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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, September 5, 2000 - Vol. 36 N° 39

Consultation générale sur le projet de loi n° 143 - Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics et modifiant la Charte des droits et libertés de la personne


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Table des matières

Journal des débats

orze heures une minute)

Le Président (M. Rioux): Je demanderais à la Fédération des cégeps de prendre place. Alors, maintenant que nous avons quorum... J'imagine que c'est la même chose à vos conseils d'administration, vous attendez d'avoir quorum avant de commencer. C'est la même chose chez nous. Alors, MM. les députés membres de la commission, notre mandat aujourd'hui, ça consiste à poursuivre nos auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le projet de loi n° 143, Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics et modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lamoureux (Anjou) est remplacé par M. Ouimet (Marquette). Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Rioux): Alors, je ne sais pas, c'est M. Yvon René?

M. René (Yvon): Oui.

Le Président (M. Rioux): M. René, vous allez nous présenter les collègues qui vous accompagnent.

Fédération des cégeps

M. René (Yvon): Oui. Ça me fait plaisir de vous présenter Mme Nathalie Gaulin, qui est conseillère en ressources humaines à la Fédération des cégeps, ainsi que Mme Dominique Arnaud, conseillère en communication à la Fédération des cégeps.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. René est directeur, lui, des ressources humaines au collège Édouard-Montpetit.

M. René (Yvon): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Rioux): On dit que c'est un des meilleurs collèges au Québec. Est-ce que c'est vrai?

M. René (Yvon): C'est un des bons.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): C'est parmi les bons, vous allez me dire?

M. René (Yvon): Tout à fait.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. René, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. C'est le mémoire n° 27. On vous écoute.

M. René (Yvon): Merci. C'est la première fois que je présente un mémoire devant une commission, je suis un peu nerveux. Ça va se calmer au fil du temps. Je dois vous dire que j'ai lu dans les transcriptions que vous annonciez vendredi dernier la reprise des travaux avec une petite phrase: «Et là, attention, on accueille la Fédération des cégeps.» Je suis content de voir que vous êtes contents de nous recevoir. Et on est très contents d'être ici pour vous livrer aussi notre point de vue sur le projet de loi.

D'abord, la Fédération des cégeps a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du projet de loi n° 143. Il s'agit là d'un projet de loi important qui illustre bien la diversité de la société québécoise actuelle et sa volonté de corriger les inégalités en emploi dans les organismes publics. La Fédération en appuie les principaux fondements, car elle estime, en effet, qu'il faut assurer par des mesures actives et une plus juste représentation sur le marché du travail non seulement des femmes, mais aussi des autochtones et des personnes faisant partie d'une minorité visible. Cependant, elle tient à exprimer un certain nombre de considérations qu'elle souhaiterait voir prises en compte dans la future loi afin d'en alléger les procédures et d'en faciliter ainsi l'implantation dans le réseau collégial québécois et, je vous dirais, aussi de garantir une meilleure intégration des groupes ciblés.

C'est à titre de porte-parole d'un réseau qui emploie près de 20 000 personnes dans toutes les régions du Québec que la Fédération souhaite commenter le projet de loi n° 143 et ses incidences sur l'organisation du travail dans les collèges et, je vous dirais, aussi sur la culture organisationnelle même des collèges.

Créée en 1969, la Fédération des cégeps est le regroupement de 48 collèges publics du Québec. Elle a pour mission de promouvoir le développement de l'enseignement collégial et elle agit comme porte-parole officiel du réseau collégial sur toutes les questions qui le concerne, en particulier dans les domaines de la pédagogie, du financement, des ressources humaines, des relations de travail et de la négociation des conventions collectives.

Les collèges possèdent une expérience de plusieurs années dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité pour les femmes. Je dois vous indiquer que nous avons été, comme collège, le premier, collège, Édouard-Montpetit, à implanter un programme d'accès à l'égalité pour les femmes. Ces programmes ont pour objet de corriger la discrimination systémique en changeant notamment les mentalités et les pratiques d'embauche. Cette expertise du réseau collégial, qui a eu pour effet d'améliorer grandement la situation des femmes dans les collèges, a ceci de précieux qu'elle est le fruit d'une collaboration constante des cégeps avec leurs partenaires des syndicats et des associations de cadres. Ceux-ci ont, en effet, toujours été associés à toutes les étapes de mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité, ce qui s'est avéré une garantie de succès.

C'est à la lumière de cette expérience que sont faites les présentes recommandations. Selon un rapport d'analyse qui sera publié prochainement par le Comité consultatif national d'accès à l'égalité, 37 % des établissements collégiaux ont déjà mis sur pied un comité local d'accès à l'égalité et 30 % sont engagés dans une démarche de mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité telle qu'elle est préconisée par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Tous les établissements qui ont implanté un programme d'accès à l'égalité ont adopté des mesures de redressement qui prévoient, entre autres, l'atteinte d'objectifs numériques pour certaines disciplines, notamment dans les secteurs d'emploi traditionnellement occupés en majorité par des hommes.

De plus, tous les établissements collégiaux sans exception ont adopté des politiques ou des mesures pour favoriser l'accès à l'égalité des femmes dans leur milieu: mesures d'accueil et d'intégration, révision des critères d'embauche pour éliminer les biais discriminatoires, sensibilisation aux pratiques et méthodes pédagogiques non sexistes, accès à des services de garde, publication d'articles et de bulletins d'information, participation à des concours tels Chapeau, les filles!, et j'en passe. Les collèges sont donc bien engagés dans la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité ou dans l'application de politiques et de mesures d'égalité pour les femmes. Cet engagement se traduit déjà notamment par une amélioration de la situation des femmes ou de leur présence dans le réseau collégial, par un changement dans les mentalités et par une percée des femmes dans les disciplines et les secteurs plus traditionnellement masculins.

Les chiffres suivants illustrent bien cette évolution dans les différentes catégories d'emploi des collèges. Entre 1990 et 1998, le taux est passé de 20 % à 30 % chez le personnel d'encadrement; de 36 % à 43 % chez le personnel enseignant; de 34 % à 51 % chez le personnel professionnel; et de 53 % à 58 % chez le personnel de soutien.

Comme le propose le projet de loi, la Fédération juge nécessaire que chaque collège établisse un portrait de ses effectifs pour en arriver, s'il y a lieu, à mettre en place un programme d'accès à l'égalité. Dans le même sens, elle estime pertinent que les collèges prennent des mesures pour favoriser l'accès à l'égalité s'il y a sous-représentation d'un groupe concerné au sein de leur établissement.

Cependant, la Fédération s'interroge sur l'utilité des mesures d'encadrement et de contrôle proposées par le législateur et dont l'application serait confiée à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Est-il vraiment nécessaire de mettre en place des procédures si contraignantes qu'elles laissent peu de place à la culture organisationnelle et aux réalités locales? La Fédération estime qu'il faudrait plutôt permettre aux collèges de consolider leurs acquis et de développer des nouvelles expertises dans la mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité en privilégiant une approche basée sur l'autonomie et la responsabilisation, ce qui, à mon sens, à long terme, va donner des résultats qui vont être plus enracinés dans les différents milieux.

n(14 h 10)n

La Fédération croit donc que le rôle de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à l'égard de l'application de la loi devrait être redéfini. Ce rôle, pour lequel la Commission a déjà une compétence reconnue par les collèges, devrait consister à informer et à appuyer les démarches des établissements. Les collèges, eux, établiraient un portrait de leurs effectifs qui tienne compte des réalités propres à l'enseignement collégial, notamment celles du personnel enseignant. En effet, contrairement à ce qu'établit la Classification nationale des professions du Canada, le personnel enseignant ne peut être considéré comme faisant partie d'un seul type d'emploi. Chaque domaine du savoir exige des compétences différentes dont les collèges doivent tenir compte lorsqu'il y a un besoin à combler dans une discipline d'enseignement.

La Commission devrait s'assurer de rendre disponibles aux établissements concernés les données statistiques sur la représentation des différents groupes visés en prenant en compte les types d'emploi identifiés par les collèges. Les établissements pourraient par la suite établir leur propre comparaison diagnostique en fonction de leur zone de recrutement et mettre sur pied, le cas échéant, des programmes d'accès à l'égalité. Les collèges auraient cependant à transmettre l'information à la Commission sur les efforts entrepris pour atteindre leurs objectifs, et celle-ci pourrait conseiller les établissements sur les différentes mesures permettant d'atteindre une plus grande représentation.

En outre, la Fédération estime qu'il n'est pas pertinent que soit confié à la Commission le mandat de vérifier la teneur des programmes d'accès à l'égalité ni le pouvoir de demander à un établissement de le modifier, comme le prévoient les articles 15 et 16 du projet de loi. En effet, les collèges, d'une part, sont des organismes publics autonomes, responsables et qui répondent de leurs actes. Ils ont, d'autre part, une solide expérience des programmes d'accès à l'égalité et de la concertation avec leur milieu. Ils sont donc les mieux placés pour porter un jugement sur la représentation des groupes visés dans leur établissement et pour décider du bien-fondé de mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité.

Finalement, la Fédération est convaincue qu'une loi d'accès à l'égalité est un projet de société qui devrait refléter les efforts de tous les établissements pour garantir l'accès à l'emploi des personnes. C'est pourquoi la Fédération estime qu'il ne serait pas souhaitable que la loi donne lieu à des palmarès, un effet pervers que la publication des listes d'organismes assujettis à la loi pourrait provoquer. En conséquence, la Fédération demande que l'article 23 soit supprimé du projet de loi.

Le gouvernement du Québec et la Fédération des cégeps sont parties prenantes des contrats de travail qu'ils viennent tout juste de signer avec leur personnel. Les modalités de travail du personnel syndiqué sont inscrites dans des conventions collectives nationales. Elles ne relèvent pas toutes de la juridiction des établissements, qui ont peu de marge de manoeuvre en ce qui concerne notamment les conditions et la séquence d'embauche.

En ce qui a trait, en particulier, à l'accès à l'égalité, l'entente 2000-2002 du personnel enseignant précise qu'une mesure d'un programme d'accès à l'égalité dont la portée modifie des dispositions nationales ne prend effet que s'il y a entente entre les parties nationales. La loi doit donc également tenir compte des règles de gestion du personnel dans les collèges, un personnel en grande majorité syndiqué. Même si le projet de loi prévoit toutes les conditions pour permettre un plus grand accès des groupes visés à l'égalité en emploi, les conventions collectives existent et il faut les respecter. Actuellement, certaines règles s'appliquent comme critères d'embauche dans tous les contrats de travail.

Or, toute mesure de redressement qui serait non conforme aux conventions collectives et qui toucherait notamment la question de la priorité d'emploi pourrait être déclarée illégale en arbitrage. Cela reviendrait alors à rendre les collèges hors la loi soit par rapport aux conventions collectives de travail ou soit par rapport à la loi. La mise sur pied de programmes d'accès à l'égalité suppose donc une concertation avec le milieu et en particulier avec les syndicats. C'est de cette manière que les collèges ont toujours agi, et l'expérience démontre que c'est une façon de faire qui garantit le succès. Il faut, par conséquent, donner du temps au réseau collégial pour que les programmes d'accès à l'égalité soient arrimés aux conventions collectives. C'est ce qui permettra d'avoir de véritables mesures de redressement négociées entre les parties plutôt qu'imposées.

Un mot sur les ressources financières. L'expérience acquise au fil des ans par les collèges démontre que la bonne marche d'implantation d'un programme ou de mesures d'accès à l'égalité dépend de plusieurs facteurs et notamment de l'affectation des ressources humaines et financières. Cette affectation des ressources sera d'autant plus importante qu'il faudra assumer les obligations qui découleront de l'application de la loi n° 143: l'analyse des effectifs, les rapports à produire pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l'élaboration et l'application d'un programme d'accès, la sensibilisation du milieu afin de susciter son adhésion, ce sont des activités qui exigeront des efforts importants de la part des collèges.

On se souvient par ailleurs que les collèges ont vécu des compressions financières massives au cours des dernières années qui ont entraîné, entre autres, des réductions de personnel. Or, la Fédération évalue que chaque collège devra affecter une personne à demi-temps à la réalisation des activités prévues par la loi. Pour le réseau collégial, cela équivaut à un ajout de ressources financières de l'ordre de 1,5 million de dollars, ce qu'il ne peut pas se permettre car les priorités vont au réinvestissement dans les services directs aux étudiants et plus particulièrement dans ceux qui concernent la réussite et la diplomation. De plus, il faudrait prévoir que les collèges, qui ont développé une expertise de réseautage et qui confient à la Fédération la responsabilité de coordonner leurs travaux pour tout ce qui touche l'accès à l'égalité, puissent continuer à se donner des outils d'analyse et d'intervention communs dans le cadre de l'application de la loi.

Le Président (M. Rioux): Conclusion rapide.

M. René (Yvon): En conclusion, la Fédération est d'accord avec les éléments essentiels du projet de loi n° 143. Elle apporte son soutien au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Elle rappelle que les collèges ont une bonne longueur d'avance dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité. Elle estime cependant qu'il faut éviter d'introduire dans la loi des procédures trop lourdes, ce qui ferait perdre de vue l'objectif final très louable. Il faut aussi tenir compte de la culture organisationnelle des collèges, de leur réalité et des conventions collectives. On recommande donc d'alléger les procédures prévues par le projet de loi, notamment plus de responsabilités aux collèges dans la gestion de leurs programmes d'accès à l'égalité. Elle rappelle également qu'il faudrait prévoir un ajout de ressources dans le réseau collégial pour lui permettre d'appliquer la prochaine loi.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. René. Alors, je vais donner la parole à M. le ministre.

M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, M. René, Mme Gaulin, Mme Arnaud, merci d'être venus présenter ce mémoire. M. René, vous dites que c'était votre première fois. Vous allez en prendre l'habitude. Vous vous êtes très bien débrouillé, pas de problème. Alors, maintenant, commence la période plus difficile des questions. Je veux vous mettre à l'aise.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perreault: Bien, peut-être, d'abord, vous soulignez avec raison dans votre mémoire les efforts qui ont été faits dans le milieu des cégeps en matière d'accès à l'égalité en emploi pour les femmes. C'est effectivement une des catégories importantes visées par le projet de loi. Vous avez raison de souligner que déjà, dans le cas de cette catégorie cible, il y a eu des efforts significatifs et des résultats significatifs atteints en milieu collégial. Donc, de ce point de vue là, je pense qu'il y a lieu de s'en réjouir, de marquer le progrès.

Mais, en même temps, quand je regardais les chiffres que vous indiquiez, sur la base de programmes volontaires, il y a à peine le tiers des cégeps du Québec ? qu'on pourrait considérer comme des milieux spontanément plus propices à ce genre de mesures, de réflexion ? qui, pour, dans le fond, 50 % de la population que sont des femmes, se sont dotés volontairement d'un programme d'accès à l'égalité en emploi. Il y en a donc les deux tiers qui ne l'ont pas fait. Et évidemment, quand on regarde les autres groupes cibles, comme, par exemple, les gens des minorités visibles, les autochtones, eh bien là ? je ne crois pas ? je ne sais pas s'il y a un seul cégep au Québec qui s'est doté volontairement d'un programme d'accès à l'égalité en emploi pour ces groupes-là. Je crois que non.

M. René (Yvon): Je crois que non aussi.

M. Perreault: O.K. Alors, je pense que ça indique bien, M. le Président, que, malgré les efforts, malgré les succès déjà, malgré le chemin parcouru, ça illustre bien l'importance de ce projet de loi et sa nécessité, puisqu'il viendra créer une obligation à tout le monde de se doter d'un programme d'accès à l'égalité en emploi.

Maintenant, dans ce que vous avez fait comme intervention, il y a deux questions que j'aimerais soulever, deux aspects sur lesquels j'aimerais vous entendre un peu commenter. On a entendu avant vous, au cours des jours précédents, plusieurs groupes de défense des droits qui sont venus ici ? évidemment, ce n'étaient pas des employeurs, on a rencontré quelques employeurs ? qui ont insisté pour que le projet de loi contienne plus de dents, notamment en renforçant le rôle de la Commission des droits de la personne en matière de surveillance de la mise en place des programmes d'accès à l'égalité. Vous plaidez dans le sens contraire. Puis, moi, depuis le début, entre les deux, j'essaie de dire que le projet de loi recherche une espèce d'équilibre entre plus de dents et plus de souplesse, plus d'initiative pour les employeurs. Vous prêchez dans le sens contraire, mais, je trouve, vous allez pas mal loin. Je veux vous poser une ou deux questions.

En parlant des articles 15 et 16, qui donnent à la Commission la possibilité d'approuver, de modifier les programmes d'accès à l'égalité, vous dites qu'on devrait complètement éliminer ça. À ce moment-là, vous ne voyez pour la Commission des droits qu'un rôle d'information et de sensibilisation? Est-ce que vous limitez son rôle à celui-là? Alors, ça, c'est le premier volet de ma question, d'autant plus que vous proposez également qu'on abolisse l'article 23. Si je comprends bien, vous n'êtes pas tellement de la théorie de mon collègue, M. Legault, qui donne le bulletin des bonnes écoles et des mauvaises écoles, parce que, dans le fond, l'article 23, ce qu'il permettrait, c'est que le public pourrait se rendre compte de quels sont les collèges, par exemple dans le cas des cégeps, ou les entreprises, dans le cas des autres, qui atteignent les objectifs et ceux qui ne les atteignent pas. Donc, puisqu'il n'y a pas de pénalité prévue dans la loi, c'est un stimulant en quelque sorte à rendre des comptes publics. Alors, j'aimerais un peu vous entendre parler de ça parce que est-ce que ça n'équivaut pas, au total, si je vous suivais, là, à toutes fins pratiques à revenir presque à des programmes volontaires.

n(14 h 20)n

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Yvon...

M. Perreault: Et puis j'avais un deuxième volet.

Le Président (M. Rioux): Vous reviendrez. M. René, s'il vous plaît.

M. René (Yvon): Oui. Bon, la première question autour des dents de la Commission et du rôle que vous avez perçu qu'on voulait voir jouer par la Commission, j'irais un peu plus loin que l'information et la sensibilisation. Il y a un rôle aussi d'accompagnement que la Commission pourrait faire auprès de nos organisations pour aider à élaborer et mettre en place les programmes, surtout pour les collèges qui ne se sont pas encore adonnés à cette pratique.

Par ailleurs, quand vous me parlez de l'article 23, je trouve un peu malheureux qu'on sorte des palmarès. Et je vous explique un peu pourquoi. Je trouve qu'un palmarès qui ferait état de la situation des collèges... Si on veut faire état de la situation des collèges qui ont ou n'ont pas un programmes d'accès à l'égalité, j'en suis, mais, si on veut faire état des résultats, ça m'apparaît un peu dangereux et un peu déconnecté d'une certaine lecture qu'on doit faire de chacune des réalités. Ce n'est pas parce qu'un collège aurait marqué des progrès qu'il en aurait marqué suffisamment. Et ce n'est pas parce qu'un collège n'a pas marqué de progrès qu'il a pu en marquer. Et ça m'apparaîtrait dangereux, sur la base d'un listing, de dire: Bien, dans ce cas-là, ils ont un bon ou un mauvais programme. C'est une question de conjoncture. Les embauches, ça varie d'une année à l'autre, d'un secteur à l'autre.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le ministre.

M. Perreault: Peut-être si vous aviez des suggestions à nous faire, dans ce contexte-là pour permettre quand même qu'il y ait un peu d'imputabilité. Parce que souvent, dans des lois semblables, lorsqu'il s'agit, par exemple, du secteur privé, on va prévoir des pénalités notamment financières. Évidemment, ça ne sert à rien que l'État envoie des factures à l'État. Mais de quelle façon rend-on imputable devant l'opinion publique de l'atteinte des résultats? En tout cas, si vous avez des suggestions...

Le deuxième volet, c'est sur la question des relations avec les syndicats. On va tantôt entendre quatre organismes syndicaux qui vont venir plaider pour que, de façon générale, les programmes d'accès à l'égalité fassent l'objet d'ententes formelles entre les employeurs et les syndicats. Vous parlez plutôt de consultation, tout ça. Je voudrais vous entendre un peu là-dessus. Vous avez plaidez évidemment pour que le programme d'accès à l'égalité ne vienne pas se substituer aux clauses de la convention, notamment sur l'ancienneté. Mais, au-delà de ça, est-ce que vous considérez, à partir de votre expérience, que les programmes d'accès à l'égalité doivent faire ou non l'objet d'ententes, d'ententes formelles ou non entre l'employeur et le syndicat?

Le Président (M. Rioux): M. René.

M. René (Yvon): La première question au niveau de la suggestion au niveau de l'imputabilité, on pourra vous revenir certainement. Je pense que ce n'est pas un palmarès, mais que rendre les collèges imputables... Les collèges le sont déjà, on est déjà vérifiés. Il y a une commission d'évaluation qui passe chez nous. Et tantôt ils feront l'évaluation institutionnelle de tous les collèges. Et je pense qu'on pourrait, par ce biais-là ? il y a tout un chapitre de pratiques de gestion de ressources humaines ? inclure une partie qui toucherait les programmes d'accès à l'égalité. Ça m'apparaît être une suggestion qui me vient spontanément.

Et pour ce qui est de la relation avec les syndicats et l'entente formelle, pour un, qui a implanté un programme d'accès à l'égalité en 1987 dans mon collège, le premier collège volontaire, comme je le disais tantôt, donc, nous avons tenté, à l'occasion, pour assurer le passage des femmes dans certains emplois, de négocier certaines clauses qui touchaient à l'ancienneté, et je vous avoue que ça a été une fin de non-recevoir et ça a été comme aller à l'encontre de la culture syndicale que d'essayer d'aller jouer sur ce terrain-là de l'ancienneté, qui est très, très chaud, comme sujet, dans des collèges. Moi, j'ai du monde dans mon service qui reçoit des gens presque après chaque contrat pour voir où est-ce que ça les mène sur la liste d'ancienneté, parce qu'il y a des gens qui attendent depuis cinq ans pour obtenir des postes. Donc, c'est un sujet très, très délicat.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. René, Mme Gaulin, Mme Arnaud, bienvenue aux travaux de cette commission parlementaire. Sur la dernière lancée du ministre, le lien entre les conventions collectives et la loi, vous dites dans votre mémoire que la Fédération voudrait éviter de placer les cégeps dans une situation d'être hors la loi, c'est-à-dire un cégep qui essaie à la fois de répondre à la loi n° 143 qui fixe des objectifs bien précis par rapport à des groupes cibles, et, dans un deuxième temps, une convention collective qui vient tout juste d'être négociée, la convention 2000-2002. Alors, vous dites que vous voulez éviter d'être un peu placés entre l'arbre et l'écorce ou entre deux obligations qui pourraient être contradictoires. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que vous avez quand même bien réussi, au niveau des cégeps, les programmes d'accès à l'égalité pour les femmes. Est-ce que les conventions collectives ont été un frein? Est-ce que les conventions collectives vous ont empêchés d'atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés collectivement?

Le Président (M. Rioux): M. René.

M. Ouimet: Et illustrer davantage la problématique avec les conventions collectives. Ça a été abordé par d'autres organismes. La Commission des droits de la personne a fait une recommandation très précise à ce niveau-là en disant que ça devrait faire l'objet d'une négociation entre la partie patronale et la partie syndicale. Un employeur, la Fédération des commissions scolaires, nous a dit: Il n'en est aucunement question, nous venons tout juste de terminer une négociation, pas question de s'embarquer dans une nouvelle négociation. Alors, dans le fond, c'est de savoir: Est-ce que la loi aurait un caractère public qui aurait préséance sur les conventions collectives ou pas?

Le Président (M. Rioux): M. René.

M. René (Yvon): Pour arriver à cela, ce qu'on dit aussi dans notre mémoire, c'est qu'il faut qu'on s'en remette aux parties nationales. Et, si les parties nationales en convenaient, ce à quoi je ne crois pas beaucoup présentement... Je ne vous dis pas que, dans cinq ans d'ici, les mentalités n'évolueront pas. Mais, pour le moment, avec une nouvelle convention signée, je pense qu'on irait vers un dossier qui prendrait beaucoup de temps à se régler sur le plan national pour donner préséance à la loi. C'est un peu ce que je vous répondrais.

Puis, par rapport à l'accès à l'égalité pour les femmes en emploi, programme que je connais bien pour l'avoir implanté, oui, effectivement, il y a eu quelques contraintes de l'ordre de l'ancienneté, que j'ai illustrées tantôt, et on a toujours eu un syndicat et des syndicats qui surveillaient de façon assez claire si on respectait les exigences d'embauche prévues au plan de classification. Donc, effectivement, la mentalité est encore, puis je pense que les syndicats sont là pour ça, aller faire respecter à la lettre les prescriptions que contiennent à la fois les conventions collectives et les plans de classification dans les collèges.

M. Ouimet: Pourriez-vous illustrer avec un cas précis, avec un exemple bien précis, comment, les exigences de la convention collective et les exigences de la loi, les unes feraient obstacle aux autres? Avez-vous des cas à nous citer?

M. René (Yvon): Je l'illustrerais par rapport à la problématique de l'ancienneté. Si j'avais un homme, une femme, un autochtone, une minorité visible comme candidats puis que j'avais à déterminer... puis que, malheureusement, dans la convention collective actuelle, quand j'applique rigoureusement la convention, que je dois appliquer, c'est que je dois donner priorité à l'homme, là je viens de faire trois exclusions des groupes visés parce que je dois appliquer d'abord une convention collective qui doit respecter l'ordre d'engagement.

M. Ouimet: Très bien.

M. René (Yvon): Ce serait mon exemple.

M. Ouimet: Très bien.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

n(14 h 30)n

M. Ouimet: Une dernière question maintenant concernant les coûts. Vous y faites référence, vous faites état des compressions financières auxquelles l'ensemble du réseau de l'enseignement collégial, tout comme l'enseignement universitaire, primaire et secondaire, fait face depuis quelques années. Vous avez évalué les coûts à peu près à 1,5 millions de dollars ? c'est ça ? pour l'ensemble des cégeps. Et, si on suit votre raisonnement, lorsque vous demandez de redéfinir le rôle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, si le ministre se rendait à vos recommandations, est-ce que ça permettrait de réduire de façon substantielle les coûts?

Parce que, dans votre mémoire, vous expliquez un petit peu en quoi le processus établi par la loi n° 143 va être coûteux. Vous faites état des rapports de l'élaboration et de l'application des programmes d'accès, sensibilisation du milieu, presque une reddition de comptes également au niveau de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Donc, si le ministre décide de suivre votre recommandation et de réduire la portée de la Commission des droits de la personne, est-ce que ça va faire en sorte de réduire les coûts que vous envisagez au niveau de l'implantation de ces mesures-là?

Le Président (M. Rioux): M. René.

M. René (Yvon): À mon point de vue et par mon expérience, ça ne réduira pas parce que les programmes d'accès, on revendique d'avoir l'autonomie de les appliquer. Ce n'est pas parce qu'on va les appliquer qu'ils vont être moins lourds à appliquer. Je vous dirais que ce sera davantage difficile parce que, quand on a appliqué l'accès à l'égalité pour les femmes à l'emploi, on avait, dans nos milieux, déjà, des alliés. On avait des groupes de femmes, on avait des groupes et des femmes modèles à présenter à notre monde. On avait tous, dans notre environnement immédiat, une femme, une fille, une nièce à qui on pouvait penser que pouvait profiter l'accès à l'égalité, ce qui n'est pas, à mon avis, le cas actuellement dans tous les collèges concernant la représentation des autres groupes visés, ce qui va exiger une campagne d'information, je vous dirais, très importante dans les milieux pour permettre à ces groupes-là, qu'on souhaite, qu'on veut qu'ils aient accès, que ça se fasse aussi. Parce que ce n'est pas simple dans un milieu de convaincre aussi l'ensemble de la population, de la sensibiliser, de l'animer autour de cette idée-là. Ce n'est pas aussi évident et ça ne sera pas aussi facile avec la clientèle des femmes.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. René. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour ce rapport que vous nous avez présenté qui a au moins le mérite d'aller au coeur de certains problèmes très difficiles à trancher, mais qui, moi, m'insécurisent beaucoup, je dois vous le dire. Parce que vous nous dites, en deux mots ? évidemment toute caricature est un peu une trahison de la pensée: Au fond, la loi, si vous lui donnez des dents puis vous créez des obligations pour nous, on va être pris entre les obligations contractuelles de la convention et la loi; ça ne marchera pas. Si vous l'imposez, de toute façon, ça ne marchera pas non plus parce que ça va prendre du temps, tellement de temps avant que ça se règle, ça, que, donner la préséance à la loi sur la convention, ça ne peut pas marcher, donner la préséance au programme d'accès sur l'ancienneté, ça ne marchera pas non plus. Alors, vous nous dites: Peut-être, au fond, la loi n'a pas vraiment lieu d'être. Il y a déjà une loi qui existe, c'est suffisant, parce que, si vous donnez plus de dents à l'obligation d'aller vers un programme d'accès à l'égalité, ça ne marchera pas. Est-ce que j'interprète mal?

Le Président (M. Rioux): M. René.

M. René (Yvon): Je pense que c'est une interprétation réductrice, mais je vais m'expliquer. En fait, dans ce dossier-là, ce qu'on dit, c'est que, oui, je pense qu'un projet de loi va favoriser l'avancement des choses, on le dit assez clairement dans notre rapport, mais on dit aussi de nous donner des marges de manoeuvre locales. On dit aussi, puis ce n'est pas dit dans ces termes-là, je vais vous expliquer un peu ma vision de ça: C'est un problème qui est davantage systémique et ce n'est pas simplement en nous imposant une loi qu'on va régler de façon automatique ces problématiques-là. Donc, on doit s'attaquer, et je pense que la loi peut être un outil pour un collège pour faire avancer un dossier comme celui-là et dire: Oui, là, on est tenu à, mais on a beaucoup, beaucoup de changements à apporter, et notamment au niveau des relations de travail. Et c'est là qu'on dit: Je pense que, dans notre système de négociation actuel, si on veut aller de l'avant avec la loi, il nous faudra aller au plan national négocier avec les centrales syndicales et voir de quel côté on peut évoluer pour aider cette cause. C'est ça qu'on dit.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez encore une petite question, j'imagine?

M. Dion: Oui. Parce que ça me décourage un peu. Vous dites: Actuellement, oui, la loi va favoriser. Dans quelle mesure elle va favoriser mieux que la situation antérieure qui a donné un tiers des collèges non pas qui ont réussi des programmes d'accès, mais qui en ont mis en place? Il y a seulement un tiers des cégeps, 30 % et 37 %, selon le point de vue où on regarde. Alors, c'est très, très peu par rapport à l'ensemble. Il s'agit d'un secteur de l'activité, le cégep, l'activité intellectuelle, qui doit un peu illuminer la société, et ce secteur-là n'est pas rendu plus qu'au tiers d'un programme d'accès. Alors, c'est inquiétant. Et vous dites: Pour le reste, la loi est très favorable, elle va favoriser, mais laissez-nous le temps de changer le système, c'est un problème systémique. Alors, quand va-t-on passer aux deux tiers?

Le Président (M. Rioux): Mais, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous vous étonnez vous aussi, par exemple, que la Fédération appuie le projet de loi et en même temps demande le retrait de l'article 23 où la Commission des droits et libertés de la personne fait l'inventaire des organismes assujettis et fait le bilan de ce qui est fait en équité en emploi. C'est assez étonnant comme prise de position, M. René.

M. René (Yvon): Moi, je veux juste vous dire que... ce que je veux vous dire, c'est que la reddition de comptes, on en est. Les collèges, on a des redditions de comptes à faire autant à nos vérificateurs qu'à la Commission d'évaluation. Et qu'on ne pense pas que le palmarès que pourrait donner, tel qu'interprété, l'article, c'est un palmarès qui va rendre les choses plus intéressantes pour l'évolution de ce dossier-là. Je pense que, rendre des comptes là-dessus, trouver une autre formule, la Fédération est tout à fait favorable à la reddition de comptes.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Votre mémoire est silencieux sur la question des groupes cibles. Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question-là, à savoir: Est-ce qu'on devrait élargir, par exemple, en faveur des personnes handicapées? Plusieurs organismes sont venus devant nous nous faire la recommandation que, parmi les groupes cibles, nous devrions ajouter les personnes handicapées. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. René (Yvon): Réellement, je pense qu'on ne veut pas se substituer à la Commission des droits de la personne. Il y a des gens qui ont fait des recommandations pour dire que c'étaient des gens sous-représentés qui devaient être ciblés. S'il y a d'autres groupes sous-représentés qui doivent être ciblés, ça ne m'apparaît pas être... C'est un choix de société, c'est un choix du gouvernement. Moi, je n'ai aucune objection à intégrer d'autres groupes si c'est une préoccupation qui est reconnue nationale.

M. Ouimet: Ce que vous dites, dans le fond... la Commission des droits de la personne nous a quand même dit que... Le ministre, lorsqu'il a fait ses choix, a dit qu'il s'était basé sur des recommandations de la Commission des droits de la personne. D'ailleurs, nous, de notre côté, de l'opposition, nous souhaitons que la Commission revienne devant cette commission parlementaire pour mieux s'expliquer là-dessus, parce que les textes qui ont été cités par le ministre ne semblent pas appuyer les choix qu'il a faits.

Donc, c'est la raison pour laquelle je vous posais la question. Vous me répondez: Nous, on s'est fié sur la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Mais la Commission des droits de la personne n'a pas fait de recommandation par rapport à des groupes cibles. Au contraire, elle a même recommandé que les personnes handicapées soient ciblées à l'intérieur de la loi. Mais je crois comprendre de toute façon que, sur cette question-là, votre réflexion, vous ne l'avez pas approfondie.

M. René (Yvon): Elle n'a pas porté là-dessus.

M. Ouimet: Très bien. Moi, ça répond à mes questions.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. René, à la commission. Votre mémoire ressemble à celui de la Fédération des commissions scolaires. Je pense que vous êtes d'accord avec le principe, sauf que vous y voyez beaucoup de difficultés: l'ancienneté, la convention collective, l'argent. Ce n'est pas nécessairement une entrave, sauf que c'est des contraintes.

Par contre, vous avez réussi, au niveau des femmes, à avoir une longueur d'avance, c'est ce que vous dites dans votre mémoire, et je pense que vous avez raison à ce chapitre-là. C'est donc dire que vous avez réussi à contourner les difficultés que vous mentionnez pour appliquer le programme d'égalité chez les femmes. Comment il se fait que ça cause tant de problèmes dans l'ensemble du programme en général?

Le Président (M. Rioux): M. René.

M. René (Yvon): Je ne vous dis pas qu'on a contourné ces difficultés-là, je vous ai dit qu'on a eu aussi ces difficultés-là dans le programme. On a été confronté à ces réalités-là du respect de nos règles d'embauche et des règles d'ancienneté, et tout ça. On a été confronté à cela.

M. Boulianne: Mais vous avez trouvé des solutions pour arriver à avoir une longueur d'avance au niveau des femmes.

M. René (Yvon): On a trouvé des solutions pour arriver à une longueur d'avance parce que, un peu comme je vous disais, on avait un bassin de recrutement qui nous permettait d'avoir cette longueur d'avance là.

n(14 h 40)n

Le Président (M. Rioux): À travers la Fédération des collèges, dans l'ensemble du réseau collégial, quel est le pourcentage des minorités visibles et des Noirs qui enseignent dans les collèges? Avez-vous des statistiques là-dessus? Sur les femmes, là, vous êtes impressionnants, c'est pas mal, le redressement est assez louable, je dirais. Mais, quant au reste, là, les minorités visibles, qu'en est-il au juste?

M. René (Yvon): Moi, je vous dirais que, les collèges, on n'a aucune donnée pour répondre à cette question-là.

Le Président (M. Rioux): Vous n'avez pas de données pour répondre à ça?

M. René (Yvon): Il n'y a pas de données actuellement, dans les systèmes d'information sur les personnels, qui me permettent de répondre à ça.

Le Président (M. Rioux): Mais, vous faites quoi, comme Fédération? Vous êtes là pour coordonner les activités des collèges un peu, les aider...

M. René (Yvon): Oui.

Le Président (M. Rioux): ...être là en support, en appui. Comment il se fait que vous n'avez pas de statistiques sur votre personnel enseignant ou votre personnel tout court?

M. René (Yvon): On a des statistiques pour notre personnel enseignant, on a des statistiques pour les hommes et les femmes. On les a par discipline, mais on n'a jamais recueilli cette information-là. Ce n'était pas dans les moeurs.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que ça sera dans vos priorités un jour?

M. René (Yvon): Moi, je pense que ça devra être dans nos priorités la journée où la loi sera promulguée, et on va s'y attarder.

Le Président (M. Rioux): La loi va vous y obliger, je dis bien, un jour.

M. René (Yvon): Oui, mais, moi, ça me pose... En tout cas, j'ai un questionnement sur le plan juridique, sur la faisabilité actuelle de poser ce genre de question là en vertu justement des droits de la personne. On est un peu pris là entre... Moi, j'ai de la bonne volonté. Je peux en faire une cueillette demain matin, chez nous, pour avoir exactement le portrait, mais, je veux dire, il faut le faire avec beaucoup de doigté et non pas être accusé, par ce biais-là, de vouloir faire une discrimination qu'on ne veut pas.

M. Perreault: M. le Président, si vous me permettez. C'est entre autres l'un des intérêts de cette loi, une des raisons d'être de cette loi, c'est qu'elle va dorénavant permettre que la collection de telles données soit légale, puisqu'elle sera faite en fonction d'une loi, elle sera faite en fonction de l'élaboration de programmes d'accès à l'égalité en emploi, et c'est tout le sens justement des dispositions de la Charte des droits qui est de permettre de colliger de telles données lorsqu'on veut bâtir un programme d'accès à l'égalité en emploi.

Le Président (M. Rioux): Mais vous conviendrez que c'est normal que je m'étonne qu'une Fédération comme la vôtre n'ait pas de chiffres à l'heure actuelle sur les minorités visibles travaillant au sein de vos personnels. C'est étonnant, étonnant! C'est le moins qu'on puisse dire.

M. René (Yvon): Ce que je dois vous dire...

Le Président (M. Rioux): Vous ne vivez pas entre ciel et terre, vous vivez au Québec à l'heure de la communication.

M. René (Yvon): Le système d'information sur les personnels des collèges, c'est un système ministériel, c'est tout ce que je peux vous dire. Il s'appelle le SPOC. C'est un système ministériel et c'est avec ces données-là qu'on doit fournir les renseignements que le ministère lui-même nous demande. Il faudrait peut-être demander au ministère pourquoi il n'a pas encore intégré lui-même ces données-là.

M. Perreault: Parce qu'il n'y avait pas de loi.

Le Président (M. Rioux): Ça prenait donc une loi. Alors, M. René, merci beaucoup, merci à vos deux collègues.

M. René (Yvon): Merci beaucoup de nous avoir entendus.

Le Président (M. Rioux): Ça a été un plaisir de vous accueillir.

M. René (Yvon): Bonne poursuite dans vos travaux.

Le Président (M. Rioux): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Alors, madame, messieurs les députés, nous accueillons maintenant la Centrale des syndicats du Québec, jadis la Centrale de l'enseignement du Québec. Moi, j'ai connu cette époque. Mme Monique Richard, qui est la présidente, va nous présenter les deux collègues qui l'accompagnent.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Richard (Monique): Avec plaisir. Merci. Donc, à ma gauche, Mme Diane Fortin, directrice du Service de la négociation nationale, à la CSQ maintenant, et Nicole de Sève, conseillère aux politiques sociales, les droits sociaux, ce qui inclut les programmes d'accès à l'égalité.

Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez 15 minutes, Mme Richard, pour nous présenter...

Mme Richard (Monique): Je sais.

Le Président (M. Rioux): ...votre document et ensuite on pourrait échanger entre nous, entre les députés et les représentants de la CEQ... de la Centrale des syndicats du Québec. On vous écoute.

Mme Richard (Monique): C'est normal de se tromper, on va se tromper pendant un bout de temps. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): C'est l'oreille. J'ai de la difficulté à m'habituer à l'oreille, vous comprenez? Ça viendra.

Mme Richard (Monique): Après 30 ans. C'est ça. Alors, merci de nous recevoir. La Centrale des syndicats du Québec représente donc 130 000 personnes oeuvrant majoritairement dans le secteur de l'éducation, mais également dans le secteur des services sociaux et de la santé, de la garde éducative, des loisirs, des communications et de la culture. Et les membres de notre organisation sont en majorité des femmes.

La préoccupation de l'accès à l'égalité en emploi n'est pas nouvelle à la CSQ. Nous avons milité sans relâche jusqu'à ce qu'en 1982 on ajoute à la Charte un troisième volet portant spécifiquement sur les programmes d'accès à l'égalité. Par la suite, la CSQ s'est engagée activement dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité à l'intention des femmes, particulièrement dans les réseaux scolaire, collégial et universitaire, et on va y revenir un petit peu plus tard.

Notre réflexion sur la réalité des membres appartenant aux minorités visibles et aux minorités ethniques québécoises a porté, au cours des dernières années, particulièrement sur l'éducation en milieu pluriethnique. Depuis 1997, nous avons amorcé des travaux afin de nous engager dans une démarche d'accès à l'égalité en emploi dans les services publics et parapublics à l'intention des minorités ethniques et des minorités visibles. À l'égard des membres des communautés autochtones, nous avons négocié des mesures d'accès à l'égalité dans les commissions scolaires crie et Kativik. Afin de faciliter l'intégration en emploi des personnes handicapées, nous avons travaillé activement avec le comité d'adaptation de la main-d'oeuvre aux personnes handicapées d'Emploi-Québec. Les efforts de notre organisation n'ont pas porté tous leurs fruits. Les programmes d'accès à l'égalité en emploi à l'intention des femmes n'ont pas survécu au plan d'action triennal instauré à la fin des années quatre-vingt. Nous avons contribué bien sûr, nous l'espérons, à améliorer la situation de l'éducation interculturelle dans les établissements scolaires québécois, mais nous n'avons pas réussi à conclure d'entente permettant d'implanter les programmes d'accès à l'égalité à l'intention des minorités ethniques et des minorités visibles dans le réseau scolaire.

L'objectif de l'équité en emploi au Québec, c'est un objectif général qui sera atteint par la mise en place d'un ensemble de démarches et de programmes visant à mettre fin à la discrimination systémique qui touche particulièrement les femmes et d'autres groupes cibles. Aujourd'hui, il nous semble que le gouvernement québécois reconnaît enfin l'importance des programmes d'accès à l'égalité comme un moyen efficace pour contrer la discrimination systémique qui sévit dans notre société. Nous accueillons donc favorablement le dépôt du projet de loi n° 143. C'est un pas dans la bonne direction. Toutefois, il ne répond pas à toutes les situations et il nous semble urgent d'intervenir sur un certain nombre de questions. Certes, il englobe les principaux mécanismes de mise en place d'un programme d'accès à l'égalité, mais son contenu recèle des lacunes, et c'est sur ces lacunes que nous allons prioritairement intervenir. C'est pourquoi on soulève un certain nombre de questions.

n(14 h 50)n

Au chapitre du champ d'application des programmes créés, on dit que c'est restreint au niveau du champ d'application. On souligne aussi notre opposition à la mesure qui permet au gouvernement de se soustraire, encore une fois, au pouvoir de surveillance de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. On réitère aussi notre demande à l'effet que les organisations syndicales soient associées à toutes les étapes d'implantation de ce programme; on va y revenir. Et on présente en même temps, en conclusion, je dirais, nos commentaires concernant chaque section du projet de loi et nos recommandations. Le champ d'application, nous le qualifions de trop restrictif. C'est donc en s'appuyant sur le préambule de la Charte que nous désirons discuter du projet de loi n° 143, qui vise à instituer un cadre particulier d'accès à l'égalité en emploi dans les organismes à l'intention des femmes, des autochtones et des personnes qui font partie d'une minorité visible en raison de leur race ou de leur couleur. À notre avis, le champ d'application couvert par ce projet est trop restrictif, puisqu'il exclut les minorités ethniques, les personnes handicapées, qu'il ne s'adresse pas à l'ensemble des employeurs du Québec et qu'il ne concerne pas toutes les catégories d'emploi. Il crée aussi un double standard en matière d'application des programmes d'accès à l'égalité dans les organismes publics québécois.

Les groupes visés par le projet de loi. Nous aimerions souligner que les femmes ne peuvent et ne doivent pas être considérées comme un groupe parmi d'autres groupes cibles. Les femmes constituent 52 % de la population active du Québec. Leur taux d'activité est de 54,6 %, comparativement à 70,5 % chez les hommes. Plus encore, si on regarde la situation du marché du travail, les femmes ne subissent pas seulement une discrimination liée à leur sexe. Plusieurs d'entre elles expérimentent les effets de la discrimination fondée sur l'origine ethnique et le handicap. Quant aux femmes autochtones, on réalise que le taux de chômage varie chez elles de 50 % à 75 %, selon les communautés. Les femmes handicapées... on dit que 64 % des femmes ayant des incapacités se retrouvent hors de la population active, et trois fois plus de femmes que d'hommes ayant des incapacités déclarent n'avoir jamais travaillé. Alors, ce sont des réalités pour lesquelles on doit trouver des solutions. À la lumière de ces statistiques, nous considérons que les mesures d'accès à l'égalité doivent permettre de corriger de manière spécifique la réalité des femmes. Et c'est dans ce sens que l'on recommande que la variable sexe soit prédominante et que l'on retrouve cette dimension dans le projet de loi n° 143.

Quant aux oubliés du projet de loi, nous nous interrogeons sérieusement sur le fait que les minorités ethniques, autrefois connues sous le vocable de «communautés culturelles», et les personnes handicapées n'aient pas été intégrées au projet de loi. Et, dans ce sens, on recommande donc au gouvernement de rendre le projet de loi sur l'accès à l'égalité en emploi applicable aux minorités ethniques et aux personnes handicapées.

Au niveau de la multiplication des programmes, en vertu de l'article 92 de la Charte, le gouvernement est tenu d'établir un programme d'accès à l'égalité visant à corriger la sous-représentation des femmes, des anglophones, des autochtones, et ainsi de suite, sans être soumis à l'évaluation de la Commission. Nous, on considère qu'il devrait y avoir un seul programme et une seule façon de procéder pour tout le monde. Alors, le gouvernement devrait aussi être en mesure de répondre à des évaluations de la Commission. Et c'est pourquoi on recommande donc d'implanter un seul programme d'accès à l'égalité, qui vise à la fois le secteur public et les organismes publics et parapublics.

Au niveau de la taille des organismes visés, nous considérons qu'un programme d'accès à l'égalité doit s'appliquer, nonobstant la taille de l'organisme public ou parapublic. On fait référence au nombre de 100 personnes. Je pense qu'on va revenir un petit peu plus tard sur cette question-là. Mais, nous, ce qu'on recommande, c'est que la loi s'applique sans égard à la taille des organismes publics prévus à la loi et que cette loi touche tous les statuts d'emploi sans exclusion. Donc, on fait référence au statut précaire qui devrait aussi être couvert par cette loi.

Dans les alinéas 3 et 4 de l'article 2 de la section I, le projet de loi élargit l'application de la Loi sur les programmes d'accès à l'égalité en emploi notamment aux réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux. Et on se réjouit de cette disposition et nous l'appuyons, en effet, fortement. Depuis des années, la CSQ a tenté de négocier l'implantation de ces programmes à l'intention des femmes. Nos résultats sont plus que modestes. Dans le réseau scolaire, nous n'avons obtenu que la mise en place de comités consultatifs. Et, à ce jour, même si plusieurs reconnaissent la qualité des travaux effectués, cette reconnaissance ne s'est pas matérialisée en résultats concrets. Dans le réseau collégial, seules les enseignantes ont pu entamer des travaux dans le cadre d'un comité paritaire prévu aux conventions collectives. Les autres catégories de personnel doivent encore défendre, à chaque période de négociation, le bien-fondé d'une prise en compte de l'accès à l'égalité dans les milieux, ce qui apporte peut-être un élément de réponse au questionnement de tout à l'heure quand vous interrogiez la Fédération des cégeps.

Je vais essayer d'aller vite, là, parce que le temps passe. Au niveau de la portée de la loi, on veut une loi à portée universelle qui tient compte de ce qu'on vient de dire bien sûr, en tenant compte aussi que le 100 employés et plus ne nous permet pas de rejoindre une partie importante du secteur privé. On sait qu'au Québec les PME sont très nombreuses. On sait qu'il y a, au niveau des municipalités, tout ce secteur où il y a des petites municipalités de moins de 100 employés. On sait qu'avec la décentralisation d'un certain nombre de services dans le réseau de la santé il y a de plus en plus de milieux de 100 employés et moins, et on pense que ces gens-là devraient aussi être en mesure d'être couverts par cette loi, donc une loi à portée universelle, et c'est ce qu'on recommande.

Vous avez, dans la section II, l'analyse. On a posé un certain jugement, dans le document que nous vous avons fait parvenir, à partir des pages 13, 14, 15 et 16. Je n'y reviendrai pas. S'il y a des questions, on pourra échanger sur cette question.

Je vais passer à la section III, le contenu des programmes. Dans l'ensemble, les articles décrivant les mécanismes d'élaboration de programme, leur contenu et les pouvoirs confiés à la Commission en matière d'expertise-conseil répondent à plusieurs de nos attentes. Cependant, on veut revenir de façon plus systématique sur le rôle des syndicats. Nous tenons à souligner que la plus grande lacune de cette section du projet de loi est sans contredit la non-reconnaissance de la nécessaire participation des syndicats ou des associations de travailleurs et de travailleuses dans l'élaboration et l'implantation du Programme d'accès à l'égalité.

Alors, pour notre expérience, depuis 1986, ça nous a amenés à constater que, lorsque les employeurs ont accepté d'instaurer un mécanisme qui permette aux membres de leur personnel de s'approprier les objectifs, les analyses ainsi que le contenu des mesures poursuivies par les programmes d'accès à l'égalité, il a été alors possible de formuler des propositions concrètes pour mettre en place un programme. Parce qu'on sait aussi que, lorsque cette discussion s'amorce, elle permet de questionner la culture du travail, et je pense qu'il est important à ce moment-là qu'on puisse, comme organisation, ne pas être confiné dans un rôle consultatif, mais avoir un rôle au niveau des décisions et des orientations à prendre. Les enquêtes menées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et par le Conseil des relations interculturelles ont clairement démontré que, si cela n'avait été de l'entêtement de notre organisation, les comités d'accès à l'égalité prévus aux conventions collectives dans les réseaux scolaire et collégial auraient disparu depuis belle lurette. C'est à notre initiative que les analyses des effectifs et de la disponibilité de la main-d'oeuvre ont été actualisées dans ces réseaux.

Concernant les minorités visibles et ethniques, depuis 10 ans, la CSQ maintient une conseillère à temps plein au dossier. Nous avons mis sur pied un comité consultatif sur les minorités ethniques et les minorités visibles au sein de notre organisation. Nous menons actuellement des travaux de recherche sur les obstacles à l'inscription des membres de ce groupe cible dans les départements des sciences de l'éducation. Faut-il rappeler qu'un groupe de 35 enseignantes, membres du Syndicat de l'enseignement de Lanaudière affilié à la CSQ, ont mené une lutte exemplaire pendant trois ans, devant la Commission, afin d'obtenir que cesse la discrimination systémique à leur égard dans leur commission scolaire? Notre expertise, elle est là, et je pense qu'on veut être en mesure d'intervenir. On sait que les conditions de travail et d'emploi dans les milieux sont négociées par des ententes entre les parties. Alors, nous croyons que, si le gouvernement veut réellement atteindre l'accès à l'égalité en emploi pour l'ensemble des groupes cibles victimes de discrimination, il doit associer, de manière paritaire, les organisations syndicales au processus d'accès à l'égalité. Il y a donc une recommandation à cet égard. Et, pour ce qui est des travailleurs et travailleuses non syndiqués, on voudrait qu'ils aient la possibilité de s'impliquer dans l'élaboration et l'implantation d'un tel programme.

Les pouvoirs de la Commission. Le projet de loi prévoit que la Commission, sur demande, prête assistance à l'élaboration du Programme d'accès à l'égalité. C'est aussi cet organisme qui se verrait charger de vérifier la teneur du programme, d'évaluer s'il est conforme et, auquel cas, d'intervenir. À notre avis, il serait beaucoup plus adéquat d'établir une séparation claire entre les fonctions d'information, de soutien et d'expertise-conseil et celles de contrôle, d'évaluation, d'enquête et d'examen. Et, pour cette raison, on croit nécessaire de créer un organisme indépendant chargé du soutien à la mise en place des programmes. Pour sa part, la Commission, elle, conserverait son mandat de contrôle, d'évaluation, d'enquête et d'examen des plaintes. Et, si on était dans l'incapacité d'obtenir cette Commission indépendante pour le soutien et la mise en place des programmes, qu'on tente au moins de faire en sorte qu'au sein de la Commission il y ait deux services qui puissent se partager ces deux pôles de responsabilité, de façon à ce qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts entre les deux volets de cette tâche. Pour le reste, je vous laisse le soin d'en faire une lecture de chevet très intéressante.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, Mme Richard. Alors, je suis sûr que le ministre s'est réveillé la nuit pour lire ce document, certainement. Je lui cède la parole, d'ailleurs.

n(15 heures)n

M. Perreault: Merci, M. le Président. Mme Richard, bienvenue, Mme Fortin, Mme de Sève, merci pour avoir fait l'effort de présenter un mémoire qui est fouillé, qui fait le tour des divers aspects du projet de loi. C'est assez complet. J'allais dire, vous faites flèche de tout bois, de tous côtés. Vous souhaitez que le projet de loi s'étende à plus de groupes, que le projet de loi ait davantage de dents, que la Commission des droits ait plus de responsabilités, qu'on renchausse le rôle des syndicats, et tout ça. Le moins qu'on puisse dire, en tout cas, c'est que vous parlez avec conviction de l'importance de ces programmes d'accès à l'égalité en emploi, et vous êtes de ceux et celles qui en défendent l'intérêt, le mérite et la nécessité. Là-dessus, je pense qu'on se rejoint sans problème. Votre mémoire soulève évidemment plusieurs questions, puis le temps est un peu serré. Peut-être que certains de mes collègues soulèveront certaines des questions que je ne pourrai pas soulever. Je vais leur laisser un peu la chance aussi d'intervenir.

Deux choses. La première, c'est la première recommandation de votre mémoire. Vous nous dites: «La CSQ recommande que la variable sexe soit prédominante.» Je dois juste dire que, comme vous nous proposez de rajouter des catégories cibles comme les personnes handicapées, comme les groupes issus des communautés ethniques, en introduisant la variable sexe comme prédominante, dans le contexte général des effectifs qu'on connaît, j'ai un petit peu l'impression ? je ne sais pas si je me trompe ? qu'on risquerait de rendre la réalisation de certains objectifs en matière de certains groupes cibles très difficile. J'aimerais vous entendre parler un peu de votre compréhension de ça. Parce que, d'habitude, les gens parlent en termes de variables, de groupes ciblés, plutôt de cibles croisées. Vous, vous nous en parlez autrement. Je voudrais juste savoir si j'ai bien compris puis c'est quoi dans votre esprit, les impacts.

J'imagine que d'autres gens reviendront sur le rôle des syndicats. Moi, je voudrais que vous ayez l'occasion un petit peu d'élaborer sur une toute autre dimension qui est moins technique ? par rapport au projet de loi, vos commentaires sont très clairs, donc j'y reviens moins ? sur quelque chose que vous soulevez, qui est la faible représentation des gens issus notamment des minorités visibles dans le domaine de l'enseignement, notamment du côté francophone. Et, en conclusion, vous insistez sur l'importance de travailler en amont au niveau de l'accès à l'éducation. Je sais que vous avez travaillé sur quelques affaires là-dessus aussi. J'aimerais ça vous en entendre parler.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Richard, il y a deux questions qui ont été soulevées.

Mme Richard (Monique): Oui. Alors, je vais donner la parole à Mme de Sève pour un bout puis ensuite...

Le Président (M. Rioux): Mme de Sève.

Mme de Sève (Nicole): Bon. Votre première question en tout cas est très claire: Comment peut-on poser la prédominance de la variable sexe? Ce que j'ai constaté... Bon, je suis la conseillère au dossier depuis 1986, les analyses d'effectifs qui ont été effectuées dans les commissions scolaires et dans le réseau collégial et certaines dans les universités, j'y étais, j'ai fait les calculs, j'ai fait les chiffres, les analyses de disponibilité avec mes deux stagiaires en relations industrielles. Nous avons produit, donc, l'ensemble du matériel. Et ce qu'on a constaté, c'est que, quand on prenait les minorités visibles comme un tout, sans les traverser de la variable sexe, on était absolument incapable d'isoler des objectifs d'embauches particuliers pour les femmes des minorités visibles ou pour les minorités ethniques, la raison étant la même pour les personnes handicapées.

C'est évident que ça renvoie donc à toute la structure des modalités d'analyse. Ce qu'on dit, c'est: Lorsqu'on pose les objectifs pour les minorités ethniques ou les minorités visibles, tenir compte que ce n'est pas un groupe unisexe, qu'à l'intérieur de ça les femmes appartenant à ces groupes minoritaires là sont doublement discriminées et qu'en conséquence il y a des objectifs qui doivent s'adresser spécifiquement à elles et dans l'analyse, donc dans les tableaux, et dans les mécanismes qui sont mis en place. C'est dans ce sens-là que ça veut dire... Ça ne veut pas dire... O.K.? Est-ce que c'est assez clair? Vous hochez de la tête, là?

M. Perreault: La réponse est claire.

Mme de Sève (Nicole): O.K. La faible représentation du personnel enseignant, c'est-à-dire des membres des minorités ethniques et des minorités visibles en amont. Lorsque nous avons voulu commencer, amorcer nos travaux avec le ministère de l'Éducation sur la place des minorités visibles et des minorités ethniques en éducation, nous avons reçu une fin de non-recevoir. Comme nous avons une tête de pioche, nous avons décidé de faire le travail nous-mêmes parce que nous avions, à l'intérieur de nos rangs, pas... On n'est pas aveugles, là. On allait dans des écoles, on allait dans des facultés d'éducation et on se rendait compte que le taux de diplomation était très faible. Mais est-ce que «faible», ça veut dire qu'il était inférieur à leur représentation dans la population, c'est-à-dire selon leur disponibilité? Et qu'est-ce qui fondait ça? Donc, nous avons demandé à la Commission de nous faire une analyse de la disponibilité du personnel de l'enseignement, de l'éducation, pour toutes les raisons de modèles qu'on a utilisés dans les autres programmes, et on s'est rendus compte qu'il y avait une nette sous-représentation. Nous nous sommes tournés vers l'équipe pluri de l'Université du Québec et qui travaille sur la question et qui a dit: Nicole, il y a des années où on n'est même pas capable d'en rejoindre ? au niveau des minorités visibles ? 10.

Donc, ça ne nous fait pas un bassin de recrutement. Pourquoi? On ne le sait pas, c'est là-dessus qu'on travaille actuellement dans le cadre d'un projet de trois ans. Mais on sait que, si... C'est-à-dire, on a des hypothèses. Je ne vous les dévoilerai pas ici, pas parce que je ne veux pas mais parce qu'elles ne sont pas validées. Mais toute l'année et demie qu'on a faite d'enquête, de questionnaires et d'entrevues auprès de personnes qui le sont déjà nous ont permis d'identifier un ensemble de résistances, de blocages, un peu comme on a eu dans le Service de la police de la Communauté urbaine de Montréal ? je pense que vous êtes au courant des analyses qu'ils ont faites. Donc, on est capable actuellement, mais elles ne sont pas validées. Et on essaie de voir aussi, par rapport à ce qui se fait dans d'autres provinces canadiennes, aux États-Unis, en Australie et dans d'autres... en Angleterre notamment, comment aussi ils ont abordé cette question-là pour être capables de répondre à notre question. Mais on a des hypothèses, qu'on devrait avoir d'ici juin.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Richard, avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?

Mme Richard (Monique): Ça va.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à Mme Richard, Mme de Sève et Mme Fortin. Je vous félicite pour un mémoire très solide. Pour reprendre vos propos dans votre introduction, vous avez mis le doigt sur de nombreuses failles que contient le projet de loi et vous faites des recommandations pour ni plus ni moins corriger ces failles.

Une des failles que vous identifiez, celle-là, est inquiétante, et d'autres groupes y ont fait référence, mais les membres de la commission, on n'a pas trop élaboré là-dessus, mais je pense qu'il serait peut-être à propos de le faire avec vous aujourd'hui. À la page 8 de votre mémoire, sous le chapitre La multiplication des programmes, vous dites: «Faut-il rappeler au gouvernement qu'au-delà de ses bonnes intentions nous ne sommes pas dupes du stratagème proposé?» Seuls 24 organismes du gouvernement seront assujettis au projet de loi, et la plupart, la vaste majorité des organismes publics y échapperont et échapperont également à la surveillance de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.»

Un gouvernement qui fait la leçon aux organismes publics, mais qui ne donne pas l'exemple, c'est toujours inquiétant. On aura l'occasion, pendant la commission parlementaire, lors de l'étude détaillée article par article, de voir avec le ministre pourquoi il a fait ce choix-là. Mais avez-vous des indications, avez-vous des pistes? Est-ce qu'il y a de bonnes raisons pour lesquelles le gouvernement veut éviter que la loi s'applique à ses propres organismes?

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): C'est sûr que c'est une question fondamentale pour ce projet de loi. Pour nous, il faut absolument que le gouvernement soit lié par l'évaluation. On parle d'une loi d'accès à l'égalité à l'emploi, et je pense, moi, que, depuis le temps qu'on en parle au Québec, depuis le temps qu'on y travaille, on ne doit pas être tiède quant au contenu de cette loi-là. Et, si on veut faire en sorte que les entreprises, si on veut faire en sorte que tout le secteur de l'activité publique et parapublique s'engage résolument... Parce qu'on a beau avoir signé des conventions collectives qui nous donnaient des provisions pour mettre en place les programmes, ça ne s'est pas fait à la marge... ça s'est fait à la marge. Au niveau du collégial, on a vu tout à l'heure, au niveau de la discussion, combien c'est difficile et comment les gens veulent se retrancher derrière une base volontaire.

n(15 h 10)n

Je pense, moi, que, si on veut, au Québec, donner une portée à la Loi d'accès à l'égalité, il faut que le gouvernement donne l'exemple. Si le gouvernement se sort de l'évaluation de ce projet de loi là, on donne toute la légitimité aux autres groupes de trouver toutes sortes de raisons aussi pour justifier qu'ils ne doivent pas se sentir pris ou encadrés ou obligés ou qu'ils n'ont pas de responsabilité à l'égard de cette loi-là. C'est dans ce sens-là qu'on soulève une réflexion et un questionnement et qu'on amène une recommandation pour qu'il y ait un programme et que chacune des composantes des services publics et parapublics de même que des organisations publiques et parapubliques soit liée par ça, donc le gouvernement, bien sûr. Je ne sais pas si Nicole...

M. Ouimet: Moi, je partage assez bien vos dernières remarques. Particulièrement, on pourrait étendre la remarque, par exemple, aux autres choix faits par le gouvernement dans le cadre du projet de loi: Pourquoi les entreprises privées ne sont-elles pas assujetties à la loi? Pourquoi, au niveau des organismes publics, on a fixé le chiffre à 100? Vous y faites référence dans votre loi. Moi, je ne sais pas s'il y a lieu l'exercice d'un certain lobby auprès du Conseil des ministres pour dire de bonnes intentions, mais nous ne souhaitons pas y être assujettis. Je ne sais pas. Il va falloir fouiller un petit peu ces choix-là.

Un autre choix qu'a fait le gouvernement, c'est, par exemple, d'exclure certains groupes, notamment les personnes handicapées, les minorités ethniques, anciennement les communautés culturelles. Le ministre a tenté de s'expliquer là-dessus en disant: Écoutez, il y a une distinction entre sous-représentation et discrimination. Lorsque nous avons posé la question à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, ils nous ont dit qu'essentiellement il n'y avait pas de distinction, «discrimination», c'était un terme juridique et «sous-représentation», c'était un état de faits. Alors, comme je le disais tantôt, vous mettez le doigt sur de nombreuses failles au niveau du projet de loi.

Qu'est-ce qui explique que le gouvernement, qui semble vouloir aller dans la bonne direction, cependant fait tellement d'exclusions qu'on peut s'interroger sur: une fois l'intention manifestée, lorsqu'on gratte un petit peu le projet de loi, il reste peu de choses? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Mme Richard ou votre collègue?

Mme Richard (Monique): Oui.

Mme de Sève (Nicole): C'est évident qu'on n'est pas dans la tête du gouvernement, et ce n'est pas vrai qu'on va vous dire quelles sont les raisons qui peuvent avoir motivé... Nous, par contre, ce qu'on doit admettre, c'est que, entre rien, c'est-à-dire quelque chose qui s'applique, en vertu de l'article 92 de la Charte, seulement à la fonction publique et à certains organismes et des programmes volontaires qui ont échoué, mais carrément, et ce qu'on a sur la table, c'est un plus. Il y a des problèmes méthodologiques importants, mais ça, ça peut se corriger en travaux pour essayer d'éviter les impairs. Ça fait que, ça, on le reconnaît et on veut que ça continue.

On veut par contre que le gouvernement se soumette aussi, comme en a fait la démonstration très élogieuse Monique, par rapport au reste. Et nous lui ouvrons une porte. Ce que nous lui demandons, c'est que, dans des délais raisonnables... On n'est pas fous, là. On a assez vu comment les entreprises privées se sont débattues comme le diable dans l'eau bénite pour empêcher la Loi sur l'équité salariale, on sait très bien que, de faire adopter une Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, ça ne passera pas tout seul dans la société. Donc, si on est capables, nous autres, de donner l'exemple, d'avancer et de démontrer des résultats probants, nous aimerions que, dans des délais raisonnables ? puis, moi, la raison, ce n'est pas 10 ans ? des délais très raisonnables, le gouvernement commence à penser à une loi qui s'appliquerait à l'ensemble des entreprises privées du Québec. Là-dessus, je vous donne raison. Donnons l'exemple, comme secteur public, parapublic et fonction publique, obtenons des résultats, mais arrangeons-nous pour que, à court terme aussi ou dans un délai raisonnable au sens de la Charte, on puisse aussi l'étendre aux entreprises privées.

M. Ouimet: Très bien.

Le Président (M. Rioux): Alors, merci, Mme de Sève. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Deux petites questions. Je pense que, même si j'ai deux questions, les réponses seront très courtes parce que, si on tient compte de la qualité du rapport que vous nous avez présenté, j'ai l'impression que vous allez répondre très rapidement à mes préoccupations.

D'abord, je dois vous dire que je suis totalement, moi aussi, toujours mal à l'aise quand on place les femmes dans des catégories linéaires avec des groupes particuliers dans la société. Parce que, ma perception, c'est qu'elles ne sont pas un groupe particulier dans la société, elles en font partie, elle sont, tout le monde le sait, 50 % de la société et même un peu plus. Mais j'imagine que, s'il est placé là, de cette façon-là dans la loi, c'est pour des raisons pratiques, pour des raisons administratives.

Vous dites cependant à la page 5: «La CSQ recommande que la variable sexe soit prédominante.» Alors, pouvez-vous nous expliquer un peu comment vous voyez que ça pourrait se faire en pratique dans la loi?

Le Président (M. Rioux): Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Comment ça pourrait se faire dans la loi? Je pense qu'il faut absolument que la loi contienne une dimension qui dit que les femmes, c'est un groupe à privilégier, c'est un groupe cible incontournable. Et, un peu comme Nicole le disait tout à l'heure, quand on parle des autochtones, quand on parle des personnes handicapées, quand on regarde les effets de la discrimination à l'égard de l'emploi, on retrouve toujours des majorités de femmes qui sont discriminées. Alors, à travers chacune de ces composantes, cette réalité-là ressort très bien. Dans ce sens-là, je pense qu'on ne peut pas faire l'économie de préciser que, si on veut avoir accès à l'égalité en emploi, il faut avoir une préoccupation essentielle et prioritaire autour du sexe, effectivement.

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Dion: Je vous remercie. M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Une précision?

M. Dion: Bien, je pense que j'aurais aimé avoir plus de précisions, mais j'admets que c'est difficile, comme ça, de répondre à cette question-là. Oui? Est-ce que vous pouvez donner plus de précisions sur la façon dont vous entrevoyez que ça serait écrit dans la loi?

Le Président (M. Rioux): Mme de Sève.

Mme de Sève (Nicole): Je pense que, de toute façon, d'une part, ce serait ? attendez que je revienne vers vous ? au chapitre de l'analyse, lorsqu'on dit, le rapport d'analyse des effectifs, bien, ce qu'il doit comprendre, c'est là qu'on devrait le retrouver. Dans le fond, on pourrait prendre le règlement qui accompagne les programmes d'accès à l'égalité en emploi pour les programmes volontaires et inclure que, dans chacune des analyses et pour chacun des groupes cibles, il devra y avoir une analyse des effectifs en tenant compte du sexe des personnes. C'est-à-dire, en enseignement mathématique, nous avons, oui, en général, x pourcentage de femmes, x pourcentage d'hommes. À l'intérieur des minorités, de ce qu'on appelle minorités visibles, il y a x pourcentage de femmes et x pourcentage d'hommes, pour qu'on soit capable de faire l'analyse de la disponibilité.

C'est difficile, et ça j'en fais une démonstration, à cause de la nature des statistiques qui nous sont fournies. C'est pour ça que j'en appelle au Québec de pouvoir développer des outils statistiques plus raffinés pour qu'après dans le programme, qui arrive à la section III, à l'article qui dit ? je ne me souviens plus, là ? les objectifs quantitatifs, bien, à ce moment-là, on puisse dire: Les objectifs quantitatifs pour les femmes, les... Bon. O.K.? Comme ça. Là, je ne suis pas une juriste, je suis une praticienne de programmes d'accès à l'égalité. Les avocates pourraient l'écrire mieux que moi.

M. Dion: Merci, madame.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous voulez encore intervenir.

M. Dion: Si j'ai le temps.

Le Président (M. Rioux): Plus vous parlez, plus vous enlevez du temps à vos collègues, vous le savez. C'est comme ça, c'est implacable.

M. Dion: Ha, ha, ha! Mais ils sont très contents. Ils aiment collaborer avec moi parce que souvent je leur laisse toute la place, hein.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Alors, je vais aller du côté de l'opposition...

M. Dion: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): ...puis on reviendra tout à l'heure. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. En conclusion, dans votre mémoire, vous lancez un appel, enfin, vous réitérez votre volonté d'avoir des mesures d'accès à l'égalité à l'intention des jeunes. Et toujours en conclusion également, vous faites un rappel, en fait, de la difficulté que ça représente, entre autres, par exemple, chez les jeunes autochtones, à cause finalement du faible bassin de recrutement, de la faible présence de minorités visibles, de minorités culturelles dans le secteur de l'éducation, et tout ça.

Je veux faire un lien avec aussi des propos que vous faites à la page 9 sur les catégories d'emploi. C'est-à-dire que vous expliquez que le projet de loi ne s'appliquera pas, enfin, précise que c'est pour les emplois qui auront été créés pendant une période continue de six mois au cours de deux années consécutives. Et vous rappelez aussi la précarité des emplois créés, entre autres, dans le secteur de l'éducation, si je ne me trompe pas, et, entre autres, que c'est souvent les jeunes qui sont touchés par cette précarité à l'emploi.

Ma question, c'est: Est-ce que vous êtes en train de dire que, pour vous, la loi, telle que présentée en ce moment, pourrait avoir éventuellement même des effets pervers, c'est-à-dire renforcer et cantonner des jeunes dans des emplois occasionnels, que la loi pourrait même avoir un tel effet pervers si on la laissait comme ça?

Mme Richard (Monique): Je pense que la loi amène des correctifs bien sûr, mais elle risque d'échapper un certain nombre de groupes importants, les jeunes bien sûr. On parle de la précarité, mais on peut se référer aussi à la situation de l'emploi dans certaines régions périphériques, où la question de la précarité est très présente aussi au niveau de l'emploi. Dans ce sens-là, je pense qu'on risque d'échapper un certain nombre de groupes si on ne la rend pas beaucoup plus large au niveau de ses visées et des groupes qu'elle peut atteindre.

Bien sûr, la raison que vous soulevez, toute la question qu'on soulève en conclusion sur la diversification des champs d'études et des disponibilités à l'égard de créer un bassin de disponible au niveau de l'emploi, je pense que, selon nous et dans la nature des travaux que nous avons faits, c'est un champ de travail très important sur lequel il faut investir si on veut être en mesure, à l'autre bout du processus, d'avoir des gens disponibles à l'emploi et de répondre à ces objectifs d'accès à l'égalité.

n(15 h 20)n

Mme Beauchamp: Moi, j'ai bien compris le fait que vous souhaitez des changements, et tout ça. Mais je vous posais la question si vous croyez que ça peut même avoir des effets pervers à moyen et à long terme. C'est-à-dire est-ce qu'on pourrait être tenté de maintenir l'utilisation de postes occasionnels? Je sais qu'il y a de multiples raisons pour ça, mais est-ce que cette loi, telle que présentée en ce moment, pourrait être un facteur de plus pour le maintien de postes occasionnels dans différents organismes?

Mme Richard (Monique): Bien, je pense que ça peut avoir comme effet pervers d'accentuer la discrimination. Déjà, les jeunes ou les femmes en situation de précarité ? parce que c'est ces groupes-là que ça touche de façon plus importante ? si on ajoute à ça que les programmes d'accès à l'égalité à l'emploi ne les touche pas, bien, ça accentue d'autant la discrimination à l'égard de ces groupes-là. Et je pense que, dans ce sens-là, il faut essayer de mettre les bouchées doubles et de corriger la situation.

Mme de Sève (Nicole): À titre d'exemple, lorsqu'on a fait l'analyse des effectifs dans les commissions scolaires, la première analyse que nous avons faite à la fin des années quatre-vingt ne tenait pas compte des travailleuses et des travailleurs à statut précaire dans ce réseau-là. La dernière que nous avons... ? on peut le dire, on a forcé le MEQ à la faire ? on l'a faite conjointement, paritairement, on a tenu compte... On dit toujours: L'éducation, c'est un ghetto d'emplois féminins. Mais, c'est drôle, la précarité, c'est aussi un ghetto d'emplois féminins. Donc, si on ne tient pas compte des statuts d'engagement, c'est évident qu'il y a des éléments discriminatoires dans l'organisation du travail, dans l'aménagement des statuts d'emplois qui ne paraîtront pas. Ce n'est pas juste les effectifs. Et ça, c'est l'analyse du système d'emploi qui va nous le révéler.

Donc, c'est important et il faut qu'ils soient là, et d'autant plus que, quand on va faire notre analyse de disponibilité, si on en fait une de la disponibilité interne, c'est notre bassin de recrutement privilégié au départ parce qu'ils sont déjà dans la culture de l'organisation. Parce qu'on peut faire la disponibilité externe, mais on peut faire aussi la disponibilité de la main-d'oeuvre interne. Dans ces deux cas-là, ce n'est pas dans le sens pervers, machiavélique. Moi, je ne veux pas prêter ces intentions-là parce qu'on a toujours dit que la discrimination systémique n'était pas une discrimination intentionnelle. Mais par contre, elle peut avoir, par son omission, des effets discriminatoires.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Frontenac, soyez bref...

M. Boulianne: Bref. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): ...parce que je vais donner aussi une chance à M. le ministre, qui a une petite question.

M. Boulianne: Oui, c'est bien. Bienvenue, Mme Richard, avec...

Le Président (M. Rioux): Après vous, ce sera le député de Marquette.

M. Boulianne: ...votre équipe. Vous avez parlé de votre expertise, de vos initiatives, j'en suis convaincu, au niveau du syndicat. Je pense que vous avez des antécédents qui ont permis au Québec d'évoluer dans ce domaine-là. Moi, ma question: Vous parlez d'alléger, mais est-ce que le système de reddition de comptes que vous proposez n'alourdira pas le processus en donnant, comme ça, des procédures supplémentaires, comme, par exemple, les lois n° 87, 91, la Charte, le Tribunal? Est-ce que ça ne risque pas d'alourdir et d'aller à l'encontre de ce que madame disait tout à l'heure, d'alléger le processus?

Mme Richard (Monique): Je vais laisser la parole à Nicole parce que, ayant travaillé sur ce genre de dossier-là, elle est mesure de voir de façon plus claire l'impact que ça pourrait avoir.

Le Président (M. Rioux): Vous pouvez nous ramasser ça rapidement, Mme de Sève?

Mme de Sève (Nicole): Oui. Si vous avez remarqué, on présente deux hypothèses, c'est-à-dire ou bien une commission indépendante ou bien non des services distincts. Je dois avouer que, dans notre dernière expérience, celle de la commission scolaire de l'Industrie versus les enseignants du Syndicat d'enseignement de Lanaudière, les pauvres filles, elles en arrachent parce que, très souvent, la Commission, elle est juge et partie dans l'organisation du programme qui a pourtant été imposée par le Tribunal. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une partie conseil, la partie qui aide les filles à faire les analyses, à élaborer, soit indépendante de la partie surveillance, contrôle et, à la limite, poursuite, parce que, dans la pratique, il y a des difficultés réelles où les filles ne sentent pas qu'elles ont l'appui de la Commission mais que c'est l'employeur qui l'a. Ce qu'on voudrait, c'est que ce bout-là soit éclairci. Si notre proposition de commission indépendante ou de deux services ne peut pas rentrer dans les cadres administratifs, bien, trouvez une solution pour que des problèmes comme ceux-là ne perdurent pas.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Une dernière question en ce qui me concerne, touchant les conventions collectives bien sûr. Je ne pouvais pas garder sous silence la recommandation de la Commission des droits de la personne, dans son mémoire, qui a fait état de leurs conflits, à l'occasion, entre des règles comme l'ancienneté, les listes de rappel et les critères, les programmes d'accès à l'égalité. La Commission des droits de la personne disait ceci dans son avis datant de 1993 et elle a repris le même passage pour l'avis sur le projet de loi n° 143, elle dit: «La Commission demeure consciente que toute intervention au niveau de l'ancienneté est délicate ? on voit bien que la Commission met des gants blancs maintenant pour arriver à sa recommandation ? mais elle estime que, en cas de conflit, la priorité des priorités devrait revenir aux mesures de redressement de la discrimination sur l'ancienneté. Seriez-vous en accord avec cette recommandation?

Le Président (M. Rioux): Mme Richard, c'est une assez bonne question.

Mme Richard (Monique): On l'avait prévue, par exemple.

M. Ouimet: Oui, je suis sûr, je suis sûr.

Mme Richard (Monique): Ha, ha, ha! Je vais laisser la parole à Mme Fortin.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Fortin.

Mme Fortin (Diane): Bien, je dirai que, d'abord, une convention collective, vous savez que ça se négocie entre deux parties. Une convention collective, ça s'applique à partir du moment où des gens sont en emploi. Alors, revenons au principe qui est sous-tendu par le projet de loi: l'emploi, l'accès à un emploi. Et c'est pour ça que, dans le mémoire ? puis vous y faites référence d'ailleurs dans votre projet de loi: il faut regarder les politiques de recrutement puis les politiques d'embauche ? nous, on dit: Regardons les politiques de sélection. Au moment où on se parle, dans nos conventions collectives, l'engagement, c'est du ressort de l'employeur. Alors, il faut commencer par regarder cette étape primordiale là, qui est l'accès à l'emploi, et se donner des politiques d'accès à l'égalité au niveau de la sélection du personnel.

On vous dit aussi qu'il faut associer les organisations syndicales à l'élaboration et à l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité. On vous dit aussi que, lorsqu'elles sont associées, elles trouvent des solutions, des solutions aux problèmes qui sont rencontrés. Et il y a des mesures de redressement, de soutien puis des étapes pour appliquer ça. Alors, je pense que c'est comme ça qu'il faut le regarder. Mais revenons, on parle d'accès à l'égalité en emploi. Donc, encore faut-il qu'on se donne des mesures pour que lors de la... pas uniquement le recrutement, mais la sélection du personnel, on puisse rejoindre les personnes des groupes cibles.

M. Ouimet: Lorsque les personnes sont déjà en emploi, par exemple, pour un nouveau poste qui s'ouvre, qui s'affiche dans une organisation, et vous avez un homme qui, si ce n'était uniquement que le critère de l'ancienneté, devrait obtenir l'emploi, mais vous avez également, à compétences égales bien sûr, une femme qui fait partie du groupe ciblé par le projet de loi n° 143, si je comprends bien la recommandation de la Commission des droits de la personne, on devrait prévoir un mécanisme qui ferait en sorte que, compte tenu qu'on devrait favoriser la femme dans ce poste-là, on devrait pouvoir mettre de côté la règle de l'ancienneté...

Le Président (M. Rioux): Alors, est-ce que c'est Mme Fortin qui répond?

M. Ouimet: ...en cas de conflit entre les deux.

Mme Richard (Monique): À ce moment-là, on remet aux parties négociantes au niveau local la capacité de convenir de mécanismes pour faire en sorte que le principe de l'accès à l'égalité soit là. Et je pense il y a des mécanismes transitoires aussi qui peuvent se mettre en place. On nous fera pas un discours sur l'accès à l'égalité en disant: On ne changera rien, non plus. Je pense qu'il faut être conséquent des gestes qu'on pose. Et on est en mesure, à ce moment-là, de mettre en place, en négociation entre la partie patronale et le syndicat local, des mesures d'appui au programme d'accès à l'égalité, bien sûr en sélection, mais aussi tout au long de la vie des personnes à l'intérieur de leur travail. Donc, je pense qu'il y a moyen de convenir d'un certain nombre de mesures pour faciliter cet accès à l'emploi.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Richard. M. le ministre, rapidement.

M. Perreault: Peut-être une dernière question moi aussi. Dans le fond, ...l'exercice, il y a comme trois étapes. Il y a la promotion de l'importance de ces programmes, des campagnes de sensibilisation, il y a l'appui aux organismes, aux employés qui sont à élaborer ces programmes et puis il y a le rôle de surveillance. Ce que je comprends de votre mémoire, c'est que vous recommandez à toutes fins pratiques que la Commission des droits vienne renforcer son rôle de quasi-tribunal administratif presque à l'exclusion de toute autre fonction. Et si je l'ai bien compris, vous réserveriez les autres fonctions à qui?

Mme Richard (Monique): À une commission indépendante à mettre en place ou à un service à mettre en place, un service de support à la mise en place de ces programmes, de conseil, et ainsi de suite, pour faire en sorte que des situations comme celles qu'on a vécues ne se reproduisent pas. Et ce n'est pas juste à un endroit. Je pense que, si on veut réellement que cette loi-là, elle ait une portée, il faut donner aux gens les moyens de mettre en place les programmes d'accès à l'égalité, rendre ça accessible, vulgariser pour faire en sorte qu'autant dans le milieu syndical, dans les groupes organisés que dans les endroits où les gens sont moins organisés ce soit une loi qui, dans sa portée, est accessible.

M. Perreault: Si vous me permettez, peut-être juste... Non?

Le Président (M. Rioux): Rapidement.

M. Perreault: Dans le fond, est-ce que...

Le Président (M. Rioux): Une fraction de seconde.

M. Perreault: ...c'est un problème, à votre avis... C'était-u un problème de moyens de la Commission ou c'est un problème de mandat?

Mme Richard (Monique): Mais c'est un problème de mandat puisqu'elle a les deux mandats. Et bien sûr que, si déjà il y a un problème de moyens qui se pose, quand on arrive avec un double mandat de cette nature, avec l'importance et la place que devrait prendre l'application de cette loi, je pense qu'on ne se donne pas les conditions pour réussir ce beau défi.

n(15 h 30)n

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Richard, Mme Fortin et Mme de Sève, merci infiniment. C'est vrai que vous avez présenté un excellent document. Félicitations et à la prochaine.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Nous accueillons maintenant la Confédération des syndicats nationaux, représentée ici aujourd'hui par Mme Carbonneau. Et, madame, présentez-nous vos deux collègues.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Certainement. Il s'agit, à ma gauche, de Marie Roy, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN et, à ma droite, de Marie-France Benoit, qui est conseillère syndicale affectée au dossier de la condition féminine, qu'on traite régulièrement d'ailleurs chez nous dans la foulée des droits et de la lutte à la discrimination.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Carbonneau, vous allez nous présenter votre mémoire. Vous avez 15 minutes pour le faire, et ensuite vous aurez à répondre aux questions des députés.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, je vais tenter de le faire le plus rapidement possible. Je considère que la période d'échanges est toujours plus riche en commission parlementaire compte tenu que l'envoi du document avait été fait à l'avance.

Alors, je souhaiterais peut-être, dans un premier temps, saluer l'initiative qui est prise par le gouvernement du Québec de déposer et d'adopter rapidement, je l'espère, ce projet de loi n° 143. Je rappelle que, ce faisant, vous donnez des suites à des recommandations qui avaient été faites par la Commission des droits de la personne, des droits de la jeunesse et le Conseil des relations interculturelles.

Je vous dirai ? et vous pourrez le revoir dans le document ? que la question de la lutte à la discrimination est une question qui préoccupe fortement la CSN, et ce, depuis nombre d'années. Il y a beaucoup de références historiques dans notre mémoire sur plusieurs interventions qu'à des moments charnières de l'histoire on a eu à faire autour de cette question-là.

Je vous dirais aussi que la CSN se sent, à plusieurs égards, très interpellée par ce projet de loi. Je rappelle que nous sommes une organisation syndicale qui compte 250 000 membres, une majorité de femmes dans notre membership, et, d'autre part, nous sommes aussi, dans le secteur public québécois, l'organisation syndicale qui comptons le plus grand nombre de membres.

Je m'attarderai davantage aux recommandations de façon à laisser le plus de temps possible pour l'échange. Je vous dirais que, si on est heureux de l'initiative qui est prise par le gouvernement du Québec, notre plus grande surprise à la lecture du projet de loi, c'est le fait qu'il y ait toute absence de mention au rôle et à la place des organisations syndicales dans cette volonté d'implanter des programmes d'accès à l'égalité, et nous pensons que c'est incontournable pour diverses raisons. D'une part, le Code du travail reconnaît en milieu de travail l'existence du mouvement syndical. D'autre part, je pense qu'il faut le voir de façon positive, comme étant une condition assez incontournable de réussite si on veut arriver à faire évoluer les règles à l'intérieur des milieux de travail, si on veut contribuer, dans un effort concerté, à atteindre des objectifs en termes de transformation des modalités.

Et je rappelle que, sans cette participation des organisations syndicales à toutes les étapes de l'élaboration d'un programme d'accès à l'égalité, ma foi, je pense qu'on s'attire des lendemains un peu difficiles. Surtout quand on parle de faire évoluer les conventions collectives, il me semble que c'est impossible d'envisager ça si on se place dès le départ en situation d'affrontement ou si on traite l'organisme représentatif des travailleuses et des travailleurs comme un corps complètement étranger. Et je vous dirais que cette remarque-là, elle est d'autant plus lourde pour nous qu'on vit actuellement, avec le dossier de l'équité salariale, une situation qui est inqualifiable, on en est rendus à être traités par la Commission de l'équité salariale comme si nous n'étions même pas une partie intéressée. C'est du salaire des femmes dont il s'agit, et il semble qu'aux dires de cette Commission-là ça ne regarde par les syndicats puis ça ne regarde surtout pas les femmes. Alors, il ne faudrait pas, là, se générer une autre mécanique monstrueuse à travers ce projet de loi là. C'est la première recommandation.

Ce qu'on souhaite vraiment, c'est que les syndicats, avec les droits, les obligations, les responsabilités qui en découlent, soient interpellés dans les milieux de travail pour la mise en place de ces comités-là. Je rappelle notamment que, dans le secteur public, plusieurs de nos conventions collectives prévoient déjà l'existence de comités paritaires. Or, là il me semble que le projet de loi irait à rebours et renierait un certain nombre d'acquis qu'on a pu installer depuis, ma foi, les années quatre-vingt.

Vous me permettrez aussi un certain nombre de remarques sur le champ d'application de la loi. Bon, bien sûr, on salue l'identification des femmes comme groupe cible. Les autochtones, on pense que c'est tout à fait incontournable, il s'agit là d'un groupe particulièrement désavantagé quant à l'accès au marché du travail. Notre grande surprise, c'est l'exclusion des personnes handicapées.

On est très conscients, à la CSN, que les personnes handicapées sont régies par une autre loi, celle assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Cependant, les résultats sont extrêmement maigres, loin d'être éloquents. Tous les groupes associatifs demandent une révision de cette loi-là, l'Office des personnes handicapées fait de même, et on est à même de constater dans les milieux de travail comment c'est un groupe qui a de la difficulté à faire sa place. C'est vrai au niveau de l'embauche, c'est vrai aussi au niveau du maintien en emploi de personnes qui peuvent, en cours d'emploi, devenir handicapées suite à un accident de travail ou à une maladie du travail. Alors, de ce côté-là, ça nous apparaît être une lacune majeure qu'il faut corriger. Je rappelle que les personnes handicapées, c'est quand même un groupe substantiellement important au Québec, on parle de près de 800 000 personnes, et c'est, au plan des statistiques de l'accès au marché du travail, parmi les groupes les plus désavantagés.

Pour ce qui est des minorités visibles, je vous dirais qu'on va être conscients des difficultés rencontrées par ces gens-là, on va être d'accord pour l'identification de ce groupe-là à titre de groupe cible. Cependant, on constate aussi qu'on ne réfère plus au concept de minorité ethnoculturelle, minorité culturelle. On est conscients que, parmi les minorités culturelles, tout le monde ne se trouve pas dans la même situation quant à l'accès à l'emploi, quant à l'accès aux promotions. Je pense qu'il y a clairement des différences quand on est francophone, quand on est Européen, quand on est Blanc que peut-être quand on est Européen d'Europe de l'Est, par exemple, et, de ce côté-là, on n'a pas trouvé de démonstration claire à l'effet que certaines minorités ethnoculturelles ne subissaient pas encore de la discrimination et des désavantages au chapitre de l'emploi. Et on a une recommandation précise qui les vise à l'effet de mandater rapidement la Commission des droits de la personne et de la jeunesse de clarifier cette question-là et, si on constate quelques inégalités, quelques persistances de discrimination à l'égard de ces groupes, que, par réglementation, elle puisse introduire ces minorités spécifiques de façon à redresser la situation.

n(15 h 40)n

Autre recommandation, bien sûr, qui porte aussi en partie sur le champ d'application. La norme du 100 salariés et plus, je ne vous cacherai pas qu'elle nous apparaît nettement inadéquate. Le monde du secteur public, surtout défini aussi largement qu'il est fait à l'intérieur du projet de loi, c'est aussi beaucoup le monde de la petite entreprise. Et là on rappelle dans notre mémoire une statistique qui a été recensée par le ministère de l'Industrie et du Commerce, avec des croisements avec les statistiques comparées de Statistique Canada, et qui démontre qu'en 1997, sur 48 employeurs dans l'administration publique provinciale et territoriale, 41 comptent moins de 100 employés. C'est le cas aussi pour 97 % des employeurs du secteur de la santé et des services sociaux, parce qu'on comprend que ça comprend aussi les services privés de santé. C'est la même chose au niveau de l'enseignement. Alors, de ce côté-là, il nous semble que, si on veut avoir un impact, on doit abandonner la norme du 100 salariés et plus et couvrir tout ce qui reçoit des subventions du gouvernement pour atteindre la portée qui est souhaitée.

D'autre part, la discrétion qui est laissée aux organismes de ne pas prendre en compte les personnels temporaires ou les personnels à temps partiel, nous croyons fondamentalement qu'on doit retirer du projet de loi cette discrétion. Je pense que c'est méconnaître le secteur public. Le secteur public, c'est malheureusement le monde de la précarité, et, ce faisant, c'est contribuer à maintenir des bassins de discrimination et c'est surtout, de notre point de vue, se priver de bassins d'emploi qui constituent parfois les premières portes d'entrée donnant accès à des emplois dans le secteur public. Alors, nous pensons que le projet de loi mérite certainement d'être revu à cet égard pour ne plus laisser cette discrétion-là aux employeurs.

Je dirais que, parmi les autres remarques de portée plus générale, si on est heureux de constater l'initiative gouvernementale en regard du secteur public au sens large, nous croyons que des années et des années de volontariat dans le secteur privé comme dans le secteur public ont donné des résultats très décevants et nous souhaitons une action gouvernementale à court terme qui couvre l'ensemble de ces secteurs. Vous savez, en matière de législation du travail ou ce qui s'apparente à la législation du travail, on n'est jamais bien servi, à mon avis, avec des dispositions spécifiques pour l'un ou l'autre des secteurs. Alors, nous souhaitons fortement, quant à nous, qu'il y ait un effort d'harmonisation qui soit fait dans un second temps par le gouvernement et qu'on développe les mêmes approches pour le secteur privé et pour le secteur public québécois.

Il y a d'autres recommandations de notre mémoire qui portent sur des questions plus techniques, des questions de délai, j'en ferai strictement un commentaire de portée générale. On a bien compris, à travers le projet de loi, qu'on ne voulait pas s'enfermer dans une mécanique lourde, hein? À quelle heure est-ce que tu commences le processus? À quelle heure est-ce qu'on doit avoir atteint tel ou tel résultat? Je pense que ça peut être intéressant comme approche de laisser la vie respirer. Ceci étant dit, on parle de programmes d'accès à l'égalité presque depuis la mise en place de la Charte des droits et libertés et on a connu aussi beaucoup de réticence dans les milieux. Donc, nous voulons à tout le moins qu'il y ait des étapes, rapports, qu'on force les organismes à rendre compte, que ce soit la Commission des droits, que ce soit chacune des organisations, pour au moins avoir une prise et que la Commission des droits puisse un peu brasser le pommier s'il s'avérait que des organismes s'enferrent dans une lenteur qui détourne les objectifs du projet de loi. Alors, il y a plusieurs recommandations qui tournent autour de cette question-là, mais, si j'en faisais un résumé, c'est un peu l'esprit qui nous anime pour motiver ces recommandations-là.

Dernier élément, ce sont des remarques de portée plus générale. Il est clair qu'on donne un gros contrat à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous croyons que, si le gouvernement est sérieux dans sa volonté d'aller de l'avant, eh bien il faudra qu'au prochain budget il y ait des ressources conséquentes qui soient allouées à la Commission des droits. Et, encore là, ça dépasse, dans notre cas, un voeu pieux. Nous avons eu, dans d'autres dossiers de discrimination... Et, encore là, c'est l'équité salariale au moment où, dans les années quatre-vingt, la CSN déposait des plaintes. Eh bien, ces plaintes-là ont été déposées dans les années quatre-vingt, elles ne sont toujours pas tranchées par la Commission des droits. Et, à deux reprises, pendant des années, le processus a été arrêté parce que la Commission plaidait l'absence de ressources. Alors, ce n'est pas un détail dans les circonstances, et nous verrons là le témoignage d'une volonté réelle du gouvernement d'aller de l'avant ou de ne pas aller de l'avant. Nous serons très vigilants à cet égard-là.

Dernière ? vraiment ? remarque de portée générale, c'est tout le secteur de l'éducation. C'est une chose que de vouloir favoriser l'accès des personnes en emploi, mais je crois fondamentalement que la question de l'éducation, c'est un levier majeur, et, de ce côté-là, on va souhaiter que le ministère de l'Éducation accorde une attention particulière aux groupes cibles définis dans la loi pour s'assurer de leur meilleure préparation en termes d'éducation professionnelle et même en termes d'éducation générale. Je m'arrête là.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Carbonneau. M. le ministre.

M. Perreault: Oui, merci. Alors, bienvenue. Merci pour ce mémoire qui, effectivement, fait le tour du projet de loi dans ses divers aspects. Vous soulevez des questions très précises et vous allez au coeur du projet.

Écoutez, moi, j'aurais peut-être le goût de partir des derniers commentaires que vous avez formulés, les avant-derniers. D'après vous, qu'est-ce qui... Vous avez mentionné ? avec raison, probablement ? que, sur une base volontaire, jusqu'à maintenant, on a obtenu un certain nombre de résultats, peut-être davantage pour le groupe cible des femmes, moins pour les autres groupes cibles ? pas partout d'ailleurs, même pour les femmes, pas pour tous les types d'emploi ? qu'il y a eu des progrès, mais qu'on est encore loin d'atteindre les résultats qu'on pourrait espérer, et j'aurais un peu le goût de vous demander, parce que vous faites le tour du projet de loi: D'après vous, compte tenu de l'expérience que vous avez, qu'est-ce qui est le plus déterminant, le plus important? Est-ce que c'est de travailler à bien clarifier, renforcer le rôle de la Commission des droits? Est-ce que c'est la sensibilisation? Est-ce que ce sont les... Dans le fond, qu'est-ce qui, d'après vous, est au coeur de la capacité d'une société d'atteindre des objectifs comme ceux-là?

Puis, après ça, j'avais une deuxième question qui est plus concrète dans votre mémoire. Parce que vous soulevez toutes sortes d'autres considérations, le rôle du syndicat, viser les personnes handicapées, vous suggérez qu'on y aille par étapes dans certains cas ou, en tout cas, qu'on fasse des études plus fouillées. Dans tous les cas, vous dites: Il faut quand même aller de l'avant. Bon, on pourra revenir sur les détails, mais il y a un aspect que vous soulevez sur lequel j'aimerais vous entendre reparler, vous dites: On avait prévu des exclusions pour les emplois temporaires et à temps partiel, vous dites: Exclure ce type d'emploi de l'application de la loi ne pourrait que maintenir la discrimination systémique dans le travail. Alors, j'aimerais vous entendre parler de cet aspect plus particulier de la notion des postes temporaires et pourquoi vous portez un jugement aussi catégorique là-dessus.

Mais, plus largement, d'après vous, si on veut atteindre des objectifs, qu'est-ce qui est le coeur, le noeud de l'action qui doit s'entreprendre?

Le Président (M. Rioux): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Vous savez, on est en milieu de travail, alors je pense qu'il faut se poser la question en identifiant quels sont les acteurs, qui sont les décideurs, et c'est autour des décideurs que les actions sont déterminantes. Alors, de ce côté-là, c'est définitivement les employeurs, ce sont les organisations syndicales. C'est elles qui, au quotidien, sont présentes dans les milieux de travail et c'est elles qui font la différence entre un oui ou un non. Cependant, je crois que ces acteurs-là, qui ont un rôle majeur, se doivent d'être soutenus en termes de formation, en termes de campagnes de sensibilisation, et voilà pourquoi on accorde beaucoup d'importance aux ressources qui vont être mises pour appuyer. Mais ce ne sont que des ressources d'appui qui peuvent être données à la Commission des droits ou à tout autre groupe en termes de sensibilisation. Moi, je pense que c'est l'ouverture aux acteurs, et, de ce côté-là, ce n'est pas pour rien que la question de la reconnaissance des syndicats. Et, je vous le dis, ce n'est pas juste de se faire reconnaître des droits, c'est aussi de reconnaître de notre côté qu'on a des responsabilités à cet égard-là. Mais, comme on est, avec les employeurs, les acteurs de première ligne, ce n'est pas pour rien que ça figure comme étant la première recommandation de notre mémoire.

n(15 h 50)n

Derrière votre question, je sentais aussi... Bon, pourquoi est-ce qu'on a atteint plus ou moins les objectifs? Et vous disiez: Ça peut varier selon les groupes. C'est clair que chez les femmes on peut avoir l'impression qu'il y a un plus grand bout de chemin de fait. Je rappelle que, de tous les groupes cibles, les femmes sont le seul qui n'est pas un groupe minoritaire dans la société, hein, on est la moitié de l'humanité. Alors, bon, déjà là, numériquement, il y a un poids.

D'autre part, je pense que la valeur d'un programme d'accès à l'égalité, bien sûr, c'est permettre l'accès à l'emploi, mais au-delà de ça ? et c'est peut-être à travers une analyse plus fine qu'on se rend compte des pas importants qui restent encore à faire au niveau des femmes ? c'est briser les ghettos d'emploi. Vous savez, faire rentrer beaucoup de femmes dans le secteur public ? on a toujours été identifiées à soigner, éduquer ? ça, ce n'était pas en soi très difficile. Permettre à ce groupe-là d'avoir accès à tous les emplois, briser les ghettos d'emploi, c'est peut-être moins ça que de leur offrir un emploi qu'il reste à atteindre pour elles. Or, en ce sens-là, je pense que la nuance est, comme telle, importante.

Pourquoi est-ce qu'on soutient résolument qu'il ne faut pas exclure de l'analyse des effectifs les effectifs à temps partiel et les effectifs temporaires? Prenons l'exemple du secteur hospitalier, on était tout récemment à la dernière négociation. C'est un secteur où 55 % des effectifs sont à statut précaire. C'est un secteur où, pendant des années et des années, les seules embauches qui ont été réalisées l'ont été, ou à peu près, sur des emplois précaires. Si on se prive de ces bassins d'emploi là pour faire rentrer du monde, je considère que c'est parfaitement dramatique. Et, disant cela, je ne plaide pas pour la montée de la précarité, on a fait une bataille terrible au moment de la négociation pour tenter de l'éliminer, pour tenter de la civiliser, mais il me semble que ça interpelle tous les acteurs dans le milieu de travail, nouveaux arrivants, ceux et celles qui sont précaires et qui veulent en sortir et qui veulent voir améliorer leur sort. C'est une bataille en soi à livrer autour de civiliser la précarité, mais on ne peut pas, sur des nombres comme ça, se priver de tels bassins d'accès et surtout on ne peut pas laisser ça complètement à la discrétion d'un employeur parce que ce sont les seuls acteurs de première ligne qui sont définis dans le projet de loi avec une complète discrétion.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Carbonneau, on va maintenant entendre le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Mme Carbonneau, Mme Benoit et Mme Roy, bienvenue aux travaux de cette commission. Vous présentez un mémoire très solide qui fait le tour des nombreux problèmes contenus dans le projet de loi. J'ai regardé attentivement les pages qui concernaient l'harmonisation des différentes mesures, des différents textes de loi. Je me demandais si vous partagiez le reproche que fait la CSQ au gouvernement concernant l'application de la loi n° 143 au gouvernement et à ses organismes. Le gouvernement échappe à l'application de la loi n° 143. En d'autres termes, il ne serait pas soumis au mécanisme de surveillance de la part de la Commission des droits de la personne du Québec, ce qui a été déploré, entre autres, par la CSQ et d'autres organismes également qui l'ont noté à juste titre. Alors, je me demandais si le fait que vous n'en parliez pas voulait dire que vous ne partagiez pas leur point de vue ou si vous avez tout simplement consacré vos efforts à d'autres grandes pistes élaborées dans le mémoire.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, malheureusement je n'ai pas entendu dans le détail la présentation de la CSQ. Cependant, je crois qu'on relate, peut-être pas avec suffisamment d'emphase, au début de notre mémoire l'expérience concrète qu'on a dans le secteur public où nous comptons un grand nombre d'affiliés, notamment dans le secteur de l'éducation. Je vous dirais que les résultats ont été relativement minces, mais je pense que le gros des difficultés qu'on a rencontrées, c'était parce qu'il s'agissait encore de mécanismes plus ou moins volontaires qui avaient assez peu de ressources au niveau du suivi et que, dans le cas des enseignantes et des enseignants, la convention collective prévoit un comité paritaire, et je vous dirais que c'est peut-être là qu'on a atteint les meilleurs objectifs, notamment dans les collèges où nous sommes, chez les enseignantes et les enseignants, l'organisation majoritaire. Si je faisais le bilan de ce qui a pu se faire dans les années quatre-vingt dans le secteur public, c'est le groupe qui me vient à l'esprit. Il y avait un comité paritaire, c'est là qu'on a obtenu les meilleurs résultats. Mais il y a largement place à amélioration, et nous souhaitons, si votre question est d'une portée plus générale, que l'ensemble des groupes du secteur public soient soumis à la même réglementation, aux mêmes contrôles, aux mêmes mécanismes d'appui, aux mêmes responsabilités.

M. Ouimet: Très bien. Concernant les personnes handicapées, vous avez, dans votre mémoire, des propos qui sont quand même assez durs. Je me permets de citer deux courts extraits. Vous dites à la page 9: «Nous ne comprenons pas ce qui motive l'exclusion des personnes handicapées.» Et, un peu plus loin, à la page 10, vous dites ceci: «L'exclusion de ce groupe est d'autant plus odieuse que les personnes handicapées comptent parmi les groupes les plus sous-représentés sur le marché du travail.»

J'ai tenté, avec l'Office des personnes handicapées, de voir qu'est-ce qui expliquerait que le gouvernement ait décidé d'exclure les personnes handicapées de l'application de la loi n° 143. Je ne le sais pas, le ministre n'a pas été clair là-dessus encore, il ne nous a pas expliqué pourquoi il avait exclu les personnes handicapées. On peut en conclure peut-être que c'est une question de piastres, de dollars, dans le fond, pour l'adaptation de différents postes de travail. Vous soulevez la question dans votre mémoire, est-ce qu'il y a des raisons, vous croyez, qui ont motivé le gouvernement à exclure les personnes handicapées de l'application de la loi n° 143?

Le Président (M. Rioux): Mme Carbonneau...

M. Ouimet: Parce que, lorsqu'on a fouillé dans le mémoire qui a été déposé au Conseil des ministres, il a donné trois raisons, et les trois raisons ne résistent pas à l'analyse, nous l'avons vérifié avec deux groupes qui sont venus devant nous. Donc, compte tenu que vous soulevez la question dans votre mémoire, je me suis dit que peut-être vous y avez réfléchi.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez, on a certainement réfléchi à l'importance d'inclure ce groupe-là. Je ne me permettrai pas de lire dans les pensées de qui que ce soit, je n'ai pas de boule de cristal, cependant je sais qu'une des objections qui circulent fréquemment, c'est l'existence d'une autre loi. Et ça, je pense que ça ne résiste pas à l'analyse, les résultats sont vraiment, vraiment, extrêmement décevants, dénoncés par toute personne qui a une expertise dans ce milieu-là, très largement par le milieu associatif et par des organismes aussi comme la Commission des droits de la personne. Alors, ça ne peut pas être un argument qui tient la route.

Et j'ajouterais d'ailleurs qu'il y a beaucoup de transformations qui se font dans les approches auprès des personnes handicapées, et on a tendance ? et je vous avoue que c'est une orientation qu'on partage à la CSN ? à ne plus concevoir des approches programmes-services complètement fermées sur une clientèle. Bref, on ne construira pas des cloches de verre autour de tel, ou tel, ou tel type de clientèle. Et ce qu'on observe, on observe, par exemple, les programmes main-d'oeuvre. On envisage de remettre ça dans l'ensemble des programmes main-d'oeuvre, c'est une excellente idée. Alors, pourquoi est-ce qu'on le ferait pour un certain nombre de programmes et que là on a une occasion en or de réglementer cette question-là, parce qu'on légifère sur les programmes d'accès à l'égalité... Moi, je pense qu'il faut y repenser très sérieusement, et nous sommes très insistants à demander l'inclusion de ce groupe-là.

Pour ce qui est des coûts afférents aux mesures d'adaptation, je vous dirais que le plan d'embauche, la législation existante visant les personnes handicapées prévoient aussi des mesures d'adaptation des postes de travail. De la même façon, la Charte des droits pourrait effectivement, par voie de poursuites, par la mécanique de plaintes, qui est une mécanique très lourde, qui n'a rien d'une approche proactive... à la limite pourrait produire exactement les mêmes résultats et forcer un employeur à un devoir d'accommodation et d'aménagement du poste de travail.

M. Ouimet: Très bien. Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député de Marquette. Merci, Mme Carbonneau. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Carbonneau. Deux questions rapides. Dans les groupes cibles, vous avez dit en introduction que vous saluez le fait, que vous étiez heureuse que les femmes soient dans le groupe cible, et, tout à l'heure, on a entendu la CSQ dire le contraire, qu'elle ne croyait pas que les femmes devaient être dans le groupe cible parce qu'elles représentaient 52 %. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus?

n(16 heures)n

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, je pense que, bien sûr, quand on parle de discrimination systémique, on parle d'histoire, on parle de mentalités, on parle de vieilles perceptions qui sont fondées sur des préjugés, bien sûr ça frappe souvent dans une société, des groupes qui sont minoritaires, mais je crois que ça frappe aussi malheureusement un groupe qui est majoritaire. Et on vit encore dans une société qui est profondément sexuée, où il y a une division sexuelle des rôles. C'est vrai dans la famille, c'est vrai sur le marché du travail, c'est vrai quand on regarde les ghettos d'emplois. Écoutez, c'est vrai dans les salaires, c'est vrai partout.

Et nous ne partageons pas, mais pas du tout, la perception à la CSN que le marché du travail est un endroit où les femmes ont réalisé tous les gains qu'elle devait réaliser, où elles ne subissent pas de la discrimination systémique. Il n'y a qu'à voir encore les ghettos d'emplois. Non, alors de ce côté-là, nous insistons fortement pour que les femmes soient maintenues. C'est peut-être moins une présence... le débat est moins: Doivent-elles ou non avoir un emploi? Parce que, si on regarde par exemple les statistiques de chômage, il y a moins de femmes en chômage que d'hommes. Cependant, puis ça, c'est une autre manifestation de la discrimination systémique, 70 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Tu n'as pas besoin d'être chômeuse, tu chômes un petit peu à tous les jours tout en travaillant. C'est ça aussi, la réalité.

Alors, un programme d'accès à l'égalité, ce n'est pas juste offrir une job à quelqu'un, c'est se donner une occasion extraordinaire d'analyser l'ensemble de son système d'emploi et d'ouvrir, de lever des obstacles, de lever des barrières. Les femmes-cadres, les femmes dans des postes de responsabilités, les femmes dans des emplois traditionnellement masculins, bien, c'est ça qu'il faut lever dans leurs cas plus que d'augmenter le nombre d'emplois. Et, de ce côté-là, ça m'apparaît être tout aussi incontournable pour d'autres groupes cibles que de recourir aux programmes d'accès à l'égalité.

M. Boulianne: J'avais une question, M. le Président. Est-ce que vous me permettez?

Le Président (M. Rioux): Sur la variable sexe, évoquée par la Centrale de l'enseignement du Québec tout à l'heure.

M. Boulianne: Pardon?

Le Président (M. Rioux): Elle disait bien que la variable sexe soit prédominante et que l'on retrouve cette dimension dans le projet de loi n° 143. Alors, c'est important, à la décharge de la centrale représentant les enseignants, de bien préciser ça. Alors, continuez, M. le député.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. La deuxième question, ça concerne la compétence et l'expérience. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il faut éviter les lourdeurs. Est-ce que le fait, par exemple, de demander à la Commission de vérifier au niveau des critères de compétence et d'expérience, ça va alourdir le processus? Pas laisser ça plutôt aux personnes...

Mme Carbonneau (Claudette): Je demanderais à Marie, qui a une pratique quotidienne de ces programmes-là.

Le Président (M. Rioux): C'est Mme Roy ou Benoît?

Mme Carbonneau (Claudette): Roy.

Le Président (M. Rioux): Roy. Allez, madame.

Mme Roy (Marie): Alors, juste là-dessus, je pense que ce qu'on souligne dans le mémoire, c'est la difficulté qu'on va avoir. À partir du moment où les employeurs mettent des exigences, je pense, sur les compétences, les questions de diplômes, je pense que la Commission des droits, lorsqu'elle procède a l'analyse de la disponibilité, peut fournir les chiffres. Sur la compétence, ça devient extrêmement plus difficile et plus serré...

Une voix: ...

Mme Roy (Marie): ...sur l'expérience, excusez-moi, de pouvoir bien cerner: Est-ce que l'expérience qui est demandée est en lien avec l'emploi qui va être occupé? Alors, ce qu'on souligne dans le mémoire, ce qu'on a vu apparaître au cours des dernières années, c'est que les employeurs ont vraiment haussé les exigences au niveau des emplois tant au niveau de la diplomation que des expériences. Et on a vu des excès qui ont été faits dans certains milieux de travail sur ces questions-là. Ce qu'on demande, c'est que la Commission soit attentive quand il y a des expériences qui sont exigées de la part des employeurs et que la Commission puisse vérifier la pertinence de ces expériences-là. Je pense que, si on ouvre la porte aux expériences en disant: Donnez-nous avec l'analyse d'effectifs et l'expérience et les qualifications requises... ce qu'on va voir apparaître, c'est possiblement des exagérations chez certains employeurs. Ce qu'on voudrait, c'est que la Commission soit vigilante et puisse exercer un certain contrôle pour questionner l'employeur sur la pertinence de ces expériences-là qui sont exigées et pouvoir voir et traiter de façon une peu rigoureuse ces questions-là à l'intérieur de l'analyse d'effectifs.

M. Boulianne: Merci, M. le Président.

Mme Carbonneau (Claudette): Vous me permettrez juste de rajouter un tout petit élément. Il y a quelque chose de documenté dans le dossier des femmes, c'est comment parfois le concept d'expérience trop étiré a été un facteur d'exclusion des femmes. On va se souvenir des cas classiques où on exigeait, par exemple, de quelqu'un qui voulait conduire un autobus d'avoir cinq ans d'expérience. Alors, je regrette, mais, quand il n'y a pas une femme dans une société qui le fait, c'est un peu difficile d'arriver avec un relevé d'employeur témoignant qu'on a déjà travaillé cinq ans dans cette fonction-là.

Alors, ce n'est pas dépendant de la volonté des parties, dépendant de la qualité des campagnes de sensibilisation, dépendant de l'appui technique qui peut être apporté par un organisme comme la Commission des droits. Ça peut faire la différence, mais il n'y a pas d'évidence que c'est en soi un facteur aidant, surtout sur les questions d'expérience.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Je veux revenir sur votre conclusion. Une de vos conclusions principales, c'est la question des crédits qui seront alloués à la Commission pour bien suivre l'application de cette loi puis tous les défis qui accompagnent l'application de cette loi. Vos prédécesseurs de la CSQ indiquaient pour leur part qu'une de leurs préoccupations c'était non seulement donc les crédits, les moyens financiers qu'aura la Commission, mais également avaient des préoccupations quant au mandat de la Commission. Ils voyaient un problème, même de possibles conflits d'intérêts devant le fait que la Commission pourrait être à la fois un supporter, soutenir l'application de la loi, soutenir les parties qui doivent appliquer cette loi et ensuite avoir un mandat également de contrôle et de suivi.

Ils recommandaient même la mise en place d'un organisme indépendant plutôt pour faire la mesure de contrôle ou de suivi ou encore qu'à la Commission il y ait deux services vraiment distincts, et j'ai envie de dire impénétrables, pour s'assurer qu'il n'y ait vraiment pas de problème de ce côté. Est-ce que vous partagez cette préoccupation sur le mandat de la Commission ou si vraiment, pour vous, si la Commission a les crédits suffisants, la Commission sera, dans son mandat actuel, à même non seulement d'accompagner ceux qui doivent appliquer cette loi, mais elle sera à même aussi d'en faire efficacement et sans problème de conflit d'intérêts le suivi et le contrôle?

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, il faut être conscient qu'autour de la Commission des droits il y a quand même eu des amendements majeurs apportés à sa loi. Il y a maintenant un Tribunal des droits, et le véritable bras armé, c'est le Tribunal des droits.

Maintenant, est-ce que, par une réorganisation administrative... je ne sais pas exactement comment ils sont organisés à l'interne. S'il y a moyen de faciliter des choses, on pourrait le regarder. Cependant, je pense que le véritable tribunal, c'est le Tribunal des droits. Alors, en ce sens-là, je ne suis pas certaine, quant à moi, que, en démultipliant les organismes de type administratif, c'est à l'avantage des gens et qu'il s'agit d'une saine gestion des ressources publiques. Je comprends très bien la nécessité d'avoir des mandats clairs, d'avoir les coudées franches pour opérer ce qu'on opère, mais le véritable groupe qui, en bout de course, devra trancher d'un point de vue judiciaire, c'est le Tribunal des droits.

Alors, en ce sens-là, je pense qu'on est quand même mieux placé qu'à une tout autre époque, au moment où adoptait la loi concernant la mise en place de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le ministre.

M. Perreault: Oui. M. le Président, le mémoire soulève diverses questions, on l'a vu. Moi, j'aimerais quand même qu'on revienne un petit peu sur une question finale, puis je suis sûr que la vice-présidente de la CSN a beaucoup de choses à dire là-dessus.

Si j'ai bien compris, vous souhaitez que les syndicats soient associés de façon formelle au point où les programmes d'accès à l'égalité soient en quelque sorte des ententes signées au même titre que des conventions collectives, fassent partie des conventions ou bien si vous souhaitez que tout programme d'accès... J'aimerais vous entendre un peu parler de façon plus précise du rôle du syndicat là-dedans.

Le Président (M. Rioux): Mme Carbonneau.

M. Perreault: Parce que le projet de loi prévoit déjà un certain nombre de choses. On a vu que certains programmes d'accès à l'égalité se sont élaborés compte tenu des conventions et avec la collaboration syndicale, souvent d'ailleurs avec non seulement l'appui, mais avec l'insistance syndicale. Mais j'aimerais bien savoir ce que vous souhaitez qu'on mette comme dispositions dans la loi.

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, je ne crois pas que tout ça doit nécessairement être conventionné. Je pense qu'il faut avoir la maturité de laisser aux parties le soin de prendre leurs décisions là-dessus.

n(16 h 10)n

Mais pourquoi est-ce que dans un milieu de travail on confierait à l'employeur et à l'employeur seulement le soin de faire l'analyse d'effectifs? Pourquoi est-ce qu'on mettrait à contribution strictement l'employeur dans l'élaboration des mesures de support qui peuvent être pertinentes dans un milieu de travail? Il me semble qu'on peut ? et on le fait dans le cadre de plusieurs lois ? exiger que, là où il y a une association accréditée, il y ait un mécanisme paritaire et le prévoir strictement dans la loi.

Si les parties à l'étape du maintien souhaitent ensuite conventionner des choses, elles le feront. Mais je pense que les syndicats, c'est à la fois un acteur qui peut exercer un rôle de vigilance à l'intérieur, c'est parfois un acteur qui, comme d'autres acteurs à l'intérieur du milieu de travail, mérite d'être associé, d'être sensibilisé à une démarche. Et surtout, je pense qu'il faut se prémunir contre des levées inutiles de boucliers où précisément on arriverait de façon un peu arbitraire en disant: On fait fi d'autres règles qui régulent habituellement les relations de travail en milieu de travail. Et là il y a une intervention tantôt de la Commission des droits, tantôt une intervention qui apparaîtrait parfaitement arbitraire de la part de l'employeur. Je crois que c'est la mauvaise façon de fonctionner. Mais c'est davantage les comités paritaires qu'on vise.

Le Président (M. Rioux): Alors, une dernière question, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Dernière question concernant les conventions collectives. La Fédération des cégeps est venue témoigner un peu plus tôt, nous disant qu'elle craignait d'être rendue hors la loi soit par rapport aux conventions collectives, soit par rapport à la loi n° 143, lorsqu'elle sera adoptée. La Commission des droits de la personne a fait une recommandation dans son mémoire en disant que, en cas de conflit entre la convention collective, c'est-à-dire droit de rappel et droit de l'ancienneté, et les mesures de redressement pour la discrimination, la Commission disait: En cas de conflit, la priorité des priorités devrait revenir aux mesures de redressement de la discrimination sur l'ancienneté. Est-ce que vous partagez cette recommandation de l'avis?

Le Président (M. Rioux): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Bon. Alors, écoutez, je plaidais moi-même tantôt qu'un programme d'accès à l'égalité touche une multitude de volets. Il y a quand même beaucoup de son action qui tourne autour, effectivement, de la question de l'embauche. Et, de ce côté-là, malheureusement, on n'a pas, comme organisation... c'est moins des questions d'ancienneté. On n'a pas les coudées aussi franches que les ont les employeurs là-dessus. Ce qu'on observe à la CSN, c'est une variété de pratiques. Je vous dirais qu'à l'interne, à la CSN, on a un programme d'accès à l'égalité pour ce qui est de nos salariés, effectivement, parce que ce n'est sûrement pas dans les postes de secrétariat, il s'agit des femmes, c'est dans les postes de conseillères syndicales. Or, une fois sur deux, il y a une exception qui est faite à la règle d'ancienneté. Mais, si on a pu arriver à ce résultat-là, c'est précisément parce que les travaux ont été conduits de façon paritaire.

Je pense qu'il ne viendrait à personne de poser la question: Est-ce qu'on est mieux de favoriser un tribunal administratif pour imposer une règle et soustraire les parties de la nécessaire discussion? Je n'ai jamais vu ça, moi, dans les relations de travail. On serait jugé fou, à temps complet, si on disait: C'est au ministère du Travail, c'est au Tribunal du travail à décider d'abord. On va essayer de responsabiliser les parties. Ce n'est pas différent quand il s'agit de discrimination ou d'accès à l'égalité. Remarquez qu'il y a quand même une démonstration aussi à faire que l'ancienneté est en soi une mesure tout à fait condamnable qui représente, dans tous les cas de figure, un frein à l'accès à l'égalité. Je pense que, dans certains circonstances ? et le débat mérite d'être fait à la pièce ? ça peut aussi être un facteur aidant, parce que, s'il y a certains groupes vers lesquels on est moins ouvert pour accorder des promotions, etc., bien, tant mieux si l'ancienneté peut les servir et faire en sorte que ce soit au moins une règle moins arbitraire dans un milieu de travail qui permette de trancher la question.

Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir, mais procédons là-dedans comme on procède partout dans la vie: vive la responsabilité des parties. Mais pour ça il faut des modifications majeures au projet de loi.

M. Ouimet: Je suis d'accord, Mme Carbonneau, mais la Commission l'avait prévu, elle avait dit: Première mesure: négociation entre les parties. Si la négociation ne fonctionne pas, la Commission des droits fait des recommandations. Si les recommandations ne sont pas suivies, en dernière analyse, priorité des priorités, les mesures de redressement devraient l'emporter sur la règle de l'ancienneté. Je vous posais la question...

Mme Carbonneau (Claudette): Je vais vous dire honnêtement...

Le Président (M. Rioux): Rapidement, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): ...je trouve la formulation à la fois large... Je pense que ça doit être examiné au mérite dans chacune des situations. Par ailleurs, qu'il s'agisse de la CSN, de quelque autre organisme démocratique de la société civile, je pense qu'il n'y a personne qui peut se placer au-dessus des lois, au-dessus des objectifs prévus à la Charte, et, de ce côté-là... y compris dans le Code du travail, on n'a jamais demandé, dans le cas de certaines pratiques, que des droits de poursuite, par exemple, puissent être retirés aux salariés. On ne prône pas l'esclavage. Alors, c'est vrai pour nous, c'est vrai pour d'autres groupes du même type dans la société.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mmes Carbonneau, Roy et Benoit, on vous remercie beaucoup de votre présentation. Je pense que c'est une participation importante, qualitative. On est bien fier de vous avoir accueillies. Merci.

Je demanderais maintenant au Syndicat de la fonction publique du Québec de prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, je demanderais donc aux représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec de s'approcher, s'il vous plaît. Nous allons débuter immédiatement. Alors, bienvenue. Vous avez 15 minutes, mesdames, pour présenter votre mémoire. Alors, on vous écoute.

Syndicat de la fonction publique
du Québec inc. (SFPQ)

Mme Barabé (Joanne): D'abord, je me présente, Joanne Barabé, secrétaire générale du Syndicat de la fonction publique. Je suis accompagnée de Mme Monique Voisine, qui est conseillère au Service de la condition féminine, et de Mme Lucie Tessier, qui est agente de recherche au Syndicat.

Le Président (M. Boulianne): Bienvenue.

Mme Barabé (Joanne): Vous avez reçu notre mémoire. Dans un premier temps, on salue l'exercice qui est fait par le projet de loi. Il nous semble qu'il y a beaucoup à faire encore pour atteindre une réelle égalité dans notre société et on souligne l'effort qui va se faire encore là pour atteindre ces objectifs-là. L'analyse qu'on en a faite est beaucoup à la lumière de l'expérience que, nous, on a vécue dans la fonction publique. Et il y a certains des irritants qu'on a rencontrés dans la fonction publique qu'on se permettra de vous pointer, parce qu'il y a peut-être des petites corrections à apporter au projet de loi qui le rendraient plus efficace, si ces correctifs-là étaient apportés, notamment dans les programmes d'accès à l'égalité et à l'emploi qui existent déjà dans la fonction publique. Il y a des paramètres qui sont établis, mais on a observé beaucoup, à cause des difficultés à faire le suivi des programmes et à cause du manque de poigne, pour parler en bon Québécois, que le Conseil du trésor peut avoir sur ses ministères, qui ont chacun leur propre imputabilité... on s'est rendu compte que certains ministères étaient plus déviants que d'autres et que souvent on obtenait des dérogations, même anticipées, par rapport aux postes qu'on avait à combler. Et dans ce sens-là, il nous semble que le projet de loi part d'un bon mouvement, mais qu'il faut lui donner... et au projet de loi et à la Commission des droits, qui devra en faire le suivi des éléments pour être sûr que l'ensemble des personnes visées vont effectivement les appliquer.

Dans un premier temps, je voudrais vous dire... La première chose qui nous attriste un peu, c'est que d'ores et déjà, dès la définition du champ d'application du projet de loi, nous, de la fonction publique, qui représentons les ministères et organismes, personnel régi par la Loi sur la fonction publique, sommes exclus. On a, c'est sûr, des plans d'embauche chez nous. On a l'article 53 de la Loi sur la fonction publique. On a des programmes d'accès à l'égalité qui sont sous l'égide du Conseil du trésor, mais il nous semble que, dans la volonté d'unifier... Et on salue au passage ce fait-là, que les trois groupes ciblés ont été unifiés dans la loi, c'est très bien, mais, dans un effort d'unification, il nous semble qu'on aurait dû aussi inclure le personnel régi par la Loi sur la fonction publique pour donner un message clair à l'ensemble de la population, à l'ensemble des gestionnaires et à l'ensemble de travailleurs et travailleuses de la fonction publique. Je vous dis «un message clair», parce qu'on a entendu souvent des gens prendre à la légère les programmes d'accès à l'égalité qui existent dans la fonction publique.

n(16 h 20)n

On a vu des gens se soustraire à l'application de certaines règles, mesures de redressement à l'embauche, pour toutes sortes de raisons, dans certains cas même, je vous dirais farfelues. La plus croustillante que j'ai entendue... évidemment, ce n'est pas tous les gestionnaires qui sont de cet ordre-là, mais la plus croustillante que j'ai entendue dans un ministère, qui avait normalement des mesures préférentielles à appliquer à l'embauche et qui ne l'avait pas fait, nous avait répondu qu'il ne l'avait pas fait parce que l'édifice où se trouvait le lieu de travail n'était pas desservi par le système d'autobus. Or, c'est vous dire... Je vous dis, c'est la plus croustillante, la plus farfelue que j'ai entendue, parce que évidemment on sait bien que les femmes ne conduisent pas puis n'ont pas les moyens d'avoir d'auto. Donc, il leur faut un autobus. Et, si les heures de travail sont un petit peu en dehors des horaires d'autobus et un petit peu en dehors des circuits habituels, bien, on ne peut pas appliquer le programme d'accès à l'égalité pour embaucher les femmes. Ça tombe sous le sens. C'est un peu étonnant, en 1999, parce que c'est l'année dernière, là que j'ai entendu cette horreur. Mais il reste que, quand des gestionnaires sérieux peuvent se permettre de dire des choses comme ça, ça veut dire qu'il y a encore du chemin à faire. Et c'est dans ce sens-là que ça aurait été bien, au départ, que la loi s'applique à nous pour vraiment donner comme signal que toutes les catégories d'employés, directement employés par le gouvernement, sont sous le coup de cette loi-là.

On souligne aussi au passage que c'est intéressant d'avoir retenu une des recommandations qui avaient été faites par la CDPDJ, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, par rapport à la minorité visible, parce que, communautés culturelles, évidemment là aussi ça permet une échappatoire importante. Dans la liste des communautés culturelles que je m'étais fait sortir par le Conseil interculturel, il y avait proche 100 groupes et il y a là-dedans beaucoup de groupes qui ne sont pas victimes de discrimination. On peut penser à toutes les personnes qui viennent de Finlande, Norvège, Suède, Belgique, etc., qui n'ont pas nécessairement le français comme langue maternelle et qui ne sont pas nécessairement non plus discriminées. Et en faisant une catégorie très large de communautés culturelles, ça pouvait permettre des échappatoires à des gens qui, ma foi, pourraient préférer embaucher des gens de certaines communautés plutôt que directement des minorités visibles, qui, elles, sont vraiment discriminées. Alors, on salue. Et on salue aussi le fait qu'on a fait un bout particulier pour les autochtones, qui ne sont pas non plus présents chez nous dans nos programmes d'accès à l'égalité. Alors, je vous donne autant de raisons d'élargir l'application de la loi à l'ensemble de la fonction publique, parce que là aussi c'est des choses qui ne sont pas très claires chez les gens qu'on représente.

Ceci étant dit, on représente aussi, chez nous, des gens qui sont dans les groupes qui ne sont plus embauchés par la Loi sur la fonction publique. Il y a des sociétés d'État qui ont quitté les ministères et organismes de départ et qui sont maintenant passées... on peut penser à la Commission des valeurs mobilières, on peut penser aux musées, on peut penser à l'Institut de police. Alors, il y a différents groupes, chez nous, qui sont néanmoins visés par la nouvelle loi. Mais on aimerait bien que ça soit un peu plus large.

J'ai entendu le laïus de madame... une réponse que Mme Carbonneau avait faite tantôt sur la situation des femmes et je la fais tout à fait mienne. Il y a trois groupes qui sont ciblés par la loi, mais il reste que le groupe, celui qui, d'une façon incontournable dans l'ensemble des bassins de sous-représentation, est évident, c'est le groupe des femmes. Dans les derniers rapports, on dit que les objectifs dans la fonction publique sont assez bien atteints, mais, ça, toutes choses étant relatives, si on globalise les analyses, oui, et, si on distingue les catégories d'emploi, on se rend compte qu'il y a encore beaucoup de secteurs d'activité où les objectifs d'égalité ne sont pas atteints non plus pour les femmes. Alors, je pense que c'est important de ne pas oublier ça, y compris dans la fonction publique actuelle, et surtout dans les postes de gestion, surtout les postes de chef d'équipe où on n'avait pas fixé d'objectifs quantitatifs.

J'ajouterais à ça que, dans le cadre des programmes, une chose qu'on a observée aussi, qui était problématique, c'est qu'on a mis en place certaines mesures d'égalité des chances et de soutien, par exemple par des libérations pour études. Mais, comme il n'y a pas de suivi et de continuité, on se rend compte que plusieurs femmes, par exemple dans ces catégories-là, ont suivi des cours, ont obtenu des diplomations pour atteindre des corps d'emploi en promotion, qui étaient dans des groupes où elles étaient sous-représentées, mais les orientations des ministères, les planifications stratégiques étant ce qu'elles sont, une fois la diplomation obtenue, les personnes retournaient s'asseoir sur les chaises qu'elles avaient occupées comme secrétaire ou agente de bureau et les efforts qui avaient été réalisés pour obtenir une promotion dans les corps d'emploi sous-représentés avaient été faits inutilement. Je vous le dis au passage parce que ça suppose donc que, dans l'application des nouvelles règles qui vont être prévues par la loi, on fasse des suivis serrés de la façon dont les choses se font pour être sûr qu'on n'arrive pas à ce genre d'écueil là et autre raison aussi pour permettre aux femmes de la fonction publique, aux fonctionnaires, d'être couvertes aussi par la loi. Bon. Alors, premier élément.

Deuxième élément. De l'expérience de l'étude qu'on a faite et de l'analyse de la Loi sur l'équité salariale, il nous semble qu'on devrait moduler l'application. C'est sûr qu'il y a un certain nombre de groupes qui comptent plus de 100 employés, mais il nous semble qu'il serait aussi possible pour les groupes qui comptent moins de 100 employés, peut-être pas avec les mêmes obligations ou les mêmes échéanciers, mais il me semble que les groupes de moins de 100 employés devraient aussi pouvoir être visés par la loi. On sait que, par exemple, les femmes se retrouvent beaucoup dans les secteurs qui sont plus petits. Alors, on aurait intérêt donc à élargir l'application de la loi, sous réserve d'en moduler l'application à des groupes qui sont peut-être moins nombreux que ceux qui sont fixés par la barre actuelle du projet de loi, c'est-à-dire 100 employés. On souhaiterait aussi que certaines formulations, certaines expressions, je vous cite «personnes compétentes», qui est utilisée à quelques reprises dans le projet de loi, soient un peu neutralisées. «Personnes compétentes», c'est une donnée hautement arbitraire. Il nous semble que «personnes possédant les compétences» ou «possédant les qualifications requises par l'emploi» déplacerait un peu l'évaluation de la personne sur ses qualifications.

L'implication des organisations syndicales nous semble essentielle. Mme Carbonneau a répondu tantôt à une question là-dessus. Et je pense que c'est important de revenir, un, parce que la démarche est plus porteuse de succès si les deux parties sont impliquées dans la démarche, parce qu'il y a un son de cloche qu'inévitablement on va apporter, mais aussi parce qu'on a de la sensibilisation à faire à l'intérieur des rangs des travailleurs et travailleuses. Vous n'êtes sûrement pas sans ignorer qu'il y a des facteurs de résistance. Quand on arrive avec une annonce de programme d'accès à l'égalité, il y a toujours les vieilles cultures qui disent: On sait bien, on va engager n'importe qui juste pour correspondre aux statistiques. Et on l'a vécu chez nous avec l'implantation des programmes d'accès à l'égalité, où il y a des hommes blancs qui avaient des situations qui leur permettaient d'avoir certains avantages culturels depuis fort longtemps, qui se trouvaient mis en péril dans leur plan de carrière par l'avènement des programmes d'accès à l'égalité. Et on a eu, au début des programmes chez nous, certains groupes d'hommes qui ont même voulu exercer des recours contre les programmes d'accès à l'égalité parce qu'ils se jugeaient, eux, défavorisés.

C'est sûr qu'on sait que, ça, c'est réglé, il n'y a pas de contraintes excessives. Mais on sait aussi que, dans un milieu de travail, on peut embaucher des personnes qui viennent de groupes ciblés et, si le milieu n'accepte pas cette embauche-là, si le milieu exerce une pression indue sur ces personnes-là en mettant en question la compétence qui les a amenées au poste, elles vont peut-être rentrer au travail, mais elles ne resteront peut-être pas longtemps. Alors, il nous semble que c'est important aussi que cette sensibilisation soit faite là. Ne serait-ce que pour cette raison-là, il nous semble important que les syndicats fassent partie de l'exercice du début jusqu'à la fin pour faire faire le cheminement aux gens. Quand les gens rentrent dans un programme d'accès à l'égalité, ce n'est pas des incompétents qui rentrent parce qu'ils sont dans des groupes cibles. C'est des gens qui ont les compétences équivalentes, qui n'ont pas nécessairement eu l'occasion de les faire valoir dans les mêmes contextes parce qu'il y a des facteurs de discrimination. Et il y a un bout éducationnel important que les organisations syndicales peuvent faire par rapport à ça. Et je pense qu'elles peuvent donner une certaine garantie de durée sur l'embauche des gens qui rentrent par le biais des programmes. Alors, ça nous semble absolument très, très important.

À l'article 20, on parle de mesures raisonnables qui devraient être prises pour atteindre les objectifs poursuivis. Et cette remarque-là, celle que je vais faire, vaut pour un certain nombre d'articles. C'est vrai que la loi sur l'égalité en emploi arrive après la Loi sur l'équité salariale. On a été habitué à avoir quelque chose de très complet et détaillé. Peut-être qu'il y a des bouts de la Loi sur l'équité qui auraient dû être dans un règlement, peut-être que ça aurait dû être aussi épuré que ça, sauf que ça nous amène à nous poser beaucoup de questions sur qu'est-ce qui va arriver après dans l'application réglementaire. Et des mesures raisonnables: des mesures, c'est quoi; raisonnables, ça se circonscrit comment? Il y a là des précisions. Et, à quelques occasions, au fil de la loi, il y a des précisions qu'il serait sûrement intéressant d'amener, au moins pour donner un signal de départ. C'est sûr qu'on ne pourra pas faire toute la mécanique, mais il y a des signaux importants qui pourraient être donnés au départ dans la loi.

n(16 h 30)n

Des objectifs quantitatifs, j'y faisais référence tantôt, par rapport à la situation des chefs d'équipe spécialistes et gestionnaires dans la fonction publique. Il nous semble, idéalement, que, bon, je répète, la fonction publique devrait être incluse dans la loi et que de tels objectifs quantitatifs devraient être fixés. Des objectifs quantitatifs au moment de l'embauche, peut-être qu'il devrait y en avoir aussi au moment de la mise à pied. Les programmes d'accès à l'égalité en emploi peuvent être complètement neutralisés par les mises à pied, et on sait que les commandes de mises à pied se font partout. On réduit les effectifs partout, on augmente la productivité et on peut très rapidement défaire, en quelques mois, les progrès qu'on a faits avec un programme d'accès à l'égalité.

Il nous semble que ça serait important de prévoir des mesures. C'est sûr qu'il y a la règle d'ancienneté, mais il y a peut-être d'autres mesures où on peut faire un équilibrage pour ne pas que ça soit toujours les derniers rentrés, les femmes, les personnes handicapées, les autochtones qui sont rentrés grâce à ces programmes-là, qui ressortent les premiers, pour qu'on soit toujours à refaire le même exercice.

Or, en conclusion, je vous dirais que, les recommandations, vous les trouvez à la page 10 de notre mémoire, qui résume: l'application à l'ensemble de la fonction publique; une modulation pour les entreprises de 100 employés et moins; des expressions neutres; une précision quant à l'analyse du système d'emploi, qui vise les biais discriminatoires et non pas la production, l'efficacité de l'organisation; l'implication des groupes syndicaux; des rapports publics pour donner un peu de poigne à la Commission; des définitions sur les mesures; des indices sur la façon dont on peut maintenir l'égalité une fois que l'embauche est faite, et ça comprend aussi dans le cas de coupures; l'obligation que tous les programmes soient approuvés par la Commission; un accent particulier pour les femmes, notamment celles qui ont profité de libération pour études.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Barabé, Mme Voisine et Mme Tessier. Alors, nous procédons à la période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Perreault: Merci. Bienvenue. Merci pour votre réflexion, vos commentaires, vos suggestions.

Évidemment, dans le fond, l'avantage de discuter avec un groupe comme le vôtre, c'est que vous avez déjà connu l'expérience de la mise en place, sur une base volontaire, d'un programme d'égalité en emploi, d'accès à l'égalité. Moi, j'aurais deux questions à vous poser.

Dans le fond, quand on regarde ce qui avait été fait jusqu'à maintenant dans la fonction publique, on s'est tous rendu compte, la Commission des droits elle-même a fait le constat, que les résultats, malgré l'existence d'un programme d'accès à l'égalité ? hein, il y en a un dans la fonction publique ? étaient pour le moins mitigés, sinon en dessous de tout.

Bon, il y a eu un certain nombre de mesures de prises par le gouvernement depuis un an, déjà il y a des signes de redressement. On verra si ces mesures sont suffisantes. Vous plaidez pour faire en sorte que ? et vous n'êtes pas les seuls, d'autres groupes sont venus le dire avant vous ? malgré les mesures prises depuis le printemps dernier, qui déjà, d'après les chiffres que j'ai, indiquent qu'en dedans de six mois on est passé de moins de 3 % à plus de 11 % d'embauche des groupes cibles, dans les nouvelles embauches, on n'est pas encore aux 16 %, 17 % qu'on devrait peut-être atteindre, mais on s'y dirige, vous plaidez quand même pour que le programme de la fonction publique soit assujetti à la loi, que la fonction publique soit assujettie à la loi.

Moi, j'aimerais que vous me disiez, selon vous, quel serait le principal avantage...

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre.

M. Perreault: ...quelle est la raison principale...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Perreault: ...pour laquelle vous pensez que c'est nécessaire d'assujettir la fonction publique? En quoi le mouvement qui a été enclenché s'en trouverait bonifié?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme Barabé, est-ce que vous voulez répondre ou déléguer quelqu'un?

Mme Barabé (Joanne): Oui, si mes collègues veulent compléter. Je vous dirais que le plus gros obstacle qu'on a dans la fonction publique, c'est l'imputabilité des ministères et organismes. Et, comme il n'y a pas... il y a un message, mais la retombée du message dépend de la façon dont les ministères et organismes le reçoivent, souvent de la façon dont les personnes qui sont en autorité dans ces ministères et organismes là le reçoivent. Et, quand on veut tuer son chien, on lui trouve toujours toutes sortes de maladies. Quand on veut faire bonne figure plutôt que de régler les problèmes ou quand on n'est pas sensibilisé aux problèmes ? parce qu'il n'y a pas nécessairement une mauvaise foi au départ ? les résultats peuvent être très différents d'un ministère à l'autre. L'intérêt d'une loi, c'est qu'il n'y a pas un ministère et organisme qui peut louvoyer et trouver des mesures de dérogation, parce qu'on sait aussi que la loi 51 permet toutes sortes d'aménagements pour répondre aux contraintes des ministères et organismes.

Deuxièmement, s'il y a des progrès et les messages qui ont été rendus par le Conseil du trésor depuis l'adoption de la loi, c'est vraiment qu'on améliorerait pour les groupes cibles mais en prenant pour acquis que, pour les femmes, la situation était réglée. Et c'est le message que le Conseil du trésor donne aussi sur son site Web d'ailleurs, que l'embauche ciblerait vraiment les autres groupes parce que pour les femmes, c'est réglé. Nous, on estime que la situation pour les femmes n'est pas réglée non plus, alors qu'il faut faire un vaste exercice beaucoup plus complet qu'à la pièce. Et les objectifs qui ont été fixés, c'est des objectifs très globaux, alors que dans un programme d'accès à l'égalité on fait un exercice beaucoup plus pointu en établissant par catégories d'emploi les zones de sous-représentation. On est allé dans les grandes intentions, dans les exercices beaucoup plus englobant qui ne rencontreront pas nécessairement tous les objectifs.

C'est sûr qu'à court terme, ça va avoir un effet parce qu'on vient de démarrer quelque chose qui était un peu ankylosé depuis quelques années, là. Les intentions s'étaient perdues un peu, mais pour quelque chose de durable, là, y compris quand le gouvernement veut faire des mesures de coupure d'effectifs... Parce que c'est par l'autre bout qu'il faut le prendre aussi, là. Il faut qu'il y ait une cohérence dans l'embauche et dans la mise à pied des employés si on veut préserver les orientations des programmes.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Barabé. M. le ministre, ça va?

M. Perreault: Bien, de fait, je comprends. En même temps, je dirais que la démarche du gouvernement quand même lui permet de faire un certain nombre d'avancées. Vous me dites: Il faudrait l'assujettir pour, en quelque sorte, garantir la permanence de ce processus, c'est un peu ce que je comprends. Dans le fond, vous dites: La bonne volonté est exprimée, mais quelle garantie a-t-on que vraiment ça sera suivi? C'est ce que j'entends comme principal message de l'intérêt d'assujettir la fonction publique.

Mme Barabé (Joanne): Et l'importance d'une loi qui est d'ordre public sur les changements de mentalité, je vous dirais; ça donne une crédibilité, une visibilité beaucoup plus importante à l'ensemble d'une démarche qu'un programme, qui reste un programme adopté par le Conseil du trésor, qui n'a pas le même niveau, là, de...

M. Perreault: ...il y a quand même une loi avec aussi l'obligation d'imputabilité.

Mme Barabé (Joanne): Oui.

M. Perreault: D'accord. Je respecte votre point de vue, je...

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, on respecte le principe de l'alternance établi par le président de la commission. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Mme Barabé et vos collaboratrices, bienvenue aux travaux de cette commission parlementaire. J'essaie de voir sur la lancée, là, du ministre par rapport à votre plaidoyer, qu'il y ait une seule loi qui s'applique à l'ensemble de la fonction publique, tous les ministères, les organismes et les sociétés d'État, qui surveille le gouvernement si le gouvernement ne respecte pas les obligations qu'il fixe dans la loi?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Actuellement?

M. Ouimet: Oui. Dans le cadre de 143, c'est la Commission des droits de la personne.

Mme Barabé (Joanne): Bien, il y a des rapports...

M. Ouimet: Si la fonction publique n'est pas soumise à 143, qui va surveiller, qui va enquêter, qui va présenter des portraits de situation?

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme Barabé, si vous voulez répondre.

Mme Barabé (Joanne): Bien, actuellement le gouvernement doit faire des rapports. On sait en pratique, que, depuis que les programmes ont été établis, il n'y en a pas eu beaucoup. On le mentionne quelque part dans notre rapport, il y en a eu un pour les femmes en 1990, un pour les minorités en 1992, je pense, quelque chose comme ça. Ce n'est pas très suivi. Et en termes de mesures coercitives, qu'est-ce qu'on fait après, moi, j'ai vérifié avec nos procureurs pour voir, en s'accrochant au petit fil qu'il y a dans la Charte, là, comment on pouvait essayer de contraindre le gouvernement sur des résultats concrets, quantitatifs, là, mesurables, et, ma foi, à part de les forcer à faire des rapports, qui ne donnent pas de prise sur des résultats concrets, il n'y avait pas beaucoup de recours légaux qu'on pouvait prendre.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: N'est-ce pas là la raison qui explique pourquoi la fonction publique ne serait pas soumise à la loi 143? Le gouvernement ne veut pas avoir de contrainte, le gouvernement est prêt à en imposer à d'autres organismes publics et parapublics, mais, lorsque vient le temps de donner l'exemple, il n'est pas prêt à faire en sorte qu'il soit soumis également à la surveillance de la Commission des droits de la personne?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Bien là je pense que c'est à la partie adverse qu'il devrait poser la question pas à un tiers. Moi, je peux...

M. Ouimet: Vous soulevez...

Le Président (M. Boulianne): S'il vous plaît.

M. Ouimet: ...le point dans votre mémoire, alors je me suis dis que peut-être vous avez une réflexion là-dessus. Moi, je soupçonne un certain nombre de choses, mais peut-être partagez-vous mes soupçons.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député, nous allons laisser Mme Barabé répondre, faire sa réflexion. Alors, on vous écoute.

n(16 h 40)n

Mme Barabé (Joanne): Alors, moi, comme je vous dis, je ne répondrai pas à la place du gouvernement, mais il me semble qu'à partir du moment où on a des employés, on a du personnel, dans la grande fonction publique comme dans le péri-parapublic et les sociétés d'État, tout le monde devrait être logé à la même enseigne. C'est quoi, les intentions du gouvernement derrière? Moi, je ne peux pas répondre à ça, je ne peux pas présumer de ça.

M. Ouimet: Mais on prend acte cependant du fait que la fonction publique ne serait pas soumise. On prend acte de ça.

Mme Barabé (Joanne): Qu'on est citoyen de deuxième zone dans cet exercice-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Ouimet: C'est déjà là une indication.

Le Président (M. Boulianne): M. le député de Marquette, vous avez d'autres questions? Allez-y.

M. Ouimet: Oui. Sur la question des conventions collectives ? j'ai posé la question aux organismes représentant les patrons et également aux organismes syndicaux ? la recommandation qui est faite par la Commission des droits de la personne. Parce que tantôt vous avez employé un terme, vous avez dit: La loi 143 est d'ordre public. Moi, je ne sais pas si elle est d'ordre public.

Mme Barabé (Joanne): J'espère qu'elle va l'être.

M. Ouimet: Pardon?

Mme Barabé (Joanne): J'espère qu'elle le sera.

M. Ouimet: Si elle est d'ordre public, est-ce que ça veut dire qu'elle aurait préséance sur des conventions collectives signées et que, par exemple au niveau de la règle de l'ancienneté et des listes de rappel, la loi aurait préséance?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Marquette. Mme Barabé, est-ce que vous voulez répondre, ou quelqu'un veut ajouter, veut répondre?

Mme Barabé (Joanne): Là, je pense que ça serait un grand débat de juristes de voir quel aspect de la loi... Parce qu'il y a plusieurs lois qui sont d'ordre public et qui parfois entrent en conflit les unes par rapport aux autres. Sur la question de l'ancienneté, si vous me posez carrément cette question-là, moi, je vous dirais qu'on a, comme organisation démocratique ? si on fait le lien avec les conventions collectives ? fait reconnaître ce principe-là depuis belle lurette, et c'est sûr qu'il n'y a pas une loi, je pense, il n'y a pas un législateur, je pense, qui pourrait légitimement renverser la vapeur d'une façon unilatérale.

Il y a peut-être des adaptations, il y a peut-être des mesures alternatives qui peuvent permettre de faire un équilibre. Moi, je me rappelle qu'il y avait un organisme au gouvernement pour préserver certaines garanties des programmes d'accès à l'égalité au moment de la mise à pied, qui nous avait dit: Je vais faire la mise à pied en appliquant les mêmes règles que celles que j'avais utilisées pour l'accès à l'égalité. Donc, avant de faire une mise à pied d'une femme, par exemple, je vais m'assurer que le bassin de sous-représentation et les correctifs qui sont apportés à l'intérieur sont maintenus pour ne pas défaire ce qu'on a fait, sauf que ça n'a pas tenu la rampe de l'exercice juridique. Alors, c'est sûr...

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Barabé. Nous allons passer du côté ministériel. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole. Nous reviendrons par la suite à l'opposition.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'avoue que j'étais absorbé par la discussion très intéressante que... parce que c'est une question évidemment fondamentale: Qui va trancher, et sur la base de quoi? Est-ce que la loi qu'on passe ici n'aura pas priorité sur des ententes? Si elle n'a pas priorité sur des ententes, est-ce que ça vaut vraiment la peine de la passer? C'est des questions que je me pose.

Mais ce n'est pas cette question-là que je voulais vous poser tout à l'heure. C'est que vous parlez de toute la question des compétences, les personnes compétentes, et vous dites que vous suggérez l'expression «les personnes possédant les compétences requises pour l'emploi». Donc, ça revient dans au moins trois articles de loi.

Ça pose toute la question de l'évaluation de la compétence. Est-ce qu'il s'agit de la compétence telle que décrite par l'employeur? Est-ce que cette compétence-là serait, selon ce qui est suggéré par la CSN, sous la surveillance étroite de la Commission, que la Commission s'assure de la pertinence des exigences de compétence et d'expérience? Quand on sait la complexité de l'évaluation des compétences face à la complexité des entreprises qui sont soumises à la loi et des différentes tâches, que ce soit si on travaille à Canadair, ou je ne sais pas trop quoi, ou si on travaille dans un cégep, ou à la fonction publique québécoise, la multiplicité des situations de compétence est très grande. Est-ce que vous êtes d'accord, est-ce que vous pensez que tout ça devrait être soumis à l'évaluation de la Commission? Et, si c'est le cas, quand est-ce qu'on va s'en sortir?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Alors, Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): On ne s'est pas rendu jusqu'à ce genre de précisions là. Il nous semblait important au moins de détacher la compétence d'un qualificatif à la personne ? parce que, de la façon dont c'est rédigé, c'est «personne compétente»; c'est très louable, mais c'est un peu abstrait ? par «personne possédant les qualifications ou les compétences requises à l'emploi». Alors, déjà, on voulait cibler davantage par rapport à l'emploi, à l'exercice de l'emploi.

Dans nos conventions collectives, il y a déjà des notions de ce type-là qui existent. C'est l'employeur qui gère les conventions collectives et qui donc détermine quand les personnes ont les qualifications de l'emploi. Il y a effectivement des recours qui existent quand il y a abus de la part de l'employeur. Il est prévu des recours pour faire trancher par un tiers si, nous, on estime que... Et, quand je vous disais qu'il y beaucoup d'énoncés de principe dans le projet de loi, il y a beaucoup d'aspects sur lesquels justement on se demande...

J'aurais pu, au lieu de faire une présentation, vous poser 42 questions sur qu'est-ce que tel mot veut dire, puis comment on va l'appliquer, puis qu'est-ce qui va arriver si ça ne marche pas comme ça. Parce que j'imagine que vous comptez sur le règlement pour éclaircir ces aspects-là. Moi, je peux supputer de ce qui va avoir dans le règlement, mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il faudra que les choses soient très clairement établies pour trancher les notions sinon elles vont être vidées de leur sens.

Nous, on allait seulement dans le sens de détacher le principe global de compétence de seulement la personne puis l'accrocher davantage à l'emploi, en espérant que soient assorties à ça des choses plus précises au niveau des conditions de travail puis au niveau des descriptifs d'emploi, parce qu'on sait que dans les différentes catégories d'emploi ça prend telle formation, tel diplôme, tant d'années d'expérience. Alors, j'imagine que, quand on parle de personnes qui auront les compétences ou les qualifications requises à l'emploi, c'est des gens qui répondront à ces critères-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame...

M. Dion: En cas de...

Le Président (M. Boulianne): Est-ce que ça va, M. le député?

M. Dion: Je voudrais juste une précision.

Le Président (M. Boulianne): Très rapidement.

M. Dion: En cas de problème, vous seriez d'accord que la Commission devrait être celle qui tranche, que ce soit abusif ou pas?

Mme Barabé (Joanne): Il y a deux voies possibles, ou on fait l'exercice en comité paritaire, comme Mme Carbonneau le soulevait tantôt. Ça veut dire que tout l'exercice doit être convenu entre les parties. Et il y a un moment où vient un litige. Bon, on a beau être tous fins des deux bords, mais ça ne se peut pas qu'on s'entende tout le temps; alors, ça prend quelque chose en quelque part pour réussir à déterminer les mésententes.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. le député. Merci, madame. Alors, nous passons la parole à Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Mesdames, moi, je veux revenir à un des constats que vous faites en page 6 de votre document, qui est très pointu. Vous soulignez le fait qu'il y a un grand nombre de femmes ayant bénéficié de mesures de libération pour études, qui, pour autant, n'obtiennent pas nécessairement de promotion. J'aimerais savoir si ce constat-là est documenté, si vous pouviez nous faire part un peu plus précisément de chiffres ou de constats par rapport à cette situation-là.

Il y a plusieurs intervenants qu'on a entendus qui ont fait part de leur préoccupation que ce projet de loi, ou ce défi qu'on se donne comme collectivité, soit accompagné de mesures en amont, c'est-à-dire qu'on favorise l'éducation, par exemple, ou le choix d'options non traditionnelles par les femmes, la présence de minorités visibles ou de communautés culturelles dans certains champs de formation, la présence de jeunes autochtones dans certains champs de formation. Mais je vous avoue que, lorsque je lis votre constat, ici, c'est un peu décourageant de voir, par exemple, qu'il y a des femmes qui choisissent une voie qui n'est pas toujours facile personnellement, qui est la voie du retour aux études, sans que ça donne nécessairement des résultats pour, entre autres, de l'avancement de leur carrière.

Et j'ai un autre volet à ma question. Lorsque je regarde vos dernières recommandations par rapport, donc, au poste de chef d'équipe, de gestionnaire mais aussi ? c'est votre dernière recommandation ? par rapport à ce qu'il y ait une priorité d'embauche pour les personnes ayant bénéficié de mesures de libération pour études, dans votre document vous faites plus référence au fait qu'il y ait des femmes qui utilisent cette mesure-là, je me demandais si on ne peut pas lire à travers ces deux recommandations le fait que vous vous rapprochez de la position, par exemple, de la CSQ, qui demandait à ce qu'il y ait une variable, leur expression, c'était que la variable «sexe» soit une variable prédominante dans les priorités que le projet de loi a fixées. Est-ce qu'on ne se rapproche pas, dans le fond, de cette prise de position qui vraiment, puis pour être bien concrète, a une prédominance donnée, par exemple, à toute la question des femmes dans le dossier de l'égalité à l'emploi?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de Sauvé. Mme Barabé.

n(16 h 50)n

Mme Barabé (Joanne): Je vais répondre à une partie, je vais céder la parole à Mme Voisine. Oui, effectivement, quand je disais que pour nous, c'est important que le projet de loi s'applique à la fonction publique, c'est parce que le message qu'on reçoit de la fonction publique des programmes d'accès à l'égalité, c'est que c'est réglé pour les femmes de ce côté-là. Or, il nous semble important d'avoir quelque chose qui vient d'ailleurs pour vraiment clarifier les choses, parce que, nous, on pense que ce n'est pas réglé puis on pense qu'il y a encore pas mal de chemin à faire avant que les critères d'égalité en emploi pour les femmes soient atteints. L'exemple des libérations pour études en est un parmi d'autres.

Il faut rappeler que les programmes d'accès à l'égalité, quand ils ont commencé à être implantés au gouvernement, une des premières mesures qu'on a mise en place, celle à laquelle les ministères adhéraient à peu près le plus facilement, c'était d'accorder des libérations pour études aux fonctionnaires qui sont concentrées beaucoup dans les emplois administratifs: secrétaires, agentes de bureau. Ces femmes-là ont suivi des formations qui, dans certains cas, ont duré plusieurs années. Il y en a qui avaient des libérations à temps plein, d'autres à temps partiel, d'autres encore plus petites. Donc, les diplômes ont été obtenus au terme de beaucoup d'années, et, au terme de la diplomation, parce que le ministère n'avait pas planifié ses besoins en main-d'oeuvre, parce qu'il était parti sur, on sait, les réformes puis les remaniements, les filles sont retournées s'asseoir sur leur siège. Et Monique pourra vous donner plus de détails parce qu'elle a vraiment accompagné.

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme Monique Voisine, on vous écoute.

Mme Voisine (Monique): Effectivement, peut-être un peu remonter l'historique. Les programmes d'accès à l'égalité dans les années quatre-vingt, il y avait un volet tout particulièrement pour les employées de secrétariat qui avaient des problèmes avec les changements technologiques. Elles avaient des problèmes à s'adapter justement au marché du travail. Il y avait un volet qui était vraiment dédié à ce groupe-là. On voit que ça n'a absolument rien donné pour la plupart d'entre elles. Aujourd'hui, elles sont surqualifiées et elles sont toujours sur leur emploi. Ou elles ont fait des stages, elles ont fait des emplois supérieurs mais sans jamais être reconnues... le salaire n'a jamais été reconnu.

Donc, on a essayé toutes sortes de choses, des comités de travail, pour soit leur permettre d'occuper temporairement des postes occasionnels, être reconnues, ça n'a jamais fonctionné. On avait discuté à un moment donné de concours réservés pour les femmes. C'est là que le gouvernement a fait volte-face en disant que ça pouvait être une contrainte excessive pour d'autres groupes.

Aujourd'hui, on en est absolument à la même situation. Il y avait eu une enquête dans les années quatre-vingt-dix, qui disait qu'il y avait approximativement 2 000 femmes qui avaient bénéficié de ces programmes-là et qui n'ont pas eu de conséquences positives sur leur carrière. Donc, il y aurait à relancer beaucoup dans ce domaine-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors...

Mme Beauchamp: Je veux juste...

Le Président (M. Boulianne): Très rapidement.

Mme Beauchamp: Très rapidement. Ma dernière partie de la question, qui était le fait de privilégier qu'il y ait une variable prédominante, qui est la variable sexe, est-ce que c'est quelque chose avec laquelle vous êtes à l'aise ou que vous croyez que ça répond, par exemple, à ce genre de situation?

Mme Voisine (Monique): Tout à... Moi, je peux répondre, en tout cas, pour...

Mme Beauchamp: Ça aurait pu être parmi vos recommandations?

Mme Barabé (Joanne): Oui, oui. Les libérations pour études, c'est vraiment les femmes qu'on vise, là, celles qui ont obtenu dans le cadre des anciens programmes.

Mme Voisine (Monique): Mais l'ensemble du programme aussi. Je pense que c'est une des recommandations aussi des grandes conférences internationales comme Beijing, et tout ça, qu'il y ait toujours cette ventilation par les sexes, quand il y a, entre autres, les besoins de formation ou les besoins de main-d'oeuvre, qu'on tienne toujours compte de ce volet-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, il reste cinq minutes. M. le député de Matane, président de la commission, vous avez deux minutes pour votre question.

M. Rioux: Merci, M. le Président. L'article 20 a retenu votre attention, et je suis content parce que, moi aussi, ça a retenu mon attention. Lorsqu'on dit que tout organisme tenu d'implanter un programme d'accès à l'égalité doit prendre toutes les mesures raisonnables, là on entre de façon claire dans le champ de l'interprétation: qu'est-ce qui est raisonnable, qu'est-ce qui est déraisonnable, et qu'est-ce qui est approprié puis qu'est-ce qui ne l'est pas. Et vous faites valoir l'idée qu'il faudrait que le projet de loi soit plus précis. Moi, j'ai tendance à être d'accord avec vous autres sans trop, trop de difficulté.

Mais, pour nous aider là, qu'est-ce que vous auriez de concret à suggérer pour éviter qu'on se ramasse dans des situations où on déchire notre linge sur la place publique entre ce qui est raisonnable puis ce qui ne l'est pas? Est-ce que dans votre esprit, c'est la Commission des droits qui va faire les arbitrages là-dessus? Ou encore est-ce que vous avez, vous autres, dans vos réflexions, pris le temps de vous arrêter à cet aspect-là? Parce que vous savez qu'il y a des éléments de blocage là-dedans potentiels quand même importants. Moi, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Et, en cas d'impasse, on débloque ça comment? Parce qu'une loi, c'est fait pour être appliqué puis c'est fait pour être opérationnel. Alors, racontez un petit peu aux membres de la commission comment vous voyez les choses dans un secteur où la porte est grande ouverte à l'interprétation puis peut-être aux plus grandes fantaisies aussi.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, Mme Barabé, on vous écoute.

Mme Barabé (Joanne): Alors, il est évident que, dès qu'on écrit une loi, dès qu'on écrit un règlement, on peut s'imaginer qu'il va y avoir du monde qui vont triturer l'interprétation puis la volonté du législateur en leur faveur. Or, ça suppose inévitablement qu'il n'y a pas consensus et qu'il y a un organisme qui aura à trancher, il me semble qui devrait être le Tribunal dans l'exercice qu'on fait.

Il reste que, plus les termes sont précisés dans le projet de loi, plus on a de chances d'éviter que tout le monde se rende au Tribunal, parce que l'objectif n'est pas de surcharger non plus, parce qu'on va rendre l'application complètement inopérante. Il y a déjà de la jurisprudence qui a statué au niveau de la Commission des droits de la personne, du Tribunal, que les mesures raisonnables, c'est des mesures qui ne doivent pas comporter, pour les groupes qui ne sont pas favorisés, des contraintes excessives. Ça pourrait être une piste de départ. C'est une piste en tout cas, nous, qui nous a servi chez nous pour faire la promotion des programmes d'accès à l'égalité puis les faire accepter par les groupes qui n'étaient pas visés justement par les programmes d'accès à l'égalité, en leur disant: Si jamais un programme devenait pour vous une contrainte excessive, ça sera vous qui serez, à l'inverse, discriminés. Donc, on ne pourra pas...

Alors, il nous semblait qu'il devait y avoir un signal en même temps pour éviter toutes sortes d'interprétations qui pourraient être abusives puis en même temps pour rassurer les gens, parce qu'un programme d'accès à l'égalité ça suppose qu'il y a des gens qui sont dedans puis ça suppose qu'il y a des gens qui ne sont pas dedans, et on a intérêt à mettre les choses assez claires pour que les gens qui ne sont pas visés ne se sentent pas lésés, pour qu'il n'y ait pas un facteur de rejet dans les milieux de travail.

Or, contrainte excessive, ça nous semble une piste qui pourrait être utilisée et qui nous a permis, à nous en tout cas, de replacer pas mal d'affaires.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Merci, M. le député. Alors, vous avez encore trois minutes. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, sur cette intervention fort pertinente et intéressante du député de Matane, s'il a besoin de mes trois minutes, moi, je les lui cède volontiers.

Le Président (M. Boulianne): Il reste deux minutes aussi, tout à l'heure, pour le ministre. Est-ce que vous avez la même générosité envers le ministre?

M. Ouimet: Écoutez, j'ai dit que l'intervention du député de Matane était pertinente et intéressante.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, M. le député de Matane. On vous écoute.

M. Rioux: J'ai compris que la générosité s'adresse à moi. Je vais en profiter.

M. le Président, ça me rappelle au fond de mauvais souvenirs. Je me souviens, je négociais, alors que j'étais président de l'Alliance des professeurs de Montréal, avec la Commission des écoles catholiques de Montréal l'introduction d'une clause sur le rapport maître-élèves et le nombre d'élèves qu'il fallait excéder ou pas pour respecter le ratio. Et là j'avais fait l'erreur de ma vie, en disant: Dans toute la mesure du possible, on va essayer de le faire. Ça nous a conduit en arbitrage 50 fois et ça nous a conduit devant les tribunaux. On a vidé nos poches juste pour en arriver à essayer d'interpréter ce que voulait dire «dans toute la mesure du possible».

Alors, quand je vois une expression «mesure raisonnable», je me dis: Est-ce que le législateur rend service aux clientèles visées en écrivant un texte comme celui-là? Je me pose la question. Alors, c'est pour ça que je voulais demander à nos spécialistes, les syndicats, s'ils avaient pensé à ça un peu, parce que je ne voudrais pas qu'un jour vous vidiez vos poches dans des causes semblables.

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors...

Mme Barabé (Joanne): Mme Voisine voudrait compléter.

Le Président (M. Boulianne): Oui, Mme Voisine, allez-y.

Mme Voisine (Monique): Moi, j'ai le goût de dire que justement ce serait intéressant de donner des exemples de mesures plus que d'interpréter le raisonnable, qui l'a déjà été au Tribunal des droits de la personne ? on a déjà quelque chose, là, il y a de la jurisprudence ? donner des exemples dans le processus d'application de la loi. Ça éviterait peut-être bien des problèmes.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, M. le député. Il reste deux minutes. M. le ministre.

M. Perreault: Oui, bien, madame, avec raison, rappelle qu'il y a quand même de la jurisprudence en ces matières. C'est toute la difficulté d'un projet de loi où on veut prévoir pour 500 000 personnes employées au Québec, 700 employeurs, tous les cas d'espèce et prévoir toutes les situations qui peuvent se présenter. Ça peut être un choix, on va s'engager une batterie d'avocats, comme on peut aussi voir ça autrement. Mais enfin, je respecte les points de vue qui sont exprimés.

Moi, j'ai une simple question à vous poser à la fin. Vous avez vécu l'expérience de mise sur pied de programmes d'accès à l'égalité dans la fonction publique québécoise. Selon vous, qu'est-ce qui est au coeur, qu'est-ce qui est la clé, qu'est-ce qui est soit l'obstacle, qu'est-ce qui est soit la condition principale qu'il faut réunir ou l'obstacle qu'il faut éliminer pour que ça fonctionne?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Vous avez une minute, Mme Barabé, pour répondre.

n(17 heures)n

Mme Barabé (Joanne): Moi, je vous dirais que c'est l'éducation, les changements de mentalité pour que les gens soient sensibles à l'intérêt de faire de la place à des groupes qui sont sous-représentés dans leur milieu de travail et pour que les collègues de travail soient réceptifs et comprennent que les différences que les gens apportent sont enrichissantes pour l'organisme. Non, je pense qu'il y a un bout éducatif et de sensibilisation qui est essentiel pour ne pas avoir d'effets pervers quand on applique un programme.

Le Président (M. Boulianne): Vous avez quelque chose à ajouter, Mme Voisine?

Mme Voisine (Monique): Oui, j'aurais le goût de rajouter qu'il y a eu une enquête à un moment donné auprès des gestionnaires de la fonction publique, et il n'y a pas très longtemps, vers 1995, et la perception de l'équité en emploi, de l'accès à l'égalité était encore comme un agressant par rapport au style de gestion puis... Donc, on a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mme Joanne Barabé, Mme Monique Voisine et Mme Lucie Tessier. Alors, je demande maintenant aux représentants du Syndicat canadien de la fonction publique de se présenter à la commission, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission reprend donc ses travaux. Alors, bienvenue, M. Généreux. Alors, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et nous présenter votre équipe. Alors, vous avez la parole.

M. Généreux (Claude): M. Dupuis pour commencer.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

Syndicat canadien
de la fonction publique (SCFP)

M. Dupuis (Pierre): Bon, mon nom est Pierre Dupuis, directeur du Syndicat canadien de la fonction publique pour le Québec. Je voudrais vous présenter les gens avec qui nous sommes: Claude Généreux, qui est président du SCFP-Québec; Carol Robertson, qui est conseillère au service d'égalité au SCFP; ainsi que Mme Josée Durand, qui est membre du comité SCFP-Québec de la condition féminine, qui est elle-même technicienne à Hydro-Québec.

Le Président (M. Boulianne): Bienvenue à la commission. Alors, on écoute votre mémoire.

M. Dupuis (Pierre): Disons qu'au départ l'invitation a été faite à la FTQ. On est le syndicat le plus représentatif de la FTQ au niveau des secteurs public et parapublic au Québec. Je pense que je voudrais, d'entrée en matière, vous signaler qu'on représente, comme vous le savez probablement, bon nombre de cols bleus et de cols blancs dans les municipalités, qu'on représente les employés de soutien, les professionnels dans les universités, bon nombre d'employés dans le secteur de la santé, dans le secteur de l'éducation aussi, de même que plusieurs sociétés d'État. On pense plus particulièrement à Hydro-Québec, mais on peut penser aussi aux casinos, on peut penser à la SIQ, on peut penser à plusieurs autres petites sociétés d'État où nous sommes présents. À vrai dire, sur les 90 000 membres qu'on représente, on pense qu'il y en a près de 80 000 qui vont être touchés, là, par la loi, le projet de loi qui est mis en valeur, qui est mis devant nous aujourd'hui.

Je pense aussi, comme vous avez pu vous en rendre compte dans notre mémoire, au niveau du Syndicat canadien de la fonction publique, c'est un dossier sur lequel on est impliqués depuis fort longtemps. Depuis le début des années soixante-dix, on a développé des programmes de formation, des programmes de sensibilisation de nos membres aux programmes d'égalité. Déjà, en 1985, avec la FTQ, on a eu un large colloque pour étudier la question et, en 1986, devant le besoin, on a créé un service spécial au SCFP pour conseiller nos syndicats pour pouvoir intervenir auprès des employeurs dans ce cadre-là. Et, depuis ce temps-là, on reste toujours actifs, on a réussi à négocier à quelques endroits des programmes d'accès à l'égalité et on s'est aussi trouvés dans des situations plus difficiles à d'autres endroits où les employeurs ne voulaient pas négocier de tels programmes d'accès à l'égalité.

Donc, c'est un peu l'entrée en matière. Je vais demander au confrère Claude Généreux de vous faire part des commentaires plus généraux par rapport au projet de loi. Après ça, Carol va aller d'une façon plus détaillée.

M. Généreux (Claude): Merci, Pierre.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous écoute, M. Claude Généreux.

M. Généreux (Claude): Merci. Alors, sans surprise, je pense ? vous avez pris connaissance de notre mémoire ? le SCFP veut, désire... Si je diminue un peu mon ardeur, nous désirons l'institution de programmes d'accès à l'égalité en emploi. C'est donc, je vous le répète, sans surprise que nous vous disons ça d'entrée de jeu, et on accueille donc favorablement, dans l'ensemble, le projet.

Alors, c'est mes fleurs et mon pot. Puis je vais me concentrer plus sur le pot. En vous disant d'entrée de jeu avec mes fleurs que nous accueillons favorablement le projet, il y a bien sûr des limites, des limites qui ne sont pas acceptables pour nous, que je vais énoncer. Notamment, pour parler de nous, les associations accréditées de travailleurs et de travailleuses, nous ne faisons pas partie, semble-t-il, des plans afin d'établir ces programmes qui visent rien de moins qu'à mettre fin à la discrimination. Alors, ça, on trouve ça plus que dommage. Et, bien sûr, le caractère solennel des lieux va me limiter avec mes euphémismes, mais c'est tout à fait dommageable qu'on ne nous voie pas comme partenaires, comme joueurs, comme participants et participantes à l'institution, à l'instauration, au développement, à la surveillance de ces programmes-là.

Nous voulons donc y participer, je dirais, directement, activement à ces projets-là, à ce processus-là d'ensemble d'accès à l'égalité. Ce n'est pas, je le répète, prévu présentement dans l'actuel projet de loi. Nous sommes bien d'accord que ces programmes-là soient obligatoires, mais on trouve un peu bizarre que la Cour suprême nous ait déjà imposé un devoir de participation à la réparation d'effets pervers qui avaient été causés à des individus, comme l'arrêt Renaud, pour ne nommer que celui-là.

Alors, on a un devoir conjoint avec des employeurs, et, tout à coup, alors que là on pourrait avoir, en amont d'un problème ? en amont et non pas en aval ? droit de cité, participer, avec grand enthousiasme d'ailleurs, à régler ces problèmes-là, on nous exclurait. Alors, je vous le répète, c'est tout à fait malheureux pour nous, très dommage. On espère qu'on va pouvoir, tout le monde ensemble, à cette étape-ci, réparer ça et corriger les faiblesses du projet de loi.

Bien sûr, je vous ai dit que, dans l'ensemble, la démarche, on y concourt, on est bien d'accord, mais on ne voudrait pas d'une loi qui serait édentée, qui consacrerait des grands principes, que ça serait bel et bien, tout serait beau, mais que les modalités concrètes d'application recèleraient, comme un fromage suisse, tant de trous, tant d'incongruités ? pour maintenir le français de circonstance ? qu'une majorité d'employeurs pourraient effectivement y trouver là des failles, des mailles pour s'y soustraire, pour s'y faufiler, pour s'y glisser et que, de facto, on se retrouve avec une loi faible d'application.

Et la première de ces limites-là est dans le titre même du projet, dans l'objet même de la loi qui se limite ? son champ d'application ? aux seuls organismes publics. C'est bien sûr que, dans le même souffle de ma critique, je vous dirai: C'est quand même un bon début. Et il y a un principe qui dit d'ailleurs qu'il faut bien commencer quelque part, et donc on commence quelque part en consacrant l'instauration de tels processus, de tels programmes dans les organismes publics. Bel et bien, mais on vous dit là aussi qu'il y a une limite qui est à sa face même... On croit qu'on devrait aussi viser l'ensemble des employeurs sous juridiction québécoise.

Alors, je vous fais ces remarques-là, qui semblent très négatives ? et je ne voudrais pas m'en excuser, mais qui sont négatives cependant ? en faisant ces mises en garde là à la lumière de l'expérience tout à fait récente, qui est en cours d'instauration, d'institution... d'expérience conjointe et commune de la Loi sur l'équité salariale. Et je ne voudrais pas être trop simpliste puis raisonner par analogie, mais on peut voir les problèmes que nous encourons présentement avec l'application de la Loi sur l'équité salariale, notamment avec la non-reconnaissance des organisations accréditées des travailleurs et travailleuses que sont les syndicats, sans vous rappeler, bien sûr, les remarques que je faisais à l'endroit des employeurs qui y trouvaient parfois des failles par lesquelles ils pouvaient se glisser, se soustraire à l'application concrète ou limiter de beaucoup l'application de la loi.

n(17 h 10)n

Alors, je vous le rappelle, tantôt je vous parlais de la Cour suprême qui nous a imposé des devoirs conjoints. Mais, on n'a pas besoin de se faire imposer des devoirs conjoints, déjà, nous, dans notre vie quotidienne, lorsqu'on négocie avec nos employeurs, on n'a pas de problème à se colletailler avec tous les éléments qui sont contenus à l'article 16 de la Charte, qui peuvent être invoqués comme des motifs de discrimination. Ça fait partie de nos négociations, ça, la plupart de ces éléments-là. Je vous dirais que c'est notre pain quotidien. On vous le demande à nouveau. Je vais sembler fatigant et me répéter, mais, soit, je me répète, nous croyons que nous devons participer à ce processus.

Alors, si la loi, dans l'ensemble, nous y souscrivons ? je m'excuse, il est 17 heures, je commence à déparler, là ? elle peut sembler, donc, d'apparence contraignante, mais, je vous le rappelle, on ne voudrait pas qu'il y ait des brèches qui y soient laissées, certaines incongruités: la notion d'établissement qui n'est pas définie... Je ne voulais pas rentrer dans la présentation générale, dans les échanges, on pourra, avec toutes les personnes présentes, y revenir, mais il y a quelques incongruités.

Alors, dans une autre section de la loi, on vous parle des groupes, des organismes visés. Je vous ai dit notre problème, qu'on le limite aux organismes publics. Soit, je l'ai déjà dit, je n'y reviens pas.

Et les groupes cibles. Alors, pour les groupes cibles, ça va généralement, mais il faudrait rappeler les personnes handicapées, qui ne semblent pas faire partie de l'actuel projet de loi. On vous le rappelle, on croit donc que les personnes handicapées devraient être visées, comme les autres groupes cibles.

De plus ? je vais marquer une pose pour que ce soit bien clair qu'il s'agit pour nous d'une tout autre question et tout aussi importante ? on n'inclut pas dans ce projet-là les personnes temporaires ou à temps partiel, et ça risque d'entraîner des effets tout à fait pervers, mais tout à fait pervers, dans l'établissement de ces programmes-là. D'ailleurs, je vous rappelle qu'il y a un ministre de notre gouvernement, dès vendredi, le ministre Serge Ménard, à propos d'une tout autre question d'ailleurs, mais qui nous rappelait... Le ministre de la Sécurité publique reconnaissait vendredi l'existence du personnel à statut précaire dans plus de 60 % du personnel de la santé et des services sociaux: personnel précaire de temporariat, d'occasionnels, de... Je parlais de précaires, d'occasionnels, de temps partiel, de temporaires, de remplaçants, il y a différents vocables, mais on se retrouve toujours avec du personnel qui ne travaille pas à temps complet, de façon régulière et qui est, de ce fait même, déjà, dans les faits, exclu.

Alors, si nous excluons du champ d'application d'une telle loi ces personnes-là, on croit donc qu'on va laisser sur la touche précisément ceux-là et celles-là surtout qui devraient être visés et bénéficier d'une telle loi. Et là je prenais l'exemple... je ne voulais pas être méchant quand je parlais de M. Ménard, mais les emplois que nous représentons ? M. Pierre Dupuis vous tracé à grands traits, à grands coups de pinceau, qui nous représentons: les emplois de bureau dans les sociétés d'État telles qu'Hydro-Québec, dans l'Éducation, dans les municipalités, dans des sociétés de transport ? un peu partout, c'est le cas, plus de la majorité, plus de la moitié du personnel vit cet état de fait là, c'est-à-dire la précarité. Et vous en avez entendu parler l'année dernière, lorsqu'il y avait les grandes négociations du secteur public. Alors, ça fait tache d'huile, ça existe partout, et on croit que ces personnes-là doivent être visées. Là aussi, dans nos échanges, nous espérons qu'on pourra compléter ce qu'on veut dire. On va être très bavards et bavarde.

Alors, il y a donc certaines dispositions du projet de loi qui auraient pour effet de diluer les objectifs des programmes d'accès. Là aussi, on y reviendra plus concrètement sans rentrer dans la nomenclature de ces difficultés-là qui pourraient diluer les objectifs des programmes d'accès. Et, bien sûr, l'absence du recours au Tribunal des droits de la personne par les associations accréditées risque là aussi de générer des effets pervers, des effets retors, des recours inutiles, notamment, devant des tribunaux.

Alors, pour essayer de me rassembler et de me ramasser, je vous dirais effectivement, pour ma part, que la discrimination en milieu de travail, c'est l'affaire de tout le monde et des syndicats, bien sûr, et nous, nous ne nous voyons pas comme un obstacle. On ne constitue pas un obstacle à l'accomplissement de l'objet de ce projet de loi là. Alors, bien sûr, puisque nous ne sommes pas un obstacle, nous faisons partie de la solution. Je le répète à nouveau, nous désirons faire partie de tout ce processus-là. En tant que syndicat, nous avons dit notre expérience passée et nous avons joint et nous joignons toujours les actes à la parole, nous avons institué un service d'égalité. C'est tout à fait particulier, comme syndicat, nous avons créé un service à l'égalité qui est un service rendu au quotidien à nos membres, avec leurs propres ressources de cotisations syndicales, qui est incontournable, indispensable, demandé par nos membres et qui est personnifié par des ressources humaines, du personnel qui est présent notamment ici, Mme Robertson, et d'ailleurs que je vais inviter à l'instant à compléter par ses remarques notre présentation que nous faisons devant votre commission. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, il vous reste trois minutes, Mme Robertson. Vous avez la parole.

Mme Robertson (Carol): D'accord. Alors, ce que nous avons constaté en tentant de négocier les programmes d'accès à l'égalité, c'est que beaucoup d'employeurs ont systématiquement refusé, lors de négociations, de corriger des clauses dont on leur avait démontré l'impact discriminatoire et que, même chez des employeurs qui se vantaient d'avoir mis de l'avant des programmes d'accès à l'égalité, nous, parallèlement à ça, on devait déposer des plaintes de discrimination, si ce n'est des plaintes de discrimination à caractère systémique à la Commission des droits de la personne. D'une part, les employeurs prétendaient des choses devant la Commission, et, d'autre part, nous, on déposait des plaintes, ce qui est un peu ridicule.

On sait aussi que les mécanismes qui sont à l'origine de la discrimination à caractère systémique sont des mécanismes insidieux. Alors, qui est mieux placé que les gens qui vivent quotidiennement les conditions de travail dans une entreprise pour repérer ces conditions de travail, repérer ces éléments qui, dans leur vie, font en sorte que ces gens-là font face à des barrières infranchissables, insurmontables? On sait que la discrimination systémique, elle s'est bâtie avec le temps, qu'elle n'est pas toujours volontaire, mais qu'elle est là, qu'elle est omniprésente partout, dans toutes les organisations, et on pense que c'est tout le monde qui devrait participer à la correction si on veut une correction qui soit efficace.

On questionne aussi le fait qu'à l'article 1 on parle de minorités visibles dans le mémoire, tandis qu'à l'article 28 on parle de reconnaître un programme eu égard à l'origine ethnique. On pense qu'il y a des grandes différences entre «minorités visibles», qui relève de caractéristiques physiques, et «origine ethnique», qui relève de langue et de culture. Cet aspect-là de la loi devrait être clarifié.

On croit que les programmes devraient être élargis dans un deuxième temps à tous les employeurs québécois. Il n'est pas mauvais que l'exemple soit donné par le gouvernement dans le parapublic, mais on pense que la discrimination, elle est partout et que ce n'est pas fonction du nombre dans les entreprises.

Claude a parlé du personnel temporaire, dont on peut faire la preuve qu'il doit être inclus dans l'analyse des effectifs, on veut mettre de l'avant le principe de la compétence suffisante. Il est faux de dire qu'un programme d'accès à l'égalité n'ait jamais eu pour objet de voir à ce que des personnes non compétentes soient embauchées. Ça n'a jamais été là l'objectif des programmes, ce sont plutôt les arguments des détracteurs des programmes.

Bon, au niveau de la zone de recrutement, un programme d'accès à l'égalité par établissement, dépendant de ce que signifie un établissement... Qu'on soit en santé et services sociaux ou qu'on soit à Hydro-Québec, «établissement» peut avoir une tout autre signification. «Établissement» peut devenir un édifice, et on ne voudrait pas voir des programmes d'accès à l'égalité par édifice au Québec, on pense qu'un programme d'accès à l'égalité doit être élaboré dans une entreprise. S'il y a des problèmes particuliers avec certaines régions pour certains emplois particuliers, ils peuvent faire l'objet de mesures, d'objectifs numériques différents.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, je remercie les représentants du Syndicat canadien de la fonction publique. M. le ministre, j'ai plusieurs questions du côté ministériel, alors vous avez la parole.

M. Perreault: Oui. Je vais essayer d'être bref. Merci pour la présentation de votre mémoire. Vous indiquez avec raison l'expérience du Syndicat canadien de la fonction publique dans l'élaboration de ce genre de programmes. J'ai moi-même eu l'occasion de collaborer, à l'époque, à la STCUM, avec le Syndicat pour l'élaboration des programmes d'accès à l'égalité, notamment auprès des chauffeurs d'autobus.

Deux questions. La première, vous souhaitez l'implication plus formelle des syndicats dans le processus, je vais vous poser la même question que j'ai posée à d'autres avant, très concrètement, vous proposez quelles mesures? Est-ce que vous proposez que les programmes d'accès à l'égalité soient négociés? Est-ce que vous proposez des comités paritaires à certaines étapes du processus? Quelles sont les mesures que vous proposez? Première question.

Et la deuxième question a trait à votre intervention, madame, à la fin concernant les bassins de recrutement. Le Syndicat canadien de la fonction publique est présent dans bien des institutions parapubliques du Québec, elles sont de nature diverses, j'aimerais un petit peu vous entendre parler de l'expérience actuelle. Quand un employeur engage actuellement, là, ses bassins de recrutement, c'est lesquels? Ça doit varier selon les postes, tout ça. Et qu'est-ce que vous nous suggérez là-dessus?

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, deux questions. Qui est-ce qui répond à la première? Alors, allez-y, Mme Robertson.

n(17 h 20)n

Mme Robertson (Carol): Ce qu'on suggère, c'est une participation pleine et entière des syndicats à un comité d'accès à l'égalité à peu près, là, au même titre qu'un comité d'équité salariale qu'on retrouve au chapitre II ou III de la Loi sur l'équité salariale. Et, d'une part, je voudrais souligner une chose, on parle de négocier un programme d'accès à l'égalité, comprenons-nous bien, il ne s'agit pas d'une négociation traditionnelle parce que ce n'est pas un processus de «give and take», un programme d'accès à l'égalité, c'est un processus pour faire cesser la discrimination. Les parties ont à y gagner, mais pas une plus que l'autre. On n'améliore pas une convention collective, on n'obtient pas de bénéfices supplémentaires, ce qu'on obtient, c'est de vivre dans un milieu de travail qui ne fait pas de discrimination.

Et c'est difficile de changer une culture, des comportements, des habitudes en milieu de travail, alors, si on s'entend, les deux parties, que ce sont là les changements nécessaires, c'est d'autant plus facile de les implanter. Et là où c'est arrivé, comme par exemple à la ville de Montréal, là où on s'est très bien entendus pour dire: Il ne s'agit pas de changer la convention collective, il s'agit de corriger une discrimination, on a aujourd'hui à la ville de Montréal 1 000 femmes cols bleus. Et ça, ce n'est pas rien, parce que c'est peut-être la plus belle réussite, et c'est un programme qui a été entièrement négocié.

Ce qui est important, c'est de dire: Ce n'est pas une négociation de «give and take», mais qui peut identifier, au niveau du système d'emploi, quels sont les obstacles à l'égalité, tant à l'embauche qu'à la promotion. La ville de Montréal avait demandé un rapport à une firme privée qui avait identifié l'ancienneté comme obstacle. Savez-vous ce que les femmes nous ont dit? L'obstacle, c'est que quand on se présente pour avoir un formulaire d'emploi, quand on est une femme, on ne nous remet qu'un formulaire d'emploi qui est valide chez les cols blancs, de telle sorte que notre application ne compte jamais pour les emplois cols bleus. Et, quand les femmes deviennent temporaires, elles cumulent de l'ancienneté au même titre que les hommes si on ne les empêche pas de le faire. Si on les rappelle à leur tour, elles cumulent de l'ancienneté au même titre que les hommes, et l'embauche réelle n'est pas lorsqu'on obtient la permanence, mais lorsqu'on devient temporaire. Qui peut relever tous ces éléments-là mieux que les personnes qui ont eu à y faire face, qui ont vécu ces obstacles-là? Quand on se met les deux parties ensemble, c'est très facile, ça se négocie, ça se discute, et on peut s'entendre très rapidement quand les deux parties sont de bonne foi. Quand les parties sont de mauvaise foi, je peux vous dire aussi que ça peut traîner pendant des années.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup.

Mme Robertson (Carol): Ça, c'était pour la première question.

M. Perreault: J'avais une deuxième question.

Le Président (M. Boulianne): Oui. La deuxième question concernant les bassins de recrutement. Alors, on vous écoute.

Mme Robertson (Carol): Concernant les bassins de recrutement, écoutez, je peux vous donner l'expérience de dire: Une entreprise qui est à la grandeur du Québec, qui a besoin d'un emploi ultraspécialisé comme celui que Josée occupe, il n'y a souvent qu'une ou deux institutions à travers le Québec qui vont donner ce cours-là. Comme bassin de disponibilité, qu'est-ce que vous allez avoir véritablement? À la Commission des droits de la personne, vous allez avoir les institutions d'enseignement et le nombre de personnes qui ont réussi ces cours-là puis les statistiques de Statistique Canada dans la population active. Quelle est la réalité de ces entreprises-là? C'est que souvent pour avoir un emploi les gens sont prêts à se déplacer d'une partie ou de l'autre de la province. Le bassin de disponibilité varie non seulement par emploi, mais par entreprise, selon les conditions de travail, selon une multitude de données que les entreprises connaissent, et on a souvent des règles prévues dans nos conventions collectives pour, à un moment donné, des clauses de mutation, etc. Donc, ces bassins-là, c'est typique à chacune des entreprises quand c'est un problème d'emploi.

M. Perreault: Si vous me permettez, de ce point de vue là, est-ce que je dois comprendre que vous êtes favorables avec le libellé du projet de loi? Parce que, quand je vous entends, peut-être que le libellé n'est pas suffisamment clair, mais c'est le sens du libellé, c'est de dire que les employeurs devront en quelque sorte se référer à leur bassin d'emploi habituel, évidemment selon les postes, selon l'entreprise, selon les conditions. Est-ce que je dois comprendre que, de ce point de vue là, vous y êtes favorables? Parce que je dois dire que les gens sont venus devant nous en disant qu'on devait prendre, toujours et dans tous les cas, la totalité du Québec comme bassin de recrutement.

Mme Robertson (Carol): Ça, je comprends puis je peux vous dire que, si le projet de loi s'appliquait tel quel, que seuls les employeurs avaient à bâtir un programme d'accès à l'égalité puis qu'ils parlaient de leur bassin de recrutement traditionnel... moi, je peux vous dire que je serais très inquiète sur les résultats du programme, parce que «traditionnel», ça peut être très petit puis ça peut être réduit à rien quand on n'en a pas très envie, O.K.? Et ça peut être une réalité de dire que le bassin est très petit dans une zone et plus grand dans l'autre, et je pense que tout ça devrait faire l'objet en comité... et être soumis, O.K., à l'approbation de la Commission des droits de la personne. S'il y a une difficulté particulière de recrutement pour un emploi, on y verra, mais surtout pas par établissement, et que les deux parties puissent se pencher sur la difficulté. Comme ça, on aura l'heure juste.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Merci, Mme Robertson. Alors, M. le député de Marquette, porte-parole officiel du... Allez-y.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue et merci à vous pour un mémoire d'excellente qualité. Vous avez abordé, à la page 13 et quelques pages avant la page 13, une question intéressante que, je pense, on n'a pas eu beaucoup l'occasion de creuser avec d'autres organismes, toute la question de la compétence, la notion de la compétence qu'on retrouve à l'article 14 du projet de loi, et la mise en garde que vous faites dans le fond, vous dites: Le spectre de l'incompétence est brandi par les adversaires de l'égalité, et vous souhaiteriez que le ministre vienne clarifier un petit peu ce terme-là. Vous parlez de compétence suffisante, pourriez-vous élaborer davantage? Peut-être nous donner un petit peu quelques exemples, comment ça fonctionne lorsqu'un employeur détermine qu'il privilégie telle candidature et non pas telle autre candidature et qu'il se sert de la notion de compétence pour exclure des personnes qui... Parce que le jugement qui est posé est souvent un jugement subjectif, n'est-ce pas? Et, si l'employeur poursuit d'autres intérêts pour contourner soit une loi ou un programme, ce que vous nous dites dans le fond, c'est qu'il peut facilement se réfugier derrière la notion de compétence pour dire: La personne n'avait pas les compétences requises pour occuper la fonction, et donc la discrimination se perpétue. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Marquette. Alors, M. Généreux, vous allez répondre ou...

M. Généreux (Claude): Carol.

Une voix: Elle est sur sa lancée.

Le Président (M. Boulianne): Mme Robertson, on vous écoute.

Mme Robertson (Carol): D'accord. On parle ici d'intégrer des personnes à des emplois, des personnes qui ont été antérieurement exclues, donc des personnes qui ne peuvent, au départ, détenir la plus grande compétence.

Je vais prendre un exemple fort simple. Vous voulez embaucher un plombier, vous aurez toujours un homme qui a 20 ans d'expérience et vous aurez peut-être une femme qui a un diplôme. La question qu'il faut se poser, c'est: Qu'est-ce que ça prend pour faire le travail? Quelle est la compétence suffisante pour faire le travail? Traditionnellement, dans beaucoup de milieux de travail ? et la Loi sur l'équité salariale nous y oblige ? on négocie des plans d'évaluation des emplois où on doit tenir compte, O.K., s'entendre sur les qualifications requises en termes de scolarité et d'expérience pour effectuer le travail. Avec une bonne santé, entre guillemets, ce sont généralement les critères de compétence suffisante que nous avons déterminés. Si s'ajoutent à ça d'autres critères qui sont, comme vous l'avez dit vous-même, fort probablement subjectifs, à ce moment-là on n'en sortira jamais, les gens n'auront jamais la possibilité de se faire embaucher parce que le système les a traditionnellement exclus et le système va avoir tendance à perpétuer le même comportement.

Par exemple, qui peut penser... Un principe... Si vous pensez à la compétence pour faire le travail, pensez à pompier, policier puis monteur de ligne, dans la tête de bien des gens, tout ça, c'est encore masculin. Pourquoi? Parce qu'une femme n'aura jamais les caractéristiques qu'on identifie traditionnellement à ces emplois-là. Pourtant, on envoie des femmes sur la lune puis on a trouvé à faire les adaptations nécessaires. On a trouvé à répondre à tous les impératifs physiques pour envoyer les femmes sur la lune, mais on a encore de la misère à voir des femmes monteurs de ligne, par exemple, on a de la misère à voir des femmes dans une multitude d'emplois.

Une ville a 1 000 femmes cols bleus, la ville d'à côté a réussi à en embaucher deux parce que, dans la tête de tous les gestionnaires, elles n'ont pas la compétence suffisante, elles n'ont pas la force physique. Peu importe que ces gens-là, à 40 ans, soient sur la Loi des accidents de travail, on a encore la force physique, quand on sait que c'est très limité, que, si ce n'est pas limité sur le moment, ça va obligatoirement être limité dans le temps.

Bref, la compétence, c'est peut-être l'élément le plus subjectif, et la définir par la négative, c'est exactement faire face à ce à quoi on fait face dans tous les milieux de travail quand on parle d'intégrer particulièrement des femmes dans des emplois non traditionnels, des emplois masculins, c'est que les employeurs s'attardent beaucoup plus à faire la preuve que les femmes n'ont pas la compétence requise, O.K.? Mais il y a toujours eu un principe de base dans les programmes d'accès à l'égalité, les «Affirmative Action Programs», c'est que vous devez avoir la compétence pour faire le travail. Si ça requiert un diplôme technique et que vous ne l'avez pas, c'est hors de question que vous ayez l'emploi. Mais, au-delà de ça, ça doit être des compétences circonscrites aux compétences nécessaires pour effectuer l'emploi. C'est le principe de la compétence suffisante. Et le définir par la négative, ça ouvre les portes à beaucoup, beaucoup de causes devant les tribunaux où on va s'attarder à faire la preuve que les femmes, physiquement, ne peuvent pas soulever 42 fois 40 lbs dans une journée. Les hommes non plus, ça leur prend seulement 10 ans pour y arriver, à ne pas être capables, tandis que les femmes, ça leur prend à peu près une semaine, et elles ne le font pas. C'est quoi, la différence au fond?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Robertson. M. le député de Marquette, vous avez encore du temps.

n(17 h 30)n

M. Ouimet: Une question sur les recours. Vous ouvrez un chapitre dans votre mémoire sur les recours et vous concluez en disant à la page 16: «Si la non-reconnaissance du statut de partie intéressée devait demeurer tant pour l'élaboration et l'implantation des programmes que pour l'accès au Tribunal des droits de la personne, nous serons en droit de questionner l'intention véritable du gouvernement à l'égard du projet de loi: de la poudre aux yeux ou une réelle intention de mettre fin à la discrimination dans les organismes publics.» Pourriez-vous élaborer là-dessus aussi?

Le Président (M. Boulianne): Alors, oui, Mme Robertson. C'est vous? Allez-y.

Mme Robertson (Carol): Écoutez, on fait présentement face à l'application d'une loi qui s'appelle la Loi sur l'équité salariale, que j'ai déjà citée dans le rapport. Il y a un chapitre 9 qui dit que les employeurs qui avaient préalablement fait des exercices d'équité salariale pouvaient les soumettre à la Commission de l'équité salariale et que la Commission rendrait une décision avec les commentaires des associations accréditées. Les associations accréditées ne sont pas une partie, elles pouvaient soumettre des commentaires. Nous avons partout soumis des commentaires.

Qu'est-ce qu'on voit dans les rapports que les employeurs ont soumis? On voit des inexactitudes, et le terme est poli. Je peux vous donner un exemple. Un programme d'équité salariale a été réalisé en 1983 ou en 1996 après l'adoption de la loi. Quand on a fait le plan d'évaluation en 1983 mais qu'on a identifié les catégories d'emploi en 1996, je vous soumets la question. Or, les employeurs qui ont soumis ce genre de rapport n'ont jamais dit qu'ils avaient identifié les catégories d'emploi en 1996. Ils ont dit avoir fait l'ensemble du programme en 1983. Ce que nous pensons, c'est que, si seuls les employeurs, d'une part, sont les interlocuteurs de la Commission des droits de la personne, on peut questionner l'information qui va être donnée. N'oublions pas que ce n'est pas les employeurs qui réclament les programmes d'accès à l'égalité, ce sont les groupes de femmes et les syndicats. Les employeurs ne les ont jamais réclamés, d'une part. D'autre part, ils n'en veulent pas, et, s'ils sont pour être atteints, ils veulent que ce soit le moins possible. Alors, l'information qu'ils transmettront à la Commission des droits de la personne aura toujours pour effet de les soustraire le plus possible de l'application de la loi. C'est ce qu'on vit avec l'application de la Loi sur l'équité salariale.

Si une deuxième loi comme ça, en ce qui concerne, entre autres choses, la moitié de la population, les femmes... mais on parle aussi des personnes des minorités visibles, on a questionné pour les handicapés, on parle des autochtones. Une loi qui ne produit pas d'effets, on peut se questionner de l'intention qu'il y a en arrière. On l'a, le problème, on est devant les tribunaux. À cet égard-là, ça va coûter une fortune, mais on a décidé qu'on irait jusqu'au bout. À ce moment-là, c'est ce qu'on questionne dans cette loi-là. Il est impensable que, d'une part, on puisse remettre la réalisation de l'accès à l'égalité dans les mains seulement des personnes qui n'en veulent pas puis priver les associations accréditées de recours au tribunal. Écoutez, on a bouclé la boucle. Le seul élément qu'il nous reste, la seule option qu'il nous resterait, c'est d'aller contester cette loi-là en Cour supérieure. On ne voudrait pas revivre ça une deuxième fois.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup.

M. Dupuis (Pierre): J'aurais un complément de réponse.

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors, allez-y, M. Dupuis.

M. Dupuis (Pierre): Ce n'est pas un précédent qu'on demande. Historiquement, au niveau de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, la Régie des rentes avait tout le pouvoir de surveillance. En 1990, quand le Parlement, ici, a amendé la loi pour revoir la loi, puis encore dernièrement avec la loi n° 102, l'esprit de la loi fait en sorte que les parties, les participants sont le mécanisme numéro un de surveillance de l'application. C'est un peu ça ici qu'on veut avec la Loi d'accès à l'égalité. Il faut que les gens, les participants, les travailleurs, les travailleuses, il faut que les syndicats qui les représentent soient parties au mécanisme de surveillance et aient donc un pouvoir d'intervention, un pouvoir de recours, si ça ne se passe pas comme on veut. Je pense que c'est un peu utopique, un peu illusoire de confier ça... dire: C'est justement la Commission qui va regarder ça occasionnellement.

Vous savez, le gouvernement a fait ça dans les années soixante-dix par rapport à la Régie des rentes pour surveiller les fonds de pension, puis on est arrivé à un échec. En 1990, ça a été amendé pour faire en sorte que les participants puissent surveiller; on a créé divers mécanismes de participation. Et là, avec le projet de loi n° 102, on veut aller plus loin, on veut que ça se passe tout à l'interne, qu'il y ait le moins possible de recours aux tribunaux. Pour qu'il y ait le moins possible de recours aux tribunaux, il faut que les gens qui sont touchés par la chose puissent intervenir en temps et lieu, c'est ça qu'on veut.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Oui, vous avez encore...

M. Ouimet: Dernière question là-dessus. Pensez-vous que, si cette recommandation que vous faites est mise de côté par le gouvernement, la loi va pouvoir atteindre les objectifs énoncés par le ministre, ou est-ce qu'on risque de, encore une fois, passer à côté et se retrouver dans la même situation qu'on semble déplorer, qui amène la loi n° 143?

Le Président (M. Boulianne): M. Dupuis.

M. Dupuis (Pierre): J'adhère à votre question. Effectivement, on pense que, s'il n'y a pas de mécanisme de participation, s'il n'y a pas de mécanisme où on peut intervenir pour dire: Ça, ça ne marche pas ou, ça, ça marche, c'est passer à côté. Ce n'est pas long, là. Puis je rappellerais au gouvernement, un peu comme je viens de faire par rapport aux régimes de retraite, que l'expérience nous a amenés là, et l'expérience présentement, de la loi de l'équité, comme l'a dit Mme Robertson, fait en sorte qu'on est devant les tribunaux pour dire: On a-tu le droit de se faire entendre? C'est là où on est aujourd'hui. On est devant les tribunaux pour savoir si on a le droit de faire valoir notre point de vue.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, M. le député. Alors, je donne la parole maintenant à M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci, très brièvement, la question des occasionnels. Vous y avez touché, beaucoup d'autres groupes qui sont venus ici avant vous, entre autres des groupes de femmes, y ont touché aussi. Ce qui serait peut-être utile pour nous, c'est de savoir comment vous voyez le phénomène des occasionnels dans l'évolution de la fonction publique. À un moment donné, ils n'étaient pas tellement nombreux, en termes de pourcentage. Avec les questions de réduction déficitaire, ça a augmenté. On apprenait, au cours des derniers jours, que le gouvernement fédéral, de son côté, allait procéder à des réembauches de plusieurs milliers de personnes.

Alors, si vous demandez que la catégorie des occasionnels soit incluse dans le projet de loi, voyez-vous cette catégorie-là, sur la base de votre expérience passée, vous êtes dans le milieu, voyez-vous ça comme un phénomène permanent, qui est là pour demeurer, mais qui est là pour aller en s'intensifiant ou en diminuant?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Dupuis, vous voulez répondre?

M. Dupuis (Pierre): Sur ce point-là ? peut-être que Claude complétera ? on ne voudrait pas que ça augmente. Mais on constate que, dans les endroits moins spécialisés, il y a beaucoup d'emplois à statut précaire. Si on regarde ? on parlait un peu d'Hydro-Québec ? au niveau des employés de bureau à Hydro-Québec, c'est des emplois moins spécialisés, il y a presque la moitié des emplois... Les gens commencent dans ces emplois-là. Ils sont introduits au travail par ces emplois-là. À l'inverse, au niveau des techniciens, au niveau des monteurs de ligne, s'ils ont le candidat ou la candidate voulue, ils vont rapidement lui donner sa permanence parce qu'ils vont vouloir le garder.

Dans le secteur de la santé, dans le secteur des bureaux, dans le secteur parapublic, il y a beaucoup plus d'employés temporaires, les gens rentrent par là. Donc, moi, je pense que, même pour un employeur, considérer les embauches qu'il fait à cet égard-là, c'est important parce que c'est par là qu'ils vont corriger aussi la situation, parce que ce sont les postes d'entrée. Si on veut corriger, si on dit: Il n'y a pas assez de communautés culturelles, il n'y a pas assez de handicapés ou il n'y a pas assez de femmes, c'est par ces postes d'entrée là. Avant d'avoir un poste permanent, ils vont commencer par ces... Donc, il faut les considérer, il ne faut pas les isoler, parce que ça fait partie de la réalité. On souhaiterait que ça aille en diminuant, cette catégorie de salariés là, mais la conjoncture actuelle nous dit qu'on a à lutter. Puis je pense que Claude, qui a participé aux dernières négociations du secteur public, serait bien placé pour compléter.

Le Président (M. Boulianne): M. Généreux, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Généreux (Claude): Oui, rapidement, l'essentiel étant dit. C'est bien de discuter d'organisation du travail puis supputer si ça va disparaître ou non. Nous, c'est clair, on veut que ça disparaisse. On veut que ça diminue pour se retrouver là où ça devrait se retrouver, c'est-à-dire à la marge. On reconnaît effectivement que le «temporariat» devrait exister à la marge dans l'organisation du travail. L'expérience du «just in time», qui était dans la production du privé s'est avérée d'une inefficacité monumentale dans les services publics. Puis le «just in time», c'est qu'on disait: On va ajouter la demande en personnel dans le «just in time» de la demande de service. Et ça s'est ajouté, comme, M. Beaulne, vous nous l'avez dit, avec des cibles budgétaires. Bon, il y a eu cet effet pervers là.

Les postes d'entrée en 1976 étaient tels qu'on entrait dans un emploi à temps complet régulier. En 1990, 45 % du personnel de la santé et des services sociaux, pour ne parler que de ce secteur-là plutôt que des trois réseaux de la fonction publique, ça demandait 15 années d'ancienneté pour obtenir un poste à temps complet régulier. Et là 45 % des travailleurs et des travailleuses de ce secteur-là appartenaient à cette catégorie-là d'employés temporaires, occasionnels, précaires. Au passage de l'an 2000: 60 %. Ça s'est donc aggravé à 60 %. Je parle d'aggravation à 60 % et ça prend maintenant tout près de 20 ans d'ancienneté, après l'entrée en service, pour obtenir un poste.

Alors, si on me demande: Est-ce que ça va aller en s'accentuant? Je ne le souhaite pas, pour le bénéfice de la population, pour qui on dispense des services. J'espère que ça ne va pas stagner et que ça va pouvoir reculer et qu'on le trouve là où c'était en 1976, c'est-à-dire à la marge.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le député de Marguerite-D'Youville, est-ce que ça va?

M. Beaulne: Oui, ça va.

Le Président (M. Boulianne): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez une question. Alors, allez-y. Vous avez du temps.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation du document ainsi que les commentaires qui se sont faits et j'ai constaté, en plus de tout ça, que le député de Marguerite-D'Youville lisait dans mes pensées et il a posé la question qui a permis d'éclairer ma lanterne. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, il n'y a pas d'autres questions. Est-ce que, M. le député de Marquette, ça va? M. le ministre.

n(17 h 40)n

Alors, on vous remercie beaucoup, le Syndicat canadien de la fonction publique. Nous allons procéder immédiatement aux remarques finales. Par la suite, 15 minutes à l'opposition officielle et 15 minutes aux ministériels. Alors, merci beaucoup.

Remarques finales

Alors donc, nous sommes dans les remarques finales, comme je le mentionnais tout à l'heure. Alors, je demanderais donc au député de Marquette, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations avec le citoyen, de nous présenter ses remarques finales. Alors, M. le député.

M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Peut-être quelques remarques préliminaires à mes remarques finales, si vous le permettez.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Ouimet: Première remarque préliminaire: le souhait a déjà été exprimé par d'autres membres de la commission, que le ministre fasse à nouveau des efforts pour rejoindre les représentants des autochtones pour que nous puissions les entendre en commission parlementaire. Ils sont un groupe ciblé et, malheureusement, aucun représentant des autochtones n'est venu s'exprimer sur le projet de loi n° 143. Je pense qu'ils pourraient grandement éclairer l'ensemble des parlementaires. Et je manifeste le souhait pour que le ministre, je ne sais pas exactement qu'est-ce qu'il a fait comme démarche, mais peut-être pourrait-il prendre le téléphone et appeler certaines organisations bien connues pour que nous puissions les entendre.

Deuxième remarque préliminaire: la même chose également pour la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Il serait important, en tous les cas, pour nous, de l'opposition, de les entendre à nouveau pour clarifier certaines choses qui ont été dites, certains propos qui leur ont été prêtés. Moi, je pense qu'il faudrait entendre à nouveau la Commission des droits de la personne et lui accorder un peu plus que 45 minutes pour qu'il y ait des échanges de fond. La Commission va être appelée à jouer un rôle extrêmement important au niveau de la loi n° 143. Il y a lieu de clarifier également toute la distinction entre sous-représentation et discrimination et puis, par la suite, de voir un peu plus clair les choix qui ont été présentés par le ministre au Conseil des ministres, voir maintenant si les critères demeurent les mêmes.

Troisièmement, et c'est peut-être pour le bénéfice de l'ensemble des membres de la commission parlementaire, on sait qu'il y a eu un rapport qui a été déposé à l'Assemblée nationale concernant le fonctionnement des commissions parlementaires. Moi, je pense que nous pourrions bénéficier d'un document que le ministre pourrait préparer pour l'ensemble des parlementaires, qui recenserait à la fois l'ensemble des recommandations par rapport à tous les articles du projet de loi pour que, lorsque nous ferons l'étude détaillée, nous puissions avoir à portée de la main, sous forme résumée, l'ensemble des recommandations par article. Je sais que ça se fait normalement et régulièrement. Peut-être cette fois-ci pourrions-nous mettre à la disposition de l'ensemble des parlementaires cet outil. Alors, j'invite le ministre à réfléchir à cela.

Par ailleurs, eh bien, je pense que les groupes ont à la fois appuyé le projet de loi du ministre, tout comme l'opposition, mais ils ont fait valoir également plusieurs failles qui se retrouvent dans le projet de loi. Certains ont indiqué que c'était un peu comme un fromage suisse qui comportait beaucoup de trous. On pourra nuancer ce propos-là. Mais il n'en demeure pas moins que les failles ont été indiquées par différents groupes et souvent les mêmes failles qui revenaient. Je peux en reprendre quelques-unes, mais je n'ai pas l'intention de vous en donner une liste exhaustive. La portée du projet de loi est faible, notamment à cause de l'exclusion de certains groupes cibles et de certains employeurs, par exemple les personnes handicapées, les minorités culturelles et les entreprises de 100 employés et moins, de même que l'exclusion des emplois à temps partiel ou qui sont sur appel. La portée est limitée également par l'absence de l'obligation contractuelle s'appliquant aux entreprises privées qui contractent avec les organismes publics visés. La portée limitée de la loi, le gouvernement ayant choisi de s'exclure lui-même, et ses ministères, de l'application de la loi, le ministre aura l'occasion de s'expliquer sur l'ensemble de ses choix et pourquoi il a décidé d'exclure la fonction publique, le gouvernement et les ministères, de l'application de la loi n° 143.

La portée du projet de loi par rapport à l'objectif est limitée également par l'utilisation de la zone habituelle de recrutement pour fixer ou non l'obligation d'implanter un programme d'équité en emploi dans une entreprise de l'État. Cette notion de zone habituelle de recrutement nie aux membres des groupes cibles ce droit pourtant fondamental à la mobilité que tous les autres citoyens travailleurs et travailleuses peuvent exercer librement. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne propose aucun recours ni aucune pénalité, ce qui s'avère être une lacune lorsqu'on dit qu'on veut corriger une situation qui existe depuis un certain nombre d'années et que, cette fois-ci, on veut prendre les moyens et on veut donner des dents à la loi. Il n'y a pas de recours, il n'y a pas de pénalité. Alors, je pense que c'est un petit peu un discours contradictoire.

Les délais trop longs et la fréquence trop complaisante des rapports à produire ne favoriseraient pas non plus une action réelle et rapide en ces matières. Le rôle et la participation des travailleurs et des travailleuses et de leurs associations accréditées ne sont pas reconnus. Ça, c'est un petit peu étonnant. Mais j'ai bien l'impression que le ministre devrait apporter un correctif rapidement à cette remarque que nous avons entendue de bons nombres d'organismes.

Finalement, la complexité et la rigidité de la formule retenue dans la méthode de calcul et de comparaison par l'utilisation de la classification nationale des professions du Canada, préparée par Statistique Canada à partir du recensement, ont été soulignées par plusieurs. Le ministre devrait demander au Bureau de la statistique du Québec d'élaguer ces informations et de les rendre mieux adaptées au besoin de la cause.

Alors, en terminant, M. le Président, l'opposition maintient bien sûr sa collaboration et nous avons l'intention de faire en sorte que le projet de loi soit adopté avant la fin de la présente session. J'espère que le ministre pourra également nous fournir des outils de travail pour faire le travail de la façon la plus efficace possible et pour qu'il puisse mettre à notre disposition collective, les parlementaires, certains des outils dont il dispose comme ministre. Je pense que ça va de beaucoup favoriser notre tâche, nos travaux. Et, par la suite, c'est sûr que le ministre devra faire des arbitrages, devra faire des choix. Ce seront ses choix à lui, mais au moins on aura eu l'occasion de bien évaluer les critères, les principes sur lesquels le ministre s'est fondé pour effectuer ses choix. Par la suite, la loi sera adoptée. Alors, voilà.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Marquette, pour ses remarques préliminaires et remarques finales. Alors, nous allons passer maintenant au ministre. Vous avez la parole, M. le ministre, pour des remarques finales.

M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Alors, merci, M. le Président. D'abord, on me permettra de remercier bien sûr les organismes et les citoyens qui se sont donné la peine de se présenter devant cette commission et qui ont montré leur intérêt à l'égard du projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 143. Merci également à mes collègues de la commission pour leur participation. Je prends acte de l'appui, à ce projet de loi, de l'opposition et j'en profite pour dire que la totalité des témoignages que nous avons entendus ? je pense, sauf un, d'un groupe qui est venu ? vont dans le sens d'affirmer la nécessité de cette loi.

Bien sûr, les gens, après ça, ont un certain nombre de commentaires, de remarques, de critiques, de suggestions quant à la bonification des textes législatifs, mais je pense que, ce qui domine dans les témoignages que nous avons entendus, c'est le constat, d'une part, que les mesures volontaires, jusqu'à maintenant, aussi bien intentionnées aient-elles été, ont donné somme toute des résultats mitigés et qu'il y a urgence de corriger la situation pour donner à tous nos concitoyens et concitoyennes du Québec une égalité des chances en emploi, puisque, il faut le dire, il y a encore trop de lacunes en cette matière, les chances ne sont pas égales pour tous. Et, moi, je suis particulièrement heureux de constater, je dirais, ce très large consensus, sinon cette unanimité des intervenants québécois, qu'on soit dans le monde patronal, syndical, qu'on soit les experts, que ce soit la Commission des droits, autour de l'urgence du projet de loi.

n(17 h 50)n

Maintenant, bien sûr que j'ai entendu les nombreuses remarques qui ont été faites. Il n'y a pas nécessairement unanimité sur les modalités de ce projet de loi. Il y a des remarques importantes qui nous ont été faites, que je vais étudier avec intérêt. D'abord, je dirais qu'une des choses qui nous ont été dites, redites et à laquelle, moi, je suis très sensible, c'est l'importance des mesures de soutien à mettre à place, si on veut que ces programmes connaissent le succès, mesures de soutien en termes de campagnes de sensibilisation tant des administrateurs, des syndiqués, de la population, appui financier également aux groupes intéressés dans l'élaboration de ces programmes, donner également à la Commission des droits les ressources nécessaires pour remplir ses mandats.

Alors, sur toutes ces questions, je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir. Évidemment, c'est peut-être moins des questions qui sont directement liées à la formulation du projet de loi, mais ce sont des mesures qui, si on veut changer les choses, sont quand même importantes. Il faut se rappeler qu'on n'est pas dans le cadre d'un projet de loi comme un autre. Parfois, on peut faire une loi qui oblige tout le monde à se doter de tel réfrigérateur pour contenir tels aliments, puis les gens l'ont, l'ont pas. Là, on est dans un processus beaucoup plus complexe de changement de mentalités et changement d'habitudes, ce n'est pas que mécanique. Et, de ce point de vue là, il y a sûrement, en amont du processus et en aval ? on nous l'a souligné avec raison, je pense ? des mesures à mettre en oeuvre. On aura beau avoir une loi qui, techniquement, soit aussi précise que possible, dont tous les avocats, tous les partenaires soient satisfaits, si elle n'est pas accompagnée d'un certain nombre de mesures, elle pourrait rester lettre morte. Alors, moi, je suis sensible à ça, et le Barreau entre autres nous l'a rappelé, d'autres intervenants nous l'ont rappelé.

Bien sûr, on a soulevé la question à la fois de l'étendue de la loi, les groupes auxquels elle s'applique, notamment en soulignant que les personnes handicapées, les anglophones, les gens des communautés culturelles n'étaient pas nommément visés comme groupe cible. J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer sur la question des personnes handicapées et je sais bien que je n'ai pas convaincu l'opposition des arguments qui sont les miens. Je n'en ai pas d'autres. Ce sont ceux-là et je pense qu'ils sont importants. Je crois qu'on mélangerait des concepts, des réalités. Il suffisait d'entendre parler, avec tout le respect que j'ai pour M. Lavigne... je crois que c'est M. Lavigne qui est venu témoigner du quotidien de mise en place des programmes qui concernent les personnes handicapées pour se rendre compte que c'est un univers, un champ d'activité qui me semble relativement différent de celui qui nous interpelle. Je le dis en tout respect pour ce que j'ai entendu.

J'ai également indiqué pourquoi notamment les anglophones ne sont pas visés par ce projet de loi et je veux rappeler que je ne fais pas dire à la Commission ce qu'elle ne dit pas. J'ai tout simplement dit que nous avons choisi trois groupes qui avaient été nommément identifiés par la Commission comme étant discriminés. C'est ces trois groupes que nous avons visés comme cibles. Je ne dis pas que la Commission ne soulève pas d'autres considérations pour d'autres groupes. Je dis que nous nous en sommes tenus aux groupes nommément visés et pour lesquels il y a eu un constat de discrimination. On peut débattre de la pertinence après d'élargir ou non, mais ce sont les raisons qui m'habitaient. Il y a eu plusieurs commentaires de faits sur les aspects plus techniques du projet de loi et je dois dire là-dessus que je suis sensible aux commentaires qui ont été faits, notamment concernant certains délais, concernant la classification nationale des professions comme norme de référence. Tantôt, le critique de l'opposition y a fait référence. Les zones de recrutement, on vient d'entendre des commentaires sur cette notion. Je pense que le projet de loi mérite d'être précisé sur ces questions-là.

On a beaucoup entendu évidemment, parce que les syndicats sont venus à plusieurs reprises faire des représentations, je dois dire, des présentations étayées, et, moi, je constate qu'ils sont sûrement, sur ces questions, des experts. Donc, je suis interpellé par les commentaires qu'ils ont faits. En même temps, je pense qu'il faut éviter en quelque sorte de faire des programmes d'accès à l'égalité en emploi des enjeux de conventions collectives au sens strict du terme. Alors, on va réfléchir un peu à tout ça. Je verrai de quelle façon on peut tenir compte de ce que nous avons entendu sans pour autant, encore une fois... Parce qu'on a l'expérience de programmes d'accès à l'égalité qui ont été mis en place avec la collaboration des syndicats et qui ont été faits dans le cadre des règles du jeu existantes. Alors, je reste quand même interpellé par à la fois la volonté des syndicats, les représentations qui ont été faites, et on verra qu'est-ce qu'on peut faire en ce sens-là, bien que je demeure un petit peu réservé, là. Je ne voudrais pas qu'on rentre dans un univers de négociation qui me semblerait ne pas nécessairement être l'enjeu de la mise en place de tels programmes. D'ailleurs, les syndicats eux-mêmes l'ont souligné. Alors, on verra qu'est-ce qui peut être apporté.

Moi, en terminant, M. le Président... on a beaucoup parlé aussi de la Commission des droits. Je dois dire que là-dessus les avis qu'on a entendus sont un peu contradictoires quant au rôle de la Commission des droits. Ils sont partagés, même parfois contradictoires. Ce qui est certain cependant, c'est que tous ont dit: Si on doit donner à la Commission des droits des responsabilités, il faudrait qu'il y ait certains moyens qui suivent, et là-dessus je pense bien que c'est exact. Finalement, la Commission peut penser que ça en prend plus que moins, mais j'ai bien entendu ses commentaires.

En terminant, je dirais ceci: Ce qui préoccupe personnellement après avoir entendu tous ces mémoires ? et ça nous ramène au coeur des enjeux de la mise en place d'une telle loi et ça rejoint le début de mes commentaires, et je termine là-dessus ? c'est qu'on n'est pas dans un domaine de législation comme un autre, on est vraiment au coeur de ce que sont les préjugés et les habitudes parfois plus ou moins conscients d'une société, et donc les changements qu'on souhaite créer sont des changements en profondeur. Je demeure personnellement convaincu que ce qui me semblerait le plus utile, le plus significatif, c'est de réussir par cette loi à créer les conditions du changement, à créer le mouvement qui entraîne le changement. Est-ce qu'on doit, dans la loi, prévoir de façon explicite tous les cas de figure, tous les cas d'espèce? Je pense que ce serait une erreur. On a parlé de plus de 700 employeurs qui seront touchés. Certains voudraient même qu'on élargisse davantage, mais au moins 700 employeurs, plus de 500 000 personnes, emplois. Les situations sont infinies. Je pense qu'il faut faire en sorte que les entreprises trouvent les solutions. J'entendais certaines remarques, parfois on disait: La Commission des droits pourrait même aller jusqu'à, à la fin, statuer sur la définition du poste presque, sur les exigences du poste. Essayons d'imaginer si la Commission des droits devait, au Québec, à la limite, statuer sur toutes les définitions de postes, je pense qu'on bloquerait la société, on bloquerait le processus.

Donc, il y a un équilibre à trouver. Ce que je peux dire: C'est ma conviction que ce projet de loi peut changer les choses. Il est attendu, il est nécessaire. Il y a des modifications importantes à y apporter. Et ma grande préoccupation demeurera, par-delà, encore une fois, tous les aspects plus techniques ou légaux ou de détail, de trouver ce qui est l'élément qui va provoquer la dynamique essentielle du changement. Je pense que c'est l'objectif qui doit être le nôtre, M. le Président, tout en étant conscient que la loi bien sûr devra en elle-même pouvoir supporter l'épreuve des tribunaux puis être claire dans ses dispositions, je suis bien conscient de la nécessité de ça.

Mémoires déposés

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, avant de conclure, permettez-moi aussi de déposer les mémoires des organismes non entendus. Alors, il y en a trois: le Centre de recherche-action sur les relations raciales, le Centre RIRE 2000 et le rapport de Mme Marie-Thérèse Chicha.

Alors, la commission remercie les organismes et les individus qui se sont présentés. La commission remercie aussi les membres. Et, ayant complété son mandat, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup, bonsoir.

(Fin de la séance à 18 heures)



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