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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, February 3, 2000 - Vol. 36 N° 18

Auditions sur la Société de développement des entreprises culturelles et le Conseil des arts et des lettres du Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Matthias Rioux, président
M. Léandre Dion
M. Marc Boulianne
Mme Line Beauchamp
M. David Payne
M. Pierre-Étienne Laporte
M. François Beaulne
*M. Philippe Baylaucq, ARRQ
*Mme Lucette Lupien, idem
*Mme Jeanne Bellavance, CATQ
*Mme Hélène Tirole, Les Bouquinistes du Saint-Laurent
*M. Roland Janelle, RIDEAU
*Mme Céline Marcotte, idem
*Mme Hélène Binette, idem
*Mme Denise Arsenault, idem et ROSEQ
*M. Claude Paquet, RIDEAU
*M. Jacques Pineau, ROSEQ
*Mme Solange Morrissette, idem
*M. Serge Losique, FFM
*M. Gilles Bériault, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Rioux): Mesdames, messieurs, nous entreprenons aujourd'hui notre deuxième journée d'auditions dans le cadre du mandat d'initiative que nous nous sommes donné, mandat de surveillance, d'analyser le fonctionnement, la gestion, l'administration du Conseil des arts et des lettres et de la Société de développement des entreprises culturelles.

La journée d'hier s'est déroulée magnifiquement. Les choses se sont dites sans détour, avec une clarté surprenante parfois. Mais c'est ainsi que ça doit se passer. On n'est pas ici pour se raconter d'histoires. On est ici pour se dire les vraies affaires. Et ça nous fait plaisir d'accueillir l'Association des réalisateurs. Je sais que vous avez plein de choses à nous dire. On a hâte de vous entendre d'ailleurs.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Aucun. Donc, c'est des consultations particulières, on tient des auditions publiques, c'est dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes. C'est une fonction normale d'une commission parlementaire. Il n'y a rien d'exceptionnel qu'on fasse ça. C'est que, chaque année, une commission parlementaire doit examiner un certain nombre d'organismes. Nous, nous avons choisi ces deux-là parce que c'est des organismes subventionnaires qui occupent une place importante dans le développement des arts, des lettres et de la culture en général.


Auditions

Alors, je vais demander aux représentants de l'Association de se présenter et, ensuite, de nous présenter leur mémoire.


Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ)

M. Baylaucq (Philippe): Eh bien, merci de votre accueil. Moi, je me nomme Philippe Baylaucq, je suis cinéaste et je suis président de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec.

Le Président (M. Rioux): Puis Mme Lupien.

Mme Lupien (Lucette): Je suis Lucette Lupien, la directrice générale de la même Association.

Le Président (M. Rioux): Mme Lupien est très connue, il faut le dire. Alors, qui présente le mémoire? C'est M. le président?

M. Baylaucq (Philippe): En fait, oui, le président va présenter le mémoire, mais il va être précédé de Mme la directrice qui va vous dire quelques mots sur l'historique de l'Association pour ceux et celles qui ne la connaissent pas très bien.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Lupien, on vous écoute.

Mme Lupien (Lucette): Alors, je reprends un petit peu la structure de notre mémoire juste en même temps pour vous le remettre à la mémoire aussi. L'Association en fait est née en 1964. Elle s'appelait alors l'Association professionnelle des cinéastes et regroupait alors tous les gens du métier: réalisateurs, producteurs et techniciens. En 1973, des réalisateurs se sont incorporés sous le nom de l'Association des réalisateurs de films du Québec. Par la suite, nous sommes devenus un syndicat, en 1981, sous la Loi des syndicats professionnels. En 1991, on a aussi changé notre nom, mais un petit peu parce que le milieu change et on voulait que les gens de la télévision se sentent plus représentés, se sentent plus chez eux dans notre Association.

Nous avons, en 1995, été reconnus par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes du Québec et nous représentons depuis, entre guillemets, comme c'est indiqué, tous les réalisateurs et réalisatrices de films, à l'exception de ceux qui oeuvrent à la réalisation de films en langue anglaise dans la province de Québec.

En 1997, le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs a accrédité l'ARRQ pour le secteur... je vous fais grâce du détail, mais il y a à peu près l'équivalent. En 1997, nous avons à nouveau changé notre nom pour devenir l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec. Si vous croyez qu'on est volage parce qu'on change notre nom souvent, je dirais plutôt qu'on est souple et on s'adapte à la réalité au fur et à mesure qu'elle se transforme.

Le mandat général de l'ARRQ, c'est de s'employer à la défense et au développement des intérêts professionnels, économiques, culturels, sociaux et moraux de ses membres. Nous avons le mandat de représenter les réalisateurs et les réalisatrices dans toute occasion et dans tout dossier.

On voudrait passer brièvement sur les principaux dossiers de l'ARRQ, un peu pour vous situer, parce qu'on est à la fois, comme je disais, un syndicat et une association. Donc, on se donne et on s'est toujours donné depuis le début des mandats sur le plan culturel. On se sent donc aussi une certaine responsabilité, les réalisateurs, sur le plan de la vie culturelle, mais aussi au niveau du public.

Le Président (M. Rioux): ...statut juridique, vous êtes un syndicat professionnel?

Mme Lupien (Lucette): Oui, tout à fait.

Le Président (M. Rioux): O.K. Très bien. Continuez.

(9 h 40)

Mme Lupien (Lucette): Alors donc, on a toujours privilégié une vision d'ensemble de la vie culturelle au Québec, et c'est aussi pourquoi on a travaillé souvent sur des dossiers qui regroupent les autres associations. On essaie toujours de travailler ensemble. Le Québec est quand même petit, et on a intérêt, même si souvent on doit se battre sur le plan syndical, sur les autres plans de la vie culturelle, il est important qu'on travaille tous ensemble. Ainsi donc, c'est à l'initiative de l'ARRQ que se créait, au printemps 1998, la Coalition pour la diversité culturelle, qui regroupe maintenant les principales associations professionnelles du secteur de la culture dans l'ensemble, dans le contexte des ententes internationales qui menacent la liberté des pays d'adopter les politiques nécessaires au soutien de la diversité des expressions culturelles. Il était important qu'on puisse se regrouper et faire des pressions sur ce plan-là. La Coalition maintenant vole de ses propres ailes grâce au soutien financier du gouvernement du Québec – et on en profite pour vous en remercier – de la SODEC aussi et du ministère du Patrimoine canadien.

Aussi, avec la Directors Guild of Canada, on a commencé à mettre sur pied un réseau international d'associations de réalisateurs. Ça a commencé avec quatre associations à l'été 1998, et maintenant il y a des représentants de 25 pays qui y siègent.

On a aussi, en 1997, créé la Maison de la réalisation, qui est un lieu de réunions, de débats, d'expositions, de projections aussi et de rencontres avec les réalisateurs qui proviennent de l'étranger. On a voulu que la Maison de la réalisation soit un pied-à-terre pour les réalisateurs de l'étranger, ce qui nous permet aussi, depuis ces rencontres avec les associations dans les autres pays, d'avoir l'équivalent, la réciprocité. Ainsi, nos réalisateurs sont maintenant bienvenus dans la plupart des associations de réalisateurs à l'étranger, ce qui facilite les démarches quand il s'agit d'aller tourner à l'étranger.

Aussi, depuis 1998, l'ARRQ organise l'événement Cinéastes à votre porte! . C'est un petit événement, mais je trouve important qu'on puisse vous le mentionner. Avec le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, on organise des tournées où les réalisateurs sont présents. Ils présentent leurs films et ils discutent avec le public ensuite. C'était pour nous un projet-pilote qu'on voudrait voir élargir à l'ensemble du Québec, parce qu'on pense que les rencontres entre les cinéastes et leur public sont extrêmement importantes à la fois pour les cinéastes et à la fois pour le public. C'est toujours très enrichissant. Et on trouve aussi que, étant donné que l'État dépense beaucoup d'argent pour faire des films, il est important que le public les voie. Alors donc, ce projet-là, maintenant, le Conseil des arts de la Communauté urbaine l'a fait sien. Il deviendra permanent à partir de cette année sans qu'on ait à s'en occuper de façon régulière, c'est eux qui en prennent la charge. On va donc s'attacher maintenant à l'élargir.

Ensuite, outre le bulletin mensuel que l'on publie pour nos membres, l'ARRQ prépare un bottin et un site Internet pour les 275 membres de l'Association. En fait, j'aurais dû dire, ici, à la fois pour tout le milieu professionnel, parce que c'est plutôt les producteurs qui utilisent un tel site, puisque, quand ils sont à la recherche de réalisateurs, ils ont besoin d'une banque de données à jour, mais c'est aussi pour les étudiants et pour le grand public.

Et nous publions des études. La dernière, je crois, était La profession de réalisateur multimédia au Québec , à l'été 1999. Et nous déposons, comme aujourd'hui, des mémoires auprès des instances concernées, toujours avec l'objectif de défendre et de promouvoir la profession.

Par la suite, on mentionne aussi les ententes collectives qu'on a négociées. À cet égard, on a négocié la première entente collective intervenue au Canada entre une association de réalisateurs et une association de maisons de production, qui concernait, en 1989, le long métrage, salles et télévision. Depuis plusieurs années, on négocie encore avec la même association de producteurs pour obtenir une entente collective pour couvrir le secteur de la télévision. Le dossier est maintenant devant le médiateur.

En gros, voilà ce qu'est l'Association qui est ici pour vous rencontrer. Merci.

M. Baylaucq (Philippe): Merci, Lucette.

Le Président (M. Rioux): M. le président.

M. Baylaucq (Philippe): Alors donc, premièrement, M. le Président, Mmes, MM. les députés, merci de nous accueillir ce matin pour entendre nos propos sur ces questions.

Premièrement, comme vous le dites, cette revue concerne le CALQ et la SODEC. En ce qui concerne les membres que nous représentons, évidemment, la plupart de nos activités sont faites sous l'égide de la SODEC. Donc, je peux dire que, de façon générale, on appuie complètement les activités du CALQ et on appuie l'idée qu'ils aient un financement accru, mais, en ce qui concerne nos propos, on va surtout se pencher sur l'activité de la SODEC.

Alors, l'ARRQ entend faire porter l'essentiel de ses brefs commentaires sur la SODEC, puisque c'est avec cette dernière qu'on entretient des relations suivies relativement à la profession. En effet, c'est à la SODEC que s'élaborent et sont appliquées les politiques gouvernementales qui ont une influence prépondérante sur la production et la diffusion des oeuvres audiovisuelles. L'audiovisuel est certes l'art marquant du XXe siècle. Via les nouvelles technologies de création et de diffusion, il sera encore davantage présent au XXIe siècle et continuera d'être la façon la plus populaire de raconter une histoire et de la faire connaître de par le monde. C'est pourquoi il est important pour la culture québécoise que le gouvernement continue d'apporter son soutien aux créateurs par le financement de la production et de la diffusion des oeuvres audiovisuelles.

Nous, à l'ARRQ, on trouve qu'il est absolument essentiel que les instances gouvernementales s'appuient sur leurs créateurs. On pense que, au coeur de l'audiovisuel, il y a en fait un noyau qui est le noyau de création, une espèce d'équipe que j'appelle, moi, le triumvirat, qui tourne autour de «scénariste, producteur, réalisateur». Au niveau des politiques, au niveau des orientations prises, on trouve qu'il est essentiel que ce noyau-là soit consulté le plus souvent possible. Donc, nous demandons que ces politiques s'appuient sur les créateurs et favorisent la continuité dans l'oeuvre des créateurs et que ceci soit remis au centre du processus de décision.

Le milieu audiovisuel est en constante mouvance: fusions d'entreprises, ouverture de nouveaux canaux spécialisés, expérimentations sur l'Internet, naissance de nouvelles maisons de production. Il est difficile pour les associations comme la nôtre de bien suivre ces mouvements et d'en comprendre les effets à court et à moyen terme.

Plusieurs maisons de production, appuyées par l'État dans l'éventualité de créer une véritable industrie audiovisuelle, sont maintenant cotées en Bourse et se tournent vers le marché international. Elles demandent de nouvelles conditions de financement et n'ont souvent plus le marché québécois comme principale visée. Ce qui semble a priori une réussite quant aux objectifs visés apparaît plutôt inquiétant à moyen terme. Le marché international se conquiert en anglais, avec des valeurs internationales. Sur le budget de coproduction Canada-France, par exemple, de 291 000 000 $ en 1999, 63 %, en hausse de 32 % depuis 1996, est affecté à des projets en animation dont la langue de réalisation est si peu déterminante qu'elle n'est même pas identifiée. Est-il possible dans ces conditions de maintenir une création québécoise qui rejoigne d'emblée son public?

Les critères des institutions publiques pour accorder leur aide sont établis sur la base d'un projet précis de soutien à la production de contenus culturels nationaux. Cet objectif est d'autant plus important au moment où les négociations concernant la diversité culturelle sur le plan mondial vont reprendre de plus belle. Des productions destinées uniquement au marché international ont-elles leur place dans les priorités du ministère de la Culture et des Communications? Et ne prêtent-elles pas le flanc ainsi justement aux velléités de représailles de la part des pays membres d'organisations internationales, telle l'Organisation mondiale du commerce?

Il est donc clair pour nous que les initiatives de l'État en matière culturelle doivent absolument s'appuyer sur ses créateurs. Les politiques de l'État en matière d'audiovisuel doivent s'inscrire dans un projet de société.

Nous recommandons que soit créée une veille de l'audiovisuel, que ses recherches et ses conclusions soient mises à la disposition du milieu audiovisuel et que cette veille soit confiée à la SODEC.

Nous recommandons que, au moment où le choix des oeuvres à réaliser est de plus en plus déterminé par les diffuseurs, les commanditaires et les ventes à l'étranger, la SODEC priorise le noyau de création «producteur, réalisateur, scénariste» dans la détermination de ses priorités et le choix des projets retenus.

Nous recommandons que les réalisateurs et les réalisatrices soient autorisés, pour certains types de production, à s'autoproduire et à assumer à la fois la responsabilité de la réalisation et de la production.

L'appui de l'État à la production doit essentiellement être réservé aux contenus culturels nationaux, et ceci, je dirais, afin d'assurer un rayonnement des différentes visions du monde tout en mettant l'emphase sur la vision du monde qui nous appartient ici, une vision du monde qui se conjuge par notre langue française d'Amérique.

La transparence et l'accès à l'information. Dans un communiqué publié conjointement par la Société des auteurs de radio, de télévision et de cinéma, la SARTEC, l'Union des artistes, l'UDA, le 8 octobre 1999, l'ARRQ rappelait que l'ensemble des créateurs, artistes et artisans oeuvrant dans l'audiovisuel et la production québécoise sont en droit d'exiger des producteurs privés qui administrent des fonds publics rigueur, transparence et imputabilité dans la gestion de ces fonds. L'ARRQ a renouvelé à Mme Agnès Maltais, ministre de la Culture et des Communications, l'assurance de sa totale collaboration lors d'une table ronde le 13 décembre dernier. Il incombe aussi aux agences de financement comme la SODEC de surveiller étroitement la gestion de ces entreprises et de s'assurer que les sommes investies soient dépensées à bon escient.

(9 h 50)

Par ailleurs, l'ARRQ appuie vigoureusement les recommandations du rapport Lampron de novembre 1999. De façon plus particulière, l'ARRQ propose que la SODEC rende disponible sur une base mensuelle toute l'information pertinente relative à ses décisions sur l'attribution de soutien public: aides sélectives, investissements et subventions; et des mesures fiscales: crédit d'impôt en décision préliminaire ou finale.

Les membres de l'ARRQ nous ont fait part récemment d'une diminution très inquiétante de la qualité des conditions de travail: diminution du temps de préparation, de tournage et de montage des émissions; diminution du nombre de membres de l'équipe; stagnation et diminution des cachets; plus grave encore, absence de respect de la responsabilité du réalisateur et de l'intégrité de sa tâche; et refus de reconnaître le droit d'auteur du réalisateur sur son oeuvre. De plus, le réalisateur est le seul membre de son équipe à ne bénéficier d'aucune assurance collective, ni fonds de retraite, ni vacances.

Le respect de l'espace de création, de la tâche et des responsabilités du réalisateur et des conditions de travail décentes contribuent à assurer la qualité des oeuvres offertes au public québécois. En l'absence de plus en plus dévastatrice d'une entente collective entre l'APFTQ, c'est-à-dire l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, et les associations de réalisateurs, l'ARRQ et le Conseil québécois de la Guilde canadienne des réalisateurs, nous demandons que les contrats des réalisateurs soient systématiquement déposés à l'ARRQ ou au CQGCR, selon la juridiction concernée, à savoir évidemment si c'est réalisé en français ou en anglais. Nous considérons qu'il y a lieu de s'interroger sur la répartition des investissements dans la chaîne de production afin que les sommes investies profitent à la création et à la culture.

La participation des associations aux instances de consultation et de décision de la SODEC. Afin que les créateurs et créatrices participent davantage au processus de consultation et de décision de la SODEC, l'ARRQ considère que le conseil d'administration de la SODEC doit faire place à davantage de créateurs et de créatrices, là où on ne trouve qu'un seul représentant des créateurs par rapport à 10 du milieu des affaires, une disproportion que nous trouvons très fâcheuse, le moins qu'on puisse dire.

À l'occasion d'une récente réunion de la Commission mixte audiovisuelle Canada-France, Téléfilm Canada a réuni les principales associations professionnelles de l'audiovisuel. La rencontre préparatoire de consultation a donné lieu à des échanges extrêmement intéressants sur un certain nombre de dossiers considérés comme prioritaires par l'une ou l'autre des associations présentes, ce qui a permis une meilleure compréhension des enjeux pour l'ensemble des participants. Inspirés par le succès de cette réunion-là, nous recommandons que la SODEC réunisse au moins une fois l'an l'ensemble des associations professionnelles de l'audiovisuel afin de favoriser l'échange et la collaboration sur les objectifs et les enjeux de l'ensemble du milieu.

Enfin, la production destinée à l'Internet. Évidemment, vous le savez aussi bien que nous, toutes ces choses-là évoluent à une vitesse effarante. On n'a pas le temps de s'adapter à la dernière technologie que la nouvelle rentre par la porte de devant. Alors, à l'Association, avec tous les dossiers avec lesquels nous jonglons, en fait on se rend compte que, bien qu'on n'ait pas toujours les ressources pour s'attaquer convenablement à ces choses-là, il faut commencer au moins à poser des questions. Et nous avons besoin de l'aide du gouvernement, et nommément des instances culturelles du gouvernement, pour nous aider à identifier, je dirais, le paysage de l'avenir de ces technologies et comment elles vont affecter les octrois et éventuellement le rayonnement, pour ne pas dire la survie d'une culture québécoise en audiovisuel.

Donc, la production linéaire destinée exclusivement au réseau Internet, c'est-à-dire celle qui ne fait pas appel à l'interactivité, productions représentées par l'APMQ, l'Association des producteurs multimédia du Québec, et qui n'est pas un produit dérivé des émissions de télévision, est déjà en cours aux États-Unis. De nombreuses émissions destinées exclusivement au marché Internet sont annoncées pour les mois prochains. Leur mode de financement ne fait pas appel aux sources traditionnellement utilisées pour la diffusion en salle ou à la télévision. L'ARRQ est très préoccupée de ce nouveau mode de production et de diffusion.

En tenant compte du fait que les investissements de l'État, via la SODEC, dans la production multimédia sont conditionnels à la rentabilité des projets proposés par les producteurs et non conditionnels à la créativité, à l'imaginaire de ses créateurs, est-ce que la culture québécoise y sera présentée-diffusée? Est-ce qu'une production québécoise est prévue et planifiée pour ce réseau? Si oui, quelles en seront les modalités de production et de financement? Est-ce que les droits des auteurs-réalisateurs seront protégés? Est-ce que les conditions de travail en vigueur dans l'industrie de l'audiovisuel s'appliqueront? Est-ce que le ministère et la SODEC se penchent présentement sur ces questions? J'imagine que oui. Est-ce que le ministère et la SODEC prévoient consulter le milieu sur cette question éminemment importante pour l'avenir de l'audiovisuel québécois? Nous recommandons que le ministère de la Culture et des Communications ainsi que la SODEC se penchent rapidement sur la problématique de la production destinée au réseau Internet et qu'ils associent le milieu professionnel de l'audiovisuel à leur démarche.

Donc, finalement, que la lumière soit faite sur toute l'activité audiovisuelle québécoise. Le 13 décembre dernier, Mme Maltais annonçait que la SODEC allait consulter les associations professionnelles en janvier 2000 sur les modalités d'attribution des crédits d'impôt. Mme la ministre devait également se prononcer rapidement sur les modalités d'élection des membres du CNCT. L'ARRQ souhaite vivement que les recommandations identifiées par le rapport Lampron ainsi que les recommandations de l'ARRQ soient prises en considération par la ministre de la Culture et des Communications et qu'un suivi y soit apporté le plus rapidement possible autant pour le bénéfice des professionnels du milieu audiovisuel que pour le public québécois dans son ensemble.

Alors, voilà, c'est ainsi que nous vous remercions de votre écoute. Comme vous voyez, il y a plusieurs points qui nous intéressent, et on est là pour répondre aux questions que vous pourriez avoir sur les détails de toutes ces questions, en espérant que, avec le temps qu'il nous reste, on puisse au moins effleurer quelques-unes de ces questions. Voilà.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Baylaucq et Mme Lupien. C'est vrai que votre mémoire est d'une grande clarté. Ça va certainement nous aider. Pour la période de questions, alors on va suivre la même méthode qu'hier: on va diviser les interventions des députés de l'opposition et du parti au pouvoir par des blocs de 10 minutes, en commençant par le côté ministériel.

Moi, j'aurais une petite question, parce que vous vous préoccupez beaucoup du phénomène de la mondialisation et de son impact sur l'avenir culturel d'une communauté comme la nôtre. Moi, j'aimerais que vous nous disiez... Je sais que vous ne nous avez pas développé ça dans votre mémoire, mais je profite de votre passage ici parce que vous êtes impliqués dans la Coalition. Voyez-vous une menace réelle ou appréhendée lorsque vous regardez, par exemple, l'objectif de l'Organisation mondiale du commerce de faire de la culture une marchandise comme les autres?

M. Baylaucq (Philippe): Bien sûr que oui, dans le sens que, dans la démarche de cet organisme, comme vous le savez bien, une des choses qui est mise sur la table, c'est l'idée que les subventions gouvernementales, si on leur permet de continuer à exister, auraient à être en fait disponibles, ouvertes à tout le monde. Pour sursimplifier, si vous voulez, c'est comme si je vous disais que, selon ces nouvelles modalités internationales, n'importe quelle instance membre de cette communauté internationale pourrait venir au même guichet québécois ou canadien pour toucher des subventions, des deniers publics. Donc, évidemment, ça ferait beaucoup de gens au guichet, d'une part.

(10 heures)

D'autre part, la mondialisation de la culture, bon, c'est un gros monstre. Je vais essayer d'en décrire quelques-unes des facettes. Évidemment, tout ça est géré par des questions d'offre et demande et de marché. Et je n'ai pas besoin de vous faire de dessin que le marché se décline de plus en plus souvent en fonction de la langue anglaise. Donc, c'est dire que les cultures minoritaires, les cultures régionales, locales qui défendent la survie de vision, de mode de vie et de langue, auront gros à faire à tenter de survivre dans un domaine où de plus en plus la langue de création devient l'anglais. Vous le lisez dans les journaux, en tout cas vous allez le voir aux écrans, de plus en plus souvent, à l'heure où on se parle, les compagnies de production québécoises développent des projets en anglais, tant au niveau de la télévision qu'au niveau du long métrage. Alors, moi, je pense que, en ce qui concerne évidemment les préoccupations du gouvernement québécois, il y a à se pencher sur cette question de façon à s'assurer qu'une production, enfin une activité culturelle québécoise puisse continuer à s'épanouir en français.

Et je veux juste finir rapidement sur la notion que, bon, il y a une part de philosophie là-dedans, j'imagine, mais il y a la question qu'on se pose toujours: Est-ce qu'on réussit à rejoindre les marchés internationaux en essayant de créer un produit qui réussit à toucher le plus grand nombre de personnes possible dans le plus grand nombre de cultures possible ou, en revanche, est-ce qu'on peut réussir à rejoindre l'universel en étant fondamentalement soi?

Je n'ai pas besoin de refaire la liste. Combien de films, souvent pas faits avec des grands budgets, réussissent à percer les frontières des pays où ils ont été faits, que ce soient des films turcs, que ce soient des films grecs, que ce soient des films espagnols, et ça, sur le simple fait de la réputation des créateurs qui ont fait le film, du réalisateur, mais aussi parce que le film réussit, dans sa facture, à toucher l'universel.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je pense que, pour donner suite à ce que vous avez dit tout à l'heure d'ailleurs, je veux commencer par vous remercier d'être ici ce matin et vous féliciter. Je pense qu'on voit, dans la présentation de votre organisme, que le dynamisme ne fait pas défaut. Et d'ailleurs, pour donner suite à ce que vous venez de dire, je pense qu'on a eu très récemment des illustrations éloquentes de ce que vous avez dit. Par exemple, dans le succès de Notre-Dame-de-Paris , où c'est à la fois quelque chose qui est universel sur le plan horizontal, c'est-à-dire qui est historique mais pas seulement au sens historique d'un moment de l'histoire, c'est qu'il présente une vision de l'histoire à travers les cycles que doivent vivre nécessairement les différentes civilisations. Et il le fait d'une façon dont on se sent très proche. Alors, je pense qu'il y a quelque chose de génial là-dedans, et c'est peut-être le génial qui rejoint l'universel, parce que, tout en étant très particulier, il devient présent à chacun un peu n'importe où dans le monde. On dit que ça fait fureur aussi à l'étranger. Alors, je pense qu'on a une illustration, là, qu'en encourageant une culture locale on encourage l'émergence d'un certain nombre de productions dont quelques-unes iront rejoindre l'universel, je pense. Et, dans ce sens-là, c'est sûr que votre travail est très important, et il est très important aussi qu'il soit respecté.

Vous dites, à la page 8 de votre document, vous parlez d'une «absence de respect de la responsabilité du réalisateur et de l'intégrité de sa tâche». Une chose. Et, deuxièmement, «refus de reconnaître le droit d'auteur du réalisateur sur son oeuvre». On a entendu parler beaucoup du droit d'auteur hier, je suis très heureux d'en entendre parler de nouveau aujourd'hui. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus ce que vous voulez dire par l'«absence de respect de la responsabilité du réalisateur et de l'intégrité de sa tâche», et peut-être aussi ajouter quelques mots sur le droit d'auteur.

M. Baylaucq (Philippe): Encore une fois, de façon à être bref, je vais peut-être pécher par une sursimplification, mais vous me le pardonnerez. Il faut comprendre que le paysage audiovisuel québécois, il est, évidemment, hétérogène. Il faut comprendre qu'il y a toutes sortes de genres de production et toutes sortes de tailles de boîte de production.

Parlons de la télévision, parlons du cinéma. Le cinéma favorise, depuis presque 40 ans – en tout cas, au moins 35 ans – une approche qui met au centre du processus le créateur, à savoir scénariste, réalisateur, scénariste-réalisateur si c'est la même personne, et le producteur a à évoluer avec ce projet pour en fait jouer un peu le rôle d'une sage-femme, c'est-à-dire faire en sorte que le film se fasse. Cette culture, elle est à la fois européenne, et nous l'avons adoptée au Québec via, bon, ce qui a été développé pendant les années soixante à l'ONF et ailleurs. Et cette culture cinématographique, donc, privilégie cette relation-là.

D'un autre côté, du côté de la télévision, il faut comprendre que notre influence principale, c'est les États-Unis. Si, au cinéma, le Québec a eu une certaine influence européenne, la télévision a été beaucoup influencée par les États-Unis où prévaut depuis longtemps, et surtout aujourd'hui, ce que nous appelons la «producer's medium», à savoir que la perception est de voir le producteur comme le maître d'oeuvre. Autrement dit, le producteur conçoit une idée générale, embauche scénariste, équipe, éventuellement réalisateur, et s'organise pour porter à l'écran ce qui, au départ, était une vision vague qui, avec talent et argent, se concrétise.

Et le problème au Québec – c'est là où je réponds finalement à votre question de comment notre espace de création, nous, les réalisateurs, est affecté – c'est qu'il y a des boîtes de production qui sont devenues très grandes, certaines avec l'aide du gouvernement, certaines cotées en Bourse, qui, à la fois pour survivre sur le marché international et aussi pour occuper le plus de place possible au Québec, fonctionnent selon le «producer's medium», à savoir fonctionnent avec des projets qui sont souvent présentés par des producteurs et fonctionnent avec la philosophie du réalisateur embauché pour faire en sorte qu'un concept soit porté à l'écran, ce qui en soi n'est pas une mauvaise chose.

Le problème, c'est lorsque cette politique-là, cette façon de faire du «producer's medium» – «money decides all» – se répercute sur les autres modes de production au Québec qui sont, à notre avis, en tout cas, plus caractéristiques de ce que nous sommes, de la place que prend notre culture sur la scène internationale et plus proche d'une certaine tradition. Et c'est là qu'on rejoint le portrait que je faisais du cinéma. Et ça, je vous donne mon avis tout à fait personnel, je ne sais même pas dans quelle mesure je parle pour tous mes collègues, mais je peux vous dire que je crois que les oeuvres audiovisuelles, qu'elles soient télévisuelles ou cinématographiques, les meilleures de ces oeuvres sont souvent sinon toujours le résultat d'une synergie très particulière entre un scénariste, un producteur et un réalisateur.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Frontenac, rapidement, parce qu'on va gérer le temps avec rigueur.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie pour votre mémoire. À la page 7, vous avez des recommandations. Vous recommandez que soit créée une veille de l'audiovisuel, à ce moment-là, et que ça soit confié à la SODEC.

Alors, ma question est triple, M. le Président: Est-ce que vous pouvez élaborer sur la structure? Deuxièmement, hier on a parlé de la création d'un observatoire. Est-ce que ça ne pourrait pas faire partie, ça, du mandat? Et qu'est-ce que vous pensez de la création? Qu'est-ce que ça pourrait vous apporter, ça, la création d'un observatoire?

M. Baylaucq (Philippe): Bien, écoutez, je ne sais pas dans quelle mesure veille et observatoire peuvent être considérés un peu synonymes, mais, en ce qui concerne la structure même, je dirais qu'elle doit être la plus représentative du milieu. Le gouvernement a mis sur pied des lois pour définir les associations professionnelles. Le gouvernement, via la SODEC, aide certaines de ces associations professionnelles dont nous faisons partie. Et je crois que, surtout depuis trois, quatre ans, malgré, comme le mentionne Lucette, que nous avons souvent des différends et que nous sommes en négociations, etc., il s'est tissé à l'intérieur du milieu beaucoup d'initiatives où nous nous rencontrons plus souvent, nous partageons des avis et des informations sur des sujets.

La veille, elle, je crois, devrait tirer avantage de cette concertation qui se fait déjà dans le milieu. Donc, peut-être que cette veille pourrait avoir des représentants des associations, par exemple. Ça, c'est un aspect. L'autre aspect que je trouve vraiment très important, c'est que la veille, ce regroupement de gens qui se pencheraient sur un nombre x de questions, ait des contacts avec l'étranger, tout particulièrement la France, parce qu'il faut comprendre que nous ne sommes pas les seuls à nous pencher sur ces questions-là.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Merci pour la qualité de votre mémoire. Effectivement, vous soulevez une série de questions extrêmement intéressantes.

(10 h 10)

Peut-être, d'entrée de jeu, j'aimerais avoir votre opinion. Vous mentionnez, à la toute fin, que vous souhaitez, comme plusieurs d'entre nous, je crois, là, que la lumière soit faite sur toute l'activité audiovisuelle québécoise. On fait référence à plusieurs types d'allégations qui ont eu cours au cours de l'automne. Hier, j'ai eu l'occasion, effectivement, d'expliquer qu'on est parti d'allégations sur des notions de fraude, mais que finalement tout ce débat a permis aussi de poser des questions assez claires sur, par exemple, si le niveau de risque pris entre nos sociétés d'État et les producteurs privés dans le domaine du cinéma et de la télévision, si le partage du risque était suffisant. Mais aussi, ultimement, je pense que peut-être que, dans tout ça, la question la plus importante, vous l'abordez, je crois, par un de vos commentaires. C'est lorsque vous dites qu'il y a peut-être lieu de s'interroger si la répartition des investissements dans la chaîne de production, si les sommes investies, entre autres les sommes provenant d'argent public, profitent vraiment à la création et à la culture.

Donc, vous mentionnez que vous souhaitez aussi que toute la lumière soit faite. On a reçu hier le président de la SODEC. Vous appuyez les recommandations du rapport Lampron. Hier, on a pu avoir une information, à savoir, par exemple, qu'une des recommandations du rapport Lampron, qui était la présence de quelqu'un du ministère du Revenu au sein de la SODEC pour suivre ça, il semblerait, on a appris hier qu'on ne juge pas que c'est pertinent. Cette recommandation-là ne sera pas suivie.

Donc, vous nous mentionnez vous-même que vous devriez avoir, au moment où on se parle, puisque c'est en janvier de l'an 2000 que, entre autres, la ministre devait vous revenir par rapport à certaines considérations dans tout ce dossier... Moi, j'ai envie de vous demander si, vous, vous avez un éclairage à nous donner. Autrement dit, dans cette situation où plusieurs ont demandé que la lumière soit faite sur l'activité audiovisuelle québécoise, selon vous, à partir de vos rencontres, et tout ça, on en est où? Et est-ce que le niveau de confiance, entre autres, du public est restauré? Et est-ce qu'on aborde vraiment des questions aussi fondamentales, entre autres, par exemple, sur la répartition de l'effort public entre la création et l'aspect, comment je pourrais dire, plus entrepreneurial ou business, là? On en est rendu où, selon vous, dans tout ce dossier?

Le Président (M. Rioux): M. Baylaucq.

M. Baylaucq (Philippe): Bon, écoutez, il y a plusieurs façons d'aborder la question. On en est rendu où? Et quelle serait donc la perception du public de cette question-là? Je ne veux pas minimiser la question, je la trouve extrêmement grave. Je pense que tout ça se conjugue un petit peu au battage médiatique. Je pense qu'à partir du moment où les médias en parlent moins, il y a moins de tapage autour de la question, mais ce n'est pas pour dire autant qu'elle est en train de disparaître.

Pour répondre spécifiquement à ce que vous dites sur cette question, en ce qui concerne les réalisateurs, les créateurs, je vois qu'il y a deux problèmes. Le public a, avec ce qui est sorti à l'automne, une certaine perception. Ce qui nous inquiète énormément, c'est que cette perception fasse en sorte qu'il reste avec l'idée que le milieu est véreux, qu'il y a des gens qui profitent et que les argents publics sont dépensés à gauche et à droite, de façon irresponsable. Je le mets au pire, là. Il y a cette dimension-là. Autrement dit, quelle est la perception du public vis-à-vis de la réalité? Il y a des enquêtes, comme vous savez, qui sont en cours afin d'aller sonder, essayer de trouver l'échelle et la gravité du problème. On attend le rapport fédéral du ministère de Mme Copps. Je suis sûr que les questions vont être remises sur la table d'une façon assez sérieuse en réaction à ce rapport-là. Il y a cet aspect-là.

Si on réexamine la question, si vous voulez, à l'intérieur d'une échelle qui correspond plus au milieu – je mets de côté pour le moment le public – il y a deux choses, nous, qui nous préoccupent au niveau des réalisateurs. Bon, ça, ça remonte en fait à toute la structure de nos instances gouvernementales, celles qui ont la responsabilité de distribuer des sous publics à des créateurs. De la façon dont les institutions ont évolué depuis 20 ans, parce qu'il fallait bien, si vous voulez, trouver le trait d'union entre l'argent du peuple, l'argent du gouvernement, et les créateurs, on n'allait pas quand même leur donner directement l'argent, on a établi une culture autour de producteurs qui étaient donc les premiers reçus par les institutions et qui sont, par la force des choses, responsables des budgets et responsables de la distribution de ces sous-là. Bon, ça fait 10, 15, 25 ans qu'on a ça.

Et ce que, nous, nous posons comme question, les réalisateurs, c'est à savoir: Dans un État où la très grande proportion de la production audiovisuelle est financée par l'État, comment se fait-il que les joueurs principaux fonctionnent selon une hiérarchie très précise, genre les producteurs sont toujours les premiers reçus, ce sont les premiers interlocuteurs en ce qui concerne les instances gouvernementales, et les créateurs des oeuvres viennent après? Autrement dit, la question qu'on pose, c'est: Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un équilibre de recréé de façon à ce que les joueurs, créateurs, producteurs, soient plus vus sur un pied d'égalité?

Le Président (M. Rioux): Oui. Il y a le député d'Outremont immédiatement après vous.

Mme Beauchamp: Oui. Je vous remercie de cet éclairage-là. Et vous en faites part aussi dans votre mémoire, là, la présence un peu plus aussi des réalisateurs directement en première ligne. Comme producteur, même, vous le mentionnez. Mais ma question était plus le fait que... Vous savez, on parle d'augmentation de budgets, et tout ça, et il faut le faire dans un contexte où la population est rassurée sur nos modes de gestion. Ma question, elle portait plus sur, en ce moment, par rapport à ce qui se passe ici, l'action de la SODEC, l'action de la ministre, vous appuyez le rapport Lampron, et tout ça, je me dis juste: On en est rendu où?

Vous deviez avoir des nouvelles, par exemple, par rapport à... Vous dites qu'on devait consulter, en janvier de l'an 2000, les associations professionnelles sur les modalités d'attribution des crédits d'impôt. Est-ce que, vous, vous avez une image claire de quelles sont les recommandations du rapport Lampron qui seront suivies? Quelles sont les recommandations qu'on n'est pas en train de suivre? Est-ce que vous trouvez que le niveau de transparence sur qu'est-ce qui est vraiment en train de se passer autour de ce rapport Lampron, ses différentes recommandations... Est-ce que, vous, vous avez une image claire de ça, en ce moment?

M. Baylaucq (Philippe): Bon. Je vous dirais que l'image avec laquelle nous sommes restés, c'est l'image qui a été en fait créée autour de la table lorsque nous nous sommes rencontrés, avec la ministre. Moi, j'ai été le premier à le dire, la rencontre a été extrêmement bien organisée, elle s'est bien déroulée et elle a, si vous voulez, non pas éteint mais elle a comme remis un peu le calme puisqu'elle a assuré un dialogue entre les différents intervenants du milieu, et ça, devant la ministre qui, elle, à mon avis, a très bien résumé pour les médias l'ensemble des choses qui ont été dites. Un.

Deux. Il y a eu des changements à la tête de la SODEC et nous donnons un petit peu de temps à M. Lafleur afin de prendre sa place et de prendre un peu en charge les choses. L'idée, ce n'était pas nécessairement de lui tomber dessus le 1er janvier. Là, on sent que la sortie – et là je le répète – du rapport Copps va précipiter des réactions et va relancer le débat, et c'est là que nous allons non pas exiger, mais en tout cas demander de voir comment le dossier a été développé du côté provincial.

Le Président (M. Rioux): Merci.

Mme Lupien (Lucette): Est-ce que je pourrais rajouter quelques mots?

Le Président (M. Rioux): Oui.

Mme Lupien (Lucette): Tout simplement pour dire que, dans les demandes qu'on a faites aussi à la ministre et à la SODEC, on a demandé beaucoup que l'information nous soit transmise sur les budgets. Quand on n'est pas au courant de comment l'argent se répartit dans un budget, et que c'est une chose qui se passe entre les institutions et les producteurs, et que, parce que le producteur veut négocier avec les créateurs, il ne dit pas de quel montant il dispose, ça crée aussi une situation où les créateurs ne sont pas au courant de qu'est-ce qui se joue sur leur tête, finalement, sur leur talent, et puis on s'est retrouvé, à un moment donné, donc, dans toute cette affaire, où c'était tout le milieu audiovisuel qui était éclaboussé.

Donc, c'est extrêmement important pour nous, même si on donne un peu de temps à la SODEC et à la ministre de nous donner des éclairages, que ça se fasse, parce que c'est aussi les créateurs qui sont pénalisés dans cette question-là. Je voulais rajouter ça.

M. Baylaucq (Philippe): Et je rajouterais brièvement, pour enchaîner, que, bon, vous savez, je vous ai décrit un petit peu les conditions de travail des réalisateurs qui sont de plus en plus resserrées. C'est rare que les réalisateurs aient accès au menu détail des budgets. Donc, quand il y a eu tout ce qui est sorti à l'automne, on s'est dit: Ah, zut, alors! Comment est-ce que ça se joue, ces répartitions d'argent? Tout en étant quand même capable de faire la part des choses, à savoir: ce n'est pas vrai que ce sont tous les producteurs qui jouent à ce jeu-là.

Donc, toute la question se pose: Quelle est la proportion de ceux qui sont malhonnêtes? Quels sont ceux qui le sont moins? Et comment faisons-nous, nous, les créateurs, pour être mieux informés de comment ces argents-là sont distribués et comment ils se rendent ou ne se rendent pas à la création?

Le Président (M. Rioux): Merci.

Mme Beauchamp: Juste un commentaire. Ce n'est pas une question. Mais juste pour dire que ce besoin de transparence que vous avez par rapport aux budgets, au soutien public donc, entre autres, et tout ça, je pense que je me dois de dire qu'on en manque.

(10 h 20)

Aussi, on a besoin de transparence au niveau du processus autour des recommandations du rapport Lampron. Au moment où on se parle, on ne sait pas où est-ce que ça en est rendu. Vous le savez peut-être mieux, vous, vous êtes autour de la table, mais, par rapport au public – moi, je me considère comme faisant partie du public, je ne suis pas autour de la table – c'est clair qu'on ne sait pas où en sont rendues toutes ces démarches autour des recommandations du rapport Lampron. Mais je laisserai mon collègue poser...

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont, lorsque je reviendrai aux 10 minutes de l'opposition, vous aurez la priorité. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci. M. Baylaucq, je vous remercie pour votre mémoire qui est stimulant, articulé et concis. Je voudrais apporter notre discussion quelques moments, brièvement, sur les aspects de l'Internet. Ce qui m'a frappé dans votre présentation, surtout vers la fin, c'est une analyse semblable qui a été faite par quelqu'un, un bon Britannique qui s'appelle Robert Auger – Robert Auger, pour nous, mais effectivement écrit comme Auger, A-u-g-e-r – un homme d'affaires britannique qui a été délégué par le gouvernement britannique pour venir au Québec faire une analyse, à travers le Canada mais basé au Québec, sur l'industrie multimédia. Et je vous lis ce qu'il dit, parce que ça reprend presque mot pour mot ce que, vous, vous avez écrit, curieusement. Il parle du développement et de l'évolution au Québec de l'Internet, et je le lis bien sûr dans sa langue d'origine.

«This may set to change. There is a considerable debate in both the public and private sectors on where the industry will go from here. For British companies looking for investment in Québec, we are poised for a great breakthrough. There are numerous opportunities for U.K. companies seeking to exploit gaps in the market. The opportunities for character development, spin off TV programs, merchandizing tie-ins that can make a U.S. media product from average performer to top revenue earner. These notions are poorly understood in Québec. Rights'owners – les droits d'exclusivité, intellectual rights – focus exclusively on single market – ce que, vous, vous appelez "linear market" – thinking that they are delivering a CD-ROM product or educational software. The opportunities to extend the product into related media have never been greater but intellectual properties remain undeveloped within multimedia businesses in Québec.»

Vous, vous faites les distinctions et la problématique entre les projets qui sont rentables et les projets qui sont davantage d'ordre de la créativité, dans le sens qu'ils ne peuvent pas nécessairement garantir leur propre rentabilité. Lui, il fait le même point et il indique qu'au Québec on comprend très peu la façon d'atteindre cette pénétration par les produits dérivés sur l'Internet. Autrement dit, les gens, comme vous dites, ont accès directement à la production sur Internet sans passer par l'association, sans passer par la SODEC, souvent. Dans le paragraphe qui suit, vous suggérez, si je vous comprends bien, que peut-être les crédits d'impôt pourront être une solution à ça.

Est-ce qu'il y a d'autres façons que vous avez pour soutenir l'industrie multimédia, l'industrie productivité, pour accueillir davantage des membres chez vous, d'une part, et, d'autre part, s'assurer que l'État soit plus présent dans les projets créateurs plutôt que les projets rentables?

M. Baylaucq (Philippe): Je vous répondrai rapidement, avec deux petites réponses. Quand nous avons fait notre recherche sur le profil du réalisateur en multimédia, ce qui a été très étonnant quand on a fait notre appel puis qu'on est allé rechercher ces jeunes réalisateurs et réalisatrices, c'est qu'eux-mêmes ne savaient pas qu'ils étaient réalisateurs et réalisatrices. Autrement dit, la culture s'est développée tellement rapidement qu'ils ont accepté d'être baptisés «chargés de projet». Évidemment, c'est une façon pour les producteurs de contourner, de «bypasser», de sauter tout ce qui a été développé autour du linéaire qui assure certains acquis en termes d'autorité, de droits d'auteur, signature de l'oeuvre et éventuellement la sauvegarde et le développement, entre guillemets, d'oeuvres culturelles qui ne sont pas exclusivement orientées vers le marché. Un.

Deuxième part de ma réponse, ce serait vous dire que la façon, pour le moment, sans entrer dans les détails de comment le gouvernement pourrait financer sa participation dans ce secteur-là, je pense qu'il faut vraiment s'asseoir et réfléchir. Il faut inviter des gens comme M. Auger, inviter des gens d'autres pays, que ce soit des États-Unis ou de la France, et trouver des gens ici, qui se penchent déjà quand même depuis assez longtemps sur ces questions-là, et articuler une politique rapidement pour que nous, les associations de créateurs et de producteurs, puissions nous adapter à ces idées, les insérer dans l'ensemble de nos opérations et voir comment ce nouveau médium peut venir s'inspirer de toute la culture qui a été le produit ou enfin le résultat de 30 ans de télévision et de cinéma.

Mme Lupien (Lucette): Je pourrais rajouter un petit élément, peut-être. La télévision québécoise a rejoint son public largement, en grande partie dû aux quotas. Et quelqu'un rappelait d'ailleurs que, il n'y a pas si longtemps encore, c'était Dallas qui était l'émission la plus importante au niveau de l'audience, au Québec. Bon, on a vu que ces mesures-là avaient eu de l'effet. C'est un petit peu le problème qu'on a dans les questions du long métrage, c'est qu'il n'y a pas ce genre de quotas dans les salles de cinéma, ce qui fait qu'on a plus de difficultés, au Québec, à rejoindre notre public. C'est clair, en cinéma, on n'a pas la même cote d'amour qu'en télévision.

Ce n'est pas nécessairement un quota qui est la méthode qui s'applique à tous les secteurs, mais c'est clair que, dans le moment, les subventions de l'État pour les émissions multimédias sont basées sur la rentabilité. Or, ça veut dire aussi que les producteurs doivent trouver des idées vite, qu'ils doivent les réaliser vite et les mettre en marché vite, et ça s'applique mal, je crois, à la création. On a besoin de réfléchir, d'inventer et de prendre des risques, et on en prend de moins en moins. On n'en prend pas tellement quand on est dans ces conditions-là.

Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Vachon, rapidement.

M. Payne: Très rapidement. Juste avant les Fêtes, j'ai vu sur Internet, un réseau de diffusion, des productions court métrage. Remarquablement bien bâti, le site. En réalité, les producteurs étaient des amateurs qui, de toute évidence, sont venus avec très peu de subventions, peut-être encore moins d'orientations, mais ils ont trouvé leur niche.

Moi, je me demande où est-ce qu'on est situé avec les discussions qui étaient promises par la ministre avant les Fêtes, je pense, le mois de décembre, pour discuter tout l'aspect des crédits d'impôt et les nouvelles sources de revenus pour les projets des produits dérivés, autrement dit, de l'Internet et d'autres. Est-ce que vous êtes en discussion? Est-ce que vous avez un comité de consultation? Est-ce que, ça, c'est votre première présentation ici ou est-ce que vous orientez votre dialogue ailleurs, auprès de la ministre?

Le Président (M. Rioux): Une réponse en 30 secondes.

M. Baylaucq (Philippe): Alors, en 30 secondes, c'est, je crois, une des premières fois que nous nous présentons à des instances gouvernementales. Oui, c'est vrai que, lorsqu'on a eu la rencontre, le 17 décembre, on l'avait présenté à la ministre. Donc, le ministère est au courant, et nous attendons réponse. Nous profitons de cette occasion pour réitérer le besoin, comme je dis, d'au moins commencer à y réfléchir rapidement et agir bientôt.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Baylaucq, vous avez posé un problème qui est très important. Vous n'êtes pas le seul. Par exemple, il y a Neil Postman, qui est un gars qui écrit beaucoup sur la télévision puis le cinéma aux États-Unis, qui en a débattu, de ce problème-là.

Vous dites que – puis on vient un peu de l'aborder avec le député de Vachon – la qualité des oeuvres et la créativité des auteurs sont mises en danger par la migration du modèle production télévision vers le modèle production cinématographique. Dans un cas, évidemment, vous avez une contrainte de rentabilité qui est beaucoup plus forte que dans l'autre. Vous dites: Puisqu'on se déplace maintenant du modèle où il y a la synergie entre le scénariste, le réalisateur et le producteur vers un modèle que vous avez appelé «producer media», vous observez déjà que, ça, ça a des conséquences soit sur la qualité des oeuvres ou soit sur la capacité de créer des gens qui sont dans la création. C'est bien ce que vous avez dit, si j'ai bien compris?

M. Baylaucq (Philippe): Oui, tout à fait.

M. Laporte: Maintenant, ça, ce n'est pas une tendance québécoise. C'est une tendance qui est peut-être plus forte au Québec mais je l'ai vue mentionnée ailleurs.

M. Baylaucq (Philippe): Elle est universelle, oui.

M. Laporte: Elle est universelle.

M. Baylaucq (Philippe): Oui.

(10 h 30)

M. Laporte: À cause de cette extrême puissance qui va d'ailleurs s'intensifier avec l'apparition de l'Internet, parce que là, évidemment, le besoin de produire, la pression de production va devenir de plus en plus forte. Donc, ma question c'est: Quels sont, selon vous, les remèdes ou les solutions à apporter à ce problème-là dans un contexte comme le nôtre?

M. Baylaucq (Philippe): Bien, écoutez, je ne veux pas prétendre avoir les solutions, mais je peux vous proposer quelques constats qui vont peut-être suggérer des solutions. Vous savez peut-être aussi bien que moi que 96 % des écrans cinéma au Québec ne sont pas contrôlés par des instances québécoises. Autrement dit, on a le problème qu'on a des instances gouvernementales qui encouragent une production cinématographique, plutôt bien d'ailleurs, encourageant cette synergie dont je parlais, faisant des oeuvres qui se défendent souvent très bien dans les festivals internationaux, qui sont remarquées, et qui ne sont pas vues par les Québécois et les Québécoises tout simplement parce que l'accès aux écrans est de plus en plus difficile.

Et je prends la peine de vous décrire un phénomène qui, à mon avis, nous ressemble. Vous savez, le cinéma québécois fonctionne beaucoup par le bouche à oreille. Pour qu'un film fasse parler de lui, il faut au moins qu'il reste à l'écran plus que 10 jours ou deux semaines. Alors, évidemment, avec cette rotation extrêmement dominante des produits américains dans nos écrans, le bouche à oreille a rarement le temps de s'installer assez longtemps pour que les Québécois et Québécoises se retrouvent sur des écrans de cinéma. Comme l'a mentionné très clairement ma collègue, les Québécois et les Québécoises se sont retrouvés sur les écrans du petit écran. La preuve, c'est qu'ils regardent la télévision. Pourquoi est-ce qu'ils ne se retrouveraient pas avec autant d'enthousiasme sur les grands écrans? Il n'y en a pas, de raison. La seule raison, c'est qu'ils ne se retrouvent pas, point, sur ces écrans-là. Alors, s'ils ne retrouvent pas assez longtemps leurs images, comment voulez-vous qu'ils établissent cette identification qui va les fidéliser à aller voir leur cinéma? Et de là tout un phénomène de fierté: Oui, je suis allé voir un film québécois versus un autre, etc.

Le Président (M. Rioux): Merci. Ça va, M. le député d'Outremont?

M. Laporte: Oui, oui.

Le Président (M. Rioux): Bien. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder la question, je pense aussi fort importante – on y a touchée tantôt – de vos questionnements sur les productions destinées aux marchés internationaux et le soutien public à ces productions. J'aimerais vous entendre. Qu'est-ce que, vous, vous pensez de la décision du ministre des Finances, en 1999, d'élargir les crédits d'impôt aux télédiffuseurs qui ont maintenant leur propre boîte de production, qui touchent des crédits d'impôt? C'est peut-être des emplois pour vous. Ça veut dire plus de production peut-être au Québec, je ne sais pas. J'aimerais ça vous entendre, parce que la dynamique qu'on nous a décrite...

Hier, on recevait, par exemple, M. Claude Fournier. C'était son inquiétude de voir ces boîtes de production reliées à un télédiffuseur, qui, nous disent-elles, ne peuvent pas mettre ces oeuvres qu'elles vont faire avec, entre autres, des crédits d'impôt, qu'elles ne les mettront pas sur les ondes québécoises avant trois ans. Donc, c'est clair que c'est des oeuvres destinées... Si je pense, par exemple, à la boîte JPL, sous Télé-Métropole, je pense que la stratégie est assez claire que c'est destiné – c'est déjà commencé – à des chaînes privées américaines. Hier, on nous décrivait la possibilité qu'on s'en aille de plus en plus vers le fait que ces boîtes québécoises avec des crédits d'impôt produisent des émissions en langue anglaise ou destinées à un marché clairement américain et que, dans trois ans, on va peut-être commencer à voir les impacts de ça, avec le retour de ces émissions sur les ondes québécoises.

Ça a été une décision, on nous l'a aussi décrite hier, prise par le ministre des Finances, sans consultation – en tout cas, semble-t-il, de la part des producteurs – via la SODEC ou quoi que ce soit. Moi, je considère aussi que c'est un peu une entrave à la politique culturelle du Québec qui dit: Consultons. On est censé avoir créé la SODEC et le CALQ, entre autres la SODEC, pour aller chercher l'expertise du milieu et avoir ses commentaires.

Donc, ma question est vaste mais elle touche exactement votre préoccupation. Donc, que pensez-vous de cette décision du ministre des Finances et de ce nouveau crédit d'impôt?

M. Baylaucq (Philippe): Bien, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on en a été désolés parce que ce n'est pas une politique que nous appuyons. Je ne veux pas rentrer dans tous les détails parce que c'est assez complexe, mais on n'était pas tout à fait très heureux de ce développement des choses.

Pour répondre à la question dans sa dimension plus vaste, je dirai qu'il faut faire attention. Je pense que ce que le gouvernement devrait viser, c'est, pas une proportion, une espèce d'équilibre entre le mandat que le gouvernement ou que le ministère a de bien dépenser l'argent du public sur des projets qui sont, entre guillemets, rentables – ce qui est possible, je pense, dans une certaine activité culturelle – tout en le faisant sans sacrifier une activité culturelle d'oeuvres qui, par leur nature, ne seront probablement pas rentables.

Alors, quelle est la proportion des sous qui vont vers des grosses boîtes qui ont, entre guillemets, des recettes – c'est un petit peu péjoratif; des fois, ça s'applique, des fois pas, mais, en tout cas – et qui se battent, qui travaillent fort pour trouver une place sur les marchés internationaux et, par la force des choses, comme on le disait tout à l'heure, se retrouvent à devoir travailler en anglais – c'est un peu ironique – d'une part; et, d'autre part, ce qui reste comme argent pour une activité culturelle que l'État décide de subventionner, pas d'investir, de subventionner? C'est ce que je veux dire quand je parle d'un projet de société. Est-ce qu'un gouvernement, dans le cadre d'un projet de société, se dit: Bon! eh bien, nous devons soutenir nos artistes, soutenir nos créateurs et prendre des risques en subventionnant des tentatives de création dans toutes sortes de domaines?

Moi, je trouve qu'il ne faut pas fermer la porte, évidemment, sur les initiatives qui aident des boîtes qui sont des joueurs sur la scène internationale, des joueurs de plus en plus de taille, qui se sont créé des niches intéressantes, mais il faut trouver peut-être des mécanismes pour que ces boîtes-là qui font de l'argent grâce à l'argent public et, de plus en plus, de ce qu'ils peuvent attirer d'argent privé... Peut-être qu'eux aussi pourraient être encouragés à réinvestir un pourcentage, aussi infime soit-il, dans le domaine du risque.

Mme Beauchamp: Mais ça a pris un an de négociation entre la SODEC et les diffuseurs privés – il y avait une ouverture – avant de signer un protocole d'entente qui faisait en sorte que les diffuseurs privés allaient réinvestir de l'argent dans les productions cinématographiques. Et on nous a décrit hier qu'en même temps que l'encre était encore fraîche sur cette entente que vous venez de décrire – est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un retour dans le milieu? – est arrivé le crédit d'impôt direct aux télédiffuseurs privés. Qu'est-ce que vous pensez de cette intervention, là, du ministre des Finances par-dessus la tête de la ministre de la Culture, par-dessus la SODEC? C'est qui qui décide?

M. Baylaucq (Philippe): Nous en avons été désolés. Voilà.

Le Président (M. Rioux): Alors, c'est ça. Vous l'avez dit tout à l'heure, vous le répétez, donc on en prend bonne note. Alors, voilà. J'aimerais que la SODEC retienne une chose importante que vous avez écrite dans votre mémoire. Vous avez dit: La trilogie, là...

M. Baylaucq (Philippe): Le triumvirat.

Le Président (M. Rioux): ...le triumvirat des scénaristes, des producteurs et des réalisateurs, ce seraient des gens qu'on devrait écouter lorsqu'il s'agit d'établir des priorités d'investissement dans le domaine de l'audiovisuel. Moi, je souhaite que ce message-là traverse et qu'il soit entendu. Alors, je vous remercie beaucoup de votre participation qui était qualitative, je dois le dire. Merci.

M. Baylaucq (Philippe): Merci beaucoup.

(10 h 40)

Mme Lupien (Lucette): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): J'invite le Conseil des arts textiles du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Mme Bellavance, bienvenue. Alors, sans préambule, je vous demande, ma chère madame, de présenter votre mémoire. On est tout oreilles. Allez.


Conseil des arts textiles du Québec (CATQ)

Mme Bellavance (Jeanne): En tant que présidente du Conseil des arts textiles depuis très peu de temps, j'ai été mandatée pour venir présenter ce mémoire.

Le Président (M. Rioux): Je m'excuse, je ne vous entends pas.

Mme Bellavance (Jeanne): Vous ne m'entendez pas?

Le Président (M. Rioux): Oui, oui. Il y en a qui vont se calmer, là; ça va me permettre de mieux vous entendre. Allez, madame.

Mme Bellavance (Jeanne): Il est certain que le Conseil des arts textiles est une association qui, regroupant 125 membres, ne dispose pas d'autant de poids et de visibilité que mes prédécesseurs. Alors, notre mémoire est très bref, mais je crois qu'il met l'accent sur des points qui sont très importants pour nos membres. Le Conseil existe depuis 20 ans déjà. Nous fêtons cette année notre vingtième anniversaire, et nous espérons pouvoir produire une exposition, puisque c'est un peu le mandat que le Conseil s'est donné: de présenter des expositions mettant en valeur les recherches de nos artistes avec les textiles faisant partie des matières principales d'élaboration des oeuvres.

Alors, le mémoire consiste à mettre en valeur les difficultés qui sont rencontrées par les artistes que nous représentons. Peu d'artistes des arts textiles reçoivent une subvention d'aide à la création et la recherche de la part du Conseil des arts et des lettres du Québec. Le Conseil des arts textiles du Québec s'inquiète de ce que les artistes des arts textiles soient mal reconnus par les jurys chargés d'évaluer les dossiers des artistes en arts visuels demandant une aide au CALQ. Cette situation a une grande incidence sur la pratique des arts textiles et, par conséquent, sur la visibilité au sein du réseau de diffusion des arts textiles.

Il nous semble que les artistes des arts textiles se butent à une incompréhension quant à la nature de leur discipline de la part des jurys en arts visuels. Nous croyons que cette difficulté viendrait de ce que trop souvent aucun artiste ou aucun spécialiste des arts textiles ne fait partie de ces jurys. Cette absence au sein des jurys du CALQ n'amène-t-elle pas des doutes quant à la capacité de ces jurys de juger la valeur, les qualités, la pertinence d'une oeuvre ou d'un projet en arts textiles? D'autre part, les artistes des arts textiles reconnus dans le milieu international des arts visuels se sont vu, après plusieurs refus sans raison, conseiller par des fonctionnaires du CALQ de présenter leur dossier dans la catégorie des métiers d'art plutôt que dans le domaine des arts visuels. Or, les arts textiles sont une des disciplines constituant les arts visuels, tel que défini par la loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.

Les artistes des arts textiles revendiquent donc la place que leur discipline occupe dans le champ des arts visuels. Leurs oeuvres ne relèvent en aucun temps du champ des métiers d'art mais appartiennent de plein droit au champ des arts visuels contemporains. Il nous apparaît surprenant que des artistes en arts textiles se soient vu refuser régulièrement une aide par des jurys en arts visuels du CALQ alors qu'ils ont reçu une aide répétée de la part de jurys en arts visuels du Conseil des arts du Canada pour ce même type de projet ou d'oeuvre. Comment peut-on expliquer une telle disparité? Nous souhaitons que les artistes des arts textiles reçoivent dorénavant un traitement équitable de la part des jurys mandatés par le CALQ.

Le Président (M. Rioux): Mme Bellavance, on va essayer de comprendre ce qui ne va pas: un organisme fédéral qui vous reconnaît; au Québec, on ne vous reconnaît pas. Alors, on va essayer de clarifier la situation. Je donne la parole au député de Saint-Hyacinthe. Ensuite, ce sera le député de Marguerite-D'Youville.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je suis honoré que vous me donniez la parole le premier dans un dossier comme celui-là où je me sens particulièrement, personnellement impliqué. Vous savez qu'on a, à Saint-Hyacinthe, le seul institut du textile existant au Canada et peut-être en Amérique du Nord, donc qui a un objectif industriel mais qui a eu quand même des effets dans le domaine de l'art. Ce qui fait qu'on a eu à deux reprises un symposium international en arts textiles à Saint-Hyacinthe. Le dernier, je crois que c'est l'an dernier, le deuxième?

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, l'an dernier.

M. Dion: C'est ça. Et ce qui a permis aux gens du milieu des arts textiles d'avoir au moins un lieu de diffusion de leurs oeuvres. D'ailleurs, symposium qui a été largement financé par le Conseil des arts et des lettres. Et vous me corrigez si je me trompe.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, le Conseil des arts et des lettres subventionne l'association très bien, mais c'est au niveau des artistes, au niveau individuel des créateurs qu'il y a des problèmes.

Le Président (M. Rioux): M. le député.

M. Dion: C'est ça. De là, je pense, la distinction est très importante. Donc, il y a eu financement d'organismes et de projets, mais il n'y a pas eu de financement d'artistes comme tel. C'est ce que je comprends.

Mme Bellavance (Jeanne): C'est-à-dire que les artistes, lorsqu'on demande des subventions, on est gentiment dirigés vers plus le volet métiers d'art, puisqu'on associe, je crois, beaucoup par ignorance, par manque de connaissance face à ce qui se fait en arts textiles au Québec, automatiquement les textiles aux métiers d'art alors qu'il y a une large production d'oeuvres, de création, et encore plus d'artistes très intéressants qui travaillent en arts visuels, qui utilisent bien sûr des matériaux reliés aux textiles. Mais tout ça est très large et on s'adresse plus... Dans le type de travail qu'on fait, normalement nous devrions être référés aux arts visuels et pas toujours amenés vers les métiers d'art.

Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député.

M. Dion: Alors, vous comprendrez que la distinction que j'ai faite n'est pas pour remettre en cause ce que vous nous avez dit, mais bien pour qu'on comprenne bien le sens de votre message. Et c'est dans le même sens d'ailleurs que je vais vous poser une autre question. Vous dites, au quatrième paragraphe, que «des artistes des arts textiles reconnus dans le milieu international des arts visuels se sont vu, après plusieurs refus sans raison...» Et je m'arrête là, «refus sans raison». Est-ce que ça veut dire que, quand le CALQ répond à des demandes, il ne motive pas ses décisions?

Mme Bellavance (Jeanne): Écoutez, moi, pour ce que j'en sais, c'est que j'ai posé la question pour moi-même, en tant qu'artiste: Dois-je présenter une demande en arts visuels, puisque mon travail est sculptural et je ne fais pas de production de quoi que ce soit en série, etc.? On m'a tout de suite ramenée en me renvoyant aux métiers d'art, puisqu'on fait rapport à la technique que j'utilise. La seule raison, c'était la technique. Mais, écoutez, la technique, c'est un moyen, c'est une technique. Moi, j'en fais ce que je veux, avec ma technique, ensuite. Et on ne m'a pas donné de raison face à ça. Bon, ça, c'est mon cas personnel, mais il y a plusieurs membres de notre association qui ont les mêmes problèmes. On n'a pas de raison précise. Probablement, comme on le dit plus loin dans notre mémoire, qu'il n'y a pas de jury spécialisé en arts textiles qui se retrouve en arts visuels, ou très rarement, tu sais.

Le Président (M. Rioux): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Est-ce que vous qui êtes une spécialiste de l'art textile, ou avec d'autres, ou votre Conseil êtes en mesure d'établir certains paramètres qui permettraient au Conseil des arts du Québec de faire une distinction entre les deux sans toujours vous renvoyer aux métiers d'art?

Mme Bellavance (Jeanne): Absolument. À travers les divers événements qu'on a créés depuis des années, les expositions qui ont été vues à travers diverses grandes villes canadiennes et aux États-Unis, nous avons déjà une description de nos oeuvres et de notre association qui correspond aux arts visuels. Tout est dirigé vers les arts visuels, beaucoup plus que...

Le Président (M. Rioux): Il y a finalement un manque de connaissance des gens qui accueillent votre demande.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, exactement.

Le Président (M. Rioux): Voilà. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Dion: Merci, madame.

Mme Bellavance (Jeanne): Ça m'a fait plaisir.

(10 h 50)

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le sujet que vous soulevez dépasse les arts textiles, et ça amène une reconsidération d'une certaine façon d'opérer du Conseil des arts et des lettres. D'abord, vous avez mentionné la question de motivation ou de justification du refus. C'est une question que nous avons abordée hier avec le Conseil des arts et des lettres. Eux prétendent que ceux qui se voient rejeter leur demande ont droit à toutes les explications. Bon, on prend sur parole ce qu'ils nous disent, mais, dans la réalité, j'ai eu des cas, moi-même, dans mon propre comté, où ça ne s'est pas avéré tout à fait de cette manière-là.

Deuxièmement, la question des arts textiles, oui, c'est une question fondamentale, mais ça peut s'élargir à d'autres volets. Nous avons entrepris, entre autres, des démarches pour faire reconnaître l'art sur la porcelaine qui est une technique différente. Ça a frappé un cul-de-sac, là, on n'a jamais eu de retour de qui que ce soit là-dessus. Mais ça ouvre toute la problématique de l'actualisation des programmes de soutien aux artistes. Ce n'est pas parce qu'il y a 30, il y a 40, il y a 50 ans, il y a 100 ans, dans les livres d'histoire d'art, on a essentiellement de la peinture sur du bois, sur des toiles ou sur des matériaux traditionnels qu'on doit exclure le reste. Et il n'existe aucun mécanisme, à l'heure actuelle, aucun forum où cette sorte de réévaluation peut être faite.

On nous parlait hier, du côté du Conseil des arts et des lettres et du côté de la SODEC, de la nécessité d'adapter nos façons de voir à la manière dont fonctionne le milieu culturel aujourd'hui. Et votre mémoire, même s'il est très modeste, même si vous disposiez de très peu de moyens pour le présenter, touche un élément fondamental. Et je n'ai pas de question particulière à vous poser, parce que vous avez bien situé le problème, mais, si vous avez des commentaires... Également, mon collègue a soulevé une question intéressante, c'est-à-dire de fournir les paramètres. Comment peut-on établir que c'est une discipline artistique, que ce soit dans votre domaine ou dans un domaine qui n'est pas encore reconnu?

Mme Bellavance (Jeanne): On se bute à ça depuis toujours à travers tous les domaines de création artistique. On est tellement confiné à des définitions précises. Et, dans tout ça, on oublie un grand champ qui s'appelle les arts décoratifs. O.K. Les arts décoratifs. Il y a les métiers d'art, il y a les arts visuels et il y a les arts décoratifs. Ici, au Québec, les arts décoratifs, quand est-ce qu'on en parle? Où est-ce qu'il y a un espace pour ça? Il y a un musée à Montréal qui n'a jamais exposé un artiste québécois ou à peu près.

Et ce qui se passe, c'est que toutes les techniques qui sont utilisées dans la création d'une oeuvre, il y en a une infinité, de techniques. Il y a des techniques qui sont très anciennes, qui sont utilisées de façon contemporaines. Il y a des techniques qui sont extrêmement contemporaines, qui n'existent que depuis quelques années et qui prennent un grand champ, qui prennent de plus en plus d'espace à travers la popularité des créations et aussi des subventions. Il y a beaucoup d'argent qui va vers les nouvelles technologies, à tous points de vue, là, aussi dans le milieu des arts.

Le Président (M. Rioux): Mme Bellavance, pour enchaîner sur ce qu'a dit le député de Marguerite-D'Youville, s'il n'y a pas une réévaluation de faite, comme le souligne le député assez pertinemment – vous ne le dites pas dans votre mémoire – est-ce que votre avenir est bloqué? Est-ce que votre avenir est bouché ou compromis? Je ne sais pas.

Mme Bellavance (Jeanne): Bien, écoutez, notre association fonctionne assez bien avec les subventions qu'on reçoit pour donner une visibilité aux artistes qu'on représente. Par contre, si nos artistes ne peuvent pas créer, qui allons-nous représenter?

Le Président (M. Rioux): Bien.

M. Beaulne: Juste une question, parce que, au-delà de l'énoncé de principe, là, il faut établir une mécanique pour aboutir à des résultats concrets. Serait-il possible que, par exemple, votre association, dans votre discipline, vous vous regroupiez avec d'autres disciplines artistiques qui ne sont pas présentement reconnues mais qui pourraient... Ce regroupement pourrait donner plus de force à votre demande dans le sens d'une réévaluation.

Mme Bellavance (Jeanne): Vous voulez dire? Je ne comprends pas exactement.

M. Beaulne: Bien, je vous ai mentionné...

Mme Bellavance (Jeanne): Vous voulez dire une autre discipline qui a rapport avec l'art textile?

M. Beaulne: Oui.

Mme Bellavance (Jeanne): Ce serait, bon, difficile. Premièrement, nous, on fait partie aussi... Nos artistes, on les encourage à faire partie du Regroupement des artistes en arts visuels, qui est déjà une autre association qui représente les arts visuels de façon plus large. Notre spécialité se situe au niveau des créateurs qui font des oeuvres à partir des matériaux textiles. C'est très large, ça. Ça touche le papier...

M. Beaulne: Je comprends, mais dans un processus de réévaluation des critères d'attribution des subventions de la part du Conseil des arts et des lettres. Vous, vous êtes dans un domaine bien ciblé, mais il y a d'autres disciplines qui vivent une problématique semblable à la vôtre. Alors, ce que je posais comme question, c'est: N'y aurait-il pas lieu, simplement dans le but d'établir une démarche de réévaluation au Conseil des arts et des lettres, de faire ça de manière un peu plus regroupée, plutôt que chacun y arrive sectoriellement?

Le Président (M. Rioux): Vous allez examiner cette possibilité-là, Mme Bellavance?

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, je peux en parler à mon C.A.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Ça doit être assez ironique de se faire référer vers les métiers d'art, parce que, déjà, les arts visuels – ils en ont parlé hier – sont des parents pauvres dans le financement. Les métiers d'art sont aussi les parents pauvres, peut-être encore plus. Enfin, je ne veux pas faire de comparaison, mais c'est assez ironique de se voir référer aussi vers les métiers d'art.

Mon collègue aborde le sujet en disant: Bien, il y a peut-être, comme ça, des disciplines où vous êtes reconnus comme association mais où, à l'intérieur des jurys, ça a été plus difficile de se faire reconnaître. On aborde la question en disant: Il y a peut-être, dans le fond, des disciplines qui ont besoin d'être mieux connues et reconnues. Mais je me demandais: Est-ce que, pour vous, la solution passe – parce que vous insistez beaucoup sur la composition des jurys – par une meilleure représentation d'artistes émérites dans votre discipline à l'intérieur des jurys ou s'il y a d'autres pistes de solution?

Mme Bellavance (Jeanne): Il y a cette piste-là. Par contre, il y a beaucoup...

Mme Beauchamp: Parce que les jurys sont de trois personnes.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, mais c'est très rare qu'il y a des jurys qui représentent les arts textiles, qui ont un rapport avec un travail en arts textiles. Ça, c'est une façon de voir les choses. Je dirais: Il faudrait faire une éducation, faire connaître mieux ce qui se fait en arts textiles au Québec. Moi, je suis amenée régulièrement à travailler, par exemple, à Toronto. Et, partout au Canada, même aux États-Unis, en Europe – j'ai étudié à Paris – les arts textiles ont une place, existent et sont reconnus comme tels. Il y a vraiment une différence par rapport à ça, ici. L'art textile est comme galvaudé, relié à des travaux faits par nos mères. Tu sais, il y a comme une mauvaise compréhension. On n'a pas suivi l'évolution qui s'est faite à partir des techniques qui sont automatiquement reliées à des travaux anciens faits par des...

Le Président (M. Rioux): C'est intéressant. La référence qu'a le Conseil des arts et des lettres du Québec, c'est quoi? C'est-u les travaux que font les cercles de fermières?

Mme Bellavance (Jeanne): J'aimerais bien savoir.

Le Président (M. Rioux): C'est quoi?

Mme Bellavance (Jeanne): J'aimerais bien savoir. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Non, mais, moi, je suis comme l'ensemble des députés ici, j'essaie de comprendre ce qui vous arrive. Je trouve ça tellement bizarre que c'est... En tout cas, Mme la députée.

Mme Beauchamp: Oui. En même temps, je crois qu'il y a plusieurs autres mémoires où on nous parle de la qualité des fonctionnaires et des employés du Conseil des arts et des lettres et de leur capacité à accompagner des artistes et des disciplines. Je ne voudrais pas non plus qu'on pose un jugement trop rapide. C'est pour ça que je m'intéresse à la question des jurys, parce qu'il y a les fonctionnaires qui doivent s'occuper d'une discipline puis il y a les jurys. Je me dis donc: Il est où, le problème? Il est peut-être dans un manque de connaissances de la part de notre fonction publique.

Mme Bellavance (Jeanne): Je crois qu'il est là en grande partie, moi.

Mme Beauchamp: Vous pensez qu'il est là?

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, en grande partie.

Mme Beauchamp: Donc, on en prend bonne note. Mais je reviens sur la question des jurys. Dans le fond, ma question, c'est: Qu'est-ce que vous recommandez? Quelle est votre recommandation précise? Est-ce que c'est le fait que, dans un jury de trois personnes, il y ait systématiquement un membre représentant votre discipline?

Mme Bellavance (Jeanne): Oui.

Mme Beauchamp: Est-ce que c'est le fait que, lorsqu'il y a des projets déposés en arts textiles, là il y ait un jury spécial ou une expertise consultée? Est-ce que vous demandez un budget à part?

Mme Bellavance (Jeanne): Non, non. Il est cité textuellement dans l'élaboration des demandes de bourses au CALQ que nous sommes jugés par des pairs qui ont rapport à nos disciplines. Lorsqu'on fait des demandes, par exemple, on nous réfère aux métiers d'art. Donc, la plupart de nos artistes doivent faire des demandes en métiers d'art.

Mme Beauchamp: C'est le cas actuellement?

Mme Bellavance (Jeanne): Oui.

Mme Beauchamp: Les artistes acceptent ça?

Mme Bellavance (Jeanne): Bien, on n'a pas le choix.

Mme Beauchamp: O.K.

Mme Bellavance (Jeanne): On n'a pas le choix, on se fait référer là tout le temps. Quelques personnes... Il faut oser faire des demandes en arts visuels. Bien, quand on essuie des refus les uns après les autres – c'est le cas pour tout le monde – on retourne aux métiers d'art. Souvent, dans un jury de métiers d'art, il va y avoir, vu qu'il y a des disciplines textiles en métiers d'art, un jury qui représente les textiles. Moi, je me souviens d'avoir déjà exigé... Si on fait affaire avec les arts visuels, alors là il y a totalement absence de jurys qui ont des connaissances ou des relations avec les arts textiles.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée.

Mme Beauchamp: On a encore du temps sur le premier bloc?

Le Président (M. Rioux): Si.

M. Laporte: J'aurais une petite question.

Le Président (M. Rioux): Une rapide, M. le député d'Outremont. Bien sûr.

(11 heures)

M. Laporte: Les arts textiles, dites-moi, là, dans la tradition historique de l'art au Québec, ça a une place, ça?

Mme Bellavance (Jeanne): Ça en a une immense.

M. Laporte: J'en ai vus, moi, des arts textiles dans des visites de couvents puis d'églises.

Mme Bellavance (Jeanne): Bon, vous avez d'ailleurs ici même, à Québec, ce qui est un des fleurons de l'art textile, c'est la collection des broderies d'art des Ursulines de Québec.

M. Laporte: Oui, oui, évidemment.

Mme Bellavance (Jeanne): C'est connu. Moi, j'ai étudié en broderie. Je suis brodeuse professionnelle. O.K.? J'ai étudié à Paris là-dedans. Et cette collection est connue de façon internationale. Ici, qui la connaît? C'est un exemple.

M. Laporte: Bien, c'est parce que c'était très associé à l'Église.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui. O.K. C'est liturgique.

M. Laporte: Et, avec la Révolution tranquille, vous savez ce qu'on en a fait.

Mme Bellavance (Jeanne): Mais tous les arts décoratifs et les techniques d'art décoratif ont été utilisés par le clergé ici. On n'avait pas la monarchie qui...

M. Laporte: Alors, c'est refoulé dans...

Mme Bellavance (Jeanne): Mais ça, c'est des techniques, voyez-vous, ce sont des techniques qui sont élaborées et utilisées par divers artistes mais, par contre, qui sont utilisées de façon contemporaine aujourd'hui. Il y a une évolution qui s'est faite là-dedans. Et on dirait que le cheminement ne s'est pas fait: les artistes ont fait un cheminement et les fonctionnaires ou les gens en poste au CALQ et n'importe où n'ont pas fait ce cheminement-là.

Le Président (M. Rioux): ...le XIXe.

M. Laporte: Parce que mon arrière-grand-mère qui avait été formée chez les Ursulines, M. le Président, elle pratiquait ce genre...

Le Président (M. Rioux): D'art.

M. Laporte: ...d'art, pas d'une façon professionnelle mais d'une façon, disons, personnelle, n'est-ce pas? Mais aujourd'hui...

Mme Bellavance (Jeanne): C'est disparu.

M. Laporte: Vous êtes les refoulés de la tradition artistique du Québec, si je comprends bien.

Mme Bellavance (Jeanne): C'est qu'on en fait une association avec ce qu'on appelle des arts populaires...

M. Laporte: Des arts populaires, oui.

Mme Bellavance (Jeanne): ...des arts domestiques. Je crois que c'est ça, le problème principal.

M. Laporte: Comme la cuisine.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui.

Le Président (M. Rioux): C'est interprété comme... C'est ça, c'est de l'artisanat. Donc, on vous retourne aux métiers d'art.

Mme Bellavance (Jeanne): Exactement. Mais il faut voir les oeuvres contemporaines qui sont réalisées par les artistes de notre association. On est à 100 000 années-lumière de ça, là.

Le Président (M. Rioux): Peut-être qu'il y a des gens qui auraient intérêt à aller visiter ce qui se passe à Québec, comme vous le disiez tout à l'heure.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, bien sûr, ça fait partie d'une... Il faut être curieux, hein.

Le Président (M. Rioux): Ça ferait un bon recyclage. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Devant cette difficulté, parce que le CALQ est un organisme, dans le fin fond, là, encore jeune, hein, ça ne fait pas si longtemps qu'il a été mis en place, j'aimerais que vous me parliez de comment c'était avant lorsque les programmes relevaient peut-être plus du ministère carrément. Mais aussi, jusqu'à maintenant, depuis la structuration du CALQ, quelles ont été vos démarches? Qu'est-ce que vous avez fait pour la reconnaissance que vous souhaitez, en tout cas au niveau individuel, au niveau des bourses? Quelle réception ça a eu? Donc, êtes-vous en ce moment en discussion avec le CALQ? Est-ce qu'il y a une négociation sur certaines pistes de solution? Où en êtes-vous?

Mme Bellavance (Jeanne): L'association elle-même, comme je vous disais tantôt, bénéficie, pour son existence et son fonctionnement, des bourses du CALQ. Là où est-ce qu'on a décidé de présenter notre mémoire, c'est pour représenter les artistes, donc, individuellement, des gens qui sont membres de notre association qui nous ont amené ce problème concernant le fait qu'on ne puisse pas demander des bourses en arts visuels, qu'on est continuellement ramené vers les métiers d'art. Bon, maintenant qu'on vous a fait part de ce mémoire, nous espérons pouvoir entamer une discussion avec le CALQ à ce sujet pour pouvoir vraiment faire avancer les choses de façon à ce qu'on puisse s'orienter plus vers le domaine qui nous représente, c'est-à-dire les arts visuels.

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y a eu un refus de dialogue venant du CALQ?

Mme Beauchamp: C'est un peu ça, l'angle de ma question.

Mme Bellavance (Jeanne): Sans aller jusqu'à dire un refus de dialogue, je dirais qu'on... Moi, je reviens toujours à cette espèce de façon... On sent que les gens n'ont pas de connaissance particulière par rapport à cette discipline. Donc, le dialogue ne peut pas s'entamer à partir de... C'est comme un peu l'oeuf avant la poule, la poule avant l'oeuf. C'est très difficile d'arriver avec des arguments pour arriver à des solutions lorsqu'on ne sait pas le... On se rend compte qu'on fait affaire avec des gens qui n'ont pas la connaissance nécessaire pour pouvoir élaborer sur le sujet.

Le Président (M. Rioux): L'absence de gens capables de vous comprendre, c'est plus difficile à gérer que la mauvaise foi.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui, exactement.

Le Président (M. Rioux): C'est très, très compliqué, ça.

Mme Bellavance (Jeanne): Oui.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme la députée de Sauvé, une petite question rapide.

Mme Beauchamp: Oui, exactement. Je voudrais juste savoir... Vous mentionnez que, par exemple, au niveau du Conseil des arts du Canada et peut-être même dans d'autres pays – vous avez fait référence peut-être à la reconnaissance qu'a votre discipline en France, et tout ça – il a été plus facile pour les artistes de recevoir des bourses. Selon vous, donc, à ce niveau-là, où se situe la différence? Est-ce que c'est parce que, dans ces organismes comme le Conseil des arts du Canada, il y a plus un accompagnateur qui connaît la discipline et qui accompagne? Est-ce que, pour vous, la solution, elle est vraiment là ou si c'est parce que, au Conseil des arts du Canada, il y a des jurys où il y a des artistes qui siègent?

Mme Bellavance (Jeanne): D'abord, il y a beaucoup plus d'artistes en arts textiles et les arts textiles sont beaucoup plus connus. D'abord, il y a un musée, il y a des musées reliés aux textiles. Ça fait partie beaucoup plus de la culture, je dirais. Et il y a des institutions où est-ce qu'on a de l'enseignement très élaboré universitaire en arts textiles, par exemple en Ontario, ce qu'on n'a pas ici. Ici, il y a quelque chose au niveau du cégep, tu sais, bon, bien, ce n'est pas...

Le Président (M. Rioux): Mme Bergeron.

Mme Bellavance (Jeanne): Bellavance.

Le Président (M. Rioux): Mme Bellavance, dis-je bien, on peut prendre un engagement vis-à-vis vous. À la fin de nos auditions, le CALQ va revenir ici. Soyez assurée que quelqu'un au sein de cette commission va se charger de clarifier cette espèce d'imbroglio difficile à comprendre, je vous l'avoue. Alors, je vous remercie beaucoup, ça nous a fait plaisir de vous accueillir. Merci.

Nous allons suspendre deux ou trois minutes. Ensuite, on va accueillir Les Bouquinistes du Saint-Laurent.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

(Reprise à 11 h 11)

Le Président (M. Rioux): Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Mme Hélène Tirole qui a accepté de devancer le dépôt de son mémoire de 16 heures à 11 h 15. Madame, nous vous remercions d'abord de votre compréhension et de la souplesse dont vous avez fait preuve. Nous en sommes très heureux. Vous êtes seule?


Les Bouquinistes du Saint-Laurent

Mme Tirole (Hélène): Je suis seule, oui, et c'est moi qui tiens à vous remercier...

Le Président (M. Rioux): Donc, vous allez vous défendre seule.

Mme Tirole (Hélène): Je vais me défendre toute seule. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Votre mérite est d'autant plus grand. Alors, madame, allez.

Mme Tirole (Hélène): C'est moi qui tiens à vous remercier de nous accueillir, tout d'abord, et de nous donner droit de parole.

Je vais présenter mon exposé en trois étapes, trois brèves étapes: tout d'abord, un bref rappel de ce que sont Les Bouquinistes, de la philosophie dont ils témoignent, de la mission qu'ils se sont donnée; ensuite, je rappellerai ce qui nous paraissait être les fondements de notre demande à la SODEC; et, enfin, sans vouloir revenir et nous étendre sur un passé d'il y a près de deux ans, à peu près, je parlerai de quelques rebondissements, enfin que nous avons eus face à la SODEC. Mais enfin, l'histoire se termine et l'issue en est très prometteuse, je tiens à le dire d'emblée, c'est finalement une bonne histoire.

Le Président (M. Rioux): Bien.

Mme Tirole (Hélène): Bon. On m'a demandé mon témoignage, je le donne. Alors, tout d'abord, Les Bouquinistes, ce qu'ils sont. Certains d'entre vous ont pu aller sur la terrasse Dufferin, à Québec, ou sur les quais du Vieux-Port, à Montréal; c'est une exposition-vente en plein air, systématiquement l'été, de la plus grande variété de livres possible, et je dirais que c'est une fête du livre et de la lecture événementielle, à la manière des bouquinistes des bords de Seine à Paris. Nous avons donc demandé à des libraires, des antiquaires du livre, quelques maisons d'édition de bien vouloir jouer, entre guillemets, aux bouquinistes avec nous, et nous les avons donc rebaptisés «Bouquinistes du Saint-Laurent» par opposition à ceux des bords de Seine à Paris, puisqu'en fait nous avons transplanté ce symbole culturel qui est connu depuis plus de 300 ans sur les bords de Seine à Paris.

Alors, l'évolution des Bouquinistes depuis leur création, depuis 1992, déjà depuis huit ans. Nous avons triplé le nombre d'exposants. Depuis Montréal, en 1992, d'autres villes ont voulu accueillir Les Bouquinistes, et notamment Québec en 1993, la ville de Boucherville également en 1995 et la ville de Magog. Maintenant, nous nous en tenons à quatre villes. Il est vrai que d'autres villes d'accueil s'étaient présentées, mais l'expérience n'avait pas été très pertinente. Certaines années, nous avons même atteint huit villes, mais...

Le Président (M. Rioux): Ça veut donc dire que vous ne viendrez jamais en Gaspésie?

Mme Tirole (Hélène): Pardon? Ah! je ne rêve que d'aller en Gaspésie, M. le Président, au contraire. Notre souhait est d'étendre Les Bouquinistes à travers le plus grand nombre de régions du Québec possible. Et nous avons eu surtout le plaisir de constater que le nombre de visiteurs se fait croissant. Depuis plusieurs années, nous atteignions déjà plus de 500 000 visiteurs à travers le Québec; l'été dernier, nous avons touché 700 000 personnes qui sont venues rendre visite aux Bouquinistes, et tout cela, avec une animation hors livres et parfois livres, hein, spectacles de grand calibre, hommages aux poètes disparus. Un exemple, l'été prochain, bien sûr nous allons faire un magnifique hommage à Anne Hébert qui vient de disparaître; une année, nous avons rendu hommage à Françoise Loranger; l'année dernière à Pauline Julien, et ainsi de suite, toujours pour attirer plus de monde, plus de lecteurs.

Les médias aussi nous appuient de manière magistrale. Je tiens à souligner la présence de quotidiens du Québec, Le Journal de Québec , Le Journal de Montréal , Le Devoir , les postes de radio qui nous couvrent quotidiennement, ainsi que les chaînes de télévision francophones également qui couvrent les événements absolument quotidiennement.

Alors, Les Bouquinistes, je voudrais quand même insister sur le fait qu'on nous a parfois mis en balance, je dirais, avec les salons du livre. Ça n'a rien à voir. Ce n'est pas un salon du livre. C'est une philosophie de lecture qui consiste à présenter des ouvrages qui ont su résister à l'épreuve du temps. Qu'il ait 100 ans dans le cas d'un livre ancien, qu'il ait 10 ans, qu'il ait un an, le bouquin a vécu. Il n'y a jamais de lancement de nouveauté chez Les Bouquinistes. D'ailleurs, nous avons établi un code d'éthique qui impose de ne pas présenter – même s'il s'agit parfois de livres qui sont d'apparence neuve – de nouveauté, pas d'ouvrage dont le copyright a été déposé durant l'année en cours. Donc, ça, c'est la philosophie des Bouquinistes, et toujours revenir, justement, à des auteurs qui ont fait valoir une époque et même, dans certains cas, au classicisme.

Alors, nous estimons, par conséquent, avoir une mission pédagogique réelle, puisque nous ne percevons aucun droit d'entrée aux visiteurs, ces manifestations sont d'accès gratuit au grand public. Nous nous situons systématiquement dans les endroits les plus fréquentés du Québec, que ce soit la terrasse Dufferin, encore une fois, toujours pour attirer plus de monde – elle attire, notre terrasse Dufferin; j'aimerais être à Matane, ça, ça ne fait aucun doute – dans des endroits, dans les plus beaux paysages; à Boucherville, nous nous retrouvons près de la marina; à Magog, pointe Merry; sur les quais du Vieux-Port de Montréal. Et, par conséquent, nous avons vraiment le sentiment de nous inscrire dans la politique d'accès au livre qui est prônée par le gouvernement du Québec.

Ce qui nous amène donc à fonder notre demande à la SODEC, et là j'arrive donc, justement, à notre demande à la SODEC. Les fondements de notre demande, nous voyons quatre points. D'une part, vous le voyez, une oeuvre d'incitation à la lecture par l'accès gratuit offert à la population. Il est aisé de voir que des retrouvailles d'été, estivales, vacancières, en milieu détendu, avec le livre vont inciter, vont créer des lecteurs, attirer plus de monde vers le livre et inciter certains lecteurs à fréquenter par la suite, justement, les salons du livre et les librairies, et non pas du tout à leur faire concurrence.

Nous nous situons aussi comme regroupement, je dirais, d'aide et de promotion pour de petits libraires de quartier ou de taille moyenne, pour des antiquaires du livre peu connus ou même des maisons d'édition de taille moyenne face au grand réseau actuel de distribution du livre. D'ailleurs, je tiens à souligner qu'on offre un service de presse tout à fait individualisé à chacun des libraires qui participent à l'événement, et tous les libraires sont évidemment très bien accueillis chez Les Bouquinistes, les libraires qui veulent y participer.

Nous nous situons aussi comme promoteur de certains fonds d'un patrimoine culturel québécois que nous faisons recirculer et resurgir, patrimoine culturel peut-être plus ancien et parfois un petit peu méconnu. Enfin, nous avons aussi fondé notre demande sur le fait que nous créons des emplois jeunes tous les étés. Entre les bouquinistes eux-mêmes et nous-mêmes, l'organisation des Bouquinistes, chaque été nous employons environ une vingtaine, si ce n'est une trentaine dans certains cas, de jeunes étudiants qui sont ravis de travailler l'été au milieu des livres.

(11 h 20)

Alors, notre demande à la SODEC – nous avons déposé une première demande en 1998, c'était à l'époque – portait sur deux points. Le premier, c'était inscrire Les Bouquinistes du Saint-Laurent parmi les programmes établis du ministère de la Culture, car, auparavant, à chaque fois que nous demandions des budgets, que ce soit à la SODEC ou au ministère de la Culture, on nous répondait que nous ne faisions pas partie des grilles établies par le ministère. Donc, nous voulions faire partie de ces fameuses grilles.

Et le deuxième point de notre demande, il s'agissait d'un montant, nous demandions donc une subvention de 68 000 $, à l'époque qui devait couvrir six manifestations, ce qui équivaut à une moyenne d'entre 10 000 $ et 12 000 $ par manifestation, que nous souhaitons d'ailleurs voir analyser de manière séparée, car nous avons une organisation qui chapeaute toutes les manifestations des Bouquinistes à travers le Québec. Néanmoins, il s'agit bien de comprendre qu'il s'agit, je n'ose pas les appeler salons bouquinistes, mais d'événements buquinistes qui sont individuels dans chaque ville, avec des exposants d'ailleurs différents. Dans chaque région, nous essayons autant que possible de faire travailler les libraires et les milieux du livre de la région d'accueil.

Alors, les réactions de la SODEC à l'époque – encore une fois à l'époque; je tiens à dire d'emblée que l'issue nous semble maintenant prometteuse – nous ont surpris parce que notre démarche de bouquinistes encore une fois nous semblait vraiment s'inscrire dans le cadre de la politique d'accessibilité à la lecture. Alors, nous avons eu un premier refus, en mars 1998, qui était fondé de la manière suivante. Surtout, on nous reprochait avant tout la vente de livres à prix réduit, ce qui, selon l'analyste du dossier, constituait une pratique déloyale à l'égard des libraires établis. Or, je tiens à rappeler que les livres présentés aux Bouquinistes ne sont pas des nouveautés, d'une part. Et, d'autre part, il y avait déjà à l'époque un code d'éthique, un règlement qui imposait à nos bouquinistes, de manière à garder la philosophie du livre qui a vécu, de ne pas présenter justement de livres dont le copyright était déposé durant l'année en cours. Donc, ça, c'était le premier argument que l'on nous opposait.

Le deuxième argument: le déficit budgétaire de notre organisation. Et là je tiens à remercier publiquement, et d'ailleurs sur l'ensemble du dossier, M. François Beaulne, le député de Marguerite-D'Youville, qui, à la suite de ces refus, est intervenu à l'époque auprès de la ministre de l'époque justement pour réajuster, si vous voulez, cette compréhension du dossier. Notre déficit budgétaire, nous ne l'avions jamais caché, a souligné M. Beaulne, et il s'expliquait, bien sûr parce que, d'une part, nous sommes d'accès gratuit au public et, d'autre part, et ça, je ne l'ai pas mentionné, le prix que nous percevions, à l'époque, de location de kiosques était très abordable, il équivalait à peu près à 50 $ à 60 $ par jour d'événement, de manière à favoriser l'accès à l'événement à justement de petits antiquaires du livre qui parfois n'avaient même pas pignon sur rue, de libraires à leur disposition, et à pouvoir leur donner ainsi une visibilité. Donc, ce qui expliquait aussi notre déficit. Et puis, d'autre part, soulignait M. François Beaulne déjà à l'époque, il est évident que c'est justement pour ne plus être en déficit, pour équilibrer nos budgets que nous avions besoin d'une aide gouvernementale. Nous estimions déjà à l'époque que, en quelque sorte, nous sommes un service d'utilité publique, puisque notre mission, encore une fois, est gratuite et est de favoriser l'accès à la lecture à la population.

Alors, on nous reprochait aussi, c'est ça, ce déficit, malgré, nous disait-on, des subventions importantes. Déjà à l'époque, on nous disait que nous recevions des subventions significatives, alors ce qui nous a amenés à préparer un petit tableau des subventions reçues à l'époque depuis 1992. Je pourrais vous le déposer. Le maximum que nous ayons reçu à l'époque correspondait à 22 % de notre budget, ce qui était un grand maximum en 1997, mais les subventions ont toujours oscillé, entre 1992 et 1998, entre 5 % et 13 % ou 15 % de notre budget global d'opération. Voilà. Et, encore une fois, le fondement de ce refus, c'est ça, on nous imputait le fait de faire une concurrence déloyale, nous disait-on, aux librairies alors que la manifestation est accessible, bien entendu, à tous les libraires. Alors donc, encore une fois merci, M. Beaulne, de votre intervention de l'époque.

Une autre personne aussi que je tiens absolument à remercier – oui, je n'ai pas regardé l'heure; j'espère que je ne vais pas dépasser les 20 minutes – que je tiens à remercier publiquement, c'est M. Bernard Landry qui a pris la peine de venir nous rendre visite sur le site des Bouquinistes, a constaté l'ampleur de l'opération de sensibilisation à la lecture. Et il est vrai que M. Landry, donc, est intervenu auprès du ministère de la Culture pour que nous soit allouée une subvention de 15 000 $ qui, finalement, d'ailleurs nous a été remise trois mois plus tard par la SODEC.

Donc, je rencontre l'ancien président de la SODEC en août. Enfin, je vais peut-être passer certains détails; c'est ce que vous souhaitez peut-être, M. le Président, bon. Enfin, les rebondissements ont été les suivants. C'est que, à la suite de ces interventions, finalement, le président de l'époque nous confirme que, oui, nous pouvions bénéficier de budget de la SODEC, ce qui nous réjouissait. Nous déposons donc notre dossier de 68 000 $, à l'époque, pour six manifestations. Et là j'ai été très surprise parce qu'on nous a dit: Mais 68 000 $, est-ce que... Quel serait le montant avec lequel vous seriez finalement confortable? C'est une question que je pose ici, à cette Assemblée: Est-ce que les montants de subvention demandés doivent être négociables ou est-ce qu'ils doivent correspondre simplement à des besoins réels de l'organisation, ce que j'ai toujours pensé? Et, à ce moment-là, il est évident que, si nous déposons une demande d'un certain montant, il s'agit pour nous d'un montant minimum. Alors, ça, c'est une question que je pose.

Nous avions cru à l'époque avoir gain de cause. Finalement, nous avons un nouveau refus de la SODEC portant à nouveau sur notre déficit accumulé, alors que nous avions fait valoir que nous effacions la dette d'avant 1997, dont nous faisions une affaire personnelle, et que Les Bouquinistes, avec une subvention, pouvaient parfaitement équilibrer les budgets. On nous a fait valoir aussi que notre demande était égale ou supérieure, nous disait-on, à celle octroyée aux salons du livre. Et c'est là, encore une fois, où je voulais faire valoir que notre demande de 68 000 $ touchait six manifestations et non pas une seule. Je savais très bien que chacun des salons du livre perçoit entre 50 000 $ et 80 000 $ par manifestation de quatre à cinq jours. Nous demandions 68 000 $ pour 53 jours de manifestations répartis sur six manifestations.

Finalement, le dossier – je passe encore une fois le détail, j'essaie – a été révisé par le ministère de la Culture et la SODEC. On nous a finalement promis 25 000 $ et un discrétionnaire de 5 000 $ du ministère de la Culture. L'équipe du ministère de la Culture de l'époque a changé, et, finalement, nous avons obtenu, au bout d'un an et demi, 20 000 $ de la SODEC et 5 000 $ du ministère de la Culture.

Alors, nous avons dû combler évidemment notre demande budgétaire. Nous avons, devant ce montant, réduit nos manifestations à quatre et non plus six et nous avons pu obtenir, grâce à la générosité de certains ministres et de certains députés, d'ailleurs ici présents, des discrétionnaires: 10 000 $ de M. Landry, 5 000 $ de la Culture, 4 000 $ de Mme Louise Harel, 1 000 $ de M. François Beaulne et 300 $ de M. Pierre-Étienne Laporte aussi, député d'Outremont. Voilà, ce qui fait que le total des subventions allouées par le gouvernement du Québec était de 45 300 $: 20 000 $ de la part de la SODEC et 25 000 $ obtenus en discrétionnaires.

Alors, en septembre suivant, le président sortant de la SODEC nous confirme que, finalement, nous aurons des subventions récurrentes de la part de la SODEC, ce qui nous réjouit, mais, nous dit-on, le montant devrait être autour des 20 000 $ alloués précédemment.

Le Président (M. Rioux): Donc, pas très confortable.

Mme Tirole (Hélène): Pardon?

Une voix: Ils ne pourront pas aller à Matane.

Le Président (M. Rioux): Donc, pas très confortable.

(11 h 30)

Mme Tirole (Hélène): Pas très confortable du tout. Alors, ce que je veux simplement faire valoir, c'est que, pour quatre manifestations – nous maintenons quatre manifestations en 2000 – nous avons effectivement besoin de 45 000 $ au minimum pour pouvoir fonctionner, 45 000 $ qui, somme bien que substantielle, représente à peine 11 % de notre budget 2000. Voilà. Alors, est-ce que cette somme peut nous parvenir directement de l'organisme chargé du développement culturel de manière à nous éviter d'aller chercher, de manière éparse, à droite, à gauche, des compléments discrétionnaires et de manière à nous permettre de consacrer toutes nos énergies à la réalisation des manifestations?

Alors, je tiens à souligner, si vous me le permettez, M. le Président – j'arrive juste à l'issue et à ma conclusion, me le permettez-vous? – ...

Le Président (M. Rioux): Allez, allez!

Mme Tirole (Hélène): ...je tiens à souligner qu'il y a 15 jours, donc, j'ai rencontré la nouvelle équipe de la SODEC, nouvelle équipe qui était tout à fait compréhensive face à nos besoins budgétaires, qui a souhaité nous voir aller vers un partenariat intelligent – je le dis entre guillemets – nous a-t-on dit, c'est-à-dire nous conseillant notamment d'agir davantage en synergie avec l'Association des libraires, avec leurs recommandations, et nous assurant de leur entier appui.

Et, en conclusion et en résumé de tout ceci – donc, vous voyez une belle issue – je voudrais simplement faire valoir trois points, si vous me le permettez, mettre en évidence trois points. Donc, est-il possible d'avoir nos budgets d'une seule et même source, si possible la SODEC, de manière à nous éviter cet éparpillement? Et, encore une fois, deuxième point, sans vouloir établir de comparaison abusive avec les salons du livre qui méritent bien ce qu'ils reçoivent, je tiens à le mentionner ici, il semble étonnant de constater que l'ensemble des neufs salons des régions du Québec touchent 270 000 visiteurs. Déjà, en 1997, ces salons recevaient un soutien global du gouvernement du Québec de 647 000 $. Nous, Les Bouquinistes du Saint-Laurent, nous touchons plus de 700 000 visiteurs. Encore une fois, 765 000, nous visons, l'été prochain. Notre demande de 45 000 $ nous paraît tout à fait à la fois cohérente et relativement modeste, même si elle est significative, et elle couvre quatre manifestations, 53 jours d'événements, soit une moyenne de 850 $ par jour d'événement. C'est ça que nous demandons. Et, si l'on s'amuse à un autre calcul, elle revient à demander 0,06 $ par visiteur.

Alors, voilà, je voulais juste aussi faire apparaître comme essentiel que loin de faire concurrence aux libraires, Les Bouquinistes du Saint-Laurent créent des lecteurs et drainent une plus grande clientèle susceptible d'entrer dans les librairies et les salons du livre par la suite.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Tirole. Le député de Marguerite-D'Youville avait demandé la parole, alors on va tout de suite la lui passer.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Merci, Mme Tirole. Vous me permettrez, pour le bénéfice des collègues... D'abord, vous avez très bien exposé la problématique. Mais, si j'ai demandé à Mme Tirole et aux Bouquinistes du Saint-Laurent de faire partie de ceux qui témoigneraient, c'est parce que ce qu'elle nous a décrit très sommairement touche quatre points fondamentaux sur lesquels nous nous interrogeons.

D'abord, la question du processus autonome d'attribution des subventions de la part des organismes subventionnaires, que ce soit la SODEC ou le CALQ. Bien sûr, nous visons l'objectivité la plus parfaite. Mais l'exemple des Bouquinistes du Saint-Laurent et des démarches qu'ils ont eues avec la SODEC montre que ce n'est pas un processus complètement étanche aux influences d'intérêts et au balancement d'intérêts divers. Mme Tirole a fait allusion aux pressions qui avaient été exercées auprès de la SODEC par le lobby des libraires plus établis, en prétextant que Les Bouquinistes du Saint-Laurent vendaient en dessous du prix. Elle nous a bien situé cette problématique-là. Mais tout ça pour illustrer que le processus soi-disant autonome de la part de ces organismes subventionnaires là n'est pas à l'abri de toute influence et de tout marchandage d'intérêts.

Deuxième point: la complémentarité de certaines demandes qui sont adressées aux organismes et, dans celui-là, de complémentarité avec la politique du livre du gouvernement du Québec. D'ailleurs, au moment où je m'étais intéressé à cette problématique – je lui avais dit, à Mme Tirole – c'était justement alors que Mme Beaudoin, à l'époque ministre de la Culture, avait annoncé la politique du livre québécoise. Et on sait tous – c'est un secret de Polichinelle – que les Québécois n'étaient guère versés sur la lecture jusqu'à récemment. C'est donc dire que, avant de vendre des livres à 35 $, 40 $, encore faut-il que nos gens aient le goût de lire. L'oeuvre, l'initiative des Bouquinistes du Saint-Laurent en quelque sorte de vulgariser et d'inciter, d'intéresser les Québécois à la culture, à mon avis et de l'avis d'autres collègues et d'autres ministres du gouvernement, était complémentaire à la politique gouvernementale. Et j'en tiens pour preuve les activités des Bouquinistes qui, jusqu'au déroulement heureux avec la SODEC, étaient soutenues à même nos budgets discrétionnaires: sur 45 000 $, il y en avait 25 300 $ qui venaient de nous. Autre aspect: l'aspect complémentarité. Je savais que mon collègue d'Outremont était également réceptif à cette initiative. Donc, des deux côtés de la Chambre, on y voyait quelque chose de complémentaire à la politique gouvernementale.

Troisième point: la régionalisation. Depuis que nos audiences ont commencé, l'ensemble des collègues, ici, on se préoccupe et on s'est interrogés sur la manière dont l'effort culturel du gouvernement du Québec, l'effort de l'État pourrait également s'étendre aux régions. Eh bien, en voilà ici une excellente démonstration où c'était parti de Montréal, ça s'est étendu à Québec, ensuite c'est venu chez nous, à Boucherville. C'est là où c'est peut-être un peu de ma faute si Mme Tirole s'est empêtrée dans des déficits par la suite, parce que je lui avais suggéré, compte tenu de la réussite, du succès que l'exposition avait eu à Boucherville – où il y avait eu plus de lecteurs qu'à Montréal, plus d'acheteurs qu'à Montréal même – ...

Mme Tirole (Hélène): Tout à fait.

M. Beaulne: ...qu'on devrait étendre cette initiative-là à d'autres régions. Et la question qu'a soulevée le président est tout à fait pertinente. Moi, je souhaiterais qu'on puisse étendre cette initiative en Gaspésie, sur la Côte-Nord, enfin ailleurs. Mais vous conviendrez qu'avec un... d'abord. Et, troisièmement, évidemment, ça posait la question des budgets récurrents, et évidemment le montant.

Mme Tirole (Hélène): Et, si vous me le permettez, M. le Président, M. François Beaulne, il est vrai que chaque année, le discrétionnaire arrivant en dernière minute, nous ne savions pas exactement avec quel montant procéder.

M. Beaulne: Comment planifier?

Mme Tirole (Hélène): Et la dernière minute faisait que... Nous avions toujours décidé de respecter nos engagements. Et, forts de nos engagements, nous refaisions la manifestation et le déficit s'accroissait. Cet engrenage-là a d'ailleurs été stoppé, puisque je tiens tout de suite à mentionner qu'en 1999 nos budgets sont parfaitement équilibrés, accusent même un surplus de 17 000 $ qui permet de résorber une partie du déficit depuis 1997. Et, en 2000, nous allons continuer à effacer définitivement cette dette.

M. Beaulne: C'est ça.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Tirole, nous allons permettre au député de terminer parce qu'il y a un quatrième point, semble-t-il...

Mme Tirole (Hélène): Oui. Pardonnez-moi. Ha, ha, ha!

M. Beaulne: Oui.

Le Président (M. Rioux): ...qu'il voudrait mettre en évidence.

M. Beaulne: Bien, le quatrième point, c'est la question des montants récurrents. Mme Tirole m'a un peu précédé. On ne peut pas planifier une expansion en région d'une initiative comme celle-là à la dernière minute, en attendant des réponses de budgets discrétionnaires qui viennent en bout de piste. Alors donc, la problématique, et la question, et la demande qu'elle nous fait est tout à fait recevable. Si on croit que c'est une initiative qui est complémentaire à la politique de la lecture et du livre, on doit effectivement permettre à l'organisme d'obtenir un montant récurrent, ce qui était le premier objectif des démarches auprès des organismes subventionnaires, et de taille raisonnable pour que l'organisme, pour que Les Bouquinistes du Saint-Laurent puissent étendre leur initiative en région. Mme Tirole mentionne 45 000 $. C'est bien modeste, effectivement, pour pouvoir ajouter d'autres villes sur le parcours.

Alors, c'est essentiellement ce que je voulais dire.

Mme Tirole (Hélène): 45 000 $ pour quatre villes, si vous me le permettez. S'il y en a d'autres...

M. Beaulne: Pour quatre villes. C'est modeste, c'est très modeste. Mais, si on regarde ce que ça coûte pour en ajouter d'autres, ce n'est quand même pas excessif par rapport aux retombées.

Alors, voilà, c'était l'essentiel de mon intervention. Et je peux vous dire, Mme Tirole, que, quant à moi, personnellement, je vais sûrement travailler pour qu'on obtienne un budget convenable pour que l'initiative puisse être étendue à d'autres municipalités.

Mme Tirole (Hélène): Je vous en remercie beaucoup.

Le Président (M. Rioux): Un budget confortable. Parce que c'est la terminologie de la SODEC...

Mme Tirole (Hélène): Oui, c'est ça. C'est ça.

Le Président (M. Rioux): ...«un budget confortable».

Mme Tirole (Hélène): Confortable, oui.

(11 h 40)

Le Président (M. Rioux): J'aimerais souligner, Mme Tirole, que non seulement la démarche qui est la vôtre s'inscrit dans la politique du livre et de la lecture au Québec, mais elle rejoint aussi une très grande préoccupation de tous les membres de cette commission: la démocratisation de la culture.

Mme Tirole (Hélène): C'est ça.

Le Président (M. Rioux): Il faudrait peut-être mettre ça en évidence, cet aspect-là des choses. Parce que vous vous adressez aux gens, au fond, et je trouve ça admirable. C'est les auteurs qui ont traversé le temps, disiez-vous tout à l'heure. C'est tout à fait intéressant. En plus, il y a le goût de la lecture, mais il y a la capacité d'acheter de la lecture.

Mme Tirole (Hélène): Exact.

Le Président (M. Rioux): Et ça, ce n'est pas facile. Ce n'est pas accessible à tout le monde. Alors, vous jouez un rôle de soutien, à mon avis, à la politique du livre et de la lecture, et surtout vous vous inscrivez dans la démocratisation de la culture, c'est-à-dire la rendre accessible à tous. Ça, ce n'est pas rien.

Mme Tirole (Hélène): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre présentation, effectivement d'être venue devant cette commission. Je tiens aussi à souligner que mon collègue de Marguerite-D'Youville vient de faire un bon résumé des problématiques soulevées par vos démêlés – je vais appeler ça comme ça – avec la SODEC.

Maintenant, moi, je pense que votre histoire nous indique qu'il ne faut peut-être pas se réjouir trop vite. La conclusion qui semble se dégager, qui dit: Ah! heureux dénouement avec la SODEC, moi, si je lis votre résumé, je me dis que vous avez déjà eu un accord de principe qui, quelques mois plus tard, s'est transformé en refus. Et je trouve qu'il ne faut pas être trop naïf. Ça tombe bien qu'il y ait eu un heureux dénouement il y a deux semaines, alors que la SODEC a votre mémoire depuis quelque temps déjà puis qu'elle vous rencontre. Là, vous êtes capable de nous dire, ici: Heureux dénouement. Moi, je me dis juste, là: Reprenons une perspective à plus long terme. Tant mieux si c'est un heureux dénouement, mais reprenons une perspective à plus long terme, mais peut-être un peu plus large.

Le député de Marguerite-D'Youville a souligné, et vous également, que, parmi les arguments amenés par la SODEC pour refuser un financement de votre activité des Bouquinistes, il y avait un aspect concernant le livre neuf. Donc, mon collègue vient de parler de pressions, de lobby sûrement de l'Association des libraires. J'aimerais avoir maintenant votre commentaire, parce qu'il faut remettre ça dans sa juste perspective. En cours d'année, le gouvernement du Québec, par la SODEC, a décidé que les Québécois et Québécoises seraient propriétaires de librairies. Donc, la SODEC est devenue actionnaire de librairies de grande surface. Comment vous sentez-vous dans cette situation? La SODEC fait maintenant partie du clan des libraires au Québec. C'est elle qui fait pression contre vous. Comment vous vous sentez face à ça?

Mme Tirole (Hélène): Effectivement, je pense que, face à des grandes surfaces comme Renaud-Bray, Champigny, il faut venir en aide aux petits libraires de quartier qui font un travail excellent. Je pourrais citer, même si elle n'est pas, comme dirais-je, exposante chez nous, la librairie Hermès, par exemple, à Outremont, qui fait un travail d'animation et de recherche, un travail d'animation auprès de son public absolument remarquable. Mes propres enfants allaient lire des bandes dessinées chez elle lorsque j'étais dans d'autres activités. Elle les laissait faire. Et mes enfants sont devenus de très grands lecteurs. Je pense donc que nous faisons un travail de regroupement et d'aide pour les librairies de taille plus moyenne.

Par ailleurs, je tiens à souligner un article dans Le Devoir d'hier, qui m'a assez surprise. Il est question justement que ces grandes surfaces offrent, elles aussi – mais alors là des nouveautés et non pas simplement du livre neuf à prix réduit – des nouveautés, des nouvelles parutions, des best-sellers à prix réduit. C'est bien dans les intentions, paraît-il, de la librairie Renaud-Bray.

Donc, je pense qu'il ne faut pas déplacer le débat lorsqu'on parle de politique de la lecture. Est-ce que c'est une politique de sensibilisation à la lecture ou est-ce que c'est une politique de protection du prix du livre? Voilà comment je ressens les choses.

Mme Beauchamp: Si vous permettez, lors de l'étude des crédits, en 1999, mon collègue de Marguerite-D'Youville a posé une question qui allait aussi dans le sens de... Il a même prononcé les mots «conflit d'intérêts». Lorsque la SODEC a annoncé sa participation financière, qu'on deviendrait donc propriétaire, comme gouvernement, actionnaire de librairies grande surface, j'ai aussi invoqué en Chambre la notion de... Quand ensuite la SODEC s'asseoit avec des libraires de petite surface ou, par exemple, avec le type d'activité dans le domaine du livre que vous représentez, est-ce que je suis ou pas devant une forme de conflit d'intérêts? C'est pour ça que c'est important d'avoir votre commentaire. Vous parliez tantôt de Renaud-Bray dans le journal qui dit avoir un certain impact sur la question du prix du livre. Renaud-Bray fait partie du consortium qui appartient maintenant au gouvernement du Québec en partie. Comment, vous, vous vous sentez?

Mme Tirole (Hélène): Je me suis posé la question aussi, je vous avoue, sans en avoir une réponse très claire. Mais j'ai reçu une réflexion justement à ce sujet assez intéressante, c'est que ce serait aussi un moyen de protéger les grandes surfaces francophones d'une concurrence de grandes surfaces anglophones. Donc, si on le voit dans cette perspective-là, on peut mieux comprendre, comment dirais-je, cette implication de la SODEC. Autrement, effectivement, on pourrait songer à un conflit d'intérêts. Je m'en suis fait moi-même la réflexion, je me suis posé la question, disons. Mais, vu dans une perspective de protection de la francophonie, c'est différent.

Mme Beauchamp: Merci.

Le Président (M. Rioux): Je vais donner la parole au député de Saint-Hyacinthe. Après ça, j'ai une question, je me suis promis de vous la poser. Alors, on va revenir un petit peu plus tard. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui, M. le Président, je tiens à remercier madame pour sa présentation très intéressante et qui, moi, m'a ouvert les yeux sur des choses non pas que je ne connaissais pas, mais dont j'étais plus ou moins conscient. Je n'étais pas vraiment conscient de la dimension de véhicule culturel que représentent Les Bouquinistes du Saint-Laurent. Je suis un habitué de vos expositions, j'y vais tous les ans, surtout à Québec. C'est vrai que non seulement par les prix auxquels vous offrez les livres ça permet une plus grande accessibilité pour M. et Mme Tout-le-monde, mais, en même temps, c'est peut-être l'une des vitrines les plus extraordinaires d'une culture, d'avoir en même temps, si on est d'accord pour dire qu'un livre, c'est un ambassadeur culturel...

Mme Tirole (Hélène): Tout à fait.

M. Dion: ...autant d'ambassadeurs qui, eux, ne sont pas décédés, qui ont passé à travers le temps et qui continuent à rendre témoignage d'une culture. Et il faudrait peut-être regarder avec des yeux d'étranger pour comprendre tout ce que ça signifie. Si on se retrouve, par exemple, à Barranquilla, en Colombie, et qu'on a un étalage de volumes qui vont nous parler non seulement de toute l'histoire, mais de la vie dans l'Amazonie, dans la Pampa argentine, dans les Andes, et qu'on a tout ça, je pense qu'on a devant nous une fresque de la culture espagnole dans les deux mondes. C'est la même chose pour ce que vous représentez, je pense. Et, dans ce sens-là, il me semble qu'il y a là un véhicule culturel très important.

Et c'est pour ça que c'est vrai que votre demande, somme toute, est modeste. 45 000 $, ce n'est quand même pas la fin du monde. Et, prenant le relais de ce que disait M. le député de Marguerite-Bourgeoys...

Mme Tirole (Hélène): Marguerite-D'Youville.

Le Président (M. Rioux): D'Youville.

M. Dion: ...de Marguerite-D'Youville, il faudrait peut-être penser – en tout cas, je le suggère, avec tous les risques que ça comporte – je suggère de penser peut-être à une possibilité, oui, de financer des événements en région sur la base peut-être du jour-événement en région, de façon à ce qu'il puisse y avoir dans cette approche un élément de dynamique qui vous encourage à aller dans différentes régions, là où des événements importants regroupent un nombre de personnes suffisant pour justifier l'événement, et ce qui vous permettrait de pouvoir aller dans du développement avec l'appui de la SODEC.

Mme Tirole (Hélène): C'est ce que nous souhaiterions. Nous avons pu parcourir, par exemple, Trois-Pistoles deux années de suite avec l'aide de Victor-Lévy Beaulieu qui, comme vous le savez, lui aussi, a des problématiques budgétaires, et nous avons regretté de ne pas pouvoir poursuivre justement cette manifestation à Trois-Pistoles.

Nous avons fait des tentatives vers Rouyn-Noranda également. Malheureusement, la municipalité refuse, là-bas, de nous aider. Et, encore une fois, manque de budget, nous avons dû renoncer à Rouyn-Noranda. Nous prévoyons, pour 2001, Hull, avec un commanditaire principal qui nous aide. D'ailleurs, cette année, nous avons une plus grande insertion de commanditaires, ce qui nous permet de maintenir la même demande budgétaire que l'an passé tout en améliorant encore la qualité des manifestations et en travaillant davantage sur les spectacles et animations offerts gratuitement, là encore, sur les sites des Bouquinistes de manière, encore une fois, à démocratiser toujours plus la lecture.

(11 h 50)

Je dis toujours: La poésie fait la chanson. Quand on écoute les textes de Pauline Julien, qu'ils soient chantés ou lus, c'est une véritable poésie. Même chose, cet été, nous allons faire des spectacles avec du Baudelaire chanté par Léo Ferré, enfin, pas par Léo Ferré, par Renée Claude qui interprète Léo Ferré, excusez-moi. Ha, ha, ha! Bon, Baudelaire chanté, Aragon chanté ou encore Pauline Julien lue. Vous voyez, on alterne lectures et chansons justement pour amener les gens à se pencher davantage sur le texte écrit. La littérature est partout. Elle est partout, elle nous entoure.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Ah! M. le Président, j'aurais tellement de choses à dire, mais je pense que je vais m'abstenir parce que c'est...

Le Président (M. Rioux): Bien, allez, faites un début, au moins.

Mme Tirole (Hélène): Ha, ha, ha!

M. Laporte: Non, mais ce qu'on entend... Écoutez, on entend des choses qui nous démontrent, de toute évidence, que, malgré les efforts vertueux du député de Marguerite-D'Youville et du député d'Outremont, n'est-ce pas... Vous avez évidemment, de votre côté, des moyens supérieurs aux miens. On est devant une réalité qui est celle de l'arbitraire des décisions qui sont prises par des organismes subventionnaires, pas de mauvaise foi, madame l'a dit au début, il y a les grilles.

Mme Tirole (Hélène): Ha, ha, ha! Les grilles.

M. Laporte: Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse?

Mme Tirole (Hélène); Ha, ha, ha! L'innovation n'a pas de grilles.

M. Laporte: L'arbitraire des grilles. Y a-t-il quelque chose de plus arbitraire que ça, une grille? En avez-vous déjà souffert, vous autres, de l'arbitraire des grilles? Moi, j'en ai souffert toute ma vie, de l'arbitraire des grilles!

M. Beaulne: Bien, nos citoyens aussi.

Le Président (M. Rioux): Sauf au Conseil de la langue.

M. Laporte: Comment fait-on, M. le Président, pour se débarrasser de cet arbitraire? Je vous ferai mes recommandations. Mais c'est ça, on l'a entendu chez madame, on l'a entendu chez la précédente au sujet des arts textiles: les grilles. J'en ai souffert toute ma vie. Alors, je ne peux tout de même pas me mettre à... Je sais que, de votre côté, la souffrance est là aussi. Vous l'avez éprouvée comme moi. On communique là-dessus, n'est-ce pas?

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont, Mme Tirole évoquait tout à l'heure la concurrence déloyale qui fait partie du discours des libraires.

M. Laporte: Oui, mais Wal-Mart, il ne fait pas de la concurrence déloyale, lui? Il en vend, des livres à rabais, lui, Wal-Mart?

Mme Tirole (Hélène): Ils sont des libraires, oui.

Le Président (M. Rioux): Laissez-moi aller un peu. Ce ne sera pas long, vous allez voir.

M. Laporte: C'est quoi, ça?

Le Président (M. Rioux): Cette concurrence déloyale sur le prix du livre, c'est un facteur important, c'est un gros débat. En France, ils ont tenté de résoudre ça par la Loi sur le prix unique. Est-ce que vous voyez, pour une petite société comme la nôtre, en Amérique du Nord, 7 500 000 habitants, une politique semblable ou une orientation de cette nature contribuant à régler ce genre de problème de la concurrence déloyale qu'évoquent les libraires?

Mme Tirole (Hélène): Je ne crois pas en une concurrence déloyale. Dans tous les secteurs d'activité, quels qu'ils soient, il y a concurrence, il y a des différences de tarifs. Est-ce qu'on peut comparer la couture, la mode, est-ce qu'on peut comparer d'autres secteurs d'activité avec le prix du livre? Je ne crois pas que le prix unique soit une solution.

Le Président (M. Rioux): Vraiment pas?

Mme Tirole (Hélène): Vraiment pas. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Parce que vous avez la conviction...

Mme Tirole (Hélène): Vraiment pas. Il y aura toujours des libraires qui, dans leur propre librairie, m'a-t-on dit – certains de mes exposants m'ont relaté cet exemple-là – font eux-mêmes des soldes. Autrement dit, comme m'a dit l'un des exposants, est-ce qu'ils se font concurrence à eux-mêmes? Je pense que, de tout temps, il y a eu des prix réduits, des réductions de manière à attirer d'autres clients. Je pense que ces réductions sont nécessaires aussi pour aider la libre circulation des marchés, enfin des produits plus exactement.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Sauvé, vous avez une question flash?

Mme Beauchamp: Très, très courte, oui, sur le sujet dont on parle. Est-ce que vous avez l'intention d'aller faire vos représentations auprès du comité Larose, sur les pratiques commerciales dans le domaine du livre? Parce qu'il y a peut-être une méconnaissance, comme l'a souligné le député de Saint-Hyacinthe, un peu de l'ensemble des impacts que vous avez, mais il y a aussi des questions de type commercial qui sont soulevées par différentes personnes. Est-ce que vous avez l'intention d'aller devant le comité Larose et souhaitez que la SODEC entende aussi ce qui se passe là?

Mme Tirole (Hélène): Je n'avais pas cette intention-là. Je vais y réfléchir. C'est une idée. Mais je tiens simplement à souligner, comme l'a très bien dit monsieur, que notre entreprise est avant tout une entreprise de démocratisation et de libéralisation justement de certains prix pour certaines familles qui, chaque automne – des familles nombreuses – doivent régler des sommes importantes en ouvrages de tout genre pour leurs jeunes gens étudiants. Je pense qu'il est important de pouvoir aussi offrir des livres à prix réduit et de laisser ce choix aux familles.

Le Président (M. Rioux): Je vais accueillir une dernière question du député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. C'est plutôt un commentaire. Je fais suite à ce que disait tout à l'heure mon collègue de Marguerite-D'Youville. J'ai ici la politique du livre. Vous correspondez exactement à ce qu'on dit. On définit, par exemple, au niveau de la sensibilisation de la lecture, que la SODEC doit soutenir des activités d'animation parallèles à la tenue des salons du livre, hors les salons, et même augmenter son aide aux organismes qui mettent ça sur pied. D'autant plus que vous correspondez aussi aux objectifs en faisant oeuvre d'incitation, vous l'avez dit, promotion des libraires, la promotion aussi du patrimoine culturel. Alors, je suis un peu comme le député de Laporte, je trouve ça vraiment...

Une voix: D'Outremont.

M. Boulianne: D'Outremont, je m'excuse. Je m'excuse, monsieur. C'est incompréhensible qu'on ne puisse pas vous aider plus que ça dans ce domaine-là.

Mme Tirole (Hélène): En milieu populaire. Et, encore une fois, notre philosophie, c'est la gratuité d'accès à toutes les manifestations, que ce soit les spectacles ou encore l'accès à la manifestation elle-même. Je dirais que nous gérons, Les Bouquinistes, à la manière d'une mère de famille: nous faisons des miracles budgétaires.

Le Président (M. Rioux): Mme Tirole, vous êtes arrivée ici aujourd'hui, vous aviez deux alliés.

Mme Tirole (Hélène): C'est vrai, et je tiens à les en remercier une nouvelle fois.

Le Président (M. Rioux): Le député de Marguerite-D'Youville et celui d'Outremont.

Mme Tirole (Hélène): Je tiens à les remercier une nouvelle fois.

Le Président (M. Rioux): Vous quittez en ayant gagné d'autres. Votre témoignage aujourd'hui, c'est de l'oxygène, je reçois ça comme de l'oxygène dans la machine gouvernementale. Ceux qui ont des oreilles devraient entendre, sinon on va les aider. Alors, merci beaucoup.

Mme Tirole (Hélène): Je vous remercie beaucoup de votre accueil et de votre écoute.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, madame. Au revoir. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Rioux): Est-ce que les représentants du Réseau indépendant des diffuseurs d'événements peuvent prendre place? Alors, M. Janelle, vous allez nous présenter vos collaborateurs.


Réseau indépendant des diffuseurs d'événements artistiques unis (RIDEAU)

M. Janelle (Roland): Oui, certainement. Le document que nous vous présentons sera livré par Mme Céline Marcotte, qui est vice-présidente de RIDEAU, et par moi-même, président. Pour répondre aux questions également, Mme Denise Arsenault, qui est administrateure à RIDEAU, qui est de Baie-Comeau, et Mme Hélène Binette, qui est directrice générale de RIDEAU.

Le Président (M. Rioux): Alors, avec un groupe aussi imposant, on a des bonnes chances d'avoir des réponses.

M. Janelle (Roland): Nous avons des choses à vous proposer.

Le Président (M. Rioux): D'ailleurs, vous soulevez dans votre mémoire de multiples interrogations aussi. Alors, on vous écoute, messieurs dames.

M. Janelle (Roland): Oui, très bien. Alors, M. le Président de la commission, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs. RIDEAU, le Réseau indépendant des diffuseurs d'événements artistiques unis, dépose avec intérêt, enthousiasme et confiance le présent mémoire sur la politique d'aide financière aux artistes et entreprises culturelles du Québec et sur les organismes mis en place pour gérer cette aide financière. Avec intérêt d'abord, parce que les diffuseurs de spectacles du Québec sont touchés dans leur travail quotidien par les suites de l'application des différents programmes d'aide financière du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la Société de développement des entreprises culturelles. Aussi, avec enthousiasme, parce que l'exercice du droit de parole ainsi formalisé au sein de nos institutions politiques québécoises est une preuve réjouissante de la santé de notre système sociopolitique. Et, enfin, avec confiance, parce que les diffuseurs de spectacles du Québec que nous représentons croient qu'un tel exercice de démocratie se veut autre chose qu'une utilisation savante du temps et des ressources de l'Assemblée nationale. Ils croient que les points de vue présentés seront entendus, étudiés, débattus et qu'éventuellement certaines propositions seront retenues et traduites en actions.

C'est donc dans un esprit des plus positifs et des plus constructifs que RIDEAU se fait le porte-parole de ses membres en présentant le document qui suit.

Le Président (M. Rioux): M. Janelle, ayant lu bien attentivement votre document, vous ne passerez jamais à travers en 20 minutes.

M. Janelle (Roland): Vous pensez?

Le Président (M. Rioux): Alors, vous allez devoir, hein...

M. Janelle (Roland): Oui, nous avons résumé plusieurs endroits également.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Continuez, je vous en prie.

M. Janelle (Roland): Alors, qu'est-ce que RIDEAU? Qui représente-t-il? À quel titre sommes-nous participants à cette table consultative? Voilà trois questions auxquelles il nous paraît important de répondre dès le départ, d'abord pour bien établir l'importance de notre rôle au sein du milieu artistique québécois et, ensuite, pour démontrer de quelle manière nous sommes touchés par les interventions respectives du Conseil des arts et des lettres du Québec, le CALQ, et de la Société de développement des entreprises culturelles, la SODEC.

RIDEAU est un réseau qui regroupe essentiellement des diffuseurs québécois de spectacles. Nous comptons plus de 100 membres qui, répartis aux quatre coins du Québec, travaillent en collégialité pour faire en sorte que le public de tout le Québec ait accès à des spectacles variés et de qualité, produits majoritairement au Québec. Ce travail collégial s'effectue à trois niveaux: au niveau national, au sein de la structure associative qu'est RIDEAU; au niveau régional, au sein de réseaux à caractère géographique directement liés aux opérations d'achat et de mise en marché de spectacles; et, enfin, au niveau individuel, au sein d'une communauté locale formée de gens d'affaires, de décideurs municipaux et d'intervenants culturels et scolaires.

Une des principales activités de RIDEAU en tant qu'association est l'organisation annuelle d'un marché québécois du spectacle, appelée la Bourse RIDEAU. Réunis pendant cinq jours, en circuit fermé, les producteurs et diffuseurs de spectacles qui participent à ce forum ont l'occasion de s'informer mutuellement, de s'ouvrir à de nouvelles tendances dans le monde du spectacle, de discuter de leurs préoccupations et surtout de réaliser des échanges à caractère commercial qui se concluront possiblement par une entente contractuelle. L'an dernier, lors de la douzième édition de la Bourse RIDEAU, près de 500 diffuseurs, producteurs et observateurs ont fait de l'événement, une fois encore, un temps fort de l'activité économique du milieu artistique québécois.

(14 h 10)

De l'extérieur, ce qu'il faut voir au premier plan, c'est le fait que les diffuseurs membres de RIDEAU constituent une force économique importante – on parle facilement de 30 000 000 $ pour l'ensemble du réseau – puisqu'ils oeuvrent à l'extrémité même de la chaîne économique du spectacle, là où les efforts et les investissements financiers en formation, création et production trouvent leur aboutissement ultime. En effet, si l'oeuvre ou la production artistique, aussi géniale soit-elle, n'est pas vue ou entendue du public, elle demeure dans l'anonymat, et les efforts et investissements consentis à la création ou à la production de cette oeuvre sont vains et, surtout, sans résultat.

Or, c'est précisément en raison de cette position stratégique que l'action des diffuseurs québécois de spectacles se situe en lien étroit non seulement avec les actions des créateurs et des producteurs, mais aussi avec les actions des supporteurs financiers de ces deux groupes. Lorsque, par exemple, les bailleurs de fonds que sont le CALQ et la SODEC décident d'appuyer la tournée de telle ou telle production, de tel ou tel artiste, il est évident que ce soutien visant à faciliter la tournée en question devrait se répercuter au point de jonction producteur-diffuseur-public.

L'économie du spectacle au Québec est fragile. La production artistique foisonne et requiert, simplement pour survivre, un apport constant de fonds publics. C'est là qu'entrent en jeu, de façon tout à fait justifiée, des sociétés publiques comme le CALQ et la SODEC. Mais la production artistique québécoise doit aussi se chercher une part d'autofinancement pour se maintenir dans le paysage artistique et économique. C'est là que les diffuseurs entrent dans la partie à leur tour, comme source importante de revenus autonomes pour les producteurs. Lorsque les diffuseurs achètent un spectacle pour le présenter à leur public, ils contribuent au financement autonome des productions. Dans un contexte d'économie fragile comme celui du spectacle québécois, lorsque la contribution des uns, soit les diffuseurs, n'est pas en convergence avec la contribution des autres, soit le CALQ et la SODEC, il risque d'y avoir problème.

C'est à titre de contributeurs-clés au système économique du spectacle au Québec que les diffuseurs québécois, par la voix de RIDEAU, participent à la présente table consultative afin d'exposer les problèmes découlant des interventions du CALQ et de la SODEC qui les touchent et afin de proposer des pistes de solution à ces problèmes. Je laisse...

Mme Marcotte (Céline): Oui, je dois enchaîner pour parler des interventions du CALQ et de la SODEC en diffusion. Alors, je vais essayer de résumer, comme vous nous l'avez demandé. Donc, dans les mandats de ces deux sociétés-là respectivement, on parle qu'elles ont un mandat en diffusion, donc elles accordent une aide à la circulation des productions qui sont achetées par nous, diffuseurs. Il y a différents niveaux d'intervention en diffusion qu'on ne questionne pas du tout, mais par ailleurs il y en a qu'on questionne, qui ont trait plus particulièrement aux spectacles qui tournent au Québec, que, nous, nous achetons.

Donc, on trouve que parfois, dans le processus d'évaluation, les diffuseurs sont consultés mais sommairement et en complément d'un dossier présenté par un producteur. Nous croyons que les diffuseurs devraient être consultés prioritairement, c'est-à-dire qu'ils participent activement à dresser l'ordre des priorités. Alors, sortir des consultations individuelles et converger davantage vers les choix artistiques collectifs des diffuseurs. Donc, on vous a exposé la façon dont on analyse les demandes de tournée et on croit que ça crée un vice de structure. Par exemple, l'intervention du CALQ, on trouve que c'est cloisonné, compte tenu que les diffuseurs ne sont pas impliqués directement dans le processus d'évaluation.

Pour la SODEC, c'est sensiblement la même chose, malgré qu'il y a des aides automatiques, c'est un peu plus objectif comme accord de subvention. Par ailleurs, j'aimerais mentionner un programme mis sur pied par la SODEC, qui est le projet-pilote de sensibilisation à la chanson dans le milieu collégial. Alors, l'intention derrière ce projet, on la trouve méritoire, puisqu'elle vise l'élargissement de clientèle, une meilleure diffusion de produits considérés comme marginaux et une collaboration dynamique entre diffuseurs professionnels et comités organisateurs de spectacles dans les cégeps. Mais il faut avancer avec prudence et discernement dans ce dossier si l'on considère le revers de la médaille, c'est-à-dire les effets à long terme de cette intervention, qui ne sont pas encore connus. De plus, il s'agit d'un réseau parallèle au réseau de salles reconnues par le ministère de la Culture et des Communications et il y a un avantageux financement d'appoint qui lui est accordé. Sans donner les détails de cette mesure, on peut dire que les diffuseurs reconnus par le ministère n'ont jamais eu droit à de telles mesures aussi généreuses. Donc, on questionne ça.

Le vice de structure, maintenant. Alors, les diffuseurs québécois de spectacles, qui se trouvent dans la catégorie pluridisciplinaire, qui ne sont pas subventionnés directement par le Conseil des arts et des lettres ni par la SODEC, leur financement public provient du ministère de la Culture. Alors, rappelons que seuls les diffuseurs spécialisés se retrouvent, selon la discipline, au CALQ ou à la SODEC. Donc – et j'essaie de résumer en même temps – à notre avis, les deux sociétés d'État n'intègrent pas suffisamment les besoins et points de vue des diffuseurs dans leurs actions respectives.

Bref, je vais lire un petit bout et, ensuite, on ira plus rapidement. Alors, cette déficience – on trouve que c'est une déficience, le fait de ne pas intégrer les diffuseurs dans les processus d'évaluation – sur le plan de la prise de décision n'a pas que des effets négatifs pour les diffuseurs. C'est bien tout le système de la diffusion, producteurs, créateurs et artistes inclus qui en souffrent déjà et qui sont susceptibles d'en souffrir davantage si des ajustements ne sont pas éventuellement apportés. Qu'arrive-t-il en effet lorsque les choix du CALQ et de la SODEC ne sont pas des choix retenus par les diffuseurs? Il arrive tout simplement, en langage économique, que la production ne s'écoule pas suffisamment dans le marché, que les tournées ne sont pas optimales, que la durée d'emploi des artistes qui font partie des spectacles de même que les retombées pour les créateurs ne sont pas ce qu'elles pourraient être si les circuits de tournée étaient plus longs et mieux planifiés. Cela dit, au-delà des interventions problématiques du CALQ et de la SODEC décrites précédemment, nous croyons que celles-ci peuvent s'expliquer à la décharge de ces structures par le mandat même qui leur est conféré.

Alors là il y a tout un pan sur l'histoire. On remonte à la création du CALQ, en 1994. Ça fait que je vous le passe. Comme vous l'avez mentionné, vous l'avez lu. Alors, je vous passe tout ça. Mais, pour arriver quand même à la politique de diffusion qui a été lancée en 1996, il y a eu un redécoupage des interventions en diffusion. Alors, ce redécoupage s'est effectué en suivant la logique disciplinaire. Tout ce qui, en diffusion, était lié à la chanson s'en allait à la SODEC et ce qui touchait la diffusion du théâtre, de la musique et de la danse s'en allait au CALQ. À première vue, cette logique suivant la discipline était tout à fait limpide, sauf qu'avec le temps et la pratique nous en sommes arrivés à la conclusion que le morcellement disciplinaire d'avant la politique de diffusion s'est traduit par un autre morcellement, soit celui de la fonction de diffusion.

Le découpage actuel fait en sorte que les diffuseurs pluridisciplinaires demeurés au ministère forment, en théorie de même que dans le quotidien des intervenants gouvernementaux, un circuit distinct de celui des diffuseurs spécialisés. Dans la pratique toutefois, aux yeux des producteurs, les diffuseurs pluridisciplinaires et spécialisés font tous partie d'un même circuit de diffusion potentiel. Sur le terrain, les diffuseurs spécialisés sont intégrés dans le grand circuit panquébécois de la tournée, en amont souvent, en aval parfois ou au beau milieu de ce circuit. Il est curieux que les gouvernements découpent ce que le marché intègre.

En résumé, avec le redécoupage de la gestion en diffusion, on a délaissé la logique fonctionnelle au profit de la logique disciplinaire qui, nous le reconnaissons, comporte certains avantages. Mais ceux-ci sont-ils plus importants que les problèmes causés par le morcellement administratif de la fonction de diffusion? Nous nous permettons d'en douter.

Ajoutons que la logique fonctionnelle de la diffusion a aussi été laissée de côté en ce qui a trait à l'aide à la circulation de spectacles. Les organismes en théâtre, musique et danse à but non lucratif s'adressent au CALQ, tandis que les organismes de musique à but lucratif ou encore ceux qui montent des comédies musicales vont cogner à la porte de la SODEC. Du point de vue des diffuseurs qui accueillent ces spectacles et les livrent au public, ce découpage ne répond à aucune logique. Pour eux, dans leur quotidien, ils travaillent comme acheteurs dans un seul et même marché de l'offre, comme vendeurs dans un seul et même marché de la demande.

Au-delà de l'inconfort des diffuseurs devant ce morcellement administratif dans la gestion de l'aide rattachée aux productions offertes en tournée, il y a distorsion croissante dans le système de la diffusion artistique au Québec sur le plan des cachets versés aux producteurs entre les disciplines. Les méthodes de calcul et les niveaux de subventions étant inégaux d'une discipline à l'autre, on assiste en effet à une variation incroyable des cachets versés pour les différentes productions artistiques, ce qui fait que les cachets d'un spectacle à l'autre ne sont pas toujours proportionnels à la qualité ou à l'envergure du spectacle. De là, il est très facile de supposer qu'il en est de même pour les cachets d'artistes.

C'est la loi du marché, nous direz-vous. Nous ne voulons pas jeter de l'huile sur le feu en abordant ces questions délicates, mais, lorsque des fonds publics sont engagés, nous estimons que c'est pour pallier justement aux défaillances du marché, éviter les distorsions, assurer un équilibre que la loi du marché fait vaciller et enfin favoriser l'accès du public à une gamme variée de produits. Ce que les diffuseurs observent et subissent, c'est le contraire: les fonds publics ne sont pas distribués de façon à combler les défaillances du marché les plus évidentes. Cela explique en partie pourquoi certaines disciplines sont pratiquement absentes de leur programmation. De plus, les diffuseurs doivent se tenir en rang serré afin d'éviter la flambée des cachets, et cette pression sur le marché est d'autant plus inquiétante qu'elle est parfois initiée par des producteurs subventionnés. Sans aller jusqu'à un contrôle serré des cachets, il faudrait à tout le moins que les règles de financement public soient harmonisées.

(14 h 20)

L'éparpillement de la gestion en diffusion des arts de la scène cause deux autres problèmes importants aux diffuseurs de spectacles: l'un est d'ordre économique et l'autre, d'ordre organisationnel. D'abord, l'injection ponctuelle de fonds publics dans le cadre des programmes d'aide à la circulation de spectacles n'a aucun effet économique visible sur les transactions producteur-diffuseur. En effet, les mécanismes en place actuellement ne permettent pas aux diffuseurs de connaître, au moment opportun, qui sont les organismes subventionnés à la tournée au Québec et pour quels objets précis ils le sont, et ce, dans toutes les disciplines, incluant la chanson. Il arrive que des diffuseurs, officieusement au courant de subventions accordées à tel producteur, se voient demander impunément par ce même producteur la couverture des frais de séjour et de déplacement déjà absorbés dans une subvention. Il est même arrivé un cas où des subventions rétroactives de tournée aient été accordées à des producteurs sans qu'aucun effet ne soit perçu par les diffuseurs impliqués dans la tournée.

Devant une telle situation, force est de constater que, si les diffuseurs de spectacles ne ressentent aucun effet des subventions de tournée, il y a de bonnes chances que les structures publiques qui accordent ces subventions ne soient pas en mesure d'évaluer l'incidence réelle des subventions sur la diffusion de spectacles et de calculer ainsi le retour sur les investissements consentis. Car, si la subvention de tournée n'est pas l'incitatif qui agit sur le diffuseur, est-ce à dire que la tournée pourrait se faire sans subvention? Possiblement, ce serait à voir. Une chose est certaine cependant: en matière de dépenses publiques, un tel empirisme dans la gestion n'est pas de bon augure.

Un autre problème important causé par la gestion morcelée et à vue partielle qui a cours au CALQ et à la SODEC, c'est le retard dans l'établissement des programmations. Pour vendre un spectacle à un diffuseur, les producteurs n'attendent pas habituellement de savoir s'ils seront subventionnés avant d'entamer leurs négociations avec ce diffuseur. Ce sont d'ailleurs les programmes de subvention qui encouragent cette démarche hâtive en posant comme exigence d'inscription la présentation d'un plan de tournée déjà bien établi. Le producteur négocie donc les conditions avec le diffuseur sans savoir s'il sera subventionné et, le cas échéant, de quel montant sera la subvention. S'il est habile et si son produit est en demande, il se négociera des conditions qui ne comptent pas trop sur les subventions, d'où, en partie, la non-visibilité pour le diffuseur de l'effet des subventions de tournée. Par précaution, le producteur attendra cependant l'aboutissement du long processus décisionnel des structures publiques avant de signer officiellement l'entente provisoire intervenue entre lui et le diffuseur. Une fois connue la décision des bailleurs de fonds publics, il se gardera, la plupart du temps, de dévoiler au diffuseur le montant de la subvention obtenue et les objets pour lesquels elle est attribuée. C'est son droit.

Avant la signature du contrat toutefois, ce sont tous les composants de la diffusion du spectacle qui sont tenus en attente, depuis l'artiste jonglant avec un horaire à remplir jusqu'au diffuseur jonglant avec sa programmation à lancer. Quand on sait combien le facteur temps est important dans d'autres secteurs économiques, qu'on fait, par exemple, des études de temps-mouvement pour sauver des dollars sur les chaînes de montage, et quand, de plus, on est conscient de la rareté de l'argent et de la quasi-absence de profits dans l'économie du spectacle au Québec, on ne peut que déplorer les processus décisionnels contre-performants des structures publiques. Roland, tu enchaînes?

M. Janelle (Roland): Je vais poursuivre. Écoutez, les difficultés économiques dont on parle concernant les diffuseurs sont très méconnues parce que les diffuseurs ne sont pas des revendicateurs de nature. On travaille dans le domaine du service public, dans l'ombre des artistes et des producteurs que nous mettons sur scène. Nous sommes, pour la plupart, soutenus par des structures municipales qui, au nom d'une qualité de vie, d'une meilleure qualité de vie, visent à préserver ce service offert au public. Et, malgré certaines difficultés, vous entendrez rarement des organismes qui assurent la diffusion de spectacles au Québec qui ferment leurs portes ou qui déclarent faillite. Mais, comme les diffuseurs de spectacles sont là pour rester et qu'ils se maintiennent justement dans le décor, malgré que les subventions publiques ne représentent en moyenne que moins de 10 % de leur budget d'opération, on a tendance à les tenir pour acquis. Bien entendu, on n'a pas le temps de faire toutes sortes d'études, on ne parle pas trop fort. On peut donc les oublier lorsque sont distribués les fonds publics.

D'ailleurs, en 1998, le Groupe de travail sur la chanson, chargé par la ministre Louise Beaudoin d'étudier la situation actuelle de la chanson au Québec, a commandé plusieurs études, dont l'une à M. Marc Ménard, de la SODEC, afin de connaître la situation du spectacle de chanson au Québec. Il y a des conclusions assez intéressantes que nous tirons de cette étude. Prenons seulement en exemple le tableau 7, à la page 16 de cette étude, qui fait état de l'évolution des revenus de guichet et des revenus de cachet au cours des neuf années passées. Il faut comprendre a priori que les revenus de guichet constituent les revenus autonomes d'un spectacle perçus par le diffuseur et que les revenus de cachet constituent les montants que reçoivent les producteurs pour les services vendus aux diffuseurs.

Entre 1989 et 1998, pour une augmentation de 2 400 000 $ des revenus de guichet chez les diffuseurs en région, il y a eu une augmentation de 2 260 000 $ de revenus de cachet. Ça signifie, en clair, que 95 % des revenus de guichet ont été refilés aux producteurs afin de couvrir les cachets et que le reste, soit 5 %, est resté dans les poches des diffuseurs comme revenus autonomes de présentation de spectacles. C'est donc dire qu'au cours des neuf années d'observation les revenus autonomes des diffuseurs ont augmenté de 140 000 $, ce qui fait une moyenne de 15 500 $ par année pour l'ensemble des diffuseurs en région.

Voilà qui a de quoi faire réfléchir. Si les difficultés économiques des producteurs de spectacles de chanson ont été reconnues – et nous ne les remettons pas en question – à un point tel qu'on leur a versé 3 000 000 $ dans le cadre de mesures d'aide spéciales, que dire des difficultés économiques des diffuseurs de spectacles de chanson qui, à ce jour, n'ont toujours pas été reconnues. Il est effectivement curieux qu'aucun sou des 5 000 000 $ annoncés pour revitaliser le secteur de la chanson au Québec n'ait encore été accordé aux diffuseurs alors que le CALQ et la SODEC ont obtenu une part de cette somme pour répondre aux besoins de leurs clientèles respectives.

Le Président (M. Rioux): M. Janelle, parlez-nous un peu, rapidement, là... Vous pourriez peut-être passer sur la création d'un bureau québécois de la diffusion, aller à votre conclusion, et on pourra revenir à la période de questions, où vous pourrez compléter ce que vous n'avez pas le temps de nous dire.

M. Janelle (Roland): D'accord. Bon, c'est bien. Donc, on va passer tout de suite, comme vous l'avez dit, à la conclusion.

La multiplication actuelle des lieux d'intervention en diffusion de spectacles coûte très cher. Sous prétexte d'une vision globale disciplinaire qui n'est pas dénuée de fondement, on est devant une gamme d'interventions variées, suivant des processus parfois très longs et tout aussi variés, qui ne tiennent pas compte de tous les éléments de la réalité à corriger. On met beaucoup d'argent dans le système actuel, et les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous. Qui plus est, on ne semble guère se soucier de ces résultats.

On pourrait avoir peur de créer une structure de plus. Dans un tel cas, regardons la France culturelle qui se ramifie en un nombre phénoménal de structures. Elle n'a pas craint de combler un déficit en se donnant l'outil approprié, c'est-à-dire, l'outil approprié, on parle de l'ONDA, l'Office national de diffusion des arts. À notre avis, ce n'est pas le nombre de structures qui compte, mais le bon fonctionnement de l'engrenage, de toutes les pièces du système, peu importe le nombre.

Pour terminer sur une note positive, nous, de RIDEAU, souhaitons mettre l'épaule à la roue pour favoriser la diffusion des arts de la scène au Québec. Alors, merci à la commission de la culture de nous permettre cette opinion intéressée, enthousiaste et confiante.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Janelle. C'est vrai que, si on avait eu une heure, vous auriez pu présenter dans les détails votre document, qui est magnifique d'ailleurs, très bien fait, d'une belle qualité. Vous savez que c'est maintenant la période des députés. Alors, il y a 10 minutes en alternance. Je vais commencer par le député de Vachon, suivi du député de Saint-Hyacinthe.

M. Payne: Bonjour. Je trouve intéressante la proposition en vue de la création d'un bureau de la diffusion des arts, mais, comme élu, une question qui vient à l'esprit plus souvent que non, c'est la question de la gestion. Ne croyez-vous pas qu'une multiplication des structures risque de nuire aux résultats recherchés? Ça, c'est la première question que j'ai pour vous. Si vous pouviez aller un peu plus en détail quant à votre vision.

Et, deuxièmement, vous pointez des flèches dans la direction du CALQ quand vous dites que le CALQ accorde une aide à la circulation de spectacles au Québec, et que souvent l'intervention – si je vous comprends bien – du CALQ est mal adaptée aux besoins de la fonction de diffusion – c'est ça? – et qu'il devrait mettre en relation davantage les producteurs et les diffuseurs. Et là vous dites que les membres du comité mandaté par le CALQ pour distribuer l'aide financière à la diffusion n'ont généralement pas de vue d'ensemble sur la diffusion. Et là vous continuez à discuter la nécessité de connaître les besoins des producteurs et des diffuseurs et vous dites que les diffuseurs sont parfois consultés mais très sommairement et en complément d'un dossier présenté par un producteur. Pourriez-vous être plus explicite?

(14 h 30)

Mme Binette (Hélène): À la première question, la multiplication des structures, vous craignez cet état de choses. Évidemment, on avait un morcellement dans la politique de la culture, la politique de diffusion, j'entends. Bon, il y a un CALQ, une SODEC, un ministère. Le dossier de la diffusion était au ministère. On a décidé de répartir ça un peu, de faire le morcellement de la fonction de diffusion pour suivre une logique disciplinaire, ce qu'on explique. Alors, par contre, on a créé ce morcellement de la diffusion, qui n'est pas très bénéfique, qui dessert les diffuseurs.

Alors, nous, on dit: Ce n'est pas le fait de créer une structure de plus ou pas; l'important, c'est que ça fonctionne bien. Si ça prend une structure de plus pour que ça fonctionne bien, puis ramener l'engrenage facile, bien faisons-la, cette structure-là. Puis on a un exemple très concret, l'ONDA. On ne peut pas avoir plus de structures culturelles qu'il y en a en France, puis ils ont cet exemple de «success story» de l'ONDA qui fonctionne très bien et qui vient justement, depuis près de 25 ans, régler ce problème de la diffusion. Et, pour des sommes quand même assez modestes, pour 3 700 000 $ l'an passé, le budget d'aide, les garanties financières de l'ONDA, ils ont réussi à régler tous les problèmes de diffusion en France. Donc, 3 700 000 $, on n'est pas loin du 3 000 000 $ de la chanson, par exemple, si on essaie de mettre des choses comparables. Donc, nous, on dit: Ramenons la fonction de diffusion à un point central pour essayer de faire en sorte que cette fonction-là, ce travail-là soit le plus cohérent possible, le plus efficace et à moindres coûts.

Alors, on a vu des exemples réussis dans ce domaine-là. Par exemple, Les Voyagements, qui a été un projet du programme innovation-concertation. Pour 50 000 $ gérés par les diffuseurs sur le terrain, ils ont réussi à passer de sept représentations en théâtre de création à 70 représentations, avec 50 000 $. Ils donnaient des garanties financières pour une moyenne de 700 $. Donc, ce n'est pas beaucoup d'argent, mais c'est ce qui faisait que ça incitait les gens à faire circuler. Ça a été géré sur le terrain et géré par les diffuseurs eux-mêmes.

Alors, j'en arrive à répondre à votre deuxième question. On dit que le CALQ s'est mal adapté parce que ça se gère dans des bureaux. On appelle parfois des diffuseurs: Est-ce que c'est vrai que les gens veulent aller chez vous? Ce n'est pas ça qu'il faut. On dit: Il faut que ça se décide sur le terrain, c'est une décision de marché qui doit intervenir, et le CALQ et la SODEC doivent être là en appui à ces décisions-là sur le marché.

L'aide à la production, à la création, on reconnaît qu'il faut que ça soit fait par des évaluations de pairs, et tout, mais l'aide à la diffusion, et on reconnaît que les diffuseurs ont des qualités artistiques, ils doivent répondre à des besoins, ils doivent aussi faire connaître des nouveautés à leur clientèle, donc ça doit se décider sur le terrain. Il faut les impliquer davantage, pas juste un téléphone une fois de temps en temps. Il faut que ça soit une concertation véritable et des interventions vraiment directes et concrètes sur le travail des diffuseurs.

M. Payne: Vous dites aussi que souvent vous n'êtes pas en mesure d'apprécier quelles sont les subventions qui sont accordées, par exemple, en région, ce qui pourrait mieux vous aider à savoir quels étaient les bénéficiaires de l'aide de l'État. C'est ça?

Mme Binette (Hélène): Oui. Je veux dire, il y a des exemples, ici, concrets. Les diffuseurs qui sont à ma gauche pourraient vous donner des exemples. Des fois, les subventions sont... Ils ne savent pas qui est subventionné. Souvent, ils le savent, mais après, a posteriori. On négocie des cachets des fois sans savoir s'il y a la subvention, puis, quand il y a une subvention, je veux dire, ça ne change aucunement...

M. Payne: Des fois, il y a une subvention qui arrive rétroactivement.

Mme Binette (Hélène): Bien, il y a eu un cas comme ça, là.

M. Payne: Quelqu'un qui avait déjà reçu un cachet pour une performance. C'est ça?

Mme Binette (Hélène): Il y a eu un cas. Est-ce que vous voulez enchaîner?

M. Janelle (Roland): Elle n'est pas toujours rétroactive nécessairement, dans les faits. C'est-à-dire que ca ne se traduit pas, on ne reçoit pas un chèque, là, de la part du producteur sur un spectacle déjà passé parce qu'il a été subventionné, ça, c'est évident. Ça ne m'est jamais arrivé.

M. Payne: Puis SODEC vous refuse cette information-là?

Mme Marcotte (Céline): L'information arrive trop tard.

M. Janelle (Roland): L'information arrive après, dans bien des cas. De la façon dont ça fonctionne, c'est une question de fonctionnement de marché. Lorsqu'on négocie le contrat, le producteur n'a pas nécessairement toutes les informations quant aux subventions qu'il va même obtenir lui-même. On négocie le contrat, mais on ne négocie pas sur une base, bien souvent, même si on dit: Oui, si je suis subventionné, il est possible que je revienne. Certains le font. Il y en a d'autres où on ne tient pas compte de ça du tout: le prix est arrêté, on négocie, on s'en va, et puis il n'y a plus personne qui parle de la subvention qui a été accordée dans l'aide à la tournée.

M. Payne: Merci.

Mme Marcotte (Céline): Si je peux me permettre un exemple.

Le Président (M. Rioux): Oui, allez donc.

Mme Marcotte (Céline): Aussi, c'est que la tournée... C'est sûr qu'il y a un budget global qui définit le cachet du spectacle. Là, peut-être qu'ils ont l'aide à la tournée, mais certains spectacles, ça a tombé, ça n'a pas fonctionné. Donc, le producteur, il dit: Bien là, je peux... tu sais, il ne change pas son coût de spectacle, parce que son budget global, ça n'a pas vraiment un impact significatif. Mais, nous, quand même, on trouve que c'est important qu'on le sache, s'il y a une subvention, parce que ça peut modifier la programmation. S'il y a eu de l'aide accordée sur un spectacle, il va peut-être tourner plus, avoir plus de représentations, faire une plus grande tournée.

Mme Arsenault (Denise): Bien, on sait également que tout le volet de la SODEC pour aider les spectacles à tourner était pour faire en sorte que les gens en région, et je vais parler particulièrement pour les gens, par exemple, soit du Bas-du-Fleuve ou de la Côte-Nord, et même dans l'ouest du Québec... Et qu'est-ce qui était important, c'était que tous les cachets deviennent égaux; qu'on soit à Québec demain matin, à Drummondville ou à Baie-Comeau, lorsqu'on achète un spectacle, on devait payer le même prix. Et ce n'est pas toujours... On ne dit pas que c'est comme ça dans tous les cas, mais, plus souvent qu'autrement, je veux dire, le producteur va nous offrir un spectacle dans les régions, ça peut jouer dans l'ordre de 500 $, de 1 000 $ à 1 500 $ de plus, alors qu'on sait très bien que, du côté de la SODEC, par exemple, on les soutient pour aller en tournée, faire de la circulation. Et là, lorsqu'on finit par avoir ces données-là – parce que, oui, on finit par les avoir, je veux dire, il n'y a pas de problème sur ce côté-là – les producteurs nous disent bien souvent: Mais non, nous, c'est pour notre fonctionnement ou c'est pour nous aider à faire notre production, notre création. Et on sait très bien qu'il y a de l'aide pour faire de la circulation.

Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez le temps d'une question rapide...

M. Dion: Rapide.

Le Président (M. Rioux): ...en espérant une réponse rapide aussi.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si j'aurai le temps rapidement de faire ça.

Le Président (M. Rioux): Si, si.

M. Dion: Je vais faire mon possible. Voici. De la façon dont je comprends ça, c'est qu'il y a deux niveaux de problème. Il y a un problème d'intégration, de coordination entre les différents organismes, CALQ, et SODEC, et possiblement un troisième organisme à venir que vous suggérez, mais il reste que le troisième organisme que vous suggérez, ce serait pour résoudre le problème de relation entre les deux premiers.

Le deuxième problème, c'est le problème de l'intégration du diffuseur indépendant dans le processus d'attribution. Et vous mentionnez dans votre document aussi que souvent vous êtes financés ou appuyés par les organes municipaux. Ma perception, c'est qu'il y a dans votre groupe deux types de diffuseurs: il y a les diffuseurs institutionnels, que j'appellerais, qui sont des organismes mis en place par certaines municipalités, et d'autres qui sont des entrepreneurs indépendants. J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne sur tout ça pour nous expliquer comment ça fonctionne en pratique. Est-ce que c'est exact, ma perception? Si elle est fausse, j'aimerais que vous me l'expliquiez.

M. Janelle (Roland): Au niveau du fonctionnement, on va parler de diffuseurs pluridisciplinaires en région. La majorité de ces diffuseurs-là sont des organismes à but non lucratif qui sont supportés par des institutions comme les municipalités, dans d'autres cas, ce sont les maisons d'enseignement. Mais ce sont toutes des structures à but non lucratif qui ont pour mandat de présenter une programmation en diffusion pluridisciplinaire. La majorité de ces diffuseurs membres de RIDEAU ont aussi des ententes couchées sur un plan triennal bien défini avec le ministère de la Culture et qui touchent principalement deux grands objectifs qui se rapportent à la politique de diffusion, c'est-à-dire le développement des publics et le développement des produits.

Or, à partir de ça, ça enchaîne tout le processus de marché qui s'intègre à travers ça. Ce ne sont pas des structures nécessairement institutionnelles, là. La majorité sont des structures qui ont un conseil d'administration, qui ont une part de financement cependant de l'institution ou qui sont supportées d'une autre façon. Par exemple, dans un cégep, le cégep peut prendre en charge tous les frais d'entretien, etc. C'est une forme de subvention par rapport à une salle de spectacle qui est opérée et gérée par l'organisme en place. Alors, c'est pas mal ça, le portrait de la diffusion en région. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Dion: Mais il y a aussi des diffuseurs indépendants, des entrepreneurs indépendants qui font de la diffusion, qui font partie de RIDEAU. Non? Par exemple, M. Untel décide que, lui, il s'occupe de la diffusion de spectacles à Mont-Joli puis il en fait une entreprise personnelle.

Une voix: Il n'en fera pas longtemps.

M. Dion: Est-ce que ça existe?

Une voix: Il n'en fera pas longtemps parce qu'il n'y a pas d'argent à faire avec ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Je pense que vous avez votre réponse, M. le député, hein, en gros.

M. Dion: O.K. Oui. En tout cas, moi, je ne... Sans doute que la question de madame...

Le Président (M. Rioux): Peut-être pourrez-vous y revenir?

M. Dion: Peut-être, peut-être. Merci. Je vais laisser la parole...

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je vais vous poser une question bien directe. J'ai lu votre mémoire avec attention, je l'ai trouvé très intéressant, mais, quand je lis une phrase comme le fait que vous n'êtes pas en mesure d'évaluer l'incidence des subventions pour la diffusion de spectacles chez vous, là, sur les diffuseurs, et que je me dis qu'on sort à peine d'un exercice qui a conduit à une politique de diffusion des arts de la scène, je suis obligée de me dire: On est vraiment passé à côté du bateau. Est-ce qu'on est vraiment en train de parler de l'échec de la politique des arts de la scène?

(14 h 40)

Une voix: Je dirais que c'est...

Une voix: Pas du tout.

Une voix: On a le défaut de...

Le Président (M. Rioux): Un instant. C'est vous qui répondez?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Allez.

Mme Binette (Hélène): On a en fait le défaut – puis ce n'est pas un défaut – de notre jeunesse. Je veux dire, cinq ans, le CALQ; la SODEC a quelques années aussi. Il faut cette intégration-là. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a un morcellement qui fait en sorte que la communication n'est pas là. La prise de décision n'intègre pas assez les diffuseurs, puis la circulation ne circule pas. Donc, ce qu'on réclame, on dit: Au lieu de continuer à multiplier ça, parce que chaque structure a ses objectifs légitimes puis qui sont tournés surtout vers les producteurs, faisons vraiment...

On a bien intégré la fonction de création, on l'a toute mise au CALQ. Que ce soit pour la chanson, pour le théâtre ou la danse, on a tout mis la fonction de création au CALQ. Or, on a mis la fonction de production au CALQ et à la SODEC. Nous, on dit: Ramenons la fonction de diffusion dans un seul guichet pour, justement, faciliter la coordination, l'intégration et la proximité du marché, la rapidité d'intervention, parce qu'on travaille dans une dynamique de marché. Il faut être rapide. On ne peut pas attendre dans deux ans, j'exagère, là, mais six mois qu'on ait une réponse si on a subvention, il faut agir vite. Donc, l'information ne circule pas, mais je pense que c'est un défaut des structures, la lourdeur des structures tout simplement, et de la jeunesse.

Mme Beauchamp: Oui, mais on sort d'une consultation sur la diffusion. Enfin, allez-y, oui.

Le Président (M. Rioux): Monsieur, pourriez-vous nous donner votre nom, s'il vous plaît?

M. Paquet (Claude): Claude Paquet.

Le Président (M. Rioux): O.K. Très bien. Vous êtes de quel organisme?

M. Paquet (Claude): De RIDEAU.

Le Président (M. Rioux): De Réseau. Très bien.

M. Paquet (Claude): Oui. Alors, votre question est directe, à savoir si c'est un échec. Non. La réponse, c'est que ce n'est pas un échec. Il faut comprendre qu'il y a trois fonctions principales dans un spectacle: la création, la production et la diffusion. Nous, ce qu'on vous propose, c'est une amélioration de la troisième fonction, qui a été négligée. On ne parle pas d'un échec présentement, on parle d'une amélioration du fonctionnement.

Mme Beauchamp: Un des résultats de la politique de diffusion des arts de la scène, ça a été la mise en place d'une Commission sur la diffusion des arts de la scène. Là, j'ai vraiment besoin d'éclairage. Est-ce que ça ne ressemble pas, la mise en place de cette Commission, à ce que vous demandez finalement, à savoir avoir un lieu où se discute entre partenaires du milieu la question de la diffusion? Donc, pourquoi la Commission ne semble pas fonctionner un an, deux ans après sa mise en place?

Le Président (M. Rioux): M. Janelle.

M. Janelle (Roland): La Commission avait un rôle consultatif, et c'est bien défini dans la création de cette Commission-là, elle consultait la ministre sur les différentes politiques ou programmes mis en place dans l'ensemble du ministère. Alors, ce n'est pas nécessairement là-dessus que nous visons avec la mise en place de la création de notre organisme québécois de diffusion, c'est axé directement sur le terrain, en fonction du travail et des engagements que prennent les diffuseurs avec les producteurs. Ce qu'on veut par ça, c'est un lien plus direct entre les producteurs et les diffuseurs, de façon, nous, à n'être jamais en arrière de la décision mais partie prenante et même incitateurs de projets directement dans le milieu.

Donc, c'est un rôle qui n'est pas du tout pareil, là. La Commission avait son rôle de consultation, mais, nous, l'Office, c'est sur le terrain, c'est en fonction des projets que nous voulons et des besoins que nous avons aussi dans le domaine de la diffusion, compte tenu que plusieurs disciplines sont aussi produites de façon très précaire. Le marché est précaire dans bien des cas, autant au niveau de la chanson, que de la musique, et que de la danse, et dans certains domaines aussi, dans certains cas, le théâtre aussi. C'est ce que nous voulons: on veut raffermir ce marché-là parce qu'on veut être présents à la base même avec les producteurs. Nous, pour aider cette situation, on propose la création de cet organisme-là.

Vouliez-vous ajouter des choses?

Mme Binette (Hélène): Je voulais juste simplement amener une phrase, dire que la Commission à laquelle vous faites référence, la Commission de diffusion des arts, était consultative, je répète, mais par opposition à une commission opérationnelle ou à un organisme opérationnel branché directement. La Commission se rapportait à la ministre, donc elle ne prenait pas vraiment les décisions quant au fonctionnement de tous les jours. Nous, on veut une rapidité d'action, une intervention sur le terrain.

Mme Beauchamp: O.K. Moi, j'aimerais reprendre une phrase de votre mémoire, parce que mes collègues faisaient tantôt allusion au fait que, quand on est des élus et qu'on est là dans un mandat de surveillance... Vous avez une phrase qui est assez dérangeante, et j'aimerais ça que vous nous expliquiez plus encore ce que vous voulez dire. C'est en page 15, quand vous dites: «Si la subvention de tournée n'est pas l'incitatif qui agit sur le diffuseur, est-ce à dire que la tournée pourrait se faire sans subvention?» Et vous répondez vous-même à la question: «Possiblement, ce serait à voir.»

Mme Binette (Hélène): Bien, c'est une question qui...

Mme Beauchamp: Est-ce que vous pouvez nous expliquer, parce que, moi, je suis là puis je me dis: Bien là on en donne, des subventions? On fait une erreur? Non, je ne croirais pas. Mais je veux vous entendre là-dessus, vous avez écrit ça noir sur blanc.

Mme Binette (Hélène): Oui, bien, c'est la conséquence directe de ne pas savoir, pas connaître l'incidence des subventions. On ne la voit pas, l'incidence, on ne la voit pas à un point tel qu'on se demande: Y en a-tu vraiment, des subventions? Ça aide-tu, ces subventions-là? On ne le sait pas. On dit «possiblement».

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Marcotte, vous voulez ajouter?

Mme Marcotte (Céline): Oui, j'aimerais rajouter que ce qu'on dit, c'est qu'il arrive parfois qu'il y a des tournées qui se réalisent quand même, même sans subvention, pour toutes sortes de raisons, soit que l'organisme décide de puiser dans son fonctionnement, de dire: Il faut que je fasse cette tournée-là absolument, alors je prends de l'argent là puis je vais serrer la vis ailleurs. Parce qu'on n'est pas en train de dire qu'il n'y a pas assez de subventions pour le monde de la culture, là. Ce n'est pas ça qu'on dit, là. J'aimerais ça que vous reteniez ça, là, on manque d'argent à tous les niveaux, partout. Non, mais c'est important de le spécifier.

Mme Beauchamp: Je pense que c'est important de vous le faire dire.

Mme Marcotte (Céline): Et, nous, les diffuseurs, au bout de la chaîne, on est ceux qui sont le moins subventionnés. Je pense qu'on mentionne dans le mémoire, quoi, 10 %?

Une voix: À peine 10 %.

Mme Marcotte (Céline): À peine 10 % soutenus au niveau des subventions. Donc, on n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre pour présenter des produits ou des spectacles plus nouveaux, qui sont moins populaires, etc. C'est ce qu'on dit. Mais on s'entend que tout le monde a besoin d'argent. J'aimerais ça que ce soit bien entendu. Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Janelle (Roland): Il y a Claude qui veut intervenir, M. Paquet.

Le Président (M. Rioux): Oui, M. Paquet.

M. Paquet (Claude): Oui, juste pour conclure à cet effet-là. Présentement, les spectacles s'achètent sur une base de marché Certains spectacles qui sont plus à risque auraient avantage, si les diffuseurs connaissaient l'existence de subventions... La subvention pourrait avoir un effet de levier. Elle pourrait vraiment jouer son vrai rôle. Le rôle d'une subvention, c'est de jouer l'effet de levier. Présentement, elle ne joue pas ce rôle-là d'effet de levier.

Mme Beauchamp: Merci.

Le Président (M. Rioux): Bien. Ça va? Oui? Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci. Votre mémoire s'inscrit dans notre réflexion, et ce n'est pas parce que les organismes sont jeunes qu'il ne faut pas revoir leur fonctionnement. Il y a trois éléments qui m'ont particulièrement frappé et qui s'inscrivent dans l'objet de notre consultation. C'est d'abord l'efficacité de l'injection des fonds publics. Vous dites que la gestion morcelée, qui est particulière à votre secteur, a un effet négatif au niveau de la planification, ainsi de suite. Ça, je pense, que tout gestionnaire... C'est une prémisse de base en gestion. Donc, c'est une affirmation que nous ne contestons pas.

Par contre, vous faites allusion au fait que certaines injections de fonds n'auraient pas l'effet structurant qu'elles devraient avoir, et ça, c'est plus préoccupant parce que nous ne voulons pas faire, ni nos collègues dans leur formation politique ni nous du Québec, un Québec subventionné ad vitam aeternam, que ce soit dans le domaine industriel, de la culture, et ainsi de suite. Et nous sommes à réévaluer certains dossiers où il serait possible d'élargir les contributions gouvernementales mais à partir d'un critère structurant. Et, à cet effet-là, je pense que c'est une observation qui, en tout cas, pour moi, ne m'a pas échappée et sur laquelle nous reviendrons.

Vous mentionnez également que la SODEC, à votre avis, a une structure un peu plus décisionnelle, un peu plus légère que celle du CALQ. J'aimerais que vous nous donniez certaines précisions à ce niveau-là, d'une part.

Et, finalement, pouvez-vous nous parler un peu de cet organisme français, l'Office national de la diffusion des arts? Personnellement, je trouve que c'est une piste intéressante, mais c'est la première fois que j'en entends parler. Alors, possiblement, d'autres de mes collègues aussi ne savent pas de quoi il retourne. Si vous pouviez nous dire quelques mots sur cet organisme et qu'est-ce qu'il fait.

(14 h 50)

Le Président (M. Rioux): Alors, dans l'ordre.

Mme Binette (Hélène): Je peux répondre peut-être à la première question?

M. Janelle (Roland): Oui, vas-y.

Le Président (M. Rioux): Oui, allez-y.

Mme Binette (Hélène): Alors, l'efficacité des subventions. Au lieu de parler de l'inefficacité de certaines subventions, j'aimerais être plus positive et parler de l'efficacité de certaines subventions qui se sont rendues jusqu'à nous, qui ont eu un effet positif. On en a cité, dans notre mémoire, quatre. Je vais vous parler des Voyagements – je l'ai cité tantôt. Pour 50 000 $, on est passé de sept représentations théâtre de création, qui est une discipline difficile, qui était difficile à passer et qui l'est toujours, à 70 représentations. Je vous ai dit en moyenne 700 $. Puis ce n'est pas beaucoup, là. Avec 50 000 $, on a réussi à plus que doubler et tripler la circulation d'un spectacle. Ça, c'est ce qu'on a pu faire avec nos fonds, près du terrain, des décisions prises par des diffuseurs eux-mêmes, gérées par eux. On ne dit pas qu'on veut tout gérer nous autres mêmes, mais je vous dis que, quand la prise de décision se fait plus près du terrain, en général, c'est plus efficace.

La deuxième question, la SODEC...

M. Beaulne: Oui, de quelle manière vous jugez la SODEC plus légère?

Mme Binette (Hélène): Plus légère? Je peux juste citer le programme d'aide fixe qui est un pas en avant, je pense, l'aide fixe aux tournées. C'est presque un automatisme si cet organisme... Puis on voudrait aller dans ce sens-là mais aller plus loin. Si les diffuseurs disent, par exemple, que, nous, en chanson, on veut tel organisme puis que, chez les diffuseurs, il y a 10 preneurs, bien on voudrait aller cogner à la porte de la SODEC et dire: Voici nos 10 preneurs, pouvez-vous leur donner de l'aide fixe? Ça existe déjà, sauf qu'il faudrait que la décision vienne possiblement... Je vous dis ça rapidement, mais ça serait un peu cette mécanique-là de concertation plus rapide. Et, comme ils ont déjà ce processus d'aide fixe automatique, guichet automatique, on pense qu'il ne manque pas grand-chose pour y arriver.

M. Beaulne: Puis, finalement, sur l'organisme français.

Le Président (M. Rioux): Un petit mot sur l'ONDA.

Mme Binette (Hélène): L'ONDA, ce qu'on trouve de bien là-dedans – nous, on parle de l'ONDA québécois, de l'OQDA qu'on aurait, l'Office québécois de la diffusion des arts; on a troqué le mot «bureau» pour «office» – c'est qu'ils se sont rendu compte qu'en donnant des garanties financières aux programmateurs – ce sont les diffuseurs, l'équivalent de nos diffuseurs – ça marchait. Les subventions sont données directement aux diffuseurs mais sur des ententes avec les producteurs. On ne dit pas: Donnez-nous l'argent puis on va faire ce qu'on veut avec. On dit: Donnez-nous les sous sur des projets concrets de tournées. Il faut que ça se signe entre les deux, pas dans un bureau où ça se décide, puis, après ça, ils viennent nous voir, six mois après, pour nous dire: Bien, on a eu la subvention. Alors, ce qui est beau dans l'ONDA français et qu'on veut reproduire ici, à l'OQDA, c'est de donner des subventions aux diffuseurs, des garanties financières aux diffuseurs. C'est ça, en gros.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Binette. M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Moi, je veux revenir sur vos propos, Mme Binette. Vous avez parlé tout à l'heure de la lourdeur des structures qui cause des problèmes. Vous savez, depuis le début de la commission, la tendance ou encore le problème auquel on fait face, c'est qu'on a une multiplication des demandes aussi de faire partie, chaque organisme demande soit d'avoir un mécanisme ou encore soit de faire partie de la SODEC. Vous autres aussi d'ailleurs, vous avez deux propositions dans ce sens: un bureau québécois de la diffusion des arts et l'ONDA, on vient d'en parler. Ça, c'est un commentaire.

Ma question: En quoi, par exemple, un bureau québécois de la diffusion des arts va répondre à vos besoins le plus rapidement possible et le mieux possible? Parce qu'il va toujours être soumis à la SODEC, il va toujours avoir...

Mme Binette (Hélène): Bien, c'est un petit peu ce que... Je vais expliquer davantage ce que j'ai donné comme exemple tantôt. D'abord, il n'y a pas l'ONDA puis le bureau québécois. On veut seulement une seule chose, une seule structure qui ramène la fonction de diffusion à un seul guichet. Alors, c'est l'OQDA, l'Office québécois de la diffusion des arts. Alors, on s'entend là-dessus?

M. Boulianne: O.K.

Mme Binette (Hélène): Et comment ça pourrait nous aider? C'est que la prise de décision, il faudrait qu'elle se prenne un peu selon le modèle de l'ONDA. Il faut aller vite, mais ils ont des rencontres de consultation comme on a déjà dans nos réseaux. On fait des choix de programmation. Une fois que le choix de programmation est établi, on va voir la SODEC ou le CALQ et on dit: Voici les organismes qu'on voudrait voir subventionnés à la tournée. Puis, nous, d'autre part, si jamais le spectacle n'atteint pas les espoirs de financement, on a cette garantie financière là qui vient être le levier, comme disait mon collègue au bout de la table, pour prendre la décision pour faire tourner les choses.

Le Président (M. Rioux): Deux petites questions rapides de clarification. Lorsqu'on est un diffuseur pluridisciplinaire et si on est un diffuseur spécialisé, il semblerait que la vie est un peu différente. Je vous écoutais tout à l'heure, puis on a l'impression que le fait que vous soyez obligés de vous référer au ministère de la Culture pour vos subventions ou vos aides, ça semble créer un problème. Est-ce que vous aimeriez être intégrés à la structure des organismes subventionnaires ou si vous aimeriez que la mission de ces organismes-là soit modifiée de façon telle qu'il n'y ait pas de différence entre les diffuseurs privés, les diffuseurs spécialisés et les diffuseurs pluridisciplinaires?

Mme Binette (Hélène): Veux-tu y aller?

Mme Marcotte (Céline): Bien, oui, j'aimerais ça répondre à cette question-là. En fait, la diffusion est demeurée au ministère de la Culture parce que ça faisait partie, je pense, des préoccupations du ministère de la Culture de donner accès à l'ensemble de la population du Québec à des productions artistiques.

Le Président (M. Rioux): Ça, c'est correct, ça.

Mme Marcotte (Céline): Et, nous, diffuseurs, on souhaite demeurer au ministère parce que nous avons aussi des partenaires qui sont les municipalités et souvent ça nous aide d'avoir un lien politique avec le ministère pour garder l'aide accordée par les municipalités à nos structures. Donc, se transférer dans des sociétés d'État apolitiques, entre guillemets.

Le Président (M. Rioux): Mais par ailleurs vous êtes touchés par les interventions du CALQ et de la SODEC.

Mme Marcotte (Céline): Nous sommes touchés, oui, mais, quand même, je pense que, concernant l'OQDA, il y a un momentum important dans les opérations de RIDEAU, qui est la Bourse RIDEAU qui aura lieu d'ailleurs du 13 au 17 février, ici même, à Québec, où on est à peu près 500 personnes réunies, producteurs et diffuseurs, et là il y a un momentum. Donc, le CALQ et la SODEC, s'ils étaient là, présents, si on pouvait régler des affaires sur le terrain, ça nous faciliterait la vie.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui, très brièvement. Quand vous dites qu'il n'y a aucun effet économique visible sur les transactions diffuseur-producteur lorsque vous parlez des subventions qui sont accordées, l'injection ponctuelle des fonds – je pense que c'est la phrase que vous utilisez, vous dites qu'il n'y a aucun effet économique visible sur les transactions – vous voulez dire exactement quoi?

Le Président (M. Rioux): Mme Marcotte ou M. Janelle.

M. Janelle (Roland): Oui, écoutez, on parle d'effet structurant. On parlait tantôt de l'importance... Il y aura certainement effet directement sur le marché si le producteur est complice de cette décision de programmation. D'ailleurs, je le cite encore, il y a quatre projets dans lesquels les diffuseurs ont été intimement associés: on parlait des Voyagements; il y a aussi le Regroupement de la danse; il y a aussi Fenêtres de la création théâtrale; il y a les tournées du TNM dans Diffusion Inter-Centre. Dans ce temps-là, les diffuseurs ont été intimement liés à ces projets-là avec les producteurs, et ça donne des résultats tels que, après trois ans, ça se poursuit. On a amené là une forme de récurrence fort importante pour le milieu de la diffusion et tout le milieu artistique des arts de la scène.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Effectivement, les exemples que vous avez donnés de projets que, moi, je vais appeler ponctuels mais avec la rentabilité, l'effet de levier de sommes aussi minces, je dois dire, que 700 $, et tout ça, c'est assez marquant. Mais j'ai envie de vous demander: Si on constitue ce bureau, est-ce que ce bureau a directement une enveloppe budgétaire? Puis, si oui, vous avez besoin de combien? Tantôt, vous, vous avez plutôt dit: Non, nous, on s'entend, puis, après ça, on retournera voir la SODEC et le CALQ. Comment vous voyez ça? Parce que l'ONDA a sa propre enveloppe.

Mme Binette (Hélène): Oui.

Le Président (M. Rioux): Mme Binette.

Mme Binette (Hélène): Alors, je vais être plus précise. C'est que, effectivement, il y a du financement à deux niveaux qui est important. Il faut toujours maintenir... L'organisme qui part de Montréal pour s'en aller à Baie-Comeau a besoin d'argent pour payer son transport, son hôtel. Alors, les subventions de tournée actuelles, c'est à ça que ça sert. Mais aussi, dans les projets qu'on cite, les quatre projets, ce sont des argents qui sont venus comme garanties financières pour l'accueil. Le diffuseur qui est chez lui, lui, l'hôtel, qu'il soit payé, ça l'aide à ce que le show se rende chez lui, mais, si le spectacle coûte 3 000 $, c'est un spectacle difficile à vendre, puis finalement il n'y a pas de monde, il y a une tempête ou quoi que ce soit, il veut avoir un petit jeu, ce 700 $ là, dans le cas des Voyagements, qui vient amortir la perte. Si jamais il vend juste pour 1 000 $, il couvre son cachet juste à 1 000 $, bien il y a un 700 $ qui vient. Donc, sa perte est de 1 300 $ au lieu de 2 000 $. Il y a ce volet-là, garanties financières, qui rentre dans un bureau québécois de la diffusion des arts, où l'on donne des garanties financières, mais les organismes continuent à être subventionnés dans leurs structures respectives pour les frais de tournée fixes. Et c'est comme ça que ça fonctionne à l'ONDA.

Mme Beauchamp: O.K. J'ai d'autres questions, mais je veux juste revenir, parce qu'il y a beaucoup de monde qui nous parle d'élever les budgets un peu partout. Je vous repose la question: Ces garanties financières, ce bureau devrait avoir quelle sorte de crédits, quel budget? Le savez-vous? Avez-vous évalué?

Mme Binette (Hélène): Bien, on a des idées en tête très précises. Je vous ai donné un ordre de grandeur: avec 50 000 $, on est passé de sept à 70. On aurait 500 000 $, on aurait 1 000 000 $, puis on serait capable de régler le problème. Si c'était même une ONG, c'est-à-dire une organisation non gouvernementale, on pourrait très bien aller chercher de l'argent du fédéral, parce que, eux aussi, veulent commencer à investir dans ça. Alors, on pourrait aller se faire apparier ce 1 000 000 $ là. Avec 2 000 000 $...

Mme Beauchamp: C'est un vrai effet de levier, là.

Mme Binette (Hélène): La France, ils ont 3 700 000 $ pour toute la France. Nous, on est 6 000 000...

Mme Beauchamp: Parfait. Moi, il me reste peu de temps, ça fait que je vais en profiter.

Le Président (M. Rioux): Allez, allez.

(15 heures)

Mme Beauchamp: Il y a des créateurs, des artistes dans différentes associations qui nous ont parlé du problème que, moi, j'appellerais de la réciprocité. Vous savez, ils vont faire des tournées ailleurs, puis ça a un impact assez direct, le fait qu'ils ont de la difficulté à recevoir. J'ai envie de dire: On n'a pas l'air très recevant. Ha, ha, ha! J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que là on parle d'un bureau où nos producteurs québécois avec nos diffuseurs québécois s'entendent. Qu'est-ce qu'on fait avec cette problématique? Comment on fait pour recevoir des artistes ou des spectacles, en tout cas différentes choses liées aux arts de la scène? Puis quel est votre rôle là-dedans? Puis comment vous voyez ça? C'est quoi, votre impression là-dessus?

Le Président (M. Rioux): Alors, on va donner la parole à Mme Marcotte?

Mme Marcotte (Céline): Oui, puis M. Janelle pourra renchérir. Mais ce que je peux dire, c'est que la réciprocité par rapport aux compagnies qui sont beaucoup invitées à l'extérieur, c'est les diffuseurs qui peuvent la rendre. C'est nous qui pouvons accueillir des spectacles sur le terrain. On le fait déjà. À la Bourse RIDEAU, il y a des extraits de spectacles étrangers, et plusieurs fois il y a des tournées qui s'organisent, et ça peut se poursuivre. Vraiment, ça passe par nous, parce que les producteurs à Montréal, ils ont leur saison, et c'est plus difficile d'inviter une production étrangère. Ça, je suis convaincue que la réciprocité passe par les diffuseurs. Ça fait qu'il faut nous aider pour bien remplir ce mandat-là.

Mme Beauchamp: Est-ce que vous pouvez rapidement, parce que je pense que vous êtes un interlocuteur, donc, privilégié par rapport à cette problématique à laquelle on est assez sensible, pouvez-vous nous dire, en ce moment, ça fonctionne comment? Est-ce que vous avez, vous, un certain soutien dans cette dynamique-là où on veut recevoir des artistes et des spectacles de l'étranger? Et comment vous voyez que ça pourrait fonctionner? Vous nous proposez un bureau, là, comme je le disais, il me semble, très québécois, et je comprends comment vous le voyez, mais qu'est-ce qu'on fait par rapport à cette problématique-là? Comment on la règle?

Mme Binette (Hélène): Bien, actuellement, je peux vous dire que RIDEAU répond très bien à ces accords de réciprocité là. On a l'aide du gouvernement du Québec puis on vient récemment d'obtenir celle du fédéral là-dedans. Alors, on accueille, cette année, cinq spectacles étrangers. Je peux vous dire que, les années passées, à chaque fois qu'on a accueilli un spectacle à la Bourse RIDEAU – on en accueille en moyenne deux ou trois – à chaque fois qu'on en a accueilli un, il y a eu 26 représentations qui se sont données au Québec, en moyenne, par la suite. Donc, la réciprocité, et je parlais avec un interlocuteur belge récemment, le Québec... Peut-être qu'ailleurs il y a des déficits, mais, nous, on est en attente de la balance. Du côté de RIDEAU, on en donne plus qu'on en reçoit pour les échanges qu'on fait, parce que, nous, on est le réseau d'accueil puis on a le contrôle là-dessus.

Mme Beauchamp: O.K. On pourra vérifier avec d'autres porte-parole, parce que, comme je vous dis, on m'a aussi dit un peu le contraire dans des disciplines comme la danse, par exemple, où, pour eux, ils jugent qu'ils sont en déficit important, puis c'est en train de nuire à leurs propres tournées à l'étranger, le fait que le Québec ne soit pas plus, en tout cas, accueillant – je ne sais pas comment dire ça, là – pour cette discipline-là. Donc, qui est-ce qu'il faut croire, là? Il n'y a pas de problème puis on tourne beaucoup ou il y a des problèmes puis on...

Mme Binette (Hélène): Bien, ce qu'il faut voir, c'est dans l'ensemble.

Le Président (M. Rioux): Madame...

Mme Binette (Hélène): Excusez-moi.

Le Président (M. Rioux): ...vous savez pourquoi je nomme les noms, hein?

Mme Binette (Hélène): Oui.

Le Président (M. Rioux): C'est que, si on réécoute les bobines, on veut savoir qui parle.

Mme Binette (Hélène): Oui, bien sûr.

Le Président (M. Rioux): Vous comprendrez bien, c'est une question un peu pratique, là. Alors, Mme Binette.

Mme Binette (Hélène): Alors, c'est... Ha, ha, ha!

Mme Beauchamp: Je disais: Qui je crois là-dedans, mes créateurs qui me disent qu'on ne reçoit pas assez ou mes diffuseurs qui disent: On est très bons?

Le Président (M. Rioux): Mme Marcotte, voulez-vous venir à la rescousse de votre collègue?

Mme Marcotte (Céline): Absolument.

Mme Binette (Hélène): Oui. Ha, ha, ha!

Mme Marcotte (Céline): Alors, vous croyez les deux, il faut croire les deux, parce que c'est sûr que la discipline... Chaque discipline a ses problèmes particuliers ou ses problématiques particulières. C'est sûr qu'en danse, effectivement, ils tournent beaucoup plus à l'international qu'ils tournent même ici même, au Québec. On fait des efforts. Il y a un projet qui a été mis sur pied voilà trois ans avec le Regroupement de la danse, qui a fait circuler davantage les compagnies de danse québécoises ici même, sur notre propre terrain, parce qu'elles ne circulaient pas beaucoup. Alors, c'est sûr que, nous, il faut développer un public «danse» pour nos créateurs québécois avant de pouvoir accueillir une compagnie de danse étrangère. Je ne sais pas si vous comprenez. Ça fait qu'il y a vraiment un gros développement à faire dans cette discipline-là.

Le Président (M. Rioux): M. Paquet, avant de vous donner la parole, Mme Binette s'est ressaisie, là, elle a des choses à dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Binette (Hélène): Ce ne sera pas long. Ce que j'ai envie de vous dire, c'est qu'il faudrait voir dans l'ensemble. Nous, on a notre part mais on a des partenaires. Pour ce qui est de chez nous, on est en surplus d'accueil, mais peut-être qu'ailleurs ils sont en déficit. Il faut faire la balance de tout ça. Je pense que c'est un ensemble qu'il faut regarder.

Mme Beauchamp: O.K. C'est un éclairage important.

Mme Binette (Hélène): Oui.

Le Président (M. Rioux): Ça valait la peine.

Mme Binette (Hélène): Mais, nous, on est assurément en surplus d'accueil.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. Paquet, rapidement.

M. Paquet (Claude): Ce que je voulais dire, c'est un petit peu ce que Mme Binette a expliqué, c'est qu'il faut voir la réciprocité dans l'ensemble. La réciprocité, ça se fait, au Québec, l'accueil, via les grands festivals d'abord, via nos sociétés d'État, et, nous, on a une partie du rôle à jouer. On n'a pas la prétention de jouer 100 % du rôle. Nous, on accueille des gens et on accueille aussi des diffuseurs étrangers pour venir voir le produit québécois et pouvoir l'accueillir chez eux. Alors, on joue un petit peu à tous les niveaux, mais on n'a pas la prétention de jouer 100 % du rôle et de combler la réciprocité Québec et le pays étranger. Loin de là.

Le Président (M. Rioux): Vous avez encore une question, Mme la députée.

Mme Beauchamp: Il y a quelqu'un qui voulait ajouter quelque chose?

Le Président (M. Rioux): M. Janelle.

M. Janelle (Roland): Je voulais juste ajouter qu'à la dernière Bourse RIDEAU, en 1999, nous avons accueilli Claude Sémal, La Baronne et Jael, qui sont des artistes étrangers, belge et suisse. Ils ont tourné. Jael, la tournée a eu lieu cet automne à travers les villes du Québec; Claude Sémal et La Baronne, les tournées se feront au printemps. Les diffuseurs sont preneurs, ont acheté le spectacle. Il n'y a pas d'aide financière nécessairement accrochée à ça. On l'a fait parce qu'on pense que c'est important, nous aussi, mais on veut aussi que nos artistes jouent à l'extérieur. Mais on fait notre bout de chemin. Notre part à nous, on la fait.

Le Président (M. Rioux): Mais ça se vendait bien.

M. Janelle (Roland): Pas nécessairement.

Mme Binette (Hélène): Pas nécessairement.

Le Président (M. Rioux): Pas nécessairement?

Mme Binette (Hélène): Ils sont des illustres inconnus.

M. Janelle (Roland): Pas nécessairement. Il faut développer ces produits-là. On offre à notre public, dans chacune de nos régions, cette opportunité-là de pouvoir connaître ces nouveaux artistes ou ces artistes qui, dans bien des cas – je pense à Claude Sémal – oeuvrent depuis un bon nombre d'années en Europe, mais ici, au Québec, bien non, c'est nouveau.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée.

Mme Beauchamp: C'est ça que j'allais dire. Là, c'est l'ancienne directrice d'une station de radio communautaire qui vous parle. Il faut écouter des radios comme CIBL pour connaître Claude Sémal.

M. Janelle (Roland): Oui. Je pense que oui. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Un petit message.

Mme Beauchamp: Je suis heureuse de vous annoncer que je le connais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Janelle (Roland): Ça fait doublement plaisir.

Mme Beauchamp: J'ai juste une dernière question. Dans votre mémoire, ce qui est frappant, comme je vous l'indiquais un peu tantôt, c'est qu'il y a de nombreuses phrases dans lesquelles vous mettez en doute vraiment la notion de contrôle et d'efficacité de l'utilisation des fonds publics. Par exemple, vous dites, en page 21, qu'il existe apparemment «très peu de contrôle a posteriori sur l'utilisation des subventions versées et sur leur réelle incidence qualitative et quantitative dans le marché». Vous dites aussi: «On ne semble guère se soucier des résultats.» Vous mentionnez même, dans une autre partie de votre mémoire, que, des fois, des subventions jouent un rôle pervers dans le marché, par exemple, des cachets, font même peut-être pression à la hausse pour certains cachets. Je vous avoue, comme élue, ça fait beaucoup, beaucoup de questionnement.

Ma question finale, c'est: Est-ce que, par rapport à ces réflexions, qui sont assez marquantes, sur l'efficacité en ce moment des contrôles et de l'impact des argents publics, vous êtes en train de nous convaincre que la formation d'un bureau sur la diffusion des arts réglerait en très grande partie tous les éléments que vous avez soulevés dans votre mémoire, tous vos doutes sur l'efficacité des sommes publiques, en ce moment, dans la diffusion des arts?

Le Président (M. Rioux): Mme Binette.

Mme Binette (Hélène): Bien, il y a plusieurs questions là-dedans. C'est sûr que les subventions... Nous, on est consultés. On vous disait, on est consultés parfois a priori: Est-ce que vous recevez tel artiste? Mais, après ça, il n'y a personne des structures publiques qui vient nous voir, nous consulter: Est-ce qu'il y a eu un effet? Puis, nous, on ne l'a pas vu. Ça fait que, après ça, je veux dire, on n'en entend pas parler. C'est pour ça qu'on met en doute les contrôles a posteriori. On voit rarement des rapports sortir là-dessus.

Ce qu'on dit d'un OQDA, d'un bureau ou d'un office québécois de la diffusion des arts, étant donné qu'on serait plus près du terrain, il y a moyen de faire des contrôles, parce que le versement... Je vous dis, par exemple, la garantie financière, elle ne se verse qu'après le dépôt des chiffres, le dépôt réel, elle se verse sur contrat. Donc, on a une réelle incidence. Si le spectacle a fait ses frais, la garantie financière n'est pas versée, puis ça reste dans un fonds pour un autre. Donc, la mécanique même fait en sorte qu'elle s'autorégule. Alors, ce n'est pas le cas actuellement. On verse les subventions, on fait des belles lettres d'annonce, parce que c'est comme ça que ça marche, mais, après ça, où vont les subventions? On n'a pas le temps. Je ne jette pas la pierre aux gens des gouvernements, parce qu'ils n'ont pas le temps, souvent ils sont pressés, puis, bon, enfin toutes sortes de raisons, là. Les contrôles a posteriori, ce n'est pas ce sur quoi on met l'accent dans les structures publiques, puis on n'en voit pas les effets.

Le Président (M. Rioux): Un bon gestionnaire du ministère de la Culture ou du ministère des Finances aurait de la difficulté à trouver la rentabilité de ces investissements.

Mme Binette (Hélène): Bien, il faudrait qu'il vienne nous poser des questions, puis, nous, on dirait: Ah oui! il y a eu des subventions là?

Le Président (M. Rioux): Ah bon! Une bonne réponse. Alors, messieurs dames, je vous remercie. On a été ravis de vous entendre. Vous êtes des gens qui répondez aux questions de façon claire, directe, et ça nous a été agréable, en tout cas, d'échanger avec vous. Merci infiniment à vous tous et à vous toutes.

(15 h 10)

J'invite maintenant le Réseau des organisateurs de spectacles de l'Est du Québec à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Papineau.

Une voix: M. Pineau, je pense.

Le Président (M. Rioux): Alors, on va demander à M. Losique de prendre place aussi. Ça ne sera pas très long, M. Losique, on va vous écouter, mais un peu plus tard. Alors, M. Pineau, vous allez nous présenter vos collègues, et ensuite on va écouter la lecture de votre mémoire.


Réseau des organisateurs de spectacles de l'Est du Québec (ROSEQ)

M. Pineau (Jacques): Alors, je vais vous présenter Mme Denise Arsenault, vice-présidente du ROSEQ et aussi diffuseur à Baie-Comeau, et, à ma droite, Solange Morrissette, qui est directrice générale du ROSEQ.

Le Président (M. Rioux): Pour ceux qui ont le sens de la géographie, vous représentez presque un pays.

M. Pineau (Jacques): Quasiment, oui.

Le Président (M. Rioux): Alors, allez, monsieur.

M. Pineau (Jacques): Alors, M. le Président, Mme et MM. les commissaires, bonjour. Alors, à l'invitation de la commission de la culture, le ROSEQ a eu la préoccupation de répondre à cette requête et a choisi d'analyser l'aide gouvernementale dans une perspective globale, car la réalité régionale fait en sorte que la diffusion est tributaire de trois instances impliquées dans le financement de la circulation de spectacles au Québec: le Conseil des arts et des lettres du Québec, la Société de développement des entreprises culturelles et le ministère de la Culture et des Communications du Québec. Nos interventions porteront donc sur des sujets qui nous préoccupent et où nous croyons que l'État peut intervenir en tenant compte d'une vision globale de l'industrie de la diffusion.

Sans plus tarder, je passe la parole à Mme Solange Morrissette.

Mme Morrissette (Solange): Bonjour, messieurs.

Le Président (M. Rioux): Que je remercie d'ailleurs de nous avoir remis cette pochette.

Mme Morrissette (Solange): J'en ai une autre ici.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que vous en avez remis une copie à Mme la députée de Sauvé?

Mme Morrissette (Solange): Oui.

Le Président (M. Rioux): Bon, très bien.

Mme Morrissette (Solange): Alors, dans un premier temps, permettez-nous de vous présenter notre organisme qui est le ROSEQ, le Réseau des organisateurs de spectacles de l'Est du Québec. Le ROSEQ a eu 20 ans en 1998, donc on s'en va vers notre vingt-deuxième année. Né dans les coulisses de l'événement Contact Québec, en 1978, le ROSEQ a été créé pour contrer l'isolement des organisateurs de spectacles qui agissaient individuellement aux quatre coins de cette immense région qui couvrait à l'époque le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie.

Aujourd'hui, le ROSEQ donne des services aux diffuseurs de la Côte-Nord, de la Rive-Sud, à partir de Lévis jusqu'à Gaspé, et à quelques diffuseurs au Nouveau-Brunswick. Pour les commissaires qui sont moins familiers avec cet immense territoire dont vous parliez, on a aussi des diffuseurs qui sont situés dans le Grand Nord, à Fermont, et sur la Basse-Côte-Nord jusqu'à Natashquan. Alors, imaginez l'organisation de tournées de spectacles, que ce soit une compagnie de danse, sur cet immense territoire, ça crée quelquefois des problèmes. Alors, le territoire couvert par les tournées du ROSEQ est immense, on parle de la moitié de la province de Québec, et cette réalité territoriale donne lieu à des situations problématiques quant à l'organisation des itinéraires, ce qui est beaucoup plus dispendieux, il va sans dire. Calculons seulement les soirs de relâche. Comme, l'été, on a des tournées sur tout ce territoire-là, y compris le Saguenay–Lac-Saint-Jean, il faut prévoir quelques soirs de relâche parce qu'il y a beaucoup de route. Alors, c'est des dépenses exceptionnelles pour les diffuseurs qui reçoivent ces tournées.

Nous comptons 27 membres réguliers dont 60 % sont des comités formés de bénévoles, donc aucune structure permanente et, dans la plupart de ces cas, aucune salle non plus propriété du comité de bénévoles. Ce sont des comités de spectacles qui vont présenter soit dans des polyvalentes des spectacles, qui vont être la structure d'accueil mais qui vont présenter des spectacles dans différents lieux. Comme chez vous, à Matane, M. le Président, on présente des spectacles, l'été, dans le Barachois et, pendant la saison estivale, soit à la polyvalente soit au cégep. Alors, ils ne sont pas propriétaires de lieux, pour la majorité de nos diffuseurs, mais il y en a 40 % quand même qui vont gérer des lieux de spectacle.

Le Président (M. Rioux): On va ouvrir la Maison de la culture bientôt, dans quelques semaines.

Mme Morrissette (Solange): Alors, le ROSEQ donne des services aux 20 diffuseurs du réseau d'été, qui sont des spectacles plus intimistes en chanson et variétés et qui favorisent des tournées d'artistes en émergence, donc des artistes de la relève, et des artistes connus avec des concepts de spectacle intime. On coordonne aussi les activités du Circuit des petites salles de spectacle du Québec, qui regroupe 28 diffuseurs.

Nos principales activités sont la programmation de tournées en bloc – négociation, organisation et mise en marché; la formation de ses membres et membres affiliés – vous comprendrez qu'avec des structures bénévoles comme ça on est obligé de les garder à jour sur l'information, sur le marché du spectacle; l'information sur le marché du spectacle et l'organisation d'une bourse du spectacle, en octobre, à Rimouski, jumelée à un colloque, depuis deux ans, sur la diffusion, événement qui jouit d'un rayonnement provincial. De plus en plus, les diffuseurs de l'extérieur de la région s'inscrivent pour assister à cette rencontre annuelle.

L'assemblée générale du ROSEQ, au printemps, donne lieu à une plus petite bourse, ce qui permet également aux diffuseurs de découvrir des artistes moins connus. Elle aura lieu à la mi-mars, à Amqui, cette année.

Le ROSEQ entretient également des liens privilégiés et organise des activités concrètes avec Réseau Scènes – là, on parle de l'activité Les Voyagements dont parlait tout à l'heure RIDEAU – le Réseau Ontario, RIDEAU et Coup de coeur francophone.

L'activité économique générée par l'ensemble de ces diffuseurs membres et affiliés est considérable et signifie plusieurs millions de dollars. Le nombre de spectacles présentés annuellement par nos diffuseurs est évalué à plus de 500 représentations.

Pour continuer, Denise Arsenault, qui est vice-présidente du ROSEQ et diffuseur à Baie-Comeau, va prendre la parole.

Mme Arsenault (Denise): De la création à la diffusion: une immense chaîne de montage. La politique de diffusion Remettre l'art au monde , de Mme Louise Beaudoin, affirmait que le but ultime était d'augmenter la fréquentation des spectacles au Québec. L'importance de la politique insistait également sur la nécessité de développer des publics. Or, nous constatons qu'actuellement une grande partie des subventions est attribuée à la création et à la production de spectacles sans que l'industrie ne se préoccupe réellement du potentiel de circulation de ces productions et de la capacité de diffusion de ces productions. Cette problématique s'observe dans plusieurs secteurs d'activité. En théâtre et en danse, certaines productions ne peuvent tout simplement pas répondre aux exigences techniques de nos diffuseurs – dimensions de la scène, par exemple – et ne bénéficient pas de tournées significatives. Ce n'est pourtant pas l'intérêt pour ces réalisations qui manque à la base.

Certains producteurs sont financés par la SODEC pour monter des mégaprojets qui sont offerts ensuite pour prendre la route. Ces grandes productions sont conçues techniquement et scéniquement pour des scènes montréalaises, où elles s'installent pour plusieurs jours sinon plusieurs semaines. Donc, lorsque vient le temps d'emballer le spectacle pour la tournée, les problèmes surgissent. Les diffuseurs constatent qu'il y a un chaînon manquant dans cette chaîne de montage qu'est la diffusion au Québec. Il semble y avoir un manque de congruence entre les projets financés par la SODEC et le marché réel de la diffusion et la capacité de diffuser dans nos régions. La capacité de programmer des diffuseurs est tributaire des besoins et goûts de leurs publics et de leurs difficultés à rentabiliser leurs programmations respectives. La demande ne peut correspondre avec l'offre de spectacles. Le ROSEQ reçoit annuellement plus de 350 offres de spectacles professionnels et organise tout au plus une cinquantaine de tournées annuellement. L'écart entre l'offre et la demande est malheureusement trop grand.

(15 h 20)

En chanson et en variétés, le problème est encore plus aigu. Dans plusieurs cas, nous constatons que les producteurs veulent rentabiliser leurs frais de production par la tournée. Nous avons souvent l'impression que les régions sont les bailleurs de fonds du manque à gagner des frais de production. Ces productions répondent rarement à la capacité de payer du milieu. Nous soulignons en particulier la disproportion des cachets en chanson en plus des devis techniques exagérés. Nous constatons un déséquilibre des cachets pour les diffuseurs près des grands centres et les diffuseurs en région – je le soulignais tantôt lors de ma présence à RIDEAU. On ne sent pas toujours que les producteurs reçoivent des subventions de la SODEC.

Les diffuseurs ont le signal du public sur les prix de billets en chanson; le seuil est atteint, les coûts de production sont trop élevés. En bout de piste, c'est toujours le diffuseur qui prend le risque financier de la présentation du spectacle dans sa salle. À quand le risque partagé?

De plus, les producteurs ont de l'argent pour faire de la publicité dans les grands centres, mais nous voyons rarement cette application dans nos régions. Même observation pour les commanditaires nationaux de spectacles: les grands centres en bénéficient, mais les diffuseurs en région n'en profitent pas. Il arrive souvent même que le commanditaire national empiète sur les ententes locales.

Nous sommes témoins que la tendance au développement à la verticale est à la hausse dans les grands centres. Nous nous expliquons mal que les entreprises soient subventionnées pour toutes les étapes de la chaîne création, production et diffusion. Alors, on parle particulièrement des producteurs propriétaires de lieux de diffusion et parfois d'événements. Ces nouveaux joueurs seront demain sur la file d'attente comme diffuseurs.

Parallèlement, les diffuseurs doivent être attentifs à un certain côté artificiel du marché du spectacle. Nous avons noté que plusieurs producteurs veulent nous vendre un spectacle en insistant sur le fait que l'artiste a fait guichet fermé pendant x soirs à Montréal, et les proportions de billets de faveur ont aidé à remplir ces salles.

Vers une meilleure communication entre les intervenants. Nous avons remarqué un rapprochement entre la SODEC et les diffuseurs au cours de la dernière année, mais nous croyons qu'il faut que cette communication soit continuelle. Les diffuseurs doivent être tenus au courant des entreprises qui reçoivent de l'aide pour les spectacles offerts en tournée. Nous suggérons que, dans l'évaluation que fait la SODEC des maisons de production, les diffuseurs soient consultés, pas nécessairement systématiquement, parce que certains problèmes d'éthique et de rigueur professionnelle sont rencontrés en cours de négociation. Cependant, une fois le contrat signé, le suivi est parfois difficile à faire: matériel promotionnel, promotions spéciales, manque de suivi auprès des artistes.

Le choix des subventions aux entreprises culturelles doit absolument tenir compte des possibilités de tournées et de la réalité du marché, du volume de programmation des diffuseurs et de la capacité de payer du public. Nous souhaitons une plus grande cohérence et une communication accrue entre tous les intervenants concernés par cette chaîne de montage: créateur, producteur, diffuseur et, finalement, le public. Nous aimerions voir naître un lieu de concertation où les décisions vont couvrir toutes les étapes de production et où seront prises en considération les préoccupations des diffuseurs. Pas besoin de vous dire que ça rejoint l'idée de RIDEAU, qui s'appelle l'Office québécois de la diffusion des arts.

M. Pineau (Jacques): Alors, je prends la relève. Projets innovateurs de concertation et de coopération en diffusion. Telle que la volonté exprimée dans la politique de diffusion des arts de la scène intitulée Remettre l'art au monde , le Programme de soutien aux projets innovateurs de concertation et de coopération en diffusion des arts de la scène vise à susciter la concertation et la coopération entre les différents acteurs de la chaîne du spectacle.

Les diffuseurs en région veulent souligner à la commission l'importance de poursuivre ce programme qui a, dans plusieurs cas, donné naissance à des projets concrets et qui a permis l'émergence d'une nouvelle façon de faire et le développement de nouveaux publics. Citons, entre autres, les projets qui ont été précédemment cités, entre autres, les retombées concrètes pour le Réseau: Les Voyagements, théâtre de création; La danse sur les routes du Québec, au niveau de la danse; le Circuit des petites salles de spectacle du Québec; et les Fenêtres de la création théâtrale.

La concertation et la planification engendrées par ce programme entre le ministère de la Culture et des Communications, la SODEC et le CALQ nous démontrent qu'il est réaliste de penser que cela peut se faire également dans les programmes réguliers de l'intervention gouvernementale. Dans cet esprit, nous recommandons le maintien du programme et l'augmentation de l'enveloppe budgétaire consacrée au Programme de soutien aux projets innovateurs de concertation et de coopération en diffusion des arts de la scène.

La présence du CALQ et de la SODEC en région. Les intervenants du monde de la diffusion souhaitent une plus grande présence du CALQ et de la SODEC dans nos régions. Les répondants de ces instances n'ont pas de représentants chez nous. Il est difficile pour les créateurs et les entreprises culturelles d'avoir un contact concret avec les ressources de ces organismes et même parfois d'avoir accès à l'information concernant les programmes offerts. De plus, nos réalités étant différentes des réalités urbaines, le milieu y gagnerait à travailler avec des intervenants qui sont branchés sur les problématiques régionales.

Les artistes en émergence. Le ROSEQ a la préoccupation de faire découvrir de nouveaux artistes et de les aider, dans la mesure de ses moyens, à les faire tourner dans le réseau. Le risque est grand lorsque l'artiste n'est pas connu. Le diffuseur doit assumer les frais de circulation, la mise en marché et les cachets et il n'est pas certain d'avoir un public dans sa salle. Nous développons actuellement des concepts d'artiste invité, ou premières parties, avec des artistes connus. Notre programmation du réseau d'été est également le reflet de cette préoccupation. Nous souhaitons que les intervenants gouvernementaux travaillent dans le même sens et planifient des programmes d'aide qui vont encourager financièrement ces initiatives et se collent davantage à la réalité.

Au niveau du jeune public, maintenant. Nous rencontrons des problèmes quotidiens avec le secteur des spectacles offerts au jeune public. En plus de l'abondance de l'offre, la restructuration des commissions scolaires et l'arrivée des conseils d'établissement dans les écoles, ceci a provoqué une stagnation dans le secteur de la diffusion. Les diffuseurs doivent maintenant faire une action individuelle, école par école, afin de planifier une programmation jeune public.

Nous demandons qu'il y ait rapidement un arrimage entre le ministère de la Culture et des Communications et le ministère de l'Éducation pour que les consignes et les grandes orientations soient congruentes avec les actions locales. Aussi, il faudrait mettre en place une table de travail avec des représentants des deux ministères, Culture et Éducation, du CALQ, des réseaux de diffusion: RIDEAU, Réseau Scènes, ROSEQ, pour que ces derniers proposent des formules, des moyens pour mettre en place une offensive nationale pour amener le milieu scolaire à prendre part à la diffusion des arts de la scène. Présentement, tous les diffuseurs s'épuisent à faire les Don Quichotte chacun dans leur milieu. Une démarche globale et nationale pourrait nous permettre d'attirer du financement d'une ou des grandes entreprises privées.

Mme Morrissette (Solange): Pour conclure, un dernier point, celui des nouvelles technologies. Vous comprenez que plus on est loin des centres, plus on a besoin de fonctionner avec l'informatique. Alors, c'est un voeu qui est général, pas nécessairement plus à la SODEC qu'au CALQ et qu'au ministère, mais essayer d'entrevoir un programme d'aide pour la mise en place d'équipements de formation et l'utilisation d'une nouvelle technologie par tous les diffuseurs reconnus par le ministère de la Culture et des Communications. Et, même, depuis l'écriture de ce mémoire, qui a été fait en septembre dernier, il y a un nouveau programme au ministère, qui est le Fonds de compensation, qui pourrait permettre à des diffuseurs d'avoir accès à de l'équipement informatique. Mais c'est un voeu pieux du ROSEQ. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rioux): Alors, mesdames, monsieur, merci de votre présentation. Vous comprendrez bien que je vais me retenir parce que je pourrais utiliser la période à moi seul pour vous poser des questions, compte tenu que je connais les grandeurs et misères de notre immense région. On n'est pas gâtés sur le plan de la promotion et le développement de la culture dans la vaste région de l'Est du Québec et de la Côte-Nord. Mais j'aurai l'occasion un peu plus tard peut-être de revenir sur la présence des organismes subventionnaires en région. Je pense qu'on est loin de ce monde-là, je pense que vous l'avez souligné avec beaucoup d'insistance. Mais on va revenir là-dessus tout à l'heure pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'améliorer leur fonctionnement, de les rendre plus présents et surtout plus efficaces et plus attentifs. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, très brièvement, M. le Président. Vous avez répondu, lors de votre présentation, à une des questions concernant cette idée du bureau de diffusion, alors j'en suis fort aise. Maintenant, c'est une idée qui suscite un certain intérêt parce que la problématique que vous soulevez, en ce qui concerne les régions entre autres, ce n'est pas simplement une question d'être plus efficace en termes de diffusion et plus démocratique et accessible en termes de diffusion de la culture, c'est également un arrimage avec l'ensemble des politiques gouvernementales des gouvernements du Québec qui se sont succédé sur l'occupation du territoire.

On vit présentement un problème de dépeuplement, à toutes fins pratiques, de certaines régions éloignées. Bien souvent, au-delà de la problématique strictement de l'emploi, il y a la problématique de la qualité de vie. Après qu'on eut travaillé, qu'est-ce qu'on fait le soir? Est-ce qu'on s'amuse? Est-ce qu'on va à des spectacles ou quoi que ce soit? Et ça, ça joue, et surtout chez les jeunes. Donc, vous avez à ce niveau-là un rôle très important, qui est complémentaire à l'ensemble des autres politiques gouvernementales. Je pense que, ça, ça ne ressort pas suffisamment dans le rôle des activités culturelles en support et en accompagnement à d'autres priorités gouvernementales, quel que soit le parti au pouvoir.

Sur la question du bureau plus particulièrement, voyez-vous ça, vous, comme un organisme indépendant, autonome, un peu style de la SODEC, ou du CALQ, ou d'une autre institution, ou si vous verriez ça possiblement comme une division rattachée directement au ministère de la Culture?

Le Président (M. Rioux): Alors, qui répond?

(15 h 30)

Mme Morrissette (Solange): On pourrait peut-être répondre ensemble. Ma première réaction, c'est que je le vois comme un organisme indépendant du ministère et formé de pairs. Et on le fait un peu déjà avec trois réseaux régionaux qui sont Réseau Scènes, le ROSEQ et Réseau Centre puis ADICUB concernant Les Voyagements. C'est qu'on se rencontre puis on fait des échanges d'information. On fait des auto-influences. Étant donné que, nous autres, on n'a pas accès à toutes les productions qui sortent sur Montréal, par exemple, alors on échange l'information. On peut se mettre au courant de ce qui sort sur Montréal en théâtre de création, par exemple. Je le vois indépendant mais à une table à laquelle siègent les gens de la SODEC, les gens du CALQ et les gens du ministère aussi pour qu'on puisse... Et ça se fait avec les programmes innovation-concertation. C'est un lieu de mise en commun d'informations pour que les décisions soient congruentes. Mais je le vois comme une organisation indépendante. Avez-vous quelque chose à rajouter là-dessus?

Le Président (M. Rioux): M. Pineau.

M. Pineau (Jacques): Bien, moi, ce que je peux peut-être rajouter, c'est qu'on sent spontanément aussi et naturellement que les réseaux régionaux ont développé, au fur et à mesure des années, des expertises plus spécifiques à chaque discipline. Exemple: Réseau Scènes, qui a mis sur pied Les Voyagements, a une grande expertise en diffusion théâtre jeunesse et aussi théâtre adulte, donc d'où le programme Les Voyagements. Le ROSEQ, à sa façon, a développé comme une forme d'expertise en chanson. Et, dans ce sens-là, notre rencontre d'automne en fait foi. On a quand même tout près de 25 extraits de spectacle. On s'aperçoit souvent aussi qu'on a découvert les Linda Lemay, les Bruno Pelletier. Il y a quand même une forme d'émergence naturelle à chaque réseau par rapport à des disciplines.

Alors, ça pourrait facilement, donc, être une enveloppe qui est comme assignée en fonction d'une spécialité, en fonction des réseaux et d'une table de concertation, comme disait Solange, où la SODEC et le CALQ pourraient siéger aussi. Donc, je pense qu'il y aurait comme une forme de décentralisation qui serait saine et qui naturellement actuellement a déjà... Chaque réseau a déjà sa spécialité. Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci pour votre mémoire. Vous dites que vous recevez chaque année environ 350 offres de spectacle et vous en organisez une cinquantaine. Vous donnez quelques raisons – le manque de congruence – puis vous parlez aussi des producteurs. Vous êtes assez durs pour certains producteurs en disant qu'ils vont en région pour gagner de l'argent, pour avoir leurs frais. Est-ce que ça joue, dans le choix des 50 que vous présentez, la qualité des spectacles?

Le Président (M. Rioux): Mme Arsenault.

Mme Arsenault (Denise): Oui.

Le Président (M. Rioux): Allez-y.

Mme Arsenault (Denise): Ce qu'on dit, c'est qu'il y a 50 tournées significatives. Il y a plus de 50 spectacles différents. Sur les 350 offres, il y a plus de spectacles que ça qui finissent par venir en tournée dans toute la région de ROSEQ, on peut le dire comme ça. Cependant, les tournées significatives, il n'y en a pas plus d'une cinquantaine qui peuvent s'organiser à partir du circuit des petites salles, du Réseau d'été et de la programmation qu'on appelle annuelle. Lorsque vous posez votre deuxième question par rapport – comment vous dites? – aux cachets...

Une voix: Récupération des frais de production.

M. Boulianne: C'est ça.

Mme Arsenault (Denise): ...à la récupération des frais de production, là où est le problème, c'est que souvent, comme je le disais lors de l'intervention avec RIDEAU, d'une part, on nous répond que les subventions... Lorsqu'on nous fait l'offre du spectacle à un tel prix donné, bien souvent on va nous faire part qu'ils ont reçu, je dirais, l'annonce de leur subvention trop tard, donc c'est impossible de rejouer sur quoi que ce soit. C'est là qu'on trouve qu'il y a une espèce de vice de forme, au niveau du temps annonce subvention et de nous où il faut qu'on se branche à un moment donné pour faire notre programmation.

Où il y a un autre problème, c'est lorsqu'on nous propose des spectacles, par exemple, qui sont sortis au niveau du Grand Montréal, et on sait que c'est à tel coût. Ensuite, quand on vient nous les offrir à nous, en région – et là c'est sérieux – bien souvent, c'est soit plus cher ou, si c'est moins cher, ce n'est pas tout à fait le même spectacle. Et c'est sérieux, ce que je vous dis là. Donc, là on nous dit: Bon, bien, écoutez, si vous n'êtes pas capables de payer ce prix-là... C'est pour ça tantôt qu'on parlait du marché à un moment donné qui n'est pas tout à fait le même en région que dans la grande ville de Montréal: soit qu'on va nous offrir un spectacle, une production avec moins de gens ou encore une production où on amène, je ne sais pas, moi, les deux tiers du décor, par exemple. Alors, c'est ça, notre réalité en région.

M. Boulianne: Vous faites le même lien avec la publicité. Vous semblez dire que les producteurs ont des gros cachets de publicité, qu'ils la font à Montréal et, lorsqu'ils arrivent dans les régions, alors ils ne la font pas.

Mme Arsenault (Denise): Bien, c'est là aussi qu'on arrive avec le volet... On taxe souvent les grandes entreprises de Montréal, c'est qu'elles sont à la fois des producteurs et des diffuseurs. Donc, dans leur milieu, elles ont à faire la promotion. Nous, quand on arrive en région, on est dépendants et on est à risque de A à Z au niveau de tout ce qui est promotion. Et là il n'y a personne qui nous aide au niveau de cette promotion-là, on doit l'assumer tout seuls.

Ce qu'on nous donne souvent comme élément, les maisons de production qui deviennent diffuseurs, c'est que les coûts ne sont pas les mêmes. Ça, je suis tout à fait d'accord. Probablement qu'une page dans La Presse coûte un petit peu moins cher qu'une page dans mon journal local. Cependant, moi, j'ai un soir. Je ne peux pas l'étaler sur 20 soirs. Je veux dire, en région, les gens ont un soir pour faire leur spectacle. Alors, si tu manques ton coup, tu ne peux pas te reprendre. Je veux dire, tu viens de perdre énormément. Alors que, sur 20 soirs, tu peux étaler ta publicité, tu peux étaler tous tes frais, tu peux te reprendre. Alors, je veux dire, c'est pour ça qu'on dit, à un moment donné: Nos réalités sont différentes, tout simplement, comprenez-nous. Donc, on a besoin, nous aussi, d'argent pour faire de la diffusion en région.

Le Président (M. Rioux): Rapidement.

M. Boulianne: Rapidement. Ce qui veut dire, donc, qu'une pièce ou un spectacle qui est joué à Montréal à guichet fermé ne sera pas nécessairement populaire en région.

M. Pineau (Jacques): Ce n'est pas un gage de succès.

Mme Morrissette (Solange): Ça ne va pas de soi. Puis, à guichet fermé à Montréal, permettez-nous de douter que la salle n'est pas remplie de billets de faveur. On n'a aucun contrôle là-dessus quand le producteur nous appelle puis il dit: C'est full, c'est plein, il n'y a plus de place. On lui demande: Combien de billets de faveur vous avez donnés? Je ne veux pas généraliser, parce que je trouve qu'il y a un danger à généraliser, mais souvent, pour les grosses productions, avec les gros cachets, on se fait embobiner puis on n'a pas accès direct... Une chance qu'on a un réseau national qui est là et qu'on a des échanges avec d'autres réseaux régionaux qui sont branchés sur la métropole. Puis c'est un peu pour ça que le ROSEQ est né aussi il y a 22 ans. C'est que ce n'est pas long qu'on se fait enfirouâper par...

Le Président (M. Rioux): Vous n'avez pas l'heure juste au moment de l'achat d'un spectacle.

Mme Morrissette (Solange): Avoir l'heure juste. Ha, ha, ha! Puis tantôt vous posiez une question sur le fait que ça pouvait jouer dans nos choix si un agent nous dit: Bien, il faut qu'on rentabilise nos frais de production. Effectivement, ça joue mais par la négative, quand il dit: Bon, bien, là il faut que je fasse deux représentations pour rentrer dans mon argent puis il faut que je tourne chez vous. Moi, j'ai des réticences. Puis ça joue mais plutôt de façon négative dans l'organisation de tournées, dans l'accueil. Disons qu'on est moins réceptif quand on se sent obligé d'acheter un show qui a plus ou moins marché aussi. Mais, vu qu'il a eu une subvention à la production, tout le monde est coincé, là.

Le Président (M. Rioux): Vous voulez ajouter un petit mot, M. Pineau?

M. Pineau (Jacques): Oui. Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, quand on est un réseau, on essaie de se regrouper pour se donner une force. On parlait tout à l'heure de programme d'aide à la tournée. Alors, un programme d'aide à la tournée, selon nous, c'est censé faciliter l'accès en région à ces mêmes mégaproductions ou à des productions régulières, qu'importe, mais tout à l'heure on pourra y revenir. C'est juste pour vous donner un exemple. Nous, quand le ROSEQ se voit dire que telle production n'ira pas à Fermont parce que c'est trop loin, quand à Fermont ils acceptent de payer l'avion et vont même chercher l'équipement avec un chauffeur, un 45 pieds, ça, nous, le Réseau, on a un rôle à jouer, et c'est ce qu'on fait. On va dire: O.K. Tu ne veux pas aller à Fermont, tu ne vas nulle part. Oublie les 15 autres qui prennent des productions majeures. Dans ce sens-là, c'est une force de réseau.

Et, quand on dit de l'aide à la tournée, je vais vous donner un exemple. Une mégaproduction qui peut être montée sur Montréal, qui ne répond peut-être pas aux besoins réels du marché, qui coûte très cher, et qu'on se fait dire: Maintenant, bon, on vous la fera un petit peu moins cher, mais on n'amènera pas le décor, ça, c'est ce que, nous, on appelle de la récupération de frais de production. C'est stupide, parce qu'ils ne croient même pas en leur propre produit, à savoir qu'ils vont possiblement pouvoir aller même en pourcentage, ce qui veut dire, donc, que leur marge de profit va être supplémentaire. Ils n'y croient même pas. Ils vont essayer plutôt de garantir le fixe de base pour être sûrs, comme ça, que ce n'est pas eux qui prennent le risque. De cette façon-là, ils vont récupérer une partie des frais de production qui, fort possiblement, auraient été financés par la SODEC ou le CALQ.

M. Boulianne: Merci.

Mme Morrissette (Solange): Il faut dire que, quand même, depuis même la présentation, l'écriture de ce mémoire-là, il y a eu une amélioration de communication entre le CALQ et les diffuseurs et la SODEC et les diffuseurs. On s'est rendu compte... Parce que ces gens-là assistent à nos événements annuels. On s'est rapproché, et il y a des informations qui ne circulaient peut-être pas qui circulent maintenant. Je ne veux pas faire ma téteuse, parce que ce n'est pas le but de mon intervention, sauf que, effectivement, ces réalités-là, la SODEC les a perçues en octobre dernier, la réalité de Fermont, la réalité des Îles-de-la-Madeleine où la fille des Îles, en recevant un spectacle, s'est rendu compte que ça fait des années qu'elle paie le transport quand le gérant avait de l'argent pour transporter son artiste aux Îles-de-la-Madeleine. Mais c'est en se parlant... Donc, c'est pour ça qu'on souhaite un lieu où l'information va circuler de façon plus systématique pour qu'on puisse savoir ces aberrations-là et arrêter de les financer, en tout cas.

Le Président (M. Rioux): C'est important, en tout cas, que vous nous disiez ces choses-là. On s'en doute parfois, mais on est tellement... On se met dans la tête que ce n'est pas possible. Là, on constate que, oui, c'est possible. Il y a de l'arrogance vis-à-vis les régions lorsque des grandes productions, qu'on appelle nationales, entre guillemets...

Mme Morrissette (Solange): Il n'y a pas de préjugés, je pense, par rapport à l'arrogance. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Sauvé.

(15 h 40)

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Vous écrivez dans votre mémoire, à un moment donné, que la SODEC pourrait, à moyen terme, fausser les données de l'offre et de la demande. Je me demandais qu'est-ce que vous vouliez dire. On a abordé un peu tantôt les impacts parfois pervers, sur le marché dans lequel vous êtes, d'interventions gouvernementales. Donc, vos prédécesseurs, RIDEAU, nous en ont parlé. Vous écrivez ça aussi, mais c'est assez succinct. Je voudrais que vous m'expliquiez, là, qu'est-ce que vous voulez dire par ça.

M. Pineau (Jacques): C'est sûr que ça fait référence au programme-pilote de sensibilisation dans le milieu collégial qui avait été pilote, dans un premier temps, autour de Montréal et qui maintenant, depuis l'année passée, est donc partout sur le territoire québécois.

Cette forme d'aide là, qui est un précédent, qui n'a jamais été une offre offerte aux diffuseurs, a été offerte bien sûr à des organismes qui sont associés. Donc, de facto, c'est des collèges. Il doit y avoir une forme de collaboration possible avec des diffuseurs, mais c'est là où, nous, on disait que l'association n'était pas assez instantanée, ce qui créerait une forme de réseau parallèle. Quand, nous, on a de la misère déjà sur notre propre territoire à gérer la concurrence des fois locale des productions, la concertation, les calendriers, le collège maintenant fait des produits, il sort Jorane Peltier. Pendant ce temps-là, le diffuseur, lui, a pu vouloir l'offrir. Donc, il y a comme une forme de chaos qui s'était comme...

Et, pour certaines villes comme Rimouski, exemple, moi, j'avais déjà une très saine harmonie avec le milieu collégial. Donc, ça, ce n'est pas un problème, excepté que là où ça commence à être un questionnement, c'est quand on peut donner 50 % d'aide au cachet et qu'on s'appelle, pour ne pas le nommer, un groupe populaire. Et, au lieu qu'il se vende habituellement à 3 000 $, 3 500 $, finalement, il est rendu à 6 000 $. Donc, il y a une surenchère de cachets. C'est là où on dit que ça peut biaiser un peu l'offre. De facto, comme, nous, on a un besoin de voir ce groupe-là, on dit: Bon, oui, c'est sûr, on a une entente avec le collégial, on a 50 % de moins de risques, tout ça, mais cette aide-là, vous comprenez bien qu'elle n'a pas transité par le réseau diffuseur reconnu par le ministère et indirectement par le gouvernement du Québec.

Je veux dire, c'est un petit peu tout ça que, nous, on aimerait questionner, avant d'aller dans l'étape 3 ou l'étape 6, pouvoir un jour s'asseoir et faire une concertation saine et naturelle. Et c'est un petit peu ça qu'on dit des fois, qu'il faudrait savoir ce que la main droite fait versus la main gauche. Et on devrait peut-être s'asseoir et échanger là-dessus. Je pense que c'est là où on peut questionner des attitudes comme celles-là.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée.

Mme Beauchamp: Oui. Bien, je vous remercie, parce que je pense, là, que cette démonstration-là, vraiment, illustre de façon éloquente effectivement des effets pervers parfois qui partent de bonnes intentions, mais qui ont des effets pervers sur un marché où il y a déjà des joueurs. Je pense qu'un soutien public ne devrait pas amener ce genre de conséquences...

M. Pineau (Jacques): De problèmes. C'est ça.

Mme Beauchamp: ...même si, comme je disais, l'intention était sûrement louable. Puis je comprends bien que tout le problème découle peut-être du fait que vous avez mentionné – ou c'était peut-être RIDEAU – que bien sûr à la SODEC on retrouve plus les producteurs comme interlocuteurs que les diffuseurs.

Tantôt, vous avez mentionné que le dialogue a peut-être commencé depuis le dépôt de ce mémoire. Je me dis: Mon Dieu, si c'est une des conséquences heureuses de ces auditions et de cet appel de mémoires que tout d'un coup on s'est intéressé à certaines problématiques que les organismes ont soulevées, tant mieux! Mais on espère juste que le dialogue va continuer après la fin de nos audiences, bien sûr.

Moi, je veux aborder un autre sujet. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant que vous nous parliez de vos relations avec, par exemple, le jeune public et bien sûr les écoles. On a beaucoup entendu parler à l'automne de cette fragilité qu'il y avait dans le partenariat entre les écoles, le milieu scolaire et tout un réseau culturel dont effectivement je pense que vous faites partie, les diffuseurs.

Je me permets ici de dire que vous dites, entre autres: Maintenant, on est rendus devant une action individuelle, école par école. Vous me corrigerez si je me trompe. Moi, j'ai reçu une lettre d'un écrivain qui me disait, dans sa lettre, que, pour elle, elle vivait même ça titulaire par titulaire de classe, dans le sens que ce n'est même plus juste école par école, c'est le prof, le titulaire qui est responsable qui a un petit calepin dans lequel il a des propositions. Là, il appelle du monde. Puis, compte tenu que les titulaires – je pense qu'on ne peut pas leur demander l'impossible – n'ont pas une super connaissance de qu'est-ce que c'est faire affaire avec le milieu culturel, et tout ça, ils tentent de négocier vraiment très à la baisse des cachets pourtant reconnus au niveau du transport, au niveau de la présence dans les écoles, les visites, par exemple, et tout ça, les déplacements. Ça fait que je voulais voir si vous viviez ça de la même façon, parce que, quand on est rendu à négocier professeur par professeur une sortie ou une visite dans une école, je conçois que ça peut être extrêmement laborieux. Mais je veux savoir si vous vivez ça de la même façon.

Puis ma question, c'est: Il y a une entente, il est censé, en tout cas, y avoir une entente entre le ministère de la Culture et le ministère de l'Éducation. Est-ce que vous voyez les effets de cette entente et qu'est-ce qui ne marche pas?

Le Président (M. Rioux): C'est Mme Morrissette qui répond à ça?

M. Pineau (Jacques): Mme Arsenault.

Le Président (M. Rioux): Mme Arsenault.

Mme Arsenault (Denise): Bien, moi, je pense que les ententes sont restées au niveau des deux cabinets, parce que, lorsque l'on fait la tournée des commissions scolaires, lorsqu'on fait la tournée des conseils d'établissement, lorsqu'on va dans les écoles, je vous le jure, personne n'est au courant qu'il y a des ententes au niveau de nos deux ministres, à la fois de la Culture et de l'Éducation.

Vous dites que nous avons traversé une crise. Nous avons traversé une sérieuse crise. Nous devons tout recommencer à zéro pour repartir notre travail de sensibilisation et, j'allais dire, de concertation auprès de notre milieu scolaire. Le milieu scolaire, compte tenu de tout ce qu'il a écopé dans les dernières années, je vous le jure, la culture, c'est le dernier de ses soucis. Alors là il faut recommencer au complet tout le travail de sensibilisation pour réussir à les amener dans nos écoles. Il y a même des programmes, Specta-Jeunes, par exemple, qui est un programme de l'aide au transport à 40 %, pour les amener dans nos écoles.

Mais, encore là, je ne veux pas vous faire sourire, mais, quand je parle de Specta-Jeunes dans ma région, bien, je veux dire, Fermont est mort de rire, parce que – vous ne connaissez peut-être pas Fermont, mais tout le monde habite dans un mur – ils ne peuvent pas avoir de l'aide. La seule aide qu'ils peuvent avoir pour faire du spectacle jeune public, c'est de l'aide au transport. Donc, de l'aide au transport, il n'y en a pas besoin, ils sont à 2 min 30 s, tout le monde, de là. Donc, ils ne peuvent pas se faire aider, ils ne peuvent pas avoir accès à Specta-Jeunes. Alors, présentement, il y a vraiment un fossé énorme entre le milieu de l'éducation et les gens de la culture, et il va falloir trouver les moyens pour faire un peu mieux puis développer notre relève de demain dans nos salles, je veux dire.

À l'heure actuelle, on est en train de créer aussi un fossé par rapport à notre clientèle. Qui va venir dans nos salles dans cinq ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans? Je ne le sais pas, si on ne leur a pas inculqué déjà le goût de venir consommer du beau et du bon spectacle dans nos salles. Puis ce n'est pas dans des gymnases qu'on peut voir une pièce de théâtre, ce n'est pas dans des fonds de classe, à un moment donné, qu'on peut apprécier de la bonne musique, c'est vraiment dans des salles. Et on ne peut pas, présentement, les recevoir dans nos salles parce qu'ils ne veulent pas venir, parce qu'ils n'ont pas les moyens, d'une part, pour se déplacer et surtout pas de participer au cachet. Alors, encore là, c'est le diffuseur qui prend le risque à 80 % ou 90 %.

Le Président (M. Rioux): Oui, madame.

Mme Beauchamp: Quel est le rôle du CALQ? Parce que vous mentionnez le CALQ, là. Vous dites: Ce serait important de mettre une table de concertation en place. Je vous avoue, moi, je me sens un peu démunie devant le fait qu'il y a déjà une entente ministérielle. Tu sais, tu dis: Si une entente ministérielle ne marche pas, qu'est-ce qu'il faut qu'on mette en place? Mais, en tout cas, je me pose sérieusement la question. Mais ici vous faites, entre autres, référence au CALQ. J'ai envie de vous demander quel est le rôle du CALQ et de la SODEC, selon vous, devant cette situation.

Mme Arsenault (Denise): Bien, je pense que le... Pardon.

Mme Beauchamp: Allez-y.

Mme Arsenault (Denise): Je pense que le CALQ pourrait être un partenaire idéal pour venir avec nous faire des représentations et des revendications auprès du ministère de l'Éducation. Le CALQ est quand même, à l'heure actuelle, l'organisme qui met de l'argent pour la création, et la production, et l'aide à la circulation. Donc, c'est un partenaire qu'on pourrait avoir avec nous.

Le Président (M. Rioux): Le CALQ a tout intérêt à ce que l'entente fonctionne.

Mme Arsenault (Denise): Tout à fait. Je pense qu'il est intéressé aussi, là. Je n'ai pas parlé avec les gens du CALQ dernièrement sur ce sujet, mais je suis certaine qu'ils sont très intéressés à nous accompagner, à aller faire des revendications et de la représentation auprès du ministère de l'Éducation. C'est là où il faut aller. D'abord, les convaincre de vouloir en faire, de la culture, et, après, on trouvera les moyens de comment le faire. Si, au départ, on peut s'assurer qu'ils ont le goût d'accueillir des pièces ou des spectacles de jeunes publics ou d'amener leurs jeunes en voir, bien déjà là on va avoir marqué un grand pas.

Présentement, je ne suis pas convaincue que tout le monde dans le milieu de l'éducation ait cette volonté-là d'en voir ou d'en accueillir. Donc, la première des choses qu'on aura à faire, nous, comme partenaires, c'est de s'associer, et ensuite de monter une stratégie, et d'aller retrouver les gens de l'éducation, et de dire: Bien, maintenant, comment on le fait? Et avec quels moyens on peut faire ça? Moi, je suis certaine que le CALQ pourrait être un allié très intéressé et très intéressant.

Le Président (M. Rioux): Vous avez mentionné tout à l'heure, Mme Arsenault, la détérioration de la situation entre les ministères de la Culture et de l'Éducation au cours des dernières années. Vous avez dit: On doit tout recommencer. C'est ce que vous venez d'affirmer. Vous ne me ferez pas accroire que le CALQ n'a pas vu ça.

Mme Arsenault (Denise): Bien, le CALQ a été, comme nous, impuissant versus cette situation-là. Qu'est-ce qu'il s'est passé en septembre par rapport à tous les moyens de pression que les syndicats ont mis en place, alors que tout ce qui était activité culturelle, on mettait la hache là-dedans, je veux dire, ça a mis en péril... Moi, j'avais neuf spectacles, neuf matinées scolaires de prévues avant les Fêtes, et mes neuf matinées scolaires ont sauté. Ça s'est fait en l'espace de deux téléphones. On m'a appelée, on a dit: C'est fini, on ne va plus à tes matinées scolaires. Et là il faut tout recommencer, parce que ce qui avait été prévu pour plus tard, on met ça en veilleuse puis on est obligé de tout recommencer ce travail-là. Et, naturellement, quand on arrête de faire une pratique, à un moment donné, c'est beaucoup plus difficile de la remettre sur les rails après ça. Donc, il faut retourner école par école leur revendre nos spectacles, notre programme de développement.

(15 h 50)

Le Président (M. Rioux): Mme Arsenault, moi, je ne veux pas discuter du bien-fondé des moyens de pression des enseignants.

Mme Arsenault (Denise): Oui.

Le Président (M. Rioux): Ce n'est pas la table pour discuter de ça. Cependant, on aurait pu prévenir le coup un peu, que ça s'en venait, ça. Les négociations étaient en marche.

Mme Beauchamp: On pensait que le gouvernement allait tout régler.

Le Président (M. Rioux): Il aurait pu y avoir, il me semble, une concertation, le CALQ, la Culture et l'Éducation.

Mme Arsenault (Denise): Bien, moi, je ne pensais jamais – je vais vous le dire, je vais être honnête – que ce serait dans le milieu de la culture, qui est tellement fragile, qui en arrache tellement, que c'est là-dessus qu'on aurait tapé. Je vous l'avoue très sincèrement. C'est peut-être par naïveté, M. Rioux, mais c'est comme ça. Je veux dire, je ne l'ai pas vu venir. Je suis désolée. Mes collègues peut-être?

M. Pineau (Jacques): Non. Ha, ha, ha!

Mme Arsenault (Denise): Je ne le sais pas.

M. Pineau (Jacques): Est-ce que ça répond à votre question?

Le Président (M. Rioux): Revenons-en à la présence du CALQ et de la SODEC en région. Il faudrait bien aborder ça, là, avant qu'on se quitte, hein!

Mme Morrissette (Solange): Solange Morrissette. C'est sûr que, au niveau des métiers d'art, des maisons de production, quelqu'un qui veut se partir une maison de production à Rimouski, il se sent un peu noyé dans cette grande jungle des producteurs privés de Montréal. Et les gens du ministère n'ont pas toujours le temps de répondre à la demande d'information. Je ne sais pas quelle formule ça pourrait prendre, peut-être un agent volant et de la SODEC et du CALQ qui pourrait être interlocuteur, même pour les trois régions, à la limite, là, mais qui soit quelqu'un avec qui on peut communiquer facilement et qui va défendre les régions quand il va, après ça, aller sur le plan national. Et ça n'existe pas, là, à l'heure actuelle. Mais il y a eu une nouvelle la semaine passée qui disait – c'est drôle, depuis l'écriture de ça, les choses bougent pas mal – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Morrissette (Solange): ...qu'il y avait quelque chose dans cet esprit-là. Ce n'est pas toi qui m'as dit ça?

Le Président (M. Rioux): Les langues se délient. Ha, ha, ha!

Mme Morrissette (Solange): Les choses bougent quand même.

M. Pineau (Jacques): C'est ça. Au niveau de la SODEC, on disait qu'il y avait le voeu d'être beaucoup plus présent sur le territoire pour pouvoir aider vraiment tous les créateurs artistiques. Et j'en profiterais peut-être pour renchérir en disant que je crois qu'au Québec on peut être fier du talent artistique qui est développé au prorata. Vous savez qu'il y a 6 000 000. Les Céline Dion qui sont reconnues internationalement, et ainsi de suite, les Robert Lepage, et on pourrait en nommer énormément, vous savez que, actuellement, c'est un ravage, ce qui se fait un peu comme pénétration en Europe, dans le sens que le produit québécois est très présent.

Si je veux faire un parallèle, je suis très loin pour en arriver finalement à dire que, au niveau de l'éducation, de reconnaître les sorties culturelles comme faisant partie d'un corpus scolaire par le ministère de l'Éducation, une reconnaissance que les sorties culturelles, ce n'est pas une sortie juste pour se sauver des kids pendant à peu près une couple d'heures puis, après ça, on revient. Je pense que cette reconnaissance-là est tout au mérite peut-être du Québec de demain de voir vraiment qu'il y a une symbiose entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Culture. Et ça, je pense que la SODEC et le CALQ sont des bons interlocuteurs, bien placés actuellement pour pouvoir faire avancer des choses. Mais je pense qu'il faut vraiment avoir la volonté de le faire et vraiment de pousser dans ce sens-là. Et je pense que ça pourrait peut-être permettre au Québec de continuer à garder ses forces artistiques.

Le Président (M. Rioux): Allez donc, madame.

Mme Beauchamp: Merci. O.K. On...

Le Président (M. Rioux): Oui, oui, je vais revenir tout à l'heure. Allez!

Mme Beauchamp: O.K. Oui, on se calme.

Le Président (M. Rioux): Le temps presse.

Mme Beauchamp: Vous avez abordé très brièvement la question des nouvelles technologies, et je fais presque un lien avec la volonté aussi d'avoir un contact plus étroit avec la SODEC et le CALQ. Hier, on a eu l'occasion aussi un peu, trop rapidement, d'aborder ce sujet-là, comment on trouve la solution à ça. Mais je veux revenir, parce que vous avez mentionné, là... et je veux savoir si je vous ai bien suivis, bien compris. Sur ce volet-là, donc vous dites: On aurait besoin aussi d'être mieux équipés. Et je comprends que c'est des investissements importants, puis ça bouge tellement vite qu'en plus il y a une grande difficulté de rentabiliser ces investissements en immobilisation. Puis vous avez mentionné, vous avez fait référence, vous avez dit: Il y a un fonds.

Mme Morrissette (Solange): Oui, il y a un fonds de compensation au ministère de la Culture qui a été annoncé il y a quelques semaines.

Mme Beauchamp: O.K. Parce que je veux juste savoir si on se suit bien, si vous permettez.

Mme Morrissette (Solange): O.K.

Mme Beauchamp: Parce que je veux savoir si vous parlez du Fonds de stabilisation qui ne relève pas du ministère, là. Officiellement, c'est un OSBL. D'ailleurs, ça m'a permis d'en parler un peu hier, parce qu'il faut réaliser que, donc, il y a eu de l'argent mis avec un volet développement. Peut-être que vous parlez du volet développement...

Mme Morrissette (Solange): Volet développement.

Mme Beauchamp: ...et tout ça, mais je veux juste rappeler que c'est donc des sommes d'argent qui ont été placées à côté du CALQ, à côté de la SODEC, sous un organisme sans but lucratif, et qu'à la limite ça fait en sorte que vous, par exemple, les gens de l'industrie puis les créateurs, êtes un peu moins proches des décisions prises, parce qu'il y a un conseil d'administration composé de différentes personnes, mais ce n'est pas dans le même principe que le CALQ et la SODEC. Donc, je voulais juste bien comprendre si vous parliez de ça. Vous dites: Peut-être que ça pourrait comprendre un soutien aux nouvelles technologies. Est-ce qu'on vous a dit oui? Est-ce qu'on vous a dit non? Est-ce que ça peut comprendre ça?

Mme Morrissette (Solange): Non, mais, moi, j'ai entendu parler de ça pour la première fois ce matin, parce qu'on n'a pas eu l'information, c'est en jasant avec les gens de RIDEAU. Mais il y a aussi un programme d'aide aux équipements mineurs qui pourrait peut-être compenser pour ça. Mais, moi, c'est les premières nouvelles que j'en avais ce matin. Alors, je la connais mal, la structure, mais j'ai vu là qu'il y avait peut-être un filon pour nos diffuseurs. Comme réseau, je ne pense pas qu'on soit admissible, mais chaque diffuseur pourrait peut-être l'être, c'est à explorer, là.

Mme Beauchamp: O.K. Je me demandais si vous aviez déjà eu...

Mme Morrissette (Solange): Mais c'est ce que j'ai compris, qu'il y avait un volet n° 3 – c'est ça, le volet n° 3? – dans lequel pourraient s'inscrire des diffuseurs, en termes d'équipements.

Mme Beauchamp: O.K. Peut-être que j'aurai à ce moment-là un autre type de réaction. C'est: Ce fonds-là a été annoncé aux crédits supplémentaires; on est au printemps dernier, au printemps 1999. Ça a pris un certain nombre de mois avant que l'OSBL se structure et que ses décisions, ses orientations soient entérinées par la ministre. Comme je le répète, ça ne passe pas par le CALQ.

Ma question, c'est: Comment ça se fait qu'un partenaire dans une région donnée – très grande région – n'ait pas été au courant avant ce matin? Et là je ne mets pas du tout le blâme sur vous, mais je me dis juste: Comment ça se passe, là, la transmission d'information entre le ministère, ou le CALQ, ou la SODEC vers des partenaires comme vous? Est-ce que c'est arrivé plus qu'une fois que vous vous disiez: Ah! tiens, ça fait presque un an que ça a été annoncé, puis je n'étais pas au courant? Je veux dire, est-ce que je suis donc devant un problème de transmission d'information? Puis on revient peut-être à la question de l'éloignement des régions. C'est quoi? Comment ça se fait? Je suis vraiment étonnée de voir que...

Le Président (M. Rioux): M. Pineau, Mme Arsenault?

M. Pineau (Jacques): Bien, c'est tout ça ensemble. C'est sûr que, quand on est en région éloignée...

Mme Beauchamp: Oui, je veux dire...

M. Pineau (Jacques): ...ou excentrique...

Mme Beauchamp: Oui, j'ai dit «éloignée», je suis désolée. Ha, ha, ha!

M. Pineau (Jacques): Non, non, ce n'est pas grave. On n'est vraiment pas susceptibles, on a appris ça dans notre vie.

Mme Beauchamp: O.K.

M. Pineau (Jacques): C'est sûr que, quand on est séparé un petit peu du reste du monde, des nouveaux volets, comme ça, d'aide, c'est appréciable dans le sens que, pour vous donner une idée, nous, on a à peu près, sur 28 diffuseurs, le tiers qui est informatisé au niveau d'une billetterie et le tiers qui a au moins un ordinateur avec Internet, donc un courriel. Bon.

Il n'y a qu'un pas – vous savez comment ça va vite – entre le fait de pouvoir au moins aider ces diffuseurs-là à avoir une possibilité d'avoir au moins un ordinateur, de pouvoir se connecter Intranet, de faire donc de l'échange d'information, de faire de la programmation, mais ça ne réglera pas encore, comme on disait, la présence de cette information-là chez nous. C'est sûr qu'on peut dire: Oui, bon, parfait, la SODEC a envoyé par courriel au niveau de tous les diffuseurs... Ce serait déjà ça de mieux. C'est juste que nous, en région, on ne la sent pas, l'information, de la même façon. C'est sûr que, moi, le petit document était sur le coin de mon bureau. C'est sûr que les diffuseurs, on n'est pas beaucoup pour faire la job. Quand on fait 50 à 60 spectacles puis qu'on est des petites équipes de deux à trois personnes, vous comprenez bien qu'il faut en mettre, de l'effort, souvent, pour remplir nos salles.

Donc, c'est un petit peu tout ça. C'est sûr que, même si c'est un ou une agente volante qui vient à l'occasion, ça serait déjà un bon grand pas vers ça. Et que l'information ne se soit pas rendue avant, je pense que c'est peut-être une partie du problème. Vous voyez, dans le fond, cet organisme-là était comme indépendant, mais actuellement, bon, vous voyez, là elle se rend à nous. C'est sûr qu'il y a eu comme un décalage, le temps de mettre l'OSBL sur pied, et tout ça, excepté que, nous, la date butoir était le 2 février; il y en a une autre en octobre, et on sera prêts pour le mois d'octobre. Mais c'est sûr que l'information, il faut que ça circule un peu plus.

Mme Beauchamp: C'est parce que ça reste de l'argent public qui aurait pu être placé ailleurs. Ça reste de l'argent public. Ce que vous me racontez là, je trouve ça très décevant, je trouve ça très dommage, parce que ça reste de l'argent public qui aurait dû être disponible pour vous comme pour les autres. Je ne dis pas qu'il n'a pas été disponible, mais je dis juste que ce que vous nous racontez, c'est une autre illustration sûrement de...

Mme Morrissette (Solange): On a vu ça dans le journal; on l'a lu dans les journaux.

Mme Beauchamp: Bien, c'est 15 000 000 $ d'argent public. Je trouve ça très décevant, ce que vous nous racontez là, que vous n'ayez pas su ça avant. Enfin, je vais arrêter là.

(16 heures)

Le Président (M. Rioux): C'est peut-être un secteur que vous ne couvrez pas, mais regardez la situation des orchestres symphoniques régionaux, c'est catastrophique. C'est sûr que l'Orchestre symphonique de Laval se tire d'affaire, Montréal et Québec. Mais, si vous allez dans des régions, comme l'Orchestre symphonique de l'Estuaire, par exemple, ils vivent de la charité publique. Et, moi, je suis un peu comme la députée de Sauvé, il y a un 15 000 000 $ qui est géré sous forme d'OSBL. On a dit: Ça serait peut-être intéressant d'essayer d'établir des partenariats, ne fût-ce qu'avec le Conseil régional de développement, les ministères de la Culture, de l'Éducation, pour essayer de faire en sorte qu'une institution de cette importance-là ne ferme pas ses portes l'automne prochain, voyez-vous? Je donne ça comme exemple. Il y en aurait bien d'autres.

Mais souvent ils nous disent: Vous autres, les Gaspésiens, vous n'avez pas à chialer. Le Festival en chanson de Petite-Vallée, ça marche comme ce n'est pas possible. Oui, mais – passez-moi l'expression – il y en a eu, de l'huile de bras, avant d'en arriver à émerger. Ça a pris des années et des années avant qu'on puisse se faire entendre et surtout se faire comprendre. On dirait, des jours, qu'on ne parle pas la même langue. M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: M. le Président, moi, en tout cas, à titre de député des régions, je suis très heureux de l'existence du ROSEQ. Je pense que vous travaillez pour les régions.

Mais je veux revenir sur la présence du CALQ et de la SODEC en région. Vous ne semblez pas demander d'être présents soit par un organisme, vous semblez demander simplement d'être consultés. Est-ce que c'est ça que je comprends bien? Puis est-ce que ça va être suffisant pour faire passer votre message?

Mme Morrissette (Solange): Non. Il y a deux choses. Parce qu'au niveau d'un agent du CALQ, en tout cas un agent d'information du moins, c'est pour toutes les disciplines. C'est que ce n'est pas juste en arts d'interprétation, les métiers d'art, la production, l'enregistrement sonore, il y en a, des maisons de production télévisuelle. C'est dans toutes les disciplines où je trouve qu'il y a un manque de circulation d'information des programmes du CALQ et de la SODEC, et surtout un interlocuteur privilégié.

Moi, je siège sur le Conseil de la culture, au niveau du conseil d'administration, et il y a des artisans qui sont venus nous dire: Bien, moi, quand j'appelle à la SODEC, j'ai l'impression d'appeler du bout du monde. Je ne connais personne, je ne m'identifie à personne. Il n'y a pas d'agent qui est là pour défendre son dossier. Il se sent un peu perdu. C'est plus dans cet esprit-là. Qu'il y ait quelqu'un sur le territoire et que, nous, on siège avec des représentants de ces organismes-là, c'est vraiment plus précisément au niveau des arts d'interprétation, des arts de la scène.

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Rioux): Alors, monsieur et mesdames, merci beaucoup de votre présence. Ça nous a donné un éclairage sur ce qui se passe dans cette vaste région qu'on appelle l'Est du Québec. Et il y a une chose qui est à l'évidence, que les gens, des collègues qui viennent de Montréal ou de Québec vont comprendre, c'est qu'il n'y a pas une parité de chances dans l'accès à la culture. Il n'y a pas une parité de chances. Quand on parle de démocratisation de la culture, on est loin de la coupe aux lèvres. On a un travail à faire. Merci d'être tenaces, et on vous encourage à continuer.

Mme Morrissette (Solange): Des missionnaires.

Le Président (M. Rioux): Et votre message ne restera pas lettre morte.

M. Pineau (Jacques): Merci de votre attention.

Le Président (M. Rioux): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Losique, s'il vous plaît, si vous voulez prendre place. M. Losique, on vous souhaite la bienvenue. On va demander au ROSEQ... Merci. M. Losique, vous allez nous présenter votre collègue qui vous accompagne.


Festival des films du monde (FFM)

M. Losique (Serge): Oui, c'est facile de le présenter. Ne vous inquiétez pas, il n'est pas dangereux comme les autres barbus depuis Jésus, Karl Marx, ou Castro, ou les ayatollahs; il est tout simplement mal rasé comme les ayatollahs. Alors, il s'appelle Gilles Bériault, il est directeur du marché et de la télévision au Festival des films du monde.

Le Président (M. Rioux): Alors, on vous écoute.

M. Losique (Serge): Alors, je suis très impressionné d'être devant ce haut tribunal, même s'il y a beaucoup de juges qui ne sont pas là, mais disons que c'est impressionnant.

Deuxième remarque. M. le Président, je trouve que j'ai trouvé d'excellents scénaristes ici, à l'Assemblée nationale. Depuis qu'on parle de cette commission, le scénario a été remanié à plusieurs reprises, et même hier soir: normalement, je passais à 17 h 30, aujourd'hui, et on reçoit un coup de fil désespéré, tout est changé encore. Alors, il fallait changer les avions, etc. Donc, ça dure depuis le mois de septembre. Alors, quand on dit qu'on n'a pas de bon scénariste, je crois qu'on se trompe. Il faut le trouver directement ici, à l'Assemblée nationale.

Troisième remarque...

M. Laporte: ...

M. Losique (Serge): Comment?

M. Laporte: ...

M. Losique (Serge): C'est ce que je viens de confirmer. Je vous félicite publiquement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Allez, s'il vous plaît.

(16 h 10)

M. Losique (Serge): Aussi bien des deux côtés de la Chambre, sans faire de jaloux.

Troisième remarque. Je trouve que, s'il était peut-être prématuré de porter un jugement sur la SODEC actuelle, qu'on le veuille ou non, les hommes à la tête d'une institution comme à la tête d'un gouvernement, ça compte. Et nous venons de nommer, notre gouvernement vient de nommer un nouveau président qui s'appelle M. Pierre Lafleur. Il n'a pas pu faire grand-chose au cours de ces derniers mois. Juste pour connaître les dossiers, c'est difficile. J'aurais peut-être séparé, M. le Président, les auditions sur le CALQ, et peut-être un peu plus tard, à l'automne, etc., un an après. C'est une remarque amicale, ce n'est pas une critique, parce que, même moi-même, si j'ai présenté ce mémoire, c'était en fonction uniquement de l'expérience avec le président sortant. C'est aussi simple que ça. Je ne mâche pas mes mots. Donc, quand on fait un mémoire comme nous l'avons fait, c'est après une expérience.

On ne parle pas de chiffres. Comme, tout à l'heure, j'ai entendu beaucoup de chiffres; moi, c'est une conception culturelle qui m'intéresse, beaucoup plus que les chiffres. Les chiffres, je peux me débattre avec ma ministre ou mes ministres, les commanditaires, etc., dans un autre lieu. Ici, je veux tout simplement exprimer les problèmes qu'on a rencontrés et comment nous voyons l'évolution de la SODEC, n'est-ce pas, sur le plan cinématographique, parce que, ce qui nous intéresse, c'est la solidité de cette institution, cet allié principal et, je dirais même, nécessaire pour l'évolution de la culture cinématographique au Québec. Voilà pourquoi je me sens un peu gêné de porter un jugement aujourd'hui, puisque je le fais en fonction uniquement de la SODEC passée, sous un autre président général.

Alors, voilà pourquoi, quatrième remarque, si on n'a pas parlé de chiffres, comme je viens de le dire, parce que le but, j'imagine, même de l'Assemblée nationale, ce n'est pas de s'enfarger dans les chiffres – est-ce que c'est 6 000 $ ou 10 000 $? ça, ça n'a aucune importance – ce qui est important, c'est que cette culture soit, disons, libre. Comme disait un grand philosophe ou poète qui s'appelle Mallarmé: «L'art naît de contraintes, vit des luttes, meurt de liberté.» Et on ne le changera pas avec les superstructures, les observatoires de la culture ou n'importe quoi.

Or, le problème essentiel au Québec, tel que je le vois aujourd'hui, tel que je l'ai vécu au nom du Festival, ma bataille n'est pas à l'extérieur, c'est toujours avec les fonctionnaires à l'intérieur. Et c'est ça qu'il faut changer, et c'est les élus qui sont capables de changer tout ça. Voilà pourquoi je suis très heureux d'être invité, je veux dire, par les élus. Alors, ceci dit, je laisse la parole à mon barbu qui va vous présenter le mémoire.

M. Bériault (Gilles): Voilà. Alors, M. le Président, madame, messieurs. La SODEC, la Société de développement des entreprises culturelles, a pour mandat de promouvoir et de soutenir au Québec l'implantation et le développement des entreprises culturelles, y compris les médias. Elle a aussi pour fonction de contribuer à accroître la qualité des produits et services et la compétitivité de ceux-ci sur tous les marchés. En tant que guichet unique des entreprises culturelles, la SODEC accorde son aide financière au moyen de prêts, de garanties de prêts, d'investissements ou de subventions. L'intention était sans doute généreuse envers la culture, mais ce qui se passe en réalité est différent. Comme nous sommes invités à présenter notre point de vue sur la SODEC, institution qui appartient à tous les Québécois, nous précisons que notre intervention est purement culturelle et apolitique.

Les orientations de la SODEC. La SODEC agit comme un mini-ministère autonome. On peut même dire plus, son président peut décider seul, s'il le désire, comme un ministre tout-puissant qui ne tiendrait pas compte des conseils de qui que ce soit. Or, on sait qu'il est impossible d'être spécialiste en tout: livres, disques, édition, cinéma, multimédia, métiers d'art, etc. Trop d'éléments disparates composent la SODEC aujourd'hui. Si on suivait cette logique de concentration, la Bibliothèque nationale perdrait son autonomie et le livre, l'édition et tout l'écrit devraient être sous le même toit qu'elle. Le cinéma, la télévision et l'audiovisuel en général sont aujourd'hui plus importants pour la population que l'écrit et on les a noyés dans cette myriade hétéroclite de la SODEC. Il est possible que les faiblesses de la SODEC viennent en partie de cette confusion des genres. Sans le vouloir peut-être, on a créé un monstre administratif où les fonctionnaires ont plus d'importance que la culture. C'est le système qui est en cause ici.

Il y a souvent contradiction entre le fait de soutenir le développement d'entreprises culturelles et l'obligation de contribuer à accroître la qualité des produits. En effet, on sait que la qualité n'est pas toujours financièrement rentable, et on a vu souvent la SODEC, en raison de son mandat de soutenir les entreprises culturelles, contribuer financièrement à des productions strictement commerciales qui auraient bien pu se passer des deniers de l'État. On pourrait énumérer une longue liste de produits, surtout en télévision, de simple consommation, qui n'ont rien à faire avec les notions de qualité ou de culture. Et ces produits ne s'exportent pas.

La SODEC est contradictoire dans ses politiques qui se font à la pièce. Ses orientations dans les domaines de l'édition et du cinéma laissent à désirer. Si l'on tient à la culture et à notre présence dans le monde, le développement du long métrage est essentiel. Un pays sans long métrage est un pays lourdement handicapé sur le plan du rayonnement culturel dans le monde moderne. Cependant, est-ce le rôle de la SODEC de développer toujours plus les entreprises culturelles qui sont cotées en Bourse? En effet, ces dernières sont plus aidées que les entreprises culturelles indépendantes. Est-ce le rôle de la SODEC d'aider, par le biais des crédits d'impôt, les télévisions privées au détriment des producteurs indépendants? Ne serait-ce pas plus normal d'exiger des télévisions privées d'investir dans la création cinématographique québécoise comme cela se fait ailleurs? Par de mauvaises politiques, on a éliminé les distributeurs indépendants. Va-t-on éliminer maintenant les producteurs indépendants?

Est-ce que le contribuable québécois, le plus taxé en Amérique, va continuer à se serrer la ceinture pour enrichir le Québec inc. via la culture alors qu'on n'est même pas capables d'avoir des budgets décents pour nos longs métrages ou de financer notre grand Orchestre symphonique de Montréal et les institutions purement culturelles?

La SODEC n'a aucune politique en matière de distribution de films, ce qui est capital pour la survie du cinéma québécois. Rien n'a été fait pour tenter de réviser la loi 109 sur le cinéma qui est, à notre avis, caduque. Même la distribution des meilleurs films français échappe de plus en plus aux distributeurs québécois, car ce sont les Américains qui décident de plus en plus des films étrangers que nous verrons sur nos écrans. Ceci aura des conséquences sur notre culture cinématographique. Il est urgent de se pencher sur cette question, quitte à demander la collaboration du gouvernement fédéral qui, à cause de ses mauvaises politiques de subventions du passé, est aussi responsable de l'échec de la loi 109.

Malgré l'exception culturelle, le traité de libre-échange n'est pas du tout respecté par les Américains qui ont trouvé le moyen de le contourner en se servant de maisons de distribution canadiennes qui leur servent de paravent. Tout ce que la loi 109 a réussi à faire, c'est, avec l'aide du fédéral, de permettre à trois ou quatre sociétés québécoises d'être cotées en Bourse et de disparaître du Québec pour se retrouver à Toronto, pour ne pas dire où. Ainsi, on a détruit tout un réseau de distribution indépendant au Québec.

La SODEC n'a pas de vision en ce qui concerne les festivals internationaux du film. Bon, des pays importants comme la France et l'Allemagne ont un festival international majeur – en France, on pense tout de suite à Cannes, en Allemagne à Berlin – ce qui ne les empêche pas d'avoir des festivals thématiques moins importants. Or, s'il est miraculeux d'avoir pu mettre sur pied un festival majeur à Montréal avec une population... donc un marché exigu, il est encore plus miraculeux de fonctionner en résistant aux ingérences et obstructions de la SODEC. Ainsi, la SODEC n'a absolument rien fait pour rectifier le tir quand une personne de Montréal a usurpé le nom et le mandat du festival que nous organisons. Malgré nos protestations et les interventions du milieu auprès de la SODEC pour qu'elle se dissocie de ce festival tant qu'il n'aurait pas changé de nom et de mandat, la SODEC n'a rien fait et a soutenu la confusion sur la scène internationale et canadienne. Le choix des films de ce festival n'a rien à faire avec la sélection et l'esprit des festivals internationaux. En effet, il lie la présentation de certains films importants de son festival à ses salles commerciales.

À titre d'exemple, certains producteurs étrangers avaient prévu de présenter cette année certains de leurs films au Festival des films du monde, mais les distributeurs locaux de ces films n'ont pu résister aux avantages commerciaux que le propriétaire d'Ex-Centris leur offrait. Aucun organisateur d'un festival de films n'a jamais pensé sélectionner des films pour son festival en fonction de ses propres salles. C'est contre toute éthique des festivals internationaux de films. Ce festival subventionné qui présente des films qui ne correspondent pas au mandat dont il se réclame n'est donc qu'un appât pour son commerce. Malgré nos protestations, la SODEC n'a rien fait dans ce dossier. Elle n'a même pas tenu compte de l'intervention de la FIAPF, c'est-à-dire la Fédération internationale des associations de producteurs de films, organisme qui reconnaît et réglemente les festivals internationaux. Est-ce une volonté de nuire au FFM, au Festival des films du monde? En tout cas, cette politique de l'autruche de la SODEC favorise les concurrents de Montréal au Canada et ailleurs.

(16 h 20)

Vous avez vu comme tout le monde que la SODEC a fait un appel d'offres pour établir un autre festival à Québec en dehors de celui que nous organisons dans cette ville depuis plus de 14 ans. C'est vraiment une nouveauté en Occident pour une agence gouvernementale de faire un appel d'offres pour créer un nouveau festival de films. La SODEC n'a jamais consulté le Festival du film de Québec comme si celui-ci n'avait jamais servi les cinéphiles de Québec pendant tant d'années. Le mandat de ce nouveau festival, doté d'emblée d'un budget de 500 000 $ selon la SODEC, alors que d'habitude il faut faire ses preuves avant d'obtenir la moindre subvention, est de présenter des images du Nouveau Monde. Là encore, on essaie d'imiter le Festival des films du monde. Cette nouvelle initiative de la SODEC ne résiste à aucune analyse sérieuse.

Alors, que fait le Festival des films du monde depuis 1977? Son grand prix s'appelle Grand Prix des Amériques pour donner la dimension continentale du Nouveau Monde au Festival des films du monde. Depuis 1978, nous organisons une section intitulée Cinéma de l'Amérique latine qui regroupe chaque année ce qui se fait de mieux dans le cinéma latino-américain récent. Le MECLA, Marché du cinéma de l'Amérique du Sud, organisé par les professionnels de l'Amérique du Sud s'est installé définitivement au Festival de Montréal. Le cinéma américain indépendant est fortement représenté au Festival des films du monde. Et, en plus, nous présentons une section à part intitulée Panorama Canada dans laquelle sont présentés des films récents du Canada et du Québec. De plus, nos jeunes sont regroupés sous la bannière du Festival étudiant. Bref, les images du Nouveau Monde dominent le Festival des films du monde et beaucoup de ces films sont présentés aussi au Festival de Québec.

En quoi cette nouvelle initiative de la SODEC est-elle nouvelle par rapport au rôle que jouent déjà dans ce Nouveau Monde le Festival des films du monde et son partenaire, le Festival international du film de Québec? Comment se fait-il qu'un nouveau festival encore inexistant et qui n'a pas fait ses preuves soit déjà doté, d'après la SODEC, d'un budget de 500 000 $ alors que, depuis plus de 14 ans, le Festival du film de Québec ne reçoit que 25 000 $ de la SODEC? De plus, depuis 23 ans, le Festival des films du monde existe. Il ne connaît le montant de sa modeste subvention que trois mois et souvent moins avant la tenue de l'événement. Nous ne nous opposons pas à ce qu'il y ait des festivals thématiques ou spécifiques ailleurs au Québec, mais il ne faudrait pas tout faire pour détruire ce qui a été construit par d'autres de peine et de misère.

La SODEC essaie d'être maître d'oeuvre elle-même et de se substituer aux organismes privés au lieu de remplir son mandat d'aide aux entreprises culturelles et de laisser au privé la tâche d'organiser les événements, les expositions, les représentations d'ici et à l'étranger. La SODEC s'éparpille en étant à la fois bailleur de fonds et organisateur de diverses opérations à l'étranger, bon, avec le peu de succès que l'on sait. Ce n'est pas son rôle d'être les deux. Elle a essayé, contre tout bon sens, d'empêcher le Festival des films du monde d'avoir des activités destinées aux professionnels, dont le marché du film, une section pour le financement des coproductions, etc., en lui coupant l'aide nécessaire.

La SODEC devient donc de plus en plus concurrente des événements existants qu'elle subventionne pourtant. Ainsi, à titre d'exemple, la SODEC a invité cette année, et ce n'est pas la première fois que cela arrive, une délégation du cinéma de l'audiovisuel de Belgique juste à la veille du Festival des films du monde, alors qu'il aurait été si simple de les inviter pendant le Festival et de créer ainsi une synergie au lieu de tenter de nuire au FFM. Elle a fait la même chose avec les Français il y a deux ans, avec une délégation française.

Dans le même ordre d'idées, la SODEC aura un stand ce mois-ci – c'était au moment où le mémoire a été rédigé, donc cet automne...

M. Losique (Serge): Au mois d'octobre.

M. Bériault (Gilles): ...au mois d'octobre – au Festival de Namur en Belgique, mais la SODEC n'a pas voulu être présente dans l'espace du Festival des films du monde et de son marché à Montréal pour accueillir les professionnels du monde entier qui viennent à Montréal à ce moment-là. De plus en plus, la SODEC agit d'abord en fonction des prérogatives de ses propres fonctionnaires au lieu d'agir d'abord dans l'intérêt du cinéma québécois et des institutions québécoises.

Lorsque la SODEC agit comme seul maître d'oeuvre culturel, par exemple dans le cas d'interventions à l'étranger, elle va toujours essayer de réparer ses propres erreurs en injectant des sommes importantes à la dernière minute. Il est certain qu'un organisme privé se trouvant dans la même situation devrait trouver des solutions moins coûteuses et se débrouiller par la suite avec ses dettes.

La SODEC ne répond même pas aux demandes spécifiques. Cette année, dès le mois de février, nous avons demandé, avec l'Université du Québec, de nous aider à faire une étude pendant la tenue du Festival des films du monde sur les retombées culturelles et économiques du Festival. Notre demande a été complètement ignorée et nous n'avons même pas reçu un accusé de réception. Parallèlement, les modes de financement des institutions culturelles et des projets se font au moyen de subventions ou alors avec une «approche d'affaires», selon les propres termes de la SODEC. En réalité, les taux des prêts de la SODEC sont supérieurs aux taux préférentiels des banques. De plus la SODEC exige des garanties de toutes sortes qui rendent la vie impossible aux organismes culturels.

Par ses méthodes usuraires, la SODEC met en péril la création sous toutes ses formes et contredit son mandat. En effet, chaque projet en matière culturelle est unique et n'a pas de prototype. Il y a donc un haut risque pour les promoteurs. Dans ce contexte, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes d'aide plus souples. Alors, pourquoi cacher le fait que certains investissements de la SODEC ne sont que des subventions déguisées? Comme on le voit, la SODEC peut, selon son bon plaisir, jouer aux usuriers et mener la vie dure à certaines institutions et, en même temps, ne pas respecter le mot «investissement».

La formule actuelle de la SODEC aurait peut-être pu fonctionner si son président agissait comme président du conseil d'administration des diverses divisions en laissant l'administration et les décisions aux directeurs exécutifs, si ces derniers étaient nommés par la ministre de la Culture. La réalité est différente, puisque c'est le président qui nomme des responsables des sections et intervient dans les dossiers très différents en régissant à la pièce, sans vision à long terme, en appliquant toutes sortes de recettes préconçues d'un champ d'activité à l'autre qui peuvent s'avérer désastreuses. Rappelons pour mémoire l'affaire Renaud-Bray – la SODEC ne devrait pas être à la fois subventionnaire et actionnaire, bon, car elle se met dans une situation de conflit d'intérêts, vous l'aurez vite compris – les crédits d'impôt accordés à certaines télévisions privées qui font déjà des profits records, la perte de la distribution de films au Québec, le conflit inutile avec le Festival des films du monde, le manque de vision pour le développement du long métrage québécois, etc.

Le domaine du cinéma, de la télévision, de l'audiovisuel est suffisamment vaste et complexe pour justifier l'existence d'un organisme séparé du reste. C'est un univers en soi et en constante évolution – sinon révolution – qui doit avoir sa propre direction. En effet, si on se réfère à ce qui se passe dans de nombreux pays, la direction du cinéma et de l'audiovisuel est, la plupart du temps, assumée par une entité distincte du reste des activités culturelles. À cause de la domination de l'image sur le monde moderne et de l'importance du cinéma, de la télévision, de la câblodistribution et maintenant de l'Internet sur nos vies, l'existence d'une direction séparée avec une véritable vision à long terme est tout à fait justifiable. À cause de sa spécificité culturelle, le Québec a un besoin urgent de se doter d'un organisme distinct de la SODEC actuelle. Ce nouveau centre du cinéma et de l'audiovisuel du Québec devrait avoir une vision plus ouverte, donc moins corporatiste, et plus internationale que les organismes passés.

En conclusion, la direction de la SODEC n'est pas composée d'élus. Elle agit comme si elle n'avait de comptes à rendre à personne. Étant donné que la plupart des intervenants des entreprises culturelles en dépendent, ils n'osent pas critiquer ouvertement son fonctionnement ni ses politiques, ce qui est malsain pour la création et la culture dans son ensemble. Il est donc temps de procéder à la révision de la SODEC tant au niveau de la structure, des mandats que du fonctionnement. Il est également temps de créer une structure distincte couvrant le domaine du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel. La création d'un centre doit être prioritaire dans la réflexion actuelle sur la SODEC.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Losique, M. Bériault, merci. Votre présentation est très claire. Hier, M. Fournier, qui était ici présent à la commission, nous a parlé de ce différend quand même important qui existe entre le Festival des films du monde et la SODEC. En tout cas, c'est plus qu'un différend, je dirais que c'est une divergence au plan philosophique, en termes d'orientation, etc., et les députés en ont pris bonne note.

Alors, on va maintenant donner la parole aux parlementaires. J'inviterais le député de Marguerite-D'Youville à poser la première question.

(16 h 30)

M. Beaulne: Merci, M. le Président. D'abord, M. Losique, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale à peu près 24, 25 ans après votre passage à San Francisco, en 1976, où j'étais consul du Canada à l'époque, et où vous étiez venu amorcer le Festival des films du monde. Ça me donne également l'occasion de déplorer publiquement et de manière enregistrée les tergiversations qui vous affublent et de souhaiter que nous puissions donner l'élan souhaité au Festival des films du monde, parce que je pense qu'à quelques occasions il faut rappeler que c'est le Festival des films du monde, grâce à votre initiative, qui a placé le Québec pour la première fois dans le circuit des festivals internationaux de films. Par la suite, Toronto s'est développé et d'autres ont voulu imiter ce geste. Mais, ceci étant dit, il faut quand même qu'on conserve la mémoire de ce qu'on a fait de bien et qu'au-delà de l'évolution des contextes nous puissions ajuster le tir de manière à préserver ce qui a toujours fait notre gloire à l'étranger.

Ceci étant dit, nous prenons bonne note de vos recommandations concernant le besoin de revoir le fonctionnement de la SODEC. J'aimerais, puisque c'est M. Bériault qui semble plutôt le porte-parole des aspects mercantiles de l'opération, vous entendre parler sur ce phénomène que vous qualifiez de «taux usuriers» de la SODEC. C'est une dimension qui bien souvent échappe aux parlementaires et, comme banquier, c'est une dimension qui me touche plus particulièrement. Alors, si vous pouviez un peu expliciter l'affirmation que vous venez de faire concernant les pratiques en matière de financement et de taux de la SODEC.

Le Président (M. Rioux): M. Bériault.

M. Bériault (Gilles): Oui.

M. Losique (Serge): Juste pour ajouter. Je vous remercie beaucoup. Je ne sais pas si vous aviez une moustache, à San Francisco.

M. Beaulne: Non.

M. Losique (Serge): C'est pour ça que je ne vous ai pas reconnu. Mais, en vous observant...

M. Beaulne: J'avais les cheveux jusqu'ici.

M. Losique (Serge): Oui, oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Losique (Serge): Merci de ce rappel amical. Rassurez-vous, il est mercantile, mais ce sont les mercantiles qui dirigent les vraies choses. Comme ça, lui, il pourrait vous répondre.

M. Bériault (Gilles): Bien, écoutez, je ne voudrais pas m'étendre trop longtemps sur cet aspect-là parce que c'est surtout le milieu de la production, autant cinématographique que dans le domaine de la musique, etc., qui serait mieux en mesure de vous répondre précisément là-dessus. Mais une des critiques qu'on fait, bon, régulièrement, c'est que les organismes culturels, effectivement, acceptent de prêter à risque à des entreprises, soit producteurs, diffuseurs, etc., tout en sachant que ces gens-là ne peuvent pas donner les mêmes garanties qu'une banque normale, si vous voulez, va demander. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on demande des frais de dossiers, qui sont quand même assez importants. Enfin, c'est qu'on agit comme une véritable banque, et non seulement on ne donne pas une chance, si vous voulez, qui pourrait être la véritable chance aux producteurs, c'est-à-dire de leur donner des taux d'intérêt préférentiels, mais des taux en escompte et pas des primes «prime plus deux, et plus trois, et plus quatre», etc., selon le risque encouru. C'est un petit peu... C'est qu'on veut agir comme financier mais on devient plus requin que les banques et que les autres organismes qui prêtent en exigeant toutes sortes de conditions. Alors, je pense qu'on vient défaire un peu le...

Le Président (M. Rioux): M. Losique, vous voulez ajouter?

M. Losique (Serge): Non seulement les producteurs... Je vais vous donner un exemple concret; je peux vous le prouver, même. Je ne veux pas vous agacer avec les chiffres aujourd'hui, les finances. Vous savez, le Festival, qu'il soit grand à travers le monde, comme le FFM, ça vit toujours de l'espérance, jamais d'espoir. C'est comme l'Église. J'ai essayé, même sous l'ancien gouvernement... Quand je parle, je parle de la structure, je ne parle pas... Voilà pourquoi on a insisté que, vraiment, notre intervention est apolitique.

On a essayé sous l'ancienne SOGIC – c'est la même chose, il y avait des gens que je connaissais dedans – on a négocié, parce que, vous savez, les subventions, très souvent le ministre de la Culture arrive à la Place des Arts, il t'apporte le chèque, mais il faut préparer, comme vous le savez, le Festival 12 mois d'avance, alors on a essayé d'avoir les prêts, on a tout essayé, mais il y avait de telles conditions: sur ma santé, sur mes avoirs, sur mes dettes, des garanties que je ne pouvais pas donner, et hypothéquer tout le temps ma famille. Je peux vous prouver ça aussi.

D'autres peuvent vous dire, là, après... Je sais que la SODEC va passer derrière et vous donner des chiffres, ou ceci, ou cela, mais tout ça, excusez-moi, c'est de la bouillie pour les chats. Ce sont les institutions et les individus qui créent la culture qui souffrent et qui ont les preuves. Et, si vous voulez des preuves, même dans notre cas, que nous n'aurons jamais... Pourquoi voulez-vous que je demande, par toutes sortes de moyens, la ligne de crédit à la banque? Je n'ai jamais pu l'obtenir de la SODEC à cause justement des conditions, pas de la SODEC même actuelle, je parle même de la SOGIC.

C'est ça qu'il faudrait, comme on a dit dans notre mémoire, analyser cas par cas. Les producteurs, eux, d'accord, eux, ils sont peut-être plus gâtés, par exemple, que nous. Pourquoi une institution culturelle comme nous n'a que 14 % de son budget, ou je ne sais pas combien, de la SODEC, tandis que les producteurs, ils ont plus de 80 %, si vous ajoutez le fédéral, et tout ça? Alors, il y a quelque chose dans la culture qui ne marche pas, dans le système, qu'il faudrait revoir, et cas par cas peut-être, domaine par domaine, etc. Nous avons toutes ces preuves-là. On en a parlé également tout à l'heure, et j'espère que j'ai répondu à votre question. Si vous voulez, même, on peut vous envoyer des preuves, mais on n'a jamais réussi parce que c'est trop compliqué.

Alors, on a obtenu un crédit par toutes sortes de moyens, ce qu'on appelle la ligne de crédit à la banque. C'est aussi simple que ça. Et ça, vous pourriez quand même vous pencher... Je vous dis, aux députés, de vous y pencher sérieusement, de vous interroger sur toutes les institutions qui s'adressent... peu importe ce que la banque va vous dire. Ah oui! bien sûr qu'ils ont leur politique, etc., comme ils sont généreux envers tel et tel secteur, ils vont nous avancer les chiffres. Je le répète, c'est de la bouillie pour les chats. Adressez-vous aux institutions, aux gens, et ils vont vous donner le cauchemar.

Le Président (M. Rioux): M. le député, oui, continuez.

M. Beaulne: Oui. C'est un point un peu technique, mais c'est une dimension nouvelle, là, qui ressort dans l'examen que nous avons. J'ai l'occasion d'échanger avec vous sur cette question ici, mais c'est également une problématique qui est présente dans l'ensemble des services subventionnaires du gouvernement, que ce soient les bourses d'études ou quoi que ce soit. Il y a un phénomène, ici. Il faut savoir que le gouvernement du Québec, comme gouvernement, comme État, ses agences, et ainsi de suite, se financent à des taux préférentiels.

Alors, moi, ce que je suis intéressé de savoir comme député, c'est: Entre le coût des fonds du gouvernement du Québec et le coût auquel ses agences, ses ministères ou ses organismes le refilent aux usagers, est-ce que c'est raisonnable ou est-ce que ce ne l'est pas? Alors, vous savez que la pratique financière veut qu'on ajuste les taux périodiquement. Alors, si ça marche comme ça au niveau du coût des fonds et du financement des approvisionnements en fonds du gouvernement du Québec, il semble que, quant à la clientèle qui est visée par nos services, il y aurait peut-être quelque chose à examiner de ce côté-là. Et je pense que, à partir des services financiers ou subventions qui sont donnés au milieu culturel, qui est un milieu qui est fort vulnérable dans notre société québécoise, c'est une dimension que, moi, personnellement, et probablement avec l'aide de certains autres collègues, nous avons l'intention d'examiner au sein de cette commission, et cet aspect-là ne passera pas inaperçu dans notre évaluation.

M. Losique (Serge): Je vous remercie beaucoup. Je souligne aussi, quand vous parlez justement de cette nouvelle dimension, je veux dire, c'est vrai, il faut, comme je l'ai dit tout à l'heure, examiner cas par cas. Vous prenez, par exemple, le Festival international du film de Montréal, que vous avez connu à San Francisco. Quand même, il se place parmi les quatre premiers au monde. Ce n'est pas moi qui le dis, et peu importe, j'espère que ça va rester après moi, je ne serai pas éternel non plus. Mais nous sommes le seul Festival au monde qui ne reçoit que 14 % de son gouvernement, alors que le Festival de Cannes est subventionné pratiquement à 100 %, Berlin à 100 %, Venise... Voilà mes concurrents à travers le monde, pas le reste. Vous en avez mentionné un autre du Canada. Ça ne compte pas beaucoup si on... Nos adversaires, ce n'est pas à l'extérieur. On peut les vaincre demain. C'est: Donnez-nous la chance, je veux dire, et les moyens. On va les battre, comme les autres.

Comme je vous ai parlé par rapport aux producteurs et aux autres, il y a de ces systèmes de crédits, ou je ne sais pas quoi, d'impôt. Mais, le Festival, on ne s'est jamais penché sur ce cas. On nous promet, M. le député, depuis des années, soi-disant le plan triennal. On ne l'a pas, ce plan triennal. Même les petites subventions qu'on a, ça ne marche pas, le système. Et voilà. De ce côté-là, je vous serais très reconnaissant d'examiner ça. Merci.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Rioux): M. Losique, c'est vrai que, si on regarde les autres festivals à travers le monde, la situation qui vous est faite, en tout cas à première vue, ça nous apparaît démesuré, mais, en même temps, ce que je dois vous dire – et c'est le Vérificateur général qui nous faisait remarquer ça, à l'ensemble des députés – c'est que la SODEC trouve le tour de faire des placements à court terme.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Losique (Serge): Voilà le barbu en train de rire. Pourquoi?

(16 h 40)

Le Président (M. Rioux): Monsieur tout à l'heure disait que la SODEC pouvait être en conflit d'intérêts parce qu'elle était actionnaire et maintenant organisme subventionnaire dans certains projets, donc possible conflit d'intérêts. Mais, quand j'apprends qu'elle fait des placements temporaires... Au fond, vous disiez qu'elle se comporte comme un banquier, c'en a tout l'air. Comment vous réagissez, là? C'est probablement quelques millions qui sont placés sur une base temporaire. Pourquoi?

M. Bériault (Gilles): Je pense que c'est l'approche que la SODEC a voulu développer, d'être performants financièrement et de bons gestionnaires des fonds de l'État, etc. Mais, bon, je ne pense pas que ce soit dans son mandat de faire des placements, du moins pas de ce genre-là. Moi, je trouve que c'est vraiment une insulte pour tous les gens qui ont affaire à la SODEC d'apprendre ça alors qu'il y a tellement de projets qui ont besoin d'argent, et des projets valables. À chaque année, la SODEC et Téléfilm, etc., doivent sélectionner un tout petit nombre de projets par rapport à ce qui est. Bon, peut-être qu'il y aurait moyen de faire plus, ou un projet de plus, ou de faire quelques émissions de plus, disons, en gérant un petit peu mieux tout ça et pas en faisant des placements.

Le Président (M. Rioux): On va certainement approfondir ça, parce qu'on parle de 19 500 000 $ environ.

M. Bériault (Gilles): Ah! mais c'est énorme.

M. Losique (Serge): En ce qui concerne le FFM, c'est une institution, M. le Président, purement culturelle et à but non lucratif. Vous pouvez adresser ça davantage aux producteurs. C'est bien beau de mettre le placement, mais avec quoi voulez-vous qu'on rembourse, puisque la SODEC ne nous donne que 14 % de notre financement alors qu'elle devrait nous subventionner à 80 %? Parce que nous ne possédons même pas un centimètre de la pellicule, ça appartient aux producteurs, aux distributeurs. C'est pour ça que je dis: Le Festival, c'est comme l'Église, ça vit de l'espérance, parce que nous sommes des mendiants culturels éternellement auprès de tout le monde.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Je veux juste vous dire, la SODEC se décrit comme une banque, hein, mais c'est un fait qu'il y a une question fondamentale. C'est une banque pour les entreprises culturelles, il y a une question fondamentale: Quand on constitue une banque avec de l'argent public, notre argent, comment cette banque doit se comporter? On est devant cette question-là. Mais je voulais juste quand même y revenir, M. le Président: la SODEC, c'est une banque, en partie; une partie de sa mission, c'est d'être une banque.

Mais je veux revenir sur des orientations prises par la SODEC. Dans votre mémoire, vous nous mentionnez l'interventionnisme de la SODEC. Vous dites carrément: La SODEC devient une concurrente d'événements déjà existants, d'événements de promoteurs privés qui peuvent être subventionnés ou pas. Et vous donnez l'exemple bien sûr de l'appel d'offres lancé par la SODEC avec d'autres partenaires, comme la ville de Québec, mais c'est quand même la SODEC qui a fait l'appel d'offres pour organiser un festival de films à Québec alors qu'il y en a un que, vous, vous gérez et que vous organisez.

Il y a eu d'autres exemples comme ça à la SODEC. Le Salon du livre de Québec aussi, ça a été la même chose. Il y avait un promoteur qui organisait le Salon du livre. Ça ne semblait pas faire l'affaire de la SODEC. On a fait en sorte que le promoteur ne soit plus là puis on a placé son propre monde. En tout cas, c'est l'image que les gens en ont. On pourra peut-être en reparler plus avec les gens de la SODEC. Il y a la participation, vous l'avez mentionné, par exemple, dans la librairie de grande surface, dans un consortium de librairie de grande surface, et tout ça.

Donc, moi, je me dis: On est devant un interventionnisme de l'État. Si on était dans une autre industrie – puis je ne veux pas faire des comparaisons faciles – si on était dans un autre champ industriel, je pense qu'on en aurait entendu plus parler. C'est vraiment une situation où c'est comme si l'État disait – là je ne veux pas avoir une image trop facile: Tel fabricant de chaussures... moi, je trouve que le Québec est rendu qu'il devrait faire des bottes, mais, lui, il tient à faire son entreprise comme ça. Je décide que je lance ma propre entreprise qui fait presque la même chose, et tout ça. J'ai l'impression qu'on en aurait beaucoup plus entendu parler, d'une telle intervention de l'État, si on était dans un autre champ que la culture.

Mais je veux revenir à comment vous avez entrepris votre présentation, M. Losique. Vous avez dit: Je le dis carrément, une grande part de ma présentation concerne le P.D.G. de la SODEC sortant. Moi, je me pose la question. Devant tout ce que vous nous avez décrit, les gens qui nous écoutent peuvent dire: Ah! bien, c'était relié à un problème du président. Il est parti, il y en a un nouveau. Est-ce que c'était ça, le problème, dans cette orientation prise par la SODEC, ou est-ce qu'on n'est pas vraiment plus clairement devant des orientations politiques qui ont eu aussi la bénédiction des deux dernières ministres de la Culture qui étaient là? Est-ce qu'on est devant un problème de personnalité ou on est vraiment devant un problème d'orientation politique avec, entre autres, le gouvernement en place?

Le Président (M. Rioux): M. Losique.

M. Losique (Serge): Alors, vous voulez m'entraîner sur le terrain politique, Mme la députée? Vous voulez m'entraîner sur le terrain politique?

Mme Beauchamp: Bien, allez-y donc.

M. Losique (Serge): Bon. Quand j'ai dit au début, et ça a été présenté dans notre mémoire, quelle que soit l'institution... Même la papauté qui a été fermée au monde pendant presque 2000 ans, il y a eu un pape qui s'appelait Jean XXIII, et c'était l'homme du peuple, donc le Vatican a été ouvert, tellement ouvert que le pape d'aujourd'hui, à mon avis, voyage un peu trop. Alors, les hommes qui dirigent les gouvernements et les institutions, ça compte beaucoup. Ça dépend aussi de la ministre et des pouvoirs qu'elle donne à son délégué de pouvoir. Parce que, vous savez, on a, comment dirais-je, cette notion: On va décentraliser tout, on va donner tout ça, le milieu va s'autogérer, etc., mais on sait ce que ça a donné. Je sais – je suis un ex-enseignant – aussi ce que ça a donné, dans les années soixante, soixante-dix, à l'UQAM, quand les professeurs recevaient leurs chèques sur les plages de la Floride tandis que nos jeunes... On a perdu toute une génération en éducation.

Je ne peux pas dire que c'est une orientation politique, c'est la question... Voilà pourquoi nous recommandons qu'il y ait uniquement un service ou, si vous voulez, si on ne veut pas créer carrément un centre, on l'appelle le «centre», mais, à l'intérieur, avec un directeur général nommé par la ministre et responsable à la ministre, d'accord, il aura son conseil d'administration. Un peu comme Téléfilm Canada. Quand M. Macerola décide, avec ses fonctionnaires, d'une subvention, etc., ce n'est pas le président du conseil qui va se mêler dedans. Or, ici, il faudrait voir ce système-là. Il y a des ministres, par exemple, qui vont donner tous les pouvoirs au président de la SODEC.

Je me rappelle, moi-même, on a eu des problèmes avec le marché des films. Un grand festival ne peut pas exister sans son marché des films. Voilà pourquoi aujourd'hui... On nous a reproché, si vous vous rappelez, l'année dernière: Ah! le marché des films. C'est la SODEC qui nous le reprochait. Et, puisque vous voulez parler de chiffres, la première chose qu'ils avaient posée, ils nous ont coupé le marché des films: Montréal n'a pas besoin de marché des films. Voilà pourquoi votre deuxième festival s'est développé. C'est à cause de nos gens d'ici, de nos institutions. Pourquoi? Parce que je suis allé... On est des gens, vous savez, très diplomates et très patients, comme les Chinois. On a vu la ministre, donc notre élue: Ah! non, je ne dis rien, je laisse ça à Pierre – Pierre, pas celui d'aujourd'hui mais l'autre. C'est ça, le problème.

Encore une fois, je n'aimerais pas qu'on m'entraîne sur le terrain politique. Pour moi, c'est une question, je veux dire, on a eu d'autres problèmes dans le passé, etc., mais c'est...

Mme Beauchamp: Mais, M. Losique, si vous permettez, moi, je ne veux pas vous entraîner sur un terrain partisan. Ce n'est pas ça, mon optique.

M. Losique (Serge): Ah! j'aime beaucoup mieux ça.

Mme Beauchamp: Je serais prête à dire, si vous voulez qu'on parle de la SOGIC, et tout ça, ça ne me dérange pas, mais ma question, vraiment, je la considère pratico-pratique, c'est: On a changé de président à la SODEC. Est-ce que ça règle votre problème ou si je suis plutôt devant une question d'orientation fondamentale de la SODEC?

M. Losique (Serge): Pas nécessairement.

Mme Beauchamp: C'est ça que je voulais entendre.

M. Losique (Serge): Pas nécessairement. Parce que ce président, que je trouve un homme très aimable, il est très poli – ça ne veut rien dire – est-ce qu'il aura tout le temps de se familiariser avec tous les dossiers qu'il a de différentes sections? Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible parce que, vous voyez, l'image évolue tellement vite que Bill Gates, la semaine dernière, quand on lui a posé la question – l'inventeur de l'image, de toute cette révolution-là qui devient pratiquement un cauchemar; on sera peut-être illettré si on n'est pas tous les jours, là, branché sur Internet, etc. – il a dit: Si vous me posez la question: Que sera l'image dans cinq ans? je ne pourrai pas vous répondre. Et, nous, on est dans des structures pratiquement du XIXe siècle.

Donnez-nous un centre qui va s'occuper... que ce soit, ce que je souhaite, M. Leclerc ou quelqu'un d'autre – c'est pour ça que je dis que je ne veux pas de politique ici – bien on va voir. Il n'y a rien de coulé dans le béton, la culture ne doit pas être coulée dans le béton. Ce matin, je lisais dans le journal, dans l'avion: Quelqu'un qui cherche un observatoire de la culture. «Big deal», comme on dit en anglais. La culture, ça ne s'observe pas, ça bouge, ça explose, c'est un volcan en éruption constante, rien d'autre. Or, ce volcan en éruption constante, qui s'appelle le FFM, et toutes les idées que nous avons brassées autour pour le bien du Québec, on a essayé de nous couper les ailes, de l'éteindre par tous les moyens. Voilà ce que je pourrais dire aujourd'hui devant la commission.

(16 h 50)

Voyez le Festival international. Je ne m'oppose pas à ce qu'il y ait 10 autres festivals. Mais c'est la première fois dans l'histoire des festivals que ça vient d'en haut. Ça ne vient pas de la nécessité des gens en bas. Tandis que, nous, on a crevé pendant... avec 25 000 $. On n'a rien dit. Comme on dit, on a fermé nos gueules. Pourquoi on n'a rien dit? Parce qu'il faut être quand même toujours poli et puis servir les gens tant qu'on peut, avec ce qu'on a. Et les autres, ça, on arrive comme ça sans aucune preuve, sans aucune... Moi, je m'en fiche. Qu'on me donne les mêmes moyens aujourd'hui, puis on va battre le monde entier, même ici, au Québec. Parce que, moi, le Québec, je ne le divise pas en trois, à Chicoutimi, à Montréal... ça, c'est les esprits du XIXe. Un citoyen du Québec peut opérer n'importe où. C'est son pays, c'est son territoire, et, s'il peut faire quelque chose pour ce territoire-là, il va le faire n'importe où. Ou, si vous voulez, je n'irais pas faire de bagarre entre Montréal et Québec, je ferais comme le maire L'Allier, je m'installerais à l'île d'Orléans.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beauchamp: M. Losique, j'aimerais ça aussi vous...

M. Losique (Serge): Est-ce que j'ai répondu à votre question?

Mme Beauchamp: Est-ce que vous avez répondu...

M. Losique (Serge): Dites-moi, et je complète.

Mme Beauchamp: Ce que je comprends, ce que vous me dites, ça ressemble beaucoup à ce que M. Fournier nous a dit hier, à savoir qu'un P.D.G. de la SODEC, il ne peut pas être connaissant, expert, attentif, sensible à tous les milieux. Donc, j'ai le choix entre tenter de chercher un surhumain qui peut facilement devenir autocrate ou tenter de trouver vraiment un spécialiste au sein d'un organisme, d'une structure dédiée à votre industrie que vous desservez. Est-ce que je résume votre position? D'habitude, c'est moi qui pose les questions. Ha, ha, ha!

M. Losique (Serge): Non, mais, je veux dire, j'insiste, Mme la députée. Étant donné l'importance capitale de l'image d'aujourd'hui, et ne parlons pas de demain, qui va dominer tout, on ne sait pas ce que ce sera, comme disait Bill Gates, il nous faut... On est minoritaires ici. Les autres vont dire derrière: Ah bien! il y a d'autres petits pays, etc. Le Portugal n'est pas menacé par sa culture. Nous sommes, ici, en Amérique, menacés constamment. On va vous dire qu'il y a des films français sur tous nos écrans. Mon oeil! Nous sommes le seul pays qui n'a pas de culture cinématographique, parce que ce n'est pas avec des films doublés qu'on a une culture cinématographique. Parce qu'on a les géants américains sur place. La mère patrie, vous savez ce qu'ils pensent de nous. Il ne faut pas se raconter d'histoires. Nos films ne marchent pas là-bas. Il y en a un qui a marché, c'est à cause de son titre – je vous le dirai ici devant l'Assemblée nationale – qui s'appelle Le déclin de l'Amérique .

Une voix: Le déclin de l'empire américain .

M. Losique (Serge): Et pourtant Jésus de Montréal , sur le plan cinématographique, était supérieur – je n'ai jamais dit ça à mon ami Denys Arcand – mais il n'a pas marché. Or, Jésus, ça n'a jamais existé à Montréal, vous voyez, mais, parce que le titre était provocateur, etc., ç'a satisfait une certaine gauche, les médias, etc., très intelligent, ça a bien marché. Mais depuis, on ne veut pas de nos films, pour toutes sortes de raisons, ce qui est injuste. Je viens d'arriver de Sundance, soi-disant «independent films». J'aurais pu trouver des centaines de films: chinois, français, russes, etc., même chez nous, ici, au Québec, encore mieux faits, mais on n'a pas ce média, on n'a pas cette propagande, on n'a pas New York Times qui subventionne, Time Magazine .

Mme Beauchamp: D'ailleurs, ça fait dire des fois qu'il y a des problèmes, lorsqu'on dit, par exemple, que le Festival de Toronto est en train de supplanter le FFM, il y a carrément là-dedans, derrière ça, un problème de philosophie. Le Festival de Toronto laisse large place, par exemple, au cinéma américain.

M. Losique (Serge): Ah! tant pis. Alors, ça prouve qu'on a réussi sans les Américains, ce qui n'est pas tout à fait... Je veux dire, là, ça aussi, c'est faux, c'est de la propagande je ne dirai pas orangiste, vous connaissez mes thèses là-dessus. Quand même, si vous regardez de près, tous les grands même du cinéma américain ont défilé par Montréal, que ce soit Clint Eastwood qui a été lancé le premier dans le Festival, dans un festival au monde, c'était à Montréal, donc au Québec, et pourtant c'est le plus grand à Hollywood. Jane Fonda, son film Agnes of God était à Montréal. Si je vous donnais toute la liste de tous les grands Américains qui ont défilé par... Mais, nous, on insiste sur la qualité, pas les studios. Même cette année, un film de studio, c'est Denzel Washington. Denzel Washington est en nomination aux Oscars. Mais, nous, on respecte le monde entier. Notre problème, je vous ai dit, ce n'est pas l'extérieur, on peut le vendre même si on n'a pas de marché. Mais on a quelque chose: Montréal est aimée, le Québec est aimé, malgré certains médias américains qui sont contre nous, pas contre le FFM, pour d'autres raisons qui sont beaucoup plus larges. On peut réussir; seulement, donnez-nous une chance de ne pas avoir ces problèmes éternels avec nos propres fonctionnaires.

Le Président (M. Rioux): M. Losique, M. Fournier disait hier, avec une certaine nostalgie, qu'il regrettait la disparition de l'Institut québécois du cinéma. Et, lorsqu'il a parlé du Festival des films du monde, il nous disait: M. Losique n'est pas sans défaut; mais il a dit: La SODEC non plus. Et il essayait d'imaginer un mécanisme qui pourrait gérer éventuellement tout ce qu'on appelle l'audiovisuel. Il disait: Il faudrait penser à un mécanisme différent ou encore modifier de façon telle la SODEC pour qu'on puisse en arriver à ce que les producteurs dans ce secteur-là se reconnaissent et se comprennent. Vous l'évoquez, vous aussi.

M. Losique (Serge): C'est le contraire. C'est l'écho de mes pensées qui parlait hier.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Alors, est-ce que vous souhaitez finalement qu'il y ait une organisation différente de la SODEC qui gère ce milieu-là, le milieu du cinéma, etc.?

M. Losique (Serge): Oui. Sincèrement, si vous voulez, je viens de le dire, et c'est dans le mémoire, c'est même capital qu'il y ait un organisme où l'audiovisuel du Québec – quand je dis «l'audiovisuel», tout le cinéma, l'image – soit géré par un organisme à part. Parce qu'il y a tellement de problèmes qui surgissent des nouvelles technologies, etc., à tous les instants, qu'il faut vraiment quelqu'un; que ce soit même Pierre Lafleur, je le souhaiterais même. Il ne s'agit pas de personne pour moi, ici. Mais qu'il y ait un organisme consacré – comme disait l'écho de mes pensées, M. Fournier hier – qui s'occupe uniquement de l'audiovisuel du Québec, c'est capital, je dirais même. Parce qu'on a ce géant américain, on l'aura pour longtemps sur le dos. Il y a deux choses, vous le savez, M. le Président, aussi bien que moi, qu'on ne choisit pas dans la vie, c'est ses voisins et ses parents. Alors donc, ses voisins, il faut vivre, il faut composer avec.

Et comment survivre? Bon, si on veut aller dans le moule américain, oublions à ce moment-là tout. On va s'américaniser, puis c'est terminé. Mais on veut notre particularité, et on peut la garder. Et ce n'est pas une question tellement d'argent, c'est faux aussi. C'est pour ça que je n'ai pas parlé uniquement de chiffres, vous comprenez. C'est une question aussi de vision, pas d'organigramme, toujours, là, où on s'empêtre, etc. Mais il nous faut un organisme. En France, ils ont le Centre de la cinématographie. Partout, même l'Angleterre, vous savez, qui n'a jamais voulu avoir un centre, il vient de se créer un grand centre de l'audiovisuel en Angleterre. Alors, dans tous les pays du monde. Alors, quand on m'avance l'idée... Je connais ces idées-là: Il y a le petit pays. Mais le petit pays s'appelle le Québec, il est en Amérique, il veut avoir sa personnalité et puis il est toujours en face d'un éléphant qui l'écrase. Et ça, si vous voulez aider le Québec, pour moi, c'est la voie à suivre.

Regardez, pendant que le président passait son temps à régler le problème – je ne sais pas comment on peut l'appeler, cette affaire – de Renaud-Bray, pendant ce temps-là, il n'y avait personne qui s'occupait, n'est-ce pas, de l'audiovisuel. Parce qu'il faut quand même, sur le plan humain, quel que soit le président, sans lui faire de reproche, vous comprenez, c'est impossible... Mettez aussi, vous, moi, non... Mais, si je suis, par exemple... Si on a réussi, nous, dans le FFM, ce n'est pas parce qu'on fait à gauche et à droite. On a eu une chose à organiser, les Olympiques à organiser, puis on l'a fait. Malgré toutes les misères qu'on nous fait sur place, mais on réussit.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Frontenac.

(17 heures)

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Moi, c'est une question qui est beaucoup plus précise, vous en avez parlé tout à l'heure, le Festival international du film de Québec. Et vous mentionnez aussi, en page 6 de votre mémoire, qu'actuellement il y a des appels d'offres pour organiser. Évidemment, vous reprochez beaucoup de choses à la SODEC, mais la SODEC aussi vous en reproche. Alors, je ne dis pas ça pour vous embêter, mais je veux vous permettre de vous exprimer là-dessus. On dit que ce Festival-là, c'est plutôt un festival satellite organisé par le Festival des films du monde. On ne tient pas compte de la spécificité de Québec, l'organisation est montréalaise. Alors, il y a une foule de reproches. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous répondez à la SODEC et à la ville de Québec?

Le Président (M. Rioux): Allez!

M. Losique (Serge): Premièrement, dans la vie, on est satellite toujours de quelqu'un. Deuxièmement, quand Beauchamp se présente, disons, à Montréal, à Québec, au Grand Théâtre ou à la Place des Arts, ou Charlebois, ou Céline Dion, pour moi, il n'y a pas de grande différence.

Deuxièmement, la SODEC – et, M. le député, je peux vous montrer toute la correspondance – ne nous a jamais rien reproché au sujet de Québec. M. le député, si j'étais à Québec, d'abord c'est parce qu'il y avait une politique à l'époque, d'ailleurs du gouvernement péquiste, qui voulait qu'on fasse quelque chose dans les régions. J'ai dit: Donnez-nous les moyens. Et c'est sous Clément Richard. Les distributeurs, les producteurs nous poussaient à faire une manifestation à Québec, ce qu'on a fait, mais sans nous donner les moyens.

Comment voulez-vous, M. le député, qu'on fasse le Festival avec 25 000 $? Je ne suis même pas capable d'avoir une secrétaire permanente à Québec. Si, par exemple, ils nous avaient donné l'argent qu'ils avaient proposé avant, on aurait pu régler ça depuis longtemps. Parce que vous savez que chaque film, pour l'amener ici, ça coûte au minimum 1 000 $ – il faut l'obtenir – de transport. Mais avec quoi? Si vous présentez 50 films – comptez-le vous-mêmes – ça veut dire, avec en plus le transport, puis il y a ensuite les services de la douane, etc., donc il faut compter un budget de 100 000 $. Je veux bien, mais il fallait les trouver où? Alors, j'avais le choix: ou faire un scandale public ou me taire. On a choisi de se taire et on a utilisé les maigres ressources du FFM pour satisfaire nos cinéphiles de Québec. Et les gens ont toujours apprécié. Nos petites salles de place Charest ont toujours été pleines à craquer.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je vous écoute, M. Losique, avec attention, et vous faites un diagnostic qui me paraît être, comment dirais-je, composé de toute une série de diagnostics. Parce que c'est vrai que peut-être a-t-on eu un président de la SODEC qui était un narcissique et que ça ne nous a pas aidés, mais c'est beaucoup plus qu'une question de président, ce que vous dites là. Vous dites «je suis apolitique», en ce sens que c'est beaucoup plus aussi qu'une question de ministre.

Au fond, la vraie question, c'est que la SODEC, c'est un organisme impossible du point de vue de l'efficacité de la mission qu'il s'est donnée. Ce que vous dites, c'est que la SODEC, c'est un organisme dont le «spend of control» est tellement large – il est à la fois dans le cinéma, dans l'image, dans le livre, dans toutes sortes de choses – qu'il n'y a personne finalement qui soit capable de gérer efficacement un organisme ainsi conçu. Et ce que vous recommandez finalement, c'est la création d'un organisme qui soit spécialisé fonctionnellement dans un domaine que vous appelez le domaine de l'image. Donc, qu'on change le ministre ou qu'on change le président, à mon avis, ça ne changera pas grand-chose, on va se retrouver toujours en face d'un monstre qui a été créé par l'autorité politique pour des raisons sur lesquelles je n'ai pas l'intention de m'étendre présentement.

Mais le vrai problème, c'est qu'on est devant une organisation qui est une organisation défectueuse, compte tenu de la façon dont elle a été conçue. On ne peut pas être à la fois président-directeur général d'un organisme qui s'intéresse à faire de l'investissement, comme la SODEC en fait dans l'immobilier, on ne peut pas être à la fois président-directeur général d'un organisme qui s'occupe de sauver des bibliothèques du genre Renaud-Bray, s'occuper du cinéma. Il y a donc un vice de conception de l'organisation auquel il va falloir absolument s'attaquer si on veut changer les choses. C'est ça que vous dites, finalement.

M. Losique (Serge): Exactement. M. le député, vous avez parfaitement raison, et vous avez plus ou moins résumé ce qu'on a voulu dire dans notre mémoire. Quand je dis, et j'insiste là-dessus, que c'est apolitique, c'est que les mêmes idées que j'ai débattues avec Mme Frulla... J'ai écrit même un mémoire publié dans La Presse , comme avant-hier. On m'a étouffé, on a mobilisé les producteurs, etc. Ça s'est passé – excusez-moi – sous votre gouvernement. Voilà pourquoi je suis obligé de le faire, parce que déjà, au départ, c'était une erreur. Une erreur aussi quand on dit: jugé par ses pairs. C'est bien beau, les pairs. Les pairs, ah! Tu t'enlèves pendant la séance, là, mais, si tu ne donnes pas, tabernouche, à mon projet ton O.K., le tien ne passera pas la prochaine fois. Ça, c'est une question d'inceste. Ça ne marche pas!

Deuxièmement, le Festival, c'était facile à régler. On a une fédération internationale qui reconnaît les festivals internationaux. Il y a des règlements, quand même. Tout le monde ne peut pas organiser des Olympiques. Nous, on nous reconnaît. Tous les ans, on est obligés de soumettre nos règlements. On les reconnaît. Quand même, c'est publié dans tous les journaux du monde. Aujourd'hui, il y a des festivals à Montréal qui s'inventent des prix, etc. On fait de la confusion. Et la SODEC... Je vais vous déposer d'ailleurs – c'est peut-être la seule que je vais déposer ici, pour que vous sachiez... On n'a même pas répondu à ça. Nous sommes obligés de nous défendre aujourd'hui devant les tribunaux pour le nom qu'on nous a volé. Alors, il y a quelque chose qui ne marche dans cette organisation.

Et tout ça, j'ai voulu le soulever avant la création de la SODEC. Ça n'a rien donné. Voilà pourquoi je suis obligé d'insister là-dessus. C'est uniquement comme intervention apolitique.

M. Beaulne: Non partisane.

M. Losique (Serge): Bon, j'ajoute: non partisane.


Document déposé

Le Président (M. Rioux): Alors, il y a remise de document. Le document dont vous avez parlé, M. Losique, vous le déposez maintenant?

M. Losique (Serge): Le document que je dépose ici, c'était le 25 février 1997. Et j'aimerais bien qu'il soit donné au président et puis distribué aux membres de la commission. Et, si la commission a besoin d'autres documents, on a tout l'historique de tout ce qu'on a avancé. Nous sommes des gens factuels.

Le Président (M. Rioux): M. le député.

M. Laporte: Ce que vous proposez finalement comme solution aux problèmes, c'est la création d'un organisme qui soit spécialisé dans un domaine avec évidemment une structure de contrôle différente de ce qu'elle est maintenant.

M. Losique (Serge): Exactement.

M. Laporte: Ou bien une représentation différente. Je ne sais pas, vous n'en avez pas parlé, de ça. Ça prend un organisme qui soit fonctionnellement spécialisé.

M. Losique (Serge): Exactement, comme le disait M. Fournier hier, dans cet esprit-là. Parce que c'est essentiel pour le Québec. Parce que, je vous ai dit, l'image, ça explose de partout.

M. Laporte: On ne pourra pas s'occuper à la fois de la gestion de l'image dans son évolution imprévisible, des inégalités culturelles en région, de la gestion du patrimoine...

M. Losique (Serge): Mais oui! Je comprends très bien. Le théâtre a d'autres problèmes à Chicoutimi, à Baie-Saint-Comeau, à Rimouski, etc. C'est autre chose. Mais l'image, ça domine le monde. Est-ce qu'on va exister? On va se poser les questions. Et on existe aujourd'hui par l'image. Aujourd'hui, vous voyez les nouvelles. C'est bien beau d'avoir les nouvelles locales, c'est bien beau, mais le CNN, quand ça parle à 1 000 000 000 d'hommes, c'est ça que les gens écoutent. C'est ça qui fait la nouvelle. Voilà!

Le Président (M. Rioux): M. Losique, la députée de Sauvé voudrait vous poser une petite question rapide.

M. Losique (Serge): Personnelle ou publique?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): En tout cas, sûrement pas confidentielle.

Mme Beauchamp: Non. Bien, en premier, juste un commentaire, parce que ce que soulève mon collègue... En tout cas, je pense que, parmi les discussions qu'on aura pour, espérons-le, en arriver à un rapport ici, au niveau de la commission, dans le fond, on soulève toute la question un peu de la spécialisation versus un guichet unique. C'est ça, le choix, là, qui se posait même à l'époque de la politique culturelle. Et j'imagine qu'il n'y a pas de solution parfaite, mais c'est un peu ça devant lequel on est. Excusez-moi, monsieur?

M. Beaulne: Mais on peut avoir un guichet unique sectoriel.

Mme Beauchamp: Oui, bien là c'est ça.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Marguerite-D'Youville, on ne vous entend pas. Alors, dites donc haut et fort ce que vous avez à dire.

M. Beaulne: Bien, c'est-à-dire, ma collègue est sur une piste intéressante, parce qu'il va falloir qu'on produise un mémoire et des recommandations. Et, au fond, entre le concept de guichet unique et le concept de guichet unique fourre-tout qui semble être un peu un des problèmes à l'heure actuelle de la SODEC, il peut y avoir un guichet unique mais sectoriel, comme pour l'ensemble d'une certaine problématique.

Le Président (M. Rioux): Alors, nous allons laisser la députée de Sauvé terminer sa pensée.

Mme Beauchamp: C'est ça que j'allais dire, parce que là on se retrouve aussi à tenter de découper une réalité en tranches qui peuvent être plus ou moins larges.

M. Losique (Serge): Ah! ça, c'est le débat partisan, là. Ha, ha, ha!

(17 h 10)

Mme Beauchamp: Non. Non, je ne crois pas. Au contraire. J'avais juste une dernière question. Parce que vous soulevez, dans d'autres domaines, la question que des politiques gouvernementales – puis je mets un «s» là, parce que «des gouvernements» – ont entraîné la disparition, selon vous, du réseau de distributeurs indépendants. Et vous faites aussi référence à des décisions gouvernementales qui se sont prises récemment ici, au Québec, concernant des crédits d'impôt aux télédiffuseurs. Vous êtes un observateur privilégié de la scène du cinéma. Si des politiques gouvernementales ont amené une disparition presque totale de distributeurs indépendants, quelle est votre vision à vous de l'impact de cette politique au niveau des crédits d'impôt aux télédiffuseurs dans l'avenir, à moyen terme?

Le Président (M. Rioux): Rapidement, M. Losique.

M. Losique (Serge): Rapidement. Merci de m'accorder un tel pouvoir. En ce qui concerne la distribution, là-dessus, je me suis exprimé publiquement. Je suis un homme qui marche pour le Québec mais sans béquilles, de qui que ce soit. Donc, j'ai dit: Attention à la loi 109. Si on oblige les Américains à doubler leurs films immédiatement en français, c'est la fin du cinéma indépendant dans nos salles. On ne m'a pas écouté. Cinq après, ça s'est vérifié. Les Américains... J'ai dit: Le jour où on sortira Spielberg en anglais et en français, les gens iront voir Spielberg. Puis ça y est. Les gens de l'Institut de l'époque avançaient des chiffres: Ah! les Français occupent nos écrans. Mais lesquels Français? La traduction. Mais où est la culture cinématographique directement produite et créée en français? Rien.

Deuxièmement, les distributeurs ont vu, comment dirais-je, un gain à gagner. Vous savez, vous faites n'importe quelle loi, la mafia essaie toujours de la contourner. Le législateur est toujours généreux, vous savez, mais il y a toujours des gens qui travaillent comment on va la contourner, quelle que soit la loi. Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait? Les Américains, ils ont signé la fameuse entente Bacon-Valenti qui ne vaut rien, à mon avis. Je le savais dès le départ. Mais je ne peux pas dire tout publiquement, vous le savez, je m'appelle Serge Losique.

Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait? Il ont dit: Nous ne touchons pas aux films, ce qu'on appelle «pickup», soi-disant les films indépendants. Mais qu'est-ce qu'ils ont fait en arrière? Ils ont créé des compagnies indépendantes, «classical divisions». Alors, ils ont créé Miramax, New Line, etc. Miramax, c'est qui? Ça appartient aujourd'hui à Walt Disney. Qui était aux Oscars, qui a ramassé beaucoup d'argent à travers le monde? Ce sont, comment dirais-je, ces «classical divisions». Ces «classical divisions» ne pouvant pas obtenir, comment dirais-je, leur permis au Québec de distribution, alors ils ont demandé à leur boîte postale: Est-ce que tu veux me représenter au Québec? Je vais te donner le pourcentage si tu obtiens le visa.

Vous savez, si on faisait une enquête royale là-dessus, vous découvririez beaucoup de choses. Comment voulez-vous qu'un distributeur québécois qui dit: J'ai un film, c'est mon film... Un petit distributeur québécois qui distribue 60 films par année. Même un «major» ne distribue que six ou 10 films par année. C'est ça, il y a tout un travail à faire. Alors, le résultat: Ils ont reçu leur pourcentage, ils se sont enrichis, ils sont allés à la Bourse, et puis ils sont disparus au Québec. Ne me demandez pas le nom de la compagnie, parce que je travaille avec tout ce monde-là, mais c'est ça, la vérité. On n'a plus de distribution au Québec. Maintenant, les Américains, quand ils achètent un film, c'est «classical division». Même le film français, le meilleur film français, ils achètent pour toute l'Amérique du Nord.

Le Président (M. Rioux): M. Losique, vous nous avez permis un bon remue-méninges dans...

M. Losique (Serge): Non, mais, je veux dire, est-ce que j'ai répondu? Elle avait deux questions.

Le Président (M. Rioux): Oui.

M. Losique (Serge): Et c'est très grave, ça, parce que, si on n'a pas de distribution forte au Québec, on n'aura pas de production très forte. Parce qu'on a justement créé cette loi législative pour que la distribution aide la production, mais, avec le pourcentage, ils s'en fichent. Leur intérêt était ailleurs, puis ils disparaissent.

Deuxièmement, pour répondre justement à la télévision privée, je ne m'oppose pas au crédit d'impôt s'il y a un système. Il n'y a pas, MM. les députés, de guichet unique ou de politique unique. Un producteur indépendant doit avoir un système de crédit d'impôt, la télévision qui est cotée à la Bourse, etc., un autre ou les compagnies cotées en Bourse quoi, disons, en général.

Ailleurs, là, vous voyez, en France, Canal Plus, ils voulaient une licence du gouvernement. La condition: le gouvernement a dit oui, mais investissez dans la production indépendante. Chez nous, maintenant, qui va aider au cinéma? Les pauvres gens qui se bousculent dans les hôpitaux à Rimouski, qui sont au chômage, etc.? Ils vont tous s'enrichir sur le dos des contribuables québécois. Et, pendant ce temps-là, la vraie culture se meurt.

Le Président (M. Rioux): M. Losique, merci.

M. Losique (Serge): Merci.

M. Bériault (Gilles): Si vous permettez, deux minutes. Trois minutes, au maximum, tout simplement, juste pour peut-être essayer de différencier un peu la perception qu'on a pu avoir concernant les relations du Festival et du marché du film avec la SODEC. Parce que, au-delà d'un problème que tout le monde a bien ciblé, qui est un problème peut-être d'individu, de personnalité, je pense qu'il y avait quelque chose de beaucoup plus fondamental que ça et qui pourrait peut-être répondre à la question que vous vous posiez: Est-ce que c'est lié à l'individu ou à l'institution?

Le problème qu'on a surtout avec la SODEC, c'est un problème de perception du rôle d'un festival et d'un marché du film, mais là c'est depuis fort longtemps. La SODEC a présentement comme vision du rôle d'un festival comme le Festival des films du monde d'être un gros ciné-club, c'est-à-dire qu'on présente des films, les gens viennent, les gens de Montréal viennent, on remplit les salles. C'est beau, ça va. Sauf que les festivals présentement à travers le monde, les grands festivals, ceux qui peuvent garder leur réputation au niveau international sont beaucoup plus que ça. Les grands festivals sont surtout des occasions de marché pour les producteurs, les réalisateurs, les investisseurs et tous les gens qui fréquentent les marchés, qui amènent leurs films aux marchés. C'est ce rôle que la SODEC refuse au Festival des films du monde, et c'est pour ça qu'elle a coupé l'argent qui était alloué au marché du film en tant que tel.

M. Laporte: ...

M. Bériault (Gilles): Bien, c'est une partie, en effet. C'est un peu ce qui a emmené, bon, un déplacement des activités. Et, en plus de ça, non seulement, nous, on met sur pied des initiatives, on investit de l'argent, on trouve des partenaires à l'étranger qui mettent de l'argent pour créer des événements à Montréal. Alors, ces gens-là ont dit: On va contacter les producteurs au Québec, on va contacter la SODEC parce que c'est quand même le lieu de rencontre de tout le monde. La SODEC se revire de bord et dit à nos investisseurs, dit à nos partenaires: Oui, c'est une excellente idée, on va le faire avec vous, mais on ne veut pas que ça se fasse pendant le Festival des films du monde, on va le faire à la campagne, à l'étranger, on ne veut pas que vous vous mêliez à ça. Donc, d'un côté, ils nous nient le développement du marché tout en se rendant compte que c'est quand même une des raisons principales d'existence des grands marchés présentement.

Le Président (M. Rioux): Alors, messieurs, on a dépassé largement notre temps.

M. Losique (Serge): Juste un mot.

Le Président (M. Rioux): M. Losique.

M. Losique (Serge): Vous êtes bien aimables, je vous remercie beaucoup. Et pas de bagarre entre les deux partis!

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Losique et M. Bériault, merci beaucoup. Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30, dans la même salle.

(Fin de la séance à 17 h 18)


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