(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Rioux): Mesdames et messieurs, nous allons entreprendre nos travaux.
Une voix: On ne serait pas mieux d'attendre un peu? Le Président (M. Rioux): Non, il est 9 h 30. Vous êtes prêts, vous autres? Tout le monde est prêt? On commence.Mme Beauchamp: Pour notre information, est-ce que vous connaissez les intentions de la ministre? Est-ce qu'elle sera des nôtres ce matin?
Une voix: Oui, oui, elle est là. Le Président (M. Rioux): Oui, oui, elle est juste...
Une voix: Je l'ai vue dans le corridor.Le Président (M. Rioux): Alors, je demanderais aux représentants de la revue Vie Ouvrière de prendre place, s'il vous plaît.
Mme Beauchamp: M. le Président, est-ce que vous permettez une courte intervention, juste avant d'entendre nos invités?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui. Allez!
Organisation des travaux
Mme Beauchamp: Enfin, je veux soumettre une proposition aux membres de cette commission parlementaire. De mon côté, j'ai l'impression qu'on pourrait difficilement terminer la réflexion et entamer nos séances de travail pour passer à l'élaboration de recommandations si on n'a pas entendu un joueur important, je pense, dans le dossier jusqu'à maintenant, qu'on n'a pas eu la chance d'entendre et qui est la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Ceci étant dit, M. le Président, je vais prendre 60 secondes pour vous rappeler que la Caisse de dépôt et placement du Québec a fait, dans la dernière année, un investissement majeur puis le plus important de son histoire, 2,2 milliards de nos sous, à nous, de notre avenir, qu'elle a investis dans le secteur des communications.
J'estime que la Caisse de dépôt, pour ça, a fait des analyses, a développé une vision de ce qu'est l'avenir des communications au Québec, au Canada et à travers le monde. Elle a fait un choix qui a été salué par le gouvernement mais elle a fait un choix tellement important qu'elle a décidé d'y mettre 2,2 milliards, et de détenir, comme ça, 45,3 % des parts de Quebecor.
Moi, je pense qu'il serait important, pour compléter notre réflexion, d'entendre les dirigeants de la Caisse qui ont fait un tel choix puis sûrement basé sur des analyses, qui ont développé une telle vision. Et ce n'est pas, non plus, sans vous rappeler, également un peu, les inquiétudes qui ont été exprimées par plusieurs intervenants, que ce soit les intervenants syndicaux, que ce soit l'Association nationale des éditeurs de livres, l'inquiétude exprimée face à cette participation de la Caisse de dépôt et placement. Mon collègue me rappelle également, bien sûr, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec qui a carrément, elle-même également, émis ses appréhensions.
Je voudrais également vous rappeler que la Caisse de dépôt est un actionnaire important dans différents fonds d'investissement dans le domaine de la culture. Notre mandat ici touche non seulement l'impact de la concertation des médias dans le domaine de l'information, mais également, je vous le rappelle, dans le secteur de la culture. La Caisse de dépôt contrôle des fonds où elle investit en culture, et on sait aussi qu'elle est une tenante de la notion de convergence.
Je vous rappelle aussi l'interpellation qu'on a eue des médias communautaires, de la télévision communautaire, qui a écrit à la Caisse de dépôt, qui n'a pas eu réponse. Je pense que, comme parlementaires, afin de compléter notre réflexion, il serait important d'entendre la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Et là, M. le Président, je vous invite à me guider. Je vous en fais la demande à titre de membre de cette commission parlementaire. Je sais que nous sommes en consultation générale, mais j'aimerais que vous me guidiez sur la façon de faire pour qu'on puisse entendre la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, elle, a fait un choix stratégique important à même ses fonds et notre argent, et je pense que ce serait extrêmement important de l'entendre.
Le Président (M. Rioux): Essentiellement, il y a trois choses à dire. Normalement, nous terminons nos travaux aujourd'hui. Les groupes qui ont été invités ont été invités, bon, etc., c'est clair, et on termine nos travaux aujourd'hui.
Si c'était la volonté des membres de la commission de demander à la Caisse de dépôt de venir devant nous, ça nous prend une décision de la commission pour que tous les membres soient d'accord, et c'est le principe de la double majorité. À ce moment-là, on pourrait prolonger davantage le mandat pour écouter ou entendre la Caisse de dépôt. Mais, évidemment, ça prend une décision des membres de la commission. Oui, M. le député de Vachon.
M. Payne: Bien, brièvement, j'aurais bien voulu qu'on puisse commencer nos travaux selon l'horaire établi au début de la commission. N'empêche qu'il serait peut-être pertinent de souligner que ces questions-là font habituellement l'objet d'une discussion, en l'occurrence, une entente entre les deux parties quant à la liste, qui on voudrait inviter, à quel moment, et pour avoir la meilleure répartition de notre temps.
Je pense que le déroulement de nos discussions est une évidence même que ça s'est très bien déroulé, mais toute l'économie d'une commission parlementaire par initiative est qu'on puisse procéder avec un maximum de collaboration pour qu'on puisse atteindre nos objectifs. C'est sûr qu'il y a des déceptions. Moi, j'aurais bien voulu avoir CanWest Global; ils ne sont pas venus. Mais je dois bien me réconcilier à la réalité qu'on ne peut pas tout faire. Je pense qu'on avait un excellent aperçu.
Dans le cas de la Caisse de dépôt, il s'agit là d'un participant financier minoritaire aux alentours, je crois, de 30 %. C'était la même chose pour d'autres groupes qui n'étaient pas entendus. Moi, personnellement, comme parlementaire, je suis suffisamment informé.
Dans notre position, on n'a pas le monopole de la sagesse, loin de là, mais on avait justement la même expérience avec nos chers collègues de l'opposition avec le projet de loi sur la Bibliothèque, où au cours de l'automne, on voulait ouvrir de nouveau la liste plus tard pour qu'on puise insérer quelqu'un. Et j'ai l'impression que, cette fois-ci ? la deuxième fois ? qu'il s'agit peut-être d'une tactique qui deviendrait dangereusement un précédent.
Vous, M. le Président, vous êtes le responsable pour la réalisation de nos objectifs, c'est-à-dire la mise en oeuvre de nos orientations, de nos décisions administratives ? qui on va écouter, quand ? et je pense qu'on devrait vivre avec ça. D'ailleurs, nous avons des gens à la télévision. Ils sont conscients qui on a entendu, qui on n'a pas, et je pense qu'on devrait respecter également nos invités ici.
n(9 h 40)nLe Président (M. Rioux): Je vais essayer, M. le député de Vachon, d'interpréter le règlement de la façon la plus claire possible. On n'est pas convoqué présentement pour écouter la Caisse de dépôt; ça, c'est la première chose. Si nous devions le faire, il faudrait en débattre entre nous, en séance de travail, avant de se donner un mandat d'entendre la Caisse de dépôt. Mais ce n'est pas exclus qu'on puisse le faire dans une séance ultérieure de la commission qui, en séance de travail, peut décider de convoquer la Caisse de dépôt; ça, c'est une autre histoire.
Mais, normalement, on est ici pour entendre Vie Ouvrière et les autres qui vont suivre. Mais, moi, je serais tout à fait d'accord pour que nous en débattions à notre prochaine séance de travail qui va venir très rapidement d'ailleurs.
Alors, voilà, Mme la ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, je vous ai vu...
Mme Maltais: C'est sur un autre sujet, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Ah! M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Oui. Tout simplement, M. le Président, pour abonder dans le sens que vous avez dit, en ajoutant seulement ceci, que les gens sont là, ils attendent pour se présenter. Hier, on a été retardé par une autre démarche qui, peut-être, peut s'expliquer. Mais je pense qu'à un moment donné le respect des gens exige qu'on retarde le moins possible, d'autant plus que, nous aussi, nous avons des contraintes et nous avons d'autres engagements après; la journée ne s'arrête pas avec la fin de la commission. Merci.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Oui, je voudrais terminer en vous disant que, moi, je tenais à le soulever publiquement, pour qu'on puisse effectivement en débattre, par la suite, en séance de travail. Mais vous permettrez que je rectifie certains faits rapidement.
Lorsque le député de Vachon fait le lien avec le dossier concernant la Bibliothèque, on se rappellera que c'était là une consultation particulière où la liste des invités avait été dressée, entre autres, après discussion avec le gouvernement, mais c'était une décision du gouvernement qui on entendait.
La situation est différente, nous sommes dans une consultation générale, et je pense qu'il peut être intéressant qu'on débatte, en séance de travail, d'autres invités qu'on devrait entendre pour compléter notre réflexion. Je suis d'accord avec le député de Vachon de dire qu'il y aura peut-être également d'autres personnes qu'on souhaitera interpeller.
Mais, je tenais ici... compte tenu qu'il y a énormément d'invités, qui ont discuté, qui ont soulevé les appréhensions puis le questionnement qu'on a face à la place de la Caisse de dépôt dans l'univers des médias maintenant au Québec, je pense qu'il était important publiquement de faire le point, d'indiquer que, comme parlementaires membres de cette commission, on débattra de l'invitation qui sera lancée à la Caisse de dépôt et de placement pour venir se faire entendre devant cette commission.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la ministre.
Mme Maltais: M. le Président, hier, on m'a demandé d'aider la réflexion de la commission en déposant certains documents. J'ai pour vous, ce matin, un document qui a été commandé au Centre d'étude des médias sur des réflexions sur l'étranger. Alors, on a ici, là, le document, il y a quatre ou cinq pays...
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Maltais: ...qui sont examinés par des correspondants à l'étranger, ce qui fait que le document, par ailleurs, est en anglais, puisque ce sont des pays en majorité anglophones.
Documents déposés
Le Président (M. Rioux): Merci, merci beaucoup. Alors, je déclare donc la séance ouverte. Je vous rappelle notre mandat: c'est de poursuivre, aujourd'hui, les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur les impacts des mouvements de propriété dans l'industrie des médias et télécommunications, sur la qualité, la diversité, la circulation de l'information, de même que la culture au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, bienvenue aux représentants de Vie Ouvrière. Vous avez l'occasion de vous faire entendre devant les parlementaires. On avait hâte de vous accueillir, parce qu'on sait que vous avez un son de cloche bien particulier et on a bien hâte de l'entendre. Alors, monsieur, on vous écoute, et présentez-nous vos collègues.
Revue Vie Ouvrière inc.
(Recto Verso et l'aut'journal)
M. Amiot (Richard): Oui, je me présente, Richard Amiot. Je suis rédacteur en chef du magazine Recto Verso. À ma gauche, vous avez Anne-Marie Brunelle qui est éditrice, coordonnatrice du magazine Recto Verso, et à ma droite, Pierre Dubuc qui est directeur de l'aut'journal. Alors, si vous permettez...
Le Président (M. Rioux): Vous avez 15 minutes pour nous présenter votre document.
M. Amiot (Richard): Oui. Si vous permettez, on va faire une petite présentation à trois qui est un résumé, en fait, du mémoire que nous avons déposé.
Le Président (M. Rioux): On n'est pas contre le partenariat.
M. Amiot (Richard): Parfait. Alors, bien que fort différentes mais également fortes de leurs différences, nos deux publications ? Recto Verso et l'aut'journal ? ont décidé de faire une présentation commune devant la commission de la culture de l'Assemblée nationale pour bien souligner un des principaux enjeux du débat en cours, la survie et le développement de la presse indépendante au Québec. Nous entendons par «presse indépendante» les médias à propriété collective ou privée, hors des conglomérats que sont Quebecor, Power Corporation, Transcontinental et leurs filiales. En ce sens, un hebdomadaire régional privé comme Le Canada français ou le quotidien Le Devoir font partie de la grande famille de la presse indépendante.
La presse indépendante québécoise, quoique toujours fragile, est diversifiée. À l'automne 2000, le réseau Altermédia a dénombré plus de 200 médias écrits sans but lucratif dont 90 sont membres de l'Association des médias écrits communautaires, l'AMECQ. Plus de la moitié de ces journaux sont mensuels, et leur tirage varie entre 100 et 100 000 exemplaires. Les conditions, les projets éditoriaux varient aussi beaucoup d'un média à l'autre. Certains sont plus analytiques, d'autre plus militants, appelant à un engagement social, ou encore, comme la majorité des médias communautaires, font d'abord de l'information locale ou régionale. C'est justement riche de ces différences que la presse indépendante réussit à combler des vides dans l'information. La presse indépendante met de l'avant de nouvelles idées ou ressuscite de vieilles idées toujours pertinentes; elle anime les débats dans les régions et dans tout le pays.
Dans la logique de la démocratie libérale anglo-saxonne dans laquelle nous vivons, les contrepoids et les contre-pouvoirs sont indispensables. Ces contrepoids et ces contre-pouvoirs doivent exister à tous les niveaux politiques non seulement national, mais régional et local. Or, par rapport aux pouvoirs économiques, c'est l'État qui joue ce rôle de contre-pouvoirs. Ses interventions peuvent passer par la réglementation et les lois antimonopole notamment.
Une autre façon d'intervenir, c'est pour diversifier le marché, le soutien aux PME, aux nouveaux entrants, aux secteurs témoins, c'est-à-dire à la presse indépendante ? privée ou communautaire ? avec ou sans but lucratif. Là se situent nos revendications: une agence de presse interrégionale, une fondation de soutien, un fonds de développement, le soutien à la distribution, etc.
Ces dernières années, les gouvernements, tant fédéral que provincial, ont favorisé, par diverses politiques, la constitution de groupes médiatiques puissants supposés rivaliser avec leurs concurrents dans le monde. Ces politiques ont favorisé la concentration de la propriété des médias. Celle-ci a atteint un seuil critique, au point que la balance des inconvénients l'emporte sur les avantages que l'on en espérait. Ainsi, constate-t-on, depuis plus de 10 ans au Québec, une baisse constante du tirage global des journaux quotidiens.
M. Dubuc (Pierre): On peut souligner que la concentration de la propriété a aussi comme conséquence que l'information est considérée comme une marchandise comme les autres et qu'elle n'occupe plus que la partie congrue des activités des médias. Puis je pense qu'on a un exemple à chaque fin de semaine.
Si vous prenez votre cahier de La Presse, que vous commencez à enlever vos cahiers Annonces classées, les sports,les loisirs, le bricolage, les voyages, l'information générale, en fait, il vous reste peut-être un ou deux cahiers d'information générale. Puis, si vous enlevez là-dedans les informations générales, style: le pont Mercier va être fermé la semaine prochaine, c'est des informations pertinentes mais qui nous différencient un peu de ce que la presse indépendante et alternative occupe comme champs d'intérêt. Beaucoup des médias ? on le voit aujourd'hui ? leurs cahiers, c'est de la publicité déguisée. En fait, on sait que les revenus des médias... il y a une étude qui a paru il y a quelques années; 79 % de leurs revenus provenaient de la publicité.
Donc, je pense qu'il y a une intervention législative ou réglementaire de l'État qui s'impose dans ces conditions. Je pense que vous avez déposé, ce matin, puis il y a eu d'autres mémoires qui en ont parlé, que, dans d'autres pays, ça se fait. Donc, on ne voit pas pourquoi, au Québec, il ne pourrait pas y avoir d'intervention législative de ce sens.
On va vous présenter maintenant huit recommandations, qu'on met de l'avant, qui ont pour but de soutenir les médias d'information communautaire, soutenir les médias indépendants, privés ou communautaires, puis encadrer les activités des groupes de presse.
La première proposition ? je ne pense pas qu'il y ait d'autres groupes, là, à ma connaissance, qui l'ait proposée devant la commission ? serait la création d'une fondation d'aide aux médias communautaires. On doit dire, d'abord, que l'État intervient beaucoup dans le financement des médias puis des grands quotidiens.
Hier, dans le journal Le Devoir, on faisait mention de la publicité gouvernementale dans les grands médias, mais on peut ajouter aussi que la publicité, il y a des déductions fiscales, hein, qui peuvent aller jusqu'à 46 % des profits des entreprises.
On parlait, dans Info Presse, qu'il y avait 1 530 000 000 $ qui est dépensé annuellement en publicité dans les médias, au Québec. Ça fait que, si vous calculez une déduction à 46 % là-dessus, vous avez jusqu'à concurrence de 780 millions d'aide indirecte du gouvernement à ces différents médias là. On a essayé d'avoir l'information précise, savoir exactement combien l'État versait de déductions fiscales aux entreprises par la publicité; malheureusement, on nous a dit que ce n'était pas disponible.
Donc, nous, on pense qu'il serait important, à partir de ce principe-là, qu'on puisse mettre sur pied une fondation qui pourrait émettre... c'est-à-dire que les médias communautaires puissent créer des fondations qui pourraient émettre des reçus d'impôt au même titre que les organismes de charité ou bien que les partis politiques. C'est un principe qui est connu, c'est un principe qui fait en sorte que les entreprises elles-mêmes, que les journaux sont obligés de faire leur propre campagne de levée de fonds. Ça fait que je pense qu'on vous invite à réfléchir sur cette recommandation-là.
n(9 h 50)nMme Brunelle (Anne-Marie): Nous demandons aussi l'enrichissement et l'élargissement des programmes existants de financement pour les radios, les télévisions, les journaux, les magazines, tant nationaux que régionaux ou locaux. En fait, ce qu'on vient vous dire aujourd'hui, c'est qu'il existe déjà un assez bon réseau de médias communautaires qui, malheureusement, pas suffisamment financés actuellement pour agir, faire vraiment son rôle de contre-poids dans les grandes régions où il y a à peu près juste un média qui occupe le monopole du champ de l'information. Donc, il faut donner les moyens de survivre, de prendre de l'expansion, dans le but de mieux servir la population, et finalement, la démocratie.
Nous demandons aussi à ce que vous examiniez la possibilité de la création d'un fonds de développement pour les médias indépendants, c'est-à-dire la création d'un fonds dédié à la presse indépendante, financée par une taxe sur les profits ou mieux sur les ventes publicitaires des grands groupes de médias, ce qui concourrait par ailleurs à la transparence dans la gestion des médias. C'est des chiffres auxquels on n'a jamais accès, c'est des chiffres qui sont secrets encore actuellement. Nous savons que d'autres intervenants devant la commission de la culture proposent aussi la création d'un tel fonds; on en a entendu parlé depuis quelques semaines. Selon nous, le gouvernement doit intervenir pour rétablir un sain équilibre sur le marché et corriger une situation qui met en péril l'exercice de la démocratie.
Une autre recommandation, c'est l'achat ciblé de publicité gouvernementale. Il existe déjà une règle qui n'est pas respectée par tous les ministères mais quand même par un bon nombre d'entre eux, une réservation de 4 % de l'investissement publicitaire pour les médias communautaires, mais nous demandons à ce que ce soit élargi à l'ensemble des ministères, et que la publicité municipale aussi soit régie par un règlement comme celui-là. Dans le cas des municipalités notamment, rediriger une part substantielle de la publicité obligatoirement vers des médias indépendants contribuera, selon nous, à revitaliser la vie démocratique locale, surtout si le gouvernement, par d'autres mesures, facilite aussi le démarrage et l'expansion des journaux, télévision et radios locaux ou régionaux.
Nous demandons aussi que vous observiez la possibilité d'aider au démarrage d'une agence de presse québécoise. Le projet n'est pas nouveau; le ministre O'Neil l'avait fait étudier, Telbec s'y est essayée. Nous pourrions recommencer et réussir. De jeunes organisations, comme, par exemple, Le Tour d'ivoire, de Trois-Rivières, qui publie un quotidien par fax, qui fait de l'information sur les réalités du monde communautaire tous les jours, peuvent contribuer à constituer une telle agence qui couvre le Québec en profondeur.
Pour un, Recto Verso et l'aut'journal y voient un intérêt certain, mais n'auront pas, d'ici longtemps, les moyens d'y contribuer par le paiement d'un abonnement à la hauteur des services attendus ou par une participation directe à sa création. L'aide de l'État serait requise et elle bénéficierait au plus grand nombre.
Et, en terminant, nous demandons aussi la création d'un fonds de démarrage pour les médias indépendants, parce que, ce qui nous apparaissait extrêmement important dans la situation actuelle, c'est la quasi impossibilité actuellement de penser à démarrer un nouveau média. Dans le contexte actuel, je pense que, pour que ce soit un média national, régional ou local, les conditions sont extrêmement difficiles. Je pense que c'est quelque chose qui serait assez inenvisageable à l'heure actuelle. Donc, nous demandons la création d'un fonds de démarrage pour les médias locaux, régionaux et nationaux à même des prélèvements sur les ventes des groupes de presse ou des consortiums administrés par des représentants du milieu. Trop peu de voix se font entendre, il ne suffira pas de soutenir les médias existants, il faut aussi en susciter d'autres.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Dubuc (Pierre): Je poursuivrais avec deux points, brièvement. C'est toute la question de la distribution. On voudrait la mise sur pied d'une agence de distribution coopérative. Vous savez, c'est un aspect important, la concentration, dans la distribution. Là, on assiste à un duopole entre deux entreprises d'ailleurs qui ont failli fusionner, il y a quelques années. Et je pense que, ça, ça mériterait une attention particulière de la part de la commission.
Finalement, on pense que l'État est légitimé d'intervenir avec une loi qui pourrait garantir la liberté et la diversité des médias. Vous savez comment ça, ça peut nous affecter. Prenons le débat sur la santé. Je pense que, au cours des derniers jours, il y a eu une série de deux articles dans Le Devoir, de Mme Prémont, sur le rôle des compagnies d'assurances dans toute la question du débat sur la santé actuellement. Curieusement, on n'avait jamais entendu parler de ça dans tous les milliers et milliers de pages qui ont été publiées dans la santé, alors qu'on sait que les principaux joueurs, les principaux intéressés là-dedans, ce sont les compagnies d'assurances avec le taux de privatisation, taux de désassurance.
On sait que c'est les compagnies d'assurances qui ont fait foirer le plan Clinton, aux États-Unis, et pourquoi n'en parle-t-on pas? Bien, on peut se poser la question, et peut-être que ce n'est pas étranger au fait que le propriétaire de Gesca est aussi le propriétaire des deux plus grosses compagnies d'assurances au Canada, et même que le Mouvement Desjardins est un des principaux bailleurs de fonds du Devoir. Ça fait que, ça, c'est un exemple très clair. Je pense que le contrôle, la concentration des médias faussent le débat sur la santé actuellement en camouflant un des principaux joueurs intéressés là-dedans. Donc, je pense que, pour ces raisons-là, l'État est légitimé d'intervenir et doit intervenir dans la question de la concentration des médias. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci, monsieur. Mme la ministre.
Mme Maltais: Bonjour, madame, messieurs.
Des voix: Bonjour!
Mme Maltais: Je suis très heureuse de vous voir, ce matin. On a beaucoup parlé de la presse indépendante. En effet, c'est l'autre voix, vous êtes l'aut'journal, mais il y a l'autre voix qui est extrêmement importante au Québec et qui s'est avéré un sujet de préoccupation d'à peu près tout le monde qui est venu ici.
L'indépendance, c'est la garantie de la pluralité et de la diversité, vous avez raison.
Le gouvernement intervient par le biais du programme d'aide aux médias communautaires, ce qu'on appelle le PAMEC. On sait que ce programme a un budget de 2 millions, et que l'année dernière, on l'a haussé à 2,4 millions. On a investi dedans, parce qu'on y croit, parce qu'il y avait des besoins aussi qui étaient sérieux, solides. Et il y a le programme d'aide de 4 %; effectivement, on demande aux ministères de consacrer 4 % de leur publicité gouvernementale aux médias communautaires. Ce programme est géré par le ministère des Relations citoyens et Immigration, non pas ce programme, mais cette volonté gouvernementale.
Ce qui m'étonne, c'est que vous nous demandez d'intervenir dans deux domaines, de créer deux organisations qui, normalement, sont issues du milieu. Je pense, par exemple, à une fondation. Normalement, le gouvernement crée rarement des fondations; c'est le milieu qui crée une fondation. On peut accueillir avec plaisir cette fondation. On peut ensuite s'entendre pour la doter avec vous. Mais c'est d'abord le milieu qui crée soit une fondation soit une coopérative. Et, qu'est-ce qui plus exemplaire comme modèle d'organisation provenant du milieu qu'une coopérative? Or, vous nous demandez de créer une fondation ou une coopérative. J'aimerais ça vous entendre pourquoi vous faites cette demande.
M. Dubuc (Pierre): On ne vous demande pas de créer une fondation. D'ailleurs, l'aut'journal, on va en créer une prochainement, une fondation. Mais on voudrait que cette fondation-là puisse avoir les privilèges fiscaux d'autres organisations. Par exemple, des groupes de charité peuvent émettre des reçus d'impôts, ce qui facilite les dons. Ce n'est pas possible, pour un journal, de pouvoir avoir un numéro de charité, comme on appelle. Ou bien que ce soit le principe des partis politiques; la fondation, ça, pas de problème. On est capables, on va la créer nous autres mêmes. Mais, comme encouragement au développement de ces fondations-là, qu'il puisse y avoir des bénéfices fiscaux pour les gens qui soutiendraient ces fondations-là.
Le Président (M. Rioux): Vous savez que la Loi des coopératives a, à l'intérieur de ses dispositions, de puissants leviers financiers. C'est très important que vous le sachiez. La Loi des coopératives du Québec est une des plus généreuses dans le monde. Mme la ministre.
Mme Maltais: D'autre part, une fondation... Évidemment, vous regroupez des organismes, des entreprises de presse privés et communautaires. Je ne sais pas si une fondation charitable...
M. Amiot (Richard): C'est strictement pour les entreprises à propriété collective.
Mme Maltais: ...à formule collective. O.K.
M. Amiot (Richard): Parce qu'on n'imagine pas qu'une entreprise privée puisse émettre des reçus de charité, quoique je crois que, dans le cas du Devoir, il y a une fondation qui est autorisée à émettre de tels reçus même si c'est une entreprise privée à but lucratif. Alors, il y a des nuances à introduire là-dedans.
La particularité, c'est que, dans le cas des médias, on peut, à l'occasion, obtenir un numéro pour être considéré comme étant une fondation charitable à Ottawa. Mais, du moment que nos revenus dépassent un certain pourcentage ? nos revenus autonomes de la publicité, pour l'essentiel, dépassent un certain pourcentage ? on n'est plus considéré comme étant un organisme charitable. C'est ce qui fait, par exemple, que Recto Verso a perdu son numéro d'enregistrement, il y a trois ou quatre ans, je pense, et que, maintenant, bien, on n'est plus, à toutes fins utiles, autorisés à relier des fonds sur cette base-là.
D'autre part, bien, la création d'une fondation à caractère provincial permettrait de recueillir des fonds qui sont recueillis localement par de tous petits organismes qui, eux, n'ont pas nécessairement toute l'infrastructure, les moyens administratifs pour gérer ce genre d'entreprise là. Et, enfin, le fait d'avoir une fondation, déjà, c'est une occasion de réunir des médias communautaires qui sont trop souvent dispersés dans le champ, et enfin, ça permettrait éventuellement des levées de fonds en commun, et ça, évidemment, c'est un aspect aussi non négligeable. C'est sûr que des organisations comme l'aut'journal ou Recto Verso auraient certaines facilités de ce point de vue là. Mais, toutes les petites organisations de perdues dans le champ, à Saint-Clinclin, là, elles n'ont pas nécessairement ces moyens-là.
n(10 heures)n D'autre part, les coopératives de distribution, oui, c'est une organisation qui doit naître du milieu. Ceci dit, le marché de la distribution est trusté, au sens économique du terme. C'est un marché qui est trusté, c'est-à-dire qu'il est dominé par des joueurs qui s'entendent entre eux. Le résultat, c'est qu'aucun joueur nouveau de l'entreprise privée ou du milieu coopératif... ça, ça vaut dans le marché de distribution, mais ça vaut aussi dans le marché de production, d'imprimerie, ça vaut à peu près dans tous les niveaux, le marché de l'information, il est trusté actuellement au Québec. Donc, peu de joueurs, un petit nombre de joueurs s'entendent entre eux pour fixer les prix à l'entrée, à la sortie, et c'est impossible pour les autres de rentrer.
Donc, ça va prendre effectivement une intervention de l'État, d'une façon ou d'une autre, par des moyens réglementaires ou par des moyens financiers pour casser cette situation-là, parce que, actuellement, personne ne peut rentrer sur le marché, à moins de disposer de moyens absolument considérables et gigantesques pour faire face à Power Corporation, ou à Quebecor, ou à une entreprise de ce type-là.
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir une précision sur l'aide? Parce que vous avez parlé des programmes d'aide, de la nécessité de voir naître d'autres journaux, d'autres quotidiens possiblement en région. J'aimerais comprendre: Est-ce que vous demandez qu'un quotidien ou un journal soit traité de la même façon qu'une industrie culturelle ou encore les crédits d'impôt qu'on retrouve dans la Cité du multimédia à Montréal aux fins de décollage d'entreprises de presse? Est-ce qu'on se comprend bien quand je parle de même?
M. Dubuc (Pierre): C'est ce genre de mesure-là. Il faut que ce soient des mesures qui aient un certain poids au plan financier. Moi, je dis: L'État peut intervenir dans un marché qui est structuré de cette façon-ci, de deux façons, c'est soit il casse le marché, comme les Américains le font quand ils vont voir Microsoft, puis ils disent: Bon, vous abusez d'une position dominante, donc on vous fait un procès. Et encore c'est le monopole. Les Américains l'ont fait dans le cas de Bell, American Telegraph and Telephone, ITT, ils l'avaient fait avant avec Rockefeller, ils le font assez régulièrement. Quand un joueur obtient une position dominante sur le marché, qui en abuse surtout, on lui fait un procès, on casse le monopole, on sépare ça en petits morceaux et puis le marché reprend, en quelque sorte. On va trouver des conditions normales auxquelles rêvait Adams quand il décrivait les premières règles du capitalisme.
Là, on n'est plus dans ce jeu-là actuellement, alors l'État soit intervient par voie réglementaire ou même judiciaire, ou alors il rééquilibre le jeu par des voies financières. Il faut que ça soit avec un certain poids économique, donc il faut passer à des mesures qui sont un peu plus lourdes éventuellement.
Le Président (M. Rioux): Vous avez des réserves sur l'éthique capitaliste, alors?
M. Amiot (Richard): Pardon?
Le Président (M. Rioux): Vous avez des réserves sur l'éthique capitaliste?
M. Amiot (Richard): Dans les circonstances, c'est le moins qu'on puisse dire. Adams se retourne dans sa tombe quand il voit des situations comme celle-là. Pour lui, c'est l'antithèse même du capitalisme.
Le Président (M. Rioux): Mais, lui, sa main était invisible, ce n'est pas pareil.
Mme Brunelle (Anne-Marie): Oui, c'est ça. Je voudrais juste revenir sur le PAMEC, le Programme d'aide aux médias écrits communautaires dont Mme la ministre parlait tantôt. Effectivement, c'est un programme qui a été bonifié l'année dernière, il y a eu plus d'argent qui a été donné pour les médias écrits communautaires, c'est-à-dire que c'est la première fois qu'on a commencé à financer au fonctionnement.
Malheureusement, dans la révision, on n'a pas réglé des problèmes importants, entre autres la définition d'un média communautaire tel que régi par le PAMEC. C'est un média d'information local, ce qui fait que Recto Verso, l'année dernière, là, ce n'est pas pour nous vanter, mais on a gagné le prix du média communautaire de l'année, et au PAMEC, on n'est pas reconnu comme média communautaire parce qu'on fait de l'information nationale. Ça fait que, quand on dit «des programmes d'aide élargis», on reconnaît, O.K., que, effectivement, il y a du financement qui existe pour les radios, pour les médias écrits. Mais ce qu'on dit c'est que, dans la révision du PAMEC, par exemple, on a omis de penser à compter sur des médias nationaux ou des médias thématiques. On pense à L'Itinéraire, par exemple, à Montréal qui n'est pas admissible au PAMEC. Et, dans la révision, on a aussi ajouté une nouvelle condition, c'est qu'on a demandé à passer à huit publications par année pour des organisations qui souvent sont assises sur la volonté de bénévoles ? excusez ? c'est ça, c'est beaucoup, c'est un gros mandat.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Merci. Bienvenue. Mme Brunelle, on a pu échanger très rapidement avant le début de cet entretien, et je savais donc que, la semaine dernière, vous avez tenu une rencontre, où je pense que c'était peut-être une des premières fois où des médias écrits et la radio, par exemple, et certains médias indépendants se réunissaient pour discuter de la situation.
Nous sommes devant une série de mesures que vous nous proposez, mais j'aimerais que vous nous parliez un peu des résultats de cette rencontre. En fait, ma question, c'est un peu que vous nous dégagiez la sensibilité des joueurs que vous avez réunis la semaine dernière. Quelle est la plus grande sensibilité? Et, peut-être, quelles priorités se dégagent du portrait que vous nous faites ce matin?
Mme Brunelle (Anne-Marie): Effectivement, on s'est rencontré la semaine dernière. Il y avait des représentants des télés, des radios et des médias écrits. Effectivement, on ne s'est pas réuni souvent. Les associations se côtoient parfois. Mais de faire une discussion plus large avec des artisans, ça a été très intéressant. Rapidement, sur le bilan. C'est que, dans le fond, on se rend compte que, malgré des conditions différentes, parce que les télés, les radios font face à des problématiques différentes de celles de la presse écrite, il reste que, globalement, ce qui se dégageait, c'est qu'on a à renforcer nos liens. Parce que, dans le contexte actuel, nous, ce qu'on pense, c'est que la seule façon de vraiment exercer un rôle de contrepoids en information au Québec, c'est justement par les médias communautaires et de propriété collective. Donc, c'était une journée exploratoire, c'était une journée d'étude où est-ce que chacun faisait un peu... est venu, en fait, nous présenter ce qu'ils vous ont présenté eux-mêmes. Les radios vont vous les présenter bientôt.
Mais ce qu'on s'est dit, par contre, c'est qu'on allait se revoir à la suite du dépôt de votre rapport et puis on le commentera à ce moment-là. C'est qu'on est en train de se rendre compte que, à travers les différentes dynamiques des médias communautaires, il y a quelque chose qui nous rallie, c'est cette volonté citoyenne de prendre part à l'information locale, régionale, nationale puis d'exercer un contrepoids, heureusement, à l'information qui nous semble... Surtout dans le cas de la presse régionale, je pense que c'est extrêmement préoccupant. Et donc, on parlait, par exemple, de faire des alliances radios communautaires, médias locaux, régionaux avec les télés. Les gens des télés sont venus nous voir parce qu'ils sont très inquiets des nouvelles... Ils vont présenter au CRTC, la semaine prochaine, je pense. Ils nous ont demandé d'appuyer un peu leurs demandes, parce que je pense que leur situation est assez... Oui.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député d'Anjou.
M. Lamoureux: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. D'entrée de jeu, je vais vous poser une question concernant le fonds de démarrage. Hier, on a eu des intervenants qui sont venus nous dire que, lorsque le gouvernement avait tenté, par le biais de différents programmes, d'aider la création d'un journal indépendant, je pense que c'était dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, l'exemple qui nous a été donné était le suivant: on a créé le journal, il y a eu une guerre de prix, le journal est mort de toute façon, l'autre s'est retrouvé dans une position encore plus difficile. Ça fait que ce qu'on nous a dit, c'est: Faites excessivement attention. En voulant bien faire, vous avez malheureusement créé une situation qui n'était pas du tout souhaitable.
Vous, vous arrivez aujourd'hui et vous nous suggérez justement que l'on puisse mettre sur pied un fonds de démarrage. À la lumière de ce qu'on a entendu hier et de cette expérience-là, puis je vous dis, moi, c'était la première fois que j'en entendais parler, je veux savoir, vous, ce que vous en pensez. Est-ce que vous voyez ces dangers-là ou si vous vous questionnez à l'encontre de cette recommandation-là, compte tenu de ce qu'on a entendu hier?
Le Président (M. Rioux): C'est M. Amiot qui répond?
M. Dubuc (Pierre): Dubuc.
Le Président (M. Rioux): M. Dubuc. Très bien.
M. Dubuc (Pierre): Ça dépend de quel type de presse on parle. C'est sûr que, si on arrive avec une presse qui est commerciale, qui va uniquement essayer de concurrencer la presse commerciale qui est déjà là, on va peut-être se buter à ce type de problème là. Mais ce qu'on voit, c'est le fonds de démarrage, mais après il y a d'autres mesures aussi qui doivent être mises en place pour favoriser une presse indépendante. Et je pense que la presse indépendante ne pourra pas se développer, ne pourra pas survivre sans un soutien de la population au niveau régional. Elle doit prouver qu'elle est différente. Ça ne donne rien... Dans la région de Joliette, là, il y a deux journaux: il y a L'Action puis L'Expression. Mais c'est bonnet blanc, blanc bonnet, c'est deux façons de distribuer des circulaires publicitaires. Puis c'est le même propriétaire, là, maintenant qui fait ça. Ça ne donne rien d'en mettre comme ça. Je pense, ce qu'il faut, c'est fournir des moyens à des médias qui veulent développer une information différente, une information critique à l'égard des grands médias. Je vous donnais l'exemple de santé. On pourrait multiplier toutes sortes d'exemples dont les grands médias ne parlent jamais, des nouvelles idées dont ils ne parlent pas.
Ça fait plusieurs années qu'à l'aut'journal, on parle du revenu, de citoyenneté. La seule fois où on a commencé à en parler dans les journaux, c'est quand il y a eu une rumeur, on ne sait pas d'où elle venait, que Chrétien voulait mettre un comité pour étudier cette question-là. Puis là, bon, on a redécouvert que nous, on en parlait depuis des années. Ça fait que le problème est là, le problème est que les journaux, avec la concentration qu'ils ont actuellement avec le fait qu'ils dépendent trop de la publicité, ils n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre pour critiquer les intérêts des gens qui sont propriétaires ou qui les subventionnent par la publicité.
M. Amiot (Richard): J'ajouterais peut-être...
Le Président (M. Rioux): Oui?
n(10 h 10)nM. Amiot (Richard): Évidemment, la situation varie selon les régions. Il y a plusieurs régions au Québec, actuellement, où Transcontinental ou Quebecor, au niveau des journaux par exemple, ont acquis des situations de véritable monopole. On ne parle plus de duopole, on ne parle plus de partage de marché, c'est un monopole. La Côte-Nord appartient à un tel. On a des exemples où même des groupes se sont échangé des journaux de part et d'autre des rives du fleuve pour dire: Bien, moi, je garde la Rive-Nord; toi, tu prends la Rive-Sud, et puis là on se retrouve à assurer un monopole. Il peut exister des titres, différents titres, mais c'est le même propriétaire. Et ce n'est qu'une façon de faire circuler l'argent différemment.
Ça touche non seulement les lecteurs, ça affecte non seulement la vie démocratique locale, ça touche même les annonceurs, parce que les annonceurs aussi contestent la décision de monopole. Alors, je pense qu'il faut, oui, étudier ça peut-être cas par cas, région par région. Les situations peuvent varier. Il y a des régions où il existe encore une saine concurrence. On pense à Saint-Jean où Le Canada Français réussit à se maintenir dans un petit château fort et à résister, le dernier des braves. Mais disons qu'il y en a de moins en moins. Il y a des régions où il y avait avant trois, quatre hebdomadaires qui vendaient autant de lignes politiques et maintenant il n'existe qu'un propriétaire et évidemment, quand c'est Quebecor, ce n'est pas difficile, il n'y en a plus, de ligne politique. Ils ont éliminé toutes les pages d'opinions dans leurs journaux. C'est simple, ils ont congédié il y a trois ans tous les éditorialistes, ils ont dit: C'est fini, il n'y en aura plus d'opinions dans nos pages. Alors, s'il n'y a plus d'opinions dans les pages, dans les journaux locaux, comment l'opinion circule-t-elle? Pas à la télévision, pas à la radio. Peut-être à la radio communautaire, peut-être à la télévision communautaire.
Mais c'est Vidéotron aussi, Quebecor qui devient propriétaire de ces médias-là. Et qu'est-ce qu'ils font? Je vous donne un exemple, c'est un scandale actuellement. Ces derniers jours, la compagnie Vidéotron a fait parvenir aux organisations des télévisions communautaires une petite lettre dans laquelle elle les invitait généreusement à appuyer l'achat de Vidéotron par Quebecor. J'ai des copies de lettres ici que Quebecor veut faire signer par les télévisions communautaires. Elle leur demande ça en leur soulignant bien que, dans trois mois, ça va être le renouvellement des permis, le renouvellement de la permission de continuer à diffuser sur le câble. C'est un abus de position dominante. Ça, ça en est un cas patent, d'une part, au plan commercial. Deuxièmement, c'est un effort fait à cette commission, c'est un effort fait au CRTC. Quebecor sort de la commission, ici, et qu'est-ce qu'il s'empresse de faire? C'est faire exactement ce qu'on dénonce tout le monde ici. Ils s'en vont dans le CRTC dans une semaine avec des affaires comme ça. C'est proprement scandaleux. Alors, quelle confiance peut-on avoir en des compagnies comme ça?
Le Président (M. Rioux): M. Amiot, est-ce que vous avez déposé ces documents devant la commission?
M. Amiot (Richard): Écoutez, c'est des brouillons, mais, si vous voulez, je peux les déposer.
Document déposé
Le Président (M. Rioux): Oui. C'est très bien. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président.
M. Beaulne: Le dépôt du document en question, c'est la lettre, hein?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui. Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Oui, M. le Président. Je pense que vous avez déposé la lettre aussi, hein, dont vous avez parlé?
M. Amiot (Richard): ...les copies des lettres que Quebecor veut faire signer par la télévision communautaire.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Dion: O.K. Alors, j'aimerais vous entendre un peu plus clairement sur une question bien précise qui est la question que vous avez soulevée dans votre mémoire au point de départ, qui est la concentration de la presse. Vous savez qu'on a eu différentes personnes qui sont venues ici faire des représentations. Un groupe important de personnes qui sont passées devant nous se sont montrées opposées à toute loi sur la concentration des moyens de production. Un autre groupe non moins important s'est montré favorable, mais en mentionnant très bien qu'il ne voulait pas s'attaquer aux transactions passées, donc certainement pas Gesca, peut-être à Quebecor, mais enfin.
Vous, vous dites: Il faut casser ça. Alors, est-ce que vous voulez dire qu'il faudrait qu'une loi éventuelle, que vous souhaitez, sur la concentration des moyens de production devrait obliger les empires actuellement constitués à se scinder? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?
Le Président (M. Rioux): M. Amiot.
M. Amiot (Richard): Aux États-Unis, c'est ce qui s'est fait dans des situations semblables. On a obligé les grands consortiums à se scinder en plusieurs parties. On pourrait très bien imaginer, par exemple, qu'on dise à Quebecor demain matin: Vous vous scindez. Il y en a un qui part avec Vidéotron; il y en a un autre qui part avec TVA, il y a un autre morceau qui s'en va avec les quotidiens, avec les imprimeries. Différentes décisions peuvent être rendues.
Ça peut passer par la voie des tribunaux aussi si les lois le permettent. Il y a même des lois qui couvrent ce genre de situation-là ici, au Canada comme ailleurs. C'est juste qu'elles sont moins souvent appliquées ici. On peut imaginer, oui, des solutions comme celles-là. On peut imaginer des situations où le gouvernement intervient d'une autre façon. Par exemple, en Allemagne, au Danemark, en Suède, le gouvernement est intervenu effectivement sur le plan financier, c'est-à-dire qu'il a dit face aux grands monopoles: Ce qu'on va faire, c'est qu'on va donner soit des avantages fiscaux prédominants à une catégorie de médias ou encore on va effectivement investir dans les médias, créer une taxe spéciale. Ça a été le cas en Allemagne. On a prélevé des sommes d'argent sur les grands groupes pour financer les plus petits médias. En Suède, c'est un comité des sages qui gère ce genre de fonds-là. En Allemagne, ça a été aussi loin. Ces dernières années, les propriétaires... Pas en Allemagne, je pense que c'est en Hollande, les consortiums eux-mêmes se sont assis ensemble pour s'autolimiter. Alors, les groupes de presse ont dit: Bien, en tout cas, nous, on s'entend avant que le gouvernement intervienne, et aucun d'entre nous ne possédera plus que 25 % ou 30 % des médias dans une catégorie donnée.
Tous les gouvernements, partout, sauf au Québec et au Canada, légifèrent en cette matière-là. En Angleterre, c'est limité à 11 %, grosso modo; en France, c'est limité à 20 %. Mais, quand M. Hersan a atteint son quota en France, il a été acheté des journaux en Pologne, parce que, en France, il ne pouvait plus en acheter. Il dépassait son quota de 20 % au national ou au régional. C'est de même partout. Aux États-Unis, c'est pareil. Aux États-Unis ? en tout cas, on ne va pas multiplier les exemples à l'infini ? c'est à peu près le seul pays où il n'existe aucune législation. Quelle que soit la décision maintenue par le gouvernement ou par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le cas de Gesca et le cas de Quebecor, il va de toute façon falloir que le gouvernement légifère une fois pour toutes. On ne serait pas dans cette situation-là ici si, il y a 10 ans, il y a 20 ans ou il y a 30 ans, au moment où la question se posait à peu près dans le même édifice, on avait, à l'époque, légiféré. La question ne se poserait pas.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Je trouve votre mémoire fort intéressant, mais j'ai une réserve sur la création d'une fondation. Cette réserve tient au fait que vous êtes idéologiquement partisans, n'est-ce pas, et je ne pense pas que ça soit le rôle de l'État de subventionner la partisanerie et l'idéologie.
Moi, si La Presse est idéologiquement partisane, je cesse de l'acheter. Je fais la même chose pour Le Devoir, je fais la même chose pour le Globe and Mail ou n'importe quel. Mais, dans le cas de journaux communautaires, le vôtre ou d'autres journaux communautaires, si l'État subventionne une orientation idéologique avec les fonds publics, je trouve que c'est problématique.
Le Président (M. Rioux): M. Dubuc.
M. Dubuc (Pierre): Mais l'État le fait déjà pour des journaux qui sont idéologiquement branchés. Je veux dire, ça a été même clair dans la transaction. M. Black a dit qu'il ne vendrait pas au Groupe Vaugeois à cause de ses orientations politiques. Il a préféré que ça demeure fédéraliste comme option. Vous avez une situation aujourd'hui, où toute la presse d'opinion, sauf Le Devoir, mais si on considère... Power Corporation est clairement fédéraliste. Vous n'avez pas le choix d'arrêter de l'acheter ou pas, vous n'en avez pas d'autres. Et, je veux dire, le National Post a été créé pour soutenir l'Alliance. Je veux dire, si vous faites toute l'histoire des journaux au Canada, les journaux ont toujours été orientés politiquement.
Le gouvernement les soutient actuellement, ne serait-ce que par la publicité qu'il passe dedans ou encore les déductions à la publicité, les déductions fiscales qu'il accorde pour la vente de publicité, ça fait que... Vous avez lu la série d'articles d'Alain Dubuc sur la langue, là, il me semble que c'était assez orienté idéologiquement, là, sa série de huit articles.
Ça fait que, nous, ce qu'on dit, avec la fondation, la distinction, c'est que chaque organisme, chaque journal est obligé lui-même de faire sa campagne de levée de fonds, hein. Ça fait que, à ce moment-là, s'il n'en fait pas, s'il ne représente aucun courant dans la population, s'il n'y a personne qui soutient ça, bien, ça va tomber puis ça ne coûtera pas cher au gouvernement puis le journal va tomber. Ça fait qu'il n'y a pas de médias, à mon avis, qui existe qui soit idéologiquement indépendant.
Le Président (M. Rioux): M. Amiot, vous vouliez ajouter? Rapidement.
M. Amiot (Richard): Oui. Disons, pour ne pas confondre, là, la fondation qu'on veut créer et qu'on va probablement créer de toute façon, qu'on jouisse ou non d'un avantage fiscal à cet égard-là, et les fonds, les deux fonds qu'on propose, là, pour soutien à la presse indépendante et pour le démarrage de nouveaux médias.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Moi, je suis très conscient de ce que vous dites. C'est sûr que les journaux ont des orientations, mais, dans votre cas, ça va un petit peu loin que ça. Par exemple, en 1995, vous m'avez attribué le prix de la traîtrise, à l'aut'journal, pour une déclaration que j'ai faite alors que j'étais président du Conseil de la langue française. Vous savez ce que c'est, le prix de la traîtrise? C'est-à-dire, c'est le prix Cugnet.
Une voix: Cugnet.
n(10 h 20)nM. Laporte: Oui. Peut-être que mes collègues ignorent qui était ce monsieur, mais c'est lui qui a accompagné les troupes de Wolfe lorsqu'elles ont monté sur les plaines d'Abraham pour la bataille de l'année de 1760, 1759. Donc, ça, c'est presque de la censure idéologique, là. Le Devoir ne m'a accordé aucun prix à ce titre-là. Enfin, donc j'ai une réserve, parce que je pense que c'est plus qu'une orientation; vous défendez une idéologie. Dans ce sens-là, moi, je n'ai rien contre l'idéologie que vous défendez. D'ailleurs, je lis votre journal Recto Verso, je trouve que c'est un excellent journal. Mais il reste que j'ai une réticence à imaginer que ? je ne parle pas de vous en particulier, là ? l'État, d'une façon ou de l'autre, subventionne la partisanerie idéologique. Ça, ça m'apparaît comme très problématique.
Le Président (M. Rioux): Alors, qui répond à ça? M. Amiot ou Dubuc?
M. Dubuc (Pierre): Je pense qu'on a été attaqué là-dessus. On peut répondre?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, allez, monsieur.
M. Dubuc (Pierre): Le prix Cugnet, peut-être que vous le méritiez à ce moment-là, ça peut se discuter. Vous auriez pu répondre... On aurait pu publier votre réponse dans les pages du Journal. Si vous regardez les journaux qui se font ailleurs dans le monde, je pense qu'on est très en deçà de ce que fait le Canard enchaîné, en France, qui est un journal indépendant.
Vous dites «partisanerie politique». Si vous le prenez dans le sens d'«appui à un parti politique», non, on n'appuie pas de parti politique. Mais le reste... Je pense que c'est ce qui manque au Québec, des journaux d'opinion, des journaux d'idées, des journaux de polémique. Est-ce qu'on va renier Olivar Asselin?
M. Laporte: Non, mais j'ai...
M. Dubuc (Pierre): Je pense qu'on est très en deçà de ça comme polémique.
M. Laporte: Oui, mais il faut me comprendre, M. le Président. Moi, je suis un partisan d'une liberté absolue, sauf avec des limites très, très, très limitées. Ce n'est pas ce dont on parle. Je dis que vous êtes un journal... Vous avez le droit de le faire, ça vous regarde. Mais il reste que vous êtes un journal qui a une orientation partisane et qui utilise cette orientation partisane à des fins de contrôle politique. C'est vrai, peut-être que j'aurais pu vous écrire pour vous, disons, manifester mon opposition. Je l'ai fait dans certains cas pour des journaux qui m'ont attaqué sur d'autres terrains. Mais, dans ce cas-là, je trouvais que c'était une côte pas mal difficile à remonter.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, M. le député d'Outremont. Mme la députée de Sauvé, vous avez une trentaine de secondes à peu près.
Mme Beauchamp: Moi, je voulais vous entendre plus particulièrement sur votre recommandation concernant une agence de presse et peut-être aussi que vous nous indiquiez un peu, dans le contexte actuel, l'impact pour vous des nouvelles technologies, par exemple d'Internet. Je sais qu'il y a peut-être eu des tentatives du côté des radios communautaires ? on pourra en parler avec elles ? d'essayer de mettre en commun une certaine information. Mais j'aimerais vous entendre parler de ce projet-là puis peut-être des défis technologiques qu'ont aussi à relever les médias indépendants ou communautaires.
Le Président (M. Rioux): Ça devra être bref.
M. Amiot (Richard): Oui. Effectivement, je pense qu'au départ il va falloir que les liens se créent entre les divers médias communautaires pour contribuer à la création d'une telle agence. Il y a effectivement des défis technologiques, et ça suppose aussi des investissements assez importants. Et les médias communautaires, par définition, n'ont pas les sommes requises pour investir suffisamment afin de créer l'infrastructure, réunir les connaissances, les compétences nécessaires et aboutir à un projet qui se tienne d'agence de presse, qui est nécessaire, je pense, au Québec.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Amiot, M. Dubuc, Mme Brunelle, merci beaucoup d'être venus, ça nous a fait plaisir de vous entendre.
Alors, je demanderais maintenant à l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec de prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Boutin, bonjour. M. Boutin, vous êtes accompagné de personnes, vos collaborateurs, alors vous allez nous les présenter.
Association des radiodiffuseurs
communautaires du Québec (ARCQ)
M. Boutin (Raymond): Oui, c'est M. Jean-Pierre Bédard, de CKRL, et Mme Lucie Gagnon, de l'Association des radios communautaires, et moi, je suis de Radio Bellechasse. Alors, je cède la parole à monsieur...
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est M. Bédard qui va présenter le document?
M. Bédard (Jean-Pierre): En partie, oui.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Bédard, vous avez 15 minutes.
M. Bédard (Jean-Pierre): D'accord, merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous tenons d'abord, au nom des radiodiffuseurs communautaires du Québec, à vous remercier de nous accueillir et de nous entendre aujourd'hui. C'est une occasion unique à nos yeux, puisqu'elle nous permettra de vous proposer la vision de nos membres et de nos 18 000 citoyens et citoyennes qui les soutiennent en participant à leur programmation, à leur gestion et à leur financement.
Au cours des derniers mois, la question de la concentration de la presse et des mouvements de propriété au sein des médias a suscité de nombreux débats et fait couler beaucoup d'encre. Peu de commentaires et d'articles se sont intéressés à la question de l'information locale et régionale. La question de l'impact de cette concentration sur l'industrie musicale a par ailleurs été fort peu mentionnée. Nous proposons d'aborder la question du point de vue des médias ancrés dans les réalités régionales, dédiés à la promotion de la culture d'ici et attachés à mettre en valeur la voix des citoyens qu'ils desservent. Les radios communautaires occupent le paysage radiophonique depuis plus de 25 ans. Radios de proximité, micros accessibles, les radios communautaires portent la voix des citoyens sur la place publique, animent les débats qui les préoccupent, soutiennent leurs projets sociaux. L'information locale et régionale et la promotion de la culture québécoise constituent des priorités de radiodiffusion communautaire qui y consacre une portion importante de ses ressources.
La résistance à la concentration et à la mondialisation des réseaux appelle à la multiplication des efforts de diffusion de contenus locaux et régionaux. Les radiodiffuseurs communautaires du Québec constituent une réponse valable, nous le croyons, à la concentration de la presse.
M. Boutin (Raymond): En radiodiffusion, le phénomène de la concentration de la presse s'est particulièrement manifesté au Québec lorsque le CRTC a modifié sa politique de radiodiffusion de façon à autoriser la propriété multiple dans un même marché. De façon générale, on peut dire que les grands réseaux et la radio de la Société Radio-Canada contribuent, de façon marginale, à la production de contenus régionaux.
Plusieurs régions du Québec sont ainsi très pauvres en matière de diffusion d'information régionale. Récemment, la fermeture ou l'arrêt des opérations de plusieurs télévisions communautaires ont contribué à aggraver la situation. Par ailleurs, le phénomène des propriétés croisées, le souci constant des grands médias de réduire les coûts et de maximiser les profits mènent à une situation de réduction et de confusion des sources d'information. Le citoyen, quant à lui, est confronté à une réalité: il a certainement accès au monde, mais il n'a plus accès à son monde. Au quotidien, les radios communautaires demeurent parmi les rares médias qui offrent une programmation locale qui traite, par exemple, des enjeux régionaux, des problématiques de quartier, des élections municipales et scolaires.
Mme Gagnon (Lucie): Malgré des mesures gouvernementales pour soutenir les médias communautaires, ces derniers font face à une féroce concurrence de la part des grands réseaux. La concentration de la presse permet d'aspirer vers ces mégas médias une part croissante des dépenses publicitaires afin de répondre à des attentes de rendement sur investissement toujours plus grandes.
À cet effet, même le gouvernement du Québec et ses sociétés font le jeu des agences de publicité qui n'achètent pas dans les médias communautaires. En 1996 pourtant, une directive du Conseil des ministres introduisait une norme de dépenses de publicité gouvernementale de 4 % dans les médias communautaires. En excluant la publicité obligatoire et la publicité hors territoire, les dépenses de publicité gouvernementale dans les médias communautaires atteignaient 2,4 % pour l'année 1999-2000. Plusieurs ministères de même que les sociétés d'État ne se plient pas toujours à cette directive. Par exemple, on peut imaginer que nombre de messages gouvernementaux ne se rendent pas aux citoyens des régions desservies uniquement par des radios communautaires. Comment expliquer que la Commission de la santé et de la sécurité au travail ait dépensé seulement 2 585 $ dans les médias communautaires sur un budget de plus de 710 000 $, en 1999-2000? Pour l'année en cours, les achats publicitaires du gouvernement du Québec dans les radios communautaires sont en baisse de 30 %. Nos membres sont inquiets, les diminutions de revenus ont un impact sur leur capacité de réaliser leur mandat.
n(10 h 30)nM. Boutin (Raymond): Les grands réseaux présentent une information de plus en plus uniforme. Il n'y a presque plus d'espace médiatique pour les nouvelles provenant des régions. Alors que les radios communautaires francophones du reste du Canada sont désormais reliées par satellite grâce au Réseau francophone d'Amérique, le Québec a pris du retard en matière d'échange d'information entre les régions. Ce réseau satellitaire a d'ailleurs été financé en partie par le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes du gouvernement du Québec. Les populations des régions, de même que les citoyens de grands centres dont les préoccupations n'ont pas une portée nationale, ne trouvent plus écho à leur voix dans les grands réseaux.
M. Bédard (Jean-Pierre): Du point de vue culturel, les impacts de la concentration nous laissent également craindre pour l'industrie musicale. Relativement peu de chanteurs et de musiciens accèdent aux ondes des grands réseaux radiophoniques. C'est somme toute toujours les mêmes qui jouent. Cette situation a atteint en fait son paroxysme lors de la sortie de la chanson My heart will go on de Céline Dion. Toutes les stations des grands réseaux ont alors diffusé la pièce au même moment. À Montréal, par exemple, seules les stations francophones ont résisté au mouvement... Les seules stations francophones finalement qui ont résisté au mouvement sont les radios communautaires et Radio-Canada.
Pour l'instant, c'est la diversité musicale de la relève que nous soutenons qui nourrit le système de vedettariat. Cependant, nous nous inquiétons de la place qui sera réservée aux artistes des petites maisons de disques d'ici dans un système médiatique qui aurait des liens de propriété avec les grandes maisons de production de disques, comme c'est déjà le cas aux États-Unis. La richesse culturelle du Québec ne repose pas uniquement sur les vedettes d'aujourd'hui. Déjà, les producteurs indépendants dénoncent le traitement qui leur est réservé dans les grands réseaux. La désormais célèbre chasse au contenu, à laquelle les grands réseaux attachent tant d'importance pour assurer leur avenir, ne fera place à la culture que dans la mesure où celle-ci générera des profits et sera donc diffusable à grande échelle.
Les radios communautaires, particulièrement dans les grands centres comme Québec et Montréal, jouent un rôle déterminant dans la diffusion de produits musicaux peu commercialisés et de la relève. Elles résistent encore et toujours à la tentation de proposer une programmation plus conventionnelle. Pour leur part, les radios régionales offrent une programmation diversifiée qui évite la répétition à outrance, soutient les artistes peu commercialisés et assure à leur auditoire l'accès à la richesse et à la diversité culturelle d'ici.
Mme Gagnon (Lucie): Au Québec, la réponse à la concentration de la presse ne sera certainement pas simple. Nous suggérons, pour notre part, de profiter de la force du modèle de la radiodiffusion communautaire que nous avons développé. Cette formule unique au monde, qui allie une mission publique, une propriété collective, une gestion participative, une dimension d'entreprenariat et une programmation à coût modique offrant l'accès aux ondes, nous apparaît encore plus prometteuse qu'elle ne l'était il y a 25 ans. Pour les citoyens de 16 régions au Québec, la radio communautaire constitue une solution mitoyenne entre la radio publique et la radio commerciale. Elle est à l'abri des prises de contrôle du secteur privé comme l'est la radio publique. Elle offre des services de base comme le fait la radio commerciale. Ce qui la distingue, sa valeur ajoutée si l'on peut dire, réside dans sa mission orientée sur l'accessibilité aux ondes et la promotion de la diversité des expressions musicales.
Ce modèle impose toutefois des coûts et que chacun doit y contribuer. Ainsi, les citoyens participent au financement des radios communautaires. Sur un budget moyen d'environ 280 000 $, 26 % provient de leurs contributions. Chaque heure d'émission produite engendre des coûts d'environ 43 $. La population desservie en assume donc 11 $. Dans certaines régions, le bassin de population à desservir est loin d'être suffisant pour soutenir financièrement un service de radiodiffusion. En milieu urbain, la compétition entre les différents organismes communautaires et gouvernementaux, pour s'arracher les maigres dollars que nos concitoyens consacrent à la philanthropie, est devenue très importante. Toutefois, entre une fondation d'hôpital et une radio communautaire... Les radios réussissent à survivre mais ont un urgent besoin de consacrer ressources et énergie au développement de nouvelles sources de financement.
M. Bédard (Jean-Pierre): Les radios communautaires sont parmi les premiers organismes de l'économie sociale à s'être développés au Québec. La part de la publicité compte pour 51 % de leurs revenus. C'est dire que nombre d'entreprises au Québec bénéficient d'un service qui leur serait autrement inaccessible. En effet, dans de nombreuses régions, il n'y a que ce service promotionnel qui soit disponible et adéquat. À quoi sert, en effet, pour le garagiste du village, de payer à gros prix une publicité sur les ondes d'une station de Québec quand il peut tout aussi bien rejoindre son monde par la radio communautaire de Charlevoix? Dans les grands centres et dans les régions périphériques, les radios communautaires offrent un service abordable qui se permet de cibler des clientèles particulières. Ainsi, une microbrasserie souhaitant rejoindre un public cible très spécifique pourrait investir à CIBL-FM, par exemple, à Montréal, sans avoir à prévoir des budgets publicitaires faramineux. Il s'agit bien souvent d'entreprises commerciales qui n'auraient pas accès autrement à la publicité radiophonique. Le gouvernement du Québec, pour sa part, subventionne les radios communautaires. C'est vrai. En moyenne, le volet fonctionnement du Programme d'aide aux médias communautaires offre une contribution de 7 $ pour chaque heure de programmation de nos membres ? ce qu'on donnait tout à l'heure à 43. Au surplus, le ministère de la Culture et des Communications du Québec a réalisé, il y a quelques années, une étude qui démontrait que la presque totalité de sa contribution aux radios communautaires lui revenait sous forme d'impôts et de taxes. Depuis, l'augmentation des ventes publicitaires et de la masse salariale de nos membres nous porte à croire que le gouvernement récupère désormais plus qu'il n'investit dans les radios par le biais de ce programme.
Le gouvernement du Québec travaille actuellement à un plan d'action visant le développement de l'économie sociale. Par ailleurs, la politique de l'action communautaire, qui, nous le souhaitons, devrait voir le jour très bientôt, devrait reconnaître le principe de l'autonomie des organismes communautaires et du financement de leur mission. Nous croyons qu'il serait opportun de profiter de cette impulsion pour mettre en place des mesures qui favoriseront la stabilisation et le développement de la radio communautaire au Québec.
Afin de nous permettre de jouer pleinement notre rôle, nous présenterons donc quatre recommandations visant, un, la reconnaissance de la valeur particulière de la mission des radios communautaires qui s'inscrit en complémentarité du mandat de Télé-Québec, l'augmentation de l'enveloppe budgétaire dévolue au programme de soutien aux médias communautaires, le respect obligatoire de la directive du Conseil des ministres visant à réserver 4 % des dépenses de publicité gouvernementale à l'intention des médias communautaires, et, finalement, le financement adéquat de notre Association comme outil de développement et de formation de la radio communautaire.
Les radios communautaires occupent le territoire médiatique avec des programmations locales et régionales qui se veulent le reflet de la diversité et de la richesse culturelle et sociale du Québec. Nous souhaitons que les radios communautaires soient reconnues et soutenues à la mesure de la mission qu'elles assument comme diffuseurs collectifs à vocation du service public.
En contrepoids aux effets de la concentration de la presse, nous portons la voix des citoyens, des groupes communautaires et des institutions locales. Nous contribuons à la construction d'un modèle social à l'image des populations que nous desservons, à la fois dynamiques et créatives, basé sur la prise en charge et le respect des valeurs démocratiques ancrées au Québec. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup. M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Beaulne: Oui, merci, M. le Président. D'abord, nous vous remercions de vous être présentés devant nous, parce que votre mémoire fait un peu suite à ce qu'étaient venus nous dire les représentants de deux télévisions communautaires régionales, celles de Châteauguay et de Saint-Jérôme. Et ce que vous nous avez décrit correspond parfaitement à ce que nous avons entendu de la part de ces deux groupes mais également de ce qui se vit ailleurs et particulièrement dans mon propre comté avec la télévision communautaire de Boucherville et de Varennes.
Vous parlez dans votre mémoire de la publicité gouvernementale et de l'effort qui pourrait être fait de ce côté-là. Nous touchons à la fin de nos séances d'audition et nous avons entendu plusieurs suggestions, mais il y en a une sur laquelle, je pense, effectivement, le gouvernement du Québec a une emprise directe, c'est la publicité qu'il place dans les médias de manière générale et plus particulièrement dans les médias communautaires.
Ma question est la suivante: Êtes-vous satisfaits de la manière dont cette publicité est placée? Parce que, habituellement, elle est faite par des agences qui ne sont pas tout à fait au courant des moyens des médias communautaires locaux, et ce qui fait en sorte que certains médias communautaires, que ce soit dans le domaine des journaux ou dans le domaine de la télévision, ne reçoivent pas leur juste part du gâteau. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, d'une part.
Et je terminerai mes remarques simplement en disant que, lorsque les représentants de Quebecor se sont présentés devant nous, je leur ai posé directement la question. Mme Monique Leroux, qui était leur porte-parole principal, s'est engagée à faire en sorte que Vidéotron, une fois acquise par Quebecor, examine de plus près toute la question de la diffusion communautaire par rapport à la centralisation qui s'est effectuée par Vidéotron, comme vous le savez, à Montréal.
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme Gagnon qui répond? Alors, on vous écoute, Mme Gagnon.
n(10 h 40)nMme Gagnon (Lucie): Alors, à l'égard d'abord de la publicité gouvernementale, nous avons mis, après le mémoire que nous venons de présenter, quelques tableaux qui vous indiquent, entre autres choses, l'évolution des achats gouvernementaux de publicité dans les médias communautaires. Alors, en termes de pourcentage, les achats, d'une part, qui sont passés par l'agence de coordination du gouvernement et, d'autre part, les achats qui ne sont pas passés par l'agence. Et on peut voir qu'en ce moment on est autour de 2,4 % d'achat de publicité gouvernementale.
La difficulté, c'est que ces achats-là passent aussi par des agences de publicité qui font les achats au nom du gouvernement et qui choisissent d'acheter la publicité en fonction des mêmes critères, si vous voulez, que ceux utilisés pour acheter la publicité commerciale, par exemple. Ça a eu de très bons côtés, entre autre choses, ça a amené un nombre important de commerces au Québec à se rendre compte que la radio communautaire existe puis à acheter. Ça a eu un impact donc sur nos ventes de publicité commerciale nationale. Mais, par ailleurs, il y a certains groupes qui réussissent moins bien à tirer leur part du lion. À titre d'exemple, le dernier tableau que vous avez vous propose une moyenne de publicité vendue au national par type de stations de radio, et les stations qui sont en milieu urbain ainsi que les stations qui sont dans les très petits marchés ont beaucoup de mal à tirer leur part du lion. D'une part, en milieu urbain parce que, quand on achète de la publicité dans une agence de publicité, par exemple à CKOI, on ne se pose pas vraiment la question de devoir acheter de la publicité ailleurs qu'à CKOI.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député, ça va? Ça va, très bien. Mme la ministre.
Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Boutin, M. Bédard, Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Lucie): Bonjour.
Mme Maltais: Je voudrais d'abord vous dire que je suis très au fait, on a eu des discussions récemment encore sur ce problème de la publicité qui devrait être allouée aux médias communautaires par le gouvernement, par le ministère et ses sociétés d'État, et qu'on travaille là-dessus encore activement. Donc, c'est un dossier qui est toujours en mouvement. Évidemment, il y a des montées, il y a des moments où on l'atteint, ce fameux 4 %, il y a des moments où il redisparaît. Alors, je veux vous dire que le ministère là-dessus est encore extrêmement vigilant et va continuer à interpeller les autres ministères.
Vous nous avez parlé d'information, de l'importance de l'information locale et régionale. On parle beaucoup de publicité, mais j'aimerais qu'on parle d'information. Quelles sont les ressources... le temps d'antenne que vous affectez en général dans les radios? Comment vous concevez la place de l'information locale dans vos radios?
Le Président (M. Rioux): Alors, oui, c'est monsieur... Qui répond?
M. Boutin (Raymond): M. Boutin.
Le Président (M. Rioux): M. Bédard?
M. Boutin (Raymond): M. Boutin.
Le Président (M. Rioux): M. Boutin, très bien.
M. Boutin (Raymond): Vous acceptez bien?
Le Président (M. Rioux): Allez, monsieur.
M. Boutin (Raymond): Merci. Alors, l'information, pour nous, c'est fondamental. En fait, notre radio existe pour l'information. Alors, je parle particulièrement des radios régionales. Vous savez que, dans les radios, il y en a de différents groupes: il y a des radios plus urbaines, des radios de premier service et des radios régionales. Nous, on est dans la catégorie des radios régionales. Alors, à chaque jour, évidemment, il y a les novelles qui sont le matin publiées aux demi-heures et aux heures, on a deux journalistes qui y travaillent. Il y a aussi une émission d'affaires publiques le midi, de 12 h 30 à 13 h 30, qui s'appelle Le banc public, qui est rediffusée aux heures de grande diffusion aussi le soir, entre 17 heures et 18 heures. Il y a même le soir, et aussi les fins de semaine à l'occasion, quand il y a des événements particuliers qui se passent, on est aussi très présents pour exprimer ce qui se passe sur le plan régional et local. Alors, c'est très important, pour nous, c'est fondamental.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Oui.
Mme Maltais: Je comprends bien que c'est votre radio, mais est-ce que, en général, c'est le type de couverture qui est affectée à l'information locale dans les radios? Est-ce que c'est poussé à ce point-là ou s'il y a des variantes?
M. Bédard (Jean-Pierre): Écoutez, de toute façon, avec les promesses de réalisation qu'on a à tenir avec le CRTC, on est quand même régis à avoir environ un contenu de création orale qui oscille entre 25 % et 30 %. Donc, cette création orale là passe évidemment par de l'information. Cette information-là, évidemment, c'est des nouvelles, mais au-delà de ça, aussi, il faut dire que c'est de l'information via des magazines d'affaires publiques, des magazines culturels. Et je pense que, ça aussi, c'est très important de le dire parce qu'un magazine, je ne sais pas, moi, sur le théâtre ou sur le cinéma, qui est diffusé sur les ondes d'une radio urbaine, quant à moi, c'est autant de l'information que ce qui est fait dans un bulletin d'informations locales, puisqu'on est les seuls en plus à le faire. Alors, à ce titre-là, c'est très important, pour nous, l'information, mais elle est faite de façon différente de ce qu'on peut trouver finalement sur les autres médias. Et de là aussi l'importance d'être présent. Et quand on parle d'information d'un aspect alternatif, c'est un petit peu ça aussi.
Le Président (M. Rioux): Merci.
Mme Gagnon (Lucie): J'ajouterais en complémentarité que, même dans les régions éloignées où c'est particulièrement difficile de faire de l'information parce que le potentiel de revenus est très faible, il y a des expériences actuellement, qui sont très importantes, qui se vivent un peu partout. Et, entre autres, sur la Côte-Nord, CILE-MF, la radio communautaire de Havre-Saint-Pierre, dépense actuellement 80 000 $ par année pour faire de l'information, seulement pour l'information. C'est un tiers de son budget. Et, pour aider les autres radios communautaires de la Côte-Nord, elle a proposé à ces stations-là de créer des bulletins régionaux qui sont rediffusés maintenant par les autres stations de la Côte-Nord, à Anticosti et à Natashquan.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Merci. Bonjour. Bienvenue. Je continue sur la même lancée au niveau de l'information. Vous faites part dans votre mémoire, vous nous parlez de ce projet que vous avez tenté de mettre sur pied ? et, moi, je l'apprends, là ? avec des partenaires comme Le Devoir, Télé-Québec, un projet d'agence de presse. On a pu en parler rapidement, trop rapidement à mon goût, avec vos prédécesseurs des médias écrits indépendants, mais je voudrais vous réentendre là-dessus. Parce que je pense que vous nous avez illustré et démontré le contrepoids que vous représentez, l'importance de vos médias dans plusieurs régions du Québec et aussi dans les milieux urbains, mais encore faut-il que... Et on sait que faire de l'information, ça coûte cher. Donc, j'aimerais ça... Vous venez de donner un exemple très local d'un bulletin de nouvelles qui est repris et rediffusé dans une région donnée, mais je voudrais vous réentendre sur ce défi que serait une agence de presse commune pour des médias communautaires.
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme Gagnon? Oui.
Mme Gagnon (Lucie): En tout cas, une chose qui est certaine, en ce qui concerne le projet qu'on avait proposé, on a fait certainement une erreur quelque part parce que tout le monde a compris qu'on proposait une agence de presse, et ce n'était pas le cas. Alors, ce qu'on proposait n'était pas, entre autres choses, un groupe qui allait fournir de l'information à un certain nombre de stations. À l'inverse, ce qu'on proposait, c'était un modèle d'échange via Internet. C'était pas mal en avance sur tout ce qui se passe aujourd'hui parce que c'était déjà il y a quatre, cinq ans. Donc, ce qu'on proposait, c'était un modèle d'échange via Internet, une espèce de portail de l'information régionale, si vous voulez, où chaque média contribuait en fonction de ce qu'ils font dans leur région et permettait donc à d'autres médias de le reprendre, mais c'était de l'échange strictement, tout le monde avait la possibilité d'avoir accès à tout ce qui était fait ailleurs. Donc, ce n'était pas vraiment une agence, parce qu'une agence, vous savez, c'est dans une direction, dans le fond, là, c'était en fait un système d'échange d'information pour permettre, par exemple, aux gens qui sont dans l'industrie minière en Abitibi de savoir ce qui se passe dans l'industrie minière en Gaspésie puis de pouvoir créer des liens entre les communautés qui ont des intérêts communs.
Mme Beauchamp: Est-ce que, ultimement ? parce que vous dites donc que c'était par Internet ? ce projet-là prenait la forme d'un portail, que le citoyen, la citoyenne aurait aussi eu directement accès à ces nouvelles-là via un portail, mais qu'ensuite les médias communautaires auraient pu, eux aussi, aller chercher l'information sur Internet et la rediffuser via d'autres moyens, comme les ondes et tout ça? Mais est-ce que, donc, ça prenait aussi la forme d'un portail?
Mme Gagnon (Lucie): C'est-à-dire qu'à l'époque le mot «portail» n'était pas encore dans notre vocabulaire. Donc, on n'avait pas encore établi que ça serait le mot «portail», mais, aujourd'hui, quand on le regarde, c'est bien ça qui était en train d'être développé. Simplement, ça se faisait en plusieurs étapes. La première, établir le réseau, s'assurer que tout le monde est formé partout dans le réseau pour faire quelque chose qui respecte l'éthique et les politiques d'information, qui soit raisonnable, et, à la suite de ça, mettre en place l'information à tout le monde. Ce que, par exemple, la radio communautaire de Longueuil vient tout juste de faire en créant un portail communautaire sur Internet, donc, pour permettre à toute l'information communautaire qui est diffusée sur la Rive-Sud de Montréal, dans la MRC de Champlain en fait, d'être rediffusée et accessible pour tout le monde. La station, en plus de ça, fournit les ressources pour permettre aux organismes qui veulent y diffuser des choses de rédiger et de produire les documents et l'information pour les gens de la Rive-Sud.
n(10 h 50)nLe Président (M. Rioux): Merci. Ce n'est pas toujours confortable d'être une radio communautaire coincée entre la radio publique et la radio commerciale, et, je suis étonné, j'avais l'impression que vous veniez nous dire: Le 4 % de la publicité gouvernementale, c'est bien peu. C'est drôle, hein, j'avais l'impression que vous alliez nous demander une augmentation de la part de la publicité gouvernementale dirigée vers la radio communautaire. Ça veut donc dire que, financièrement, l'ensemble du réseau vit assez bien. M. Boutin.
M. Boutin (Raymond): Je ne pense pas que ce soit le cas, mais, au moins, si on atteignait le 4 % ? parce que, comme on voit dans nos documents, il est à 2,4 au lieu d'être à 4... Mais il reste que la vie en région, je pense, en ville aussi, est extrêmement difficile pour les radios. Si je prends toujours l'exemple de notre coin, parce que je le connais plus ? mais je sais que c'est la même chose à Charlevoix ? créer une culture auprès de nos commanditaires, créer une culture de s'habituer à publiciser chez nous, c'est extrêmement difficile, ça prend du temps, et ça n'a jamais trop, trop existé dans notre milieu. On est habitué à un hebdomadaire, mais à une radio, on l'est moins. Mais il reste que, heureusement aussi, on est soutenu par le milieu, par notre membership, qui est extrêmement important, et aussi par des subventions autres que celles qu'on mentionne par la publicité. Mais il reste que la vie est extrêmement difficile. Il y a le bingo aussi qui est un moyen de financement. Mais ça reste une difficulté, je dirais, de tous les jours.
Le Président (M. Rioux): Est-ce que c'est fréquent? Je sais qu'aux Îles-de-la-Madeleine ça existe. Il y a une collaboration extraordinaire entre ce que je pourrais appeler le milieu culturel des îles et la radio communautaire qui est la radio importante. Eux autres, ils sont dominants. Ils sont seuls. Alors, il y a une collaboration extraordinaire avec le milieu. Est-ce que, ça, c'est répandu un peu partout? J'ai essayé de voir en Gaspésie qu'est-ce que ça avait l'air, puis cet arrimage-là ne semble pas fait.
Mme Gagnon (Lucie): Bien, je vous répondrais qu'il y a deux éléments: le premier, c'est le niveau de développement d'une organisation, et, le deuxième, c'est le niveau de concurrence qu'il y a dans le milieu. Alors, c'est évident qu'aux Îles-de-la-Madeleine le travail pour créer cet arrimage-là est beaucoup plus facile à faire. Dans des milieux comme Rimouski, c'est plus compliqué et plus difficile parce qu'il y a beaucoup de monde autour et beaucoup de monde qui ont d'autres habitudes. Donc, créer cette habitude-là, c'est difficile. Il y a même des milieux où, par exemple à Sherbrooke, la télé et la radio privées ont signé des ententes d'exclusivité avec les groupes communautaires de façon à ce que ceux-ci ne puissent plus travailler avec la radio communautaire locale. Donc, il y a un effort très important à faire.
Et les moyens qu'on a, non, on n'est pas satisfait des moyens qu'on a. 2,4 %, ce n'est pas suffisant; 4 %, ça implique pour tous les médias communautaires 629 000 $ qui n'ont pas encore été dépensés cette année; c'est ce qui manque. Et donc, non, on n'est pas satisfait de la situation. Les radios communautaires sont dans des situations extrêmement précaires dans beaucoup de cas. Et cette difficulté-là s'ajoute donc à la difficulté de vivre dans un milieu dans certains cas qui est très concurrentiel.
Le Président (M. Rioux): Merci. Je retourne du côté de l'opposition.
Mme Beauchamp: J'aimerais ça vous entendre plus clairement sur la situation actuelle des radios communautaires. Vous venez de dire... Puis vous parlez aussi dans votre mémoire de la précarité, que la priorité, c'est la lutte contre la précarité financière. Mais, concrètement, là, quelle est la situation? Est-ce qu'il y a des radios qui sont en train de... qui risquent de fermer leurs portes? On connaît la situation au niveau de la télévision communautaire qui, elle, ne détient pas la licence de télédiffusion, donc qui vit des problèmes d'entente avec Vidéotron. On en a entendu parler. Mais parlez-nous un peu plus de la situation particulière de la radio communautaire dans un contexte ? effectivement, vous en parlez aussi ? où il y a quand même aussi des phénomènes de concentration dans l'univers radiophonique, peut-être moins imposants ou flagrants que dans le secteur de la presse écrite, mais, néanmoins, on sait qu'il y a eu aussi beaucoup de tractations commerciales, ce qui fait qu'on s'en va de plus en plus vers une grande concentration au niveau radiophonique aussi. Comment s'en sortent les radios communautaires en ce moment?
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Bédard.
M. Bédard (Jean-Pierre): Bien, on a un avantage, nous, c'est qu'on ne sera jamais acheté par ces grands réseaux radio qui sont Astral Media ou Mutuel, les autres réseaux. Cependant, la situation de nos radios effectivement est assez précaire. Il y en a plusieurs d'entre elles qui... on ne dira pas qui vont fermer demain, mais il reste qu'elles ont des déficits accumulés, qu'elles vivent toujours finalement dans l'absence de liquidité totale, et ce qui fait qu'on pédale toujours. Et c'est dur finalement de faire du développement parce qu'on fait toujours le travail de pompier. Il est donc difficile pour nous finalement d'offrir un produit toujours à sa pleine capacité au niveau du rendement parce que justement les ressources s'épuisent rapidement.
Il ne faut pas oublier aussi, particulièrement peut-être dans les radios urbaines, le fait qu'on sert beaucoup d'outil de formation et de tremplin à des carrières qui se feront ensuite sur les réseaux d'État ou les radios privées, ce qui fait qu'il y a un éternel recommencement qui doit toujours être fait au niveau de la formation, au niveau aussi des ressources qu'on met en ondes. Donc, ça, pour les gens qui font le travail d'encadrement auprès de ces ressources-là, ça devient un travail toujours de longue haleine, et on n'a pas toujours le financement aussi pour libérer des employés qui vont ne faire que ça, de l'encadrement de ces jeunes, de ces ressources qui viennent faire leurs premières armes sur nos ondes.
Le Président (M. Rioux): Vous avez parlé du financement adéquat de votre Association. L'Association a joué un rôle important. On sait que dans le domaine culturel, bon, les associations demandent du financement, puis c'est tout à fait correct. Quand vous parlez de financement adéquat, ça veut donc dire que celui que vous avez n'est pas suffisant. Et ça serait quoi un financement adéquat? Ça peut nous aider, comme parlementaires, si on fait des recommandations.
M. Bédard (Jean-Pierre): Ça serait uniquement de pouvoir financer plus qu'un salaire et demi au niveau de la permanence de l'Association, ce qui ferait en sorte que finalement on aurait une ressource supplémentaire qui pourrait faire justement un travail de suivi auprès de ses membres et un travail de formation, ce qui n'est plus possible par les temps qui courent, puisque la permanence... les nombreux dossiers tels que de présenter des mémoires ici ou là ou d'être vigilants sur tout ce qui se passe au niveau de la radiophonie, cela fait en sorte que les ressources que nous avons à notre Association ne nous permettent pas d'offrir une formation adéquate à nos membres et un suivi auprès des problèmes qui pourraient survenir au sein de celle-ci.
Le Président (M. Rioux): En termes de chiffres, ça se traduirait par combien?
Mme Gagnon (Lucie): On a traduit ça, en termes de chiffres, à 175 000 $ de subvention par année, l'an dernier. On pense que ce chiffre-là est toujours aussi valable. Pour vous expliquer un peu, c'est que, depuis presque 10 ans, la subvention de l'Association n'a pas évolué et les coûts, eux, augmentent. À titre d'exemple, la disparition de la compétition en matière de transport aérien a fait en sorte que notre président n'est pas ici aujourd'hui, parce que les billets d'avion sont devenus complètement... trop chers, tout le monde le sait maintenant. Et ça, c'est un des éléments qui fait que c'est tellement difficile pour nous de faire de la formation. Si une station est en difficulté en région ? ce qui arrive régulièrement d'ailleurs ? notre capacité d'agir est de plus en plus réduite en raison des augmentations des coûts, notamment de transport et de soutien, mais aussi en raison du fait qu'on n'a plus les moyens d'avoir un nombre suffisant de ressources.
Le Président (M. Rioux): Votre président n'est pas aux Îles-de-la-Madeleine, j'espère?
Mme Gagnon (Lucie): Non, notre président, c'est M. Berchmans Boudreau, le directeur de la station de Havre-Saint-Pierre.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Merci. M. le Président, moi, je veux en profiter pour y aller de mon petit témoignage personnel, puisque j'ai déjà eu la chance ? et ça a été une grande chance dans ma vie ? de diriger une station de radio communautaire en milieu urbain, mais juste y aller d'un témoignage sur l'importance de l'Association, l'ARCQ. De tous les milieux que j'ai côtoyés, je peux dire que ça a été une des associations les mieux structurées en appui au niveau de la formation non seulement de ceux qui font de la radio, mais des gestionnaires dans le milieu de la radio, et je pense que c'est une... Pour moi, c'est une démonstration qu'une association peut jouer un grand rôle.
Moi, je veux revenir sur, un peu, la question des marchés publicitaires. Vous savez, on a entendu... Bien, en filigrane dans certains mémoires, on a pu entendre le fait que même certaines agences de publicité étaient inquiètes du phénomène de la concentration dans les médias. J'ai personnellement eu un témoignage de quelqu'un qui a un site Internet, qui entre en compétition avec des sites détenus par des quotidiens et qui s'est vu refuser de faire de la publicité dans les pages du quotidien en question. Donc, ce secteur-là aussi de la publicité est en mouvance actuellement et réagit face au phénomène de la concentration des médias.
n(11 heures)n J'aimerais ça savoir: Est-ce que vous, à la limite, vous commencez à y voir une opportunité d'offrir le marché que vous avez à offrir auprès de ces agences-là? Est-ce que vous y voyez une opportunité? Mais aussi, de quoi vous avez besoin pour réussir à établir un vrai dialogue avec les agences de publicité? Parce qu'on sait comment ça fonctionne aussi, la nature humaine fait en sorte que c'est plus simple. J'ai des habitudes d'achat, j'ai les cotes d'écoute claires, nettes et précises, les BBM, que tout le monde reconnaît, et c'est plus facile de dire: Je fais mon placement média sur telle, telle, telle radio, alors que les radios communautaires ont peu d'outils pour traduire leurs cotes d'écoute. Et donc, c'est difficile de briser les réflexes qu'ont les agences de placement publicitaire, comme ça doit être les mêmes difficultés au niveau de la publicité gouvernementale, qui passe aussi par des agences de placement publicitaire.
Donc, on est vraiment sur le terrain, sur le pointu, mais c'est ça, le défi, c'est d'établir le dialogue entre le milieu des médias communautaires et les agences de publicité. Pouvez-vous nous dire ça a été quoi, les effets au cours des dernières années puis quel serait ce soutien-là? Parce que c'est bien, je pense, la directive qui dit: 4 % de la publicité, par exemple, gouvernementale doit aller vers les médias communautaires. Mais on voit la difficulté de faire cet arrimage-là, sûrement, entre autres, la difficulté par les agences de placement publicitaire. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que j'ai l'impression qu'il y a en même temps, à ce moment-ci, une forme d'opportunité d'aller redémontrer le fait que vous avez des marchés spécifiques mais que vous pouvez offrir.
Le Président (M. Rioux): Alors, je veux une belle et courte réponse.
Mme Gagnon (Lucie): Alors, rapidement, ce dont on a besoin comme outils de développement, ce sont des sondages, ce sont des études marketing qui sont du même style que ce qui se fait dans le secteur commercial. À titre d'exemple, en 1995, quand on a fait dans les radios urbaines des sondages et des études marketing spécifiques aux radios urbaines, on a réussi pendant trois ans à augmenter de façon très significative les revenus publicitaires. Les radios n'ont pas eu les moyens de refaire cette expérience-là; les revenus ont rechuté.
Le Président (M. Rioux): Alors, je vous remercie beaucoup. Merci, M. Bédard, M. Boutin, Mme Gagnon. On va vous souhaiter bonne chance, parce que vous êtes des gens extraordinairement importants dans notre vie culturelle, dans la vie des communications au Québec, et on va penser certainement à ce que vous nous avez dit lorsqu'on va écrire nos recommandations.
Alors, l'Organisation mondiale pour les familles, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Cusano): Alors, la commission reprend ses travaux. J'aimerais bien demander à nos invités de se présenter.
Organisation mondiale
pour les familles Familis-OMF
Mme Parent (Annine): Alors, moi, je suis Annine Parent, je suis membre du conseil d'administration de Familis.
M. Gauthier (Gaston): Moi, je suis Gaston Gauthier, je suis membre du conseil d'administration de Familis et je suis porte-parole pour l'Organisation mondiale des familles. Je me permets, M. le Président, de vous dire que Mme la présidente, Mme Lucero Zamudio Cardenas, la doyenne de la Faculté de travail social à l'Université de Colombie, ainsi que M. Yves Lajoie, notre directeur général, vous disent leur regret de ne pas pouvoir être ici. Ils sont retenus en Colombie.
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Gauthier (Gaston): Donc, j'agirai comme porte-parole, et il m'arrive aussi d'être coprésident de la Commission sectorielle Familles et médias, coprésidence que je partage avec le Dr Julius Ciliento, d'Argentine. Donc, c'est en cette qualité que je vais m'adresser à vous.
Le Président (M. Cusano): Vous avez 15 minutes pour faire votre exposé. Alors, vous pouvez commencer tout de suite.
M. Gauthier (Gaston): Voilà. Je vais donc donner, pour chacune des parties de notre mémoire, un bref commentaire.
D'abord, pour le premier paragraphe, j'ai intitulé ça Les députés et les médias. Quand on a pris connaissance de la formation de cette commission-ci, ça m'apparaissait qu'il y avait quelque chose de tout à fait nouveau qui se déroulait. C'est que, ordinairement, ce sont les médias qui nous parlent des députés, et là, maintenant, la situation est inversée, c'étaient les députés qui étaient pour observer les médias et se prononcer là-dessus. Je trouvais que c'était un événement important. Ce n'est pas seulement un changement de rôle. Pour notre part, on y a vu un changement de point de vue. Donc, c'est ce qui nous a stimulés, nous, à venir vous faire cette présentation-ci. Et puis, en vous voyant maintenant comme je vous vois, avec mes yeux, j'ose dire, je suis conscient que je parle à des députés, donc à des élus. Ici, moi, je vois en vous les représentants de tous les citoyens du Québec et je vous dis franchement que je suis très honoré de cela, et j'ai beaucoup de confiance, et je suis très content que vous travailliez sur ces questions.
Le deuxième point, on va présenter qui intervient dans les questions qu'on discute. Nous, on adopte le point de vue des familles. Nous sommes un organisme familial, nous sommes dans une quinzaine de pays, nous rencontrons des familles. Alors, on croit qu'il y a des faits qui postulent, des faits sur lesquels on peut baser un point de vue des familles dans ce genre de discussion. Je les nomme. C'est connu qu'au Québec les familles passent en moyenne 24 heures par semaine à la télévision, ce qui n'est quand même pas léger. Ça engage l'ensemble des familles du Québec. On peut soupçonner, on peut deviner, rien qu'à ça, qu'il y a quelque chose d'important qui se passe de ce côté-là.
Il y a aussi un fait nouveau qu'on a beaucoup travaillé, mais qui n'apparaît pas beaucoup dans notre mémoire, puis je vais expliquer pourquoi. C'est que maintenant les familles avec l'ordinateur et Internet sont devenus des lieux de culture et d'information qu'elles traitent elles-mêmes. On a beaucoup de gens... on connaît des circonstances comme ça et nous avons traité ça dans un autre document, que je cite à la fin. C'est nouveau, c'est que l'information, la circulation de l'information, la qualité, toutes les questions si importantes qui vous préoccupent et sur lesquelles vous allez vous prononcer se vivent beaucoup maintenant et se développent. Du côté des jeunes aussi, il y en a qui vivent un certain délaissement des médias traditionnels en faveur de ces nouveaux supports, de ces nouvelles technologies.
Et puis je me permets aussi de dire que, à notre expérience à nous, il faut le dire, je crois, les familles restent considérées comme étant importantes et signifiantes pour des milliards d'humains, partout dans le monde, et que nos membres se trouvent en mesure d'observer cette considération accordée aux familles dans plusieurs pays, aussi bien dans les pays développés, en Australie... J'ai eu l'occasion de travailler en Australie. Les familles là-bas manifestaient les mêmes inquiétudes et les mêmes satisfactions que les familles d'ici. On a des membres dans les pays dits en voie de développement. Alors, on est capable de dire que les familles, il y a des milliards de gens, il y a des cultures nouvelles, à Montréal par exemple, où la famille est très importante, je pense à la culture chinoise, à la civilisation chinoise. Alors, pour ces raisons, nous croyons que notre point de vue... il y a un point de vue des familles.
n(11 h 10)n Il y a aussi un point de vue des citoyens. Je pense que vous êtes particulièrement qualifiés pour l'entendre, puisque vous représentez les citoyens, mais notre mémoire, il distingue les citoyens. Je me sens citoyen ? je vais vous étonner un peu ? moi, quand je prépare mon impôt, si vous voulez, parce que, là, je fais ma contribution à la collectivité. Je ne dis pas que c'est la seule façon, mais ça en est une, et tous les autres citoyens ont ce genre de satisfaction, si j'ose dire. Les citoyens, ils paient pour les médias, c'est des payeurs et ils paient. Si les médias sont subventionnés, c'est l'argent des taxes, c'est l'argent des citoyens, et, quand ils achètent des services des compagnies, si on s'abonne à Internet ou autre chose, on paie, on est des payeurs. Donc, ça nous donne un droit. Et, pour les fins de cet atelier-ci, il y a une distinction importante que notre mémoire présente. C'est qu'un citoyen, ce n'est pas la même chose qu'un auditeur de la télévision ou qu'un usager d'un média. Ça peut sembler pareil, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Même qu'à nos yeux, il y a une différence importante ? on pourra y revenir ? il y a une différence importante là-dessus.
Et puis, les citoyens, à notre avis, sont supposés de se référer à la cité, c'est-à-dire à la société. Chez les citoyens, il doit y avoir une sorte de souci global de ce qui va se passer. En tout cas, c'était comme ça de toutes les traditions. Alors, le citoyen garde un certain regard sur la vie en général, sur les élus aussi, comme vous le savez. Donc, il y a un point de vue qu'on n'est pas les seuls à partager, mais on estime qu'on est une association bona fide, enregistrée, on est un organisme à but non lucratif, on parle aussi en tant que citoyen.
Alors, le quatrième paragraphe, c'est, mon Dieu... Les gens des médias, votre commission nous a fait travailler, les médias, d'une façon qu'on n'aurait jamais faite, c'est-à-dire qu'on ne s'était pas tellement intéressé aux propriétaires des médias jusqu'à maintenant. Le texte de votre secrétaire, il dit: «Étudier les impacts des mouvements de propriété.» Donc, ce n'est pas seulement la propriété, mais c'est ses mouvements. Alors, on a eu beaucoup de satisfaction et on trouvait que c'était fort important. Alors, on a été obligé de définir c'était quoi, un propriétaire. Ça adonne bien, les familles savent très bien ce que c'est qu'un propriétaire. Les locataires savent très bien, pas besoin de vous expliquer longtemps, qu'est-ce que c'est qu'un propriétaire et, inversement, les propriétaires savent très bien ce que c'est qu'un locataire.
Alors, il y a le sens commun qui nous dit ce que c'est. On a consulté aussi le dictionnaire. C'était une bonne chose, parce qu'il paraît que la propriété, je le soumets, c'est «un droit d'user, de jouir et de disposer d'une chose d'une façon exclusive et absolue sous les restrictions établies par la loi». C'est dans Le Petit Robert. Mais c'est un droit. Ce n'est pas seulement une question d'argent. Bien sûr, ça s'exprime par des questions d'argent, par combien coûte le loyer, quel est le montant de la transaction. On ne sous-estime pas ça, bien entendu, mais c'est d'abord un droit. Ça veut dire que le propriétaire exprime sa propriété de bien d'autres façons. Tout le monde sait, dans la vie courante, que ce n'est pas tout de payer son loyer à un propriétaire, il faut quand même s'entendre avec lui, bon. Il y a des rapports sociaux qui s'installent, il y a des rapports culturels qui s'installent, il y a des rapports économiques. Le propriétaire a ces droits-là et exprime ses droits de cette façon-là.
Alors, ça importe beaucoup de considérer que ce... Et, en plus, dans le domaine particulier des médias, notre mémoire y cite des autorités comme M. Spicer, du CRTC, comme M. Pierre Juneau, qui sont quand même des sommités. Eh bien, Pierre Juneau, lui, dit que, dans la télévision, ce qui est en cause, c'est le coeur et l'esprit des gens. Attention! Ce n'est pas du béton, là, ça, ce n'est pas des images. Je ne sais pas si vous voyez ça. Puis Keith Spicer, lui, il dit que le rôle du CRTC, c'est quoi? C'est de satisfaire le désir du Parlement du Canada et des citoyens. Puis on est allé voir le texte anglais. C'est «wishes», les souhaits.
Alors, ces messieurs travaillent sur les souhaits, sur les désirs, donc ils travaillent sur les émotions. Alors, voilà des propriétaires qui sont positionnés socialement pour agir sur les coeurs et les esprits, rien de moins. On pourra revenir là-dessus, mais c'est considérable. Donc, ça nous oblige... pas nous oblige, mais ça nous conduit à regarder c'est quoi, les désirs, c'est quoi, les émotions.
Il y a une large partie de notre mémoire qui tient là-dessus. C'est rarement étudié, cela. Nous, on estime que, si on ne parle pas du coeur et de l'esprit, on va peut-être en parler d'une façon maladroite, la question n'est pas là, mais c'est au coeur de tout. Les citoyens, ils aiment la télévision, ils vous le disent, ils en parlent d'une façon enjouée. Alors, il faut essayer de suivre ces mouvements-là pour connaître la force de ces mécanismes-là.
Et c'est là que ça nous mène à une découverte ou à une redécouverte, c'est le chapitre 5, on a appelé ça Découvrir des foules immenses. Tout le monde dit que c'est des mass médias, c'est McLuhan qui nous a appris ça, ça fait longtemps. Mais on ne s'occupe pas des masses en question, il y a même des auteurs qui écrivent qu'elles sont inertes, les masses.
Mais alors, les immenses auditoires de la télévision, par exemple, ou de la radio, c'est des foules concrètes, c'est des foules aussi réelles que les foules de la Saint-Jean-Baptiste, si vous voulez, ou les foules d'un feu d'artifice. La nuance... il y a des différences, parce qu'elles sont dispersées. Mais une foule dispersée, elle reste une foule. La preuve, c'est que le lendemain, une fois que les images des écrans sont éteintes, les gens continuent d'en parler. Moi, j'ai observé longtemps dans une cafétéria où il y avait bien du monde, c'était de quoi que les gens parlaient? Ils parlaient des émissions qu'ils avaient vues la veille et ils en parlaient avec passion.
Donc, si c'est des émotions, si c'est des désirs, ce n'est pas seulement des images. Quand les images et les sons sont disparus, les désirs sont encore là, et c'est des désirs communs, c'est des désirs de foules, et c'est là qu'est une très grande puissance. Imaginez, on vous dit qu'il y a eu 500 000 auditeurs à la télévision pour un programme, on vous dit que ce n'est pas beaucoup de choses, parce que ça va dans des millions, dans des centaines de millions, mais cette fois-ci, c'est une foule. Nous, nous sommes en mesure d'établir que c'est une foule, en tout cas, c'est notre point de vue, je le soumets respectueusement, et j'insiste là-dessus parce que ça m'apparaît quelque chose de majeur dans vos travaux, je le soumets.
Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous plaît, M. Gauthier.
M. Gauthier (Gaston): Bon. Comment conclure? Alors, j'en ai dit la première partie, on pourra voir la suite. J'ai quand même cherché le pouvoir de ça, et ça, ce n'est pas dans mon texte, mais j'ai pensé à la princesse Diana, je voulais vous présenter une princesse, ce n'est quand même pas rien. Diana, elle était une star des médias et elle était la plus grande star possible. Quand elle est morte, vous savez, elle a eu 1 milliard de spectateurs qui l'ont regardée, et sa confidente et amie, elle a écrit un livre sur elle, The Real Diana, la vraie Diane, et elle la présente comme une sorte de demi-déesse vulnérable, vous voyez? Parce qu'on a réfléchi au pouvoir de la télévision. Alors, c'est ça que je voulais dire.
Les recommandations qu'on fait à la fin, elles sont précises, on pourra en discuter. Nous, ce qu'on cherche, c'est un nouvel équilibre entre les forces locales, les forces communautaires, les familles et les forces des foules. C'est une nouvelle culture, une nouvelle chance entre la culture locale, la culture communautaire et la culture de masse.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Gauthier. Je dois passer maintenant aux échanges, Mme la ministre.
Mme Maltais: Alors, M. Gauthier, Mme Parent, bonjour. C'est extrêmement intéressant de voir à quel point les mémoires des personnes directement impliquées dans l'entreprise, dans la cause... on a eu beaucoup de mémoires des syndicats ou des propriétaires, comment ces mémoires qui arrivent souvent d'ailleurs en fin de journée ou en fin de session de la commission abordent toujours les choses d'un angle nouveau, et, la plupart du temps sous l'angle du bien du citoyen ou de la citoyenne. Je remarque l'originalité de votre mémoire et l'originalité de la position où vous avez décidé de vous placer pour analyser la qualité et la diversité de l'information. Vous parlez de masses, que vous imaginez comme des foules, et ensuite vous les déplacez, vous parlez des mouvements, c'est vraiment une nouvelle façon de voir pour moi l'auditoire.
n(11 h 20)n Par contre, ce que je vois moins, c'est quel est l'impact... Dans votre mémoire, je peux le concevoir toutefois, mais vous avez moins fouillé l'impact de la concentration sur ces foules. En fait, ce que vous voulez probablement nous dire, à ce moment-là, c'est que la foule n'aura plus qu'un seul corridor qui lui sera offert pour se déplacer, puisqu'elle sera concentrée. Mais vous arrivez à une recommandation, vous parlez de revoir les objectifs du ministère de la Culture et des Communications en fonction des autres recommandations. Vous avez des recommandations au ministère de la Santé, au ministère de la Justice, au ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Qu'est-ce que vous attendez du ministère de la Culture et des Communications?
Le Président (M. Cusano): M. Gauthier.
M. Gauthier (Gaston): Oui, moi, je l'ai formulée en termes généraux, parce que je n'ai pas étudié ce que vous faites déjà. Mais ce que je comprends... Pour vous répondre je vais revenir à ce que vous avez dit au tout début, c'est que le point de vue prédominant dans ces questions, naturellement, c'est toujours vu du point de vue ou du diffuseur ou des gens qui travaillent dans ces domaines-là, puis ça se comprend, et c'est le point de vue finalement des auditeurs. Si, moi, je suis un bon auditeur, je réagis à ce qu'on me représente, je m'enrichis, je suis très content. Mais ce que j'observe, c'est que, parce qu'on... j'ai quand même une certaine idée de ce que le ministère de la Culture fait, parce qu'on voit... c'est annoncé dans les journaux ce que vous supportez, etc. Mais vous êtes invités, par la culture dominante de ces médias-là, à vous situer du point de vue de ceux qui développent cela. Alors, c'est là qu'on voit le... Nous, on se dit: Bon, là, si une émission a 5 millions de téléspectateurs, on peut y applaudir, on peut souhaiter qu'elle en ait 10 millions, pourquoi pas 100 millions, de toute façon il y a des émissions qui ont ça. On cite TV5, par exemple, qui dit dans sa publicité qu'elle est très fière d'avoir 500 millions d'auditeurs. Mais alors, nous, c'est des gens qu'on rencontre, c'est une mère de famille qui s'inquiète... les mères qu'on a rencontrées...
Je vais vous raconter une chose, qui est... On parle des émotions courtes, je m'excuse, là, je vais apporter quelque chose d'assez fort, mais c'est nécessaire pour éclairer. Je regardais ce matin du côté de l'île d'Orléans, ça me rappelait ce qui est arrivé le 10 janvier 1995 à l'île d'Orléans. Il y a un petit garçon qui s'appelait Simon Nolet qui a été trouvé suicidé à l'école La Passerelle, à Saint-Pierre, à l'île d'Orléans. J'avais regardé ça, à ce moment-là, à partir des journaux, et sa mère, au petit garçon, elle l'a vu un mois avant, pendant un mois, l'enfant a cessé de... il s'isolait. Elle a dit: C'était comme si de la glace me fondait dans les mains. L'enfant prenait la distance de sa mère, parce qu'il regardait... il écoutait de la musique d'un groupe, Nirvana, Kurt Gobain, etc., qui avait causé plusieurs suicides. Mais, la mère, elle, elle voyait tout ça, mais elle ne voyait absolument pas que de simples chansons pouvaient occuper comme ça le coeur de son petit garçon. Et, moi, je me suis dit: Si quelqu'un l'avait informée. Mais, pour l'informer, il faut quelqu'un qui soit un peu sensible, il faut qu'on se dise que la culture, elle se joue dans les maisons, elle ne se joue pas dans les studios de télévision. Je ne veux rien enlever à ce qui se fait dans les studios de télévision, moi, j'ai collaboré avec des réalisateurs, bon, à ce genre de trucs. J'ai eu des moments intéressants. À un moment donné, bon, j'ai fait un peu de radio aussi, mais la question n'est pas là. Je suis ici, on est ici pour présenter les points de vue.
Alors, on se dit, on invite la... sans avoir tout vu ce que vous faisiez, beaucoup de bonnes choses, on se dit: Est-ce qu'il y a dans notre document, est-ce qu'il n'y a pas une occasion pour revoir du point de vue de ceux qui vivent ces émotions-là et à ce moment-là d'équiper, de vous approcher peut-être, comme on le suggère, de diverses façons de la base? Les gens qui sont d'une radio communautaire puis qui nous ont précédés sont peut-être un exemple. Est-ce que c'est de revoir ce qui va pour la culture de masse par rapport à ce qui va pour la culture locale? Ce serait notre souhait, si vous voulez. Maintenant, quel impact ça a? C'est que les questions concentration de propriété, elles nous sont présentées, du moins par les journaux, par quelqu'un qui nous dit: Écoutez, ça nous prend la masse financière. Il y a eu une sommité qui a dit cela et, comme ça nous prend une masse financière, il faut donc tout concentrer la propriété. Mais, nous, ils nous ont dit: Bien, allons-y, allons-y, pourquoi pas rien qu'une compagnie pour le monde entier qui va tout posséder? Je ne sais pas si vous voyez.
Nous, on est le mouvement inverse. On dit que, oui, ça prend de l'argent, on n'ignore pas ça. Mais en même temps on se dit: Pourquoi que l'argent ne serait pas distribué? On fait une suggestion concrète pour l'argent. On n'en a pas fait gros, mais on en a fait une, c'est la question des coopératives. Nous-mêmes, nos services Internet, on les prend dans une coopérative, une coopérative de services Internet. Je me suis aperçu qu'en plus la communauté russe de Montréal est dans la même coopérative. Elle prend ses services d'Internet. L'intérêt de la coopérative, je ne vous l'explique pas, il y en a d'autres ici qui connaissent ça mieux que moi. C'est un homme, un vote, dans une coopérative. Donc, l'histoire du Québec avec M. Desjardins, ça a été un renouveau financier, une prise en charge financière à l'aide des coopératives. Est-ce qu'on ne pourrait pas... C'est un moyen. Je ne dis pas que c'est le seul.
Mais ce qui est plus important, c'est ce que vous soulevez, Mme Maltais. C'est la prise en considération du point de vue des citoyens et des familles elles-mêmes. Les familles elles-mêmes sont, j'ose dire, des lieux de culture, sont des lieux. On a utilisé dans notre texte aussi un concept large de culture, un concept que la culture, pour nous, c'est un mode de vie. Donc, on pourrait, par exemple, accroître considérablement l'efficacité de certains services sociaux si on s'inspirait de certains poètes. C'est curieux à dire, mais, moi, je l'ai vécu avec des groupes en citant des poètes chinois où on découvrait c'est quoi, la pauvreté.
Le Président (M. Cusano): En terminant, M. Gauthier, s'il vous plaît, parce qu'il y a d'autres députés qui veulent poser des questions.
M. Gauthier (Gaston): Oui, d'accord. J'ai terminé, moi.
Le Président (M. Cusano): Non, non. En terminant... il y a d'autres députés qui veulent poser des questions.
M. Gauthier (Gaston): Non, mais je pense que j'ai terminé, bien, oui.
Le Président (M. Cusano): Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Merci. J'aimerais vous entendre parler un peu plus de l'organisation que vous représentez puis qu'est-ce qui a conduit cette organisation mondiale à créer ce que vous avez appelé «une commission sectorielle famille et médias». Donc, quels étaient soit les défis ou les préoccupations qui ont amené une organisation mondiale à créer une telle sous-commission de travail et sur quoi ça se penche exactement?
Le Président (M. Cusano): M. Gauthier.
M. Gauthier (Gaston): Oui. Alors, la préoccupation, c'était notamment c'est qu'on était nous-mêmes... je l'ai dit un peu, mais il faut savoir que notre directeur général, qui est M. Yves Lajoie, a travaillé cinq ans à Paris dans les questions d'organisations familiales internationales. Donc, il nous apportait une grande expérience ici, ce qui a donné naissance... Il y a une commission... on veut faire une commission pour les femmes aussi. Il est question d'une commission amérindienne aussi. Mais ça allait de soi de s'occuper des médias. Alors, comme j'avais un peu travaillé ces questions puis M. Ciliento aussi, on s'est dit: On va présenter quelque chose. Alors, c'est un souci... des contacts qu'on avait au plan international. Plusieurs d'entre nous avaient travaillé au plan international et c'est ça qui a fait qu'on a créé cette commission-là.
Et, je veux dire, l'organisme lui-même qui s'est donné cette commission-là disait que c'était dans l'air, c'était dans la situation dans laquelle on était. On était tous emballés d'Internet, les familles en faisaient. En même temps, on savait qu'il y avait des questions qui se posaient du côté des familles, et tout. Donc, c'est ça. Et M. Ciliento nous a dit qu'il y a eu un congrès ibéroaméricain à Madrid en septembre. On a envoyé cinq personnes du Québec là et un texte qu'on a fait sur familles et médias a été très bien reçu là-bas. Donc, c'est un petit peu où en est le point.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée, vous avez une autre question?
n(11 h 30)nMme Beauchamp:. Oui. Donc, vous me dites que c'était dans l'air du temps comme ici, au Québec, ce qui explique notre commission actuellement. Dans votre mémoire, je dirais que vous faites des recommandations qui sont à la fois en amont et en aval de la situation, de la relation familles-médias. En amont, je dirais que vous parlez d'information, d'informer les familles de la situation actuelle au niveau des médias, mais vous faites aussi plusieurs recommandations ? et c'est peut-être là un aspect nouveau que contient votre mémoire ? par rapport à certaines situations qui sont plus en aval, qui sont un peu l'impact des médias, comment on pourrait agir sur l'impact qu'ont les médias sur les familles. Vous avez deux volets plus particulièrement, vous parlez au niveau de la violence et même au niveau de l'obésité. Vous donnez l'exemple également de l'impact au niveau de l'obésité qu'entraînent les longues heures d'écoute devant la télévision ou devant le poste Internet. Vous n'avez pas eu l'occasion de nous parler de ça lors de votre présentation, lors du temps qui vous était alloué. Ça fait que j'aimerais que vous développiez un peu, tout en vous disant qu'au niveau plus information que j'appelle, moi, en amont, là, que les gens puissent vraiment mieux saisir la situation... On a déjà eu des représentations de la part d'un groupe qui s'occupe... qui s'intéresse à la question de l'information sur les médias, donc je vais peut-être vous inviter à vous pencher plus sur ce qui est vraiment nouveau que contient votre mémoire, qui est plus l'aspect, un peu, de l'impact des médias sur les deux volets, là, violence et santé.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée. M. Gauthier.
M. Gauthier (Gaston): Bien, si je commence par ce que vous venez de dire sur la santé, il y a quand même eu depuis plusieurs années maintenant, trois ou quatre ans... il y a quand même eu des rapports de l'Association des médecins américains. Il y a eu l'Association des pédiatres canadiens aussi qui a fait des recommandations sur les impacts d'un excès d'usage des médias sur la santé des enfants. Alors, nous, on se dit que, même si ça relève d'un concept plus global de culture, à ce moment-là peut-être que le ministère de la Santé pourrait s'intéresser à ces questions-là. Ça a été dans les journaux, il y a eu des découpures de ça, mais ça n'a pas été... si vous voulez.
Sur la question de l'information, on penche nettement ? vous l'avez vu dans notre mémoire ? pour l'information qui est proche du bouche à oreille. C'est que quand se créent des grandes foules, l'information échangée, ce n'est pas la même information qui reste. Par exemple, il y a des techniques américaines pour mesurer c'est quoi, un texte plus lisible que d'autres. On va mesurer mathématiquement, finement, on va être capable de dire à ce journaliste-ci: Voici, votre texte va passer à une grande foule ou il ne passera pas. Donc, ça fait changer jusque que le style écrit par le journaliste. Alors, quand vous avez une nouvelle de télévision qui s'adresse à tout le Québec, par exemple, bien ce n'est pas votre comté, ça. Il peut parler de votre comté, mais votre comté, à ce moment-là, il sert à illustrer l'ensemble de la situation.
Ce n'est pas du tout le discours que je soumets, en tout cas. Je ne suis pas un député, mais quand je travaille...... Moi, j'ai fait les deux, j'ai... Pendant deux ans, à Montréal, on était à CKVL avec le Dr Mongeau puis on faisait des émissions avec le public. Ce n'est pas du tout la même chose que quand je suis avec un groupe de personnes de 15, 20. On parle des mêmes choses, on parle des mêmes sujets, mais on ne dit pas les mêmes choses, et les émotions qui véhiculent votre information ne sont pas du tout les mêmes. Si vous parlez de la violence à la télévision à des mères de famille qui voient et qui redoutent que ça ne soit pas bon pour leurs enfants, vous n'aurez pas les mêmes réactions que ceux qui regardent ça de très loin. Des bombes qui éclatent, et tout, ou ceux qui ont vécu des violences réelles... On voit des bombardements à la télévision, ça a l'air de rien, c'est tout confort. Tiens, ils bombardent Saddam Hussein, merveilleux. Mais, je regrette, moi, j'ai rencontré une personne à Londres qui, après 30 ans... elle avait vécu les bombardements réels et elle faisait encore des cauchemars. De quoi on parle, là?
Alors, on peut parler de graves questions de violence comme ça dans des émissions, mais ce qui reste quand même, c'est ces désirs-là, vous voyez. Je ne sais pas si...
Une voix: ...
Le Président (M. Cusano): La parole est à vous, M. Gauthier, là.
M. Gauthier (Gaston): La parole est à moi. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à madame ou si j'ai oublié des choses.
Mme Beauchamp: Non, c'est juste que vous... En fait, c'est que votre mémoire contient quand même des recommandations précises. Comme je comprends que vous me parliez au niveau des principes, des notions que vous nous amenez ici de grandes foules, de désirs, etc., mais je voulais aborder avec vous honnêtement vos recommandations plus précises. Vous adressez des recommandations précises au ministère de la Santé, même au ministère de la Justice, et c'était dans ce contexte-là que je voulais vous entendre. Mais, en même temps, j'ai pris connaissance de votre mémoire et, moi, je voulais vous offrir la porte pour que vous puissiez nous parler de vos recommandations précises que vous adressez et qui sont innovatrices.
M. Gauthier (Gaston): Oui, mais, sur la violence, madame, j'ai l'honneur de vous dire que j'ai animé des ateliers de prévention de violence dans le concret avec des personnes. J'ai fait ça pendant une dizaine d'années. C'était dans le milieu populaire de Montréal, et on a des choses à dire, on peut dire cela. Peut-être qu'on a mal formulé ou pas assez précisé la recommandation, je suis prêt à le concéder, mais je suis frappé de voir comment un ensemble d'efforts, présentement, qui sont faits se laissent fasciner par la violence. Ça, c'est une chose que, à force de travailler, on a apprise, nous, notre groupe avec qui je travaillais, ça, c'est qu'il faut informer sur ces questions, mais pas se laisser fasciner.
Vous savez, là, ce qui se passe présentement... Je vais vous donner un gros exemple politique. Au Québec, on a une politique intéressante au point de vue de quoi faire avec les jeunes délinquants, on a du monde qui les rééduque. Bon, bien, là, je ne veux pas faire de politique, mais il reste quand même que la madame du ministère de la Justice, elle, elle vient dire qu'il faut plutôt les mettre tous en prison puis plus jeunes encore. Bon, bien, c'est deux manières très différentes de voir le même problème. Alors, je pense que quand... J'ai vu de mes yeux qu'on pouvait faire une prévention efficace, mais on n'a pas fait de contact. On a mis ça, on s'est dit: Peut-être que, si le ministre de la Justice est intéressé, on pourrait... il va avoir des idées. Il faut qu'il évite la... Bien, il faut qu'il évite... Je n'aime pas proposer négativement quelque chose, mais j'aime mieux proposer qu'il y ait une autre démarche possible d'enrayer la violence. Voilà.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Gauthier. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier d'être venu ce matin et d'avoir préparé ce rapport magnifique qui nous invite à la réflexion, évidemment, qui nous interpelle profondément. On y trouve beaucoup de choses, hein, vous avez travaillé fort. Et je dois vous dire que, si vous avez eu un bon mot pour les députés au début, moi, je l'ai pris très au sérieux, ça m'a fait énormément plaisir. Et je vous dirai que la qualité du travail des députés est dépendante de la qualité des citoyens qui les élisent, et votre présence aujourd'hui est un hommage pour nous.
Si je regarde l'ensemble de votre rapport, je le trouve, à certains égards, osé. À certains autres égards, peut-être plus discret. Osé, par exemple, quand vous dites: Encourager ? à la recommandation n° 3 ? les fondations et le développement de coopératives pour acquérir la propriété de canaux, de chaînes, de services de l'Internet, et ainsi de suite, et étendre ça ensuite au niveau international. Je trouve ça assez osé. Je trouve ça intéressant aussi. Ensuite, vous parlez un peu plus loin, à l'article 7, 13.7: «Favoriser des projets où les familles sont elles-mêmes des agents de développement culturel.» Donc, ce qui ressort de l'ensemble de vos recommandations, pour moi, c'est l'impression que j'ai, c'est que vous faites un plaidoyer pour faire en sorte que l'État du Québec appuie ceux qui sont à l'origine, par leur vie et leur engagement, du tissu social et qui le nourrissent plutôt que d'appuyer ceux qui exploitent ? au sens noble ou pas noble du terme ? ce tissu pour en tirer un profit.
Alors, étant donné que l'État agit généralement par voie de législation, comment est-ce qu'on peut faire ça?
M. Gauthier (Gaston): Bien, c'est parce que...
Le Président (M. Cusano): M. Gauthier, oui.
n(11 h 40)nM. Gauthier (Gaston): Oui, je m'excuse. C'est parce que j'ai un peu... Je suis d'accord avec vos commentaires, je les accepte tout à fait, mais, remarquez un peu, dans la législation canadienne, le CRTC... Je suis un lecteur des documents du CRTC, et la législation est basée sur la diffusion. Bien sûr qu'il s'occupe des citoyens, bien sûr qu'il les consulte, mais l'axe de base, c'est la diffusion. Donc, on pourrait penser que le Québec n'a pas de responsabilité, puisque c'est une responsabilité générale. Moi, je soumets que, si on part de la base, le Québec a un large champ d'action s'il s'occupe non pas de diffusion... Non seulement il s'en occupe déjà, mais s'il s'occupe de ceux qui écoutent. Alors, il faut voir que, dans l'expérience d'écouter la télévision, il y a quelqu'un qui parle, qui communique, il y en a un qui écoute. Si on imagine, si on essaie d'imaginer que... Vous avez parfaitement dit qu'on prenait ceux qui écoutent, la population, qu'on leur demande à eux de s'approprier les enjeux culturels, y compris le enjeux qui regardent ce qui vous préoccupe maintenant, les impacts sur la qualité de l'information. Moi, j'ai une pleine confiance. Alors, c'est mon premier commentaire là-dessus.
Maintenant, où est-ce que je suis osé aussi? Sur les coopératives? Mais là vous voyez que je ne suis pas aussi osé que ça...
M. Dion: C'est-à-dire d'en faire un peu comme un programme d'action, je trouve ça assez osé.
M. Gauthier (Gaston): Mais, écoutez, mes membres...
M. Dion: Faire en sorte que des coopératives deviennent...
M. Gauthier (Gaston): Mes membres chez nous...
Le Président (M. Cusano): Un instant, un à la fois, M. le député... Un à la fois, M. Gauthier. Une personne à la fois. Je cède la parole au député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: C'est juste ici que ce que je trouve osé, c'est que vous suggériez de prendre les moyens pour que ces coopératives-là puissent, dans un temps assez rapide, acquérir des canaux et avoir des ramifications internationales.
Le Président (M. Cusano): Merci. M. Gauthier.
M. Gauthier (Gaston): Mais, écoutez, je vous donnais un exemple pratique tantôt, nous, on émane d'une coopérative qui s'appelle... Comment est-ce qu'elle s'appelle donc? Le nom va me revenir. C'est une coopérative d'Internet. On prend des services d'eux puis on est coopérateurs là-dedans, on a droit à un vote. Puis l'autre membre, c'est la communauté russe de Montréal. Bien, là, moi, je me dis: On va avoir plein de monde, ces Russes-là vont nous amener d'autres Russes. Je ne sais pas si vous voyez. Non, non, mais ce n'est pas moi qui vais faire ça, mais c'est déjà fait, cela. Alors, moi, je me dis... Et ça n'a pas été... Je me dis... Et ça veut apparaître... Ça peut s'appliquer, non? Moi, quand j'étais petit garçon, la caisse populaire, on allait porter cinq cennes au sous-sol de l'église le dimanche, c'est devenu une immense affaire. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Dion: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du côté de l'opposition? Non? Sur le côté ministériel? Oui, M. le député d'Iberville, il vous reste à peine une minute pour la question et pour la réponse.
M. Bergeron: O.K. Dans vos recommandations... Écoutez, ce n'est pas un petit mémoire, vous faites 11 recommandations, 22 sous-recommandations, quatre sous-sous-recommandations. Mais votre première, vous dites que vous appelez les différentes composantes de la société au développement d'un mode de vie plutôt que d'une culture de masse. Vous savez, on étudie tout le phénomène de concentration de propriété et j'aimerais voir... Vous, là, développement d'un mode de vie, comment faire ça dans ce monde-là, dans notre monde en début du XXIe siècle?
Le Président (M. Cusano): Merci de votre question. M. Gauthier, brièvement.
M. Gauthier (Gaston): C'est que cela se fait déjà. Moi, je crois que, si un homme développe quelque chose, c'est l'ensemble des hommes qui... On va en trouver un, après ça on va en trouver deux, puis tantôt on va en avoir 3 000, puis tantôt on va avoir... Votre objectif, M. le député... J'ai lu dans votre objectif, c'est la culture québécoise. Mais, vous autres aussi, vous allez loin pas mal, non? La culture québécoise, je me suis demandé c'était quoi? Je pense que je le sais. Savez-vous ça serait quoi? Ça serait les Québécois qui feraient la culture. Qu'est-ce que vous en pensez, hein? Mais on commence. Vous, vous commencez tout de suite, puis eux autres ici... On est une vingtaine, elle, elle va s'en occuper, monsieur là-bas. On a besoin de tout le monde. Qu'est-ce que ça vous dirait, vous autres, que les Québécois fassent la culture des Québécois? Et c'est écrit dans votre livre, ça, faire la culture québécoise, mais pas fermée, en ouverture sur le monde.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Gauthier. Le temps alloué pour les discussions étant terminé, je désire, au nom des membres de la commission, M. Gauthier et Mme Parent, vous remercier de votre présentation et des échanges extrêmement intéressants. Merci beaucoup.
Je vais suspendre pour quelques minutes, mais, avant de suspendre, j'aimerais demander à M. Charles Desmarteau de bien vouloir prendre place à la table des invités. Alors, je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 46)
Le Président (M. Rioux): ...très heureux, M. Desmarteau, de constater que La Relève peut avoir... n'a pas d'âge.
La Relève (Hebdo de Boucherville)M. Desmarteau (Charles): Chez nous, il y a neuf enfants, alors...
Le Président (M. Rioux): Alors, ça nous fait plaisir de vous accueillir, M. Desmarteau.
M. Desmarteau (Charles): Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Alors, vous pouvez nous présenter votre document pendant une quinzaine de minutes, et ensuite on pourra procéder à des échanges entre nous.
M. Desmarteau (Charles): Voici, je n'ai pas voulu m'étendre sur la sociologie que ça implique, tout ça, parce qu'il y en a tellement eu avant moi. Alors, moi, ça a été sur le sens pratique de, tous les jours, ce qu'on vit. Alors, j'ai appelé ça Un mur contre la concentration de la presse, c'est-à-dire La résistance des indépendants à disparaître.
Depuis deux semaines, un bon nombre de professeurs d'université, de regroupements de journalistes, syndicats, observateurs éclairés, spécialistes du domaine des communications, magnats de la propriété croisée des médias, dont ceux des trois principales chaînes québécoises, Gesca, Quebecor, et Transcontinental, ont défilé devant vous afin de faire valoir leur philosophie, leur sens critique ou même leurs intérêts en regard de cet important forum de la concentration de la presse qui nous confronte.
Je ne vous le lirai pas tout parce que ça risque d'être long, mais je vous donne juste quelques idées à travers les pages, là. C'est qu'il y a eu beaucoup de mémoires qui ont été présentés, il y a eu 20 ans de recherche ? je le sais, j'ai participé depuis le début, ça fait 35 ans que je suis dans le domaine ? 13 rapports, des recommandations, des énoncés de principe, puis, aujourd'hui, on a une commission parlementaire qui est devenue vraiment nécessaire, très nécessaire. Elle est capitale, votre commission, puis je vous en félicite. Il est à espérer que des gestes concrets seront posés par notre gouvernement dans un avenir très rapproché, cette année même, parce que c'est le début d'un nouveau millénaire, et j'espère que cette fois sera la bonne.
On a eu un gouvernement qui a eu l'audace de faire les fusions municipales. Est-ce qu'il aura la même audace d'apporter des balises à ce phénomène galopant de fusions d'entreprises souvent non souhaitées? Je sais, je l'ai vécu depuis 35 ans.
Vous savez qu'il y a trois grands groupes: Gesca, qui possède sept quotidiens francophones; Quebecor chez qui, depuis 35 ans, je fais imprimer mon journal depuis 35 ans. Mais on se rapetisse, on se rapetisse, on se rapetisse. On le vit depuis 35 ans, les cheveux nous blanchissent. Eux, Quebecor, je n'ai rien contre eux, c'est une force puis c'est bien. Ils ont deux quotidiens, 50 hebdos puis une kyrielle d'imprimeries, et non pas seulement au Québec, mais à travers le monde. C'est un fleuron, oui. Transcontinental, encore des amis que je connais bien, ont beaucoup d'imprimeries. Ils ont, eux, un créneau principal, c'est des médias de... hebdos, magazines. Ils se sont plutôt lancés de ce côté-là avec un chiffre d'affaires de 300 millions. Mais vous savez que ces deux-là, à eux seuls, représentent 66 % des hebdos du Québec.
n(11 h 50)n Puis, dans un passé récent, la presse hebdomadaire ? elle est pourtant très laborieuse, patiente puis même trop discrète ? elle récoltait une piètre notoriété non pas tant dans le public, mais auprès des ténors, éditeurs quotidiens ou de certaines agences de presse ou de placement mal informées. Sans la mépriser ouvertement, on la tenait pour mineure, de second ordre, à peine supportable, mais celle-ci grugeait petit à petit une grande part du marché publicitaire pour s'imposer.
Depuis une décennie, deux tout au plus ? puis j'ai participé à ce que je vous dis là, là, ce paragraphe-ci, il est très important ? la tendance s'est radicalement renversée grâce à des études approfondies, sérieuses, neutres, commandées à des professionnels reconnus, grâce surtout au regroupement de ces forces vives en une forte association appelée Hebdos du Québec. J'ouvre une parenthèse ici, j'ai participé à la première réunion de rencontre des Hebdos du Québec. Nous étions huit. On se regardait à peine, on se demandait: Qui va prendre l'initiative? Qu'est-ce qui va arriver? On se soupçonnait qu'il y en a un qui aurait plus d'intérêt que d'autres. Puis, vous savez, c'est un peu dans le Québécois. C'est dommage, mais ça se transforme petit à petit. Mais savez-vous qu'aujourd'hui c'est une force extraordinaire qui comporte plus de 150 hebdos qui sont réunis, puis c'est devenu une force tellement importante que, là, on a dit après: Oui, mais la distribution, elle, est-elle contrôlée? Est-elle valable? Parce que les quotidiens disaient aux agences de...
Vous savez, on a toujours été soudoyés d'une façon ou d'une autre. Ça, il ne faut pas se le cacher, là. Moi, je ne veux pas jeter la pierre à personne, mais je veux simplement dire ce que j'ai vécu depuis 35 ans. Et, avant, j'ai été 20 ans dans le domaine du cinéma, et, si j'ai abandonné le cinéma, c'est parce qu'on voulait m'amener à Hollywood puis que j'avais neuf enfants, puis là j'ai dit: Je vais perdre ma langue puis je vais perdre mon Québec. Je vais perdre ma nature puis je vais perdre mon moi, parce que tous mes confrères que j'ai vus qui sont allés dans le vaste décor... Et le dernier film que j'ai fait ici, c'est Carnaval de Québec, traduit en 23 langues. Il a fait le tour du monde. Alors, je réussissais très bien, sauf que j'ai la foi du Québec, puis ça, c'est viscéral.
Alors, on a fait l'Office de la distribution certifiée pour prouver à nos détracteurs que c'était bel et bien vrai que, si on dit: On a 24 832 copies distribuées de semaine en semaine, de porte à porte, etc., ce n'était pas rien qu'une idée de l'esprit, mais que c'était véritable. Ah! là, c'est pour ça que je vous dis que ça a été sérieux puis que ça a été des professionnels qui ont fait ça, et là Samson Bélair nous a donné son imprimatur, nous a dit: C'est vrai, ce sont des gens sérieux. Autrement, vous n'entrez pas dans la catégorie ou dans la confrérie. Donc, là... Bien, voyez-vous, ça, ça date de 25 ans, hein? Ce n'est pas vieux, mais regardez les pas qu'on a faits. Avant, on était comme muselés, on était des parents pauvres, on était des gens de second ordre, puis aujourd'hui on est reconnus.
Puis vous avez vu Jean Paré, qu'est-ce qu'il est venu vous dire devant vous le 16 février, vendredi le 16: «Les quotidiens ne sont plus la source d'information principale des citoyens. La majorité des foyers ne reçoivent pas le journal tous les jours, et là où on le reçoit il n'est pas la source d'information première.» Puis là, etc., on parle des hebdos, des revues, magazines. Mais, encore là, on tait notre présence, on la tait dans le décor et télévisuel et radiophonique et quotidien, et ça, c'est dommage. On tait notre présence puis on n'en parle pas. C'est comme si on n'existait pas et c'est très dommage, ça.
Pourtant, il existe 193 hebdos au Québec même si un peu plus de 200, vous savez... sauf qu'il y en a quelques-uns qui ne sont pas reconnus. Mais vraiment reconnus, pour un total de 4 500 000 copies distribuées porte à porte à toutes les semaines, toutes les 52 semaines de l'année. Puis ça, c'est justement ce ministère de la Culture et des Communications qui a fait une recherche, une étude approfondie là-dessus.
Bon, je vais aller plus loin, là. Vous savez qu'aujourd'hui les hebdos se sont hissés à 97 % de toute pénétration versus la télévision, qu'on pense beaucoup plus forte que nous. Un point de plus que nous, elle est à 98 % de l'écoute, de taux d'écoute. Les journaux sont nez à nez, donc. La radio, elle, est à 93 %; les quotidiens, 65 %; et les magazines, 56 %. Donc, nous atteignons 3 448 000 lecteurs à toutes les semaines, soit 73 % de la population francophone de 18 ans et plus.
Et là je vous donne d'autres données statistiques, mais on pourrait les multiplier, puis c'est pour ça que je ne veux pas trop faire injure au temps qui m'est ici alloué et à votre bienveillante patience. Là, je tombe sur les hebdos indépendants. Pourquoi les indépendants? C'est parce que c'est ceux-là qui ne veulent pas mourir. Ils ont la foi dans le coeur. J'en suis un. Et je suis au terme, un peu, de ma vie, là, mais, comme le monsieur qui est venu parler puis pour lequel j'ai eu beaucoup de sympathie parce que je trouvais qu'il avait beaucoup de sens sociologique et... Là, je peux vous dire qu'il en reste 38 hebdos indépendants. J'ai fait le tour, puis ils le disent tous: On veut rester. On ne veut pas vendre, on veut rester nous-mêmes.
Qui pourrait être la force pour qu'il y ait une unification de ces gens-là? Et je vais y arriver à la fin. Alors là, vous savez ce que ça prend, dans la page 5 de mon texte, on parle de ce que ça prend pour conserver son indépendance, conserver sa vitalité et sa ferveur. Mais pourquoi tant d'indépendants depuis une décennie ont-ils abandonné leur rêve, leur lutte? En raison, d'une part, du vieillissement du propriétaire fondateur, parvenu à un âge assez avancé, à qui un compétiteur plus argenté et rusé a fait reluire en un tour de main l'attrait pécuniaire d'une confortable retraite. Pour d'autres, l'absence d'une relève ? tantôt, M. le Président, vous avez parlé de relève, le titre de mon journal, c'est La Relève ? ou encore par le désintéressement de certains fils non désireux de souscrire aux mêmes heures de travail, à la même énergie que celle déployée par un père prématurément vieilli et sans plan de retraite.
Mais, pour la majorité ? puis c'est là que c'est grave ? il y a des coûts énormes de production et de distribution qui entraînent des fermetures, des ventes de telles entreprises... en difficulté. Depuis un an et demi, on monte le prix du coût de papier. Pas de préavis ou à peine, une semaine ou deux. À compter de... dans 10 jours, la semaine prochaine, vous allez avoir une augmentation de tant. Vous savez que le prix du papier, c'est 64 % de tous les frais d'un hebdo. Moi, je parle rien que des hebdos, là, parce que je n'ai pas voulu entrer avec la télévision puis... Il y en a eu d'autres qui se sont chargés de ça. Moi, j'ai voulu concentrer pour que vous sachiez ce qu'on vit, les hebdos. Six et demi pour cent le 1er octobre 1998; 1er mai, plus 9,7 % d'augmentation; 1er octobre, même année, 9 %; 1er février de cette année, il y a un mois, 5 %; et, là on en annonce un, on l'a su la semaine dernière, 5,5 % encore. Alors, comment voulez-vous faire de la planification? Comment pouvez-vous arriver avec soit le gouvernement, ou une agence de publicité, ou pour les avis publics, etc.? Comment pouvez-vous arriver à un prix fixe? D'habitude, on prévoyait... Depuis 35 ans que ça existe, on disait: Bon, bien, on en a pour un an, là, on fait tel prix. Mais, aujourd'hui, là, c'est un peu comme l'essence, on ne sait plus où on s'en va, si bien que c'est pour ça qu'il y a des journaux qui culbutent.
Mais ce qui est grave, là, ici, aujourd'hui, un cas grave, celui des petits hebdos indépendants des nouveaux arrondissements en cette année de fusion municipale. Les conseillers de Mme Harel ont-ils songé qu'à Longueuil seulement il existe un hebdo qui a 50 ans d'existence, Le Courrier du Sud, qui tire à 120 000 exemplaires? C'est le plus gros au Québec. Savez-vous qui est à la propriété de cet hebdo-là? C'est mon concurrent puis c'est mon imprimeur depuis 35 ans. Là, là, ça fait deux semaines qu'il ne me retourne plus mes appels parce que, là, ils sont après songer comment ils sont... Vous verrez dans les pages 6 et 7, là, ils sont en train de travailler en sourdine.
n(12 heures)n Pensez-vous que je suis à l'aise? Mmes, MM. les députés, pensez-vous qu'on peut être à l'aise, là, avec 25 employés chez nous, des Québécois qui paient des taxes puis des impôts... que j'ai mis sur pied pour essayer de faire une vie décente, bien informer notre population, être présent dans le milieu, être apolitique, être ouvert à tout, tout ce qui bouge, tout ce qui se passe dans une société moderne, puis qu'en sourdine le gros, le puissant... Puis je ne veux pas parler contre lui nécessairement, mais je veux simplement vous faire voir, d'une façon pratique, que, ce gars-là, il nous manipule puis il ne nous retourne plus nos téléphones. Puis là, demain matin, je vais encore avoir 5,5 % après en avoir eu une de 5,6. Ça, c'est 500 $ par semaine qui s'en va, là, 500 $ par semaine, 1 000 $. 52 000 $, cette année, qu'on va donner pour simplement ces frais-là, juste ça, sur le chapitre du coût du papier.
Qui mène le papier? Ils sont six. Ils s'appellent en sourdine: Demain matin, on fait ça, on envoie une facture, puis c'est tout le monde, puis c'est à prendre ou à laisser. Je le dis un peu plus loin. Alors là on se demande... Puis, pourtant, Mme Maltais l'a bien dit quand elle l'a présenté mardi le 13 février: «Nous devons [...] être extrêmement vigilants, attentifs à la situation des médias détenus par de plus petites entreprises, ceux qu'on nomme "les indépendants"...» Vous avez toute la citation.
Comme piste de solution ? puis, ça, je termine là-dessus ? je vois très bien qu'il y ait un ombudsman. Il y en a dans à peu près 70 pays. Il existe une association des ombudsmans de la presse, des médias. On pourrait s'en inspirer. On pourrait voir ce qui se fait là. Vous pourriez, Mme la ministre, essayer d'aller chercher toute l'information autour de ça. Puis là je termine là-dessus. Puis, parmi les intéressés, bien, moi, je m'offre parce que j'ai vu des gens, des indépendants, ils ont dit: Qui va prendre... Il n'existe pas d'association pour les indépendants. Qui va prendre la pôle? Qui va faire ça? Bien, j'ai dit: Je m'offre. Si l'idée est retenue, moi, je m'offre à bâtir l'association, comme on a bâti l'Association des hebdos il y a 25 ans et comme on a bâti l'ODC. Là, il reste celle-là à bâtir et non pas simplement les journaux, mais la radio, la télévision communautaire, etc., même les imprimeries indépendantes.
Puis je vous donne certains indices. Non pas que, vous, vous créeriez la fondation des médias indépendants, on la créerait, mais que vous la souteniez, que vous nous donniez les outils nécessaires pour la soutenir, dégrèvement d'impôts, etc. Et là je finis avec ça pour dire aussi que, la distribution de la publicité gouvernementale, elle soit un peu mieux répartie parce que, vous savez, il y a des agences qui ne nous donnent pas notre part. Alors, je m'excuse si je me suis un petit peu emporté, c'est le coeur qui parle, mais c'est ça. Je termine là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Bien, M. Desmarteau, c'est bon. C'est bon de temps en temps de se laisser aller et de dire ce qu'on pense et de dire ce qu'on a dans le ventre aussi, compte tenu de vos états de service au sein de la communauté dans le domaine des médias. C'est vrai que vous seriez milliardaire probablement aujourd'hui si vous aviez voulu, je connais un peu votre vie, mais vous avez préféré servir votre communauté honnêtement. Et votre témoignage, moi, me touche profondément, je vous le dis. Parce que, moi aussi, j'ai publié des magazines et je sais ce que c'est d'avoir affaire au puissant qui te guette au contour du chemin en augmentant ses prix pour t'acheter par après. C'est de même que ça marche, hein.
M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Beaulne: Oui. Merci, M. le Président. Bien, d'abord, M. Desmarteau, je vous félicite de votre présentation. Je pense que les collègues ont eu droit, de manière sommaire mais néanmoins assez exhaustive, aux problèmes qui touchent véritablement la survie des hebdos indépendants. C'est bien beau d'avoir une commission qui se penche sur les impacts des mouvements de la propriété dans le domaine des médias, mais je pense qu'au-delà de la philosophie, de la rhétorique et de ce qui peut se passer en principe, en théorie, vous avez mis le doigt sur des conditions concrètes et réelles qui font en sorte que ce phénomène de la concentration prend de plus en plus d'ampleur.
Vous avez également abordé la question d'un regroupement des hebdos indépendants. C'est quelque chose d'intéressant parce que, comme le dit le vieux dicton qui est maintenant devenu un cliché, l'union fait la force. Mais vous avez d'autres recommandations qui sont pertinentes et pointues, et j'aimerais vous entendre parler de manière un peu plus détaillée sur ces recommandations.
Vous mentionnez la possibilité de la création d'une fondation. Vous, vous appelez ça une fondation des médias indépendants. La question d'un fonds de soutien aux périodiques a été placée devant la commission. C'est une des avenues sur lesquelles on réfléchit. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Deuxièmement, j'aimerais également que vous nous parliez un peu plus de ce que vous vivez et de ce que vous souhaitez comme améliorations de la politique gouvernementale de placement d'annonces.
Le Président (M. Rioux): M. Desmarteau.
M. Desmarteau (Charles): C'est assez vaste, votre question. Prenons, à la fin, la politique gouvernementale. Moi, j'aimerais que ça soit soustrait aux agences ou enfin que vous donniez aux agences le devoir de bien faire leurs devoirs. Il y va facilement...
Qu'est-ce que vous voulez? J'ai un compétiteur qui s'appelle Michel Auclair, qui possède 12 journaux dans notre région. Bon, bien, savez-vous qu'est-ce qu'il fait? Il appelle ? un peu soudoyé aussi ? puis il obtient tout. Les 12 journaux obtiennent la publicité. Et quand on voit ça, bien, on se dit: Comment ça se fait qu'on n'a pas été... Pourtant, on est le plus gros journal après Le Courrier du Sud qui fait Longueuil, mais qui ne fait pas Boucherville. Nous, on a 40 000 exemplaires.
Pour survivre, il a fallu aller chercher... On couvre tout le territoire de M. Bernard Landry et tout le territoire de Marguerite-D'Youville, on va jusqu'à Sorel, on fait tout ça. 40 000 exemplaires. Les autres, ils en ont trois, quatre journaux, des petits, 15 000, 20 000. Bien, ils vont le chercher au gros prix à la même agence. Ils vont chercher 12 fois l'annonce gouvernementale puis, moi, je ne l'ai pas. Pourquoi? Bien, oui, mais vous êtes un peu plus cher. Je suis un peu plus cher? J'ai 40 000 versus 10 000, 12 000, 20 000. Écoutez, ça ne tient pas.
On est paresseux. Je ne sais pas si je peux parler aussi franchement, là. Oui? Puis vous autres, je le sais, vous avez tellement de devoirs à faire, vous êtes pris partout. Vous n'avez pas rien qu'une commission. Alors là, des fois j'appelle mon député, j'appelle M. Landry, j'appelle un autre, puis qu'est-ce qu'il y a? Ah, qu'est-ce que vous voulez? Allons. Mais une fois, deux fois, 10 fois, puis c'est comme ça dans l'année, année après année. Ce n'est pas d'hier, ça fait 36 ans que je suis dans le domaine, 36 ans que ça existe. Alors, il faudrait que ça soit corrigé.
Comment? L'ombudsman peut-être ou ce que j'offre, puis ce n'est pas rien que l'Association des hebdos indépendants, parce que là je voudrais aider tout le Québec, c'est-à-dire les communications: imprimeries, télévisions communautaires, radios, hebdos, tout ce qui est indépendant. Puis tous ceux que j'ai vus, ils disent tous: Ah! On est d'accord. Enfin, il y aura quelque chose pour nous protéger. Il y aura une force. Alors, cette force-là pourrait créer un comité qui s'occuperait des agences comme on a fait pour les hebdos puis pour l'ODC.
On s'est fait valoir, on a montré des faits, des faits pratiques. On couvre telle et telle région, notre taxe est certifiée par Samson Bélair. On va arriver à ça. C'est pour ça... Aidez-moi. Je demande rien qu'au ministère de la Culture, sur le 1 million, 150 000 $, la part pour partir l'AMIQ, l'Association des médias indépendants du Québec. Et là cette Association pourrait être le chien de garde. Je ne demande pas au gouvernement d'être le chien de garde, ce n'est peut-être pas à lui à faire ça, mais cette association-là va le faire au profit des indépendants.
Il faut se battre, Mme la ministre, M. le Président, mesdames, messieurs. Il faut se battre tout le temps, tout le temps, tout le temps. Alors, pour se battre... Bien, si on veut se battre, moi, c'est drôle, mais je me sens encore d'attaque pour me battre jusqu'à ma mort. Si c'est pour une cause pareille, ça vaut le coup, mais il faut avoir foi.
n(12 h 10)n Tantôt, le monsieur... les beaux cheveux blancs, mais ce n'était pas bête quand il a dit: Faisons-là, la culture. Ça prend un homme, puis après ça on en ajoute. C'est ce qu'on a fait avec nos deux associations avant. On n'y croyait pas au début, on se regardait comme des chiens épeurés. Puis là, aujourd'hui, ça va, monsieur, mais il manque les indépendants, parce que, savez-vous quoi ? puis c'est là qu'est le noeud de la question ? c'est qu'à l'intérieur ? Mme la ministre, c'est important, ce que je vous dis là ? de ce qu'on a formé, des hebdos indépendants puis de l'ODC, savez-vous qui les contrôle? Les trois gros. Ils arrivent. Un, il dit: Moi, j'en ai 60. Eh! Ça va bien, ça, pour le chèque, etc., puis la prise de contrôle de l'Association. Tandis que, l'Association des indépendants, là on protège les indépendants. Vous autres, ça vous enlève un gros poids sur le dos, puis là vous êtes soulagés, parce que vous jouez un rôle étatique, un rôle d'État. C'est ça qui est important aujourd'hui. Quand même que ma journée serait couronnée de ce mot-là, je pense que c'est le mot important. Il faut que notre gouvernement ne joue pas un rôle d'abattre... Tantôt, il y en a un qui a posé la question: Qu'est-ce qu'on fait avec ceux qui ont précédemment fait des conquêtes? Moi, qu'est-ce que vous voulez, ça, je ne veux pas être obligé de débattre ça, c'est tellement délicat, c'est tellement difficile. C'est difficile d'être Salomon dans le cas présent. Ça, c'est vous autres qui jugez ça. Mais, pour l'avenir, préparons l'avenir, protégeons les indépendants.
Moi, là, vous avez un homme fervent du côté de la protection des indépendants, puis, M. le Président, vous venez de le dire, vous l'avez vécu vous-même avec vos magazines, alors vous savez de quoi je parle. Je ne peux pas être contre Quebecor, ils m'impriment puis ils m'impriment bien. Ha, ha, ha! C'est drôle, il y a quasiment de l'inceste ? excusez ? économique dans tout ça! On est poigné! Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Mais, au moins, si on protège les indépendants sous toute une même... les médias, vous aurez accompli une grosse, grosse tâche si vous acceptez ça.
Le Président (M. Rioux): Il reste, du côté ministériel, à peine trois, quatre minutes. Est-ce que vous avez d'autres questions à adresser à notre invité? Alors, M. le député de Vachon.
M. Payne: M. Desmarteau, il est pertinent, je crois, que, à la fin de nos audiences, vous soyez venu avec un cri du coeur tellement authentique et réaliste que ça ne peut qu'impressionner les membres de la commission. Je sais, parce que je viens de la Rive-Sud, qu'est-ce que c'est ? d'ailleurs, c'est la même chose à travers le Québec et dans d'autres endroits du monde ? la survie d'un hebdo, des indépendants et d'autres rédactions du même ordre. Ça touche le fond même de notre démocratie, je crois, cette nécessaire réconciliation du principe du droit de l'information avec le droit d'être informé correctement avec différentes sources, et vous êtes un acteur essentiel là-dedans.
Je n'ai pas de temps plus qu'il faut, mais je voudrais vous demander de quelle façon vous pouvez imaginer l'organisation structurelle de la fondation. Avec, disons, une mise de fonds de 10 millions qui chercherait nécessairement une longue vie, expliquez-nous exactement de quelle façon ça peut s'opérer en tant que gestionnaires, les membres de cette fondation.
M. Desmarteau (Claude): Je m'excuse, monsieur...
Le Président (M. Rioux): Oui, vous avez la parole.
M. Desmarteau (Claude): Pardon?
Le Président (M. Rioux): Allez, allez.
M. Desmarteau (Claude): M. le député, la fondation serait à part. L'autre, ce serait pour le financement des entreprises, l'aide, le soutien. La fondation, elle partirait de nous, et la fondation, elle serait provinciale. De toutes les régions du Québec, on aurait des actuaires, on aurait même un juge dans ça, il y aurait des avocats, des comptables, etc., mais chacun apporterait ses idées, et là on se ferait une structure qu'on proposerait pour voir si elle est acceptable et à nos membres et au gouvernement, et là on la ferait financer par le milieu; la fondation, on la ferait financer par le milieu. Le reste, le 10 millions, c'est pour l'aide soit au démarrage ou à la... Oh! Une affaire que j'ai oublié de vous dire, qui est très importante, c'est qu'avant qu'un journal en difficulté vende son âme à une chaîne, une des trois grandes chaînes, il est obligé de l'offrir à l'AMIQ, à l'Association, et là on décide: Est-ce qu'on se met deux ou trois ensemble puis on l'achète, on le consolide? On pourrait même voir à l'aider sur le plan de la gestion, sur le plan de la comptabilité. On s'occuperait d'avoir les outils nécessaires pour que les indépendants demeurent indépendants, pas que ce ne soit rien qu'un mot de passage puis qu'on revienne vous revoir dans deux, trois ans, puis qu'on dise: Bien, on n'a pas pensé à ça. Vous allez voir qu'on va avoir des penseurs pour bien bâtir cette association.
Le Président (M. Rioux): Bien, merci. Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Bonjour...
M. Desmarteau (Charles): Bonjour, madame.
Mme Beauchamp: ...et merci également de cette présentation. Comme l'a souligné le député de Matane, notre président, je dois aussi témoigner de mon admiration pour des entrepreneurs de votre trempe qui faites vivre des familles dans votre région, dans votre milieu. Vous défendez une cause avec beaucoup de conviction. Et, comme d'autres collègues parlementaires l'ont souligné, c'est avec beaucoup d'attention puis beaucoup d'admiration qu'on reçoit votre mémoire puis le courage que vous avez eu. Parce que, ce que vous venez nous dire aujourd'hui, vous l'avez souligné à maintes occasions, vous êtes en ce moment en relations d'affaires avec des partenaires dont vous commentez les actions. Et je pense que ça vous a pris beaucoup de courage, selon moi, pour venir ici aujourd'hui nous dire, nous livrer le fond de votre pensée. Mais ce courage-là puis cette détermination-là expliquent sûrement pourquoi vous êtes toujours là, dans un univers extrêmement compétitif.
Moi, je veux poursuivre sur cette idée que vous nous lancez d'une association des médias indépendants. Dans votre mémoire, vous nous dites qu'il reste 38 hebdos indépendants. Je sais que vous êtes en train de vous battre et que vous êtes très occupé, mais, néanmoins, êtes-vous capable de nous dire comment cette proposition-là serait reçue de la part des 37 autres médias indépendants? Et peut-être, aussi, si vous pouviez me dresser un peu un portrait d'où on retrouve plus exactement ces médias indépendants. Dans votre mémoire, vous faites allusion, par exemple, à la situation difficile qui vous attend dans un contexte de fusions municipales où vous vous retrouvez à maintenant desservir un arrondissement. Vous craignez... On le sait que les hebdos vivent beaucoup aussi de la publicité municipale, et vous dites: Est-ce que je vais être capable, moi, d'avoir ma part au niveau de la publicité de la grande ville? Donc, je me demandais quelle était la situation des autres médias indépendants. Est-ce qu'ils sont comme ça en région plus métropolitaine? Est-ce que plusieurs sont confrontés à cette réalité-là que vous nous décrivez, qui touche les gens vraiment en 2001? Est-ce que je les retrouve plus en région rurale? Puis si vous pouviez nous dire, selon vous, comment serait reçue votre proposition.
Le Président (M. Rioux): M. Desmarteau. Allez!
M. Desmarteau (Charles): Mme la députée de Sauvé, c'est une très bonne question; je vous remercie de la poser. C'est à la grandeur du Québec. Comment c'est reçu? Il y en a trois à qui j'ai parlé, des hommes de 60 ans, et ils se sont mis à pleurer. Ils ont dit: Depuis le temps qu'on... Ils me connaissent, d'ailleurs. Ils ont dit: Charles, où trouves-tu encore l'énergie puis le courage? J'ai dit: C'est la folie, c'est l'amour de mon Québec, c'est tout, ce n'est rien que ça. Ma langue française, mon Québec, notre peuple, notre monde, c'est ça, puis c'est à la grandeur du Québec: Baie-Comeau, Québec, Montréal, Thetford Mines, Donnacona, Lac-Mégantic, Vaudreuil, Maniwaki, Saint-Georges, Rivière-du-Loup. Il y en a partout au Québec. J'en ai parlé rien qu'à quatre, cinq, actuellement, dont deux imprimeurs. Les deux imprimeurs m'ont dit: M. Desmarteau, on embarque tout de suite, nous autres. Mais pensez-vous d'être capable de réussir ça? J'ai déjà 20 noms, des gens, vous devriez voir, des gens de qualité. Les Québécois, là, ils ne sont pas bêtes. Quand ils veulent se mettre ensemble, ils sont solides. J'ai 20 noms, des femmes et des hommes, pas rien que des hommes. Moi, j'ai cinq filles, quatre garçons. Mes filles sont aussi «bright» que mes garçons, je peux vous le dire. Je crois aux deux sexes. Il y a des femmes qui mènent des journaux puis...
Une voix: ...en politique.
M. Desmarteau (Charles): Ha, ha, ha! Oui, c'est vrai. Et puis il y a des femmes qui mènent très bien leurs journaux. Maintenant, ce n'est pas rien que des journaux: imprimeries, radio, télévision, journaux.
n(12 h 20)n Une autre affaire. Le gouvernement... ? M. Bourassa, c'était pareil ? nos gouvernements voulaient donc atteindre les communautés culturelles. Bon, bien, saviez-vous que les journaux culturels sont prêts à venir dans notre... puis ils ne sont pas comptés dans mes 193, là. Bon. J'en ai plusieurs. J'en ai parlé à deux, puis ils ont dit: Ah, bateau! C'est comme une traînée de poudre. Ils ont dit: On embarque là-dedans. C'est une manière de les intégrer comme Québécois à part entière. Ils ne sont peut-être pas de souche, mais ils ont une implication. Ils sont là, sur le terrain. Je vais tout aller chercher ça. Moi, là, écoutez, je suis un rassembleur de nature. Faites-moi confiance, cette association-là, vous allez en être fiers. On va la mettre sur pied.
Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais vous allez... à travers le Québec. Et je tiens à ce que ça soit à travers le Québec, pas qu'il y ait une région, là, qui se sente négligée. Le Québec, c'est le Québec en son entier, puis on l'a ici, la preuve, on l'a, puis ils sont tous prêts à entrer. Je vous promets que ça va être un succès.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée.
Mme Beauchamp: Oui. J'aimerais savoir, à votre connaissance, est-ce qu'il y a d'autres médias comme le vôtre, là, qui, au cours de l'année 2001, sont en repositionnement dû à la réforme municipale?
M. Desmarteau (Charles): À peu près tous, à peu près tous. Peut-être qu'on va être obligé d'aller à 50 000, 60 000 exemplaires, je ne le sais pas. Là, il faut que je vois M. Landry parce que, lui, il voudrait bien que je reste dans son comté, mais on est amputé de son comté, on fait partie de Longueuil, là. Ça vous fait rire, madame, mais, moi, ça m'a fait pleurer, parce que, moi, je suis tellement Bouchervillois, Bouchervillois dans l'âme. Mais qu'est-ce que vous voulez?
Alors là il faut qu'on se repositionne. Où est-ce qu'on va aller? Votre question est bonne. J'en ai parlé à deux ou trois autres confrères. Ah, ils ont dit: Charles, c'est l'enfer! Bien, j'ai dit: Il faut qu'on trouve des solutions. Il faut regarder l'avenir, il faut regarder en avant. Ça ne sert à rien de pleurer, ça ne sert à rien. On n'est pas pour abandonner. On est là, puis on est là pour rester, puis on va être là, quel que soit l'avenir des fusions ou des villes, on va être là.
Mais il faut être intelligent. Il faut se repositionner, il faut repenser notre territoire, notre contexte, comment on va aborder les thèmes communs de Saint-Lambert, Brossard, Candiac puis Boucherville, les affinités. Bien, on va parler d'arrondissement, on va parler de chez nous. Moi, je vais continuer à être un vrai Bouchervillois, ah ça, par exemple, jusqu'à ma mort. On ne fera pas de moi un gars de Brossard. Je n'ai rien contre Brossard, mais il y a des gens à Brossard pour défendre Brossard. Alors, on sera un journal d'arrondissement. Je ne sais pas si ça répond à votre...
Le Président (M. Rioux): Ha, ha, ha! Très bien.
M. Desmarteau (Charles): Excusez-moi, là, je me suis emporté. C'est parce que c'est le coeur qui parle, là. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors... Non, mais c'est merveilleux parce que, je comprends, quand on vient de Boucherville... Moi, j'ai vécu à Brossard.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Desmarteau (Charles): Excusez, là. Je n'ai rien contre vous, là. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Desmarteau (Charles: Ah, je suis mal tombé.
Le Président (M. Rioux): Non, non, au contraire, vous êtes très bien tombé. Alors, Mme la députée, vous avez encore une question, oui?
Mme Beauchamp: J'en aurais deux. Donc, je vais les poser en même temps. Deux volets. Vous avez parlé de la paresse des agences de placement publicitaire, et j'ai abordé la question avec les radios communautaires également, c'était un univers que je connaissais le mieux, mais j'aimerais ça vous réentendre là-dessus puis ? vous avez 35 ans d'expérience ? que vous nous disiez comment on fait pour... dans un univers de concentration où les joueurs sont de plus en plus gros, qu'est-ce qui manque vraiment aux médias indépendants pour être capables d'établir le dialogue avec les agences de placement publicitaire. Auparavant, les radios communautaires nous ont dit: Dans le fond, il nous manque les bons outils où on est capable de démontrer ? pour eux, c'est leurs auditeurs ? combien j'ai d'auditeurs, leurs caractéristiques et tout ça.
Vous, vous nous dites: Je suis capable de démontrer que j'ai tant de lectorat. Vous semblez avoir l'outil de mesure ou être capable de démontrer à une agence de publicité qui vous rejoignez. Je me pose maintenant la question: Qu'est-ce qui manque pour qu'on puisse vraiment, de façon efficace... Puis le commentaire s'adresse autant au gouvernement qui doit aussi investir dans vos médias indépendants, vous l'avez dit. Mais on sait comment ça marche. Ça passe par une agence de placement publicitaire et, cette agence-là, il faut lui dire vers où aller. Il y a des habitudes à défaire, il y a une paresse à combattre. Mais j'aimerais ça que vous nous éclairiez sur qu'est-ce qui manque vraiment pour établir ce dialogue-là entre les plus petits indépendants et les agences de placement publicitaire.
Et ma dernière question, c'est... Je pense que je vais vous faire plaisir en vous invitant à commenter une lettre qu'on vient de recevoir des Hebdos du Québec. Vous avez parlé tantôt de ce regroupement. Les Hebdos du Québec nous ont fait parvenir une lettre en date du 28 février ? donc, d'hier ? et je vous cite un passage et vous commenterez. Ils disent: «Nous ne retenons pas le projet de création d'un fonds d'aide au pluralisme de la presse tel que suggéré par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Cette idée va totalement à l'encontre des lois naturelles du marché du lectorat, d'une part, et publicitaire, d'autre part. Chaque publication existante occupe un marché qui lui est propre et qui a sa raison d'être. Nous considérons le fonds tout simplement comme une taxe dont les bénéfices serviront à favoriser nos concurrents.»Le Président (M. Rioux): M. Desmarteau.
M. Desmarteau (Charles): Madame, je vous baiserais les pieds.
Mme Beauchamp: Ha, ha, ha!
M. Desmarteau (Charles): On ne se connaît pas, puis on dirait qu'on pense pareil. Je vous ai dit tantôt...
Mme Beauchamp: Je sens qu'il va déménager à Montréal-Nord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Desmarteau (Charles): ...que ceux qui contrôlent les hebdos, c'est les trois gros. Vous savez bien qu'ils ont eu des téléphones, hein. Voyons donc! C'est eux autres qui ont écrit cette lettre-là, qui ont forcé, parce que c'est nos concurrents, puis vous comprenez qu'ils ne veulent pas que notre force naisse. Elle va naître, notre force, elle va naître, ça va de soi, sans la combattre. Un peu comme le Québec, il veut se faire respecter, bien, il faut qu'il soit solide, bien, nous autres, il va falloir qu'on soit solides.
Puis si je reviens à votre première question, bien, mon fils, il y a un mois aujourd'hui, le 1er février, j'ai eu de la misère à abandonner mon rôle d'être le grand prêtre du journal, là c'est mon fils qui porte le même prénom, Charles, l'aîné de mes fils, c'est un MBA, il est gradué en marketing, il a fait 20 ans en marketing, et c'est lui qui prendrait la pôle de la question des agences, parce qu'il a traité avec elles depuis 20 ans, il connaît toutes leurs ramifications, il sait quoi faire, il a trafiqué avec elles, les agences de publicité, de marketing et de placement, il les connaît comme le fond de sa poche, il les connaît toutes personnellement. Alors, lui, on l'embarquerait dans notre association, puis ça serait son volet, ça, la relation avec les agences pour...
Mme Beauchamp: Votre réponse, c'est de nous dire: Ce dialogue-là qu'il faut établir avec les agences de placement publicitaire... Votre réponse, c'est de dire: La solution ne passe que par le regroupement des indépendants pour établir un vrai dialogue et une forme de rapport de force pour obtenir la juste part du placement publicitaire?
M. Desmarteau (Charles): Oui. Et ça va répondre encore davantage à votre question: Entre les différents ministères, ils ne savent pas où ils s'en vont ? je regrette de le dire, madame ? leurs placements médias, ils apprennent ça après coup, puis là, c'est des téléphones, puis combien il y en a qui... M. Bernard Landry, j'ai fait mon cours moi aussi au séminaire de Joliette, je le connais depuis longtemps, il m'a dit que, lui aussi, des fois il ne sait pas où ça s'en va. Bateau! C'est pas des farces! Bien, c'est ça, la situation. Alors là il faut qu'on soit le chien de garde du gouvernement, puis notre propre chien de garde, puis le chien de garde de la société indépendante.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup. M. Desmarteau, on a écrit, tout le monde, probablement, en bien grosses lettres ce que vous nous suggérez: un protecteur de la presse, un regroupement qui serait le chien de garde, un regroupement ou une association des médias indépendants, et la fondation. Alors, on retient ça, on vous remercie beaucoup. Ça a été une bénédiction de vous entendre, ça fait du bien, et j'espère que ce qui va se traduire dans le rapport de la commission, peut-être qu'il y aura des éléments qui vous feront plaisir. Alors, je vous remercie beaucoup.
n(12 h 30)nM. Desmarteau (Charles): C'est moi qui vous remercie.
(Consultation)
Le Président (M. Rioux): Nous aurons donc, entre 12 h 30 et 12 h 45, les remarques venant des députés ministériels, et les remarques finales reprendront à 14 heures pour se terminer vers 14 h 30.
Remarques finales
Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville, les députés de Saint-Hyacinthe, Vachon et M. le député de...
Une voix: Iberville.
Le Président (M. Rioux): Iberville.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Nous arrivons, après une présentation tout à fait pertinente et enflammée, à la fin de nos audiences, des audiences qui auront été assez révélatrices pour nous, les députés de cette commission, quant à la mentalité, quant aux préoccupations qui circulent dans le domaine des médias.
En tenant nos audiences sur les impacts des mouvements de propriété dans l'industrie des médias, nous avons voulu nous assurer que les Québécois, par rapport à ce mouvement qui est non seulement un mouvement caractéristique des médias au Québec, mais qui s'inscrit beaucoup plus dans un mouvement généralisé dans l'ensemble des pays industrialisés... nous avons voulu nous assurer que ce phénomène se traduise par le maintien d'une information de qualité pour nos concitoyens.
Qu'est-ce qu'une information de qualité? Chacun peut en avoir sa propre définition, c'est très subjectif, mais, à écouter les mémoires qui nous ont été présentés, pour moi, je définis une information de qualité de la manière suivante: d'abord, une information qui reflète l'objectivité de la nouvelle, la diversité de la nouvelle, le reflet du milieu, l'accessibilité des pages d'opinion au plus grand nombre de citoyens possible ainsi que la pluralité du contenu éditorial de nos médias d'information.
Est-ce que ce phénomène de concentration menace cette qualité d'information à laquelle je viens de faire référence? Les craintes qui nous ont été exposées, les menaces auxquelles les divers groupes ont fait allusion demeurent des menaces qui relèvent ou des craintes qui relèvent de l'impact potentiel du phénomène de concentration beaucoup plus que de certains exemples pointus. Même si certains exemples nous ont été apportés suite aux questions des collègues, il demeure que la plupart, que ce soient les représentants patronaux, syndicaux ou autres, tel que moi je les ai compris, ont fait planer sur nous beaucoup plus les dangers que la concentration pourrait entraîner pour les Québécois.
Des faits réels, cependant, ont été mis sur la table en ce qui concerne certains éléments qui entraînent cette concentration, entre autres, comme vous l'avez vous-même fait remarquer en ce qui concerne les hebdos, comme nous l'ont fait remarquer les représentants de la télévision communautaire et comme nous l'a fait remarquer également le représentant du journal Le Devoir, tous comme par hasard des indépendants, que certains coûts fixes... c'est-à-dire dans votre cas, dans le cas de la presse écrite, le coût du papier journal représentait un élément important dans la décision de vendre ou de maintenir la propriété indépendante de ce média. D'autre part, également, on nous a mentionné les distributions de parts de marché qui font que, bien souvent, les phénomènes de centration se traduisent par l'élimination pure et simple de médias concurrents.
Par rapport à cette problématique, la question d'un chien de garde s'est posée. Beaucoup d'intervenants sont venus nous proposer et nous signaler qu'il était urgent et important de se doter d'un chien de garde par rapport à ce phénomène de concentration. Toutefois, personne ne veut ou ne semble vouloir en prendre la responsabilité de manière claire et précise.
On a également soulevé la question d'un fonds de soutien aux médias, plus particulièrement indépendants, qui serait financé de différentes façons. Le concept a été repris à plusieurs reprises. Toutefois, la manière de le financer reste encore très hypothétique, certains voulant y participer, d'autres refusant de le faire.
On a également avancé l'idée d'un commissaire aux plaintes, ce que certains appellent un ombudsman. C'est une piste qui est intéressante. Encore faudrait-il savoir où le loger et qui en porterait la responsabilité.
Autre élément qui est ressorti de nos audiences, c'est le caractère unique du Québec, de son marché et de ses particularités en termes de milieu où évoluent les médias. Par contre, plusieurs solutions qui ont été avancées s'inspirent de l'Europe et des États-Unis où le contexte est fort différent de celui qui prévaut au Québec. C'est donc dire que nous devrons faire preuve d'imagination dans l'élaboration de solutions.
Je terminerai en disant que l'impact de cette commission se veut significatif dans la mesure où le Québec tient à conserver une presse et des médias de qualité qui reflètent la diversité et la pluralité de notre société.
M. le Président, je terminerai en remerciant les participants qui se sont présentés devant nous, les collègues qui ont échangé de manière soutenue et de qualité avec ces participants, Mme la ministre qui s'est jointe à nous et qui a été assidue à nos rencontres, puisqu'elle a assisté à toutes nos séances et, finalement, vous, M. le Président, qui avez su nous guider dans cette démarche fort excitante où parfois nous avons dû sûrement, comme collègues, mettre à l'épreuve votre patience. Voilà.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Léandre Dion
M. Dion: Merci, M. le Président. Je tâcherai d'être très bref parce que je sais qu'il y a deux autres collègues qui veulent parler. Alors, c'est sûr que nous avons affronté dans cette commission-là un problème d'envergure, hein? On sait que, au fond, ce qui est en jeu dans tout ça, c'est la démocratie. Et c'est l'information qui fait que les gens peuvent choisir librement, alors, dans ce contexte-là, évidemment on ne peut pas traiter ça avec légèreté, et la qualité des mémoires qu'on a entendus nous a révélé ? et là je suis d'accord avec les propos du député qui a parlé avant moi ? a mis en lumière le fait que la concentration des moyens de production constitue une menace. C'est une menace au plan national pour la liberté d'information, pour la diversité, parce qu'on sait que la qualité de l'information dépend de la diversité des sources et de la diversité des moyens d'informer la population. Donc, dans ce contexte-là, si la concentration est une menace au plan national, elle ne l'est pas moins au plan local. Et moi, qui viens d'une ville de province, Saint-Hyacinthe, je puis dire que la concentration au plan local peut être une menace non seulement à la qualité de l'information qui va chez les lecteurs, mais à la qualité du journal lui-même. Alors, dans ce contexte-là, je pense qu'il faudrait prendre des décisions concrètes qui favorisent la liberté des gens, le droit des gens à recevoir une information variée, mais aussi le droit du journaliste à informer en toute liberté.
Alors, je pense que les propos très rafraîchissants que nous avons entendus de la part de nos deux aînés, M. Gauthier et M. Desmarteau, ce sont des propos de jeunesse qui nous demandent de regarder vers l'avenir avec confiance. Alors, c'est ce que nous allons tenter de faire. Et je vous remercie et, à travers vous, tous ceux qui sont venus devant nous ainsi que tous les collègues. Merci.
n(12 h 40)nLe Président (M. Rioux): M. le député d'Iberville.
M. Jean-Paul Bergeron
M. Bergeron: Écoutez, on ne peut pas avoir vécu l'intensité de ces séances-là sans voir qu'il y a urgence d'agir. Je pense, notre dénominateur commun, c'est qu'on est ici pour une qualité de l'information, une diversité, une liberté et une information qui soit le reflet du milieu. Des gens sont venus nous dire de plusieurs façons et selon des registres différents leur inquiétude: les professionnels, les journalistes, les télévisions communautaires. On a pu remarquer deux solitudes. Deux grands groupes sont venus nous brosser une réalité qui était bien différente des autres. Et, quand on parle des autres, on a assisté à des présentations de gens hautement crédibles, l'AJIQ qui est venue nous présenter une situation désespérée. Et, quand on parle de l'AJIQ, c'est qu'on parle de notre relève. C'est préoccupant, ça.
Les petits hebdos, M. Desmarteau, le dernier intervenant qui est ici, dans la salle encore, sont venus nous dire leur volonté de rester puis de continuer à être enracinés dans le milieu. Et c'est qu'en fin de compte le Québec ce n'est pas seulement Québec et Montréal, mais c'est le Québec des régions, c'est un Québec qui est pluriel. Donc, il y a une urgence d'agir.
Et il y a deux mémoires, hier, que j'ai trouvés intéressants particulièrement, qui nous apportaient une autre vision. La professeure de l'UQAM, Judith Dubois, qui disait, à un moment donné, quand on parlait de l'impact sur les ressources affectées à l'information: Quebecor n'a pas répondu aux attentes des employés en ce qui a trait à une augmentation importante des investissements en information. Donc, ce mouvement de concentration là laisse des attentes inassouvies, et il y a des gens qui l'ont vécu de façon amère. Vidéotron a fait, hier ou avant-hier, des mises à pied massives.
Claude Jean Devirieux a été intéressant, notamment concernant le Conseil de presse. Le député de Marguerite-D'Youville a parlé d'un chien de garde, et je pense qu'il y a peut-être là une piste à explorer. Et, quand Claude Jean Devirieux, dans ses principales recommandations, qui sont toutes pertinentes et que ça vaut la peine de les regarder... Il disait: Le renforcement du rôle du Conseil de presse par une reconnaissance légale et un financement plus adéquat. Parce qu'on sait que présentement le rôle du Conseil de presse en est presque un de gestion de plaintes.
Le Président (M. Rioux): M. le député, oui, ça achève?
M. Bergeron: C'est presque terminé, mais... Ordinairement, je n'abuse pas de mon temps, donc... Et, écoutez, la proposition, finalement, de M. Desmarteau, d'une association où j'ai trouvé très intéressante la présence des communautés culturelles... Moi, je pense qu'avec l'association que M. Desmarteau veut mettre sur pied c'est qu'il y aurait là une occasion intéressante d'aller chercher les communautés culturelles et de les faire participer davantage dans la vie du Québec, dans la vie d'un Québec d'ouverture et de générosité et de solidarité. Alors, c'est tout.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député. M. le député de Vachon.
M. David Payne
M. Payne: Brièvement, M. le Président. Je vous remercie pour votre attention... présence de la ministre tout en respectant, comme elle a fait, le fait qu'il s'agit pour nous d'une initiative de la commission. Je pense qu'on a hâte d'accoucher d'un projet qui a de l'allure, qui puisse avoir une crédibilité qui s'impose, parce que le sujet de la concentration des médias est sûrement très pertinent, diraient certains, chaud, mais le sujet n'est pas nouveau.
Deuxièmement, le phénomène n'est pas, on le sait très bien, l'exclusivité d'un seul pays. Et, si on regarde les moyens adoptés par différentes administrations, pays, provinces, il faut bien se le dire, constater tout de suite qu'il s'agit de résultats pour le moins mitigés.
Devant la commission, nous avons vu un grand nombre d'intervenants passer avec autant de solutions législatives, administratives, financières et incitatives également. En fin de compte, il ne faut pas oublier notre objectif. Ce n'est pas tellement de regarder les conglomérats tels quels, ou les critiquer, ou les appuyer, c'est plutôt le principe de la diversité de l'information et le droit à l'information, tellement bien encadré dans le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Enfin, il faut réconcilier ces deux principes avec le droit à l'information, mais pas n'importe quelle information, pas de mensonges, pas de désinformation et préférablement les informations multiples. Et quel extraordinaire exemple on avait avec M. Desmarteau tout à l'heure, physique, visible, émotif. Ça, c'est ce qui nous appelle de regarder qu'est-ce que c'est, l'information. L'authenticité est au coeur de l'information.
La connaissance humaine se forme à partir de l'information reçue, et, pour être suffisamment informés, nous, comme dans la commission, comme le grand public, il faut avoir et comparer plusieurs sources, plusieurs perspectives. Je pense qu'on a fait ça. Pour ma part, je voulais regarder particulièrement la promotion croisée, les droits d'auteur, les échanges de textes, la publicité gouvernementale et la diversité des sources.
J'avais une petite pensée tout à l'heure, lorsque M. Desmarteau parlait du prix du papier. Vous savez, au coeur de la presse écrite, il y a effectivement le papier. Les journaux, ils mangent le papier. Je n'aimerais pas que le papier mange les journaux.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Vachon. Nous reprendrons nos travaux à 14 heures et nous continuerons les remarques finales.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Rioux): Alors, Mmes et MM. les députés, nous sommes réunis pour les remarques finales. Il y a 30 minutes qui est accordé à l'opposition et il y a 30 minutes qui est accordé... Non... Oui, 15 autres minutes est accordé aux députés ministériels, étant donné qu'il y a eu 30 minutes de prises ? 15 minutes, dis-je bien ? de prises antérieurement.
Alors, nous allons tout de suite céder la parole à la députée de Sauvé. Mme la députée.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. On en est aux remarques finales. C'est un peu comme si on nous invitait à dresser un bref bilan de ces audiences qui se sont déroulées au cours des deux dernières semaines.
Je vous dirais que ma première remarque, mon premier bilan, bien, il s'adresse au gouvernement. C'est le fait que cette commission sur le dossier de la concentration des médias aura été teintée, de tout son long, par un certain surréalisme, en tout cas chose certaine, par une incohérence gouvernementale évidente.
Ce matin encore, j'étais un peu sidérée d'entendre les remarques finales de mes collègues de la partie ministérielle. Je pense à mon collègue de Saint-Hyacinthe qui a dit que la concentration, c'était une menace ? il l'a affirmé haut et fort ? aux plans national et local. Je pense au député d'Iberville qui a parlé de l'urgence d'agir. Je pense au député de Marguerite-D'Youville qui a aussi exprimé sa hâte que l'on passe à l'action.
Et, en parallèle à ça, je veux juste rappeler à mes collègues de la partie ministérielle que je vais leur faire d'autres citations de leurs propres collègues; plus que ça, de leur premier ministre et de l'aspirant premier ministre. Je leur rappelle le contexte dans lequel s'est déroulée cette commission. Pendant qu'eux parlent de menace de la concentration, de l'urgence d'agir, j'aimerais leur citer le premier ministre Bouchard qui disait ceci, le 19 septembre dernier: «Le gouvernement ne peut pas intervenir, a déclaré le premier ministre Lucien Bouchard. Le secteur privé est le maître de ce genre de décision; il faut s'en remettre à leur capacité de comprendre la situation pour prendre des décisions appropriées en ce qui les concerne.» Un peu plus loin, il disait également: «Nous ne pouvons pas aller plus loin, en tant que gouvernement, dans une société de secteur privé où on respecte les libertés fondamentales.» Et, l'aspirant premier ministre, le député de Verchères, disait également: «Nous croyons à une liberté de presse et d'entreprise capitaliste mais nous croyons aussi à l'éthique capitaliste. Si la concentration ne peut être évitée, les capitalistes doivent être justes par rapport à la société.» Il disait également, au sujet de la concentration... je vous cite toujours le député de Verchères, l'aspirant premier ministre: «Si elle était survenue il y a 25 ans, cette transaction ? et il parle de la transaction de GESCA ? aurait été considérée comme extrêmement dangereuse et suspecte, sauf que les choses ont changé. La concentration de la presse, pour des questions techniques, financières et de rentabilité, est devenue une nécessité de notre temps.»n(14 h 10)n Pourquoi l'aspirant premier ministre ou l'actuel premier ministre font ce genre de déclaration? Est-ce qu'il faut vraiment rappeler, en plus de les citer, à nos collègues de la partie ministérielle l'action gouvernementale? Vous êtes passés à l'action. Il y a eu des actions de prises au cours de la dernière année, et cette action, c'est le fait que vous avez permis et salué le fait que la Caisse de dépôt et placement ait fait le plus gros investissement de son histoire ? 2,2 milliards de dollars investis dans l'entreprise Quebecor ? détenant ainsi 45,3 % de ses actions, ce qui est d'ailleurs un niveau d'actionnariat tout à fait exceptionnel de la part de la Caisse de dépôt et placement.
Le choix gouvernemental a été fait, il a été salué, il a été applaudi et on se retrouve devant ce choix-là, qui a été fait, qui accentue la concentration. Je pense que plusieurs intervenants vous l'ont expliqué, j'espère que vous avez bien compris ce qu'on vous a expliqué. C'est que ce geste posé a, entre autres, favorisé la disparition d'une voix au niveau, entre autres de la télévision, puisque, maintenant, Quebecor est propriétaire à la fois de TQS et de Télé-Métropole, bien qu'il ait annoncé, bien sûr, qu'il se départirait de TQS.
Rappelons également ce que l'action gouvernementale a favorisé. C'est, bien sûr, une grande entreprise, Quebecor, dont nous sommes fiers, mais qui est en intégration verticale, qui détient non seulement des télévisions, mais des journaux, des hebdos, des imprimeries, des maisons d'édition, des portails Internet, des maisons de disques et de livres et j'en passe. Et, de l'autre côté, son principal actionnaire, la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui fait aussi plusieurs interventions dans le secteur culturel en ayant, entre autres, mis en place des filiales qui interviennent massivement, entre autres Impresario, qui est extrêmement présente dans le milieu de la production culturelle.
Je le répète, le gouvernement a fait son choix, et lorsque la ministre de la Culture et des Communications nous a maintes fois répété que la glace était mince, elle le disait en parlant de son pouvoir d'intervention. Lorsqu'elle a dit que la glace, elle était mince, on comprend aujourd'hui ce qu'elle veut dire: c'est que la glace est mince sous ses pieds. La glace est effectivement très mince pour la ministre entre naviguer et entre le souhait qu'ont semblé exprimer ses collègues de la partie ministérielle, ce matin. Ce souhait d'intervention, comme le disait le député de Saint-Hyacinthe, face à la menace, selon lui, que constituent la concentration et la prise de partie très claire qu'a faite son prochain patron, l'aspirant premier ministre. La glace est très mince mais tellement mince, en fait, qu'on nage présentement en pleine incohérence gouvernementale.
Je prendrais le temps de faire ressortir également ce qu'on a dit durant cette commission parlementaire, ce besoin de balises, parce que, habituellement, l'expression utilisée, c'est à peu près ceci: le besoin de balises dans un univers de concentration des médias, ce besoin de balises qu'on a toujours associé par ailleurs avec le fait qu'il y avait là-dedans une délicatesse d'intervention.
Rappelons-nous, on l'a fait lors de nos remarques préliminaires, qu'il y a eu de nombreuses commissions, de nombreuses études de menées sur le dossier des médias, mais qu'à part des interventions nées d'une volonté politique à l'époque du premier ministre Bourassa, des interventions menées pour éviter certaines concentrations, il n'y a effectivement pas eu, au Québec, de législation ou d'intervention de type gouvernemental. Et je pense qu'on était tous d'accord pour dire que, dans le fond, c'était une démonstration de la délicatesse... Je reprends ici l'expression utilisée par les représentants du Devoir qui nous rappelaient, comme législateurs, la délicatesse du sujet qu'on abordait et d'une éventuelle intervention gouvernementale.
Je ne vous cacherai pas que les discussions qu'on a eues et les échanges qu'on a eus au sujet d'une législation qui comporterait, entre autres... Parce que, la principale demande, c'était la fixation d'un seuil pour la presse écrite. Je ne vous cacherai pas que, jusqu'à maintenant, je n'en ai pas été convaincue. Nous n'en avons pas été convaincus, puisque, à maintes occasions, on a été mis en garde contre le fait que ces seuils devaient être pris en contexte dans un... que les seuils qui sont dans différents marchés occidentaux avaient peut-être été difficilement applicables dans le marché québécois qui, rappelons-le, est un petit marché par rapport aux autres exemples qu'on nous a apportés jusqu'à maintenant.
Et je ne vous cacherai pas que la question de la liberté de la presse reste, pour nous, un principe fondamental, et qu'on aura également été sensibles à certains exemples qu'on nous a donnés du malaise que pouvaient ressentir des propriétaires de médias à venir rendre des comptes devant des élus et l'Assemblée nationale.
Il y a certains mémoires, qui étaient présentés, qui nous rappelaient que les médias constituent un quatrième pouvoir. C'est un pouvoir, qui agit en parallèle, qui suit de près, en tout cas, le pouvoir que représente le pouvoir politique, et nous serons sensibles à la nécessaire distance qui doit exister entre le pouvoir des médias et le pouvoir politique.
Par ailleurs, je rappelle que tout ça s'est fait dans un contexte où on demandait des balises, et je ne vous cacherai pas que la question du renforcement du Conseil de presse va grandement nous intéresser. On sera intéressés à poursuivre les discussions sur ce point de vue. On sait que le Conseil de presse est justement né de réactions du milieu journalistique, à la fin des années 1960, début des années 1970, et à ce besoin qu'on ressentait qu'il y ait justement une forme de tribunal d'honneur et un lieu qui allait, on pourrait dire, surveiller, une certaine forme de surveillance des médias. On aura été très sensibles au fait de dire que le Conseil de presse n'est sûrement pas équipé, en l'an 2001, pour exercer adéquatement son rôle. On parle du renforcement du Conseil de presse, et ça aura toujours été suivi par, bien sûr, quelque chose de bien terre à terre qui est le renforcement de son financement.
Je vous avoue que j'ai entendu les engagements des entreprises de presse ici pour le financement du Conseil de presse. Mais je tiens à rappeler ici que nos attentes sont hautes et les exigences seront hautes. Quand je vois que les sommes dont on parle, c'est peut-être un 15 000 $ ou 20 000 $ par année, je peux vous dire que, de notre côté, on ne considère pas ça suffisant pour vraiment renforcer le Conseil de presse, et peut-être ici, mettre aussi en lumière lorsque je parlais un peu plus tôt de la nécessaire distance entre le pouvoir politique et le quatrième pouvoir que représentent les médias.
Je pense aussi qu'il serait important de doter le Conseil de presse d'une façon qui assurerait également sa distance et son indépendance, tant face au gouvernement que face aux propriétaires qui le financent, et dans ce sens-là, je pense que, lors de la fondation du Conseil de presse, on avait eu la sagesse de mettre en place une fondation qui avait été dotée par le gouvernement à l'époque. Je pense qu'il serait opportun de toujours considérer cette formule, c'est-à-dire d'éviter un financement à la pièce, annuel, du Conseil de presse, tant par les propriétaires de médias que par le gouvernement, et de bel et bien doter la fondation du Conseil de presse, et ainsi, assurer un Conseil de presse un financement annuel qui serait, en même temps, un financement assujetti à une forme d'indépendance qu'aurait le Conseil de presse, tant vis-à-vis des propriétaires de médias que des gouvernements.
Une autre balise qui nous a été maintes fois demandée et à laquelle on est sensibles, c'est ce besoin de transparence. C'est ce besoin d'information sur ce qui se passe dans les médias, sur la façon dont les propriétaires de médias vont respecter des engagements qu'ils ont pris devant nous, et je crois que le fait d'avoir ces informations, cette transparence dans la façon dont sont menés nos médias représente également une piste de solution pour une balise possible qui ferait en sorte qu'on serait en mesure de suivre les engagements des entrepreneurs.
Dans ce sens-là, je crois qu'il y aurait des discussions à poursuivre avec les entreprises de presse pour identifier qui pourrait être le mandataire, qui pourrait s'occuper de colliger cette information, de la traiter et de la rendre publique. On parle donc ici d'études, d'un certain travail d'étude de mise en contexte de ces informations. Il sera également important de poursuivre le dialogue pour, bien sûr, parler de qui va financer ces études et toutes ces informations dont nous avons besoin, dont les citoyens et citoyennes du Québec ont besoin pour bien suivre l'univers médiatique.
n(14 h 20)n Un autre volet qui a souvent été abordé, M. le Président, c'est la question de l'établissement d'un fonds d'aide. Ça, également, ça va demander qu'on poursuive nos discussions et nos réflexions. Je vous soumets ici bien humblement deux réactions que j'ai face à cette proposition ? je tiens tout de suite ici à le préciser ? deux questions auxquelles il faudra répondre.
Si ce fonds d'aide est constitué d'argent public, est-ce qu'on réalise que c'est dans un contexte où, en même temps, le gouvernement a coupé 12 millions de dollars depuis 1995 à Télé-Québec, que c'est dans un contexte aussi, comme nous l'ont révélé les médias communautaires qu'on a rencontrés ce matin, où les médias communautaires estiment être dans une situation précaire, fragile? Et ces médias communautaires sont des médias indépendants, qui représentent une autre voie, qui contribuent fortement à la pluralité des voies, au Québec.
Donc, si on est pour parler d'investissement d'argent public, où le souhaitons-nous vraiment, dans un fonds d'aide pour la mise en place de médias indépendants ou si nous ne souhaitons pas plutôt que cet effort gouvernemental aille vers la télévision publique qu'est Télé-Québec ou vers les médias communautaires? Et, également, si ce fonds d'aide devait être mis en place à partir d'argent provenant du secteur privé, il faut bien réaliser la portée de nos choix. Souhaitons-nous que les grandes entreprises de presse financent adéquatement et de façon substantielle la fondation du Conseil de presse et qu'on ait un vrai chien de garde capable d'entendre les plaintes du public de façon tout à fait indépendante? C'est une question que je pose sur où souhaitons-nous que cet argent soit mis, M. le Président.
Je terminerai en rappelant aussi des messages que l'on a captés, et je tiens ici à le rappeler et à le redire. Nous avons entendu le cri d'alarme des télévisions communautaires, et nous rappelons que nous allons rappeler au CRTC ici les résolutions prises à l'unanimité, par l'Assemblée nationale du Québec, pour demander qu'on assure la présence des télévisions communautaires sur les ondes télévisuelles au Québec.
On a entendu également le cri d'alarme des journalistes indépendants et cette grande question fort complexe du cyberjournalisme et du respect des droits d'auteur des journalistes.
Il a été également ici question de rapport de force. On l'a souvent invoqué comme une autre balise possible, ce rapport de force qui représente, par exemple, les relations syndicales-patronales. Moi, j'ai été, pour ma part, frappée et impressionnée par la qualité de la présence des partenaires syndicaux dans l'univers des médias. Mais, ce matin, nous avons aussi entendu ce cri de la part, par exemple, d'un propriétaire d'hebdos indépendants pour l'établissement d'un vrai rapport de force également entre les médias indépendants et les grands conglomérats.
M. le Président, je terminerai en vous rappelant que cette commission s'est déroulée en l'absence de quelques joueurs. Le député de Vachon, ce matin, a, à juste titre, déploré l'absence de joueurs provenant du secteur privé. Rappelons que nous sommes dans une consultation générale, que c'est regrettable qu'ils n'aient pas répondu à l'invitation.
Mais je tiens ici à rappeler qu'il y a d'autres joueurs, qui sont sous la gouverne gouvernementale, qui ont choisi également de ne pas se présenter. Je pense à Télé-Québec; je l'avais déjà mentionné dans mes remarques préliminaires. Je déplore que Télé-Québec ne soit pas venue se faire entendre. Vous faisiez allusion un peu plus tôt, M. le Président, à Radio-Canada. Mais, un peu plus près de nous encore, hein, sous la gouverne du ministère de la Culture et des Communications, il y a Télé-Québec qui n'est pas venue se faire entendre.
Et, comme je vous le mentionnais ce matin, je pense que, de par le choix qu'ils ont fait ? le choix stratégique et imposant au niveau financier ? le choix qu'a fait la Caisse de dépôt et placement, je pense que ça serait un éclairage incontournable et nécessaire dans la poursuite de nos réflexions.
Je voudrais terminer en indiquant qu'il y a beaucoup d'autres sujets qui ont été abordés ici, et je m'aperçois qu'il y a un des sujets principaux dont je n'ai pas parlé et qui est toute la question de la propriété croisée. Bien sûr, j'ai soulevé par la bande cette question, puisque j'ai soulevé le choix qui a été fait par le gouvernement en associant la Caisse de dépôt et placement à Quebecor où c'est un exemple, là, pesant au niveau de la propriété croisée.
Mais je tiens également à souligner qu'on aurait été sensible aux représentations, par exemple, des syndicats de Télé-Métropole et du Journal de Montréal qui sont venus nous expliquer comment, malgré des comités de surveillance qui ont été mis en place, par exemple, à TQS, comment il leur a été difficile, par un processus d'autorégulation ? on peut appeler ça comme ça ? de vraiment suivre tous les impacts de la propriété croisée.
M. le Président, il y a eu plusieurs personnes, tant du milieu syndical que du milieu des entreprises de presse, qui ont souligné leur volonté, leur souhait de poursuivre le dialogue. Je pense qu'il est important de remettre ces travaux dans leur contexte: nous sommes dans une mandat d'initiative portant sur le phénomène de la mondialisation et de la diversité culturelle. C'est un mandat qui a été entamé, déjà l'année dernière, par les parlementaires membres de la commission de la culture, et je pense que c'est indéniable qu'on doit se dire ici que nous devrons poursuivre le dialogue et poursuivre nos travaux non seulement sur la mondialisation et la diversité culturelle, mais également bien sûr, sur le phénomène de la concentration des médias et de leur impact sur la diversité de l'information et la vie culturelle.
Je souligne la qualité des échanges qu'on a eus avec nos invités et nos collègues parlementaires. Je vous remercie, M. le Président, ainsi que toute l'équipe de la commission.
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y a d'autres remarques du côté de l'opposition? M. le député d'Anjou.
M. Jean-Sébastien Lamoureux
M. Lamoureux: Oui, merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que c'est, de loin, la commission parlementaire la plus intéressante à laquelle j'ai pu participer depuis que je suis élu député à l'Assemblée nationale. Je pense qu'elle était excessivement intéressante, parce qu'on s'est penché sur un débat majeur excessivement important.
Par contre, je dois vous avouer que je suis arrivé ici un peu perplexe, un peu inquiet, en me disant: Mais qu'est-ce qu'on va faire? À quoi cet exercice va-t-il nous mener? Dans la mesure où le gouvernement avait déjà, par le biais de la transaction Quebecor-Vidéotron, campé sa position, je me disais: Qu'est-ce que nous, parlementaires, allons pouvoir faire? Quelles solutions allons-nous pouvoir avancer dans la mesure où le gouvernement, comme je l'ai mentionné, avait déjà fait son lit?
On a entendu des choses, M. le Président, excessivement importantes. Je ne reviendrai pas sur tous les points qui ont été soulevés par ma collègue la députée de Sauvé. Moi, il y en a un, c'est la télévision communautaire. C'est un exemple bien précis, et je le souligne encore aujourd'hui, parce que je pense que ça illustre l'ensemble de tout ce qu'on a pu entendre ici au cours des dernières semaines.
Des deux côtés, on était d'accord ? incluant la ministre, je pense ? pour dire que les télévisions communautaires doivent reprendre la place qui leur revient. On a entendu les gens de Quebecor nous dire qu'ils ignoraient tout du dossier, qu'ils allaient vérifier avec les gens de Vidéotron. Aujourd'hui, malheureusement, on apprend que, semble-t-il, quelqu'un aurait découvert l'existence du dossier, aurait même sollicité des lettres d'appui pour le CRTC. Mais, peu importe, je pense, M. le Président, qu'on devra être jugés, tous les parlementaires ici, en fonction des résultats qu'on obtiendra.
On a eu deux motions unanimes, à l'Assemblée nationale, qui ont été déposées. Je ne peux pas concevoir, M. le Président, que ça sera des députés de l'Assemblée nationale qui devront aller plaider devant le CRTC ? un organisme fédéral ? pour convaincre cet organisme-là de faire en sorte qu'une entreprise, dont nous sommes propriétaires, dont je suis propriétaire par le biais de la Caisse de dépôt, parce que c'est mon argent qui est placé là-dedans, eh bien, qu'on ne soit pas capables de faire entendre raison, nous-mêmes, ici, à la Caisse de dépôt, à Quebecor, qui a évidemment entendu le message non seulement des télévisions communautaires, mais la réaction unanime des deux côtés, des parlementaires de toutes les options politiques qui sont ici présentes à l'Assemblée nationale. Je vous avoue, M. le Président, que, si on en est réduits, comme parlementaires, à aller plaider devant un organisme fédéral qu'une entreprise qui est possédée en grande partie par la Caisse de dépôt et placement du Québec... je peux vous dire que ça va me laisser songeur.
On a parlé également du Conseil de presse. Je pense, M. le Président, qu'il sera souhaitable que l'on se penche, en réunion de travail. Il y a des choses excessivement intéressantes que l'on peut faire par le biais du Conseil de presse. On a obtenu des engagements des trois gros joueurs, si on veut, au niveau du marché, que ce soit le groupe Transcontinental, Quebecor et Gesca. Est-ce que ce sera suffisant, M. le Président? Nous pourrons en discuter. Il y a eu des pas, je pense, qui ont été dans la bonne direction; soyons quand même honnêtes. Il y a eu des gestes positifs et concrets qui ont été amenés par ces groupes-là. Par contre, l'autorégulation, on l'a vu, a ses limites, et on devra, je crois, au cours des prochains jours, prochaines semaines, se pencher sérieusement là-dessus.
Je remercie mes collègues d'en face; ça a été excessivement intéressant. Je pense qu'on a eu une bonne ambiance dans la commission, et j'espère que c'est de bonne augure pour les travaux qui vont suivre.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député d'Anjou. M. le député de Viau, ça va?
M. Cusano: Ça va.
n(14 h 30)nLe Président (M. Rioux): Bien. Mme la ministre.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission, mesdames, messieurs. Nous terminons aujourd'hui une étape importante de l'examen des impacts des mouvements de propriété dans l'industrie des médias et des télécommunications sur la qualité, la diversité et la circulation de l'information et la culture québécoise.
Cette consultation publique, confiée par l'Assemblée nationale à la commission parlementaire de la culture, à laquelle j'ai participé avec très grand intérêt, a permis une discussion ouverte sur des enjeux importants pour la société. Si plusieurs ont repris des arguments que la littérature antérieure des 30 dernières années a largement véhiculés, on n'a, à mon avis, pas suffisamment placé le débat dans la grande mouvance médiatique des dernières années. La formation d'un grand conglomérant en Europe, aux États-Unis et ici même témoigne du phénomène irréversible de la mondialisation que la vague de déréglementation a sans doute accéléré au cours de la dernière décennie. Ajoutez à cela la convergence des technologies, conjuguée au déferlement du réseau des réseaux, Internet, tout cela complète l'environnement qui encercle le débat qui nous occupe. Jusqu'où le Québec peut-il affirmer son caractère particulier? Comment faire pour protéger notre spécificité, tout en permettant à nos entreprises d'être concurrentielles? Le marché québécois est petit. Son exiguïté doit-elle nécessairement imposer de gros joueurs pour faire face à cette concurrence transfrontalière? Cela met davantage en évidence toute l'importance que revêt la question de la diversité culturelle, tant au Québec qu'à l'international. Quelle est la meilleure garantie à offrir pour que la pluralité des voix s'exprime?
Que nous ont dit ceux qui se sont présentés à la commission? Sans faire la recension des mémoires, permettez-moi cependant d'en faire ressortir certains aspects en regard des trois grands axes de réflexion que j'ai proposés en début de commission. La position des administrateurs de Gesca quant à la pertinence d'une législation et la participation à un fonds d'aide qui alimenterait la concurrence fut on ne peut plus claire. Par ailleurs, leurs engagements furent tout aussi fermes toutefois quant à un parti pris très net pour la qualité, quant à la volonté de maintenir une presse régionale forte, quant à la personnalité bien typée, tout en redisant leur soutien manifeste au Conseil de presse. Mais est-ce que ces engagements sont suffisants? Comment s'assurer surtout qu'ils soient respectés? J'eus souhaité des engagements de même niveau de la part de Quebecor, qui nous a malheureusement laissés sur notre appétit. Le passé peut bien être garant de l'avenir, mais encore. Je me réjouis par ailleurs du ralliement de Quebecor au Conseil de presse et de sa volonté de le financer. J'espère moi aussi que le financement qu'ils lui accorderont sera de même niveau que celui des autres partenaires du Conseil de presse.
Cela dit, la transaction Quebecor-Vidéotron induit trop d'impacts, sur le plan culturel notamment, compte tenu des multiples champs d'intervention de cette entreprise, pour que nous nous sentions totalement rassurés par leur propos. La culture n'est pas un bien commercial comme les autres.
Les mémoires soumis par plusieurs syndicats et quelques regroupements furent, en général, de haute tenue. La préoccupation du droit du public à l'information est à la base même de leur engagement quotidien. Je m'en félicite d'autant plus qu'il semble rejoindre l'engagement des entreprises de presse elles-mêmes. Plusieurs suggestions et pistes de travail soumises dans ces mémoires, dont celui de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui fut de grande qualité, alimenteront notre réflexion soit sur un fonds d'aide, soit sur le renforcement du Conseil de presse, soit sur des façons de limiter la concentration. Plusieurs, à ce chapitre, nous suggèrent la voie législative, s'inspirant en cela des pratiques étrangères, dont on a abondamment fait état. Si ces pratiques peuvent être inspirantes à bien des égards, il nous reste à en mesurer le caractère transposable dans notre société.
Je retiens aussi les opinions souvent émises par les quelques citoyens, universitaires ou regroupements qui ne sont pas impliqués quotidiennement dans les opérations d'un média. Ces trop rares mémoires illustreraient-ils le fait que la société dans son ensemble se sent peu interpellée par la situation actuelle?
Enfin, je voudrais féliciter le milieu du livre de s'être activement impliqué dans ce débat qui déborde par ailleurs largement les frontières de cette seule industrie culturelle.
En conclusion, provisoire bien sûr, puisque la commission poursuivra sa réflexion en rédigeant son rapport, ai-je besoin de dire que j'attendrai ce rapport avec impatience et y accorderai la plus attentive des lectures, en le souhaitant inspirant pour l'action.
J'ai senti, tout au long de ces journées d'audition, que les parlementaires membres de la commission partageaient ma prudence devant les paradoxes des témoignages entendus. Si plusieurs mémoires ont plaidé pour l'intervention de l'État, que ce soit sur le mode législatif ou autrement, par ailleurs, le caractère très particulier des enjeux en cause circonscrit les gestes que l'État peut poser. Ce n'est pas un hasard si, malgré les nombreuses réflexions des dernières années, l'action du gouvernement du Québec a été empreinte de retenue. C'est un signe évident de la distance nécessaire entre l'État et les organes de presse. Si toutes les tentatives de législation ont échoué jusqu'à maintenant et dans des contextes où la sensibilité à l'égard de la concentration était plus vive, il faut nous demander quel type d'intervention législative pourrait générer un consensus suffisamment large pour s'engager dans cette voie. Une législation n'est pas là non plus pour se mettre en lieu et place des relations patronales-syndicales. Elle devrait être là pour assurer le droit du public à l'information, une information de qualité et diversifiée.
La seconde piste évoquait un organisme de veille, un tribunal d'honneur ou un organisme aviseur, un chien de garde en somme. Au cours des échanges que nous avons tenus, je crois pouvoir dire que cette hypothèse a recueilli de nombreux appuis. Par ailleurs, il est clair que tous n'en partageaient pas la même vision. Certains concevaient un tel mécanisme doté de pouvoirs importants, d'autres, comme un simple organisme conseil. D'autres encore ont proposé une transformation du Conseil de presse, ce qui n'a pas provoqué l'enthousiasme de l'actuel président, vous vous en souviendrez. Enfin, quelques-uns confiaient ce mandat à un ombudsman ou à la commission parlementaire de la culture. Il est clair dans mon esprit qu'une proposition en ce sens nécessiterait des réflexions importantes et que les débats que nous avons eus peuvent sans doute nous permettre de les amorcer mais sûrement pas de statuer sur la forme définitive d'un tel organisme, ses mandats, sa dotation, ses pouvoirs concrets, etc.
Finalement, à l'instar de certains mémoires, j'avais aussi proposé comme troisième axe possible la mise en place d'un fonds de soutien à la presse indépendante. Cette hypothèse a également retenu l'attention de plusieurs, mais, là encore, la forme, la dotation, les finalités et l'admissibilité à un tel fonds ont donné lieu à des interprétations diverses. Les expériences étrangères sont, à ce chapitre, inspirantes, tout en gardant par ailleurs à l'esprit que l'enthousiasme des entreprises de presse semble inversement proportionnel à celui des proposeurs.
L'étape que nous terminons aujourd'hui est importante et elle nous a permis de recueillir des informations qui seront précieuses aux délibérations qui viendront. Je veux remercier, en terminant, tous les intervenants et tous les membres de la commission, particulièrement le président qui a bien régulé ces travaux. Je veux vous remercier tous et toutes pour la qualité de nos débats et la hauteur de vue qui les a animés. Cela me permet d'être confiante pour la suite des choses. Je vous en remercie.
M. Matthias Rioux, président
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, Mme la ministre. J'aimerais, en terminant... juste quelques mots pour rappeler que la démarche que nous terminons aujourd'hui, en termes d'audience et d'écoute des intervenants de la presse au Québec, ça s'inscrit dans un mandat large que nous nous étions donné, il y a quelques mois, d'examiner la mondialisation et la diversité culturelle. Peu de parlementaires au Canada, dois-je vous le dire, on fait une réflexion aussi sérieuse et aussi approfondie que les parlementaires du Québec sur ce sujet. Forts de cette réflexion, il nous est venu à l'esprit aussi d'examiner le rôle que pouvaient jouer les médias comme instrument de diffusion de la culture. Et c'est là qu'est venu ce mandat d'examiner le rôle des conglomérats et des entreprises de presse. Notre mandat n'était pas de définir la normalité. Notre mandat, c'était de voir quelle était l'ampleur du phénomène. Et je pense qu'avec ce qu'on a entendu on en a assez bien mesuré justement l'ampleur.
On assiste, à l'évidence, à une concentration considérable de la presse au Québec. Les géants qui sont venus devant nous nous ont dit que ce n'était pas plus énervant qu'il fallait. Certains nous ont dit également que, en déterminant comment nous gérons les contenus, il était possible, avec des salles de rédaction autonomes, de garantir une presse de qualité au Québec. Ça, c'est Gesca qui s'exprime de la sorte. Quebecor a eu peu de choses à dire. Contrairement à Gesca qui a pris des engagements publics, Quebecor nous a dit que son passé était garant de l'avenir. C'est vite dit. C'est vite dit d'autant plus qu'on sait que les contenus peuvent se retrouver dans plusieurs médias, à une vitesse absolument phénoménale.
n(14 h 40)n Alors, je comprends toute la stratégie de la convergence. Elle est vraie pour tout le monde, mais il reste quand même, lorsqu'on n'a pas plus que ça à dire comme engagement, que notre passé est garant de l'avenir... Vous comprendrez que ça ne peut pas satisfaire intellectuellement un parlementaire élu par le peuple. Et, quand une autre entreprise de presse balaie du revers de la main la possibilité de venir exprimer devant des parlementaires où en est rendu le développement de son entreprise ou comment elle gère l'information, moi, je n'accuserai pas ces gens-là d'être arrogants, je dis juste que c'est la logique capitaliste qui s'est exprimée avec beaucoup de clarté et beaucoup de franchise, et c'est à l'honneur de M. Crevier. Il nous a dit exactement ce qu'il pensait et de façon très claire.
Nous avons donc la responsabilité de nous pencher sérieusement sur la façon la plus efficace de préserver la diversité et la qualité de l'information. On a la responsabilité de le faire. Les médias indépendants sont venus également, médias communautaires, les pigistes. Ce qu'on appelle les journalistes indépendants sont venus nous lancer un cri d'alarme pour nous dire: S'il vous plaît, donnez-nous un coup de main. On aura donc le devoir d'explorer au moins les avenues qu'ils nous ont exposées, qu'ils ont déposées devant nous. À mon sens, il n'y a pas une solution unique. Il va probablement y avoir plusieurs solutions, qu'on aura examinées, et j'espère qu'on aura la sagesse d'en retenir quelques-unes, parce qu'il est clair qu'on s'oriente, tranquillement mais sûrement, vers une situation monopolistique inquiétante. Plusieurs mécanismes doivent être donc envisagés et nous aurons certainement à en retenir quelques-uns.
Il y en a qui sont venus dire... ils ont presque tous dit: Le contexte québécois est différent. Mais je voudrais rappeler que le contexte québécois, c'est un contexte qui existe dans le monde, là. On ne vit pas sur une autre planète, au Québec. On pourra regarder ce qui a été fait en France, en Angleterre, aux États-Unis, mais il me semble que ces gens-là ont trouvé des solutions à leurs problèmes. On devra les examiner sérieusement et ça pourrait peut-être nous aider dans nos réflexions. Si, d'aventure, on décide de faire au Parlement et à l'État québécois des recommandations, que ce soit en termes de législation, de réglementation ou de mise en place d'organismes à créer ou à consolider, il faudra essayer de voir s'il y a des législateurs à travers le monde ou des gouvernants qui ont trouvé des solutions heureuses. Je terminerai en vous disant que le Parlement du Québec et ses parlementaires sont sensibles. Le député de Saint-Hyacinthe l'a dit cet avant-midi: On est des démocrates. La démocratie, ça nous dit quelque chose. On est respectueux des chartes aussi. Les chartes garantissent le droit du public à une information de qualité. Il faudra essayer de voir ce que ça veut dire en termes concrets.
Alors, je voudrais vous remercier tout le monde. C'est vrai que ça a été un exercice assez formidable. J'ai trouvé ça, moi, encourageant. Les gens ont parlé avec beaucoup de franchise, beaucoup d'émotion parfois, beaucoup de rigueur aussi, et ça, ça va nous aider beaucoup pour la suite des choses.
Mémoires et documents déposés
Je dépose les documents suivants, mesdames et messieurs: le mémoire du comité des communications de l'Assemblée des évêques du Québec ? ils ne sont pas venus en commission, mais ils ont tenu à exprimer leur point de vue; le mémoire de la Centrale des syndicats du Québec; de même qu'une lettre reçue hier de l'organisme Les Hebdos du Québec; et un document de réflexion préparé par le Centre d'études sur les médias et intitulé La Concentration de la presse à l'ère de la convergence.
Alors, la commission de la culture ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die, encore en vous remerciant tout le monde.
(Fin de la séance à 14 h 44)