(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Rioux): Alors, Mmes et MM. les membres de la commission, à l'ordre, s'il vous plaît! Notre mandat, ce matin, c'est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements? Je pense que oui, hein?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Beauchamp (Sauvé) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Cusano (Viau) est remplacé par Mme Bélanger (Mégantic-Compton); M. Lamoureux (Anjou) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière)...
Le Président (M. Rioux): Dignement, dignement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Secrétaire: ...M. Laporte (Outremont) est remplacé par Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne).
Le Président (M. Rioux): Ce n'est pas rien non plus, hein? Ha, ha, ha!
Auditions
Alors, mesdames et messieurs, nous accueillons avec grand plaisir ce matin le Service à la famille chinoise du Grand Montréal. J'ai eu l'occasion de les saluer tout à l'heure et j'ai eu le plaisir aussi de leur dire que leurs efforts ont été récompensés. On a tout fait, on a tout mis en oeuvre pour qu'ils soient entendus, et ce n'était pas évident au tout départ. Alors, M. Jean-François Chapleau, qui est membre du conseil d'administration, vous allez nous présenter vos deux collègues.
Service à la famille chinoise du Grand
Montréal (SFCGM) et Centre Sino-Québec
de la Rive-Sud (CSQRS)
M. Chapleau (Jean-François): Très bien. Alors, à ma droite, c'est Mme Cynthia Lam, qui est directrice exécutive du Service à la famille chinoise du Grand Montréal et de Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, et, à la droite de Mme Lam, c'est Me May Chiu, qui est membre des deux organismes et bénévole.
Le Président (M. Rioux): Tout à l'heure, j'ai eu le plaisir de vous entendre dire que, au-delà de votre mémoire, vous avez d'autres choses à nous dire d'important. On vous écoute avec plaisir, vous avez 20 minutes pour le faire, et ensuite on aura l'occasion d'échanger ensemble, les députés et vos représentants. Alors, nous allons entendre d'abord Mme Lam.
Mme Lam (Cynthia): Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Très bien. On vous écoute.
Mme Lam (Cynthia): Oui. Mon nom, c'est Cynthia Lam, directrice du Service à la famille chinoise du Grand Montréal, dans la région de Montréal, et aussi du Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, dans la région de la Montérégie, la deuxième plus importante, après Montréal, dans la région du Québec.
Oui, le Service à la famille chinoise, qui a été fondé il y a 24 ans, et le Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, succursale du Service à la famille chinoise pendant cinq ans, qui est autonome depuis cinq ans aussi, sont des organismes communautaires à but non lucratif dont la mission consiste à promouvoir le bien-être des membres de la communauté asiatique, particulièrement les Chinoises, en offrant les services et le programme ainsi qu'en développant les ressources appropriées à son intégration et à son épanouissement dans la société québécoise. Les deux centres travaillent à faire reconnaître le pluralisme et la diversité ethnoculturelle du Québec comme un atout dans le développement de la société québécoise. Oui, je pense que, tout de suite, on veut parler de l'objectif de notre consultation d'aujourd'hui.
Oui, dans l'ensemble, nous, on est d'accord avec la proposition pour augmenter le niveau d'immigration au Québec et aussi le niveau d'immigration francophone au Québec parce qu'on comprend très bien l'importance linguistique, démographique et économique. Mais ce sur quoi, nous, on veut se concentrer, c'est que, après l'augmentation de l'immigration francophone, il y ait toujours un pourcentage très important qui reste encore et qui sont des immigrants très qualifiés, à cause de nouveaux critères de sélection. Peut-être qu'ils ne sont pas encore francisés, mais ils sont toujours un apport, pour le Québec, très, très intéressant. Et ça, c'est le focus de notre représentation.
Et, deuxièmement, oui, on est d'accord avec la déconcentration de l'immigration. Et ça, c'est, par exemple, dans le travail qu'on a fait, dans notre Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, pour régionaliser les immigrants entrepreneurs ou professionnels.
Je pense que ce qu'on trouve un peu malheureux, c'est que, dans l'ensemble des documents pour cette consultation, on ne trouve pas vraiment la place du rôle joué par notre organisme communautaire, parce que je pense que cet objectif, c'est très, très important et on est tous d'accord, mais comment atteindre cet objectif-là? Et est-ce que c'est l'État qui va tout faire? Et est-ce qu'il n'y a pas un rôle à jouer par d'autres joueurs et acteurs déjà très actifs, déjà très expérimentés? Et pourquoi ce n'est pas mentionné?
Par exemple, moi, comme une personne, Cynthia Lam, je suis venue dès l'année 1967 pour travailler pour Expo 67. Je suis ici depuis presque 30 ans et je me qualifie comme Québécoise surtout. Et aussi, je me considère comme un membre de la société d'accueil et je travaille comme travailleuse sociale comme profession dans le domaine de l'intégration et pour l'immigration au Québec depuis plus que 20 ans. Je trouve ça très important de reconnaître tous les organismes multiethniques et aussi monoethniques comme les deux centres que, nous, on représente aujourd'hui, qui travaillent auprès des immigrants, surtout à cause du fait que les immigrants d'origine asiatique chinoise représentent un très, très important pourcentage. Des fois, c'est le premier, ou des fois, le deuxième plus important comme nombre de groupes d'immigrants au Québec depuis des années, et ça, c'est à cause des distances un peu éloignées, surtout au niveau langue.
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(9 h 40)
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Nous, les deux centres, travaillons très fort auprès de ces groupes d'immigrants hautement qualifiés, mais avec un peu de problème de la langue. Et notre mission, c'est toujours de faire la préintégration, préfrancisation, pour qu'eux, ces groupes de gens, qui sont très motivés, de plus en plus puissent mieux utiliser tous les services publics, parapublics et communautaires. Ça, c'est un peu ce qu'on veut dire.
Maintenant, on veut passer à notre proposition d'investissement dans la langue. Comme on vient de dire, oui, la langue est toujours importante et il est très, très connu comme un atout pour tous les immigrants de l'avoir pour leur propre développement, leur propre épanouissement. Mais ça prend un peu d'investissement. Ça veut dire qu'eux, ils sont déjà ici, après le processus de sélection, et à cause du fait qu'eux, ils sont déjà formés, ont déjà étudié, ils sont la contribution à bien répondre à notre critère, notre besoin du Québec. Toute leur formation est déjà acquise par leur pays d'origine, et un petit peu plus, leurs besoins de formation linguistique, c'est à nous, du Québec, à la leur offrir pour que, eux, ils puissent fonctionner à leur maximum, à notre bénéfice du Québec. Mais comment on peut encore mieux investir dans le programme de francisation? Donc, tous les deux organismes représentés aujourd'hui ici maintenant, c'est des organismes qui travaillent très bien et rejoignent de très nombreuses clientèles dans cette catégorie pour faire l'étape de la préfrancisation, hein, pour que, après, ils puissent s'intégrer beaucoup mieux et apprendre la langue beaucoup plus rapidement dans d'autres services. Aujourd'hui, c'est le carrefour intégration.
Par exemple, nous, comme organismes communautaires, grâce à la subvention gouvernementale de plusieurs niveaux et plusieurs ministères, plusieurs bailleurs de fonds, parce que, nous, on a une approche assez globale, assez générique et assez polyvalente parce qu'on veut être là pour répondre à plusieurs niveaux de besoins des immigrants.
Oui, on a pris plusieurs initiatives dans les années passées. Premièrement, par exemple, la francisation, ça, c'est notre travail depuis plus de 10 ans. On était les premiers qui avons fait la promotion du français au sein de notre propre communauté, il y a plus que 12 ans. Et la francisation en milieu de travail, ça, c'est notre propre initiative. Et maintenant, aujourd'hui, ça fait partie du programme du ministère. On est très fiers de ça.
Deuxième, aujourd'hui, le programme de francisation chez nous, le nombre de cours a doublé. Maintenant, ça passe à 15 cours et on est très adaptés à leurs besoins: pendant le soir, pendant la fin de semaine, à leur niveau, et on a le matériel de cours très bien adapté à leurs besoins. Et maintenant c'est le double des cours. Pourquoi? Deux raisons. En premier, à cause du fait que les groupes d'immigrants sont beaucoup plus jeunes, éduqués, ouverts et déterminés de faire quelque chose pour que, eux, ils puissent réussir ici au Québec. Et le français, c'est quelque chose que, eux, ils comprennent beaucoup mieux maintenant. Et la deuxième, c'est à cause du fait que, nous, on est plus accessibles, comme organismes, au niveau de nos cours et aussi de notre géographie. On est situés dans le quartier chinois, très près des métros et autobus; troisième, on doit dire que, pour encourager et motiver les gens de continuer d'investir leur temps pour leur apprentissage de la langue française, il faut donner l'incitatif. Ça veut dire comment? Ça veut dire que les gens sont motivés et sont formés et ont une entreprise à établir ou un travail spécifique, spécialisé à faire, à trouver. Et il faut donner... vraiment promouvoir les opportunités de travail pour eux. Et ça, c'est l'ensemble, c'est important, comme une opportunité de travail qui devient motivation d'apprendre la langue. Il ne faut pas dire: Il faut passer un an ou quoi pour apprendre la langue et après, on va chercher le travail. La plupart des gens, ils n'ont pas le temps de faire ça. Il faut l'ensemble, faire deux volets des choses en même temps.
Et pour nous, nous, on a aussi le projet employabilité. On a la banque d'employabilité. Maintenant, on a 550 personnes, des candidats, candidates hautement qualifiés, de nouveaux arrivants. Et d'après notre analyse, on a à peu près 50 % des gens qui sont dans le domaine ingénieur. Et à cause de ça, on dit: Qu'est-ce qu'on peut faire plus concrètement pour ce groupe de travailleurs, pour Québec? Et on a approché l'Ordre des ingénieurs professionnels du Québec, on a approché l'Office de la langue française, et maintenant on a aussi le partenariat avec l'Université de Montréal et aussi, même, Hydro-Québec. Tous les quatre, avec nous, on a créé un programme ensemble pour qu'un cours de français sur mesure pour le domaine ingénieur du Québec soit offert en octobre, le mois prochain, pour que ce groupe d'ingénieurs immigrants puissent avoir l'opportunité d'augmenter leurs connaissances en français, conformes aux standards du Québec dans le domaine ingénieur. Ça, c'est très intéressant et on est très, très encouragés qu'on ait quatre partenaires de ce calibre.
L'employabilité, c'est vraiment le plus important, et on est aussi un partenaire communautaire pour le programme CAMO-PI. Ça veut dire que c'est le gouvernement du Québec qui nous a offert ce programme-là pour donner un salaire subventionnaire pour les employeurs qui sont à la recherche de professionnels, et ce programme-là pour subventionner les employeurs, une certaine portion du salaire, pour les encourager à embaucher les professionnels d'origine étrangère. Et depuis 15 mois, on est arrivé à 16 projets-immersion pour payer les employeurs un certain pourcentage de salaire. Et d'autres, une quarantaine d'employeurs ont déjà engagé des candidats et candidates de notre banque. Ça, c'est quelque chose pour vous montrer que, oui, il y a de la main-d'oeuvre qualifiée dans notre groupe et aussi il y a les employeurs qui sont de plus en plus ouverts à embaucher les professionnels d'origine étrangère. Et c'est à nous à s'assurer que cette tendance va se développer, grandir.
À part ça, qu'est-ce qu'on fait, comme organisme communautaire multiethnique ou monoethnique, en matière d'immigration et d'intégration? Aussi, on est de plus en plus approchés et sollicités par les entreprises québécoises pour nous demander comment mieux comprendre et travailler avec les communautés. Par exemple, dans certaines entreprises multinationales, ou même le milieu bancaire, ils nous demandent comment mieux comprendre notre communauté ? mentalité, valeurs et coutumes, et tout ça. Ça, ça veut dire que, nous, on est pas mal situés dans cet endroit pour vraiment... les deux côtés, et ça, c'est une chose.
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(9 h 50)
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L'autre chose, c'est toujours pour aider le processus d'intégration de tous les nouveaux arrivants dans leur processus d'intégration. Ça veut dire qu'au niveau de l'école, au niveau emploi, au niveau logement, aux services sociaux de santé, et tout ça, c'est à nous aussi à donner un coup de main pour négocier leurs étapes. Et ça, c'est bien important et aussi à cause du fait qu'on est très, très accessibles à tous ces gens et ils nous reviennent. Des fois, le deuxième jour après leur arrivée, ils sont déjà rendus chez nous, des fois, la deuxième semaine. Il a vraiment de la valeur. O.K.
Après, je pense que ce que je veux dire, c'est: Oui, aujourd'hui, l'immigration, surtout si notre ministère veut augmenter la proportion, le pourcentage de professionnels qualifiés parmi le groupe d'immigrants, on doit dire que ces groupes-là, par nature, par définition, ils sont mobiles. Ils sont éduqués, plus jeunes, plus formés, plus sollicités et ils sont à la recherche d'une meilleure opportunité. Et c'est à nous, je pense, maintenant que le zéro déficit est pas mal atteint et l'économie est beaucoup plus dynamique, à prouver qu'on peut compétitionner avec tous les autres pays et faire notre possible, faire notre meilleur, et voilà. Ça, c'est important d'avoir ce sentiment mutuel. C'est eux qui ont choisi de venir, mais c'est nous, de la société québécoise, qui devons le dire: Oui, on veut que vous veniez et aussi que vous restiez. C'est à nous à le prouver pour qu'ils se sentent bien accueillis et bien acceptés.
Et, même s'ils sont partis, pour une raison ou pour une autre, ce n'est pas une perte totale, à mon avis, parce que, s'ils ont passé une expérience positive, une expérience d'accueil positive, ils ont leur fierté et ils ont un bon souvenir de reconnaissance et ils peuvent devenir comme des agents multiplicateurs et ambassadeurs pour Québec, parce que les gens sont vraiment mobiles, ils ont vraiment, comme May a dit aussi, tendance aujourd'hui à mondialiser et ils ne restent pas toujours au même endroit pour très longtemps. Et ça, c'est comment on doit investir, de donner un très bon accueil pour la période où ils sont ici. Et, après, ils peuvent toujours nous redonner d'autres possibilités d'être en relation même ailleurs.
Mais juste une minute de plus. Je pense à deux choses. Il faut investir pas seulement dans le service d'accueil après leur arrivée ici, il faut être beaucoup plus proactif. Ça veut dire qu'il faut essayer de les rejoindre avant leur départ de leur pays d'origine, parce que le plus préparés ils sont, le plus facile est leur intégration après leur arrivée ici, le projet de préintrégration au niveau francisation, au niveau connaissance du Québec, au niveau de leurs défis après leur arrivée ici.
Deuxième, c'est: On doit vraiment beaucoup plus concrètement essayer de concerter avec d'autres ministères. Ça veut dire le ministère de l'Immigration, ça veut dire le ministère de la Solidarité sociale et Services sociaux et Santé. Moi, comme travailleuse sociale, je peux vous dire, tous les services de tous ces ministères sont également importants que le MRCI. Je pense que je vais arrêter ici et beaucoup de commentaires que mon collègue ici de vous répondre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, Mme Lam. Vos collègues auront certainement l'occasion d'intervenir, avec la période de questions qui s'amorce maintenant. Les règles du jeu sont les mêmes: on va alterner entre les députés ministériels et ceux de l'opposition. Alors, je vais donner la parole d'abord au ministre.
M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lam, Mme Chiu, M. Chapleau, bonjour. Merci d'avoir fait cette présentation à la fois de vos organismes et de leur action. Vous avez, dans cette présentation, souligné, avec raison je pense, l'importance de la place de l'immigration asiatique au Québec, notamment de l'immigration chinoise. Ce que j'aurais un peu le goût de discuter avec vous, c'est de l'évolution des caractéristiques de cette immigration, votre compréhension un peu de ce que sont maintenant les immigrants, notamment asiatiques, de leurs préoccupations.
On sait bien sûr comment la langue chinoise et certaines langues asiatiques sont quand même différentes des langues occidentales, notamment du français et de l'anglais et qu'il y a là, comment dire? une difficulté réelle. C'est exigeant d'apprendre une langue qui est à ce point différente de la nôtre. En tout cas, moi, je sais que ma nièce connaît le mandarin mais, moi, j'avoue que je ne m'y suis jamais mis.
J'aimerais un peu vous en entendre parler parce que, dans le fond, on a reçu, dans le passé par exemple, beaucoup de gens de la communauté vietnamienne, suite aux incidents, enfin au débat politique et à la situation de la guerre au Viêt-nam. Actuellement, on reçoit peu de gens du Viêt-nam; pour l'essentiel, ce sont des contextes de réunions de famille.
On a reçu pendant longtemps beaucoup de gens dans le contexte de Hong-Kong où les décisions, enfin le retour à la Chine continentale soulevait des débats chez certains. On a reçu une immigration importante; ce n'est plus le cas maintenant. Et, dans le fond, une bonne partie de l'immigration qu'on reçoit maintenant vient directement de la Chine continentale; c'est même l'essentiel de l'immigration, je pense, que nous recevons du sud-est asiatique.
L'impression qu'on a, c'est que, ces gens-là, dans les faits, souvent n'ont comme langue seconde ni le français ni l'anglais. Ce sont avant tout des gens intéressés à investir et à placer des investissements au Québec, au Canada, je dirais. On reçoit... 90 % de tous les investissements au Canada se font au Québec. Mais, en même temps on n'est pas toujours certains que ces gens-là ont choisi le Québec comme lieu d'immigration. Ils ont choisi le Québec comme lieu d'investissement, ce qui devrait faire taire une fois pour toute qu'il y a des gens qui craignent quant à la situation politique puisqu'ils choisissent le Québec comme lieu d'investissement.
Mais, en même temps, compte tenu de la proximité notamment de Vancouver avec la Chine continentale, souvent les gens ont continué à conserver des affaires en Chine; les gens souvent vont préférer après un certain temps s'installer ailleurs, notamment à Vancouver.
Moi, j'aimerais que vous me disiez un peu, dans ce contexte-là comment vous voyez une peu la suite des choses. Vous les connaissez, qu'est-ce qui devrait être fait? C'est quoi, votre compréhension des cibles? Et j'aurai une deuxième question.
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme Lam ou Chiu qui répond?
Mme Lam (Cynthia): ...mais oui...
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Lam (Cynthia): O.K. Oui, le profil a changé beaucoup depuis des années qu'on travaille dans ce domaine, depuis presque 25 ans. Oui, d'abord, ils étaient beaucoup moins éduqués, comme vague d'immigrants et après, c'étaient les «boat people» aussi, ils sont encore... Ils ont aidé comme clients, ils ont travaillé très, très durement aussi. Et après c'est Hong-Kong, investisseurs, entrepreneurs. Maintenant, comme vous avez dit, c'est les professionnels qui viennent de Chine directement. Oui. Mais ça, pour nous, on a remarqué la différence aussi nous-mêmes qu'on trouve très, très intéressante parce que, à cause des critères, les gens sont plus jeunes, plus éduqués et plus ouverts et leurs valeurs sont différentes aussi.
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(10 heures)
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On jasait ensemble. Ils sont ici depuis très peu de temps, les jeunes professionnels de Chine. Ils nous disent qu'ils ont remarqué que les plus vieux immigrants de notre communauté, ceux qui viennent de Hong-Kong, qui travaillent très fort, sont très riches mais ils ont très peu d'interaction avec la communauté québécoise, et pour eux, pour ce jeune immigrant d'aujourd'hui qui dit: Bien, moi, je ne veux pas vraiment être très, très riche et à tout prix parce que ça veut dire que, moi, je recherche la qualité de vie, ça, c'est quelque que je n'ai jamais entendu avant des immigrants. Mais ça veut dire que leurs aspirations, leurs projets de vie sont différents maintenant. Oui, plusieurs ne parlent ni français ni anglais et ils viennent plutôt du Nord de la Chine. Ça veut dire moins d'influence de Hong-Kong et moins d'influence anglaise, et ça veut dire qu'ils sont plus ouverts à l'apprentissage du français aussi. Et je pense que May, qui est avocate, a toujours, toujours beaucoup plus d'informations à vous offrir.
Mme Chiu (May): Bien, en fait, avant d'étudier le droit, j'ai travaillé au Service de la famille chinoise. Donc, j'ai fait le travail d'adaptation et d'intégration des nouveaux arrivés. Et, après tout ça, quand j'ai fait le droit, j'ai fait le droit administratif et le droit d'immigration. Alors, je connais un peu le processus de sélection.
Pour répondre à vos questions, M. le ministre Perreault, je crois que vous parlez de la catégorie des gens d'affaires. Je crois que la première raison, s'ils partent, s'ils quittent le Québec, ça pourrait être la même raison pour laquelle les Québécois aussi quittent, c'est-à-dire qu'il y a des meilleures occasions d'affaires ailleurs, un niveau de fiscalité beaucoup plus attirant pour les gens d'affaires. Mais, deuxièmement, il y a le fait que, au niveau de l'adaptation, il y a des défis à combler. Par exemple, peut-être que vous êtes au courant aussi que le contexte d'affaires en Chine, ce n'est pas comme le contexte d'affaires ici. En Chine, il faut donner les pots-de-vin, il faut avoir le «guan xi», c'est-à-dire les contacts importants. Les gens d'affaires qui réussissent, ils passent beaucoup de temps en invitant les gens pour souper. Je crois que même vous en avez entendu. C'est comme ça qu'on cimente un deal.
Donc, après qu'ils sont arrivés ici, on a besoin des ressources pour les aider à comprendre comment démarrer, comment investir au Québec. Et ça, ça manque. Le Service à la famille chinoise, nous avons fait une étude dans la région de la Montérégie, on a trouvé 20 gens d'affaires chinois qui sont ici depuis 1987 ? on va publier les résultats publiquement bientôt ? mais avec nos recherches sur eux, il y a des scénarios de succès, dans le contexte d'affaires, variés... Ah, je m'excuse, j'ai parlé trop longtemps?
Une voix: ...
Mme Chiu (May): Ah, vous faites ça. Ha, ha, ha! Alors, au mois de juillet, vous avez créé un nouvel organisme Investissement-Québec qui reçoit désormais tous les investissements des candidats gens d'affaires. Ce que nous proposons est que vous mettiez de côté un petit pourcentage, peut-être 2 %, que vous preniez ces sommes-là et vous investissiez ça dans un service d'accueil et d'aide aux gens d'affaires qui ne viennent pas des pays occidentaux. Je crois que ça, ça encouragerait beaucoup et ça servirait comme une bienvenue beaucoup plus chaleureuse et beaucoup plus attirante pour les gens d'affaires s'ils veulent s'établir ici.
Maintenant, j'aimerais donner la parole à M. Perreault. Lui, il...
Mme Lam (Cynthia): M. Chapleau.
Mme Chiu (May): M. Chapleau. Je m'excuse, M. Chapleau. Parce que, lui, il représente un organisme très, très important, c'est-à-dire les familles québécoises qui ont adopté les bébés chinois. Ça aussi, c'est un bassin d'immigration très, très important pour le Québec.
Le Président (M. Rioux): Mais il faut quand même se comprendre un peu, là. Non seulement vous répondez à la question du ministre mais vous continuez à développer votre mémoire, hein. C'est un peu ça. Mais M. Chapleau, on va vous écouter un peu, là, rapidement.
M. Chapleau (Jean-François): Oui, rapidement, on attend aussi d'entendre la deuxième question du ministre.
On disait: Réservez une part du budget peut-être plus importante pour l'accueil et l'encadrement des nouveaux arrivants. Je prends un exemple que vous avez peut-être vu dans La Presse d'hier, Laurier Cloutier qui fait un reportage sur Mosel Vitelic, 120 familles de Taïwan qui s'implantent à Montréal. Quand on parle d'immigrants de qualité, formés, c'est de ça qu'on parle. M. Perreault demandait: quelle est cette nouvelle vague d'immigrants? C'est largement des immigrants de cette nature-là, et je pense qu'on gagne à les accueillir davantage. Des organismes comme le nôtre offrent cet encadrement, et je pense que, si on consacrait une infime partie, une partie infinitésimale de l'aide gouvernementale qu'on accorde via la SGF à accueillir et faire en sorte qu'ils se sentent chez eux, on serait gagnant.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Lam (Cynthia): Par ailleurs, on a été déjà approchés par l'unité de Sainte-Anne-de-Bellevue pour qu'on puisse travailler ensemble, et on a déjà produit un cédérom à titre de matériel promotionnel pour cette compagnie taïwanaise. Et aussi la municipalité nous a déjà approchés pour construire, pour établir un programme d'accueil à l'intention de ce groupe de familles taïwanaises.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Là, on a 10 minutes de passées, hein? Vous aviez une deuxième question rapide?
M. Perreault: Oui. Bien, avant de la poser, je vais d'abord souligner votre travail avec l'Ordre des ingénieurs, ça me semble tout à fait pertinent. On a reçu, hier, les architectes et le Barreau. On sent comment c'est compliqué dans le cas des architectes, qui se sont livrés pieds et mains liés à l'Amérique du Nord, au point où ils n'ont plus de marge de manoeuvre. Mais, dans le cas des autres professions, je pense que vous avez raison de travailler dans ce sens-là.
Ma deuxième question. Vous avez soulevé une question, vous poussez dans ce sens-là, qui me semble un peu complexe. Peut-être que vous pourriez élaborer un peu ? moi, ça me semble difficile ? sur cette idée qu'on devrait, en quelque sorte, former les personnes immigrantes dans leur pays d'origine, avant même qu'elles décident d'immigrer. Il y a peu de pays qui font ça à ma connaissance, c'est des ressources considérables, je ne vois pas très bien comment on pourrait y arriver. Je ne sais pas si vous avez quelques suggestions concrètes, parce que... On viserait comment? Ça serait compliqué un peu, non?
Le Président (M. Rioux): Alors, les suggestions, il faut qu'elles soient brèves. On vous écoute.
Mme Lam (Cynthia): À notre connaissance, il y a quelque temps, un projet semblable a été déjà fait, avec le Comité juif, dans le pays de l'Argentine, je pense. C'est toujours à peu près dans le même sens, mais pas tout identique. Mais, ça, si on a vraiment la volonté, on peut trouver le moyen. Et on a déjà présenté notre projet à Mme la sous-ministre adjointe, et May Chiu a déjà le contact en Chine. Et, ça, c'est comment on peut accélérer le...
Le Président (M. Rioux): C'est dans la machine...
Mme Lam (Cynthia): J'espère qu'on va avoir la réponse.
Le Président (M. Rioux): ...vous avez présenté ça à la sous-ministre. Si c'est rentré dans la machine, il devrait y avoir quelque chose qui va sortir bientôt.
Mme Lam (Cynthia): Bientôt? On ne sait pas. On va entendre encore.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Lam, Me Chiu et M. Chapleau, merci pour la présentation du mémoire et aussi pour tout l'éclairage que vous nous donnez. Le Service à la famille chinoise et son pendant sur la Rive-Sud, Sino-Québec, qui se trouve dans mon comté, sont des organismes majeurs qui oeuvrent depuis plusieurs années: un quart de siècle presque pour le Service à la famille chinoise et cinq ans pour le bébé qui est sur la Rive-Sud.
Donc, vous faites un travail remarquable et vous avez raison de demander qu'on puisse reconnaître ce travail communautaire, qu'on puisse le reconnaître dans le sens d'un partenariat essentiel et complémentaire au travail institutionnel que font les organismes gouvernementaux et que, conséquemment, on puisse aussi offrir les ressources financières nécessaires pour permettre aux organismes communautaires de remplir leur mission. Et, dans ce sens, je vous appuie entièrement, parce que je crois que le discours que vous tenez, c'est porteur d'avenir pour l'intégration des nouveaux arrivants.
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(10 h 10)
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Moi, je voudrais vous entendre ? je sais que vous avez beaucoup d'expertise dans ce domaine. Lorsqu'on regarde les documents qui nous sont fournis au tableau 10, par rapport à l'immigration asiatique évidemment, je suis très prudente ? l'Asie, c'est un continent; il y a plusieurs communautés qui viennent des différents pays ? mais je constate que, dans les premiers cinq ans ? 1990-1994 ? l'immigration en provenance de l'Asie, toutes catégories confondues, était de 106 600. Elle est tombée, dans le deuxième cinq ans ? 1995-1999 ? à 53 400.
Un, comment expliquez-vous que l'immigration soit diminuée presque de moitié, alors que le bassin d'immigration en Asie ne tarie pas, au contraire, alors qu'il y a eu les événements de Hong-Kong qui ont eu une poussée justement pour amener les gens à immigrer? Est-ce que vous avez une explication pour nous dire un peu comment vous voyez la raison de cette diminution?
Et, subséquemment à cette question, Sino-Québec existe depuis cinq ans, et vous avez abordé la question de la régionalisation de l'immigration. La Rive-Sud et la Montérégie, c'est la deuxième région d'accueil; vous l'avez souligné, et on est bien fiers, parce que la plus forte communauté chinoise ? de résidence ? se trouve dans le comté de La Pinière. Évidemment, mon collègue est là pour défendre le Quartier chinois, mais les gens travaillent chez eux, ils résident chez moi. Ha, ha, ha! On a toujours ces arguments.
Toujours est-il: Est-ce que le travail que vous avez fait, à Sino-Québec, pour faciliter l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants asiatiques, ça s'est traduit, dans le concret, par une augmentation de l'immigration sur la Rive-Sud et sur la couronne sud, en général?
Le Président (M. Rioux): Alors, il y a deux questions dans la question de Mme la députée de La Pinière. Très bien? Alors, qui y répond? C'est vous, Mme Lam?
Mme Lam (Cynthia): Mme Chiu va répondre à la première question.
Mme Chiu (May): Je ne suis pas sociologue, mais, de mon expérience, pour répondre à vos questions, je crois qu'une raison, c'est les effets de la mondialisation. Après être arrivés ici, étant donné que le Canada a signé beaucoup de contrats ? on est en train d'ouvrir les frontières au niveau du commerce et tout ça ? les gens voient que le marché chinois, c'est très, très important, et pour beaucoup de gens, ils gagnent beaucoup plus de revenu en restant en Chine, en faisant des affaires que de venir ici pour travailler comme un employé.
Mais ça me rappelle que... En fait, je voulais faire un commentaire à M. Perreault: avec la nouvelle grille de sélection qui a été introduite, il y a quelques années, avec l'importance du français, nous espérons que ça ne va pas pénaliser les gens qui ne parlent pas la langue française comme langue maternelle. Parce que les Chinois, nous partageons beaucoup, beaucoup de valeurs en commun avec les Québécois. Il faut valoriser nos valeurs de travaillants. Nous sommes très fiers de notre habilité, et les gens qui arrivent ici, même s'ils ne parlent pas le français dès le début, ils sont travaillants. Leurs enfants... Mon mari, il travaille au collège Lasalle. Il y a des nouveaux arrivés, et il est étonné quand il voit un Chinois, c'est-à-dire les étudiants chinois, avec le visage chinois, mais qui ne parlent pas le chinois; ils parlent le français. O.K.?
Il ne faut pas éviter d'autres contributions des candidats qui ne parlent pas le français comme langue maternelle.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Oui?
Mme Houda-Pepin: M. le Président, sur la catégorie de l'immigration des gens d'affaires, les investisseurs, on sait que l'immigration asiatique a été instrumentale dans le développement de l'immigration des investisseurs.
J'ai ici les données pour 1998; le ministère doit certainement les avoir pour plus récemment, au moins pour 1999. Mais, à titre indicatif, en 1998, les immigrants investisseurs ont investi, au Québec, 321 millions de dollars, et, toujours en 1998, il y avait un autre 385 millions de dollars dans des sociétés de fiducie, entre les mains des courtiers, en attendant d'être investis. Donc, 385 et 321, on est à 700 millions de dollars d'argent qui est amené, investi en une seule année par les immigrants dans l'économie du Québec.
Et chose très intéressante, quand on parle de la régionalisation, c'est que l'argent des immigrants-investisseurs se rend en région, même si eux ne vont pas habiter dans la région. À cause que cet argent est transmis via les canaux des services financiers, ça se rend en région et il y a des sommes assez importantes qui sont investies notamment au Saguenay?Lac-Saint-Jean, en Montérégie, en Mauricie, dans l'Outaouais, Laval, les Laurentides et Chaudière-Appalaches, etc. Alors, ça, c'est important, c'est un apport considérable.
Et lorsqu'on regarde d'où viennent ces immigrants-investisseurs, toujours pour l'année 1998, pour les montants que je vous ai mentionnés, le total des immigrants-investisseurs était de 574 immigrants-investisseurs et, sur les 574, 515 provenaient de l'Asie, l'Asie orientale; donc c'est un apport important.
Cependant, nous avons écouté des groupes ici qui nous ont dit: Écoutez, il ne faut pas nécessairement favoriser ou prioriser l'immigration des investisseurs, parce que ces gens-là nous posent un problème au niveau de la rétention de l'immigration. C'est finalement du capital, il est très mobile et ces gens-là quittent le Québec. Vous avez fait, je crois, des projets pour travailler avec des immigrants-investisseurs sur la rive sud de Montréal, je voudrais vous entendre nous parler de cette expérience. Qu'est-ce que ça donne nécessairement d'attirer les immigrants, de les garder en région? Est-ce que ça a réussi dans votre cas? Ou est-ce qu'il y a eu des barrières ou des problèmes auxquels il faut s'attaquer pour garder cette immigration chez nous?
Le Président (M. Rioux): Alors, qui de vous trois répond?
Mme Lam (Cynthia): Je peux commencer? Oui. Comme organisme communautaire qui travaille dans notre métier immigration et intégration, surtout pour les Asiatiques et les Chinois, donc comme origine immigrante, on a pris beaucoup d'initiative et on a travaillé dans plusieurs projets-pilotes dont la régionalisation. Et il y a un projet, FDIR, Fonds de développement des immigrantes en région. Ça, chez nous, Centre Sino-Québec, on a embarqué dans ça comme premier projet de régionalisation. Et, après trois ans, on a pas mal d'analyses. Le résultat, c'est un peu mixte. D'abord, ça, c'est sûr qu'on travaillait avec les entrepreneurs dont l'origine asiatique est chinoise et, eux, ils trouvent qu'ils ont une belle opportunité, bonne ? c'est très, très intéressant ? mais la condition de deux ans ? on pourrait enlever la condition ? eux, ils la trouvent tout à fait pénible, parce que ce n'est pas seulement pour établir une entreprise dans la région où ils ne connaissent pas tout, tout, hein. Ils n'ont pas beaucoup de connaissances. Ça, c'est normal. Mais aussi, pour établir une famille, pour s'installer, les enfants dans l'école et le système de services sociaux et tout, ça prend beaucoup de temps, hein. En même temps, il n'y a pas beaucoup de soutien, il n'y a pas beaucoup de soutien structurel au niveau des services publics et parapublics.
Par exemple, agent de développement dans la région de la Montérégie. On a essayé et on en a rejoint 80, 80 agents de développement, dans notre projet d'étude, comme facteur de rétention pour ces 20 dossiers d'entrepreneurs. On a passé beaucoup de temps à rejoindre 80 agents de développement pour, nous, demander leurs contacts d'entrepreneurs asiatiques dans leur région. Après beaucoup de temps, ils nous ont donné cinq dossiers, dont trois qu'on a déjà. Le petit organisme communautaire Centre Sino-Québec, déjà on le connaît. C'est très peu de rapprochement, très peu de contacts, très peu d'utilisation des services. Ça, nous, vraiment, on se questionne pourquoi et comment on peut mieux faire.
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(10 h 20)
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Le deuxième, c'est, oui, la régionalisation, ça prend beaucoup de temps. On cite même le document de M. Perreault qui a dit: Ça prend du temps, des ressources et établir la confiance. C'est ça pour tout le monde, pas seulement pour les immigrants, pour tous les Québécois et Québécoises.
Le Président (M. Rioux): Et passablement de patience aussi.
Mme Lam (Cynthia): Oui, c'est ça. La patience. Et on a de beaux résultats déjà. C'est pas beaucoup mais ça commence déjà.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Lam (Cynthia): Oui.
Le Président (M. Rioux): Alors, je suis très heureux de vous souligner que nous accueillons avec plaisir aujourd'hui le député de Vachon qui est toujours un membre important de nos commissions parlementaires avec ses interventions ultra-appréciées de tout le monde. Alors, M. le député de Vachon.
M. Payne: (S'exprime en chinois).
Mme Lam (Cynthia): Ce n'est pas trop facile, hein, le chinois? Ce n'est pas trop facile, hein? M. Payne, c'est un exemple.
M. Payne: Il faut souligner le travail extraordinaire de la communauté chinoise, depuis quelques années, à l'égard de l'accueil et la francisation des immigrants. Mais surtout, dans votre communauté, il n'y a pas un enfant, il n'y a pas un jeune en bas de 25 ans, je pense, maintenant qui ne parle pas le français avec beaucoup d'éloquence. Et j'avais le plaisir de fréquenter souvent nos cours de français en milieu de travail dans la communauté chinoise. Extraordinaire lorsqu'on voit ça. On voit les parents et les grands-parents même accompagner les petits-enfants, et vice versa, que ça soit le samedi, le dimanche. Assez touchant.
On aurait dû, en rétrospective, vous inviter à venir hier plutôt qu'aujourd'hui parce qu'on aurait pu vous écouter tout de suite après l'Ordre des architectes où, je pense, il y avait un certain sentiment collectif de part et d'autre de la Chambre quand à un certain esprit d'exclusivité qu'ils avaient, à notre avis, au moins de notre côté, à l'égard de l'intégration et l'accueil pour les immigrants au sein des ordres professionnels.
Et j'ai travaillé avec vous et d'autres pour le nouveau programme qui est de votre conception, l'accès à l'Ordre des ingénieurs du Québec, qui est justement le genre d'instrument, M. le ministre, qui peut aider facilement, beaucoup plus facilement l'intégration au sein des ordres. J'ai travaillé aussi avec l'Ordre des acupuncteurs où il y a une représentation significative du milieu chinois, et on rencontre le même problème avec les ordres. Il faut absolument... puis ce n'est pas difficile, on a un excellent exemple ici avec le Programme d'accès à l'Ordre des ingénieurs du Québec... Je pense qu'on pourrait avoir un service d'accueil aux ordres professionnels en général où on peut entamer des discussions.
Moi-même, j'ai initié des discussions avec l'Office de la langue française qui sont beaucoup plus ouverts qu'ils n'étaient à collaborer, et je pense que Mme Lam peut, avec une certaine utilité, expliquer de quelle façon elle est engagée dans ce programme-là et de quelle façon elle peut aider le gouvernement, élargir ce genre de programme dans les autres domaines.
Et j'aurais brièvement une autre question après, mais je pense que ça pourrait être particulièrement intéressant, en ricochet à ce que nous avons entendu de l'Ordre des architectes, de s'adresser à cette question-là d'intégration aux ordres.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Lam.
Mme Lam (Cynthia): Oui, brièvement. Oui, pour nous, ça nous fait grand plaisir de voir qu'on a rejoint des partenaires comme, tous les quatre, on a réussi d'obtenir. Parce que, nous, comme organisme communautaire, on est très petit, des ressources très limitées aussi, on ne peut pas faire beaucoup sans le support, le soutien et participation active d'autres joueurs pertinents, mais aussi à cause du fait que, nous, on a vraiment la clientèle qualifiée qui vaut la peine pour tout le monde. Tous les partenaires disent: Oui, ça, c'est quelque chose pour moi; oui, ça, c'est quelque chose pour nous autres. C'est une situation gagnant-gagnant. Et ça, c'est pourquoi on a vraiment les immigrants qualifiés qui sont intéressés pour l'ensemble du Québec et comment on peut mieux soutenir leur démarche pour qu'ils puissent rester pour le plus longtemps possible et pour nous donner leur apport. Oui, pour nous, ça, c'est vraiment le projet-pilote avec l'Ordre des ingénieurs. Mais après, on est vraiment très, très anxieux de voir d'autres opportunités et n'oubliez pas aussi que ce projet avec l'Ordre des ingénieurs, ce n'est pas seulement pour les Chinois. On est ouverts à tout le monde. On a déjà contacté... Il y a plusieurs non-Chinois qui sont déjà membres de ce programme ici.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Vachon, il nous reste à peu près 1 min 30 s.
M. Payne: Oui, c'est ça. Et vous pouvez entendre de nouveau et réfléchir sur les commentaires d'un des ordres hier qui dit: «De plus et surtout, l'expérience nous enseigne qu'il peut être difficile pour une personne ayant oeuvré à l'étranger de devoir occuper des fonctions subalternes dans l'attente de pouvoir pratiquer sa profession au Québec.» Dans un autre paragraphe, il dit: «Bien que ces personnes disposent d'une formation universitaire, d'une expérience de la pratique d'une profession à l'étranger, ils ne sont pas nécessairement un potentiel de mobilité professionnelle.» Il y avait beaucoup de négativisme dans ce mémoire-là. Et vous, comme d'autres organismes, vous avez tout un travail à faire, comme nous d'ailleurs, à sensibiliser le monde sur cette réalité quant à l'ouverture des immigrants, la grande mobilité, l'assiduité au travail et la flexibilité puis la détermination de réussir dans les ordres. Et je pense qu'il faut dire ça à haute voix. Et vous avez tout un travail à faire.
Mme Lam (Cynthia): Oui, oui...
M. Payne: On est vos compagnons.
Mme Lam (Cynthia): ...mais avec votre soutien parce que jusqu'à date, pour ce projet-là, on n'a aucune subvention, aucun soutien direct du ministère. Et c'est comme tout le projet, on a seulement un an de vie.
Le Président (M. Rioux): M. Chapleau, rapidement.
M. Chapleau (Jean-François): J'aimerais ajouter, dans ce que M. Payne vient de dire: Effectivement, la société d'accueil québécoise partage, je pense, beaucoup des éléments de valeur de la communauté asiatique: travaillante, dynamique, voulant être autonome à sa façon, sans dépendre de l'État. Il y a des initiatives de rapprochement.
Me Chiu a fait allusion que j'étais président de l'Association des familles Québec-Chine, l'association qui regroupe les parents qui ont adopté des enfants en Chine. On a au-dessus de 850 familles membres à travers le Québec. Spontanément, on s'est tournés vers le service à la famille pour travailler ensemble, faire des projets ensemble. Et on le fait et ça réussit. Et les gens qui viennent du Service à la famille à nos activités et nous, aux leurs, ce sont des jeunes Asiatiques formés, ouverts, dynamiques et je trouve qu'on doit multiplier ce genre d'initiatives et supporter les initiatives qui font en sorte qu'on puisse se rapprocher. Et la langue est un problème, mais il est surmontable. Il y a...
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bonjour, bienvenue. J'aimerais peut-être revenir sur le rôle et la mission des organismes communautaires quant à la garantie de réussite pour l'intégration et l'accueil des immigrants, des nouveaux arrivants. Dans la grande majorité des mémoires que nous avons reçus des gens avec qui nous avons échangé, la plupart ont dit qu'il y avait un problème de sous-financement des organismes communautaires, que le gouvernement devait revoir le financement à la hausse. Le maire de Montréal a même dit que, si on allait de l'avant avec des hausses importantes d'immigration, il va falloir qu'il y ait un engagement du gouvernement à refinancer, à la hausse également, les organismes communautaires.
Dans votre mémoire et dans vos propos tenus ce matin, vous insistez beaucoup sur l'investissement d'un organisme tel que le vôtre quant à l'accueil, l'intégration dans les services de francisation, et vous dites même que, finalement, les organismes communautaires, c'est d'assurer la réussite du processus d'établissement des arrivants.
Je regardais dans votre rapport annuel, que vous avez déposé, pour le Centre Sino-Québec, dans les services de première ligne dont les services de francisation, pour l'année 2000, et je comparais 1999-2000. Le gouvernement, le ministère des Relations avec les citoyens a coupé beaucoup dans l'aide qu'il vous apporte: francisation des immigrants, vous receviez en 1999, 24 800 $. On vous a coupés de moitié, à 12 000 $. Dans soutien à l'insertion en emploi, vous receviez 19 000 $, on vous a coupés à 12 000 $. Fonds de développement, 16 000 $ qui est tombé à zéro. Accueil et établissement des immigrants, on vous a coupés de 10 000 $. Soutien à la participation civique, qui est très important, vous aviez 9 000 $, vous êtes tombés à zéro.
N'êtes-vous pas inquiets de voir que le gouvernement semble vouloir favoriser des scénarios de hausse et que, actuellement, des organismes aussi importants que le vôtre, aussi importants que les organismes communautaires, se voient coupés dans leur budget? Il y a comme quelque chose de contradictoire dans le discours et dans le geste que l'on pose à l'égard des organismes communautaires.
Le Président (M. Rioux): Alors, voilà la question. La réponse, elle vient de Mme Lam?
n(10 h 30)nMme Lam (Cynthia): Oui. Social aussi parce qu'on a déjà monté ce qu'on a fait déjà, ce qu'on a potentiellement encore à faire comme partenaire communautaire pour l'ensemble avec le gouvernement. Mais je dois dire que, personnellement, je me demandais aussi c'est quoi vraiment, la vision du ministère vis-à-vis le rôle des organismes communautaires surtout monoethniques, parce que nous, on vous a déjà partagé un petit peu ce qu'on a fait et les choses qu'on peut encore faire avec vous en partenariat. Mais oui, c'est vrai, on a vécu des coupures pénibles et on ne comprend pas pourquoi. On a fixé un objectif entendu entre nous et le ministère, on a atteint l'objectif, on a dépassé l'objectif. Mais toujours on questionne: Est-ce qu'on est toujours pertinent? Est-ce qu'on n'est pas là pour travailler ensemble dans la même vision avec le ministère?
Ce qu'on a été obligé de faire après l'annonce des coupures, on a été obligé de transférer notre clientèle à d'autres organismes multiethniques. Depuis juin, depuis juillet, on a déjà fait le transfert de presque 70 clients d'origine chinoise qui se sont rendus chez nous, mais on leur a dit: On n'a pas le programme maintenant, il faut que vous alliez ailleurs. Mais ça prend beaucoup de temps pour nous. Mais oui, on a reçu le soutien pour faire leur transfert, le soutien qui vient du ministère. Mais on a hâte de savoir: Est-ce que ça, c'est une situation temporaire ou à long terme? Et c'est quoi, la vision du ministère pour un organisme communautaire surtout mono-ethnique qui s'occupe d'un groupe d'immigrants si important comme nombre et si important comme qualifications et si important comme l'apport pour Québec? J'attends des réponses ici.
Mme Loiselle: M. le Président, merci. Alors, vous dites ? je reprends vos mots ? que les coupures, elles ont été des coupures pénibles pour votre organisme, les coupures de subvention, qui ont eu des conséquences aussi: vous avez dû transférer des gens qui se présentaient à vous...
Mme Lam (Cynthia): Oui.
Mme Loiselle: ...et les envoyer à d'autres organismes, parce que vous n'aviez plus la capacité de pouvoir leur offrir les services de première ligne, dans lesquels vous performez très, très bien.
Le Barreau du Québec, hier, a été très direct à cet égard-là face au gouvernement.
Mme Lam (Cynthia): Oui.
Mme Loiselle: Il a dit qu'actuellement les organismes communautaires ? qui sont la clé et la garantie du succès de l'intégration ? étaient déjà sous-financés, ne pouvaient actuellement accueillir et intégrer avec efficacité ? pas parce qu'ils ne le veulent pas, mais parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers et les ressources pour le faire ? et qu'il y avait des efforts significatifs ? c'était ce que le Barreau disait au gouvernement ? à faire pour améliorer la situation financière et les ressources des organismes communautaires si on veut continuer à leur donner toute la responsabilité, actuellement, que le gouvernement leur donne, mais aussi leur donner les outils nécessaires pour aller de l'avant.
Mme Lam (Cynthia): Exactement, oui.
Mme Loiselle: Est-ce que vous, comme organisme, vous allez aussi joindre votre voix à d'autres groupes qui sont passés devant nous et au maire de Montréal...
Mme Lam (Cynthia): Oui.
Mme Loiselle: ...qui disent au gouvernement: Si vous haussez les niveaux d'immigration, vous devez aussi voir à la hausse...
Mme Lam (Cynthia): Donner les ressources.
Mme Loiselle: ...prendre un engagement formel de hausser à la hausse les organismes communautaires et la... Oui.
Le Président (M. Rioux): Mme Lam.
Mme Lam (Cynthia): Oui, oui, tout à fait. Et n'oubliez pas, dans le document qu'on a tous reçu, qu'on parle beaucoup de capacité d'accueil, O.K., on veut voir l'augmentation de l'immigration francophone ou d'autres. Mais comment atteindre cet objectif si on n'a pas les ressources appropriées? Et la capacité d'accueil, c'est quelque chose d'important.
Maintenant, on a la nouvelle structure des carrefours d'intégration, qui sont tout nouveaux, et ils n'ont pas encore atteint leur capacité de travail et de fonctionnement; ça prend du temps, oui, peut-être des années. Mais, de l'autre côté, il n'y a rien de mentionné dans le document du rôle des organismes communautaires, mono ou multi, qui ont déjà travaillé depuis des années et ont de l'expérience à offrir de façon continue ? O.K., c'est le deuxième. Troisième, on veut augmenter l'immigration. Mais, quatrième ? toujours revient la même question: Est-ce que nous, comme société québécoise, on a la capacité d'accueil? Mais ça, c'est comment je ne trouve pas tout à fait cohérent, O.K. Mais nous, comme organisme, un organisme, deux organismes, on est prêts à vous offrir notre collaboration et notre expérience pour l'avenir de notre société québécoise.
Mme Loiselle: Merci.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, peut-être aimeriez-vous savoir du ministre pourquoi le sous-financement des organismes; ce serait peut-être intéressant aussi pour l'ensemble des gens qui sont ici. Vous n'avez plus de temps, mais ce n'est pas grave, on peut quand même demander directement au ministre... Vous soulevez une problématique, vous posez une question sur le sous-financement; vous avez cité des chiffres tout à l'heure. Qu'en est-il au juste?
M. Perreault: Très rapidement, je pense qu'il faut quand même, en toute simplicité ? et je pense que la vérité a ses droits... Globalement, les budgets du ministère en matière d'appui aux organismes n'ont pas diminué cette année. Dans le cas du Service à la famille chinoise du Grand Montréal ? puisqu'il y a deux organismes devant nous qui sont regroupés par un même conseil d'administration ? il y a eu maintien des enveloppes de subvention; dans le cas du Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, la diminution qui s'est produite suite à un rapport de vérification interne ? on n'entrera pas dans les détails ici, mais il y a quand même eu un rapport de vérification interne qui soulevait un certain nombre de difficultés ? a été à toutes fins pratiques compensée par trois subventions ponctuelles, y compris de mon budget discrétionnaire, justement pour donner le temps au Centre Sino-Québec de la Rive-Sud de faire le passage suite au rapport de vérification interne. Alors, je tiens à le dire...
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Perreault: ...M. le Président, ce qui n'empêche pas qu'il puisse y avoir d'autres débats et d'autres discussions sur l'avenir. Mais, quand même, je pense qu'on a voulu assurer cette transition.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Chapleau...
M. Chapleau (Jean-François): Oui.
Le Président (M. Rioux): ...on n'a plus de temps.
M. Chapleau (Jean-François): Non, je veux juste...
Le Président (M. Rioux): Vous voulez ajouter un...
M. Chapleau (Jean-François): Un très court complément.
Mme Loiselle: Puis, dans leur rapport annuel, je pense que c'est important.
Le Président (M. Rioux): Alors...
M. Chapleau (Jean-François): Oui, c'est vrai, et on l'apprécie, qu'il y ait eu ce soutien, espérons, permanent et qu'il sera plus important. Mais, plus globalement, c'est vrai que les organismes communautaires devraient avoir une part plus importante de budget.
Je rapportais Mosel Vitelic. Je pense que c'est un bon exemple, l'État investit des sommes importantes pour attirer cette entreprise. Je pense que de consacrer une partie infime de cette aide à un organisme communautaire pour s'assurer que cet investissement perdure et que ça fasse des petits, que ça génère d'autres entreprises, c'est un investissement dans le moyen et le long termes. On ne devrait pas perdre ça de vue.
Le Président (M. Rioux): Alors, très bien. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir. On est très, très heureux, ça nous a permis d'échanger et d'en savoir davantage sur le sort de votre organisme et sur son avenir. Merci infiniment.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaulne): Alors, s'il vous plaît, si vous voulez bien prendre place. Nous invitons maintenant les porte-parole du Service externe de main-d'oeuvre du Saguenay à s'approcher de la table de la commission.
Madame, monsieur, la commission vous souhaite la bienvenue. Vous avez une vingtaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, mes collègues pourront échanger avec vous. Et, pour les fins de la transcription, il serait important que vous vous identifiiez et que vous puissiez également indiquer quels sont vos titres. Alors, la parole est à vous.
n(10 h 40)nService externe de main-d'oeuvre du Saguenay
Mme Lemieux (Francine): Oui. Bonjour. Alors, je vais me présenter: je suis Francine Lemieux, directrice générale du Service externe de main-d'oeuvre. Il me fait plaisir de vous présenter M. Gilles Morin, président de la corporation du Service externe de main-d'oeuvre du Saguenay. Nous désirons, M. le Président, M. le ministre, Mme la sous-ministre et MM., Mmes les députés, vous remercier, pour commencer, d'avoir accepté de nous entendre, d'entendre notre mémoire dans le cadre de la commission.
Pour débuter, je vais d'abord céder la parole à M. Morin, qui va vous présenter le mémoire, et je pourrai peut-être vous apporter quelques petits commentaires par la suite, avant la période de questions.
Le Président (M. Beaulne): Allez-y. Alors, M. Morin.
M. Morin (Gilles): Alors, parfait. L'immigration au Québec ? Un choix de développement, 2001-2003, notre mémoire s'intitule comme ça. Nous allons présenter notre organisme. Depuis 1982, la Corporation externe de main-d'oeuvre du Saguenay offre aux personnes vivant des difficultés d'intégration à l'emploi des services d'accueil, d'évaluation, de préparation à l'emploi et d'encadrement dans l'entreprise. Dans un souci de responsabilisation de l'individu dans son cheminement vers l'emploi, notre organisme propose des interventions souples et adaptées aux besoins de la personne: ateliers de groupe, support individualisé, recherche d'emploi assistée, accompagnement en entreprise, stages d'immersion, suivi auprès de la personne, de l'entreprise et des ressources du milieu. Notre clientèle étant diversifiée, nous retrouvons un volet personnes immigrantes où, chaque année, une soixantaine d'individus ont recours à nos services.
Reconnus pour notre expertise en employabilité, voués à la promotion de l'intégration des personnes exclues du marché de l'emploi, nous favorisons un partenariat constant avec le milieu tant des entreprises que des syndicats, tant du milieu communautaire que des différents réseaux publics de services.
L'historique de l'immigration au Saguenay? Lac-Saint-Jean. La préoccupation de notre région du Saguenay?Lac-Saint-Jean en matière d'immigration remonte à près d'une trentaine d'années. En effet, dès les années soixante-dix, à l'époque des «boat people», la région a démontré une ouverture à l'accueil des familles asiatiques, principalement originaires du Viêt-nam et du Cambodge. Au cours des années quatre-vingt, la progression s'est ralentie, pour reprendre en 1996; à cette date, plusieurs familles réfugiées de l'ex-Yougoslavie ont été accueillies. En 1999, ce sont des familles originaires de la Colombie qui se sont établies dans la région du Saguenay. Depuis les année quatre-vingt-dix, une centaine de personnes immigrantes de toutes catégories s'installent annuellement au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Plus précisément, depuis 1996, près d'une cinquantaine de familles réfugiées ont intégré notre région au cours des dernières années et environ 70 % d'entre elles y sont demeurées. De plus, toutes les familles accueillies au cours des deux dernières années sont demeurées en région, augmentant ainsi le taux de rétention à 100 % pour cette période.
Notre organisation ayant développé son expertise auprès des réfugiés publics, il nous est plus difficile d'avancer des données concernant les autres catégories d'immigrants tels que les indépendants, les investisseurs, la famille. En contrepartie, nous pouvons affirmer que, parmi les immigrants indépendants ayant demandé des services d'employabilité auprès de notre organisation, une proportion de près de 70 % a obtenu un emploi et 85 % de ceux-ci habitent toujours la région. Les personnes possédant une formation technique ont trouvé plus facilement un emploi que celles qui ne possèdent aucune formation spécifique.
La capacité d'accueil. Même si le taux des personnes immigrantes au Québec est en croissance constante au cours des dernières années, tel n'est pas le cas du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Reconnu région d'accueil depuis 1996, le nombre de personnes immigrantes reçues annuellement est demeuré stable et ne représente que 0,4 % de l'ensemble de l'immigration au Québec. Selon l'Institut de la statistique du Québec, les gens ne représentent que 0,6 % de la population régionale. De plus, c'est la catégorie des réfugiés publics qui représente la plus forte proportion, soit 53 % de l'ensemble des personnes immigrantes accueillies dans notre région. Ainsi, nous sommes loin d'un point de saturation de l'immigration en région et nous pouvons augmenter sensiblement notre capacité d'accueil. Depuis 1996, nous avons développé une expertise auprès de ces personnes, et les possibilités d'emploi sont très bonnes, particulièrement pour les emplois techniques.
La démographie au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Notre région n'échappe pas aux phénomènes de démographie nationale. En effet, selon les données établies par Statistique Canada, la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean?Chibougamau ne représente que 4,2 % du total québécois en 1996 comparé à 4,7 % en 1971. Bien que la population du Québec n'ait cessé de croître depuis 1971, cette évolution positive s'est arrêtée en 1981 pour notre région. De plus, nous observons une diminution de la part des jeunes et un vieillissement de la population. Le tableau 5 ci-dessous illustre bien cette situation. Dans les groupes d'âge, de 0-14 ans, la population, en 1981, était de 76 670 et, en 1996, de 62 020, soit une diminution de près de 5 %; les 15-24 représentaient 22 % de la population, en 1996 seulement 15,3 %; les 25-44, en 1981, étaient de 29,9 %, ils ont augmenté à 31,6 %, et la population de 45 ans et plus, en 1981, représentait 22,5 % et elle représente en 1996 32,4 %.
Le marché de l'emploi. Notre région offre de bonnes perspectives d'emploi, avec un taux de chômage qui a chuté au cours des dernières années. Selon les données les plus récentes de Développement des ressources humaines Canada, le taux de chômage régional est passé de 14,7 % en 1997 à 9,3 % en juillet 2000, celui de l'agglomération Chicoutimi-Jonquière étant de 8,6 %. Notre économie, basée sur l'industrie du bois et de la transformation de l'aluminium, est en pleine expansion, de plus en plus d'entreprises augmentent leur production grâce à l'exportation. Il y a des possibilités grandissantes pour les immigrants investisseurs. Selon une étude portant sur les prévisions de l'emploi 1998-2001 pour la région, nous constatons que le nombre d'emplois en demande progressera de 7 % au cours de cette période. Dans le secteur manufacturier, on prévoit une augmentation de 11 %, soit pour les aliments et boissons, caoutchouc et plastique, le bois, les produits métaux, le matériel de transport, produits minéraux non métalliques et produits chimiques; dans le secteur de la construction, on prévoit une augmentation de 16 %, entrepreneurs généraux et entrepreneurs spécialisés; dans le secteur commercial, 6 % pour le commerce de gros et le commerce de détail; secteur des services, 7 %: éducation, services médicaux et sociaux, divertissements et loisirs, services aux entreprises, hébergement et restauration, et, finalement, le secteur de l'administration publique, 9 % pour le provincial et pour le local.
n(10 h 50)n Parlons de la francisation. Notre région est un berceau de la francophonie, elle offre de grandes chances d'apprentissage et d'intégration en français. Nous pouvons facilement être un multiplicateur du fait français pour les personnes immigrantes. De plus, notre région compte sur deux centres de langue reconnus: le Centre linguistique du cégep de Jonquière et l'École de langues de l'Université du Québec à Chicoutimi. Ainsi, dans le but de soutenir le développement économique régional, il serait avantageux et possible pour le Saguenay?Lac-Saint-Jean d'accueillir des immigrants qualifiés plutôt que des immigrants francisés.
Il importe de souligner que la région offre aux nouveaux arrivants un style de vie différent de celui des grands centres tels la région métropolitaine. Le Saguenay?Lac-Saint-Jean offre plus d'espaces verts et plus de courtes distances entre les services ainsi qu'un milieu de vie plus sécuritaire.
Les services offerts depuis 1996. Depuis qu'il a été ciblé comme région d'accueil pour les personnes réfugiées, le Saguenay?Lac-Saint-Jean a développé de nouveaux services. Ainsi, notre organisme a mis en place une structure d'accueil favorisant une meilleure intégration de ces personnes à la vie régionale. Tant par le jumelage avec des familles québécoises que par l'organisation d'activités sociales ou culturelles, celles-ci peuvent s'initier à nos habitudes régionales et développer leurs connaissances en français.
Nos services d'intégration à l'emploi ont permis à 89 % des personnes de se trouver un emploi ou de retourner aux études dans les secteurs d'emploi en demande. Pour les jeunes d'âge scolaire, les dispositions sont prises pour les intégrer dans des classes régulières, et ce, dès leur arrivée. Des sessions d'information sont structurées pour chaque groupe de nouveaux arrivants. Ainsi, des ateliers portant sur les services sociaux, l'éducation, les finances, les organismes communautaires, les lois québécoises sont offerts aux gens dans les premiers mois de leur arrivée. Une collaboration constante avec les CLSC, les commissions scolaires, les centres locaux d'emploi, les maisons de quartier, la Saint-Vincent-de-Paul et autres organismes tant communautaires que publics est mise à contribution. Des interprètes bénévoles sont également disponibles au besoin.
Selon les données du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, 80 % des personnes immigrantes s'installent dans la région métropolitaine de Montréal. Il est certain que le développement de l'immigration au Québec doit d'abord passer par l'augmentation de celle-ci en région. C'est pourquoi nous croyons que, tel que décrit dans le scénario 2 du MRCI, nous devons augmenter d'au moins 50 % l'immigration dans notre région, alors que, dans l'ensemble du Québec, un scénario plus modéré s'impose, ceci dans le but de permettre un équilibre entre les régions et la région métropolitaine de Montréal.
En se basant sur les données de 1998, cette augmentation représenterait un accueil d'environ 198 personnes annuellement, ce qui nous semble un nombre relativement conservateur et réalisable. C'est par une véritable application de la politique de régionalisation de l'immigration établie en 1998 par le ministère que le ministère atteindra cet objectif. Ainsi, une augmentation de l'immigration dans notre région favorisera un apport démographique notable, respectera la progression des services à développer, permettra au marché de l'emploi de l'absorber, consolidera les services aux nouveaux arrivants en assurant une masse critique des gens représentant de nouveaux besoins, resserrera les liens entre les communautés visées et assurera l'apprentissage du français pour les personnes immigrantes non francophones.
En conclusion, compte tenu des éléments précédemment énoncés, nous pouvons facilement constater que la région accuse un retard en matière d'immigration par rapport à l'échiquier provincial. De plus, les organismes en place ont développé une expertise notoire auprès des personnes immigrantes, et le marché de l'emploi s'avère accessible. Qui plus est, la population est vieillissante, et nous connaîtrons des pénuries de main-d'oeuvre importantes à moyen terme. Ainsi, nous pouvons affirmer sans crainte que la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean est en mesure d'augmenter d'au moins 50 % sa capacité d'accueil auprès des personnes immigrantes quel que soit le volume de nouveaux arrivants au Québec. En regard de notre expertise développée jusqu'ici, nous affirmons que notre organisme sera disposé à desservir le plus grand nombre de personnes immigrantes dans la mesure où les ressources accordées le permettront. Dans l'atteinte de cet objectif d'augmenter l'immigration en région, il serait adéquat d'intensifier la promotion des régions à l'étranger. Pour ce faire, nous suggérons que le MRCI élabore des stratégies visant à mettre en valeur auprès des personnes immigrantes les avantages que peuvent offrir les différentes régions du Québec. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Lemieux (Francine): En court résumé, peut-être simplement préciser qu'effectivement l'immigration est jeune dans notre région. Nous vous disons que nous sommes en mesure de le la développer davantage.
Souvent, on présente l'immigration comme étant une solution au facteur de la démographie, à la problématique de l'emploi que nous allons connaître aussi bientôt ? parce que, effectivement, on a vu, et tout le monde le sait, que la population est plus vieillissante. On veut aussi dire que les régions ont également quelque chose à offrir aux personnes immigrantes, que ça peut être intéressant pour une personne de s'établir en région; ça peut être intéressant de s'installer à Montréal, ça peut être différent de s'installer en région. Et nous croyons qu'il faut augmenter, peut-être, la visibilité des régions à l'extérieur du pays ? le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, on sait qu'il a certaines politiques de promotion, il pourrait peut-être accentuer davantage la promotion des régions ? et qu'il y a possibilité de permettre aux personnes de bien s'intégrer dans notre communauté en français au Saguenay?Lac-Saint-Jean. On peut le savoir, parce qu'on sait qu'on est une région à 98 % francophone, alors les gens, forcément, s'intègrent en français tant dans leur milieu de vie que dans leur milieu de travail.
Alors, lorsque les personnes sont bien accueillies, sont bien informées des services qu'elles peuvent avoir, il est facile de s'intégrer. Alors, on a un taux de rétention, dans les dernières années, dans notre région qui est très favorable; on a un taux d'intégration en emploi qui est également très favorable. Alors, voilà.
Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Perreault: Oui, merci. Alors, M. Morin, Mme Lemieux, bienvenue, merci d'avoir fait cette présentation. J'ai déjà eu l'occasion, un peu, de prendre les devants de cette discussion avec Mme Lemieux lundi à Chicoutimi dans le cadre d'une autre rencontre.
Écoutez, d'abord, je pense qu'il n'y a rien qui symbolise plus cette volonté des gens de la région du Saguenay de s'impliquer davantage dans l'immigration que le travail que vous avez fait, puisque vous avez tenu la première rencontre à l'extérieur de Montréal du regroupement des organismes de soutien aux nouveaux arrivants, c'est vous autres qui l'avez organisée à Jonquière. Je pense que c'est significatif d'un changement à la fois d'attitude et de réalité, je dirais, au Québec à l'égard de l'immigration.
Vous soulignez avec raison... D'une part, vous nous rappelez à la fois les grandes tendances démographiques qui sont celles de votre région, qui sont un peu celles du Québec aussi, vous nous rappelez aussi, avec raison, le potentiel de votre région de façon générale, le potentiel économique, l'intérêt aussi que peut représenter un milieu de vie comme celui du Saguenay?Lac-Saint-Jean, et vous plaidez pour à la fois plus d'immigration au Québec et une plus grande part, en tout cas, de l'immigration dans les régions. Vous êtes convaincus que les attitudes, l'état d'esprit et la volonté... il y a des possibilités, puis vous soulignez l'expérience très concrète de liaison en termes d'emplois. Là-dessus, je veux saluer un peu le travail que vous faites, parce que la capacité de faire ce jumelage avec l'emploi est effectivement au coeur de la capacité de rétention, c'est vraiment l'enjeu majeur une fois que l'attitude d'ouverture est là.
Mais, dans le fond, je vais vous ramener à une question fondamentale ? c'est celle que j'ai posée à beaucoup de monde: Comment convaincre des immigrants, des nouveaux arrivés de s'installer en région? Qu'est-ce qu'il faut faire pour les convaincre, puisque, dans le fond, on le sait bien, au départ, souvent, ces gens-là, qui sont dans des pays ? ils sont en Chine, ils sont, je ne sais pas, moi, en Tunisie, ils sont au Mexique ? où beaucoup d'entre eux ignorent même l'existence du Saguenay?Lac-Saint-Jean, connaissent peu, de façon générale, les institutions québécoises, la façon de faire des affaires, de s'organiser? Alors donc, le réflexe spontané d'un peu tout le monde, c'est de débarquer dans la grosse ville. Une fois qu'ils sont débarqués, évidemment, c'est plus compliqué de les sensibiliser. Alors, comment vous voyez ça? Ou qu'est-ce qu'il faudrait faire comme gestes? Il faudrait-u que Radio-Québec distribue des cassettes au Mexique? Il faut-u qu'on établisse des quotas? Il faut-u qu'on les capture à l'aéroport pour ne pas leur laisser le temps de prendre un hôtel à Montréal? Qu'est-ce qu'il faut faire?
Mme Lemieux (Francine): Dans un premier temps, je crois qu'il existe une certaine promotion qui est faite à l'extérieur du pays pour que les gens, entre autres, choisissent le Québec comme milieu de vie. Qu'est-il fait, ou y a-t-il moyen d'augmenter la visibilité des régions également à l'extérieur du pays? Je crois qu'il y a déjà eu un document dans lequel on présente les régions, mais... Est-ce qu'il est aussi possible que les régions puissent aller se présenter? Est-ce que le personnel qui présente le Québec à l'étranger connaît bien, aussi, les régions?
n(11 heures)n On parle parfois de faire du jumelage, entre autres, entre les étudiants de Montréal et des régions. Bon. Est-ce qu'on peut faire davantage de jumelage entre le personnel des ministères qui sont situés à Montréal et les régions? Est-ce que, de temps à autre, vous venez nous visiter dans notre belle région du Saguenay?Lac-Saint-Jean? Est-ce que des visites plus nombreuses pourraient être plus facilitantes? Est-ce que des documents plus explicatifs, mieux définis qui parlent aussi de ce que peuvent présenter les régions peuvent aussi faciliter les gens lorsqu'ils choisissent de venir s'établir au Québec, qu'ils aient une meilleure connaissance aussi de l'ensemble du Québec? Je crois qu'il y aurait lieu de faire une meilleure promotion des régions à ce niveau-là.
M. Perreault: Merci.
Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Bienvenue. Pour continuer dans la même question que le ministre, vous avez parlé de peut-être faire ? je trouve que c'est une idée très intéressante ? un jumelage, d'amener les gens, du personnel du ministère, à aller voir ce qui se passe dans les régions pour qu'ils puissent ensuite vendre votre région. Mais est-ce qu'on ne devrait pas aussi faire la même promotion, le même travail auprès des agents de l'immigration qui sont à l'étranger?
Mme Lemieux (Francine): Effectivement.
Mme Loiselle: Parce que, en quelque part, ça part de là. Si les gens qui sont là-bas ne connaissent pas les particularités, la situation puis le potentiel d'accueil de certaines régions... Comme hier, Solidarité rurale nous disait que, bon, la promotion du milieu rural est inexistante. Elle est plus que déficiente, elle est inexistante; on ne parle pas du milieu rural. Est-ce que vous, vous ne pensez pas qu'on devrait commencer par là? Que les gens qui travaillent à l'étranger, eux, commencent par faire la promotion auprès des candidats potentiels?
Mme Lemieux (Francine): Effectivement, si les agents d'immigration qui sont à l'extérieur connaissent mieux les régions, c'est plus facile de vendre, on pourrait dire, de vendre un produit que l'on connaît que de vendre un produit virtuel. Lorsque la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean est, pour les gens qui en font la promotion, seulement un nom parmi tant d'autres, c'est évident que... Ce n'est peut-être pas aussi simple et aussi facile de présenter les régions aussi à ce moment-là. Et on sait que les gens qui font la promotion, les agents d'immigration qui sont à l'extérieur ont un grand travail à faire et, je pense aussi, plusieurs tâches. C'est peut-être plus simple, aussi, pour les gens de parler de ce que, eux, ils connaissent. Alors si, effectivement, ils connaissent davantage les régions et ils viennent en région connaître ce qui se passe, discuter avec les organismes aussi, de ce que l'on fait, de comment on le fait, c'est certain qu'ils sont mieux outillés à ce moment-là pour présenter les régions à l'extérieur.
Mme Loiselle: Je veux revenir dans votre mémoire ? c'est extraordinaire ? quand vous parlez du taux de rétention à 100 %. Parce que ça va...
Mme Lemieux (Francine): Oui. Oui, depuis les deux dernières années.
Mme Loiselle: Bien, c'est ça. Vraiment, vous êtes une région... un exemple à suivre, je pense, parce qu'on parle souvent que la problématique du taux de rétention, qu'il faut... Plusieurs groupes nous ont dit: Si vous voulez hausser les niveaux, il faudrait commencer par penser avoir des mesures pour améliorer notre taux de rétention, que les gens, finalement, qu'on accueille demeurent au Québec et ne quittent pas après quelques années pour aller dans d'autres provinces ou dans un autre pays. Est-ce que vous croyez que, si votre taux de rétention est si bon, c'est parce que vous travaillez avec des familles de réfugiés? Est-ce que c'est ça qui fait... Parce que les statistiques nous disaient que... Parce qu'hier, on a eu une discussion avec le Conseil du patronat qui, lui, suggérait au gouvernement d'abaisser à 10 % la venue de réfugiés au Québec, ce qui va à l'encontre de plusieurs recommandations de groupes qui disent: Au contraire, ouvrez, soyez plus souples envers les réfugiés. Et les statistiques disaient que, un, les réfugiés que l'on reçoit sont scolarisés beaucoup plus qu'on ne le pense et demeurent dans leur milieu d'accueil. Le taux de rétention est très bon. Est-ce que vous, parce que vous travaillez avec des familles, en particulier de réfugiés, ça aide à garder les gens chez vous?
Mme Lemieux (Francine): La majeure de notre corporation est de travailler avec des familles de réfugiés. Dans le volet accueil et établissement, il est certain que c'est davantage avec des personnes réfugiées.
Dans le volet employabilité, nous travaillons aussi avec quelques personnes qui arrivent, qui sont des immigrants indépendants ou des indépendants de reconstitution familiale. C'est certain que, lorsqu'on travaille avec les réfugiés, on travaille beaucoup avec les gens, à les aider à s'intégrer, et c'est certain que ça donne davantage de résultats.
Si on était dans la situation inverse ? c'est difficile de parler d'une situation qui n'est pas celle que l'on vit. Si c'était la situation inverse, s'il y avait plus d'indépendants, s'il y avait plus d'investisseurs, est-ce qu'ils resteraient davantage? Je ne peux pas vraiment me prononcer mais, par contre, je sais qu'au niveau des personnes réfugiées le taux de rétention est bon, parce que les personnes sont jumelées à des personnes québécoises.
Les réfugiés que nous avons accueillis sont tous des réfugiés qui ne parlent pas français. Alors, ils sont intégrés en milieu scolaire, entre autres au cégep, dans un milieu de vie, et les gens sont supportés aussi dans leur intégration parce qu'on va faire beaucoup de rencontres d'information. Alors, lorsque les gens... souvent... C'est sûr, au départ, qu'ils ont la barrière de la langue. Alors, on travaille avec des interprètes; les gens se sentent supportés. Ça peut aider au niveau du taux de rétention, je crois, de ces personnes-là.
C'est certain que, si la personne est une personne immigrante indépendante ou investisseur, ce ne sont pas les mêmes services qui sont offerts. Est-ce que ça vient influencer leur niveau de rétention? On peut peut-être se poser la question. Si les personnes pouvaient avoir des services semblables, peut-être qu'elles auraient le goût également de rester en région davantage.
Mme Loiselle: Vous dites que vous êtes prêts, dans votre région, à accueillir 50 % de plus de nouveaux arrivants.
Mme Lemieux (Francine): Oui.
Mme Loiselle: Alors, comme mesures proactives concrètes et immédiates, que diriez-vous au gouvernement de faire pour arriver à obtenir ce 50 % là? Parce que, s'il se base seulement sur les réfugiés, il y aurait peut-être cette possibilité. Mais si vous voulez aussi vous ouvrir à des travailleurs indépendants ou à des investisseurs, quelles suggestions faites-vous au gouvernement pour vous aider à obtenir ce 50 %?
Mme Lemieux (Francine): De faire davantage. Je pense qu'on doit revenir à faire la promotion des régions également. Il y a des entreprises qui sont en expansion dans la région également. On a été une région qui pendant longtemps était axée strictement sur la première transformation de l'aluminium et sur la première transformation du bois également. De plus en plus, notre région développe le volet deuxième et troisième transformations. Il y a sûrement possibilité d'aller chercher davantage d'investisseurs dans ces secteurs d'activité aussi et peut-être que tous les ministères... Ce n'est peut-être pas seulement au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration de s'investir dans ce domaine-là, mais on sait qu'au niveau de développement économique il y a d'autres ministères qui s'impliquent aussi. Alors, si l'ensemble des ministères qui peuvent être indirectement concernés par l'immigration s'impliquent également dans ce volet-là, ça peut donner des résultats favorables à moyen terme aussi.
Mme Loiselle: Vous avez parlé d'Alcan dans votre région. C'est sûr que vous avez cette chance d'avoir une entreprise de calibre international comme Alcan.
Mme Lemieux (Francine): Oui.
Mme Loiselle: Vous avez aussi, je pense, un centre de recherche qui est assez important.
Mme Lemieux (Francine): Effectivement, oui.
Mme Loiselle: Ça aide beaucoup au niveau de la perspective d'emploi parce qu'on sait beaucoup que l'intégration passe par l'emploi également. Pour vos voisins des autres régions qui n'ont pas cette chance d'avoir des entreprises de calibre international et qui veulent faire et qui veulent s'ouvrir au potentiel d'immigration, qu'est-ce que vous leur suggérez de faire, d'après votre expérience qui est une formule gagnante, là?
n(11 h 10)nMme Lemieux (Francine): Je pense que chaque région a sa valeur propre. On parle de la nôtre qui est liée à l'emploi versus, entre autres, l'aluminium et, effectivement, toute la recherche et le développement qui se font vers la deuxième et troisième industrie. Je pense que chaque région a sa propre valeur. Ça peut être d'autres types d'entreprises.
Il y a aussi un certain nombre de personnes immigrantes qui arrivent chez nous et qui voudraient aller soit vers l'agriculture ou qui vont dans d'autres secteurs, qui seraient intéressées à aller dans d'autres secteurs. Alors, il y a d'autres régions où ça peut être leur force et leur valeur ajoutée de travailler, soit auprès de l'agriculture ou dans d'autres secteurs d'activité. Moi, je pense que chaque région a une différence au Québec. La nôtre est beaucoup liée à l'emploi versus l'Alcan. La nôtre, on a une valeur ajoutée, je crois, au niveau de la francisation et au niveau de notre qualité de vie. D'autres régions ont la valeur ajoutée du français ou d'autres la valeur ajoutée en termes d'employabilité aussi dans d'autres secteurs. Je crois que chaque région doit faire sa réflexion de ce qu'elle peut offrir aux personnes immigrantes.
Mme Loiselle: Merci beaucoup.
Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, évidemment, j'écoute votre témoignage avec beaucoup d'intérêt parce que je suis bien près d'être d'accord avec ce que vous dites à la page 9 de votre document quand vous dites «qu'il est certain que le développement de l'immigration au Québec doit d'abord passer par l'augmentation de celle-ci en région». C'est peut-être très fort, mais enfin j'ai beaucoup de sympathie pour cette affirmation-là. «C'est pourquoi nous croyons que...» Bon, enfin, vous proposez 50 % d'immigration dans votre région alors que, pour l'ensemble du Québec, ça devrait être un peu plus modéré, ceci dans le but de permettre un équilibre entre les régions et la région métropolitaine de Montréal. Or, tout ça, ce sont de paroles qui sonnent très agréablement à mes oreilles. Cependant, dans la réalité, ce n'est peut-être pas aussi simple. On sait que... en tout cas, il semble admis, depuis qu'on écoute les gens nous parler, qu'il y a quatre choses indispensables pour accueillir les immigrants de façon correcte: il faut avoir des services corrects, il faut avoir une communauté d'immigrants aussi vivant dans le milieu, il faut avoir des emplois et il faut avoir une communauté d'accueil locale bien intégrée et traditionnelle. Mais les deux choses les plus importantes, je pense, c'est les emplois et l'accueil traditionnel.
Or, on sait très bien que les régions auront tendance à se dépeupler. Bon, vous en parlez d'ailleurs dans votre document. Vous dites par contre à la page 8 que «89 % des personnes ? qui sont arrivées chez vous depuis 1996 ont trouvé un emploi ou sont retournées ? aux études dans des secteurs d'emplois en demande».
Ma première question, ça serait la suivante, et c'est un peu une question négative, mais enfin, je la pose: 89 % depuis 1996 se sont trouvé des emplois, mais après combien de mois de recherche et d'attente et d'inquiétude?
Mme Lemieux (Francine): Dans un premier temps, je vais vous préciser que la majorité des gens avec lesquels nous avons travaillé arrivent et ne parlent pas français. Ils vont donc en francisation pendant une période de près d'un an. Pendant cette période-là, les gens, c'est certain, ne sont pas en recherche d'emploi. Environ trois à quatre mois avant la fin de leur francisation, nous, nous commençons à travailler avec eux leur objectif d'intégration en emploi de façon à ce que les gens soient prêts, qu'ils sachent dans quel secteur d'activité ils désirent travailler, que leur curriculum vitae soit prêt, qu'ils soient à l'aise avec les techniques de recherche d'emploi au moment où ils terminent leur francisation.
Ce que je peux vous dire, notre plus belle expérience qu'on a vécue, c'est qu'on a accueilli des gens en avril dernier de la Colombie, un groupe de personnes qui ont commencé leur francisation à ce moment-là, et ils terminaient leur francisation en avril 2000. Nous avons commencé à travailler avec eux en janvier 2000 et, à la fin du programme de francisation, tout le monde avait trouvé un emploi, à l'exception, à ce moment-là, parce que ça a été peut-être un petit peu plus long, d'une ou deux personnes où, pour l'une, sa situation de santé ne lui permettait pas d'être très active dans ses démarches de recherche d'emploi et sa conjointe avait attendu aussi également avant de faire des démarches.
Et actuellement, il y a un deuxième groupe qui va terminer sa francisation au mois de novembre et nous avons commencé. Alors, c'est sûr qu'on pourrait dire que le délai est d'un an mais, par contre, les gens étaient en francisation à ce moment-là. Alors, il n'y a pas eu d'interruption et c'est ce que l'on vise avec l'école de langue, avec le centre linguistique: à travailler avec les gens pendant qu'ils sont en francisation, de tout de suite commencer à travailler leur employabilité, à faire leur choix, et, s'ils retournent aux études, on peut commencer à démarrer le processus aussi, à ce moment-là, de retour aux études. On essaie de travailler à ce qu'il n'y ait pas d'interruption.
Pour les autres groupes d'avant, il y avait peut-être entre la fin de la francisation... Parce qu'on avait des choses aussi, on est en développement, alors les choses se font progressivement. Pour certains, il y avait peut-être eu un délai de trois à quatre mois entre la fin de leur francisation et leur début en emploi.
M. Dion: Merci. Je pense que je n'ai plus le temps de...
Le Président (M. Beaulne): Très brièvement.
M. Dion: Très brièvement. Je comprends bien ce que vous dites. Cependant, je dois vous dire que tout à l'heure, les représentants de la communauté chinoise exprimaient le fait qu'elle souhaiterait que les gens puissent commencer à travailler avant d'avoir terminé leur cours de français parce que, pour des chefs de famille, c'est difficile de... Ils ont hâte de commencer à travailler et que ça pourrait être un élément d'apprentissage de français important. Enfin, c'est une chose que je vous soumets.
L'autre chose évidemment, c'est sûr que, au niveau de l'ensemble du Québec... Et l'impression que j'ai, c'est que c'est vrai qu'il y a intérêt pour le ministère de connaître avec plus de précision les besoins de main-d'oeuvre des régions.
Mme Lemieux (Francine): J'aimerais peut-être revenir sur le commentaire que vous avez fait au tout début tout à l'heure. Quand vous avez fait le commentaire sur notre affirmation qu'il est certain que le développement de l'immigration doit d'abord passer par le développement en région. On y fait référence au fait que, dans les documents du ministère, on constate que 80 % des personnes immigrantes s'installent à Montréal alors que, dans notre région, 0,4 % des personnes immigrantes s'installent dans notre région et elles représentent en tout 0,6 % de notre région, ce qui représente environ moins de 2 000 personnes sur une population d'environ 300 000.
Alors, c'est pour ça qu'on se positionne en disant: Oui, la région a déjà démontré qu'elle a l'ouverture d'esprit à accueillir des gens, oui, nous avons démontré que nous sommes capables de développer des services de façon à favoriser une intégration positive des gens. Nous avons le goût de continuer et nous croyons qu'il faut vraiment développer la politique de régionalisation de l'immigration.
C'est bien que certaines gens, certaines personnes puissent faire un choix de s'établir dans les grands centres ? il y a des gens que c'est ça qu'ils préfèrent ? mais on sait que souvent les gens font le choix de la seule chose qu'ils connaissent. Permettons-leur de connaître autre chose et peut-être choisiront-ils autre chose également.
Le Président (M. Beaulne): Alors, Mme Lemieux, M. Morin, la commission vous remercie de nous avoir fait connaître votre point de vue, et j'inviterais maintenant les représentants de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec à prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaulne): Madame, monsieur, la commission vous souhaite la bienvenue. Vous connaissez comment on fonctionne. Je vous demanderais de vous identifier lorsque vous ferez vos présentations et d'essayer de résumer ça, dans la mesure du possible, à l'intérieur de 20 minutes pour permettre les échanges avec mes collègues.
Chambre de commerce
de la Rive-Sud de Québec (CCRSQ)
M. Rheault (Pierre): On vous remercie beaucoup. Alors, d'entrée de jeu, je vais vous présenter Mme Suzanne Bonnette, qui m'accompagne, qui est la directrice générale de notre Chambre de commerce, et, moi, je suis Pierre Rheault, nouveau président et porte-parole de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec.
Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, on vous remercie de votre accueil aujourd'hui. D'entrée de jeu, comme porte-parole et président de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec, je vous informe que notre chambre de commerce représente 11 municipalités. Notre vision est que notre région devienne une zone économique dynamique et accueillante où l'on retrouve un fort sentiment d'appartenance. Notre mission est d'être le leader et le rassembleur de la communauté des affaires et de contribuer activement au développement de notre région dans un esprit de concertation. Cela ne fait certes pas de nous des experts sur cette délicate question qu'est l'immigration, mais nous croyons pouvoir devenir un partenaire actif aux fins de favoriser l'immigration et répondre aux besoins de nos membres et de notre communauté.
n(11 h 20)n Depuis quelques années, le phénomène migratoire du Québec s'est amplifié et diversifié. L'augmentation du nombre d'immigrants ainsi que leur sélection semblent porter fruit. En effet, les cloisons qui s'étaient élevées au cours des ans, notamment causées par le non-usage du français par beaucoup de nouveaux arrivants, semblent s'abattre les unes après les autres pour laisser place à une société dynamique, diversifiée et forte de cette diversité.
Évidemment, des enjeux liés à l'immigration, qu'ils soient démographiques, économiques ou linguistiques, sont toujours présents, mais sous des formes et à des degrés différents. Ils nécessitent, encore aujourd'hui, une attention toute particulière, que ce soit de la part du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, responsable à la fois de l'immigration et de l'intégration d'immigrants, mais aussi de plus en plus des communautés d'accueil, qu'elles soient régionales ou locales. Il semble clair que les régions péri-urbaines se doivent d'utiliser cet outil qu'est l'immigration et qui est mis à leur disposition afin de favoriser le développement économique et social de leur milieu. Les baisses démographiques, les difficultés liées au recrutement de la main-d'oeuvre sont des facteurs qui ne peuvent qu'accentuer la mouvance des entreprises vers les centres urbains et ainsi couper, peu à peu, le souffle aux régions. Il importe donc de prendre les moyens nécessaires afin de demeurer compétitifs et dynamiques.
L'accroissement de l'immigration. Il demeure difficile pour les organisations hors de la région montréalaise d'évaluer quel volume d'immigration conviendrait à un Québec moderne reconnu comme un leader dans plusieurs secteurs et où l'activité économique est en pleine croissance. Nous constatons cependant que certains corps d'emplois demeurent encore inoccupés et sont difficiles à combler. De plus, nous croyons qu'une diversification et une dynamisation du tissu social ne peuvent qu'engendre, à leur tour, innovation et développement, qualités appréciables lorsqu'il est question de nouvelles entreprises et d'emplois stratégiques. Certaines régions, comme celle de Chaudière-Appalaches, et plus particulièrement les MRC des Chutes-de-la-Chaudière et de Desjardins, demeurent inconnues pour bon nombre d'immigrants. La plupart opteront pour Montréal, on l'a entendu, faute de connaissance des autres régions du Québec, mais bien peu saisiront l'opportunité de la rive sud de Québec où le taux de chômage est le plus faible au Québec, 6,03 %, et où de nombreuses entreprises sont bien implantées depuis de nombreuses années et où d'autres se développent dans des créneaux à chaque année. À titre d'exemple, Novicom ou TransBIOtech.
L'accroissement de l'immigration dans la région de Québec constitue, à notre avis, l'une des opportunités pouvant permettre l'éclosion d'un milieu encore plus dynamique. La politique du MRCI devrait prioriser la régionalisation et le rétention des immigrants en région. De fait, il n'est plus suffisant de seulement favoriser le décloisonnement de l'immigration, il faut aussi mettre en place à la fois des mesures incitatives afin de promouvoir les différentes régions du Québec susceptibles d'être intéressantes pour un nouvel arrivant, mais aussi de développer des structures d'accueil permettant l'installation d'immigrants et de leur famille, et ainsi, un accroissement du nombre total d'immigrants pour la province.
À la lecture des quatre scénarios présentés dans le document L'immigration au Québec 2001-2003 ? Un choix de développement et en regard des différents facteurs favorables à l'immigration, une accélération accrue du rythme semble une approche appropriée. En effet, qu'il soit question du taux de natalité, de la pénurie de la main-d'oeuvre ? dans notre région, à tout le moins ? de création d'emplois ou d'investissements, tout porte à croire que les difficultés rencontrées au cours des dernières années ne seront qu'accentuées au cours des prochaines années. Il sera donc essentiel et même urgent de mettre en place des solutions pouvant pallier à ces tendances lourdes.
Qu'il soit question du Québec, de la Rive-Sud de Québec ou de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec, un accroissement du volume d'immigration nécessite, dans les trois cas, la mise en place de structures d'accueil efficaces et disponibles. À prime abord, les possibilités d'intégration au marché de l'emploi semblent favorables, et ce, dans plusieurs régions du Québec. En tenant compte de la sélection des immigrants, qui est de plus en plus fréquemment faite en fonction des besoins de la société québécoise, que ce soit en termes de langue, de scolarité ou d'investissements, il semble possible de concentrer la sélection en fonction des besoins évalués quant aux emplois disponibles actuellement et dans un futur proche.
Dans un autre ordre d'idées, nous pensons que les services publics devraient être en mesure de répondre aux besoins rencontrés suite à une hausse du volume de l'immigration, puisque cette dernière compense en quelque sorte le faible taux de natalité qui nous accable. Cependant, force est de constater que, dans certains domaines, notamment la santé et la famille, les ressources ne suffisent pas à la demande. D'autre part, les services publics devront s'adapter et développer des services afin de répondre adéquatement aux besoins des nouveaux arrivants, que ce soit au niveau de l'aide à l'emploi, de l'apprentissage du français, du démarrage d'entreprises ou tout simplement face à la compréhension des différentes facettes de notre mode de vie nord-américain.
Un processus d'accroissement et de régionalisation de l'immigration doit aussi impliquer, nous semble-t-il, que la région et, par le fait même, les partenaires, comme la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec, soient impliqués, et ce, tout au long de l'exercice. En effet, puisqu'il est question d'intégration socioéconomique de nouveaux arrivants, les organisations présentes dans le milieu devraient être en mesure d'interpeller des partenaires afin de développer la concertation nécessaire à la poursuite de tels projets. De la sensibilisation à l'harmonisation en passant par le soutien aux immigrants, l'ensemble de ces démarches doivent être mises en place et coordonnées par le milieu.
Une organisation comme la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec est un lieu privilégié où sont rassemblés un très grand nombre d'intervenants, qu'ils soient issus du milieu des affaires, des organisations à vocation sociale ou économique ou des institutions scolaires. De par sa mission de leader et de rassembleur, la Chambre de commerce est d'ores et déjà un catalyseur des énergies régionales. C'est d'ailleurs dans cette optique que nous avons récemment proposé aux MRCI un projet visant le développement de la concertation et de la mobilisation des organisations de la région afin de coordonner et de mettre en place les structures d'accueil nécessaires à l'établissement et à l'intégration de nouveaux arrivants.
Pour ce qui est des exigences de sélection telles la connaissance du français et la recherche de candidats possédant des compétences professionnelles favorisant leur insertion rapide sur le marché du travail, nous ne saurions être en désaccord. Il ne fait aucun doute que la connaissance du français ainsi que la maîtrise de compétences professionnelles sont indispensables à une intégration hors de la métropole. Dès qu'il est question de régionalisation, l'enjeu linguistique prend d'ailleurs une toute autre dimension. En effet, hors Montréal, l'usage du français est quasi exclusif et prend une dimension essentielle pour tout nouvel arrivant désireux de s'intégrer à la communauté, de créer des contacts et d'obtenir un emploi. Il ne faut cependant pas oublier que, à l'heure de la mondialisation, l'anglais demeure un atout majeur et même une nécessité dans des régions comme Québec et Chaudière-Appalaches, où le taux d'unilinguisme peut parfois devenir un frein au développement de nouveaux marchés.
Une question demeure cependant, hormis les secteurs en forte croissance, est-il possible de déterminer avec une faible marge d'erreur quels seront les emplois disponibles d'ici les trois ou quatre prochaines années? Il apparaît essentiel d'être en mesure d'établir le plus exactement possible les besoins en main-d'oeuvre, puisque ce critère intervient directement dans la sélection des immigrants. Quels sont les outils utilisés dans l'élaboration des profils d'immigrants recherchés et dans quelle mesure ces profils correspondent-ils aux particularités régionales? La question est ouverte.
Nous sommes convaincus que la région de Chaudière-Appalaches peut être un excellent choix pour tout nouvel arrivant désireux de s'intégrer à la société québécoise. Beaucoup d'opportunités sont offertes et la région offre une qualité de vie particulièrement intéressante. Évidemment, des infrastructures devront être mises en place afin de répondre adéquatement aux besoins de quelques ordres qu'ils soient des nouveaux arrivants. Les différents partenaires oeuvrant dans le milieu sont en mesure, avec l'appui du MRCI, de se donner des outils afin de mettre en place une structure d'accueil qui permettra non seulement de recevoir de nouveaux arrivants, mais aussi de les garder. De plus, la sensibilisation du milieu des affaires mais aussi de toute la population en général pourra permettre à tous de faire valoir les particularités et attraits de la région.
n(11 h 30)n Quant aux recommandations de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec, ce sont les suivantes: que le MRCI prenne en compte, lors de la sélection d'immigrants, des secteurs d'activité dominants et en émergence dans la région tels la biotechnologie, l'agroalimentaire, la transformation du bois, le transport; que l'accroissement de l'immigration dans la grande région de Québec constitue l'une des priorités pouvant ainsi permettre l'éclosion d'un milieu encore plus dynamique. Une diversification et une dynamisation du tissu social ne peuvent qu'engendrer à leur tour innovation et développement, qualités appréciables lorsqu'il est question de nouvelles entreprises et d'emplois stratégiques.
À la lecture des quatre scénarios présentés dans le document L'immigration au Québec 2001-2003 ? Un choix de développement et en regard des différents facteurs favorables à l'immigration, une accélération accrue nous semble une approche appropriée. Que la catégorie des immigrants indépendants soit privilégiée, et ce, en regard des besoins exprimés par les régions; que les services publics soient en mesure de répondre aux besoins rencontrés suite à une hausse du volume de l'immigration, puisque cette dernière compense en quelque sorte le faible taux de natalité qui nous accable; qu'un processus d'accroissement et de régionalisation de l'immigration implique que la région et, par le fait même, des partenaires comme la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec soient impliqués, et ce, tout au long de l'exercice; qu'il soit pris en compte que l'usage du français en région est quasi exclusif et prend une dimension essentielle pour tout nouvel arrivant désireux de s'intégrer à la communauté, de créer des contacts et d'obtenir un emploi. Cependant, la connaissance de l'anglais est de plus en plus importante dans le monde du travail. Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le Président (M. Beaulne): Merci beaucoup. M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Alors, M. Rheault, Mme Bonnette, merci. Vous avez présenté un excellent mémoire qui est très bien fait, très équilibré. Un ou deux commentaires puis, après ça, une question. Je l'ai déjà dit ailleurs, je vous le répète: La connaissance du français est nécessaire non seulement en région, mais à Montréal. Il n'y a pas deux Québec, il y en a rien qu'un. C'est un choix fondamental; il ne faut jamais l'oublier et il faut même se battre pour ça tout le temps, il faut se le rappeler. Autrement, si on adopte une autre attitude, on recule 30 ans en arrière, pour le pire, pour le pire.
Cela dit, moi, je veux vous dire que vous plaidez, comme d'autres avant vous, comme d'autres cet après-midi le feront, pour une augmentation de l'immigration en général au Québec, mais en région, et notamment dans votre région. Vous soulignez comment la situation économique de votre région est favorable et vous rappelez certains grands facteurs en matière d'évolution de la population, de la démographie et des besoins de main-d'oeuvre. Vous n'êtes pas les seuls à le faire, et je pense qu'une des grandes caractéristiques de cette commission, c'est l'importance de la place qu'ont prise les régions dans leur volonté d'avoir une part plus grande de l'immigration.
Dans le fond, je pense que cette volonté est partagée et quand je vous écoutais ? je parlais tantôt avec la sous-ministre à côté de moi, tout en vous écoutant, j'avais lu votre mémoire ? peut-être que la recommandation qui, pour moi, est la plus significative de votre mémoire, c'est que vous dites, quant au processus d'accroissement... Parce que, à chaque fois, on a posé la question aux gens: Comment accroître? Et vous dites que le processus d'accroissement et de régionalisation de l'immigration implique que la région et, par le fait même, des partenaires comme la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec soient impliqués, et ce, tout au long de l'exercice. Moi, ça me frappait. On est beaucoup organisés, comme ministère, pour accueillir les gens. On travaille beaucoup, notamment avec les organismes communautaires, pour leur fournir des services de soutien, d'accueil, d'établissement. Mais on n'a pas encore beaucoup développé la fonction attraction des gens, notamment la fonction attraction en région. Et je pense que des organismes de développement comme la Chambre de commerce, comme des organismes de développement ? on en a entendu d'autres avant ? peuvent devenir pour le ministère des partenaires précieux dans cette dynamique d'attraction, peut-être d'accueil également, mais d'attraction, parce que les organismes communautaires en général remplissent plus des fonctions d'accueil et de soutien, mais on a, dans le cas d'une partie de l'immigration, un défi d'attraction et je pense que ce sont des organismes de développement qui pourraient devenir des partenaires ou nous ouvrir des pistes.
Je vous pose quand même une question: Vous avez soulevé deux choses. Vous dites: Il y aurait peut-être des mesures incitatives à développer. J'aimerais savoir si vous en avez identifié quelques-unes et en vous disant ou en me posant la question suivante: Ces mesures, comment s'assurer qu'elles ne soient pas discriminantes à l'égard des autres Québécois? Parce que, évidemment, si j'offre une maison gratuite à un immigrant pour s'installer en Chaudière-Appalaches, il va s'installer, mais tous les Québécois aussi la veulent à ce moment-là, la maison gratuite. Comment on peut faire ça? Avez-vous des idées? Première question.
Deuxième question. Vous dites qu'il faut être capable de bien identifier les besoins en main-d'oeuvre. Vous êtes un organisme économique, vous dites que les employeurs sont à votre table, y a-tu un moyen de bien identifier? Parce que, à date, le ministère travaille, bien sûr. Ce que vous dites là, la biotechnologie, tout ça, on fait tout ça. Moi, j'ai assisté à des séances d'information à l'étranger. On rencontre des immigrants: la biotechnologie au Québec, on est en demande, l'informatique, peut-être pas le bois, on en avait moins identifié, mais c'est en général. Ce qui semble manquer, c'est l'adéquation entre les postes concrets et les personnes concrètes. Y a-tu une façon de mieux cerner les besoins en main-d'oeuvre d'une région? Alors, c'est les deux questions: mesures incitatives, besoins en main-d'oeuvre.
M. Rheault (Pierre): En ce qui concerne les mesures incitatives, évidemment, pour inciter quelqu'un à venir chez nous, à venir s'installer dans la région, moi, je pense que l'accueil, c'est bien important. Mais avant de s'installer évidemment il faut savoir que ça existe. Alors, on en a parlé un petit peu plus tôt ce matin ? l'autre groupe qui nous a précédés en commission ? à l'extérieur, lorsque les immigrants... Avant d'entrer au Canada, il faut qu'il y ait des démarches, puis ils ont des informations. À ce niveau-là, sûrement que le marketing pourrait être favorisé, amélioré même, je dirais, mais ça, ce n'est pas juste vrai à l'extérieur du Québec et à l'extérieur du Canada, c'est vrai aussi pour des immigrants qui sont dans la région de Montréal. Il y en a plusieurs qui ont beaucoup de compétences. Il y en a plusieurs qui ont commencé à s'intégrer, puis il y en a plusieurs qui peut-être pourraient déménager, sortir de la région de Montréal, puis venir s'installer en région, puis peut-être que ça aurait pour effet de faire boule de neige, à un moment donné. À partir du moment où on a une certaine masse critique, c'est plus facile, mais on est loin de la masse critique, là. Alors, en ce qui concerne les mesures incitatives, là, c'est ce que je vous répondrais, M. le ministre.
En ce qui concerne les besoins en main d'oeuvre, les besoins en main-d'oeuvre, là, nous, comme je l'ai souligné dans mon exposé ? puis je n'apprends rien à personne ici ce matin ? on a le taux de chômage le plus bas au Québec. Bien, le taux de chômage le plus bas au Québec, évidemment, ça veut dire qu'on a des besoins en main-d'oeuvre. Moi, quand j'entends ? je sors un petit peu du cadre de l'immigration, vous me le permettrez ? quand je constate que de grosses entreprises de la Rive-Sud en sont rendues à engager des étudiants qui ont des secondaires II, des secondaires III et des secondaires I, qui dans mon livre à moi, devraient être sur les bancs d'école, je me dis qu'il y a un problème là aussi, puis que peut-être l'immigration pourrait répondre à une partie de ce problème-là. Parce que malgré qu'il y ait des gens, donc, qui ont un niveau de scolarité qui est très bas qui occupent ces postes-là, on a encore des postes à combler. Alors, devant la qualité de vie de notre région, de vendre l'idée qu'il n'est pas difficile de se trouver un emploi, il va tout le temps y avoir la question de la langue. On en a parlé tout à l'heure. Quelqu'un qui ne parle pas du tout le français, il part de plus loin, mais évidemment quelqu'un qui a un désir d'avoir un bel avenir avec sa famille, bien, il ne peut pas bien, bien se tromper quand il vient s'installer dans une région comme la nôtre. Il y a beaucoup d'emplois, il y a une qualité de vie qui est excellente. Alors, c'est ça.
M. Perreault: Vos réflexions m'amènent à deux remarques. La première: une des raisons pour lesquelles nous souhaitons augmenter la part de l'immigration connaissant au préalable un peu de français, c'est justement pour accélérer ce processus d'intégration en région. C'est clair que quelqu'un qui arrive et qui n'en a aucune connaissance a une période plus longue que quelqu'un qui a des rudiments, qui peut, à travers à la fois des cours de français et un emploi, accélérer son apprentissage, si déjà il en possède un bout.
Mais je veux revenir avec ma question: Un des défis que nous avons, nous, comme ministère, c'est de parler de façon plus concrète aux personnes immigrantes des emplois qui existent en région que nous ne le faisons. Parce qu'on peut bien parler qu'il y a des emplois en Chaudière-Appalaches, que le chômage est bas, qu'il y a des entreprises dans tel secteur, mais quelqu'un qui se trouve en France ou en Tunisie ou en Asie, ça lui parle vaguement. Oui, mais ce n'est pas très incitatif à dire: O.K. C'est là que je m'en vais. Y a-tu une façon plus concrète?
n(11 h 40)nM. Rheault (Pierre): Évidemment, la participation à des missions d'information de ces gens-là de gens qui proviennent puis qui sont issus du milieu, moi, ça me semble élémentaire pour avoir un résultat efficace. De voir un représentant du ministère aller décrire, au moyen d'un pamphlet, ce qu'est la région, c'est bien beau, ça, mais ce n'est pas comme avoir un contact direct avec quelqu'un qui vit, qui vient, qui provient de cette région-là, qui a élevé sa famille, qui a fait éduquer ses enfants. Alors, ces missions-là devraient comporter, évidemment ? on parlait de partenariat ? on devrait faire intervenir des membres de ces communautés-là dont peut-être des représentants de notre chambre de commerce et d'autres organismes. Ça, c'est bien important.
Mme Bonnette (Suzanne): Si vous me permettez, je peux compléter, M. le ministre. Je suis tout à fait d'accord avec l'aspect attraction, marketing de la région, je pense que c'est primordial. Si on veut attirer des gens, il faut quand même être capable, avec des outils, de démontrer les attraits de la région, les possibilités d'emploi.
Et pour répondre peut-être à la question, à savoir au niveau des besoins de main-d'oeuvre, présentement, nous sommes à terminer, avec Emploi-Québec pour la région, une enquête sur les besoins en main-d'oeuvre auprès de toutes nos entreprises manufacturières. Cette enquête, on devrait avoir les résultats en novembre, ce qui fait qu'on va être en mesure de dire où sont les emplois disponibles, de quels types de main-d'oeuvre qualifiée dont nous avons besoin. Alors, cette enquête pourra être très efficace pour les ministères dans le cadre de sa recherche de compétences professionnelles.
Le Président (M. Beaulne): Merci beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue.
Une voix: Bonjour.
Mme Loiselle: Je veux revenir sur les propos que vous tenez qui rejoignent aussi la suggestion qui est faite par le Conseil des relations interculturelles au niveau de l'implication mais une implication réelle, là, des partenaires régionaux. Vous en faites mention dans votre mémoire à la page 4 qu'il est important que des partenaires tels que vous, les chambres de commerce, soyez vraiment impliquées.
Dans la structure actuelle qui est le ministère où tous les pouvoirs sont centralisés, au ministère, est-ce que vous croyez vraiment que c'est possible que vous deveniez des partenaires réels avec la structure actuelle ou qu'on va vous consulter seulement à l'occasion, mais que vous n'avez vraiment pas de pouvoir de décision ou d'influencer les décisions qui sont prises au sein du ministère?
M. Rheault (Pierre): C'est une bonne question, mais je vous rappellerai que, d'entrée de jeu, je vous ai souligné qu'on n'était pas des spécialistes de la question de l'immigration, on vient ici bien humblement. Mais il est bien certain que ? ce que vous soulignez ? il va falloir qu'il y ait une certaine décentralisation si on veut être efficaces. Ça, c'est mon opinion bien arrêtée.
Mme Bonnette (Suzanne): Et, pour compléter, j'ajouterais que, quand on parle de structures d'accueil et de partenariat avec les intervenants du milieu ? on sait que le ministère a déjà quand même des structures avec des organismes communautaires ? dans le milieu comme tel, c'est d'impliquer les organismes. Quand on accueille des immigrants, ces gens-là, si ce sont des immigrants indépendants ou travailleurs ? indépendants peut être aussi les immigrants qui veulent partir, démarrer une entreprise ? ils ont besoin de connaître les structures dans le milieu qui peuvent les aider à démarrer une entreprise. Et nous, le rôle de la Chambre de commerce dans notre milieu, on est un catalyseur de toutes ces énergies-là. Et le but qu'on cherche là-dedans, c'est que tous les gens, tous les organismes à caractère socioéconomique, si on parle de familles ? je vous donne un exemple comme ça ? ils ont besoin d'une maison, on implique un agent immobilier qui est là pour les servir, aider. C'est que la personne qui arrive dans le milieu, localement, elle est accueillie, elle est aidée et elle sait que tous ses besoins seront comblés parce que des gens, des organismes, des intervenants se sont engagés à les servir.
Ça, c'est pour répondre à la question au niveau de l'accueil comme tel, c'est-à-dire du rôle que la Chambre de commerce veut jouer dans son milieu. On ne veut pas remplacer ce que le ministère a déjà en place, on veut être un complément parce qu'on connaît notre milieu tel qu'il est. Ça fait que je pense que c'est complémentaire.
Mme Loiselle: Vous avez dit tantôt que vous avez présenté récemment un projet au ministère. Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus sur ça? Vous ne donnez pas trop de détails dans le mémoire.
Mme Bonnette (Suzanne): Le projet qui a été présenté, c'est un projet en trois volets et c'est un projet où on parle de cette structure-là qu'on veut mettre en place. On veut également élaborer des outils qu'on appelle marketing pour justement travailler au niveau des attraits de la région, des emplois qui sont disponibles, enfin, tout ce qui est là, comme les gens qui nous ont précédés disaient que c'était important de faire le marketing de notre région, de faire connaître notre région.
Et le troisième volet qui est très important, c'est toute la sensibilisation auprès des gens d'affaires, des chefs d'entreprise, au fait que les immigrants qui arrivent, ils ont des compétences et que c'est important de travailler avec eux et de les engager, et tout ça. Donc, c'est cette sensibilisation-là auprès de l'importance de l'immigration face aussi à la pénurie de main-d'oeuvre qu'on vit à l'heure actuelle. Et, dans notre région, la pénurie de main-d'oeuvre, c'est majeur, majeur. Je veux dire, on était encore, la semaine dernière, avec Emploi-Québec. Et on est rendu dans le fond du pot, nous autres, au niveau du bassin de population, de surtout la qualité de main-d'oeuvre qu'on a. Et donc, c'est vraiment majeur. Donc, c'est toute la sensibilisation qu'on veut travailler auprès des chefs d'entreprise, et, aussi, pour tout ce qui est démarrage d'entreprise, parrainage. On parlait de mesures incitatives tout à l'heure, M. le ministre, ça peut être aussi une forme de parrainage de nos chefs d'entreprise que, nous, on peut développer par rapport aux gens qui veulent venir démarrer des entreprises et tout ça. Ce sont toutes sortes de petits outils.
Mme Loiselle: Est-ce que votre projet est toujours à l'étude ou à l'étape d'analyse ou il y a déjà comme des...
Mme Bonnette (Suzanne): Il est à l'étape d'analyse tout simplement.
Mme Loiselle: C'est en tout début. Vous parlez du parrainage, il y a quelques groupes qui nous ont fait la suggestion du parrainage d'entreprises justement et de municipalités qui auraient la responsabilité d'offrir un emploi à des nouveaux arrivants, soit sur une période de trois ans, et de les encadrer, de prendre la responsabilité de les encadrer et tout ça. Est-ce que ce serait une optique, et, vous, vous seriez à l'aise avec pour votre région?
Mme Bonnette (Suzanne): Tout à fait.
Mme Loiselle: Oui?
Mme Bonnette (Suzanne): Avec nos gens d'affaires.
M. Rheault (Pierre): Oui, évidemment, avec nos gens d'affaires; on peut inciter nos gens d'affaires. Lorsqu'on parlait de sensibilisation des gens d'affaires, c'est un peu ça aussi. Parce qu'on regroupe quand même, nous, 870 membres dans toutes les sphères d'activité puis de production de l'économie ou à peu près. Alors, c'est certain.
Mme Bonnette (Suzanne): On le fait déjà avec des jeunes entreprises de chez nous.
Mme Loiselle: On pourrait le faire comme projet-pilote. On pourrait se servir de votre expertise et de votre ouverture pour peut-être partir un projet-pilote.
M. Rheault (Pierre): Sûrement, et cela nous fera grand plaisir.
Mme Loiselle: Oui, d'accord. Il y a ma collègue qui voulait...
Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour je voudrais vous remercier pour le mémoire. On a entendu avant vous le maire de Québec qui est venu plaider fortement pour un accroissement de l'immigration à Québec, en région aussi. Il a parlé au nom de la région. Et je vous félicite aussi pour le leadership que vous prenez pour dire: La région a besoin de ressources, il faut arrêter de se mettre la tête dans le sable. Il faudrait faire en sorte qu'on puisse avoir notre part aussi de ce capital humain dont on a besoin pour développer notre région.
Le ministre tantôt vous a dit: Les mesures incitatives, c'est discutable parce que ça peut être discriminatoire. Je voudrais lui rappeler que, lorsque le Canada a décidé de se donner une politique de peuplement de l'Ouest, on a accueilli les gens, on leur a offert des terres, ils se sont installés, ils ont développé l'Ouest. Et, actuellement, on produit du blé puis on produit beaucoup de produits agricoles qui font la richesse du Canada.
Toujours est-il que je suis très interpellée par votre mémoire parce que vous dites: Il faut que les institutions s'adaptent pour accueillir et intégrer la nouvelle immigration. Et vous êtes une de ces institutions-là. Et je suis persuadée que vous pouvez faire beaucoup. Exemple: il y a certainement des gens d'affaires issus de l'immigration dans votre région, dans la grande région, n'est-ce pas? Probablement que vous n'êtes pas en lien avec eux, mais ça peut se faire, ça peut se faire. Peut-on envisager, par exemple, que la Chambre de commerce de la Rive-Sud puisse inviter les gens d'affaires que vous pouvez identifier, les gens d'affaires issus de l'immigration que vous pouvez identifier, à participer à vos activités? Par exemple, vous devez avoir des dîners-contacts pour parler des affaires, n'est-ce pas, vous avez des activités?
M. Rheault (Pierre): Évidemment, oui, on a plusieurs types d'activités.
Mme Houda-Pepin: Alors, premièrement, j'envisage, par exemple, la possibilité que des tables, des gens d'affaires québécois puissent inviter des gens d'affaires issus de l'immigration à leur table ? c'est l'opération accueil ? pour parler des affaires, pour établir un premier contact. Parce que, moi, je veux vous dire, par expérience, on peut mettre les programmes qu'on veut en place, en région, nationalement, régionalement ? ce que vous voulez ? rien ne vaut le contact direct. Parce que c'est à travers ce contact-là qu'on apprend à connaître la personne, à démystifier les préjugés qu'on a mutuellement et, éventuellement, à apprécier ses qualités assez pour l'associer avec nous dans une démarche entrepreneuriale ou autre.
Donc, des gens d'affaires assis à votre table invitent d'autres gens d'affaires issus de l'immigration pour participer à une activité commune de la Chambre de commerce de la Rive-Sud.
n(11 h 50)n Deuxième étape, on pourrait penser à une liaison, par exemple, faire un travail de liaison, que des gens qui travaillent dans le même domaine, secteur de la haute technologie, puissent établir un contact beaucoup plus suivi avec ces nouveaux arrivants, nouveaux gens d'affaires dans le même domaine. Parce que là aussi il faut savoir ? on parle beaucoup des organismes communautaires, et j'en suis, et je veux qu'on les outille, je veux qu'on les aide ? que les gens d'affaires issus de l'immigration, ils veulent parler à des gens d'affaires.
M. Rheault (Pierre): Exact.
Mme Houda-Pepin: O.K.? Ils ne veulent pas aller dans un organisme communautaire pour parler de la culture puis de la langue française ou ci ou ça, ils veulent faire des affaires et leur souci le plus important c'est de rencontrer les gens d'affaires. Et c'est ce lieu de rencontre, ce lieu de liaison dans lequel on peut développer des affinités et des stratégies qui leur manquent. Et la chambre de commerce, à mon avis, toutes les chambres de commerce en région et dans la métropole devraient faire ce travail-là pour aller chercher ces gens-là et leur dire: La chambre de commerce, ça vous appartient, vous êtes nos partenaires, vous êtes aussi partie prenante de la communauté d'affaires. Et vous ne pouvez pas imaginer le succès que vous pouvez avoir dans l'intégration. Et ces personnes-là, une fois intégrées à votre chambre de commerce, elles vont devenir membres; elles vont aller vous chercher d'autres membres et c'est comme ça que vous allez refléter finalement la diversité que vous avez dans votre région et attirer d'autres investisseurs et d'autres gens d'affaires dans votre région. Est-ce que vous avez pensé à des choses comme ça, est-ce que c'est faisable?
M. Rheault (Pierre): C'est tout à fait faisable et, même, je vous dirais que, dans un délai très raisonnable, ça va être fait.
Mme Houda-Pepin: Bon! Donc, vous allez participer avec les autres et les inviter à...
M. Rheault (Pierre): D'ailleurs, on vous conviera à cette activité-là.
Mme Houda-Pepin: J'apprécierais énormément. Vous me voyez ravie, juste de savoir que ça va se faire. C'est très, très important, effectivement.
Dans votre mémoire aussi, vous avez démontré que l'immigration avait un apport très important pour le développement économique régional. Vous avez plaidé pour une croissance de l'immigration à caractère économique, c'est-à-dire celle qui vient sélectionnée ? ça représente environ 60 % de l'immigration qu'on reçoit ? l'autre ? 40 % ? nous vient via la réunification de la famille et l'immigration humanitaire. Donc, en mettant l'emphase directement sur l'immigration économique ? et je comprends votre point de vue parce que c'est votre souci ? vous ne dites pas que vous ne voulez pas accueillir l'immigration humanitaire mais...
M. Rheault (Pierre): Pas du tout! Pas du tout!
Mme Houda-Pepin: Pas du tout.
M. Rheault (Pierre): Ah! non, il ne faut vraiment pas avoir cette lecture-là du document, là.
Mme Houda-Pepin: Exactement, c'est ce que je voulais...
M. Rheault (Pierre): Évidemment, étant un organisme économique avant tout et regroupant des gens d'affaires, le volet famille puis le volet des réfugiés, on n'a pas traité de ça, mais il n'est pas question de mettre ces gens-là de côté, d'aucune façon.
Mme Houda-Pepin: Vous avez raison. Alors, je suis très rassurée de vous entendre. Également, vous avez dit qu'il faudrait qu'on mette... En fait, qu'il y ait une adéquation entre les emplois disponibles en région et la sélection des immigrants, ceux qu'on sélectionne dans la catégorie des immigrants indépendants et, pour ma part, je comprends ce souci-là parce que vous avez, comment dirais-je, une préoccupation immédiate, celle de combler des postes existants, puis vous l'avez si bien démontré, vous dites: On embauche des jeunes de secondaire I parce qu'on n'a pas de main-d'oeuvre. Donc, si on peut l'avoir puis qu'elle soit qualifiée puis qu'elle parle français puis qu'elle puisse s'intégrer, c'est un atout pour vous. Actuellement, il y a ? je me base sur les données de 1998, vous me corrigerez parce que ça peut être à changer ? en 1998-1999, on avait 50 employés du Québec dans sept bureaux de service à l'étranger. Ça, c'est les gens qui s'occupent de traiter les dossiers, etc. Pardon?
M. Rheault (Pierre): Traiter les dossiers des immigrants à l'extérieur du Québec?
Mme Houda-Pepin: C'est ça.
Une voix: ...
Mme Houda-Pepin: Ah oui, c'est des employés du Québec et locaux, dans le 51 %. Alors, vous venez apporter encore plus d'eau à mon moulin.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Ce que je veux vous dire, c'est qu'on n'a pas suffisamment de personnel et de bureaux à l'étranger là où il y a des masses critiques, pour recruter des candidats, suffisamment pour avoir les bassins d'immigration... pas les bassins mais les candidats qu'on veut en nombre suffisant et surtout pour faire le travail que vous demandez qu'on fasse c'est-à-dire d'expliquer les régions. Parce qu'on peut donner des pamphlets aux nouveaux arrivants dans une pochette, on leur donne le portrait de la Gaspésie, puis le portrait des Chaudière-Appalaches et tout ça.
M. Rheault (Pierre): Oui, c'est un outil mais ce n'est pas...
Mme Houda-Pepin: Ils vont lire ça, c'est abstrait. Mais s'il y a un agent d'immigration qui leur dit: Vous savez, la Gaspésie, c'est une région, elle présente tel et tel atouts; Chaudière-Appalaches, ils ont 6 % de chômage, vous allez avoir des chances de vous impliquer rapidement sur le marché du travail, ça serait une destination à envisager... Rien, encore une fois, ne vaut la parole de cet agent d'immigration, de ce conseiller qui va vendre une destination, comme on vend une destination de voyage, à un immigrant qui va vouloir s'installer.
Donc, moi, je plaide pour qu'on ait plus de points de service là où il y a des bassins d'immigration ? on l'a déjà entendu pour le Maghreb entre autres ? et qu'il y ait plus de ressources pour qu'on puisse faire le lien que vous nous demandez de faire entre les candidats à l'immigration et la destination en région.
M. Rheault (Pierre): Bien, c'est l'entrée. Si, à l'entrée, c'est fermé, écoutez, on n'ira nulle part. Il est évident qu'il va falloir qu'il y ait le personnel adéquat. Mais, lorsque vous me parlez d'agents d'immigration, moi, si vous me permettez, je vais rajouter un petit peu là-dessus. Ce n'est pas tout d'avoir un agent d'immigration dans tel pays ou tel autre pays. Ce qu'on disait, ce qu'il faut comprendre de notre discours, c'est que cet agent-là d'immigration doit être accompagné ? pas nécessairement sur une base permanente, évidemment ? de gens issus du milieu où on a des besoins.
Mme Houda-Pepin: Tout à fait.
M. Rheault (Pierre): Alors, peut-être que ça sera dans le Saguenay une journée, peut-être que ça sera des gens de Chaudière-Appalaches, peut-être que ça sera des gens de la Gaspésie, mais il faut qu'il y ait des gens qui ont un contact direct, qui ont les pieds sur le plancher, qui peuvent en parler, de leur région, qui peuvent en parler, de leur province, qui peuvent en parler, de leur pays.
Mme Houda-Pepin: C'est ça.
Le Président (M. Beaulne): Ça va, Mme la députée?
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour un dernier commentaire.
M. Perreault: Oui. De fait, peut-être, sur un dernier point, c'est évident que, vous le comprenez très bien, on ne pourrait pas se retrouver avec des représentants de chaque région dans chacune...
M. Rheault (Pierre): Oui, on le comprend très bien.
Mme Bonnette (Suzanne): Mais les partenaires du milieu pourraient travailler là-dessus.
M. Perreault: Par contre, il est possible d'imaginer, je pense en tout cas, des rencontres d'information, inviter des centaines de personnes qui souhaitent immigrer à des séances d'information où il y aurait de telles missions.
Je veux être précis sur la question des mesures incitatives, ça me semble important de le dire. C'est une avenue que je pense qu'on devrait explorer au ministère. Mais je tiens à préciser, M. le Président, à Mme la députée qu'il faut le faire toujours en étant très conscient cependant qu'il faut que, pour l'ensemble des Québécois, ces mesures soient correctes; autrement, on créerait des problèmes. Donc, il y a à fouiller quelles sont les mesures incitatives.
Je prends l'exemple qu'elle me donnait. Elle a juste oublié de nous rappeler que, par exemple, lorsque cette politique a été démarrée par le Canada, il coûtait moins cher à quelqu'un pour faire Londres-Winnipeg et s'y installer que, pour un Québécois, de partir de Québec et de se rendre à Winnipeg et s'y installer, ce qui fait que, en 10 ans, la population de la région qui était majoritairement francophone s'est retrouvée minoritaire.
Donc, quand on développe de telles politiques, il faut être conscient des effets d'entraînement que ça peut créer. Mais, cela dit, je tiens à être précis, ce n'est pas parce qu'on en est conscients qu'on ne pense pas qu'il y a des pistes à explorer. On ne le fera pas n'importe comment.
Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Rheault, Mme Bonnette, nous vous remercions de votre participation, et, sur ce, j'ajourne les travaux de notre commission à 14 heures, cet après-midi, dans cette même salle.
(Suspension de la séance à 11 h 59)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président (M. Rioux): Je demanderais à l'Accueil-Parrainage Outaouais de prendre place, s'il vous plaît. Mme Annie-Claude Scholtès.
Alors, si je comprends bien, Mme Scholtès, vous serez seule de votre équipe.
Accueil-Parrainage Outaouais
Mme Scholtès (Annie-Claude): Il semble que oui. C'est un petit peu loin, je pense, l'Outaouais. Ce n'est pas facile pour les ressources.
Le Président (M. Rioux): Alors, le mémoire Accueil-Parrainage Outaouais, c'est le mémoire n° 24. Madame, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre document.
Mme Scholtès (Annie-Claude): D'accord. C'est un mémoire qui a été fait conjointement avec un autre organisme du milieu qui est l'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais. Il y avait aussi la présence de représentants de la Régie régionale de la santé et des services sociaux au moment de la discussion qui a entouré ce mémoire-là.
On a essayé de voir un petit peu la situation de l'immigration et les nouvelles orientations du ministère d'une façon globale, c'est-à-dire d'une façon socioéconomique aussi. Évidemment, la question sociolinguistique est importante aussi, mais on trouvait que ça ne reflétait peut-être pas assez la question socioéconomique qui est très importante pour les immigrants. En fait, si on vise l'adaptation puis l'intégration des immigrants, on commence par une intégration économique. Ces gens-là, ce qu'ils veulent avant tout, c'est d'être capables de fonctionner de façon autonome dans la société, et le seul moyen d'y parvenir, au départ, c'est d'être capables de subvenir eux-mêmes à leurs moyens, c'est-à-dire trouver un emploi, être capables d'avoir des passerelles qui leur permettent de se réorienter rapidement. En fait, c'est ce que les gens recherchent et ce qui fait que les gens demeurent ou ne demeurent pas au lieu d'accueil.
Si on regarde l'état de la situation au niveau des ressources du milieu, on est doté peut-être de moins d'organismes que d'autres régions. Par contre, il y a une certaine cohésion entre les organismes, il y a une belle complicité, si on veut, qui fait que, finalement, c'est assez facile de se repérer à l'intérieur de ça, autant pour les immigrants qu'au niveau des ressources existantes. Même s'il y a des organismes qui sont identifiés comme étant des ressources communautaires plus vouées à l'immigration, il y a quand même une soixantaine d'autres organismes du milieu qui gravitent alentour de ces organismes-là et qui collaborent très bien actuellement. Si on parle des CLSC, si on parle des ressources pour femmes victimes de violence, si on parle des services de police, je pense qu'à peu près tous les niveaux des services qui sont disponibles dans l'Outaouais ont été touchés d'une façon ou d'une autre par les organismes du milieu. Donc, l'état des ressources est bon dans la région.
Le déploiement des ressources sur le territoire suit aussi le mouvement de la clientèle, dans ce sens que, s'il y a des gens qui sont installés... Maintenant, on est en train de déployer à Gatineau, on en a quelques-uns à Aylmer, on en a à Chelsea, les organismes du milieu tendent à vouloir s'étendre aussi sur le territoire pour être capables de répondre à ces services-là.
Ce qu'on déplore peut-être, c'est, quand on compare un petit peu puis qu'on s'appuie sur les rapports du ministère, que la région semble sous-financée au niveau du Programme d'accueil et d'établissement des immigrants. On parle d'enveloppe globale pour la région, on ne parle pas d'enveloppe par organisme. Alors, on se pose la question, à savoir pourquoi, si on est la quatrième région d'accueil au Québec, on se retrouve à être la moins subventionnée des régions.
On s'attarde maintenant à la réaction du milieu. Généralement, la population de l'Outaouais, qui est en bonne partie formée de gens qui viennent de l'extérieur de la région... Vous savez que c'est une région qui est à vocation fédérale, il y a beaucoup aussi d'employés du gouvernement provincial et de gens des ressources. C'est une région qui est très bien desservie au niveau de ces services.
Beaucoup de gens, si ce n'est pas la majorité des gens, qui y sont installés, au niveau des Québécois, sont des gens qui arrivent... ils peuvent venir de Québec, de Sherbrooke, de l'Abitibi-Témiscamingue. Alors, ce n'est pas des gens qui nécessairement se réclament de droit d'appartenance au niveau de cette région-là, si bien que l'immigrant qui arrive est assez bien perçu généralement. Les gens n'ont pas, comment on pourrait dire, l'appartenance du territoire acquise parce que leurs grands-parents ou... Donc, c'est une région généralement qui est assez accueillante et qui ne refuse pas les immigrants, qui finalement sont une population qui a fluctuée un peu comme l'ensemble de la population de l'Outaouais.
Généralement, nos immigrants aussi s'intègrent assez bien avec le voisinage, avec les gens. Il n'y a pas de phénomène de ghettoïsation actuellement dans l'Outaouais. On a des gens qui arrivent et qui s'installent dans des milieux avoisinants. Hull, Gatineau, ce n'est pas très, très grand, alors c'est sûr qu'on retrouve des gens dans certains quartiers. Mais généralement, c'est une mesure temporaire, ils se redéploient ensuite. Aussitôt qu'ils ont assez de sous, qu'ils commencent à être autonomes, ils s'achètent une maison ou ils se redéploient sur le territoire avoisinant. Donc, il n'y a pas de phénomène de ghetto dans la région, qui fait qu'on aurait une réaction peut-être négative de la population en général ou des écoles, etc. Ça n'existe pas pour le moment.
Peu de plaintes reliées au racisme et à la xénophobie au niveau de notre clientèle. On reçoit quand même environ 600 à 700 nouveaux clients par année, et c'est rare que les gens vont nous adresser ce type de plaintes là. Alors, il semble que ça se redéploie bien. Le financement régional, on en a parlé tout à l'heure.
La situation des logements. Alors, évidemment, la première préoccupation des gens quand ils arrivent, c'est de pouvoir se loger puis se loger décemment. Au niveau du logement, on constate quand même, par rapport à certaines régions, un coût un peu plus élevé, alors que la sécurité du revenu demeure la même. J'avais un monsieur qui nous arrivait de Sherbrooke qui voulait s'installer dans la région, lundi, qui est passé au bureau. Pour un deux chambres à coucher, il aurait payé 450 $ à Sherbrooke; chez nous, ça peut aller dans les 550 $, 560 $, mais l'enveloppe d'aide sociale est la même. Alors, il faudrait peut-être voir s'il n'y a pas des ajustements. Je pense que ça peut valoir pour l'ensemble des Québécois aussi, cette situation-là, des gens qui se retrouvent sur l'aide sociale. Il y a des disparités régionales au niveau des coûts de logement.
n(14 h 10)n Depuis un certain temps, bon, pour vous donner une petite idée au niveau du logement, on a eu quelques problèmes. D'ailleurs, M. Legros a été informé de la situation. On a eu certains problèmes à trouver des logements pour les familles de cinq et plus. Autant à Hull qu'à Gatineau, il y a eu un problème réel. Il y a même eu une famille qui a passé un mois dans le motel qui est le lieu d'hébergement temporaire. C'est une situation qui est exceptionnelle, que je n'ai pas vue depuis cinq ans et demi où je travaille là. C'était une famille de six, il y avait une autre famille de sept, des Africains. Donc, ce n'était pas évident de pouvoir convaincre des propriétaires de prendre des gens chez eux.
Il y a aussi une pénurie de logements qui est en bonne partie causée par un problème de logements à Ottawa. Et comme on est région limitrophe... Pour vous donner un ordre d'idées, il y a un mois, à Ottawa, il restait 15 logements disponibles pour toute la région d'Ottawa, pour une population de 350 000 habitants, et ces logements-là n'étaient pas nécessairement des logements qui aurait été accessibles au niveau d'une clientèle qui est en besoin. Alors, les propriétaires de Hull et de Gatineau me disaient que les gens d'Ottawa, qui appelaient peut-être deux ou trois fois par mois pour obtenir un logement, actuellement il y a 30 à 40 appels qui sont logés par jour par des gens d'Ottawa, aussitôt qu'on essaie de trouver un logement.
Alors, ça a un petit peu compliqué les choses dernièrement. On travaille très fort. On a une excellente collaboration de la plupart des propriétaires. On a même des propriétaires qui nous ciblent. Aussitôt qu'ils ont un logement de disponible, ils nous appellent et ils nous donnent la priorité des logements. Donc, on n'est pas dans une impasse, mais les délais peuvent être légèrement plus longs. Et on travaille très fort à développer, à élargir notre réseau.
L'accessibilité au marché du travail. Je vous dirais qu'il y a cinq ans, quand j'ai commencé à Accueil-Parrainage, on avait sept immigrants qui travaillaient, nos Yougoslaves qui étaient arrivés, puis ils étaient à peu près tous dans les ressources pour immigrants. On se disait: Bon, c'est bien beau, là, mais ces gens-là... Maintenant, je pourrais dire que pas loin des trois quarts des immigrants travaillent. Il y en a qui ont choisi de retourner aux études, il y en a qui ont choisi de rester chez eux, mais, en général... Il y en a aussi quelques-uns encore qui travaillent au noir. On en a connaissance, on essaie de les responsabiliser par rapport à cette situation-là, mais ce n'est plus la majorité. Beaucoup de gens maintenant ont trouvé du travail.
Notamment, je le mentionne ici, il y a à peu près 200 femmes de différentes ethnies qui ont trouvé du travail au niveau d'une usine de fibre optique qui a commencé très petit, il y a trois ans, avec une dizaine d'immigrantes puis cinq Québécoises et qui vient chercher nos immigrantes régulièrement, puis qui s'est développée. Je pense qu'ils développent encore, et ils ont besoin encore de 100 personnes.
Il y a eu le développement du casino aussi qui a créé de l'emploi dans la région et tout ce que ça entoure au niveau commerce, au niveau hôtellerie, au niveau de l'afflux d'argent nouveau à l'intérieur de la région, qui fait que, bon, il y a un développement. Les magasins à grande surface, genre Wal-Mart, les centres d'achat qui sont en train de se développer, les Maxi, etc., qui créent de l'emploi... On a encore trois nouveaux magasins à grande surface qui vont ouvrir la semaine prochaine, ou demain, je pense que c'est le 14, la date. Alors, ça crée de l'emploi pour les gens. Donc, à ce niveau-là, c'est une situation qui s'est beaucoup, beaucoup améliorée et qui fait que les gens restent.
Je peux vous dire que, il y a cinq ans, les gens faisaient un stage dans l'Outaouais, souvent, et partaient ailleurs parce qu'ils avaient l'impression d'être devant un mur au niveau de l'emploi. Cette situation-là, aujourd'hui, n'est plus la même que ce qu'on a connu. Donc, les gens ont plus tendance à rester.
Au niveau du mouvement qu'on constate, de non-rétention des immigrants, nous, on trouve que ça s'est beaucoup amélioré. D'abord, on le voit par nos propriétaires, parce que les propriétaires venaient se plaindre à nous. Alors, il y a beaucoup moins de plaintes que les gens sont partis avant la fin d'un bail ou que les gens ont quitté. À ce niveau-là, on voit une amélioration.
Ce qui pourrait fausser un peu les résultats au niveau de la rétention, c'est qu'il y a des gens, par exemple ? c'est connu au niveau de Belgrade ? qui, avant même de quitter Belgrade, ont choisi l'Outaouais parce que c'était l'endroit qui était le plus proche de l'Ontario. Leur projet n'avait jamais été de rester au Québec, mais, parce que les procédures étaient plus faciles et que c'était plus rapide d'accéder au Québec, au niveau de leur décision d'être reconnus comme réfugiés puis de venir au pays, ces gens-là acceptaient la ville la plus proche d'Ottawa parce que les gens de l'Ontario venaient les chercher plus facilement comme ça. Alors, ça fausse les résultats au niveau de la rétention. Je pense que le taux réel de rétention, si on fait abstraction de ces gens-là dont l'intention première n'était pas de venir ici, est meilleur que ce qui est affiché dans les statistiques.
Au niveau de la conclusion et des recommandations, nous, ce qu'on a favorisé, c'est le scénario n° 2 qui permettait une augmentation plus graduelle de l'immigration. C'était aussi, je pense, la recommandation de la régie régionale de la santé et des services sociaux. Ça laissait prévoir un renforcement graduel des ressources existantes.
Ce qu'on voulait peut-être aussi amener ? parce que je pense qu'il doit me rester, quoi, cinq, six minutes à peu près ? c'est l'importance de situer l'immigration dans un contexte global, alors dépasser le sociolinguistique et vraiment aussi avoir une politique qui est beaucoup plus englobante au niveau du socioéconomique. Il va falloir prévoir une adaptation des milieux d'éducation.
Si on regarde les immigrants, en tout cas au niveau des réfugiés qui arrivent actuellement, avec des francophones africains, on s'aperçoit que, au niveau des enfants, il y a vraiment une lacune au niveau scolaire. Ces enfants-là ont des retards scolaires de quatre, cinq ans, mais ils sont rendus à 15, 16 ans. On ne peut pas les mettre au primaire, on ne veut pas les retrouver non plus dans les classes de troubles d'apprentissage. Donc, il va falloir essayer de développer quelque chose en partenariat avec le ministère de l'Éducation pour voir qu'est-ce qu'on fait avec ce type d'enfant-là, qui n'a pas nécessairement besoin d'une classe d'accueil linguistique et qui va avoir besoin d'une forme d'accueil autre pour lui permettre d'accéder un peu plus rapidement à l'éducation.
Au niveau adulte aussi, on se dit: On est en train de faire venir des gens, beaucoup de professionnels en informatique, des ingénieurs, des techniciens, il serait peut-être bon de penser ? on avait des suggestions, mais je pense que c'est à vous de voir ? peut-être à cibler certaines régions au niveau de l'accueil de certains professionnels auxquels on pourrait donner peut-être une année de réorientation qui leur permettrait, au bout d'un an, d'aller chercher leur carte de compétence comme ingénieur ou dans d'autres domaines, quitte, à ce moment-là, à signer un genre de contrat moral avec eux comme quoi, à la suite de ça, on pourrait les redéployer sur le territoire.
Par exemple, au niveau des médecins, on trouve très malheureux, on a eu des médecins russes, on a eu des médecins ukrainiens, que ces gens-là soient obligés de vivre de misère s'ils veulent essayer de retourner... Ils passent cinq, six ans, des fois, à vendre des pizzas en même temps qu'ils étudient, pour pouvoir subvenir à leurs besoins, alors qu'on aurait peut-être pu les réorienter dès le départ et leur trouver un moyen de pouvoir accéder beaucoup plus vite à leur reconnaissance d'acquis.
Au niveau du logement, on en a parlé tout à l'heure.
Au niveau de la langue, c'est sûr que, dans la région de l'Outaouais, l'appel est beaucoup plus criant pour l'anglicisation. Les gens constatent ? parce que souvent ils ont des parents de l'autre côté, ils ont des parents à Ottawa ou des parents à Windsor ou à London ? que ces gens-là n'ont besoin que d'apprendre une seule langue. Si vous prenez le cas des allophones, à partir du moment où je suis Yougoslave, que je parle serbo-croate et que j'arrive dans l'Outaouais, je constate assez vite que ça va me prendre deux langues pour fonctionner, alors que mon parent qui est en Ontario, avec l'anglais, il peut se débrouiller.
Ces gens-là, s'ils ont 40 ans et plus et que l'apprentissage de la langue est déjà difficile, ils se voient non seulement être obligés d'apprendre une langue, mais d'en apprendre une deuxième, il y en a qui se découragent à ce niveau-là. On essaie de les renforcer. Il faudrait voir un petit peu de quelle façon on pourrait aborder le problème.
On recommandait aussi qu'il y ait un genre de campagne de promotion au niveau de la société d'accueil aussi. À partir du moment où l'État décide d'augmenter les quotas au niveau de l'immigration, il devrait y avoir une promotion qui soit faite pour que les gens comprennent. Vous savez, on veut avoir une immigration qui est de plus en plus visible, auparavant elle était audible, mais ce n'est pas toujours évident, un Yougoslave, un Français, un Belge qui arrivent, on ne discrimine pas nécessairement à l'intérieur de la population. Nous, on s'aperçoit qu'il y a de plus en plus de Noirs dans l'Outaouais. On se demande jusqu'à quel point, à un moment donné, il n'y aura pas une réaction de la population s'ils ne comprennent pas ce qui se passe, s'il n'y a pas une promotion de l'immigration à ce niveau-là. Alors, ça vient compléter notre présentation.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, Mme Scholtès. C'est bon que vous nous ayez fait voir le portrait de ce que c'est, une région frontalière, au fond, entre l'Ontario et le Québec, de quelle façon les problèmes se posent.
Il y a quelque chose d'assez intéressant dans votre mémoire. Vous dites: Nous, on n'est pas trop, trop embarrassés avec les problèmes de xénophobie ou de racisme. Si tel est le cas, c'est quand même des bonnes nouvelles. Mais, cependant, ça pose d'autres problèmes. Très bien. Alors, M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Bonjour, madame.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Bonjour.
n(14 h 20)nM. Perreault: Merci d'être venue présenter ce mémoire. C'est une bonne distance, Hull?Québec. Je commencerais en disant, dans le fond, que votre mémoire a l'intérêt, par rapport à ceux qu'on a reçus, de beaucoup décrire dans le quotidien les difficultés d'accueil, de prise en charge, les problèmes de coûts de logement, ces choses-là, évidemment qui sont des questions réelles. Bon. L'objet de notre commission, c'est d'établir les niveaux d'immigration. Évidemment, ça nous amène à parler de l'immigration en général, parce qu'on ne peut pas les établir indépendamment des conditions d'accueil et de la vie quotidienne. Vous vous êtes moins étendue sur cet aspect des choses, avez plus décrit votre travail en termes d'accueil.
En passant, je prends note de ce que vous avez dit quant au sous-financement. On me signalait à côté de moi que c'était une question un peu historique chez vous, on a pour une bonne part corrigé la situation l'année passée, peut-être que ce n'est pas finalisé, mais qu'il y a eu une correction importante de faite; elle est récente.
Moi, j'aimerais ça vous entendre parler, s'il y a moyen, vous l'avez abordé indirectement... Bon. Vous vous montrez favorable à une augmentation des niveaux d'immigration. Est-ce que vous avez d'autres considérations sur les caractéristiques de cette immigration? Par exemple, vous nous avez surtout décrit l'accueil quotidien notamment des réfugiés. Bon. Mais le document que nous mettons de l'avant bien sûr continue à souhaiter que nous accueillons des réfugiés mais parle de la nécessité d'augmenter, de mettre l'accent sur les travailleurs indépendants, de faire en sorte que ces gens-là aient une certaine connaissance du français avant d'arriver ici. Est-ce que vous pensez qu'on a raison? Est-ce que, dans le cas de votre région, ce sont des objectifs qui sont souhaitables, atteignables? Comment vous voyez ça?
Le Président (M. Rioux): Mme Scholtès.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Oui, ce sont des objectifs qui sont souhaitables, et on s'aperçoit déjà des retombées de ça. On a une augmentation assez importante actuellement du nombre d'indépendants. Ce dont on s'aperçoit aussi, c'est qu'il y a beaucoup d'indépendants qui ont flotté auparavant: des gens qui se sont promenés à Sherbrooke, qui sont allés à Toronto, qui sont revenus à Montréal et qui arrivent chez nous. Il y aurait peut-être une orientation de base à faire au niveau des indépendants vers les régions pour éviter...
On a des gens qui sont arrivés avec un certain montant d'argent, qui avaient 16 000 $, 20 000 $, et qui, au bout de quatre, cinq mois, quand ils arrivent chez nous, ils sont complètement dépourvus. Ils ont vraiment dilapidé leur avoir. À partir du moment où ils seraient bien orientés dès le départ au niveau d'une région, ils pourraient vraiment faire des racines puis avoir aussi un certain support pour être capables d'utiliser, au moins pour un an, l'avoir qu'ils avaient déclaré au moment où ils arrivaient ici.
Moi, comme citoyenne, je trouve ça assez déplorable que des gens qui ont déclaré un certain montant d'argent se retrouvent sur l'aide sociale après deux, trois mois où ils sont ici. Il va falloir trouver un moyen pour que ces gens-là soient très bien orientés au départ pour ne pas que ça se produise, et le désespoir qui entoure ça au niveau des indépendants. Je peux vous dire qu'après cinq mois et demi, comparativement à l'an dernier, on a déjà doublé le nombre d'indépendants qui sont venus s'installer dans la région et qui y restent.
M. Perreault: Mais, d'autre part, compte tenu des caractéristiques politiques et linguistiques de votre région, parce que vous êtes à la frontière de l'Ontario, donc dans un contexte différent évidemment d'autres régions du Québec ? juste de l'autre côté de la rivière, c'est la politique du bilinguisme officiel, de ce côté-ci, c'est la politique de l'unilinguisme, du moins du point de vue de la langue publique ? est-ce que l'objectif de viser à recruter davantage d'immigrants qui ont une certaine connaissance du français vous semble souhaitable ou non, un plus un moins, en termes de capacité de rétention? Comment vous voyez les choses?
Mme Scholtès (Annie-Claude): Moi, je pense que oui. Je pense que oui, d'autant plus que beaucoup de ces francophones-là ont une certaine notion aussi de l'autre langue. À ce moment-là, ils n'essaient pas de s'expatrier en Ontario pour obtenir la formation en anglais. Vous savez qu'on a des gens ? puis je pense que je le décrivais dans le rapport ? qui donnent une fausse adresse, une fois qu'ils ont fini les COFI, la francisation au Québec, qui s'en vont en Ontario avec une adresse du Québec mais qui donnent une adresse en Ontario pour pouvoir profiter du programme ontarien, si bien que ces gens-là étendent leur période, si on veut, je dirais, de végétarisme ? ha, ha, ha! ? de végétation avant de commencer, puis ils s'habituent, à ce moment-là, au travail au noir, ils s'habituent à profiter du système qui leur est offert. Alors, oui, je pense que c'est une bonne optique. D'ailleurs, les nouveaux immigrants qu'on reçoit, indépendants, c'est des gens d'Algérie, du Maroc qui se trouvent, généralement dans les trois, quatre semaines qui suivent, du travail.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, madame.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Bonjour.
Mme Loiselle: Bienvenue à cette commission. Je veux revenir sur le sous-financement parce que la plupart des organismes et des groupes, le Barreau même et le Conseil des relations interculturelles, disent que les organismes communautaires, qui sont la clé de la réussite de l'intégration, de l'accueil des nouveaux arrivants, sont sous-financés actuellement. Et, même si le ministre dit qu'il a fait une correction pour votre région, il semblerait que la correction n'est pas suffisante, parce que, dans votre mémoire, vous parlez qu'ils suffisent à peine à leur survie, que les budgets actuels suffisent à peine à votre survie.
Mais vous suggérez une façon peut-être de financer sur une base différente au ministre. Vous suggérez que le gouvernement accorde une attention particulière ? le financement devrait être accordé en fonction du nombre de personnes à accueillir, tenir compte des proportions de réfugiés comparativement aux clientèles moins lourdes plutôt que sur le nombre de ressources, car le travail doit être fait de toute façon ? et que peut-être ça demande plus de temps. J'aimerais vous entendre davantage sur la suggestion que vous faites au ministre sur sa façon, son mode de financement pour les organismes communautaires.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame, vous avez la parole.
Mme Scholtès (Annie-Claude): D'accord. C'est que, si vous regardez, au niveau des contrats de services ou des protocoles d'entente, ce qui est demandé au niveau, par exemple, d'un revendicateur de statut ou d'un indépendant, dans le fond, une certaine assistance, mais on n'a pas à travailler, au niveau de l'accueil, sur tout le processus d'installation. Vous savez, un réfugié qui arrive est en plus malencontreuse situation, souvent à cause de son vécu, qu'un indépendant. Donc, il fait beaucoup plus appel aux services. Un réfugié peut faire appel aux services, la première année, je dirais peut-être entre 10 et 20 fois, alors qu'un indépendant, une fois qu'on a pu l'aider à s'équiper au niveau logement puis à l'orienter vers les ressources, souvent on ne le revoit plus. Alors, la lourdeur, au niveau des réfugiés, est beaucoup plus grande.
Nous, on a été longtemps que 80 % de notre clientèle était composée de réfugiés. On nous comparait à d'autres régions, par exemple comme Québec à ce moment-là ? Québec a maintenant un quota de réfugiés un peu plus élevé. On identifiait le nombre d'immigrants qui étaient destinés dans des régions pour fixer la subvention. On se disait: Bien, c'est injuste parce que quelque part... Puis, on demandait aux gens: Vous en voyez combien? Ils en voyaient à peu près la moitié à ce moment-là, alors que, nous, on voyait la majorité de la clientèle qui était destinée, et une clientèle beaucoup plus lourde.
Alors, on aimerait, en tout cas, au niveau des subventions éventuelles... Et je ne parle pas, je pense qu'il faut faire attention, nécessairement pour notre organisme, je parle vraiment au niveau régional. Il y a des subventions qui sont données au conseil régional de développement dans les régions. C'est vrai qu'il y a de l'argent qui a été imputé là et qui doit servir à aider à l'immigration, mais, nous, on en voit rarement la couleur au niveau des organismes communautaires. Donc, la portion réelle, au niveau de l'accrédition, c'est vraiment le programme PAI qui est là.
Mme Loiselle: Pour vous, la façon que le mode de financement est fait actuellement, ça fait qu'il y a des iniquités entre les régions finalement.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Oui.
Mme Loiselle: Car le processus n'analyse pas le pourcentage de réfugiés pour lesquels une région doit consacrer peut-être plus de temps pour l'intégration de ces personnes-là.
Mme Scholtès (Annie-Claude): C'est ça, c'est beaucoup plus demandant. Il y a des clientèles plus demandantes que d'autres.
Mme Loiselle: O.K. Je veux vous parler du logement, parce que, quand le maire de Montréal est venu ici, il nous a dit aussi que c'était une problématique à Montréal pour tout ce qui est des demandes dans les HLM. Il y a deux tiers des demandeurs qui sont sur la liste d'attente actuellement pour obtenir un HLM, une unité de logement à prix modique à Montréal, ce sont des immigrants. Dans la région de l'Outaouais, quel est le nombre d'unités ? le savez-vous ? de logement social que vous avez?
Mme Scholtès (Annie-Claude): Je ne pourrais pas vous dire, sauf que...
Le Président (M. Rioux): Mme Scholtès.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Excusez-moi.
Le Président (M. Rioux): Madame.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Dans la région, il y a comme une norme qui est établie, c'est que les immigrants doivent passer au moins un an dans les municipalités avant d'avoir accès aux logements subventionnés. Or, il y a des listes de priorité qui sont faites au niveau de... Si c'est des familles nombreuses, elles passent avant. Généralement, il peut y avoir des temps d'attente dans certains cas d'un an, un an et demi, deux ans. Puis il y a des gens qui sont carrément refusés là parce qu'ils ne répondent pas aux normes de base. Il y a toujours quelqu'un qui va passer devant eux parce que c'est des familles nombreuses ou il y a une personne handicapée ou une personne malade. Donc, c'est ça.
n(14 h 30)nMme Loiselle: Vous disiez qu'il y avait un problème aussi de préjugés. Est-ce que c'est vous qui parliez qu'il y avait un propriétaire qui avait énormément de logements, un grand nombre de logements, mais qui refusait de faire des ententes avec vous quand il s'agissait de personnes...
Mme Scholtès (Annie-Claude): Oui. Récemment, oui, on a eu un problème à Gatineau avec un M. Tassé. C'est un monsieur qui avait ouvert ses portes assez grandes au départ, qui a eu des problèmes avec certains Yougoslaves qui sont partis avant terme, au moment où la rétention était un peu plus précaire chez nous. Depuis ce temps-là, il boude un petit peu notre organisme. Il faut dire aussi que, vous savez, les propriétaires ont beau jeu en ce moment avec ce qui se passe à Ottawa et la facilité avec laquelle on peut remplir les logements. Je vous disais tout à l'heure: Les gens reçoivent 30 à 40 appels pour un logement. C'est sûr que c'est un marché de propriétaires, ce n'est plus un marché de locataires. Alors, on s'aperçoit que les critères sont en train de monter. Le prix des logements est en train de monter. On s'est aperçu la semaine dernière qu'un logement près du cégep, un deux chambres à coucher qu'on a loué, nous, 100 $ de moins l'année précédente, est rendu 100 $ de plus cette année. Alors, c'est ça.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Loiselle: Je reviens, toujours dans la même veine.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Il n'y a pas eu de développement de logements sociaux par exemple.
Mme Loiselle: Il n'y en a pas eu?
Mme Scholtès (Annie-Claude): Non.
Mme Loiselle: O.K. Parce qu'on revient toujours... Parce que plusieurs groupes nous disent: Il faut faire un travail d'éducation au niveau de la population. Il faut faire des campagnes de sensibilisation pour que les gens comprennent l'enrichissement qu'apportent les nouveaux arrivants à la société québécoise. Tantôt, vous avez dit que depuis deux ans vous avez des gens des minorités visibles qui s'installent dans votre région. Vous essayez de trouver des stratégies pour essayer de les attirer vers vos organismes pour créer des liens. Mais le maire de Montréal nous parlait du phénomène de discrimination, particulièrement à Montréal, au niveau des minorités visibles. J'imagine que vous avez ces craintes-là que, éventuellement, le phénomène qui se vit à Montréal se transporte chez vous avec la venue des minorités visibles. Alors, j'imagine que, pour vous, c'est encore plus important de faire une campagne de sensibilisation le plus tôt possible pour atténuer ces préjugés-là dans votre région.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Oui, on est en train de...
Le Président (M. Rioux): Oui, allez-y, madame.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Je m'excuse. On a offert, en accord avec les municipalités ? on a un programme qui va commencer le 28 septembre dans la région ? de Hull et d'Aylmer, à l'intérieur de leur programme culturel, des rendez-vous interculturels avec des gens des minorités de l'Outaouais qu'on a identifiés comme des leaders au niveau de leur communauté ? donc, on a neuf communautés culturelles qui ont été identifiées ? pour attirer des Québécois que l'on ne retrouve pas normalement au niveau de notre clientèle, c'est-à-dire de nos bénévoles de l'organisme. Puis on a une publicité d'ailleurs. Demain, il y a une conférence de presse pour annoncer aussi ces rendez-vous là. Alors, il y a un travail de promotion qu'on est en train de faire de cette façon-là pour aider la société d'accueil à comprendre un peu le phénomène immigrants.
Au niveau de nos Africains francophones, actuellement on n'a pas eu ce rejet-là. À partir du moment où les gens entrent en communication avec eux, puis on établit des liens, on a le programme de jumelage aussi qui fonctionne bien, ça se fait assez bien. Ce qui nous inquiète un petit peu en ce moment, c'est qu'il y a eu beaucoup d'Africains qui ont été accueillis à Ottawa il y a quelques années, avant que le Québec ouvre sa porte au niveau des réfugiés africains, et ces gens-là sont en train de s'installer. Ils ne connaissent pas notre organisme parce qu'ils n'ont pas été référés dès le départ chez nous. Ils sont là depuis un an et demi, deux ans, trois ans, et ils sont en train de s'installer dans des quartiers défavorisés de Hull, et ça, ça nous inquiète un peu parce qu'on n'a pas de moyens d'aller les rejoindre. Alors, on est en train d'essayer d'élaborer un projet avec la police communautaire du quartier pour essayer d'atteindre ces populations-là.
Le Président (M. Rioux): Ça va? Alors, M. le ministre.
M. Perreault: On a eu l'occasion ici de discuter, à la commission, d'autres intervenants qui sont venus, autour de la question de, parfois, certaines difficultés pas nécessairement plus au Québec qu'ailleurs, mais quand même, des difficultés de rétention ? autrement dit, on ne retient pas 100 % des immigrants qu'on reçoit ? et on a discuté de cette question, et il m'est arrivé de dire: Oui, mais il y a peut-être une partie ? compte tenu du contexte politique qui est le nôtre ? de l'immigration qui, dans le fond, ne vient pas au Québec. Elle vient au Canada, elle arrive au Québec, mais ce n'est pas nécessairement son lieu de destination final. Vous évoquez cette question dans votre mémoire, compte tenu de votre proximité d'Ottawa. J'aimerais ça vous en entendre parler un petit peu. Sont-ils nombreux, ces gens-là? Est-ce qu'ils ont une caractéristique qui est commune ou s'il n'y a pas de constante à établir?
Mme Scholtès (Annie-Claude): Ça s'est fait beaucoup au niveau des gens d'ex-Yougoslavie, et la raison est qu'il y avait déjà une population d'ex-Yougoslaves qui s'était établie à London, à Windsor, près de Toronto depuis 20 à 30 ans. Donc, ces gens-là ont des commerces, ils ont des usines, ils sont bien implantés dans le milieu là-bas et ils attiraient les nouveaux Yougoslaves qui arrivaient.
Je peux vous dire que, depuis que l'accès au travail a été plus facile, il y a des gens qui avaient même le projet de partir en Ontario puis qui ont décidé de rester chez nous. Alors, je pense que c'est une tendance qui pourrait être facilement reconduite si les gens sont capables d'accéder au travail et à l'autonomie.
Je pense que, au départ, les gens ne font pas nécessairement la différence entre le Canada et le Québec pour les gens qui sont de l'extérieur. Les gens de France, de Belgique, de Suisse le font plus, c'est des gens qui sont très sensibilisés à ce niveau-là, mais les réfugiés ont choisi plus ou moins le pays qui a bien voulu les accueillir. Bon, on leur a dit le Canada, on leur a dit le Québec, bon, il sont arrivés. Alors, au départ, c'est sûr que le processus d'immigration comme tel, de volonté d'immigration, n'est pas le même chez un réfugié que chez un immigrant indépendant qui choisit, finalement, où il va. Mais je peux vous dire que cette tendance-là semble s'atténuer avec la capacité de trouver du travail.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. Ça va? Oui? Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme Scholtès, merci de votre mémoire. Beaucoup d'éléments très intéressants et qui recoupent aussi ce qui a été dit par...
Le Président (M. Rioux): Parlez plus fort, Mme la députée de La Pinière, on entend mal votre merveilleuse voix.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Très bien. Excusez-moi, M. le Président. Je vais prendre une gorgée d'eau. Ça va mieux?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, ça va.
Mme Houda-Pepin: Très bien. Alors donc, je disais que votre mémoire, par certains aspects, recoupe un peu ce qui a été dit déjà devant nous par d'autres groupes, donc, ça vient appuyer ces éléments-là. Mais il y a quelque chose de spécifique qui ressort de votre mémoire parce que vous êtes dans une région qui est une zone tampon entre, en fait, l'entrée au Québec et l'entrée en Ontario et aussi vous êtes au carrefour de la capitale qui est Ottawa qui a aussi sa spécificité également, qui est une ville internationale de par sa composition, là, je dirais, sociodémographique.
Et vous avez, donc, parlé un peu de ce passage de l'immigration entre votre région et l'Ontario, c'est un peu le phénomène de l'immigration interprovinciale qui joue très fortement chez vous. Et vous avez dit à juste titre que c'est le travail qui demeure le principal incitatif de la stabilisation et de la rétention de l'immigration, ce qui est vrai dans votre cas, ce qui est vrai partout au Québec, même à Montréal; évidemment, les gens y restent parce qu'ils y travaillent. Et moi, j'ai toujours dit que les immigrants vont s'intégrer lorsqu'ils vont trouver du travail, ils vont s'intégrer en français lorsqu'ils travailleront avec les francophones aussi.
Vous avez également soulevé la question du bilinguisme parce que, justement, pour augmenter les chances d'intégration, les immigrants comprennent très rapidement, dans votre région, à cause du contexte du voisinage avec l'Ontario, qu'il faut maîtriser l'anglais. Donc, ils essaient de s'outiller pour mieux se préparer au marché du travail. Cependant, cette nécessité de maîtriser l'anglais n'est pas spécifique à l'Outaouais. J'ai été quand même assez surprise de voir d'autres régions, même des régions éloignées ? qu'on appelle éloignées ? de la métropole, signifier l'importance pour les immigrants de maîtriser une autre langue, notamment l'anglais, dans le cas, par exemple... Aujourd'hui, là, on a entendu la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Québec qui est venue nous dire: Tout en apprenant le français, il est important, pour augmenter les chances d'employabilité, d'apprendre l'anglais. C'est encore plus vrai chez vous, je pense.
n(14 h 40)n Et un des points que vous avez soulevés qui m'intéresse, c'est celui du processus de reconnaissance des acquis. Et là, vous, vous êtes dans une position privilégiée parce que vous pouvez comparer les deux mondes, vous savez comment ça se passe au Québec puis, en même temps, vous savez comment ça se passe en Ontario. Puis si vous permettez, j'aimerais citer votre mémoire, vous dites: «La lenteur du processus pour obtenir la reconnaissance d'acquis au Québec retarde souvent la démarche vers l'emploi ou l'accès à la scolarisation de niveau supérieur[...]. À cause de la proximité ontarienne, les immigrants constatent une plus grande flexibilité et rapidité du processus dans cette dernière province qui les incite, parfois, à adhérer plutôt à cette province pour cet avantage et à quitter leur première société d'accueil.» Est-ce que vous pouvez élaborer sur les différences au niveau du processus de reconnaissance des acquis entre le Québec et l'Ontario?
Le Président (M. Rioux): Mme Scholtès.
Mme Scholtès (Annie-Claude): D'accord. Alors, ce qui nous a été rapporté par les immigrants, c'est que, dans des situations où on ne reconnaissait pas leur diplôme au Québec, quand ils arrivaient à Windsor, London et tout ça, ils arrivaient dans très peu de temps à obtenir cette reconnaissance-là. Moi, je n'ai pas vu les papiers, je cite ce que les gens nous disent. Et c'est un incitatif important.
On a des gens à qui on n'a pas reconnu des diplômes au niveau du baccalauréat et qui occupent des emplois d'ingénieur actuellement en Ontario, alors que c'était pratiquement impossible pour eux. On a un dentiste yougoslave... Je peux peut-être vous donner un ou deux exemples.
Mme Houda-Pepin: Oui, oui, bien sûr.
Mme Scholtès (Annie-Claude): C'est parce que, nous, on est très proches du terrain.
Mme Houda-Pepin: Oui.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Je suis sociologue et démographe, mais là, je suis dans ma peau de directrice d'organisme communautaire. Le monsieur qui était dentiste dans son pays, un dentiste très reconnu de Belgrade, un numéro un à Belgrade, qui est arrivé ici, qui a dû recommencer à la petite école, qui était un vendeur de pizzas pendant cinq ans et qui a trouvé le processus tellement long pour les dernières démarches et tellement difficile au Québec que, finalement, c'est en Ontario qu'il a obtenu son permis, et il pratique au Québec. Il pratique à Hull, il vient d'ouvrir un bureau à Hull. Donc, il semble qu'il a dû faire le choix; c'était moins coûteux et moins long pour lui, et il l'a fait à contre-courant. Il aurait préféré pouvoir le faire au Québec, mais c'était beaucoup plus long, beaucoup plus difficile. Alors, je pense que c'est... C'est des situations que les gens nous rapportent.
Au niveau de la scolarité chez les jeunes, on a eu deux cas qui ont quitté le Québec l'an dernier, dans les écoles, parce que les enfants étaient classés dans des classes d'apprentissage ou des classes de problèmes multiples où on retrouve, vous savez, des enfants qui sont plus ou moins motivés qu'on met dans une classe. Alors, comme ces enfants-là n'arrivaient pas à obtenir les standards des tests qu'on leur passait, ils se sont retrouvés dans des classes d'enfants en difficulté dans les écoles et les parents sont partis en Ontario. Ces enfants-là ont été intégrés en 10e année régulière en Ontario et ont réussi leur année.
Donc, le mot se passe à un moment donné. Alors, c'est pour ça, je pense, qu'il faudrait qu'il y ait une espèce d'arrimage; alors, je parlais de passerelle tout à l'heure. Rien n'est parfait chez nous, rien n'est parfait en Ontario non plus, il doit y avoir des lacunes aussi. Disons que c'est ce que les gens nous rapportent actuellement.
Mme Houda-Pepin: C'est aussi ce qu'on entend sur le terrain, en effet, la difficulté concernant la reconnaissance des acquis, M. le Président, et la reconnaissance des diplômes parfois, même qu'il arrive souvent ? c'est bien que vous l'ayez mentionné, vous avez parlé de l'accès à la scolarisation de niveau supérieur ? que des immigrants arrivent ici avec un bagage assez impressionnant, ils se heurtent aux barrières qu'on connaît au niveau de la reconnaissance de leurs acquis, et là ils vont s'inscrire à l'université en attendant d'avoir ce fameux papier qui va leur permettre d'avoir quelque chose avec lequel ils peuvent se présenter sur le marché du travail. Donc, ils vont faire une scolarité à l'université. Ils présentent les mêmes documents, les mêmes diplômes qu'ils ont obtenus et, à l'université, on leur donne une évaluation supérieure à celle qu'ils obtiennent du ministère de l'immigration. C'est pour vous dire que, même à l'intérieur d'un même système, la même société, on n'a pas le même niveau d'évaluation des acquis, selon qu'on s'adresse au milieu universitaire pour poursuivre des études ou qu'on s'adresse au niveau de l'administration gouvernementale.
Moi, je profite de cette occasion qui nous est donnée pour interpeller le ministre et voir s'il n'y a pas lieu, au ministère de l'Immigration et des Relations avec les citoyens, d'analyser un peu comment fonctionne le modèle ontarien concernant la reconnaissance des acquis et des diplômes, et peut-être qu'il y a quelque chose là qui pourrait nous être utile. Peut-être que, nous, on est plus en avance dans certains domaines, mais ils sont peut-être plus en avance par rapport à nous dans d'autres domaines. À la lumière du témoignage qui nous est donné, je pense qu'il y a lieu de regarder ça très, très, très prochainement.
Le Président (M. Rioux): Sûrement, Mme la députée de La Pinière. J'espère que le ministre aura certainement quelque chose à nous dire là-dessus. Je comprends que les 15-21 ans peuvent avoir des problèmes d'ajustement à la société lorsqu'ils arrivent s'ils sont réfugiés. Mais je pense à de jeunes enfants qui se trouvent dans des classes avec des enfants qui ont des problèmes d'apprentissage ou de comportement alors que c'est des enfants tout à fait corrects et normaux, je trouve, là, qu'il y a un problème. Si tel est le cas, il y a donc un arrimage à faire avec le ministère de l'Éducation pour ne pas que ces enfants-là soient pénalisés. On parle de jeunes enfants, on ne parle pas d'adultes, de très jeunes enfants. D'ailleurs, il n'y a rien de mieux que le processus de l'école pour favoriser l'intégration tout comme le travail en est un pour les adultes, n'est-ce pas?
Alors, M. le ministre, je ne sais... Vous prenez note de ça, j'imagine. Moi, je ne sais pas laquelle...
M. Perreault: Oui. Cela dit, disons la chose suivante: Toute cette question des reconnaissances, je pense qu'il faut la poser en des termes très différents selon qu'on parle, par exemple, d'un jeune qui ne connaît pas la langue, comment il va s'intégrer dans le contexte où on est à Montréal où il y a des écoles d'immersion versus quand on est dans une région où éventuellement ces classes n'existent pas; par rapport à la reconnaissance des diplômes par les ordres professionnels et non pas par nous, compte tenu de ce que sont nos lois. Et ça ne veut pas dire d'ailleurs qu'il n'y a pas des problèmes à ce niveau-là aussi en Ontario. On va vérifier ce que vous avez dit parce que, en principe, par exemple, l'Ordre des architectes est venu nous dire hier que c'est les mêmes règles en Ontario qu'au Québec. Les mêmes règles, les mêmes. Un stage de tant de temps, de tant de semaines puis tel prix à payer pour l'examen.
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'on les applique de la même façon en Ontario puis au Québec?
Mme Houda-Pepin: Exactement...
M. Perreault: Oui, mais... Cela dit, c'est une question qui mérite d'être fouillée. Ça fait partie des raisons pour lesquelles j'ai aboli les 34 restrictions. Ça fait partie des raisons pour lesquelles il existe des comités conjoints avec l'Office des professions du Québec et avec chacune des professions, plusieurs des professions, notamment les dentistes ? vous avez parlé d'un dentiste ? c'est une de celles qui traîne un peu. Je vais le dire comme je le pense: Qui se traîne les pieds. Bon. Alors, on est conscients de ça et je pense que c'est tout à fait pertinent.
Cela dit, il faudrait faire attention cependant. Dans d'autres cas, les gens de l'Ontario viennent nous voir sur notre méthode puis sur nos chiffres puis sur nos approches. Alors, c'est une question qui est complexe, il n'y a pas une situation unique. Mais ce qui est clair, c'est que ça traîne dans le paysage à tort ou à raison et qu'on aurait intérêt à liquider tout ça clairement pour être sûr que... enlever les ambiguïtés.
Le Président (M. Rioux): Il y a peut-être un autre aspect du mémoire de madame qui est intéressant. Je la trouve brave parce qu'elle dit: «Il faudrait reconsidérer à la hausse l'arrivée de réfugiés.» Donc, c'est le scénario 4, si ma mémoire me sert bien, en gros.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Scénario 2.
Le Président (M. Rioux): Le scénario 2. Mais si d'aventure ça se produisait, madame, si on augmentait de façon assez importante le nombre de réfugiés... parce que, vous, vous dites: On a développé une expertise, on a des partenariats. Dans notre région, on deal bien avec ces affaires-là. Mais si le ministère décidait d'ouvrir la machine encore plus grande, est-ce que vous ne risquez pas d'être dépassés par les événements?
Mme Scholtès (Annie-Claude): Non. Moi, j'ai confiance que le ministère va créer les passerelles dont les gens vont avoir besoin et va travailler en concert...
Le Président (M. Rioux): Vous avez la foi.
Mme Scholtès (Annie-Claude): ...avec le ministère de l'Éducation et le ministère... Je pense que c'est ce qui doit être fait. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'on parlait d'approche globale.
Le Président (M. Rioux): Puis, en même temps, vous demandez de l'argent. C'est peut-être ça l'objet de ma question.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Écoutez, j'ai travaillé en communautaire en santé mentale. D'ailleurs, on était pas mal mieux pourvus à ce niveau-là, c'était moins difficile qu'en immigration.
Le Président (M. Rioux): C'est la sociologue en vous qui s'exprime.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, bien, il me reste à vous remercier, ma chère amie.
Mme Scholtès (Annie-Claude): D'accord.
Le Président (M. Rioux): On a été très heureux de vous accueillir.
Mme Scholtès (Annie-Claude): Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Merci. Et le groupe, maintenant, c'est Québec Multi-Plus et Accueil liaison pour arrivants. Mémoire 28.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Mme Iturriaga, c'est portugais?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Non.
Le Président (M. Rioux): Non?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Je suis Mexicaine d'origine et Québécoise d'adoption.
n(14 h 50)nLe Président (M. Rioux): Mexicaine. J'avais pensé que vous étiez Portugaise. Alors, Mme la directrice, qui vous accompagne?
Mme Acosta (Gliceria): Gliceria Acosta.
Le Président (M. Rioux): Gliceria Acosta.
Mme Acosta (Gliceria): Gliceria.
Le Président (M. Rioux): C'est ça. Acosta. Alors, qui nous présente le mémoire?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Ana Luisa.
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Ana Luisa...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Ana Luisa Iturriaga.
Le Président (M. Rioux): Luisa.
Une voix:«Buenas tardes.»Le Président (M. Rioux):«Buenas tardes.» Alors, madame, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre document. Ensuite, les députés auront 20 minutes, pour chacun des partis, pour vous poser des questions.
Une voix: Parfait.
Le Président (M. Rioux): Alors, on vous écoute.
Québec Multi-Plus et Accueil liaison
pour arrivants (ALPA)
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Merci de nous avoir invitées pour présenter notre mémoire. Autant Accueil liaison pour arrivants comme Québec Multi-Plus, nous tenons beaucoup à tout ce qui concerne l'intégration des immigrants et des nouveaux Québécois. Donc, dans notre mémoire, notre scénario qu'on recommande au gouvernement du Québec, c'est le scénario 3 où l'augmentation, c'est 45 000 immigrants, graduellement, par année.
Nous avons opté de faire le mémoire avec des idées que vous avez dégagées pour vous présenter justement le pourquoi de cette augmentation-là. Donc, notre façon de procéder dans notre mémoire, on a voulu vous expliquer, de un, pourquoi nous avons opté pour le scénario 3 et qu'est-ce qu'on voyait qui était déjà fait en travaillant dans le milieu communautaire. Nous sommes conscients qu'il y a une structure d'accueil, d'intégration qui est en place, nous sommes très conscients de ça, mais également il y a certaines lacunes ou certaines barrières qu'on voulait soulever pour que peut-être vous les teniez en considération au niveau de l'augmentation.
Donc, il nous semble très clair, en tant qu'intervenants du milieu, que la politique québécoise doit être claire au niveau du quota et au niveau de ses politiques d'intégration, et ça, parce qu'on est conscients que l'harmonie sociale doit régner au Québec, et on est participants pour la construction d'une société harmonieuse. Donc, l'intégration pour nous, c'est un facteur très important.
Nous voulons quand même souligner quelque chose qui nous semble très important, et j'imagine que vous l'avez entendu tout au long de cette semaine, au niveau de l'information. Accueil liaison pour arrivants travaille beaucoup avec l'accueil, et Québec Multi-Plus, il est un partenaire, dans le sens que, nous, en tant que formateurs, on travaille beaucoup au niveau des attitudes et comportements qu'on doit développer pour mieux s'intégrer. L'organisme ALPA travaille avec la clientèle pour les aider à comprendre la société québécoise et, nous, on travaille pour les aider à mieux acquérir des comportements qui vont aller avec les valeurs québécoises.
On s'est aperçu que, autant dans la société d'accueil qu'au niveau des nouveaux Québécois, des immigrants, il y a des lacunes encore à travailler, et c'est beaucoup au niveau de l'information. La méconnaissance de la population québécoise fait que parfois il y a des incidents dans le quotidien qui rendent assez, je dirais... Le quotidien est difficile pour certains citoyens. Et, dans cette préoccupation-là, il nous semble important de rendre plus connues et plus simples ou vulgarisées, les politiques qui sont méconnues pour l'ensemble de la population québécoise.
Donc, à notre avis, autant il y a un travail qu'on doit réaliser en vue d'un scénario 3, il faut expliquer le pourquoi à la population québécoise et aussi aux gens qui viennent au Québec. Donc, c'est un peu l'esprit de notre mémoire. Tout au long, on va vous expliquer les lacunes qu'on voit.
Nous sommes aussi tout à fait d'accord que l'information pour les nouveaux immigrants, pour les gens qui arrivent, à notre avis, ne doit pas être faite uniquement une fois arrivés au Québec. Il nous semble qu'il y a encore beaucoup de lacunes au niveau de l'information qui est donnée à l'étranger. Je vous donne un exemple que vit continuellement l'ALPA, parce que, eux, ils font l'accueil, mais, nous, on fait la formation et on a entendu souvent les clientèles nous dire... Les clientèles qui arrivent présentement au Québec, c'est des clientèles très qualifiées, scolarisées, francophones, qui vient de pays, soit France, Belgique, Suisse, Maghreb, Algérie, Tunisie, Maroc et d'Afrique francophone évidemment. Donc, ces clientèles-là, c'est des gens qui sont très qualifiés. Le discours ne peut pas être le même qu'on avait dans les années quatre-vingt.
Donc, quand ces personnes arrivent et qu'elles vont commencer à vivre le processus migratoire, elles se heurtent déjà à des difficultés. Une des difficultés ? vous les avez entendues également ? c'est tout le fait de la non-reconnaissance des diplômes. Et, je vous dirais, un qui nous semble très touché dans le mémoire, c'est l'aspect linguistique. Les gens disent: On nous fait venir, on nous dit de parler français, qu'on est bienvenus, on a des diplômes. Ils viennent pleins d'espoir et quand ils arrivent pour passer des entrevues ? je vais vous dire, dans les deux, trois semaines de leur arrivée, ils sont déjà très proactifs pour la recherche d'emploi ? ils vont se heurter à un problème: on leur demande de parler l'anglais, le bilinguisme.
Le monsieur qui vient de l'Algérie est très scolarisé, avec des diplômes en informatique, ou ingénieur en sciences, chimiste, il pourrait tout de suite être très performant au niveau du marché du travail, il ne peut pas aller à son emploi parce qu'on exige de parler l'anglais. On lui explique, notre devoir, c'est de lui expliquer la réalité montréalaise, la réalité du Québec, mais il nous semble que cette information doit être donnée avant que les gens immigrent au Québec parce que ça fait des personnes qui, à force de vivre du rejet, vont être frustrés à la longue. Donc, à notre avis, c'est un premier obstacle pour ces immigrants qui vont venir.
Donc, on dit qu'on a encore beaucoup de travail pour vraiment lever ce genre de barrière. Évidemment, comme on leur explique, la langue commune au Québec, c'est le français. Les entreprises doivent leur demander de parler français. Et l'anglais, c'est toujours facultatif, dépendamment de l'employeur. Mais ce qu'ils nous disent, c'est que ce n'est pas une fois, ce n'est pas deux fois, c'est toujours la règle. Et à force de faire tout ça, ça devient qu'ils sont essoufflés déjà dès les premiers instants de leur arrivée au Québec. Et il ne faut pas le nier, même si on cherche des francophones, des gens très scolarisés... Je donne un autre exemple, les Français qui viennent avec beaucoup, beaucoup d'enthousiasme. Quelques mois après, avec des refus, avec tout le processus migratoire, le choc culturel, ils finissent par repartir, il n'y a rien qui les retient au Québec. Ils sont venus pour réussir et s'ils voient qu'ils vont avoir des difficultés parce qu'il faut reconnaître des diplômes, parce qu'on leur demande l'anglais, bien, veux veux pas, c'est des gens qu'on a de la difficulté à retenir.
Donc, on est conscients de tous ces aspects-là, que le Québec veut absolument aller chercher un certain pourcentage de francophones, mais il nous semble qu'il ne faut pas se centrer, il ne faut pas faire de la question la seule comme barème primordial dans l'immigration. Et là, je pourrais vous citer quand même qu'il y a eu une grande diversification de l'immigration depuis la colonie. Depuis le début de la création du Québec, de cette terre d'accueil, il y a eu des immigrants de toutes origines. Le Québec a toujours su s'enrichir de cette immigration-là. Et on a vu que les gens finissent par parler français, ils finissent par s'intégrer et ils deviennent des citoyens. Donc, c'est bien de cibler le français mais, à notre avis, il ne faut pas s'enfermer uniquement dans ça.
On voulait aussi vous souligner l'aspect que, nous, on veut aussi aider les entreprises québécoises à changer leur oeil sur l'immigration parce que, malheureusement, l'immigration... Par M. et Mme Tout-le-monde et par les employeurs, des fois on entend parler, par exemple, que le ministère soutient des organismes comme l'ALPA qui font de l'intégration socioéconomique. Mais qu'est-ce qui arrive s'il n'y a pas un changement de mentalité au niveau des employeurs? Ils se heurtent encore à d'autres obstacles et, ces obstacles-là, c'est qu'on voit toujours l'immigrant comme un misérable, comme quelqu'un qui vient quêter. Et moi, je vais vous dire, l'actuelle immigration au Québec, c'est des gens très fiers, très fiers de leurs diplômes, très fiers de parler français. Ce n'est pas la même immigration qu'avant. Et quand ils arrivent face à des employeurs qui les traitent un peu comme des quêteux, ça soulève des irritants, ça soulève des situations assez tendues.
Donc, à notre avis, ce n'est pas juste la population qui doit être informée, mais il doit y avoir également, je dirais, un genre d'entente ou des démarches à faire avec les entreprises privées, les employeurs, car eux peut-être sont un petit peu plus en retard au niveau de la compréhension de l'immigration, pourquoi l'augmentation, et ils voient encore dans le milieu communautaire comme une culture... On voit ça comme des revendicateurs: Encore ils viennent nous quêter, encore ils viennent nous dire quoi faire. Ils ne voient pas vraiment qu'il y a une expertise à profiter des milieux communautaires.
n(15 heures)n Parce que, si on regarde un peu, depuis 1992 ? si je ne me trompe pas au niveau des dates ? les organismes communautaires travaillent à l'intégration socioéconomique par le biais du programme PSIE. On a vu des résultats assez intéressants au niveau des stages, au niveau du placement des immigrants, et beaucoup d'entreprises qui ont été assez tolérantes et assez ouvertes ont su profiter, justement, de cette immigration-là. Et pour vous dire qu'on peut ? parce que j'écoutais un peu ce que vous disiez... La différence, un peu, au niveau des entreprises de Toronto et de Montréal, c'est justement cette vision qu'on a, différente, de l'immigration. À Toronto, les entreprises, elles vont voir la diversité comme un atout, un enrichissement. Au Québec, on a encore beaucoup de craintes parce que, comme je vous dis, on a encore une image misérable de l'immigration. À notre avis, même si l'État québécois fait des efforts pour aller chercher des immigrants qualifiés, des immigrants francophones, ces mêmes immigrants vont vivre le rejet, ils vont vivre les mêmes obstacles et donc ça va donner des situations assez problématiques.
On voulait aussi vous parler que, quand les parents de nouveaux immigrants, dans la famille d'adoption, qui arrivent dans la société d'accueil se sentent rejetés, le rejet ? il est fait aussi de la non-occupation de professionnels dans le marché du travail québécois ? fait des générations de frustration. Nous, on avait appelé ça comme ça. Des générations de Québécois d'adoption frustrés. On sait très bien quel genre de problématique ça donne et on ne veut pas s'attarder sur ça, on veut juste vous mettre en garde et dire: Oui, une augmentation, oui, mais il faut travailler à ces aspects-là pour qu'on puisse le dire autant dans le milieu scolaire, autant dans les entreprises que, à travers l'histoire du Québec, le Québec s'est enrichi de ce potentiel humain, de cette force de travail humaine qui est l'immigration.
Donc, comme ça, on pourrait aussi aider notre jeunesse québécoise pluriethnique qui, parfois, éprouve des difficultés, surtout les gens qui sont de minorité visible ou de minorité audible comme moi, qu'on va avoir des difficultés à l'employabilité, des difficultés au logement et des difficultés au niveau aussi social. Et même je dirais politique, parce qu'il faudrait voir plus de députés, plus de citoyens qui s'impliquent dans tous les sphères sociales du Québec.
Donc, il nous semble que, dans ce sens-là, pour qu'il y ait intégration, pour qu'il y ait participation civique, il faut également travailler à aider à l'insertion socioéconomique, oui, mais aussi à créer une véritable appartenance à la société québécoise. Et c'est certain que, si les gens ne se sentent pas prendre place, évidemment, ils vont se sentir toujours comme sur le banc, comme dans une game de hockey, on est toujours sur le banc et on ne peut jamais mettre les patins. Finalement, quand on les met, on les met croche, on ne patine pas bien et on ne joue pas bien, on ne peut pas être à la hauteur de ce qu'on attend de nous. Donc, il nous semble très important de vous dire cette situation-là.
Donc, pour les entreprises. On vous parle beaucoup des entreprises parce qu'on est très conscients que l'intégration passe par l'emploi et par le fait de pouvoir subvenir aux besoins d'une famille. Il nous semble que, dans ce sens-là, l'État a quand même un rôle très fort à jouer et qu'il pourrait y avoir des ententes pour assouplir et ouvrir plus les employeurs québécois qui restent encore très monoethniques. La diversité n'est pas encore très présente dans l'entreprise privée.
Et pourtant ils ont soif de main-d'oeuvre qualifiée. Il y a un besoin énorme et un boum au niveau de certaines professions, au niveau de la technologie au Québec, dans lesquelles il y a place et dans lesquelles les entrepreneurs, de plus en plus, commencent à dire: Du moment qu'on a des bras et des têtes pour travailler, la couleur, l'origine, on commence à s'en passer. Donc, je pense que, si on commence à penser comme ça, on pourrait travailler plus avec les entreprises québécoises pour qu'il y ait plus d'ouverture.
Le Président (M. Rioux): Vous allez vous garder un peu de temps pour nous parler de régionalisation, j'espère.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Oui, j'y arrive. Il me reste combien de minutes? Je m'excuse.
Le Président (M. Rioux): Il vous reste six minutes.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Oui. Pour parler de l'aspect linguistique, c'est quelque chose qui nous semble très clair dans la société québécoise. En connaissant toute la lutte du peuple québécois et en connaissant tout l'aspect historique et en faisant le promotion des valeurs démocratiques, on est très conscients du pourquoi de ce choix de l'État québécois à chercher des francophones. Mais, comme on vous le disait, il ne faut pas oublier qu'il y a des cultures qui peuvent avoir aussi des affinités au niveau culturel, et il ne faut pas les oublier.
Dans ça, on vous a cité l'exemple de beaucoup de gens qui viennent du Maghreb, parce que c'est des gens... comme on vous dit, c'est la crème, comme eux-mêmes se définissent en arrivant. Ils disent: C'est la crème de nos peuples qui sort et qui vient vous offrir son potentiel. Mais, par contre, on s'est aperçu, à travers des formations qu'on fait, que la population a beaucoup de difficulté avec les gens du Maghreb, avec les Arabes en général ? pas juste les gens du Maghreb, mais les Arabes en général. Il fut un temps où, au Québec, on voyait beaucoup la couleur comme un aspect de rejet. Depuis un certain temps, depuis les années quatre-vingt-dix, on s'est aperçu que, dans certaines études, être Arabe, ça devenait comme un fardeau pour la recherche d'emploi. Les gens, des fois, ils sentent que, avant d'aller en entrevue ou même dans leur curriculum vitae, écrire leur nom, ça leur porte également préjudice.
Donc, si on est pour une immigration francophone et qu'on va la chercher en Algérie, en Tunisie, au Maroc, au Liban, etc., il faut tenir en considération tout ce qui peut être des obstacles, pour aider ces gens-là à mieux s'intégrer. Mais travailler...
Le Président (M. Rioux): L'aspect religieux.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): L'aspect religieux, évidemment, également, c'est certain. Mais c'est ça, c'est parce qu'il y a un besoin... Le peuple, la population québécoise, a besoin d'être informé pour être rassuré et pour briser les préjugés. À notre avis, les cultures arabes sont très méconnues, et c'est ça qui fait des tensions. Donc, à notre avis, c'est un travail qu'on devrait faire.
Quand on choisit d'aller chercher un profil, une caractéristique quelconque d'immigrant, il faut voir tout l'enjeu de quoi ça nous exige en tant que terre d'accueil et qu'est-ce que, aussi, on va demander à celui qui accepte de venir. On sait qu'il y a un contrat moral, un contrat que l'immigrant et la société d'accueil ont, mais est-ce que, en pratique, ça se pratique? Et c'est ça qui nous inquiète beaucoup quand on met beaucoup l'emphase sur le fait français. Oui, mais il faut voir tout ce qu'il y a derrière tout ça et quelles mesures qu'on va prendre pour ça. Pour l'aspect linguistique. Bon.
Nous, au niveau de l'accueil, de l'adaptation, on trouve que le Québec est quand même assez avant-gardiste. Parce qu'on a vu dans d'autres pays comment les immigrants arrivent, et, des fois, ils n'ont même pas d'accueil, ils n'ont même pas la structure que le Québec offre aux immigrants. Donc, on peut quand même dire qu'il y a un travail qui a été fait et qui est énorme. Et on ne peut que féliciter l'État québécois pour ce qu'il a fait au niveau de l'accueil des immigrants.
Mais il reste quand même qu'il nous semble qu'au niveau de la vie du quartier il y a beaucoup de travail encore à réaliser entre concitoyens. Des fois, les voisins, chacun est dans son coin, on se méfie de l'autre. Donc, il nous semble que, dans la vie du quartier, dans le voisinage, il y a beaucoup de choses qui n'ont pas été explorées, qu'on est encore pionnier. Peut-être que là l'État québécois pourrait mettre une emphase importante.
Oui, bon, tout le monde vous en parle, de la précarité ? deux minutes; j'arrive à la régionalisation ? au niveau des organismes. Il y a une structure d'accueil. Oui, les organismes se plaignent de la précarité au niveau des subventions. Mais je pense aussi que c'est le fait qu'on a quand même vécu, dans les dernières années, beaucoup de changements dans les politiques, dans les approches. Et, ça aussi, ça apporte beaucoup de confusion peut-être, comme on vous dit encore, sur ce qui est maintenant actuel.
Pour parler régionalisation, il nous semble important de dire, au niveau de la régionalisation, qu'il y a un travail à faire au niveau des structures d'accueil dans les régions. Il y a une expertise qui s'est développée à Montréal. Et je sais bien que, des fois, ce n'est pas toujours... Les gens ne veulent pas que les gens de Montréal aillent dire comment faire dans nos régions. Mais, quand même, il peut y avoir des genres de partenariat qui se développent pour pouvoir trouver des modèles. Et je pense que, pour quelqu'un qui arrive et qui s'établit et qui n'a pas encore de racines à Montréal, qui peut faire ses racines à Chicoutimi, à Rimouski, ce n'est pas un fardeau de penser à la régionalisation s'il a un emploi et s'il a des conditions où il ne se sentira pas rejeté. Je pense que la régionalisation, c'est un choix qui est raisonnable et envisageable pour l'État québécois, aussi en pensant à des mesures qui vont suivre avec une politique de régionalisation.
Parce que le fait de prendre juste les réfugiés, je ne sais pas si vous avez eu des études qui prouvent un peu, mais on entend dire que les gens finissent à Montréal pareil parce que c'est à Montréal que les gens ont un réseau au niveau de leurs compatriotes, au niveau d'une appartenance quelconque. Donc, il nous semble, dans la régionalisation, qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. Et je pense que j'ai fini.
Peut-être juste, dans la conclusion, vous dire que nous croyons que le milieu communautaire a toujours été un milieu professionnel. Il y a une expertise à partager avec tous les intervenants dans l'intégration des immigrants. Donc, peut-être défaire certains préjugés aussi pour qu'on puisse travailler vraiment en partenariat pour l'intégration et développer un sentiment d'appartenance à la société québécoise.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, madame. Alors, un document de cette qualité-là, j'imagine que ça va susciter beaucoup de questions de la part des collègues. Alors, on va donner la parole au ministre.
n(15 h 10)nM. Perreault: Mesdames, bonjour, bienvenue à cette commission. Merci pour avoir fourni cet éclairage à la commission. Première question. Vous avez longuement parlé de la question du français. Vous avez rappelé, avec raison, qu'il est normal que l'État du Québec souhaite, dans ses critères de sélection, se préoccuper de cette dimension des immigrants. En même temps, vous mettez certaines réserves. D'après vous, compte tenu de la connaissance que vous avez ? vous-même vous l'évoquez dans le mémoire ? de l'histoire du Québec, des enjeux du Québec, c'est quoi la proportion d'immigration française que le Québec devrait recevoir chaque année?
Le Président (M. Rioux): Bonne question, hein?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Vous avez mis, dans le scénario 3, si je ne me trompe pas, 51 % environ, 53 %. Moi, ma réponse... C'est difficile à dire. Parce qu'on vous a dit aussi: Il faut voir aussi le niveau, le désir et l'intérêt pour s'adapter.
Je vais vous donner l'exemple de ce qui me touche le plus. Les Latino-Américains ne sont pas d'anciennes immigrations, ils sont arrivés dans les années soixante-dix. On peut dire qu'ils sont relativement bien intégrés au Québec. La plupart parlent français, ils vivent en français. Peut-être parce qu'on a certaines affinités culturelles, on est latins, on a pu avoir plus d'accessibilité à se sentir confortables au Québec.
Mais, dans le cas des Français, d'après ce que j'ai su, de 10 Français, il y en a sept qui retournent en France. Moi, je trouve ça...
Une voix: ...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Non? Il n'y en a pas tant que ça? On me dit qu'il y en a beaucoup qui y retournent.
M. Perreault: Près de 90 % demeurent au Québec.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Des Français qui retournent en France?
M. Perreault: Demeurent au Québec.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Parce que les Français...
Mme Acosta (Gliceria): Mais c'est quand même beaucoup que 20 %, presque 20 %, retournent.
M. Perreault: 10 %.
Le Président (M. Rioux): Alors, à la question de...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): De M. le ministre.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, c'est ça. J'aimerais ça que vous ayez une réponse à ça, si vous en avez une, enfin.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Je comprends le souci de l'État québécois au niveau de l'aspect linguistique...
Mme Acosta (Gliceria): On est d'accord!
Mme Iturriaga (Ana Luisa): ...et je suis une des plus fidèles à travailler au niveau de la francisation, les dossiers de l'utilisation du français, mais je trouve que, parfois, il faut voir aussi l'intérêt de l'adaptation et de l'intégration. Et se mettre des quotas, c'est un peu comme le Programme d'équité en emploi que les entreprises ont de la misère à mettre en pratique. On le met mais, finalement, ils ne font jamais les quotas qu'ils établissent.
Le Président (M. Rioux): Peut-être, Mme Acosta, vous aimeriez ajouter?
Mme Acosta (Gliceria): Oui. Pour moi, ce n'est pas essentiel qu'ils parlent français, parce que, trois mois après, l'immigrant, il parle français si on lui donne vraiment le moyen d'apprendre le français. Pour moi, le plus important, c'est l'intégration. S'il n'est pas capable de comprendre la culture et l'histoire québécoises et de s'intégrer vraiment, qu'est-ce qu'il fait même s'il parle français, même s'il parle anglais? Nous, qu'est-ce qu'on a besoin, c'est des vrais citoyens intégrés à notre société.
Le Président (M. Rioux): Bien. Oui, monsieur.
M. Perreault: Bien, moi, je suis plutôt d'accord avec ce que vous dites. Je suis tellement d'accord avec ce que vous dites qu'on a entrepris une réforme importante au ministère pour mettre l'accent sur l'intégration, dans les quartiers de Montréal notamment. Mais, quand même, je vous signale que, année après année, le Québec accueille, depuis plusieurs années, à toutes fins pratiques, trois personnes sur cinq qui n'ont aucune connaissance du français et, dans les deux autres, il y en a quasiment une et demie qui a à peine une connaissance du français. Par exemple, les ressortissants français que nous accueillons chaque année, contrairement à l'affirmation de votre mémoire, sont à peine en moyenne de 3 000 sur 30 000.
Donc, il faut être conscient que... Et je tenais à vous le souligner, il ne faut pas avoir une fausse perception des orientations du ministère. On continuera toujours à avoir, à toutes fins pratiques, une majorité de gens qui ont ou une non-connaissance du français ou une faible connaissance du français.
Mais vous avez raison de souligner que notamment les gens, ici, des communautés latino-américaines, donc des gens dont la langue est proche du français, se sont très bien intégrés en général au Québec ? très, très bien intégrés en général au Québec ? et vous avez raison de le souligner. Mais il y a d'autres communautés qui sont plus loin du point de vue linguistique et qui ont beaucoup plus de difficultés, et il faut en prendre acte. À partir du moment où il faut choisir ? ceux qu'on ne choisit pas, c'est autre chose ? je pense qu'il faut prendre acte un peu de ça. Alors, je vous le signale, notamment nos bassins de recrutement seront aussi le Mexique et l'Amérique latine, du point de vue français.
Moi, j'ai une deuxième question que je voulais poser, M. le Président. Il me semble, je vais la retrouver. Ah! À la page 14 de votre mémoire, dans les orientations, je pense qu'on s'est mal compris ? j'ai plutôt l'impression qu'on est d'accord l'un et l'autre là ? quand vous dites: «Nous ne sommes pas d'accord sur le seul fait de choisir des professionnels.» Ce qui est dans notre document n'a pas le sens de professionnel au sens des professions: médecin, dentiste, avocat, tout ça, c'est plutôt au sens de la formation professionnelle. Alors, j'ai l'impression qu'on a les mêmes préoccupations.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour et bienvenue. Je veux revenir sur vos propos au niveau de, je reprends vos mots, les craintes des entreprises face à l'apport économique des immigrants. Vous avez parlé de l'image misérable que certains employeurs ont à l'égard de ces personnes, qu'il n'y a pas beaucoup de diversités actuellement dans les entreprises, et vous dites que, bon, il va falloir qu'on fasse sauter ces barrières-là, ces obstacles-là, qu'il va falloir qu'il y ait un engagement peut-être au niveau de faire des campagnes, d'éduquer les entrepreneurs pour qu'ils comprennent bien tout l'apport que ces gens-là peuvent amener au niveau de leur entreprise.
Quand on a rencontré le Conseil du patronat, il nous a parlé d'un sondage qui a été fait auprès des entrepreneurs du Québec, et on a parlé aussi peut-être de la méconnaissance de tout l'enrichissement que les immigrants peuvent apporter aux entreprises du Québec. Le sondage a fait que finalement le Conseil du patronat suggérait de limiter à 10 % la venue de réfugiés au Québec.
Vous, vous dites qu'il faut vraiment faire un travail colossal auprès des entrepreneurs, des propriétaires, des employeurs pour changer un peu la vision qu'ils ont des immigrants. C'est ce que vous dites finalement?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Oui.
Mme Loiselle: Et comment le gouvernement peut amener... De quelle façon? C'est quoi, les avenues que vous suggérez pour essayer de faire sauter ces obstacles-là, ces barrières-là?
Le Président (M. Rioux): Mme Iturriaga.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): C'est certain qu'il doit y avoir des incitatifs. Le ministre avait cité tantôt qu'ils font beaucoup d'efforts au niveau des ordres professionnels dans la non-reconnaissance des diplômes étrangers, etc. Ça, on sait qu'il y a déjà certaines démarches, mais il reste néanmoins que, au niveau du recrutement comme tel, les gens se heurtent à certains perceptions et préjugés que les employeurs ont.
Donc, évidemment, si vous avez vu dans le sondage par le Patronat qu'il y a un besoin d'information, il est évident. Mais il ne faut pas oublier: eux recommandent 10 % de réfugiés, mais, dans les réfugiés ? bien, je ne sais pas si le Québec en reçoit, je pense que non, c'est le fédéral ? il y a des gens aussi qui sont professionnels, qui sont des techniciens, qui ont des diplômes aussi...
Mme Loiselle: Oui, oui.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): ...et qui fuient la guerre, qui fuient des catastrophes et qui fuient toutes sortes de problèmes.
Mme Loiselle: C'est ce qu'on a fait remarquer au Conseil du patronat, que les réfugiés sont scolarisés ? c'est ce que démontrent les statistiques ? et qu'ils demeurent. Le taux de rétention est excellent en ce qui a trait aux réfugiés. C'est ce qu'on leur a fait remarquer, d'où on leur a dit aussi: Il y a peut-être une méconnaissance finalement auprès des entrepreneurs. Moi, je parle plus pas au niveau du recrutement, mais au niveau des entrepreneurs ici. Comment peut-on arriver à ouvrir, qu'ils aient une certaine ouverture, plus que ce qu'ils ont actuellement?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Moi, je vais vous dire: Il y a des entreprises, sur la rive sud, dans la Montérégie, qui ont commencé à... Parce qu'il y a eu beaucoup d'ingénieurs roumains qui sont arrivés dans les années quatre-vingt-dix, et certains ne pouvaient pas professer parce qu'il fallait faire leurs examens, et c'est trois par année, etc., bon. Ça coûte cher aussi, ils n'ont pas toujours les ressources financières pour payer les tests. Finalement, il y a certains employeurs qui ont embauché quand même des ingénieurs tout en laissant signer un autre, mais il faisait le travail d'un ingénieur. Ça peut nous paraître horrible, mais c'est un moyen de l'employeur qui a permis à la personne de travailler. Et, en travaillant, elle pouvait payer ses examens, en travaillant, elle a pu faire partie de l'ordre professionnel, et, en deux, trois ans, cette personne-là est devenue un ingénieur reconnu, intégré, qui a pu être satisfait, parce que finalement il a pu avoir sa place dans la marché du travail. Mais ce n'est pas tous les employeurs qui vont avoir cette souplesse. Moi, j'appelle ça certains arrangements facultatifs qu'on peut proposer aux entreprises pour être ouverts et flexibles.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame.
Mme Acosta (Gliceria): Je peux complémenter aussi?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, allez, madame.
Mme Acosta (Gliceria): C'est très important aussi, la sensibilisation des entreprises. Il faut inviter les entreprises à venir chez nous, rencontrer les immigrants. Il faut faire des colloques ensemble, des forums, il faut faire toute une sensibilisation. Mais ça, on a besoin de subventions, on a besoin de sous.
n(15 h 20)n Aussi, il y a les stages subventionnés. Nous, chez nous, on fait des stages de six mois, et les entreprises sont très contentes. À la fin des stages, elles disent: Mon Dieu, j'ai connu un immigrant! Vraiment, ils sont capables. Ils restent. Presque 90 % des gens qui font les stages restent dans l'entreprise. Mais il faut donner l'opportunité à l'entreprise de connaître...
Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, ça va pour tout de suite ou bien si vous voulez...
Mme Loiselle: Non, je vais... Juste un petit peu.
Le Président (M. Rioux): Vous avez une additionnelle?
Mme Loiselle: Oui. Vous, vous faites déjà des efforts pour, justement, amener les entreprises, en tant qu'organisme, chez vous.
Mme Acosta (Gliceria): Oui.
Mme Loiselle: Bravo! Est-ce que, au niveau du ministère, on ne devrait pas mettre en place un programme pour... Ça existe déjà?
M. Perreault: On les subventionne.
Mme Loiselle: Qui vous subventionnez? Les entreprises? Les organismes!
Mme Acosta (Gliceria): Ha, ha, ha!
Mme Loiselle: Vous ne les subventionnez pas assez, alors...
Mme Acosta (Gliceria): Oui, on est subventionné dans les programmes aussi, mais pas directement pour...
Mme Loiselle: Il ne faut pas vous vanter de les subventionner, c'est une question de survie pour les organismes communautaires.
Le Président (M. Rioux): Alors là on a...
Mme Loiselle: Mais est-ce qu'il n'y aurait pas...
Le Président (M. Rioux): On a un dialogue triangulaire. C'est assez embêtant, là.
Mme Acosta (Gliceria): Ce serait formidable si on avait une subvention à part pour ça. Il y a tout un travail à faire.
Mme Loiselle: Mais est-ce que le ministère, de sa part...
Le Président (M. Rioux): Alors, moi, j'aimerais que la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne pose sa question.
Mme Acosta (Gliceria): O.K.
Le Président (M. Rioux): Alors, ne répondez pas tout de suite, ni le ministre, là...
Mme Loiselle: Mais c'est ça, c'est le ministre qui m'a interpellée.
Le Président (M. Rioux): ...elle va terminer sa question, puis, après ça, on lui répondra.
Mme Acosta (Gliceria): O.K.
Mme Loiselle: Vous, vous faites votre part à cet égard-là, mais est-ce que le ministère, de son côté, ne devrait pas lui aussi faire une démarche auprès des entreprises pour amener à les sensibiliser et à les ouvrir davantage au niveau... Est-ce que ça ne serait pas...
Le Président (M. Rioux): Mme Acosta.
Mme Acosta (Gliceria): Justement, c'est ça qui est demandé, et c'est très important.
Le Président (M. Rioux): O.K.
Mme Acosta (Gliceria): Oui?
Mme Loiselle: Oui.
Le Président (M. Rioux): Ça va?
Mme Loiselle: Merci.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. «Muy buenas tardes, señoras.»Mme Acosta (Gliceria): Ah! «Habla espanol!»
M. Dion: Ha, ha, ha! Ça a été très intéressant de vous écouter, de même que de prendre connaissance de votre rapport. Votre document est très intéressant, très nourrissant. Je vous avoue que je suis très sensible aux observations que vous avez faites concernant la connaissance préalable du français comme exigence pour être immigrant. Quoique ce ne soit pas une exigence, mais c'est une orientation qui fait l'objet de beaucoup de réflexions dans nos consultations. C'est sûr que le fait de connaître la langue, c'est un atout évident. Mais souvent il reste que les Québécois se sentent aussi près d'un Latino-Américain que de quelqu'un d'un autre pays qui parle français. Donc, la question de l'adaptation et de l'intégration, c'est quelque chose de très complexe. Et la culture, c'est une chose, la langue, c'est l'autre, bien que la langue soit le véhicule privilégié de la culture.
Quoi qu'il en soit, vous avez parlé, par exemple... Je vois la page 13 de votre document où vous dites: Les gens vont en région, mais souvent, après un certain temps, ils retournent à Montréal. «Pourquoi? Sans doute à cause de l'attitude et du comportement de la population, qui laissent entrevoir certains rejets» et parce qu'il manque de réseaux communautaires. Alors, s'il manque de réseaux communautaires, d'une communauté d'accueil, ça, c'est un élément d'intégration qui est très bien identifié, donc on peut apporter une solution à un problème précis.
Par contre, vous pointez la mentalité des gens en région qui seraient peut-être plus ou moins réfractaires à l'arrivée d'immigrants. Je sais que c'est toujours difficile de parler de ces choses-là, mais je pense qu'on est là pour essayer de réfléchir ensemble et de trouver des solutions. Je pense que tout le monde cherche à trouver des solutions à des choses parfois qui sont difficiles à décrire. Alors, j'aimerais ça que vous nous expliquiez un petit peu plus comment ça se passe.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Abrégeons: Comment on doit faire l'adaptation et l'accueil?
M. Dion: Comment ça se passe et comment est-ce que les nouveaux arrivés se sentent un peu rejetés dans les régions, c'est-à-dire ne se sentent pas vraiment accueillis?
M. Iturriaga (Ana Luisa): Moi, j'ai immigré au Québec, je suis arrivée à Charlemagne. Et pourtant ce n'est pas...
M. Dion: Pas très loin.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): ...loin, loin, loin de Montréal. Moi, je peux vous dire: On sent le rejet, on se sent comme un extraterrestre qui vient d'arriver, et on dirait qu'on ne comprend pas du tout qu'est-ce qu'il veut et on ne peut même pas se faire exprimer. Charlemagne, c'est à 20 minutes du centre-ville de Montréal, et l'attitude était très hermétique, par la «malinformation» que les gens peuvent avoir. Moi, c'est sûr, je viens du Mexique, les gens, ils se demandent toutes sortes de questions. Le Mexique, c'est quand même un lieu que les gens connaissent bien. Les Québécois, ils fréquentent le Mexique, c'est un... Mais je me demande, si je venais du Maroc ou si je venais de l'Algérie, comment j'aurais été encore accueillie. Ça aurait été encore peut-être difficile.
Moi, je vais vous dire, il y a des attitudes quotidiennes. Quand vous allez chez Zellers à Repentigny et que la caissière vous pitche la monnaie parce que vous n'avez pas la couleur de la majorité et parce que vous essayez de parler français... Et on ne voit pas l'effort que l'immigrant fait pour parler le français, on voit juste qu'il massacre la langue. Et ça nous énerve, parce que c'est la seule qu'on a dans l'environnement. On ne pense pas de dire: Il fait un effort; il est venu ici et il fait son effort d'étirer la main.
Une voix: Il te répond en anglais.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Oui, il répond toujours en anglais, c'est vrai. Des fois, quand on a de la difficulté à parler français, les gens vont parler en anglais, et on dit: «No, I don't speak English.» Ah! Ils continuent encore, et ça, même des bureaucrates. Même quand on téléphone pour des services au gouvernement, quand on a un accent, du moment qu'on a un accent, on va vous parler en anglais, automatiquement. J'ai déjà appelé pour... j'étais en maternité...
Le Président (M. Rioux): Encore aujourd'hui?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Encore aujourd'hui. Moi, j'ai déjà appelé... Comment on appelle? Quand on vient d'avoir un enfant, il fallait appeler à Québec pour avoir un chèque. J'ai demandé un formulaire... Parce que maintenant ça marche au gouvernement par des téléphonistes. Ça peut être une préposée qui est à Québec, à la ville de Québec, ou à Chicoutimi, je ne sais pas, et cette personne-là n'a pas l'habitude de dealer quotidiennement avec les accents et avec la diversité. Et qu'est-ce qu'elle a fait? Elle m'a envoyé le formulaire en anglais. Et, moi, je ne parle pas l'anglais. Je ne comprends pas l'anglais.
Le Président (M. Rioux): Madame...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Donc, pour les régions, je pense qu'il faut voir deux choses. Quand vous parlez de l'aspect communautaire, peut-être que, nous, au Québec, on a un peu, je dirais, la phobie du multiculturalisme canadien. Je le comprends très bien, je connais les deux idéologies, mais il ne faut pas non plus nier que la communauté, dans un premier temps, pour aider les nouveaux arrivants, est un tremplin pour l'intégration, parce que ça donne un coup de pouce. Malheureusement, c'est vrai il y a des individus qui s'accrochent et qui ne veulent pas prendre leur envol. Ça, je vous donne tout à fait raison. Mais je pense que le milieu, les gens de certains groupes sont importants dans ce sens-là et c'est pour ça peut-être que les gens reviennent à Montréal, parce qu'ils sentent le besoin d'appartenance.
Le Président (M. Rioux): Je voudrais clarifier une chose, Mme Iturriaga.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Oui.
Le Président (M. Rioux): Vous dites que vous appelez ou que des gens de votre communauté ou de n'importe quelle communauté appellent dans l'appareil de l'État, et, si on sent que ce ne sont pas des tricotés serrés de Québécois, spontanément les gens vont vous répondre en anglais.
Des voix: Oui.
Le Président (M. Rioux): Bien, c'est plus colonisé que je pensais.
Des voix: Oui.
Le Président (M. Rioux): C'est pas mal plus colonisé que je pensais.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Il faut être «audible» pour le vivre. Ça, c'est vrai.
M. Dion: M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Comme disait mon père, c'est le boutte du boutte.
M. Dion: Peut-être que le problème vient du fait que, comme au Québec, la plupart des gens parlent français, alors les fonctionnaires qui ont appris l'anglais ont très peu d'occasion de le pratiquer. Alors donc, dès qu'ils ont une chance, ils le pratiquent.
Une voix: Non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dion: Mais j'aimerais quand même...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Non, il manque l'information et la sensibilisation.
M. Dion: Est-ce que je peux ajouter un petit...
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, allez, monsieur.
Mme Acosta (Gliceria): Mais je pourrais vous compléter aussi. Il faut regarder aussi de la part de l'immigrant. Il part aussi parce que c'est sa communauté qui n'est pas là, c'est sa nourriture qu'il ne peut pas trouver là, c'est son église qu'il ne peut pas trouver là. Alors, c'est pour ça qu'ils viennent aussi à Montréal.
M. Dion: Oui. Alors, vous avez déjà avancé certaines hypothèses je pense de ce qui pourrait se faire dans les communautés pour avoir un milieu d'accueil plus chaleureux et plus compréhensif, je pense, pour les immigrants. Vous avez parlé de ça un peu tout à l'heure. J'aimerais seulement vous poser une question: Est-ce qu'il vous est arrivé souvent d'inviter certains Québécois à aller causer avec vos communautés à Montréal, dans vos réunions, vos fêtes, et ces choses-là, exposer leur vision du Québec, et tout ça?
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Là, je vais vous parler en tant que directrice et pas en tant que personne, parce que, moi, je représente un organisme qui n'est pas latino-américain. Et d'ailleurs, je refuse de travailler juste avec des Latino-Américains. Moi, je suis citoyenne du Québec depuis 18 ans et je suis très fière de m'être intégrée et de participer à la vie politique, sociale, économique. Donc, nous, à Québec Multi-Plus et je pense qu'à l'ALPA...
Mme Acosta (Gliceria): ...c'est un peu la même chose...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): ...on ne travaille pas avec les Latinos. On vous a donné l'exemple qui nous est proche, mais c'est certain qu'il y en a, des Marocains, des Algériens, qui vivent la même situation, parce qu'ils ont un accent pareil, même s'ils sont francophones, même les Français de France.
O.K.? Il est évident qu'il y a des structures déjà en place. Le MRCI, il travaille depuis des années. Il y a des projets subventionnés par l'État pour les rapprochements, pour que les gens se rencontrent dans le social. Ça n'a pas toujours les résultats qu'on aimerait. Ça, on est certains. Des fois, les Québécois d'origine ne sont pas toujours présents dans les activités. C'est un peu sur ça qu'il faut mettre l'emphase.
n(15 h 30)n C'est pour ça que, quand je vous parlais du voisinage... Moi, je demeure à Saint-Hubert sur la rive sud, et je vais vous dire quelque chose: Quand je prends l'autobus, elle est diversifiée. Il y a des... La majorité est québécoise, mais on a beaucoup de Québécois d'adoption qui commencent à aller vers la banlieue. Donc, c'est qu'il y a une ouverture dans certains lieux proches de Montréal. Aussi, les gens dont ça fait un bon temps qu'ils sont au Québec finissent par trouver leur place et ils commencent aussi à progresser. Comme les Québécois, ils peuvent aller en banlieue.
Vous me demandez au niveau de l'accueil. La communauté comme telle est essentielle dans les premiers temps pour faire les petits pas, comme un petit bébé, là, qu'il faut aider à marcher. Une fois que la personne marche, il faut qu'elle commence à faire ses activités sociales. Et je pense que, dans ce sens-là, on n'a rien à critiquer au niveau de la politique québécoise qui tend pour la citoyenneté.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): On est tout à fait d'accord.
Le Président (M. Rioux): C'est bon.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Mais il y a du travail dans le quotidien, dans le voisinage.
Mme Acosta (Gliceria): Et dans les organismes.
Le Président (M. Rioux): Mais ça n'exclut pas, M. le député de Saint-Hyacinthe, que vous pourrez quand même aller faire un tour dans la communauté latino-américaine. Vous y êtes très à l'aise, d'ailleurs.
M. Dion: J'attends une invitation, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Mais vous avez remarqué que nous avons un problème... On parlait des minorités visibles, mais il y a des parlures visibles, hein? Madame disait: Même un Français. Même un Français a un problème parce que, bon, il y a une question d'accent. Alors, nous allons un peu aller du côté de Mme la députée de La Pinière, qui, elle, a un excellent accent.
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président.
Mme Acosta (Gliceria): Oui, on le connaît.
Mme Houda-Pepin: Alors, je voudrais vous saluer, Mme Iturriaga et Mme Acosta. Je voudrais aussi saluer le travail que vous faites dans vos deux organismes respectifs. L'ALPA est certainement une référence en matière d'accueil, parce que vous êtes un organisme de première ligne.
Mme Acosta (Gliceria): Dix-huit ans.
Mme Houda-Pepin: Bien oui, c'est ça, exactement, 18 ans. Félicitations! Et Québec multiplie ce... D'abord, je voudrais souligner que c'est un organisme qui a démarré avec des jeunes. Je présume que vous êtes toujours aussi jeunes... Vous gardez le dynamisme, en tout cas, dans la formation interculturelle qui est votre spécificité. Donc, M. le Président, on a les deux côtés: on a les gens qui accueillent puis on a les gens qui interviennent au niveau de l'adaptation institutionnelle et au niveau de la formation, de la lutte aux préjugés, au racisme, etc. Donc, c'est très intéressant d'avoir ces deux perspectives-là.
Dans votre mémoire, vous avez dit que, oui, vous êtes favorables à l'immigration francophone mais qu'il faudrait reconnaître que cette immigration a aussi des besoins qui ne sont pas pris en charge, et que vous n'êtes pas nécessairement fermés à l'immigration non francophone, parce que les gens, une fois arrivés, si on leur donne un bon service et des services d'accueil et de francisation, ils vont s'adapter rapidement.
Je voudrais m'arrêter plus particulièrement sur l'immigration francophone. Mme Iturriaga, vous avez dressé le portrait en disant que c'est une immigration qui arrive avec des qualifications, le profil a changé, les gens ont des attentes élevées, et finalement, bon, d'une part, ils réalisent qu'ils sont handicapés s'ils ne parlent pas l'anglais, donc il faut absolument l'apprendre, et, deuxièmement, une fois qu'ils l'ont appris, la bataille à l'accès au marché du travail demeure entière. Quels sont les services qu'on devrait mettre de l'avant spécifiquement pour cette immigration francophone qu'on souhaite tant, qu'on veut tellement avoir et qui n'existe pas actuellement? Parce qu'on leur donne déjà une session d'information au ministère à leur arrivée, ils partent avec des documents, etc. Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant ou s'il faut faire plus? Et qu'est-ce qu'il faut faire?
Mme Acosta (Gliceria): La formation? C'est à toi?
Le Président (M. Rioux): Laquelle répond, là?
Mme Acosta (Gliceria): Bon, elle hésite.
Le Président (M. Rioux): Acosta. Mme Acosta.
Mme Acosta (Gliceria): Non, c'est parce que la formation que donne le ministère, c'est trois jours ou une semaine, ce n'est pas assez suffisant. Ils finissent par venir toujours chez nous après, même les agents les envoient chez nous, et on va complémenter la formation. Et justement, c'est ça qui... On appelle Ana pour qu'ils viennent compléter chez nous la formation...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): O.K. Moi, je vais vous dire: une des frustrations qui est souvent soulevée par l'aspect linguistique, c'est que ce sont des gens qui parlent français, donc ils ont été choisis parce qu'ils parlent français, ils sont qualifiés, ils ont le métier dont le marché de l'emploi a besoin, mais ? qu'est-ce qu'ils nous disent ? en sachant, justement, que les entreprises exigent le bilinguisme, pourquoi pas leur donner des cours d'anglais?
Moi, mes cheveux ont dressé un peu, parce que je sais la politique du gouvernement du Québec, et je leur expliquais que l'on allait l'exprimer quand on présenterait le mémoire, que, pour justement ces populations qui sont francophones, l'instrument de l'anglais est un plus pour eux. Et il y en a qui parlent anglais, qui sont bilingues, parfaitement bilingues. Mais il y en a d'autres qui ne le maîtrisent pas.
Et l'exemple que je vous donne, c'est un monsieur qui est Algérien, qui est informaticien, qui était très fier de lui et, finalement, il a été bien déçu, je dirais même frustré. Il m'a dit qu'il était confus seulement. Moi, j'ai dit: Je vous sens frustré. Il m'a dit: Oui, je suis frustré. Et j'ai expliqué: Écoutez, les Québécois aussi sont frustrés, ça fait 300 ans. Parce que dans leur propre ville, ça fait... Il faut qu'ils parlent anglais pour travailler aussi. Ils ne sont pas immigrants, là, ils sont des Québécois dans leurs propres terres. Il faut qu'ils parlent anglais parfois. Et, il ne faut pas le nier, il y a des Québécois qui vivent cette situation aussi. Il y a des Québécois qui ne peuvent pas avoir un avancement professionnel parce qu'ils ne sont pas bilingues, même trilingues à Montréal.
Donc, pour vous répondre, c'est vrai que c'est un besoin, mais, dans ce sens-là, je ne veux pas que les gens pensent qu'on va faire des discriminations. Avant, on donnait l'anglais et le français, je sais, mais je ne sais pas si le ministère serait prêt pour certains professionnels qui pourraient avoir des emplois en informatique... Nous, on fait dans le moment une étude. Je vous dis: Il y en a, du travail, elles s'en vont chercher à l'étranger la main-d'oeuvre, les entreprises. Même en Indonésie. Partout où il y a la personne dont elles ont besoin. Elles-mêmes la font venir.
Donc, moi, je me dis: Si, pour rendre plus opérationnelle cette personne-là, on peut offrir une immersion en anglais au niveau de quelques semaines en anglais, je ne sais pas si on est prêt à faire certains arrangements avec certains francophones qui viennent du Maghreb.
Mme Acosta (Gliceria): Dans ça, je ne suis pas d'accord avec Ana.
Mme Houda-Pepin: Mais juste un instant.
Le Président (M. Rioux): Bien, c'est intéressant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Juste un instant! Ma question ne s'adressait pas nécessairement...
Le Président (M. Rioux): On va donner la chance à madame d'exprimer son désaccord.
Mme Houda-Pepin: Alors, si vous me permettez, je vais lui donner la chance immédiatement.
Le Président (M. Rioux): Ah! Très bien.
Mme Houda-Pepin: Ma question n'était pas nécessairement en rapport avec les services linguistiques mais avec les services d'accompagnement, d'intégration sur le marché du travail. On a une immigration francophone qualifiée, elle arrive et elle se heurte aux barrières du marché du travail. Est-ce qu'on peut offrir quelque chose de spécifique, une mesure d'accompagnement spécifique pour cette immigration-là qui est tant recherchée mais qui a de la difficulté à s'intégrer?
Le Président (M. Rioux): Mme Acosta.
Mme Acosta (Gliceria): Actuellement, ces gens-là l'ont tous. On est vraiment subventionné par le ministère pour accompagner. Il y a 30, 40 organismes qui font ce travail-là. Ça, on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas bien accompagnés dans ça. Mais l'anglais...
Le Président (M. Rioux): Oui, pour répondre à... Oui, voilà, c'est ça.
Mme Acosta (Gliceria): L'anglais, je ne suis pas d'accord que le ministère dépense de l'argent à leur donner des cours d'anglais, à ces gens-là. Ils sont déjà choisis parce qu'ils parlaient français, parce qu'ils sont des professionnels. S'ils veulent des cours d'anglais, qu'ils se les prennent eux-mêmes après qu'ils vont travailler.
Le Président (M. Rioux): Alors, voilà...
Mme Iturriaga (Ana Luisa): C'est un paradoxe justement de l'aspect linguistique à Montréal.
Le Président (M. Rioux): O.K. Êtes-vous en train de vous réconcilier, vous deux, là?
Mme Acosta (Gliceria): Ah, non, non.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): On travaille ensemble.
Mme Acosta (Gliceria): On travaille ensemble et ça marche très bien.
Le Président (M. Rioux): Ça va, oui? Très bien. Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: J'ai au moins réussi ce tour de force là, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Est-ce que j'ai un peu de temps pour une autre question?
Le Président (M. Rioux): Oui, une rapide, par exemple.
Mme Houda-Pepin: D'accord, une rapide.
Le Président (M. Rioux): Petite rapide.
Mme Houda-Pepin: Oui, merci.
Mme Acosta (Gliceria): Mais c'est sûr que le ministère donne déjà l'argent pour les intégrer, mais s'il donnait plus justement pour l'employabilité... Si, moi, j'avais plus d'argent, je pourrais faire plus encore pour sensibiliser les entreprises, pour faire des stages, pour intégrer plus rapidement.
Mme Houda-Pepin: On a compris.
Une voix: C'est ça, c'est ça. Exact.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Oui, c'est ça.
Le Président (M. Rioux): On va donner la chance à la députée de La Pinière de poser sa petite question rapide.
Mme Houda-Pepin: Justement, c'était en rapport avec ce que vous soulevez. Compte tenu que les programmes d'insertion au marché du travail sont très importants ? parce que, vous l'avez très bien dit, c'est par le travail qu'on réussit à s'intégrer ? si on vous donnait les ressources, certainement que vous allez avoir des performances encore plus élevées dans l'intégration. Mais je voudrais vous entendre, Mme Iturriaga, sur la question de la discrimination, des perceptions. Je sais que vous avez une expertise dans la sensibilisation interculturelle des entreprises, vous oeuvrez aussi avec les entreprises publiques et parapubliques. Puis vous avez parlé de la discrimination à l'égard de certaines catégories d'immigrants. Vous avez mentionné les gens de couleur, de race noire et autres, vous avez mentionné aussi les gens d'origine arabe ou perçus comme tels, quelles sont les difficultés que ces gens-là rencontrent plus spécifiquement et auxquelles on doit s'adresser?
Le Président (M. Rioux): Mme Iturriaga.
Mme Iturriaga (Ana Luisa): Dans ce sens-là, moi, je vais vous dire: En tant que formatrice, moi, je trouve que dans le milieu des entreprises, je dirais même dans les paliers des ministères ? à part le ministère des Relations avec les citoyens ? la question de l'immigration... Et d'ailleurs j'imagine que même les fonctionnaires se heurtent au même problème, que, dès qu'on parle d'immigration, on renvoit toujours au MRCI. Je pense qu'il y a très peu de responsabilité dans des paliers gouvernementaux dans lesquels il devrait y avoir une plus grande ouverture.
D'ailleurs, si le ministère de l'Emploi soutenait également le MRCI et qu'il n'envoyait pas toujours au même programme, on aurait beaucoup plus un carrefour qui travaillerait pour l'insertion. Et je pense même que les entreprises, par le ministère de l'Emploi, elles ont du financement pour pouvoir faire l'embauche de certaines populations marginalisées.
n(15 h 40)n Dans ce sens-là, elle est réelle, la problématique, surtout à Montréal ? c'est surtout montréalais ? que les Noirs en général, les Latinos, les Asiatiques et les Arabes ont des difficultés à l'emploi. Là, on parle quasiment de la planète, hein? Sauf les Européens, ils n'ont pas de problèmes à l'emploi. Donc, il existe encore des idées erronées, des préjugés dans les entreprises dans lesquelles on va se méfier d'une telle ethnie parce qu'ils sont comme ça, on va se méfier de telle ethnie parce qu'ils sont comme ça, et on n'a pas pensé beaucoup au niveau de l'entreprise privée.
Il y a du travail à réaliser et, dans ce sens-là, je sais qu'il y a un programme que le ministère également finance, je ne sais pas l'impact, peut-être que je devrais m'informer plus au niveau du PAE pour savoir qu'est-ce qu'elles font vraiment, les entreprises. Vraiment, il n'y a pas un partenariat. Les entreprises ne savent pas qu'est-ce qu'il fait, le milieu communautaire. Elles ne savent même pas qu'elles ont des banques de candidats, elles ne savent pas que les immigrants, il y en a des qualifiés et qu'ils ont un potentiel professionnel et technique et de main-d'oeuvre. Donc, toute cette méconnaissance tend qu'on ne peut pas mettre l'effort à la bonne place.
Et donc, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on vous disait: Si, dans le plan d'action, au niveau de l'augmentation, il y a des mesures concrètes et quotidiennes, à notre avis... Nous, on ne voulait pas parler toujours des subventions parce qu'on sait que vous êtes tannés qu'on vous parle toujours d'argent. Mais il faut quand même dire: Il faut une structure pour le travail et une structure professionnelle. Moi, je pense que l'expertise qu'il y a dans les organismes sans but lucratif est réelle mais boudée par le gouvernement ? excusez-moi, parce que c'est ça qu'on me dit ? et les entreprises. Des fois, quand on va pour faire des soumissions, nous, de formation, ils vont préférer embaucher des consultants privés parce que c'est professionnel, et le milieu communautaire, c'est encore revendicateur, c'est encore militantiste, quoi.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Je voulais dire à nos invités que, si parfois ils sentent qu'ils peuvent à l'occasion manquer de ressources, même le ministre à l'occasion, ça lui arrive de trouver qu'il manque de ressources pour atteindre des objectifs. Cela dit, il y a quand même des sommes importantes qui sont mises.
Moi, je veux juste rajouter une idée qui a été soulevée et qui s'appelle: Comment s'assurer que l'ensemble des ministères ait cette préoccupation de l'immigration, de l'intégration à ces programmes. Juste rappeler que la décentralisation du ministère sur l'île de Montréal par carrefours d'intégration, la création des tables de partenaires, l'obligation d'asseoir au plan local les gens du CLE, les gens du ministère de l'Emploi et de la Main-d'oeuvre, les gens de l'Éducation, les gens des Affaires culturelles, va, à la base, à mon avis, forcer cette logique d'intervention. Je tenais à le dire.
J'ai pris bonne note de vos commentaires sur le fait que l'État québécois, du moins dans la réaction de ses fonctionnaires de première ligne, a tendance à répondre en anglais dès qu'ils entendent un accent un peu différent du Québec. Je dois vous dire que j'ai souvent eu l'occasion de soulever cette problématique au Conseil des ministres; je vais la resoulever.
Je voudrais vous dire également comme dernier point que je crois que le problème que vous soulevez, qui est juste de donner aux gens qui s'en viennent ici une information exacte sur la situation du Québec, notamment quant aux problèmes de l'anglais en milieu de travail... Cependant, je pense que la réelle solution ? il ne s'agit pas de placer quelqu'un dans une situation embêtante ? il faut la trouver dans le cadre de cette rencontre qu'il y aura sur les états généraux sur la langue française. Il y a plus de 90 % des gens au Québec qui n'ont jamais, dans leur travail, à dire un seul mot d'anglais. C'est quand même ça, la réalité. Alors, pourquoi forcer les gens à connaître la langue? Il y a des postes, c'est évident, il y a des interfaces avec l'étranger, mais il n'y a pas de raison qu'on travaille en informatique en anglais. Il faut se battre pour travailler en français en informatique. Il n'y a pas de raison pour qu'on travaille en sciences en anglais. Il y a évidemment une pression très forte, internationale, à ça. On doit se battre pour ça et non pas... Donc, il faut bien identifier le problème. Cela dit, il y a une partie des gens, oui, qui auront à communiquer en anglais, parce que l'anglais, c'est la langue internationale de communication. Ça, c'est évident.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté de l'opposition? Ça va? Alors, merci beaucoup, mesdames. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaulne): Messieurs, bienvenue à la commission. Nous vous demandons de vous identifier pour les fins des transcriptions. Vous aurez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire, et puis, par la suite, mes collègues pourront échanger avec vous. Alors, la parole est à vous.
Services d'orientation et d'intégration
au travail de Québec inc. (SOIT Québec)
M. Laperrière (André): Alors, nous sommes les représentants du SOIT, c'est-à-dire des Services d'orientation et d'intégration au travail de Québec. Mon nom est André Laperrière, et je suis président du conseil d'administration du SOIT.
M. Touré (Babakar-Pierre): Mon nom est Babakar-Pierre Touré, je suis le directeur général de SOIT Québec.
Le Président (M. Beaulne): Merci.
M. Laperrière (André): Je peux y aller?
Le Président (M. Beaulne): Oui.
M. Laperrière (André): Merci, M. le Président. Alors, nous sommes honorés d'avoir été invités à venir présenter notre mémoire devant la commission. Je voulais avoir un petit mot drôle en partant, et le fait que M. Rioux ait quitté m'en empêche un petit peu. Parce que je viens de voir sur la photo de l'Assemblée nationale que M. Rioux et M. Perreault sont côte à côte, et je me demandais s'ils étaient toujours côte à côte comme cela. Ha, ha, ha!
Mme Loiselle: Pas tout le temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Loiselle: Pas tout le temps.
M. Perreault: On est tous du même parti.
M. Laperrière (André): Voilà. Ha, ha, ha! Alors, comme je l'ai dit, mon nom est André Laperrière et je préside au conseil d'administration du SOIT, c'est-à-dire Services d'orientation et d'intégration au travail de Québec.
Nos services ? dois-je le préciser ? sont rendus exclusivement aux immigrants. Je suis accompagné, comme vous le savez, de M. Pierre-Babakar Touré qui est notre directeur général. Lui-même est venu d'ailleurs mais il est bien intégré au Québec, il vit au Québec depuis 30 ans.
Après une présentation de notre organisme, j'ai l'intention d'aller au coeur du sujet, c'est-à-dire à notre recommandation principale. Je vais sauter carrément par-dessus les enjeux, me contentant de dire simplement que nous avons besoin d'un apport migratoire. C'est certain. Et ce n'est pas par grandeur d'âme ? faut-il le dire ? que le Québec, comme ailleurs dans le monde, doive recourir à l'immigration, mais bien pour pouvoir se maintenir en nombre et, si possible, en arriver à accroître sa population. Une immigration bien contrôlée peut nous aider à assurer davantage notre avenir à tous les points de vue: économique, linguistique, culturel, social, etc.
n(15 h 50)n Notre organisme, le SOIT, est un organisme de terrain dédié aux immigrants. Nous sommes le résultat de la fusion de deux organismes ? fusion faite il y a trois ans. À l'origine, il y en avait deux, donc il y avait le SIIQ, S-I-I-Q, service d'intégration au travail pour les immigrants, et il y avait Orientation Travail dans la région métropolitaine, ici, de Québec, corporation de travailleurs immigrants. Les deux avaient une vocation similaire, et la fusion s'est faite avec bonheur, je dirais.
Le SOIT est financé à 100 % par des fonds publics. La plus grande partie de notre financement provient d'Emploi-Québec et, en second lieu, du MRCI, du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, et aussi d'organismes reliés au monde de l'éducation, commissions scolaires par exemple.
Notre raison d'être comme organisme est claire, c'est d'offrir des services aux immigrants pour faciliter leur accès et leur adaptation au travail, choses essentielles pour les immigrants. Notre territoire est d'abord celui de la région métropolitaine de Québec. Nous avons à l'occasion eu à rendre aussi des services à des immigrants ailleurs, soit en Beauce, soit dans Lotbinière.
Je laisse le soin à notre directeur général de présenter les caractéristiques de notre personnel et aussi de détailler un peu mieux les services que nous rendons. Il pourra aussi préciser les taux de placement que nous atteignons. Quant à moi, je me contenterai de vous dire que notre conseil d'administration, il est composé de sept membres, des bénévoles bien sûr, et que nous essayons et parvenons assez bien, année après année, à maintenir une espèce de parité entre gens nés ici et gens venus d'ailleurs. M. Touré.
M. Touré (Babakar-Pierre): Merci, M. Laperrière. M. le Président, mesdames, messieurs, M. Laperrière a oublié de dire que notre organisme existe, en fait, depuis 1985, donc depuis 15 ans, et que, depuis ces 15 dernières années, nous avons développé une expertise spécifique et des services spécialisés d'aide à l'emploi pour les personnes immigrantes. C'est d'ailleurs le seul organisme du centre et de tout l'est du Québec à avoir centré sa mission et l'essentiel de ses activités sur l'intégration économique des personnes immigrantes. On est effectivement une ressource externe d'Emploi-Québec qui fournit jusqu'à 86 % de nos subventions.
Notre organisme, SOIT Québec, c'est près de 600 clients chaque année qui se présentent chez nous et qui bénéficient d'une gamme très étendue de services d'emploi qui répondent prioritairement aux besoins de chacun. On va de la familiarisation à la culture du travail au Québec à l'intégration et au maintien à en emploi, en passant par des services aussi spécifiques que la formation préparatoire à l'emploi, l'orientation scolaire et professionnelle, les stages en entreprise et la francisation en milieu de travail.
Pour ce qui est des ressources humaines, à l'instar de son conseil d'administration, l'équipe d'intervention est composée de Québécoises et de Québécois de diverses origines. C'est 15 ressources professionnelles originaires de plusieurs pays d'Amérique ? on a le Québec, le Mexique, le Chili, le Salvador ? d'Afrique, d'Europe et d'Asie. Ce sont tous des diplômés universitaires dans des domaines très variés qui vont des communications à l'économie, la linguistique, l'anthropologie, la sociologie, l'éducation, la psychologie, le travail social. Et, en plus du français et de l'anglais, ces personnes parlent également plusieurs autres langues, et ça, ça facilite de beaucoup nos interventions professionnelles et notre approche interculturelle qui favorisent la compréhension et surtout la résolution des problématiques qui sont liées à l'adaptation culturelle et à l'intégration économique des personnes immigrantes. Toutes ces personnes, soit les sept membres du conseil d'administration et les 15 membres du personnel, se réclament de leur appartenance à la société québécoise.
Pour ce qui est des réalisations, je voudrais en donner quelques-unes. Au cours des trois dernières années, c'est-à-dire de 1997 à 2000, on a reçu 1 670 personnes pendant ces trois dernières années et 68 % de ces personnes qui ont bénéficié de nos services occupent actuellement un emploi; 20 familles immigrantes résidant à Montréal se sont établies à Québec après qu'on leur ait présenté les opportunités d'emploi répondant à leurs besoins et à leurs qualifications; 15 familles immigrantes résidant à Québec et à Montréal se sont établies dans les régions périphériques de la capitale, à Lotbinière, Montmagny, en Beauce et La Pocatière, également parce qu'on leur a présenté des emplois intéressants.
L'an dernier, 1999-2000, 114 candidats immigrants ont été embauchés par le réseau d'employeurs de notre organisme, parce qu'on a un réseau d'employeurs, un réseau informatisé, qui compte actuellement 394 entreprises.
Et enfin, grâce au programme d'immersion professionnelle du CAMO personnes immigrantes ? le CAMO, c'est le Comité d'adaptation à la main-d'oeuvre pour personnes immigrantes, et ils ont mis en place depuis deux ans, c'est la troisième année, un programme d'immersion professionnelle ? 80 % des personnes qui ont pu bénéficier de stages en entreprise ont intégré un emploi au cours de leur participation.
Et, si vous permettez, avant que je ne repasse la parole à M. Laperrière, j'aimerais, sur le projet et les caractéristiques de notre clientèle de l'année 1999-2000, vous donner quelques informations, quelques données.
L'an dernier, nous avons reçu 556 personnes désireuses, desservies par notre organisme, du 1er avril 1999 au 31 mars 2000. Et, parmi ces personnes, 253, soit près de la moitié, 45 %, provenaient d'Europe, 35 % de celles-ci étaient des Français, et 48 % provenaient de l'ex-Yougoslavie, Bosnie, Croatie, Serbie, Kosovo, etc. Une autre donnée intéressante: parmi ces 556 personnes, 62 % étaient âgées de 18 à 35 ans ? c'est 344 personnes. Pour ce qui est de la scolarité, toujours parmi ces 556 personnes, 66 % des clients ont déclaré détenir un diplôme postsecondaire ou universitaire et 367 personnes avaient un diplôme ou de premier cycle universitaire ou de deuxième et de troisième cycles universitaires. Pour ce qui est des deuxième et troisième cycles universitaires, maîtrise et doctorat, il s'agissait de 20 % de la clientèle au total. Et 96 % de ces personnes sont arrivées ici au Québec avec déjà une expérience de travail et occupaient chez eux des emplois spécialisés, puisqu'on peut compter 280, soit 50 %, de ces personnes qui étaient des techniciens, donc des personnes spécialisées, et des professionnels.
Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais peut-être vous déposer ces documents qui ne sont pas dans notre mémoire, et je vais passer tout de suite la parole à M. Laperrière pour qu'on entre dans le vif du sujet.
M. Laperrière (André): Fort bien. Merci, M. Touré. Nous sommes fiers de vous présenter notre organisme, bien sûr, mais ce n'est pas pour nous donner de l'importance que nous le faisons, c'est pour que, vous, comme commissaires, vous sachiez que les recommandations que nous vous ferons résultent d'un travail de plusieurs années avec les immigrants pour leur intégration au travail. Ce n'est pas un tape-bedaine. Ha, ha, ha!
n(16 heures)n M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, je vais aller tout de suite vous exposer nos recommandations. Il nous semble en bonne partie inutile de revenir sur les enjeux tels qu'exposés dans le document du ministère et avec lequel nous sommes en accord. Vous pourrez à votre loisir revenir et questionner sur l'une ou l'autre partie de notre mémoire. Nous répondrons au meilleur de notre connaissance.
Nous avons légèrement modifié cependant la présentation des recommandations faites dans le document que vous avez en main, et nous en avons ajouté deux. Nous vous remettrons le nouveau libellé de nos recommandations. Il n'y a pas de changement vraiment très spécifique, mais nous avons réorganisé un petit peu la chose.
M. le Président, notre organisme a une recommandation principale à faire à la commission portant sur le volume d'immigration souhaitable pour notre région. Les autres recommandations, les sept autres ? elles sont devenues sept ? visent à mieux assurer l'intégration des immigrants au travail et à la société d'accueil.
Alors, je passe à la Recommandation principale: Nous recommandons que le volume d'immigration soit augmenté de façon sensible au cours des années 2001-2003 et, d'une manière plus précise, nous recommandons que le gouvernement du Québec favorise l'arrivée de 3 000 nouveaux immigrants par année dans la région métropolitaine de Québec.
Nous pensons que les régions autres que la région métropolitaine de Québec, c'est-à-dire Beauce, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Saguenay?Lac-Saint-Jean, Côte-Nord devraient également recevoir sensiblement la même proportion, soit 3 000 nouveaux arrivants. Notre expérience cependant est sûrement moins pertinente pour cette deuxième partie.
En fait, recommander 3 000 nouveaux arrivants dans la région métropolitaine de Québec équivaut à dire que nous recommandons de plus que doubler le nombre d'immigrants dans la région, puisque pour la dernière année, si ma mémoire est bonne, c'est quelque 1 400 immigrants que nous avions dans la région, ici. Ça équivaut aussi à aller dire au gouvernement, à recommander à la commission, au lieu d'aller à 1 %, par exemple, de la population, d'aller à 0,5 % de la population, puisque, si 1 % équivaut à quelque chose comme 60 000 immigrants pour le Québec, pour la région, ici, de Québec, c'est 9 %, je pense, de la population. Alors ça équivaudrait justement à quelque chose comme 6 000 nouveaux arrivants. On ne va pas jusque là parce qu'on trouve que la marche serait un petit peu trop haute. Mais nous n'avons aucune hésitation à dire que la région de Québec et toutes les régions du Québec devraient recevoir au moins l'équivalent de la proportion de leur population par rapport à l'ensemble du Québec. Donc, pour ici, c'est 9 %.
Éventuellement, nous serons prêts à recommander d'aller jusque là mais, pour le moment, on recommande 3 000. Doubler, plus que doubler, c'est déjà bien, et la plupart des autres recommandations vont dans le sens de chercher à créer les conditions pour pouvoir le faire, dans le fond.
C'est beau de recevoir des immigrants, pensons-nous, mais il faut aussi qu'ils aient de l'emploi. La situation de l'emploi s'est quelque peu améliorée, alors il faut que les emplois continuent à se créer. Il faut assurer les conditions aussi aux organismes chargés d'aider à l'intégration des immigrants, qu'ils soient évidemment suffisamment subventionnées, sustentés, etc. Ça, c'était notre recommandation principale.
Aux termes des recommandations subsidiaires, ça serait celle-ci, une des recommandations: nous recommandons que le gouvernement du Québec mette en place davantage de mesures et de moyens pour mieux informer et mieux sensibiliser toute la population sur les enjeux en cours et sur l'importance de l'immigration pour le développement du Québec. Nous pensons que, par la publicité à la télévision, dans les journaux, par des colloques en région, on doit sensibiliser, informer la population des enjeux, des buts à atteindre, et insister beaucoup là-dessus.
Troisième recommandation: nous recommandons que le gouvernement du Québec mette en oeuvre des mécanismes de contrôle et de suivi pour s'assurer du respect et de l'atteinte des objectifs des programmes d'accès à l'égalité en emploi pour les immigrants.
Une quatrième: nous recommandons que le gouvernement du Québec reconnaisse la pertinence de projets de stages rémunérés du type du projet d'immersion professionnelle du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour les personnes immigrantes, du type CAMO. Il s'agit de stages rémunérés. Nous pensons, selon notre expérience, que c'est le meilleur moyen d'intégrer au travail les immigrants. D'ailleurs, dans les statistiques ? je ne sais pas si ça a ressorti tantôt ? le taux d'insertion au travail est de 80 % avec les stages rémunérés, tandis que, pour l'ensemble des immigrants au travail, je pense que c'est de 60 %. Il y a donc une différence significative. On recommande des stages rémunérés de 20 semaines et plus, et le coût des salaires devrait être partagé par l'employeur évidemment et par le gouvernement, possiblement, comme c'est le cas dans CAMO, je pense.
Cinquième recommandation: nous recommandons que le gouvernement du Québec favorise une meilleure concertation régionale en encourageant la création d'une table régionale ? une, on l'a écrit en majuscule, pas 50, une table régionale de concertation ? impliquant les interventions de tous les secteurs dans cette table qui aura pour mandat de gérer l'immigration régionale et de favoriser la consolidation et le développement des services d'emplois spécialisés déjà existants et la mise en oeuvre de nouvelles mesures facilitant l'intégration des immigrants et particulièrement leur intégration économique. Dans le fond, ce que l'on veut, c'est qu'il y ait une décentralisation, régionalisation, donc, pour la région ici de Québec, une table de concertation qui serait la plus décisionnelle possible. Je n'insiste pas plus là-dessus.
Est-ce que... Vous m'avez fait signe tantôt qu'il restait peu de temps.
Le Président (M. Beaulne): Il restait deux minutes. Là, il vous reste 30 secondes.
M. Laperrière (André): Il me reste 30 secondes. Il me reste trois recommandations, je les lis simplement.
Le Président (M. Beaulne): Vous pouvez simplement les énumérer puis, par la suite, les collègues pourront échanger avec vous.
M. Laperrière (André): Je voulais, moi... C'est parce que vous ne les avez pas en main, les recommandations, j'aurais aimé ça les exposer. Je pense que ça ne prendrait pas de temps. Est-ce que vous le permettez?
Le Président (M. Beaulne): Oui, d'accord, allez-y, mais faites-le assez brièvement sans trop d'explications parce que les explications pourront venir suite aux questions par la suite.
M. Laperrière (André): D'accord. Alors, nous recommandons que SOIT Québec, organisme communautaire d'employabilité, soit davantage reconnu par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et par les autres ministères et organismes gouvernementaux comme un partenaire important du gouvernement en matière d'immigration.
Nous recommandons aussi que nous soyons reconnus officiellement comme une source de la société d'accueil spécialisée dans l'intégration socioéconomique des immigrants.
On recommande aussi qu'on soit davantage mis à contribution pour l'insertion des immigrants au marché du travail.
On recommande qu'on soit financés de façon récurrente et suffisante pour favoriser la consolidation de notre expertise et le développement de nos compétences en matière d'intégration en emploi des immigrants.
Une septième et avant-dernière recommandation: nous recommandons que le gouvernement du Québec mette en oeuvre les mesures nécessaires pour favoriser et accélérer la reconnaissance des diplômes et des expériences acquises à l'étranger et pour assouplir les exigences d'admission des corporations professionnelles et autres ordres de métiers.
Enfin, huitième: nous recommandons que les municipalités et les MRC soient incitées à adopter une politique d'accueil et d'intégration des immigrants favorisant le sentiment d'appartenance des nouveaux arrivants et leur rétention en région.
Le Président (M. Beaulne): Bon, je vous remercie. Les recommandations, les avez-vous...
M. Touré (Babakar-Pierre): Oui, je les ai remises...
Le Président (M. Beaulne): Vous les avez remises. Alors, on va faire des photocopies. Comme ça, les collègues vont les avoir pour pouvoir procéder aux échanges. Alors, M. le ministre, à vous l'honneur.
n(16 h 10)nM. Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Laperrière, M. Touré, bienvenue. Merci pour vos recommandations, votre analyse, votre document qui est très bien fait et pour les chiffres et les informations que vous nous avez transmis.
Vous plaidez ? et avant vous le maire de Québec a fait la même chose et d'autres organismes de la région de Québec comme d'autres organismes des régions du Québec ? pour une augmentation significative de l'immigration en région, dans votre cas notamment à Québec, la région de Québec que vous connaissez davantage, en disant qu'il y a non seulement de la place, mais qu'il y a une attitude d'ouverture, qu'il y a des emplois et qu'il est possible de recevoir davantage d'immigrants et puis qu'il y a des enjeux et des raisons d'en recevoir davantage. Je vous signale entre autres, concernant votre recommandation 3 et votre recommandation 7, votre recommandation 3 a trait au programme d'accès à l'égalité dans l'emploi. Vous souhaitez qu'on établisse des mécanismes de suivi. Il faut d'abord que la loi soit adoptée à l'Assemblée nationale. Elle l'est pour la fonction publique, elle le sera, j'en suis convaincu, avec l'appui de l'opposition parce que je pense bien qu'on sera unanimes au-delà des modalités et peut-être de certaines discussions, mais le critique de l'opposition, la semaine dernière, nous a laissé entendre qu'il était favorable à la loi. Donc, elle devrait être adoptée cet automne. Alors donc, je vous signale qu'il y aura là-dessus, bien sûr, des changements et que ça pourra aussi influer sur l'attrait des régions pour les immigrants.
Moi, j'ai une question quand je vous écoute. On a beaucoup discuté ici de l'emploi comme étant au coeur de la capacité d'intégration. Bien sûr, il faut qu'il y ait une attitude d'ouverture, qu'il y ait une volonté. Bon, elle semble là. Il y aura toujours des réserves de la part de certaines personnes, mais on met l'emploi comme étant au coeur de la stratégie. Et puis on s'est posé plein de questions: Ça peut se faire comment? Comment on arrive à ça? C'est-u en amont? C'est-u quand les gens sont ici? Vous avez là-dedans beaucoup d'expérience. Moi, j'aimerais ça que vous me parliez davantage de ce que vous décrivez à la page 10 de votre document, quand vous parlez d'une expérience positive de régionalisation qui a été rendue possible là-dessus et, entre autres, de l'attraction des personnes immigrantes vers la région de Québec par des emplois de qualité. J'aimerais ça que vous m'expliquiez plus concrètement. Parce que la difficulté qu'on a souvent, c'est entre une espèce, je dirais, d'ouverture sur le fait qu'il y a un marché d'emplois ? il y a des emplois, mais ça demeure comme trop général ? sur notre capacité de faire plus des maillages concrets entre les emplois et les personnes. En tout cas, ça a été beaucoup au coeur de nos discussions. J'aimerais ça vous entendre parler là-dessus.
M. Laperrière (André): Là-dessus, à cette question-là, peut-être que M. Touré est mieux placé que moi pour y répondre. Cependant, j'entendais une responsable du placement me dire que, si nous avions davantage d'immigrants, un bassin plus grand d'immigrants à placer en emploi, il y a beaucoup d'emplois dans la région de Québec qui ne sont pas pourvus actuellement, des emplois de haute technicité dans le domaine de la pharmacologie, dans différents domaines, même l'informatique, semble-t-il. Alors, c'est peut-être une façon très partielle de répondre, mais il y a au moins cela. Moi, je dirais que je crois tellement que c'est par l'emploi que l'intégration peut se faire que je n'aurais pas beaucoup d'hésitation à vous dire: Envoyez-nous 50 000 immigrants, assurez l'emploi dans la région de Québec et nous allons vous les intégrer en français dans peu de temps. C'est peut-être un peu optimiste...
M. Perreault: M. le Président, si on me permet, j'essaie d'aller quand même un petit peu plus loin dans le sens suivant: oui, on sait qu'il y a des entreprises, on le sait que, au Québec, de façon générale, dans le secteur des biotechnologies, de l'informatique, de l'industrie des communications, tous les indicateurs sont là, les entreprises le disent, la main-d'oeuvre qualifiée va venir à manquer. Bon, tant mieux. D'une certaine façon, tant mieux. C'est un signe que ça va bien. Mais, nous, comme ministère, ça demeure trop général pour être capables de travailler de façon efficace lorsque vient le temps de convaincre des personnes de s'installer en région. Et, ce que je me demandais, c'est si vous aviez, vous... On a rencontré par exemple les gens de la Chambre de commerce de la Rive-Sud, ils sont venus nous voir ce matin. À un moment donné, je leur ai posé la question. Parce que, dans le processus d'immigration de quelqu'un, c'est très concret, ça dure sur huit, neuf mois, la personne veut savoir s'il y a un employeur quelque part, pour un emploi précis qui correspond à sa formation, autrement cette personne-là risque de débarquer à Montréal. C'est plus facile, c'est plus simple. Le bassin est plus gros. On se dit: On a plus de chances. Alors, il n'y a pas juste la méconnaissance de la région, il y a cette adéquation, et je me demandais si votre expérience vous amenait à pouvoir nous faire des suggestions sur cette adéquation.
M. Touré (Babakar-Pierre): Je ne sais pas si je pourrais vous faire des suggestions, M. le ministre. Je vais vous parler de mon expérience concrète. Vous avez soulevé tout à l'heure les expériences de régionalisation que nous avons eues. Ces expériences de régionalisation ? Montréal et région de Québec ? peuvent se faire, j'imagine, sans qu'on parle de régionalisation à ce moment-là, pour des travailleurs stratégiques, pour des entreprises de la région.
Comme expérience, on a depuis un an et demi ? cette expérience vient de s'arrêter parce qu'on attend qu'il y ait des renouvellements ? nous, à Québec, on s'est associés tout simplement avec un organisme communautaire, un organisme d'accueil et d'établissement qui est le Centre multiethnique. Et on s'est associés, pour Montréal, à cinq organismes spécialisés dans l'intégration en emploi: l'ANTE, l'OMI, le Centre des femmes ? je ne sais pas, je dois en oublier un ou deux ? à un organisme, de Montréal toujours, d'accueil et d'établissement, et avec le CAMO personnes immigrantes.
La première chose que nous avons faite, nous, ici, à Québec, avec notre service de placement, c'est d'aller rencontrer les entreprises. Alors, on a rencontré, je pense, une dizaine ou une quinzaine d'entreprises de la région pour avoir leurs besoins en main-d'oeuvre. Une fois qu'on a eu ces besoins en main-d'oeuvre, on leur a fait faire la promesse que, si on leur trouvait des candidats valables de Montréal, ils les recevraient en entrevue au moins. Bon, je dis bien des candidats de Montréal. C'est parce que, ces compétences, on ne pouvait pas les combler ici, dans la région, et on a diffusé à travers le CAMO et à travers nos partenaires de Montréal toutes les offres d'emplois. Parmi ces partenaires, il y avait également le service d'information sur le marché du travail de votre ministère. Et ces organismes-là ont diffusé auprès de leurs membres, auprès de leur clientèle, les offres d'emplois, ont fait une première sélection de ces personnes-là avant de nous renvoyer les curriculum vitae. Notre service de placement a fait la sélection finale, une deuxième sélection, à partir des candidats et à partir de la connaissance qu'on avait des besoins de ces entreprises. On a loué un autobus, on en a mis 20 là-dedans, plus de 20, je pense. On a fait deux voyages comme ça. Un, c'était 15, l'autre, je pense, 26 ou quelque chose comme ça. Ils sont venus à Québec. L'organisme d'accueil ici les a reçus, les a logés, les a nourris, les a promenés, leur a montré c'était quoi, Québec. Nous, comme organisme d'insertion, on les a amenés en entrevue, ils ont passé ces entrevues-là, et, en bout de ligne, il y a 20 personnes qui ont été engagées par ces entreprises-là et ces 20 personnes sont venues s'établir à Québec avec leur conjoint. C'est pour ça que nous parlons de 20 familles.
Avant toutes ces entrevues-là, on a eu une session d'une demi-journée d'information avec ces personnes-là qui nous ont posé toutes les questions sur la région de Québec et, enfin, bon... Ça, c'est une expérience concrète. Notre expérience, c'est en allant rencontrer des employeurs de la Beauce pour savoir aussi leurs besoins d'emplois. Et comme, nous-mêmes, on ne pouvait pas combler tous ces besoins-là, on fait appel aussi à nos partenaires de Montréal et, enfin, des gens de Québec et de la Beauce ont pu combler encore 15 emplois là-bas. Puis c'est toujours des familles, hein, c'est souvent, du moins, des familles, des gens qui viennent et qui, au bout de quelque temps... Quelquefois, c'est presque immédiat qu'ils viennent avec leur famille. Ça, c'est des choses concrètes.
n(16 h 20)nM. Perreault: Je vous remercie. Ce sont effectivement des expériences très concrètes que vous avez décrites dans le détail. Juste deux questions. Vous avec dit 20, 15. C'est sur à peu près combien? C'est quoi, le taux, à peu près? C'est un sur deux? Un sur trois? Deux sur trois qui ont trouvé un emploi et qui sont demeurés, dans l'expérience?
Et, deuxièmement, ces personnes étaient récemment arrivées, ou c'étaient des gens qui étaient déjà immigrants reçus ou même peut-être citoyens canadiens. C'était quoi, la situation?
M. Touré (Babakar-Pierre): Bien, le taux est de 1 sur 3 en général, et c'étaient des gens d'arrivée assez récente, moins d'un an. Ça a été rare que ce soit plus qu'un an, mais il y a eu quand même des personnes qui étaient là depuis plus qu'un an qui sont quand même venues. Il y avait aussi une condition sine qua non: il fallait que ces personnes-là, dès le départ, aient réellement l'intention, aient fait part de leur intention d'aller en région.
M. Perreault: Et ces gens connaissaient le français?
M. Touré (Babakar-Pierre): Ces gens connaissaient le français, sauf quelques rares qui ne connaissaient pas le français.
M. Perreault: Je trouve que cette expérience mériterait d'être encore davantage publicisée. Je vous remercie.
Le Président (M. Beaulne): Merci. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.
Mme Loiselle: C'est ma collègue qui va commencer.
Le Président (M. Beaulne): Ah! Bon, bien, excusez. Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Laperrière et M. Babakar-Pierre Touré, je vous souhaite la bienvenue. Votre mémoire est très parlant parce que vous avez expliqué là-dedans vos réalisations. En effet, c'est très édifiant de savoir ce que vous faites dans le concret et comment est-ce qu'on réussit non seulement à intégrer les gens de façon à avoir un travail, mais aussi à les fixer, à fixer l'immigration en région. Et je voudrais saluer tout particulièrement M. Touré qui est un accompagnateur de longue date de centaines et de centaines de nouveaux arrivants au Québec et le féliciter pour son travail.
Les groupes qui sont venus devant nous nous ont presque tous dit que l'intégration va se faire par l'emploi. Donc, vous, vous êtes au coeur même de la mission de l'intégration et vous la faites bien, à condition qu'on vous donne les moyens et les ressources suffisantes pour la réussir davantage, la consolider et l'étendre, cette expérience-là. Là-dessus, j'interpelle évidemment le ministre parce que j'ai vu certaines recommandations qui font appel directement aux besoins en termes de ressources financières.
Je voudrais vous amener à la page 3 de votre mémoire, dans la partie des commentaires. Et vous faites un commentaire que je ne peux pas m'empêcher de relever, qui est celui qui touche les communautés culturelles. Essentiellement, ce que vous dites, c'est que le ministère s'appelait autrefois le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et que le concept des communautés culturelles a disparu lorsque le ministère a changé de nom pour devenir ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Vous exprimez ici une idée intéressante ? je voudrais vous entendre là-dessus ? et qui vous préoccupe, à l'effet que, en effaçant, en gommant la réalité des communautés culturelles, c'est comme si, quelque part, on ne reconnaissait pas ? je vous interprète parce que le texte est un peu long ? le travail des communautés culturelles dans le processus de l'intégration. Parce que vous y voyez un rôle et vous trouvez que c'est important que les nouveaux arrivants puissent s'insérer dans une communauté qui va amortir le choc pour eux, le choc de l'intégration, et les accompagner finalement dans le quotidien vers le succès de l'opération adaptation et intégration.
Alors, j'aimerais vous entendre commenter le commentaire sur les communautés culturelles.
M. Touré (Babakar-Pierre): La question m'était adressée? Oui? Je pense que ? vous avez dit que tout le monde l'avait dit ici avant nous ? effectivement, la communauté culturelle, comme je le dis dans mon texte, c'est un passage obligé pour toute personne qui vient d'ailleurs et qui se retrouve dans une autre société. Les communautés culturelles, le groupe ethnique qui va recevoir ces personnes-là, qui va les accueillir, va les aider à passer à travers une certaine intégration et à aller vers la société qui accueille, et c'est essentiel. Parce que, psychologiquement, culturellement, c'est essentiel de passer par ce couloir-là pour pouvoir, disons, devenir citoyen, devenir Québécois. Donc, c'est vraiment un passage qui est obligatoire.
Le fait effectivement d'avoir noyé un peu cette notion de communauté culturelle dans une notion ou un concept beaucoup plus large, beaucoup plus grand ? je ne désapprouve pas ce concept-là ? qui est le citoyen... Le concept de citoyen a, selon moi, le malheur justement, ce concept de citoyen là, de noyer les communautés culturelles, les personnes immigrantes dans un ensemble un peu trop vaste. Les citoyens, c'est les aînés; les citoyens, c'est les femmes; les citoyens, c'est les jeunes; les citoyens, c'est les personnes handicapées. Bien sûr, dans les immigrants, il y a tout ça, mais il y a une notion qui est spécifique, qui est une difficulté spécifique pour les personnes immigrantes, qu'on ne retrouve pas dans une trop grande idée, un trop gros concept qui est celui de citoyen. Je répète que je ne suis pas contre le citoyen. Non, non. On est tous des citoyens. Et dès qu'on arrive dans ce pays, on doit se considérer au départ comme des citoyens. Mais s'il y avait un ministère des communautés culturelles et de l'Immigration, c'est qu'il y avait une nécessité que ce ministère-là s'appelle comme ça. Les problèmes n'ont pas disparu avec le concept de citoyen, les problèmes sont toujours là, les problèmes d'intégration sont toujours là, les problèmes linguistiques sont toujours là, les problèmes culturels sont toujours là et, à mon avis, il ne faut pas qu'on noie trop le poisson non plus parce qu'il y a bien des problématiques sérieuses et il faut les présenter, il faut en parler.
Le Président (M. Beaulne): M. Laperrière, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Laperrière (André): Je voudrais, oui, ajouter quelque chose. Je suis tout à fait d'accord avec ce que dit notre directeur général. J'apporterais une nuance cependant. Il me semble que je suis tout à fait d'accord avec la position de M. Touré dans le cas, je ne sais pas, moi, d'une situation à Québec. Il me semble que c'est important pour des hispanophones, ou peu importe la provenance, d'avoir des gens qui sont arrivés depuis quelques années, déjà assez bien intégrés, et puis de faciliter l'intégration des nouveaux arrivants. À Montréal, il me semble qu'il y a une difficulté additionnelle, c'est-à-dire la situation à Montréal, bien que je ne vive pas là, mais j'y vais quand même assez souvent, qu'il y a un danger de ghettoïsation, dit-on. Je crains un petit peu, je dirais, la communauté culturelle à Montréal dans ce sens-là. Si c'est trop fort, si ça se prolonge trop, si les immigrants de telle et telle provenance vivent d'une manière en ghetto, bien je ne suis pas sûr que c'est propre à faciliter l'intégration à la société d'accueil comme telle. Il me semble qu'il y a quelque chose qui est plus difficile à Montréal, et j'en profite pour le souligner à notre ministre, M. Perreault, ministre principal, je dirais, ou un des principaux, que l'immigration à Québec, dans la région de Québec ou en région, vous le savez sans doute, ce n'est pas du tout la même situation que... L'immigrant qui arrive ici, ce n'est pas arriver à Montréal, hein? C'est beaucoup plus facile d'intégrer un immigrant qu'à Montréal, puisque, dans le fond, nous vivons dans une société quasiment à 100 % francophone, alors c'est plus facile d'intégrer les immigrants ici. Il y a une difficulté additionnelle à Montréal et les conditions, je dirais, de politique doivent tenir compte de cela. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Poursuivez, madame.
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Sur ce même point, je comprends que vous complétez, vous nuancez, vous avez dit, dans vos propres termes les commentaires de M. Touré. Ce que je comprends, c'est que M. Touré ne nie pas le fait que nous sommes tous des citoyens mais que, par delà cet énoncé, il y a des réalités qu'on ne peut pas nier et qu'on ne peut pas diluer aussi du fait qu'on s'appelle tous citoyens.
n(16 h 30)n J'ajouterais, M. Laperrière, qu'il n'y a pas de ghetto à Montréal. Il y a des concentrations qui sont dues à des considérations qu'il serait long de vous expliquer, je n'aurais pas suffisamment de temps. Les nouveaux arrivants, lorsqu'ils arrivent à Montréal, pour des raisons économiques, ils vont aller chercher le logement là où c'est le plus accessible, ils vont aller le plus près possible des services, le CLSC, l'école, etc. Lorsqu'ils trouvent un emploi, lorsqu'ils ont une situation stable, ils vont choisir leur lieu de résidence et il y a un mouvement de déplacement de la population vers la grande région de Montréal. Je viens moi-même de la Montérégie ? qui est la deuxième région en importance après Montréal, et non pas Laval, comme c'est dit dans votre mémoire ? et nous recevons des immigrants dans cette région-là. D'ailleurs, nous sommes la deuxième région d'accueil des nouveaux arrivants. Par conséquent, cette idée de ghetto, il faudrait se l'enlever de la tête. Un ghetto, c'est une structure fermée, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui sont concentrés là, ils vivent ensemble, ils échangent ensemble, et c'est difficile d'accès, même, pour les gens. C'est ça, un ghetto, c'est fermé. Il n'y a pas de lieu à Montréal qui s'appelle un ghetto. Même des régions...
Le Président (M. Beaulne): Mme la députée, s'il vous plaît, je pense que nous allons suspendre pour cinq minutes, parce qu'on a un petit problème technique.
Mme Houda-Pepin: O.K.
Le Président (M. Beaulne): Alors, si vous voulez bien, nous allons suspendre pour cinq minutes et nous poursuivrons les échanges à partir d'où nous étions rendus.
On vous demanderait de quitter la salle, s'il vous plaît. On vous demanderait simplement de quitter la salle, on a quelques aspects techniques.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Beaulne): Alors, si vous voulez, on va poursuivre les échanges, parce que nous voulons également respecter le temps alloué au groupe suivant. Ah, mais il manque notre collègue qui avait posé la question. Où est-ce qu'elle est?
Mme Loiselle: Je peux peut-être prendre la relève sur une autre, puis, si elle revient...
Le Président (M. Beaulne): Alors, vous pouvez poursuivre. De toute façon, les transcriptions sont là puis notre collègue pourra les lire. Alors, si vous pouvez continuer votre exposé... En fait, à la porte-parole officielle de l'opposition en cette matière.
Mme Loiselle: Mais celle qui a l'expertise, c'est celle de La Pinière. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Beaulne): Oui, mais ça, pas besoin de le dire. Allez-y.
Mme Loiselle: Moi, j'aimerais revenir sur la décentralisation. Dans votre mémoire, à la page 9, vous mentionnez que, si on veut vraiment décentraliser l'immigration vers les régions, il faut commencer par mettre en place une véritable politique de développement régional ? ça, c'est un de vos points ? et vous dites aussi qu'il faut absolument associer tous les partenaires locaux des régions afin d'avoir une réussite de ces politiques-là. Vous parlez du succès mitigé de la plupart des projets qui ont été mis en place, parce qu'il y a eu comme un manque de planification à cet égard-là, et aussi vous dites, ici: «Les succès très mitigés de la part des projets de régionalisation prouvent un manque de planification rigoureuse» ? c'est dans votre mémoire ? et vous parlez aussi de l'importance de mettre en place une campagne de sensibilisation au niveau de la population.
Le Conseil des relations interculturelles nous a dit: Écoutez, si on va vers la décentralisation ? et d'autres mémoires aussi ? de l'immigration en région, il faut commencer par le début, c'est de faire une évaluation sur une base régionale ? ce qui, semble-t-il, n'a jamais été fait ? d'évaluer sur une base régionale: un, la volonté locale; deux, les perspectives d'emploi; trois: Est-ce que les ressources d'intégration et d'accueil sont déjà en place? Sinon, comment les mettre en place? Tout ça ensemble. Alors, moi, j'aimerais vous entendre au niveau... Est-ce que vous pensez que, si le gouvernement décide vraiment pour essayer de créer une ouverture sur les régions au niveau de l'immigration, il décide d'aller dans la décentralisation des pouvoirs et des décisions et des budgets, il faut commencer par ? ce qui me semble à moi, en tout cas, évident ? voir, un, si les régions sont capables d'absorber toute cette immigration-là par une évaluation sur une base régionale?
n(16 h 40)nM. Touré (Babakar-Pierre): Je ne pourrais pas parler de toutes les régions, je vais parler de la région de Québec. Moi, je vous assure que la région de Québec, elle est prête. Tous les acteurs locaux, ça fait depuis plus de 10 ans qu'on discute d'immigration dans la région, qu'il y a deux, trois, quatre tables qui se réunissent sur l'immigration dans la région, les acteurs du développement économique sont prêts. On est actuellement dans un momentum où l'activité économique est en progression. Je pense que toutes les cartes sont en place pour que, effectivement ? pour ce qui est de la région de Québec; je ne sais pas pour les autres régions, mais pour la région de Québec ? on procède vraiment à cette décentralisation-là.
Comme je disais, depuis 10 ans, oui, on en discute. Mais est-ce que les moyens sont là?
Le premier outil, le premier moyen important à mettre en place, c'est, bien sûr, la publicisation, l'information auprès de la population en général, auprès de tous les acteurs du développement économique également, c'est que le gouvernement du Québec fasse vraiment une campagne de sensibilisation, d'information, de publicité même sur l'apport des immigrants dans la région et leur contribution aussi au développement économique. On est dans une région qui est très bien placée pour ça, O.K. Les immigrants qui sont dans cette région, beaucoup d'entre eux sont des entrepreneurs, beaucoup d'entre eux contribuent au développement économique de cette région. Ça, on le sait, mais il faut le publiciser. Ça, c'est la première des choses à faire. Je pense que le rôle premier du gouvernement, c'est de publiciser ça, de dire: Oui, l'immigration, c'est bon pour la région pour telle et telle raisons. Et puis des raisons, il y en a beaucoup.
Ensuite, c'est les moyens financiers. Il faut que les ressources, les organismes, les institutions même aient assez de ressources financières, matérielles, de ressources humaines pour pouvoir procéder à ces décentralisations, pour pouvoir travailler sur des projets concrets, des projets non pilotes ou à court terme, mais des projets sur des moyens termes, des choses concrètes pour développer cette régionalisation dans la région.
Mais je crois que la région de Québec, elle est prête non seulement à recevoir plus d'immigrants, mais également à procéder à cette décentralisation. Maintenant, je pense que tous les autres moyens, le gouvernement est à même de pouvoir les connaître, il a ses partenaires dans la région qui pourraient peut-être aider autour de cette table de concertation là.
Mme Loiselle: Vous avez raison de mettre l'emphase sur la promotion, la publicité, tout le travail d'éducation qu'on doit faire auprès de la population sur l'apport et l'enrichissement de la venue d'immigrants dans une région ou dans une ville.
Quand le maire de Québec est venu en commission parlementaire, je lui ai fait part d'un sondage maison qui avait eu lieu au réseau TVA et qui posait la question si les gens de la ville de Québec étaient ouverts à l'idée du maire de la ville de Québec ou du ministre ? c'était l'expression ? de colorer la ville de Québec et aussi de devenir le deuxième pôle d'attraction en immigration. À 90 %, les gens qui avaient répondu avaient dit qu'ils étaient en désaccord, et j'avais posé la question au maire si lui était conscient que, peut-être, sa population ne le suivait pas. Il m'a dit que oui, il était conscient qu'il n'avait peut-être pas la population derrière lui actuellement, mais qu'il fallait provoquer des choses, comme politicien, comme élu et comme maire, afin d'amener la population à le suivre. Je lui ai suggéré, étant donné qu'il savait ça, que peut-être qu'il devrait commencer par le processus de faire de la sensibilisation auprès de sa population pour, en tout cas, que les liens se créent plus facilement dès la venue de nouveaux arrivants.
Alors, je suis contente que vous mettiez l'emphase sur ce fait-là, qui, je pense, est essentiel. Si on veut vraiment aller de l'avant dans la région de Québec, ouvrir les portes et mettre tout en place pour attirer un nombre important de nouveaux arrivants, il va falloir qu'il y ait un accueil aussi et une volonté locale de vouloir les accueillir et, finalement, de leur ouvrir les bras en quelque sorte. Alors, je suis contente de votre intervention à cet égard-là.
Vous suggérez aussi que les villes devraient faire comme la ville de Québec et mettre en place une politique d'intégration et d'accueil. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur ça.
M. Touré (Babakar-Pierre): En 1991, on a beaucoup travaillé avec la ville. Je pense que c'est les organismes communautaires qui intervenaient auprès des personnes immigrantes ? on était, à l'époque, six ou sept organismes ? qui ont interpellé le maire de Québec pour mettre en place une table de concertation, la Table de concertation interculturelle, et c'est à partir de cette table-là, justement, que, je pense, trois ou quatre ans après, en 1996, le conseil municipal a décidé d'adopter une politique d'accueil et d'intégration, ce qui, ma foi, a été une grande chose, parce que je crois que c'est la seule municipalité que je connaisse ? peut-être qu'à Montréal ça se fait, mais que je connaisse ? ici, dans tout l'est du Québec, qui a adopté cette politique courageuse, mais aussi réaliste ? parce que, aussi, on était assis autour de la table et on en a discuté pendant peut-être un an avant que ça se fasse, mais ça s'est fait. Cette politique permet quand même à la municipalité de montrer un visage d'ouverture, parce qu'elle accueille à chaque année les nouveaux arrivants à l'hôtel de ville. Il y a eu également, grâce à cette politique-là, des sessions de formation interculturelle pour tous les employés de la ville de Québec, surtout les employés des services de loisirs et services socioculturels, parce que c'est là ou à ces services-là que les immigrants s'adressent le plus.
On dit dans notre texte plutôt: Les villes et les municipalités qui voudraient, qui seraient intéressées à recevoir de l'immigration, il faut les inciter, les encourager à le faire. Mais ça prend aussi une volonté politique de ces municipalités-là, comme d'adopter une politique d'accueil et d'intégration et de faire des projets comme l'accueil à l'hôtel de ville et puis d'autres projets aussi, la participation de la ville à certaines activités des communautés culturelles. Oui, je pense que ça serait une bonne chose si les municipalités intéressées à recevoir, à accueillir des immigrants pouvaient être incitées effectivement à voter de telles politiques.
Le Président (M. Beaulne): Oui. Il ne nous reste plus de temps.
Mme Loiselle: Alors, merci. On me dit que le temps est écoulé. Alors, merci beaucoup de vos propos et de votre présence aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. Il reste encore quelque temps, 8 min 45 s du côté ministériel. J'ai deux demandes d'intervention: le député de Saint-Hyacinthe et le député d'Iberville. M. le député, maintenez-vous votre demande?
M. Dion: Je la maintiens, oui. Maintenant, si le député d'Iberville veut passer en premier, je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Iberville.
M. Bergeron: Parfait. Merci.
Dans vos recommandations ? ce que vous nous avez fait distribuer récemment ? écoutez, les objectifs étaient autour de 500, les réalisations, ça fluctuait entre 500 et 600, et vous arrivez avec comme première recommandation qu'il y ait l'arrivée de 3 000 nouveaux immigrants à Québec. On a parlé de la visite du maire L'Allier, et il y aura une concertation là-dessus. Le deuxième volet, c'est qu'on dit que, pour les régions périphériques de la région métropolitaine de Québec, c'est 3 000 nouveaux arrivants, O.K. On en a parlé tantôt. Mais, dans ma tête, ce qui attire des immigrants, c'est le dynamisme des régions, et vous avez là des régions qui battent un peu de l'aile. Je trouve que ça peut être un voeu pieux, un voeu généreux, mais j'ai de la difficulté à voir de quelle façon 3 000 immigrants dans les régions Beauce, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Saguenay?Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, etc., on va pouvoir, disons, rencontrer cet objectif-là. C'était ma première question.
n(16 h 50)n La deuxième, c'est concernant les stages rémunérés. Vous dites: «Que le gouvernement du Québec reconnaisse...» J'aimerais savoir c'est quoi, pour vous, le sens du mot «reconnaître» et de «du type projet d'immersion professionnelle», que vous m'expliquiez un peu et que vous me disiez si vous avez pris des contacts avec des entreprises de la région où il y aurait ce genre de stages. Est-ce que vous avez comme une banque potentielle d'entreprises, d'entrepreneurs qui vont faire en sorte que des gens puissent être reçus? Parce que, ce qu'il y a d'intéressant, c'est que, après, le pourcentage du nombre de gens qui restent là est élevé.
Alors, ce sont mes deux questions.
M. Touré (Babakar-Pierre): O.K. Si vous permettez, je vais commencer par la deuxième, que le gouvernement reconnaisse la pertinence de projets de stages rémunérés, parce que, effectivement, on reste encore à l'état de projet; à chaque année, il faut... Actuellement, ce projet-là n'est pas encore renouvelé, on est encore dans l'expectative. Ça devait être renouvelé, en ce qui nous concerne, depuis le mois de juillet dernier. On est en septembre, il ne sera probablement pas renouvelé avant octobre, O.K. C'est quand même trois mois où on est en attente.
C'est un projet qui est important, parce qu'il donne des résultats probants: 80 %, 85 %. Ce projet a fait ses preuves. Les employeurs contribuent pour 50 % des salaires, donc ils sont intéressés. Nos employeurs dans la région sont intéressés, effectivement. Quand nous les rencontrons avec de tels projets, oui, ils sont intéressés, parce que ça leur permet de garder une personne plus longtemps à l'emploi à l'essai, ça leur coûte 50 % de moins de salaire, et même que quelques employeurs donnent une différence, O.K. Et, finalement, bien sûr, la personne, quand elle est compétente, elle est gardée à l'emploi.
Quand on dit: Que le gouvernement du Québec reconnaisse la pertinence de ces projets-là, oui, c'est-à-dire qu'on arrête d'aller, sur ces projets-là, d'année en année, qu'on en fasse à moyen terme ou à long terme, et puis on évaluera après trois ans, après quatre ans. Le triennal, ça existe, ça se négocie de plus en plus, on peut agir de cette façon-là. Mais, année après année, il y a quelques organismes qui finissent par disparaître ou par tout simplement laisser tomber, parce que c'est toujours des sollicitations. Ça, c'est pour votre deuxième question.
Et, comme je vous le disais, effectivement, les entreprises sont prêtes; en tout cas, dans notre région, elles sont prêtes. Pour ces projets-là, la première année, on devait faire 15 stages, il y en a eu, je crois, 17 ou 19; la deuxième année, c'était 15 stages aussi, il y en a eu 23 de faits, et je crois que le monsieur, le sergent d'armes qui est arrivé tout à l'heure pour nous sortir de la salle a reçu un de nos stagiaires ici même à l'Assemblée. Donc, c'est des projets qui fonctionnent, puisqu'il est sur la liste de rappel.
Quant à la première question, c'était, si...
M. Bergeron: Les 3 000 immigrants...
M. Touré (Babakar-Pierre): Ah oui, pour la région.
M. Bergeron: ...par année dans la région périphérique de Québec.
M. Touré (Babakar-Pierre): O.K. Pour Québec, je n'ai pas de doute dessus. Pour ce qui est des régions, à part ? effectivement, vous avez bien raison ? la Beauce, Lotbinière actuellement ? parce que Lotbinière, ça ouvre, il y a beaucoup de choses qui se passent à Lotbinière, et je crois que le Saguenay?Lac-Saint-Jean est en train de se relever tranquillement ? je ne vois ni la Gaspésie actuellement ni la Côte-Nord actuellement; le tourisme dans Charlevoix, ça reste toujours saisonnier. Mais je crois que ça, c'est des mesures que ceux qui nous gouvernent doivent prendre pour créer l'emploi dans ces régions-là, pour soutenir les entreprises dans ces régions-là. J'ai des entreprises qui m'ont appelé de la région du Bas-Saint-Laurent, près de Rimouski. L'une d'elles voulait avoir une dizaine de cordonniers dans son entreprise, une douzaine de tanneurs, des gens qui travaillent dans les peaux, elle voulait avoir des Marocains. Mais il n'y avait rien comme structures dans cette place-là pour que ces personnes-là quittent, parce qu'on n'en avait pas les moyens. Il fallait aller voir, sinon à Québec, du moins, pour aller voir si à Montréal on pouvait en avoir. Mais les conditions n'étaient pas là.
C'est la même chose pour la région de la Beauce, il y a beaucoup, beaucoup d'ouvrage, mais les conditions ne sont pas là. Les salaires sont souvent près du salaire minimum; même les jeunes, les personnes quittent la Beauce pour aller ailleurs. Mais il y a de l'emploi. Est-ce que ceux qui nous gouvernent peuvent mettre là les structures, les ressources pour justement pouvoir attirer plus de monde dans ces régions-là plutôt que de voir le monde quitter ces régions-là?
Le Président (M. Beaulne): M. Laperrière, brièvement.
M. Laperrière (André): Je voudrais seulement ajouter que vous aviez commencé par dire: Comment se fait-il que vous recevez quelque 540 immigrants et puis que vous recommandez qu'il y en ait 3 000? Nous ne recevons pas tous les immigrants de la région de Québec. Ça veut dire, dans le fond, qu'on reçoit à peu près 600 immigrants sur 1 400 dans l'année. Je pense qu'il ne faut pas mélanger les choux et les betteraves. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, malheureusement, c'est tout le temps dont vous disposez. M. Touré, M. Laperrière, la commission vous remercie.
J'inviterais maintenant les porte-parole de l'Association du Barreau canadien à s'approcher.
M. Laperrière (André): Je voudrais vous remercier, cependant, de votre attention. Je tenais à dire que ceux qui se présentent en commission parlementaire sont un petit peu comme des immigrants qui arrivent dans un pays, ils perdent un petit peu leurs moyens. Alors, vous nous avez aidés. Alors, il faut faire la même chose pour les immigrants. Je vous remercie.
Mme Loiselle: Merci, M. Laperrière...
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaulne): Messieurs, la commission de la culture vous souhaite la bienvenue. Vous avez assisté à la présentation précédente et probablement que vous êtes déjà venus ici et que vous savez comment ça fonctionne. Alors, si vous pouvez résumer votre mémoire le plus brièvement possible, en prenant pour acquis que les députés l'ont déjà lu, de manière à procéder aux échanges les plus nourris possible. Alors, si vous voulez bien vous identifier également pour les fins de la transcription.
L'Association du Barreau canadien,
division du Québec (ABCQ)
M. Weigel (Melvin): D'accord. Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mon nom est Melvin Weigel, avocat de Montréal, et, à côté de moi, c'est Me Walter Tom, également avocat de Montréal. Je suis le vice-président de la section Droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien, division du Québec ? ça fait un nom assez long, mais voilà ? et puis je suis président par intérim, remplaçant Me Chantal Arsenault qui est une mère heureuse depuis à peu près deux semaines. Me Tom est membre de notre exécutif et il est un des coauteurs du mémoire qu'on vous a présenté.
Je présume, ayant vu la séance précédente, qu'on n'a pas nécessairement la petite pause où on quitte la salle vers la...
Le Président (M. Beaulne): Non, je pense qu'on va pouvoir s'en dispenser.
n(17 heures)nM. Weigel (Melvin): Ha, ha, ha! D'accord. Merci. Voilà. Alors, l'Association du Barreau canadien, pour expliquer le long nom, c'est une association pancanadienne avec à peu près 35 000 membres, des avocats, des notaires, des juges, des juristes qui sont peut-être dans la fonction publique ou dans le secteur privé, et, au Québec, il y a une division qui a quelque 3 500 membres regroupés dans 22 sections. Notre section Droit de l'immigration existe depuis à peu près 1982, 1983. Les membres fondateurs, à l'époque, il y avait Me Pierre Duquette de l'aide juridique, devenu membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Me Wesmoreland-Traoré, qui est maintenant juge au Tribunal de la jeunesse, et moi-même.
D'un côté, la division du Québec, c'est sûr que nous sommes des avocats pratiquant au Québec. Nous avons eu, en passant, pendant les années quatre-vingt, le conseiller juridique du ministère qui faisait partie de notre exécutif. Actuellement, c'est surtout des juristes, des avocats de pratique privée. Avec tout le mécanisme du Barreau canadien, nous assistons à des représentations et des réunions avec le gouvernement fédéral et même parfois avec des représentants d'autres provinces. Notre séance de formation permanente l'année dernière, tenue à Montréal, avait des représentants de cinq provinces ainsi que le fédéral et le Québec, tout le monde qui était présent.
Nos membres actuellement sont peut-être moins actifs dans le secteur droit des réfugiés, donc notre mémoire en parle moins, et voilà la raison: On a des intérêts, des connaissances mais, quand même, on trouvait mieux de laisser la parole, à ce sujet-là, à d'autres. Nous avons parmi nos membres, en fait, on pourrait dire tous les membres des gros cabinets de Montréal qui font beaucoup les travailleurs spécialisés, soit les cadres, les gens de la haute technologie. Le reste des membres, c'est des gens dans des petits cabinets généralement spécialisés en droit de l'immigration, travaillant dans à peu près tous les secteurs de ce droit mais beaucoup dans les secteurs qui concernent ici, les travailleurs qualifiés, la famille, ce genre d'affaires. Et je noterais que beaucoup de nos membres sont très présents outre-mer, soit en personne, soit par des bureaux attitrés dans d'autres pays, soit certains qui ont des réseaux Internet très, très développés. Donc, je pense qu'on a une certaine expertise du point de vue savoir ce qui prend place sur le terrain, ce que les gens qui viennent nous consulter veulent et ce qu'ils ressentent dans le système.
Je fais une toute première remarque: peut-être que vous avez cherché dans le mémoire et... Moi, je suis président par intérim. J'étais en vacances alors que le mémoire s'est écrit mais j'y souscris pleinement. Nous n'avons pas pris position sur les 1, 2, 3, 4. Je sais que c'est une des choses que votre commission doit faire. On s'excuse. On s'est tenus dans le rôle d'avocat pour aider le débat et certaines questions de procédure et de substance mais pour 1, 2, 3, 4, on ne s'est pas prononcés. J'aimerais faire certaines remarques préliminaires qui ne sont pas nécessairement dans le détail du mémoire mais qui le sous-tendent. Vous vous rappelez sûrement la blague du comédien Groucho Marx, le comédien américain ? j'essaierai de faire la traduction vers le français ? lorsqu'il disait qu'il ne se joindrait jamais à un club privé qui l'accepterait. La dynamique de l'immigration, c'est un peu ça. C'est que souvent on a l'impression que les responsables font la vie difficile aux gens qui veulent venir. Ils ont des idées, puis on dit: Bon, on va faire venir tels gens, tels gens, alors qu'il n'y a pas tant de demandes parmi ces secteurs-là. Il y a un peu cette première chose. Il faut vraiment être sensible de qui est là, qui est intéressé et intéressé selon quelles conditions.
Deuxième remarque préliminaire que j'aimerais faire, c'est en lisant certaines des transcriptions des débats antérieurs et aussi en lisant le mémoire du ministère: cette fameuse question fédérale-provinciale, et beaucoup de l'emphase... Le mémoire dit: Bon, alors, nous avons tellement peu de moyens, de champs d'action, parce qu'il y a tout ça qui revient au fédéral: la famille, les réfugiés, alors, pauvres nous. Ayant assisté à des dizaines, sinon des centaines, de réunions avec des fonctionnaires fédéraux, eux sont là à se dire: Pauvres nous, on n'a pas de contrôle sur les questions des immigrants catégorie familles, les immigrants catégorie réfugiés, on voudrait bien mais on ne les contrôle pas. Et la raison, ce n'est pas parce qu'ils rejettent, ils disent que c'est la faute des provinces. C'est parce qu'il n'y a pas seulement le droit, les entités gouvernementales, il y a les individus qui ont des droits. Et, dans le droit et peut-être dans le débat politique aussi, même au niveau fédéral, ça ne se fait pas de dire: Bon, vous n'amenez pas votre famille au Canada. C'est quelque chose qui est un acquis. Et même chose pour les réfugiés, les fonctionnaires fédéraux vont essayer de ? en fait, c'est tout un débat ? mais mettons qu'ils regrettent beaucoup le fait que les revendicateurs d'asile, c'est un flot qu'ils ne contrôlent pas. Ils ont fait énormément d'efforts, les agents aux postes aux aéroports, à travers le monde, pour bloquer les gens avant d'arriver dans l'avion et tout ça. Mais, pour avoir participé à beaucoup de discussions avec les gens au fédéral, pour eux, la dynamique, c'est aussi que la famille, la moitié, grosso modo, des têtes qui passent par l'entrée ? familles, réfugiés, pas les réfugiés sélectionnés à l'extérieur mais les revendicateurs, plus famille ? grosso modo, ce n'est pas contrôlé par eux non plus. Dans le sens qu'il y a des impératifs juridiques, des traités internationaux, il y a des obligations morales envers la famille, des obligations politiques. Donc, le levier de ce qu'on peut faire avec une politique d'immigration, ce n'est pas tellement différent ici du niveau fédéral.
Une dernière chose, et c'est vraiment le point central de notre mémoire, c'est que, avec tous les scénarios avancés, il faut être réalistes. Donc, dans ces débats de politiques d'immigration et de démographie, il faut amener sa calculatrice, et je faisais des calculs. Avec les chiffres fournis par le ministère, les bonnes années, ça faisait 18 000 de la catégorie travailleurs par année, une moyenne, là, sur les cinq ans divisé par cinq; d'autres années, 11 000. Alors, d'un côté, quand on regarde tous les scénarios et le nombre de travailleurs qu'on veut faire venir, il faut voir ce qui est réaliste. C'est sûr qu'on veut faire mieux dans le futur que dans le passé mais, quand même, il faut regarder le passé.
De l'autre côté, le ministère, dans un assez lointain passé, avec les Libanais et d'autres mouvements et récemment, cette année, avec ce qu'on appelle dans le métier le blitz des gens d'affaires d'Asie et du Moyen-Orient, quand il y a une motivation, une décision claire, on trouve les ressources, on trouve les agents, on les envoie et on accomplit. Alors, c'est possible mais, quand même, ça, c'est des efforts très ponctuels, le blitz, les Libanais et ainsi de suite. Ce qu'il faut espérer, c'est de trouver ce focus, cette concentration d'énergie et de volonté d'accomplir mais le faire à tous les jours, à tous les bureaux à travers le monde.
On vous parle de la concurrence internationale et d'autres mémoires en ont parlé. J'ajouterais ? vous êtes sûrement au courant ? que l'Allemagne cet été a lancé un programme «green card» très développé. Plus récemment, et peut-être moins connu, j'ai vu dans un journal chinois que la ville de Shanghai ? on se dit, d'un côté, la Chine, c'est une source d'immigrants ? va se lancer dans un recrutement de travailleurs qualifiés parce qu'il y a une pénurie à Shanghai. Et pas juste du fin fond de la Chine. Ils vont faire un recrutement international et ça se répète un peu partout.
L'autre point que nous soutenons, c'est la question de la lenteur et de la complexité bureaucratiques. Ça, c'est que, dans le domaine de l'immigration, il y a tellement d'intervenants, et, quand on est un requérant qui veut venir au Québec ? on le mentionne ? ça peut décourager les gens, il y a tellement plus d'intervenants et c'est la nature ? et ça, on voit ça, nous, les avocats, du point de vue des représentants des administrés ? chaque entité, chaque individu, chaque entité gouvernementale, bureaucratique dit: Bon, moi, j'ai rien que pris trois mois, j'ai rien que pris six mois, j'ai rien que pris neuf mois. Mais, dans un système qui est agencé, après le six mois, il y a trois mois, et là, il y a deux mois, et c'est tant de choses.
n(17 h 10)n Il y a des fois où simplement la transmission du dossier entre le Québec et le fédéral, juste envoyer le dossier, envoyer le CSQ, des fois, c'est très rapide dans certains bureaux et, d'autres fois, c'est de trois à cinq mois. Et le fédéral, eux, ils prennent le dossier, ils disent: Bon, là, vous êtes arrivé aujourd'hui ? le dossier ? alors, on suit ça.
Alors, c'est un autre point de notre mémoire, que nous avons l'avantage d'avoir, au Québec, notre propre système de sélection de certaines catégories d'immigrants mais, de l'autre côté, si on ne fait pas attention à la coordination avec le fédéral, ça cause beaucoup de désavantages pour les clients et, éventuellement, ça se montre dans les nombres.
Les critères de sélection, si on veut augmenter les chiffres, il y a plusieurs aspects qu'on mentionne pour la sélection. Un qui est mentionné, c'est la question de l'âge. Encore là, si on fait le calcul avec la grille de sélection, il faut comprendre un peu ce que c'est: on donne un point maximum pour l'expérience avec cinq années d'expérience. Bon, après ça, on donne le maximum, c'est sur le premier cycle universitaire. Bon, il y a plus pour maîtrise, doctorat et ainsi de suite.
D'un autre côté, les points pour l'âge commencent à baisser après 30 ans. Alors, faites le calcul, quelqu'un qui termine l'université, qui travaille cinq ans, mais il ne faut pas qu'il ait plus que 30 ans sinon les points vont baisser... Le candidat idéal, il existe, c'est comme une certaine sorte de papillon des tropiques, il existe pendant une très courte période de temps et, après ça, il descend. Parce que le candidat, faites le calcul vous-même, là, c'est assez facile de voir, s'il a le malheur d'avoir sept années d'expérience, on va en compter cinq, mais déjà, il est trop vieux.
Alors, je pense que le Québec a été pionnier vis-à-vis du fédéral qui commençait à baisser les points à 44, c'est 44 au dépôt de la demande, avant que les gens arrivent ici, ils ont peut-être 46, 47. Le Québec avait peut-être raison d'aller un peu plus vers la jeunesse, mais je pense qu'on est allé un peu trop loin de ce côté-là.
L'autre chose, encore là, je ne sais pas à quel point vous connaissez les détails techniques, mais le Québec a été toujours très innovateur dans les questions de sélection, et nos confrères de Toronto, Calgary, Vancouver nous disent parfois qu'ils nous envient parce qu'on a un système qui est très bien ferré, mais on souhaiterait que ça soit mieux. Mais il y a ce qu'on appelle le critère d'employabilité et de mobilité professionnelle, parce que la pièce angulaire de l'ancien système et du système fédéral aujourd'hui, jusqu'à ce qu'ils arrivent à le changer, c'est l'occupation, et il faut que quelqu'un prouve qu'il est capable d'exercer telle ou telle occupation, et ça mène à des folies. Alors, le Québec a eu l'avantage avec ça ? et aussi il y avait d'autres façons d'éviter ça dans le passé ? d'avoir développé ce qu'on appelle le facteur d'employabilité et de mobilité professionnelles. Alors, c'est une minigrille de sélection à l'intérieur de la grille; il faut avoir 30 points pour ça. Et après, si on passe, alors là, on nous donne d'autres points et on continue dans la grille principale.
Mais, il y a certaines choses, c'est sûr, qui se répètent tellement souvent, c'est un conseiller du SIIQ de Paris qui me l'avait dit, parce que, eux, ils voient ça tous les jours. Je lui parlais d'une de mes clientes, une Algérienne qui est à Montréal maintenant avec son mari et, à l'entrevue ? c'est une entrevue qui s'est faite il y a trois, quatre ans. Bon, maintenant, elle fait telle chose, son mari fait telle affaire, j'ai dit: Ah! ? effectivement, on se rappelait, il faisait 29 points en présélection ? aujourd'hui, ça ne se ferait plus, ça, 29 points, il n'y a plus d'article 40 ou presque plus de juridiction. Et c'est classique, les gens de beaucoup de pays, ils n'ont pas nécessairement eu le baccalauréat en tant que tel, la cliente en question avait beaucoup d'années d'études mais elle n'avait pas le baccalauréat formel. Alors, des gens comme ça, je fais le calcul les yeux fermés, ça fait 29, automatique.
Et ça, c'est quelqu'un qui parlait couramment le français, de la famille à Montréal, une formation technique, mais il manque le bac, et ça revient à ce que, nous, on a dit et à ce que l'AQAADI vous a dit: Les gens de métier, en général, c'est presque calculé d'avance, là. Même francophones, même jeunes, même avec de la famille ici, ils vont arriver à 29, dommage comme ça, et on se prive de beaucoup de gens. Heureusement, cette famille-là était arrivée plus tôt.
On vous parle du non-respect du partage fédéral-provincial. C'est peut-être un terme un peu fort. Il y a des incidents. On espère que c'est plus des cas d'exception dans des termes crus comme ça. Ça arrive. Ça monte, ça descend; ça monte, ça descend. Mais, par contre, où c'est plus sérieux, c'est l'harmonisation des traitements et c'est sûr qu'actuellement il y a ce qu'on appelle le traitement simultané des gens d'affaires, mais ça a été commencé et quatre ou cinq mois plus tard, ça a été suspendu à cause du nombre de demandes. Mais dans les autres catégories, en général, ça n'existe pas. Ce qui fait qu'un Maghrébin, par exemple, va attendre, je ne sais pas, huit, neuf, 10, 12, 14 mois l'entrevue pour Québec et, après, on le met dans la file pour le fédéral à Paris où il attend encore la même période. Il y a des raisons de ci, de ça. Mais voilà.
Un dernier point que sous-entend notre mémoire un peu, c'est la question des francophones et des francisables et des non francophones, et on mentionne que se priver de candidats non francophones de qualité à cause de la pauvre connaissance du français est, à courte et longue échéance, une perte nette. Je pense qu'il faut vraiment garder l'oeil ouvert sur ça. D'un côté, l'immigration, c'est une question à long terme, il faut penser aussi à la prochaine génération. Moi-même, je suis le descendant d'un immigrant américain qui a marié une Gagnon-Tremblay de Québec et mon père était ingénieur. De sa génération... Ce n'était pas un doué dans les langues mais, moi, j'ai appris le français et ça se répète des milliers de fois. Il faut voir des deux côtés. D'un côté, l'immigration n'est pas juste poussée par la langue. Il y a beaucoup d'Algériens francophones avec un anglais très piètre, ils vont aller à Calgary parce que c'est là qu'ils vont trouver de l'emploi, ils sont formés dans le secteur pétrolier. On regarde outre-mer, si vous êtes allés à Paris récemment, le quartier chinois, c'est des gens de Chine, de la ville de Wenzhou, province de Zhejiang qui parlent tous français... bien, mais je veux dire, ils le parlent. On va dans certains autres quartiers, c'est beaucoup de Pakistanais, du Bangladesh. À prime abord, ce n'est pas des francisables. Il faut vraiment garder l'esprit ouvert sur ça.
Et je vous laisserai avec une dernière parole. J'ai eu l'honneur d'assister à une réunion avec feu Jacques Couture alors qu'il n'était plus politicien, il était revenu de mission du Madagascar, il était revenu à Montréal. Il avait rencontré toutes sortes d'assemblées de gens, et puis il avait lancé une certaine notion hérétique, il disait: La notion sacrée de francisable et intégrable, il trouvait qu'il fallait être beaucoup plus large et beaucoup plus souple et beaucoup plus optimiste avec cela. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre.
M. Weigel (Melvin): Et juste une dernière chose.
Le Président (M. Beaulne): Oui, oui, allez.
M. Weigel (Melvin): Sur la question de la famille, on a fait des affirmations sur les critères de famille, de parrainage qui sont beaucoup moins souples au Québec, on dit que c'est quelque chose qu'on ne contrôle pas, mais on met des critères financiers, ici, qui sont du contrôle du Québec, ils sont plus élevés que ceux du fédéral. C'est Me Tom qui pourrait répondre aux questions sur ça. C'est effectivement un point assez intéressant parce que, malgré ce qu'on dit, c'est un secteur où le Québec a un certain contrôle.
Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie. M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Alors, M. Weigel, M. Tom, bienvenue. Merci pour vos commentaires et réflexions. On ne pourra pas entrer dans tout le détail d'un certain nombre de vos remarques, notamment on ne donnera pas ensemble, ici, un cours sur la grille de sélection, on en aurait pour des heures et il y aurait beaucoup de nuances à apporter à vos propos. Ce que je peux vous dire cependant, c'est que vous soulevez toutes sortes de questions pertinentes. Dans certains cas, on aurait des réponses à vous donner. Dans d'autres cas, c'est des choses qu'on va étudier. Mais comme ce n'est pas au coeur de l'enjeu de cette commission, je n'irai pas là-dessus parce que ce serait assez long. Je peux vous dire qu'on a cependant modifié la grille pour tenir compte d'une partie de vos préoccupations, mais il faudrait expliquer en quoi ça permettra de faire ça et on n'en sortirait pas, là.
n(17 h 20)n Vous parliez, par exemple, des exigences en matière de parrainage familial. Mais est-ce qu'on doit aller en dessous d'exigences qui sont à peine le seuil de pauvreté? Je vous signale qu'ailleurs au Canada, évidemment, les provinces n'ont pas à gérer... le fédéral, il ne gère pas, lui, l'aide sociale, hein. Alors, c'est lui qui gère l'immigration au Canada, il ne gère pas l'aide sociale, mais il est en train, sous la pression des provinces, de remonter ses critères. Bon, on pourrait en discuter longuement.
Moi, je trouve intéressant votre mémoire parce que vous soulevez un certain nombre de questions, notamment sur les compétences. Moi, chaque fois que j'ai parlé ? on a abordé, depuis une semaine et demie, les questions d'immigration ici ? chaque fois que j'ai voulu parler à la fois des enjeux constitutionnels ? et tantôt je vous parlerai des enjeux démographiques du Québec ? l'opposition avait tendance à dire que je faisais un débat partisan parce que je parlais d'une question de compétences. On est dans une matière où, à l'évidence, on est dans un domaine normé où l'État intervient, il faut savoir lequel des États puis selon quelles règles du jeu, puis...
Et vous soulevez, avec raison, parfois un certain nombre de dédoublements. J'imagine que vous avez fait également des représentations auprès du gouvernement fédéral. Je vous souligne que nous en faisons. En tout cas ? vous êtes peut-être en mesure de me démontrer le contraire ? je dois dire que depuis quelque temps nous tentons d'éviter, à notre niveau, des délais d'étude de dossiers et de sélection de plus de cinq à six mois, ce qui nous semble un délai raisonnable. Et nous pensons que, de façon générale, le visa devrait venir dans les semaines, le mois et demi ou les deux mois qui suivent, ce qui n'est pas toujours le cas. Et vous avez raison de souligner que parfois on recommence le travail.
Vous parlez de la double tarification; vous avez raison. En même temps, à partir du moment où on a la responsabilité, est-ce qu'il n'est pas normal qu'on ait également les ressources financières qui vont avec? On n'a jamais pu s'entendre là-dessus avec le gouvernement fédéral. Alors, j'imagine que vous avez eu l'occasion de faire également là des représentations. Et je ne le dis pas de façon du tout agressive, c'est une réalité, c'est une contrainte réelle, c'est particulier au Québec. Et l'accord Gagnon-Tremblay a réglé une partie des questions, mais n'a pas tout réglé, il faut en être conscient.
Donc, plusieurs des remarques que vous faites sur les délais de traitement, la liste des professions ? on a changé des choses là-dessus ? l'interprétation des critères, il y a des choses très justes. Moi, par exemple, si on me posait la question: Pourquoi est-ce qu'à partir de quelque trente années on commence à ne plus être bon? Le ministère a des réponses là-dessus. J'en aurai bientôt 53. Il me semble que, si je voulais immigrer quelque part, ce serait débattable, mais, enfin, on n'entrera pas dans le détail. Mais je voudrais quand même poser une question...
Une voix: ...
M. Perreault: Vous préférez me garder? En tout cas, vous avez l'air, vous autres, d'être pour, cependant, l'immigration d'affaires, parce que je dois vous dire que l'opposition... J'ai sorti le libellé, je vais laisser la copie à nos collègues. Le député d'Outremont ? aïe, aïe, aïe! ? le recrutement des gens d'affaires, ce qu'il a dit là-dessus, ce n'est pas très bon.
Mais, cela dit, moi, j'aurais une question à vous poser sur la question des candidats non francophones. Pour vous, là... Je suis très conscient que, à la limite, il y a des candidats d'excellente qualité partout dans le monde pour immigrer au Québec, de toutes les langues, de toutes les origines, de toutes les régions de la planète. Il n'y a aucun doute dans mon esprit, aucun, aucun, aucun. Et, d'ailleurs, 60 % de l'immigration du Québec, à toutes fins pratiques, actuellement, est issue de partout dans le monde et de gens qui ne connaissent pas du tout le français. Et pour le 40 % des gens qu'on dit, dans nos chiffres, qu'ils connaissent le français, il faudrait fouiller un peu, parce que si on prenait la peine de fouiller un peu, les gens qui connaissent vraiment le français, ce serait beaucoup moins que ça.
C'est quoi le niveau d'immigration, donc, compte tenu de la situation du Québec? Parce que vous m'avez parlé de l'Algérien qui est à Calgary, je veux bien. Vous m'avez parlé des gens d'une province chinoise qui sont à Paris, je veux bien. Mais la situation linguistique et politique de Paris ou de Calgary n'est pas la même que celle du Québec. Alors, c'est quoi, le niveau de préoccupation qui doit être le nôtre? Et, dans mon esprit, il n'y a pas de contradiction, à partir du moment où il faut sélectionner des gens, entre les choisir compétents et connaissant minimalement le français. Alors, ça serait quoi, le niveau acceptable? Aucun? Il y en a un? Ça fait partie des préoccupations qu'on doit avoir? Pas du tout?
M. Weigel (Melvin): Je ne suis pas 100 % sûr que je comprends la question, mais quel est le niveau d'immigration non francophone qui est acceptable ou c'est...
M. Perreault: Ou d'immigration francophone qu'on devrait viser? Est-ce qu'on doit n'avoir aucun objectif ou il est normal au Québec, compte tenu de la situation politique et linguistique du Québec, d'avoir parmi nos objectifs, lorsqu'on sélectionne des immigrants, des objectifs du côté de la connaissance de la langue française et à quel niveau doit-on l'établir?
M. Weigel (Melvin): D'un côté, la réponse facile, ça serait de dire: M. le ministre, ça, c'est le choix des politiciens et pas le choix des associations d'avocats. Mais, quand même, abordons un tout petit peu plus loin.
M. Perreault: C'est parce que vous l'avez abordé.
M. Weigel (Melvin): Oui, oui. Ce qu'on dit, peut-être, nous, c'est pour ça qu'on ne s'est pas lancés avec des chiffres, des proportions de nombres de gens, tout ça, on parle de principes. Et c'est peut-être une chose très banale en économie 101, la courbe de beurre et de fusils. C'est de la très vieille économie, là, mais on a à peu près le même âge. Alors, la courbe, si une économie met plus d'argent dans le beurre, il y a moins de fusils et ainsi de suite. C'est sûr que le défaut avec ce schéma, c'est que peut-être avec plus d'efforts, on trouvera plus de francophones aussi qualifiés. Mais, est-ce que c'est vrai? C'est ça. On lance la notion premièrement que ce n'est pas nécessairement vrai, qu'avec plus efforts et ainsi de suite. On a regardé les chiffres, les cinq dernières années, il y a beaucoup de... Premièrement, ce n'est pas évident que c'est faisable et, deuxièmement, parce qu'on trouve que, si on veut plus de monde, c'est sûr, en regardant le passé, si on regarde 10 ans du passé, 11 000 à 18 000, bon, les proportions de francophones, ça augmente tranquillement, mais si on ne veut aucun de vos scénarios, on trouverait beaucoup plus de monde. Puis où est-ce que ça va se trouver? C'est simplement en étant beaucoup plus efficace à Nantes ou quoi?
Et la deuxième chose qu'on mentionne, c'est que les gens, effectivement, vous y arrivez, à l'arrivée, même s'ils ne parlent pas le français, est-ce que eux et leurs enfants vont le parler? Effectivement, on le mentionne. Et c'est sûr que là ça prendrait de front la question de l'objectif, etc. Parce que c'est autant au niveau de l'intégration que de la sélection, pour le français.
Et juste une dernière remarque sur ça, c'est que, au fédéral, il y a énormément d'immigrants. L'Algérien, exemple que je donne, qui s'en va à Calgary, il parle à peine l'anglais. Il va l'apprendre comme le Somalien ou le Ghanéen ou l'autre qui s'en à Calgary.
M. Perreault: Je comprends très bien, mais c'est là toute la difficulté de parler d'immigration au Québec. Quand on veut aussi tenir compte du défi de l'intégration, la réalité du Québec, et notamment de la région de Montréal où se concentre 80 % de l'immigration, n'est pas la même que la réalité de Calgary ou de Paris. Vous avez raison. Le défi de la langue et de l'intégration se poserait différemment s'il était clair que le Québec est un pays indépendant où la langue est le français, mais il y a un double modèle d'intégration. Alors, est-ce qu'on doit ou pas en tenir compte quand on est un gouvernement responsable, à la fois de sélectionner des immigrants, donc de les choisir, d'établir des critères et, en même temps, responsable d'assurer la pérennité du fait français au Québec?
M. Weigel (Melvin): Oui. Tout ce qu'on voulait souligner, c'est que, d'un côté, peut-être pour éviter qu'on arrive avec une idée sous-consciente immigrant de qualité ? et c'est tout un débat de savoir c'est quoi un immigrant de qualité ? versus français, parce que ça ne devrait pas être en choc l'un et l'autre, ou ça ne devient pas une courbe de beurre et de fusils ou plus d'efforts ? j'aurais une remarque plus tard à faire, si on me le permettra, sur certaines politiques pour en chercher d'autres ? ou effectivement de dire: Ce n'est pas seulement à l'arrivée mais après, à l'intégration. Il faut que ça cède en quelque part. Me Tom aurait une réponse aussi.
n(17 h 30)nM. Tom (Walter): Oui. Et puis, pour ajouter à ce que Me Weigel a dit, il y a, de ce qu'on a vu, effectivement, des documents qui nous ont été soumis par la commission, plusieurs enjeux: il y a enjeu démographique, enjeu économique et enjeu linguistique. Et, comme Me Weigel l'a clairement indiqué, on ne peut pas simplement dire: Parce qu'on a un objectif, alors il faut ignorer les deux autres.
Si on regarde les chiffres mêmes du MRCI ? et puis je vous réfère plus particulièrement à votre document Caractéristiques de l'immigration au Québec, plus particulièrement page 29, où on regarde l'immigration au Québec selon le lieu d'émission, divisée par catégories ? alors vous voyez que, en 1990-1994, il y avait, dans la catégorie des indépendants, qui est une catégorie qui est pleinement de la compétence du Québec, 94 290 indépendants qui ont réussi à avoir effectivement leur visa pour venir s'établir au Québec. Est-ce que ces gens-là ont des problèmes d'intégration beaucoup plus difficiles que, par exemple, la prochaine vague, ceux qui ont été permis d'entrer au Québec entre 1995 et 1999? Et puis, vous remarquez, il y avait aussi une nette baisse du nombre des indépendants de 90 000 à à peu près 58 000.
Alors, lorsque vous parlez de l'intégration, la question, c'est la suivante: Est-ce que, effectivement, les gens qui sont entrés entre 1990 et 1994 ont vécu des problèmes d'intégration beaucoup plus difficiles que des gens qui sont rentrés entre 1995 et 1999?
L'autre chose qu'il faut regarder aussi, c'est que... Et puis ça, ça revient un peu à notre question des ressources. Le problème, effectivement, avec certains continents et certains services d'Immigration-Québec, c'est parce qu'il existe dans certains continents des endroits privilégiés pour l'immigration francophone. La Mauricie, par exemple, O.K., c'est un endroit privilégié pour les immigrants francophones. Mais, par contre, une fois encore, c'est une question de passer par les diverses étapes, par les divers obstacles bureaucratiques, ce que Me Weigel a mentionné.
J'aimerais juste, peut-être, finir avec la question du parrainage familial. Il y avait une remarque du ministre qui, je trouve, peut-être peut être nuancée, parce que c'est vrai que Québec a effectivement le fardeau économique au niveau des gens qui viennent ici par le parrainage familial et qui tombent sur le bien-être social. Mais je crois que c'est très important pour... Et je crois que c'est le même discours qui se fait à l'Ouest du Canada, où il y a encore beaucoup de problématiques à l'égard de cette notion des immigrants qui sont toujours sur le bien-être social. C'est quoi, le pourcentage des immigrants indépendants ou des immigrants qui viennent par la voie du parrainage familial qui tombent sur, effectivement, l'aide sociale?
Et puis je crois qu'il faut faire attention, parce que, si on continue de, c'est ça, donner ces images des immigrants qui viennent puis tombent sur l'aide sociale, je crois que ça nuit effectivement à ce que nous sommes en train de faire ici. Et puis, même là, pourquoi, dans notre mémoire, on parle de parrainage familial? Parce qu'on pense qu'aussi le parrainage familial peut être un facteur économique. C'est pour ça qu'on l'avait mis dans Enjeux économiques.
Je l'ai vue dans d'autres mémoires et puis d'autres discours devant vous, la question de la régionalisation. Une question que je vous pose, c'est la suivante: Pourquoi ne pas utiliser les questions de réunification familiale et du parrainage comme un facteur de régionalisation? Par exemple, toujours à l'intérieur des pouvoirs que le Québec a, le Canada, quand il regarde les critères financiers des garants, il regarde où est-ce que la personne va s'établir. Si la personne va s'établir, par exemple, dans un petit village de, par exemple, 50 000 personnes, alors les barèmes sont beaucoup plus bas que dans une grande ville de 100 000 personnes. Alors, pourquoi Québec n'utilise pas les pouvoirs qui sont pleinement dans ses compétences pour, effectivement, encourager la régionalisation des immigrants parrainés vers les régions?
Et souvent on dit: Un problème des questions de régionalisation, c'est la rétention des immigrants. Bien, écoute, s'il y a déjà des familles immigrantes qui sont là-bas, qui sont déjà bien établies, pourquoi alors qu'on ne facilite pas effectivement le parrainage et la réunification de famille de ces gens-là?
M. Perreault: Bien, simplement pour vous dire: Écoutez, j'entends les commentaires, les réflexions. Il y en a qui peuvent être mis à profit. Juste simplement émettre un chiffre: dans le reste du Canada, 55 % des immigrants connaissent l'anglais. Même si ce n'était pas le cas, le problème de leur intégration à la langue serait relativement plus facile, parce qu'il y a une seule langue, dans le fond, qui est la langue. Moi, je pense qu'il faut prendre acte de cette réalité du Québec.
Vous ne m'avez pas répondu. Bon, c'est correct. Je ne veux pas vous torturer. Je dis juste que me semble-t-il que, comme ministre, à partir du moment où on sélectionne des gens, on peut se poser cette question, et il n'y a pas de contradiction. Voyez-vous, depuis les dernières années, on a réussi à augmenter la proportion de gens qui connaissent le français, et on a augmenté la qualification des gens qu'on reçoit. Donc, il n'y a pas de contradiction. Le bassin des francophones qualifiés dans le monde est très, très grand, et on a des objectifs somme toute limités.
Moi, dernier point que je voudrais vous dire: Sur la question des familles, c'est un peu la même chose. Il faut être conscient que ce qu'on essaie de gérer, c'est les risques. Encore une fois, à partir du moment où rien ne nous oblige à accepter un immigrant plutôt qu'un autre et que les demandes sont nombreuses ? elles ne sont pas infinies, elles sont nombreuses ? donc, on a à gérer un peu les risques comme société. Mais en même temps il faut le faire raisonnablement en s'assurant que, effectivement, le principe de la réunion de famille est préservé. Ça, je suis d'accord là-dessus. Puis je retiens certaines de vos suggestions. Je vais les faire explorer.
M. Weigel (Melvin): M. le ministre, avec votre permission, juste comme praticiens ? juste une mention ? on serait heureux de savoir que les entrevues, c'est dans cinq à six mois, et le visa dans quelques semaines. Notre monde serait très, très heureux si c'était vrai, et pour le Québec et pour le fédéral. Je dirais que c'est parfois vrai pour le Québec: certains bureaux oui, certains bureaux non, certains bureaux, c'est un an, un an et demi; pour le fédéral, presque jamais.
M. Perreault: Est-ce que, dans votre expérience, un an, un an et demi, c'est... On vient de corriger la situation de Paris, est-ce que c'est vrai pour autre catégorie que les entrepreneurs?
M. Weigel (Melvin): Oui.
M. Perreault: Quel bureau?
M. Weigel (Melvin): Paris pour les Maghrébins.
M. Perreault: Oui, mais Paris, on sait la problématique des...
M. Weigel (Melvin): Oui. Non, mais je veux dire entre autres, là. Damas, j'imagine.
M. Perreault: O.K. Merci.
M. Weigel (Melvin): Et pour la portion fédérale, quelle que soit la catégorie, ce n'est jamais dans les semaines qui suivent.
M. Perreault: Ah non! Ça, je le sais.
Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le ministre?
M. Perreault: Oui, merci.
Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Me Weigel, Me Tom, merci pour le mémoire. Je suis ravie que vous ayez pu le présenter, parce que vous amenez en fait une réflexion et des suggestions, et vous mettez aussi le doigt sur des problématiques réelles qu'on ne peut pas tout simplement balayer du revers de la main en disant: Ce n'est pas le lieu ici. Je pense que, lorsqu'on parle de la sélection des immigrants, c'est au coeur du débat sur les niveaux d'immigration.
Je voudrais aussi, M. le Président, avec votre permission, corriger un peu les propos du ministre concernant mon collègue qui n'est pas parmi nous. Je pense que ça manque d'élégance de la part du ministre de profiter de l'absence d'un collègue pour lui imputer des motifs et une interprétation de propos qu'il n'aurait pas tenus. Je connais assez bien le député d'Outremont pour savoir ce qu'il pense de l'immigration.
On était sur un débat en rapport avec l'accueil des différentes catégories d'immigrants, notamment les réfugiés, et il a exprimé un questionnement concernant la rétention de l'immigration par rapport aux autres catégories, considérant que, dans l'immigration des gens d'affaires, le niveau de départ est plus élevé. Et on le sait, que l'immigration humanitaire a tendance à se fixer.
n(17 h 40)n Donc, moi, je pense qu'on ne fait pas les gorges chaudes avec ça. On est tous appelés à se prononcer sur des questions parfois complexes, mais ce n'est pas une raison, à mon avis, M. le Président ? parce que je suis très heureuse d'avoir participé à cette commission-là, on a eu des débats, des gens de qualité qui sont venus se présenter devant nous ? et ce n'est vraiment pas le lieu de vouloir sortir des informations ou des citations hors contexte pour s'attaquer à un collègue qui n'est pas présent parmi nous. S'il était là, il aurait répondu de lui-même.
Ceci étant dit, je voudrais revenir au mémoire, que je trouve fort intéressant. À la page 7, vous parlez de la lenteur et de la complexité bureaucratiques et vous pointez du doigt des programmes que vous jugez assez complexes et qu'il faudrait éventuellement revoir pour en évaluer l'efficacité. Est-ce que vous faites référence à quelque chose de spécial? Qu'est-ce qu'il faut changer? Qu'est-ce qu'il faut mettre à jour? Qu'est-ce qu'il faut modifier par rapport à ces programmes-là? À la page 7, en bas de page.
M. Weigel (Melvin): Je m'excuse, j'ai une pagination...
Mme Houda-Pepin: Différente.
M. Weigel (Melvin): C'est le courrier électronique qui arrive et j'ai paginé différemment, mais j'ai retrouvé, Mme la députée.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci.
M. Weigel (Melvin): Peut-être que Me Tom aura quelque chose à ajouter, mais simplement je crois qu'on les visite tous. Parce que les programmes du Québec, en général, sont très bien conçus. Je veux dire, comme je vous dis, on compare avec nos collègues au fédéral, à Toronto, Calgary, et ils sont assez bien conçus. Mais il y a certains aspects qui nous agacent. Mais, en général même, ça fait modèle de pionnier. Mais c'est dans l'exécution parfois qu'il y a des problèmes. Et aussi, dans la pratique, il y a du à prendre et à laisser. Le système fédéral est devenu très judiciarisé. Et le Québec, bon, d'un côté, souvent c'est plus informel, moins judiciarisé. C'est le bon côté de la médaille. Parfois, ça peut glisser, c'est un peu plus arbitraire. C'est l'inverse, mais, si on ne veut pas trop être judiciarisé, c'est comme ça. C'est sûr qu'il faudrait être innovateur aussi, penser à d'autres programmes. Il y a ceux qui existent, mais on peut aller plus loin.
Là, j'ai une question que j'avais mentionnée avant, une question personnelle. Je crois qu'on pense toujours en bloc. Dans le domaine de l'immigration, les gens disent: Bon, l'immigration économique, ce n'est pas fait parce que les gens veulent venir ici pour faire de l'argent. Le Liban, c'est l'exemple parfait. De tous les Libanais qui sont venus, c'est le plus grand groupe, à une certaine période, si on regardait un par un les Libanais ou 10 000 par 10 000, il y aurait probablement 10 000 réfugiés, 10 000 indépendants, catégories famille, gens d'affaires, investisseurs. Mais pourquoi ils sont venus? La motivation est la même. Ils sont tous venus. Alors, il faut faire un peu de ce que les consultants en gestion, en anglais, appellent le «lateral thinking» ? je m'excuse, je ne connais pas l'expression française.
Les programmes temporaires aussi, le Québec... Encore là, il ne faut pas être pris seulement en juridiction, mais on a des moyens d'action. Recruter plus d'étudiants ? on se plaint que les gens ne restent pas ici ? qu'on va chercher en tant qu'étudiants, et après ils font venir leurs parents, et eux-mêmes seront qualifiés, et ainsi de suite. Je veux dire, il y a plein d'affaires à faire. Mais, dans les programmes existants, le concept, avec les remarques qu'on a faites...
Simplement, c'est que, si on veut les chiffres ? et c'est l'échange avec M. le ministre ? si on veut augmenter les chiffres, regardons les chiffres, les statistiques du ministère, 1980 à 1994, 1995 à 1999, c'est en baisse. Alors, on dit: On a augmenté le taux de francisation, on a augmenté la qualité. Bon. Alors, c'est comme on a un bon vin, un bon vin français de bonne qualité, mais les chiffres descendent. Et, si on veut augmenter les chiffres, qu'est-ce qu'il faut faire? Et, moi, je disais que ce n'est pas seulement une courbe tellement serrée, on peut faire des efforts plus évidents pour chercher les gens, pour faire expansion du bassin de gens qu'on recherche. Et aussi on peut mettre l'accent sur l'intégration. Me Tom.
M. Tom (Walter): Et aussi pour enchaîner un peu avec ça, une des problématiques effectivement quand il y a des problèmes de lenteur bureaucratique ou autre, c'est que les gens, ils ont comme une vie à mener. Ils ne peuvent pas attendre un an, deux ans pour ? c'est ça ? que, finalement, le Québec et le Canada décide d'émettre le visa. On perd des clients. Effectivement, ils sont des clients parfaitement qualifiés, mais, finalement, ils trouvaient un autre pays d'accueil qui leur permettait d'entrer plus rapidement.
Et mettez-vous simplement à la place de cette personne. Et une des problématiques et un des résultats de ça, c'est qu'on a ce qu'on appelle un peu le magasinage des services d'immigration du Québec des fois, dans le sens que, parce que le service d'immigration du Québec est beaucoup plus lent qu'un autre, on a des gens qui vont se déplacer dans un tiers pays juste, effectivement, pour qu'ils puissent faire procéder avec leur dossier plus rapidement.
La question qui se pose est la suivante: Est-ce qu'il faut encourager ça ou est-ce qu'il faut décourager ça? Si on pense aux qualités de la personne, il semble que le candidat qui est assez intelligent et qui a des moyens aussi pour se déplacer dans un tiers pays, parce qu'il veut tellement venir au Québec, il faut encourager ça. Mais, selon des directives récentes du MRCI, ce n'est pas évident. En tout cas, ça, c'est quelque chose qui est peut-être un peu trop dans le détail, mais, une fois encore, il faut faciliter pour les gens qui veulent et qui peuvent venir au Québec.
Mme Houda-Pepin: Sur ce point-là concernant les délais de traitement, je pense que c'est aussi un des obstacles. Vous l'expliquez très bien dans votre mémoire. À juste titre, vous dites qu'il y a des régions du monde où les délais sont plus courts, alors il faut se poser des questions, pourquoi? Comment ça se fait ? vous l'avez dit aussi pour la Mauricie ? il y a de l'immigration francophone mais on ne va pas la chercher. On a parlé du Maghreb dans les autres mémoires, et vous faites allusion à ça aussi. Autrefois, il y avait un point de service à Rabat pour les pays du Maghreb ? on sait qu'il y a un bassin francophone qualifié, etc. ? et là il faudrait passer par Paris; ça réduit les délais. Comme vous dites, si la personne veut procéder rapidement, il faut qu'elle ait les moyens d'aller à Paris en fait, ou autrement venir à New York si elle a de la famille à New York, et ainsi de suite.
Ça ne devrait pas exister, ces disparités de traitement des dossiers, parce qu'il n'y a pas de raison. Il faut qu'on puisse avoir accès au service là où il y a des bassins significatifs d'immigration qui correspondent au profil que le Québec recherche. En fait, il faut faire rencontrer l'offre et la demande. Et ce travail-là, il demeure en fait à être complété.
Je voudrais revenir aussi sur les obstacles systématiques que vous avez signalés concernant la réunification des familles, et plus particulièrement la question des barèmes financiers en vigueur au Québec. Pourriez-vous nous expliquer, pour éclairer la commission, comment cela peut se manifester et comment est-ce que ça représente un obstacle?
M. Tom (Walter): Je crois que c'était clair dans notre mémoire et peut-être même dans nos propos auparavant. Le Québec est effectivement la destination la plus chère pour faire venir sa famille. Dans le restant du Canada... Et puis ce n'est pas un peu plus cher par quelques centaines de dollars, on parle des fois d'écarts, dépendant du nombre de personnes, jusqu'à 20 000 $. Et puis ça ne compte même pas les questions de double tarification. Alors, disons que, si on veut effectivement encourager... Parce qu'il ne faut pas oublier que, au niveau des indépendants, une fois qu'ils sont arrivés... Et puis on parle d'indépendants quand même qui sont entrés avec les critères élaborés depuis 1996, francophones, des candidats idéaux. Peut-être que, eux, ils ont aussi de la famille à faire venir au Canada. Alors, ces gens-là, ils vont avoir de la misère plus au Québec que s'ils restaient en Ontario ou à Vancouver en Colombie-Britannique ou même en Alberta. Alors, je crois que c'est à revoir un peu au niveau des barèmes financiers.
n(17 h 50)n Le ministre a parlé effectivement de l'importance de l'intégration. Une fois encore, nous sommes de simples avocats, nous ne sommes pas des sociologues, et ce n'est pas vraiment notre place pour parler de ces chiffres d'intégration. Mais je crois qu'il faut vraiment relancer ce débat au niveau de: Qu'est-ce que ça prend au niveau du parrainage familial vraiment pour intégrer les gens, est-ce que nous avons moins de problèmes au Québec que le restant du Canada parce que nos barèmes sont plus hauts? Ici, ce sont des questions, je crois, qu'il faut poser.
Mme Houda-Pepin: Et, sur les critères de sélection, vous dites que, par rapport à l'emploi, le critère du diplôme ne devrait pas être exclusif, prépondérant, et qu'il faudrait aussi envisager de mesurer les compétences, l'expérience et les appuis que le candidat à l'immigration peut avoir ici. En fait, vous voulez élargir la notion d'adaptabilité. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?
M. Weigel (Melvin): Bon. Simplement, bon, en terme général ? et, nous, on l'a dit, et d'autres l'ont dit aussi très clairement ? le système actuel et le fédéral se lancent dans la même aventure, et très axée vers les universitaires. Alors, c'est sûr que c'est bon, mais ça ne prend pas que ça dans la vie. Deuxièmement, dans les systèmes, quand on travaille en immigration, que ce soit du côté du gouvernement ou d'un autre côté, on devient un peu... on acquiert une certaine connaissance dans les systèmes scolaires de toutes sortes de pays et aussi les schémas, je veux dire: tel pays, telle décennie, il y avait tel... telle classe sociale avait accès à telle éducation, et il y a beaucoup de gens... On parlerait, entre autres, de l'Algérie, c'était le système français très classique ? classique à l'époque ? et pas tout le monde avait le baccalauréat. Et certaines personnes n'ont pas le baccalauréat mais ils ont fait d'autres études et en Algérie et en France après, mais le système est conçu: pas de bac, le reste ne compte pas. Et puis, alors, tout s'effondre, et puis voilà.
Et c'est calculé d'avance, qu'une personne avec ce profil-là, même si tout le reste est parfait, même s'ils ont un métier, ils ont de la famille, langue française, ils ne sont pas trop vieux, même s'ils ont le profil parfait sauf ce point-là: désolé, ça fait 29 en présélection. Et puis il n'y a pas de discrétion, et c'est tout. Et c'est connu, je veux dire, les conseillers disent: Oui, oui, on en voit à la tonne comme ça, et c'est des rebuts, alors que ce n'est pas évident que ces gens-là ne vont pas bien s'intégrer.
Et, d'ailleurs, la preuve, c'est que le deuxième volet ? parce qu'on fait cette évaluation en deux volets ? sur le deuxième volet, on prend la même personne ou le même couple et ils ont d'excellentes notes, je veux dire plus que nécessaires pour passer. Mais il leur manquait un point dans le triage et puis, touf!, comme ça. Alors, si on veut plus de gens, par exemple, ça, c'est un point qu'on pourrait assouplir.
Et d'ailleurs, c'est la même erreur qu'on voit au fédéral. Il y a eu des représentations faites au fédéral. On imagine un monde d'immigrants uniquement universitaires, etc. Ça prend d'autres gens pour faire marcher les machines, je veux dire, ou, tu sais, là, au sens large.
M. Tom (Walter): C'est ça. Soit dans la construction ou soit donc, c'est ça, des camionneurs... Il y a d'autres intervenants, comme AQAADI, aussi, qui ont aussi soulevé ces points. Alors, je ne sais pas si ça va prendre peut-être des programmes spéciaux pour faire venir des travailleurs temporaires, comme on fait peut-être avec les Canadiens informaticiens, mais évidemment que nous avons des besoins de main-d'oeuvre au Québec.
Mme Houda-Pepin: Sur l'immigration francophone, si je vous ai bien compris, vous êtes favorables à l'immigration francophone mais pas de façon exclusive. Vous dites: C'est pas parce que quelqu'un est francophone qu'il va s'intégrer plus facilement, parce que ça prend des conditions et des structures d'accueil adaptés à ses besoins, mais ce n'est pas parce que quelqu'un est non francophone que ça va être plus difficile pour lui de s'intégrer, parce qu'une langue, ça s'apprend, puis, si cette personne a une compétence, elle a des chances aussi de réussir. Donc, votre position, c'est de trouver un équilibre dans le portrait linguistique de l'immigration. C'est bien ça?
M. Weigel (Melvin): C'est exact. Un équilibre, et aussi simplement rappeler les chiffres, que pour les cinq dernières années les chiffres sont en baisse. Les francophones sont peut-être en montée mais les chiffres absolus de gens sont en baisse. Alors, si maintenant on veut aller chercher, selon tous les quatre scénarios, plus de gens, bien... Et avec le système de l'immigration, on quantifie tout, on met tant de points pour la langue, tant de points pour ci... Alors, on réduit tout à la même dimension: les points. Donc, il faut que ça donne, quelque part, là, du slaque, là, parce que... Et que si on veut faire une expansion, bien, il faut trouver les moyens, ce n'est pas uniquement sur la question linguistique, pour ne pas que ça devienne le paramètre unique.
M. Tom (Walter): Et même sur les questions linguistiques. Même pour des gens qui sont rentrés entre 1990 et 1994. Combien de ces gens-là ont effectivement acquis peut-être le français comme langue d'usage public? Combien de leurs enfants, c'est ça, sont devenus des francophones qui parlent couramment le français?
Alors, le fait, effectivement, de seulement choisir des francophones à l'extérieur ? et je ne veux pas dire que c'est ça que fait le Québec, aucunement ? mais de favoriser ça, je crois qu'on perd un peu de vue, effectivement, les autres enjeux, ceux démographiques. Et, selon les documents du MRCI même, on voit bien qu'il y a une bonne partie de ces gens-là, de 1990 à 1994, qui, quand même, se sont bien intégrés, qui ont commencé à utiliser, effectivement, le français comme langue d'usage public. Alors, si on perd, par exemple, juste en regardant les chiffres, je crois que c'était 40 000 ou 30 000 indépendants entre 1990-1994 en comparaison avec 1995-1999, combien de ces 30 000 personnes qu'on a perdues auraient pu, peut-être, apprendre le français ou avoir le français comme langue d'usage public? Et surtout si on regarde au niveau de combien de francophones actuels en nombre qui sont entrés pendant ce même temps.
Mme Houda-Pepin: Dernière petite question, s'il vous plaît.
Le Président (M. Beaulne): Mme la députée, oui, brièvement.Mme Houda-Pepin: C'est une question que vous n'avez pas abordée dans votre mémoire, mais j'aimerais vous entendre sur la question des consultants en immigration. Je sais que vous êtes des avocats, vous êtes aussi des spécialistes, des fois, de l'immigration, en tout cas il y en a parmi vous. Qu'est-ce que vous pensez des consultants en immigration?
M. Weigel (Melvin): Bon, je pense qu'il y a une position officielle de l'Association qui est une ligne assez dure que, pour représenter les gens en droit, en droit administratif, il faut être avocats. Par contre, il faut être maître en étant plus souple. Et puis il y a une variation, il y a les consultants sur place, ici, puis il y a les consultants outre-mer. Dans certains cas, ces gens-là peuvent avoir une fonction utile, soit seuls, soit parfois en agissant en tandem avec un avocat ? le système britannique, là, le «solicitor», le «barrister» ? parce qu'ils sont parfois issus des communautés ethniques. Moins de problèmes, il n'y a pas tous les avocats qui parlent chinois ou tous les avocats qui parlent arabe, ainsi de suite, plus près des moeurs, plus près des langues. Mais c'est sûr que ça doit être surveillé, réglementé, tout comme le Barreau est surveillé et réglementé.
Mme Houda-Pepin: Merci.
Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, il vous reste une minute.
M. Perreault: Oui. Écoutez, vous êtes entrés dans le détail de... Vous êtes des familiers avec la technique, puisque, bon... On en tiendra compte. Mais, puisque vous avez pris la peine de venir, je ne veux pas vous laisser partir sans au moins corriger une impression que vous avez. Ça me semble important de la corriger, vous vous intéressez à ces questions, puis également pour les minutes de cette assemblée.
n(18 heures)n Il n'y a absolument aucune diminution de nos objectifs en matière d'immigration qui serait liée à la fixation d'objectifs en matière de francisation et de recrutement de candidats français. Il faut se rappeler que le gouvernement fédéral, unilatéralement, a régularisé la situation de beaucoup de demandeurs d'asile en les classant, notamment dans les années 1990 à 1994, dans la catégorie des indépendants, dans leur mouvement de régularisation. Ce qui fait que tous les chiffres qu'on interprète, quand on ne connaît pas ça ? ça a fait l'objet de nombreux articles dans les journaux, des «front pages», même ? et quand on oublie cette réalité, évidemment les chiffres sont trompeurs.
Mais, si on regarde les chiffres réels, le Québec a toujours eu une immigration autour de 30 000 personnes par année, et il y a réussi, et, en ce qui me concerne, on va s'assurer qu'à la veille du prochain référendum le gouvernement en place ne laissera pas faire une opération semblable. Voilà.
Le Président (M. Beaulne): Alors, sur ce, je vous remercie, Me Weigel, Me Tom, et nous ajournons nos travaux à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle.
(Fin de la séance à 18 h 1)