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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, September 8, 1998 - Vol. 35 N° 82

Consultation générale sur le projet de loi n° 451 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
Mme Nicole Léger, présidente suppléante
M. Jean Garon, président
M. Russell Copeman
M. Geoffrey Kelley
M. Pierre-Étienne Laporte
*M. Paul-André Comeau, CAI
*M. André Ouimet, idem
*M. Simon Lapointe, idem
*M. Jacques Meunier, bureau du Protecteur du citoyen
*Mme Micheline McNicoll, idem
*M. Denis Lazure, OPHQ
*Mme Anne Hébert, idem
*M. François Nichols, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures onze minutes)

La Présidente (Mme Léger): Si vous voulez on va commencer. Alors, je vous rappelle le mandat de notre commission parlementaire, qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 451, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. M. Mulcair (Chomedey) remplace M. Laporte (Outremont).

La Présidente (Mme Léger): Merci. Alors, l'ordre du jour d'aujourd'hui, nous commençons par les remarques préliminaires, ensuite nous recevons, à 15 heures, la Commission d'accès à l'information du Québec, à 16 h 30, le Protecteur du citoyen et, à 17 h 15, l'Office des personnes handicapées du Québec. Nous ajournerons à 18 heures.


Remarques préliminaires

Alors, nous allons commencer par les remarques préliminaires. Est-ce que, M. le ministre, vous avez des remarques?


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, Mme la Présidente. Le projet de loi n° 451, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives, propose de nombreuses modifications législatives dans le but d'améliorer l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels au Québec. Cet exercice de révision législative s'imposait depuis plusieurs années. Rappelons que la loi sur l'accès n'a pas été substantiellement modifiée depuis l'adoption du projet de loi 62 en 1990 et que la loi sur le secteur privé n'a pas été l'objet d'une révision depuis son adoption, en juin 1993.

Permettez-moi, Mme la Présidente, avant d'aborder la réforme dont il est question, de rappeler les différentes étapes qui, depuis le mois de juin 1997, nous ont amenés à l'élaboration du projet de loi n° 451.

La loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé énoncent que la Commission d'accès à l'information doit, à tous les cinq ans, faire rapport au gouvernement de la mise en oeuvre des deux lois. Le présent processus de révision a donc débuté en juin 1997 par le dépôt, à l'Assemblée nationale, du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information intitulé Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle . Ce rapport comporte 47 recommandations visant à améliorer les législations en matière d'accès aux documents et de protection des renseignements personnels.

Nous avons procédé, à cette commission, à une consultation sur le rapport quinquennal. Près de 50 mémoires ont été déposés auprès de cette commission, et nous avons entendu une quarantaine d'intervenants de divers milieux, à l'automne 1997. De plus, le 8 avril dernier, les membres réguliers de cette commission parlementaire ont déposé un rapport dans lequel ils formulent 14 recommandations. Le projet de loi n° 451 est donc l'aboutissement d'un processus de révision qui vise à assurer le respect de droits fondamentaux.

Mais le projet de loi est également une réponse au débat public sur toute la question de la vie privée à l'aube du XXIe siècle. Rappelons, par exemple, que les députés de cette commission ont examiné, au cours des deux dernières années, les enjeux entourant l'autoroute de l'information, y compris son impact sur la vie privée, et ont longuement étudié l'effet de l'utilisation des cartes d'identité sur la protection des renseignements personnels.

Finalement, des allégations concernant l'existence d'un marché noir du renseignement personnel ont alimenté les débats publics l'année passée. Ces allégations ont convaincu le gouvernement de la pertinence d'inviter la Commission d'accès à l'information à étudier en détail la sécurité des grands fichiers de renseignements personnels détenus par les organismes publics et à évaluer le respect par ces derniers des recommandations formulées en la matière depuis les cinq dernières années. Le budget de la Commission d'accès a alors été majoré de plus de 350 000 $ par an, sans compter le prêt d'une dizaine de fonctionnaires qui travaillent sous l'autorité de la Commission depuis janvier dernier. D'ailleurs, j'informe les membres de cette commission que ma sous-ministre est par ailleurs en discussion avec ses homologues du Conseil du trésor dans le but de confirmer ce budget supplémentaire sur une base permanente.

Voilà les éléments qui nous aident à apprécier le projet de loi n° 451 à sa juste valeur. Aboutissement d'un processus complexe de révision législative, ce projet de loi est également une réponse au développement rapide des nouvelles technologies de l'information par le gouvernement, par les entreprises, dans nos vies quotidiennes.

Mme la Présidente, j'ai pris connaissance durant cette longue fin de semaine de la plupart des mémoires soumis à cette commission au sujet du projet de loi. Après un an de travail sur ce projet de loi, je peux vous assurer que j'en ai encore appris. Il y a peut-être certaines lacunes dans ce projet de loi, sans doute peut-il faire l'objet d'amélioration, et je me présente aujourd'hui devant vous avec un esprit ouvert, prêt à engager un dialogue avec les témoins et les autres membres de cette commission. Je crois cependant que nous sommes sur un très bon chemin. Le projet de loi a été très bien accueilli par des observateurs avertis, par ceux dont la préoccupation centrale est la protection des droits de la personne.

Le Protecteur du citoyen affirme que le projet de loi améliore de façon substantielle la législation actuelle et que le nouveau régime d'évaluation des nouvelles technologies de l'information est, et je le cite, «une étape importante dans l'histoire de notre droit sur la protection des renseignements personnels».

La Commission des droits de la personne et des droits la jeunesse a également fait part de sa satisfaction face à l'orientation générale du projet de loi et elle a noté que le projet de loi répond favorablement aux recommandations formulées par les parlementaires en avril dernier. L'Office des personnes handicapées a remarqué que la plupart de ses recommandations sur le droit d'accès ont été incorporées au projet de loi.

Finalement, la Commission d'accès à l'information accueille, et je cite, «très favorablement ce projet de loi». La Commission déclare que les dispositions du projet de loi relatives aux échanges de renseignements, aux nouvelles technologies de l'information et aux ordres professionnels, et je cite, «représentent des innovations majeures qui permettront de répondre plus efficacement aux attentes des citoyens». Fin de la citation.

Aussi, c'est ainsi que, sans hésitation, j'affirme qu'à bien des égards il s'agit d'un projet de loi innovateur qui témoigne de la volonté inébranlable du gouvernement d'élargir le droit d'accès à l'information et de renforcer la protection de la vie privée.

Ces commentaires, certains nuancés, et les mémoires contiennent aussi plusieurs suggestions et commentaires intéressants, mais les réactions positives soulèvent des questions quant au refus de l'opposition officielle de voter pour le principe du projet de loi, le 19 juin dernier à l'Assemblée nationale. Peut-être que les députés de l'opposition n'avaient pas apprécié l'ensemble des mesures à ce moment-là, mais, peu importe, je souhaite ardemment que tous les députés puissent contribuer aux discussions et nous aider à adopter un projet de loi qui vise deux choses, essentiellement, Mme la Présidente: d'abord, élargir l'accès à l'information, particulièrement à l'information gouvernementale, et, deuxièmement, vous en aurez convenu, renforcer la protection des renseignements personnels détenus tant par les entreprises du secteur privé que par les organismes publics.

En somme, je pense qu'il ne faut pas s'éloigner des grands principes qui sous-tendent nos lois sur l'accès et sur la vie privée. On se rappelle que c'était dans un souci d'assainir les moeurs de nos institutions démocratiques que le premier ministre René Lévesque avait proposé, en septembre 1980, la mise sur pied de la Commission d'études sur l'accessibilité à l'information gouvernementale, dite la commission Paré, en l'honneur de son président. Tout comme les lois sur le financement des partis politiques et sur les consultations populaires, cette initiative visait à faire en sorte de promouvoir la transparence de l'État et de ses institutions.

Je crois que l'expérience des 15 dernières années a donné raison au pari audacieux de René Lévesque. Le régime québécois d'accès à l'information, caractérisé par un recours rapide et peu coûteux, a fait ses preuves. La réussite du modèle québécois est d'autant plus remarquable que la loi fédérale sur l'accès à l'information, adoptée à la même époque, s'avère apparemment inefficace et incapable d'ouvrir les portes aux hautes sphères de l'administration fédérale.

Voilà la triste conclusion à laquelle est arrivé, il y a quelques mois, le Commissaire fédéral à l'information, M. John Grace, dont le mandat a pris fin le printemps dernier, et je le cite: «La manie du secret continue de fleurir dans beaucoup trop de hautes sphères – écrit M. Grace – même après 15 ans d'application de la Loi d'accès à l'information. Un trop grand nombre de fonctionnaires ont encore cette idée surannée qu'il leur revient à eux, et non pas à la Loi sur l'accès à l'information, de décider quelle information devrait être communiquée à la populace et à quel moment. À les entendre – poursuit M. Grace – certains ont adopté la devise que l'on prête à un ancien responsable du Parti démocrate de New York, et je cite: "Si vous pouvez parler, n'écrivez rien; si vous pouvez hocher de la tête, ne parlez pas; si vous pouvez cligner de l'oeil, ne hochez pas de la tête".»

(14 h 20)

Par contre, Mme la Présidente, les membres de cette commission constatent, tout comme moi, qu'ici, à l'Assemblée nationale, le régime québécois d'accès à l'information, au centre duquel se trouve la Commission d'accès à l'information, s'avère dans bien des cas une réussite remarquable, peut-on dire, mais, faut-il aussi se le dire, une réussite qui pourrait être perfectible.

Par exemple, le projet de loi n° 451 élargit le champ d'application de la loi sur l'accès en y assujettissant les ordres professionnels régis par le Code des professions et en élargissant la notion d'«organisme municipal». Nous aurons l'occasion de discuter avec les représentants de ces organismes dans les prochains jours, mais je note que la Commission des droits de la personne, que le Protecteur du citoyen et la Commission d'accès à l'information souscrivent tous à l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès.

Le projet de loi reconnaît également et de façon spécifique les besoins particuliers des personnes atteintes d'une déficience motrice, visuelle ou auditive, notamment en matière d'accès aux renseignements personnels qui les concernent. Une telle voie est conforme au principe selon lequel l'identité de traitement des personnes ne correspond pas toujours à une égalité de traitement. Les personnes souffrant d'un handicap visuel ou auditif bénéficieront, dans la mesure prévue par règlement, du droit d'obtenir des documents sous forme adaptée.

Par ailleurs, les nouvelles technologies de l'information offrent de nouvelles occasions aux administrations publiques d'offrir de l'information gouvernementale sous des formats adaptés aux besoins des clientèles spécifiques. Tous les sites gouvernementaux, sur Internet par exemple, sont accessibles en version texte seulement, ce qui facilitera l'accès aux textes pour des aveugles équipés d'appareils électroniques en braille. D'autres pourront imprimer les textes en caractères très grands afin de se faciliter la lecture.

Nonobstant ce progrès, Mme la Présidente, nous souhaitons que les moyens conventionnels d'accès aux documents soient maintenus, comme le suggère la Commission d'accès, et même si ces documents sont diffusés sur Internet. Si un document n'est diffusé que dans une forme électronique, il est prévu qu'un citoyen puisse en obtenir une transcription écrite et intelligible sur support papier.

Le gouvernement du Québec propose aussi d'harmoniser les règles applicables aux documents et aux délibérations du Conseil des ministres et du Conseil du trésor; ils seront accessibles après 25 ans au lieu des 150 ans prévus par la Loi sur les archives pour certaines catégories de documents. Plusieurs, dont l'Association des archivistes du Québec et la Fédération des sociétés d'histoire, considèrent même cet amendement comme une grande victoire pour le droit d'accès à l'information.

Une disposition est aussi ajoutée à la loi sur l'accès afin de confirmer la confidentialité de renseignements dont la divulgation aurait pour effet de révéler une politique budgétaire du gouvernement. Évidemment, comme dans toute autre législature, ces renseignements deviennent accessibles dès le moment où le ministre des Finances rend publique sa politique budgétaire.

Mme la Présidente, c'est au chapitre de la protection des renseignements personnels que le gouvernement entend proposer les mesures législatives les plus importantes, particulièrement dans le contexte du développement et de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. Loin de remettre en question notre législation, le contexte actuel la justifie davantage, particulièrement en matière de protection des renseignements personnels, un domaine où, faut-il l'admettre, l'inquiétude des citoyens semble s'accroître au même rythme que le développement de ces technologies.

La diffusion de renseignements personnels à caractère public sur l'autoroute soulève des inquiétudes que leur accessibilité sur support papier n'avait pas mis en lumière jusqu'à maintenant. On parle ici, par exemple, des rôles municipaux, des registres centraux des entreprises. Ainsi, bien que les renseignements à caractère public soient accessibles à toute personne, cette accessibilité accordée au législateur poursuivait un but qui était, à l'époque, bien précis: l'accessibilité du rôle d'évaluation municipal, par exemple, visait à assurer les contribuables d'un traitement fiscal équitable.

Si la communication de renseignements à la pièce permet un certain contrôle au chapitre de la protection des renseignements personnels, il en va autrement lorsque le fichier est communiqué via l'inforoute. Des banques complètes de données sur les citoyens québécois deviennent ainsi susceptibles d'enrichir d'autres bases de données du secteur privé. Ceci n'est pas acceptable. En conséquence, le projet de loi vient limiter la diffusion de banques de données à caractère public. Le Conseil des ministres a aussi mandaté le MRCI de réévaluer la pertinence des renseignements à caractère public défini dans de nombreuses lois au Québec.

Les technologies de l'information et de communication posent également des défis quant à l'utilisation et la confidentialité des renseignements personnels détenus par les organismes publics. Le projet de loi introduit, en conséquence, une obligation, pour les organismes publics qui recueillent, détiennent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels, de prendre et d'appliquer des mesures de sécurité propres à assurer la confidentialité de ces renseignements. De plus, les organismes détenteurs de grands fichiers de renseignements personnels rendront public, dans leur rapport annuel, l'inventaire des fichiers qu'ils détiennent et une description sommaire des mesures de sécurité qu'ils ont prises afin d'assurer, bien sûr, la confidentialité des renseignements contenus dans ces fichiers.

Par ailleurs, la Commission d'accès à l'information aura le mandat d'évaluer l'impact d'utilisation de ces technologies sur le droit au respect de la vie privée et d'en faire rapport au gouvernement. Le gouvernement a accordé d'ailleurs, au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, en collaboration avec le Conseil du trésor, le mandat d'élaborer une politique gouvernementale concernant la protection des renseignements personnels lors du développement et de l'utilisation de nouvelles technologies.

De l'avis, Mme la Présidente, de plusieurs experts et intervenants entendus lors de la commission parlementaire de l'automne dernier, les échanges de renseignements personnels entre organismes publics sont des opérations administratives les plus susceptibles de porter atteinte à la vie privée d'un citoyen. En effet, lors de telles opérations, on rassemble de nombreux renseignements recueillis souvent à d'autres fins que celles poursuivies par la comparaison dans le but de prendre des décisions concernant les administrés. Or, nous avons constaté que la Commission d'accès n'était pas toujours informée de la nature ni même de l'ampleur des échanges qui se faisaient – je le souligne – toutefois en conformité avec la loi.

Pour cette raison, le projet de loi propose un nouveau régime: la Commission d'accès à l'information sera désormais informée de toutes les communications de renseignements personnels entre organismes publics et ministères. Ainsi, il lui sera plus facile d'exercer ses pouvoirs d'enquête, de surveillance et de contrôle.

Par ailleurs, le mécanisme d'évaluation de projets d'échange de renseignements sera amélioré. Le gouvernement propose de ne plus soumettre les citoyens à des décisions résultant uniquement de la comparaison de fichiers de renseignements personnels, surtout lorsqu'elles leur sont défavorables, sans que la personne concernée n'ait eu l'occasion de communiquer avec l'organisme public. Il importe de s'assurer que les renseignements qui fondent une décision soient à jour, exacts, et surtout complets.

En principe, Mme la Présidente, un consentement ne peut être communiqué par un organisme public qu'avec l'autorisation de la personne concernée. Les critères de validité d'un consentement à la communication ou à l'utilisation de renseignements personnels par des organismes publics seront définis. À l'instar des dispositions déjà applicables aux entreprises privées, le projet de loi prévoit qu'un consentement doit être manifeste, libre, éclairé et donné à des fins spécifiques. Il ne vaudrait que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé. De plus, le projet de loi interdira l'utilisation, au sein d'un organisme public, d'un renseignement pour une fin non pertinente à celle pour laquelle il est recueilli. C'est un principe qui s'applique déjà dans le secteur privé. Voici donc une autre mesure qui permettra d'accroître la protection des renseignements personnels détenus par les organismes publics.

Plusieurs mesures sont également introduites par le projet de loi n° 451 afin d'améliorer l'efficacité et l'impartialité de la Commission d'accès à l'information, notamment en matière d'enquête et en matière d'ordonnance. La Commission d'accès privilégie depuis près d'un an une approche de nature administrative dans le traitement des plaintes qu'elle reçoit; ainsi, la Commission accorde la priorité à la médiation. Toutefois, les dossiers retenus pour faire l'objet d'un traitement quasi judiciaire seront pris en charge par les membres de la Commission pour décision, démarrant ainsi un nouveau processus autonome et indépendant de la voie administrative.

Mais la Commission nous rappelle que la loi exige que les pouvoirs d'enquête et d'ordonnance en matière de protection des renseignements personnels soient exercés par la Commission, c'est-à-dire par la majorité ou quorum des cinq commissaires. Le projet de loi propose justement certaines modifications afin d'assurer l'efficacité de cette nouvelle façon de procéder; ainsi, un commissaire pourra exercer seul les pouvoirs que la loi confère à la Commission d'accès en matière d'enquête et d'ordonnance.

Le projet de loi accorde de façon spécifique à la Commission des pouvoirs d'enquête et d'ordonnance en matière d'accès à l'information. De plus, la Commission pourra, au terme d'une enquête, révoquer une entente ou une autorisation accordée par elle et concernant des communications de renseignements personnels ou encore ordonner à l'organisme de corriger la situation, voire à exiger la destruction de renseignements échangés contrairement à la loi. Enfin, il sera permis à un membre de la Commission qui a été remplacé de continuer d'exercer ses fonctions quant aux affaires qu'il a commencé à entendre, tel que l'a recommandé le Protecteur du citoyen lors de la commission parlementaire.

Le projet de loi propose également des mesures visant à favoriser la médiation et à simplifier les recours judiciaires, tels que l'élimination de l'enquête pour permission d'en appeler.

En ce qui concerne le régime de responsabilité pénale de la loi sur l'accès, le projet de loi propose une réforme fondamentale. Le régime de responsabilité pénale actuel applicable aux organismes publics exige la démonstration de l'intention coupable et consciente du fonctionnaire ou de l'organisme. Il s'agit d'une preuve très difficile à établir, rendant ces dispositions pratiquement inapplicables. Or, le régime de responsabilité strict qui s'applique déjà, faut-il le rappeler, aux entreprises privés est plus sévère. L'accomplissement de l'acte comporte une présomption d'infraction, laissant à l'employé ou l'entreprise le fardeau de prouver qu'il a pris toutes les précautions nécessaires qu'une personne raisonnable aurait prises dans les mêmes circonstances. Ce régime dit de diligence raisonnable est celui que le législateur a retenu pour la plupart des infractions contre le bien-être public. Je pense particulièrement à la Loi sur la protection du consommateur, la Loi sur le Protecteur du citoyen, la Charte des droits et libertés et la Charte de la langue française.

(14 h 30)

Comme l'ont souligné la Commission d'accès et plusieurs intervenants, y compris le Barreau du Québec, lors de la commission parlementaire, rien ne semble justifier la distinction entre les régimes applicables en matière de protection des renseignements personnels entre le secteur public d'un côté et le secteur privé de l'autre côté. Un manquement aux obligations de protection de renseignements personnels par un organisme public ou un fonctionnaire mérite la même sanction que s'il est commis par une entreprise ou un employé du secteur privé.

Certaines lois sectorielles, Mme la Présidente, comportent actuellement des dispositions dérogeant à la loi sur l'accès, malgré son caractère prépondérant sur toute autre loi du Québec. Ces dispositions dites dérogatoires ne peuvent être dissociées à la structure des lois particulières en ces matières et elles visent tantôt à déroger au principe ou à un mécanisme prévu à la loi sur l'accès, tantôt à instaurer des mécanismes de protection encore plus contraignants comme dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Or, il semble étonnant que le processus de révision quinquennal des lois sur l'accès et la protection des renseignements personnels ne les inclut pas. La Commission d'accès pourra traiter de ces dispositions dérogatoires dans son rapport quinquennal afin de mieux renseigner les parlementaires sur leur effet réel. De plus, le Conseil des ministres a reconnu le principe que toute nouvelle disposition dérogatoire doit faire l'objet d'une révision tous les cinq ans.

Quant à la loi sur le secteur privé, Mme la Présidente, qui a fait ses preuves depuis bientôt cinq ans, nous constatons que les entreprises ont modifié leurs habitudes de travail afin de respecter les nouvelles normes, et les consommateurs ont pris l'habitude de ne divulguer que les renseignements strictement nécessaires. D'aucuns affirment, un peu trop rapidement, selon moi, que la loi sur le secteur privé n'est pas appliquée et que la situation va empirer avec la nouvelle loi sur les services financiers adoptée en juin, la loi n° 188.

J'aimerais inviter ces sceptiques à prendre conscience du succès de la loi sur le secteur privé. Dans le secteur financier, par exemple, la Commission d'accès n'a reçu que très peu de plaintes. Je souhaite en discuter avec le président de la Commission d'accès, peut-être aujourd'hui même. Quelle est la meilleure façon de renforcer la protection des renseignements personnels dans le secteur privé? La Commission doit-elle attendre des plaintes provenant des consommateurs ou peut-elle cibler des secteurs et faire enquête sur le terrain afin de savoir si les dispositions de la loi sont véritablement respectées? Voilà des questions qu'il nous faudra débattre.

Finalement, Mme la Présidente, la Commission d'accès à l'information recommandait de modifier la Loi sur la qualité de l'environnement afin de reconnaître spécifiquement le caractère accessible des documents énumérés à l'article 118.5 de cette loi. Cette recommandation, par ailleurs accueillie favorablement par les groupes environnementaux et concitoyens et consommateurs, vise à contrer les effets d'une décision des tribunaux supérieurs ayant conclu que le caractère public prévu actuellement à cette disposition ne concernait que le registre, c'est-à-dire les inscriptions proprement dites et non le contenu des documents qui est inscrit. Nous avons procédé à cette modification.

En conclusion, les débats des dernières années ont renforcé la détermination gouvernementale de bonifier les dispositions de la loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé en matière de protection des renseignements personnels des Québécoises et des Québécois. Le projet de loi n° 451 traduit cette volonté gouvernementale d'innover afin de répondre aux attentes des citoyennes et des citoyens du Québec. Le projet de loi répond positivement à la plupart des recommandations du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et, je crois, à toutes celles que la commission de la culture avait formulées en avril dernier. C'est un esprit de bonne collaboration parmi les députés de la commission, plus tôt cette année, qui a permis l'émergence d'un consensus sur des recommandations importantes.

Aujourd'hui, Mme la Présidente, je suis confiant que la consultation publique que nous amorçons nous permettra de maintenir ce consensus, voire de l'élargir en ralliant ceux qui doutent encore de la nécessité de notre régime de protection de la vie privée. Ces consultations publiques seront également l'occasion de discuter du délai maximal d'inaccessibilité des renseignements personnels dans les archives publiques et privées, qui est fixé à 150 ans. Pouvons-nous, en effet, justifier un délai moindre sans porter atteinte au droit à la vie privée? À en croire ce que j'ai lu dans les mémoires cette fin de semaine, il y a des opinions différentes à ce sujet.

Donc, Mme la Présidente, chers collègues de la commission, ce projet de loi ne doit pas être considéré comme une solution à tous les problèmes. Les mécanismes de protection de notre vie privée doivent être constamment renouvelés afin de les adapter aux nouvelles technologies. Nous devons toutefois mettre nos lois à jour, les rajeunir; voilà l'objectif modeste de nos travaux aujourd'hui. Je suis convaincu qu'aujourd'hui nous entrons sur un droit chemin, sur un bon chemin et que le travail que nous serons appelés à faire dans les prochains jours sera un travail utile. Je vous en remercie.

La Présidente (Mme Léger): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, Mme la Présidente. Alors, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information et de protection de la vie privée, il me fait plaisir au nom de mes collègues de formuler quelques remarques préliminaires concernant le projet de loi n° 451, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives.

Madam Chair, it's a pleasure on behalf of the Official Opposition to formulate the following preliminary remarks concerning Bill 451, An Act to amend the Act respecting access to documents held by public bodies and the protection of personal information, the Act respecting the protection of personal information in the private sector and other legislative provisions.

Mme la Présidente, le ministre, dans ses remarques préliminaires qu'il vient de nous lire, a effectivement fait la distinction qui existe dans la loi entre les deux grands sujets dans le domaine public. C'est-à-dire, d'un côté, on doit inculquer dans le domaine public un sens à l'importance d'assurer le respect de la vie privée et de l'information détenue par le gouvernement dans ce secteur auprès des citoyens – vous savez comme moi qu'on a déjà vu des exemples très clairs au cours de la dernière année, exemples où le gouvernement n'a pas toujours fait preuve d'un très grand souci pour la protection des renseignements personnels – d'un autre côté, évidemment, les membres du public, et c'est normal, devraient avoir droit d'avoir accès à de l'information concernant le gouvernement.

Après tout, Mme la Présidente, le gouvernement et ses multiples organismes et ministères n'existent seulement que parce que le public leur octroie des sommes sous forme de taxes et a élu des représentants qui ont bien voulu mettre ces instances en place. Donc, c'est normal que le public soit régulièrement tenu au courant de ce qui se passe dans ces organismes-là, et, le cas échéant, lorsqu'il formule une demande, qu'il ait le droit d'obtenir de l'information. Ce qui est innovateur, pour le Québec, c'est le fait qu'effectivement on régisse le secteur privé d'une manière un peu plus serrée que les autres régimes en Amérique du Nord. Et je pense que c'est quelque chose qui est en train de faire ses preuves.

Le ministre a mentionné tantôt qu'on fait une révision quinquennale. C'est-à-dire qu'effectivement il y a une clause – qu'on appelle, en anglais, «a sunset clause»; malencontreusement sans doute mais traduite néanmoins au Québec comme une «clause crépusculaire» – que tous les cinq ans, on doit réviser la pertinence de maintenir la loi en vigueur ou du moins, comme c'est le cas ici, faire rapport sur sa mise en application. Ce qui se passe aux États-Unis, avec ce genre de clause là, c'est qu'il faut faire la démonstration à tous les cinq ans de la pertinence de maintenir la loi, sinon elle tombe – même pas besoin de l'abroger, ce qui est une autre manière de s'y prendre. Ici, on présume que le principe doit demeurer, et je pense qu'il n'y a personne qu'on a entendu jusqu'à date qui ait mis ça en cause, de toute façon.

Mais ce qui était intéressant avec cette révision-là, c'était de pouvoir justement entendre les gens qui étaient tenants d'une thèse plus rigoureuse en termes d'application de la loi: ils voulaient avoir le droit d'aller de plus en plus loin. Et la Commission d'accès, à certaines reprises, dans ses remarques, a fait ressortir le fait que la loi n'allait pas aussi loin que ce qu'ils avaient demandé. Par contre, il y en a d'autres qui trouvaient que notre système avait besoin vraiment d'être amélioré à certains autres égards, je pense notamment dans le domaine des professions où il y avait des divergences de points de vue assez importantes. Et on va avoir l'occasion d'entendre l'Office des professions, le Conseil interprofessionnel et de nombreux ordres professionnels à cet égard-là.

Quoiqu'il en soit, Mme la Présidente, au-delà de tout ce qui est inclut dans le projet de loi n° 451 – qui effectivement tient compte de bon nombre des recommandations de la Commission d'accès et de la majorité des recommandations formulées unanimement par les membres de cette commission lorsqu'ils ont procédé à leur propre révision du rapport quinquennal de la Commission d'accès – il n'en demeure pas moins que dans ce domaine, comme dans tout autre domaine, le service que, nous, comme élus, rendons à la population est vraiment fonction, pas de nos bonnes intentions... Mon collègue a déjà eu l'occasion de dire que les bonnes intentions doivent être gérées, et l'argent que l'on met pour gérer ces bonnes intentions là est vraiment souvent insuffisant. Et justement, le ministre l'a dit tantôt, avec ses collègues, il est en train de faire en sorte que des sommes additionnelles soient allouées à la Commission d'accès à l'information.

(14 h 40)

Mais, au-delà des bonnes intentions, au-delà du fait qu'on peut copier les modèles venus d'ailleurs ou améliorer nos propres modèles, il n'en demeure encore une fois pas moins que c'est dans l'application au jour le jour de la loi qu'on voit réellement si on est en train de livrer la marchandise à la population. Je pense, par exemple, Mme la Présidente – je pense que c'est un exemple que tout le monde va pouvoir suivre – on a, au Québec, une très belle loi sur la curatelle publique. On peut faire les mêmes beaux discours, on peut dire que la loi est extrêmement bien faite, qu'on a des tas de structures qui sont en place, on a des ressources à n'en plus finir, le fait est que et le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général, au cours des derniers six mois, ont blâmé sévèrement l'administration actuelle et passée – personne n'est en train de faire une question partisane avec ça – de la curatelle publique.

Chose étonnante, la personne qui était responsable principalement de cette débâcle s'est ramassée avec une autre excellente fonction, soi-disant responsable de la protection de l'intérêt du public, ce qui, à notre point de vue, dépasse l'entendement. Cette personne n'était pas capable de faire la job à une place, on n'avait vraiment pas besoin de la mettre à une autre. Et je pense que les journaux, notamment le Journal de Montréal , qui ont eu, au cours des derniers mois, l'occasion de vraiment regarder ça à la loupe, n'ont pas tort. Il semble que, si on parle de protection de l'intérêt public, il faut non seulement avoir des structures et des lois et des sous, mais il faut avoir des gens avec la volonté clairement manifestée et appliquée de veiller à l'intérêt du public et à la protection et à la promotion de l'intérêt du public.

Il y a un problème de nos jours au Québec avec de l'ingérence politique dans nos institutions et dans les lois que ce Parlement a dûment votées et mises en place. Il y a un problème au niveau des procureurs de la couronne dans la ville de Québec, par exemple, un problème d'ingérence politique. On a déjà eu l'occasion de le dénoncer publiquement. Il y a des problèmes à cet égard-là.

C'est une chose de pouvoir dire qu'on a des belles structures, qu'on a des belles lois, mais regardons un cas récent, très clair, de l'application de la loi dont il est question, dont le ministre vient de parler aujourd'hui. Dans le jugement dont je m'apprête à lire des extraits, le juge François Pelletier de la Cour supérieure a eu l'occasion de se prononcer sur la réalité de l'application de cette loi et il donne d'emblée le contexte dans lequel ça a été rendu. Il s'agit d'une cause du président du caucus de notre formation politique, M. le député de Westmount, contre la Commission d'accès, et notamment MM. Comeau, Iuticone et Laporte.

Dans son jugement, le juge Pelletier dit ceci: Le requérant est député de Westmount–Saint-Louis et chef du caucus des députés de l'opposition officielle, à l'Assemblée nationale. Il se plaint de ce que la Commission d'accès à l'information lui ait refusé le statut de participant à une enquête publique concernant des fuites de renseignements personnels, qui impliqueraient le cabinet du premier ministre du Québec. Il demande à la Cour supérieure d'exercer son pouvoir de surveillance et de contrôle et d'ordonner à la Commission de lui octroyer ce statut. Selon lui, le refus de la Commission constituerait un geste abusif et discriminatoire justifiant une intervention judiciaire. Après examen, le tribunal est d'avis que le recours en mandamus est fondé.

Les faits. Le 23 novembre 1997, le quotidien, le Journal de Montréal publie un article sous le titre Le cabinet du premier ministre Bouchard a eu recours aux renseignements secrets. Le journaliste Martin Leclerc y relate que le chef de cabinet adjoint du premier ministre du Québec aurait communiqué avec le cabinet du chef du Bloc québécois à Ottawa pour se plaindre d'irrégularités dans le dossier fiscal du député fédéral de Chambly, le bloquiste Ghislain Lebel. S'ensuit un débat à l'Assemblée nationale alors que l'opposition officielle réclame, en vain, la tenue d'une commission parlementaire. Le premier ministre choisit plutôt de s'adresser à la Commission d'accès à l'information et il écrit personnellement au président Paul-André Comeau: Vous avez sans doute pris connaissance de certaines allégations; afin que toute la lumière soit faite sur ces allégations de façon externe, j'invite la Commission d'accès à l'information et le représentant qu'elle désignera conformément à tel article de la loi à mener une enquête afin de vérifier la véracité.

Le président accuse réception de cette lettre le jour même et fait part au premier ministre du Québec du fait que la Commission a décidé d'instituer une enquête pour examiner les allégations parues dans l'article dont il s'agit. La preuve est moins précise sur la suite immédiate des événements. Une avocate à l'emploi de la Commission, Me Diane Boissinot, entreprend une enquête. Elle reçoit des dépositions de témoins, analyse une preuve documentaire et rédige un rapport qu'elle dépose à la Commission au début de février 1998. Selon une de ses conclusions, la suite de l'enquête devrait être publique de façon à, entre guillemets, assurer le respect des droits fondamentaux. La Commission se rend à cette recommandation et entreprend donc ce qu'elle appelle la phase publique de l'enquête. Nous sommes le 4 mars 1998.

C'est dans l'allocution présentée par le président Comeau à l'occasion de la séance inaugurale des audiences publiques que l'on dévoile les paramètres du mandat que s'est fixés la Commission. Celui-ci comporte deux volets: établir s'il y a eu ou non divulgation de renseignements personnels, comme le laisse croire l'article du Journal de Montréal , et dégager les lacunes qui auraient rendu possible l'utilisation irrégulière de renseignements personnels. Lors de la même allocution, le président déclare que la Commission a déjà adopté des règles de procédure destinées à régir les audiences. Elle entend ainsi préserver les droits des personnes et des institutions, d'où l'importance d'un respect scrupuleux des principes et procédures qui y sont contenus.

Les règles prévoient l'octroi d'un statut particulier, celui de participant, aux personnes et organismes qui ont un intérêt dans les travaux de la Commission. Elles stipulent en effet qu'une personne ou un organisme qui, à la satisfaction de la Commission, a un intérêt dans les travaux a qualité pour prendre part aux audiences à titre de participant. Une personne ou un organisme peut demander à la Commission d'être reconnu comme participant. Le statut de participant comporte certains droits, soit ceux de contre-interroger les témoins et d'être représenté par avocat, notamment.

Dès le début des audiences publiques, il se révèle que le ministère du Revenu possède une politique spéciale de confidentialité à l'égard des dossiers de deux catégories restreintes de contribuables: celle des employés du ministère et celle des parlementaires. Cette dernière couvre les sénateurs, les élus provinciaux et fédéraux de même que les chefs de parti, même s'ils ne sont pas élus. Leurs dossiers sont identifiés comme étant à circulation restreinte, et l'accès en est contrôlé d'une façon que l'on veut plus rigoureuse. C'est ce mécanisme spécial de protection qui aurait été battu en brèche dans le cas Lebel. Par surcroît, la raison d'être de la fuite serait précisément reliée au statut de parlementaire de M. Lebel.

Dans les jours qui suivent la séance inaugurale, le député de Wesmount invoque sa qualité de chef de caucus des députés de l'opposition officielle et demande à la Commission de lui reconnaître le même statut de participant. Au nom de la Commission, le président rend oralement la décision suivante: La Commission estime que les intérêts de M. Chagnon ou des membres du caucus du Parti libéral du Québec qu'il représente (sic) – s-i-c, c'est ce que le juge met dans son jugement – ne sont pas directement touchés par les questions sur lesquelles la Commission est appelée à se prononcer. La Commission voit mal comment elle pourrait conférer le statut de participant à M. Chagnon pour tout le volet de l'enquête qui touche les faits et les allégations qui ont donné ouverture à la présente enquête.

La Commission reconnaît cependant que M. Chagnon et les membres du caucus peuvent être concernés par les travaux de la présente Commission dans la mesure où sera abordée la question plus générale de la protection des renseignements fiscaux des élus québécois. Ainsi, en prenant compte de cet intérêt pour cette question bien précise et en s'inspirant de précédents en semblable matière – et c'est lui qui le dit, Mme la Présidente – la Commission est prête à reconnaître à M. Chagnon le statut d'intervenant. Ce statut permettra au procureur du président du caucus du Parti libéral de présenter, avec l'autorisation de la Commission et à des conditions prescrites – évidemment – des observations.

Par ailleurs, ce statut n'entraîne pas le droit de contre-interroger les témoins. Évidemment, cela nécessite des modifications aux modalités de fonctionnement que la Commission a adoptées. La Commission donne donc avis, conformément à tel article, qu'elle entend modifier les modalités. Ces modifications – encore une fois, s-i-c, sic – vous seront transmises sous peu. Je les dépose à l'intention de la greffière de même que la lettre de Me Bellavance.

Allons voir, Mme la Présidente, qu'on est en train de prescrire un statut particulier. Selon le président de la Commission, c'était inspiré de précédents en semblable matière. Voyons voir maintenant ce que le juge en fait. Les limites de ce nouveau statut – celui d'intervenant – prennent vite l'allure d'un carcan aux yeux du député Chagnon. Après avoir vainement tenté d'influencer le déroulement des interrogatoires par des observations, il décide de revenir à la charge le 17 mars suivant. La réponse de la Commission est la même: Rien, selon elle, ne justifie d'octroyer au député un statut autre que celui qui a été créé à la faveur de sa demande initiale et qu'on lui a reconnu séance tenante.

C'est cette décision que M. Chagnon attaque au moyen de sa requête en évocation et en mandamus. Dix-neuf personnes, soit la totalité ou presque la totalité des participants – l'autre catégorie – reconnue par la Commission s'unissent alors pour combattre le recours au moyen de quatre requêtes en rejet quasi identiques. Elles sont parties au litige, argumentent-elles, et la requête est irrecevable parce que le requérant ne la leur a pas signifiée.

(14 h 50)

Dans un jugement du 2 avril, M. le juge Deschênes rejette leurs prétentions. Sur la révision judiciaire, maintenant, dans la présente cause, le juge dit: Pour qu'il y ait évocation, il faut une décision rendue au sens de l'article pertinent du Code de procédure civile. En marge des conclusions en révision, il faut cependant se rappeler – dit le juge – qu'un jugement a déjà mis les participants à l'écart du présent dossier parce que ceux-ci ne sont pas partie au débat devant la Commission, et, en y regardant de plus près, on constate même l'absence de litige devant cet organisme. Ça, c'est pour ce qui est de la partie évocation; donc, cette partie-là ne fonctionnait pas pour des raisons techniques.

Il reste la question des conclusions en mandamus. La Commission est un organisme soumis au pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure. L'octroi du statut de participant n'est pas un acte de nature purement privée, il y a ouverture à l'application de l'article pertinent du Code de procédure civile pour le mandamus. Même si la Commission n'est pas un tribunal, elle y est assimilée par la Charte des droits. C'est ainsi qu'elle est assujettie aux obligations de l'équité procédurale dans l'exercice de son pouvoir d'enquête. Madam Chair, just so that everyone can follow us, «équité procédurale» is procedural fairness in English, and that's what's been breached here.

Le président Comeau le reconnaît implicitement dans son allocution inaugurale. De plus, la Commission se conduit à la manière d'un tribunal en adoptant et en appliquant des critères de qualification pour l'obtention du statut de participant. En pareilles circonstances, l'équité procédurale commande qu'elle agisse de façon uniforme vis-à-vis tous ceux qui répondent aux critères. Or, c'est précisément à ce chapitre que le bât blesse.

La Commission refuse d'octroyer le statut de participant au requérant Chagnon parce que son intérêt, dit-elle, se limite au volet de l'enquête qui ne serait pas encore abordé. Le président Comeau déclare: La Commission voit mal comment elle pourrait conférer le statut de participant à M. Chagnon pour tout le volet de l'enquête qui touche les faits et les allégations qui ont donné ouverture. On lui a cependant reconnu l'autre statut. La décision qui affecte le requérant repose donc sur une distinction pointue selon laquelle le second volet, ou mandat, ne serait abordé qu'une fois terminée l'enquête sur tous les faits entourant l'affaire Lebel. Il faudrait aussi comprendre que l'intérêt qui justifie l'octroi du statut de participant doit porter sur le premier volet du mandat ou sur les deux à la fois. Aux yeux du tribunal, cette distinction résulte d'une méprise et ne résiste pas à un examen attentif.

Ça, c'est ce qu'un juge de la Cour supérieure a dit sur la façon dont la Commission d'accès appliquait la loi qu'on s'apprête à modifier et qui est sous étude dans la réalité. Il y a plus, Mme la Présidente: Il y a bien deux volets au mandat – poursuit le juge – mais ce ne sont pas ceux qui sont décrits dans les motifs de la décision attaquée. Le premier volet est d'une portée très réduite et consiste tout simplement à déterminer s'il y a eu fuite ou non. Le second comporte à la fois l'examen en détail de ce qui s'est passé dans le cas Lebel et celui des mécanismes de protection qui ont pu s'avérer déficients.

Le président déclarait lui-même dans son allocution inaugurale – et ça, on reprend ce qu'il avait dit: Ce qui provoque l'élargissement de la portée de l'enquête, ce n'est pas la clôture de l'investigation sur tous les faits qui entourent l'affaire Lebel, c'est le constat qu'il y a eu divulgation de renseignements personnels. Dès le moment où l'on croit qu'il y a eu fuite, l'enquête porte à la fois sur l'identification des faits et sur celle des déficiences susceptibles d'avoir provoqué ou favorisé la fuite. À lui seul, l'article du Journal de Montréal crée une forte présomption de l'existence d'une telle fuite. Point n'est besoin d'une longue enquête par la suite pour acquérir une conviction suffisante de cette existence et ainsi aborder automatiquement l'objet plus vaste du mandat. En pratique, c'est ce qui s'est produit. La Commission enquête actuellement au-delà de la simple existence de la fuite, elle scrute à la fois les détails de l'affaire Lebel, les mécanismes de protection en place et leurs failles potentielles.

Confrontée à la demande de M. Chagnon, la Commission s'est égarée dans les méandres d'une distinction artificielle plutôt que d'appliquer simplement sa règle. Et sa règle, Mme la Présidente, c'est ce dont on est en train de parler aujourd'hui, c'est la loi qui autorise la Commission à adopter des règles et c'est la Commission qui n'applique pas ces règles. Intéressant, ça, parce que, encore une fois, c'est une chose de mettre des idées ou des principes sur papier, encore faut-il regarder comment ça se traduit dans la réalité.

Elle conclut que – la Commission – malgré son intérêt, M. Chagnon ne se qualifie pas pour être participant. C'est principalement le résultat peu satisfaisant auquel l'a conduit son raisonnement spécieux – ce n'est pas nous qui disons ça, Mme la Présidente; c'est un mot très fort, mais c'est un juge de la Cour supérieure du Québec – qui a incité la Commission à modifier immédiatement les règles du jeu pour créer de toutes pièces une catégorie sur mesure pour le requérant. Ce faisant, et sans doute involontairement, la Commission s'est détournée de l'objectif primordial qu'elle s'était fixé en décidant de continuer publiquement l'enquête de Me Boissinot.

La modification aux règles consiste à créer une catégorie qui ne s'applique qu'à une seule personne. Il s'agit là d'un geste discriminatoire qui équivaut à un refus d'appliquer la règle établie pour tous. La différence entre les conditions d'obtention du statut de participant et celle d'obtention du statut d'intervenant ne repose sur aucun critère objectif. C'est rude ça, Mme la Présidente. Vous avez fait une distinction, et ça ne repose sur aucun critère objectif. En adoptant la modification, la Commission s'est dotée d'un pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer les règles qui régissent l'octroi du statut de participant. Elle a créé une hiérarchie entre les personnes qui prennent part à l'enquête, celles qui ont droit au contre-interrogatoire et celles qui n'y ont pas droit. Une telle façon de faire a déjà fait l'objet d'une intervention des tribunaux dans une autre cause.

Devant la Cour supérieure, la Commission a peu tenté de justifier la soudaine modification à ses règles de fonctionnement. Elle a plutôt plaidé que le statut de participant ne concernait en réalité que ceux qui sont appelés à témoigner devant la Commission. Il y aurait donc une équivalence parfaite entre le statut de témoin et celui de participant. Comme le requérant Chagnon n'est pas appelé à se faire entendre, il ne peut aspirer au statut de participant.

Écoutez encore une fois ce que dit le juge, Mme la Présidente. Cette explication ne résiste pas bien longtemps à l'analyse. Il pourrait, par exemple, être nécessaire d'entendre une personne dont le seul rôle aurait consisté à apporter un message. Suivant le raisonnement proposé, il faudrait donc que cette personne ait le droit de poser des questions à la barre mais qu'une autre, comme le député Chagnon, n'aurait pas ce droit-là.

La Commission a la discrétion de choisir les règles de fonctionnement de son enquête, mais elle a l'obligation de les appliquer équitablement, d'une façon cohérente – on lui reproche l'incohérence de la décision, là – non arbitraire et non discriminatoire. Cette obligation la rend sujette aux pouvoirs de contrôle de la Cour supérieure.

Et je termine, Mme la Présidente, ma lecture des extraits de ce jugement en disant que le tribunal en arrive à la conclusion qu'il y a eu violation du principe d'équité procédurale. Puisqu'elle reconnaît l'existence de l'intérêt du requérant, la Commission d'accès à l'information avait le devoir de lui reconnaître le statut de participant, et c'est là un devoir qu'elle a omis d'accomplir, sans excuses valables.

Mme la Présidente, écoutez bien ce que dit le tribunal qui s'est prononcé là-dessus. Le tribunal a dit, sous la plume de l'honorable François Pelletier: La création du statut d'intervenant n'est qu'un faux-fuyant.

Mme la Présidente, comme le ministre l'a dit tantôt, on est ici pour entendre des groupes, des organismes, des particuliers venir faire leurs observations sur le projet de loi. C'est l'aboutissement d'un long processus auquel le gouvernement, le parti ministériel, et l'opposition ont collaboré depuis un an et demi. Le ministre l'a dit tantôt, c'est quasiment toutes des idées et recommandations qui se retrouvent dans les recommandations unanimes de cette commission parlementaire qui sont reflétées dans le projet de loi.

À certains égards, on aurait souhaité voir un peu plus de dents dans la loi, mais peut-être, au fur et à mesure qu'on écoute – et c'est pour ça qu'on est convoqué aujourd'hui, c'est pour écouter – justement qu'on va pouvoir se convaincre, de part et d'autre, de l'importance d'apporter d'autres modifications législatives.

Mais je termine, Mme la Présidente, en disant ceci: Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas des gens en place qui vont faire autrement qu'utiliser des faux-fuyants, vont inventer un statut lorsque, pour des raisons politiques évidentes, c'est embarrassant d'accorder un statut qui, en vertu des règles de justice naturelle, les tribunaux disent qu'ils sont obligés de se rendre, tant et aussi longtemps qu'on aura une Commission d'accès à l'information qui vient ici nous faire des beaux discours mais qui n'a toujours pas fixé la date de reprise des audiences dans l'affaire Lebel, eh bien, on est face à de la théorie, de la belle théorie. C'est une théorie de dire qu'on a une belle loi puis on va la rendre encore plus belle si dans les faits, après une décision rendue le 19 août, on est toujours sans nouvelles de la part de la Commission d'accès à l'information. Puis rappelons, Mme la Présidente, que, par ses divers porte-parole, la Commission a déjà dit: Dès qu'on a la décision, on y va. J'ai hâte de voir ça. On va pouvoir poser la question directement au président, je suis sûr qu'il va nous répondre.

(15 heures)

Mais dans les faits, Mme la Présidente, c'est ça, l'application de la loi par l'actuelle Commission d'accès à l'information. Ça laisse à désirer. Parce que c'est une loi importante pour le public, et nous l'avons mise en place. C'est une de ces lois qui vraiment est au-dessus des débats partisans, et pourtant, dans son application – c'est notre propos – il est assez clair que les priorités politiques ont malheureusement trop souvent une influence dans les décisions quotidiennes que prend cette Commission lorsque confrontée à des situations de fait qui exigent que l'on applique la loi au-delà de l'influence politique ou autre. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger): Merci, M. le porte-parole de l'opposition. Alors, est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent utiliser leur temps pour les remarques préliminaires? Non?


Auditions

Alors, nous allons commencer par recevoir la Commission d'accès à l'information du Québec, que j'inviterais... Alors, bonjour. Je vous inviterais à vous présenter, si vous voulez, pour les besoins de la commission.


Commission d'accès à l'information du Québec (CAI)

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, Mme la Présidente. Mmes et MM. les membres de cette commission, M. le ministre, avant de vous présenter mes deux collaborateurs, je voudrais signaler la présence, comme ça a été le cas lors de l'ouverture des discussions, il y a tout juste un an, en cette salle, de mes collègues commissaires: Me Boissinot, Me Grenier qui devrait apparaître d'un moment à l'autre, Me Laporte et Me Iuticone. Je pense que j'ai fait le tour. Me Boissinot, M. Iuticone. J'ai fait le tour des quatre collègues. Mme Boissinot est sortie deux secondes et elle va réapparaître et Mme Grenier devrait être ici dans quelques secondes.

Alors, je vous remercie, donc, de nous avoir invités et de nous permettre – c'est un privilège – de lancer ces séances publiques consacrées à l'examen du projet de loi n° 451 qui va modifier, nous l'espérons, à la fois la Loi sur l'accès aux documents administratifs et la protection des renseignements personnels dans le secteur public et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Au nom de mes collègues et au nom également du personnel de la Commission, je tiens à vous remercier de ce privilège.

L'objectif de mon intervention est, bien sûr, de vous présenter un résumé de la position développée par la Commission dans le mémoire qui vous a été remis, mais j'ai aussi deux autres objectifs: dégager ce qui semble, à nos yeux, les significations profondes des modifications proposées par le projet de loi du ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et aussi tenter d'indiquer les conséquences pratiques de ces modifications et leurs retombées éventuelles pour les citoyens du Québec et aussi pour la vie et le fonctionnement de la Commission.

Alors, il y a 15 mois exactement a été engagé ici même le début de ce processus rare et exemplaire: la révision quinquennale de ces deux lois. C'est une démarche majeure, on l'a souligné à quelques reprises, une démarche exigeante qui est à l'image, d'ailleurs, des deux lois et de leur caractère prépondérant. Le processus a été engagé par la Commission avec le dépôt de son rapport Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle . Depuis, beaucoup de travail a été accompli ici, par votre commission, par le ministre responsable et par une foule d'autres intervenants. Les résultats sont interprenants et ils sont appréciés par la Commission.

D'abord, la Commission, et je tiens à le souligner, a salué avec joie et satisfaction la publication de votre rapport, en avril dernier, sur les séances publiques qui s'étaient déroulées tout au long de l'automne et aussi sur le rapport de la Commission. C'est un rapport important qui a le mérite de clarifier et de recibler les objectifs, les modalités de la loi et aussi le rôle de la Commission. De façon unanime, vous avez reconnu la dimension multifonctionnelle des mandats confiés à la Commission. La Commission apprécie évidemment cet appui unanime et elle se voit réconfortée et se voit mieux assurée pour affronter les défis du tournant du siècle. À cet égard, je tiens à vous signaler une décision récente du Parlement de Brandebourg, en Allemagne fédérale, qui a décidé, lui aussi, d'imiter en tous points le modèle québécois et de créer exactement, après avoir adopté une législation en ce sens, une commission analogue à la nôtre.

Le document de votre commission est un document de haute tenue qui a le mérite, je le répète, de clarifier des points obscurs qui traînaient dans le paysage depuis un bon moment. Et puis, tout juste avant les vacances d'été, il y a eu le dépôt et les deux premières lectures du projet de loi élaboré par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Ici aussi – et nous l'avons écrit dans notre mémoire – j'ai le plaisir de vous faire part de notre satisfaction devant la majeure partie, la très grande partie de ce projet de loi.

Évidemment, ce projet de loi, nous souhaitons qu'il soit bonifié, qu'il soit amélioré par les travaux qui se dérouleront ici au cours des prochaines semaines et qu'on en arrive, je l'espère, à un cadeau de Noël, un cadeau de Noël qui sera bénéfique pour les citoyens du Québec dont les droits en matière d'accès et aussi en matière de protection de renseignements personnels en ressortiront mieux réaffirmés, plus clairement établis là où il y avait, il faut le reconnaître, des imprécisions, des zones grises, parfois même des vides, tout simplement. Je pense que, à cet égard, nous nous engageons, nous faisons un pas supplémentaire dans la bonne direction qui avait été indiquée par l'Assemblée nationale en 1982, orientation qui avait été précisée lors de la première révision quinquennale et réaffirmée aussi lors de l'élargissement de la protection des renseignements personnels à l'ensemble du secteur privé.

Ce sera aussi un cadeau de Noël ou des étrennes pour les organismes publics et les entreprises qui vont voir disparaître, là aussi, des zones de confusion et d'incertitude, et aussi pour le message très clair qui est transmis par l'Assemblée nationale en adoptant, comme nous le souhaitons, ce projet de loi et en confirmant, en quelque sorte, le caractère permanent, même si révisible tous les cinq ans, de ces deux législations fondamentales.

Enfin, la Commission espère aussi ces modifications parce qu'elles contiennent des réponses et des solutions à la majeure partie des recommandations qui ont été formulées dans notre rapport quinquennal. En d'autres termes, votre commission et le ministre ont bien lu, ont bien compris le sens des propositions que nous avons formulées et des commentaires qui ont été suggérés et exprimés ici même.

Or, tel qu'exprimé dans le mémoire que nous avons déposé devant cette commission, la Commission, aujourd'hui, réserve au projet de loi n° 451 un accueil favorable. Évidemment, tout comme chacun d'entre vous, comme chacun des Québécois et chacune des Québécoises, nous espérons que ce supplément d'âme, ces bonifications de dernière minute permettront de franchir encore un pas considérable. Mais, je répète, il est important que ces modifications, que cette loi soit prise en compte et devienne législation, parce qu'il s'agit des premières modifications depuis huit ans et les premières, bien sûr, depuis quatre ans en ce qui concerne le secteur privé. Or, comme la loi a prévu expressément cette procédure de révision quinquennale, il y a là, je pense, un objectif à respecter et il y a, là aussi, une commande à honorer.

Je n'ai pas l'intention de reprendre point par point ce que nous avons soulevé et explicité dans notre mémoire. Je n'ai pas non plus l'intention de revenir sur des dispositions très techniques qui sont contenues dans notre rapport et reprises aux dernières pages. Je voudrais simplement souligner notre accord ou notre malaise à l'égard de quelques propositions.

(15 h 10)

D'abord, nous sommes d'accord – évidemment, nous l'avons réclamé – à élargir aux documents administratifs dans l'ensemble presque du monde municipal le principe de l'accès, le principe de la transparence. Le monde municipal est un palier fondamental, le palier fondateur de la vie démocratique. La création de sociétés mixtes, de sociétés paramunicipales, de sociétés périmunicipales et autres ont, au fil des années, un petit peu érodé le principe de la transparence. Nous sommes évidemment très favorables à la prise en charge de cette disposition par le nouveau projet de loi.

De même, nous souscrivons à l'élargissement aux ordres professionnels en ce qui concerne l'assujettissement à la loi sur le secteur public. Les ordres professionnels ont un rôle qui prolonge, en quelque sorte, le pouvoir législatif et il nous semble normal, donc, que les ordres professionnels doivent eux aussi répondre de la protection des renseignements personnels, mais aussi de la transparence administrative en ce qui concerne leurs documents.

La Commission doit cependant marquer son étonnement et, de façon plus précise, son incompréhension devant l'une des dispositions du projet de loi, l'article 7 qui créerait un nouvel article 30.1 de la loi sur l'accès. Il s'agit d'un article très précis qui vise le processus budgétaire et les documents qui sont produits. Vous me permettrez de le lire: «Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler une politique budgétaire du gouvernement avant que le ministre des Finances ne la rende publique.»

Alors, nous n'avons trouvé aucune justification à ce projet d'amendement. Nous n'avons aussi, en compulsant les demandes d'accès formulées au cours des années, trouvé aucun précédent à cet égard. Nous croyons que ce type de document, s'il devenait inaccessible, marquerait un retour en arrière et nous voyons mal comment le Québec pourrait s'accommoder de ce qui est quand même une lancée intéressante en matière de transparence. Alors, la Commission, là-dessus, demande le retrait de ce paragraphe qui ne nous semble correspondre à rien, au contraire, qui nous semble marquer un pas en arrière. Alors, c'est les principales remarques que je voulais faire au chapitre de l'accès en ce qui concerne le projet de loi.

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur le domaine de la protection des renseignements personnels qui avait fait l'objet de la majeure partie de vos discussions en séances l'an dernier. Là aussi, il y a des changements importants qui répondent à des besoins réels et qui vont permettre de corriger des situations difficiles, des situations obscures, mais qui vont surtout faciliter le cheminement du Québec dans la familiarisation et l'utilisation des nouvelles technologies de l'information.

Alors, au départ, je signale notre satisfaction devant les projets de modification au chapitre des échanges de renseignements personnels entre les ministères et les organismes sans le consentement des personnes concernées, c'est-à-dire ces fameuses ententes, donc, qui permettent à deux ministères d'avoir accès à des renseignements sans que les individus n'en soient conscients. Alors, les dispositions prévues vont nous permettre, je pense, de lever des ambiguïtés et aussi les possibilités d'échappatoires, ce qui a été mis en lumière par l'entreprise de vérification qui a été menée par la Commission et dont le rapport Un défi de taille a été publié en juin dernier. Je pense que, à cet égard, nous aurons quelque chose de plus corsé et qui va répondre davantage aux attentes des citoyens.

De façon plus immédiate, les dispositions du projet de loi à cet égard vont répondre très clairement aux attentes du Vérificateur général qui ont été exprimées et aux attentes de la Commission. L'un et l'autre désirons, en effet, obtenir la vision d'ensemble qui nous manque et qui nous permet de moins bien apprécier un certain nombre de transactions, d'échanges de renseignements personnels, précisément par l'ignorance légale dans laquelle s'effectuaient certaines de ces transactions.

Alors, l'objectif de ces dispositions, évidemment, est d'insérer une plus grande transparence dans un domaine où on prive le citoyen de l'exercice de son droit de consentir, qui est un droit fondamental dans la loi, consentir à ce que des renseignements à son sujet soient utilisés par d'autres ministères ou d'autres organismes que ceux auxquels il les a donnés, que ces mêmes renseignements soient utilisés à des fins différentes, également.

Globalement, le régime d'ententes qui impose aux organismes le dépôt auprès de la Commission de tout projet d'échange de renseignements du genre va nous permettre d'avoir a priori les instruments pour intervenir et pour faire en sorte que les droits des citoyens soient respectés.

En ce qui concerne les nouvelles technologies, là aussi, le projet de loi contient des dispositions importantes et, dans certains cas, originales qui visent à scruter de façon préventive l'impact de l'introduction des nouvelles technologies sur la protection des renseignements personnels et, c'est important de le signaler, pour la première fois dans cette législation, sur le respect de la vie privée. Il y a, pour la première fois dans notre législation, une invocation précise du respect de la vie privée, c'est-à-dire que nous reconnaissons très nettement que la protection des renseignements personnels a un impact sur la vie privée et que la législation et la Commission d'accès doivent en tenir compte.

Cette prise en charge des impacts possibles de l'introduction des nouvelles technologies s'inscrit d'ailleurs dans une démarche que la Commission a elle-même engagée voilà quelques années, lors de l'expérience de carte-santé à microprocesseur dans la région de Rimouski, où nous avons suivit, en quelque sorte accompagné, une expérience pour connaître d'abord ce qu'était la fameuse carte à microprocesseur et pour en mesurer précisément l'impact sur les renseignements personnels extrêmement sensibles, les renseignements de santé des citoyens qui participaient à cette expérience. Alors, il y a là tout un champ nouveau où on devine évidemment des questions majeures, des questions complexes et des questions difficiles.

Enfin, toujours au chapitre des renseignements personnels, je voudrais attirer votre attention sur les dispositions qui marquent – et c'est notre opinion, notre interprétation, en tout cas – et signifient une nouvelle étape dans la mise en oeuvre des régimes d'accès et de protection des renseignements personnels, donc des régimes qui ont maintenant 15 ans. Après 15 ans d'incitation, de pédagogie, la loi visera désormais à asseoir sur des bases de dissuasion les fondements de ces deux régimes. En somme, à la persuasion s'ajoute désormais la menace précise de sanctions pénales, des sanctions importantes, des sanctions lourdes et des sanctions qui peuvent être mises en place par des dispositifs également novateurs.

Le régime qui est mis en place, le régime de dispositions pénales qui est mis en place traduit bien, semble-t-il – du moins, c'est notre point de vue – la volonté d'assurer à notre régime des bases encore plus solides. C'est donc un nouveau pas qui lance un message très clair, un message important et qui donne un sens concret à l'ensemble des activités qui concourent soit à la protection des renseignements personnels ou à la dissémination de l'information et des documents publics.

Alors, dans ce sens, le rôle et les pouvoirs de la Commission sont sensiblement modifiés. La Commission – vous me pardonnerez l'analogie, mais elle est valable, je pense – devient, en quelque sorte, le substitut du Procureur général pour intenter des procédures pénales. Il s'agit là d'un changement majeur. Ces modifications correspondent à nos attentes en ce qui concerne, par exemple, le recours aux enquêtes pour faire respecter la protection des renseignements personnels. Nous avons, après quelques mois du nouveau régime sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, mis en oeuvre une série de mesures, de réformes, précisément à nos enquêtes, pour tenir compte des exigences différentes du secteur privé. Ces mesures ont été prises à l'automne 1996 et elles sont appliquées par Me Lapointe, à ma gauche, donc, directeur intérimaire du Service analyse et évaluation de la Commission.

Nous avons également dégagé des enquêtes tenues, des vérifications en cours des conclusions qui correspondent exactement à ce virage que connaîtra la législation si l'Assemblée nationale accepte le projet déposé par le ministre. De façon précise, nous sommes également reconnaissants de voir que l'on a tenu compte, et votre commission et le ministre, de notre recommandation de confier à un seul commissaire la possibilité de tenir des enquêtes sur plainte à l'égard du traitement des renseignements personnels. C'est une façon de répondre aux attentes des citoyens, mais aussi aux voeux que vous avez vous-mêmes formulés dans cette enceinte au cours des derniers mois.

(15 h 20)

Bref, je pense que le message que lance le projet de loi est on ne peut plus clair: le régime d'accès et de protection des renseignements personnels est là pour rester et il constitue beaucoup plus que des ornements juridiques, c'est une dimension de la culture et de l'appareil démocratique de notre société. On devine l'importance et le sens de ces changements pour les citoyens, pour l'entreprise et pour le secteur public. Il faut en dire autant aussi pour la Commission d'accès à l'information qui a un mandat très particulier à cet égard et qui a comme obligation de remplir des mandats très précis dans les deux domaines. Alors, à l'égard des mandats nouveaux qui découlent d'une lecture intelligente du projet de loi n° 451, je puis vous assurer de la détermination des collègues commissaires et de l'ensemble du personnel. Tous, nous allons mettre en oeuvre tout ce qui est nécessaire pour que, de façon intelligente et fructueuse, les nouvelles mesures prévues par le projet de loi deviennent réalité dans l'intérêt de tous.

Jusqu'à maintenant, je me suis adressé à vous en tant que président de la Commission d'accès à l'information et porte-parole de mes collègues. Vous me permettrez maintenant de mettre mon chapeau de responsable de l'administration de la Commission pour dégager un certain nombre de conséquences concrètes de la mise en oeuvre éventuelle des nouvelles dispositions de la loi n° 451.

Alors, ces nouvelles dispositions ajoutent des mesures, des obligations qui, bien sûr, raffermissent les droits des citoyens du Québec, mais elles ajoutent aussi des obligations à la Commission. J'énumère, sans aucun ordre. Par exemple, toute la nécessité de maintenir la veille ou, pour employer un anglicisme, le monitoring technologique. Pour pouvoir évaluer l'impact des nouvelles technologies sur la vie privée et la protection des renseignements personnels, il nous faut nécessairement développer à cet égard une expertise constante, donc la notion de veille qui exige évidemment des personnes affectées à ces fonctions. De même, la mise en oeuvre des dispositions pénales du projet de loi jusqu'à l'introduction des procédures devant les tribunaux exigeront aussi des transformations et des ressources supplémentaires. Enfin, l'examen et l'inventaire a priori de tous les projets d'échange de renseignements personnels entre les organismes sans le consentement des personnes vont supposer aussi un surcroît de travail et des obligations considérables.

Or, ces activités découlent logiquement des objectifs réels, ciblés de ces deux lois, mais il est important que vous sachiez que ces activités se superposent aux tâches nouvelles que la Commission assume depuis quelque temps pour répondre, d'une part, aux souhaits de votre commission et aussi pour tenir compte des implications de nouvelles lois comme, par exemple, la loi sur les intermédiaires de marché, la loi n° 188, qui oblige la Commission à exercer une surveillance tout à fait particulière. De même, à la suite de l'exercice, de l'expérience de vérification menée ce printemps dernier, des obligations s'imposent qui vont s'ajouter au menu classique des activités de la Commission.

Enfin, en ce qui concerne le suivi des projets de loi, je pense vous avoir énuméré... Or, ces activités sont nécessaires. Je pense que tout le monde est d'accord à ce sujet. Elles seront exigeantes. Dans certains cas, elles seront même stimulantes. C'est évident que la veille technologique, pour certains, va représenter presque le rêve devenu réalité. Pour s'en acquitter, la Commission devra obligatoirement compter sur de nouvelles ressources humaines et financières. J'ai entendu avec satisfaction M. le ministre annoncer les démarches en cours auprès du Conseil du trésor. Là-dessus, votre commission nous a réconfortés dans son rapport en tenant compte des propos tenus notamment par le professeur Borgeat en signalant que la Commission devait poursuivre les mandats qui étaient les siens, mais qu'elle devait bénéficier des ressources nécessaires à cette fin.

Nous ne sommes pas en défense des crédits, mais il m'est impossible de m'adresser à vous, les membres de cette commission, et particulièrement au ministre responsable et ne pas vous faire part de notre inquiétude devant ces nouveaux mandats et la modestie de nos ressources. Mais, comme toujours, nous sommes confiants. Mes cinq années au Devoir m'ont appris à espérer contre la Providence, et je pense, encore une fois, que je vais tenir cette ligne de conduite.

Mes collègues et tout le personnel de la Commission sont prêts et enthousiastes à l'idée de relever les nouveaux défis. Vous avez à cet égard toute notre assurance, mais je compte sur votre appui, mes collègues et moi comptons sur votre appui, M. le ministre et Mmes, MM. les députés de cette commission, pour nous aider à obtenir les ressources nécessaires. Il y va du succès des nouvelles dispositions de nos deux lois. Il y va aussi de la consolidation des droits fondamentaux des citoyens du Québec.

En somme, le projet de loi n° 451 correspond, dans une large mesure, aux attentes de la Commission, telles que nous les avons consignées dans le rapport qui a amorcé ce processus de révision de la loi, notre rapport Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle . Pour s'acquitter de ces nouveaux mandats – je me répète, mais j'insiste – la Commission doit disposer de nouvelles ressources permanentes.

En terminant, vous me permettrez de vous signaler la conviction de mes collègues et la mienne quant à l'importance et à la valeur de notre régime d'accès et de protection des renseignements personnels créé et solidifié par l'Assemblée nationale au cours des 15 dernières années. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger): Alors, merci. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le président, messieurs, d'abord, peut-être, pour parler des budgets, je ne pense pas que c'est la Providence qu'il faille invoquer, mais peut-être plutôt la parole du ministre. Je vous ai dit privément, dans des conversations que nous avons eues – je peux le répéter ici devant les membres de la commission: Il est de notre intention de faire en sorte que le budget qui vous a été alloué par le Conseil du trésor, essentiellement pris à même le fonds consolidé, pour financer les travaux en cours à la Commission, qui est de l'ordre de quelque 350 000 $, soit intégré à vos crédits récurrents.

Une demande en ce sens est en discussion au Trésor. J'ai eu l'occasion de faire le point avec mes collègues du Trésor à l'occasion de la revue de programmes. Il faudra aussi regarder de quelle façon nous pourrons, compte tenu des mandats qui vous sont accordés par la loi n° 188, peut-être dans ce contexte, interpeller l'indulgence du ministre des Finances qui est lui-même sans doute fort sensible à vos préoccupations.

Donc, je suis convaincu que l'engagement des ministres, beaucoup plus que la Providence, qui a déjà porté fruit dans la rédaction de ce projet de loi pourra aussi porter fruit lorsque viendra le temps de débattre à nouveau les crédits de la Commission et qu'on peut sans doute compter sur le bon dialogue et la gentilhommerie qui a toujours guidé nos rapports depuis que j'ai la responsabilité de la Commission d'accès à l'information.

Je reviendrais sur vos recommandations, M. le président. Je les ai numérotées de 1 à 10, puisque vous avez eu la délicatesse de les reprendre en conclusion. Vous donnez peut-être quelques indications davantage techniques, mais quant, certainement, aux recommandations 1, 4, 9 et 10, effectivement il s'agit de remarques fort pertinentes de la Commission, ce sont essentiellement des ajustements techniques, des interprétations parfois larges qui étaient données à la volonté du législateur. Donc, nous allons préciser, comme vous le recommandez, pour l'article 13, pour l'article 2, et les commentaires à la fin, les deux derniers, sont pertinents et sont retenus. Donc, déjà un certain nombre de questions qui sont levées.

(15 h 30)

Vous soulevez aussi d'autres questions. D'abord, la question de la politique budgétaire du gouvernement du Québec. Vous vous interrogez sur la pertinence de cet ajout. Vous dites même que ça pourrait être un recul. Dans la mesure où tous ces documents deviennent publics au moment où le budget est rendu public, je ne pense pas qu'on puisse parler de recul. Mais je comprends que ce que vous me dites, c'est que vous estimez que les fonctionnaires du ministère des Finances ont peur d'avoir peur, puisque rien dans la jurisprudence de la Commission ou ailleurs pourrait, selon vous, justifier un tel amendement. Vos propos sont entendus, sont notés. Mais, d'un autre côté, je rappelle que tous ces documents sont rendus publics au moment du dépôt du budget, donc qu'il faille peut-être faire attention lorsque vous utilisez l'expression: Il s'agit d'un recul. Je serais prêt à en débattre avec vous.

Je voudrais revenir sur la question des filiales qui demeure une question ouverte. Vous nous suggérez, à votre recommandation 5... Nous pourrons revenir sur cette question. J'ai moi-même indiqué qu'il nous fallait préciser notre pensée dans un contexte où nous voulons faire en sorte que ces sociétés soient soumises à un régime de transparence davantage satisfaisant aux yeux des membres de cette commission, et sans doute à vos yeux aussi. Nous pourrons y revenir. Mais je voudrais d'abord revenir à votre seconde recommandation, maintenant que j'ai fait le tour d'un certain nombre de choses.

Ah, je peux aussi vous indiquer que, sur les dépens, dans la recommandation 8, c'est non. On a discuté de cette question des dépens, et la réflexion de tous ceux et celles qui ont regardé cette question: Nous préférons laisser cette discrétion au juge qui entend l'appel. Cette question a été fouillée par des gens du ministère de la Justice, par des gens du groupe de travail chez nous. Donc, à ce moment-ci, à moins que vous ayez peut-être des arguments nouveaux, tous nous indiquent qu'il serait préférable de laisser la discrétion au juge qui entend l'appel. Et nous ne pensons pas à ce moment-ci qu'il y ait lieu de revoir cette question.

Alors, je reviens donc à votre recommandation 2, sur la portée de l'article 18.2 sur la question des entreprises. Vous nous posez la question: «Cette disposition ne devrait-elle pas interdire aux entreprises du secteur privé de faire ce qui sera interdit aux organismes publics?» Vous nous demandez si l'article 18.2 risque d'avoir un impact sur les dispositions de la loi sur le secteur privé qui ont trait à la gestion des listes nominatives. Est-ce que c'est une question qui est pertinente? J'aimerais l'explorer avec vous et je voudrais vous poser ma première question: Est-ce qu'à votre connaissance les entreprises privées détiennent des registres, rôles ou autres fichiers de même nature qui seraient constitués de renseignements qui ont un caractère public?

M. Comeau (Paul-André): Effectivement, je pense que, puisque la Cour supérieure a tranché à cet égard, les listes du Collège des médecins ou du Barreau sont des renseignements à caractère public, et là on se trouve dans une zone assez curieuse à cet égard. Me Ouimet pourrait élaborer là-dessus, puisqu'il a fouillé cette question davantage.

La Présidente (Mme Léger): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): Ce qu'on comprend de 18.2, c'est que des entreprises privées pourraient recevoir des renseignements qui ont un caractère public dans le secteur public – par exemple, un rôle d'évaluation, un registre – et à ce moment-là le risque, c'est que cette entreprise privée puisse communiquer l'ensemble du fichier alors que cela est interdit à l'organisme public en vertu d'un autre article.

Alors, nous, on se disait: Peut-être faudrait-il prévoir, à 18.2, la même réserve et empêcher l'entreprise privée de communiquer l'ensemble de la banque de données. Que les renseignements puissent être communiqués à l'unité, ça ne pose pas vraiment de problème, mais qu'ils soient communiqués par banque de données, c'est là qu'est le problème.

M. Boisclair: Est-ce que ça pourrait causer un problème quant à des activités commerciales que certaines entreprises pourraient avoir si on les obligeait, par exemple, à communiquer de façon individuelle chacun des renseignements qui est détenu, comme on va le faire dans le secteur public? Est-ce que vous avez une idée d'un impact pour certaines activités commerciales d'entreprises? Ou, même, vous avez donné des exemples d'ordres professionnels qui, si ma mémoire est juste, vont jusqu'à vendre certaines de leurs listes.

M. Comeau (Paul-André): Me Lapointe va répondre, si vous voulez.

La Présidente (Mme Léger): M. Lapointe.

M. Lapointe (Simon): Oui. Je présume que vous devez faire référence aussi beaucoup aux agences de renseignements personnels qui vendent de l'information de crédit, qui s'abreuvent beaucoup de renseignements à caractère public et qui, dans les rapports que ces institutions-là font à leurs clients, informent leurs clients d'une grande quantité de renseignements provenant de banques publiques.

L'objet de la remarque qu'on fait à l'égard de cet article-là, c'est en lien avec l'article du projet de loi, à savoir qu'on veut modifier l'article 55 de la loi d'accès pour limiter le grand débit de renseignements personnels vers un demandeur. Autrement dit, on veut que la même parcimonie existe aussi à l'égard du caractère public d'un renseignement détenu par une entreprise privée. Parce que, si on impose une discipline aux organismes publics, l'équation impose, à priori, qu'on impose la même discipline aux entreprises privées. Il n'y a pas deux vies privées, il n'y en a qu'une et...

M. Boisclair: Non, mais je vais avoir Équifax sur le dos.

M. Lapointe (Simon): Pardon?

M. Boisclair: Je risque d'avoir Équifax sur le dos assez rapidement.

M. Lapointe (Simon): Mais prenons l'exemple d'un rapport de crédits. Je ne sais pas, moi, une institution prêteuse demande à avoir un rapport de crédit sur un citoyen qui a fait une demande d'emprunt. Je veux dire, c'est à la pièce que l'information est donnée à l'institution de crédit qui demande le rapport. On demande des renseignements sur une personne, ses immeubles, sa solvabilité, on ne demande pas une banque de données. Nous, ce qu'on veut éviter, c'est qu'on dilapide des banques de données, ce qui est bien différent du cas dont on parle.

M. Boisclair: Non, je comprends bien. Bien, je vous remercie, je laisserais mon collègue et je poursuivrai par la suite. Ou d'autres.

La Présidente (Mme Léger): Alors, M. porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom de leader de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au président Comeau ainsi qu'à Me Ouimet et Me Lapointe, bienvenue et merci pour votre présentation.

Vous avez sans doute entendu tout à l'heure le lien que nous faisions entre le jugement rendu par la Cour supérieure et la révision qui est en cours, notre propos étant qu'en tant que parlementaires on est en quelque sorte fiduciaires de la confiance du public dans un dossier comme celui-ci. À notre tour, comme parlementaire... Parce que ce n'est pas une nomination du gouvernement, le président de la Commission d'accès est nommé par des parlementaires avec une telle majorité que ça exige, à toutes fins pratiques, l'unanimité de l'Assemblée nationale. La manière que l'on applique les lois, comme celle qui est sur la table aujourd'hui, est beaucoup plus importante que tout fignolage que l'on pourrait faire dans ces projets de loi là.

Vous l'aviez déjà lu avant que je lise les extraits tantôt, mais vous savez que le juge de la Cour supérieure a tenu des propos assez durs à l'endroit de la Commission. C'est rare d'entendre un juge dire qu'un statut inventé de toutes pièces, sans aucun critère objectif, n'est qu'un faux-fuyant. Ce n'est pas l'opposition qui le dit, c'est un juge de la Cour supérieure en vertu de son pouvoir de surintendance et de contrôle des organismes inférieurs comme le vôtre.

Nous voulons savoir donc, aujourd'hui, si la Commission a déjà fixé une date pour la reprise de ses travaux sur l'affaire Lebel, la fuite de renseignements et le rôle du bureau du premier ministre là-dedans.

M. Comeau (Paul-André): La Commission – je vais vous répondre très simplement et très succinctement par respect du devoir de réserve – n'a pas fini ses discussions à cet égard.

M. Mulcair: Quand est-ce que la Commission va avoir fini ses discussions à cet égard?

M. Comeau (Paul-André): Le plus tôt possible, M. le député.

M. Mulcair: Voulant dire?

M. Comeau (Paul-André): Le plus tôt possible.

M. Mulcair: Étant?

M. Comeau (Paul-André): Le plus tôt possible.

M. Mulcair: Donnez-nous une idée. Est-ce que c'est 12 heures, est-ce que c'est 12 semaines, est-ce que c'est fonction de, oui ou non, il y a une élection à l'automne?

M. Comeau (Paul-André): M. le ministre, M. le député, pardon, je n'ai pas...

M. Mulcair: Vous anticipez sur les élections. J'apprécie, mais...

M. Comeau (Paul-André): Ouf! Ça s'appelle un lapsus. Je répète que c'est le plus tôt possible et que mes collègues et moi allons reprendre nos discussions dans les heures qui viennent dans l'espoir d'y arriver le plus tôt possible.

M. Mulcair: Et est-ce que, pour les membres de cette commission qui doivent statuer sur la pertinence de modifier ou non la loi en fonction de la proposition qui est sur la table, vous ne trouvez pas ça un peu difficile pour nous de vous entendre répéter: Le plus tôt possible, le plus tôt possible, sans pouvoir nous donner la moindre indication de qu'est-ce que cela représente? Vous êtes là, vous l'avez dit tantôt, vous êtes en devoir depuis cinq ans maintenant. Fort de ces cinq ans d'expérience, ça ne vous permet pas de nous donner une indication quelque peu plus précise que qu'est-ce que vous venez d'indiquer là?

M. Comeau (Paul-André): Non, parce que nous sommes trois à prendre cette décision. Je n'ai pas à brusquer mes collègues non plus à cet égard. Nous allons prendre notre décision avec sagesse, sans précipitation.

M. Mulcair: Est-ce que vous pouvez nous dire où se situe la ligne entre «sans précipitation» et «le plus tôt possible»?

M. Comeau (Paul-André): J'avoue que ça devient de la jésuitique; je suis incapable de répondre à votre question, M. le député.

(15 h 40)

M. Mulcair: C'est dommage parce qu'on est là pour savoir qu'est-ce que ça vous prend pour pouvoir appliquer votre loi. Vous étiez en train de nous dire que le jugement rendu le 19 août est trop récent, vous ne pouvez pas encore nous dire quand est-ce que vous reprenez vos travaux, et ce, malgré les déclarations antérieures de votre part et de la part d'autres représentants, notamment Me Bergeron, disant qu'aussitôt qu'on aura cette décision on pourra reprendre. Maintenant vous me dites: Non seulement on n'a pas de date, mais on n'a pas encore fini les discussions, puis vous êtes toujours incapable de nous donner la moindre indication de la date de reprise.

M. Comeau (Paul-André): Je vous répète que ce sera le plus tôt possible et, en français, le plus tôt possible, ça veut dire rapidement.

M. Mulcair: Pardon.

M. Comeau (Paul-André): Ça veut dire rapidement.

M. Mulcair: Rapidement. Est-ce qu'en français vous pouvez nous donner un ordre d'idée en chiffres temporels, sans faire de...

M. Comeau (Paul-André): Dans les jours qui viennent.

M. Mulcair: Dans les jours qui viennent. Avez-vous une idée du nombre de jours?

M. Comeau (Paul-André): Non.

M. Mulcair: Pas plus.

M. Comeau (Paul-André): Non.

M. Mulcair: Donc, dans les jours qui viennent, ça peut être 180 jours.

M. Comeau (Paul-André): Je ne pense pas.

M. Mulcair: Je trouve ça regrettable, Mme la Présidente, que le président de la Commission d'accès, fort de ses cinq ans d'expérience, n'est toujours pas capable de répondre à une question aussi simple.

J'ai une autre question qui me vient à l'esprit, en marge de la discussion concernant l'audience devant la Commission, concernant la fuite de renseignements et le rôle du bureau du premier ministre là-dedans. C'est une déclaration qu'a faite, le 16 avril 1996, l'actuel président de la Commission lorsqu'il a dit ceci, en réponse à une question posée par moi-même: «Oui, alors, écoutez, je ne rencontre pas des personnes qui plaident pour des entreprises du genre mais d'autres personnes. Lorsque ce projet de société a été lancé, je me suis abstenu et je prends toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre de causes que plaide devant la Commission Me Doray. Vous savez que les commissaires sont totalement indépendants. Ils rendent leurs décisions en toute indépendance, et à ce moment-là il n'y a aucune relation à ce sujet.»

Je dois dire, Mme la Présidente, qu'il s'agit de Me Raymond Doray qui est un expert, une éminence reconnue dans le domaine de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée au Québec. C'est un des juristes qui est le mieux coté dans ce domaine et ce n'est strictement pas en rapport avec ses compétences que nous avons fait cette citation-là mais bien en rapport avec le fait que Me Doray prenait part à l'organisation d'un colloque, à Montréal, avec l'actuel président de la Commission.

Nous voudrions savoir comment il se fait que face à cette déclaration du 16 avril 1996, déclaration dans laquelle le président – toujours le même qui est avec nous aujourd'hui – a dit qu'il n'entend pas de causes plaidées par Me Doray, comment il se fait qu'avec ses deux autres collègues auxquels il a fait référence tantôt le président continue d'entendre une cause dans laquelle Me Doray est présent.

M. Comeau (Paul-André): Je vais répondre très prudemment à votre question parce que la question peut être soulevée par n'importe lequel des avocats devant l'enquête publique en question. Nous sommes, pour employer un anglicisme, un banc de trois. Je me suis présenté, et les avocats qui étaient présents auraient pu demander ma récusation, ce qui n'a pas été le cas. La citation à laquelle vous avez fait référence est une citation publique, et je vous signale que je n'entends pas une cause. Une enquête, à mon point de vue, n'est pas une cause. Mais c'est mon opinion personnelle.

M. Mulcair: Parlant de jésuitique, est-ce que vous pouvez revenir sur la distinction que vous venez de faire? Je reprends votre citation: «Je prends toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre de cause que plaide devant la Commission Me Doray.»

M. Comeau (Paul-André): De cause. Tout à fait. Une cause et précisément les causes d'adjudication qui sont présentées devant la Commission et où les parties sont représentées.

M. Mulcair: Donc, si j'interprète bien, vous étiez en train de nous dire que, puisqu'il s'agit d'une enquête de la même Commission, l'enquête n'est pas une cause, et que, même si vous n'accepterez pas d'entendre une cause que plaiderait Me Doray devant vous, vous acceptez qu'il représente des clients du gouvernement devant vous, comme avocat, même si c'est la même Commission. C'est ça, la distinction que vous êtes en train de faire pour nous aujourd'hui?

M. Comeau (Paul-André): Non, pas du tout. Quand nous avons réfléchi à cela, et nous avons été confirmés par le juge Pelletier... le juge Pelletier dit bien dans sa décision qu'il s'agit d'un processus administratif et non pas d'une cause qui, elle, implique des pouvoirs d'adjudication.

M. Mulcair: Quelle est la conséquence de ça sur le plan pratique et sur le plan juridique?

M. Comeau (Paul-André): Sur le plan juridique, vous savez fort bien que je suis incapable de la dégager, mais sur le plan pratique, c'est que je me trouve devant deux ordres de grandeur, c'est-à-dire un pouvoir d'adjudication qui tranche des litiges, et ainsi de suite, et un pouvoir d'enquête qui établit des faits. C'est deux domaines tout à fait différents.

M. Mulcair: Mme la Présidente, sauf tout le respect que l'on doit au président de la Commission, on est en train de lui poser une question sur une distinction que lui-même a soulevée, on est dans le cadre de l'analyse d'un projet de loi, c'est pertinent pour nous, pour les fins de notre commission parlementaire, aujourd'hui, de tenter de suivre le raisonnement du président de la Commission d'accès et, si je comprends bien, encore une fois il vient de nous dire qu'il fait une distinction, mais il est incapable de nous dire c'est quoi, la distinction sur le plan juridique entre les deux?

M. Comeau (Paul-André): Je fais une distinction entre une enquête et un processus d'adjudication où on tranche et ordonne. L'enquête ne se termine pas par des ordonnances ni par des décisions de même nature.

M. Mulcair: Donc, pour reprendre la distinction, pour bien la saisir – c'est important pour nous de savoir si la loi a besoin d'être changée pour tenir compte de ça – si on comprend bien, Mme la Présidente, la question que nous posons au président de la Commission est la suivante: Est-ce qu'il est en train de dire que, lorsqu'il a dit qu'il prend toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre de cause que plaide devant la Commission Me Doray, pour lui, il n'y a pas de problème de laisser le même Me Doray venir plaider devant la Commission pourvu qu'il s'agisse d'une enquête et pas de ce que, lui, il appelle une cause?

M. Comeau (Paul-André): Une enquête ne se termine pas par des plaidoyers.

M. Mulcair: Est-ce que le président de la Commission peut nous dire si, oui ou non, Me Doray a parlé devant la Commission lorsque la Commission menait son enquête?

M. Comeau (Paul-André): Comme tous les autres avocats présents, bien sûr.

M. Mulcair: Et donc, Mme la Présidente, le président nous fait non seulement une distinction entre une cause et une enquête, mais entre un plaidoyer et quoi? Un argument?

M. Comeau (Paul-André): Des interventions.

M. Mulcair: Une intervention. Donc, ce n'est pas que Me Doray plaide dans une cause, c'est qu'il fait une intervention dans une enquête, mais toujours devant la même Commission, puis le problème de conflit d'intérêts qui existait dans un cas est évacué parce qu'on a cette distinction-là. C'est bien ça?

M. Comeau (Paul-André): Vous avez vous-même évoqué la notion de conflit d'intérêts dans ce dossier. C'est vous-même qui l'avez, ici même, évoquée.

M. Mulcair: Est-ce que – parce que mes collègues piaffent d'envie de poser des questions à leur tour – M. le président – mais on désire quand même clore là-dessus – en sachant que si ce n'était pas à cause d'un potentiel de conflit d'intérêts, pourquoi est-ce que le 16 avril 1996... Si c'est nous qui venons de le soulever, il a raison, c'est une interprétation. Alors, peut-être, pour éviter l'interprétation sans doute erronée, le président de la Commission peut nous dire pourquoi, à l'Assemblée nationale, le 16 avril 1996, il a dit ceci: «Lorsque ce projet de société a été lancé, je me suis abstenu et je prends toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre de causes que plaide devant la Commission Me Doray.»

Si ce n'est pas à cause de la possibilité d'une perception de conflit d'intérêts ou d'une perception de possibilité de manque d'impartialité, de présence de partialité, c'est quoi, la raison pour ne pas justement infliger notre propre interprétation, M. le président?

M. Comeau (Paul-André): J'ai clairement répondu à cette question-là à ce moment-là, et mon attitude n'a pas changée. Mon opinion n'a pas changée.

M. Mulcair: Peut-être, M. le Président, le président peut répondre à la question plutôt que de nous référer aux archives.

M. Comeau (Paul-André): J'ai estimé à ce moment-là qu'il était plus sage de ne pas faire partie d'une société, mais d'être conseillé et d'être au courant, purement et simplement.

M. Mulcair: La partie à laquelle on faisait référence, M. le Président, n'était pas la décision du président – sage, par ailleurs – de ne pas faire partie formellement de l'organisation du colloque, mais bien la phrase suivante où il nous expliquait, en commission parlementaire, qu'il s'était abstenu et qu'il prend toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre de causes que plaide devant la commission Me Doray.

M. Comeau (Paul-André): Et je répète que je n'ai jamais entendu de causes depuis où Me Doray plaidait.

M. Mulcair: Oui. M. le Président, nous avons tous entendu tantôt la distinction que faisait le président de la Commission. Même si nous ne la partageons pas, son analyse, nous n'avons qu'à la respecter ou, du moins, en prendre acte. Mais, puisque la raison d'être de cette commission, la raison pour laquelle on est convoqué ici aujourd'hui, c'est de regarder la loi à l'ombre de l'expérience de son application, il devient très important pour nous, comme parlementaires, comme élus, comme représentants du peuple qui nous a demandé de faire un travail ici pour eux, d'avoir des réponses claires et des questions claires.

La question est la suivante: Comment il se fait que, le 16 avril 1996, c'était problématique d'entendre une cause que plaiderait devant la Commission Me Doray et que, malgré ça, le président trouve que ces mêmes problèmes n'existent plus lorsque ce même avocat plaide devant la même Commission, fait des représentations dans une autre cause? Nous voulons savoir où est la distinction. Et, si elle n'existe pas juridiquement, peut-être qu'il serait opportun de le prévoir.

(15 h 50)

M. Comeau (Paul-André): La distinction, elle est très simple, je le répète. Il ne s'agit pas d'une cause où l'on plaide mais d'une enquête où l'on établit les faits. Et le juge là-dessus, le juge Pelletier, est très clair dans sa décision – vous l'avez cité. Alors, nous sommes un banc de trois, et à ce moment-là je ne suis pas seul à me trouver devant Me Doray, si jamais votre interprétation était la bonne.

M. Mulcair: M. le Président, je pense que c'est important de bien se comprendre si on veut faire notre travail d'une manière utile. Nous avons demandé à quelques reprises et nous sommes toujours en attente d'une réponse. Je vais l'essayer d'une autre manière.

Quel était le problème, au mois d'avril 1996, qui a conduit l'actuel président de la Commission d'accès à dire à l'Assemblée nationale, et je le cite: «Je prends toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre les causes que plaide devant la Commission Me Doray.»? Quel était le problème qui l'a conduit à cette prise de décision là? Parce qu'il s'agit de sa décision de prendre toutes ces mesures nécessaires pour ne jamais entendre de causes que plaide devant la Commission Me Doray. On veut une réponse à ça.

M. Comeau (Paul-André): Il n'y a pas de problème. Il y avait une décision de sagesse et de prudence.

M. Mulcair: Une décision de sagesse et de prudence basée sur quel état de fait? C'est une décision importante, ça, de dire au Parlement: Je n'entendrai jamais de causes que plaide tel avocat devant la Commission. C'était basé sur quoi? C'étaient quoi, les faits?

M. Comeau (Paul-André): Je répète qu'une cause fait appel à une décision avec un pouvoir d'ordonnance. On ordonne de remettre tel document, on ordonne de détruire tel renseignement, etc., et là il y a un plaidoyer devant un seul commissaire. Une enquête publique établit des faits – je répète ce que j'ai dit au début de l'audience; elle ne fait pas de chasse aux sorcières, elle ne détermine pas les responsabilités, elle établit les faits. C'est tout à fait différent, dans mon esprit, en tout cas.

M. Mulcair: Bien, M. le Président, je pense que toute personne qui a suivi les réponses du président de la Commission sera en mesure de les apprécier à leur juste valeur. Et je suis sûr que cela inclut bon nombre d'avocats qui vont être présents devant la Commission.

Dernière question avant de passer la parole à mes collègues, M. le Président. On désire savoir: Dans la cause concernant le plan O, ce plan de Jacques Parizeau qui visait à prendre le contrôle de la haute administration publique advenant une victoire du Oui lors d'un référendum, cause qui a déjà été entendue, on peut s'attendre à une décision à quelle date dans cette cause-là?

M. Comeau (Paul-André): Aucune idée.

M. Mulcair: Aucune idée?

M. Comeau (Paul-André): Le commissaire responsable est en délibéré et rendra une décision selon les circonstances et selon son jugement et selon le fruit de ses réflexions.

M. Mulcair: Oui.

M. Comeau (Paul-André): Et je n'interviendrai pas du tout à cet égard.

M. Mulcair: Oui. M. le Président, c'est curieux, là. On a une cause dans laquelle le premier ministre doit venir témoigner aussitôt que ça peut être repris puis le président nous dit que, même s'il sait que c'est une des commissaires qui préside à l'enquête, il n'est pas capable de nous dire quand est-ce que ça va reprendre, ils n'ont pas encore eu assez de temps pour réfléchir à ça. Puis là la commissaire qui entend l'autre cause est ici avec nous aujourd'hui, peut-être... est-ce que le président veut lui poser la question quand est-ce qu'elle va rendre sa décision?

M. Comeau (Paul-André): Non. M. le député, je vous demanderais de respecter l'indépendance du commissaire qui a entendu ce dossier.

M. Mulcair: M. le président, nous respectons tellement l'indépendance de la Commission que nous avons de la difficulté...

M. Comeau (Paul-André): J'ai dit l'indépendance de la commissaire qui a entendu le dossier.

M. Mulcair: M. le président, puisqu'elle est là peut-être elle peut venir répondre...

M. Comeau (Paul-André): Non.

M. Mulcair: Ah! Ça, c'est intéressant. Nous, on respecte son indépendance, mais le président...

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Mulcair: ...lui refuse le droit de venir répondre à une question.

M. Comeau (Paul-André): Exactement.

M. Mulcair: Intéressant. M. le Président, l'opposition officielle aimerait bien que Mme la commissaire Boissinot vienne à la barre expliquer à cette commission à quelle date on peut s'attendre à une décision dans l'affaire concernant le plan O du gouvernement du Parti québécois.

M. Comeau (Paul-André): J'estime qu'il est de mon devoir de refuser d'acquiescer à votre demande.

M. Mulcair: M. le Président, je tiens à rassurer le président que la demande n'est pas formulée auprès de lui. Il vient d'inviter la commission à veiller au respect de l'indépendance de la commissaire, et, lui, il est en train de se permettre de prendre une décision pour elle. Elle est juste là, elle peut venir nous dire quand est-ce qu'on peut avoir une décision, là. Parce que, ce qui est clair pour nous, c'est que, dans les deux cas, il y a de la politique qui est impliquée dans le timing de l'audience, dans le timing de la reprise de l'audience, dans le timing de la décision. C'est très clair. Et le refus du président, malgré son invitation à veiller au respect de l'indépendance de la commissaire, ne fait que nous confirmer dans notre perception. Mes collègues ont d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je ne peux rester silencieux. J'ai écouté attentivement les propos du député de Chomedey. Je comprends que nous avons des décisions importantes à prendre quant à la portée de la législation que le Parlement sera appelé à adopter. Mais tous ceux qui sont dans cette salle et qui ont écouté attentivement les propos du député de Chomedey trouveront paradoxal de le voir lui-même faire des représentations sur des causes qui sont soit en délibéré, et demander même des précisions qui iraient jusqu'à nuire à l'indépendance des membres de la commission, alors que c'est cette même personne qui, il y a quelques instants, dans son préambule, déplorait ce qu'il estimait lui-même être des interférences politiques. Alors, si c'était vrai, il faudrait comprendre que le député de Chomedey se livre au jeu que lui-même dénonce.

Les gens auront bien compris, M. le Président, que ce n'est pas un processus qui est crédible et qu'au-delà du jeu auquel se livre le député, avec une certaine habileté, nous reconnaissons tous ses talents de procureur, nous sommes capables de mettre en doute sa crédibilité lorsque nous savons ce que certains juges des instances supérieures – entre autres, si ma mémoire est juste, de la Cour supérieure – ont déjà écrit au sujet du député de Chomedey. Je ne me ferai pas le porte-parole de ce membre d'un tribunal qui a déjà questionné la pratique du député de Chomedey, mais tous auront compris que ce n'est pas à l'honneur du député.

Je reviendrai donc au projet de loi, M. le Président...

Une voix: Bien, j'espère.

M. Boisclair: ...objet de préoccupations. Je voudrais revenir sur la question des ordres professionnels. Nous avons compris que l'Office des professions a soudainement viré de cap, alors que l'Office s'est toujours exprimé en faveur d'un assujettissement des ordres professionnels à la loi sur le secteur public. Dans le mémoire qu'ils nous ont transmis, et dont j'ai pu rapidement – je dis très rapidement – prendre connaissance tout à l'heure, ceux-ci soudainement proposent plutôt que l'on assujettisse les ordres professionnels à un régime particulier qui serait contenu au Code des professions. Si tel était le cas, si c'est une décision d'un régime particulier, quel devrait être le critère qui devrait nous guider dans le choix de choisir un régime particulier plutôt qu'un régime public?

Ma compréhension de la loi – et j'aimerais peut-être que vous la validiez – ma compréhension de la façon dont a bâti notre système de protection et d'accès, c'est qu'un régime particulier pourrait être pertinent dans la mesure où il était davantage exigeant ou offrait davantage de protection qu'un régime général. Alors, est-ce qu'il faudrait donc s'attendre d'un régime particulier, si telle était la voie qui était choisie, qu'il soit davantage contraignant – l'expression «contraignant» prise au sens large n'est peut-être pas la plus juste – davantage exigeant pour une administration en termes de transparence et de respect de la vie privée? Est-ce que ce critère ne devrait pas être le seul ou le principal qui devrait nous guider dans le choix que le législateur aura à faire?

M. Comeau (Paul-André): C'est le critère que la Commission a toujours défendu. Lorsqu'on déroge soit au régime, il faut qu'on y déroge pour ajouter quelque chose, donc un supplément, donc ce que vous dites, sans doute, être plus exigeant ou plus contraignant. Le problème, c'est d'éviter ce qu'un juriste a déjà qualifié de millefeuille la protection des renseignements personnels, c'est-à-dire la dispersion ici et là des articles des dispositions. La Commission ne s'y oppose pas si précisément on met en place un régime plus exigeant qui favorise davantage le citoyen. Mais, si c'est pour étaler à gauche et à droite la même chose, là on a des problèmes.

Et les problèmes se font à l'encontre de ce qui s'est mis en place depuis 15 ans, c'est-à-dire la politique du guichet unique. Les citoyens du Québec savent où s'adresser, savent qu'il y a un mécanisme peu coûteux, rapide, qu'est la Commission. Si on crée des instances analogues dans les quelque 30 ordres professionnels qui existent, on va peut-être rendre service aux citoyens, mais on va à ce moment-là courir un risque majeur qui est celui d'une diffusion de la jurisprudence, d'une dilution de la jurisprudence et de jurisprudences plus ou moins contradictoires selon les secteurs, selon les ordres.

(16 heures)

On aura à ce moment-là tel type de renseignement qui sera accessible dans un ordre; le même de renseignement ne le sera pas dans un autre, et ainsi de suite. Alors, il y a un problème de cohérence et il y a un problème aussi de faciliter la vie aux citoyens. Nous voyons mal comment l'ensemble des organismes professionnels pourraient s'engager dans cette voie.

M. Boisclair: Je vous entends. En tout cas, j'espère que nous serons tous convaincus de cette conclusion qui est la vôtre, puisque nous aurons des discussions importantes. Le Conseil interprofessionnel, d'ailleurs mandaté par Me Doré, viendra faire des représentations. Je pense que nous devrons utiliser le critère que vous défendez; je le pense tout à fait pertinent. Nous devrons nous en servir pour évaluer les choix que nous aurons à faire.

Je voudrais revenir sur votre troisième recommandation au sujet de l'article 25, où vous nous demandez: Pourquoi l'interdiction d'opposer à une personne une décision défavorable qui résulte uniquement d'une comparaison de fichiers ne s'appliquerait-elle pas à tous les organismes publics et non seulement aux organismes municipaux, scolaires, aux établissements de santé et de services sociaux?

Il faut fouiller cette question puisque, effectivement, après analyse, la référence à la Loi sur la justice administrative n'apparaît pas nécessairement souhaitable pour plusieurs raisons. Mais certainement, comme vous le soulignez, les dispositions n'ont pas nécessairement toujours le même objet et il nous faut trouver une solution nouvelle. Ce n'est pas simple, parce qu'il n'y a pas beaucoup de références pour rédiger ce droit nouveau.

Vous nous avez déjà fait une recommandation. Je me permets de vous rappeler la recommandation 5 qui avait été formulée par la Commission. Je me permets de la lire au bénéfice des membres de la commission: «Que les nouveaux éléments d'information découlant du couplage de l'appariement de fichiers informatiques soient vérifiés auprès des personnes concernées avant de prendre toute décision affectant les personnes concernées ou de les transmettre à d'autres organismes.»

Est-ce que ce ne serait pas là un principe, une façon de faire en tout cas, une piste pour inclure le principe que nous avons essayé d'introduire à l'article 25? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, si on poursuit notre raisonnement, de prévoir, peut-être à l'article 72 de la loi sur l'accès, qu'un organisme doit s'assurer de l'exactitude des renseignements personnels résultant d'une comparaison de fichiers informatisés au moment où il l'utilise pour prendre une décision relative à la personne concernée? Parce qu'on cherche, hein...

M. Comeau (Paul-André): Je pense que vous avez très bien saisi... Oh! Excusez-moi.

M. Boisclair: On fait appel à votre savoir et votre expertise parce qu'il y a un problème, effectivement.

M. Comeau (Paul-André): Effectivement, il y a un problème, mais un problème qui nous semble lié purement et simplement à la loi sur le Tribunal administratif du Québec. Le principe de ne pas rendre obligatoire une décision qui résulte d'un appariement de fichiers, c'est pour respecter la primauté de la personne sur la machine, de faire en sorte que les renseignements obtenus par couplage soient vérifiés par une personne et soient soumis à la personne visée par cette décision. Les erreurs informatiques sont nombreuses, on le sait, et, à ce moment-là, il faut permettre aux gens de vivre dans un système qui conserve un minimum d'humanité.

Quand nous avons pris connaissance des dispositions analogues dans la loi sur le Tribunal administratif, nous avons été frappés. Je demanderais à Me Ouimet de répondre plus techniquement à votre question.

M. Ouimet (André): En fait, je pense que vous l'avez bien illustré. Notre problème, c'était la Loi sur la justice administrative ou plutôt la référence à la loi, parce que la loi n'est pas un problème pour nous, la référence à la loi. En fait, l'objectif que la Commission visait, c'est qu'il n'y ait aucune décision qui soit prise suite à un couplage de fichiers sans que la personne en soit informée.

Or, on a un exemple très concret de ça. Présentement, le ministère du Revenu émet des espèces de préavis de cotisation avant d'émettre l'avis de cotisation. C'est ce genre de formule là que la Commission privilégie. Au lieu d'envoyer tout de suite un avis de cotisation, on émet un préavis. Ce n'est probablement pas la bonne expression, mais c'est l'équivalent d'un document qui informe la personne que, suite à un couplage, on arrive à telle conclusion et on lui demande ses commentaires avant d'émettre le document final qui est l'avis de cotisation.

M. Boisclair: C'est seulement à partir de l'émission de l'avis que les délais courent pour les intérêts.

M. Ouimet (André): Exactement. Voilà.

M. Comeau (Paul-André): Est-ce que je pourrais ajouter? Vous avez parlé de l'exactitude des renseignements. C'est un problème majeur. C'est que, lorsqu'une erreur résulte d'un couplage, si l'erreur est transmise ensuite à d'autres, à ce moment-là, on crée une situation absolument inextricable pour le citoyen et on aboutit à des monstres d'absurdité. C'est ce que nous voulons éviter. Qu'il y ait une vérification de l'exactitude du nouveau renseignement créé, parce qu'on crée un renseignement par le «data matching», l'appariement.

M. Boisclair: Mais, vous voyez, la possibilité aussi, c'est à 72 – je ne sais pas si vous avez la loi devant vous, mais: «Un organisme public doit veiller à ce que les renseignements nominatifs qui le concernent soient à jour, exacts et complets pour servir aux fins pour lesquelles ils sont recueillis.» Et on pourrait faire en sorte de rendre plus lourde l'obligation et faire en sorte que l'organisme ait la responsabilité de s'assurer de l'exactitude. Peut-être un moyen qui pourrait être pris pour s'assurer de l'exactitude pourrait être justement la possibilité d'émettre, comme dans le cas du Revenu, un préavis et, ce faisant, l'organisme s'assure de l'exactitude des renseignements utilisés.

M. Comeau (Paul-André): Et le citoyen peut intervenir et corriger immédiatement, à ce moment-là, et empêcher la chaîne de s'installer.

M. Boisclair: On porte même à mon attention, mon conseiller que vous connaissez bien, M. Parent, que j'ai failli appeler Me Parent – il devra bien le mériter un jour – que, dans le secteur privé, toute personne qui exploite une entreprise doit veiller à ce que les dossiers qu'elle détient sur autrui soient à jour et exacts au moment où elle les utilise pour prendre une décision relative à la personne concernée. Et ça, c'est la loi dans le secteur privé, c'est l'article 11. Peut-être y aurait-il lieu de s'inspirer de ce libellé pour faire pareille obligation aux organismes du secteur public.

M. Comeau (Paul-André): Ça nous semble important.

M. Boisclair: C'est une voie qui pourrait vous inspirer?

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Boisclair: Écoutez, j'aurais une dernière question, mais peut-être passer la parole à un collègue.

Le Président (M. Garon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'ai deux questions pour le président de la Commission d'accès à l'information: une qui porte sur le projet de loi n° 186 qui a été adopté par l'Assemblée nationale au mois de juin dernier et une autre sur votre enquête sur les pratiques administratives et les renseignements personnels.

En ce qui concerne la loi n° 186, c'est la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, nous étions, nous, de ce côté de la table, M. le Président, à une autre commission permanente de l'Assemblée nationale, soit la commission des affaires sociales, un peu embêtés par l'avis favorable que la CAI a émis concernant l'échange de renseignements nominatifs. C'était l'article 95 du projet de loi qui est maintenant l'article 98 de la loi actuelle. La CAI avait émis un avis favorable à l'article 65.1 de la Loi sur la sécurité du revenu, dans le temps, permettant l'échange des renseignements nominatifs. Cet article 65.1, repris dans le projet de loi n° 186, est maintenant contesté en justice.

Le fait curieux de tout ça, M. le Président, la raison pour laquelle j'étais embêté, c'était la suivante. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse se trouve à être un des participants dans la contestation de cet article. Alors, la CAI a émis un avis favorable et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait une autre opinion sur le même article.

(16 h 10)

La Commission a indiqué à plusieurs reprises qu'elle pensait que l'article était superflu, que ça pourrait même représenter une entrave au dévoilement des renseignements nominatifs. Elle a indiqué, lors de sa présentation devant la commission des affaires sociales, et je la cite, M. le Président: La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse souligne, par ailleurs, le rôle limité dévolu à la Commission d'accès à l'information en regard du contrôle des échanges de renseignements. Les règles normalement applicables en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels veulent qu'une entente repose sur la nécessité d'échanger des renseignements. Ce critère, qu'il faut distinguer de la nécessité du renseignement lui-même, n'est pas repris dans le projet de loi n° 186 ni dans l'actuel article 65.1. Ainsi, la CAI est-elle privée de la possibilité de se prononcer sur l'opportunité du projet d'entente. Cette situation est difficilement compatible avec les recommandations de la commission de la culture, favorable à un contrôle d'opportunité a priori et significatif par la CAI en pareille matière.

Est-ce que le projet de loi n° 451 apporte un remède à ce genre de situation ou vous êtes limités à vous prononcer sur les aspects techniques, le contenu de l'échange des renseignements, mais de ne pas vous prononcer sur l'opportunité de le faire?

M. Comeau (Paul-André): Je vais demander à Me Ouimet de répondre à cette question. D'accord?

M. Ouimet (André): D'abord une précision. Dans l'avis que la Commission a donné sur le projet de loi n° 186, on n'a pas donné un avis favorable parce que justement c'était devant les tribunaux. Alors, ce qui s'est passé là-dedans, comme dans tous les avis qu'on donne sur les échanges de renseignements, c'est que la loi sur l'accès permet l'échange de renseignements sans le consentement d'une personne concernée si la loi permet une telle communication.

Or, lorsque le législateur, qui est souverain, adopte une modification législative qui permet un échange de renseignements, la Commission, à ce moment-là, applique ce que le législateur lui dit de faire et vérifie si les critères prévus dans la loi sont rencontrés. Tandis que la Commission des droits de la personne, elle, en l'occurrence, s'est prononcée sur l'incidence de la modification sur le droit à la vie privée, ce que n'a pas fait la Commission. Ce n'est pas le rôle de la Commission d'accès à l'information de faire des avis de cette nature-là.

Le projet de loi n° 451 vient changer ça, effectivement, parce que maintenant, comme l'a souligné M. Comeau tantôt dans son introduction, les ententes qui seront présentées à la Commission seront analysées notamment sous l'angle de l'atteinte à la vie privée des personnes concernées. Or, c'est un mandat que le législateur viendrait donner à la Commission et qu'elle n'avait pas avant.

M. Copeman: Merci. Une deuxième question, M. le Président, portant sur l'enquête, si je peux l'appeler ainsi, le rapport sur la sécurité et la confidentialité des renseignements personnels dans l'appareil gouvernemental publié en juin 1998.

Comme critique en matière de la sécurité du revenu pour notre formation politique, les pages qui touchaient le ministère de l'Emploi et de la Solidarité m'intéressaient beaucoup. Et, entre autres, vous avez souligné 12, je pense, dossiers ou sujets touchant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. On ne peut pas passer à travers tous et chacun, mais, quand je lis les recommandations de la CAI, plusieurs indiquent: que le MES se conforme à la loi; que le MES détruise les renseignements qu'il n'était pas autorisé à revoir; que le MES soumette à la CAI cette entente et qu'elle doit retirer un formulaire; que le MES soumette à la CAI une entente de communication; que le MES se conforme aux termes de l'entente; que le MES et le Protecteur du citoyen... et ainsi de suite.

Il y a une entente qui m'intrigue beaucoup, m'intéresse beaucoup, c'est celle entre le MES et la Régie des rentes du Québec concernant les prestataires âgés de 60 ans et plus. Comme vous le savez pertinemment, M. le Président, tout prestataire de notre système de dernier recours est maintenant obligé de se prévaloir d'une rente anticipée avant d'être éligible à notre système, ce qui fait en sorte qu'une fois atteint l'âge de 65 ans, si on oblige les personnes à prendre la rente anticipée, la rente générale à 65 ans est diminuée par une pénalité.

Vous avez indiqué, lors de votre recommandation: Le gouvernement devrait demander une vérification de la mise en oeuvre des résultats de ce programme à la lumière des inquiétudes énoncées par la CAI dans son avis défavorable. Vous avez émis un avis défavorable. Une de mes collaboratrices m'a indiqué que, quand on était au pouvoir, vous avez émis deux avis défavorables dans notre temps. Alors, il y en a un autre de défavorable à cette entente.

Vous indiquez aussi, en ce qui concerne le consentement demandé aux bénéficiaires, que le texte soumis à ces personnes – là, je vous cite – par le MES ne répond pas aux critères de consentement libre et éclairé établi par la CAI. Dans les commentaires de l'organisme, c'est-à-dire le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le ministère indique: Le MES est par ailleurs d'avis que le consentement recherché était libre et éclairé. Bien beau. Vous, vous dites: Ça ne l'était pas. Le ministère a dit: Ça l'est.

Qu'est-ce qui arrive dans ce type de situation là? Comment est-ce que le projet de loi n° 451 porte remède à cette situation? Semble-t-il, vous êtes défavorable. Vous dites que ça ne respecte pas un consentement libre et éclairé. Au ministère, eux, ils disent: C'est parfait. Nous, on pense que ça respecte.

M. Comeau (Paul-André): Il y a beaucoup d'éléments à votre question. D'abord, en ce qui concerne globalement les points que vous avez soulevés, nous avons confié à Me Lapointe le suivi immédiat et son équipe, réduite pendant les vacances vous le comprendrez, s'est mise à l'oeuvre. Il peut vous donner déjà le résultat des démarches faites pour répondre aux questions, relever les points d'interrogation, et ainsi de suite. Et Me Ouimet vous répondra quant aux conséquences de la loi n° 451 là-dessus.

M. Lapointe (Simon): Les démarches qui ont été entreprises, ça a été de prendre contact avec les représentants du ministère de l'Emploi et de la Solidarité afin de clarifier les zones grises entre la perception qu'on a de la réalité et ce qui s'est passé dans les faits. Actuellement, on est en train de faire le suivi avec eux en vue de les rencontrer, sauf que la rencontre doit avoir lieu la semaine prochaine, en principe, ou, en tout cas, dans les jours qui viennent, de sorte qu'on pourra, à ce moment-là, évaluer avec eux s'il y a encore des zones grises ou non. À l'occasion du prochain rapport que la Commission va produire suite à la deuxième phase des enquêtes spéciales, on va pouvoir élaborer et préciser le fruit de nos travaux avec les gens du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. C'est un rapport qui devrait être rendu public, sauf erreur, en quelque part au mois d'octobre.

M. Comeau (Paul-André): En d'autres termes, M. le député, vous aurez, à côté des colonnes, une nouvelle colonne, l'état maintenant de la situation, ce qui a été réglé depuis. Et ça devrait être rendu public vers le 15 octobre. Me Ouimet voudrait répondre sur le plan juridique à votre question.

M. Ouimet (André): En vertu du projet de loi n° 451, ce qui se passerait si on était dans la situation, c'est que la Commission donnerait un avis. Supposons que l'avis est toujours défavorable, l'entente devrait être soumise au gouvernement pour approbation. Avant cette approbation, l'entente devrait être publiée à la Gazette officielle avec un avis qu'à l'expiration d'un délai de 30 jours elle pourrait être approuvée par le gouvernement. Ça veut donc dire qu'il y aurait un processus ouvert de prépublication avec commentaire, et tout ça. Il ne faut pas oublier aussi que les avis de la Commission sur les ententes sont déposés devant l'Assemblée nationale. Donc, vous auriez toute l'information, à ce moment-là.

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Garon): Le temps du parti libéral est écoulé, l'opposition officielle. Il reste huit minutes au parti ministériel.

M. Boisclair: Très rapidement, je voudrais aussi, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent à la télévision et ceux qui sont dans cette salle, rappeler à ces personnes que le jupon partisan de nos amis d'en face dépasse quelque peu, et la preuve en est facile à faire, puisque, malgré les améliorations saluées dans le projet de loi, tant par la Commission que ceux que nous entendrons tout à l'heure, le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne, l'opposition s'est opposée à l'adoption de principe du projet de loi.

Que l'opposition, à la fin du processus, se dise insatisfaite du processus et vote contre, que l'opposition, lorsque vient le temps de débattre en commission parlementaire, vote contre un article, ce sont des choses qui peuvent arriver, mais que, sur le principe même du projet de loi, l'opposition vote contre, on comprend bien maintenant quel était le stratagème politique que l'opposition a choisi, quel est le chemin partisan qu'elle a préféré à celui qui, pourtant, nous avait toujours guidés dans nos travaux. C'est exceptionnel de voir, sur le principe d'un projet de loi, alors que nous proposons des modifications, l'opposition voter contre le principe. Il faut bien se rappeler ces faits lorsque vient le temps d'apprécier la pertinence des interventions des membres de l'opposition.

(16 h 20)

Je voudrais poser une question aux membres de la Commission quant à l'article 35 du projet de loi. Nous entendrons tout à l'heure le Protecteur du citoyen venir nous entretenir de ses recommandations. Une de celles qu'il nous a faites concernait la situation où un membre de la Commission voyait son mandat expiré et non renouvelé, alors qu'il avait déjà commencé à instruire une affaire se retrouvait devant une situation qui pourrait causer préjudice aux personnes qui avaient débuté l'audition.

Nous inspirant des dispositions du Tribunal administratif du Québec, l'article 55, me glisse-t-on à l'oreille: Un membre remplacé peut, avec l'autorisation du président... Nous avons cru bon, nous inspirant de la loi du TAQ, de requérir l'autorisation du président. Le Protecteur du citoyen nous indique qu'il préférait voir un article libellé de la façon suivante: «Malgré son remplacement, un membre peut continuer à instruire une affaire dont il a été saisi et en décider dans un délai de six mois suivant son remplacement.»

Est-ce que, selon vous, l'autorisation du président serait requise, est-elle nécessaire, est-elle utile et est-elle pertinente dans l'intérêt du justiciable, ou s'il serait préférable, comme le recommande le Protecteur du citoyen, d'enlever la référence à l'autorisation du président? C'est très technique, mais...

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, je vais répondre en me basant sur l'expérience de la Commission. Ensuite, sur le plan juridique, je demanderai à Me Ouimet d'enchaîner. Le cas s'est présenté une fois dans l'histoire de la Commission où un membre, après son départ, la fin de son mandat, avait laissé un dossier en suspens. C'est de là que découle ce projet d'amendements pour lesquels, d'ailleurs, le Protecteur du citoyen est intervenu. Le problème, est-ce que c'est le président, est-ce que c'est un délai de six mois? j'avoue personnellement que je n'ai pas de lit de fait là-dessus – je vais être très franc – mais peut-être, d'un point de vue juridique, y a-t-il une idée différente.

M. Ouimet (André): Non, pas différente, mais, outre le précédent du Tribunal administratif, il faudrait peut-être aussi regarder le précédent chez les comités de discipline des corporations professionnelles où la situation s'était aussi présentée. On a modifié le Code des professions en conséquence.

M. Boisclair: Bien. Alors, pour moi, ça termine cet échange. Je vous en remercie.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la Commission d'accès à l'information du Québec de leur contribution aux travaux de la commission. J'invite maintenant les représentants du Protecteur du citoyen à s'approcher de la table des délibérations.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Garon): Alors, M. le Protecteur du citoyen, si vous voulez, Me Meunier, vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Nous avons 45 minutes ensemble. Ça veut dire normalement 15 minutes pour votre exposé, 15 minutes de part et d'autre, du parti ministériel et du parti de l'opposition officielle. Me Meunier.

M. Boisclair: Où est Me Jacoby?

M. Meunier (Jacques): Pardon?

M. Boisclair: Où est Me Jacoby?

M. Meunier (Jacques): Me Jacoby est présentement à l'étranger. Il s'excuse évidemment de ne pouvoir être présent devant vous aujourd'hui. Je vous présente, à ma gauche, Me Micheline McNicoll, qui est notre spécialiste en matière d'accès à l'information, c'est elle qui vous présentera le mémoire du Protecteur du citoyen; à ma droite, j'ai Me Patrick Robardet, qui est notre directeur de la recherche et des services juridiques.

Alors, je passe tout de suite la parole à Me McNicoll qui va vous présenter le mémoire du Protecteur.


Protecteur du citoyen

Mme McNicoll (Micheline): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Le projet de loi n° 451 modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels propose plusieurs modifications qui améliorent de façon substantielle la législation actuelle. Parmi celles-ci, on peut noter particulièrement l'assujettissement des ordres professionnels et des organismes municipaux à la loi sur l'accès – sujet sur lequel nous sommes ouverts pour toute discussion suite à la demande qui nous en a été faite – les mesures visant à faciliter l'accès à l'information des personnes handicapées, les pouvoirs additionnels accordés à la Commission d'accès à l'information, les nouvelles modalités régissant les échanges de renseignements personnels et les dispositions visant l'utilisation des technologies. Ce sont autant de dispositions auxquelles le Protecteur du citoyen ne peut que souscrire.

Toutefois, certaines dispositions suscitent encore des interrogations et des inquiétudes à l'égard de la volonté réelle du gouvernement de renforcer les droits conférés par la loi sur l'accès. Le Protecteur du citoyen réfère ici aux nouvelles dispositions qui autorisent le gouvernement à approuver une entente permettant la communication de fichiers entre organismes sans avis préalable en cas d'urgence, à l'absence de mesures pour mieux encadrer les dérogations à la loi sur l'accès ainsi qu'à une nouvelle disposition visant à restreindre davantage l'accès à l'information.

Avant d'aborder ces questions, le Protecteur du citoyen désire commenter les dispositions du projet de loi portant sur les propositions qu'il formulait dans son mémoire d'octobre 1997 à la commission de la culture.

Sur les renseignements personnels à caractère public, le Protecteur, tout en appuyant en 1997 la recommandation de principe de la Commission d'accès à l'information à l'effet de modifier l'article 55 de la loi sur l'accès afin de limiter la diffusion des banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public, proposait que l'on procède au préalable à une étude exhaustive des finalités, des usages, des finalités considérées comme légitimes dans une société libre et démocratique et des modalités d'accès.

Cette proposition était motivée par la nécessité d'encadrer l'accès aux renseignements personnels à caractère public du fait que ceux-ci ne jouissent d'aucune espèce de protection. Ainsi, il était théoriquement possible d'obtenir des banques de données complètes sur des personnes physiques simplement parce que ces renseignements avaient un caractère public. La finalité elle-même du caractère public, c'est-à-dire la raison pour laquelle une loi confère un caractère public à un certain type de renseignements, ne pouvait servir à restreindre l'accès.

Les renseignements sur les personnes physiques sont confidentiels, c'est la règle. Le caractère public de ces renseignements est une exception et doit être traité en fonction de ce critère. De plus, étant donné que les finalités pour lesquelles un renseignement personnel a un caractère public et la justification de ces finalités ont été déterminées souvent à des époques antérieures à l'utilisation massive des technologies, il importe d'examiner la pertinence et la légitimité de ces finalités.

L'article 13 du projet de loi n° 451 propose une disposition qui, sans répondre entièrement aux voeux du Protecteur du citoyen, comporte une importante amélioration, c'est-à-dire l'accès à l'unité. Le nouvel article 55 est clair sur le sujet. En limitant l'accès à ces renseignements à l'unité, l'article proposé évite la constitution incontrôlée de banques de données sur les personnes physiques, et ceci est très bien. Toutefois – et c'est là la réticence que nous avons toujours, mais ceci ne nous empêche pas de nous rallier au nouvel article – on ne s'interroge pas sur les finalités dans cet article. Alors, la seule garantie que puisse avoir le Protecteur du citoyen, c'est qu'une réflexion sur la légitimité et la pertinence des finalités soit effectuée par la Commission d'accès, qui doit être avisée de toute communication de fichiers. Il souhaite donc que la Commission n'hésite pas à utiliser ses pouvoirs.

L'approche retenue par le législateur, il faut le reconnaître, présente l'avantage de pouvoir être rapidement mise en oeuvre et d'être pragmatique en ce qu'elle se fonde sur les besoins actuels et la technologie actuelle. Dans cette optique, le Protecteur du citoyen se rallie à la nouvelle version, mais il estime, par contre, que l'on ne devrait pas restreindre le type de fichiers à ce qui est de la nature d'un registre ou d'un rôle d'évaluation, puisque ce qui est visé en principe, c'est tout fichier contenant des renseignements personnels à caractère public. On propose donc que les mots «de même nature» soient enlevés de la deuxième ligne du deuxième alinéa de l'article 13 du projet de loi n° 451.

Le Protecteur du citoyen revient et insiste sur la nécessité de mieux encadrer les dérogations à la loi sur l'accès et notre mémoire reprend la proposition que nous avions faite en 1997. Donc, on déplore qu'aucune mesure législative n'ait été prise pour mieux encadrer les dérogations possibles à cette loi. L'obligation faite à la Commission de faire rapport sur les dispositions des lois qui énoncent expressément s'appliquer malgré la loi sur l'accès ne fait, selon nous, qu'ajouter aux responsabilités déjà très grandes de la Commission sans pour autant donner à celle-ci ainsi qu'aux citoyennes et citoyens intéressés les moyens d'analyser et d'évaluer la pertinence et la légitimité des dérogations.

(16 h 30)

On sait qu'il y a toujours des débats, des débats publics, mais – on l'avait déjà souligné – on peut manquer d'outils pour faire des débats éclairés, et c'est ce que la proposition du Protecteur du citoyen voulait promouvoir. Donc, on demande de reconsidérer la possibilité de mieux encadrer les dérogations et que l'article 168 de la loi sur l'accès soit modifié en lui ajoutant les paragraphes suivants:

«Il ne peut être dérogé aux droits reconnus par la présente loi que par une règle ou une mesure dont l'impact est raisonnable et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique», avec une étude qui devrait accompagner ces projets de loi, un exposé détaillé du problème, une évaluation sociojuridique, une analyse des coûts, des mesures alternatives à celles auxquelles il est dérogé, un exposé sur les technologies et les structures qui seront utilisées pour la mise en oeuvre des dispositions qui affectent les droits.

Et le fait qu'il y ait une seule dérogation par année ou une dérogation aux trois ans, pour nous, ce n'est pas tellement le nombre qui compte, mais c'est que ce sont des entorses importantes au principe de prépondérance de la loi. Alors, on demande qu'une réflexion soit continuée sur cet aspect.

Concernant l'évaluation préalable des mesures législatives et administratives qui affectent les droits conférés par la Loi sur l'accès, on dirait que c'est pratiquement, en tout cas, une belle surprise dans le projet de loi. L'introduction de l'article 123.1 proposé par l'article 41 du projet de loi, qui énonce que la Commission a aussi pour fonction d'examiner l'impact de l'utilisation des technologies sur la protection des renseignements personnels, doit être soulignée comme une étape importante dans l'histoire de notre droit sur la protection des renseignements personnels. Cette disposition témoigne de la conscience qui est maintenant acquise de l'influence des technologies sur l'exercice des droits. Il y a lieu d'être optimiste et de considérer que les ressources nécessaires à l'exercice efficace de cette nouvelle fonction seront accordées à la Commission d'accès à l'information.

Et, puisque nous sommes optimistes, nous proposons certaines modifications à cet article, par exemple préciser les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information à l'intérieur de sa fonction d'examen de façon à ce qu'elle puisse, sans aucune ambiguïté, procéder de sa propre initiative ou à la demande d'une personne, d'un groupe, d'un organisme, d'un ministre ou du gouvernement du Québec, convoquer des audiences publiques, ordonner la production de documents, ordonner la diffusion de documents aux conditions qu'elle détermine, c'est-à-dire gratuitement – par exemple, la Commission pourrait le faire – ordonner la comparution de personnes ou d'organismes, procéder à des expériences-pilotes, prescrire toute mesure nécessaire à cet examen et imposer à la Commission l'obligation de remettre dans tous les cas, je veux dire quelle que soit l'initiative qui est prise, au ministre son rapport d'examen qui sera déposé devant l'Assemblée nationale, évidemment, pour en assurer la publicité la plus complète.

Concernant les effets de la fin du mandat d'un membre de la Commission d'accès à l'information, vous avez tout juste abordé la question, tout à l'heure, avec la Commission. Je signale simplement que notre article est inspiré directement du Code des professions qui, lui, ne soumet pas la continuation, c'est-à-dire le fait qu'un membre puisse continuer d'instruire une affaire à l'autorisation de qui que ce soit. Alors, à la page 7 de notre mémoire, on le retrouve.

Concernant maintenant nos inquiétudes, il y a cette nouvelle disposition qui restreint l'accès à l'information, l'article 7 qui propose une nouvelle disposition restreignant l'accès à l'information et permettant à un organisme public de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler une politique budgétaire du gouvernement avant que le ministre des Finances ne la rende publique. Notre position là-dessus est que, d'après la lecture que l'on fait des articles 21 et 22 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, tels qu'ils se lisent actuellement – que je ne relirai pas, là – les politiques budgétaires nous apparaissent être couvertes. En fait, on ne voit pas en quoi cet article-là est nécessaire, et ça n'était vraiment pas évident. Toutefois, si l'accès à l'information est démontré, le Protecteur du citoyen propose que l'exercice de la discrétion administrative soit alors balisé en obligeant l'organisme public à préciser les motifs justifiant son refus de confirmer l'existence ou de donner communication d'un règlement. Par exemple, dans les articles 21 et 22, il y a des balises, il y a des raisons, il y a un rationnel là-dedans, alors on ne voit pas qu'est-ce que cet article ajoute.

L'autre point sur lequel nous avons des réticences, c'est concernant l'utilisation de pouvoirs d'urgence, donc les articles 24 et 25 du projet de loi n° 451 visant à habiliter le gouvernement, dans les cas d'urgence, à approuver une entente de communication de renseignements personnels ainsi qu'à autoriser la communication d'un fichier de renseignements personnels sans être tenu de publier un avis. Il devra alors toutefois indiquer les motifs justifiant l'urgence; mais on parle bien des motifs qui justifient l'urgence.

Dans un premier temps, le Protecteur du citoyen estime que la portée du pouvoir du gouvernement en cas d'urgence est ambiguë. En effet, alors que l'alinéa précédent de l'article 70 parle de «l'entente» – donc, de l'entente sur laquelle la Commission a émis un avis défavorable; donc, il y a eu un avis déjà de la Commission – l'alinéa suivant parle «d'une entente», comme s'il s'agissait d'une règle de portée générale. Alors, ou c'est un oubli ou c'est une faute de syntaxe, mais «l'» ou bien «un», ça fait toute la différence du monde là-dedans parce que ça voudrait dire qu'on pourrait prendre n'importe quelle entente, incluant une entente sur laquelle la Commission n'a pas émis d'avis. Ceci peut avoir, donc, un impact majeur, car, s'il ne s'agit que d'une règle complémentaire, le fait de ne pas être tenu de donner avis aura alors moins d'importance, puisque la Commission a déjà été saisie de l'entente et s'est prononcée sur son contenu. Bien que la même ambiguïté soit moins apparente à l'article 70.1, les mêmes remarques s'appliquent. Il conviendrait de préciser le libellé de ces deux dispositions. Ça, c'était sur la compréhension qu'on a de ces articles.

Dans un deuxième temps, c'est la transparence du processus qui préoccupe le Protecteur du citoyen. La transparence des motifs d'urgence n'est pas suffisante. Il faudrait que la loi exige également que le gouvernement indique les motifs pour lesquels il passe outre à une recommandation défavorable de la Commission.

Et, troisièmement, bien que la notion d'urgence soit toute relative, il est difficile d'imaginer un contexte qui fasse en sorte que l'on doive écarter les règles les plus élémentaires. Le législateur doit exiger qu'on lui démontre la nécessité de ces dispositions. On n'avait aucun exemple à l'esprit. S'il y en a, des cas concrets, on est prêts à les considérer. Le Protecteur du citoyen propose donc qu'avant de modifier la loi les parlementaires exigent que la nécessité de doter le gouvernement de pouvoirs d'agir en cas d'urgence sans obligation de publier un avis soit démontrée avec des exemples concrets; que, si une telle démonstration est faite, le libellé de l'article 70 soit précisé dans le sens de limiter le pouvoir gouvernemental d'approuver une entente, sans avis préalable, à «l'entente» déjà évaluée par la Commission; que le libellé de l'article 70.1 soit précisé également dans le sens de limiter le pouvoir d'agir; et, quatrièmement, que le gouvernement soit tenu d'indiquer les motifs pour lesquels il passe outre à une recommandation défavorable, et non pas uniquement ses motifs d'urgence. Mais, évidemment, la première question c'est: Pourquoi des pouvoirs d'urgence? Ensuite, savoir exactement quel est le libellé souhaité. Merci.

Le Président (M. Garon): Merci, Mme McNicoll. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Bon, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Je comprends que sur bien des sujets nous sommes en convergence de vues et je tiens à le souligner. Je voudrais reprendre la liste des propositions que vous nous avez présentées en annexe de votre mémoire, en vous indiquant d'ores et déjà que, quant à la première recommandation, nous sommes tout à fait d'accord avec cette recommandation. Effectivement, les mots «de même nature» pouvaient sembler contraignants, et nous agréons à cette recommandation. Quant à une modification à l'article 168 de la Loi sur l'accès, nous avons fait un certain nombre de recommandations qui devront être regardées.

De façon particulière, vous nous interrogez sur les dérogations. Je voudrais vous informer d'un certain nombre de décisions qui accompagnaient le mémoire au Conseil des ministres, qui sont en trois points. D'abord, toute nouvelle dérogation ne peut être en vigueur plus de cinq ans, à moins que des circonstances particulières ne le justifient. C'est un principe qui a été adopté par le Conseil des ministres et c'est le Comité de législation qui aura la responsabilité de veiller à son respect. Donc, ce n'est pas une réponse législative aux problèmes que vous soulevez, mais c'est davantage une réponse d'attitude, ou on pourrait dire: C'est une politique que le gouvernement a adoptée sur les dispositions dérogatoires.

(16 h 40)

Maintenant, vous nous questionnez. Vous dites: Il faudrait aller plus loin sur les clauses dérogatoires. Comment vous dire? Ce que j'ai tenté de faire quand nous avons présenté le projet de loi, c'est de permettre un débat public dans deux cas, sur les clauses dérogatoires et dans les cas où le gouvernement irait à l'encontre d'une recommandation, d'un avis de la Commission d'accès lorsqu'il y a échange de renseignements entre deux organismes, et je pense qu'il faut accorder un certain mérite au débat parlementaire.

Lorsque vous nous dites qu'il n'y aura pas lieu, pour les gens, de s'exprimer, de se faire entendre, nous sommes tous, ici, des élus de la population, et j'ai vu à plusieurs reprises des parlementaires, de par la qualité de l'argumentation et la qualité du débat public, remettre en question l'opinion d'un ministre ou d'un gouvernement, et, à bien des égards, nous sortons renforcés du débat parlementaire. Donc, si nous croyons que le débat parlementaire a des vertus et que les représentants de la population peuvent bien faire les choses, comme ils l'ont souvent fait, on décide, dans le cas des clauses dérogatoires, de permettre un débat public au moment du rapport quinquennal sur l'application de la loi, rapport qui est automatiquement débattu en commission parlementaire.

Je vous rappelle aussi que chacun des rapports annuels de la Commission... Et c'est un des rares organismes, la Commission d'accès à l'information, dont le rapport annuel est débattu en commission parlementaire et discuté en commission parlementaire. Je ne connais pas de pareille obligation qui est faite aux parlementaires en ce qui a trait, par exemple, au rapport annuel de la Commission des droits de la personne. Je pense que les seuls exemples qui me viennent à l'esprit, c'est le rapport du V.G., le rapport, sans doute, du Protecteur du citoyen, mais c'est une disposition qu'on retrouve rarement dans nos lois. Donc, il se fera un débat.

De la même façon, dans le cas où le gouvernement décide d'aller à l'encontre d'un avis de la Commission d'accès à l'information pour procéder à un échange de renseignements, on est venu compliquer la chose un peu. On s'est dit: Le gouvernement prend la décision. Je pense qu'il a la légitimité pour le faire, puisque c'est aux élus à prendre des décisions et à en justifier par le débat public. Même si, aux yeux de certains, ces décisions vont à l'encontre de principes qui ont été établis dans des lois, pour d'autres raisons, le législateur peut décider de procéder, mais il aura à le faire en toute transparence. C'est ce qui faisait défaut, auparavant, l'entente entrait en vigueur dès le moment où le gouvernement prenait une décision. Là, on dit: Le gouvernement prend une décision, publie dans la Gazette officielle , et la décision entre en vigueur après les délais de publication. Donc, on permet certainement un débat public. Et, connaissant le jeu parlementaire, je suis convaincu que l'ensemble des parlementaires seront très attentifs à ces questions. Donc, je voudrais un peu nuancer vos propos.

J'entends très bien vos préoccupations. Vous auriez souhaité qu'on aille plus loin. Je vous réponds que votre point de vue est certainement pertinent, mais je voudrais vous inviter à le nuancer, à la lumière de la qualité du débat qui peut se faire en commission parlementaire ou ailleurs à l'Assemblée nationale, fait par des gens qui sont démocratiquement élus et légitimement représentants de leurs concitoyens.

Sur la recommandation 3, je note que vous nous indiquez de préciser les pouvoirs de la Commission de façon à ce qu'elle puisse sans aucune ambiguïté faire, et ainsi de suite, convoquer des audiences, et tout le reste. Nous avions commencé, dans le projet de loi, à rédiger un texte qui aurait ressemblé à celui que vous nous proposez, mais rapidement les gens du Comité de législation et d'ailleurs au gouvernement nous ont bien rappelé que le législateur – quelle est cette belle expression? – ne parle pas pour ne rien dire et que la Commission a tous les pouvoirs et peut le faire. Donc, nous n'avons pas retenu cette proposition que vous nous faites, mais nous poursuivons toutefois le même objectif.

Là où j'aimerais vous entendre, et ce serait d'autant plus... Vous pourrez commenter, si vous le souhaitez, mon introduction, mais j'ai devant moi trois avocats membres d'un ordre professionnel, en l'occurrence le Barreau, et j'aimerais vous entendre sur ce qui apparaît être l'incompatibilité de l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur le secteur public, les ordres professionnels utilisant comme principal argument le fait que ceux-ci ne doivent pas être perçus comme un démembrement de l'État et que le Conseil interprofessionnel, qui s'exprime au nom de l'ensemble des ordres professionnels, craint que cette décision soit un prélude à d'autres décisions qui tendraient, à terme, à assimiler les ordres professionnels à des organismes publics. Vous qui connaissez bien l'appareil institutionnel, qui connaissez bien l'État dans ses rouages et qui êtes membres aussi d'un ordre professionnel, est-ce que c'est là une crainte légitime de voir les ordres professionnels être assimilés à un démembrement de l'État?

M. Meunier (Jacques): Bon, est-ce que c'est une crainte légitime? C'est un peu difficile de répondre à la question telle quelle. Il est évident que les ordres professionnels sont appelés à jouer des rôles qui peuvent être vraiment différents l'un de l'autre, à savoir le rôle premier de protéger...

M. Boisclair: Prenons le Barreau, par exemple.

M. Meunier (Jacques): Pardon?

M. Boisclair: Prenons le Barreau, par exemple.

M. Meunier (Jacques): Prenons le Barreau, par exemple. Le Barreau, en principe, comme les autres ordres professionnels, doit se préoccuper de la protection du public, mais en même temps c'est une corporation professionnelle, c'est un regroupement d'avocats qui évidemment ont des préoccupations parfois autres et même parfois qui se sont révélées conflictuelles. On ne peut pas ignorer cette réalité-là.

On a pris connaissance – très rapidement, malheureusement – du mémoire qui a été préparé par le Conseil. Je dirai, d'abord, que notre première réaction a été un petit peu de surprise, dans un contexte où on a appris que le ministre responsable des corporations professionnelles a créé un comité qui doit revoir tout le système professionnel. Quand on voit les arguments mis de l'avant par le Conseil interprofessionnel, on réalise que le lien est très intime entre le système professionnel proprement dit et le volet accès aux documents et protection des renseignements personnels. Alors, notre première question a été de se demander: Est-ce qu'il est prématuré de régler ce problème-là alors que, demain, après-demain, dans quelque temps, ce comité viendra avec, semble-t-il, un nouveau système professionnel à proposer au gouvernement? Est-ce que le mandat du comité devrait être élargi pour permettre justement à ce même comité de proposer, concernant le volet protection des renseignements personnels, des dispositions qui seraient cohérentes avec le nouveau régime?

Immédiatement nous vient quand même à l'esprit que, quand on dit «demain ou après-demain», ça peut être dans deux ans, ça peut être dans trois ans, dans cinq ans. Il apparaît plus urgent que ça que des dispositions claires existent dans la législation concernant la protection des renseignements personnels et l'accès aux documents en ce qui concerne les ordres professionnels. Je pense que le législateur, lorsqu'il a adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, pensait avoir inclus là-dedans les corporations professionnelles, puisque, de toute façon, il ne les avait pas incluses expressément dans la loi sur le secteur public. Les tribunaux sont venus dire que ce n'était pas le cas. Alors, la question qui se pose présentement, c'est de savoir: Est-ce que les ordres professionnels devraient être assujettis à la loi sur le secteur public ou à la loi sur le secteur privé ou être assujettis à des dispositions puisées dans l'une ou dans l'autre pour répondre à leurs particularités et qu'on pourrait mettre dans le Code des professions?

Je pense que je vais repasser la parole à ma collègue, Me McNicoll, qui est quand même plus familière que moi avec le monde de la protection des renseignements personnels. Puisqu'on en a discuté un peu avant de venir ici, je crois qu'elle pourra vous éclairer mieux que moi sur le sujet.

(16 h 50)

Mme McNicoll (Micheline): Merci, Me Meunier. Ce qu'on a constaté, c'est que, loin d'aller vers l'hermétisme, je pense que le Conseil veut aller vers une grande transparence, quelquefois rendre des renseignements, qui autrement seraient protégés, publics, par exemple sur les professionnels, leur spécialité, différentes choses comme celles-là, et favoriser aussi l'exercice du pouvoir de vérification, ça nous est apparu. C'est sûr qu'on est pour la vertu, là-dedans, mais je pense qu'on est en face aussi de problèmes assez majeurs. L'un d'eux qui apparaît rapidement, c'est: Que va-t-il advenir de la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, celle du secteur public ou celle du secteur privé, qui se veut un bloc unitaire des règles de base? M. le ministre, vous vous rappellerez que vous avez dit, je pense, aux gens du secteur privé, en octobre dernier, qu'il n'était pas question de faire des règlements pour préciser parce que justement ça allait fragmenter les règles.

L'un des principaux arguments qui sont avancés dans le mémoire du Conseil, c'est d'éliminer la démarche d'interprétation. Ça revient au moins trois fois, sinon davantage. Donc, à travers tout ça, il nous apparaît que, bon, ils veulent préciser les choses pour rendre les choses plus faciles pour le citoyen, qu'on sache tout de suite quels documents sont accessibles, quels renseignements sont à caractère public, d'autres qui sont protégés. Comme on vous l'a dit, ça apparaît être sous le signe d'une grande vertu, c'est-à-dire simplifier la vie, simplifier l'accès, rendre les choses plus transparentes; donc, plutôt que d'éliminer, disons, réduire la démarche d'interprétation.

Je dirais que c'est un argument très habile puis qui est très séduisant. Mais, au-delà de ça, si on regarde qu'est-ce qui est à côté de ça, bien, M. le ministre, ça revient à ce que le secteur privé vous demandait: Par exemple, qu'est-ce qu'un consentement éclairé, qu'est-ce qu'un bon formulaire, etc.? Eux autres demandaient un règlement. Donc, je pense qu'il faut regarder la situation dans son ensemble, tout en reconnaissant la spécificité des corporations professionnelles qui, je pense, démontrent, peut-être pas de façon très concrète, là, mais, dans des principes, qu'effectivement il y a des spécificités.

Entre autres, une chose qui nous a touchés, parce qu'on est nous-mêmes commissaires-enquêteurs, c'est que le syndic soit limité dans sa cueillette d'information. On a pris pour acquis que c'était l'état de la réalité. Il nous est apparu aussi que le secret professionnel avait l'air d'être un petit peu malmené au nom de la vérification. Ce n'est pas évident partout, mais, à certaines énumérations où le syndic ou l'ordre pourrait communiquer des renseignements personnels sur les professionnels, ils pourraient être amenés à donner des renseignements qui seraient touchés par le secret professionnel. Donc, de prime abord, on peut reconnaître que, oui, les corporations professionnelles ont des spécificités de par leur mandat de protection du public, mais aussi de par leur caractère corporatif d'une association privée.

Nous autres, ce qu'on souhaite pour le citoyen, c'est qu'il y ait toujours cet instrument unique qui est la loi, soit celle du secteur privé, soit celle du secteur public, parce que faciliter la vie au citoyen, qu'est-ce que ça veut dire? Ça peut vouloir dire ça, ça peut vouloir dire commencer à fragmenter les législations. Il y a une pondération à faire. On constate, sans en faire une proposition – je fais bien attention, là – que, dans la loi sur le secteur privé, il y a déjà une section qui s'appelle les «agents de renseignements personnels». Pourquoi n'y aurait-il pas une section qui s'appellerait «corporations professionnelles»? On pose la question simplement, tout en reconnaissant qu'il faut aller plus loin dans la réflexion. Je pense qu'il y a des choses qui ont été présentées de façon théorique, bien que claires, mais qui demanderaient des approfondissements puis de voir bien les impacts, parce qu'on peut vouloir faire très bien de la main droite puis, de la main gauche, bien, mon Dieu, on vient de créer une situation moins intéressante. Et, pour ce qui est d'éliminer la démarche d'interprétation, c'est bien relatif.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait extrêmement plaisir de souhaiter la bienvenue à M. le Protecteur du citoyen adjoint ainsi qu'à ses proches collaborateurs et à sa collaboratrice.

J'aimerais commencer en disant que, à notre point de vue, l'utilité de la démarche à laquelle on participe aujourd'hui est merveilleusement bien illustrée par votre intervention. La raison pour laquelle on est ici, c'est pour entendre des groupes, des individus, des organismes et des experts sur le projet de loi.

J'écoutais le ministre, tantôt, dire, avec sa sensibilité extrême, qu'il ne comprenait pas que l'opposition officielle se soit opposée au stade de ce qu'on appelait jadis la «première lecture», l'adoption du principe du projet de loi. Il y avait encore bien des choses là-dedans qui, à notre point de vue, manquaient, et, peut-être en écoutant des gens comme le Protecteur du citoyen plutôt qu'en le sommant, en quelque sorte, de changer sa façon de faire en lui disant: Faut avoir plus de nuance, ce n'est pas comme ça...

Nous, on n'est pas ici pour juger ce que vous dites. Le Protecteur du citoyen, tout comme la Commission d'accès à l'information, c'est parmi ce groupe restreint d'organismes qui sont nommés par les parlementaires. Ce n'est pas un gouvernement un tel qui décide: Ça va être cette personne-là. Dans le cas du Protecteur du citoyen, ça prend l'aval d'une majorité claire des parlementaires. Et le fait est que, nous, de notre côté, on donne une importance capitale à votre intervention aujourd'hui, et on va mesurer justement notre appui pour le projet de loi en fonction de l'acceptation ou pas de plusieurs de vos recommandations et observations.

Sans plus, M. le Président, mon collègue le député de Jacques-Cartier avait plusieurs remarques et questions à formuler, à propos du rapport, auprès du Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux membres du Protecteur du citoyen. Tantôt, le ministre a dit: Il faut respecter le processus démocratique et les débats entre les élus, mais, moi, je me rappelle fort bien, au moment de l'adoption de la loi n° 32, la situation qui était chaotique, pour dire le moins. Le ministre des Finances est arrivé à la toute fin de la session avec un projet de loi très ambitieux, il a changé ça à tour de bras, il y a des amendements qui sont arrivés l'un après l'autre. Alors, quand on parle d'un certain respect du processus démocratique, je pense, entre autres, qu'il faut appeler les ministres à faire la même chose. Et, quand je vois juste la situation à la Commission d'accès à l'information qui, semble-t-il, au moment de l'adoption de la loi n° 32, a donné son aval et qui, depuis ce temps, a tout fait pour retirer son aval au projet de loi, le rapport de M. Comeau de cette année parle de la loi n° 32 comme d'une démarche du ministère du Revenu qui demeure préoccupante. Alors, après avoir donné le feu vert, il a reculé sur la position qu'il avait donnée.

Juste pour la protection du citoyen, comment est-ce qu'on peut assurer que, dans nos débats de fin de session, dans les choses comme ça, une opinion qui dit qu'une démarche du gouvernement va à l'encontre de la protection des renseignements personnels... C'est quoi, si vous pouvez expliquer votre préoccupation sur le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès? Qu'est-ce que le gouvernement doit faire pour mieux assurer que les besoins et les droits des citoyens sont protégés, à ce moment de nos années parlementaires?

Mme McNicoll (Micheline): Oui, bien, M. le ministre, tout à l'heure, nous a dit qu'il y avait une décision du Conseil des ministres sur la durée d'une dérogation. C'est un pas, mais ce n'est évidemment pas ce que nous souhaitons. Nous avons vécu cette expérience tous ensemble, et notre recommandation 2 est sincère, et puis nous la maintenons parce que, ne serait-ce que pour faire un débat parlementaire éclairé, c'est vrai que ça prend un minimum d'information. Et, comme vous le soulignez, souvent, dans un certain enthousiasme du gouvernement et dans une certaine période de l'année, il peut arriver que des projets de loi soient présentés sans que l'information nécessaire soit présente. J'ai déjà vu des mémoires au Conseil des ministres, puis on sait que ce genre de choses est présenté déjà, hein? Alors, pourquoi ne pas le rendre dans le débat? Il me semble que ça serait un bon pas de dire: Bon, bien, une évaluation sociojuridique, une analyse de coûts, des mesures alternatives. Je trouve que ça donnerait de la crédibilité puis que ça respecterait aussi l'intelligence de tout un chacun.

(17 heures)

Lorsque des mesures sont bien expliquées, sont bien évaluées, je pense que, étant tous membres d'une même société, on peut mieux en débattre. Actuellement, on n'a pas de telles garanties. Qui que ce soit, même dans les plus grandes vertus démocratiques qu'il pratique, peut, dans l'enthousiasme ou dans la hâte de procéder à certaines actions, peut-être mettre ça de côté.

On maintient que ça serait un minimum, vraiment, et que finalement l'exercice qui est fait souvent par des fonctionnaires et qui est déjà présenté soit disponible et soit structuré davantage, je pense que ça valoriserait. Vraiment, ça valoriserait, ça donnerait un sens spécial à la prépondérance de la loi sur l'accès qui est comme une charte, finalement. Tous les autres projets de loi, ils ont leur mode d'action. Pourquoi est-ce que, quand on parle d'une loi prépondérante, ça passerait comme toutes les autres? Si elle est prépondérante, il faut la traiter avec la considération... Puis il nous semble que, nous autres, on ne peut pas abandonner une telle position, même s'il y a des pas de faits. Il me semble que c'est une garantie minimale.

M. Kelley: Je partage votre opinion. Je ne me rappelle pas les chiffres exacts, mais, de mémoire, il y avait comme 150 ou 170 articles dans le projet de loi n° 32. Ils sont arrivés avec autant de modifications législatives. À minuit moins quart, ils ont émis une motion de clôture et nous sommes revenus dans la Chambre. Il n'y a pas un chat qui a bien compris ce que nous avons adopté dans la confusion. Alors, dans ça, parce que c'est quelque chose qui est très névralgique, qui touche le traitement des renseignements personnels de tous les contribuables au Québec, on a fait ça sans débat éclairé. Je pense que c'est quelque chose qu'il faut regretter. Je trouve fort intéressante la proposition qui est faite par le Protecteur du citoyen pour essayer de mettre en relief une opposition, une opinion contraire à ce qui est là.

Une autre question sur votre première recommandation, juste au niveau pratique. Je comprends fort bien les organismes publics qui détiennent un registre, mais l'économie de notre système d'évaluation foncière, il y a un certain élément de comparaison dans ça pour m'assurer que mon compte à payer est comparable à mon voisin ou à la personne qui demeure dans un édifice, une maison plus ou moins semblable dans une autre municipalité. Alors, on cherche toujours à voir que les choses sont plus ou moins équitables.

Chez nous, dans notre municipalité, dans la bibliothèque municipale, après le dépôt d'un nouveau rôle d'évaluation, on met ça sur une table. Tout le monde peut le consulter pour voir c'est quoi, la nouvelle évaluation pour notre propre maison, mais également pour voir un petit peu dans le voisinage c'est quoi les...

Dans la proposition qui est faite ici, juste au niveau pratico-pratique pour les greffiers des villes, est-ce que, moi, je dois arriver avec une liste d'adresses? Alors, je vais demander en premier lieu... Parce que je ne peux avoir les renseignements qu'à l'unité, alors je demande 130, rue Principale, et je dois revenir après ça pour avoir l'évaluation pour la maison à 132, rue Principale, etc. Est-ce que ça risque de créer un certain problème de gestion? Est-ce que ça va... Pour quelqu'un qui veut savoir toutes les valeurs sur la liste, il va être capable de le faire, mais ça va juste prendre des heures et des heures pour remplir les formulaires pour avoir accès au rôle au complet. Comment est-ce qu'on peut gérer tout ça?

Mme McNicoll (Micheline): Sans présumer de l'interprétation, là, la compréhension que j'en ai, suite aussi à l'historique qui nous amène là, c'est que l'accès à l'unité, ça implique que vous nommiez les adresses que vous voulez consulter et non pas dire: Je veux toute la banque de données. C'est à peu près ça, là. Parce que vouloir toute la banque de données, c'est bien évident que c'est pour d'autres fins: ou bien vous êtes courtier pour des gens qui veulent les renseignements... Mais, vous, vous arrivez puis vous voulez comparer votre maison aux maisons du quartier. Bon. À l'unité, je veux dire, vous êtes capable d'identifier. Vous avez votre adresse civique. Vous dites: Je veux comparer à ça, ça, ça, ça, ça. Ça peut se faire dans le même moment. Il n'y a pas 24 heures entre chaque demande. À l'unité, je pense que c'est comme ça que ça s'interprète. Mais, écoutez, moi, c'est ce que je comprends, par opposition à demander toute la banque de données, comme on a vu des cas devant la Commission d'accès à l'information. Et ça respecte le... Si vous voulez comparer, vous prenez le temps qu'il faut, parce que, de toute façon, si vous êtes un individu qui veut comparer le prix de sa maison à une autre, vous ne demanderez pas toute la banque de données pour l'amener chez vous ou vous ne la téléchargerez pas complètement.

M. Kelley: Mais est-ce que la pratique de mettre ça dans la bibliothèque municipale va être défendue?

Mme McNicoll (Micheline): Dans?

M. Kelley: Maintenant, ce que notre ville fait, elle met ça sur une table dans la bibliothèque municipale. Alors, tout le monde peut le consulter, il n'y a qu'une...

Mme McNicoll (Micheline): Mais je ne pense pas que personne parte avec le truc et s'en aille chez lui avec, hein?

M. Kelley: Non, non, non. Non, c'est juste sur une table, et c'est consultation sur place.

Mme McNicoll (Micheline): Mais, comme toujours, il peut s'installer et les consulter une après l'autre...

M. Kelley: Oui.

Mme McNicoll (Micheline): ...et les prendre en note, un petit peu comme on a le plumitif du palais de justice: vous pouvez vous installer là et pitonner toute la journée et vérifier des choses. Ça ne nuit pas à l'accès à l'information, mais personne ne peut dire: Moi, je veux toute la copie de ça, tout le rôle, je veux l'apporter chez nous. Alors, c'est ça, la différence.

M. Kelley: Mais, quand je lis le libellé ici, on ne peut permettre l'accès qu'à l'unité. Mais, pour les municipalités, de mettre ça sur une table dans une bibliothèque, ils ont mis le rôle au complet, c'est public.

Mme McNicoll (Micheline): À l'accès.

M. Kelley: Je ne sais pas.

Mme McNicoll (Micheline): Oui.

M. Kelley: Je comprends qu'est-ce qu'on vise à faire dans cet article...

Mme McNicoll (Micheline): Mais le libellé ne correspond peut-être pas à...

M. Kelley: ...mais c'est juste pour dire que, si quelqu'un vraiment veut avoir le rôle, il va embaucher un étudiant avec une grande pile de crayons pour aller écrire ça journée après journée. Au bout de la ligne, il peut avoir le rôle au complet, mais ça va être juste difficile d'y avoir accès. Est-ce que c'est ça qu'on vise? Est-ce que c'est ça qu'on cherche à faire? C'est tout.

M. Meunier (Jacques): Il pourrait être important de peut-être revoir la rédaction du texte, parce qu'il y a des municipalités qui ne donneront pas une interprétation aussi large que celle qui est voulue ici, semble-t-il, parce que la prohibition est bien là d'offrir la banque de données en son entier. Donner accès, ce n'est pas uniquement en faire une photocopie et l'envoyer chez vous, c'est aussi la mettre à la disposition sur une table à l'hôtel de ville. Alors, il y a des municipalités qui vont lire ça en disant: On ne peut plus donner accès de cette façon-là, en offrant le registre devant vous.

Mme McNicoll (Micheline): C'est sûr que, quand on le lit en ayant à la pensée ce que je viens de vous dire... Mais, effectivement, ça pourrait être lu autrement. On n'a pas de suggestion pour un autre libellé, mais je pense que l'intention est claire. La rendre, ça va être un autre défi, sans doute.

M. Kelley: Parce que, ça, également, c'est un petit peu un différent...

Mme McNicoll (Micheline): Oui.

M. Kelley: ...ordre d'idée, mais les listes électorales... Bientôt, plusieurs des personnes autour de la table vont devenir candidats. On aura accès, comme candidats, aux listes électorales et à des copies pour nos circonscriptions. Jusqu'à quel point est-ce que ça va devenir public? Parce que, si c'est dans nos locaux de campagne, ce n'est pas un accès limité. On encourage les bénévoles, on encourage tout le monde à venir consulter. Mais est-ce que, ça, c'est considéré comme un registre? Est-ce que c'est quelque chose avec lequel il faut être prudent, l'utilisation de la liste électorale permanente? Il y a beaucoup de questions qui sont soulevées par ça. Je n'ai pas de conclusions, mais, quand je vois le libellé, ça peut être très restrictif et je ne sais pas si c'est ça qui est le but recherché.

Mme McNicoll (Micheline): On va continuer d'y réfléchir de notre côté, M. le député, quitte à ce qu'on en rediscute plus tard.

M. Kelley: Merci beaucoup.

(17 h 10)

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants du Protecteur du citoyen de leur contribution aux travaux de la commission et j'invite immédiatement les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à s'approcher de la table de délibérations.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Garon): Alors, M. Lazure, je vais vous inviter à vous présenter et à présenter les gens qui vous accompagnent. Nous avons 45 minutes ensemble. Ça veut dire normalement 15 minutes pour votre exposé et 15 minutes pour chaque côté, c'est-à-dire pour les députés ministériels, le ministre et même pour l'opposition officielle. À vous la parole.


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Lazure (Denis): Merci, M. le Président. Je salue vos collègues des deux côtés. Je salue M. le ministre en particulier et son équipe puisqu'ils ont eu l'amabilité de nous inviter à présenter à cette commission. À ma gauche, Mme Anne Hébert et, à ma droite, M. François Nichols.

Alors, je vais lire rapidement la majeure partie de ce court mémoire. En octobre 1997, l'Office a présenté un mémoire à la commission de la culture dans le cadre de l'examen du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le présent mémoire se veut un complément à celui que nous avions déposé alors et aussi à la lettre que nous avions envoyée au ministre, le 14 juillet dernier.

L'Office est heureux de constater qu'une bonne partie de ses recommandations ont été retenues en ce qui a trait à la loi sur l'accès. Toutefois, il veut réitérer l'importance de tenir compte également des besoins des personnes handicapées restreintes dans leur capacité de compréhension, déficience intellectuelle, une clientèle qui rencontre généralement des obstacles majeurs à leur intégration sociale. L'Office déplore aussi l'absence de mesures facilitantes à l'égard des personnes handicapées relativement à la loi sur le secteur privé, une opportunité manquée de sensibiliser les entreprises aux droits des personnes handicapées relatifs aux renseignements qui les concernent.

Dans le mémoire d'octobre 1997, on mettait de l'avant trois principales modifications: la première, l'obligation de fournir tout document ou de communiquer un renseignement sous une forme adaptée à une personne handicapée sérieusement limitée dans sa capacité de lire ou d'entendre; deuxièmement, l'obligation de prêter assistance à une personne handicapée restreinte dans sa capacité de comprendre, déficiente intellectuelle; troisièmement, la localisation des dossiers dans des endroits accessibles et, à défaut, l'exemption de paiements de tous frais.

Le projet de loi dont nous avons reçu copie en juin dernier répond relativement bien au premier et au troisième élément mentionnés ci-dessus.

L'absence du deuxième élément nous laisse perplexe. L'Office a comme mission de voir à la coordination des services offerts aux personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts et leur intégration sociale, professionnelle et scolaire, peu importe le type de déficience. C'est pourquoi l'Office a fait des recommandations dans son mémoire d'octobre 1997 portant sur les besoins de toutes les catégories de personnes handicapées. Nous ne pouvons accepter aucun compromis qui priverait une catégorie de notre clientèle des mesures législatives facilitant l'exercice de ses droits, d'autant plus que les personnes ayant une déficience intellectuelle représentent une partie importante de la population des personnes handicapées, environ 300 000 personnes, et qu'elles éprouvent généralement de sérieux problèmes pour participer, à parts égales, à notre société.

Nous sommes d'avis qu'il est tout aussi primordial d'inclure une obligation d'assistance concernant les personnes handicapées limitées dans leur capacité de comprendre qu'il l'est d'exiger de fournir des médias adaptés aux personnes ayant une déficience visuelle ou auditive ou de s'assurer que les personnes à mobilité réduite n'aient pas à encourir des frais pour obtenir des documents lorsque les lieux ne sont pas accessibles. Le législateur n'avait sûrement pas l'intention de permettre une telle discrimination fondée sur le type de déficience lorsqu'il a adopté la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui modifiait, entre autres, la Charte des droits et libertés de la personne afin d'éliminer toute discrimination basée sur le handicap.

L'Office réitère sa proposition de modifier la loi sur l'accès pour y ajouter un devoir d'assistance à une personne ayant une déficience intellectuelle pour l'aider à comprendre les documents ou renseignements auxquels la loi lui donne accès. La proposition de l'Office s'inspire, dans une certaine mesure, de l'article 84.1 de la loi qui prévoit que les établissements de santé ou services sociaux, ainsi que la CSST, la Société de l'assurance automobile et la Régie des rentes doivent, à la demande d'une personne, lui fournir l'assistance d'un professionnel qualifié pour l'aider à comprendre le renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant.

On comprend que l'existence de cet article de la loi découle du fait que, pour le commun des mortels, il peut souvent être difficile de comprendre certains renseignements de nature médicale ou sociale sans l'assistance d'une personne. Pour une personne ayant une déficience intellectuelle, limitée dans sa capacité de comprendre, cela peut être vrai non seulement à l'égard de renseignements nominatifs de nature médicale ou sociale, mais aussi à l'endroit de documents ou renseignements provenant de n'importe quel organisme public et que peut comprendre une personne sans limitation intellectuelle. Il apparaît alors nécessaire d'accommoder la personne ayant une telle déficience, de l'accommoder du mieux possible. L'assistance du responsable ou d'un professionnel qualifié de l'organisme en cause apparaît comme un moyen réaliste.

Allez-y donc. Mme Hébert va continuer.

Mme Hébert (Anne): Délai de réponse à une demande pour des médias adaptés. Les ajouts apportés par le projet de loi aux articles 10 et 84 de la loi sur l'accès concernant l'obligation de fournir un document ou un renseignement sous une forme adaptée à la demande d'une personne ayant une déficience visuelle ou auditive ont engendré un ajout à l'article 98 portant sur les délais de réponse à une demande. En effet, le deuxième alinéa de l'article 98 est remplacé par le suivant:

«Dans le cas où le responsable de l'accès aux documents donne communication d'un renseignement sous forme adaptée à une personne atteinte d'une déficience visuelle ou auditive, il peut alors déterminer le délai dans lequel le document lui sera communiqué dans une forme adaptée.»

Nous comprenons bien que, dans certains cas, il sera impossible de respecter le délai régulier même si celui-ci est porté à 30 jours, cela, à cause des démarches supplémentaires que l'organisme public aura à faire pour produire ou faire produire ce document aux médias adaptés. Toutefois, afin de permettre un véritable exercice des droits, nous recommandons fortement que ce délai soit balisé. Deux alternatives se présentent alors: ajouter le mot «raisonnable» ou «convenable» après le mot «délai» – la législation fédérale parle d'un délai convenable – ou fixer un délai maximum de 60 jours.

Un délai de 30 jours additionnels nous semble tout à fait raisonnable pour obtenir ou produire un document sous une forme adaptée. Par exemple, de plus en plus d'utilisateurs de braille possèdent des équipements informatiques leur permettant de transformer des fichiers de texte en braille. Il suffirait alors de leur fournir le fichier informatique sur disquette. La production de texte en gros caractères est également relativement facile. L'Office et ses partenaires du milieu des personnes handicapées sont en mesure de fournir des normes de production précises dans le cadre de l'élaboration de la réglementation rattachée à ces articles 10 et 84. Des normes claires à ce chapitre devraient faciliter le respect du délai de livraison d'un document sous forme adaptée.

M. Lazure (Denis): M. Nichols, s'il vous plaît.

M. Nichols (François): Alors, en ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet de loi n° 451 prévoit l'assimilation des ordres professionnels régis par le Code des professions à la catégorie des organismes publics dans le cadre de la loi sur l'accès. L'Office se réjouit de cet élargissement de l'application de cette loi, car les personnes handicapées ont souvent à consulter des professionnels appartenant à ces ordres, surtout dans le domaine de la santé, en raison de leur déficience ou de leur incapacité.

Toutefois, l'absence totale de référence aux besoins des personnes handicapées dans la loi sur le secteur privé est difficile à expliquer. Nous comprenons bien qu'il serait difficile de transposer intégralement dans la loi sur le secteur privé l'ensemble des mesures que nous recommandons en lien avec la loi sur l'accès, compte tenu des problèmes évidents d'application. Nous comprenons également et sommes d'avis que le secteur public doit donner l'exemple en termes d'adaptation aux besoins des personnes handicapées.

Toutefois, l'Office recommande, au minimum, que l'on rappelle l'obligation d'accommoder l'exercice des droits des personnes handicapées dans la loi sur le secteur privé. À cet effet, un ajout à la fin de l'article 29 de cette loi est une avenue à considérer. Cet ajout viendrait rappeler que toute personne qui exploite une entreprise doit prendre des mesures raisonnables d'accommodement pour assurer aux personnes handicapées l'exercice de leurs droits prévus aux articles 37 à 40 du Code civil du Québec et à la loi sur le secteur privé.

(17 h 20)

Dans le mémoire que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec présentait en septembre 1997 à cette commission parlementaire, elle expliquait que, du point de vue de la Charte des droits et libertés de la personne, les obstacles que peut rencontrer une personne du fait de sa déficience sensorielle, motrice ou intellectuelle, et je cite, «peuvent constituer des facteurs de discrimination indirects» et que, par conséquent, je cite encore, «les organismes et les entreprises ont l'obligation de reconnaître les besoins particuliers des personnes handicapées et d'adapter leurs procédures d'accès et de rectification en conséquence».

L'Office est d'avis que la loi sur le secteur privé devrait, à tout le moins, rappeler aux entreprises leur obligation d'accommoder les personnes handicapées dans l'exercice de leurs droits relatifs aux renseignements qui les concernent.

L'Office offre son entière collaboration pour formuler l'ajout qu'il recommande et surtout relativement à l'application d'une telle obligation sur le terrain. À cet effet, nous pourrions contribuer à la rédaction d'un guide pratique qui pourrait être mis à la disposition des entreprises et organismes privés. Ce guide expliquerait les diverses solutions possibles et les références à des organismes du milieu, dont les bureaux régionaux de l'Office, pouvant apporter leur assistance dans le but de trouver une solution concrète et raisonnable à la demande d'une personne handicapée.

M. Lazure (Denis): Alors, Mme la Présidente, l'Office, en conclusion, fête cette année le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et de la création de l'Office. Bien qu'il y ait encore beaucoup de chemin à parcourir afin d'assurer aux personnes handicapées les services et les mesures qu'elles requièrent pour participer pleinement à titre de citoyen et de citoyenne à parts égales de notre société, il y a eu des progrès significatifs dans plusieurs domaines clés. Le domaine de l'accès à l'information ne figure pas sur cette dernière liste et la révision en cours des deux lois concernées est une occasion idéale pour faire un certain rattrapage dans ce secteur.

L'Office a fait ses première représentations dans ce secteur en 1981 lors des audiences du Comité d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels qui ont précédé l'entrée en vigueur de la loi sur l'accès. L'Office est intervenu à plusieurs reprises depuis, notamment en 1992, en 1996, en 1997, afin d'essayer d'introduire des mesures d'accommodement raisonnables aux besoins particuliers des personnes handicapées dans les lois concernées. La Commission d'accès à l'information a reconnu le bien-fondé des interventions de l'Office et la commission de la culture a répondu tout récemment en bonne partie aux attentes de l'Office. Il est maintenant temps d'introduire toutes les mesures essentielles requises pour favoriser pleinement l'exercice des droits des personnes handicapées dans ce domaine. Merci.

La Présidente (Mme Léger): Merci bien. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Messieurs, madame, bienvenue au salon rouge. Dr Lazure, vous avez conclu votre présentation en disant qu'après 20 ans les questions d'accès aux documents des organismes publics n'avaient pas encore connu les adaptations nécessaires pour faire en sorte de figurer au palmarès des victoires de l'Office, et ce, malgré des recommandations qui datent pour la première fois, m'avez-vous dit, de 1981. Je pense qu'en ces matières, à nouveau, il aura fallu un gouvernement du Parti québécois pour traduire cette volonté dans un texte de loi.

Je me réjouis de voir que nous franchissons ensemble un nouveau pas. Je dois le dire bien honnêtement, bien candidement, c'est grâce aux représentations de l'Office. Je n'avais pas été personnellement sensibilisé à ces questions avant la présentation de l'Office à laquelle j'ai eu l'occasion... lorsque vous êtes venus en commission parlementaire et je vous ai entendu pour la première fois. Donc, je comprends que vous vous réjouissez de l'introduction d'un certain nombre de modifications qui vont dans le sens de vos recommandations.

Je discutais tout à l'heure avec mes collègues, pendant votre présentation, et nous convenons que, pour le secteur privé, il faut faire un pas de plus. Et je me réjouissais, à la page 9 de votre mémoire, lorsque vous nous indiquez: «L'Office est d'avis que la loi sur le secteur privé devrait, à tout le moins, rappeler aux entreprises leur obligation d'accommoder les personnes handicapées dans l'exercice de leurs droits relatifs aux renseignements qui les concernent.» Je pense qu'on va être capables de faire un autre bout de chemin d'ici l'adoption finale du projet de loi et que nous allons certainement nous inspirer de vos propos à cet égard.

Il resterait donc une question qui est celle de l'obligation de porter assistance. Là, j'aimerais peut-être que vous puissiez m'instruire d'un certain nombre de cas qui auraient pu attirer votre attention, puisqu'on me dit qu'il serait difficile de traduire dans un texte législatif cette obligation qui serait plutôt de nature ou de portée générale. Les personnes que nous avons consultées sur cette question nous indiquent que, dans de rares situations, celles-ci sont... les personnes sont présentes, sont accompagnées de personnes qui les représentent, un proche les accompagne lors de la consultation d'un document, et que cela semble satisfaisant. Est-ce que vous pourriez, peut-être, nous aider? Nous sommes de bonne volonté, là-dedans. On ne veut pas non plus nécessairement, sans trop de débats, introduire une nouvelle obligation à portée générale. Est-ce qu'il y a des cas particuliers qui ont été portés à votre attention? Est-ce que vous pouvez...

M. Lazure (Denis): Oui, Mme la Présidente. Il est vrai que, dans la plupart des cas, la personne déficiente au plan intellectuel est accompagnée par un proche, mais il arrive de plus en plus, parce que les personnes avec déficience intellectuelle vivent beaucoup plus longtemps qu'auparavant, qu'une fois devenue adulte, dans la quarantaine ou cinquantaine, la personne handicapée intellectuelle n'a plus de parents, n'a plus de proches. Ou encore, on n'a qu'à se référer aux soi-disant orphelins de Duplessis. Il y a quand même des milliers de personnes adultes avec déficience intellectuelle marquée qui n'ont pas de proches. Dans ces cas-là, la personne peut se présenter seule, elle peut se présenter seule auprès d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental. Ce que nous disons, c'est que la loi devrait prévoir l'obligation d'une assistance. Peut-être que M. Nichols peut ajouter ou Mme Hébert.

M. Nichols (François): Oui. On comprend que, dans un texte de loi, une obligation semblable, c'est peut-être difficile à libeller, mais ce qui nous a donné l'idée, c'est l'article 84.1 de la loi, aussi. Alors, on fait une analogie. On dit: Si, dans certains cas, on prête assistance à une personne qui n'est pas handicapée intellectuelle pour l'aider à comprendre des renseignements complexes, on devrait en faire autant à l'endroit d'une personne handicapée intellectuelle pour toutes sortes de renseignements, que ce soit des renseignements qui la concernent ou des documents.

La proposition qu'on a faite, sur laquelle on n'a malheureusement pas pu échanger avec des gens de la Commission d'accès ou avec des gens du ministère, on parle, on a repris l'idée d'assistance d'un professionnel qualifié, mais ça pourrait être tout aussi bien l'assistance d'une personne qualifiée ou l'assistance du responsable lui-même. Mais l'idée demeure que, pour permettre l'émancipation de la personne handicapée intellectuelle qui se présente elle-même, on devrait lui donner un coup de main puis lui permettre d'aider à comprendre ce qu'elle demande.

M. Lazure (Denis): On dit dans notre texte que c'est...

M. Boisclair: Mais les personnes handicapées sont couvertes par 84.1.

M. Nichols (François): Oui, oui, c'est vrai, mais il s'agit quand même d'un nombre... ça ne couvre pas tous les organismes publics et ça ne vise que les renseignements de nature médicale ou sociale...

M. Boisclair: Oui, oui. Tout à fait.

M. Nichols (François): ...et des renseignements nominatifs. Alors, on parle d'élargir ça aux documents administratifs et à l'ensemble des organismes, quelle que soit la nature des renseignements.

M. Boisclair: Un peu dans le même ordre d'idée, mais sur un sujet qui est connexe. Est-ce que l'obligation de porter assistance, à l'article 44, dans la formulation d'une demande – 44, c'est dans la section III, à la page 13, c'est dans les procédures d'accès – où déjà la personne responsable de la loi d'accès dans l'organisme a la responsabilité d'aider la personne qui fait une demande à préciser sa demande...

M. Nichols (François): Ça pourrait être sous forme d'un ajout, là. Alors, on ira un petit peu plus loin que la formulation de la demande ou l'identification d'un document. Alors, il y aurait une assistance, là, pour comprendre un peu ce qu'il y a dans le document, dans la mesure du possible, évidemment. Une obligation semblable...

M. Boisclair: Mais dans la mesure du possible, là, ça s'écrit mal dans un texte de loi.

(17 h 30)

M. Nichols (François): Bien, c'est-à-dire qu'il y a toujours un élément d'interprétation dans l'application. Alors, ça va être dans la mesure du possible où le responsable, où la personne pourra prêter assistance. Nul n'est tenu à l'impossible, mais je pense que, si on met l'obligation dans la loi, on fait un pas en avant.

M. Lazure (Denis): J'ajouterais que, dans notre texte, on fait la comparaison avec les personnes qui ont un handicap visuel ou un handicap auditif. On dit: Le législateur a convenu qu'il fallait lui fournir des médias adaptés à ses incapacités. Pour la personne qui a une déficience intellectuelle, l'adaptation du médium, si on veut, c'est de se faire fournir des explications additionnelles par une personne compétente, pas nécessairement un professionnel. Comme M. Nichols dit, ça peut être une personne compétente pour le faire.

Et, finalement – dernier commentaire – précisément parce que la plupart sont accompagnés par un proche, les gens dont on parle, ce n'est pas un grand nombre, mais c'est quand même... Quand il s'agit d'un service adapté aux handicapés, même s'il y en a seulement quelques centaines dans une année, pourquoi pas le faire? Pourquoi les priver de cette assistance-là?

M. Boisclair: Je ne veux pas non plus laisser miroiter de faux espoir sur cette question. Ce qu'on me dit, c'est qu'elle est fort complexe, et les gens craignent, chez nous, d'introduire une obligation à portée générale, ce qui pourrait être très lourd. Maintenant, j'entends très bien ce que vous me dites, et soyez assurés que je vais rediscuter de cette question avec mes collègues.

De façon plus précise sur votre première recommandation sur le secteur privé, nous allons très certainement nous inspirer de vos propos à la page 9 de votre mémoire, et je tiens à nouveau à vous remercier pour la qualité de vos représentations.

La Présidente (Mme Léger): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, Mme la Présidente. J'ai de la difficulté à comprendre la résistance du ministre. Le ministre dit...

M. Boisclair: ...

M. Laporte: Oui, je suis probablement un handicapé intellectuel, mais j'ai de la difficulté à comprendre la résistance du ministre à vouloir répondre positivement aux demandes qui sont faites par la Commission. Évidemment, c'est peut-être parce que, dans votre mémoire et dans celui que vous avez présenté antérieurement, vous parlez beaucoup des obstacles que peut rencontrer une personne. Au fond, si on avait des données statistiques, ou si on avait une enquête, ou si on avait des études de cas qui nous montraient, disons, quel genre d'obstacles les gens rencontrent, en quoi ça leur occasionne des frustrations, ça leur occasionne des malaises, des difficultés, peut-être qu'à ce moment-là on arriverait à convaincre le ministre plus facilement. Mais il vient de nous dire, par exemple, que lui juge l'obligation de porter assistance comme étant, disons, une mesure d'application complexe. Je ne vois pas pourquoi c'est une mesure d'application complexe. Donc, il y a quelque chose derrière cette hésitation, cette résistance. Je ne comprends pas pourquoi. Mais peut-être que c'est parce que finalement on n'est pas suffisamment sensibilisés au problème.

Sans avoir besoin d'une étude scientifique pour démontrer qu'il y a un problème, ça me paraît assez vraisemblable qu'il y en ait un, d'autant plus que vous nous avez dit – et, à mon avis, fort justement – que, dans certains cas, l'aide bénévole, ou l'aide privée, ou l'aide des proches n'est pas nécessairement suffisante, parce qu'il y a de ces gens-là qui vivent dans l'isolement. Je vous répète, Mme la Présidente, qu'il me semble que, là, il y a une demande qui est faite et qui est entièrement justifiée, puis je ne vois pas trop pourquoi le ministre refuse de s'engager à y donner suite.

La Présidente (Mme Léger): Oui, M. Lazure.

M. Lazure (Denis): Peut-être pour réagir au député, l'Office réitère son offre de collaboration à la fois pour éclairer le législateur et les collègues du ministre, comme le député le dit, sur l'incidence de ces cas-là, puis on pourra donner des exemples pour que vos équipes soient plus sensibilisées à ce problème. Et, deuxièmement, l'Office pourra aider aussi au libellé. Il ne s'agit pas de mettre un libellé qui soit excessif, la demande en est une d'ordre raisonnable. Et, à cet égard, l'Office serait heureux de collaborer avec le ministère et le cabinet.

La Présidente (Mme Léger): Ça va, M. le député d'Outremont?

M. Laporte: Ah oui. Ça va, madame.

La Présidente (Mme Léger): Oui?

M. Laporte: Si je peux aider les handicapés ayant ce type de déficience, je pense que j'en serai récompensé sur cette terre ou ailleurs.

La Présidente (Mme Léger): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. En tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de services aux personnes handicapées, moi et mes collègues, le député de Chomedey, porte-parole dans le dossier, souhaiter la bienvenue à l'Office des personnes handicapées du Québec qui a déjà, semble-t-il, éclairé le ministre des Relations avec les citoyens, et on souhaite que cet éclaircissement continue.

Je vois, Mme la Présidente, que le ministre s'est permis un peu de ce qu'on appellerait en anglais «a little bit of literary license» quand il a dit, dans ses remarques préliminaires, que l'Office des personnes handicapées a remarqué que la plupart de ses recommandations sur le droit d'accès ont été incorporées au projet de loi. Vous, vous dites «une bonne partie des recommandations». Le français n'étant pas ma langue maternelle, je peux deviner une légère, peut-être une subtile nuance entre «la plupart de» et «une bonne partie de».

Mais, cela étant, Mme la Présidente, pour revenir un peu sur la question de porter assistance pour les personnes avec une déficience intellectuelle, je pense que l'Office soulève un problème, entre autres, d'équité, que déjà le projet de loi a tenté de préciser certaines mesures pour porter assistance à d'autres types de personnes qui souffrent d'autres handicaps, entre autres auditif et visuel. Si j'ai bien compris, je pense que l'Office fait un plaidoyer pour élargir cette notion d'assistance à une clientèle qui est dans le besoin et fort nombreuse dans la société québécoise.

Antérieurement, à d'autres commissions parlementaires, nous avons discuté de toute la notion des consentements libres et éclairés et qu'il devient nécessaire, dans une société, d'assurer que des personnes donnent un consentement libre et éclairé. Mais ça devient également nécessaire, je pense, que des ministères portent une assistance pour s'assurer que des décisions qui sont prises le sont avec tous les outils à la disposition de l'État.

Et, si je peux suggérer peut-être quelque chose et au président de l'Office et au ministre, la loi n° 186 indique que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité «prête assistance à toute personne qui le requiert pour lui faciliter la compréhension des mesures, programmes et services d'aide à l'emploi et, le cas échéant, à l'accès à ceux-ci». Ça pourrait également être une formulation intéressante. Mais, encore là, je suis convaincu, avec l'expérience des légistes au ministère et avec l'expertise de l'Office, que la commission pourrait s'entendre sur une formulation qui, je pense, doive quasiment, de par sa nature, rester un peu large, mais qui pourrait faire avancer les choses.

(17 h 40)

En ce qui concerne l'autre lacune identifiée par l'Office, celle qui porte sur la question de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, là aussi, je suis un peu embêté, et peut-être que le président peut tenter de m'éclairer un peu sur comment on pourrait procéder. C'est, quant à moi, un peu moins évident, comment on pourrait adapter des choses dans le secteur privé. Mais un domaine néanmoins de plus en plus important, à moins que je me trompe, dans la question de la protection des renseignements privés pour les personnes handicapées, c'est le secteur privé, qui risque d'avoir une portion accrue dans ce type de renseignements. Comment est-ce qu'on pourrait mieux protéger les personnes handicapées, dans un premier temps, et mieux garantir l'accès dans le secteur privé?

M. Lazure (Denis): Le ministre a fait une ouverture importante, tantôt, dans ses remarques, disant qu'il était tout à fait disposé à ce qu'il y ait un début de mesures applicables au secteur privé. La notion qu'on mentionne dans notre texte et qui est de plus en plus à la mode, pour ainsi dire, dans les différentes lois, c'est la notion de «mesures raisonnables d'accommodement». Le gouvernement fédéral a passé à quelques reprises, depuis quelques années, des législations qui contiennent cette notion de «mesures raisonnables d'accommodement». C'est large. Peut-être que Me Nichols peut élaborer un peu là-dessus.

M. Nichols (François): Oui. Alors, votre question va dépendre des cas qui vont être soumis. L'obligation d'accommodement, comme on le sait, a été développée par les tribunaux. Ça a commencé dans le domaine du travail; maintenant, ça s'étend en matière de droit judiciaire, en matière de loisirs, d'école. Alors, je pense que les initiatives vont s'accumuler, et puis ça donnera des exemples. En même temps, l'expérience qui va se vivre dans le secteur public, ça pourra aussi servir. Alors, on parle des mesures raisonnables dans chaque cas, dépendamment de l'entreprise, dépendamment des besoins de la personne.

La Présidente (Mme Léger): Mme Hébert.

Mme Hébert (Anne): Il va s'agir, bien sûr, de cas par cas, mais je peux donner peut-être un exemple précis dans le privé où une personne qui lit le braille pourrait faire une demande d'avoir son dossier personnel en braille. Comme son dossier serait volumineux et puis les coûts de production en braille seraient très élevés, une mesure raisonnable d'accommodement pourrait être une entente entre l'entreprise et la personne pour qu'une partie de son dossier soit copiée sur disquette. Donc, elle aurait accès à l'information sans entraîner des coûts très élevés pour l'entreprise. Va falloir fonctionner cas par cas, mais l'évolution technologique ouvre beaucoup de possibilités. On croit qu'il y a possibilité d'avoir des accommodements très faciles sans entraîner des coûts élevés pour l'entreprise.

M. Copeman: Donc, des accommodements peuvent découler d'une définition assez large dans un projet de loi ou dans une loi, et ce serait mis en application essentiellement par du cas par cas.

M. Lazure (Denis): Oui, exactement. C'est une pratique qui évolue. La notion est relativement récente, et les pratiques essaient de s'adapter à cette nouvelle philosophie. Alors, c'est difficile de prévoir tous les cas à l'avance, mais je pense qu'il faut ouvrir une porte, même si elle n'est pas grande ouverte, mais, avec cette porte ouverte, commencer à l'appliquer sur des cas particuliers.

M. Copeman: Merci.

La Présidente (Mme Léger): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Regardez bien, M. le président de l'Office, Mme la Présidente de la commission, je trouve ça un peu rigolo de voir les députés d'en face nous faire la leçon. D'abord, ils ont voté contre le principe du projet de loi. Ils n'avaient pas à s'exprimer sur les modalités et le contenu du détail article par article du projet de loi, juste sur le principe – et les principes sont pourtant bien résumés dans les notes explicatives – et ceux-ci, aujourd'hui, se drapent dans les grands principes et dans les généreux principes. Et, lorsque est venu le temps de se prononcer à l'Assemblée nationale, là où est le lieu d'expression par excellence, là où ils ont été mandatés par leurs électeurs pour s'exprimer sur l'opportunité d'un projet de loi, sur le principe d'un projet de loi, tous ceux qui sont ici devant moi ont voté contre le principe. Alors, je trouve ça un peu drôle, aujourd'hui – ha, ha, ha! – de les entendre soudainement venir me suggérer des amendements au projet de loi, d'autant plus que ce sont ces mêmes personnes qui avaient la responsabilité de revoir la Loi d'accès et qui, au début des années quatre-vingt-dix, n'ont jamais donné suite au rapport de la Commission d'accès à l'information, au rapport quinquennal.

Alors, dans ce domaine, M. le président de l'Office, comme dans d'autres, on fait face à nos responsabilités. Je tiens à vous dire que vos représentations ont été utiles et efficaces; elles m'ont permis de moi-même mieux connaître la réalité avec laquelle vous composez dans le quotidien des choses, compte tenu de vos responsabilités qui vous sont confiées par la Loi de l'Assemblée nationale. Et, à cet égard, je constate qu'on fait un bout de chemin ensemble. Ce que je vous dis, c'est qu'il faut en faire un autre. Mais, avant de m'exprimer et de dire devant mes collègues et devant la présidente de la commission que c'est un oui définitif et que je peux procéder, avant de prendre ce genre d'engagement devant d'autres, je m'assure d'abord de pouvoir les réaliser.

Dans le secteur privé, j'ai l'assurance qu'on sera capables de préciser notre pensée dans le sens de vos recommandations. Et, pour la possibilité de prêter assistance, nous allons étudier cette question. Je connais très bien la notion d'«accommodement raisonnable». C'est une notion qui est vraie pour les personnes handicapées, elle est vraie aussi pour l'adaptation des services publics pour venir en aide aux personnes nouvellement arrivées. C'est un concept qui est de plus en plus utilisé, repris par les tribunaux, qui est largement débattu aussi; on débat souvent de l'opportunité de ce concept. Donc, soyez assurés de ma bonne volonté. Je pense que c'est celle qui doit l'emporter sur les propos partisans de l'opposition. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Léger): Alors, comme il n'y a plus de membres... Oui. Il vous reste trois minutes environ. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Simplement pour dire, Mme la Présidente, que le ministre, par ses derniers mots, semble complètement ignorant de la façon dont l'opposition officielle traite les dossiers des personnes handicapées depuis quatre ans.

M. Boisclair: Vous avez voté contre pareil.

M. Copeman: Nous travaillons de façon non partisane depuis quatre ans pour faire avancer les dossiers des personnes handicapées. Je suis convaincu que le président de l'Office des personnes handicapées du Québec pourrait en témoigner et pourrait peut-être encore éclairer le ministre des Relations avec les citoyens là-dessus.

La Présidente (Mme Léger): Alors, sur ce, merci, M. le président de l'Office et tous les membres de l'Office des personnes handicapées du Québec qui sont ici présents. Et, pour nous, membres de la commission, nous allons suspendre les travaux et on se revoit demain matin, 9 h 30, à la salle Papineau, notez bien. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 48)


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