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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Monday, April 26, 1999 - Vol. 36 N° 6

Étude des crédits de la ministre responsable de la Charte de la langue française


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Table des matières

Remarques préliminaires

Discussion générale

Adoption des crédits


Autres intervenants
M. Marc Boulianne, président suppléant
M. Jean-Paul Bergeron
*Mme Nadia Brédimas-Assimopoulos, Conseil de la langue française
*M. Jean-Claude Corbeil, ministère de la Culture et des Communications
*M. Jacques Gosselin, Secrétariat à la politique linguistique
*Mme Odette Lapalme, Commission de protection de la langue française
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Seize heures trois minutes)

Le Président (M. Boulianne): Alors, je souhaite donc la bienvenue à toutes les personnes à cette commission de la culture. Je veux rappeler le mandat de la commission. Alors, le mandat de la commission de la culture pour cette séance, c'est de procéder à l'étude des crédits budgétaires du programme 2 du ministère des Relations internationales pour l'année financière 1999-2000, et plus spécifiquement la Charte de la langue française.

Alors, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaulne est remplacé par M. Jutras; M. Dion, par M. Paquin; M. Rioux, par Mme Signori; et M. Payne, par M. Bertrand.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, je veux rappeler donc à la commission que l'enveloppe de temps alloué est de deux heures pour l'étude de ce programme et que nous devrons nous garder quelques minutes à la fin pour adopter l'ensemble des crédits du ministère des Relations internationales, à la fin de nos travaux.

La façon de procéder. Je respecterai l'équité de temps, tel qu'établi, avec le principe de l'alternance. Alors, étant donné que nous avons deux heures, je pense qu'à ce chapitre-là il faudra se discipliner pour faire des interventions à l'intérieur des heures.


Remarques préliminaires

J'invite donc immédiatement la ministre à nous présenter ses remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Mme, MM. les membres de la commission, nous discutons aujourd'hui des crédits alloués cette année à la coordination de la politique linguistique et aux organismes de la Charte de la langue française. Au total, donc, le budget est de 21 877 000 $.

L'Office de la langue française dispose de 15 565 700 $ afin de poursuivre ses activités relatives à l'application de la Charte en ce qui a trait à la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires au sein de l'administration et des entreprises. La Commission de toponymie, sous la responsabilité administrative de l'Office, poursuit ses travaux d'inventaire, de traitement et d'officialisation des noms géographiques du Québec.

Un peu plus de 1 900 000 $ sont attribués au Conseil de la langue française dont le mandat est essentiellement de suivre l'évolution de la situation linguistique au Québec, quant au statut et à la qualité de la langue française, et de conseiller la ministre sur la politique linguistique et sur toutes questions relatives à l'interprétation et à l'application de la Charte. La Commission de protection de la langue française a le mandat de donner suite aux plaintes que lui adressent les citoyens afin d'assurer le respect de la Charte. Elle dispose de quelque 1 600 000 $ pour remplir ce mandat.

Enfin, le Secrétariat à la politique linguistique est responsable auprès de la ministre de la coordination de la politique linguistique. Il dispose d'un peu plus de 1 900 000 $, dont une partie est dévolue au soutien d'activités des organismes reliés à la Charte. Il gère également la provision de 867 500 $ créée en vue de réaliser des activités de promotion de la langue française dans l'administration, notamment des mesures additionnelles de francisation des clientèles relevant du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Conformément à son mandat, le Secrétariat à la politique linguistique a poursuivi en 1998-1999, et poursuivra au cours de la prochaine année, la coordination de la politique linguistique, notamment la direction du comité interministériel. Dans le cadre du programme d'aide gouvernementale visant à soutenir la diffusion et le développement de fonds québécois de données linguistiques et textuelles, le comité scientifique, dirigé par le Secrétariat et formé de représentants des universités québécoises et de l'Office de la langue française, a analysé les 10 projets soumis et a recommandé l'acceptation de huit d'entre eux. Ainsi, des subventions totalisant 260 000 $ ont été attribuées à quatre équipes de chercheurs dans autant d'universités.

Par ailleurs, la mise en réseau des corpus subventionnés se fera d'ici peu par le biais d'un guichet unique de consultation installé sur le futur site Web du Secrétariat. Le Secrétariat a en outre recommandé un élargissement du programme de tournée des écrivains dans les établissements d'enseignement collégial afin de démontrer aux participants que la maîtrise de la langue française est essentielle dans toutes les sphères d'activité. Donc, à la liste des écrivains participants s'est ajoutée une liste de professionnels de la langue qui se sont illustrés dans leur domaine respectif pour la qualité du français utilisé, et, pour mieux refléter cette ouverture, le titre du programme a été remplacé par Parlez-moi d'une langue! . En 1998-1999, 28 écrivains et professionnels de la langue ont participé à 44 activités dans 30 établissements d'enseignement collégial, rejoignant ainsi quelque 2 600 élèves.

De plus, le Secrétariat a publié la version italienne de la brochure Vivre en français au Québec qui existe maintenant en huit langues. Toujours pour mieux faire connaître la politique linguistique québécoise dans les milieux d'affaires québécois et étrangers, il a préparé une autre brochure exposant au moyen de questions et réponses les fondements de la politique linguistique québécoise et comment elle se traduit concrètement dans les différentes sphères de la société. Cette brochure, intitulée L'heure juste , a été publiée en trois langues: français, anglais, espagnol.

Parmi les travaux amorcés l'année dernière et qui se poursuivront en 1999-2000, mentionnons le soutien financier, en partenariat avec huit autres ministères et organismes, accordé à la mise à jour des outils Francis afin d'assurer que les communications échangées entre l'administration et les citoyens respectent toutes les caractéristiques du français: majuscules, minuscules, accents, inclus l'accent circonflexe.

Comme suite aux exigences de la Politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'administration, la mise en application des politiques linguistiques dans les ministères et organismes fait l'objet d'un suivi rigoureux, de concert avec l'Office de la langue française.

Enfin, je veux également souligner que le prix du Québec Georges-Émile-Lapalme sera décerné pour une troisième année à une personne ayant contribué d'une façon exceptionnelle à la qualité et au rayonnement de la langue française.

(16 h 10)

Je vais parler maintenant de l'Office de la langue française, M. le Président. En ce qui concerne le corpus de la langue, l'Office donne la priorité au développement et à la diffusion de sa banque de terminologie. Elle est maintenant disponible sur cédérom, sous le nom de Grand dictionnaire terminologique , et 559 exemplaires ont été vendus en 1998-1999. Dans Internet, l'Office a reçu 257 abonnements au Québec et à l'étranger. En outre, grâce à un partenariat avec l'Agence universitaire de la Francophonie, 79 centres universitaires ont pu s'abonner au Grand dictionnaire terminologique , notamment dans les pays du Sud.

Par ailleurs, l'Office veut faire du Grand dictionnaire l'ouvrage de référence francophone dans les secteurs des technologies de l'information, des sciences de la santé, de l'industrie et de la gestion, en ajoutant ou en mettant à jour environ 10 000 fiches, ce qui représente approximativement 40 000 termes. Je tiens à mentionner également qu'il donnera un accès gratuit au Grand dictionnaire aux bibliothèques des universités et des collèges québécois ainsi qu'aux bibliothèques publiques déjà reliées à Internet au cours de la prochaine année.

Par ailleurs, l'Office a développé l'an dernier un banc d'essai d'évaluation technolinguistique des logiciels grand public dans le but d'en vérifier la fiabilité linguistique et de favoriser des échanges constructifs avec les entreprises conceptrices de produits informatiques. Ce banc évalue la langue de communication du logiciel depuis le premier contact du locuteur avec le produit jusqu'à l'utilisation quotidienne de celui-ci, exclusivement en ce qui a trait aux fonctionnalités linguistiques: respect du français intégral, qualité de sa documentation écrite et électronique, etc. Les travaux de cette année porteront sur l'analyse de la compatibilité des logiciels français et anglais.

En outre, j'ai le plaisir de souligner la réalisation de la troisième Francofête en mars 1999 sous l'impulsion de l'Office. Vaste opération annuelle de promotion du français et de la francophonie, la Francofête de 1999, qui a connu un franc succès, est le résultat de la collaboration de nombreux partenaires gouvernementaux, non gouvernementaux et privés. On a profité de l'événement pour dévoiler les récipiendaires de la douzième édition des Mérites du français qui, on se rappellera, visent à reconnaître l'excellence en français au travail, en éducation, dans les nouvelles technologies de l'information, dans la culture et les communications et dans l'intégration linguistique des nouveaux arrivants. L'Office a aussi profité de la Francofête pour remettre les prix Jacques-Bouchard dans la publicité, prix créés l'an dernier et qui ont une excellente notoriété dans les milieux de la conception publicitaire québécoise. La Francofête reviendra en mars 2000 avec une consolidation des activités et l'ajout d'autres activités en collaboration avec des partenaires des secteurs public et privé, notamment la ville de Québec qui deviendrait la Ville des mots, m-o-t-s, dans un jumelage avec Bruxelles.

La promotion du français dans les technologies de l'information est une préoccupation majeure de l'Office. Celui-ci intensifiera cette année les démarches entreprises l'an dernier, notamment par la parution d'articles dans des revues et dans des chroniques régulières dans la presse. À cela s'ajouteront des conférences et l'animation du stand sur le français dans les technologies de l'information.

Que le français soit et devienne de plus en plus la langue de travail est probablement l'incitatif le plus puissant pour généraliser la connaissance et l'usage du français chez tous nos concitoyens dans tous les domaines. Bien gagner sa vie en français est le meilleur argument en sa faveur. L'Office joue, en la matière, un rôle essentiel par l'application de programmes de francisation dans les entreprises. À cet égard, il a mené une opération d'envergure auprès de 1 975 entreprises qui avaient reçu leur certificat de francisation avant le 31 décembre 1995. Conformément à l'article 146 de la Charte de la langue française, l'objectif de cette intervention vise à faire en sorte que ces entreprises fassent état à l'Office de l'évolution de l'utilisation du français dans l'ensemble de leurs activités et de vérifier, par le fait même, si le français est demeuré généralisé à tous les niveaux.

L'Office a ainsi procédé au traitement de 1 238 dossiers. Des mesures de redressement sont en cours dans 25 % de ces entreprises, c'est-à-dire là où l'ampleur des correctifs nécessitait la mise en oeuvre d'un nouveau programme de francisation. L'Office terminera le traitement des dossiers reçus et préparera les plans de redressement pour les entreprises qui ont obtenu leur certificat mais dont le français est en régression notable par rapport à la situation évaluée au moment de la délivrance du certificat.

D'autre part, depuis 1997, l'Office gère le budget nécessaire pour assurer la mise en oeuvre des recommandations du rapport Grant portant sur la promotion du français auprès des entreprises qui emploient entre 10 et 49 personnes. C'est ainsi qu'en 1998-1999 le programme d'aide financière pour le soutien d'activités reliées à la francisation de ces milieux de travail a conduit à l'approbation par l'Office de huit projets. Ils portent sur des mesures de francisation en milieu de travail, notamment la conception et la diffusion d'outils terminologiques. Ces projets doivent être réalisés sur une période de 12 mois, pour un montant total de 202 600 $. Cette année, on assurera le suivi de ces projets en demandant à l'entreprise de préparer un bilan détaillé et on analysera les résultats du programme après deux ans d'application.

En outre, l'Office a également mis sur pied un programme-pilote d'intervention auprès des entreprises de 26 à 49 employés. D'une durée de trois ans, ce projet a pour objectif de faire appliquer certains éléments du programme de francisation prévu par la loi et qui est habituellement destiné aux entreprises de plus de 50 employés. Il s'adresse à 260 entreprises de la région de Montréal appartenant aux secteurs suivants: l'automobile, l'aéronautique, l'électronique et les technologies de l'information. La mise en oeuvre du projet est en cours. 214 de ces entreprises ont déjà reçu au moins une visite d'un conseiller ou d'une conseillère en francisation et près de 150 ont entrepris l'analyse de leur situation linguistique. Dans ces derniers cas, presque toutes ont reçu une demande de correctif de la part de l'Office.

En ce qui a trait à l'administration publique, les ministères et organismes ont soumis à l'Office pour examen et avis leur projet de politique linguistique dans une proportion de 95 %. L'Office a donné son avis dans 74 % de ces cas, tandis que 35 ministères et organismes ont approuvé leur politique et en ont entrepris la mise en oeuvre. L'Office verra à poursuivre et parachever l'analyse des politiques linguistiques qui lui ont été soumises et verra à ce que toutes les politiques soient approuvées et mises en oeuvre dans l'ensemble des ministères et organismes. Il fera état dans son rapport annuel de la situation du français quant aux achats de produits informatiques et quant à la langue des boîtes vocales. Il verra à assurer également l'application des dispositions du point 22 de la Politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'administration qui visent à assujettir au respect du processus de francisation les contrats et les subventions accordés par l'administration aux entreprises.

La Commission de toponymie assure la gestion courante des noms de lieux du Québec et, pour ce faire, elle a réalisé des inventaires toponymiques, attribué des noms à des lieux innommés, officialisé et diffusé les noms géographiques du Québec, dont les noms de voies de communication. De plus, elle est responsable de la conservation des noms de lieux. C'est ainsi qu'elle a enrichi de plus de 8 000 noms sa banque informatisée, TOPOS, portant celle-ci à plus de 330 000 toponymes. Au cours du dernier exercice, la Commission a participé activement aux travaux de la division francophone au sein du groupe d'experts des Nations unies pour les noms géographiques. Je veux, de plus, souligner la publication du volume La France et le Québec, des noms de lieux en partage qui met en évidence le patrimoine toponymique commun des deux nations.

Pour la prochaine année, la Commission, de concert avec le Directeur général des élections – il reste combien de temps?...

Le Président (M. Boulianne): Six minutes, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: ...très bien – poursuivra le traitement et l'officialisation des noms de voies de communication municipales afin d'assurer la qualité de ses informations dans la liste électorale permanente. Elle entend publier un constat sur la toponymie patrimoniale des Algonquins, en accord avec le document d'orientation du gouvernement du Québec concernant les affaires autochtones.

La Commission de protection de la langue française a commencé son existence avec 3 100 plaintes déjà reçues par l'Office de la langue française en 1997. En 1998-1999, la Commission a reçu 3 684 autres plaintes, soit environ 1 000 de moins que l'an dernier. Il est important de noter que 4 400 dossiers ont été fermés et 271 dossiers ont fait l'objet d'une mise en demeure.

En 1998-1999, la Commission a constaté un renversement de situation concernant les motifs invoqués au soutien du dépôt des plaintes. En effet, alors qu'en 1997 les plaintes portant sur l'affichage des messages commerciaux et des raisons sociales comptaient pour 60 % de l'ensemble et que les plaintes relatives aux emballages, modes d'emploi, manuels de garantie, étiquetages se chiffraient à 15 %, en 1998, les plaintes sur l'affichage sont de l'ordre de 25 % alors que celles relatives aux produits ont grimpé à près de 45 %. Ce renversement de situation est en partie attribuable à la mise en vigueur des articles 51, 52.1 et 205.1 de la Charte le 1er janvier 1998, et le consommateur y a vu son intérêt. La Commission compte poursuivre dans la même direction en insistant pour que les corrections relatives aux produits soient apportées par l'entreprise fabricante ou par l'entreprise distributrice, de telle sorte que tous les détaillants offrent désormais des produits conformes à la Charte partout au Québec.

(16 h 20)

Le Conseil de la langue française a remis encore cette année trois prix prestigieux, à savoir: le prix Jules-Fournier, l'Ordre des francophones d'Amérique et le prix du 3-Juillet-1608. De plus, le Conseil a mené à terme plusieurs études en 1998-1999. Elles portent notamment sur l'usage des langues dans les services de l'État québécois et sur l'emploi et la place du français sur l'inforoute québécoise.

Le Conseil est sur le point de terminer un rapport établissant un nouvel indicateur de la langue d'usage public, rapport préparé conjointement avec l'Office, le ministère des Relations avec les citoyens, le ministère de l'Éducation et le Secrétariat à la politique linguistique. Cette étude sera rendue publique dans les prochaines semaines.

En outre, le Conseil coordonne la préparation d'un vaste ouvrage couvrant la vie et l'histoire du français d'ici depuis 400 ans. Cette oeuvre met à contribution plusieurs chercheurs et spécialistes. Au cours de la prochaine année, plusieurs de ces projets verront leur aboutissement. De plus, le Conseil entend proposer des indicateurs de la qualité de la langue française au Québec. Il mettra à jour les indicateurs de la situation linguistique.

Comme je le mentionnais récemment, les questions démolinguistiques et ethnolinguistiques demeurent de première importance pour le statut du français, particulièrement dans la région de Montréal. En effet, depuis le milieu des années quatre-vingt, la proportion des francophones dans l'île de Montréal diminue. Les causes sont connues: hausse de l'immigration internationale, forte concentration des immigrants récents dans l'île, fécondité plus grande chez les allophones, étalement urbain des Montréalais de langue française vers la couronne nord et sud. Ces questions font déjà l'objet des préoccupations du Conseil et elles continueront de susciter de nouvelles études. Je souligne, à titre d'exemple, la publication prochaine d'une étude portant sur l'étalement urbain dans la région de Montréal. D'ailleurs, d'autres ministères devront être mis à contribution car les réponses devront être multiples.

Voilà, M. le Président, l'ensemble des informations que je voulais vous livrer concernant la coordination de la politique linguistique et les organismes responsables de l'application de la Charte de la langue française.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je demanderais maintenant à M. le député d'Outremont de nous faire part de ses remarques préliminaires. M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. Pour moi qui ai suivi cette question linguistique depuis au-delà de 25 ans maintenant, il ne fait aucun doute que les changements qui sont survenus, tant au statut, à l'utilisation qu'à la qualité ou au corpus du français, ont été appréciables. Le français au Québec connaît donc un élan qui me paraît durable. Ce n'est donc pas, M. le Président, sur cette question, disons, de l'élan que le français a pu connaître au cours des années, non plus que sur le cadre général de la francisation, non plus que sur l'efficacité des organismes responsables de l'application de la Charte que vont porter mes interventions.

En passant, je pense qu'on peut féliciter les personnes, les fonctionnaires qui sont responsables de l'application de la Charte parce que, en lisant les rapports annuels, on a nettement l'impression que ces organismes sont bien administrés et qu'ils font un bon travail avec les ressources qu'ils possèdent.

Si vous voulez vous convaincre... Évidemment, on parle de certification, on ne parle pas de francisation. Mais, si vous lisez, à la page 19, le rapport de l'Office de la langue française, lorsque j'ai quitté l'Office la première fois en 1981, il y avait 7,7 % des entreprises qui étaient certifiées, des entreprises de 100 employés et plus, alors qu'en 1997-1998 le pourcentage a atteint 71,2 %. Donc, c'est dans une période de, quoi, 17 ans, disons, que l'avancement de certification est évidemment très importante.

On note par ailleurs, lorsqu'on examine cette distribution-là, que c'est entre 1980 et 1988-1989 que la vitesse de certification a été évidemment la plus rapide. Ce n'est pas parce que j'étais président de l'Office à ce moment-là, mais c'est probablement parce que les cas que l'on traitait à ce moment-là étaient des cas moins complexes, moins difficiles, moins durs que ceux qu'on traite maintenant. D'autant plus qu'on constate que – et ça, je pense que c'est une excellente décision – l'Office a prévu ouvrir un chantier pour examiner les problèmes que rencontrent les entreprises qui sont en voie de certification depuis 10 ans et qui ne sont pas encore certifiées.

Donc, on voit bien que, au fur et à mesure qu'on avance dans le temps, évidemment, il y a des complexités du changement qui se présentent et qui n'étaient pas nécessairement là au début. Et c'est certainement ce qui explique pourquoi, même si la distribution est tout à fait impressionnante, on observe que, au fur et à mesure des années, la rapidité du changement administratif en tout cas est inférieure à la fin à ce qu'elle était au début.

Donc, j'aimerais faire porter mes questions sur des aspects un peu plus sociopolitiques de l'application de la Charte. La première question, c'est une question d'actualité. Je pense que j'ai terminé mes remarques préliminaires, ça fait que je peux passer aux questions maintenant, M. le Président? Ça va?

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous pouvez aller aux questions. Je permettrai tout à l'heure aux autres de faire leurs remarques préliminaires, après la question.

Des voix: ...

Le Président (M. Boulianne): O.K. Alors, disons que, si vous permettez, M. le député d'Outremont, on va procéder aux remarques préliminaires, puis on reviendra à vous en tenant compte du temps.

M. Laporte: Bien, je pourrais peut-être terminer à ce moment-là en disant que, dans son exposé, la ministre a fait abondamment allusion aux travaux qui sont en cours. Elle a témoigné de sa satisfaction par rapport aux changements qui sont survenus. Évidemment, il y a une petite question qu'elle a soulevée et sur laquelle j'aimerais revenir. C'est une question délicate. C'est la question du déclin, depuis les années quatre-vingt, de la diminution, de la décroissance, si on veut, de la proportion des locuteurs francophones et, si on veut, des francophones soit de langue maternelle ou de langue d'usage sur l'île de Montréal.

La ministre nous a dit que des nouvelles études sont en cours là-dessus au Conseil ou à l'Office, je ne sais exactement si c'est à l'un ou l'autre, et j'aurais des questions à lui poser là-dessus parce que je pense que dernièrement cette question-là a fait l'objet de commentaires dans la presse. Il y a même eu un article qui a été présenté assez récemment, je pense au début du mois d'avril, par l'un des chercheurs du Conseil, qui disait: «La loi 101 ne suffit pas.»

Donc, j'aimerais éventuellement qu'on revienne sur cette question-là pour connaître un peu mieux les vues et perspectives de la ministre sur cette question difficile qui, si on l'examine plus précisément, nous amène à penser que, même si les progrès du français au chapitre de la francisation des entreprises mais aussi au chapitre de la connaissance de l'utilisation du français...

Si vous prenez un exemple, un exemple tout à fait banal, mais il y a 25 ans, lorsque vous assistiez à l'assemblée annuelle d'une grande entreprise multinationale à Montréal – que ce soit l'Alcan ou que ce soit Consolidated-Bathurst, que ce soit d'autres entreprises – non seulement ces réunions se déroulaient-elles principalement en anglais, mais la façon d'utiliser les langues dans ces réunions-là communiquait à l'assistance la nette impression que l'anglais était vraiment la langue de la réunion, comme la langue de la corporation. Par exemple, on commençait habituellement la réunion en anglais, alors que dans bon nombre de cas actuellement, et je pense même dans tous les cas, dans la grande majorité des cas, les réunions de ces entreprises-là ne se font pas évidemment exclusivement en français parce que, d'abord, il y a la traduction et puis il y a des gens qui sont présents qui sont des gens de langue maternelle anglaise, qui sont des locuteurs de langue anglaise, mais on assiste à des réunions où la langue de communication qui est utilisée en premier et qui est utilisée le plus souvent par les chefs d'entreprise est le français.

Donc, il y a là une présence du français, au niveau des grands rituels de la vie publique, qui en assure une prépondérance très nette par rapport à ce que c'était il y a 25 ans ou même il y a 10 ans. Et ça, évidemment, ça contribue à donner au français un prestige qu'il n'avait pas antérieurement et c'est un aspect très important de la situation linguistique.

(16 h 30)

Donc, je termine en disant que je partage la satisfaction de la ministre quant à l'évolution générale de la langue française dans tous les domaines d'application de la Charte, mais qu'il y a peut-être des questions qu'il faut se poser sur certains aspects de la situation linguistique du français, et j'y reviendrai au cours de cette commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Alors, j'appellerais Mme la députée de Blainville, s'il vous plaît, pour des remarques préliminaires.


Mme Céline Signori

Mme Signori: Merci, M. le Président. Alors, je vais sûrement répéter, dans mes remarques, quelques éléments apportés ici par Mme la ministre, mais ce n'est pas mauvais. C'est un vieux principe pédagogique. Alors, je me permettrai d'en souligner quelques-uns.

Nous disions que la ministre est donc responsable de la Charte de la langue française. Elle voit à la bonne marche des organismes chargés d'appliquer la politique linguistique québécoise. Les crédits planifiés à cet égard sont nécessaires à la réalisation des mandats confiés à chacun des organismes répondant à cette vocation.

Il faut se rappeler que, de l'enveloppe budgétaire globale réservée à l'application de la politique linguistique québécoise, cinq éléments en forment la totalité. Cinq éléments, c'est bien peu, lorsque l'on pense au portrait particulier du Québec.

Le Québec regroupe plus de 7 000 000 d'habitants qui forment une société majoritairement francophone. Les francophones descendent de la lignée des Français venus de France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Aujourd'hui, ils sont près de 6 000 000 qui ont relevé le défi de vivre en français et de maintenir une société francophone sur un continent nord-américain où se retrouvent 250 000 000 d'anglophones. Il est donc important de maintenir une vigilance afin de s'assurer que le français soit la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires au sein de la population québécoise.

Entendons-nous bien, ici: Être vigilant à l'égard de la langue française ne vise aucunement à brimer la reconnaissance des 590 000 anglophones du Québec ni des 600 000 immigrants venus d'Asie, d'Europe, d'Amérique latine et d'Afrique ni des 67 000 autochtones. Au contraire, le gouvernement du Québec a reconnu aux anglophones des droits, entre autres avec un réseau scolaire anglais de la maternelle à l'université ainsi qu'un réseau hospitalier, et bien d'autres aussi. Le gouvernement a toujours reconnu également l'apport des immigrants comme étant une richesse et un dynamisme culturels importants. Et, concernant les autochtones, vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, la teneur des relations du gouvernement avec ces différentes communautés. Elles visent essentiellement à déboucher sur des ententes satisfaisant toutes les parties.

La coordination de la politique linguistique regroupe les ressources du Secrétariat à la politique linguistique dont le mandat est de coordonner le développement et l'application de la politique linguistique québécoise et la mise en oeuvre des mesures qui en découlent. Le Secrétariat a pour mission de réaliser les interventions appropriées afin d'assurer la cohérence entre les actions des organismes d'application de la Charte de la langue française et les politiques et directives ministérielles. Il offrira son expertise aux différents ministères et aux organismes dans la mise en oeuvre de la Politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'administration. La ministre a largement explicité tout à l'heure de nombreuses réalisations du Secrétariat.

L'Office de la langue française, quant à lui, remplit un mandat non négligeable. En effet, il veille à ce que le français devienne le plus tôt possible la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires dans l'administration et les entreprises. Pour ce faire, il utilisera les services de la Commission de la toponymie et il verra à l'application de critères bien précis avant d'accorder son aval à des noms de lieux, de procéder à l'inventaire et à la conservation de ces derniers, à leur officialisation et à leur diffusion. Je ne répéterai pas ici les réalisations récentes de la Commission et de l'Office dont la ministre a fait grandement état tout à l'heure.

Quant au Conseil de la langue française, il a pour mandat de conseiller la ministre sur la politique linguistique et sur toutes questions relatives à l'interprétation et à l'application de la Charte de la langue française. Il doit également surveiller l'évolution de la situation linguistique au Québec. Il m'apparaît aussi important d'évaluer le statut du français, particulièrement dans la région de Montréal – à ce sujet, j'ai bien hâte de voir le rapport qui sera déposé d'ici quelques semaines – une situation qui est bien connue depuis les années quatre-vingt mais une situation aussi qui inquiète les francophones du Québec.

La Commission de protection de la langue française a traité plus de 3 100 plaintes en 1997; en 1998-1999, 1 000 de moins que l'année précédente. Tel que le mentionnait la ministre, la Commission entend poursuivre en insistant que les corrections relatives aux produits soient apportées par l'entreprise fabricante ou par l'entreprise distributrice, de telle sorte que tous les détaillants offrent désormais des produits conformes à la Charte partout au Québec, ce dont nous devons nous réjouir parce que tous ceux ici qui achètent régulièrement dans les grandes surfaces doivent aussi s'être rendus compte de la langue anglaise qui est majoritairement employée sur beaucoup de produits.

Finalement, M. le Président, l'étude des crédits alloués au dossier linguistique 1999-2000 est tout à fait justifiée et essentielle afin de s'assurer, comme collectivité, d'un Québec qui vit en français. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la députée Blainville. En préliminaire?

M. Jutras: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Des remarques préliminaires?

M. Jutras: Oui.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y, M. le député de Drummond.


M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, Mme la ministre, faisant référence à votre allocution d'ouverture, vous avez effectivement touché un problème sérieux et qui, je pense, inquiète de plus en plus les Québécois, à savoir la diminution du nombre de francophones sur l'île de Montréal.

Vous avez évoqué certaines causes, là, comme la hausse de l'immigration internationale, le fait que ces immigrants-là, plus souvent qu'autrement, dans une forte proportion, vont s'installer à Montréal et auront donc plus tendance à aller du côté de l'anglais. Vous avez parlé aussi d'une fécondité plus grande chez les anglophones. Vous avez parlé de l'étalement urbain qu'on a vécu là, pas juste là mais, en tout cas, avec les conséquences que l'on connaît à Montréal, à savoir que, bon, les francophones sont allés vers la couronne nord ou la couronne sud, ils sont allés en banlieue, et Montréal s'est vidé tranquillement, à travers les années, de plus en plus de francophones.

Il y a eu un recensement du gouvernement fédéral qui a été fait en 1996. On commence à connaître les résultats. Il y a eu parution, il y a quelques semaines, de certains éléments de ce recensement, entre autres, je me rappelle, dans Le Devoir . Et, évidemment, cela a inquiété les Québécois et continuera de les inquiéter parce qu'ils se demandent: Est-ce que l'île de Montréal, d'ici peu, ne deviendra pas à majorité francophone?

Des voix: Anglophone.

M. Jutras: Anglophone, c'est-à-dire. Et, évidemment, il faut se poser la question: Qu'est-ce qui arrive aussi de ces immigrants qui sont allés vers l'école française grâce à la loi 101? Et il faut reconnaître ce grand mérite de la loi 101, et il faut reconnaître le grand mérite du Dr Camille Laurin, malheureusement décédé il y a quelques semaines, mais qui, pour nous, a été un inspirateur, et qui a été le père de cette loi-là, et qui nous a montré qu'au Québec on pouvait vivre en français, que c'était notre droit et qu'il y avait moyen de le faire sans brimer les autres.

Mais il y a une cause aussi, je pense, qu'il faudrait rajouter – dont, nous, nous sommes responsables, les Québécois francophones – c'est le fait, entre autres, que nous avons le taux de fécondité le plus bas en Occident. Alors, évidemment, si nous-mêmes, les francophones, connaissons un taux si bas de fécondité, bien, ce n'est rien pour rajouter en notre faveur quant au sort de la langue sur l'île de Montréal. Mais je pense qu'évidemment, Mme la ministre – je suis convaincu, de toute façon, que vous en êtes consciente – il s'agit là d'une des grandes responsabilités que vous avez, et il y aura lieu d'en traiter au cours de la présente commission.

Par ailleurs, puisque l'on parle de crédits, moi, j'aime toujours que l'on en parle un peu comme tel, des crédits, parce que souvent l'étude des crédits, ça tourne à l'étude des politiques du gouvernement, des prospectives du gouvernement, vers quoi on s'en va. Mais on est en commission d'étude des crédits, et je pense qu'il y a lieu d'en parler.

(16 h 40)

Et ce que je notais, dans le livre des crédits, Mme la ministre, c'est que, à tout le moins, chez vous, au niveau de la Charte de la langue française, on connaissait une légère augmentation des crédits, entre autres. Et, par rapport aux cinq éléments, l'élément 1 étant la coordination de la politique linguistique, l'enveloppe budgétaire pour l'année 1999-2000, qui est l'année qui est devant nous, elle est de 1 932 000 $ et, si on réfère à l'année dernière, 1998-1999, on constate que cette enveloppe était de 1 902 000 $. Alors, il y a donc une augmentation au niveau de la coordination de la politique linguistique. Et, quand on parle de la coordination de la politique linguistique, c'est le mandat, en fait, de coordonner le développement et l'application de la politique linguistique québécoise et la mise en oeuvre des mesures qui en découlent.

Quant à l'élément 2, qui est celui de l'Office de la langue française, alors on y dit que, l'élément de programme Office de la langue française – qui est de loin, effectivement, le plus important en termes budgétaires – son enveloppe pour l'année 1999-2000 sera de 15 565 000 $, alors que l'année dernière – toujours dans cet élément 2 qui est l'Office de la langue française – ce qui était prévu au budget des dépenses était de 15 562 000 $. Et l'Office de la langue française, vous l'avez mentionné, on sait qu'il a pour mandat de définir et de conduire la politique québécoise en matière de recherche linguistique et terminologique et de veiller à ce que le français devienne le plus tôt possible la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires dans l'administration et dans les entreprises. Le député de Laporte en a fait état lui-même tantôt dans ses remarques préliminaires.

Il y a également l'élément 3, qui est le Conseil de la langue française, où, d'après les crédits, l'enveloppe budgétaire prévue est de l'ordre de 1 908 000 $. Et, cependant, à ce chapitre, il y a une diminution des crédits prévus: l'année dernière, c'était 1 932 000 $, cette année, c'est 1 908 000 $. J'aimerai, tantôt, Mme la ministre, peut-être que vous nous expliquiez cette légère baisse que l'on retrouve là. On se rappellera que le Conseil de la langue française doit surveiller l'évolution de la situation linguistique au Québec quant au statut et à la qualité de la langue française, communiquer à la ministre ses constatations et ses conclusions et la saisir de toute situation qui appelle l'attention ou l'action du gouvernement.

Enfin, vous avez l'élément 4, qui est la provision pour augmenter, avec l'approbation du Conseil du trésor, tout crédit pour la réalisation d'activités de promotion de la langue française. Alors, dans ce cas-là, Mme la ministre, ce que je constate, c'est que les crédits sont demeurés les mêmes, à savoir 867 500 $ l'année dernière et aussi, cette année, 867 500 $.

Et j'en viens au dernier élément qui fait partie de ce que vous avez à gérer et à administrer, comme ministre responsable de la Charte de la langue française, qui est l'élément 5, à savoir la Commission de la protection de la langue française, où l'enveloppe budgétaire pour l'année 1999-2000 est de 1 602 000 $. On sait que cette Commission est chargée d'assurer le respect de la Charte elle-même. Et l'année dernière les crédits prévus étaient de 1 568 000 $, alors que cette année ils sont de 1 602 000 $, donc une augmentation encore là.

Alors, je pense que, vu que l'on parle des crédits, à tout le moins, il faut prendre quelques minutes pour dire quels sont les crédits que l'on retrouve à ce chapitre. Et, en terminant...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Jutras: Oui, vous voulez que...

Le Président (M. Boulianne): Allez-y, M. le...

M. Jutras: M. le Président, vous voulez que je... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Oui, étant donné qu'on n'a pas beaucoup de temps. Allez-y, en conclusion.

M. Jutras: Oui, oui. Alors, je veux revenir aussi sur un autre élément que l'on retrouvait dans les remarques préliminaires de la ministre concernant les plaintes qui ont été portées et où on a parlé de 3 100 plaintes déjà reçues par l'Office de la langue française en 1997. Alors, je comprends qu'ils ont traité ça dans l'année suivante. En 1998-1999, la Commission, c'est 3 684 autres plaintes qu'elle a reçues, puis on dit: soit environ 1 000 de moins que l'année dernière. Alors, c'est ça que je ne comprenais pas. Et je voudrai savoir de vous, dans quelques minutes, Mme la ministre, en fait, comment se ventilent ces plaintes à travers les années et est-ce qu'on connaît, en fait, cette année une diminution du nombre de plaintes ou si c'est une augmentation. En tout cas, j'ai eu de la difficulté à comprendre cette partie de votre intervention. Alors, je vous remets donc la parole, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Drummond. Alors, Mme la ministre va prendre note de vos questions, et je donne la parole... Je m'excuse, tout à l'heure, c'est le député d'Outremont. Alors, je donne la parole, pour débuter la période de questions... Et non pas le député de Laporte. Allez-y, M. le député.


Discussion générale


Droits historiques de la communauté anglophone

M. Laporte: Vous savez, monsieur, ce n'est pas grave, j'en ai vu d'autres. Donc, j'ose espérer, M. le Président, qu'on va revenir sur l'interrogation qui vient d'être prise et que j'avais mentionnée. Évidemment, je dois ajouter que, la décision d'isoler l'île de Montréal du point de vue statistique, c'est peut-être une décision qui paraîtra arbitraire, mais il reste qu'il y a un certain nombre de faits sur lesquels il serait intéressant d'entendre la ministre.

Mais, avant d'aborder cette question-là, j'aimerais poser à la ministre une question sur un autre sujet. Mme la ministre, en réaction aux membres de votre formation politique qui réclament l'abolition de la loi 142, vous l'avez déclaré, et je cite Le Devoir de ce matin: «Les droits historiques de la communauté anglophone ne sont pas mis en cause.» Or, la notion de droits historiques est ambiguë. Elle peut en effet être entendue dans au moins trois sens différents: au sens des droits inscrits dans la version originelle de la Charte – je me rappelle très bien que, lorsque la Charte a été adoptée à l'Assemblée nationale, au début, son père, le Dr Camille Laurin, justifiait souvent les décisions qui avaient été prises au moment de la première version de la Charte par référence à cette notion de droits historiques des anglophones – donc, au sens de droits inscrits dans la version originelle de la Charte, au sens des droits institués au fur et à mesure des modifications apportées à la Charte, y compris ceux créés par la loi 142 en particulier, et au sens de droits à venir, compte tenu de ce que l'évolution historique pourrait rendre nécessaire ou opportun en matière de création de droits mais que nous ne pouvons pas anticiper pour le moment.

Pourriez-vous, Mme la ministre, pour ma compréhension personnelle et celle du grand public, préciser ce que vous entendiez dans votre déclaration par «droits historiques»?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Alors, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je voudrais quand même préciser une chose. C'est qu'en fin de semaine, donc au Conseil national du Parti québécois, il n'y a personne au micro qui a demandé l'abolition de la loi 142. Ce que certains demandaient, et qui était donc une proposition déposée en bonne et due forme au Conseil national, c'était d'enlever en quelque sorte de la loi 142 les clauses linguistiques, celles qui concernaient la langue. Alors, tous ceux qui sont venus au micro ont dit et répété que les droits des anglophones à obtenir des services en langue anglaise dans le secteur de la santé et des services sociaux n'étaient pas en cause, et je leur ai fait préciser d'ailleurs à quelques reprises.

Alors, ce que j'entendais par là, M. le Président, c'est ceci. Dans le sens courant des choses, pour moi en tout cas, ce que j'ai voulu dire, c'est que, bon, il y a, si je peux dire, trois communautés ou trois groupes présents sur le territoire du Québec, en fait quatre, non pas trois: les autochtones qui sont dans un statut très particulier; les francophones qui sont la majorité et qui ont fait en sorte que cette loi 101 et cette Charte de la langue française donc soient adoptées en 1977; la communauté anglophone qui, statistiquement, d'après justement le recensement de Statistique Canada de 1996, est autour je crois de 8,8 %, quelque chose comme ça, autant que je me souvienne, et qui a donc, de mon point de vue, de celui de mon gouvernement et, je suis sûre, de celui de l'ensemble des Québécois, des droits à recevoir des services, que ce soit en matière d'éducation ou que ce soit en matière de santé, dans leur langue; et, d'autre part, ce qu'on appelle, à tort ou à raison, en tout cas, disons, les communautés culturelles qui, elles, si vous voulez, n'ont pas ces droits, je dirais, historiques donc de la communauté anglophone et, à la mesure de leur arrivée, doivent s'intégrer, je ne dis pas s'assimiler mais bien s'intégrer, à la majorité francophone et qui n'ont pas donc, qu'on soit nouvel arrivant grec, italien, sri-lankais ou enfin de quelque nationalité que ce soit, qui n'ont pas donc ces mêmes droits.

(16 h 50)

Et c'est dans cette perspective que je disais que les droits donc historiques de la communauté anglophone seraient respectés. C'est en référence en quelque sorte aux droits des anglophones, qui sont ceux que l'on connaît, qui sont, selon Statistique Canada, autour de 8,8 %, et que, bien évidemment, ces droits-là seraient respectés, alors dans le sens qu'il doit y avoir une adéquation, dans le secteur de la santé et des services sociaux, entre les services rendus et les services demandés et les services offerts, ce qui est le cas d'ailleurs actuellement, puisqu'on sait très bien que, sur l'ensemble du territoire québécois, les anglophones peuvent recevoir des services. D'ailleurs, dans le secteur de l'éducation, bien, mon Dieu, ils ont leur propre système d'éducation. Et, si on veut discuter d'autres secteurs, je ne sais pas, moi, le secteur des communications, le secteur culturel, etc., on sait très bien que les services sont accessibles à la communauté de langue anglaise.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Toujours sur cette question-là, M. le Président. Je continue à penser qu'il y aurait, disons, un travail de clarification qui devrait être fait et qui serait utile. Mais quelle ne fut pas ma surprise en lisant les rapports des assemblées du Conseil de la langue française de constater que, au 12 septembre 1997, le Conseil avait profité de son assemblée 185, n'est-ce pas, pour s'interroger sur la question des services de santé et de leur accessibilité à la communauté anglophone. Et, suite à une réflexion qui a été faite au moment de cette assemblée, on conclut que les membres croient que rien ne sert actuellement d'alimenter ce débat qui relève avant tout d'un affrontement sans base réelle. Ils recommandent que le Conseil n'entre pas dans ce débat et ne fasse pas en sorte de nourrir cette crise. Évidemment, la crise, on sait comment elle est survenue et qui l'a provoquée.

Mais, ultérieurement, dans un rapport subséquent du Conseil de la langue française qui est daté du 8 mai 1998, il y a une partie du rapport, qui est la partie 5, Le bilinguisme institutionnel: réflexion sur l'usage des langues autres que le français dans les services de santé publics , et là il y a un long exposé des considérations qui ont été faites durant cette partie de la réunion et on arrive à la conclusion: «On suggère que le Conseil transmette un avis non sollicité, sous forme de lettre ou d'un texte public: Dans la mesure où la situation actuelle semble moins relever de situations problématiques que de prises de position extrêmes de groupes francophones, de groupes anglophones et de directions administratives de centres de santé, le Conseil traitera des points suivants...», et là il y a une énumération de ce que pourrait être le contenu ou les questions discutées lors de cet avis non sollicité.

La question, M. le Président, c'est que, moi, j'ai bien constaté l'ambivalence du Conseil de la langue française à l'égard de cette question-là mais j'en suis arrivé à la conclusion que cette ambivalence a fait que le Conseil a manqué une belle occasion d'éclairer le gouvernement sur une question qui est de toute actualité. Et la question que je me demande et que je pose à la ministre ou à la présidente du Conseil de la langue française, c'est: Comment avez-vous finalement décidé de ne pas transmettre à la ministre un avis non sollicité sur cette question de l'accès aux services de santé et aux services sociaux?

Il me semble que ça aurait été très utile qu'on vous transmettre un avis comme celui-là. On a même envisagé de le faire, mais, par la suite, j'ai relu attentivement le reste des rapports d'assemblée et j'ai cru comprendre, mais je me trompe peut-être, que finalement cette idée-là n'a pas été retenue. Alors, j'aimerais savoir, si ça n'a pas été retenu, pourquoi et, si ç'a été retenu, mais où est l'avis. J'aimerais beaucoup le lire parce que ça devrait nous éclairer puis peut-être nous rassurer.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Alors, Mme la ministre, si vous voulez répondre ou aussi permettre à la présidente de répondre, c'est votre choix.

Mme Beaudoin: Oui. Alors, effectivement, je vais demander à Mme Assimopoulos de répondre à cette question, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Allez-y, madame.

Mme Brédimas-Assimopoulos (Nadia): Oui, M. le Président. C'est évident que le Conseil de la langue française a un rôle de conseil auprès de la ministre, soit à sa demande soit de sa propre initiative. Donc, depuis quelque temps, effectivement, on s'inquiète de la situation. En fait, on fait l'analyse de la situation des services qui sont donnés en une langue autre que le français par l'administration publique québécoise. Nous avons commandé une réflexion un peu théorique sur le sujet à un universitaire de l'Université de Montréal, M. Michel Pagé, qui a été publiée, dont vous avez probablement copie, et nous avons également choisi dans nos délibérations de traiter de ces questions-là.

Lors de cette réunion à laquelle le député d'Outremont se réfère, nous n'avons pas eu le temps de vraiment établir une position formelle. Par contre, nous avons eu l'occasion d'établir un ordre de recherche en nous inspirant de tous ces propos et des analyses que le Conseil fait et nous avons effectivement transmis à la ministre un ordre de recherche à ce sujet. Mais ce n'est pas une position officielle parce que le Conseil n'a pas eu le temps de délibérer puis de prendre une position officielle à ce sujet.

Le Président (M. Boulianne): Est-ce que vous voulez ajouter un complément de réponse, Mme la ministre?

Mme Beaudoin: Non.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Écoutez, M. le Président, s'il y a eu un document de transmis à la ministre, est-ce qu'on pourrait en avoir copie?

Le Président (M. Boulianne): Est-ce que c'est possible d'avoir copie? Oui.

Mme Brédimas-Assimopoulos (Nadia): Très certainement. On peut le déposer.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on va le...

Mme Beaudoin: Je vais le déposer.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont, est-ce que c'est dans le même sujet?

M. Laporte: C'est-à-dire que c'est un sujet semblable, mais ce n'est pas sur la même question.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y.


Affichage commercial dans le quartier chinois de Montréal

M. Laporte: C'est toujours sur un problème d'application. On est tout à fait heureux d'avoir avec nous le sous-ministre associé responsable de l'unité de coordination. J'aimerais savoir où en sont les activités, relevant de la ministre, du Secrétariat ou de l'unité de coordination, à propos de la question de l'affichage commercial dans le quartier chinois de Montréal. Ça aussi, c'est un sujet qui a donné lieu à, disons, des débats, à des positions un peu contradictoires de la part de plusieurs des gens qui ont été impliqués. La ministre avait demandé un avis au Conseil, si je me rappelle bien, à cette époque – c'était une façon évidemment habile de s'éclairer mais aussi de mettre un peu le couvercle sur la marmite, n'est-ce pas? – et j'aimerais savoir où est-ce qu'on en est avec la question du quartier chinois.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Je vais demander à M. Corbeil, le sous-ministre associé, de répondre à la question.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y, M. Corbeil.

M. Corbeil (Jean-Claude): M. le Président, la question du député d'Outremont est très claire. Effectivement, la dernière fois que nous nous sommes vus pour la défense des crédits, le quartier chinois était toujours un dossier qui était en évolution. J'en rappellerai donc les très grandes phases. Nous avons tenu avec les membres de la communauté chinoise – qui étaient représentés par la Chambre de commerce, par l'Association des restaurateurs chinois et par un certain nombre de représentants des commerçants qui ont des établissements dans le quartier – plusieurs réunions, huit ou 10, pendant lesquelles nous avons expliqué en mots simples les chapitres de la Charte de la langue française qui les inquiétaient et sur lesquels ils voulaient avoir des renseignements. Ces réunions se sont tenues en français et en traduction en deux langues chinoises, puisqu'un certain nombre de nos interlocuteurs n'étaient pas suffisamment à l'aise en français pour être capables de comprendre exactement les choses dont on discutait.

(17 heures)

À la suite de ces réunions, il y a eu un accord qui a été conclu avec la communauté chinoise de Montréal et qui a fait l'objet d'un communiqué conjoint qui a été rendu public à la fin du mois de juin l'année dernière, à la satisfaction à la fois du gouvernement ou de la ministre responsable de la Charte et de la communauté chinoise représentée par la présidente de la Chambre de commerce chinoise de Montréal.

Depuis lors, les restaurateurs chinois appliquent peu à peu la Charte de la langue française et, à leur demande pendant l'année qui vient de s'écouler, des cours de français ont été organisés en collaboration avec le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, à la demande du personnel des restaurants du quartier chinois de Montréal. Ces cours, je m'en suis informé avant de rencontrer cette assemblée, sont très satisfaisants, de l'avis de ces organisateurs, c'est-à-dire de la Chambre de commerce. Le personnel des restaurants est très satisfait des cours de français parce qu'ils se font durant le jour sur les lieux du travail et pendant le temps où ils sont rémunérés pour travailler. C'est une formule qui est efficace; les groupes sont peu nombreux et, en général, les gens sont très satisfaits.

Il y a eu également une demande d'avis au Conseil de la langue française sur une question qui a été soulevée à l'occasion du quartier chinois mais qui est une question de portée beaucoup plus générale, qui est celle de l'affichage des raisons sociales, notamment l'affichage des raisons sociales qui sont des marques de commerce déposées. Il y a là un problème extrêmement difficile à la fois du point de vue juridique et du point de vue commercial, et nous avons demandé au Conseil de la langue française de faire une étude la plus exhaustive possible de la question, de manière à avoir, d'une part, toutes les données, d'autre part, à permettre à l'opinion publique et à tout le monde de bien comprendre comment la question se pose au-delà des coups d'éclat ou des coups sanguins des gens, et enfin à permettre au gouvernement de prendre une position qui soit à la fois juste pour les commerçants et parfaitement fondée du point de vue juridique. Donc, cette étude sera rendue publique à l'automne et on pourra, dès lors, mieux discuter de la question qui nous reste, qui est celle de l'affichage des raisons sociales.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le sous-ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Est-ce que je peux poser une autre question sur le même sujet?

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous avez encore quelques minutes.


Clarté de la langue utilisée par l'administration publique

M. Laporte: Eh bien, je voudrais, toujours en revenant à une des études qui a été faite au Conseil... Je me demande si c'est le Conseil. Il y a une étude ou un document qui a été produit par la ministre, si je me rappelle bien, et qui avait à voir avec la qualité mais surtout la clarté de la langue utilisée par l'administration. J'ai eu l'impression en lisant les documents qu'un moment donné vous aviez décidé, Mme la ministre, d'entrer dans ce domaine auquel la Charte ne s'est pas intéressée depuis le début mais qui est celui de la clarté de la langue, ou de ce que les Américains appellent le «simple language», en particulier dans l'administration et dans la communication entre l'administration et les citoyens.

Je me rappelle, par exemple, que, à l'époque où ces choses-là étaient de ma responsabilité, il y avait des études qui étaient faites aux États-Unis par un sociolinguiste américain qui s'appelait Roger Shuy et qui visait à conseiller le gouvernement sur la façon de simplifier le langage administratif pour le rendre davantage compréhensible aux citoyens. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu un travail d'amorcé là-dessus au sein des organismes responsables de la Charte. Est-ce que j'ai raison?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Allez-y, Mme la ministre des Relations internationales.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Alors, il y a eu un avis, en effet, du Conseil: Maîtriser la langue pour assurer son avenir . Dans cet avis, le Conseil propose trois champs d'intervention: l'institution scolaire, le monde des médias et l'administration publique. Alors, j'ai transmis une lettre à – à l'époque, c'était la ministre de l'Éducation – Mme Marois lui demandant d'être tenue informée des suites que le ministère entendait donner aux recommandations qui le concernaient, soit: accélérer le processus de réforme de l'enseignement du français; prendre les mesures nécessaires pour que chaque élève du primaire et du secondaire ait à sa disposition son propre manuel de français, sa propre grammaire, son propre dictionnaire; faire en sorte que les universités et les collèges d'enseignement général et professionnel dispensent une formation permettant l'usage du français correct des spécialisations acquises; mettre en place des programmes de formation des maîtres pour assurer que tous les professeurs qui enseignent en français ou qui enseignent le français acquièrent une maîtrise supérieure de la langue française et connaissent le vocabulaire spécialisé français de leur spécialité et instaurer des mesures de vérification des connaissances linguistiques et de mise à niveau pour tout le personnel enseignant, du primaire à l'université; enfin, dans ce secteur de l'enseignement, faire l'inventaire des manuels anglais utilisés dans les cours de formation professionnelle afin que les mesures soient prises pour les traduire ou, ce qui serait préférable, bien sûr, pour produire les manuels français nécessaires.

Alors, j'ai envoyé... Quand est-ce que j'ai envoyé cette lettre?

M. Laporte: Ce n'est pas sur ça, M. le Président, que porte ma question...

Le Président (M. Boulianne): Un instant...

Mme Beaudoin: Oui, je sais, mais, quand même, je pense que c'est important parce que c'était: Maîtriser la langue pour assurer son avenir . Là, il y avait trois secteurs. L'autre secteur était les médias, et, le troisième, l'administration publique.

M. Laporte: C'est ça.

Mme Beaudoin: Alors, le Conseil a amorcé une étude...

Une voix: Deux études.

Mme Beaudoin: ...deux études devant mener à l'établissement d'indicateurs de la qualité de la langue française, notamment dans l'administration publique, et la présidente du Conseil me dit que ça va prendre un an avant de remettre ce rapport sur cette question.

Une voix: Une étude dans l'administration publique et une étude dans les médias.

Mme Beaudoin: Bon. Alors, une étude dans l'administration publique et une étude dans les médias, et que cette étude concernant l'administration publique plus spécifiquement sera prête dans un an.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Une dernière, pour compléter et vider le sujet.

M. Laporte: C'est-à-dire pour préciser, là.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Allez-y, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Moi, je me réfère à un article de Pierre O'Neil dans Le Devoir , là, qui dit: «Le Conseil de la langue française s'émeut du constat selon lequel l'État communique avec les Québécois dans une langue qui manque trop souvent de clarté et qui est parfois incompréhensible. Aussi propose-t-il un train de mesures correctrices.

«Préparé à l'intention de la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Louise Beaudoin, l'avis du Conseil de la langue française conclut que l'administration publique doit prendre les moyens nécessaires pour s'adresser à la population non seulement dans un français correct, mais aussi dans une langue claire qui puisse être comprise de l'ensemble des citoyens.»

Donc, ma question, c'est... J'ai bien compris, c'est-à-dire que c'est long, on embarque sur un terrain qui est un peu inédit. C'est-à-dire qu'on ne se demande pas simplement si le français est de bonne qualité, mais si le français est clair et si la communication est efficace entre l'administration publique et les citoyens. Moi, je suis tout à fait d'accord pour qu'on examine cette question-là.

Je me demandais: Est-ce que cette étude-là est terminée? Est-ce que l'avis est terminé? Donc, ce n'est pas terminé. Donc, je ne peux pas demander à la ministre si elle a pris des moyens pour assurer que vos recommandations soient appliquées parce que vous me dites que vous n'avez pas fait de recommandations encore.

Mme Beaudoin: Je vais demander à Mme Assimopoulos de répondre.

Le Président (M. Boulianne): O.K. Allez, madame.

Mme Brédimas-Assimopoulos (Nadia): Oui, M. le Président. Le Conseil, dans son avis émis l'an dernier, a effectivement soulevé cette question de la clarté de la langue utilisée par l'administration publique quand elle s'adresse à ses citoyens.

D'abord, il y a une question de qualité de la langue au sens québécois du terme, c'est-à-dire au sens de la maîtrise de la langue, et il y a aussi la question de la clarté du vocabulaire utilisé, notamment la multiplication de ce qu'on appelle «le jargon de l'administration» et qui n'est pas toujours facilement accessible par l'ensemble des citoyens.

Donc, le Conseil a d'abord établi un certain nombre de critères sur lesquels cette étude doit porter, notamment sur les questions de vocabulaire, sur la question syntaxique, de l'orthographe, de la grammaire, des fautes de grammaire, etc., et nous allons confier cette étude-là à un professeur de l'Université Laval. Nous pensons que l'étude sera prête en publication au printemps de l'an 2000, mais évidemment ça peut avoir un ou deux mois de retard. Ces genres d'étude des fois peuvent prendre plus longtemps qu'on n'escompte en réalité. Au résultat de cette étude, nous serons en mesure effectivement de faire des recommandations à la ministre.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, je demanderais au député de Drummond, s'il vous plaît, de poser sa question.

M. Laporte: M. le Président?

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Laporte: Est-ce qu'on a répondu à la question du député de Drummond sur les tendances linguistiques sur l'île de Montréal?

Une voix: Non.

Le Président (M. Boulianne): Non.

M. Jutras: Non. C'était dans mes remarques préliminaires, mais...

Le Président (M. Boulianne): Oui, c'était dans les remarques préliminaires...

M. Laporte: Avez-vous l'intention qu'on y réponde, quoi?

Le Président (M. Boulianne): Je m'excuse.

M. Jutras: Bien, oui. J'imagine que Mme la ministre, éventuellement, quand je lui poserai la question, mais vous pouvez la poser vous aussi parce que ce n'était pas ma question dans l'immédiat.

Le Président (M. Boulianne): Alors, j'avais demandé... Je m'excuse. J'avais demandé tout à l'heure à Mme la ministre de la prendre en note. Alors, pour l'instant, M. le député de Drummond, vous avez la parole.

M. Jutras: Bien, peut-être, Mme la ministre, avant d'aller plus loin, moi, la demande que je voudrais faire, ça serait que vous nous présentiez vos collaborateurs qui vous accompagnent.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 10)

M. Jutras: Parce que je n'étais pas aux crédits l'année dernière. Il y a certains visages que je connais, mais d'autres, moins. Alors, j'aimerais ça que vous nous les présentiez.

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Très bien. C'est une bonne idée. Comme disait le député d'Outremont... C'est pour ça, je pense, que je n'y ai pas pensé, parce que, aux crédits des Relations internationales, j'ai commencé comme ça. Mais, comme le disait le député d'Outremont, ça fait 25 ans qu'il circule dans ce milieu-là, je pense qu'il connaît tout le monde et j'ai...

M. Jutras: Lui, les connaît tous.

Mme Beaudoin: C'est ça. J'ai comme oublié. Alors, voilà: à ma droite, le sous-ministre associé responsable du Secrétariat à la politique linguistique, M. Jean-Claude Corbeil, qui était, je crois, un linguiste – ha, ha, ha! – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: ...je crois, et, à ma gauche, M. Guy Dumas, qui est le directeur du Secrétariat à la politique linguistique. À la droite de M. Corbeil, Mme Nadia Assimopoulos, que vous connaissez peut-être, qui est donc la présidente du Conseil de la langue française. Il y a Martin Roy, qui est mon attaché de presse. Il y a Mme Nicole René. Vous verrez qu'on a beaucoup de femmes dans ce gouvernement. J'ai toujours d'ailleurs une sous-ministre aussi qui est une femme, à nouveau, qui était aussi une femme. C'est formidable. J'y pense tout d'un coup. C'est merveilleux. Alors, Mme Nicole René est présidente de l'Office de la langue française. Mme Odette Lapalme, qui est la présidente de la Commission de la protection de la langue française. M. Bernard Gayraud, qui m'accompagnait tout à l'heure et qui est le directeur des ressources matérielles et financières du ministère des Relations internationales. Et je vois M. Alexandre Stefanescu, qui est le secrétaire du Conseil, M. Georgeault, qui est responsable des études et des recherches au Conseil de la langue française. Il y a Julie Gosselin, qui est une avocate et qui est notre conseillère juridique à la langue. À côté, c'est Jacques...

M. Gosselin (Jacques): C'est Jacques Gosselin.

Mme Beaudoin: ...Gosselin, qui est au Secrétariat?

M. Gosselin (Jacques): Au Secrétariat.

Mme Beaudoin: Qui est au Secrétariat et qui est avocat.

M. Gosselin (Jacques): Qui est juriste.

Mme Beaudoin: Juriste. Ce n'est pas un avocat, c'est un juriste.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Il est notaire, quoi? Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: Et Me Richard Baril, qui est responsable, donc, des enquêtes à la Commission de protection de la langue française. Voilà!

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. le député de Drummond.


Nombre de plaintes reçues à la Commission de protection de la langue française

M. Jutras: Oui, alors, Mme la ministre, moi, je voudrais revenir sur ce dont vous avez parlé dans votre allocution d'ouverture quant aux plaintes qui étaient portées à la Commission de protection de la langue française. Vous avez parlé de 3 100 plaintes reçues par l'Office en 1997. En 1998-1999, vous avez parlé de 3 684 autres plaintes. Vous avez dit: Environ 1 000 de moins que l'an dernier. Alors, là, je n'étais plus capable de vous suivre. Et j'aimerais ça que vous nous clarifiez ça.

Mme Beaudoin: Très bien. M. le Président, si je peux me permettre, tout à l'heure, je répondrai à la question – bien évidemment, il faut qu'on en parle – de la diminution du nombre de francophones sur l'île de Montréal. Mais, pour répondre très précisément à votre question, je vais demander à la présidente de la Commission de protection de la langue française pour être sûrs justement qu'on a les bons chiffres et qu'on se comprend bien. Alors, Mme Lapalme.

Mme Lapalme (Odette): Oui, M. le Président. Alors, pour répondre à votre question, c'est qu'il y a 1 500 plaintes, là, qui vous ont échappé dans le discours de la ministre. Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lapalme (Odette): Quand...

M. Jutras: Ou qui ont échappé à l'ordinateur.

Mme Lapalme (Odette): ...la Commission a été mise en vigueur en septembre 1997, il y avait déjà, pour cette année financière là, 3 100 plaintes qui étaient déjà déposées et dont j'ai hérité et il y a 1 500 plaintes additionnelles qui se sont ajoutées entre le mois de septembre et le mois de mars de l'année. Donc, sur 12 mois, il y en a eu 4 600. D'accord?

M. Jutras: Alors, c'est ça. Donc, sur la période qu'on appelle l'année financière du gouvernement, là, 1997-1998...

Mme Lapalme (Odette): C'est ça. C'est ça.

M. Jutras: ...au total, c'est donc 4 600 plaintes.

Mme Lapalme (Odette): Oui.

M. Jutras: D'accord.

Mme Lapalme (Odette): Et, cette année, il y en a eu 3 684. Il peut y avoir une petite différence, parce que, à la date où on nous a demandé de préparer ces documents-là, on les a envoyés pour le 1er avril. Alors, il y avait peut-être des petites choses qui n'étaient pas entrées.

Maintenant, il faut faire attention, parce qu'une plainte peut générer plusieurs dossiers. Alors, il faut faire une distinction quand on parle de plaintes et quand on parle de dossiers. Une plainte reçue peut avoir trois ou quatre objets d'infraction. Une personne peut avoir acheté quatre produits différents, par exemple, dans un supermarché et nous envoyer une seule plainte, mais ça va ouvrir plusieurs dossiers.

Et, d'autre part, c'est que, depuis la mise en vigueur des articles, de l'article 205.1 en particulier, qui a trait... Aujourd'hui, le distributeur, le fabricant, le détaillant sont tous trois responsables de la non-conformité d'un produit. Alors, moi, si je reçois une plainte sur un produit donné, ça peut générer trois dossiers, en ce sens qu'il y a un détaillant, un fabricant et un distributeur qui peuvent être tous tenus responsables de la non-conformité du produit mis sur le marché.

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame. Alors, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Alors, c'est ce qui explique donc en partie la baisse du nombre de plaintes, vu qu'on a trois personnes responsables?

Mme Lapalme (Odette): Non, pas nécessairement.

M. Jutras: Non? Le fait qu'on ait trois personnes responsables, est-ce que ça n'a pas incité... Si l'un s'en souciait peu, l'autre pouvait, lui, s'en soucier et dire: Bien, on va rendre le produit conforme. Ça n'a pas eu cet effet-là?

Mme Beaudoin: Je me demande...

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre, vous voulez parler sur ça? Allez-y.

Mme Beaudoin: Non. Justement, je vais demander encore à Mme Lapalme de répondre.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y, Mme la présidente.

Mme Lapalme (Odette): Vous faites une distinction entre?

M. Jutras: Vous me disiez que, là, les trois pouvaient être tenus responsables, vous savez, le producteur, le distributeur, tout ça. C'est ça que vous m'avez dit? Je vous ai bien compris? Bon.

Mme Lapalme (Odette): Oui, oui, oui.

M. Jutras: Alors, moi, la question que je vous posais: Partant de là, est-ce que ça n'a pas eu un effet peut-être de remédier à bien des problèmes? En ce sens que, les trois personnes pouvant être tenues responsables, si l'une ne s'en souciait pas, l'autre, par contre, elle, pouvait s'en soucier et dire: Bien, là, on va rendre le produit conforme...

Mme Lapalme (Odette): Oui.

M. Jutras: ...si, toi, tu ne veux pas le rendre, moi, je veux le rendre conforme; je ne veux pas d'ennuis à ce niveau-là. Est-ce que ça n'a pas, ça, entraîné une diminution du nombre de plaintes et une amélioration, par conséquent, de la situation?

Mme Lapalme (Odette): Évidemment, l'objectif de la Commission, c'est d'obtenir une correction auprès ou du distributeur ou du fabricant, parce qu'à ce moment-là on corrige le produit dans toutes les entreprises au Québec. Si vous poursuivez seulement le détaillant pour avoir mis sur le marché un produit qui n'est pas conforme, lui n'a pas nécessairement le pouvoir de... Il a toujours le pouvoir de corriger. Il peut toujours ajouter des autocollants pour franciser son produit, mais ça ne corrigera pas. Le même produit peut être vendu dans 50 autres établissements et on n'obtiendra pas la correction. Tandis que, quand on agit ou quand on change de niveau puis qu'on va au distributeur et au fabricant, on peut corriger le produit partout. Donc, on va enlever de sur le marché, si vous voulez, une plainte sur ce produit-là, à tout le moins.

Parfois, d'ailleurs, la même entreprise va fabriquer 50 produits. Si on pense à des confitures ou à des choses comme ça, là, il va y avoir plusieurs... Quand on obtient la correction sur un, on peut obtenir la correction sur 50 produits. Alors, ça diminue. Forcément, ça devrait avoir pour effet de diminuer le nombre de plaintes.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, madame. M. le député de Drummond? Allez-y, oui.

M. Jutras: Oui. Puis, quelles autres explications avez-vous quant à la diminution du nombre de plaintes? Parce que je remarque que c'est quand même assez significatif, là. Si on parle d'une baisse de 1 000 plaintes, c'est pratiquement de l'ordre de 25 %, plus ou moins. Vous expliquez ça comment?

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme la ministre ou madame la présidente.

M. Jutras: Tout simplement, les gens respectent davantage.

Mme Beaudoin: C'est-à-dire que c'est ça, c'est difficile, il n'y a pas de...

Mme Lapalme (Odette): C'est difficile pour moi de...

Mme Beaudoin: Il n'y a pas, je pense, d'explications qu'on peut... La vôtre est aussi bonne que la mienne, là, dans le fond. Bon, une année, les gens...

Moi, ce qui me semble intéressant, cependant, je n'ai pas d'explications pourquoi une année il y en a plus puis une année il y en a moins, mais ce qui me semble intéressant, c'est cette espèce de changement.

Moi, j'ai toujours cru, honnêtement, que la protection du consommateur, c'était fondamental, que, quand on achète un produit, l'étiquetage, le mode d'emploi, la garantie, là, c'est vraiment une question fondamentale de protection du consommateur. Bon, il faut que ce soit en français convenable parce que, des fois, on s'en rend compte tous, comme consommateurs, c'est plus simple et plus efficace de lire la notice en anglais qu'en français tellement c'est en mauvais français. Ça fait que ça, pour moi, c'est aussi pire, dans un sens. Mais, de voir que ce sont les consommateurs qui se préoccupent vraiment davantage de leurs droits, probablement dû aux amendements, comme on l'explique, faits à la Charte de la langue française qu'on a appelé la loi n° 40 – c'est l'année dernière ou l'année précédente; le temps passe tellement vite, c'est peut-être l'année précédente – ça, je crois que c'est ,je dirais, un peu l'avenir, en quelque sorte.

Il faut s'assurer, dans le cadre, dans le fond, de l'ALENA, que tout soit trilingue, et puis on s'en aperçoit quand on se promène aux États-Unis. Il arrive maintenant qu'il y ait des produits, puis ils sont nombreux, dont les étiquetages, les modes d'emploi, les garanties sont en trois langues. En Europe, c'est régulier que ce soit en trois, quatre ou cinq langues. Ça, c'est l'avenir. C'est le plurilinguisme.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Quand vous parlez de 4 000 dossiers fermés, suite aux plaintes... C'est ça que vous avez dit, je pense, 4 000?

Mme Lapalme (Odette): Oui. Chaque plainte...

M. Jutras: 4 400 dossiers qui ont été fermés.

Mme Beaudoin: Oui. Alors, Mme Lapalme va répondre à ça.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Allez-y, madame.

(17 h 20)

M. Jutras: Alors, ma question: Ça veut dire que, quoi, les gens se sont conformés?

Mme Lapalme (Odette): Oui, dans une proportion d'à peu près 95 %. Remarquez que, dans ça, il peut y avoir aussi des dossiers où il y avait des plaintes qui n'étaient pas fondées. Mais, généralement, c'est parce que les gens se sont conformés.

Maintenant, quand on en ferme 4 000, là, il faut quand même se dire qu'il y en a des années antérieures, là, dans ça. Les dossiers ne se ferment pas nécessairement sur une année. Il y a eu des exemptions de l'application de la loi qui ont été accordées pour diverses entreprises, en vertu des dispositions de la Charte. Et, à ce moment-là, moi, évidemment, si on donne 12 mois à une entreprise pour franciser 10 000 produits, par exemple – ces exemptions-là sont données par l'Office – alors, à ce moment-là, moi, je suspends ces dossiers-là jusqu'à ce que l'exemption ait pris fin. Et, par la suite, on va constater si les corrections ont été faites. Alors, c'est possible qu'il y ait des dossiers comme ça qui durent plus longtemps qu'un an. Parce qu'il y en a eu beaucoup aussi. On parle aussi de 3 000 à 4 000 dossiers pour l'année qui avait précédé 1997-1998.

M. Jutras: Oui. Ce n'est pas, les 3 000 dont on parle là, les 3 000 puis 4 000 là-dessus?

Mme Lapalme (Odette): Non, non, pas nécessairement, parce qu'il y avait des dossiers antérieurs. Il y en a certains qui demandent beaucoup de temps pour se régler pour ces motifs-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, madame. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Maintenant, êtes-vous en mesure de me dire – ça, c'est vraiment une curiosité – c'est plaintes-là originent de quels coins du Québec? Est-ce que c'est surtout des Montréalais qui portent ces plaintes-là où si ça peut aussi bien être des gens de région? Avez-vous la répartition?

Mme Beaudoin: Je vais demander à Mme Lapalme.

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre. Oui.

Mme Beaudoin: Oui.

Mme Lapalme (Odette): Ah, mon Dieu, c'est surtout dans la région de Montréal, c'est certain, parce qu'il y a un bassin de population. Mais on en a de partout au Québec. On en reçoit de... Mais, là, là, malheureusement, je n'ai pas les statistiques avec moi.

Mme Beaudoin: On pourra vous les envoyer, les statistiques.

Mme Lapalme (Odette): Oui. Mais ça, je pourrais... Certainement, par région, je dois avoir des statistiques, mais comme ça n'avait pas été demandé dans les questions, je ne voudrais pas vous répondre à peu près puis faire erreur.

M. Jutras: Parce qu'on est porté à penser que, vu que les gens de Montréal sont peut-être plus sensibles, plus préoccupés par la question de la langue, peut-être qu'il y a beaucoup plus de plaintes qui viennent de là. Mais j'aurais été curieux de voir le résultat, dans les faits, si c'est ça.

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre.

Mme Lapalme (Odette): Mais elles existent, ces statistiques-là. Je peux certainement vous les...

M. Jutras: Oui.

Mme Beaudoin: Donc, les statistiques, on vous les fera parvenir. Si elles existent, on va le faire. Sinon, ça va prendre un peu plus de temps parce qu'il va falloir les préparer. Mais, s'il y en a par région, ça vous suffit?

M. Jutras: Oui, oui. Moi, je ne veux pas qu'il se fasse un travail de bénédictin, là. Les gens ont suffisamment de travail comme ça sans qu'on leur impose un fardeau supplémentaire.

Le Président (M. Boulianne): O.K.

Mme Beaudoin: D'accord. O.K. Non. Je pense que c'est intéressant. C'est une question intéressante que, moi aussi... On peut se poser la question. Est-ce que c'est à 75 % sur l'île de Montréal ou de la RMR? Bon. Moi aussi, c'est une question qui m'intéresse. Alors, on va demander à la Commission de les faire parvenir au Secrétariat, ici.

Le Président (M. Boulianne): Très bien. Merci beaucoup, Mme la ministre.

M. Jutras: Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Boulianne): Vous avez encore une question, oui? Vous avez encore du temps.

M. Jutras: Oui, puis, par ailleurs, ce que je comprends de ce que vous avez dit, Mme la ministre, il y a eu une évolution au niveau des plaintes. Alors qu'on en était beaucoup plus sur l'affichage il y a quelques années, là, c'est devenu moins préoccupant. Mais il faut dire aussi qu'au niveau de la loi il y a des ajustements qui se sont faits. Mais là, on en est plus sur les produits maintenant. C'est ça?

Mme Beaudoin: Oui. Et ça, vous l'avez très bien expliqué dans les notes liminaires que j'ai faites, on est rendu, je pense, à 45 % à peu près de plaintes sur les produits: l'étiquetage, mode d'emploi, garanties, etc., et c'est rendu, je pense, autour de 25 % sur l'affichage. Alors, il y a eu comme un changement, comme une inversion. Et, comme je vous disais, personnellement, je pense que c'est une évolution intéressante.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la ministre. Encore une dernière, M. le député Drummond? Ça va?

M. Jutras: Ça va.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député de d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Je voudrais revenir, à moins que la ministre nous réponde à la grosse question, là, je voudrais en poser deux, trois petites.

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y.


Langue d'affichage au centre-ville de Montréal

M. Laporte: D'abord, c'est intéressant, le rapport du Conseil sur l'évolution de la situation de l'affichage à Montréal de 1995 à 1997 parce que, d'une part, on a l'impression, en lisant le rapport, que la situation est plus ou moins stabilisée et que, globalement, il y a même une augmentation de la présence et de la prédominance du français.

Mais il y a un petit problème, là. C'est au centre-ville de Montréal. Évidemment, là, il y a toujours la question de savoir est-ce que c'est statistiquement significatif ou pas, là, mais ce qu'on observe dans les tableaux, c'est que, au centre-ville de Montréal, il y a un léger fléchissement de la présence et de la prédominance du français. Là, la question que je pose, peut-être à Mme Lapalme ou à vous, Mme la ministre, ou a quelqu'un d'autres, c'est: Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire là-dessus?

Parce que le premier ministre nous a bien dit qu'il n'aurait plus recours, jamais, à la coercition légale. C'était une partie de son discours inaugural du début d'avril ou de la fin de mars, je ne me rappelle pas. Donc, ça sera par des moyens incitatifs, si on s'en tient à ce que le premier ministre nous annonçait. Donc, quels sont les moyens incitatifs que vous avez l'intention d'appliquer pour que, enfin, ce petit fléchissement qu'on observe là se corrige?

Parce qu'on le voit dans un bon nombre de tableaux quand on compare en 1995, 1996, 1997, soit au niveau de la présence du français comparé à l'unilinguisme anglais, par exemple, au tableau IV, le pourcentage des commerces avec affichage unilingue anglais. Évidemment, là, est-ce que c'est statistiquement significatif? On ne le dit pas, probablement pas, mais on passe de 0,9 à 1,1 %. Dans certains cas, les pourcentages sont plus affirmés que ça. Évidemment, il y a aussi un petit fléchissement dans le nord, mais, à mon avis, c'est moins prononcé qu'au centre-ville. Donc, la question, je la répète, c'est: Qu'est-ce qu'on fait avec cette tendance-là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Beaudoin: Je pense, M. le Président, qu'il faut faire la distinction entre les grands magasins et les petits commerces qui sont souvent tenus par des nouveaux arrivants de fraîche date.

Pour les grands magasins, écoutez, notre détermination est très forte, comme vous avez pu le voir quand Alliance Québec, dans son beau programme, dans un des points de son beau programme, nous a dit que... il a manifesté, organisé des manifestations en face de chez Eaton, entre autres, La Baie, etc.

Il est évident qu'à ce moment-là nous avons dit et nous avons redit que, si les grands magasins réaffichaient bilingue, rien n'était exclu. Il y avait le vice-premier ministre, le premier ministre et moi-même. Nous avons fait venir les responsables, en fait les gérants, les patrons québécois, tout au moins, parce qu'il y a certains des patrons qui sont à Toronto, de ces grands magasins et qui étaient tous autour de la table pour leur dire, avec le président du commerce de détail, M. Lafleur, que ce serait inacceptable, que, s'ils faisaient ça, nous n'exclurions rien.

Nous répétons aujourd'hui que, si c'était le cas, nous n'exclurions rien, dont le retour à l'unilinguisme, si c'était nécessaire, parce qu'on ne peut pas... Justement, le premier ministre a bien expliqué qu'on ne pouvait pas accepter un changement aussi fondamental que celui-là dans l'équilibre linguistique de Montréal.

Vous savez finalement ce qui est arrivé. D'abord, les syndicats – et je les en remercie – et beaucoup de citoyens québécois francophones ont dit: Nous, les grands magasins, si vous faites ça, nous allons vous boycotter. La CSN la première, mais les autres syndicats ont embarqué, et il y a eu beaucoup, beaucoup de téléphones de la part de citoyens francophones dans ces grands magasins pour dire: Ne faites pas ça parce qu'on vous renvoie notre carte.

Alors donc, l'équilibre a été maintenu, c'est-à-dire l'unilinguisme français. Ça, c'est une première chose à laquelle on tient énormément. Parce que cette campagne de M. Johnson et d'Alliance Québec était inappropriée, impertinente, et je crois d'ailleurs, M. le député d'Outremont, que vous l'avez dit, à ce moment-là.

D'ailleurs, ça me permet de vous souligner que j'ai été très étonnée de voir – j'avais ça ici, tout à l'heure – que, concernant la Communauté urbaine de Montréal, vous trouviez que c'était une très, très bonne idée que la Communauté urbaine, institutionnellement, devienne bilingue. Je peux vous dire que, nous, la réponse est non et restera négative. Alors, je ne pense pas que ça aiderait, en tout cas, très franchement, par rapport à ce dont on parle.

(17 h 30)

Maintenant, les petits commerces, et c'est ça qui est en cause dans ce dont on parle, les petits commerces de nouveaux arrivants, etc. Comme le disait Mme Lapalme, 95 % ou 85 %, 90 %, en tout cas, très, très fortement majoritaire, ça se règle quand on explique aux gens. Parce que, très souvent, on a beau faire des campagnes, puis l'Office de la langue française a fait des campagnes dans ce sens-là aussi pour faire connaître la loi, les règlements, etc., enfin il faut faire ça, souvent les gens ne savent pas. Il s'agit d'aller les voir et de leur expliquer et la plupart du temps ils comprennent et ils se conforment. Alors, je crois que c'est ça, quand on parle de mesures incitatives, que nous devons faire et que nous ferons.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Ça, j'en conviens, mais c'était la même chose, quand j'étais à la Commission de protection de la langue française en 1985, c'était toujours les petits commerces. Donc, je me dis qu'il faudrait peut-être faire quelque chose d'un peu spécial pour les petits commerces.

Mais, peu importe. Ça, c'est juste une digression, mais, si je comprends bien, M. le Président – et ma position personnelle là-dessus est tout à fait claire – la notion de droits historiques des anglophones dans la tête de la ministre n'inclut pas le droit de pouvoir afficher dans leur langue à l'intérieur du cadre de la loi 86. Je vous l'ai dit, la notion de droits historiques, c'est éminemment ambigu, n'est-ce pas, et on peut en faire à peu près tout ce qu'on veut, dépendamment de la situation dans laquelle on se trouve. Mais là, si je vous ai bien compris, Mme la ministre, vous n'élargiriez pas la notion de droits historiques jusqu'à dire: Écoutez, il y a une loi 86, il y a un droit d'afficher dans des conditions de prédominance, exercez ce droit.

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Écoutez, ce qu'on leur a dit quand on les a rencontrés... Parce que, bon, la campagne de Bill Johnson, aussi, il faut bien voir tout l'agenda qu'il y avait derrière, hein? Tout l'agenda qu'il y avait derrière. Alors, ce qui était à l'article 1, c'est le bilinguisme au Québec, c'est l'anglais et le français sur le même pied, et c'est ça qu'ils recherchent derrière tout ce qu'ils font et toutes les manifestations, etc. Alors, connaissant leur beau programme, si vous voulez, on a fait de la prévention, en quelque sorte.

Alors, je crois que la loi 86, elle est honnêtement très utilisée, en quelque part. La prédominance du français, bon, etc., n'est pas toujours respectée, on essaie de faire en sorte avec les organismes de la Charte... Bon. D'ailleurs, il y a eu des exceptions. Vous vous souvenez très bien, dans la loi 86, des exceptions qui seront probablement testées en cour, d'ailleurs. Parce que, comme ils contestent tout, là, tout... Tout est contesté, le chapitre qui concerne l'éducation, la langue de travail, la prédominance du français, tout est contesté en cour à l'heure où on se parle. Je ne sais pas combien il y a de causes, mais il y en a quoi?

Une voix: Plus de 17.

Mme Beaudoin: Bon, une vingtaine de causes qui vont au coeur même de la Charte. Alors, ça va être intéressant de voir la suite des événements. Nous serons très attentifs, très vigilants. Les avocats, bien sûr, qui représentent le gouvernement dans ces causes vont défendre – et je l'ai dit très souvent – vigoureusement la Charte. Mais il y avait des exceptions, justement, dans la loi 86, entre autres sur les grands panneaux, etc., qui doivent demeurer français.

Donc, c'est vrai qu'il y a une question d'équilibre, et je reconnais avec vous, quand je parlais des droits historiques, personnellement, je pensais – et c'est ce que j'ai dit tantôt – essentiellement à l'éducation et aux services de santé et aux services sociaux. Est-ce que c'est un droit – et c'est une grande question qui s'est posée à plusieurs reprises – le droit commercial est-il un droit fondamental? Alors, recevoir l'éducation dans sa langue pour des anglophones et de la communauté anglophone, oui. Recevoir des services en santé, oui. Mais est-ce que ce sont des droits fondamentaux? Alors, c'est toute la distinction entre les droits fondamentaux et les droits qui ne le sont pas. Et quant à moi, le droit commercial, bon, il y a une grande zone, là!

Mais je veux laisser le sous-ministre associé répondre, il m'a dit qu'il avait un commentaire aussi à faire.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y, M. le sous-ministre, on vous écoute.

M. Corbeil (Jean-Claude): Merci. Juste une remarque rapide. Lorsque la loi 86 a été adoptée, il y avait eu une sorte d'accord tacite entre les très grands établissements qui acceptaient d'afficher en français seulement, de manière à permettre et à autoriser par la loi 86 l'affichage dans les petits commerces dans la langue à la fois du propriétaire et en français. C'était une sorte d'accord tacite qui s'est très bien maintenu à venir jusqu'à aujourd'hui. Et le problème se pose, actuellement, toujours dans le cadre des petits commerces qui ne respectent pas toujours la nette prédominance du français, probablement par ignorance, ou bien encore parce que leurs affiches sont tellement petites qu'ils ne jugent pas utile de faire la nette prédominance. Et nous aurons, par l'étude du Conseil, probablement, des renseignements encore plus précis pour poursuivre cette discussion-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le sous-ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Non, mais un commentaire là-dessus, c'est-à-dire que...

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.

M. Laporte: ...l'abstention volontaire, M. le Président, ça peut se faire dans beaucoup de contextes, y compris le contexte de l'affichage. Mais il y a d'autres contextes où on peut s'abstenir volontairement de, n'est-ce pas, pour des raisons de santé ou des raisons... d'autres choses, quoi, ou pour aller au ciel. Mais ce que je veux dire, c'est que, en vertu du cadre législatif actuel, je ne suis pas tout à fait un admirateur de Bill Johnson, mais il y a un droit; donc, je répète qu'il y a une ambiguïté sur la notion de droit, là.


Fermeture de dossiers de plaintes pour impossibilité d'action

Une petite question que je voudrais poser à la Commission de protection de la langue française, juste un point d'information. Dans le tableau qui décrit le nombre de dossiers et de plaintes par motif de fermeture, il y a une catégorie qui s'appelle Impossibilité d'action, et là il y a 234 plaintes et 227 dossiers. Évidemment, ce n'est pas l'impossibilité d'action due à la Charte fédérale ou... C'est quoi, cette impossibilité d'action là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Alors, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, je vais demander, si vous me permettez, à Mme Lapalme, parce que c'est une question très pointue, de répondre.

(Consultation)

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, on vous écoute.

Mme Beaudoin: Oui, on va lui permettre de retrouver le tableau, si vous permettez.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

Mme Beaudoin: Page 27?

M. Laporte: C'est la page 27 ou... Ce n'est pas paginé. La page 27, oui, c'est ça.

Mme Beaudoin: Page 27, c'est paginé en haut. Page 27.

(Consultation)

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, madame, on vous écoute.

Mme Lapalme (Odette): Il peut y avoir une impossibilité d'action si c'est une entreprise, par exemple, qui se retrouve au Japon, ou parce qu'on n'est pas capable de faire le lien de droit entre l'infraction et celui qui la commet. Il y a des établissements qu'on est incapable de décrire ou qu'on est incapable de retrouver, dans les CIDREQ ou dans les bureaux d'enregistrement, la provenance. On ne peut pas retracer des gens. Ça, ça arrive. Alors, il peut y avoir quelques dossiers comme ça, là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, madame. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bien, ça peut être une... Enfin, je comprends, ça peut être une impossibilité d'action qui tient au fait, par exemple, que c'est une entreprise qui est située à Chicago puis qui... Je pense à un domaine sur lequel je me suis intéressé, ça s'appelait les petits jeux de chimie, là, les jeux de chimie puis les petites automobiles, tout ça, là; ça, ça pouvait se franciser par voie de bonne entente avec ces entreprises-là, mais vous ne pouviez pas le faire par le moyen coercitif, quoi. Mais je trouve que, tout de même, ça fait pas mal d'impossibilités d'action, il y en a pour... C'est 5 % de vos plaintes dans lesquelles il y a une impossibilité d'action, c'est...

Mme Lapalme (Odette): Il y a un autre cas, là, aussi.

Mme Beaudoin: Oui, on va permettre à Mme Lapalme de préciser.

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y, Mme Lapalme.

Mme Lapalme (Odette): Tout ce qui est, par exemple, relatif au bilinguisme fédéral, il y a une impossibilité d'action. On peut peut-être constater, là, pour nous, en regard de la Charte, qu'il pourrait y avoir une infraction, mais il n'y en a pas en vertu des lois fédérales.

Mme Beaudoin: C'est ça. C'est ce qui est sous lois fédérales, donc, qui est bon.

Mme Lapalme (Odette): Pas juste la Charte, mais...

M. Laporte: Ah! O.K., ça va. Mais ça, ça ne tomberait pas dans la catégorie Charte fédérale, impossibilité d'action, là?

Mme Lapalme (Odette): Non.

M. Laporte: Ça serait une autre impossibilité d'action que celle-là.

Le Président (M. Boulianne): Est-ce que ça va, M. le député d'Outremont?

M. Laporte: Oui.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, merci, Mme la ministre. Alors... Oui, vous voulez ajouter?

Mme Beaudoin: Oui. Est-ce que je pourrais répondre justement, qu'on discute un peu de toute cette question concernant Montréal?

M. Laporte: Mais avant...

Le Président (M. Boulianne): Oui, un instant, s'il vous plaît!


Effets de la densité ethnolinguistique sur l'apprentissage du français à l'école

M. Laporte: Bon. Je voudrais juste savoir si – parce que c'est tout à fait pertinent pour ce que vous allez nous dire, là – Effets de la densité ethnolinguistique sur l'apprentissage du français – Exploitation statistique de la base de données du CLF , René Potvin, est-ce que c'est une étude qui existe ou si elle est à venir?

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Elle est en cours.

M. Laporte: Parce que, dans les procès-verbaux du Conseil, on rapporte une présentation qui a été faite par Mme Lévesque sur cette question-là. Et la conclusion à laquelle vous êtes arrivés, c'est que les données, à ce moment-là, n'étaient pas suffisamment... Enfin, les données ne permettaient pas que vous en arriviez à une conclusion touchant l'impact que pourrait avoir la densité ethnolinguistique sur l'apprentissage du français à l'école. Donc, vous avez décidé de poursuivre – parce que ça, disons, c'est un vieux problème, ce n'est pas nouveau – par une étude qui est en cours, maintenant.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. Mme la ministre, est-ce que...

(17 h 40)

Mme Beaudoin: Oui, Mme Assimopoulos va répondre.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y, donc.

Mme Brédimas-Assimopoulos (Nadia): Oui, M. le Président. En effet, Mme Mireille Lévesque, qui avait commencé cette étude-là au Conseil, qui était une professionnelle et une agente de recherche au Conseil de la langue française, a quitté le Conseil pour intégrer le département de recherche de notre ministère et, donc, nous sommes obligés de poursuivre les travaux de Mme Lévesque sur ce sujet-là.

Il s'agit de banques de données qui sont extrêmement riches. C'est tous les dossiers de tous les enfants de cette cohorte-là qui ont été examinés et il faut faire la relation entre, d'abord, la réussite scolaire, la diplomation de ces enfants-là, la réussite en français, en particulier, ou en mathématique, et ensuite mettre en relation les effets de densité ethnique avec cette réussite scolaire et la réussite en français, en particulier. Donc, il s'agit là de travaux qui prennent beaucoup de temps, qui sont extrêmement complexes. Et, comme il y a eu changement de chercheur sur le dossier – bon, le nouveau chercheur a pris quelque temps avant de se familiariser avec les dossiers; il a été engagé depuis le mois de février, je crois, hein, c'est ça – il y a eu déjà un battement de quelques mois où il y avait vacance à ce poste-là, au Conseil, le nouveau chercheur est un contractuel, pour le moment, donc ce n'est pas une personne régulière, mais, enfin, les travaux ont pris du retard à cause de ce départ.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, madame. Alors, il y avait Mme la ministre qui voulait parler sur Montréal, quelques minutes, pour répondre, et par la suite, on passera aux questions du député d'Iberville.


Situation linguistique à Montréal

Mme Beaudoin: Très bien. Alors, concernant Montréal, en effet, moi, je l'ai dit, dans un article qui est paru dans Le Devoir samedi, que cette situation m'inquiète et inquiète le gouvernement. C'est sûr qu'elle est annoncée depuis, en effet, le milieu des années quatre-vingt. Depuis 1980, on voyait ça venir, on savait. Et les démographes font des simulations et faisaient des projections qui nous démontrent que la situation, donc, est la suivante: la diminution des francophones, ce qui fera qu'en 2005, probablement, ou enfin, aux alentours de 2005...

Une voix: 2016.

Mme Beaudoin: 2016 ou 2005?

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Ça dépend des études, donc ça peut varier, mais ce qui est certain, c'est que les francophones seront en minorité sur l'île de Montréal.

Et ça pose toute la question de l'intégration des immigrants, c'est bien évident. Je pense que c'est le député de Drummond qui disait tout à l'heure que le taux de fécondité des francophones de souche est vraiment un des plus bas en Occident et, par conséquent, on ne peut pas compter sur ce taux de fécondité pour faire en sorte que la situation évolue autrement. Donc, les causes, en effet, sont assez connues. Je répétais, moi, celles que Michel Paillé, qui est démographe au Conseil de la langue française, a évoquées: alors – on le sait bien – la hausse de l'immigration internationale, la forte concentration de celle-ci dans l'île de Montréal.

C'est sûr qu'il y a, du côté du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, une politique pour régionaliser. Je pense que, dans certaines de vos régions – entre autres, je pense à Drummondville – il y a des tentatives d'implantation d'immigrants et que le taux de rétention – parce que c'est récent – le ministre responsable me disait qu'il y avait un taux de rétention, je pense, d'à peu près 60 % après deux ans. Bon, on verra ce que ça donnera dans cinq ans ou dans 10 ans, mais ce n'est pas évident. Donc, la faiblesse de l'immigration francophone...

Bon, on sait que l'immigration est composée à plus de 90 %, disait Michel Paillé, de non-francophones dont moins de 40 % connaissent le français. Alors, là, ça nous renvoie à la responsabilité du gouvernement du Québec sur sa propre immigration. Vous le savez, c'est, bon an mal an, autour de 40 % – un peu moins, ces dernières années – le restant étant de responsabilité fédérale. Le résultat est là: 80 % de non-francophones dont moins de 40 % connaissent le français. Alors, sur le 40 %, globalement, dont le Québec a la responsabilité, on essaie de faire en sorte que la connaissance du français, non pas être francophone, mais francophonisable – je pense que le néologisme a été utilisé – qu'il y en ait donc de plus en plus qui soient francophonisables et qui connaissent le français, ne serait-ce comme langue seconde, etc. Sur ce 40 %, il y en a peut-être aujourd'hui 60 % – parce que les grilles ont été changées; on est peut-être rendu à 60 %, on veut se rendre je pense à 80 % – qui connaissent le français ou qui sont en mesure de s'intégrer facilement à la langue française. Mais pour l'instant, on en est là. Et ces chiffres-là sont inquiétants.

Donc, ça nous renvoie à notre capacité, à notre attraction comme francophones pour intégrer ces nouveaux arrivants. Mais le nombre est tel que ce n'est pas évident puis il y a de moins en moins de francophones sur l'île, donc ils sont moins en mesure d'intégrer. Donc, c'est vraiment ce cercle vicieux dans lequel on se retrouve. Et là ça nous renvoie à l'étalement urbain.

Moi, je pense qu'il y a deux choses, honnêtement, a priori, qui ne seront pas suffisantes mais qui, en tout cas, tout au moins, spontanément nous viennent à l'esprit. Il va falloir qu'avec le ministère de la Métropole qui est responsable de l'habitation, parce que... Moi, je représente un comté de la couronne sud. Alors, pourquoi les francophones viennent dans le comté de Chambly, viennent s'établir à Saint-Bruno – moins à Saint-Bruno, finalement, qu'à Saint-Basile ou à Chambly? Pourquoi? Parce que il y a des maisons autour de 100 000 $ et qu'ils ont un jardin, un peu de verdure, que ça ne coûte pas trop cher, puis enfin qu'ils ont de jeunes enfants. Voilà. Donc, c'est pour ça qu'ils viennent dans ces coins-là, parce que c'est abordable.

Alors, il faut, je pense, intervenir en quelque part sur l'habitation à Montréal. D'ailleurs, moi, je pensais qu'à Outremont on payait suffisamment de taxes, j'étais sûre qu'on en payait plus qu'à Montréal, mais on m'a dit que non, on en payait plus dans la ville de Montréal. Alors, c'est sûr qu'il y a un problème d'équité fiscale, bon, parce que Outremont, ce n'est pas la ville la moins chère, j'imagine, en tout cas il me semble que ce n'est pas la ville la moins chère.

Alors, il y a ça. C'est un problème de fiscalité, d'habitation, en ce qui concerne l'étalement urbain, et, quand on pense à l'intégration des immigrants – ça, c'est pour ramener les francophones sur l'île – moi, je crois – on en a parlé tout à l'heure – que ce sont les programmes de francisation au travail qui sont les plus importants parce que souvent, ces nouveaux arrivants, quand ils se trouvent du travail, c'est dans une petite entreprise de moins de 50, souvent de moins de 25, et que c'est sur place, comme on l'a fait avec la communauté chinoise. Donc, il faut trouver et il va falloir intervenir beaucoup plus massivement concernant la francisation sur les lieux de travail. Malheureusement, souvent, dans ces entreprises, il n'y a pas de syndicat la plupart du temps, parce que, quand il y a un syndicat, bon, ça facilite les choses.

Alors donc, c'est évident qu'on ne peut pas rester inerte devant ça et que c'est toute la question bien évidemment, donc, qui interpelle les trois ministères. Évidemment, moi, j'ajouterai – vous permettrez, parce que c'est ce que je crois sincèrement et du fond du coeur – que c'est le statut constitutionnel du Québec qui est en cause aussi.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Alors, M. le député d'Iberville, s'il vous plaît.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Mme la ministre, je veux revenir à cet article-là paru dans Le Devoir de samedi, qui était titré Une politique linguistique plus ferme que jamais et sous-titré: «Il faut savoir que la Charte de la langue française ne peut pas assurer à elle seule l'usage de la langue française.»

Dans un premier temps, l'étude du démographe Michel Paillé, c'est récent, est-ce qu'elle est publiée? Et j'aimerais savoir grosso modo la méthodologie employée.

Une voix: ...

M. Bergeron: La méthodologie que M. Paillé a employée?

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre, allez-y.

Mme Beaudoin: Oui. Alors, écoutez, la méthodologie, je ne la connais pas. Honnêtement, je n'en ai aucune idée. Michel Paillé est démographe depuis longtemps au Conseil de la langue française. Ça doit faire plusieurs années qu'il est là parce qu'il est assez connu pour ses études.

Alors, il y a deux choses. Il a publié, dans Le Devoir , à peu près une semaine avant mon propre article, un article: Le français dans l'île de Montréal , La proportion de francophones diminue sous l'effet de plusieurs facteurs malgré la loi 101 , alors où il expliquait un peu ce que je viens de vous dire. Il est en train de préparer une étude, je l'ai dit tout à l'heure, sur l'étalement urbain, justement qui va être publiée dans quelques semaines?

Une voix: Oui.

Mme Beaudoin: Dans quelques semaines. Alors, ça va être extrêmement intéressant, mais, quant à sa méthodologie, malheureusement je ne peux pas vous renseigner, mais je présume que c'est dans les règles de l'art.

(17 h 50)

Et donc il disait une chose, Michel Paillé, dans cet article du Devoir , il parlait d'un livre que je me propose de lire et même peut-être de faire venir le professeur Levine. Alors, dans son ouvrage La reconquête de Montréal , 1997, le professeur Levine – que je ne connais pas – de l'Université du Wisconsin, se demande, et il cite le professeur Levine, «si la tendance à la baisse du nombre de résidents de langue française est un signe avant-coureur de la défrancisation de l'île et de la région» – page 357 de ce livre qui a dû être traduit en français?

Des voix: Oui.

Mme Beaudoin: Ça existe en français, La reconquête de Montréal . Bon. Et là il ajoute, Michel Paillé,je pense que c'est important de le dire: «Bien que Levine reconnaisse le succès global de la loi 101 dans la vie publique, milieu de travail, des affaires, des services, des loisirs, il ne peut, par ailleurs, écarter la nécessité – et c'est là que c'est fondamental, on est au coeur du problème – d'une masse critique suffisante de personnes ne faisant usage que du français, à la fois dans leur vie publique et dans leur vie privée.»

Alors, c'est quoi cette masse critique dont on a besoin à Montréal? Est-ce que c'est plus que de la moitié ou moins de la moitié? Je n'en sais rien, là, mais je l'imagine. Et ma réponse à moi, spontanément, c'est sûr que c'est plus que la moitié. Se refusant à donner une réponse définitive, M. Levine, le professeur, conclut tout de même, à l'instar du bilan gouvernemental de mars 1996, que la reconquête du français à Montréal demeure fragile. Alors, tout est là.

Et donc, le professeur Levine, je pense qu'on va le faire venir et qu'on va en discuter avec lui. Enfin, nous, on va être obligés de réunir les meilleurs spécialistes, là, hein, parce que les études, là, elles vont être faites, puis je pense qu'on en sait suffisamment. Les démographes nous l'auront assez dit, on ne peut plus attendre. Alors, c'est, au gouvernement, les trois ministères impliqués, c'est ceux que j'ai nommés: Métropole, Relations avec les citoyens et puis nous à la Charte de la langue française, qui devront présenter leurs recommandations, puis leurs conclusions, parce que la situation, elle est là, on la connaît, on va en discuter. Il faut qu'on en discute. Il faut que ce soit un débat de société au Québec. De société!

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Oui. Encore par rapport à cet article-là, vers la fin, il est écrit: «En 1991 – nous indiquait Michel Paillé – les allophones choisissaient l'anglais dans une proportion de 74 % lors de leur transfert linguistique contre 26 % pour le français. En 1996, 40 % – seulement 40 % – des allophones ont choisi le français, ce qui n'est toujours pas suffisant.» Et ma question, Mme la ministre, c'est que c'est préoccupant. Les francophones forment environ 80 % et quelques et à 40 % les allophones choisissent le français. Est-ce qu'il y a quelque chose à faire pour hausser le pourcentage?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Iberville. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Bon, alors, ce que disait Michel Paillé, c'est ça, il ajoutait cependant, il disait: «Mais la loi 101 étant encore très jeune... Il disait d'abord c'est quand même une nette amélioration – mais que ce n'est pas suffisant, c'est sûr – de 26 % à 40 % en quoi? Ça a pris 20 ans, là?

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Bon, alors, il disait donc: «La loi 101 étant encore très jeune, ses effets indirects sur la langue d'usage à la maison, dans l'ensemble des foyers allophones, ne peuvent pas déjà renverser le poids de l'histoire.» Disons que je n'attendrai pas pour voir si l'histoire va me donner raison ou non, hein? Disons que je suis historienne. Ça, je vais laisser ça à mes successeurs qui sont historiens de formation. Moi, je vais essayer de la faire, l'histoire, comme vous le savez, avec vous tous, là. Alors, il va falloir qu'on agisse. Qu'on agisse! On ne peut pas attendre que la loi 101... je me dis que peut-être qu'elle donnera ses effets, puis que les commissions scolaires linguistiques...

C'est vrai que les commissions scolaires linguistiques – et je le notais dans cet articles-là – vont peut-être aider. Parce que les allophones qui allaient au secteur français du Protestant School Board, la francisation, bien, elle était peut-être dans la salle de classe, mais, dès qu'ils en sortaient, leur environnement, même scolaire, de la commission scolaire elle-même, était très anglophone. Donc, c'est déjà une décision très structurante d'avoir mis sur pied des commissions scolaires linguistiques. Mais là aussi ça va prendre du temps.

Donc, il va falloir être très proactif parce qu'on veut arriver à temps. En d'autres termes, si on laisse les choses se dérouler normalement par les effets de la loi 101, on va peut-être arriver en retard un moment donné. Donc, il va falloir être plus proactif immédiatement. C'est évidemment que c'est la francisation puis l'intégration des immigrants. Comment? Je pense que le ministre responsable y réfléchit, la ministre de la Métropole aussi et moi-même, puis on va mettre nos réflexions en commun. Conjointement, on va réfléchir ensemble. Et ça presse! Ça presse.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Iberville, est-ce que ça répond...

M. Bergeron: Ça me convient. Je note l'urgence.

Mme Beaudoin: Oui. Parce qu'on n'a pas de réponse automatique puis il n'y en a pas de facile, je pense bien que vous l'imaginez.

M. Bergeron: Bien, j'en suis conscient.

Mme Beaudoin: Il n'y a pas de réponse évidente, mais il faut y réfléchir puis il faut agir.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député d'Outremont, une dernière ou...

M. Laporte: Bien. Je ne sais pas. Un peu pour réagir à ce que vous dites – et les gens qui sont là-bas le savent peut-être mieux que moi – mais il y a un paradoxe: c'est qu'une législation linguistique, ça n'a pas beaucoup d'impact sur le prestige d'une langue. Et là la question est de savoir: Comment on influence le prestige d'une langue comme la nôtre dans un environnement nord-américain où le prestige de l'anglais est si fort? Mais comment peut-on agir sur le prestige de la langue?

Mme Beaudoin: Sur quoi?

M. Laporte: Sur le prestige de la langue.

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Comment agir sur le prestige de la langue? C'est très intéressant parce que, dans le fond, c'est ce que je disais, l'attraction, tantôt, comment être attractifs. Et c'est sûr, je crois, moi, en tout cas, que la langue de travail... C'est vrai qu'il y a eu des grands changements puis que la langue française est devenue plus attrayante qu'elle ne l'était parce qu'elle permet de gagner sa vie et de la bien gagner. Bon. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas être bilingue ou trilingue, là, hein? Ce n'est pas ça mon propos. Parce que, bon, les écarts de revenus entre francophones puis anglophones justement se sont atténués grâce en bonne partie à la Charte puis au prestige nouveau de la langue française.

Cependant, je crois qu'être attractif... Moi, je vais vous dire quelque chose sur l'attraction – je sais que je ne suis pas toujours populaire quand je dis ça et même dans mon propre parti – mais je crois que la qualité de la langue a un effet d'attraction. Je ne crois pas que le joual soit très attractif pour les immigrants. Et je crois que la qualité de la langue est importante et que cette attraction que la majorité... On ne peut pas juste contraindre, vous le savez bien, il faut convaincre en partie, je veux dire, c'est bien évident. Donc, où est-ce que se termine la contrainte? Où est-ce que commence la conviction, en quelque sorte? En tout cas, à quelque part, pour moi, la qualité de la langue est importante. Et je le dis comme je le pense. Donc, c'est ça.

C'est quand même une question extraordinairement existentielle qu'une majorité de plus de 80 % ne suffisse pas en soi à être attractive. Il est sûr que la force de l'anglais – et je le disais dans cet article, au tout début de l'article, j'aime beaucoup cette idée-là – que les forces du marché linguistique nous sont toutes défavorables. Bien c'est vrai parce qu'on est 2 % de la population en Amérique du Nord et puis qu'on est à côté de la plus grande superpuissance de tous les temps. Alors, ça, c'est une partie de la réponse.

Une voix: En tout cas...

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Oui. M. le député de Drummond. Alors, on peut aller jusqu'à 18 h 3. J'ai besoin du consentement si on veut dépasser.

M. Jutras: Juste une petite remarque que je voulais faire.

Le Président (M. Boulianne): Oui. M. le député d'Outremont, vous êtes d'accord?

M. Laporte: Bah!

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y.

M. Jutras: Alors, je pense que vous en avez parlé tantôt, un autre élément qui est important, c'est la régionalisation de l'immigration. Chez nous à Drummondville, on a vécu une expérience très intéressante avec plusieurs familles bosniaques qui sont arrivées chez nous et qui ont été prises en charge par la collectivité. Mais on ne les a pas prises en charge seulement pour leur trouver un logement; on les a prises en charge surtout pour leur trouver un emploi. Et, à partir du moment où ces gens-là ont un emploi, la plupart du temps, ils restent. Et c'est pourquoi on a connu avec ces familles bosniaques là un taux de rétention assez élevé. Et ces gens-là n'ont pas le choix, à Drummondville, c'est à 98 % francophone. Alors, qu'ils aillent à la caisse populaire, à la banque, à l'épicerie, tu n'entends jamais parler anglais. Même que tu es surpris quand tu entends parler anglais. Alors, ils n'ont pas le choix, donc, ces gens-là – c'est comme ça dans bien des villes du Québec quand même, là – de s'intégrer au français et d'apprendre le français. Et j'en rencontre plusieurs, et ils parlent très bien le français.

Mme Beaudoin: On voit ça ici, à Québec même.

M. Jutras: Oui. À Québec.

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre.

M. Jutras: Dans Portneuf.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Mme la ministre, un commentaire...

Mme Beaudoin: ...

Le Président (M. Boulianne): ...ou je pourrais passer la parole au député d'Outremont après?

Mme Beaudoin: Oui. Très rapidement. Je pense qu'en effet c'est une excellente politique qui demande un effort, mais qu'il faut faire. C'est certainement une façon d'y arriver.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le député d'Outremont.

(18 heures)

M. Laporte: J'en profite parce que j'avais oublié, ça, de le mentionner, mais je pense que la comparaison avec Barcelone est intéressante ici, mais on prévoit dans les documents que vous nous avez remis qu'il y a un colloque à l'automne. Si j'ai compris, ça se déroule en Catalogne, pas au Québec.

Mme Beaudoin: En Catalogne.

M. Laporte: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir un devis du colloque, un plan du colloque, juste pour... Nous, de l'opposition, ça serait juste pour nous donner le goût d'y aller.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: On peut tout de même vivre un peu de nostalgie, quoi, non?

Mme Beaudoin: Absolument.

Le Président (M. Boulianne): Mme la ministre, est-ce que vous avez des commentaires à ce chapitre-là?

Mme Beaudoin: Je vais demander au sous-ministre de faire le commentaire.

M. Corbeil (Jean-Claude): Nous sommes en train, avec la Direction générale de la politique linguistique de Catalogne, de finaliser le programme de ce colloque. Et je me ferai un grand plaisir de vous communiquer ces renseignements-là.


Adoption des crédits

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, ça met fin à la commission. Alors, avant de vous souhaiter un bon retour, j'aimerais demander l'adoption des crédits.

Alors, est-ce que les crédits du programme 2, concernant la Charte de la langue française, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

M. Laporte: On me dit, monsieur, que nous avons toujours un doute ici, à l'opposition, et qu'il faut... Ça sera sur division.

Le Président (M. Boulianne): Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires pour l'année financière 1999-2000 du ministère des Relations internationales sont adoptés?

Des voix: Adopté.

Une voix: Ils le sont.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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