° 104, je crois comprendre que vous n'adhérez à aucune d'entre elles. Vous dites: Bien, peut-être qu'on n'a pas les bons moyens. Vous allez même jusqu'à dire à la page 7... Vous parlez d'une formule hybride où nous pourrions faire cheminer ensemble des enfants qui ont des droits avec ceux qui n'en ont pas. Je voudrais comprendre le sens de cette proposition-là et comment on peut vivre, éthiquement parlant, avec cette proposition-là. Et vous reprenez les autres éléments qui amenderaient les articles 81, 85 et 85.1 pour, finalement, conclure qu'on devrait conserver l'état des privilèges qui étaient accordés jusqu'à maintenant.
Alors, moi, j'ai été contente d'entendre votre chef, il y a quelques semaines, adhérer à cette idée qu'il y a des principes à respecter, mais j'ai, honnêtement, un problème. Je le dis sans aucune malice, comment vous pouvez, d'un côté, dire que, effectivement, il y a là quelque chose à corriger et que, pour l'ensemble des mesures, aucune ne suscite votre adhésion? Et vous en proposez une qui va mettre ensemble des gens qui ont des droits avec ceux qui n'en ont pas.
Le Président (M. Beaumier): M. Blanchard.
M. Blanchard (Marc-André): Mme la ministre, concernant la question des organismes de la langue, je vous soumettrai que, en fait, pour nous, ce qui est important, c'est que le Conseil conserve son devoir, son mandat de surveillance de l'évolution de la situation linguistique au Québec. Il nous apparaît que l'indépendance du Conseil est plus appropriée pour, en fait, analyser la situation. Et aussi il y avait la question du délai, le délai de... Plutôt qu'aux cinq ans, nous, on prétendait qu'il était souhaitable que ce délai soit raccourci à trois ans, de permettre une analyse, une révision plus rapprochée, aux trois, six et neuf ans plutôt qu'aux cinq, 10 et 15 ans, de la situation linguistique.
Quant à ce qui a trait à la question du principe ? et, notre position est claire, Mme la ministre, on ne partage pas votre point de vue ? on ne remet pas en question le principe, il faut que ce que vous appelez le truc soit démasqué et soit fermé, qu'il n'y ait plus, pour utiliser une expression anglophone, anglaise, de «loophole» dans la loi pour permettre de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, c'est-à-dire d'utiliser un an, ou deux, ou trois, ou deux ans et demi, quel que soit le temps, de façon artificielle dans une école privée non subventionnée pour s'acheter une admissibilité à l'école publique anglaise.
Maintenant, il faut faire ça en regardant quand même les chiffres, les statistiques, la situation de ces écoles-là. Il faut quand même reconnaître que Camille Laurin, en 1977, avait reconnu le libre choix en matière d'école privée, à ce moment-là, de l'école pour les parents qui désirent choisir un parcours en dehors du système public, quel que soit le projet d'enseignement, et là ce qu'on fait... On peut se mettre la tête dans le sable, Mme la ministre, puis dire que tous les parents qui envoient leurs enfants à l'école privée non subventionnée sont de mauvaise foi et utilisent ça pour un truc, mais telle n'est pas notre appréciation de la situation. Ce que vous faites dans votre projet de loi, c'est que vous permettez aux très, très riches de le faire et vous fermez la porte à tous les autres. Et, donc, c'est peut-être la façon la plus adéquate selon vous; selon nous, ça mérite une analyse un petit peu plus approfondie. Ça, c'est pour la première portion.
n(10 h 50)n L'autre question, c'est la question des articles 81, 85 et 85.1. Là, 81 et 85.1 touchent des situations extrêmement particulières, ce sont des familles en détresse, Mme la ministre, ce sont des enfants en détresse et en difficulté, et eu égard... Et, là il faut regarder la position que votre propre parti avait prise lors de la rédaction de la loi 101, c'était de maintenir unies les familles à l'école.
Vous savez, l'éducation d'un enfant, c'est plus que d'être assis dans une salle de cours, ce sont les amis, ce sont les familles qui sont là pour s'entraider, ce sont les frères et soeurs. Et, pour nous, c'est, eu égard au nombre dont on parle, dont il est question... Parce qu'il faut bien savoir de quoi on parle, on parle, dans le cas de l'article 81, de 314 élèves en 2001-2002. On parle de l'article 85.1, d'un nombre, depuis 1986, de 476 élèves. Alors, on parle d'un tout petit nombre d'élèves. Et, selon nous, pour des raisons humanitaires... Je sais que ça... La question de la cohérence de la loi, oui, mais il ne faut pas non plus être artificiel dans notre approche, il faut être humain, il faut avoir de la compassion vis-à-vis ces familles qui vivent ces détresses-là et ces situations difficiles là, et c'est pour cette raison-là que, selon nous, cette position-là est inacceptable.
Il y a un dernier point sur lequel je veux absolument faire un commentaire. Il y a l'article 85 qui touche votre question, Mme la ministre. Vous l'avez soulevé, vous avez mentionné notre position sur les articles 81, 85 et 85.1. 85 concerne les exemptions de fréquentation de l'école anglaise accordées pour les parents en séjour temporaire au Québec. Le projet de loi a pour effet de ne plus reconnaître des droits en vertu de 73 aux enfants de ces personnes une fois qu'elles s'établissent ici et obtiennent la citoyenneté canadienne. À première vue, Mme la ministre, là, on vous dit d'emblée que la mesure semble équitable, notamment par rapport aux immigrants qui ne peuvent bénéficier de ce privilège-là. Toutefois, on craint que le gouvernement, peut-être, l'a fait... S'il l'a fait, nous l'expliquer, nous donner l'information, mais on se demande si on a bien regardé la portée de cette mesure-là, parce que, pour nous, un durcissement de la loi à ce sujet-là risque de nuire à notre capacité, au Québec, d'attirer du personnel hautement qualifié, de calibre international, dont nos universités, nos centres de recherche et nos entreprises innovantes ont tellement besoin. Et nous invitons le gouvernement, là-dessus, juste à regarder, à étudier les besoins d'aménagement souhaitables aux dispositions concernant l'admissibilité de l'école anglaise afin de faciliter justement ce recrutement-là de personnel hautement spécialisé dans les secteurs stratégiques et en développement.
Et on se demande, nous, de notre côté, au Parti libéral du Québec, Mme la ministre, que... On trouve ça un peu incongru que votre gouvernement prenne cette position-là pour les parents... pour les enfants en séjour temporaire au Québec, une position qui apparaît assez rigide, alors que, d'un autre côté, on offre un congé pour attirer ces personnes-là, ces mêmes personnes là, ces mêmes familles là. On donne un congé d'impôt, un congé d'impôt complet à ces familles-là pendant cinq ans pour les attirer à venir au Québec. Alors, on se demande s'il y a une proportion ou une proportionnalité dans les mesures qu'on applique à ces gens-là. Ce n'est qu'un point d'interrogation à cet égard-là, Mme la ministre, qu'on soulève.
Le Président (M. Beaumier): Bien. Mme la ministre.
Mme Lemieux: D'abord, je voudrais préciser, quant au début de votre intervention, que les gens qui préféraient que leurs enfants aillent dans les écoles privées, on n'intervient pas à ce niveau-là. Ce qu'on dit, c'est que ce passage, qu'il soit court ou plus long, dans une école privée ne doit pas donner un droit supplémentaire.
Et je veux revenir sur votre formule hybride de la page 7: On pourrait envisager une formule hybride où les écoles secondaires privées subventionnées soient autorisées à accueillir les deux clientèles. Bon, je ne sais pas comment on peut faire cohabiter des gens qui ont un droit puis des gens qui n'en ont pas.
Et, je vous poserais une question plus précise, à la page 9, où vous dites: Nous proposons de conserver l'état des privilèges rattachés aux articles 81 et 85.1, est-ce que ça comprendrait également... Parce que je sais qu'il y a un débat, là, autour de la transmission de ce droit aux frères et soeurs, mais on va le reprendre, ce débat-là en temps et lieu. Mais est-ce que ça voudrait dire également conserver les privilèges, c'est-à-dire celui également de transmettre le droit à l'école anglaise à ses descendants? Est-ce que ça, vous croyez que cette transmission-là à ses descendants dans le cas de difficultés d'apprentissage... C'est-à-dire un enfant a des difficultés d'apprentissage, il se retrouve donc dans le réseau d'enseignement anglais et, plus tard, parce qu'il a étudié dans un réseau d'enseignement anglais, il peut transmettre ce droit à ses propres enfants. Est-ce que là le lien sur la difficulté d'apprentissage et le plaidoyer que vous faites demeurent toujours? Est-ce qu'on doit avoir l'ensemble de ces privilèges-là dans les années 2000?
M. Blanchard (Marc-André): Madame, pour les descendants, moi, je suis porté à partager votre opinion là-dessus, que je ne pense pas que ? et c'est ma position personnelle à cet égard-là, là ? c'est... Notre intervention, le sens de l'intervention du parti vise les frères et soeurs, alors, pour répondre à cette première partie là.
Deuxièmement, quand vous dites: On ne veut pas que ces enfants-là s'achètent un droit supplémentaire ? la première partie de votre question ? et la cohabitation des gens qui ont des droits et qui n'ont pas de droits, pour nous, c'est juste de permettre à ceux qui choisissent légitimement un projet d'éducation pour les enfants de pouvoir le mener à terme de façon équitable. Là-dessus, quand vous me parlez: On ne peut pas avoir une cohabitation de gens qui ont des droits et qui n'ont pas de droits, c'est juste une question tarifaire à cet égard-là, pour la tarification au passage de l'éducation privée secondaire, qui serait d'avoir des gens qui sont non subventionnés avec des gens subventionnés. On n'a qu'à regarder le parallèle dans les universités québécoises, on a des étudiants... On a trois tarifications au moins que je connaisse, moi, personnellement: une tarification pour les étudiants québécois, une tarification pour les étudiants canadiens hors Québec et une tarification pour les étudiants internationaux, qui sont trois tarifications. Et je pense que, dans les internationaux, il y a même différentes tarifications. Alors, ce n'est pas...
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas leur donner plus de droits, on ne leur donne pas d'admissibilité à l'école subventionnée ou à l'école publique anglaise, on leur permet juste... Parce qu'il faut regarder dans la vraie vie du bon Dieu, comme dirait ma grand-mère, quel est l'effet de la rédaction actuelle de votre projet de loi. Si c'est de nier, de fait, ce choix que les parents ont là, bien, à ce moment-là, si c'est l'effet concret que ça a, il faut le regarder d'un petit peu plus proche, et c'est ce qu'on dit, Mme la ministre. On vous dit: On vous suit dans les principes, il faut regarder les modalités. Et, à la lumière des interventions que j'ai pu voir, et lire, et entendre concernant des gens qui sont venus à la commission, ici, auparavant, on constate que, à cet égard-là, il manque pas mal d'information sur les données, sur véritablement ce qui se passe et quel est... Alors, il faut juste ne pas faire ça de façon impromptue, de façon improvisée et comme tant d'autres réformes que votre gouvernement a faites, Mme la ministre, et il faut regarder ça attentivement, parce qu'on parle de l'avenir de nos enfants et des enfants de nos concitoyens et de nos concitoyennes.
Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Blanchard. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Avant de passer la parole à mes collègues, M. le Président, j'aimerais faire deux commentaires. D'abord, je regrette que la ministre nous ait remis des données difficilement lisibles plutôt que de nous donner les données facilement lisibles qu'elle nous a fournies la semaine passée touchant les enfants qui ont fait le séjour à l'école anglaise privée non subventionnée et transférés par la suite à l'école publique anglaise.
n(11 heures)n Les données de la ministre étaient les suivantes: En 1995, ce qu'elle appelle une création de droits touchait 481 enfants; en 1996, 566; en 1999, 817; et, en 2001, 1 063. C'est ce que j'ai appelé une tendance, un groupe de statistiques de faible taille à croissance rapide, n'est-ce pas? Ça, ce sont des données qui sont très parlantes parce qu'elles nous disent que finalement... Disons, ce n'est pas L'Attaque des clones, là, pour reprendre l'expression de la Guerre des étoiles numéro II, n'est-ce pas? On passe de 481 à 1 063, on ne passe pas de 481 à 12 000. Donc, ça, j'aimerais bien qu'on ait ces statistiques-là, en particulier pour le bien-être de nos journalistes qui pourraient peut-être les diffuser, de sorte qu'on ait une représentation un peu plus précise de la situation. J'ai essayé de les retrouver dans le document fourni. Peut-être que ma formation statistique est insuffisante, mais enfin, pour l'instant, je les cherche toujours. Bon.
Deuxièmement, évidemment, M. le Président, je voudrais remercier M. Blanchard, Mme Blais et M. Leblanc de leur excellente présentation. Ce que je voudrais dire là-dessus, parce que c'est souvent un reproche que nous adresse le gouvernement, je me réjouis, après les avoir entendus, que nous nous soyons abstenus de présenter un mémoire à la commission Larose. J'ai toujours cru que ce n'était pas du tout, mais pas du tout le rôle de l'opposition officielle de se présenter devant une commission quitte à se faire, n'est-ce pas, attacher les mains par la commission en question compte tenu des représentations, alors que là nous avons toute autonomie d'évaluation d'un projet de loi. Et, donc, j'entendais le leader du gouvernement dernièrement, en Chambre, nous faire encore ce reproche, nous traitant de je ne sais trop quelle malice abstentionniste, n'est-ce pas, et je m'aperçois qu'on avait fait preuve d'un bon jugement. Et là on voit que le Parti libéral, aujourd'hui, présente une évaluation de ce projet de loi là devant la ministre, comme ça doit être fait, plutôt que d'aller le présenter devant une commission Larose qui, finalement, devait surtout recevoir, disons, les représentants du grand public plutôt que des formations politiques québécoises. Donc, je remercie M. Blanchard de son excellente présentation.
En ce qui me concerne, j'aurais peut-être des questions, mais je sais que mes collègues en ont aussi à faire. Alors, écoutez, je leur passe la parole.
Le Président (M. Beaumier): Bien. Alors, qui...
M. Laporte: Mais je vous répète que je veux avoir ces sacrées statistiques, n'est-ce pas, dont j'ai parlé tantôt, là, 481, 566, 817 et 1 063, puis je ne voudrais pas que ça soit noyé dans des documents administratifs du ministère de l'Éducation où, à toutes fins pratiques, il n'y a pas grand-chose à comprendre à moins qu'on ait, disons, une heure ou deux pour pouvoir les examiner attentivement, alors que ces statistiques-là étaient tellement transparentes, tellement utiles, tellement pertinentes. Et là, malheureusement, je ne sais pas qu'est-ce qu'il en est devenu, mais, en tout cas, elles ne sont pas dans ce document-là.
Le Président (M. Beaumier): Bien. Je sais que vous passez la parole, mais je ne sais pas à qui. Qui?
Une voix: ...
Le Président (M. Beaumier): Non, mais j'attends, moi.
Une voix: Je vais y aller.
Le Président (M. Beaumier): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup. Bienvenue, M. Blanchard et Mme Blais, M. Leblanc. Juste pour revenir, parce que l'élément du projet de loi qui me pose le plus grand problème, c'est les provisions sur l'article 81 et 85.1, et moi, je pense, dans le tableau que la ministre a livré ce matin, on voit encore plus clair c'est qui, ces enfants. De toute évidence, les enfants touchés par l'article 81 sont les familles anglaises au Québec. Leurs enfants sont allés à l'école, et le processus pour avoir une dérogation... Et la ministre parle d'un privilège, et je veux remettre ça dans la vraie vie de ces familles. C'est un enfant qui a fait deux ans d'échec, l'enfant doit être deux ans en retard. Alors, on parle d'un enfant de 12 ans qui est toujours dans la deuxième ou troisième année. Alors, imaginez le drame pour la famille. Est-ce qu'on peut... Au-delà des chiffres, les statistiques, et tout le reste, c'est un drame familial, et que l'enfant... On a une lettre du directeur de l'école, on a une lettre du psychologue, on a un lettre de beaucoup de personnes qui disent: Cet enfant aura une meilleure chance dans une école anglaise.
On voit les nombres, ici, sur 25 ans, sont très modestes. Et, dans l'économie de garder la famille ensemble pour ces familles qui sont largement des familles anglaises, les mettre dans l'école anglaise... Je ne partage l'opinion de mon président. Avec tout le respect, je pense que ses descendants peuvent aller à l'école anglaise aussi parce qu'ils font partie de la minorité anglophone au Québec dans la majeure partie selon vos chiffres. Alors, je ne comprends pas.
On peut parler de l'autre question sur l'école privée, mais la ligne qui touche 81 et 85.1 qui est dans le projet de loi, je ne l'accepte pas. Je veux juste mettre en évidence, parce que, en parlant d'un privilège, Mme la ministre, ce n'est pas un privilège, c'est la vraie vie pour ces familles qui sont des familles en difficulté. Ce sont des familles qui sont en crise.
Deuxièmement, juste un commentaire qu'est-ce que la ministre a dit. Comme président de la commission de l'administration publique, c'est bien beau de parler d'imputabilité, mais toutes les séances de ce mois-ci sont annulées de votre leader. Alors, c'est bien beau de parler qu'on a les moyens, comme parlementaires, de faire l'imputabilité, mais il faut donner aux parlementaires également le pouvoir d'exercer ce pouvoir d'imputabilité qui n'est pas toujours là.
Mais, juste pour revenir à M. Blanchard, juste sur la question de ces enfants en difficulté, est-ce que c'est quelque chose que... Vous avez dit que vous ne voulez pas prolonger ça aux descendants, est-ce que c'est quelque chose avec... On est toujours dans le régime de la Constitution canadienne. Si ces enfants ont passé l'ensemble de leurs années dans une école publique subventionnée, est-ce qu'ils ne sont pas couverts par l'article 23 de la Charte canadienne, c'est-à-dire qu'ils ont automatiquement le droit de transférer ça à leurs descendants?
M. Blanchard (Marc-André): Mais c'est une question... Et là, voyez-vous, c'est le danger de ne pas parler sans connaître tous les faits. Vous avez reçu, vous, les informations concernant les chiffres de 1981 à 1985, un, ce matin, de la part de la ministre, ce qu'on n'a pas pu bénéficier de notre côté. Moi, je vous dirais qu'à ce moment-là il y aura d'autres questions constitutionnelles qui vont se poser. Je suis d'accord avec vous que ces questions-là vont être soulevées.
Maintenant, sur une question d'argumentaire, il est bien évident qu'on ne peut pas faire le même argument de la question de l'unité familiale pour les descendants que pour les frères et soeurs dans une situation de crise et de détresse. Mon commentaire ? et je l'ai bien noté ? était un commentaire personnel. Quand la ministre m'a demandé: Est-ce que votre commentaire... Là-dessus, ce que je pense, c'est que l'argument qu'on faisait valoir pour les frères et soeurs ne se faisait pas pour les descendants.
Maintenant, évidemment que ça aura des conséquences avec l'article 23 sur, par exemple, les situations de fait et puis la question est-ce que ce sera à ce moment-là des anglophones, etc., puis des gens qui ont reçu la majeure partie... ou leur enseignement primaire, selon la Constitution canadienne, en anglais, à ce moment-là les règles devront s'appliquer, c'est bien évident.
Mais on parle d'un petit nombre de personnes. Alors, il faut bien mettre ça en... Il faut savoir de quoi on parle, Mme la Présidente, là, c'est un petit nombre de personnes. On ne parle pas de chambarder l'équilibre linguistique au Québec en faisant ça et en maintenant le statu quo à l'égard de ces trois articles-là, 81, 85, 85.1.
La Présidente (Mme Robert): M. le député de Jacques-Cartier, une autres question? Non? Alors, je passe la parole au député de Vaudreuil.
M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Blanchard, Mme Blais et M. Leblanc. Je voudrais aborder une question qui touche le processus par lequel des parents qui demandent un certificat d'admissibilité à l'enseignement en anglais et qui ne sont pas satisfaits de la décision qui est rendue par la personne désignée touchant l'émission de ce certificat d'admissibilité peuvent intervenir. Présentement, s'ils ne sont pas satisfaits, ils peuvent faire appel à un comité de révision dans la loi. Dans le projet de loi n° 104, la ministre propose d'éliminer ces comités de révision et demander aux parents, le cas échéant, d'aller devant le Tribunal administratif du Québec.
Vous proposez de maintenir à cet égard-là le processus des comités de révision. Dans votre mémoire, vous n'en avez pas parlé, vous n'avez pas eu le temps de l'aborder dans votre présentation. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous proposez de maintenir les dispositions actuelles de la loi à cet égard?
La Présidente (Mme Robert): M. Leblanc.
M. Blanchard (Marc-André): La question, c'est... Mme la Présidente, je m'appelle M. Blanchard.
La Présidente (Mme Robert): Oh, excusez. Excusez. M. Blanchard.
M. Blanchard (Marc-André): Non, ça va. Juste pour la clarification des notes sténographiques. Écoutez, là-dessus, on se demande un peu pourquoi la ministre cherche à enlever le droit de faire appel à un comité de révision et de judiciariser immédiatement le débat. C'est le même... Et, je suis avocat de formation et je gagne ma vie comme avocat, je n'ai parfois rien contre la judiciarisation, mais, dans un contexte comme celui-ci, le recours au TAQ comme premier recours que les parents auront suite à un refus m'apparaît prématuré parce que... Puis on parle... Encore là, il faut être humain, on parle de l'enseignement des enfants, l'éducation que les enfants recevront, etc. Là, les parents reçoivent ça, ils ont... Habituellement, ils sont pris dans des courts délais et ils sont pris dans des situations difficiles parfois, ils sont pris avec peu de moyens, ils ne sont pas représentés par avocat. Alors, enlever un recours administratif, purement administratif, d'une révision interne par... qui n'est pas judiciarisée, qui n'est pas devant le Tribunal administratif du Québec nous apparaît peu souhaitable.
n(11 h 10)n Et, a fortiori, sauf erreur, à moins que la ministre ait des informations à nous dire qu'elle ne nous a pas dites jusqu'à maintenant, mais le processus de révision fonctionne rapidement en ce moment, de manière transparente, sans lourdeur judiciaire, puis le tout dans le respect des individus, des familles et de leurs droits, alors pourquoi forcer les familles, de façon directe ou indirecte, là, à judiciariser leur demande, à faire recours peut-être dans plusieurs cas à un avocat, etc., pour une demande qui pourrait être faite de façon très simple, de façon administrative, devant un comité de révision, comme c'est fait actuellement?
Et aussi pourquoi... On se demande qu'est-ce qui peut bien inspirer la ministre de vouloir réduire les délais dans cette affaire-là. On est dans du droit, et ce que j'appelle humain, là. On n'est pas dans des affaires commerciales, on est dans une situation où la loi actuelle prévoit qu'une demande d'admissibilité au comité de révision, là, qui est donc en appel, la première décision, qui va suspendre l'application du délai de 60 jours pour en appeler au Tribunal administratif du Québec... Mais le projet de loi, lui, supprime cette disposition-là puis réduit le délai à 30 jours, ce qui est extrêmement court pour permettre aux parents qui, je le répète, la plupart du temps, ne seront pas représentés par avocat, de bien mesurer leur geste puis de savoir véritablement où ils s'en vont. Alors, correct dans un milieu commercial, dans un cadre commercial, puis tout ça, ou dans un cas où il n'y a pas de... c'est moins discrétionnaire, etc., où la preuve est moins difficile à faire, mais, dans un cas comme celui-ci, quand on parle de l'enseignement des enfants, l'admissibilité à un système d'enseignement, il me semble qu'il n'y a pas de justification de raccourcir de 60 à 30 jours, et il n'y a pas de justification d'enlever le recours au comité de révision, et il n'y a pas de justification pour judiciariser ce débat-là immédiatement.
Alors, nous proposons au gouvernement de maintenir les dispositions actuelles de même que les délais de révision administrative et d'appel auprès du Tribunal administratif du Québec.
Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Blanchard, les remarques que vous faites au sujet des organismes sont tout à fait pertinentes, mais je ne voudrais pas qu'elles passent inaperçues, là, parce que, d'une part, vous dites que le transfert de la fonction d'évaluation de situation linguistique à l'Office crée un conflit d'intérêts, mais il y a une énormité dans ce projet de loi là suite à la dénonciation d'Henri Dorion, là, c'est ce qu'il appelle le ravalement, la réduction et le sabordage de la Commission de toponymie, là. Il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Et vous le mentionnez dans votre texte, parce que vous le dites fort bien que d'abord on réduit... C'est ce que veut dire Henri, on réduit... Je l'appelle Henri parce qu'on a travaillé ensemble durant 10 ans, là. D'ailleurs, quand j'étais président de l'Office de la langue française, la Commission de toponymie relevait administrativement de chez nous, je n'aurais certainement pas osé faire un pareil affront au président Dorion, qui a une renommée internationale, en lui, comme il dit... en lui ravalant le mandat à la façon dont c'est ravalé dans ce projet-là.
D'ailleurs, ça va un peu plus loin que ce que j'ai cru relire ce matin dans le rapport Larose. Évidemment, M. Larose, ce n'est pas un spécialiste en toponymie, là, mais, dans ce cas-là, ça va très loin, donc... Et, ce n'est pas un fait mineur, Dorion le dit très clairement, c'est la réputation du Québec en matière de toponymie. Et, vous le dites très bien, non seulement, disons, ratatissent-ils le mandat à un mandat d'officialisation, alors que... Et d'autant plus qu'on va se retrouver devant des... Je le sais, écoutez, on va se retrouver devant un conseil d'administration de l'Office qui est tout de même composé de dilettantes, de gens qui ne seront pas des spécialistes et qui vont prendre des décisions sur des questions d'une haute spécialité.
Alors, ma question, c'est... Je trouve, vos commentaires sont très pertinents, mais est-ce que c'est vraiment... Avez-vous d'autres commentaires à faire là-dessus? Parce que c'est une grossière injustice et une mauvaise décision.
Le Président (M. Beaumier): Écoutez, il ne reste plus de temps, là, mais je vais vous laisser une minute pour terminer, M. Blanchard.
M. Blanchard (Marc-André): M. le Président, je vous remercie. Vous savez, quand je parlais d'improvisation de la part de la ministre tout à l'heure, je ne faisais qu'écho à la voix d'Henri Dorion, qui est une sommité internationale et qui, dans Le Devoir de la semaine dernière, disait que... qualifiait ce projet de loi de la ministre et qui... Concernant en particulier la Commission de toponymie, il dit: Ce projet... Il parlait d'improvisation et d'irresponsabilité. Il allait très loin dans sa critique. Et, quand je parlais d'improvisation, tantôt, et des dangers d'improvisation dans une matière aussi délicate, aussi essentielle à notre société que la Charte de la langue française, pour moi, c'est inacceptable, pour notre parti non plus. Et je vous dirais qu'à cet égard-là je pense qu'on devrait suivre ce qui nous a été dit par M. Dorion et de conserver l'autonomie décisionnelle de la Commission.
Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Blanchard, M. Leblanc, Mme Blais. Alors, j'inviterais à présent les représentants ? représentante et représentant ? du Parti québécois à se joindre à nous.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaumier): Alors, nous souhaitons la bienvenue à Mme Marie Malavoy, première vice-présidente du Parti québécois, et M. Daniel-Mercier Gouin, qui est conseiller à l'exécutif national. Alors, vous avez, madame, 15 minutes pour le message, puis ensuite des échanges, 30 minutes de part et d'autre, réparties également de part et d'autre. Alors, Mme la présidente... Mme la vice-présidente, première.
Parti québécois (PQ)
Mme Malavoy (Marie): M. le Président, merci et bonjour. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour aux députés à la fois du Parti québécois et du Parti libéral. Et merci de nous écouter un petit moment sur un sujet qui nous a occupés beaucoup, au Parti québécois, et qui est pour nous extrêmement important.
Je vais, avec l'aide de Daniel-Mercier Gouin, faire une présentation en cinq points. Nous n'avons pas rédigé de mémoire parce que nous avions un mémoire substantiel d'une centaine de pages pour la commission Larose, et c'est plutôt en conformité avec l'esprit de ce mémoire que nous allons réagir au projet de loi n° 104 ce matin.
Je vais commencer par parler d'une chose qui, quant à nous, nous convient tout à fait, c'est le resserrement concernant la fréquentation de l'école anglaise non subventionnée, enfin resserrement du droit que ça pourrait accorder de passer ensuite dans le réseau public des écoles anglaises. C'était une de nos recommandations au moment de notre mémoire. Ce qui nous importe là-dedans, c'est une question de principe. C'est-à-dire qu'il y a une loi au Québec qui prescrit que les enfants doivent aller à l'école française et, derrière cette loi, il y a une volonté très ferme que le français demeure langue d'instruction publique pour toutes les personnes, bien sûr, francophones et toutes les personnes qui arrivent de l'étranger et qui doivent apprendre notre langue.
Il y a un certain nombre d'exceptions qui sont prévues et qui le demeurent, et avec lesquelles nous sommes en accord. Nous n'avons rien contre l'idée, par exemple, qu'il y ait des considérations humanitaires. Ce qui nous dérangeait dans la formule actuelle, c'est que nous avions l'impression que certains droits pouvaient se glisser subtilement et s'appliquer à d'autres personnes que celles pour lesquelles une exception était prévue. Et, donc, nous, on est tout à fait à l'aise avec cet article-là du projet de loi n° 104, on pense que ça vient resserrer des choses et ça vient régler des lacunes qui étaient manifestes et qui, pour nous, étaient importantes.
n(11 h 20)n Je prends un autre sujet qui est important et sur lequel on a des choses également positives à dire, la question de l'administration publique, parce qu'on comprend d'après le projet de loi que le simple ajout d'un petit mot comme le mot «uniquement», par exemple, qui va dire que l'administration va utiliser le français, va communiquer uniquement en français auprès des personnes morales et des autres gouvernements, pour nous, c'est un très bon exemple à donner. Alors, comme quoi de temps en temps un mot ajouté peut resserrer vraiment une approche et montrer une volonté. La seule chose que nous aimerions, c'est qu'on balise bien les exceptions prévues, parce qu'on peut comprendre qu'il y ait nécessité d'avoir des exceptions. Bien sûr que ce ne serait pas balisé forcément dans la Charte, mais on aimerait que, quand on va commencer à dire au nom de quoi on peut avoir des exceptions sur l'utilisation, donc, du français par le gouvernement... On aimerait que ce soit bien précisé. Autre chose qui nous préoccupe, c'est la question de l'emploi de cette politique gouvernementale dans tout le réseau de l'administration publique. On sait que, d'après la Charte, ce qu'on appelle «administration publique» va couvrir non seulement le gouvernement, mais également les autres ministères, va couvrir les commissions scolaires, les services de santé, les services sociaux, etc. Mais il nous semble que, dans la politique elle-même, la politique d'application quant à l'emploi et la qualité de la langue, ça ne s'étend pas forcément à tous les organismes qui sont couverts par la définition d'administration publique. Et, si l'État québécois doit être exemplaire, nous souhaitons qu'il soit exemplaire dans toutes ses ramifications, dans tout ce qui est couvert par, donc, le concept d'administration publique.
Une chose dont nous nous réjouissons grandement... Et vous comprendrez particulièrement, parce que, Daniel et moi, nous sommes tous les deux professeurs dans des universités et nous savons donc à quel point c'est un sujet important dans l'enseignement supérieur, à la fois les cégeps et les universités, que d'avoir une politique relative à l'emploi et à la qualité de la langue. Qu'on demande, donc, aux établissements de fournir une telle politique nous semble extrêmement important. On a hâte de voir les résultats que ça va donner, et vous pouvez être sûrs qu'on va suivre ça sur nos campus respectifs pour voir les résultats de ces politiques.
Toujours dans la question de l'administration publique, un point peut-être secondaire au sens où il ne touche pas l'ensemble des gens, mais nous avions une recommandation qui était notre recommandation 40 et qui questionnait un élément qui était la présomption que quelqu'un qui a fait des études en anglais puisse avoir un permis attribué par un ordre professionnel, présumant que cette personne parlait correctement le français. Or, on se demandait dans notre mémoire, et on continue de se le demander, s'il n'y aurait pas lieu de vérifier si, effectivement, quelqu'un qui a fait ses études en anglais peut exercer, pratiquer certaines professions sans qu'on questionne autrement la qualité de la langue française pour cette personne. C'était notre recommandation 40 dans notre mémoire.
Je vais passer la parole à Daniel-Mercier Gouin pour parler de francisation des milieux de travail et ensuite des questions de structures concernant le projet de loi n° 104.
Le Président (M. Beaumier): Merci. M. Mercier Gouin.
M. Gouin (Daniel-Mercier): Bien. Alors, si tout ce qui concerne l'éducation est un facteur important ou un moyen important d'intégration et de généralisation de l'usage de la langue française, il en va autant, évidemment, pour la langue de travail et le marché du travail. Et, en ce sens, les mesures de revitalisation de la francisation des milieux de travail nous apparaissent fort pertinentes. Notamment, le projet de loi prévoit une composition paritaire des comités de francisation, ce qui ne peut qu'améliorer ce processus, justement, de francisation dans les entreprises.
Deux autres éléments qui font partie du projet de loi et qui nous réjouissent, ce sont le fait que les délais vont être raccourcis à six mois plutôt que 12 mois pour l'analyse de la situation linguistique d'une entreprise, et également le délai est raccourci de 12 mois à six mois pour l'élaboration du programme de francisation s'il y a lieu. Donc, on vient de couper de moitié les délais de la mise en oeuvre d'une politique de francisation dans une entreprise, ce qui donne beaucoup plus de crédibilité au processus et de contrainte ou, enfin, d'attente de résultats dans des délais raisonnables.
Nous soulignons cependant que... Dans notre mémoire déposé à la commission Larose, nous soulignons l'importance pour nous de baliser davantage la question des contrats, avantages et subventions qui peuvent être accordés à une entreprise. Alors, actuellement, cela fait partie d'une politique gouvernementale qui stipule que des contrats, avantages ou subventions peuvent être accordés à une entreprise que si elle ne répond aux exigences de la Charte de la langue française en matière de francisation. Nous souhaitons toujours que cette notion soit étendue à l'ensemble de l'administration publique, notamment aux municipalités, aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux, etc., et également que cette disposition ne fasse pas seulement partie d'une politique gouvernementale, mais qu'elle soit inscrite à la Charte de la langue française, comme elle l'était, en passant d'ailleurs, dans la loi 22 de 1974. Donc, c'est un élément que nous ne retrouvons pas formellement.
Autre élément de notre mémoire et toujours dans l'idée d'intégration et de généralisation d'usage de la langue française, c'est tout le domaine de la francisation des entreprises inférieures à 50 employés, et nous soutenons qu'il serait utile que le processus de francisation soit étendu de façon formelle aux entreprises de 26 à 49 employés. Évidemment, il s'agit d'un nombre d'entreprises non négligeable, autour de 7 000, et donc ce processus devrait se faire de façon ciblée et progressive. Mais il faut noter que ces entreprises, 26 à 49 employés, c'est non négligeable sur le territoire du Québec en termes, donc, de généralisation de l'usage du français comme langue de travail. Donc, ça nous paraît un aspect important.
Quant à la question des structures, nous sommes en accord avec l'idée de la création d'un Conseil supérieur de la langue française qui a un rôle de réflexion et d'avis, et ce rôle qui est distinct ou donc un organisme... Ce conseil qui est distinct de l'organisme qui doit appliquer la Charte de la langue française et, notons-le, d'un Conseil supérieur de la langue française qui dispose d'une certaine autonomie. Donc, c'est un aspect qui nous apparaît tout à fait souhaitable et intéressant.
En ce qui concerne les mandats de la Commission, l'actuelle Commission de protection de la langue française, nous constatons qu'ils sont maintenus tels quels, mais attribués à l'Office québécois, le nouvel Office qui sera créé. Ce qui compte pour nous davantage, ce n'est pas tant la structure, mais le fait que ces mandats sont maintenus et l'importance d'y accorder les moyens pour que l'Office puisse les réaliser adéquatement.
Nous notons aussi la création d'un comité de suivi de la situation linguistique, aspect tout à fait important, parce que le suivi de la situation linguistique au Québec est une préoccupation pour nous, mais pas juste pour nous, elle doit l'être pour l'ensemble de la société, et il est donc tout à fait important que ce suivi soit fait de façon régulière et rigoureuse. À une réserve près, il est mentionné dans le projet de loi que ce comité devra fait rapport à tous les cinq ans. Nous comprenons que les données de recensement sont disponibles à tous les cinq ans, mais il y a d'autres aspects du suivi, d'autres données qui peuvent être utilisées pour le suivi de la situation linguistique, et donc un délai de trois ans serait nettement plus acceptable étant donné l'importance qu'il faut accorder à cette question du suivi.
Finalement, dans les mandats de l'Office, donc, québécois de la langue française, nous croyons que ces mandats devraient inclure tout l'aspect de promotion de la langue française qui n'est pas inclus actuellement. Or, s'il y a un Office québécois de la langue française, il a aussi ce mandat ou l'importance de faire la promotion de l'usage et de la qualité de la langue française au Québec.
Mme Malavoy (Marie): Vous me permettrez de...
Le Président (M. Beaumier): En conclusion, bon, deux minutes.
n(11 h 30)nMme Malavoy (Marie): C'est ça. Et ça tombe bien, parce que c'est vraiment une conclusion, mais, comme il se doit, une conclusion qui élargit. Parce qu'on a fait une étude attentive du projet de loi, mais, en même temps, on a essayé de voir quelles étaient nos préoccupations dans le mémoire déposé à la Commission des états généraux sur la langue. Et, en fait, j'aimerais ajouter peut-être deux préoccupations en conclusion, sachant qu'elles ne concernent pas la Charte elle-même, mais elles concernent quand même ce dossier-là de très près.
Première préoccupation, c'est que nous avions un certain nombre de recommandations qui touchaient à d'autres secteurs et qui nécessitaient des actions concomitantes avec d'autres ministères, avec d'autres secteurs de la vie en société. Je prends, par exemple, tout le secteur de l'immigration. Nous avions un certain nombre de recommandations qui disaient, par exemple: Il faudrait qu'on augmente le volume d'immigrants francophones; il faudrait qu'on ait des cérémonies d'accueil qui marquent bien qu'ils arrivent en sol québécois, etc.
Bien sûr, ce n'est pas cette Charte-ci qui peut prescrire de telles choses. Mais on pense que, dans certains domaines, particulièrement dans le domaine de l'immigration, donc, dans le domaine de l'éducation aussi, il y a des actions à mener. En relation avec le ministère des Relations internationales, il y a des actions à mener. Nous parlions, entre autres, dans notre mémoire, de la nécessité de développer des alliances stratégiques avec d'autres pays francophones, parce que nous avons des enjeux communs, des défis communs par rapport à la langue française non seulement au Québec, mais ailleurs dans le monde. Alors, j'en profite pour parler de ça.
Et je termine avec un point qui est absolument crucial et essentiel, sur lequel, j'espère, il y a bien des gens qui insisteront, c'est la question des ressources. Nous pensons qu'il y a des choses excellentes dans le projet de loi n° 104 mais qu'il faut absolument que le gouvernement du Québec injecte des ressources humaines et financières nécessaires pour que l'on applique ce qui est ici. Parce que, sans les ressources, on peut avoir d'excellentes bonnes volontés, mais on n'arrivera pas, sur le terrain, à suivre vraiment ce qui se passe, et pas simplement suivre au sens de surveiller, mais suivre au sens d'aider, d'encadrer, de stimuler, d'offrir ces services pour que la langue française ? et c'est ce à quoi nous tenons beaucoup ? non seulement soit protégée, mais aussi qu'elle soit promue, qu'elle se développe au Québec comme ailleurs dans le monde. Je vous remercie.
Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme Malavoy. J'aimerais saluer, si vous me permettez, nos invités. Alors, bonjour à tout le monde. Mme la ministre.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. J'aurais apprécié de savoir l'origine de ce groupe d'invités, mais peut-être que quelqu'un nous le soufflera. Alors, merci, Mme Malavoy et M. Mercier Gouin, je vous remercie pour votre présentation, je crois qu'elle était claire autour de ces cinq points.
Je voudrais revenir sur un certain nombre d'éléments. Le premier, et vous allez me permettre, M. le Président, et nos invités qui sont présents ce matin me pardonneront peut-être d'utiliser comme prétexte une intervention qu'ils ont faite sur la question du suivi de la situation linguistique. Nous siégeons en cette commission, avec ces consultations particulières, depuis un certain nombre d'heures, et le député d'Outremont a fait plusieurs interventions sur le fait que le mandat de la situation linguistique, du suivi de la situation linguistique soit clairement campé dans le projet de loi n° 104 et qu'il soit attribué essentiellement à l'Office québécois de la langue française. Il s'en est beaucoup offusqué, et je crois que je voudrais saisir cette occasion pour clarifier la situation.
Et je vais prendre une image, je ne veux pas faire de raccourci, mais quand même il faut se comprendre, ce n'est certainement pas le Conseil supérieur de l'éducation qui a la responsabilité première de documenter les progrès et les éléments qu'on doit documenter quant aux interventions de notre système d'éducation auprès des enfants, au succès, aux éléments faibles du système scolaire, ce n'est certainement pas au Conseil supérieur de l'éducation qu'appartient cela, cette responsabilité. Ce n'est certainement pas au Conseil de la famille qu'appartient la responsabilité de réunir l'information, de documenter, de faire faire des travaux pour avoir une idée précise de l'évolution des enjeux sur la famille, cette responsabilité-là n'appartient pas au Conseil de la famille.
Mais, bien sûr, ces organismes-là par ailleurs peuvent réanalyser, réinterpréter des données et des informations, mais le poids et la responsabilité extrêmement importante de documenter, de mettre ensemble les indicateurs de manière rigoureuse et ordonnée, il y a des responsabilités publiques qui ne sont pas de l'ordre d'un conseil, que ce soit le Conseil supérieur de l'éducation, de la famille, le Conseil du statut de la femme ou nommez-les tous. Et moi, j'ai fait le tour de la description dans les lois, ces différentes lois qui créent ce type d'organisme, et aucun de ces conseils n'a à porter ce poids. Ces conseils ont à être critiques. Ils peuvent bien contester la méthodologie s'ils le veulent, ils ont à analyser, à mettre les projecteurs sur un certain nombre de données qui sont plus troublantes, mais la responsabilité de recueillir de manière rigoureuse et ordonnée ces informations, c'est une responsabilité publique qui n'est pas de l'ordre d'un comité qui doit donner des avis.
Et moi, je vous le dis, là, ça en est presque une question personnelle, je crois que nous avons et j'ai la responsabilité de poser des gestes pour que la question de la langue française ne soit pas gérée de manière anecdotique. Le fait français au Québec, le fait que nous ayons conservé la langue française au Québec, c'est un miracle, considérant notre situation. Nous sommes 2 % de la population en Amérique qui parlons le français, et c'est un miracle. Il faut garder cette situation-là vivante et, nous le savons, ça demande du courage et de la rigueur parce que les enjeux de maintenant quant à la préservation de la langue française sur le territoire québécois, ils sont difficiles, les pressions pour qu'on passe à autre chose, on le sait, hein, dans la vie de tous les jours, là, ce n'est pas simple. Dans beaucoup de milieux de travail, la langue commune, la langue où les gens se comprennent, c'est la langue anglaise, on doit le constater. Il ne s'agit pas de jeter le blâme, mais il faut être réaliste par rapport à ça, et je trouve que la plus belle chose qu'on peut donner aux Québécois, c'est un lieu où les meilleures expertises et les meilleures compétences sont présentes et nous aident à avoir un portrait juste de la réalité. Alors, j'aimerais ça, peut-être, vous entendre sur cet élément-là.
Et autre question que je vous pose, M. Mercier Gouin. Vous avez dit, au sujet de la francisation dans les petites entreprises, qu'il faudrait peut-être y aller de manière ciblée et progressive. C'est exactement le défi, et j'aimerais tout de même que vous preniez le risque de préciser comment nous pourrions intervenir de manière ciblée et progressive.
Le Président (M. Beaumier): Oui, M. Mercier Gouin.
M. Gouin (Daniel-Mercier): Alors, sur la question des rôles respectifs de l'Office et du Conseil, ce qui nous importe, c'est que le mandat soit clairement donné à un organisme de faire le suivi de la situation linguistique, que ce suivi soit fait par des experts reconnus dans le domaine, ce qui est aussi prévu dans le projet de loi, et, troisième niveau, nous l'avons déjà mentionné, qu'ils aient les moyens requis pour bien faire leur travail.
Quant au Conseil, le Conseil dispose tout de même, dans le projet de loi, de donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui soumet ? ça va ? mais aussi d'un mandat d'initiative. Et, si le Conseil, à la limite, n'est pas satisfait des travaux du Comité, il peut même effectuer ou faire effectuer les études et recherches qu'il juge nécessaires. Alors, pour nous, cette question-là, c'est que le mandat est clairement confié à un des organismes ? c'est ce qui nous importe, que le travail soit fait ? et, dans un deuxième temps, que les moyens soient donnés aux organismes pour effectivement pouvoir le faire. Donc, le rôle respectif de l'un et l'autre dans ce cadre-là nous semble approprié par rapport au projet qui est devant nous sur cette question.
Mme Malavoy (Marie): Je voudrais même dire qu'on a lu avec plaisir, à l'article 165.12 ? en fait, c'est l'article 29 du projet de loi n° 104 mais qui réfère à 165.12 ? ...où on parle, pour le Comité de suivi de la situation linguistique, d'au moins deux spécialistes en démographie ou en sociolinguistique. Et, pour le parti, c'est une des questions qui étaient cruciales d'avoir des gens qui ne sont pas des partisans d'une option ou de l'autre, mais d'abord des spécialistes qui, au nom de leur expertise, sont capables de non seulement cumuler des données et recueillir des données, mais aussi de les comprendre, de les analyser, d'en tirer vraiment les conclusions qui s'imposent. Et ça, de le voir écrit noir sur blanc qu'il y aurait de tels spécialistes, ça nous réjouit, parce qu'une de nos craintes, sinon, c'est que les données s'accumulent mais qu'il n'y ait personne d'assez alerte pour être capable de les étudier au fur et à mesure. Et nous, on aimerait d'ailleurs que les choses se fassent dans un temps relativement court. On pense que, en matière linguistique, un horizon de trois ans quelquefois suffit pour voir une tendance et suffit peut-être quelquefois pour dire: Attention! Il y a un phénomène et il vaut peut-être mieux ne pas attendre avant de prendre des mesures, par exemple, pour le contrecarrer.
n(11 h 40)n Sur la deuxième question...
M. Gouin (Daniel-Mercier): Sur la deuxième question de savoir où doit se faire le ciblage, si on peut dire, quels secteurs doivent être ciblés, écoutez, on avait examiné cette question dans notre mémoire et ce qu'on recommandait, c'est d'agir en priorité dans les régions où la situation peut être davantage problématique, c'est-à-dire Montréal, Outaouais et Estrie, donc de façon prioritaire dans ces régions-là; dans des secteurs d'activité où la francisation est possiblement moins avancée; et aussi dans des entreprises... ou dans des entreprises qui peuvent avoir un effet positif d'entraînement sur la francisation d'autres entreprises. Maintenant, on n'avait pas balisé davantage, mais en donnant des orientations en ce sens-là, qui nous semblaient donc pointer les régions et les secteurs d'activité où la situation peut être davantage problématique qu'ailleurs.
Mme Malavoy (Marie): Mais, quand on dit «secteur», on pourrait dire, par exemple, tout le secteur de l'automobile; c'est un secteur où on trouve qu'il y a des progrès à faire et puis on va cibler ça. Et, si on cible des entreprises intéressantes, bien, comme il y a souvent beaucoup de petites entreprises qui sont rattachées à ça, ça peut permettre de faire des progrès dans un secteur dans son entier.
Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député d'Iberville.
M. Bergeron: ...M. Gouin, bonjour. Je veux vous entendre sur la fusion et la réorganisation des organismes responsables. Le Mouvement national des Québécois est venu, la semaine dernière, nous dire leur inquiétude. Récemment, la CSN ? c'est la CSN, oui ? avec M. Laviolette, nous a dit encore son inquiétude. J'ai assisté récemment à une conférence de Michel Venne, celui qui a écrit Les porteurs de rêves, et qui était inquiet vis-à-vis ça. J'aimerais vous entendre là-dessus, qu'est-ce que vous pensez de la fusion et de la réorganisation de l'ensemble des organismes responsables.
Mme Malavoy (Marie): On peut y revenir certainement. Je dirais que, pour nous, ce qui était absolument essentiel, c'est que, dans le projet de loi, il y ait un conseil, qui s'appelle ici Conseil supérieur de la langue ? ça nous va, là, ça donne une image, je pense, positive de ce Conseil ? qu'il y ait un conseil qui a une autonomie par rapport au gouvernement et qui va pouvoir non seulement, à la demande du gouvernement, faire des études, mais aussi de sa propre initiative. Et ça, c'est quelque chose qui doit demeurer, parce que le fait que le Conseil ait une autonomie peut être garant de la liberté d'expression des membres de ce Conseil, totale et essentielle en cette matière.
Alors, ce que nous aurions vraiment rejeté, c'est une formule qui aurait uni sous un seul chapeau tous les organismes de la langue. Ça, pour nous, c'était contraire à notre approche, à notre volonté. Qu'il y ait donc un conseil qui, lui, garde cette autonomie et puis qu'il y ait un office qui contient, qui comprend un certain nombre de comités, chacun étant dans son créneau respectif, compte tenu des orientations de notre mémoire, ça nous semblait quelque chose de recevable dans la mesure où les mandats sont exercés. Et il faut qu'il y ait des mandats qui fassent que, sur le terrain, on aille voir ce qui se passe. Et il faut qu'il y ait des personnes, bien sûr, qui vont être capables de respecter ces mandats-là. C'est ça qui va être le plus important pour nous.
Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, ça va? Alors, M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Oui, M. le Président, je vous remercie de me passer la parole. Mais je voudrais commencer par réagir aux propos de la député de Bourget, n'est-ce pas, là, bon, sur la question du transfert de la fonction d'évaluation du Conseil ? appelons-le comme vous voulez, conseil supérieur, conseil inférieur, peu importe. Je vais vous donner un exemple. Et je suis assez étonné... Mme Malavoy, je vous salue en passant, parce que j'ai toujours plaisir à vous rencontrer; on a fait un heureux voyage ensemble, et je me demandais quand est-ce qu'ils nous accorderaient une autre mission, l'occasion d'en faire un autre, n'est-ce pas.
Donc, je vais donner un exemple, là, pour réagir à ce qu'a dit la députée de Bourget. Continuellement, depuis 10 ans, 15 ans, la question s'est posée de savoir si, en matière de francisation des entreprises, n'est-ce pas, le statut, l'utilisation et la qualité du français stagnent, reculent, avancent ou, comme les données du Secrétariat à la politique linguistique nous l'ont indiqué lors de la commission de la défense des crédits, si 1 % d'augmentation par année de la certification ou 2 %, c'est suffisant ou ce n'est pas suffisant.
Comment voulez-vous qu'un organisme, qui soit l'opérateur, n'est-ce pas, de l'intervention gouvernementale en matière de francisation des entreprises, puisse avoir le courage, le culot de dire à la ministre: Écoutez, en ce qui concerne la francisation des entreprises, malgré tous nos efforts, nous jugeons que ça stagne. Peter Drucker l'a très bien dit, un grand gourou de l'administration: «The priority of managers is the management of their careers.» Comment voulez-vous que des administrateurs de plus haut niveau en arrivent à pouvoir porter sur leurs opérations des jugements qui remettraient en question leurs efforts, leurs compétences et leur efficacité. Bon. Je ne peux pas comprendre ? et j'essaie de le faire avec le maximum, disons, d'efforts et d'objectivité ? pourquoi on a pris cette décision, que je juge inopportune, de transférer du Conseil de la langue française la fonction d'évaluation. Je ne parle pas de la fonction... je parle de la fonction d'évaluation de politique, pas de la fonction d'évaluation d'un programme, n'est-ce pas. Et, ça, je suis un peu étonné d'entendre la ministre revenir toujours sur la même rengaine là-dessus, là, et de trouver que le Conseil de la... le Parti québécois finalement, qui est une formation politique qui a au plus haut point le souci de la vitalité, de la promotion et de la défense du français, acquiescer à tout ça sous un bon système d'obéissance qui me paraît tout à fait caractéristique des formations politiques traditionnelles ou conventionnelles. Ça, c'est mon commentaire.
Mme Malavoy (Marie): Est-ce que vous voulez que je réagisse?
M. Laporte: Oui, vous pouvez réagir, mais je voudrais vous poser une autre question avant, parce que c'est tout à fait relié à ça. Je ne peux pas non plus comprendre que M. Mercier Gouin en vienne à nous faire l'éloge de la décision qui est prise dans ce projet de loi de raccourcir les délais d'analyse et de programmation. La réponse est très simple ? vous me répondrez aux deux questions en même temps: Je pense que, en faisant ça, le gouvernement prend le risque de produire ce que les sociologues appellent «l'effet classique de détournement d'objectif». On va se retrouver devant des administrateurs de programmes de francisation, tant dans les entreprises qu'à l'Office, dont l'objectif, qui est de produire un programme de qualité et un programme efficace... on va se retrouver devant des administrateurs qui vont se donner, en détournant l'objectif, de produire des programmes rapidement et pour rencontrer des délais comprimés.
C'est classique dans toutes les administrations. Les sociologues l'ont montré d'abondance. Lorsqu'on comprime le temps d'opération et lorsqu'on comprime, on augmente les contraintes d'opération, les gens... on déplace ce qui est l'objectif de faire des bons programmes vers l'objectif qui est de faire des programmes au plus tôt. Je ne comprends pas pourquoi cette loi générale de la sociologie des organisations ne vous rejoint pas. Elle est encore là. Vous acquiescez aux décisions de la ministre comme s'il s'agissait d'une autorité divine, n'est-ce pas. Donc, ça, ces deux questions.
J'en ai une autre. Je vais vous les poser toutes les trois en même temps. Comment se fait-il que vous ne réagissiez pas aux propos d'Henri Dorion touchant la Commission de toponymie? Mais c'est gros comme l'Himalaya. La ministre prend une décision qui va à l'encontre du jugement de la personne la plus experte et la plus qualifiée dans ce domaine non seulement au Québec, mais à l'échelle internationale. Et vous lisez, vous lisez sûrement Le Devoir comme moi, quoi, et vous lisez l'article d'Henri, et ça vous passe sur le dos comme sur le dos d'un canard. Eh bien, là, écoutez, je ne comprends pas. Je ne comprends pas.
n(11 h 50)n Et, en dernier lieu, je veux vous mentionner très candidement que je me serais attendu à ce que le Parti québécois, en plus de déposer un résumé de son mémoire pour le confort des journalistes, n'est-ce pas, nous dépose aussi un texte de sorte que nous, parlementaires, puissions lire avec, disons, assurance ce que vous venez de nous dire. D'autant plus que nous sommes chanceux de ne pas avoir de problème d'audition parce que nous n'avons pas de petits appareils pour vous entendre, et s'il fallait que nous en ayons, on ne saurait pas trop, trop ce que vous avez dit, n'est-ce pas. Donc, ça, ça me paraît être, à l'égard des parlementaires, une attitude que je retrouve, donc.
Mais j'ai trois questions, et c'est à ces questions-là que je veux que vous répondiez. Et ensuite de ça, si j'ai du temps, j'en aurai aussi une quatrième.
Le Président (M. Beaumier): Alors, Mme Malavoy.
Mme Malavoy (Marie): Bien. Mais, enfin, M. le député, il y a au moins une chose qui est certaine, c'est qu'on vous entend parfaitement quand vous vous exprimez. Ça se rend bien jusqu'ici.
M. Laporte: ...peut-être que vous avez des problèmes d'écoute, n'est-ce pas!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Malavoy (Marie): Mais je voulais d'ailleurs vous saluer, moi aussi. Là, on est rendu sur des considérations un peu d'une autre nature, mais je vais reprendre la première question.
Honnêtement, nous avons une perception plus positive, je crois, de ce qu'est notre fonction publique, et, dans mon esprit, enfin, j'espère représenter le Parti québécois en disant cela, la fonction publique n'est pas composée de gens qui pensent d'abord à leur carrière, je pense qu'elle est d'abord composée de gens qui pensent à servir l'État du Québec et les citoyens et les citoyennes qui y habitent. Et donc, que l'Office ait un certain nombre de fonctions, pour ce que je connais de la fonction publique que j'ai quand même côtoyée et que je côtoie encore dans bien des dossiers, je suis persuadée qu'ils sont capables de faire ce travail avec qualité, avec doigté, avec intelligence et avec bonne volonté.
Cela dit, même si à certains moments l'Office n'allait pas jusqu'au bout de ce qu'il pouvait faire, pour moi, le fait que le Conseil, dans son mandat... et je lis bien ce qui est indiqué à l'article 187: Le Conseil a pour mission, entre autres choses, de saisir le ministre de toute question qui, selon lui, appelle l'attention du gouvernement. Donc, s'il advenait que des études n'aient pas été faites suffisamment bien ou, encore, que les conclusions, suite à une cueillette de données, n'aient pas été suffisamment mises en évidence, le Conseil jouera son rôle et dira: Attention, il y a là des choses qu'il faut revoir plus en profondeur. C'est pourquoi je disais tout à l'heure: L'essentiel, pour nous, c'est qu'il y ait un conseil supérieur de la langue qui a sa pleine autonomie et qui puisse, au besoin, corriger le tir s'il advenait que l'Office ne fasse pas son travail tout à fait jusqu'au bout.
Sur la deuxième question, je vais laisser M. Mercier Gouin répondre.
M. Gouin (Daniel-Mercier): Alors, sur la question de la loi générale de la sociologie ou l'interprétation que vous en faites, qu'est-ce qui dit qu'un an, c'est suffisamment long, six mois, c'est suffisamment court, ou que deux ans ou cinq ans ne seraient pas nettement mieux?
Alors, dans la matière, il faut se poser la question: Quel est le mandat à réaliser? Et est-ce que six mois est un délai raisonnable, sachant aussi que, dans les lois générales du fonctionnement de la société, il n'y a rien de tel qu'une échéance pour arriver à un résultat?
Donc, sur cette base-là, il n'y a aucun argument qui permet de dire qu'un an, deux ans, cinq ans seraient préférables, mais six mois, dans un secteur où ça a une influence déterminante sur le processus de francisation, l'utilisation générale de la langue française au Québec, les deux délais de six mois, qui nous amènent tout de même à un an avant que soit mis en oeuvre quelque chose dans une entreprise, nous apparaissent largement suffisants pour faire un travail efficace.
Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: D'abord, M. le Président, je suis tout à fait étonné d'entendre Mme Malavoy nous dire publiquement qu'elle est d'avis. Écoutez, Étienne Balaz, dans ses études sur le mandarinat chinois, a bien montré qu'il ne s'agissait pas d'une bureaucratie céleste, que les mandarins chinois avaient des intérêts à défendre.
Vous êtes en train de nous dire que, dans l'administration publique du Québec, on est en présence de mandarins et d'une bureaucratie mandarinale, qui est une bureaucratie céleste, et que la loi de Peter Drucker sur la question de la priorité des managers ne s'applique pas à l'administration publique comme elle s'applique à n'importe quelle autre organisation. Ça m'étonne. Vous avez peut-être raison, mais, si vous avez raison, il va falloir écrire quelque chose là-dessus, parce que la fonction publique du Québec aurait des caractéristiques fort exceptionnelles. Ça, c'est ma réaction.
Quant à vous, monsieur, je vais vous dire que..
Le Président (M. Beaumier): Adressez-vous au président, ça me valorise, c'est parce que ça me valorise.
M. Laporte: M. le Président, franchement, la question de savoir si les délais de six mois ou d'un an sont choisis arbitrairement ou suffisants, je vous ferai remarquer là-dessus que mon jugement repose en bonne partie sur le niveau de complexité auquel la préparation des programmes de francisation fait de plus en plus appel, n'est-ce pas. Vous êtes en présence d'entreprises qui, contrairement aux entreprises qui avaient... que s'était représenté le Dr Laurin, n'est-ce pas, à l'époque où il pensait à tout ça, n'est-ce pas, sont devenues des entreprises qui font largement appel à l'impartition, à la sous-traitance.
Donc, l'analyse d'une situation linguistique, aujourd'hui, c'est beaucoup plus complexe que c'était en 1976. Et là, si on réduit les délais, je vous fais l'hypothèse, et je la fais... on la vérifiera, si vous voulez, dans l'avenir, que ça va induire un déplacement d'objectifs et que plutôt que de faire des bons programmes, on va faire des programmes, et le plus rapidement possible.
J'ai aussi une question, M. le Président, à leur poser en dernier lieu, ça concerne le commentaire de monsieur, que je n'ai pas compris, le commentaire de M. Mercier Gouin qui nous disait qu'il regrettait qu'il y ait une disposition ou un élément de la loi 22 qui ne fasse pas partie de la loi n° 104. Pourriez-vous préciser là-dessus? Parce que j'ai mal compris ou je n'ai pas compris ce que vous vouliez dire.
Le Président (M. Beaumier): M. Mercier Gouin.
M. Gouin (Daniel-Mercier): Oui, attendez, je le recherche. C'est la question... Je vais mettre la main dessus, excusez. La recommandation 25, oui. Alors que la règle sur le fait d'obtenir des contrats, avantages et autres subventions, actuellement, une entreprise doit posséder son certificat de francisation quand il s'agit du gouvernement du Québec. C'est inscrit dans une politique gouvernementale. Or, à l'origine, c'était comme tel, et donc, ce n'est pas inscrit dans la Charte, mais ce l'était dans la loi 22 de 1974 comme telle. Ce n'était pas dans une politique gouvernementale, mais dans la loi. C'est ça, la distinction.
M. Laporte: M. le Président, est-ce que M. Gouin sait qui a aboli cette disposition de la loi 22 dans le passage de la loi 22 à la loi 101? C'est M. Jacques Parizeau qui avait donc jugé que cette disposition aurait pour effet, je me rappelle très bien de ça, n'est-ce pas, aurait pour effet de complexifier dangereusement non seulement l'administration gouvernementale, mais l'administration de la francisation des entreprises.
Alors, à ce moment-là, vous êtes... moi, je vous fais juste un commentaire que vous pouvez avoir l'opinion que vous voulez, mais je vous rappelle que cette opinion-là avait été, à l'origine, contraire à la vôtre par l'un des grands gourous de la cause souverainiste au Québec, n'est-ce pas.
Mais je vous demande, M. le Président, de leur demander de m'expliquer leur absence, leur abstinence de réaction aux propos d'Henri Dorion. Vous trouvez que rapetisser, comme il le dit, Henri, rapetisser, saborder, ratatiner le statut de la Commission de toponymie à un niveau de comité interne à l'Office, c'est une chose qui devrait passer comme une lettre à la poste, ou vous avez des opinions là-dessus?
Le Président (M. Beaumier): Alors, il resterait, madame, il resterait 30 secondes malheureusement, puis ensuite...
Mme Malavoy (Marie): Ça me suffira.
Le Président (M. Beaumier): Et un deux minutes qu'il reste aussi du côté ministériel. D'accord? Alors, Mme Malavoy.
Mme Malavoy (Marie): Ça me suffira. Je veux simplement resituer notre rôle. Notre rôle, c'est de venir, sur la base d'un mémoire qui a été longuement élaboré par le Parti québécois, analyser cet article, ce projet de loi n° 104 qui modifie la Charte de la langue française. Notre rôle, ici, aujourd'hui, n'est pas de commenter des articles de journaux, notre rôle est de voir dans quelle mesure le projet déposé par la ministre va dans le sens des recommandations que nous avons soigneusement élaborées au Parti québécois et que nous avons présentées à la Commission des états généraux sur la langue.
Le Président (M. Beaumier): Merci. Mme la ministre, un dernier deux minutes.
n(12 heures)nMme Lemieux: M. le Président, je voudrais revenir, d'abord peut-être rappeler, parce que le député d'Outremont a fait un commentaire négatif sur le fait que les représentants du Parti québécois n'avaient pas un mémoire écrit. Écoutez, M. le Président, on ne peut pas dire aux gens: Vous avez le droit de vous présenter ici avec un mémoire écrit ou sans mémoire écrit et leur reprocher de ne pas avoir un mémoire écrit. C'est la règle du jeu. Si le propos avait été confus, ça nous aurait mis dans une situation embêtante; or, le propos n'a pas été confus de la part des représentants. Et je trouve qu'il faut être prudent dans ce genre de commentaires là. Les gens avaient le droit de se présenter de la manière dont ils le voulaient, et je n'ai pas fait de reproche à l'effet que les libéraux n'ont pas été présents aux états généraux. Alors, hein, on va rester dans la politesse pour tout le monde.
Je veux revenir sur les propos du député d'Outremont sur la question du suivi de la politique... du suivi non pas de la politique linguistique, mais de la situation linguistique. Il me semble que le député d'Outremont, qui a été d'ailleurs lui-même longtemps dans la fonction publique, devrait distinguer l'évaluation de programme ? ça, c'est une chose ? et l'exemple qu'il nous a donné: Est-ce que l'Office va lui-même évaluer si ses propres interventions en francisation sont pertinentes? C'est de l'évaluation de programme.
Une voix: ...
Mme Lemieux: Je voudrais terminer ma pensée. Ce que je dis, c'est qu'il faut que nous ayons, de manière ordonnée et méthodique et rigoureuse, un lieu où on puisse avoir les données analysées de la manière la plus rigoureuse possible: les données qui concernent le transfert linguistique, les fluctuations des groupes linguistiques, la langue d'usage public, le taux d'utilisation du français dans les milieux de travail, la fréquentation scolaire quant aux groupes linguistiques, quant aux niveaux d'enseignement. C'est de ça dont je parle. Et, vous savez, j'ai eu connaissance, dernièrement...
Le Président (M. Beaumier): Alors, il faudrait terminer, madame...
Mme Lemieux: ...je termine ? où le Conseil de la langue française a fait une recherche sur l'utilisation du français dans les sites Web, et l'Office en a fait également une, et les deux sont arrivés à des résultats opposés. Alors, je m'excuse, là, le plus grand service qu'on peut donner aux Québécois, c'est des outils pour savoir où en est réellement la situation du français au Québec.
Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, sur ce, je me dois de suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 15 h 17)
Le Président (M. Beaumier): La commission de la culture reprend ses travaux dans le but de compléter des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 104, Loi modifiant la Charte de la langue française.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Alors, nous avons l'honneur de recevoir représentantes et représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Alors, bonjour Mme Richard, qui êtes présidente. Peut-être, présenter les personnes qui vous accompagnent; ensuite, peut-être un message d'une quinzaine de minutes. Et, ensuite, il y aura 30 minutes d'échange de façon à peu près égale de chaque côté de cette table. Alors, Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, les personnes qui m'accompagnent: Christian Payeur, cadre à la Centrale à la vie professionnelle et au sociopolitique, et France Bernier, conseillère.
Alors, c'est un dossier important, et je tiens à souligner que le temps requis pour vous apporter notre point de vue a été très court. On aurait souhaité être en mesure d'élaborer un petit peu plus. On va aller donc à l'essentiel.
Adoptée et sanctionnée en août 1977, la Charte de la langue française a été appuyée avec enthousiasme de la part de la CEQ de l'époque, la CSQ de maintenant. Cette loi faisait du français, langue distincte de notre société, la seule langue officielle de l'État québécois et le bien commun national des Québécoises et Québécois de toutes origines par-delà, bien sûr, la légitime diversité de leur langue maternelle ou de leur langue d'usage privée. Nous adhérons toujours... tout en reconnaissant que certaines de ces dispositions ont besoin d'être reformulées à l'occasion, pour mieux correspondre aux objectifs visés et pour tenir compte de l'évolution des besoins et de la conjoncture.
L'interprétation donnée par les tribunaux à des dispositions constitutionnelles et les modifications législatives apportées au cours des ans ont fait subir à la Charte de la langue française d'importantes altérations. Une première brèche fut imposée au nom de l'article 133 de la Loi constitutionnelle et concernait la langue de la législation et de la justice. Une deuxième, bien sûr, en 1982, au moment où il y eut imposition illégitime d'une nouvelle Loi constitutionnelle dont l'article 23 venait désarticuler l'économie de notre politique relative à la langue d'enseignement. Et une troisième attaque importante, en 1993, lorsqu'on a adopté la loi 86 affectant à peu près tous les chapitres de la... langue française.
La CSQ a réclamé à diverses reprises la restauration de la Charte de la langue française, sinon dans sa formulation textuelle, du moins dans son esprit et sa rigueur originale. Le parti politique qui constituait l'opposition en 1993 s'était engagé à procéder, dès son retour au pouvoir, à une restauration qu'il considérait comme nécessaire.
n(15 h 20)n Nous considérons que le projet de loi n° 104 ne répond que très partiellement à cet objectif. Tout en soulignant ses aspects positifs, il importe d'en faire ressortir l'insuffisance à certains égards.
Dans son intervention de mars 2001 devant la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française, la CSQ a rappelé les obstacles que pose l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés à la mise en oeuvre de la politique québécoise sur les langues d'enseignement. Nous allons donc, dans un premier temps, traiter des questions relatives à la langue d'enseignement. Nous aborderons ensuite les modifications proposées aux autres chapitres de la Charte de la langue française.
Je suis en page 6, au point 1: La langue d'enseignement. L'intention première qui a présidé à la rédaction du chapitre de la loi 101 de 1977 sur la langue d'enseignement visait à ce que l'école française soit ouverte à tous les enfants d'âge scolaire sans distinction d'origine ou de langue maternelle, qu'elle devienne effectivement l'école commune des enfants québécois. L'article 6 proclamait le droit, pour toute personne admissible à de l'enseignement au Québec, de recevoir cet enseignement en français. L'article 72 établissait la règle générale: l'enseignement se donne en français...
La possibilité que certaines catégories d'élèves puissent, par dérogation à la règle générale, recevoir leur enseignement en anglais ne créait donc pas un ghetto scolaire pour les enfants de langue maternelle anglaise ou pour les enfants de la communauté anglophone. Il ne s'agissait que de permettre aux individus déjà engagés dans le réseau scolaire anglophone d'y poursuivre leurs études et aux familles ayant préalablement exercé leur droit à l'école anglaise de continuer, si elles le désirent, à y envoyer leurs enfants, étant bien entendu que le droit à l'école française existe aussi pour les enfants et les familles autorisées à déroger à la règle générale. C'est dans cet esprit que les critères de langue maternelle ou d'appartenance à une communauté linguistique n'ont pas été reconnus. Et c'est pourquoi l'accord des deux parents étaient requis... En cas de désaccord, bien sûr, c'est le choix de l'école française qui devait prévaloir.
Au fil des ans, plusieurs altérations au projet initial ont eu lieu. Pour les enfants en difficulté d'apprentissage et de séjour temporaire, élément qu'on retrouve à la page 7, nous avons critiqué à plusieurs reprises, notamment dans nos mémoires de mai 1993 et août 1996, les dispositions actuelles de l'article 81, qui confèrent un droit à l'enseignement en anglais aux élèves présentant des difficultés d'apprentissage, ce qui déformait l'intention originelle de la loi 101.
Nous aurions aimé que la responsabilité du ministère et du système scolaire d'évaluer la situation et la pertinence des mesures à prendre selon les circonstances soit maintenue explicitement. Mais nous sommes quand même satisfaits des modifications proposées visant à préciser que le passage à l'école anglaise ne peut s'appliquer que lorsqu'une telle mesure est requise pour favoriser l'apprentissage et à ne plus autoriser le passage à l'école anglaise des frères et soeurs d'élèves en difficulté, du seul fait qu'on leur applique cette mesure.
L'article 93 nous pose des problèmes un peu de même nature. Nous sommes d'accord pour que le ministre puisse autoriser les enfants des personnes en séjour temporaire à recevoir l'enseignement en anglais en tenant compte de circonstances qui le justifient. Mais nous sommes contre le fait, puisque nous le jugeons abusif, que ça devienne un droit. Le problème principal réside dans le fait qu'un séjour temporaire se transforme parfois en séjour permanent et que l'enseignement déjà reçu en anglais qualifie l'enfant concerné ainsi que ses frères et soeurs pour recevoir l'enseignement en anglais à titre de citoyens et pour transmettre conséquemment à leur descendance le droit ainsi acquis.
Le projet de loi n° 104 tente d'en réduire les effets les plus pernicieux au moyen d'un ajout à l'article 73. L'approche retenue par la ministre ne nous satisfait pas totalement, mais nous reconnaissons qu'il s'agit d'une amélioration intéressante.
Pour ce qui est du contournement par l'école privée non subventionnée de langue anglaise, le rapport Larose sur la situation et l'avenir du français au Québec fait état de la progression soutenue des inscriptions dans les écoles privées non subventionnées de langue anglaise au cours des dernières années. Dit-il: «Cette croissance tient principalement au fait que les parents y inscrivent leurs enfants pendant un, deux ou trois ans pour qu'ils passent ensuite à l'école publique anglaise, contournant ainsi le principe général de l'enseignement primaire, secondaire en français, tel qu'établi par la Charte de la langue française.» Sans doute est-il permis à quiconque d'inscrire ses enfants à une école privée anglophone non subventionnée.
Nous sommes d'accord, en page 9, avec l'intention manifestée par la modification proposée ayant pour objet de fermer la brèche du contournement par l'école privée non subventionnée, mais nous ne sommes pas certains de l'efficacité et de la sécurité juridiques de cette mesure. Toute la question pour nous est de savoir si les tribunaux accepteront qu'une loi provinciale puisse interpréter la Constitution canadienne.
Alors, pour nous, bien sûr, la nécessaire remise en cause de l'article 23. Il ne faut pas prendre à la légère l'immense capacité de nuisance de l'article 23 de la Charte canadienne face à l'application de la politique linguistique québécoise dans le monde de l'éducation et quant aux possibilités qu'il laisse au législateur québécois de colmater les brèches de sa législation antérieure. Il faut rappeler l'histoire... vous l'avez en page 10, je ne vous la lirai pas; vous en ferez votre lecture de chevet si vous en faites le choix.
On nous dira probablement que les chances de modifier l'article 23 sont minces. Une opération analogue a été menée sur l'article 93 de 1867 et réussie, quand on a parlé de l'école laïque au Québec, et on pense qu'il faut, si on veut sauver la substance de la Charte de la langue française, remettre en cause l'article 23. Ce qui est absolument certain par ailleurs, c'est que l'article 23 continuera de sévir à coup sûr si personne ne demande que le Québec en soit libéré. La CSQ s'engage à soutenir vigoureusement toute initiative transparente du gouvernement québécois à cet égard.
Vous avez parlé, Mme Lemieux, par un article de journal, jeudi dernier, qu'il n'était pas exclu le recours à la clause «nonobstant» pour soustraire de l'application de la Charte canadienne les dispositions de votre projet de loi relatives à la langue d'enseignement. On se demande un peu à quelle clause «nonobstant» on fait allusion et à quelles dispositions constitutionnelles on pense ainsi pouvoir échapper, puisque la Charte canadienne des droits et libertés permet à une Législature provinciale ou au Parlement fédéral de déroger à certaines de ces dispositions ? particulièrement articles 2, 7 et 15 ? mais elle ne prévoit nulle part qu'on puisse déroger à l'article 23. Aucune clause «nonobstant» n'est donc utilisable contre cet article. Nous n'avons d'autre choix que de réclamer sa non-application au Québec par modification constitutionnelle.
Autres problèmes au regard de la langue d'enseignement. Deux problèmes: celui d'abord du troisième alinéa de l'article 72. Interprété au pied de la lettre, ce texte autoriserait l'enseignement en anglais des diverses disciplines à l'école française pour favoriser un meilleur apprentissage de l'anglais. Nous n'aurions pas d'objection à ce que le troisième alinéa dise que le présent article n'empêche pas l'enseignement en anglais de la langue anglaise et de la littérature anglaise afin d'en favoriser l'apprentissage, mais la formule actuelle du paragraphe ne précise pas quelles disciplines il serait permis d'enseigner en anglais. Aucune limite n'étant indiquée, ce sont toutes les disciplines qui peuvent éventuellement être enseignées en anglais.
L'autre problème est celui de la prévalence du choix de l'école anglaise en cas de divergence entre les deux parents quant au choix de la langue d'enseignement. Bien sûr, on souhaitera que les parents s'entendent, mais dans le cas où il n'y a pas d'entente, nous estimons que c'est le français qui doit prévaloir. Il faut rétablir la règle voulant que ce soit à la demande des deux parents, quitte à ce qu'on indique que la demande peut être adressée par un seul parent, pourvu que l'autre ne s'y oppose pas.
Au niveau des autres chapitres de la loi: une place dans la loi pour les institutions d'enseignement supérieur. En haut de page 14: Nous sommes d'accord avec l'esprit général des dispositions introduites à ce chapitre nouveau de la loi. Mais, puisqu'il est question d'intégrer les cégeps et universités aux préoccupations de la loi, nous demandons au gouvernement d'aller plus loin et de voir, comme le recommande la commission Larose, à ce qu'ils soient inclus dans les organismes gouvernementaux au sens de l'annexe.
Quant au réaménagement des structures, proposer la fusion du Conseil de la langue française avec l'Office de la langue française pour des raisons d'économie et d'efficacité nous apparaît aussi incongru que de vouloir fusionner un conseil avec son ministère. Nous apprécions que le projet de loi veuille maintenir l'existence distincte et l'autonomie du Conseil de la langue française. Nous craignons cependant que la réduction de ses fonctions et prérogatives n'annonce une réduction de ses ressources humaines et financières, et, conséquemment, réduise son efficacité et l'étendue de son audience.
n(15 h 30)n Nous n'avons pas de position ferme sur la question de savoir s'il est vraiment utile de fusionner l'Office et la Commission de protection. Nous sommes d'avis cependant qu'il est important de maintenir la Commission de toponymie comme organisme distinct et autonome.
En conclusion, il nous semble enfin que les mesures imposant l'usage du français dans la vie publique ne sont démocratiquement justifiables que dans la mesure où l'apprentissage du français est vraiment assuré à tous. C'est pourquoi, avec l'appui maintenant de la commission Larose, nous réitérons une de nos demandes traditionnelles: que l'apprentissage du français soit établi au Québec comme un droit linguistique fondamental, condition de l'égalité entre les citoyennes et citoyens et de leur libre participation à tous les aspects de notre vie collective. Merci.
Le Président (M. Beaumier): Merci. Merci beaucoup, Mme Richard. Alors, nous procéderions aux échanges. Mme la ministre.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite à nouveau la bienvenue, Mme Richard. Je salue également les gens qui vous accompagnent: M. Payeur, Mme Bernier. Je vous remercie pour votre présentation et votre mémoire. Je sais que les délais quant aux réactions au projet de loi n° 104 peuvent sembler courts, mais je rappellerai et je l'ai rappelé à plusieurs intervenants que j'avais pris soin, à peu près trois mois après le dépôt du rapport communément appelé le rapport Larose, d'indiquer les orientations gouvernementales, c'est-à-dire dans quel sens irait le projet de loi n° 104. Alors, en ce sens-là, je ne crois pas que le projet de loi n° 104 comportait des surprises mais plus des éléments concrets qui permettaient de mettre en lumière et en valeur les orientations qui avaient été annoncées plusieurs mois auparavant.
Je voudrais... Bon. J'ai un certain nombre de questions, mais peut-être une première remarque, en fait deux remarques plus générales, et, après ça, on pourra avoir un échange. Bon. Vous revenez sur... C'est fou comme, des fois, des articles dans les journaux peuvent causer un tas de problèmes et comme lorsque... souvent les gens ne viennent pas à la source de l'information. Évidemment, comme on dit, ça part sur une lancée et c'est toujours très difficile à rattraper. Mais, voilà, ça, c'est une autre question, la gestion des médias.
Mais je veux simplement vous rappeler, sur vos remarques au sujet de l'article 23, que je suis parfaitement consciente des limites et des paramètres imposés par l'article 23. Vous utilisez d'ailleurs une expression assez délicieuse en parlant de la nuisance de l'article 23. Vous me permettrez de l'emprunter à certains moments, si ça ne vous déplaît pas.
Ce que je dis simplement... Parce que ce vous dites en gros, c'est la manière dont on a rédigé un certain nombre d'articles. Vous dites: Est-ce que ça va passer le test des tribunaux? C'est le choix du gouvernement d'y aller avec cette formulation et de défendre ce choix que nous avons fait. Nous le faisons, sachant que certains ont déjà annoncé qu'ils contesteraient certains de ces articles. C'est la vie. Je crois qu'il n'y a pas un seul article de la Charte de la langue française ? enfin, j'exagère à peine un peu ? qui n'ait été contesté devant les tribunaux. Et, s'il avait fallu hésiter au cas où parce qu'on n'était pas tout à fait rassuré et blindé quant à l'interprétation des tribunaux, je peux vous dire que la Charte de la langue française aurait été considérablement affaiblie. Alors, c'est le choix, sachant les limites dans lesquelles on exerce ce choix-là.
Deuxième remarque. Vous faites une remarque sur la question de la fonction de toponymie, la Commission de toponymie. C'est fou aussi comme, des fois, des mots peuvent prendre une importance un peu démesurée. Je rappellerai que d'aucune manière... et je mets au défi tous les spécialistes que vous voulez de trouver en quoi le projet de loi n° 104 diminue les pouvoirs du Québec en matière de gestion toponymique. Parce que la description de ces fonctions, elle est identique à ce qui existait déjà. Et tout le monde le sait, vous le dites, il y avait déjà une certaine intégration de ces fonctions au sein de l'Office de la langue française. Je rappellerai également que le Québec consacre plus de ressources que toute autre province canadienne à sa mission toponymique, et d'aucune manière ce projet de loi laisse entrevoir une diminution de l'effort qui est consacré à cette fonction de toponymie. Alors, là, je le sais, là, qu'il y a comme un courant, là, qui est parti dans ce sens-là. J'en suis vraiment désolée, mais je tenais à préciser cela.
Maintenant, une question très, très pratique. Je veux bien comprendre, à la page 7. Votre titre est: 1.1 Difficultés d'apprentissage et séjour temporaire. Vous dites: «Nous aurions aimé que la responsabilité du ministre et du système scolaire d'évaluer la situation et la pertinence des mesures à prendre selon les circonstances soit maintenue explicitement.» Et là, vous ajoutez votre satisfaction quant à deux éléments. Mais je veux quand même comprendre ce voeu et je ne le comprends pas. Que veut-il dire, ce souhait?
Mme Richard (Monique): Parfait.
Le Président (M. Beaumier): Oui, M. Payeur?
M. Payeur (Christian): Oui, si vous me permettez, c'est de resserrer, c'est que le... il y a un recours obligé au ministre, jusqu'à maintenant, pour accorder, et, selon notre interprétation qu'on fait du projet de loi n° 104, ce recours ne serait plus, ne serait pas maintenu. Donc, mais c'est peut-être une mauvaise compréhension mais c'est notre compréhension. Ha, ha, ha! C'est pour ça qu'on trouvait que l'article actuel, il était affaibli par le projet de loi. C'est dans ce sens-là qu'on souhaiterait qu'il soit maintenu explicitement, que ce soit dit qu'il y a encore cette fonction, cette responsabilité du ministère d'accorder ou non cette autorisation.
Mme Lemieux: Alors, on pourra voir si on a des problèmes au niveau de la formulation. Mais c'est très, très, très clair, à mon esprit qu'il est toujours de la responsabilité du ministre d'accorder ou non ces demandes d'exception. Est-ce que ça... donc, c'était le sens de votre préoccupation.
Vous dites également, bon, au sujet du séjour... Non, je vais terminer sur cet aspect-là. Il y a eu beaucoup de discussions ici sur justement les exceptions autour des difficultés d'apprentissage. Bon. La loi actuellement dit, en gros, et je la résume dans des mots simples, qu'un enfant qui aurait des difficultés d'apprentissage pour lequel on reconnaîtrait le droit donc de fréquenter l'école anglaise à cause de ses difficultés d'apprentissage a donc la possibilité de transmettre, il est donc possible de transmettre ce droit-là également à ses frères et ses soeurs et à ses descendants.
Ce que nous disons dans le projet de loi n° 104, c'est que, oui, cette exception-là, elle demeure valable. C'est-à-dire qu'il peut y arriver des cas où des enfants, pour des motifs de difficultés d'apprentissage, auraient véritablement intérêt à être dans le réseau anglais. Nous reconnaissons que, cette exception, elle a de la valeur, elle est pertinente; ça, il n'y a pas de problème.
Ce que le projet de loi dit, c'est que cette difficulté d'apprentissage, elle est liée à une personne, et, honnêtement, de nos jours, c'est un peu difficile d'imaginer pourquoi cette exception-là pourrait s'étendre aux frères et soeurs et à la descendance.
Le débat qu'on a eu ici, et je fais ce débat très honnêtement... le député de Jacques-Cartier a porté cette préoccupation-là. Le débat qui a été fait, c'est sur le fait que peut-être qu'on fait une erreur, c'est-à-dire le fait de ne pas conserver la transmissibilité de ce droit aux frères et aux soeurs pour des enfants en difficultés d'apprentissage pourrait poser certains problèmes, l'argument étant un enfant en difficulté d'apprentissage ayant besoin d'avoir le support de ses frères et ses soeurs, etc. Je ne banalise pas ces arguments, mais je crois que vous les saisissez bien, c'est inutile que je les décrive.
En même temps, je suis bien consciente que dans la vie de tous les jours il y a bien des Québécois et des Québécoises qui ont des enfants éparpillés dans bien des écoles, puis à la garderie, puis il y en a au primaire, puis au secondaire, puis il y en a qui, pour toutes sortes de raisons, n'aiment pas leur école, ont changé d'école, ils ne sont plus dans la même école; c'est la vie de bien, bien, bien des gens, ça. Et, si, à un moment, on a eu une conception que c'était une condition de succès à de bons résultats scolaires le fait de laisser ensemble les enfants dans une bonne école, peut-être que 20 ans plus tard on est un peu ailleurs parce que, dans le fond, ces conditions-là ne sont pas réunies pour grand monde, finalement.
Alors, vous venez du milieu de l'enseignement, et je ne veux pas... Je crois que le député de Jacques-Cartier va comprendre l'honnêteté de ma question, j'espère qu'il va l'interpréter de cette manière-là. Vous venez du milieu de l'enseignement. Comme législateurs, on doit prendre les meilleures décisions. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, le plus honnêtement possible, à partir de votre expertise.
Mme Richard (Monique): Bien, moi, je pense que, quand on fait le choix de permettre à un enfant pour ce qui est d'être en mesure de vivre correctement une démarche d'apprentissage, de faire son apprentissage dans la langue qui est la sienne, c'est un choix qui est correct, mais, en même temps, on fait le choix aussi de réunir les conditions pour cet apprentissage, et je pense que les conditions de cet apprentissage ne dépendent pas nécessairement des autres membres de sa famille, elles dépendent de l'environnement pédagogique, de l'encadrement qu'il a dans un milieu scolaire pour mener à terme sa démarche d'apprentissage.
n(15 h 40)n Bien sûr, je ne peux pas nier, moi, que, à un certain moment donné, le fait que les enfants d'une même famille se retrouvent ensemble dans le milieu, ça ne peut pas être intéressant. Mais, avec l'objectif d'une démarche d'apprentissage qui est rentabilisée au maximum, moi, je pense que c'est beaucoup plus des conditions liées à l'apprentissage qui sont importantes que des conditions liées à la vie de la famille, parce que ces relais peuvent se prendre autrement, à l'extérieur des horaires de l'école.
Et, dans ce sens-là, moi, je pense que... Il faut faire la balance entre les avantages et les inconvénients. Et, moi, je dis que, si on fait le choix au Québec de parler en français et de réunir les conditions pour que cette langue soit protégée, on fait aussi le choix de permettre aux enfants d'avoir accès à ces éléments fondamentaux de notre culture, de connaissance. Et, si, pour des raisons particulières, des enfants ne peuvent pas suivre cette démarche-là, considérons ces raisons particulières mais n'élargissons par une règle qui n'a pas lieu d'être élargie parce qu'on utilise des arguments qui peuvent jouer un certain rôle mais qui ne sont pas suffisants pour amener l'enfant et le reste de la famille dans une démarche contraire à l'objectif principal que nous avons. C'est la réussite de l'enfant et c'est l'apprentissage du français aussi pour tous et pour toutes. Alors, si, pour une raison, l'enfant continue en anglais, bien, réunissons les conditions d'encadrement et d'environnement nécessaires à cette démarche d'apprentissage.
Mme Lemieux: D'accord...
M. Payeur (Christian): Ça permet...
Le Président (M. Beaumier): Oui, M. Payeur. Allez-y.
M. Payeur (Christian): C'est qu'en matière de réussite scolaire on dit que, si on veut être efficaces, il faut bien cerner le problème auquel on s'attaque. Or, une de nos préoccupations, c'est de savoir: Est-ce que le jeune apprend mal ou a des difficultés parce que c'est en français ou parce qu'il a d'autres problèmes d'apprentissage? Et, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on disait qu'il faut bien identifier pourquoi on le transfère d'une école. Et, parfois, ce n'est peut-être pas la question de la langue d'enseignement qui est le problème mais d'autres sources de problèmes chez le jeune. Et, dans ce sens-là, peu importe l'endroit où il se retrouve, c'est la qualité de l'encadrement, le soutien qu'on lui accorde qui va faire la différence.
Mme Richard (Monique): Qui serait déterminant.
M. Payeur (Christian): Nous, on dit aussi: Il faut que le problème soit bien identifié. Est-ce que c'est la langue dans laquelle il apprend qui est le problème ou c'est autre chose? Disons, c'était en complément à ce que Mme Richard vient de souligner.
Mme Lemieux: D'accord. Autre question sur la question du séjour temporaire. D'abord, je préciserais que les gens qui sont dans un contexte de séjour temporaire et qui remplissent les conditions ? je ne veux pas reprendre non plus, là, chaque disposition de la loi ? mais qui remplissent un certain nombre de conditions peuvent avoir le droit à l'enseignement en l'anglais. Ça ne change pas, cette réalité-là.
Ce que vous dites tout de même, c'est l'approche... Vous dites, à la page 8, à la conclusion de cet élément-là: «L'approche retenue par la ministre ne nous satisfait pas totalement mais nous reconnaissons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction.» Qu'est-ce que j'aurais dû faire?
Mme Richard (Monique): Ha, ha, ha! Ça, c'est une bonne question. Tantôt, on se la posait. Ha, ha, ha! J'étais sûre qu'elle viendrait.
Bien, moi, je pense que... Il y a l'article 23, on y revient à l'article 23 qui stipule que tout citoyen canadien dont un enfant a reçu ou reçoit son enseignement primaire ou secondaire a le droit de s'inscrire. Bon. Alors, là, il y a une enfarge importante.
Quand vous me dites tout à l'heure: On est conscients que l'article 23, c'est une nuisance ? puis je vous permets d'utiliser ça tant que vous voudrez, ha, ha, ha! ? en même temps, vous dites: C'est possible qu'on soit contestés. Nous, on s'attendrait à ce que vous fassiez aussi le choix d'aller plus loin, c'est-à-dire de contester cet article-là.
C'est vrai que c'est difficile, c'est vrai que c'est long, on l'a vu avec l'article 93 pour la question de la laïcité, mais je pense que le gouvernement du Québec doit absolument prendre position à cet égard et cesser de vivre avec des limites quant à l'application des lois et des règles qu'on se donne ou des chartes qu'on se donne.
Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on dit: On se serait attendus à un peu plus. Non pas que ce qui est là ne peut pas permettre d'endiguer les choses, parce que je pense que vous avez un rôle d'intervention. Il y a aussi le fait que... il y a quand même un changement. Vous pouvez autoriser maintenant, c'est un droit. En tout cas, nous, à la lecture de ce qui est dans le projet de loi, on a l'impression que ça donne encore plus de prise quant à l'accès à l'école anglaise qu'il y en avait avant.
Mme Lemieux: Dans quel sens? Là, vous venez de vous avancer, là. Vous ne pouvez pas dire des choses comme ça sans les expliquer.
Le Président (M. Beaumier): Oui. M. Payeur.
M. Payeur (Christian): Mais la principale explication tient au fait que le terme «temporaire» n'est pas défini de façon assez claire au niveau... C'est quoi, une autorisation temporaire? Un cours primaire, ça dure six ans. Tu as renouvelé deux fois une autorisation de deux ans, on a déjà fait le cours primaire au complet, trois fois deux, six. Ça fait que la personne a fait son cours au primaire, donc comment l'empêcher d'aller au secondaire. Donc, comment on définit un séjour temporaire, à cet égard-là?
Et c'est peut-être le petit pas de plus que le projet de loi n° 104 aurait pu faire ou que la réglementation pourrait faire, mais c'est la notion même de «temporaire», là, qui nous apparaît un peu mal définie et élastique.
Mme Lemieux: Bon, une commission parlementaire permet quelquefois de répondre à ce genre de question-là, mais c'est une réglementation qui existe déjà, on n'a pas inventé un nouveau concept. Bon. Je ne la connais pas par coeur, vous ne me le reprocherez pas, mais c'est quand même un concept qui est déjà défini: des certificats doivent être émis par le ministère des Relations internationales, etc., mais ce n'est pas un nouveau mot qu'on a inventé. Alors, les critères, ils sont connus pour les gens qui se réclament d'être ici en séjour temporaire. Donc, ce n'est pas une nouvelle réalité qu'on introduit.
Le Président (M. Beaumier): Merci bien. Alors, M. le député d'Outremont, c'est à vous.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Mme Richard, M. Payeur, Mme Bernier, je suis très content de vous entendre. J'ai mes collègues qui voudront vous poser des questions sur des sujets de leur prédilection.
Moi, en ce qui me concerne, j'aimerais avoir des précisions sur ce que vous dites à la page 14, touchant le réaménagement des structures. En fait, vous dites essentiellement deux choses ? enfin, on pourrait dire trois parce que vous parlez aussi de la Commission de protection, et vous dites: «Nous apprécions que le projet de loi veuille maintenir l'existence distincte et l'autonomie du Conseil de la langue française. Nous craignons cependant que la réduction de ses fonctions et prérogatives n'annonce une réduction de ses ressources humaines et financières, ne réduise son efficacité et l'étendue de son audience.» Pourriez-vous préciser votre pensée là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Richard (Monique): Je vais laisser la parole à M. Payeur.
Le Président (M. Beaumier): M. Payeur.
M. Payeur (Christian): Bon, je pense que ce qui est assez clair, c'est que nous nous réjouissons que le Conseil soit maintenu de façon distincte. Je pense que ça, c'est un fait important. Les craintes viennent surtout du côté de la création d'un seul et même office québécois, et on ne voudrait pas qu'à la faveur de la création de cette fusion, que la question de cette fusion, ce soit prétexte à la réduction des ressources consenties au nouvel organisme, parce qu'on considérait déjà les difficultés qu'avaient les institutions déjà existantes à assurer leur mandat de maintien de la qualité et de promotion de la qualité et de normalisation de la langue française au Québec. Donc, c'est essentiellement au moment de la transition et de la création du nouvel organisme qu'on voudrait effectivement qu'on s'assure du maintien, au moins au même niveau qu'actuellement, des ressources consacrées à cet objectif-là.
M. Laporte: Des personnes, je pense, qui se sont présentées devant nous, et c'est évidemment mon opinion à moi, nous ont dit craindre que le transfert de la fonction d'évaluer la situation linguistique et non pas les programmes de francisation de l'Office, du transfert de cette fonction du Conseil au nouvel Office, là, pouvait avoir des conséquences néfastes qui résulteraient d'un conflit d'intérêts, l'opérateur devenant à la fois l'opérateur et l'évaluateur.
Ensuite de ça, évidemment, il y a d'autres aspects. Mais là, il faudrait rentrer dans la quincaillerie du fonctionnement d'un organisme d'évaluation. Là, il y a toute la complexité des données d'évaluation, de la liberté dont il faut être capable pour choisir quel genre d'approche il faut faire pour obtenir des données fiables sur la situation linguistique.
Est-ce que vous, vous partagez cette appréhension à l'effet que le transfert de fonctions entraînera peut-être ou entraînerait une baisse de la fiabilité des évaluations et de l'objectivité des évaluations qui sont faites par l'organisme, compte tenu de sa mission d'évaluer la situation linguistique?
n(15 h 50)n Et je termine en disant: Il m'apparaît essentiel que l'Office évalue ses programmes. Et, lorsqu'on parle de la situation linguistique, ce dont on parle, c'est de l'effet ultime des programmes de l'Office. Et, moi, j'ai toujours été d'avis que l'évaluation de ces effets et de ces impacts ultimes devait rester au Conseil de la langue française. Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Payeur (Christian): Écoutez, un, nous avons eu, en raison du court délai que nous avions, un peu de difficulté à saisir l'ampleur des changements qui étaient apportés, là. Parce que c'était souvent des «peut», des «doit», puis il aurait fallu avoir un peu plus de temps pour faire la juxtaposition entre le mot qu'on changeait puis qu'est-ce que ça changeait au sens général de l'article concerné, là.
M. Laporte: D'accord.
M. Payeur (Christian): Mais, une fois cette réserve faite, je vous dirais effectivement qu'on tient au maintien d'une fonction «conseil» dans son intégrité la plus grande au niveau du Conseil de la langue française, de façon à ce que, effectivement, son rôle d'aviseur, d'évaluateur indépendant de l'Office soit maintenu. Donc, si tel est le sens ? mais on ne l'avait pas vu aussi précisément que ça ? je pense qu'on est tout à fait favorables au maintien du rôle entier, et on pense que la fonction d'un conseil, c'est fondamental et que ça doit être protégé.
M. Laporte: D'accord. Donc, une autre question mais, cette fois-là, ça concerne la Commission de toponymie. La ministre vient de nous dire que, pour ce qui est de ses fonctions, la Commission de toponymie ne serait pas modifiée une fois qu'elle aura été rebaptisée. Évidemment, si c'est le cas, il faudrait regarder le projet avec beaucoup d'attention parce que ce n'est évidemment pas ce qu'a compris Henri Dorion dans son article au Devoir, dans lequel il s'offusque en fait d'un rétrécissement ou d'un ravalement des fonctions du Conseil. Il dit que le Conseil n'est pas seulement... c'est-à-dire la Commission de toponymie n'est pas seulement là pour officialiser des termes mais pour jouer des rôles additionnels à celui-là.
Mais, ici, il y a un problème réel, et je pense que... Je voudrais savoir si ça rejoint votre pensée, là. C'est qu'on peut regarder le changement du point de vue des fonctions mais on peut regarder le changement aussi du point de vue de la structure. Et ce que dit Henri Dorion, c'est que le fait d'abolir une structure et d'en créer une nouvelle qui serait un comité de toponymie, ça a un effet de baisse de prestige; je veux dire que la structure est aussi importante, là, pas seulement les fonctions de la structure, mais le nom qu'on donne à la structure. Et la configuration de la structure fait que cette structure-là s'inscrit mieux sur un marché mondial de toponymie où la Commission est déjà reconnue, puis ainsi de suite.
Est-ce que vous trouvez, vous... Est-ce que c'est ça que vous voulez dire à la page 10 où vous semblez aussi avoir des réserves ? et des réserves sérieuses ? sur le passage ou le transfert de la Commission de toponymie et le fait qu'on la rebaptise, n'est-ce pas, et qu'on la transfère à l'Office, à l'OQLF ? le nouvel Office québécois de la langue française? Est-ce que... Pour vous, la structure, c'est important, si j'ai bien compris votre point de vue, là.
M. Payeur (Christian): Bien, vous avez tout à fait bien compris notre point de vue. Je pense qu'on craint que l'espace, la marge de manoeuvre ou l'espace légitime actuel de la Commission soit restreint par ce changement de dénomination. Je pense qu'on peut avouer aussi que l'article de M. Dorion nous a quand même sensibilisés à cette question. Et on a essayé de regarder le projet de loi à la lumière de son point de vue puis on a effectivement trouvé qu'il y avait possiblement un risque de ce côté-là.
M. Laporte: Juste en terminant, il y a aussi un aspect de la question qui n'a jamais été soulevé jusqu'à maintenant mais que Henri Dorion soulève dans son papier, là: La Commission de toponymie, c'est un organisme qui doit porter des jugements d'opportunité sur des décisions toponymiques au regard de réalités multiculturelles. On sait de quoi on parle, là.
Et Henri Dorion dit: Écoutez, il est inopportun de demander à un organisme dont la mission fondamentale est celle de défendre et de promouvoir la langue française, n'est-ce pas, de prendre des décisions de toponymie où il faudrait à ce moment-là ? il emploie le mot «multiculturelles» ? il faudrait à ce moment-là retenir comme critère de décision le bien-être d'autres langues que le français, en particulier les langues autochtones.
Donc, il y a un défaut là-dedans, là, qui nous apparaît important, parce que la qualité de prise de décisions risque d'être diminuée non seulement par l'effet, disons, du changement des fonctions ? la ministre dit qu'elles ne sont pas changées ? non seulement par l'effet du changement de la structure, mais par le fait que les preneurs de décisions vont être dans un esprit de prise de décisions assez différent des preneurs de décisions de la Commission de toponymie actuelle. Vous comprenez mon point de vue, là. Êtes-vous d'accord avec ça?
Mme Richard (Monique): Bien, nous, ce qu'on disait là-dessus... écoutez, on n'est pas des spécialistes de la toponymie, là. Ce qu'on veut dire dans le message qui est là, c'est qu'on veut que la Commission de toponymie conserve son nom, sa structure, ses fonctions, c'est-à-dire la capacité d'être directement responsable de ses avis et des décisions, qu'elle ait la marge de manoeuvre nécessaire pour se prononcer, même si elle se retrouvait dans une nouvelle structure. Il faut que son caractère, la portée de ce qu'elle avait, ne soient pas entachés.
M. Laporte: Alors, vous n'êtes pas une spécialiste de la toponymie, mais il me semble que vous voyez les choses assez clairement, quoi. Je vous remercie.
Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Thank you very much, Mr. Chairman. As you know, I usually address this Commission in French, but I think I will do so in English for a moment just to express my disappointment that a Trade Union movement which represents thousands of English-speaking members would once again call into question the right of a million Quebeckers who speak English to use English in the National Assembly. And when I read on page 15 of the brief submitted by this Union that calls into question section 133 of the Constitution once again, I can only be profoundly disappointed.
The Trade Union movement in Québec has always defended minority rights; it is something that I think we can all be proud of. That this Assembly has functioned in two languages for 153 years, principally in French, primarily in French, I agree, Mr. Chairman, but I think there's a place for the English language in the National Assembly. It is something that is reflected in the preamble of the Charter of the French language. It is something I think reflects the generosity of Québec society; it is something I think we can all be proud of. So, I'm very disappointed to see it not reflected in a brief that is presented by one of the largest teachers' unions in Québec. Because I think the fact that the National Assembly can operate principally in French, primarily in French... but there is place for the English language, which is the language spoken by a million of our fellow citizens, it's something that all of us can be proud of.
Sur ça, M. le Président, je vais revenir sur le vif de la question, c'est-à-dire l'article 81, et je ne partage pas, de toute évidence, la conclusion de nos témoins, ici. Ils ont le droit de le faire. Moi, j'ai travaillé avec certaines de ces familles, qui sont les familles, selon les chiffres qui étaient déposés devant la Chambre aujourd'hui, dans une très grande proportion, les familles anglophones.
Donc, un enfant a déjà énormément de difficulté à l'école, il est deux ans en arrière; c'est ça qui est dans le règlement. Il a passé un test, des psychologues. Règle générale, les lettres de vos membres enseignants qui proposent de transférer l'enfant dans une école anglaise; il y a là les lettres du directeur d'école. Alors, c'est une famille qui a déjà fait face à une grande épreuve pour obtenir une dérogation selon 81.
n(16 heures)n Alors, ce n'est pas quelque chose qui est à la légère. Ça touche, bon an mal an, peut-être 180 enfants, et nous avons décidé, dans l'esprit original de la Charte de la langue française, de toujours garder les familles ensemble. Et, si, dans la mesure qu'un frère ou soeur cadet peut encadrer le garçon ou la fille qui a des difficultés à l'école peut simplifier la vie des familles québécoises ? et je pense que, des deux côtés de cette table, on est toujours pour faciliter la vie de nos familles québécoises ? d'avoir la possibilité, pour les frères et les soeurs, de continuer avec leur frère ou soeur qui a des difficultés graves... Ce n'est pas juste qu'il n'aime pas l'école, c'est beaucoup plus complexe que ça pour obtenir une dérogation selon 81. Ils sont très peu nombreux. Alors, je ne comprends pas la crainte, je ne comprends pas les objections de la CSQ quant à ça, parce que, moi, je pense que c'est dans l'esprit, ça fait appel à la générosité traditionnelle de la société québécoise de garder les familles ensemble. Et je suis très déçu, comme je dis, sur votre position sur 133, que, je pense, nous avons déjà réglé ça et le fait qu'on peut majoritairement... Vous avez juste à regarder les journaux des débats de l'Assemblée nationale, on fonctionne à 99 % en français tout le temps, mais, moi qui est une minorité, je pense, je conserve toujours le droit de participer dans les débats de l'Assemblée nationale du Québec de temps en temps en anglais. C'est enchâssé dans la constitution, nous sommes allés à la Cour suprême il y a 20 ans pour régler ça une fois pour toutes. Alors, de remettre ça encore en question, je ne peux qu'exprimer une très grande déception, frustration que, pour moi, les syndicats dans la société, entre autres un souci de défendre les minorités, et je ne comprends pas votre abandon de ce principe. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Ça va?
Mme Richard (Monique): Oui, je peux répondre?
Le Président (M. Beaumier): Oui, allez-y, Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Deux choses. Premièrement, sur la défense de nos membres en anglais, nous avons, à la Centrale, une politique qui respecte les principes de la loi 101 et qui donne accès à nos membres à des textes en anglais, à des discussions en anglais, alors je pense qu'on est capable de prendre la responsabilité de représenter et de défendre ces membres-là.
Deuxièmement, pour ce qui est de la question des jeunes, des enfants en difficulté dans nos établissements, je sais très bien, pour avoir enseigné pendant assez longtemps, que, quand les enseignants demandent des services complémentaires ou des services différents pour des enfants, c'est qu'ils font l'évaluation qu'ils en ont besoin, ils le font en fonction de l'enfant. Et, si on considère qu'un enfant qui est dans un milieu francophone, mais d'origine anglophone, donc sa langue est l'anglais... que cet enfant-là a besoin d'aller dans une école anglophone pour être en mesure d'avoir la meilleure démarche d'apprentissage réussie possible, ils vont faire ces recommandations et ils vont tout mettre en oeuvre pour que ça puisse se faire. Et je pense que, dans ce qui est proposé, ça pourra se faire.
Maintenant, cet enfant-là qui a des difficultés, vous dites, deux ans de retard pédagogique ou d'autres types de difficultés, déjà, dans sa démarche d'apprentissage, c'est un enfant qui a une démarche d'apprentissage personnalisée à ses problèmes, à ses difficultés, et moi, je pense que ce n'est pas de le garder avec les enfants de sa famille. Premièrement, est-ce que, parce qu'ils sont dans la même école, compte tenu des difficultés de la démarche particulière, ils seront appelés à se côtoyer? Il faudrait bien le démontrer.
Et, deuxièmement, je pense que la vie des enfants, elle repose sur la vie familiale, la vie des enfants ensemble, elle repose sur le temps donné à la vie familiale. On est à l'école pour apprendre dans de meilleures conditions possible, et réunissons à l'école les conditions d'encadrement, de support pédagogique, de ressources complémentaires nécessaires pour que cet enfant qui doit retourner dans une école anglophone, puisque c'est sa langue et que ça facilite cette démarche d'apprentissage, puisse avoir des résultats positifs et atteindre une certaine réussite dans sa démarche d'apprentissage. Et, ça ne dépend pas des autres membres de sa famille, ça dépend de comment socialement on est capable de l'appuyer et comment ensuite, à l'extérieur des heures de présence à l'école, la famille est capable de prendre le relais et de l'appuyer.
Alors, il ne faut pas faire des faux problèmes avec une situation familiale quand on constate qu'au Québec les situations familiales sont tellement diversifiées que, si nos jeunes, dans leur démarche d'apprentissage, étaient en situation de dépendance face aux enfants de la même famille, on en aurait pas mal ? passez-moi l'expression ? qui seraient poqués parce qu'ils seraient mal organisés dans leur milieu scolaire. Alors, misons sur les ressources, les moyens, la démarche d'apprentissage du jeune plutôt que de trouver des justifications à remettre à la famille, elle en a déjà à assumer à partir de 16 heures, à la fin de la journée.
Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme Richard, Mme Bernier et M. Payeur également. Alors, j'inviterais à présent l'Association des écoles privées du Québec à venir se joindre à nous à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaumier): Alors, bonjour, M. le président. Peut-être vous présenter, présenter les gens qui vous accompagnent puis prendre un 15 minutes pour un message, et ensuite des échanges avec les membres ici pour 30 minutes.
Association des écoles privées du Québec
M. Dowd (Geoffrey): Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, membres de la commission, mon nom est Geoff Dowd, et je suis le directeur de l'école Trafalgar School for Girls, à Montréal, et aussi le président de l'Association des écoles privées du Québec. Je suis en compagnie de la directrice exécutive de notre Association, Mme Elizabeth Therrien Scanlan...
Le Président (M. Beaumier): Bonjour, madame.
M. Dowd (Geoffrey): ... à ma droite, et d'un membre de notre comité consultatif et ancien élève d'une de nos écoles membres, Me Doug Mitchell.
Le Président (M. Beaumier): Bonjour.
M. Dowd (Geoffrey): Je demanderais à Me Mitchell, qui a pris part à la préparation de notre mémoire, de vous le présenter, après quoi, nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le Président (M. Beaumier): Bien. Alors, M. Scanlan.
M. Dowd (Geoffrey): M. Mitchell.
Le Président (M. Beaumier): M. Mitchell, pardon, oui. Alors, allez-y.
M. Mitchell (Douglas): Merci, M. le Président. J'aimerais commencer en remerciant la commission de nous avoir invité à témoigner et vous faire part de notre très grande préoccupation face au projet de loi n° 104 qui, selon nous, s'il est adopté dans sa formulation actuelle, pourrait avoir un effet très négatif sur nos écoles.
Nous estimons qu'il est possible de trouver un compromis qui permettrait au gouvernement d'atteindre ces objectifs qu'on avait formulés au départ concernant l'accès à l'éducation anglaise sans pour autant nuire à nos écoles. Nous espérons que notre discussion avec vous aujourd'hui incitera le gouvernement à trouver une solution qui est acceptable pour tous.
L'Association des écoles privées du Québec représente 25 écoles toutes à but non lucratif. Toutes nos écoles, sauf deux, offrent le programme de secondaire I à V, et la plupart reçoivent des subventions du gouvernement pour les élèves inscrits au secondaire. Douze de nos écoles offrent certaines ou toutes les années du primaire. À l'exception de Vanguard Québec School, qui a une mission particulière, aucune des écoles ne reçoit de subventions gouvernementales pour les élèves inscrits au primaire.
Le recrutement total dans nos écoles est de presque 9 000 élèves. En tant que telles, nos écoles comptent moins de 1 % de la population scolaire du Québec. Nous sommes une petite composante du système scolaire du Québec, mais nous croyons que notre contribution y est spéciale. Nous complétons le système public en offrant un milieu alternatif d'enseignement.
Il serait facile, mais inexact de décrire nos écoles comme élitistes. Les frais de scolarité, dans certaines d'entre elles, sont dispendieux, c'est vrai. Mais, dans d'autres écoles, ils s'élèvent à environ 3 000 $ par année. Ce n'est pas un investissement inabordable pour la plupart des familles de classe moyenne. Par conséquent, il ne s'agit pas, ici, tellement des moyens financiers d'une famille que de ses priorités pour ses enfants, et des besoins en éducation, et des aptitudes d'un enfant donné. Chacune de nos écoles a sa propre vision et mission. La Vanguard Québec School, par exemple, s'occupe surtout des enfants ayant des besoins spéciaux. Les écoles secondaires Bialik et Herzliah sont des écoles juives. La Alexandre Von Humboldt Schule est une école allemande. Certaine de nos écoles comptent un nombre important d'enfants particulièrement doués.
n(16 h 10)n Si chaque école a un profil distinct, elles ont tous un point en commun qui est leur engagement à préparer des diplômés qui parlent couramment le français. Pour bien illustrer l'étendue de cet engagement, il suffit de considérer des établissements tels que The Study, Lower Canada College, Miss Edgar's and Miss Cramp's School et Selwyn House où près de 50 % de l'enseignement au primaire se fait en français. Cet engagement à préparer des diplômés bilingues qui peuvent participer pleinement à la société québécoise en français n'est pas légalement exigé, nos écoles l'ont pris de leur plein gré.
Il résulte des efforts considérables consentis pas nos administrateurs, les enseignants, les parents et les élèves. Nous sommes fiers de nos réalisations et nous estimons que quiconque a pris part, au cours des 30 dernières années, à l'effort de préserver et d'améliorer le statut du français au Québec serait impressionné par la quantité et la qualité de l'enseignement du français dans nos écoles. Des efforts importants ont été consentis pour faire du français la langue commune des Québécois, et nous croyons fermement que nos écoles ont contribué à ces efforts en offrant aux élèves une véritable éducation bilingue.
Si la ministre et les membres de la présente commission visitaient nos écoles, ils comprendraient qu'il est inutile de modifier une option en éducation qui fonctionne bien. La plupart de nos élèves viennent de familles qui auraient le droit d'aller à l'école anglaise étant donné qu'un des parents a été éduqué en anglais au Canada. Comme nos écoles ne sont pas subventionnées au niveau primaire, on y trouve aussi des enfants de familles francophones ou immigrantes anglophones et allophones. Ces jeunes permettent à nos écoles de refléter la réelle diversité de la société québécoise, et la présence d'élèves francophones améliore l'apprentissage du français pour tous nos élèves. La grande majorité des enfants de familles francophones et immigrantes inscrits au primaire dans nos écoles y demeurent pour le niveau secondaire lorsqu'ils obtiennent un certificat d'admissibilité à l'éducation en anglais en conséquence de leur fréquentation de nos écoles primaires.
Jusqu'à la semaine dernière, nous n'avions aucune raison de croire que le gouvernement considérait cette situation comme un problème. Le débat public des politiciens, des médias et des activistes pour la défense de la langue a presque exclusivement porté sur la soi-disant brèche qui permet à une famille d'envoyer un enfant à l'école anglaise privée pendant un an pour l'inscrire ensuite à une école anglaise publique et ainsi gagner accès à l'éducation anglaise publique pour cet enfant et tous ses frères et soeurs. Cette situation a été qualifiée et décrite comme l'achat d'un droit.
Par conséquent, nous avons compris que le gouvernement désirait empêcher les familles de recourir à un bref passage dans les écoles anglaises privées pour avoir accès aux écoles anglaises publiques. Nous avons étudié la question et nous avons constaté qu'un très petit nombre de nos élèves quittent nos écoles pour le système public en se prévalant du soi-disant vide juridique ou brèche. Pour l'année scolaire 2000-2001, par exemple, nous avons conclu que ce nombre représentait de 10 à 15 élèves pour nos écoles. La grande majorité des élèves de nos écoles primaires poursuivent leurs études secondaires dans nos écoles.
Tout naturellement, nous n'avons pas pensé que nos écoles secondaires seraient touchées. Lors de nos rencontres avec les représentants du ministère de l'Éducation, nous avions été informés que les enfants inscrits dans nos écoles et qui y restent ne seraient pas touchés. Les médias ont manifestement tiré la même conclusion, et permettez-moi de vous citer quelques articles récents de la presse. Le 30 janvier 2002, dans Le Soleil, Brigitte Breton écrivait: «Il est connu depuis quelques années que des Québécois acquièrent ? pour ne pas dire achètent ? le droit d'inscrire leurs enfants à des écoles publiques anglophones en leur faisant fréquenter pendant quelques années une école anglaise privée non subventionnée.» Et les articles de la presse ont continué de se pencher sur la question du passage, après une brève fréquentation de l'école anglaise privée, à l'école anglaise publique, même après que la ministre a déposé son projet de loi. Le 7 mai 2002, Norman Delisle, de La Presse canadienne, écrivait: «Des parents qui voulaient envoyer leur enfant à l'école anglaise sans y avoir normalement le droit pouvaient, en effet, contourner la loi en inscrivant, pendant une courte période de temps ? par exemple, pendant un an ? leur enfant dans une école anglaise privée non subventionnée.» Je vous ferai grâce des deux prochaines citations à la page 5 de notre mémoire, mais vous comprendrez que les médias avaient la même impression que nous. Vous comprendrez donc notre consternation lorsque nous avons consulté le projet de loi et constaté que non seulement il comblait le vide juridique si couramment évoqué, mais qu'il pourrait aussi empêcher certains élèves fréquentant nos écoles pour la majeure partie de l'enseignement primaire d'avoir ainsi le droit d'y demeurer pour leurs études en secondaire.
Les parties peuvent s'exprimer en leur nom, mais nous sommes persuadés que certaines des personnes qui ont appuyé l'intention du gouvernement de colmater la brèche privé/public ? par exemple, le chef de l'opposition et les membres du comité éditorial du quotidien The Gazette ? n'auraient pas témoigné leur soutien s'ils avaient compris les répercussions de la modification proposée à la loi.
Notre surprise ne procède pas uniquement des déclarations du gouvernement et des reportages dans la presse, mais aussi du fait réaliste que les élèves ne fréquentent pas nos écoles pendant une année. Ce qui est plus important, c'est que cela englobe des élèves qui obtiennent un certificat d'admissibilité à l'enseignement en anglais en vertu de l'article 73, 2° de la Charte de la langue française. En fait, dans la plupart des cas, ils complètent les six années de leur scolarité au primaire dans nos écoles. Par conséquent, nos écoles ont respecté l'esprit et la lettre de la loi 101 depuis son adoption en 1977.
À ce moment-ci, il est peut-être utile de rappeler une prémisse fondamentale souvent oubliée de la Charte de la langue française qui dit que «l'Assemblée nationale entend poursuivre l'objectif de la loi 101 dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions ? comme les nôtres ? de la communauté québécoise d'expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l'apport précieux au développement du Québec».
Nous comprenons, du point de vue du gouvernement, qu'un problème a été soulevé en l'an 2000 lorsque l'honorable juge Danielle Grenier, de la Cour supérieure, a accueilli une requête en jugement déclaratoire et elle a déclaré l'article 73, 2° de la Charte de la langue française incompatible avec l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est cette décision dans l'affaire Solski qui a renversé la disposition concernant «la majeure partie» dans l'article 73, 2°.
Comme vous le savez sans doute, la semaine dernière, le 15 mai 2002, soit juste une semaine après le dépôt par la ministre du projet de loi n° 104, la Cour d'appel a rendu un jugement qui renversait cette même décision. La Cour a statué que les dispositions concernant «la majeure partie de l'enseignement primaire ou secondaire» de l'article 73, 2° étaient compatibles avec l'article 23 de la Charte canadienne.
Au paragraphe 55 de son jugement, la Cour d'appel commente la décision du tribunal inférieur comme suit: «L'interprétation donnée par la juge permettrait en effet un accès quasiment automatique à l'école anglaise au Québec aux enfants de la majorité francophone ou aux allophones qui feraient un court passage ? et je souligne cet aspect-là ? à l'école privée anglaise non subventionnée pour se rendre admissibles à l'école anglaise publique ou privée subventionnée.» Il nous semble que ce que la Cour reconnaissait comme irrégulier et qu'elle estimait que le gouvernement était libre de corriger était la possibilité qu'un bref passage à l'école privée anglaise non subventionnée donne accès à l'école anglaise publique ou subventionnée. Pourtant, selon nous, le projet de loi n° 104 va beaucoup plus loin en empêchant potentiellement certains enfants inscrits dans nos écoles pour toutes leurs études du niveau primaire d'y demeurer pour leurs études du niveau secondaire.
L'impact du projet de loi n° 104 serait imperceptible au chapitre de l'équilibre du recrutement des systèmes scolaires français et anglais mais aurait un impact très négatif sur nos écoles. Si nos écoles ne préparaient pas des diplômés bilingues ou s'il y avait une pléthore de nouvelles écoles privées anglaises qui étaient créées dans la province, le gouvernement pourrait avoir de bonnes raisons de s'inquiéter. Mais ce n'est pas le cas.
Nos écoles fournissent une mesure modeste, raisonnable et utile de flexibilité au sein du système scolaire du Québec qu'un petit nombre de familles immigrantes francophones, anglophones et allophones trouvent très intéressante. Nous savons que cet élément de flexibilité s'est révélé important, par exemple, dans la capacité des grandes entreprises du Québec à attirer à Montréal du personnel de direction de l'étranger. En tant que Québécois, nous avons été heureux d'apprendre, cette semaine, que 12 sociétés de commerce électronique s'installeront à Montréal. Nous sommes convaincus que l'éducation offerte dans nos écoles a été un des facteurs qui ont contribué à leur décision. Par conséquent, pour reprendre l'adage anglais, «if it ain't broken, don't fix it».n(16 h 20)n Le gouvernement a gagné son point en Cour d'appel. S'il donne suite aux modifications proposées de la loi, il suscitera inutilement l'incertitude ainsi qu'une inévitable contestation constitutionnelle. Nous préférerions que l'article 3 du projet de loi n° 104 soit supprimé, à défaut de quoi nous espérons à tout le moins qu'il soit reformulé pour énoncer explicitement que les enfants inscrits dans une école primaire privée auront le droit de fréquenter une école secondaire privée. Par ailleurs, nous aimerions souligner que les dispositions transitoires projetées pourraient forcer certains élèves inscrits dans nos écoles à les quitter. À tout le moins, les enfants inscrits dans nos écoles ainsi que leurs frères et soeurs ne devraient pas être obligés de les quitter.
Le Président (M. Beaumier): Oui. M. Mitchell, je m'excuse, est-ce que vous pourriez conclure, quitte à compléter après ça avec les échanges, là?
M. Mitchell (Douglas): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Beaumier): Oui. Je m'excuse, oui. Allez-y.
M. Mitchell (Douglas): Juste le dernier mot, on aimerait apporter notre appui à ceux qui manifestent la préoccupation des enfants handicapés. Moi, je suis parent d'un enfant intellectuellement handicapé, c'est un lourd fardeau. Je pense qu'imposer cette obligation aux parents, c'est déjà trop lourd, et j'appuie entièrement les paroles de M. Tabatchnikk qui en parlait dans la Gazette de la semaine dernière. À tantôt. Merci.
Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Mitchell. Alors, nous allons procéder aux échanges. Alors, Mme la ministre.
Mme Lemieux: Alors, merci, M. le Président. Alors, je vous salue messieurs dames, Mme Therrien Scanlan, et M. Mitchell pour votre présentation. Je vous dirais, d'entrée de jeu, que je suis très consciente que votre Association peut être bousculée par ce projet de loi. Je suis consciente de cela, mais je crois qu'au cours des prochaines minutes on essaiera de relativiser tout cela. Vous dites... D'abord, je voudrais vous rappeler que peut-être que tous ne s'entendent pas sur les modalités dans le détail de... les modalités, donc, visant à éviter d'ériger en système cette échappatoire. Il y a eu plusieurs intervenants à cette commission, là, je ne les compte plus, peut-être une vingtaine, et globalement je crois que ce qui en ressort, c'est que collectivement on a intérêt à régler cette échappatoire. Alors, à ce sujet, je vous dirais donc que vous êtes un peu à contre-courant bien que je convienne que les modalités, le comment, etc., il y a un certain nombre de débats encore à faire et de questions. Mais, sur le fond, sur le principe de régler cette échappatoire, il y a un certain consensus qui se dégage.
Vous dites: Nous voulons continuer d'offrir un milieu scolaire alternatif. Vous dites: «Nos écoles fournissent une mesure modeste, raisonnable et utile de flexibilité.» Est-ce que je dois vous répéter qu'il n'y a absolument rien qui vous interdit d'exister? Si jamais, un jour, il y a un débat sur ce type d'écoles là, on le fera ailleurs, mais je ne porte pas jugement sur ces écoles. D'abord, je n'ai pas toutes les connaissances pour le faire, et ce n'est pas de ma responsabilité. Mais il n'y a personne qui vous dit de mettre la clé dans la porte.
Vous dites: Nos écoles, d'ailleurs, ont été exemplaires dans l'esprit de l'application de la Charte de la langue française. Vous dites notamment, en gros, que votre système et les écoles, c'est-à-dire, qui sont membres de votre Association ont fait des efforts exemplaires pour enseigner le français, et c'est tant mieux. Je pense que ça faisait partie de nos obligations mutuelles, et les anglophones et les francophones, et l'inverse est aussi vrai. J'aimerais ça qu'on réussisse mieux de temps en temps. Mais, dans le système francophone, il y a aussi le défi d'enseigner correctement l'anglais à nos enfants. On est tous dans un même environnement nord-américain et nous avons ce défi commun à réaliser ensemble.
Vous dites assez rapidement dans votre mémoire, à la page 3: «La plupart de nos élèves viennent de familles qui auraient le droit d'aller à l'école anglaise étant donné qu'un des parents a été éduqué en anglais au Canada.» Alors, vous allez me trouver brutale, si c'est ça, votre réalité, si les gens, les jeunes, les enfants que vous accueillez ont le droit, tout simplement en vertu des dispositions actuelles de la loi... Et je vous ferai remarquer que la loi n° 104 ne remet pas en cause ces droits fondamentaux d'accès à l'école anglaise. Alors, si vous nous dites: De toute manière, la plupart des enfants qui sont chez nous auraient le droit et ont le droit de fréquenter une école anglaise, je vais vous poser la question crûment: Quel est le problème?
M. Mitchell (Douglas): Si je peux répondre à celui-là...
Le Président (M. Beaumier): ...
M. Mitchell (Douglas): ...Mme la ministre, selon nous, je crois que cette combinaison de francophones, allophones, avec les écoles anglophones, enrichit la communauté et enrichit l'éducation qui est offerte à nos écoles, et ça reflète la réelle diversité québécoise. Écoutez, moi, je suis un diplômé d'une école d'il y a 25 ans. Quand je retourne à ces écoles maintenant, ce n'est plus la même communauté. C'étaient des \îles(?) avant, elles ne le sont plus. Et je crois que ça améliore la qualité de l'éducation qui est offerte par les écoles.
Mme Lemieux: Mais, M. Mitchell, vous savez qu'il est venu devant cette commission des représentants de l'Institut Missisquoi qui ont fait une présentation très intéressante. Puis j'imagine que vous connaissez cette organisation, et ils nous ont fait la démonstration qu'un des facteurs qui expliquent la hausse de fréquentation, toutes proportions gardées, dans les écoles anglaises est le fait de la mixité des mariages, le fait qu'il y a de plus en plus de francophones, d'anglophones qui joignent leur vie, qui ont des enfants. Donc, par le fait même, le fait qu'il y ait un des deux parents anglophone fait en sorte... Si, évidemment, on a répondu aux exigences de la loi, mais fait en sorte que les enfants ont un droit à fréquenter une école anglaise.
Donc, il demeurera toujours des situations, des combinaisons variées dans vos écoles comme dans les écoles francophones privées, privées subventionnées, publiques ou comme dans les écoles anglophones publiques ou alors privées subventionnées. C'est le même cas. Cette composition-là variée, elle existe dans toute la société québécoise, et je ne vois pas en quoi ces changements feraient en sorte de changer cette dynamique-là. Parce que vous dites tout de même: La plupart des élèves auraient le droit d'aller à l'école anglaise. Alors, oui, il y a un nombre qui n'aurait plus ce droit-là, c'est vrai, puis, je peux convenir, ça a des effets sur les clientèles éventuelles de vos écoles. Je reconnais ça. Mais, globalement, il n'y a pas de catastrophe en vue, là.
M. Mitchell (Douglas): C'est peut-être... Quand on dit «quelques», ma compréhension, c'est que c'est vers 32 % des élèves dans nos écoles qui acquièrent leur certificat par l'article 73, 2°. Ça ne veut pas dire qu'ils n'auraient pas accès par d'autres moyens. Parce que l'article 73, 2°, c'est la façon la plus facile de l'obtenir, on obtient la majorité puis on a le droit. Mais c'est quand même une partie importante de la communauté de l'école.
(Consultation)
M. Mitchell (Douglas): Mme Scanlan voudrait compléter.
Le Président (M. Beaumier): Oui, Mme Scanlan. Allez-y, Mme Scanlan.
Mme Therrien Scanlan (Elizabeth): Je voudrais souligner que peut-être un des facteurs dans nos écoles... C'est que nous avons plusieurs écoles. Nous en avons effectivement huit écoles, qui vont de la prématernelle jusqu'au secondaire V. Alors, ce qui arrivera éventuellement, c'est que les enfants qui vont au primaire, où ce n'est pas subventionné, ne pourront pas continuer dans la même école, parce que, au niveau secondaire, la majorité de nos écoles sont subventionnées. Alors, nous voudrons souligner le fait que, encore une fois, ces enfants ne font pas passage d'un an, ce sont des familles qui ont choisi d'envoyer leurs enfants dans une école où ils croient que l'enfant peut rester pour le primaire et le secondaire et ne pas chercher une école différente au niveau secondaire.
Mme Lemieux: Je crois que vous avez... Je ne veux pas être brutale, mais vous avez une assez bonne interprétation. Effectivement, dans le futur, c'est le sens du projet de loi, les enfants qui seraient allés dans une école privée non subventionnée alors qu'ils ne répondaient pas aux critères d'admissibilité générale de la loi, on ne tiendra pas compte de ce passage dans une école privée non subventionnée pour, par la suite, obtenir un certificat et pouvoir fréquenter le réseau public ou le réseau privé subventionné.
n(16 h 30)n Votre interprétation, elle est juste, puis c'est pour ça que j'ai dit d'entrée de jeu: Je suis consciente que, pour certaines de vos écoles, ça bouscule les choses, parce qu'on intervient sur le cycle qu'il y avait dans ces écoles, où la clientèle de base était des enfants dans une école privée non subventionnée qui, après, était une clientèle potentielle ? je ne porte pas de jugement là-dessus, là, je le décris ? était une clientèle potentielle pour l'école privée subventionnée ou publique. C'est bien évident qu'on bouscule le cours des choses. Mais, très honnêtement, et c'est le sens, je crois, de plusieurs interventions ? et je veux être claire sans être brutale parce que je veux que les gens soient confortables lorsqu'ils décident de venir en commission parlementaire ? à un moment donné, l'achat d'un droit constitutionnel, là, ça ne fonctionne plus, et c'est ce problème éthique avec lequel nous sommes.
Je conviens que ce n'est peut-être pas à vous de le résoudre, que c'est peut-être difficile pour vous de vous positionner par rapport à ça parce que ça a des effets directs sur l'organisation de vos écoles, mais c'est le problème éthique auquel nous faisons face.
M. Mitchell (Douglas): Tout ce que nous vous disons, Mme la ministre, c'est que la préoccupation, qui est une préoccupation gouvernementale, ne se reflète pas, ne se révèle pas dans nos écoles. Pourtant, nos écoles sont prises, et tout ce qu'on vous invite à faire, c'est peut-être de réviser la situation, peut-être de trouver quelque chose qui adresse le problème, la brèche que vous avez identifiée, sans pour autant nuire à nos écoles.
Mme Lemieux: Vous savez, il y a un choix à faire. Effectivement, ça bouleverse des organisations somme toute modestes, ce ne sont pas des grandes organisations comme les vôtres. On a soupesé cette réalité-là avec une autre réalité, qui est le fait que le Québec est une société fort courageuse, fort complexe à gérer, qui a une réalité linguistique unique en Amérique. Nous sommes le seul coin de cette Amérique à parler en français, nous avons construit ce coin d'Amérique ensemble, et des francophones et des anglophones et des autochtones également, il y a eu des moments où il y a eu des tensions terribles entre les francophones et les anglophones. Tantôt, j'entendais mon collègue de Jacques-Cartier, qui est un député de l'Assemblée nationale que je respecte énormément... Il y a, vous le savez, dans la vie de tous les jours, beaucoup plus de respect et de tendresse entre les francophones et les anglophones dans le quotidien qu'on peut l'imaginer. Bien sûr, il y a des gens qui écrivent des papiers dithyrambiques dans nos médias respectifs, qu'ils soient francophones et anglophones, puis on a des porte-parole, des fois, colorés, très imaginatifs, mais dans la vie de tous les jours, là, tout le monde sait qu'en général on côtoie toutes sortes de monde dans notre vie, puis vous avez toutes sortes d'amis, puis moi aussi, et c'est ça, la situation du Québec.
Et le problème qu'on a, c'est qu'on doit gérer un intérêt particulier par rapport à un intérêt collectif, un intérêt supérieur, qui est de faire en sorte que nous puissions continuer de vivre en français au Québec. Et c'est ça, la gestion qu'on a à faire. Je sais que ce n'est pas votre problème, mais c'est celui de ceux et de celles qui sont des élus. Alors, on a donc à composer entre ces intérêts, des intérêts plus individuels face à des intérêts supérieurs et collectifs qui sont drôlement importants. J'espère que vous réalisez que, s'il y a 25 ans la Charte de la langue française n'avait pas été adoptée, même s'il y a eu des moments de grande tension autour de ça, on serait dans une situation catastrophique par rapport au fait français, et je dirais qu'on aurait nourri aussi les tensions entre les anglophones et les francophones, parce que la situation du français n'aurait pas été plus réconfortée et réconfortante. Et c'est parce qu'on a acquis une certaine solidité comme francophones qu'on est capables d'avoir des vraies relations, peu importe l'origine et la langue des personnes.
Alors, c'est mes convictions personnelles, et on doit trancher ce débat-là, et je comprends que ça vous cause des inconvénients. Voilà.
Le Président (M. Beaumier): Oui, Mme Scanlan.
Mme Therrien Scanlan (Elizabeth): Je voudrais seulement retourner au point qui a été déjà fait. C'est que le français, c'est important dans nos écoles, et alors pour dire que... C'est certain que la langue française, ce n'est pas une question... Je connais très bien la situation au Québec et je pense que nos écoles reflètent la situation. Préserver la langue française, c'est une priorité dans nos écoles.
Le deuxième point. Oui, on a un choix, mais il faut dire que, dans notre Association, par exemple, nous avons des écoles comme celle où j'étais directrice pendant 10 ans. C'est le collège Queen of Angels qui est situé à Dorval. Nous avons des écoles comme Loyola, comme Villa Maria où ce n'est pas les riches. Eh oui, nous avons un choix, mais le choix veut dire que les frais de scolarité vont être élevés et, dans ces écoles-là, vous allez avoir une élite: seulement ceux qui peuvent acheter leur éducation en anglais vont pouvoir le faire.
Le Président (M. Beaumier): Alors, merci. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Bienvenue. Bonjour. Écoutez, je suis un peu en... Je suis dans une situation que les psychologues appellent la dissonance cognitive.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Laporte: À la page 4 de votre mémoire, qui est excellent, vous dites: Par conséquent, nous avons compris que le gouvernement désirait empêcher les familles de recourir à un bref passage dans les écoles anglaises privées pour avoir accès aux écoles anglaises publiques. Nous avons étudié la question et avons constaté qu'un très petit nombre de nos élèves quittent nos écoles pour le système public en se prévalant du soi-disant vide juridique. Pour l'année scolaire 2000-2001, ce nombre représentait 10 à 15 élèves.
Dans les données qui sont fournies par le ministère, là, je commence à m'interroger sur la signification des données du ministère, ce sont des données sur le nombre de personnes admissibles à l'enseignement en anglais suivant les critères d'exemption et la langue maternelle selon l'année visée dans la demande depuis l'entrée en vigueur de la loi 101, depuis 1980. Là, on a des données depuis 1989, mais il y a eu une cumulation de faite. Les données sont à l'effet ? je ne veux pas examiner tout ça, là ? les données sont à l'effet qu'en 2001 il y aurait eu 1 063 enfants, et c'est là que ma dissonance cognitive se présente, là. Ce qu'on a interprété jusqu'à maintenant, c'est qu'on nous a dit jusqu'à maintenant qu'il y aurait 1 063 enfants qui auraient fait le transfert, c'est-à-dire qui se seraient prévalus du droit de passer à l'école publique subventionnée anglophone suite à un bref séjour dans l'école privée non subventionnée. Là, là, peut-être que la ministre va mobiliser ses experts, là. Mais, moi, je pense que les deux chiffres qui nous sont donnés ici, à la fois pour les enfants eux-mêmes et pour leurs frères et soeurs, de 568 et de 495, ce ne sont pas des chiffres sur les transferts, ce sont des chiffres sur les personnes admissibles qu'elles transfèrent ou qu'elles ne transfèrent pas. Vous comprenez ce que ça veut dire, là? Comprenez-vous mon point, là?
Ça veut dire que, vous autres, vous faites une évaluation de ce qu'on appelle, je pense, correctement, une création de droit par un comportement que, moi, je qualifie de détournement d'une intention législative, là. C'est-à-dire que, moi, je suis un parent, j'envoie mes enfants chez vous, ils passent trois semaines, trois mois, un an, puis, après ça, ils acquièrent la capacité d'aller à l'école anglaise. Vous, vous dites que c'est un tout petit nombre. Les données du ministère de l'Éducation nous disent que c'est 1 063 en 2001, et là je me dis: Coudon, le ministère de l'Éducation, il parle-tu de la même chose que vous? Il parle-tu des gens qui font des transferts ou s'il parle des gens qui pourraient en faire mais qui n'en font pas, parce que vous dites qu'il y en a très peu qui les font? Ce que vous dites, c'est que ces gens-là restent chez vous pour toute la durée de leur école primaire et qu'après ça, bien, là, ils s'en vont, disons, à l'école publique au secondaire. Vous dites que c'est tout à fait conforme à la disposition de 73 qui dit «la majeure partie de leurs études».
Donc, il y a quelque chose, dans les statistiques que vous nous fournissez et les statistiques qui sont fournies par la ministre, qui est une incongruité manifeste. On est-u en présence de 10 ou 15 élèves ou si on est en présence de 1 063 élèves? Ça fait toute la différence, là. Moi, je ne pense pas que 1 063 élèves, c'est un, disons... Enfin, mon opinion là-dessus, c'est que ça ne remettra pas en question les grands équilibres, là, mais, en tout cas, il reste qu'il y a un comportement ici sur lequel on peut porter un jugement de valeur, là. Mais est-ce que c'est 10 à 15 ou si c'est 1 063, là? Là, je vous avoue que je suis dans... Là, je suis dans la confusion. Alors, ce n'est certainement pas moi qui vais me déconfusionner. La ministre dispose de personnes beaucoup plus compétentes que moi en statistiques, mais j'aimerais savoir laquelle, de vous ou elle, a raison pour ce qui est de l'année 2000-2001, là, parce qu'on est en présence d'une différence qui est au-delà de 1 050 personnes. Vous voyez mon point de vue, là? C'est-u clair?
n(16 h 40)nM. Mitchell (Douglas): Je comprends fort bien, monsieur le membre...
M. Laporte: Vous ne parlez pas de la même chose.
M. Mitchell (Douglas): Nous ne pouvons pas commenter les chiffres du ministère de l'Éducation, évidemment. Tout ce que nous savons, c'est que nous avons fait la recherche parmi nos écoles membres, et voici le résultat qu'on obtient.
M. Laporte: C'est extraordinaire. Donc, ça, les écoles membres, c'est celles que vous énumérez dans votre document, là, les huit ou neuf écoles dont vous parlez? Les 25 écoles.
M. Mitchell (Douglas): Oui.
M. Laporte: Donc, ça fait 25 écoles en 2001, 2000-2001, il y aurait eu entre 10 et 15 transferts, si on veut, là, après un séjour bref.
M. Mitchell (Douglas): Après un séjour d'un an.
Mme Therrien Scanlan (Elizabeth): C'est exact.
M. Laporte: Vraiment, là, on n'est plus, comme on dit, on n'est plus dans la même échelle, là. Vous, vous dites que c'est entre 10 et 15, puis le ministère nous dit que c'est à 1 063. Alors là, j'aurais besoin d'aide, comme on dit, là, et c'est sûrement eux autres qui vont être capables de me la fournir, parce que je suis devant deux statistiques qui sont dans un état d'incongruité complète. Et ça, c'est très important parce que, du point de vue du jugement qu'on peut porter sur une tendance, eh bien, la tendance est pas mal différente selon que vous l'estimez, vous, ou selon qu'elle est estimée par la ministre. On est d'accord là-dessus, là.
Pour le reste, évidemment, à savoir si le système de l'éducation dont vous avez la responsabilité contribue à l'enrichissement, moi, je suis bien d'accord. Vous, vous êtes un bel exemple, M. Mitchell, d'une personne qui a fait ? d'ailleurs, vous nous le dites ? ses études dans ce système-là puis qui parle aussi bien français que moi, là, et ensuite de ça vous nous dites qu'il y a 50 % de l'enseignement primaire dans vos écoles qui se fait en français, c'est quasiment des écoles d'immersion, vos écoles, là, quoi. Puis vous dites que ça a des avantages du point de vue de la venue des parents de l'étranger qui sont en séjour temporaire au Québec, et ainsi de suite, là.
Donc, M. le Président, je vous le dis, écoutez, demandez à la ministre et à son staff de venir à mon aide, là. J'ai deux statistiques, puis je ne sais absolument pas comment faire pour les interpréter. Ils nous disent: Entre 10 et 15, puis madame nous dit: 1 063. Alors, qui croire, M. le Président, qui croire?
Le Président (M. Beaumier): La question est posée, mais pas nécessairement à moi.
M. Laporte: Mais utilisez votre autorité pour qu'on puisse nous éclairer.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Beaumier): Ce serait trop beau.
M. Laporte: Je ne veux pas retourner à Montréal dans la confusion.
Le Président (M. Beaumier): Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions?
M. Laporte: Ça va être une question sans réponse comme j'en ai déjà eu deux. Il y a droit d'en avoir une à l'Assemblée nationale. Écoutez, il y a quelque chose qui ne marche pas, là, à moins qu'un de mes collègues ait une compréhension des chiffres qui est supérieure à la mienne.
Le Président (M. Beaumier): Oui, M. le député de Vaudreuil, oui, allez-y.
M. Marcoux: Bien, M. le Président, évidemment, le tableau que nous avons, comme le mentionnait mon collègue député d'Outremont, ne concorde pas avec les données que vous nous fournissez, et il y a également, avec d'autres tableaux du ministère de l'Éducation, ce qui semble, en tout cas, à prime abord, certaines incongruités, des tableaux que nous avions obtenus. Et je pense qu'il serait important que la ministre à cet égard-là puisse nous instruire et clarifier. Lorsqu'on parle du nombre de personnes admissibles à l'enseignement en anglais, et suivant les critères d'exception, le tableau auquel faisait référence mon collègue, est-ce que le ministère de l'Éducation a des données, par exemple, pour nous dire: Les enfants qui n'étaient pas éligibles à un certificat d'admissibilité pour l'éducation en anglais, qui sont allés à l'école anglaise privée non subventionnée, combien y en a-t-il qui ont transféré au système public après un an? Combien y en a-t-il après deux ans? Combien y en a-t-il après six ans? C'est assez incompréhensible qu'on ne puisse pas avoir ces données-là. Les tableaux semblent diverger quant au nombre. Et je pense que ce serait important... Il y a beaucoup de questions qui se sont posées lors des discussions en commission parlementaire. Donc, est-ce que la ministre peut, peut-être, nous éclairer sur ça?
Mme Lemieux: M. le Président, je ne veux pas prendre... et je ne voudrais pas qu'on déborde non plus...
Le Président (M. Beaumier): De l'exercice qui est de...
Mme Lemieux: ...de l'exercice qu'on fait. Mais je veux redire que les gens, les enfants qui ont fait des séjours dans des écoles privées non subventionnées et qui... au terme de leur séjour, leurs parents déposent des demandes d'admissibilité dans le réseau, d'admissibilité à l'enseignement en anglais, ils sont, en 2001, 568 à avoir reçu ce certificat, et ça donnait accès également à leurs frères et soeurs, qui sont 495, c'est-à-dire 1 063. Maintenant, on ne les suit pas à la trace, là, on se comprend. Mais ces gens-là, il y a eu un séjour dans une école privée non subventionnée, ils ont fait une demande d'admissibilité dans le réseau d'enseignement anglais, une demande formelle, et c'est le nombre de certificats qui est émis. C'est ça, la réalité, et je ne veux pas aller au-delà de ça. Je ne veux pas me mettre à questionner nos invités sur leurs chiffres. Bon. On ne veut pas mettre les gens mal à l'aise non plus, là. Mais c'est ça, la réalité, là. C'est ça.
M. Laporte: La réalité, encore faudrait-il savoir, M. le Président, de quelle réalité on parle, là, parce que... Est-ce qu'on parle d'une demande d'accessibilité pour toute durée de séjour ou si on parle d'une demande d'accessibilité ou d'une fréquence de demande d'accessibilité pour une durée de séjour limitée? Un an ou moins, ou un an ou plus. Mon collègue le disait tantôt, peut-être qu'il faudra avoir des données sur un an, deux ans, trois ans, quatre ans, parce que là, comme on dit, ce n'est pas les chiffres qui manquent, c'est le sens des chiffres qui fait problème, là. Et le jugement qu'on peut porter entre 10 et 15 puis 1 063, ce n'est pas la même paire de manches, si vous me permettez, là. Vous, vous me dites... Nos invités nous disent que, eux, c'est vraiment un dénombrement suite à, disons, un examen énumératif: un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, 10, tu sais, là. Donc, je répète que je me retrouve dans une conscience malheureuse: j'ai deux séries, puis il n'y a aucune concordance.
Le Président (M. Beaumier): M. le député de Jacques-Cartier?
M. Marcoux: ...si vous permettez, simplement pour terminer là-dessus. Je n'ai pas participé à toutes les séances de la commission, là, mais d'autres tableaux du ministère avaient des chiffres différents lorsqu'on parlait... et même de ceux que nous avons ici.
Mme Lemieux: Bien là vous me direz lesquels, là.
M. Marcoux: Bien, ceux que, lorsque le tableau qui... Nombre de nouveaux inscrits dans les écoles anglaises non subventionnées du réseau privé qui ne détiennent pas de certificat d'admissibilité en enseignement en anglais et qui s'inscrivent par la suite dans une école anglaise du réseau public. Alors, je veux simplement vous dire que ça...
Le Président (M. Beaumier): J'ai quelque chose à suggérer. Pour la fin de nos travaux, j'aurais quelque chose à suggérer: de profiter de l'occasion que nous avons de recevoir l'Association des écoles privées et, quitte, après vous aurez bien des moments pour pouvoir clarifier les choses au besoin. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Oui, juste très brièvement. Bienvenue, MM. Dowd, Mitchell et, notamment, Mme Scanlan, parce que l'école Queen of Angels est bien située dans le comté de Jacques-Cartier. Alors, il faut toujours protéger les intérêts de... Et, je pense, je peux dire merci beaucoup, parce qu'il y a une nuance importante ? on va continuer notre débat sur les chiffres après. Mais, si je vois l'essentiel, il y a comme deux genres de transfert ici. Il y a un transfert du réseau privé vers le réseau public après un court passage, qui représente un nombre x, que, peut-être, dans le débat détaillé du projet de loi, on va déterminer. Mais il y a un autre groupe d'élèves qui, après avoir fait un passage au primaire, dans vos écoles, ont le droit de continuer à l'école secondaire privée. Alors, ça, c'est un transfert privé-privé qui est distinct d'un transfert privé-public. Qu'est-ce qu'on a vu dans les journaux, qu'est-ce que nous avons vu dans le débat public, qu'est-ce qui découle de la commission Larose, c'était vraiment le privé-public où on a vu vraiment un problème, c'est ça, où il y avait un certain cri d'alarme. Alors, je veux juste dire merci beaucoup pour cette nuance.
Et juste pour revenir, encore une fois, sur le chiffre, M. Mitchell: Combien de vos élèves profitent de leur séjour au primaire, environ, pour obtenir le droit de continuer au niveau secondaire? Parce que, je pense, ça explique en partie la confusion...
n(16 h 50)nM. Mitchell (Douglas): C'est peut-être le cas. Comme je vous ai dit, nos étudiants sont environ 9 000 étudiants au total ? on a évidemment fait un survol assez rapide sur les pourcentages, puis c'est difficile de mesurer ? mais notre compréhension, c'est que c'est environ entre 25 et 30 % des étudiants qui obtiennent un certificat de nos écoles, obtiennent un certificat en vertu de l'article 73, 2°. La grande, grande, grande majorité de ces étudiants restent dans nos écoles, ils ne vont pas au public. Donc, c'est notre compréhension du système.
Et j'aimerais quand même mentionner, encore une fois, ayant fait le passage pour mes enfants, que, si j'avais eu le choix d'inscrire mes enfants pour obtenir leur majorité d'éducation plutôt que d'aller rechercher mes bulletins d'études de primaire, etc., j'aurais choisi cette alternative aussi. Donc, le fait qu'il y a un nombre impressionnant d'enfants qui reçoivent leur certificat en vertu de l'article 73, 2° ne veut dire aucunement qu'ils ne sont pas autrement accessibles à l'enseignement en anglais.
Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, merci beaucoup, M. Dowd, Mme Scanlan et M. Mitchell. Et j'inviterais M. Larose, de la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française, à se joindre à nous, à notre table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaumier): Nous allons suspendre nos travaux pour trois minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 52)
(Reprise à 16 h 58)
Le Président (M. Beaumier): La commission reprend ses travaux avec la présence de M. Gérald Larose. Bonjour, M. Larose. Alors, vous connaissez tout aussi bien que nous les modalités. Alors, peut-être, un 15 minutes pour votre message et, puis, un 30 minutes de discussion et d'échange avec les membres de la commission. Alors, M. Larose.
Commission des états généraux sur
la situation et l'avenir de la langue française
M. Larose (Gérald): Merci bien, M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission. D'abord, je voudrais excuser l'absence du secrétaire de la Commission, Jean-Claude Corbeil, qui était notre encyclopédie, notre dictionnaire, notre mémoire et notre rédacteur et qui n'a pas pu s'ajuster aux horaires de la commission. Alors, j'ai le lourd fardeau de porter seul le dossier.
Alors, vous savez que la Commission des États généraux avait pour mandat notamment de faire le point sur la situation après 25 ans de politique linguistique, même plus que 25 ans, une trentaine d'années. Les constats faits par la Commission ? et je le dis très rapidement ? c'est de voir comment la langue française a eu une vie sociétale ou a une vie sociétale courte. On est à peu près assuré de parler en français comme société depuis 40 ans. Quand on dit un français sociétal, c'est le français des rapports publics, des rapports économiques, des rapports sociaux. Après avoir combattu la couronne, l'Acte d'Union, les orangistes, il a fallu se mettre à combattre le français canadien de 1969, 1982, 1988.
n(17 heures)n Et donc, le français a fait, je dirais, des gains spectaculaires, mais, encore là, on s'illusionne en croyant qu'on est dans une progression constante. Les gains ont été faits en 10 ans, grosso modo. Ensuite, on a rencontré rapidement un plateau. Et, depuis ce temps-là, je dirais, on surfe sur notre plateau avec tantôt des reculs, tantôt des avancées. Et, donc, certainement que, pour les nouveaux défis ? ce que des gens voient comme des menaces, la Commission trouve plutôt que c'est des nouveaux défis à relever ? oui, il faut changer des éléments du dispositif.
Les nouveaux défis, c'est de faire face à l'anglo-américanisme hégémonique de la mondialisation, c'est de faire face aux nouvelles technologies, faire face au brassage des populations. Et, pour relever ces défis, la Commission a identifié un certain nombre d'axes d'intervention. C'est sûr qu'il y a des axes d'ordre structurel, bon, qui ne sont pas retenus à ce jour, mais je suis convaincu que, comme société, il faudra y revenir. Je les rappelle par ailleurs. C'est que le français soit au Québec non seulement incontournable, mais avec un statut citoyen. Le français n'est pas optionnel au Québec, le français doit s'imposer à l'ensemble de la société, et donc il y a tout un travail à faire pour évacuer les ambiguïtés, les hésitations, les tentations de choisir entre le français et l'anglais.
Alors, la Commission avait proposé de solenniser le français, lui donner le rang le plus élevé au plan juridique, de le lier à un statut de citoyenneté dans cette société et de l'officialiser comme langue d'administration, mais de l'officialiser concrètement ? là-dessus, la loi a fait des avancées importantes que nous voulons saluer ? mais aussi que le français réoccupe tout son espace dans le travail, la consommation et dans les rapports sociaux. En fait, ce dont on parle, c'est d'une francisation deuxième vague. Les 10 ans de fébrilité ? puis je pense que le député Laporte a participé à cette fébrilité ? ont produit des effets majeurs. On pense qu'il nous faut une deuxième vague tout aussi fébrile pour relever les défis nouveaux que nous avons.
Qu'est-ce qui est proposé, c'est effectivement d'avoir une approche stratégique. Là-dessus, je souligne qu'à notre avis la loi est peut-être faible, quand on proposait, nous, d'avoir une approche sectorielle, c'est-à-dire au lieu de visualiser la stratégie à partir de chacune des boîtes, qu'on procède plutôt par secteur, et, à partir du secteur, on lit la réalité des boîtes. Je parle du français au travail. Par contre ? et la loi fait état de ça ? il y a quand même renforcement d'un certain nombre de dispositifs quant aux comités paritaires, quant aux ententes particulières.
Ce qu'on souhaitait aussi ? mais ça, peut-être que ça ne se concrétise pas dans une loi, mais la reformulation du dispositif, la fusion des organismes peut peut-être nous y conduire ? on souhaite que l'organisme soit un organisme proactif, un organisme qui se donne des plans, qui travaille avec des instruments, qu'il instrumente les secteurs et les entreprises, qu'il mobilise et qu'il sollicite les volontés de francisation pour se démarquer un peu d'une approche qui est, selon le jugement de la Commission, beaucoup trop attentiste. Et, surtout, de gestion d'information plutôt que d'être un organisme qui est constamment à l'offensive pour proposer des plans de francisation par secteur, par entreprise, etc. On pourra revenir sur ce débat si on le souhaite.
De même, on souhaite que nous ne travaillions pas seulement avec une législation linguistique, mais avec une véritable politique linguistique, c'est-à-dire des énoncés qui engagent l'ensemble des ministères. Nommément, nous avons identifié tout un travail à faire au ministère de l'Éducation. Effectivement, le ministère de l'Éducation a annoncé un certain nombre de mesures, aussi des politiques qui engagent des relations avec les citoyens, des politiques qui engagent aussi toute l'administration. Là-dessus, la loi n° 104 précise que dorénavant les rapports institutionnels et administratifs avec les personnes morales doivent se faire en français, bon, bref, que ce soit porté non seulement par les diverses fonctions ministérielles ou fonctions sectorielles, mais par l'ensemble de la politique gouvernementale. Comme je le disais tantôt, peut-être que ça se traduit mal dans une loi, mais sûrement qu'une réorganisation des organismes peut peut-être nous permettre d'accueillir et d'être des opérateurs d'une semblable politique.
La Commission proposait effectivement de réviser la composition des organismes, la loi n° 104 en fait état. En fait, ce que nous proposions, c'est qu'on ait un office qui se sente investi de la mission de francisation et qui soit capable de gérer l'ensemble des éléments stratégiques de cette francisation-là, y compris le soin de disposer des plaintes ou du mandat de la Commission. Par contre, là-dessus, je le précise tout de suite, nous, ce qu'on proposait, c'est que l'Office gère les plaintes pour les transformer, dans un premier temps, dans un mandat de médiation, de faire un travail pour qu'on trouve les ajustements, mais ensuite, s'il y a avortement ou échec de ce travail de médiation, on réfère au Procureur général ? ce n'est pas à l'Office de gérer cette dimension-là ? pour ne pas qu'on soit juge et partie. À mon avis, ce n'est pas clair qu'il en soit ainsi dans la loi n° 104, il faudrait voir si ça correspond à ça.
Un autre élément que nous suggérions, mais que la loi n° 104 dispose autrement, c'était concernant le Conseil. Nous proposions qu'on constitue un véritable observatoire qui mettrait en présence ou qui solliciterait la contribution des chercheurs déjà très actifs et présents dans plusieurs universités du Québec. On peut faire un débat là-dessus, la vision de la Commission, c'est que l'indépendance serait plus... enfin, mieux garantie dans ce cadre où on agglomère, on fédère un certain nombre de ressources déjà actives sur ces questions-là et appartenant à des institutions indépendantes que sont les universités. Et, donc, en les fédérant sur des mandats du Conseil, on pense qu'on se garantirait une plus grande marge de manoeuvre pour des observations continues sur la situation de la langue. Ça, c'est une différence qui existe entre notre proposition et celle de la loi n° 104.
Sur la question de la brèche, dont on vient juste de parler, je vous dirai que la Commission, pour elle, ce n'est pas du tout une question de nombre ? il y en aurait un, c'est déjà trop ? on pense qu'il est absolument inadmissible qu'une société comme la nôtre puisse permettre, à petit prix ou à gros prix, l'achat d'un droit constitutionnel. Défendre ça, il faudrait se mettre un sac brun sur la tête. C'est absolument incroyable qu'on puisse soutenir 30 secondes que des citoyens... Ça se fait pour des lords anglais, mais on pense que, pour la population en général, ça ne devrait pas être permis.
Bref, ce que la Commission souhaite, c'est que les messages quant au caractère français demeurent des messages très forts, que l'approche soit une approche mobilisante et que l'ensemble du dispositif carbure à l'instrumentation concrète, de telle sorte qu'on puisse reconnecter avec une deuxième phase de francisation. Je n'en dis pas plus, ça peut peut-être permettre d'ouvrir le débat sur et la loi n° 104 et le rapport, que vous connaissez sûrement assez bien.
n(17 h 10)nLe Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. Larose. Mme la ministre.
Mme Lemieux: Merci. D'abord, je veux vous remercier, M. Larose, d'avoir accepté de venir partager un certain moment avec cette commission parlementaire. Je crois que c'est très important d'avoir votre regard sur cette législation qui est proposée. Je sais, pour vous avoir rencontré personnellement et avoir rencontré en fin de parcours les membres de la Commission, que ce mandat qui a été accompli et par vous personnellement et les gens qui vous ont accompagné au cours de ces mois intenses... Ce mandat a été donc réalisé avec beaucoup de conviction, de rigueur, d'enthousiasme, et, en ce sens, donc, je crois que c'était très important, comme parlementaires, que nous puissions avoir votre regard.
Évidemment, il y a plusieurs aspects dont on pourrait discuter, je reviendrais sur la question des structures en vous disant... Bon, je dis souvent que, lorsqu'on est en politique, il faut essayer d'éviter d'étaler nos états d'âme, mais ça arrive, des moments qu'on a des états d'âme, et c'est assez difficile de les cacher, surtout pour une personne comme moi. Je dois dire que... Et vous savez que mon point de départ, c'était le point de départ de la Commission. Ce n'est pas une grande surprise. En décembre, j'avais clairement dit qu'on avait besoin de donner un coup de barre dans l'organisation du travail à faire quant à l'application de la loi 101 et dans l'organisation du travail à faire plus globalement quant à cette grande politique linguistique et ce grand objectif de non seulement préserver l'utilisation du français, mais de voir à la promotion du français en Amérique.
Alors, mon point de départ était le même que la Commission, et vous avez dû voir, comme moi, toutes sortes de débats qui se sont tenus dans des forums ? en fait, je ne crois pas que ça s'est tenu dans des lieux très nombreux, mais ça a été très présent dans les médias ? et que j'y ai entendu un certain nombre de remarques. Et je suis donc arrivée à cette solution qui n'était pas mon idéal. Ce n'est pas mon idéal, personnellement, cette solution d'avoir un organisme opérateur le plus fonctionnel possible et le mieux ? pour reprendre votre expression ? le mieux instrumenté et cette fonction conseil. Je sais que vous aviez cette idée d'observatoire, là, où dans le contexte actuel... Et j'en suis vraiment malheureuse de... Sans le prendre personnel, là, je suis un peu malheureuse qu'on ne puisse pas, à cause des tensions que ça génère, aller jusqu'au bout de cette idée-là, mais l'idée de l'observatoire, elle était intéressante. Mais si, à la fois, on avait l'Office, l'observatoire et le Conseil, à un moment donné ce n'est pas fonctionnel. Alors, c'est une idée que j'ai dû tasser, entre guillemets, parce que je savais pertinemment que, si on s'avançait sur l'idée de l'observatoire, l'idée d'un conseil restait et qu'on se retrouvait avec trois composantes pas agencées, donc guerre plus avancée sur la question de l'organisation.
En fait, je voudrais un peu vous entendre là-dessus. Et, je voudrais dire et je vais le redire, et le redire, et le redire, tant qu'à moi, la question de la réorganisation n'a aucune racine dans des motifs budgétaires. Il est arrivé, au Québec, que nous ayons décidé de fusionner des organismes dans le but de contrôler les coûts ou de réduire les coûts d'intervention dans un sujet ou dans un dossier, et c'était légitime. Et ça, à mon avis, c'est clair et ça doit être clair, d'aucune manière, j'ai cette proposition dans le projet de loi n° 104 de réorganisation des fonctions que nous devons déployer pour la sauvegarde du français, la promotion du français. D'aucune manière, ce le sont pour des motifs budgétaires et économiques. J'ai vraiment le souci, comme la Commission l'a eu, de l'efficacité, de la capacité de pouvoir répondre aux défis de maintenant qui sont fort différents de ce qu'ils étaient il y a 20 ou 25 ans.
Mais j'aimerais, considérant donc le fait que je vous dise très honnêtement que la proposition que je fais n'est pas la proposition idéale... J'aimerais quand même vous entendre. Considérant ces paramètres qui sont un peu présents dans l'opinion publique autour de cette question de réorganisation, vous entendre. À partir de la proposition de base qui est là, est-ce qu'il y a moyen de l'améliorer? Voilà, est-ce qu'il y a moyen de l'améliorer en fonction de la vision que la Commission avait quant aux aspects plus structurels et organisationnels?
Le Président (M. Beaumier): M. Larose.
M. Larose (Gérald): La question principale, si je peux dire, avant d'être une question de réorganisation de structures, c'est quelle stratégie on veut développer. Et peut-être que ça ne se met pas dans une loi, mais je suis profondément convaincu que, si on veut changer l'approche et si, effectivement, on veut soumettre l'ensemble des ressources à la production de plans précis de francisation de secteurs et des entreprises du secteur... Et, je fais tout de suite une précision, quant à nous, on a une approche par secteur, c'est aussi pour arriver à couvrir ce qu'on ne couvre pas aujourd'hui par la loi, c'est-à-dire les moins de 100, les moins de 50 et même les travailleurs autonomes. On ne pense pas que ce soit une approche nécessairement porteuse que d'appliquer... Les dispositifs prévus pour les très grandes entreprises, les appliquer pour les petites entreprises, on pense qu'on va les étouffer plutôt que les aider dans le processus de francisation. Mais, si on a une approche sectorielle et qu'on produit de l'instrumentation pour l'ensemble du secteur, on pense qu'on va intéresser des petites entreprises et qu'on va même faciliter le travail des travailleurs autonomes.
Donc, pour avoir une approche sectorielle, il faut avoir un dispositif complet et ne pas se laisser divertir, j'allais dire, par des questions ancillaires ou tout à fait faites pour justement polariser le débat linguistique sur des dessous de verres. Et, moi, je trouve que, lorsque le dispositif nous permet de se laisser dériver sur des peccadilles... Je pense qu'on ne fait pas notre travail comme État et comme société à l'endroit du français, d'où l'importance que les éléments juridiques soient contrôlés par l'Office pour qu'on puisse intégrer dans la stratégie globale ces questions qui sont peut-être plus secondaires. Et, effectivement, si elles prennent des dimensions importantes, bien, à ce moment-là, on référera ça au procureur qui en disposera. Donc, c'est dans cette vision qu'on propose un dispositif vaisseau amiral dont la mission, c'est effectivement d'instrumenter, de baliser des opérations, d'aider aussi l'administration publique, de produire des suggestions quant à l'affichage, etc. Et, pour ça, oui, on est peut-être mieux avec un ensemble de ressources. Soit dit en passant, la Commission trouvait que les ressources, on est au minimum aussi, là, et qu'il faudrait en rajouter, hein? On travaille avec le minimum. Bon.
Donc, oui, c'est le sens, et, à notre avis, le regroupement des organismes, tel que suggéré, est intéressant. C'est vrai qu'on aurait pu chromer notre dispositif en ayant un observatoire. Je maintiens que, y compris pour la crédibilité du premier organisme, s'il y avait un chien de garde qui était extérieur à l'État, mais, je dirais, en interaction avec l'État, peut-être que ce serait plus solide encore au niveau de la crédibilité.
Alors, c'est un pas qui est fait dans le bon sens, il restera à rajouter vraisemblablement des ressources et aussi peut-être une politique globale, c'est-à-dire une affirmation du gouvernement comme quoi la priorité en termes de francisation devra passer par tel ou tel élément, et ça, c'est peut-être à venir.
Mme Lemieux: Sur la question d'intervention autour des secteurs, bon, c'est aussi une conviction que j'ai, il faut travailler là où il y a le plus d'éléments de risque ou alors d'éléments plus complexes à gérer en termes de francisation eu égard aux caractéristiques d'un secteur d'activité. Les enjeux dans un garage ne sont pas les mêmes que dans une entreprise de multimédia, là, on se comprend. Ceci étant dit, dans les garages, on a fait beaucoup de progrès également, mais on n'a pas des enjeux, par exemple, d'être exposé à une pression de libre-échange autant que dans le multimédia.
n(17 h 20)n Est-ce que... Donc, sur la question de l'intervention par secteur, je partage avec vous cette idée qu'il faut un petit peu dépasser la logique d'intervention en fonction de la taille de l'entreprise. Je peux très bien comprendre pourquoi ça a été ce choix-là il y a 25 ans, il fallait bien commencer quelque part, mais que ça finit par devenir une nuisance, là, que le seul critère soit la taille.
Ceci étant dit, intervenir auprès des petites entreprises... Bon, la coutume veut qu'on parle en général de 50 employés et moins pour ce qui concerne les petites entreprises. Est-ce que vous conserveriez tout de même la méthode de certification? C'est-à-dire que le levier pour pouvoir parler aux entreprises de francisation, c'est: Devez-vous avoir un certificat de francisation? Est-ce que vous l'avez? Donc, devez-vous faire un diagnostic de votre situation? Sur le plan linguistique, quels correctifs devez-vous apporter? C'est ça, le levier. Est-ce que ça veut dire que, pour pouvoir intervenir auprès des plus petites entreprises, il faut conserver ce levier-là? Et ça demeure un levier tout de même assez lourd pour des petites entreprises.
M. Larose (Gérald): Oui. Oui, mais le problème, c'est que, à notre connaissance, cette dimension accapare beaucoup des énergies et des ressources, et peut-être que... Le principal, ça demeure les plans de francisation et l'instrumentation. Peut-être faudrait-il alléger la dimension de la certification, parce que c'est vrai que c'est un mécanisme qui est lourd. Mais on ne peut pas échapper à une certification. Et, même, on est allé aussi loin que de dire que la certification devrait être accompagnée d'une certaine gratification. C'est-à-dire on a fait des propositions disant que, même si elle n'est pas obligatoire pour les petites entreprises, pourquoi il n'y aurait pas des avantages au fait que les petites entreprises sollicitent la certification? Peut-être que, notamment, dans ses rapports avec l'État, pour un certain nombre de transactions, un certain nombre de contrats à obtenir, alors, il y a à imaginer ce genre, je dirais, de bonification ou dispositif. Mais notre analyse, c'est que la certification, telle qu'elle est organisée à l'heure actuelle, accapare beaucoup et nous empêche, d'une certaine manière, de mettre davantage du côté de l'instrumentation et du développement des plans de francisation.
Mme Lemieux: Ça va pour l'instant, moi.
Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Bienvenue. Bonjour, M. Larose. C'est toujours intéressant de vous entendre, d'autant plus que le rapport de la Commission, disons, est le résultat non seulement d'une réflexion de la part de la Commission, mais aussi ? comment dirais-je? ? d'une réflexion de la part de l'un des membres de la Commission qui réfléchit à cette question-là depuis fort longtemps, à savoir Jean-Claude Corbeil. Je pense que la vision de Jean-Claude Corbeil est tout à fait prégnante dans le rapport de la Commission.
Et, il y a une distinction que vous faites tout au long de ce rapport-là, mais surtout dans la section qui touche aux organismes, la distinction que vous faites entre politique linguistique et législation linguistique, je pense que c'est très important. Mais j'ai relu le chapitre à plusieurs reprises, et, enfin vous ne l'avez pas dit, mais, moi, je ne peux pas m'empêcher de penser que le modèle ? comment dirais-je? ? de la division du travail, de la division de la réflexion sur la politique de la langue qui est proposé dans ce rapport-là est tout de même assez différent de ce qu'il y a dans la loi n° 104.
Par exemple, moi, j'aurais beaucoup moins de réticence à suivre les recommandations de la ministre si on créait l'organisme dont vous parlez et qu'on créait aussi ce que vous appelez un observatoire de la situation sociolinguistique du Québec, parce que, quand on lit votre document, par exemple, à la direction de la recherche et des études de l'Office, du nouvel Office, écoutez, c'est vraiment un organisme qui est, d'abord et avant tout, responsable de faire de l'évaluation de ses interventions, ce qui est tout à fait souhaitable et normal. Par ailleurs, cet organisme-là est absolument incapable, à mon avis, de trouver les réponses aux problèmes, aux questions qui seraient du ressort de ce que vous appelez l'observatoire de la situation sociolinguistique du Québec.
En d'autres mots, je ne pense pas que l'Office de la langue française, ancien ou nouveau, ait pas plus l'expertise scientifique ou technique, non plus que le temps, non plus que la disponibilité d'esprit pour pouvoir réfléchir à des questions sur l'évolution de la situation linguistique, qui sont vraiment des questions fondamentales. Par exemple, j'en mentionne une ou deux, là, mais moi, je me suis toujours demandé comment il se fait qu'après 25 ans d'application d'une législation linguistique on retrouve dans la vie quotidienne, là, toujours cette tendance, qui est peut-être moins forte qu'elle l'était il y a 25 ans, là, mais à faire de l'alternance de codes, qui fait qu'on commence en français puis on passe à l'anglais, ou ainsi de suite.
L'autre question, c'est les questions qui sont soulevées par Castonguay. Moi, je ne suis pas toujours d'accord avec ce que fait M. Castonguay, mais, sur cette question des transferts et de l'assimilation linguistique, je vois mal que ce soit l'Office qui soit capable de se poser et de se poser intelligemment ce genre de questions là. C'est un opérateur, alors que l'observatoire dont vous parlez, ce n'est pas du tout un opérateur, c'est le penseur de la situation linguistique. Donc, de ce point de vue là, ce n'est pas une variation, je pense qu'il y a une déviation. Je ne sais pas quelle est votre opinion là-dessus, là, mais il y a une déviation assez marquée du modèle que vous proposez au modèle qui est adopté dans la loi n° 104, dans le projet de loi n° 104. Est-ce que j'ai mal compris ou si vous êtes d'accord avec ça?
M. Larose (Gérald): Bon, c'est peut-être une question de nuance. Mais, je partirais de l'allusion que vous faites à Castonguay, bon, je me suis suffisamment chicané avec pour que je sois précis dans mes remarques. La question des transferts, à mon avis, ne peut pas être le prisme à travers lequel on voit toute la réalité, hein? C'est-à-dire il y a une obsession chez notre ami qui s'explique vraisemblablement par sa propre histoire aussi, mais je vous dirai que le travail de l'Office a beaucoup à voir avec la réalité des transferts, par ailleurs. Si le français n'est pas ou ne devient pas absolument incontournable, hein... Parce qu'il faut se promener dans les classes, je dirais, d'accueil, hein, des jeunes adolescents, la première question qu'ils posent, c'est: Pourquoi le français? On arrive ici, au Québec, tout est en anglais à la télévision... C'est-à-dire tout est accessible en anglais à la télévision, tout l'affichage, disons, dans les magasins, etc. Pour eux, qui se sont déracinés et qui arrivent ici, disons, ils aimeraient ça embarquer dans le gros train, mais on leur propose le petit train.
Pourquoi ils le visualisent comme le petit train? Parce que c'est une langue minoritaire. Ils pensent qu'ils peuvent faire leur vie ? et, dans la vraie vie, ils peuvent la faire ? en anglais. La preuve, c'est qu'il y a des unilingues anglais au Québec, disons que ça ne les empêche pas de dormir, parce qu'on est dans une situation minoritaire. Pire, dans le cadre canadien, c'est une situation de concurrence. Et, j'allais dire, encore pire, on laisse entendre qu'on a le choix entre le français et l'anglais dans la vision canadienne. Alors, tant et aussi longtemps que, dans nos pratiques collectives, le français ne sera pas incontournable... Ça veut dire incontournable pour le travail, incontournable pour les rapports sociaux, incontournable pour les rapports administratifs et incontournable pour le reflet de ce qu'est cette société-là. Ça ne veut pas dire de proscrire l'anglais, mais ça veut dire que le français est la langue qui s'impose de la même manière qu'elle s'impose dans le reste du Canada en anglais.
n(17 h 30)n Parce que, au Canada, on se fait aller les babines, laissant entendre que, oui, c'est français et c'est anglais. C'est faux, c'est anglais, puis, pas plus tard que dépassé l'Outaouais, c'est en anglais que ça se passe. Je n'ai rien contre. Je vous dirai qu'à la rigueur, moi, je n'ai absolument rien contre, ils sont dans une situation normale. Bien, il faut qu'au Québec ce soit aussi normal que ce soit en français. Alors donc, une approche d'un organisme, il doit être conséquent, c'est qu'il doit produire de la citoyenneté française éminemment riche au Québec, parce que, en plus ? c'est ça qui est extraordinaire ? on a une communauté anglaise forte, florissante, qui rayonne au Québec et partout en Amérique du Nord. On est les trilingues les plus trilingues du continent nord-américain, neuf fois la moyenne canadienne, puis, en plus, on a des langues amérindiennes. On est riche au plan langagier. Bien, mois, je dis: Go! On va exploiter tout ça dans la langue commune qui est le français, mais on va rayonner avec toute notre richesse.
Alors, moi, ça m'amène... Là-dessus, c'est vrai que c'est peut-être moi qui ai une obsession maintenant, mais il faut cultiver la rupture par rapport à l'approche ethnique canadienne qui voudrait qu'on soit un groupe majoritaire canadien français. Ce n'est pas vrai. On n'est pas un groupe majoritaire de Canadiens français. Il y a ici un collectif français qui intègre des Anglais, des Amérindiens et, puis, toute une série d'individus qui viennent de partout et qui maintiennent leur langue ici, alors qu'ailleurs ils ne réussissent pas à la maintenir. Ils maintiennent ça ici pour trois générations à peu près, enfin deux et demie, alors qu'ailleurs ils la perdent dès le premier tour. Simonaque! Je trouve que c'est... On est plus riche que n'importe qui. Alors, c'est dans ce sens-là que je dis que l'Office, oui, ils ne doivent pas... Il faut qu'ils fassent un travail systématique pour que le français soit indiscutable.
M. Laporte: Mais je vous ferai remarquer que les personnes ou les experts qui se sont penchés sur la question ont tendance à conclure que c'est précisément parce qu'il y a une concurrence linguistique ici, au Québec, que les tierces langues se maintiennent beaucoup mieux qu'elles le font dans les autres provinces du Canada.
Mon autre commentaire, c'est que... Écoutez, je vous écoute parler, je passe tout de même pas mal de mon temps à Québec, j'en passe aussi un peu à Rivière-du-Loup, et ce que vous êtes en train de me dire, les propos que vous tenez s'appliquent d'abord et avant tout à la région métropolitaine de Montréal où, encore là, je vous ferai remarquer qu'à 90 % on peut être servi en français à peu près partout, n'est-ce pas. Mais, si vous êtes à Rivière-du-Loup ou si vous êtes à Québec, je vous assure que vous êtes loin de la langue dominante, là, vous êtes dans un bassin francophone qui vous amène à l'occasion d'être même dans la difficulté de voir un film anglais en version intégrale, n'est-ce pas. Ce n'est pas nécessaire, là, mais... Hier, je suis allé voir l'Attaque des clones, là, puis je l'ai vu en français.
Donc, il y a une région métropolitaine de Montréal où, là, il y a une diversité linguistique et une concurrence linguistique qui est active. Et, ça, la région métropolitaine de Montréal, dans votre approche, à vous, non plus que dans l'approche de la ministre, ça ne constitue pas, disons, une priorité d'intervention particulière, là. Je pense qu'on a un peu tendance à tout noyer ça dans le sectoriel, là. Il y a d'autre chose que du sectoriel. Il y a une région métropolitaine dont les caractéristiques sociolinguistiques sont, disons, très largement différentes de ce qu'on retrouve à l'extérieur du Québec, donc je fais des nuances là-dessus, là.
Mais il ne faut pas non plus que vous ne répondiez pas à ma question. Votre observatoire linguistique que, moi, je trouvais comme étant, disons, une bonne idée, comme on dit en bon québécois: Il est parti dans la brume, là. Et, ça, je trouve que ce n'est peut-être pas la meilleure décision que la loi n° 104 a prise, là, parce que c'est un organisme qui aurait eu sa fonction, son rôle spécifique du point de vue de répondre aux questions que vous avez posées tantôt, là.
M. Larose (Gérald): Alors, sur la concurrence, je vous dirai, la concurrence, ce n'est pas à Montréal que ça se passe. La concurrence, elle est nord-américaine. L'anglais, là, qu'on soit à Chapais ou bien à Havre-Saint-Pierre, disons, l'anglais, là, ça fait partie de notre américanité. Ce n'est pas un phénomène, disons, du West Island ou bien du Plateau Mont-Royal, c'est, je dirais... La concurrence, elle est dans notre seul positionnement géographique.
Deuxièmement. Contrairement à ce que vous racontez, parce qu'on a eu des enquêtes qui nous ont été présentées, les services bilingues disponibles pour la population... Nous, il y a quelqu'un qui nous a fait une enquête, qui est venu nous la présenter, il y avait 50 questions. Il est allé à Québec, ici, Montréal, Ottawa, Toronto, Niagara Falls, un haut lieu du tourisme canadien. Alors, il s'est fait passer pour un Anglais au Québec, pour un Français ailleurs. Il s'est fait servir en anglais à Québec dans 96 % des cas, plutôt 94 % des cas; à Montréal, dans 97 % des cas; à Ottawa, 37 % des cas; Toronto, 24 %; et Niagara Falls, 7 %. Donc, nous, on est équipé, là, pour servir en anglais. Il n'a pas fait enquête à Rivière-du-Loup, j'avoue que peut-être il faudrait le lui demander. Mais je vous dirais que dans le commerce...
M. Laporte: Pas mal.
M. Larose (Gérald): Oui. Mais ça doit battre Ottawa, je pense, je vais vous dire, ça va battre Ottawa. O.K. Vous m'avez posé trois questions sur l'observatoire.
M. Laporte: Non, non. Mais, si je peux... Écoutez, ce que vous venez de dire là, ça confirme en tout point ce que j'ai dit tantôt, là. C'est sur ce genre de problème là qu'il faudrait que votre observatoire de la langue, de la situation sociolinguistique travaille. Comment se fait-il... L'autre problème, comment se fait-il qu'à Montréal on a cette tendance encore, après 25 ans d'application d'une législation linguistique, à faire ce qu'on appelle du «switching»? O.K. Comment se fait-il qu'on fait de l'alternance codique qui mène à l'utilisation de l'anglais dans des... On se retrouve... Ce n'est pas des situations fréquentes, mais on se retrouve dans des situations où... Écoutez, je vais vous donner un exemple banal: allez-vous en sur la rue Crescent, à Montréal, installez-vous dans un bar et vous allez faire une expérience tout à fait, disons, remarquable, vous allez vous retrouver à un moment donné en train de parler l'anglais avec quelqu'un qui est à côté de vous et tout à coup vous allez dire: Coudon, vous êtes un francophone comme moi, là, on pourrait peut-être parler français. Comment se fait-il que ce type de comportement dure et perdure? Ça, c'est une question pour l'observatoire sociolinguistique du français. Ça, c'est une question que le Conseil, en l'absence d'un observatoire, pourrait se poser, mais ce n'est pas une question pour l'Office de la langue française. Ils sont vraiment très, très loin de ça, eux autres, ils sont dans la quincaillerie.
M. Larose (Gérald): Je ne veux pas que vous me convainquiez de l'utilité d'un observatoire, j'observe par ailleurs que je vous ai convaincu, parce que...
M. Laporte: Ah! bien, oui. C'est à dire que... Non, non. C'est-à-dire... Non, ce que je veux dire...
M. Larose (Gérald): ...quand on a fait le forum public, le 5 juin, disons, vous avez été un de mes grands contradicteurs sur ma proposition d'un observatoire alors que je plaidais qu'au Québec on est la société qui a la plus grande industrie linguistique, hein, parce qu'on en a dans toutes les universités. Moi, je disais: Mettons à profit l'ensemble. Vous défendiez le Conseil, mais, si je vous ai convaincu, je suis content. Peut-être que la ministre n'est pas convaincue, mais, comme elle exprimait tantôt les difficultés qu'elle avait de convaincre tout le monde, si on pousse dans le même sens, on va y arriver à un moment donné.
Le Président (M. Beaumier): Une dernière intervention, M. le député.
M. Laporte: Mais, sur la question que vous mentionnez, là, je me rappelle très bien de mes propos. Moi, ce à quoi je suis, disons, obsessionnellement attaché ? pour employer votre expression, là ? c'est à l'existence d'une fonction de réflexivité sur la situation sociolinguistique, là, et je ne vois pas du tout la capacité pour un opérateur d'exercer cette fonction-là de réflexivité. Que vous la mettiez au Conseil, que vous la mettiez à l'observatoire, que vous la mettiez ailleurs ? évidemment, il y aurait peut-être des solutions qui seraient meilleures que les autres... Mais, le problème que j'ai avec la loi de la ministre, c'est que la fonction de réflexivité qui est ça, votre observatoire, là-dedans, là, s'est complètement perdue dans la brume. Alors, êtes-vous d'accord ou pas d'accord?
Le Président (M. Beaumier): Oui, une dernière, M. le député, pour...
M. Larose (Gérald): Le débat public qui a été fait là-dessus, c'est que les gens souhaitaient que cette dimension soit conservée à l'intérieur de l'actuel dispositif, c'est-à-dire une continuité du Conseil. Bon. Ça se défend. La Commission, elle, estimait qu'on devait plutôt poursuivre cette activité-là dans le cadre d'un observatoire. Je dirais que la proposition demeure, mais il y a quelques bons amis...
Le Président (M. Beaumier): Bien. Écoutez, c'est parce que vous me mettez bien mal à l'aise, là, il reste deux minutes à M. le député d'Iberville. Oui, allez-y, il reste deux minutes.
n(17 h 40)nM. Bergeron: Merci, M. le Président. M. Larose, bienvenue. J'ai pris quelques repères. Vous parlez d'une francisation de deuxième vague, vous parlez de l'incontournabilité du français, et je vais faire l'économie du reste. Mais vous avez parlé d'une approche mobilisante. J'aimerais vous entendre parler là-dessus. Quelle serait l'approche mobilisante, à vos yeux, pour que le français s'impose davantage et qu'il ne soit pas le petit train, comme vous disiez tantôt?
M. Larose (Gérald): D'abord, ça suppose, disons, une action à plusieurs volets, mais je vais vous donner un exemple. Dans les lieux de travail, au lieu de faire parvenir les questionnaires pour vérifier l'état de la francisation dans l'entreprise, moi, je pense que c'est beaucoup plus mobilisant quand on propose au comité de francisation un plan précis de francisation des termes, disons, de franciser un certain nombre de postes de travail, etc., autrement dit, y aller sur la base de propositions d'action dans l'entreprise. À l'heure actuelle, les comités de francisation des entreprises, ils remplissent des questionnaires, ou à peu près, et ils retournent ça, et souvent même, hein, on sait qu'il y a seulement 6 % des comités de francisation tels que constitués qui sont opérationnels, d'où notre... Puis la loi n° 104 fait droit à ça de les rendre d'abord paritaires. Ce qu'on souhaite aussi, c'est que l'Office ait des pouvoirs pour entrer directement en contact avec les comités et, en entrant en contact avec les comités, fasse des propositions de francisation. À notre expérience, des gens à qui on fait des propositions de franciser se mobilisent très rapidement. Les mobiliser seulement pour répondre à des questionnaires, c'est moins porteur.
Remarques finales
Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, merci beaucoup, M. Larose, et bon retour. Oui. Alors, il reste à peu près 17 minutes. Alors, je proposerais qu'en remarques finales on puisse procéder à deux blocs de sept minutes, de part et d'autre, en commençant par le porte-parole de l'opposition officielle...
Une voix: ...
Le Président (M. Beaumier): ...oui, qui est bien là. Alors, on procéderait pour le temps qu'il reste. Ayant été très compréhensif moi-même toute la journée, vous allez l'être à ce moment-ci aussi. Peut-être prendre un sept minutes aux remarques finales, vous-même, ensuite la ministre, et nous aurions bien complété nos travaux. Alors, M. le député d'Outremont.
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Laporte: Merci, M. le Président. D'abord, M. le Président, je voudrais remercier la ministre d'avoir prévu des consultations au programme d'examen de l'adoption de la loi n° 104. Je pense qu'on a appris un bon nombre de choses à l'occasion de ces consultations qui, enfin, je ne veux pas être partisan là-dessus, mais qui dans certains cas confirment ou dans certains cas infirment ou confirment moins fortement des opinions là-dessus, sur la loi n° 104, qu'a l'opposition officielle.
Je voudrais dire aussi ? et ça, c'est très important que ce soit dit ? je voudrais dire que, sur les intentions du projet de loi, nous nous rallions aux intentions finales, aux intentions ultimes du projet de loi. Par exemple, mentionnons les intentions: l'intention d'assurer une protection puis une promotion accrues du français; l'intention d'assurer une efficacité, une efficience accrue de l'application de la Charte; l'intention d'assurer que la loi soit appliquée sans subir un détournement du but visé par le législateur ? quoique là on se retrouve devant des problèmes statistiques qui risquent de hanter une partie de mes deux ou trois jours de fin de semaine; et, aussi, l'intention d'équité d'application de la loi avec humanité. Tout le débat qu'il y a autour de 81, 83, 85.1, c'est très important.
En ce qui concerne ces intentions qui sont fondamentales du point de vue de l'esprit et de la lettre de la politique québécoise de la langue française, l'adhésion de l'opposition officielle est entière. Donc, s'il y a une divergence de vues entre nos formations politiques, cette divergence de vues n'est pas sur les intentions finales ou les intentions ultimes d'une réforme, enfin, ce qu'on peut appeler une réforme, entre guillemets, de la politique ou de la législation linguistique, mais c'est beaucoup plus sur les mesures ou les dispositions qui sont présentes dans le projet de loi n° 104.
Il y a certaines de ces mesures qui nous apparaissent, je dirais, carrément inacceptables. Par exemple, nous jugeons inopportunes et, dans ce sens-là, inacceptables et même dangereuses, dans certains cas, des mesures comme celles qui concernent ? et on vient d'en parler avec M. Larose, là ? la fonction... j'appelle ça la fonction d'évaluation, mais là je ne voudrais pas entrer dans des termes savants. Mais, dans toute application d'une politique ou d'une législation, il y a une fonction de réflexivité, c'est-à-dire qu'on réfléchit, il y a un acteur dont la fonction est de se poser des questions, de réfléchir aux grandes questions qui découlent de l'application d'une loi.
C'est-à-dire que je soutiens, que ce soit dans un observateur ou que ce soit au Conseil, que ce n'est pas de la capacité de l'Office de la langue française de jouer, d'exercer cette fonction de réflexivité, cette fonction où on s'interroge d'une façon critique, et d'une façon indépendante, et d'une façon libre à la fois sur l'évolution d'une situation linguistique et les conséquences ou les effets ultimes des mesures qui ont été adaptées.
Moi, je suis, je reste, Gérald Larose le mentionnait tantôt, j'ai toujours été en faveur du maintien d'une fonction de réflexivité indépendante du... enfin, plus indépendante de l'organisme, de l'opérateur et de la ministre qu'on le retrouve dans la loi n° 104, et, de ce point de vue là, je trouve que c'est une erreur que d'avoir créé cet organisme qui devient à la fois l'opérateur et l'évaluateur de l'évolution de la situation linguistique.
D'ailleurs, quand on lit dans le rapport Larose les rôles et les activités de la Direction de la recherche et des études, là, évaluation des modes d'intervention de l'organisme, conception, expérimentation de nouvelles manières d'intervenir, ça, c'est vraiment de l'évaluation de programme, là. Je ne parle pas de l'évaluation de programme, je parle de la capacité qu'a un agent, un acteur de réfléchir sur des questions qui sont totalement absentes dans l'horizon de préoccupations et de soucis d'un opérateur.
Donc, là, à mon avis, notre position est irréconciliable, et j'aurais beaucoup mieux aimé qu'on crée l'observatoire de la situation linguistique dont parle M. Larose qu'on mette tout ça dans un même organisme, là, et qu'on noie finalement à l'intérieur de cet organisme-là la fonction d'évaluation qui, à mon avis, va y perdre du côté de sa fiabilité, de son objectivité, puis ainsi de suite.
Je l'ai mentionné ce matin, n'est-ce pas, la question revient tout le temps, M. Larose l'a mentionné: Le français stagne-t-il dans les milieux de travail? Le français recule-t-il? Jusqu'à quel point le changement est-il stabilisé? À mon avis, ce n'est pas l'Office de la langue française qui va être capable de réfléchir à ces questions-là. Surtout avec le nouveau mandat qui leur est confié, ils vont être rapidement ensevelis sous la quincaillerie et la mise en oeuvre, et puis la capacité de penser plus loin que leur nez, là, va, à mon avis, leur échapper assez rapidement.
Il y a un autre aspect des mesures qui nous apparaissent complètement inopportunes, et on l'a mentionné, c'est le rétrécissement des délais d'analyse et de programmation. Il y en a qui disent que, non, ça ne mènera pas à ce que j'ai appelé un détournement d'objectif, mais, à mon avis, c'est fatal. C'est fatal en ce sens que, M. Larose vient de le mentionner, c'est-à-dire que les entreprises, plutôt que de recevoir un plan, reçoivent une directive d'analyse et de programmation, et là on va se retrouver avec des entreprises dont la situation linguistique s'est complexifiée depuis 10 ans et qui vont se retrouver devant l'obligation, devant le diktat de remettre le plus rapidement possible, comme c'est le cas maintenant, des documents d'analyse et de programmation à l'Office de la langue française. Je pense que rétrécir les délais, c'est une... Je ne sais pas de quoi ça s'inspire, cette volonté de rétrécir les délais, mais on n'est vraiment pas d'accord là-dessus.
Sur la décision de transformer la Commission de toponymie en comité d'officialisation, là, écoutez, je ne suis pas pour revenir sur ce que j'ai dit ce matin en m'appuyant sur les propos d'Henri Dorion, je pense que, encore là, c'est une mauvaise décision.
n(17 h 50)n Sur les articles 81, 85 et 85.1, on en a parlé d'abondance, il me semble que je l'ai dit jeudi dernier, je suis encore en état de choc. Qu'est-ce que vous voulez? Je trouve que, pour des raisons humanitaires... La présidente du Syndicat des enseignants a essayé de nous convaincre que, finalement, vous savez, ça dépend un peu de l'attitude des professeurs, de la prise en charge. Mais je trouve que, pour un parent, là, et compte tenu des petits nombres qui sont... de l'enjeu numérique infime, je trouve que c'est rassurant de... Je ne parle pas de la transmission des droits d'une génération à l'autre, mais je trouve que c'est rassurant de savoir que les frères et soeurs cadets seront à l'école... ou un enfant qui a des difficultés d'apprentissage... qu'un enfant en difficulté d'apprentissage fréquentera de son côté. Là, je ne comprends pas.
Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, M. le député.
M. Laporte: Je conclurais, si vous voulez, brièvement, en disant que...
Le Président (M. Beaumier): Oui, s'il vous plaît, mais aidez-moi un peu, là, j'ai aidé pas mal.
M. Laporte: Je répète que, sur les intentions ministérielles, on peut se rallier aux intentions ministérielles. Le projet a été préparé en toute bonne foi, compte tenu des objectifs finaux et ultimes de la Charte. Mais, sur la question des mesures, là, il y a des jugements qu'on pose, et je pense qu'on ne virera pas notre capot de bord, on va continuer à les poser jusqu'à la fin des temps.
Le Président (M. Beaumier): Merci. Mme la ministre.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier... Même si les gens qui ont participé à ces consultations particulières ne sont pas présents, il y a des chances qu'ils lisent, peut-être, le contenu de ces remarques finales, et je veux remercier les gens qui ont participé à ces consultations. Je crois que les gens l'ont fait avec bonne foi et enthousiasme, et ça a été extrêmement utile comme exercice. Je remercie aussi les gens qui m'accompagnent. Je sais que c'est un travail très minutieux de nous accompagner dans cette démarche de consultation autour d'un projet de loi comme celui... de ce projet de loi qui modifierait la Charte de la langue française.
Je crois aussi que nous avons franchi une étape importante en termes démocratiques. Nous avons le devoir de poser des gestes pour faire en sorte que la Charte de la langue française demeure un élément central, au coeur de la société québécoise, mais un élément, évidemment, qui puisse s'adapter aux réalités du nouveau siècle dans lequel nous sommes.
Je dirais qu'il se dégage effectivement un certain nombre de consensus relativement aux modifications que le projet de loi n° 104 propose, notamment en ce qui a trait à la langue de l'administration publique et du rôle moteur que l'administration publique doit jouer dans la promotion du français. Je dirais qu'au chapitre des modifications proposées concernant les politiques linguistiques des collèges et des universités, ces propositions ont été très bien accueillies.
Les correctifs, l'idée d'avoir des correctifs autour de cette question du passage de l'école privée non subventionnée à l'école publique ou privée subventionnée anglaise, sur le principe, je crois, je peux dire qu'il y a un accord sur le fait qu'il nous faut corriger ce problème de passerelle inadéquate. Des débats restent à faire sur un certain nombre de modalités. Je veux quand même préciser que, même s'il y a des débats sur certaines modalités, les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage, qui sont en séjour temporaire ou dans une situation grave d'ordre familial, pourront toujours continuer de bénéficier de l'exception quant à la fréquentation de l'école anglaise.
Visiblement, tout le monde cherche des manières de renforcer le processus de francisation des entreprises. Les syndicats nous disent qu'on aurait dû aller plus loin; les patrons trouvent qu'on va déjà trop loin. Ça, disons qu'on est habitués à ce réflexe un peu classique. On a des défis particuliers pour les moyennes et les plus petites entreprises, j'en conviens. Il y a peut-être encore d'autres mesures qu'il nous faudra imaginer.
Et je termine sur la question de la modernisation des objectifs en disant la chose suivante, et j'espère que le député d'Outremont va me prendre au mot. Le député d'Outremont, dans ses premières réactions au sujet de ce projet de loi, avait dit, a dit, en février dernier, qu'il souhaitait que le Conseil de la langue française reste en place, qu'il n'était pas opposé non plus au maintien de la Commission de la protection. Il a ajouté, au cours des délibérations, qu'il fallait maintenir telle quelle la Commission de toponymie. Et là je viens de découvrir qu'il trouve formidable l'idée de l'observatoire.
M. le Président, moi, je suis de cette génération qui devient folle devant le fait que nous gérions l'État comme si c'était un club sandwich. D'abord, ça nous coûte cher. Deuxièmement, c'est en général irresponsable et ça témoigne de notre incapacité de faire des choix. Je vous le dis, M. le député d'Outremont, si vous m'arrivez avec un appui du Parti libéral sur l'idée que toutes les fonctions ? toutes les fonctions ? dans la loi actuelle sont au sein d'un seul organisme et qu'à côté on crée un observatoire, vous aurez mon appui, mais ce n'est pas vrai qu'on va additionner les choses. Et vous ne pouvez pas... Et c'est ça, le problème qu'on a eu avec la proposition d'une annonce qui était intéressante, c'est que tout le monde a dit: C'est intéressant, l'observatoire, mais il faudrait conserver le Conseil, il faudrait conserver la Commission de la protection, il faudrait conserver la Commission de toponymie. Bien là je m'excuse, jamais je ne vais prendre cette voie-là.
Je suis convaincue ? et je le redis, ce n'est pas une question de coût ? qu'on a le devoir de l'efficacité. Je ne tolère pas l'idée que, dans une même semaine, une entreprise reçoive une lettre de la Commission de la protection de la langue française, une lettre qui fait l'objet d'une plainte, et une autre de l'Office de la langue française qui est l'objet d'un compliment. C'est criminel, irresponsable qu'on tolère ce genre de problèmes d'incohérence. On a trop de boulot à faire pour préserver la langue, pour la promouvoir, pour apporter les correctifs qu'on doit apporter pour se permettre d'être laxiste quant à ce type de problèmes là.
Et je l'ai dit, je l'ai dit franchement, la proposition du projet de loi n° 104, ce n'est pas mon idéal, mais comme les gens disaient: Oui, l'observatoire, oui, le Conseil, oui, la Commission de la protection, oui, la toponymie, et oui, l'Office: Un instant! Et c'est le choix que j'ai fait, en essayant de renforcer cette fonction de suivi de la situation linguistique, parce que ça, ça m'obsède. Puis je conviens qu'il faut des lieux de réflexion, mais on ne va pas les éparpiller. Alors, moi, j'en suis là quant au projet de loi n° 104. Je conviens que la structure n'est peut-être pas parfaite, mais c'est une nette amélioration par rapport à la situation actuelle.
Alors, sur ce, bien, on va se voir en cours de processus parlementaire. On le connaît, ce processus: adoption du principe, éventuellement discussions autour d'articles... article par article. Alors, je crois que ça risque d'être des débats fort intéressants.
Mémoires déposés
Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. Alors, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus, soit la Centrale des syndicats démocratiques et puis l'Action démocratique du Québec. Et, la commission ayant accompli son mandat, je remercie mes collègues des deux côtés et j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 58)