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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, November 13, 1997 - Vol. 35 N° 71

Consultations particulières sur le document intitulé Une grande bibliothèque pour le Québec


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
Mme Louise Beaudoin
M. Pierre-Étienne Laporte
M. David Payne
M. Russell Copeman
Mme Nicole Léger
M. Geoffrey Kelley
M. André Gaulin
*M. Pierre Lucier, CREPUQ
*M. Jean-Pierre Côté, idem
*M. Paolo Tamburello, ville de Montréal
*Mme Helen Fotopulos, RCM
*M. Jean-Paul L'Allier, ville de Québec
*M. Jean Payeur, idem
*M. Gérard Beaudet, Héritage Montréal
*Mme Hélène Miron, RCRSBP
*Mme Hélène Arseneau, idem
*M. Florian Dubois, ABPIM
*Mme Claire Côté, idem
*Mme Suzanne Julien, L'AEQJ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures huit minutes)

Le Président (M. Garon): Comme nous avons quorum, je déclare la séance ouverte. Rappelons le mandat de la commission, qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le rapport du Comité sur le développement d'une très grande bibliothèque intitulé Une grande bibliothèque pour le Québec .

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Vaive (Chapleau) est remplacée par Mme Houda-Pepin (La Pinière).

Le Président (M. Garon): Alors, voici l'ordre du jour pour la journée: à 9 heures – qui deviendra 9 h 10 – la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec; à 9 h 45, la ville de Montréal; à 10 h 30, le Rassemblement des citoyens et des citoyennes de Montréal; à 11 h 15, la ville de Québec; à midi, suspension; à 15 heures, Héritage Montréal; à 15 h 45, le Regroupement des centres régionaux de services aux bibliothèques publiques; à 16 h 30, l'Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal; à 17 h 15, L'Association des écrivains québécois pour la jeunesse; à 18 heures, ajournement.


Auditions

J'invite immédiatement le premier groupe, les représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, à s'approcher de la table des témoins. Nous avons 45 minutes ensemble, ce qui veut dire, normalement, 15 minutes pour l'exposé et 15 minutes pour chacun des deux partis, le parti ministériel et le parti de l'opposition, pour discussion. Alors, à vous la parole. Si vous voulez, M. Lucier, vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent pour les fins d'enregistrement au Journal des débats .


Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ)

M. Lucier (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est Pierre Lucier, je suis président de l'Université du Québec et je suis ici ce matin à titre de vice-président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

(9 h 10)

J'ai, à ma gauche, M. Jean-Pierre Côté, qui est directeur général du Service des bibliothèques de l'UQAM et qui est ici ce matin comme président du Sous-comité des bibliothèques de la CREPUQ; et, à ma droite, M. Onil Dupuis, du personnel de la CREPUQ, qui est secrétaire du Sous-comité des bibliothèques.

M. le Président, c'est avec plaisir que la CREPUQ a accepté l'invitation de la commission de la culture à participer à cette consultation publique qu'elle tient sur le projet de Grande Bibliothèque du Québec.

Au moment où l'on procède avec vigueur au redressement des finances publiques, ce projet représente un investissement considérable qui témoigne de l'importance que le gouvernement attache à la culture dans le développement de la société québécoise. La mise sur pied d'institutions et d'équipements culturels forts a fait ses preuves dans les pays de longue tradition culturelle et, dans certains cas, suscite l'admiration de tous les observateurs. La population du Québec et de sa métropole, qui manque encore singulièrement de telles institutions, notamment au chapitre des bibliothèques, profitera sûrement de ce puissant instrument de promotion de la lecture et d'accès au patrimoine documentaire du Québec et de l'humanité. Les universités ne peuvent donc évidemment qu'appuyer le projet de Grande Bibliothèque envisagé par le gouvernement, surtout qu'il s'accompagne d'une volonté d'assurer le maintien et le développement des équipements existants.

Le projet de Grande Bibliothèque du Québec procède d'un concept original qui entend concilier, en les conjuguant, la mission d'ouverture et de diffusion au grand public des collections de la Bibliothèque nationale du Québec et de celles de la Bibliothèque centrale de Montréal, auxquelles d'ailleurs s'ajouteront, au fil des années, les collections de la Grande Bibliothèque du Québec, et un mandat national de catalyseur du développement concerté d'un réseau de bibliothèques publiques modernes accessibles à l'ensemble des citoyens québécois. Pour reprendre les termes du rapport du comité Richard, ce mandat «se traduit par un rôle important de soutien et d'expertise-conseil à l'endroit de l'ensemble des bibliothèques publiques du Québec, pour tout ce qui concerne le développement et la diffusion des collections, l'organisation des services, l'intégration des nouvelles technologies, le relais virtuel de l'information avec la francophonie», en plus, et je cite toujours, d'un «rôle de bibliothèque d'appoint pour toute bibliothèque québécoise qui souhaiterait recourir à ses services» et d'exercer «une fonction de planification et de recherche au service du réseau des bibliothèques publiques».

L'actualisation de cette double mission constitue évidemment un défi de taille. En effet, la Grande Bibliothèque du Québec sera une grande bibliothèque, pour tout le Québec, à condition que sa présence et l'accès à ses collections et services soient assurés sur tout le territoire. Ce défi pourra être relevé par la mise en oeuvre de solutions originales et imaginatives, largement appuyé par une exploitation judicieuse des diverses possibilités que mettent à sa portée les technologies de l'information et des communications, mais aussi en misant sur son rôle de catalyseur du développement du réseau des bibliothèques publiques du Québec. Dans la réalisation de ce mandat, elle pourra compter sur la collaboration des bibliothèques universitaires, puisqu'il s'agira pour elles d'un interlocuteur privilégié qui, entre autres, assurera l'interface entre le réseau des bibliothèques universitaires et le réseau des bibliothèques publiques. Le plan d'action de la Grande Bibliothèque du Québec devra donc accorder une place importante à ce mandat national.

C'est d'ailleurs, M. le Président, ce deuxième volet de sa mission, ce mandat national, qui intéresse spécifiquement les bibliothèques universitaires québécoises, puisqu'elles peuvent à la fois apporter leur concours à sa réalisation et bénéficier de sa mise en oeuvre. En effet, la création de cette nouvelle interface entre le réseau des bibliothèques publiques et celui des bibliothèques universitaires leur offrira un interlocuteur régulier et un partenaire occasionnel, pour une exploitation et un développement harmonieux de services ou d'infrastructures complémentaires, en vue de mieux servir leurs clientèles respectives et réciproques.

Le rapport du comité Richard souligne, dans le chapitre qu'il consacre à la description du contexte du développement de la Grande Bibliothèque du Québec et au portrait qu'il dresse des différents réseaux québécois de bibliothèques, que, et je cite, «les bibliothèques universitaires québécoises se caractérisent, dans un contexte commun de rationalisation de leurs ressources, par une concertation très poussée entre elles et avec d'autres réseaux». Fin de la citation.

En effet, depuis 1967, les directeurs des bibliothèques universitaires québécoises, réunis au sein du Sous-comité des bibliothèques de la CREPUQ, veillent au développement concerté des collections de leurs bibliothèques respectives, en particulier de leurs collections de périodiques, partagent ou mettent en commun ressources et expertises, développent en commun services et outils collectifs, dans le respect de l'autonomie et de la spécificité de chacun des établissements universitaires, au bénéfice de l'ensemble de la communauté universitaire québécoise. Dans un contexte de raréfaction de ressources, il va sans dire que ces efforts non seulement se poursuivent actuellement, mais qu'ils s'intensifient.

Il importe aussi de noter que, dans la poursuite de ce même objectif de développement concerté, le Sous-comité des bibliothèques a, de longue date, manifesté son ouverture à des collaborations plus étroites avec différents partenaires et invité, dès 1969, le directeur général de la Bibliothèque nationale du Québec et, en 1985, le directeur de la Bibliothèque de la ville de Montréal à participer à ses travaux sur une base régulière. C'est ainsi qu'une tradition de collaboration et de concertation s'est développée, au fil des ans, entre ces partenaires majeurs du patrimoine documentaire, dans le respect du mandat et des caractéristiques propres de chacun.

À cet égard, les bibliothèques universitaires, dans le cadre de la mission qui leur est propre, ont développé en complémentarité d'importantes collections qui font partie intégrante du patrimoine québécois. Avec la collaboration de la Grande Bibliothèque du Québec au développement de passerelles appropriées, aussi bien qu'à la mise en place en partenariat des divers projets d'infrastructures nécessaires, les universités québécoises pourront plus facilement rendre encore plus largement accessibles ces collections à l'ensemble des citoyens québécois.

Il va aussi sans dire que la Grande Bibliothèque du Québec représentera pour les universités un nouveau partenaire d'autant plus bienvenu qu'il leur permettra d'établir, en leur offrant un interlocuteur principal, de véritables liens de coopération avec les bibliothèques publiques du Québec. De plus, elle jouera, et nous en sommes très heureux, un rôle de bibliothèque d'appoint autant pour les bibliothèques du Québec qui voudront recourir à ses services, incluant l'ensemble des bibliothèques universitaires québécoises, que pour leurs usagers, en particulier ceux des bibliothèques de la région métropolitaine, incluant ceux des bibliothèques universitaires.

Autant l'expérience de la CREPUQ l'assure du succès des projets qui misent résolument sur les ressemblances des partenaires, même très distincts par leur taille ou par leurs ressources, autant celle-ci lui a confirmé l'importance du respect de leurs différences et de leur spécificité dans la poursuite d'un développement complémentaire.

La CREPUQ, par l'intermédiaire de son Sous-comité des bibliothèques, sera, bien sûr, heureuse de partager son expertise en matière de développement concerté de collections et d'outils collectifs, mais elle compte aussi sur son nouveau partenaire pour explorer, par-delà la différence de leur mission respective, de nouvelles avenues, de nouvelles pistes d'actions communes. On peut ainsi mentionner à titre d'exemples les actions communes suivantes: le partage ou le développement concerté de certaines infrastructures de communications ou de services; le regroupement en consortium pour l'achat en commun de certains produits sur support électronique ou l'obtention de licences d'accès à ces produits; l'harmonisation de certaines normes, tels le recours à la norme Z39.50 pour l'interconnexion des catalogues ou l'utilisation de logiciels de gestion conformes à la norme ISO 10160/10161 pour le prêt entre bibliothèques; l'adoption de politiques communes en vue de faciliter un partage optimal ou un regroupement de certaines ressources, par exemple celles allouées au traitement de la documentation, ou celles nécessaires au développement et à l'entretien d'outils collectifs, telles des listes collectives d'abonnements courants ou des outils de formation des usagers à la maîtrise des nouvelles technologies de l'information. Ce ne sont là que des exemples.

D'autres avenues plus traditionnelles ou déjà explorées pourraient aussi être examinées sous un nouvel angle. Ainsi, par exemple, le projet d'entreposage en commun de collections peu ou rarement consultées mis de l'avant par le Sous-comité des bibliothèques à plusieurs reprises, à différents moments, comme projet autonome ou en partenariat avec la Bibliothèque nationale du Québec, pourrait à nouveau être repris dans une nouvelle perspective.

(9 h 20)

Enfin, il convient d'insister sur la force d'appui que représente pour la Grande Bibliothèque du Québec la présence des universités québécoises dans la plupart des régions du Québec. Elle pourra susciter les partenariats appropriés ou faire appel à leur ouverture et à leur collaboration pour assurer, par leur intermédiaire, cette présence tangible sur l'ensemble du territoire. Ce rayonnement constitue l'un de ses principaux défis et, partant, l'un des principaux étalons de la mesure du succès de ses réalisations.

Il n'est peut-être pas inutile d'insister ici sur le rôle de relais que jouaient jusqu'à récemment les bibliothèques universitaires québécoises dans la diffusion du patrimoine documentaire québécois. Depuis 1982, elles constituaient les principaux maillons du réseau auquel le gouvernement du Québec avait confié le mandat de rendre ses propres publications accessibles à la consultation aux citoyens de chaque région. Il est regrettable qu'on ait récemment mis fin à ce programme, sans qu'en soit véritablement évalué l'impact, en regard de la capacité du citoyen à utiliser l'Internet pour un accès à une version électronique de ces documents ou de sa préférence à consulter un document sur un support plus traditionnel.

Il importe aussi de clarifier le rôle de la Grande Bibliothèque du Québec en relation avec les énoncés de certains volets de son mandat. Ainsi, la Grande Bibliothèque du Québec se voit reconnaître un rôle de catalyseur de la représentation québécoise au sein de la bibliothèque virtuelle universelle en ce qui a trait à l'apport des bibliothèques publiques à son développement. Nous en sommes heureux. À cet égard, les bibliothèques universitaires québécoises tiennent à rappeler ici, modestement mais avec fierté, le rôle de pionnier qu'elles ont joué et le leadership qu'elles continuent à exercer concernant l'apport des bibliothèques québécoises à l'actualisation de ce concept.

De même, croyons-nous, les universités québécoises francophones ont-elles joué jusqu'à maintenant, et leurs bibliothèques y sont pour une large part, un rôle majeur au sein de la francophonie. Qu'il suffise de mentionner, par exemple, le Répertoire des vedettes-matières de Laval, développé en collaboration avec l'Université de Montréal et la Bibliothèque nationale du Québec, un outil très largement utilisé par les bibliothèques francophones et qu'a même adopté la Bibliothèque nationale de France, entre autres, pour la préparation des notices bibliographiques de sa propre bibliographie nationale. MULTILIS, développé par l'Université du Québec à Montréal, fut le premier système intégré d'automatisation de bibliothèques disponible en français et fut rapidement acquis par de nombreuses bibliothèques francophones et anglophones de différents pays. GIRI 1 et GIRI 2, deux outils d'autoformation à une exploitation plus efficace des ressources de l'Internet, développés en commun dans le cadre de la CREPUQ, grâce à la contribution d'experts au service des bibliothèques des universités Laval, de Montréal, du Québec à Montréal et de l'Université du Québec, et qui furent récemment reconnus par le guide MSN France comme l'un des 300 meilleurs sites francophones de l'Internet. Les sites des différentes bibliothèques universitaires québécoises figurent aussi régulièrement en bonne place aux divers palmarès des meilleurs sites francophones. Et l'expertise des différents directeurs des bibliothèques, aussi bien que celle de membres de leur personnel, est régulièrement sollicitée par des bibliothèques de différents pays francophones aussi bien que d'autres langues. Il serait important qu'il en soit tenu compte dans la formulation du volet du mandat de la Grande Bibliothèque du Québec qui lui octroie la responsabilité première de carrefour d'interaction avec la francophonie.

En conclusion, M. le Président, nous tenons à réitérer notre conviction que la création de la Grande Bibliothèque du Québec entraînera une synergie nouvelle et profitable entre le réseau des bibliothèques publiques québécoises et celui des bibliothèques universitaires québécoises.

La réalisation du mandat national, qui constitue le deuxième volet de la mission, devra s'appuyer sur une exploitation originale et audacieuse des nouvelles technologies de l'information et des communications. Celles-ci lui assureront une plus grande efficacité dans l'exercice de son leadership et la réalité de sa présence auprès de chacune et de l'ensemble des bibliothèques publiques, ainsi que de ses partenaires des autres réseaux de bibliothèques québécoises, dans le respect de la spécificité de leurs mandats respectifs comme de celui des organismes au sein desquels elles ont choisi de se regrouper.

Enfin, c'est grâce aux partenariats qu'elle établira avec ces derniers, ou directement avec les bibliothèques des différentes régions, et par la synergie ainsi créée, qu'elle pourra être véritablement présente auprès de l'ensemble des citoyens et étendre son rayonnement à l'ensemble des régions tout en contribuant à assurer leur interface avec le reste du monde.

Soucieuses de manifester leurs préoccupations à l'égard du développement du patrimoine documentaire québécois, les universités québécoises tenaient à profiter de l'invitation de la commission pour saluer la décision du gouvernement, même en ces temps économiquement austères, de reconnaître l'importance de la culture dans l'évolution de la société québécoise en mettant de l'avant son projet de Grande Bibliothèque du Québec. Elles ont également tenu à offrir leur collaboration à la Grande Bibliothèque du Québec et à indiquer les diverses formes que celle-ci pourrait prendre pour le plus grand bénéfice de tous les usagers. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Je dois dire que l'ordre est venu pas tellement de la commission que de l'Assemblée nationale. L'ordre de consultation est venu de l'Assemblée nationale. La commission fournit, au fond, le forum. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, merci. Alors, messieurs, M. Dupuis, M. Côté, M. Lucier, je vous remercie beaucoup. Je pense que c'est très intéressant. C'est normal que les universités, en effet, nous donnent leur point de vue sur un projet aussi important pour la société québécoise, dans le fond, dans son ensemble et puis qui, bien sûr, pour les universités, comme vous l'expliquez très bien tout au long, a aussi un grand intérêt compte tenu justement de l'interface avec les bibliothèques publiques et puis le fait, comme vous dites, d'avoir un interlocuteur national, en quelque sorte, avec un mandat bien précis, donc qui va permettre aux bibliothèques universitaires de jouer davantage leur rôle, justement, avec l'ensemble du réseau.

J'aurais, dans le fond, deux questions à vous poser pour être bien certaine là que... Quand vous venez au nom de la CREPUQ, vous avez pris comment, en d'autres termes, cette décision et cette prise de position? Parce que la CREPUQ regroupe toutes les universités, anglophones comme francophones. C'est l'ensemble des universités québécoises. Alors, j'aimerais savoir comment vous en êtes arrivés donc, à l'intérieur de la CREPUQ, à cette prise de position.

Et ma deuxième question ne vous surprendra sûrement pas, parce que je retourne à un article de Lise Bissonnette du 13 septembre 1997, et vous en parlez, des partenariats, de la collaboration. Enfin, jusqu'où êtes-vous prêts à aller? Vous l'expliquez, mais, dans le fond, ce que Mme Bissonnette disait dans Le Devoir : Bien, allons au-delà... Déjà, pour certains, c'est trop, je veux dire, malheureusement, que les deux collections, celle de la Bibliothèque centrale de Montréal et celle de la Bibliothèque nationale, se retrouvent en quelque sorte jumelées pour leur meilleure diffusion, leur bien meilleure diffusion. Mais Mme Bissonnette dit, elle: Ce n'est pas assez; il faudrait même qu'avec les bibliothèques universitaires on aille plus loin que ce que vous élaborez ce matin et ce que le comité Richard aussi élabore. Elle dit: Faisons un pas de plus et intégrons aussi – je veux dire, dans le fond, c'est un peu ce qu'elle dit – les bibliothèques universitaires dans ce concept de Grande Bibliothèque. Alors, ce serait mes deux questions.

M. Lucier (Pierre): M. le Président, la première question concerne la démarche de décision. C'est une démarche qui est toujours la même. Nous avons un sous-comité qui a travaillé plus techniquement sur la chose et préparé le matériel pour une prise de décision au conseil d'administration de la CREPUQ, donc ça a été discuté au niveau de la CREPUQ. Et jusqu'aux dernières phases même, je dirais, de peaufinage du texte final pour la formulation de la position qui avait été prise, il y a encore des consultations téléphoniques. Donc, c'est vraiment une position formelle de la Conférence des recteurs prise selon les rouages habituels, donc ça veut dire universités des deux langues.

Pour ce qui est de votre autre question, nous avons voulu marquer dans le mémoire, je dirais, deux éléments complémentaires. D'une part, l'affirmation de la spécificité de la mission de certaines bibliothèques. Une bibliothèque universitaire a une mission propre qui est liée à la formation, enseignement-recherche, dans des secteurs qui appartiennent évidemment aux champs d'action d'une université. Donc, ça, c'est à maintenir, à moins que la plongée immédiate dans un grand tout fasse que, finalement, personne ne pourrait être correctement servi.

Cela étant dit, nous pensons que nous pouvons aller très loin dans le réseautage et le maillage à la fois de l'accès et de l'ensemble de la gestion du patrimoine. Je crois que la position que nous tenons est au confluent de ces deux éléments de base. Nous ne pensons pas qu'il y ait avantage à niveler les missions ou à nier des spécificités. Il y a telles choses, une mission propre à ce que c'est qu'une bibliothèque universitaire, mais, en même temps, nous sommes très conscients que tout le monde aurait à gagner à poursuivre, dans la ligne de ce que nous faisons déjà d'ailleurs, beaucoup plus loin le réseautage de l'accès et de la gestion des stocks. Mais peut-être que sur cet élément-là plus spécifique, avec votre permission, si mon collègue, M. Côté, a des éléments plus techniques à vous exposer, peut-être que vous souhaiteriez l'entendre.

(9 h 30)

M. Côté (Jean-Pierre): Je pense que, tout de même déjà, la base de la réponse est bien assurée. Il y a plusieurs façons de répondre à la question. D'une façon générale, pour utiliser une image qui est très courante maintenant, quand on cherche à décrire le plus grand ordinateur du monde, on a à l'esprit maintenant immédiatement le réseau des centaines de milliers d'ordinateurs interreliés. C'est cela, la plus grande machine du monde. Et, quand on regarde un projet de très grande bibliothèque, donc en maintenant le superlatif, on a la conviction qu'on peut la réaliser en interreliant de façon protocolaire l'ensemble des services et systèmes documentaires d'un territoire donné.

Alors, ça, ce serait peut-être un premier élément de réponse. En filigrane, c'est ce qu'on retrouve partout. Nous souscrivons à un projet de très grande bibliothèque du Québec, mais qui va se matérialiser au fil des ans grâce à la synergie que saura créer ce nouvel établissement, grâce à son rôle de catalyseur pour accélérer sa matérialisation, grâce à son rôle d'interlocuteur privilégié pour établir les protocoles qui sauront assurer, de façon harmonieuse, les collaborations réciproques.

D'une manière plus spécifique, on peut imaginer toutes sortes de choses. Mais il faut reconnaître la conviction que l'on a que, lorsque l'on parle de patrimoine documentaire québécois, ça ne peut pas pour nous se limiter aux seules publications des auteurs québécois. C'est aussi les publications de leurs collègues dans de vastes mouvements d'idées, auxquelles ils ont participé. Et tout en reconnaissant que la fusion des deux missions de diffusion de la Bibliothèque centrale et de la Bibliothèque nationale permet à cette dernière d'assumer un rôle aussi de bibliothèque universelle, ce que la plupart des grandes bibliothèques nationales ont au coeur de leur projet, nous croyons aussi que le réseau des bibliothèques universitaires, dans son histoire, a accumulé des richesses non négligeables de ce point de vue, et on croit qu'en mettant en place les protocoles nécessaires on peut mettre au service du grand nombre, du grand public ces richesses de la même façon.

On pourrait nous demander, mais encore plus précisément, quels autres projets. Ce qu'il faut retenir, c'est cette ouverture qu'ont les bibliothèques universitaires à participer à la matérialisation d'une très grande bibliothèque du Québec et qu'a fortiori on se doit, d'une part, en premier lieu, de supporter pleinement le projet de Grande Bibliothèque qui allumera la mise en marche de sa constitution au fil des ans.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Lucier. Bonjour, chers amis. Dans ma classification des types de réactions au projet de la ministre, vous appartenez à la classe des «pouristes» plus, inconditionnels plus. Vous êtes inconditionnellement, si j'ai bien compris, favorables au projet de la ministre. Vous n'avez aucune question à lui poser. Vous n'avez aucune réserve. Vous n'avez aucune inquiétude. Non seulement êtes-vous pour, mais vous êtes pour encore plus parce que vous seriez pour sur le long terme du développement d'une très grande bibliothèque.

D'abord, je voudrais avoir la date de la décision qui a été prise par votre conseil d'administration, si vous permettez. Et puis je vous avoue qu'en toute candeur... Je vous répète la question. Hier, on a assisté à des élans d'exubérance remarquable, mais là on est dans l'exubérance totale. Êtes-vous inconditionnellement pour? Vous n'avez aucune réserve? Il y a des gens qui ont écrit dans les journaux là-dessus. Il y a des universitaires qui s'inquiètent. Il y a même, hier, les gens du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec qui sont venus questionner non pas le bien-fondé du projet dans son ensemble, mais qui sont venus s'interroger sur l'opportunité de faire une intégration verticale des fonctions de conservation et de diffusion de la Bibliothèque de Montréal et de la Bibliothèque nationale. Dans votre cas, c'est une adhésion totale, sans aucune espèce de réserve. Est-ce que c'est ça que j'ai bien compris ou si j'ai mal compris? Parce qu'il me semble que... enfin, je suis étonné par cet engouement qui a envahi la Conférence des recteurs et qui m'apparaît être total.

M. Lucier (Pierre): Je laisserai le député à ses classifications et à sa typologie pour reprendre très, très succinctement la dynamique du mémoire que nous avons. Nous sommes pour, clairement pour le projet qui est sur la table. Nous avons insisté, non pas sous le mode de la réserve ou de la nuance, mais nous avons insisté sur les conditions de réalisation de la mission nationale, le mandat national de cette bibliothèque-là. Certains pourraient y voir des réserves ou des nuances. Nous, nous n'avons pas pensé en ces termes-là. Nous disons oui. Mais nous avons voulu insister sur les conditions de réalisation de la mission, du mandat national, avec ce que ça suppose de maillage de nouvelles technologies, de partenariat, de mise en commun de services. Troisièmement, nous offrons notre collaboration pour travailler dans cette perspective-là. Je laisserai ensuite au député de faire sa classification de cette position-là.

Quant à la légitimité de la position qui semble être mise en cause, vous me permettrez, M. le Président, de ne pas bien recevoir cette remarque-là. La CREPUQ prend ses décisions en bonne et due forme, selon ses processus habituels, et c'est à sa réunion de la fin octobre qu'elle s'est penchée sur cette question-là.

M. Laporte: Donc, M. le Président, la classification que je fais de la CREPUQ est tout de même fiable. C'est une adhésion totale, inconditionnelle, sans réserve. C'est la foi totale, si j'ai bien compris. C'est un acte de foi, d'adhésion complet, et inconditionnel, et sans réserve.

M. Lucier (Pierre): La foi est trop importante pour la mêler à ce débat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Non, mais écoutez, M. Lucier. M. Lucier, je blague, je fais un peu d'humour. Écoutez, vous n'avez aucune réserve sur le projet, sur le concept développé par le rapport Richard, aucune réserve?

M. Lucier (Pierre): Je vous ai dit que nous n'avions pas pensé sous le mode de la réserve. Nous avons une série d'explicitations des conditions de succès et de réalisation de ce mandat national. C'est ce mandat national qui nous préoccupait davantage. Nous avons, je crois, dit ce qu'il fallait dire sur les conditions de succès de cela. Donc, si les choses se font en tenant compte du genre de caveat que nous avons, nous n'avons aucune raison d'exprimer notre position sous le mode de la réserve.

M. Laporte: Par exemple, encore là, M. le Président, si vous me permettez, hier... Vous savez, les conditions de succès, vous dites... vous vous êtes interrogés sur les conditions de succès. Hier, on a entendu le Syndicat des professionnels du Québec, qui est venu nous dire: Nous sommes en faveur d'un lieu unique où les fonctions pourraient être rassemblées, mais nous ne pensons pas que ce lieu devrait être géré par une même gouverne institutionnelle, que les deux entités devraient être séparées, Bibliothèque nationale et Bibliothèque centrale, dans un lieu, mais avec une réserve.

(9 h 40)

Yvan Lamonde a écrit un article dans Le Devoir de samedi dernier, que vous avez sûrement lu, parce que M. Lamonde, c'est une personnalité universitaire de haut calibre, dans lequel il exprime des inquiétudes, et des inquiétudes sérieuses par rapport à ce projet-là. Nous avons eu hier le témoignage de Mme Mittermeyer, qui a été l'ancienne directrice du Département de bibliothéconomie de McGill, qui a aussi des réserves sérieuses, alors que vous, la Conférence des recteurs, si j'ai bien compris, comme vous dites, vous n'êtes pas sur le mode de l'inquiétude et de la réserve, vous êtes sur le mode du succès, et vous dites... Mais les conditions de succès, là, est-ce que je pourrais les reprendre? on «pourrait-u» les reprendre un peu, là?

M. Côté (Jean-Pierre): Si vous me permettez d'apporter des éléments de réponse. On peut traduire le rapport comme exprimant une réserve si, dans le vocabulaire qu'on partagerait ici, on comprenait que nous souhaitons attirer l'attention, plus particulièrement de cette commission et de la ministre, sur le fait que ce volet national ne soit sous-estimé dans son importance et dans son ampleur. Le titre du rapport, Une grande bibliothèque pour le Québec , c'est là-dessus donc que nous attirons l'attention. C'est, bien sûr, une grande bibliothèque, grand public, pour les Montréalais qui en bénéficieront sans aucun doute. Mais il faut aussi que cet établissement soit en mesure d'irriguer l'ensemble du Québec par la richesse de ses collections, la qualité de ses services. Alors, si on veut traduire absolument le sens de ce rapport en termes de réserve, ce serait celle-là: donc, que le plan d'action – ce seront nos termes – ne sous-estime pas l'importance de ce volet et le défi qu'il constitue.

Maintenant, et sans juger de la qualité de mes collègues universitaires, j'ai eu la chance d'apprendre mon métier à la Bibliothèque nationale du Québec, alors j'y ai travaillé mes huit premières années, et j'ai aussi eu la chance – c'est un hasard qui a fait les choses – de participer à un comité sur la Bibliothèque centrale de la ville de Montréal, qui a précédé les travaux de ce comité, et il m'a été donné d'apprécier la vision qu'ont su avoir mes collègues, le directeur de la Bibliothèque nationale et le directeur de la Bibliothèque centrale, pour voir les ressemblances qui les unissaient beaucoup plus que les différences qui les distinguaient. À cet égard, je crois qu'on doit plutôt se féliciter que ça ait pu être atteint. On ne l'a peut-être pas noté, mais je tiens à le faire, parce que c'est assez nouveau. Et que de cela on croit que ça pourrait diminuer la force des mandats de l'un et de l'autre, moi, je crois rêver quand j'entends pareille chose, parce qu'on sait très bien les difficultés que vivaient autant l'un établissement que l'autre à atteindre son mandat, et c'est par cet effet de levier croisé que chacun croit pouvoir apporter des réponses beaucoup plus adéquates aux besoins des citoyens en général du Québec.

Alors, ici, je veux bien croire qu'on a cherché à opposer la Bibliothèque nationale et la Bibliothèque centrale, on a cherché à opposer le besoin d'une politique des bibliothèques publiques à l'instrument que constitue la Grande Bibliothèque. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable et souhaitable qu'on oppose cela. On a à la fois besoin d'une politique des bibliothèques publiques et on a assurément besoin d'un tel instrument. Il n'y a pas un pays que je connaisse... Et on n'est pas obligé de prendre les très grands auxquels on fait allusion dans le rapport, comme San Francisco, Vancouver, etc., il suffit de regarder un pays à la taille du Québec comme le Danemark pour voir toute l'importance qu'ils y ont vue, tout le développement économique que ça a pu apporter par une préparation de relève. Enfin, on peut, comment dire, en discuter encore longtemps. Mais, au contraire, moi, je prends le contre-pied pour souligner et envoyer un coup de chapeau à mes collègues ici présents d'avoir su dégager ce qui était ressemblant dans leurs missions pour joindre leurs efforts.

M. Laporte: M. le Président, je voudrais faire un commentaire là-dessus. D'abord, un premier commentaire – c'est parce que, moi, je veux préciser, je veux savoir à qui je parle et je veux savoir quelles sont les opinions de mes interlocuteurs – non seulement n'avez-vous aucune réserve sur ce grand projet de développement culturel, mais vous n'avez aucune réserve sur le concept qui a été présenté dans le rapport Richard, vous n'avez aucune réserve là-dessus.

Ce que je veux vous faire comprendre... je ne suis pas en train de vous dire que vous n'avez pas le droit d'avoir une opinion, mais je veux vous dire que votre opinion, elle n'est pas partagée par tout le monde. Je vais vous lire le texte de Lamonde là-dessus. Des questions. Et ça, c'est important parce que, M. Lucier, vous y êtes revenu à deux reprises là-dessus. M. Lamonde se demande: «A-t-on besoin d'une grande bibliothèque du Québec?» Et j'extrais de son texte une partie qui est pertinente pour vos propos: «A-t-on besoin d'une nouvelle unité administrative pour permettre aux bibliothèques publiques qui le voudront et le pourront d'accéder aux bibliothèques universitaires, alors qu'on peut le faire aujourd'hui via le site Web de la BNQ? A-t-on besoin d'un connecteur? Ce rôle de connecteur pourrait être joué par l'une ou l'autre des institutions demeurées indépendantes. L'actuelle bibliothèque de la ville de Montréal, riche de sa collection...», et il continue, et il montre aussi qu'en tant que catalyseur, ce rôle de catalyseur, que vous mentionnez, pourrait aussi être bien joué par l'une ou l'autre de ces institutions-là. Donc, vous ne vous posez même pas cette question, c'est-à-dire, vous n'êtes pas d'accord. Cette question-là, pour vous, elle est réglée, en ce sens que, pour vous, pour assurer cette connexion, il faut passer par le grand animal que veut Mme Beaudoin.

M. Lucier (Pierre): Écoutez...

M. Laporte: Écoutez, il y a des questions que des intellectuels, qui pensent, qui sont payés pour penser, qui sont à l'université, puis qui pensent à plein temps, qu'ils se posent et, vous autres, la Conférence des recteurs, vous ne vous les posez pas. Alors, je m'interroge, je m'inquiète.

M. Lucier (Pierre): C'est parce qu'il peut y avoir d'autres...

M. Laporte: J'ai passé 20 ans de carrière universitaire et je me dis: Il y a quelque chose qui se passe, au Québec, d'absolument unique au monde, c'est qu'il y a une conférence des recteurs et il y a des intellectuels qui pensent et, entre les deux, il y a une différence d'opinions. Je ne sais pas qui a raison, mais vous n'êtes certainement pas du bord de ceux qui ont tout à fait raison. Il n'y a pas d'unanimité et il faut en débattre.

M. Lucier (Pierre): C'est ça. C'est parce qu'il peut y avoir aussi des intellectuels qui pensent aussi à leurs heures et qui sont payés aussi pour ça et qui peuvent penser autrement.

M. Laporte: D'accord, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

M. Laporte: On est presque à l'Assemblée nationale, M. le Président.

Mme Beaudoin: Bonne réponse.

M. Laporte: On est presque à l'Assemblée nationale. Nos gens d'en face...

Une voix: Oui, c'est la seule place...

Le Président (M. Garon): Non, non, laissons parler...

Mme Beaudoin: Oui, il n'y a pas que vous qui êtes intellectuel ou qui prétendez l'être.

Le Président (M. Garon): Laissons parler le député.

M. Payne: Vous n'êtes pas le seul intellectuel au Québec.

Mme Beaudoin: Non.

Le Président (M. Garon): M. le député, laissez parler le député d'Outremont. C'est lui qui a la parole.

M. Payne: Ça suffit. Un peu de respect.

M. Laporte: Enfin, vous savez, ce n'est pas leur sens de l'humour qui les fera mourir, n'est-ce pas?

Mme Beaudoin: C'était une blague. C'était une blague. Ha, ha, ha!

M. Lucier (Pierre): M. le Président...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Lucier (Pierre): ...mais, sur le fond, là, il est plus intéressant de savoir pourquoi nous sommes pour que pourquoi nous ne sommes pas contre.

Sur le fond de l'affaire ou du modèle, comment pourriez-vous imaginer que des universités puissent être contre la mise sur pied d'institutions culturelles fortes, puissantes, capables de servir de vaisseau amiral dans une ligne qui correspond à une partie fondamentale de leur propre mission? Il me semble que ça tombe sous le sens. Et l'expérience séculaire de grands pays à grandes traditions culturelles nous montre que les cultures sont faites de cela. Que serait la culture française sans le Louvre, sans Versailles, sans Fontenay, sans les églises romanes, et ainsi de suite? Ça n'est jamais du béton. Est-ce que l'Acropole est du béton? Il me semble qu'il y a dans la logique anthropologique et culturelle de l'histoire de l'humanité une évidence à l'effet que la culture prend racine aussi dans la pierre et dans des vaisseaux amiraux visibles et cernés, qui ont pignon sur rue. Toute la tradition grecque a parlé de la pédagogie de la «paideia» comme étant essentiellement une sorte d'immersion dans la beauté incarnée dans la pierre. Puisqu'on faisait tantôt des allusions à l'anthropologie religieuse, je vous dirai que ça n'a pas tardé que le décalogue a été mis dans le béton, si je peux dire, en tout respect, dans les tables de pierre. Il me semble qu'il y a là une réalité fondamentale. Comment voulez-vous que, sur le fond, nous puissions être contre ça? Ce serait une position contre nature.

Cela étant dit, sur le modèle même, nous pensons, nous, qu'il y a des conditions de réalisation, de succès, pour permettre à ce vaisseau amiral, qui aura pignon sur rue, d'accomplir son rôle de catalyseur par rapport à l'ensemble des bibliothèques, et nous sommes tout à fait disposés à jouer cela. Qu'il y ait parmi nous des gens, des personnes qui pensent autrement, c'est leur droit le plus absolu. Mais, comme responsables de l'institution, on nous demanderait un geste contre nature que d'être contre l'érection de ce genre de grand monument culturel.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

(9 h 50)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Permettez-moi de répondre à mon collègue d'Outremont un petit peu, parce que notre collègue d'Outremont, pour défendre sa thèse, essaie de mettre en doute la position de ceux qui viennent nous voir ici. En fait, quand vous dites que vous êtes venus ici ou quand M. le député d'Outremont dit que vous êtes venus ici pour défendre une position, écoutez, c'est normal, on est ici pour ça. C'est le forum pour ça. Puis, quand on nous reproche ou qu'on reproche aux intellectuels, peut-être, de dépenser... de penser, bien, écoutez, il y en a aussi qui ont dépensé pendant x temps aussi, des intellectuels, puis on en a en face de nous qui, pendant neuf ans... certains ont dépensé plus qu'ils ont pensé. À savoir qui a raison. Mais, écoutez, vous êtes ici pour nous instruire et on vous écoute et on vous respecte. Et je pense, bon, que c'est le forum idéal pour en discuter. Mais là s'arrête mon propos.

Moi, je représente un comté dans une région du Québec, tout près de Trois-Rivières, le comté de Nicolet. À quelques minutes de chez nous, il y a l'Université du Québec à Trois-Rivières. Et, dans votre page 4, le paragraphe où vous parlez de collaboration entre les universités, de partenariats appropriés, d'ouverture et de collaboration par leur intermédiaire et sur l'ensemble du territoire, moi, j'aimerais partager avec vous le fait que la Grande Bibliothèque pour le Québec, il y aura une collaboration et un partenariat avec l'ensemble des universités, entre autres, l'Université du Québec à Trois-Rivières.

M. Côté, tantôt, si j'ai bien compris vos paroles, vous avez parlé d'irriguer l'ensemble du Québec et que c'était un défi important. Puis je pense que, oui, c'est un défi important. J'aimerais savoir, pour le lecteur de la région de Trois-Rivières et de Nicolet... le fait d'avoir une grande bibliothèque pour le Québec à Montréal va certainement enrichir la région de Trois-Rivières et de Nicolet, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Et j'aimerais aussi avoir l'inverse: Est-ce que la région de Montréal aussi ou est-ce que les lecteurs de Montréal qui vont aller à la Grande Bibliothèque vont aussi s'enrichir sur la région de Nicolet et de Trois-Rivières?

M. Côté (Jean-Pierre): Je pense que vous m'avez très bien compris. Mais, vous savez, tout cela est à définir. Mais l'idée générale, et ça me permet en même temps d'apporter des précisions à ce qui a été avancé plus tôt... Bien sûr, actuellement, si vous venez sur le site de l'UQAM, nous nous sommes donné comme mandat, nous, de répertorier l'ensemble des catalogues des bibliothèques du Québec disponibles sur le Web. Mais c'est loin d'être satisfaisant. Avec un établissement comme celui-là qui jouerait un rôle de catalyseur pour qu'un même standard soit adopté... Il y a un certain nombre d'États américains qui ont fait cela. Une seule recherche à travers ce protocole – parlons moins technique – vous permettrait à terme d'interroger l'ensemble des catalogues disponibles du Québec. Donc, quelqu'un qui cherche de la documentation sur une problématique, un thème, quel qu'il soit, vous auriez, à la mesure où l'ensemble adhérerait aux mêmes protocoles, aux mêmes ententes, une réponse complète sans que ça soit un seul grand catalogue centralisé quelque part, parce que c'est dans ce sens-là que les moyens technologiques se développent. Alors, ça, c'est un premier exemple, c'est-à-dire que rapidement, simplement, on pourrait savoir de quoi est constituée la richesse collective sur une question qui préoccupe un lecteur où qu'il se trouve.

Maintenant, on a beaucoup insisté sur le rôle d'interlocuteur parce que, jusqu'à maintenant, bien sûr, les bibliothèques publiques ont ici et là des ententes un peu particulières dans les diverses régions, mais sans que ce soit bien balisé, bien compris. Et, nous, on croit qu'avec un tel établissement qui jouerait ce rôle de médiateur sur les façons de faire, les richesses de Montréal seraient accessibles à Nicolet, et inversement. Donc, ça, autrement dit, c'est toute la question de l'accès aux ressources collectives qui serait rendu possible par une telle démarche. Et on peut ajouter des moyens, des outils, des instruments que l'on se donnerait collectivement au fil des ans. Et c'est pour ça que mon image, c'était: cette très grande bibliothèque se construira, mais elle a besoin d'un maître d'oeuvre qui y consacre son énergie et qui a les moyens de la faire, alors qu'on sait très bien que l'actuelle Bibliothèque nationale, avec tous les efforts qu'elle fait, ne peut pas avec les moyens dont elle dispose remplir un tel rôle, ni la Bibliothèque centrale de Montréal, ni aucune des bibliothèques universitaires, chacune étant prise par les contraintes qui lui sont propres.

Et d'espérer de rediriger ces investissements majeurs qu'on serait prêt à faire vers des solutions de saupoudrage ou je ne sais trop, je ne crois pas qu'on obtiendrait le même effet de levier. Mais, encore une fois, vous l'avez signalé, c'est une opinion. Celle-là, elle est professionnelle. Elle vient de professionnels en exercice depuis 25 ans qui ont travaillé dans ces établissements et qui voient bien les limites des établissements en question.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Comme le temps imparti est écoulé, je demande maintenant à la ville de Montréal de s'approcher de la table des témoins, aux représentants de la ville de Montréal.

Alors, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Nous avons 45 minutes ensemble, ce qui veut dire normalement 15 minutes pour votre exposé et 15 minutes de part et d'autre, pour les députés ministériels et les députés de l'opposition. À vous la parole.


Ville de Montréal

M. Tamburello (Paolo): M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, bonjour. Mon nom est Paolo Tamburello. Je suis conseiller municipal, responsable du Service de la culture, associé au comité exécutif de la ville de Montréal. Je vous présente, à ma droite immédiate, Mme Danielle Rondeau, qui m'accompagne, directrice du Secrétariat administratif; aussi, à ma droite, Mme Micheline Masson, chargée de dossiers, Secrétariat administratif; et, à ma gauche, Mme Mireille Cliche, responsable du Service de la culture... représentante, pardon.

Je tiens aussi à vous remercier pour l'opportunité qui a été donnée à la ville de Montréal et je suis très heureux ce matin d'être ici présent pour vous présenter le mémoire au nom de la ville de Montréal.

Il y a plus d'un siècle que la ville de Montréal se préoccupe de culture. Depuis l'ouverture de la première bibliothèque, en 1902, l'intérêt de l'administration municipale à l'égard des arts et de la culture n'a eu de cesse, en effet, de s'affirmer, si bien que Montréal dispose aujourd'hui d'un véritable service de la culture. Doté d'un budget annuel de 32 000 000 $, le Service veille aux destinées d'un vaste réseau de maisons de la culture et de bibliothèques qui enregistrent quelque 8 000 000 de transactions chaque année.

L'accessibilité à la culture et le soutien au développement culturel sont au coeur de l'action du Service de la culture de la ville de Montréal. La structure administrative du Service traduit d'ailleurs parfaitement bien l'approche montréalaise, puisqu'elle favorise l'enracinement dans le quartier grâce à la présence, depuis 1996, de surintendants régionaux dont la tâche est d'assurer le dynamisme culturel des quartiers.

La Bibliothèque centrale de Montréal, avec ses 1 500 000 documents, est assurément l'institution documentaire montréalaise qui rejoint le plus large public. Le rapport du Comité sur le développement d'une très grande bibliothèque reconnaît d'ailleurs que plusieurs initiatives de la Bibliothèque de Montréal font école dans le monde documentaire québécois et que de nombreuses institutions en tirent maintenant profit, parfois sans même le savoir: services sur mesure aux collectivités dans certaines librairies, méthode de conversion bibliographique, instrument de choix de livres, programmes d'alphabétisation et des livres dans la rue, services interculturels.

La Bibliothèque de Montréal a également joué – il ne faut pas l'oublier – un rôle clé dans l'émergence et le déploiement de la vie culturelle au Québec.

(10 heures)

Les membres du Comité relèvent cependant quelques déficiences et déplorent qu'en raison notamment de contraintes budgétaires la Bibliothèque de Montréal n'atteigne pas les résultats des autres grandes bibliothèques municipales canadiennes. Malgré les investissements des dernières années, la ville de Montréal fait le même constat. Comme le Comité, elle déplore que seulement 26 % de la population ne soit abonnée au réseau des bibliothèques de Montréal comparativement à 69 % à Toronto et 73 % à Vancouver. La Bibliothèque détient 2,83 titres par habitant, alors qu'à Vancouver on en retrouve 4,25, une situation que d'aucuns trouveront paradoxale, alors que Montréal est déjà entrée de plain-pied dans l'économie du savoir et figure aujourd'hui parmi les leaders mondiaux dans plusieurs domaines de pointe.

Grâce à ses collections remarquables, ses services adaptés, son approche conviviale, un emplacement accessible, la Grande Bibliothèque du Québec corrigerait cette situation tout en contribuant à affirmer l'enviable statut de Montréal dans l'économie du savoir. Mais cela ne doit certainement pas se faire au détriment des 23 bibliothèques de quartier de Montréal. Fleuron du patrimoine culturel montréalais, ce réseau ne saurait souffrir de quelque réduction de ressources que ce soit.

Il faudra éviter que l'intégration de la Bibliothèque centrale à la Grande Bibliothèque vienne affaiblir les bibliothèques de quartier, tant sur le plan économique que structurel, car l'argent n'est pas ici la seule considération. Placée en tête du réseau, la Bibliothèque centrale assume un leadership indispensable, leadership que la Grande Bibliothèque devra assumer.

Enfin, au moment de rédiger la loi constitutive, le législateur devrait considérer, comme le souligne le Comité présidé par M. Clément Richard, que la Grande Bibliothèque du Québec naîtra non pas de la fusion de la Bibliothèque nationale du Québec et de la Bibliothèque centrale de Montréal ni de l'absorption de l'une par l'autre, mais bien par la mise en commun des ressources des deux institutions réputées.

En 1902, les autorités municipales de Montréal adoptaient le premier règlement établissant une bibliothèque publique et gratuite. Son premier domicile est dans une petite pièce du monument national, rue Saint-Laurent. De 1915 à 1917, la ville de Montréal a investi près de 500 000 $ dans la construction d'un édifice digne de loger la bibliothèque de la métropole du Canada. Il s'agit de l'immeuble logeant actuellement la Bibliothèque centrale de Montréal, au 1210, rue Sherbrooke Est. La Bibliothèque dispose déjà d'une collection prestigieuse acquise 10 années plus tôt par la ville. Cette collection était, à l'époque, et est toujours encore une des plus remarquables collections de laurentienna au monde.

C'est à compter de 1947 que les premières bibliothèques de quartier ont fait leur apparition. Aujourd'hui, la ville de Montréal possède un réseau de 23 bibliothèques de quartier. Depuis la fin des années soixante-dix, la ville a consacré beaucoup d'efforts à la modernisation de son réseau de bibliothèques. Depuis 1993, un virage technologique a été réalisé par l'informatisation des bibliothèques, l'implantation des postes publics d'accès à l'inforoute, grâce à l'aide financière du MCCQ et à l'ouverture d'un site Web incluant l'accès au catalogue des bibliothèques de Montréal, le catalogue Merlin.

Comme je le disais, située au 1210, rue Sherbrooke Est, la Bibliothèque centrale de Montréal offre une superficie totale de 60 320 pi². Elle gère 1 500 000 documents, dont 500 000 sur place. Les collections en histoire canadienne, en généalogie et plusieurs autres collections remarquables font la renommée de la Bibliothèque. La BCM est également responsable de la phonothèque, qui offre un service de prêt et d'enregistrement sonore, du bibliocourrier destiné aux personnes de 65 ans et plus ainsi qu'aux personnes ayant une mobilité réduite, du bibliodépôt et des collections de livres déposées dans certaines institutions.

Au fil des ans, l'accroissement des ressources et des besoins a fait en sorte que l'immeuble de la rue Sherbrooke est devenu exigu et mal adapté aux besoins modernes. Sa localisation est ainsi devenue problématique. La structure de l'édifice a d'ailleurs dû être restaurée malgré ses qualités architecturales. La ville a en effet investi 4 000 000 $ au milieu des années quatre-vingt-dix dans la restauration et la modernisation de l'immeuble patrimonial de la rue Sherbrooke, auquel il faudra trouver, le cas échéant, une nouvelle vocation.

Malgré ces acquis, le large déploiement des bibliothèques sur le territoire et l'absence de marge financière de la ville rendent très vulnérable le maintien de l'offre de service actuelle. De plus, la capacité de la ville de répondre aux attentes des usagers en matière d'achat de nouvelle documentation et d'horaires d'ouverture reste aléatoire.

La ville de Montréal appuie le projet de Grande Bibliothèque du Québec décrit par le premier groupe de travail dirigé par le M. Clément Richard. La ville y voit en effet un moyen efficace et original d'accroître considérablement le nombre et la qualité des services offerts à la population de Montréal, de la région et du Québec tout entier. La réalisation de ce projet représente aux yeux de la ville un pas important vers une véritable démocratisation de l'accès à l'information sur l'ensemble de son territoire.

Voici un projet où les clients et non les institutions sont au coeur des préoccupations, car rares sont les cas où deux organismes autonomes et réputés dans leur champ d'activité participent à une telle mise en commun de leurs ressources et de leurs pratiques.

Je pourrai aussi, à ce moment, vous souligner simplement quelques argumentations militant en faveur d'un tel projet. La ville de Montréal s'est réjouie de l'investissement majeur que le gouvernement du Québec est prêt à consentir à Montréal pour implanter la Grande Bibliothèque du Québec. Il s'agit d'un projet de 75 000 000 $ pour la construction, plus l'ajout de fonds dans un budget annuel pour des services et des collections, le tout investi à Montréal. Ce faisant, les usagers pourront bénéficier de collections et de services accrus.

La mise en commun des collections et des services de deux institutions clés en matière culturelle permettra d'optimiser leur utilisation auprès d'une plus large clientèle. Elle assurera également à un plus grand nombre d'usagers de bénéficier de collections enrichies et plus diversifiées, et ce, dans le respect mutuel des missions et des particularités spécifiques à chacune des institutions.

Tout comme en 1915, la construction d'un grand édifice pour loger la Grande Bibliothèque est un geste structurant pour le tissu urbain, stimulant pour l'économie locale et qui réaffirme Montréal comme métropole. En effet, il s'avère fort pertinent pour le Québec que notre ville, tout comme les grandes métropoles, accueille en ses lieux un tel édifice.

Le regroupement de deux institutions majeures, à savoir la Bibliothèque nationale du Québec et la Bibliothèque centrale de Montréal, ne peut qu'avoir un effet structurant pour la promotion de la lecture auprès des différentes clientèles et ainsi, par le rayonnement des nouveaux services qu'offrira la GBQ, provoquer un effet d'entraînement et favoriser l'augmentation de la fréquentation des bibliothèques de quartier.

Concrètement, non seulement les Montréalais de tous les quartiers auront-ils accès aux services améliorés offerts par la GBQ, mais profiteront-ils aussi de ceux que cette nouvelle institution livrera à leurs bibliothèques de quartier. Il va de soi qu'à cette étape les modalités restent à définir. On peut toutefois songer à l'accès partagé aux documents numérisés, à la livraison de documents sur demande, à des sources d'information électroniques, à des collections rotatives en langue d'origine et à d'autres services. Au fur et à mesure que la GBQ s'affirmera dans ce rôle de bibliothèque d'appoint, les bibliothèques de quartier pourront de mieux en mieux répondre aux besoins plus spécifiques de leurs usagers et mettre davantage l'accent sur l'animation locale de la lecture.

Au cours de la dernière décennie, la ville de Montréal a développé son réseau par la création de nouvelles bibliothèques, la constitution d'une importante banque bibliographique accessible par un site Web reconnu et de nouveaux supports, dont les cédéroms, les disques compacts, les livres parlants et un accès gratuit à Internet. C'est pourquoi la ville entend maintenir l'intégralité et la vitalité de ses bibliothèques de quartier. Elle a réussi à maintenir son niveau d'achat de documents et confirme son intention d'augmenter ses acquisitions de manière à atteindre la norme québécoise.

Nous assistons à la naissance d'un réseau modèle qui mise sur la convergence et la complémentarité d'action d'intervenants de tout type dans le domaine de la diffusion des connaissances et des sources d'information. Nous pensons, par exemple, aux liens que pourront entretenir entre elles la GBQ et les universités avoisinantes.

Par ailleurs, par sa prise en compte des nouvelles réalités technologiques et du marché de l'édition, ce projet entraîne des retombées qui débordent du domaine strictement documentaire. En effet, il contribuera à affirmer l'expertise montréalaise et québécoise de l'industrie de l'information et des communications en lui offrant une vitrine technologique accessible au grand public et une occasion de développer de nouveaux produits.

Il faut souligner, M. le Président, la nécessité et l'unicité de l'apport de la ville de Montréal à ce projet stimulant. Ainsi, au-delà des centaines de milliers de documents, c'est plus qu'un fonds que les citoyens montréalais partagent avec leurs concitoyens du Québec, c'est plus de 80 ans de contribution active à l'histoire de la lecture publique et à la vie intellectuelle québécoise. Indispensable à la mise sur pied d'une véritable grande bibliothèque, cette contribution mérite qu'on la reconnaisse symboliquement et concrètement.

Le conseil provisoire travaille à préciser l'apport de chacun des partenaires dans le cadre d'un protocole d'entente. Des négociations devront déterminer bientôt le montage financier du budget de fonctionnement ainsi que les responsabilités propres à chacun. La ville entend discuter sa contribution financière au fonctionnement de la GBQ à l'intérieur du budget actuel de la Bibliothèque centrale et dans une perspective d'équité pour les Montréalais.

(10 h 10)

À cet effet, considérant notre apport indispensable à la réalisation de la GBQ, dont la mission est métropolitaine, régionale et nationale, un partenariat entre la ville et le gouvernement se concrétisera dans un protocole d'entente à négocier et dont les grands paramètres sont: la ville demeure propriétaire de ses collections ainsi que des documents qu'elle acquerra au cours des années à venir aux fins d'enrichir ses collections; la GBQ offrira les mêmes services que la BCM, et davantage, auprès des citoyens de Montréal et du réseau des bibliothèques de quartier; la ville ne consentira pas à contribuer à ce projet au détriment de son réseau de bibliothèques de quartier; la contribution de la ville ne tiendra compte que des fonctions transférées à la GBQ pour lesquelles la ville n'aura, par ailleurs, aucune autre charge à assumer; Montréal compte bien, dans le cadre des négociations, que le gouvernement reconnaisse l'apport particulier de la ville dans cette nouvelle institution dont la mission dépasse largement celle assumée par la municipalité; la ville soumettra les modalités de sa contribution à la concrétisation du projet à une consultation publique tenue par la Commission de l'administration et des services aux citoyens.

En conclusion, M. le Président, tout comme les membres du comité Richard, la ville de Montréal croit que la Grande Bibliothèque du Québec représente aujourd'hui un véritable choix de société. Parce qu'elle intensifiera la diffusion des connaissances, la Grande Bibliothèque viendra accroître la capacité d'adaptation des Québécois et des Québécoises aux nombreuses et rapides transformations qui marquent notre époque.

La Grande Bibliothèque du Québec, affirme le rapport, mettra en place les conditions favorables à l'émergence des artisans de notre développement, un point de vue que partage Montréal dans la mesure où la contribution du gouvernement du Québec au budget d'acquisition des documents ne se trouve pas amputée par la construction de la Grande Bibliothèque du Québec, car, si l'on souhaite véritablement poser une pierre à l'édifice, on doit le faire ici au sens propre comme au sens figuré.

Oui, la Grande Bibliothèque du Québec est un projet important pour Montréal. Et, oui, la ville de Montréal appuie le gouvernement. Mais les Montréalais n'entendent pas sacrifier le réseau des bibliothèques de quartier. S'ils acceptent volontiers de contribuer au projet, ils entendent bien le faire en toute équité. Ils seront d'ailleurs consultés sur l'ensemble du dossier à l'occasion d'une prochaine session de la Commission de l'administration et des services aux citoyens.

Enfin, la ville de Montréal veillera attentivement aux intérêts de ses citoyens afin d'assurer notamment que, de la réunion des deux grands établissements que sont la Bibliothèque nationale du Québec et la Bibliothèque centrale de Montréal, naîtra une institution beaucoup plus grande que la somme de ses parties. Si ces conditions sont respectées, les Montréalais et les Montréalaises seront assurément preneurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, merci. Je serai brève. M. Tamburello, Mme Masson, Mme Rondeau, Mme Cliche, bonjour. Je dois vous dire que je suis évidemment très heureuse de cette contribution, donc, de la ville de Montréal au débat, mais aussi de cet appui avec toutes les considérations que vous y mettez, particulièrement bien sûr en page 17. Et il est bien évident que nous acceptons tout à fait ces considérations. Si vous voulez, quand vous dites: La ville entend discuter sa contribution financière au fonctionnement de la Grande Bibliothèque à l'intérieur du budget actuel de la Bibliothèque centrale et dans une perspective d'équité pour les Montréalais, je le répète, nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Ce sera dans le protocole d'entente qui sera discuté, négocié, entériné et sur lequel les Montréalais, justement, pourront se prononcer, puisque, comme vous le dites, et c'est fort important de le rappeler, il y aura, dans le cadre d'une commission du conseil municipal, une consultation publique.

Alors, cette consultation-ci, à l'Assemblée nationale, comme je l'ai dit au tout début de nos travaux, est une première étape et dans un lieu normal pour des parlementaires, c'est-à-dire l'Assemblée nationale. Et les Montréalais, par la suite, quand le protocole d'entente, justement, aura été discuté plus avant entre nous, seront consultés.

Par conséquent, je reconnais, et j'en suis fort aise, je dirais, l'ensemble des questions qui ont été discutées à l'intérieur, bien sûr, du comité Richard, où M. Panneton représentait fort bien la ville et ses intérêts et M. Sauvageau la Bibliothèque nationale et ses intérêts. Et je retrouve là tous les arguments et tout le discours sur lesquels on s'est entendus à l'intérieur du comité Richard et avec lequel rapport le gouvernement est d'accord. Donc, cette première étape de discussion entre nous se poursuivra sur la base, bien sûr, de ce que vous élaborez dans votre propre rapport. Mais je ne l'avais pas lu, parce que je pense qu'il est rentré assez tard hier. Et je suis très heureuse de constater en effet que nous sommes, grosso modo, sur la même longueur d'onde, parce que vous êtes le partenaire, bien sûr, privilégié, c'est un projet conjoint entre le gouvernement du Québec et la ville de Montréal, et un très beau projet pour l'an 2000. Et je vois que vous partagez cette analyse. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, une salve d'applaudissements par matinée me suffit. J'aimerais passer la parole à mes collègues de Jacques-Cartier et de Notre-Dame-de-Grâce.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Copeman: Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Garon): Notre-Dame-de-Grâce? Ah! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je m'excuse.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Bonjour, aux représentants de la ville de Montréal.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a consentement? Parce que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'est pas membre de la commission.

M. Copeman: Non, mais je suis...

Le Président (M. Garon): O.K. Il y a consentement.

Une voix: Il est membre de toutes les commissions.

M. Copeman: Je suis membre flottant, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Pardon?

M. Copeman: Je suis membre sans affectation, alors je n'ai pas besoin de consentement.

Le Président (M. Garon): Oui, oui, vous avez raison.

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Garon): ...

M. Copeman: C'est ça. Rebonjour aux représentants de la ville de Montréal. J'aimerais peut-être vous entretenir et vous entendre sur la question du réseau des bibliothèques de quartier et l'impact du projet là-dessus. Je pense qu'il y a une constatation à faire, c'est que le réseau des bibliothèques de quartier de la ville de Montréal, non seulement il ne peut pas être affaibli par le projet, mais, à ma connaissance, le réseau a besoin d'une injection de fonds assez importants, du développement. Alors, que la ville sous-tende, et avec raison, que le projet ne devrait pas être fait au détriment des bibliothèques de quartier, oui, mais, moi, j'irai plus loin: que le projet ne devrait pas être mis sur pied s'il y a un impact sur le développement futur du réseau des bibliothèques de quartier.

Et je m'explique. On prend l'exemple la bibliothèque Benny, que peut-être les représentants de la ville connaissent. Les bibliothèques de quartier de Notre-Dame-de-Grâce comptaient la plus forte proportion de personnes âgées au Québec. Une des deux bibliothèques de quartier, pendant deux ans, a été menacée de fermeture, essentiellement. Peut-être que la ville va dire: Non, non, non, on n'a jamais eu l'intention de la fermer. Je vous référerai aux Amis de la bibliothèque Benny. Tout le monde était conscient qu'il y avait au moins une tentative de diminuer de façon importante les services ou même de fermer la bibliothèque Benny. Il y a un moratoire sur la fermeture, pour l'instant. Mais, depuis deux ans, la bibliothèque est assujettie à des pressions énormes. Le budget est stable, oui, mais l'effet d'un budget stable, quand on est pauvre comparé à d'autres, est à peu près pareil à une compression, dépendamment de la qualité des infrastructures.

Je m'explique. La bibliothèque Benny maintenant, à cause des compressions, est obligée d'imposer son horaire d'été à partir de la deuxième semaine de mai. Ça veut dire que la bibliothèque est fermée les fins de semaine, à partir de la deuxième semaine de mai jusqu'à la fête du Travail. Auparavant, ils étaient ouverts les fins de semaine jusqu'au 23 juin; mais là, à cause des compressions dans le réseau depuis deux, trois ans, ils fermaient les fins de semaine. Pendant que mes enfants sont à l'école, ils ne peuvent pas aller, les fins de semaine, étudier, chercher des livres à la bibliothèque Benny, qui a une forte proportion de collections en français. C'est important pour mes enfants qui sont à l'école en immersion française.

(10 h 20)

La bibliothèque Benny n'est pas branchée sur l'informatique, aucune gestion informatique de la bibliothèque. On ne peut pas gérer les prêts par informatique, il n'y a pas d'informatique dans la bâtisse. Elle n'est pas reliée avec la Bibliothèque centrale; elle ne le sera pas plus, j'imagine, avec la Grande Bibliothèque du Québec. Il n'y a pas d'accès. Et on peut bien parler de l'Internet, de site Web, c'est bien beau, sauf pour tout le monde qui fréquente la bibliothèque Benny: pas informatisée, pas reliée avec le catalogue Merlin. Bien, elle y est reliée, la collection de Benny apparaît dans le catalogue Merlin, mais personne n'y a accès parce qu'elle n'est pas informatisée. On a assisté depuis deux ans à une réduction de services pure et simple, dans les bibliothèques, malgré le fait que le budget est demeuré stable.

Comment on peut affirmer que la ville de Montréal, avec le gouvernement du Québec, va avoir la capacité financière de contribuer à un projet de grande bibliothèque et de faire du développement dans le réseau des bibliothèques de quartier? C'est ça, ma question. Et j'insiste beaucoup sur le mot «développement», parce que, pour nous, dans Notre-Dame-de-Grâce, «statu quo» est pauvre, le statu quo n'est pas acceptable. Ce que ça nous prend, dans Notre-Dame-de-Grâce, c'est du développement. Êtes-vous capables d'affirmer qu'on va faire les deux choses en même temps?

M. Tamburello (Paolo): Merci, M. le Président. Avant tout, permettez-moi, si on parle des bibliothèques de quartier dans l'ensemble, le rayonnement qu'il pourrait y avoir avec une grande bibliothèque, je vais vous dire que c'est comme réimplanter, réinstaller un nouveau poumon, un nouveau coeur au centre de Montréal, pour ce qui est de nos bibliothèques de quartier.

Je vais vous souligner aussi qu'actuellement la documentation disponible dans notre Bibliothèque centrale, à Montréal, c'est à 20 %. L'autre 80 % est storé un peu tout partout, on a entreposé à gauche et à droite parce qu'il manque d'espace. Dans cet aspect-là, la venue de la Grande Bibliothèque, c'est d'offrir aux Montréalais et à l'ensemble du Québec aussi la disponibilité de 100 % de notre collection, quand même, et c'est une collection qui a une valeur. Pour un.

Pour deux, je peux vous dire que, oui, en effet, on est un peu sous la norme québécoise de documents disponibles pour nos citoyens, pour nos usagers des bibliothèques. Ça, malheureusement, c'est un héritage qu'on a trouvé et que tranquillement et graduellement on va essayer de rattraper. Puis je peux vous dire que, depuis deux, trois ans, on a augmenté nos achats de documents à chaque année pour essayer de rattraper la norme. On est en train de regarder aussi de quelle façon on pourrait envisager, dans les prochaines années, dans un futur proche, de rattraper cette norme qui est manquante.

Vous me parlez de la bibliothèque Benny. Oui, c'est vrai, c'est la seule bibliothèque parmi les 23 bibliothèques de quartier qu'on a à Montréal qui n'est pas encore informatisée, et ça, il y a eu des raisons spécifiques aussi. Ce n'est pas simplement parce que c'est Benny, c'est tout simplement parce que le bâtiment avait besoin aussi de rénovations majeures.

Pour ne pas fermer la bibliothèque à deux reprises – et je trouve ça un peu frustrant pour les usagers qu'on doive, pendant trois, quatre ou cinq semaines, dépendamment des besoins qu'on aurait eus pour refaire le bâtiment et remettre un peu le bâtiment aux normes, le fermer, là, et, par la suite, le refermer pour l'informatisation de la bibliothèque – on a préféré renvoyer ça au début de 1998 pour s'assurer que la bibliothèque fermera une fois, une seule fois pour pouvoir faire tout l'aménagement possible. Et, à ce moment-là, oui, la bibliothèque va être reliée à l'ensemble des autres bibliothèques de quartier. Comme je vous dis, et je le réaffirme, puis je pense que dans le mémoire on le dit aussi, on va travailler pour s'assurer qu'on puisse arriver à la norme québécoise.

M. Copeman: M. le Président. Avec grand respect, M. Tamburello, vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que la ville est capable d'affirmer que la contribution qu'ils seront appelés à faire pour un projet qui, personne ne va le nier, a une certaine envergure, dont les bénéfices vont être peut-être importants, dans les années à venir... Mais est-ce que la ville est capable d'affirmer que des contributions à cette Grande Bibliothèque n'affecteront pas le développement du réseau des bibliothèques de quartier?

C'est bien beau de parler de la documentation. Je suis d'accord avec vous, M. Tamburello, l'achat de documents, effectivement, a augmenté un tout petit peu. Ce n'est pas les documents qui manquent, à Benny, c'est les heures d'ouverture qui manquent, c'est un système informatisé, c'est un accès accru, pas un accès diminué, en termes d'heures d'ouverture.

Écoutez, moi, je passe, depuis trois ans, des heures considérables à l'Assemblée nationale à entendre combien nos finances publiques sont dans un état lamentable, qu'il n'y a pas de cennes, qu'il n'y a pas de marge de manoeuvre; il faut couper ici, il faut couper là. Là, vous semblez dire: On est capables non seulement de financer une grande bibliothèque centrale, mais aussi de faire du développement dans nos bibliothèques de quartier. C'est peut-être mon devoir de l'être, mais je suis un peu sceptique.

M. Tamburello (Paolo): Je peux, en premier lieu, vous assurer – et ça on l'a dit, je l'ai dit au conseil de ville, je l'ai répété à maintes reprises – que, pour ce qui est du budget des bibliothèques de quartier, il ne sera jamais, jamais touché, on ne touchera pas à ça. Le budget va être là, on le respecte, on le maintient.

Pour ce qui est de la Grande Bibliothèque comme telle, on a un budget d'opération, actuellement, pour notre Bibliothèque centrale et, dans notre protocole d'entente, on va regarder quel budget de ça va être dédié à la Grande Bibliothèque. Comme ça, ce n'est pas du nouvel argent qu'on va aller chercher, c'est de l'argent qu'on a actuellement, qu'on utilise tous les jours, qu'on opère dans notre budget de fonctionnement qu'on retrouve à l'intérieur, soit à la Bibliothèque centrale, soit aux bibliothèques de quartier. Et nos budgets ne seront pas augmentés, à cet effet-là, à cause de la venue de la Grande Bibliothèque. Mais dans l'ensemble de notre budget d'opération qu'on a actuellement, soit pour les bibliothèques de quartier, il n'est pas touché et ne sera pas touché, et je le réaffirme. Et, dans le budget d'opération qu'on a actuellement pour la Bibliothèque centrale, on va se tenir à l'intérieur de ce budget-là pour contribuer à la Grande Bibliothèque du Québec.

M. Copeman: M. le Président, encore une fois, avec grand respect, ce que vous dites là, M. Tamburello, ne me rassure aucunement. Vous dites que le budget des bibliothèques de quartier ne sera pas touché. Ce que je vous dis, c'est que l'opinion quasi unanime, c'est que ce qu'il faut dans les bibliothèques de quartier, c'est plus, et pas le statu quo. Il faut ajouter à ces budgets-là, et surtout quand je vous décris une situation où, à cause des compressions budgétaires, la bibliothèque Benny est obligée de fermer les fins de semaine et plus tôt dans la journée, à partir du 15 mai, parce qu'il manque de l'argent. Le statu quo n'est pas acceptable. Ce qu'il nous faut, c'est plus.

Êtes-vous capable d'affirmer que, oui, on va mettre plus pour le développement de notre réseau de bibliothèques de quartier en mettant plus ou au moins la même chose dans la Grande Bibliothèque? Là, encore une fois, avec grand respect, j'ai des réserves. J'entends depuis trois ans combien il en manque, de l'argent, au Québec, à tous les niveaux de gouvernement. Votre maire, mon maire vient à peu près deux fois par année plaider pour plus d'argent pour sa ville, pour ma ville parce qu'il y a des déficits. Là, vous dites: On va être capables non seulement de maintenir un budget pour la Grande Bibliothèque, mais d'augmenter les services dans les bibliothèques de quartier?

M. Tamburello (Paolo): Permettez-moi, aussi. Au dernier conseil municipal, à la dernière séance, on a adopté une motion où on a justement discuté des fonds ou de l'argent qu'on aurait pu sauver par la venue de cette Grande Bibliothèque, dans notre budget d'opération de la Bibliothèque centrale, et, dans cette motion-là, on a adopté que des économies qu'on pourrait avoir des revenus de la Grande Bibliothèque, ça pourrait être injecté. Il y a des économies qui vont être injectées dans nos bibliothèques de quartier.

M. Copeman: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Je suis sceptique, je demeure sceptique. À un moment où les ressources sont très rares tout partout, en connaissant la situation qui demeure dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, les affirmations que j'ai entendues ce matin de la part de la ville me rassurent un tout petit peu. Mais là encore une fois, je reviens à la charge. Ce qu'il nous faut dans le réseau des bibliothèques de quartier, à Montréal, c'est du développement, c'est plus et beaucoup plus, M. le Président, pas le statu quo et surtout... Je l'accepte, le représentant de la ville me dit: Il n'y aura pas moins. Il n'y aura pas moins. C'est une heureuse nouvelle, à moitié. Mais c'est l'autre moitié qui m'inquiète énormément.

M. Tamburello (Paolo): Mais, si vous me permettez, encore une fois, dans la motion qu'on a adoptée, justement on a dit que, des économies qui vont être faites... Dans les négociations avec la Grande Bibliothèque, des sommes d'argent vont être dédiées à nos bibliothèques de quartier. Ça, c'est un surplus qu'on va réinjecter dans nos bibliothèques de quartier.

(10 h 30)

M. Copeman: Pour terminer, M. le Président, encore une fois, après juste trois ans ici, à l'Assemblée nationale, si j'ai appris une chose, c'est d'escompter des économies futures. Vous aussi, je pense, M. le Président, vous-même. Baser des choses sur les économies futures, c'est difficile. Merci.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, très, très rapidement, M. le Président, je voudrais revenir... Je sais qu'il y a des députés de ce côté-ci qui voudraient vous poser des questions, mais très rapidement. Moi, je me pose la question à l'inverse, M. le Président, pour le député de Notre-Dame-de-Grâce: À supposer qu'on ne la construise pas, la Grande Bibliothèque, on ne la construit pas, il n'y en a pas, alors, à ce moment-là, qu'est-ce qui arrive? Je présume que la Bibliothèque centrale de Montréal – disons que c'est 8 000 000 $ d'opération; là, on ne discutera pas des chiffres, mais, grosso modo, 8 000 000 $ pour la Bibliothèque centrale actuellement – ou bien ils ferment la Bibliothèque centrale puis là ils redistribuent dans les bibliothèques de quartier l'argent dont parle le député de Notre-Dame-de-Grâce, ou bien ils gardent la Bibliothèque centrale puis ils sont obligés de mettre 8 000 000 $, parce que c'est ça que ça coûte pour l'opération de la Bibliothèque centrale.

Alors, si on la construit, il y a peut-être, en effet, comme vous le disiez, M. le conseiller, un espace, mais c'est sûr que, si on ne la construit pas, la Grande Bibliothèque, le problème demeure entier, on n'a pas réglé le problème de la Bibliothèque centrale, puis vous le reconnaissiez... M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce le reconnaissait, que de ne pas avoir accès direct à 80 % des documents de la Bibliothèque centrale... pourquoi conserver des documents si la population de Montréal ne peut pas y avoir accès? Ça vaut pour la Bibliothèque nationale, puis c'est ça qui justifie le projet de Grande Bibliothèque. Alors, si on ne la construit pas, la Bibliothèque centrale, je présume qu'elle va rester ouverte, la bibliothèque de la rue Sherbrooke; ça coûte 8 000 000 $. Alors, ou bien ils la ferment complètement puis là il n'y a plus de Bibliothèque centrale. Je ne pense pas que ça va aider beaucoup les bibliothèques de quartier, je veux dire, le fait qu'il n'y ait plus de bibliothèque sur la rue Sherbrooke. Alors, je voulais quand même marquer ce point-là. Si on ne la construit pas, bien là, je veux bien qu'on se pose la question puis je veux bien que vous répondiez.

M. Copeman: ...de construction.

Mme Beaudoin: Non, mais, si on ne la construit pas, qu'est-ce qui arrive?

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, c'est ça, on aimerait entendre...

M. Tamburello (Paolo): Je vous demande pardon. M. le Président, si vous me permettez simplement...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Tamburello (Paolo): ...suite aux commentaires de Mme la ministre. Justement, en effet, depuis quelques années, on sait, on reconnaît, tout le monde, ceux qui ont eu la chance d'entrer dans notre Bibliothèque centrale s'aperçoivent que le bâtiment, il est trop petit. Oui, c'est vrai qu'on n'est pas aux normes québécoises, mais, si on achète d'autres documents simplement pour les entreposer, je me pose la question: Où est-ce qu'on va aboutir avec ça? Parce qu'on achète pour continuer à entreposer. Actuellement, simplement 20 % de notre collection est disponible en bibliothèque. À la centrale, c'est 20 %; l'autre 80 %... On pourrait acheter encore le double de ce qu'on a, mais c'est simplement pour entreposer nos livres. C'est pour cela que ce projet-là, c'est bienvenu, pour justement donner l'accessibilité et la promotion de la lecture à nos citoyens en ayant les 100 % de notre collection disponibles. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, parce que c'est important que vous... Vous l'avez dit dans votre mémoire, mais c'est important, l'apport de la ville, et partout, toutes les municipalités du Québec dans l'ensemble, pas juste la ville de Montréal, cet apport aux bibliothèques de quartier. Je pense que c'est un mauvais débat de penser que la Grande Bibliothèque ne donne pas aux bibliothèques de quartier la valeur qui doit y être et l'accès aux gens. Alors, je pense que ce n'est pas incompatible, c'est tout le contraire, c'est un plus.

J'aimerais comparer les chiffres des villes-centres du Québec, ceux des bibliothèques publiques. Ce n'est pas très, très reluisant pour Montréal. Alors, si on les regarde, le budget par habitant est de 31,07 $; puis si on les regarde, face à Westmount, c'est 100 $ et quelques; Pointe-Claire, 76,56 $; Saint-Laurent, 36,90 $; Côte-Saint-Luc, 68,82 $. Si on les regarde aussi par l'évaluation, 100 $ d'évaluation, c'est 0,06 $ pour la ville de Montréal. Quelle est la préoccupation de la ville de Montréal, au niveau de sa volonté politique et financière, à cette découverte, dans le fond, du savoir qu'est une bibliothèque?

M. Tamburello (Paolo): Je peux vous dire en premier lieu qu'en effet, oui, il y a un retard à rattraper, c'est évident, on le sait, on le reconnaît. C'est vrai aussi qu'il y a des contraintes budgétaires auxquelles on doit faire face et qu'on doit regarder dans l'ensemble. C'est pour ça que, tout à l'heure, j'avais mentionné la motion qu'on avait adoptée à la ville, que, dans les négos qu'on pourrait faire avec Québec avec la venue de la Grande Bibliothèque – puis, là encore, c'est oui, c'est dans les négociations – qu'est-ce qu'on va avoir à rattraper pour Montréal ou quel argent qu'on va... quel montant qu'on peut... Ça pourrait être disponible, encore une fois, dans ces négociations-là. Parce qu'il y a un budget à regarder, à étudier. Mais toutes les économies qu'on pourrait faire de ça, l'ensemble, la majorité, parce qu'il y a quand même le bâtiment qu'il ne faut pas oublier, mais on voudrait réinvestir justement une bonne partie de ces économies-là, réinvestir dans nos bibliothèques, dans le développement, le rattrapage à faire. Il ne faut pas oublier non plus qu'on a annoncé aussi la construction de deux autres bibliothèques, on va encore élargir notre éventail de bibliothèques de quartier, et c'est dans ce...

Mme Léger: Ce que je veux vous dire, M. Tamburello, c'est que Montréal... si on regarde le travail qu'a fait la capitale à ce niveau-là, je veux dire, son taux n'est pas comparable avec la ville de Montréal. Et, moi, comme députée de Montréal, c'est sûr que ça me fatigue parce qu'il faut plus que penser... le financier est là, mais il faut aussi une volonté d'investir dans cette culture-là et d'investir dans nos bibliothèques, il faut cette volonté politique aussi et cette volonté de vouloir rendre prioritaire ce savoir, en fin de compte. Alors, c'est à ce niveau-là que je veux que vous me disiez que... Vous, vous êtes responsable de la culture à la ville de Montréal. Alors, est-ce qu'il y a une volonté qui est là? Est-ce que c'est plus que de penser à...

M. Tamburello (Paolo): Je peux vous assurer que, oui, on a une volonté, la volonté est là. D'ailleurs, on a démontré, avec les acquisitions des dernières trois années qu'on a faites, une augmentation dans la quantité de documents et de l'argent investi, justement, pour s'assurer de... Malheureusement, comme je vous l'ai dit tout à l'heure – et je me répète – c'est qu'on a un rattrapage à faire, énorme, depuis les dernières années, les derniers 10 ans, peut-être plus, un rattrapage à faire. Mais notre volonté politique, c'est oui, justement, d'arriver aux normes québécoises dans les plus brefs délais possible. On va regarder tout ça dans le budget d'opération. Mais on a démontré quand même, je pense qu'on a démontré, dans les achats qu'on a faits dans les trois dernières années, des augmentations peut-être petites, mais c'est quand même une bonne volonté dans la direction de se rattraper dans nos normes.

Mme Léger: D'ailleurs, je suis contente aussi, comme le projet de la ministre de quand même, comme gouvernement, ce projet de Grande Bibliothèque va vous aider et aider l'ensemble des Québécois, mais va aider Montréal à ce que... je veux dire, ça va être un lieu intéressant, bon, tout ce qu'on a dit en commission à date depuis quelques jours, qui va apporter un plus à Montréal. Alors, l'élan est là et je pense qu'il faut le saisir à ce niveau-là.

Mon autre question est: Qu'en est-il, à la ville de Montréal, de votre effort au développement des collections? Je sais qu'on vous a interpellé beaucoup sur ça. Alors, j'aimerais vous entendre aujourd'hui.

M. Tamburello (Paolo): Vous dites: Sur les collections?

Mme Léger: Oui, sur les collections.

M. Tamburello (Paolo): Les collections qu'on a actuellement? Vous voulez simplement qu'on parle de la question...

Mme Léger: Oui, sur l'ensemble des collections qui existent actuellement. Il faut les développer. Elles sont là, mais il faut qu'on poursuive à les développer.

M. Tamburello (Paolo): Qu'est-ce qu'on a actuellement dans la Bibliothèque centrale, une fois venue la Grande Bibliothèque? Absolument, oui, un budget va être dédié à ça, justement, pour l'acquisition de documents, qui va améliorer toujours... pour s'assurer que notre collection va se retrouver à date, si vous me permettez l'expression – j'essaie de trouver les mots...

Mme Léger: Avec celle du Québec et celle de Montréal, chacune, vous avez des collections qui sont, quelques-unes, communes, mais quelques-unes que Montréal a particulièrement. Alors, il faut comme poursuivre quand même ce développement-là de ces collections-là.

M. Tamburello (Paolo): Bien, naturellement. C'est pour ça que je disais qu'on a un budget qui va être dédié à l'acquisition de documents. Le budget qu'on a actuellement, d'opération, pour notre acquisition, va rester, pour faire l'acquisition des documents, encore, pour la bibliothèque, pour la partie qui sera la Bibliothèque centrale, pour ce qu'on met actuellement comme documents – si j'ai bien saisi la question – les documents qu'on va apporter à la Grande Bibliothèque, mais un budget qui va être dédié à ça pour s'assurer que nos collections vont être toujours à date, vont être toujours...

Mme Léger: Donc, vous le poursuivez?

M. Tamburello (Paolo): Absolument, oui.

Mme Léger: C'est ça que je voulais entendre.

M. Tamburello (Paolo): Absolument.

Mme Léger: O.K. C'est évident que je dois vous parler d'un propos qui a été soutenu ici par Les Amis de la bibliothèque de Montréal, entre autres, sur la double taxation. Alors, je pense qu'il y a beaucoup de discussions à ce niveau-là et j'aimerais vous entendre aujourd'hui pour nous parler... Vous avez parlé tout à l'heure de perspective d'équité dans le budget actuel. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage?

(10 h 40)

M. Tamburello (Paolo): Écoutez, oui, absolument. La double taxation, moi, je ne la vois pas vraiment comme une double taxation, et je vais vous dire le pourquoi aussi. L'apport que, nous, on peut amener, même budgétairement, à la Grande Bibliothèque, c'est que... Pour un, il ne faut pas oublier – puis je pense qu'on l'a dit tout à l'heure, Mme la ministre aussi – que notre Bibliothèque, actuellement, est trop petite. On a un choix, soit la maintenir comme ça, faire des achats de documents et entreposer ça dans des boîtes, en tout cas où on peut les entreposer, pour un. Pour deux, si on garde la Bibliothèque telle quelle, notre budget d'opération est toujours là, notre fonctionnement va toujours être en place, il faut toujours investir cet argent-là, et nos documents, c'est toujours à 20 % de disponibilité. Encore une fois, on est vraiment mal pris, comme bâtiment.

Avec la venue de la Grande Bibliothèque, l'accessibilité, la promotion de la lecture, on va pour le même budget – si on peut se permettre cette expression, sans mettre aucun chiffre... je pense que les Montréalais vont avoir beaucoup plus que ce qu'ils ont actuellement de disponible à la Bibliothèque centrale de Montréal, et je pense que ça, c'est très, très important, surtout si on parle de promotion de la lecture, et tout. Je peux vous rappeler qu'on a environ, je pense que c'est 280 places assises actuellement à la Bibliothèque centrale... Pardon?

Une voix: Deux cent quarante.

M. Tamburello (Paolo): Deux cent quarante, excusez. Et tout à l'heure... on parle d'environ 1 800 places assises à la Grande Bibliothèque du Québec, et tout ça, pour nous, dans un budget d'opération qu'on pourrait investir dans la Grande Bibliothèque. Montréal, comme d'ailleurs toutes les couronnes autour de Montréal, ils vont se retrouver avec un plus avec la venue de la Grande Bibliothèque.

Mme Léger: J'ai encore le temps, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Trente secondes.

Mme Léger: Je les prends. Ha, ha, ha! Que ferez-vous du bâtiment de la rue Sherbrooke si la Grande Bibliothèque est là?

M. Tamburello (Paolo): Si la Grande Bibliothèque est là? Bien, écoutez, pour un, il faut se rappeler que le bâtiment comme tel, il a un intérêt patrimonial. On se rappelle que c'est un bâtiment qu'on a renouvelé aussi, et c'est sûr qu'on va regarder dans l'ensemble pour qu'on garde une vocation noble pour ce bâtiment-là, et voir aussi avec Québec l'utilisation future de ce bâtiment, de ce lieu.

Mme Léger: O.K. Mais vous savez que les retombées de la Grande Bibliothèque du Québec, ça va être des retombées sur la scène internationale aussi. Alors, Montréal pourra aussi avoir de ce genre de retombées. O.K. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la ville de Montréal de leur contribution aux travaux de cette commission. Comme le temps imparti est écoulé, je demande maintenant aux représentants du Rassemblement des citoyens et des citoyennes de Montréal de s'approcher de la table des témoins.

Alors, si vous voulez vous présenter. Maintenant, nous avons, selon la prévision, 45 minutes ensemble, c'est-à-dire normalement 15 minutes pour votre exposé et 15 minutes pour chacun des partis. À vous la parole.


Rassemblement des citoyens et des citoyennes de Montréal (RCM)

Mme Fotopulos (Helen): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Helen Fotopulos, je suis conseillère municipale du district de Mile-End de Montréal. Je suis porte-parole en matière de culture au sein du Rassemblement des citoyens et des citoyennes de Montréal et également vice-présidente de la Commission de l'administration et des services aux citoyens de la ville de Montréal.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait enfin décidé de doter le Québec d'une grande bibliothèque. Cela devenait une véritable urgence nationale, vu les retards considérables accumulés par la société québécoise en matière de services de bibliothèque et de diffusion de la culture.

Nous nous réjouissons que la ministre de la Culture, Mme Louise Beaudoin, ait pu, dans un contexte très difficile d'assainissement des finances publiques, convaincre ses collègues du caractère prioritaire de ce projet essentiel du rayonnement de la culture québécoise.

Nous approuvons la décision du gouvernement du Québec d'établir cette Grande Bibliothèque dans la métropole. Montréal oeuvrant depuis déjà fort longtemps comme métropole culturelle, il nous semble logique et normal qu'on reconnaisse ainsi cet état de fait. C'est, en effet, dans la métropole que se trouve la masse d'usagers la plus importante. C'est donc à partir de Montréal qu'il faut agir pour stimuler le goût de la lecture et du savoir dans l'ensemble du Québec.

Les implications du projet dépassant largement la question de l'emplacement de la future Grande Bibliothèque, nous ne discuterons pas ici de béton, mais bien de l'état actuel du réseau des bibliothèques de Montréal et des conséquences désastreuses d'un arrimage inadéquat sur sa santé et sa survie même. Comme parti politique municipal voué à la promotion et la protection des intérêts des Montréalais, il nous incombe en effet d'élargir le débat de façon à ce que ces intérêts soient clairement exprimés ici et largement intégrés à tout projet visant à doter la région d'un grand équipement bibliothécaire.

Comme l'indique le rapport Richard, cette Grande Bibliothèque du Québec ne doit pas être une simple bibliothèque municipale, mais bien une bibliothèque nationale avec un rayonnement dépassant largement la région métropolitaine. De fait, la Grande Bibliothèque devra fournir des services à plus de 3 000 000 d'usagers potentiels, aux bibliothèques des 17 municipalités de plus de 20 000 résidents et au réseau des 23 bibliothèques de Montréal, sans compter tout l'intérêt qu'elle aurait à réseauter également les bibliothèques universitaires et collégiales de la région.

La Grande Bibliothèque ayant pour mandat de desservir les résidents de toute la région, le gouvernement québécois doit s'assurer que c'est effectivement toute la région métropolitaine qui y contribue, financièrement et autrement. À titre d'exemple, la Metro Toronto Reference Library est financée par toute la région du Grand Toronto et pas uniquement par la Ville-Reine telle qu'on la connaissait avant le tout récent regroupement.

Le projet de Grande Bibliothèque doit donc s'intégrer dans le réseau des bibliothèques locales et le renforcer. C'est là une condition de réussite incontournable si le but visé par ce projet est bien de donner accès aux livres, de susciter le goût de lire et d'offrir aux citoyens québécois les moyens de participer activement à la culture d'ici. Or, l'exemple de San Francisco et de Vancouver a démontré que, pour être efficace, une grande bibliothèque doit s'appuyer sur un réseau équilibré, complet et interrelié de bibliothèques locales, puisque c'est au niveau des quartiers que les gens accèdent réellement aux livres. C'est dans la vie quotidienne et la proximité de leur milieu que se développent les habitudes de lecture. Pourtant, bien qu'à San Francisco la venue de la grande bibliothèque se soit accompagné d'un investissement parallèle dans le réseau local, l'administration Bourque nous menace de couper les heures d'ouverture, les services, les budgets d'achat. Le député Copeman a raison d'être sceptique. C'est avec impatience qu'on attend d'être consultés depuis trois ans.

C'est aussi au niveau des quartiers que se vivent réellement l'intégration interculturelle et la francisation et qu'adultes et enfants apprivoisent la culture commune. S'il est du ressort de la Grande Bibliothèque de refléter et d'exprimer l'ouverture culturelle du Québec à la diversité, c'est pourtant aux bibliothèques de quartier, où se vit cette diversité, que revient la responsabilité première d'offrir et faciliter l'accès de tous et chacun à de multiples ressources culturelles. Bel exemple de contribution à la francisation des néo-Montréalais, la bibliothèque du quartier Côte-des-Neiges, où les francophones ne représentent que 39,2 % de la population, 72,2 % des livres prêtés sont de langue française. Au chapitre de la diversité, 38 % des livres prêtés par la bibliothèque du Mile-End, quartier que je représente, sont autres que français ou anglais. Mais l'infrastructure d'accueil, à savoir les laboratoires de langue, est radicalement déficitaire, puisqu'on ne compte, en tout et pour tout, que 53 stations pour une ville qui reçoit entre 15 000 et 20 000 immigrants annuellement. Vous avez des annexes dans le document.

Ce projet ne doit pas affaiblir le réseau local des bibliothèques de la ville de Montréal, mais le renforcer dans un contexte où les ressources financières sont déjà insuffisantes. Vu les problèmes fiscaux d'ordre structurel auxquels la ville doit encore et toujours faire face, l'administration Bourque veut en effet puiser dans le réseau actuel, et notamment dans celui de la Bibliothèque centrale, les budgets nécessaires à sa participation au projet. Le maire de Montréal est en train d'éreinter le réseau des bibliothèques de quartier pour pouvoir contribuer à la Grande Bibliothèque.

(10 h 50)

Les 270 000 usagers des quartiers de Montréal attendent pourtant de leurs élus qu'ils assurent, comme la charte de la ville leur en fait obligation, la relance et le développement constant et harmonieux de leur réseau de 23 bibliothèques publiques. Or, rencontrant à peine 50 % des normes québécoises et moins de 33 % la moyenne canadienne, le réseau des bibliothèques municipales se meurt. On ferme des succursales, d'autres sont en sursis. Le catalogue s'appauvrit. Les tablettes se vident. On sabre dans les achats pour éponger le déficit du Biodôme, enfant chéri de notre maire. Toute animation a disparu. Les services sont coupés, les heures d'ouverture réduites. L'accès aux livres, principe fondateur et principale raison d'être d'une bibliothèque publique, se trouve limité à sa plus simple expression par des horaires surréalistes qui ne répondent en rien aux besoins des usagers.

La médiocre performance du réseau municipal est, de fait, directement liée au budget insuffisant et inadéquat consenti par la ville qui consacre très exactement 29,76 $ par habitant, comparativement à 50 $ à 60 $ pour les villes de Vancouver, San Francisco et la ville de Québec. Or, plutôt que de remédier à cet état dramatique, l'administration Bourque, qui n'a toujours pas l'ombre d'un plan d'action ni la plus petite vision d'avenir à présenter à la population, s'apprête à sabrer près de 1 000 000 $ dans le réseau, à moins qu'il y ait dépannage. Cette coupure sauvage risque de se traduire par la fermeture des bibliothèques durant les week-ends. Comme, déjà, plusieurs ferment à 16 heures, quand donc les Montréalais payeurs de taxes, les travailleurs de 9 à 6, auront-ils jamais accès aux livres?

Des solutions viables et efficaces à l'état de crise actuel et au sous-développement chronique de notre réseau ne pourront être trouvées sans injection de nouvelles et importantes ressources financières. Or, Québec a diminué, depuis cinq ans, sa contribution au fonctionnement des bibliothèques publiques des Montréalais de 46 %.

Dans ce contexte, il est illusoire et inconcevable que la ville de Montréal, seule municipalité, soit appelée à financer les coûts d'opération de la Grande Bibliothèque. Déjà, le réseau des bibliothèques locales de la ville de Montréal est dans un état catastrophique, très loin en dessous des normes québécoises. En ce moment, à peine 12 bibliothèques sur 23 sont performantes en termes de nombre de visites et de livres prêtés. Pourquoi s'en étonner quand on sait que la moyenne de résidents desservis par bibliothèque dépasse les 44 000 à Montréal contre moins de 20 000 à San Francisco, Vancouver et Toronto? Seize bibliothèques sur 23 n'ont même pas deux livres par habitant, ça veut dire, la norme québécoise. Douze d'entre elles en ont moins de 1,5, et il y a même des quartiers, comme Rosemont et Acadie, qui comptent un gros 0,7 livre par habitant. Quelque 14 bibliothèques de la ville ne répondent pas aux normes minimales en termes d'espace. Enfin, la répartition des 23 bibliothèques sur le territoire municipal est tout à fait inadéquate et laisse des quartiers entiers, dont Parc-Extension, et des secteurs importants du centre-ville sans service de bibliothèque publique. Or, il est impensable de songer repeupler ce même centre-ville avec des gens de la classe moyenne sans fournir un service aussi essentiel que celui des bibliothèques.

Par ailleurs, le rapport Richard semble ne faire aucune distinction entre les ressources bibliothécaires de la ville et celles de l'île de Montréal qui compte pourtant plusieurs municipalités possédant leur propre réseau. Outremont et Saint-Léonard sont-elles des banlieues si éloignées qu'on puisse négliger leur contribution potentielle, tant sur le plan des ressources humaines, matérielles et techniques...

Des voix: ...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Madame, vous pouvez continuer.

Mme Fotopulos (Helen): ...que celui des ressources financières? – Il représente aussi Mile-End. – Résultat de cette aberration: on n'a pas prévu que la Grande Bibliothèque puisse vraiment jouer le rôle central qui doit être le sien dans un réseau élargi comptant toutes les ressources de l'île et permettant la mise en oeuvre d'un système de prêts interbibliothèques complet et efficace entre tous les réseaux municipaux, universitaires et collégiaux.

Selon le projet actuellement sur la table, Montréal devrait contribuer au projet du gouvernement en faisant don à la Grande Bibliothèque de sa collection de livres ou don de ses possessions. Le rapport Richard précise même que le projet n'est réalisable que si la ville se déleste, sans contrepartie financière, d'un patrimoine historique dont la valeur se chiffre en millions de dollars. Accumulée au fil des décennies par les citoyens et les contribuables de Montréal, cette collection sera le coeur de la Grande Bibliothèque, puisqu'elle constituera l'essentiel des documents accessibles au public.

Lorsqu'on parle d'intégration des collections et services de la Bibliothèque nationale et de la Bibliothèque centrale en un lieu unique et prestigieux, on oublie trop facilement que cette dernière joue un rôle de premier plan comme bibliothèque de quartier pour tout le Plateau Mont-Royal et le Centre-Sud. Les résidents de ces quartiers ne peuvent pas se voir ainsi privés de leur seule bibliothèque et il est illusoire de croire qu'ils pourront utiliser la Grande Bibliothèque comme bibliothèque de quartier. C'est pourtant cette bibliothèque de quartier que l'administration montréalaise s'apprête à sacrifier sous prétexte que la création de la Grande Bibliothèque l'exige.

De plus, le rapport Richard suggère que, récupérant la Bibliothèque centrale de Montréal, la Grande Bibliothèque récupère également le budget afférent, à savoir quelque 8 100 000 $ prélevés directement dans la poche de nos seuls concitoyens qui paieraient alors deux fois, comme Québécois et comme Montréalais, les opérations de cette infrastructure nationale. Déjà, les contribuables montréalais défraient seuls les coûts d'opération de la Bibliothèque centrale qui, avec 25 % d'usagers non résidents, était, dès 1993, reconnue de facto comme infrastructure métropolitaine et régionale par le rapport SECOR.

En plus, si on vide la Bibliothèque centrale de toute fonction bibliothécaire, il faudra tout de même entretenir cet immeuble historique et patrimonial où des générations et générations de Montréalais ont fait l'apprentissage de la lecture et de la recherche. Pour mémoire, précisons qu'on vient tout juste d'y dépenser plus de 4 000 000 $ en restauration et aménagements divers.

Soulignons enfin qu'on ne pourra faire l'économie d'un espace spécifique pour localiser le service central des bibliothèques municipales de Montréal. Nous doutons que la Grande Bibliothèque, dont ce n'est certes pas le rôle, puisse assumer cette indispensable coordination.

La conservation du patrimoine et des collections est certes de première importance, mais ce qui nous intéresse ici, c'est le livre accessible, celui qu'on peut consulter pas trop loin de chez soi, celui qu'on apporte en métro, celui qui nous marque, nous instruit, nous apprend à vivre comme individu et comme citoyen, le livre outil de culture, de savoir, de loisir mais aussi de démocratie. C'est l'accès à ce livre-là qui est menacé si nous ne soulevons pas maintenant toutes les questions et ne faisons pas convenablement tous nos devoirs.

Nous sommes persuadés qu'une fois le présent débat terminé il sera clair, très clair que Montréal ne doit pas être la seule municipalité à contribuer au financement de la Grande Bibliothèque du Québec. Il sera également très clair que Montréal doit conserver les 8 000 000 $ ou 9 000 000 $ présentement affectés à la Bibliothèque centrale de Montréal afin de les investir sans plus tarder dans l'amélioration de son réseau municipal. Le conseil municipal de Montréal a d'ailleurs voté à l'unanimité une motion en ce sens le vendredi 31 octobre dernier. Cette motion avait été mise de l'avant par l'opposition.

Et, en conclusion, nous recommandons conséquemment au gouvernement du Québec: de soutenir un programme d'amélioration du réseau des bibliothèques de quartier de la ville de Montréal; de permettre à la ville de Montréal de conserver les crédits budgétaires actuellement consacrés à la Bibliothèque centrale et de les réaffecter à la mise sur pied d'un programme d'amélioration du réseau des bibliothèques locales, plutôt que de les transférer purement et simplement au budget de la future Grande Bibliothèque; de rechercher une contribution de la part des autres partenaires de la région métropolitaine; de reconnaître la très grande valeur de la collection de la Bibliothèque centrale de Montréal et, par conséquent, ne pas exiger d'autre contribution montréalaise au projet de la Grande Bibliothèque; et, finalement, d'inscrire, dans la future politique de lecture qui sera bientôt soumise au débat public, la reconnaissance du rôle central de la Grande Bibliothèque comme coeur du réseau élargi de toutes les bibliothèques municipales, universitaires et collégiales de la grande région de Montréal. Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Mme Fotopulos. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, merci, M. le Président. Mme Fotopulos, bonjour. Je vais faire une boutade. J'écoutais votre présentation et je me disais que les élections s'en viennent à Montréal.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: C'est intéressant parce que ça suscite justement des débats. Et là je voudrais donc dire un certain nombre de choses et peut-être vous poser justement quelques questions.

D'abord, je ferai remarquer, M. le Président, au député d'Outremont que... Et j'en prends très bonne note que vous pensez qu'Outremont – vous avez nommé, entre autres, Outremont – et les autres banlieues devraient participer à un projet comme celui-là, qu'il n'y ait pas seulement Montréal, donc.

Mme Fotopulos (Helen): Pas elle seule.

Mme Beaudoin: C'est ça. Ça, c'est très clair. Donc, ça, c'est pour le député d'Outremont que je disais ça.

Et, même, je vous écoutais parler de Toronto et je me disais: Est-ce que vous susciteriez ou favoriseriez cette notion d'«une île, une ville»? Parce que vous dites justement: «À titre d'exemple, la Metro Toronto Reference Library est financée par toute la région du Grand Toronto et pas uniquement par la Ville-Reine telle qu'on la connaissait avant le tout récent regroupement.» Alors, je ne vous demande pas la position du RCM sur la question des regroupements municipaux, mais je le souligne quand même là, que ce qui vient...

(11 heures)

Mme Fotopulos (Helen): Le RCM était toujours d'accord sur la fusion de toutes sortes de services, comme police, incendie, etc. Et on trouve que le réseau des bibliothèques... On ne doit plus voir deux solitudes de bibliothèques sur l'île de Montréal; là-dessus, on est clair. On a le réseau des municipalités, qui est plutôt un réseau plus anglophone, qui ont un système de prêt interbibliothèques entre elles. Mais les résidents d'Outremont – et Hutchison, c'est moitié-moitié – ne peuvent pas venir à la bibliothèque de Mile-End sans payer un abonnement, et les gens de Montréal ne peuvent pas aller à Westmount ou à Outremont. Et, là-dedans, il y a une économie d'échelle à aller chercher, surtout avec des livres dans d'autres langues, et il y a une spécialité dans certaines bibliothèques de quartier.

Mme Beaudoin: Alors, si je comprends bien, le RCM en fera un point de la campagne électorale? C'est ce que vous préconisez, comme parti politique, ce que vous venez de dire.

Mme Fotopulos (Helen): Ça faisait partie des mandats qu'on avait donnés avant de perdre le pouvoir, pour voir quant à la Bibliothèque centrale et pour l'avenir et on en avait déjà discuté avec certains maires de banlieue. Cela dit, il n'y a pas eu grand-chose et grand mouvement dans ce dossier depuis trois ans. Comme j'ai dit, on attend la consultation et la vision de l'administration sur l'avenir. Et on ne parle pas seulement à court terme. C'est bien beau, décider pour les six mois, l'an qui vient, mais il faut penser aussi, pour les cinq ans, les 10 ans et les 15 ans, quels seront nos besoins.

Mme Beaudoin: Enfin, votre position est assez claire, là-dessus. Alors, ce que vous dites, à un moment donné, justement, en page 5, parlant de la ville de Montréal, qui consacre très exactement – je l'ai souligné et c'est dans le rapport Richard – 29,76 $ par rapport à 50 $ ou 60 $, comment vous expliquez ça, cet écart entre même une ville comme Québec – et vous le soulignez, une ville comme Québec – que ce soit, donc, bien sûr, Vancouver, Toronto, mais aussi une ville comme Québec, cet écart, page 5, quand vous dites: «La médiocre performance du réseau montréalais est, de fait, directement liée au budget insuffisant et inadéquat consenti par la ville qui consacre très exactement 29,76 $ par habitant, comparativement à 50 $ à 60 $ pour les villes de Vancouver, San Francisco et Québec»?

Mme Fotopulos (Helen): Bien, il y a deux éléments à ma réponse. Un, il y a un rattrapage historique qui est en train de s'effectuer depuis des années. En 1983, l'investissement dans les bibliothèques était de 9,7 %. En 1993, c'était de 25,5 %. Depuis, ça a diminué, on est rendu à 23,6 %. Mais, cela dit, il y a eu des injections de fonds, aussi, du gouvernement, avant que Mme Bacon fasse le moratoire sur la construction, et tout ça, disons qu'on a commencé à construire les bibliothèques, et ça, c'était sous le maire Drapeau. L'administration du RCM a complété la construction de plusieurs bibliothèques toute seule, sans contribution. Maintenant, on attend que le moratoire soit levé. On vous félicite.

Cela dit, on s'interroge sur la capacité de notre administration de prendre des décisions de construction dans Pointe-aux-Trembles et à Ahuntsic sans vous parler ou aller chercher du financement. Soit retarder de six mois jusqu'à ce que l'argent soit prêt ou, dans le cas des négociations, négocier quelque chose, il me semble que ça se fait. Et je ne pense pas que vous soyez fermés à ça, si vous avez annoncé de lever. Mais peut-être qu'on peut vous demander d'avancer les crédits.

Il y a aussi la méconnaissance du dossier des bibliothèques. J'avoue que je partage votre désespoir, parfois. Puis je vous ai écouté parler devant le colloque sur l'orientation des bibliothèques. Ce n'est pas tous les élus qui comprennent ou qui ont vraiment une priorité pour les bibliothèques. Mais la Grande Bibliothèque, c'est un bon prétexte pour commencer à parler. C'est un sport solitaire, la lecture. On a 270 000 usagers, mais on n'a pas encore réussi par équipe. Mais on espère, avec les enjeux qui sont les nôtres, maintenant, qu'on sera capables de mobiliser la population pour revendiquer des services qui sont à la hauteur des besoins. Donc, ça, c'était la partie historique.

Mais je pense que, dans tout ça, il y aussi les priorités de l'administration actuelle. S'il y a une chose qui m'a soulagée, le lendemain des élections municipales, c'était les promesses du candidat Bourque en ce qui concerne les bibliothèques, c'était des promesses chiffrées. Rendu en 1997, on aurait dû avoir un budget bibliothèques beaucoup plus important. Quant à l'achat de livres, on était pour être déjà dans la moyenne canadienne, et également pour le budget de fonctionnement. Cela dit, le dernier surplus de la ville de Montréal, plutôt que de servir à l'achat de livres, a servi à éponger le déficit du Biodôme; c'était 2 000 000 $. Oui, gros merci pour les 5 000 000 $ que vous avez ajoutés, le 1 000 000 $ qui a servi, mais il fallait pousser pour que, même ça, ce soit utilisé.

Mme Beaudoin: Oui. C'est très intéressant, ce que vous dites. À propos, effectivement, je veux le souligner – combien me reste-t-il de temps? – dans le dernier budget, en effet, parce que c'est vrai, et vous l'avez remarqué dans votre texte, il y a eu depuis cinq ans – et je fais remarquer que ça fait trois ans qu'on est au pouvoir, alors ça vaut pour les deux partis qui sont autour de la table – une diminution du budget de fonctionnement, comme vous le savez. Je veux faire remarquer, donc, une chose c'est que, depuis le dernier budget, justement, on est en remontée. Pour la première fois depuis cinq ans, le budget d'acquisition du ministère, à cause du 5 000 000 $ qui a été accordé et qui est récurrent, pour la première fois depuis cinq ans, il y a une remontée dans ce budget qui sera récurrent. Et, bien sûr qu'avec la politique de la lecture, vous le dites à la fin de votre texte, il est clair qu'avec cette politique de la lecture, dans mon esprit, il y aura de l'argent. Combien? On verra dans le prochain budget. Mais le nouveau 5 000 000 $ d'acquisition qui s'ajoutait au 10 000 000 $ déjà existant, donc, est là pour rester. Et la politique de la lecture devrait amener une augmentation, bien évidemment. Sans ça, je ne ferais pas de politique si je ne croyais qu'il y aurait ce montant supplémentaire.

Donc, ça, c'est extrêmement important, et vous le signalez. Mais il faut, en effet, normalement, que les villes et les municipalités mettent un certain montant, sinon 50 %, justement, du budget pour que ça ait l'effet de levier, je veux dire, escompté. Bon, ça, c'est une chose, je pense, extrêmement importante à souligner.

Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a l'Internet, qu'on a mis 7 000 000 $ en trois ans. Et la ville de Montréal et les bibliothèques de quartier aussi en ont bien profité de cet accès à Internet. Donc, le gouvernement a investi 7 000 000 $ dans l'ensemble du réseau des bibliothèques publiques pour l'accès à Internet.

Mme Fotopulos (Helen): Combien, pour Montréal?

Mme Beaudoin: Sur 7 000 000 $? 650 000 $.

Mme Fotopulos (Helen): Mais on avait demandé 2 600 000 $ à vos prédécesseurs, et c'était presque ficelé avant les élections.

Mme Beaudoin: Ah! avant les élections, le 650 000 $, il n'était même pas... Écoutez, ce n'est pas le même 650 000 $, certain, parce que je peux vous garantir que c'est un nouveau programme, un nouveau projet sur l'informatisation. Il y a eu aussi 225 000 $ pour Merlin, et ce n'est pas terminé. Mais, je veux dire, ce qu'on a, dans le moment, non pas d'engagé, mais de dépensé, à Montréal, c'est à la fois 225 000 $ pour le catalogue et 650 000 $ pour les ordinateurs eux-mêmes et les équipements eux-mêmes, qui n'étaient pas du tout budgétés, ça, je peux vous le garantir, quand je suis arrivée. Ça, je peux vous donner ma parole.

Ce que je voudrais ajouter, en terminant, puis que vous fassiez peut-être vos commentaires là-dessus, vous dites, au point numéro 3: «Nous approuvons la décision du gouvernement du Québec d'établir cette Grande Bibliothèque dans la métropole.» Après ça, vous faites vos caveat, tous vos bémols et vos conditions, mais j'aimerais que vous m'en parliez un peu, dans le sens suivant. Pourquoi, donc, dans le fond, dites-vous ça? Vous l'approuvez. cette décision-là.

Mme Fotopulos (Helen): Parce que c'est dû. Parce que nous avons la Place des Arts. Parce que nous avons le Musée d'art contemporain.

Mme Beaudoin: Oui.

Mme Fotopulos (Helen): Parce que nous n'avons pas un réseau de bibliothèques en bonne santé. Et c'est logique qu'à un moment donné le gouvernement assume ses responsabilités. On trouve que vous devez aussi assumer vos responsabilités quant au budget et soit faire payer tout le monde d'une façon équitable ou assumer les coûts, comme vous avez fait pour la Place des Arts. Je pense que c'est aussi un message et un signal à envoyer à l'ensemble du Québec. Et, avec ça, évidemment, une politique de la lecture qui va se solder, j'espère, par plus qu'un plan d'action, mais vraiment des choses concrètes qui vont toucher le réseau des bibliothèques.

On déplore, par contre, le fait que Montréal n'était pas un vrai partenaire. Mais même le fait qu'ils ont... Des partenaires normalement ne doivent pas apparaître devant une commission parlementaire quand ils ont donné des mandats politiques pour signer un rapport comme le rapport Richard. C'est chose qui n'a pas été faite, sur laquelle notre conseil, les Montréalais n'ont pas eu l'occasion de se prononcer, malgré les promesses depuis... Comme je dis, c'est deux ans, au conseil municipal. C'est pour ça qu'on a saisi l'occasion de venir et d'exprimer nos doléances, d'un côté, mais aussi nos espoirs et ce qu'on espère va se transformer en résultat de cette commission.

Mme Beaudoin: Bon, très bien. Parce que c'est important, et je vais terminer là-dessus. Vous dites que vous êtes d'accord avec tout, je veux dire, toutes les conditions et puis les bémols et les caveat que vous mettez, mais vous êtes quand même d'accord pour qu'il y ait une grande bibliothèque à Montréal.

(11 h 10)

J'ajoute ceci. Qu'est-ce qu'il arrive, s'il n'y en a pas de grande bibliothèque? Qu'arrive-t-il de la Bibliothèque centrale de Montréal, de votre point de vue, à partir du moment où, à supposer, le gouvernement dit: Bien, il n'y aura pas de grande bibliothèque? Qu'est-ce qui se passe avec le réseau des bibliothèques de quartier et la Bibliothèque centrale de Montréal?

Mme Fotopulos (Helen): Il faut vous rappeler que la Bibliothèque centrale figure parmi les équipements au rayonnement régional et métropolitain, déjà, dans notre liste pour le pacte fiscal. Ça a toujours été. On a toujours dit qu'on n'a pas les moyens de payer pour la Bibliothèque centrale. Et ce n'est pas uniquement les payeurs de taxes de Montréal qui l'utilisent. Donc, il y a une cohérence à négocier quelque chose où tout le monde qui bénéfice doit contribuer. «C'est-u» par les impôts de tous les Québécois? «C'est-u» par la Commission métropolitaine? Parce que, tout ça, ça n'a pas été évalué. On trouve que l'initiative est bonne, mais c'est plutôt maintenant pour nous un prétexte pour aller chercher plus loin. Parce que le pacte fiscal, on n'en aura pas avant 2000, la Bibliothèque, probablement pas avant 2000 non plus. Mais, s'il y a un terrain maintenant propice pour envoyer le message, je pense que c'est maintenant.

Mme Beaudoin: Donc, dans le fond, vous dites, en terminant: La Bibliothèque centrale, qu'il y ait grande bibliothèque ou non, tout le monde, en fait, sur l'île de Montréal... Est-ce que vous allez pour la RMR? Est-ce que vous pensez que c'est la région métropolitaine de recensement qui devrait payer pour la Bibliothèque centrale?

Mme Fotopulos (Helen): Ce qui est touché par le rapport Richard doit finalement contribuer.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, les gens d'en face applaudissent aux expressions d'exubérance relatives à la grande pyramide de la ministre de la Culture. Je les vois se trémousser chaque fois qu'on se présente comme un chantre inconditionnel du projet. Mais ils n'ont pas la même réaction lorsque des personnes de bon sens viennent s'exprimer devant nous.

Mme Beaudoin: Je suis moins méprisante que vous, en passant.

M. Payne: Il n'a pas besoin d'être méprisant.

Mme Beaudoin: Non, exactement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît!

Mme Beaudoin: Ce que je n'ai pas été, je dois dire.

M. Laporte: Je dois dire, M. le Président...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Payne: Vous n'êtes pas le seul intellectuel au Québec.

M. Laporte: M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît! M. le...

M. Laporte: M. le Président, nous sommes en commission parlementaire...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, vous avez la parole, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Nous sommes dans le parlementarisme britannique. L'ironie joue son rôle. Je ne suis pas méprisant, je profite des occasions qui me sont offertes pour lancer des pointes d'ironie à mes adversaires, ce qui, dans la grande tradition parlementaire, est un droit absolu de la part des parlementaires. Donc, M. le Président, je n'invoquerai pas le règlement pour leur dire qu'ils ne m'ont pas compris puis de retirer leurs paroles. Mais, écoutez, il y a une limite à vouloir déformer les propos de l'opposition. Je voulais aussi...

Évidemment, ce n'est pas une question que je peux poser à Mme Fotopulos, mais après la lecture de l'accablant déficit montréalais de la lecture que Mme Fotopulos vient de nous présenter, quand est-ce que la ministre va prendre le temps de nous faire la démonstration que ce déficit sera corrigé par la construction de son grand ouvrage de prestige? Ça fait quatre jours que je lui pose la question, ça fait quatre jours qu'elle est incapable d'y répondre.

Mme Fotopulos, d'abord, je veux vous remercier pour l'extraordinaire mémoire que vous nous avez présenté, c'est absolument très bien documenté. Je comprends très bien votre position. Je sais que vous n'êtes pas inconditionnellement contre le projet, mais que vous seriez pour à certaines conditions. Ce n'est pas une position qui est entièrement la nôtre mais, à la limite, on se rencontre sur le besoin d'avoir une discussion rationnelle.

Et je vous félicite, pour une raison, Mme Fotopulos. Et là je m'en prends à la ministre, M. le Président, lorsque celle-ci vous soupçonne d'avoir des intentions électorales. Je dois dire, madame, qu'ayant pris connaissance de votre mémoire le calcul électoraliste m'y paraît bien secondaire par rapport à ce que vous faites, vous, madame, comme représentation de ce qu'est le bien, et le bien public, madame. Et la partie d'en face aurait grandement avantage à s'interroger sur la question du bien et à s'interroger sur l'opportunité de la conception qu'elle se fait du bien. Mais elle refuse de le faire d'une façon systématique et avec un entêtement que je qualifierai de résolu. J'en ai déjà vu. J'ai vu passer le train à l'occasion d'autres commissions parlementaires. Je le vois passer, encore une fois. Ça ne me désespère pas, mais, néanmoins, je sais que, pour l'arrêter, il faut faire preuve de beaucoup de patience, de beaucoup de calme et de beaucoup de ténacité.

Des voix: ...

M. Laporte: Madame, je voudrais poser une question, si ces gens d'en face arrêtent de nous interpeller ou de nous achaler avec leurs commentaires inopportuns, non à propos, qui ne sont pas dans les règlements du parlementarisme.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont, allez-y.

M. Laporte: La question que je veux vous poser, c'est... J'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais je vais vous en poser une parce que ça me fatigue depuis longtemps, cette question-là. À la toute fin de votre mémoire, vous dites: «D'inscrire dans la future politique de lecture qui sera bientôt soumise au débat public la reconnaissance du rôle central de la GBQ comme coeur du réseau élargi de toutes les bibliothèques municipales, universitaires et collégiales de la grande région de Montréal.»

Mme Diane Mittermeyer, hier, est venue devant nous tenir des propos qui me paraissaient des propos du bon sens. Elle nous a dit: La ministre nous annonce une grande politique de la lecture. Elle nous a même dit hier, M. le Président, que la Grande Bibliothèque était un morceau de cette grande stratégie. Et Mme Mittermeyer lui a dit: Mais, Mme la ministre, vous mettez la charrue devant les boeufs, déposez-la, cette politique. Déposez-la, pour qu'on puisse faire une évaluation rationnelle de votre sacré projet. Déposez-la, cette politique, qu'on la voit, de sorte qu'on puisse conduire une évaluation rationnellement convaincante de la stratégie.

Je pose la question à Mme Fotopulos: Mme Fotopulos, seriez-vous plus à l'aise, vous, si vous l'aviez lu, cette politique de la lecture, pour savoir, au juste, dans l'économie de cette politique, comment se justifie et où se place le projet de la Grande Bibliothèque du Québec?

Mme Fotopulos (Helen): Je vous dirais franchement, je me serais sentie beaucoup plus à l'aise si la ville de Montréal avait fait ses devoirs. Parce que, si on avait fait nos devoirs, ce ne serait pas ici, aujourd'hui, qu'on présenterait nos doléances en opposition. Ça aurait été l'administration qui aurait fait quelque chose qui aurait de l'allure dans le projet. Donc, on n'aurait pas ces éléments-là à critiquer, mais plutôt à aller sur le fond.

Je vous avoue, je ne suis pas bibliothécaire, je suis une politicienne. Les échéances électorales sont toujours importantes, oui, mais il y a certaines choses dans la politique qui suscitent la passion. Et, dans ce cas-ci, oui, c'est passionnant, et il faut l'exprimer. C'est rare, d'ailleurs, que ça arrive, parce qu'au municipal, avec des égouts puis des nids de poule, ce n'est pas ça qui soulève la passion. Mais ici, comme...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Fotopulos (Helen): Bien sûr, je pense que, quand on parle d'un retard historique pour tout le Québec, oui, on aurait bien aimé avoir un énoncé de politique par le gouvernement aussi. Mais on ne peut pas «bypasser» la ville de Montréal, c'est la métropole culturelle. Si Montréal n'a pas encore fait ses devoirs dans ce réseau-là, pourquoi parler de l'accès à la lecture, et tout ça, à travers tout le Québec? Ça commence et c'est centré à Montréal. 85 % de l'industrie culturelle, c'est à Montréal. C'est un moteur économique aussi assez important. Je ne suis pas au pouvoir depuis trois ans, donc, j'oublie les chiffres exacts, mais j'imagine que ça doit toujours être dans les 70 000 jobs et quelques milliards de dollars de retombées. Mais tout ça, c'est relié. Et la politique de lecture, ça nous interpelle. On sera au rendez-vous, mais on va aussi saisir toutes les autres occasions pour s'exprimer.

(11 h 20)

M. Laporte: M. le Président, la ministre nous informe depuis un mois qu'elle a créé un comité-conseil – je ne me rappelle pas exactement le nom – qui examine déjà les problèmes de faisabilité, de localisation, d'entente. Ils sont en train de préparer un projet de loi, et ainsi de suite. Et Mme Fotopulos nous dit: Écoutez – et c'est la question que je vous pose – n'êtes-vous pas d'avis que tout ça, c'est un peu prématuré? On a l'impression que la décision est déjà prise et qu'il ne doit pas y avoir de débat sur le bien-fondé de la chose parce que la ministre est convaincue dans son coeur, n'est-ce pas. Elle nous l'a dit: M. le Président, ce projet est génial. La question que je vous pose, Mme Fotopulos: Êtes-vous d'avis qu'on est un peu coincé et qu'il faudrait en débattre, de ce projet, et en débattre davantage pour s'assurer que le choix est bon tant au niveau de la ville de Montréal qu'au niveau du gouvernement du Québec, qu'au niveau des municipalités, etc.?

Mme Fotopulos (Helen): Écoutez, il faut avoir de l'audace et il faut avoir aussi des convictions. Que je sois d'accord ou non sur l'échéancier, et tout ça, ce n'est pas moi la ministre de la Culture. Si la ministre de la Culture décide que c'est ça, la priorité de son administration plutôt que Blue Bonnets ou quelque chose d'autre, bien, là, on peut féliciter l'initiative. Cela dit, on n'était pas si tendre ou si reconnaissant quand il a été question du Casino ou de Blue Bonnets. Mais, ici, que le seul projet de développement vise la culture, ça, comme représentante de ma formation politique et aussi porte-parole de la culture, je ne peux pas être contre. Je peux être contre bien d'autres choses qui se passent maintenant sous la gouverne de ce gouvernement, à Montréal, y compris le pacte fiscal puis tous les autres... Mais, quant à ce projet, on se dit: Ça doit se faire d'une façon réaliste.

Le montage financier, ça nous achale, mais, sur le fond, en lisant le rapport Richard, peut-être, j'ai quelques commentaires que je peux partager avec M. Panneton quand il va aller faire ses négociations, mais ce qui importe à notre conseil municipal... Puis là c'est la motion de l'opposition officielle qui a passé à l'unanimité. Donc, même si on a été critiqué depuis trois ans pour toujours répéter les mêmes choses quand les bibliothèques sont visées, je pense qu'ils ont finalement compris. Et on espère que la défense de Montréal dans ce dossier sera un petit peu plus forte qu'auparavant.

M. Laporte: Je comprends votre position de fond, je ne discute pas de votre position de fond, c'est-à-dire que vous l'exprimez avec clarté et conviction. Mais la question que je vous posais, c'est – vous allez probablement me... je ne sais pas, mais je vous la pose juste pour le plaisir de vous la poser: Ne vous sentez-vous pas un peu bousculés, y a-t-il urgence par toutes ces manifestations d'impatience dont la ministre témoigne par rapport à la mise en oeuvre de son grand projet, de son grand ouvrage? Parce qu'on a l'impression, nous, ici, à l'Assemblée nationale, du côté de l'opposition – et ça me fait beaucoup réfléchir sur la dynamique du pouvoir – que la décision est déjà prise, n'est-ce pas, et que nous sommes là pour attendre qu'elle le soit?

Mme Fotopulos (Helen): Bien, j'espère que vous avez raison. Parce que, si elle y croit, elle va aussi investir et faire le nécessaire pour que ça ne soit pas les contribuables montréalais qui écopent.

M. Laporte: Ah! ça, c'est un bon point.

Mme Fotopulos (Helen): Donc, ce n'est pas à n'importe quel prix comme on a dit.

M. Laporte: Je vous remercie beaucoup, Mme Fotopulos.

Mme Fotopulos (Helen): Merci à vous.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jacques-Cartier, en vous rappelant qu'il vous reste trois minutes.

M. Kelley: Juste très rapidement. Je vous remercie beaucoup, Mme Fotopulos, de faire le point sur l'état de nos bibliothèques de quartier. Parce qu'on a parlé beaucoup qu'on ne veut pas les affaiblir, mais, si j'ai bien compris, elles sont déjà très faibles. Moi, je regarde le tableau, avec les heures d'ouverture par semaine. Comment une bibliothèque peut être ouverte juste 29 heures par semaine? Je pense qu'il y a un problème d'accès pour tous nos enfants qui veulent aller consulter des livres après les heures d'école, la bibliothèque est déjà fermée. Il y a quelque chose qui est un non-sens, dans tout ça.

Et j'ai trouvé préoccupant, dans le mémoire présenté hier par les syndicats, qu'à Vancouver qui a construit une grande cathédrale de livres, il y a maintenant des problèmes dans les paroisses. Et ils coupent dans les heures d'ouverture des bibliothèques de quartier, à Vancouver, parce que ça coûte plus cher qu'on pensait pour les frais de fonctionnement de la très grande bibliothèque. Alors, c'est évident que, dans le meilleur des mondes, on aura les moyens pour tout payer, pour tout faire, et tout ça, mais je demeure toujours très inquiet de l'impact de ce projet sur nos bibliothèques de quartier, parce que je pense qu'on a fait la preuve, dans votre document, que le statu quo pour nos bibliothèques de quartier est insuffisant. Alors, pour ça, merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Vachon, en vous rappelant qu'il vous reste 1 min 30 s.

M. Payne: Merci de me rappeler qu'il me reste une minute. Je vais faire un point. Moi aussi, je regarde les ironies. M. le Président. En endossant sans réserve le mémoire déposé devant nous, le député d'Outremont, qui vient de faire fugue, souscrit également...

M. Kelley: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je veux rappeler au député de Vachon qu'on ne peut pas faire référence à la présence ou à l'absence des députés pendant nos travaux parlementaires.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez raison, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Payne: Je n'aurais jamais dû mentionner l'absence du député d'Outremont et je m'en excuse.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Payne: En endossant sans réserve le mémoire, M. le Président, le député d'Outremont souscrit, j'imagine, aussi à la contribution de sa propre ville d'Outremont au financement de la Grande Bibliothèque. Je voudrais vous demander: De quelle façon préconisez-vous cette participation des villes d'Outremont, de Westmount ou peut-être de Pointe-Claire ou de Dorval à ce projet-là?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, Mme Fotopulos.

Mme Fotopulos (Helen): Je pense qu'il y a la Commission de la métropole, il y a également la CUM, il y a le Conseil des arts de la Communauté urbaine, il y a toutes sortes... Je ne pense pas que c'est à la ville de Montréal de présenter le tableau puis de faire des scénarios. Je pense qu'en toute négociation vous avez les ressources nécessaires. Vous voyez que je suis toute seule, ici. On est dans l'opposition, on n'a pas tous les fonctionnaires pour travailler. Mais je pense que ça se négocie. J'aimerais vous rappeler que M. le député d'Outremont est également M. le député d'une partie de Mile-End et de Côte-des-Neiges.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Mme Fotopulos. Merci de votre contribution à nos travaux. J'invite maintenant le ou les représentants de la ville de Québec à se présenter devant nous.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, le temps que la ministre revienne. Elle a dû s'absenter une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 11 h 30)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Nous reprenons nos travaux. Donc, bienvenue, M. le maire de Québec. Normalement, selon l'horaire que nous avions, nous disposions de 45 minutes, sauf que nous avons commencé un petit peu en retard ce matin et, pour vous permettre de prendre tout le temps, il faudrait le consentement des deux côtés pour pouvoir dépasser le temps jusqu'à 12 h 15. Est-ce que j'ai le consentement des deux côtés? Ça nous donnerait 45 minutes, ce qui était prévu à notre horaire, tandis que, là, il est 11 h 30, ça nous donnerait seulement 30 minutes.

M. Laporte: Écoutez, l'opinion du maire de Québec est importante à ce point qu'on peut sacrifier 10 minutes de son temps.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Est-ce que j'ai le consentement?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Donc, bienvenue, et je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent. Donc, nous disposons de 45 minutes, ce qui veut dire que vous avez environ 15 minutes pour votre présentation et 15 minutes des deux côtés de la présidence. Merci.


Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci, M. le Président. À ma gauche, Mme Lynda Cloutier, qui est responsable du dossier de la culture à la ville de Québec comme élue et membre du comité exécutif de la ville; à ma droite, M. Jean Payeur, qui est un des successeurs de M. Philippe Sauvageau et responsable de la bibliothèque Gabrielle-Roy; et M. Michel Choquette, qui est directeur du Service de la culture, des loisirs et de la vie communautaire à la ville de Québec.

Si vous me permettez, M. le Président, je lirai rapidement le mémoire, ou alors je vais directement à l'essentiel, mais je peux vous le lire, il est très court, le mémoire qu'on a préparé et qui, lui, reflète une correspondance que j'ai adressée le 29 août dernier à la ministre au sujet du projet de la très grande bibliothèque et complété par une lettre du 15 octobre. Alors, je vous ai aussi remis, pour les membres de la commission, cette correspondance et le mémoire qui est une présentation plus formelle du même contenu.

Je voudrais commencer cependant, M. le Président, en vous disant que, en écoutant tout à l'heure pendant quelques minutes la présentation, j'ai entendu souvent l'expression «la Grande Bibliothèque de Montréal» et je me suis dit: On s'est trompé, parce que notre mémoire porte sur la Grande Bibliothèque du Québec. Alors, je me dis: On a dû se tromper quelque part. Et j'ai fait ressortir le document de la commission Richard et, effectivement, on y parle d'«une grande bibliothèque pour le Québec». Ça m'a un peu rassuré, parce que, autrement, mon mémoire aurait été hors d'ordre dans ce conteste.

Deuxièmement, je pense qu'il est important de vous donner le contexte dans lequel, à Québec, on travaille. Il n'est pas question évidemment d'aborder ici les défis que nous vivons dans la gestion d'une bibliothèque municipale qui, incidemment, est gérée par une entreprise privée. On parle de privatisation. Depuis plusieurs générations, la Bibliothèque publique de Québec, qui est devenue formellement la Bibliothèque publique de Québec, est essentiellement gérée par l'entreprise privée. Ça surprend, mais l'Institut canadien est une organisation privée à but non lucratif et l'Institut a ses règles de fonctionnement et gère le réseau des bibliothèques publiques de la ville de Québec, avec le succès que l'on connaît.

La population de la ville de Québec est de près, mettons, 170 000 habitants. La bibliothèque Gabrielle-Roy a, en dehors de sa principale place, 11 bibliothèques de quartier dans son réseau, qui sont largement autonomes et parfaitement intégrées à la bibliothèque Gabrielle-Roy. Dans le réseau des 11 bibliothèques, nous enregistrons 700 000 entrées par année dans la ville de Québec et on enregistre aussi 700 000 entrées à la bibliothèque principale Gabrielle-Roy, pour un total de 1 400 000 entrées par année à la ville de Québec.

Le budget total consacré par la ville de Québec, à partir de ses fonds urbains, directement ou indirectement, au développement des services de lecture du réseau Gabrielle-Roy est de 8 000 000 $ par année, c'est-à-dire quelque chose comme 36 $ par habitant, ce qui nous place probablement parmi les villes francophones les plus hautes du réseau. On est battus là-dessus par West Island, qui a des traditions différentes des nôtres et que j'ai eu l'occasion d'analyser à plusieurs reprises. La contribution du gouvernement dans ce contexte est de 400 000 $ par année. Donc, l'effort ville, l'effort urbain, il est fait ici et, si on compare l'effort fait par les villes périphériques, il est de l'ordre de 20 $ par habitant à peu près, par rapport à 36 $ dans la ville de Québec.

C'est pour mettre en contexte les commentaires que je vais faire dans ce mémoire et qui ont essentiellement, M. le Président, deux objectifs... trois, en fait: celui d'éviter de m'impliquer de quelque façon dans toute la problématique du choix des lieux, des bâtiments, des constructions, du béton, etc., pour ce qui est des choix du gouvernement et/ou de la ville de Montréal, et ça, ça ne nous concerne pas pour ce qui est de la ville de Québec. Cependant, le contenu de ce projet nous concerne. Le contenu de ce projet nous concerne, d'abord parce qu'il s'agit d'une grande bibliothèque pour le Québec et que la deuxième plus importante concentration de services de bibliothèque, de bibliothéconomie, de lecture, de services complémentaires, se trouve ici, dans la région de la capitale. Ça nous concerne aussi parce que le développement d'une grande bibliothèque, et comme d'autres l'ont dit, qui va nécessairement drainer beaucoup de ressources, ne devrait pas, au contraire, assécher le territoire, notamment de l'Est du Québec et celui des villes-centres, et en particulier de la capitale, par rapport aux ressources auxquelles nous avons droit.

Troisièmement, ce qui est important, c'est que ce projet se développe véritablement comme une bibliothèque du Québec, c'est-à-dire en réseau interactif, avec les ressources déjà existantes sur le terrain, non pas uniquement dans un lien de dépendance, mais dans un lien de complémentarité. Et on doit rechercher cette complémentarité, cette synergie, faire en sorte qu'au bout du compte on atteigne l'objectif qui est de faire en sorte que le plus grand nombre possible de citoyens aient accès au plus grand nombre possible de documents qui les intéressent au moment où ils peuvent y avoir accès, au moment où ils en ont besoin.

Le dernier propos de ce mémoire essentiellement consiste à demander que, sous une forme ou sous une autre, dans ce développement synergique et complémentaire de ce qui existe déjà avec le projet qui est envisagé, Québec, comme capitale, soit le lieu d'une antenne privilégiée de la Grande Bibliothèque et de la Bibliothèque nationale, puisque les deux doivent continuer de se développer.

Alors, c'est essentiellement, pendant les 10 minutes qui viennent, de ça dont je voudrais vous parler, et je terminerai sur quelques suggestions plus concrètes et en vous disant mon ouverture pour la poursuite des discussions dans l'optique de la capitale.

Alors, le concept qui a été mis de l'avant par le rapport Richard sur le développement d'une très grande bibliothèque, devant guider le gouvernement, a été élaboré. Je ne reviendrai pas là-dessus. Je vais essayer de sauter un peu des pages préliminaires. Les principes exprimés, le Comité ne pouvait échapper toutefois à la dure réalité que lui imposait la situation montréalaise, et on le comprend. C'est ainsi que plusieurs des recommandations visant d'abord à régler le problème de la métropole, notamment son sous-développement en ce domaine dû à des années successives de sous-investissement, ont coloré l'ensemble du projet. Cette Grande Bibliothèque doit donc réunir au départ les collections que la Bibliothèque nationale du Québec et la Bibliothèque centrale de Montréal mettent déjà à la disposition du public, mais dont l'accessibilité fait défaut. De là découle ce mandat de diffusion confié à la Grande Bibliothèque. Il est clair que le gouvernement a déjà fait son nid là-dessus.

Les auteurs du rapport le soulignent eux-mêmes, la Grande Bibliothèque exercera son influence principale dans la ville de Montréal et son bassin urbain. Ce projet est d'abord une solution conjointe aux problèmes de diffusion de la métropole ou dans la métropole. Je le rappelle, non pas pour me placer en désaccord avec cette esquisse de solution pour Montréal, mais bien pour illustrer le problème de perspective que tout ce concept pose au maire de Québec, capitale nationale, là où tous les États du monde installent leur bibliothèque nationale. Cette réserve exprimée, et j'ai eu l'occasion de l'écrire à vos prédécesseurs, Mme la ministre, à plusieurs reprises, Mme Frulla et les autres, à chaque fois qu'il a été question de bouger un tout petit peu la Bibliothèque nationale, j'envoyais ma lettre en disant: «Ça ne vous tente pas de la mettre sur la 20, la Bibliothèque nationale, et de l'emmener dans la capitale, comme dans toutes les capitales?» Et on m'a toujours expliqué que ce n'était pas faisable, que ce n'était pas pensable. Donc, au lieu d'essayer de griffer avec des ongles faibles le granit des positions gouvernementales, on va se contenter d'essayer de limiter, si vous voulez, l'impact de la situation sur la capitale et de vous proposer une façon de mieux s'y insérer.

Trente ans après sa création, la Bibliothèque nationale du Québec demeure une institution majeure pour la conservation de notre patrimoine imprimé, s'agissant du seul endroit qui rassemble systématiquement et de manière exhaustive toute l'édition québécoise. Outre ce mandat premier de conservation, la Bibliothèque nationale se devait de rendre ses documents le plus accessibles possible. Elle a rempli ce rôle, parfois difficilement. Rappelons toutefois que l'obligation qui est faite de consulter sur place ces documents rares soulève encore plus les incidences liées au choix de Montréal comme chef-lieu de cette bibliothèque nationale.

(11 h 40)

Les technologies nouvelles pourraient toutefois atténuer ces problèmes de géographie. Le développement de la Bibliothèque nationale à Montréal demeure pour la capitale un irritant majeur dans ses fonctions de capitale. L'intégration de son volet diffusion à la Grande Bibliothèque du Québec va maintenant sceller de manière définitive cette orientation prise il y a quelques années. Nous ne pouvons que le regretter.

J'insiste. Le développement des nouvelles technologies de l'information nous confirme encore aujourd'hui que la présence de la Bibliothèque nationale dans sa capitale n'aurait pas été un véritable obstacle à son accessibilité par la majorité des Québécois.

Tout en solutionnant les problèmes d'accessibilité et donc de diffusion de la BNQ et de la Bibliothèque centrale de Montréal, la Grande Bibliothèque devrait aussi avoir pour mandat d'être l'un des principaux moteurs de l'édition québécoise, se traduisant notamment par un rôle de soutien et d'expertise-conseil dans l'ensemble des bibliothèques publiques du Québec, pour tout ce qui concerne le développement et la diffusion des collections, l'organisation des services, l'intégration des nouvelles technologies, le relais virtuel de l'information et les interactions avec la francophonie. Tenant compte de la qualité de ses collections, la Grande Bibliothèque doit jouer un rôle d'appoint pour toutes les bibliothèques québécoises qui souhaiteraient recourir à ses ressources en plus d'exercer une fonction de planification et de recherche au service du réseau des bibliothèques publiques.

Tout en insistant sur l'accessibilité que devrait avoir la Grande Bibliothèque, les auteurs du rapport ont toutefois clairement reconnu que celle-ci desservira la clientèle locale immédiate au lieu même de son emplacement, c'est-à-dire dans un rayon de quelque sept kilomètres. Plus largement, elle satisfera aux besoins du bassin urbain montréalais. Enfin, dans un dernier vaste et vague cercle concentrique vu par les auteurs du rapport, cette Grande Bibliothèque irrigue le réseau des bibliothèques publiques québécoises, le renforce et le soutient. Enfin, et je cite, «elle joue le rôle de point de convergence et de concertation entre ce réseau et les différents producteurs et diffuseurs d'information intéressant le grand public québécois».

En résumé, on pourrait dire sans exagérer que, malgré les effets bénéfiques qu'il pourrait apporter au Québec, le projet de la Grande Bibliothèque du Québec est obnubilé par le problème montréalais au point d'en négliger les effets sur sa capitale et sur l'Est du Québec. D'autres l'ont écrit avant nous, il doit y avoir peu d'États dans le monde qui ont choisi d'installer leur bibliothèque nationale en dehors de leur capitale. En tant que capitale nationale, Québec doit jouer un rôle significatif dans un domaine aussi déterminant culturellement que celui des bibliothèques publiques. Des choix ont été faits par le gouvernement et nous nous devons maintenant de bonifier ce projet et d'en atténuer les impacts négatifs.

La proposition que nous faisons, c'est d'une antenne de la Bibliothèque nationale à Québec. Tout comme on perçoit la nécessité pour la région métropolitaine de rendre plus accessibles les trésors des collections jumelées de la Bibliothèque nationale à Montréal et de la Bibliothèque centrale de Montréal, il y a lieu de faire de même à Québec, qui bénéficie déjà d'une masse critique de riches collections principalement patrimoniales. Cette constituante serait aussi une sorte d'avant-poste d'expertises de normalisation et de services pour tout le territoire de l'Est du Québec. En créant ce pôle à Québec, la Bibliothèque nationale se rapprocherait de manière significative de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, ce qu'elle ne pourra faire en concentrant tout son volet de diffusion à travers la Grande Bibliothèque et à partir d'un lieu unique, Montréal.

Donc, en plus de permettre à la BNQ, par le biais de la GBQ, d'assurer une meilleure diffusion, cette constituante favoriserait un meilleur partage et une intégration de l'expertise du réseau de la bibliothèque Gabrielle-Roy et des autres bibliothèques de l'Est du Québec. C'est pour ça que je soulignais au début l'importance de Gabrielle-Roy dans sa pénétration du milieu. Gabrielle-Roy, c'est un lieu physique, mais c'est avant tout une occasion de lecture.

Je résume la proposition: organiser et mettre en valeur les collections patrimoniales appartenant à différentes institutions comme celles du Séminaire, l'Université Laval, l'Institut canadien, l'Assemblée nationale, la ville de Québec; développer, organiser, conserver et mettre en valeur une collection relative à la capitale; fournir aux bibliothèques de l'Est du Québec une expertise technique dans le domaine de la numérisation des documents; regrouper, organiser et diffuser sur Internet les publications gouvernementales; donner accès aux collections de la BNQ par l'intermédiaire d'un lien à large bande passante et accueillir les expositions organisées par cette dernière.

Je terminerai, M. le Président, en vous disant – évidemment, je n'ai pas pu tout lire, donc je vous garde le suspens jusqu'à la fin, le meilleur était dans les pages que je n'ai pas lues, c'était volontaire... Ce que je voulais vous dire, c'est qu'on a besoin en plus de ça, à Québec, que la fonction de capitale soit renforcée en permettant que les plus spectaculaires collections et des Archives nationales et de la Bibliothèque y viennent se présenter aux quelque 4 000 000 de touristes qui nous visitent à chaque année et qui viennent ici essentiellement parce que Québec est une ville du patrimoine, une ville historique, une ville culturelle. On devrait donc s'asseoir avec le gouvernement et voir de quelle façon la Grande Bibliothèque et la Bibliothèque nationale pourraient se servir de la vitrine qu'est Québec pour ancrer ici non seulement une antenne traditionnelle, comme celle que j'ai décrite, mais une antenne spectaculaire de nos fonds d'archives les plus riches, les plus intéressants et ceux qui sont susceptibles d'exciter la curiosité, notamment des étudiants, dans le contexte d'une politique d'accueil que la capitale, via la Commission de la capitale et la ville, est en train de développer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. L'Allier. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, merci. Je voudrais d'abord, parce que je ne l'ai pas rencontré depuis, féliciter le maire de Québec pour sa réélection, d'autant que je m'étais commise publiquement en sa faveur, parce que c'est un vrai maire culturel et il sait jusqu'à quel point j'apprécie justement ce qu'il fait pour la culture et ce qu'on fait souvent, d'ailleurs, M. le Président, ensemble, puisqu'on a une entente de développement culturel entre le ministère et la ville de Québec. Donc, je tiens à féliciter le maire pour sa réélection, d'autant, M. le Président, que depuis deux jours – ça n'en fait pas quatre, ça en fait trois, je pense que c'est la troisième journée, mardi, mercredi, jeudi...

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Le temps paraît long au député d'Outremont parce qu'il a dit que ça faisait quatre jours tantôt. Ça en fait trois. Alors, trois jours que je donne Québec en exemple, Québec en exemple à de multiples titres. Premièrement, pour la raison, M. le maire, que vous avez exprimée quant à ce que vous mettez d'argent en moyenne par habitant. Vous êtes certainement la première ou la deuxième ville, en effet, francophone derrière un certain nombre de villes anglophones qui ont une tradition. Il y a eu un retard chez les francophones, et j'ai fait mon acte de contrition là-dessus au tout début parce que je crois que ça a été vraiment collectivement de notre faute, en quelque sorte, si, pendant 100 ans, on ne s'en est pas vraiment occupé, des bibliothèques et de cette diffusion de la connaissance. Donc, Québec est vraiment à l'avant-garde.

Et j'ai donné Québec en exemple aussi dans le sens suivant. Parce qu'un des débats qu'on a eus, ça a été relativement à la construction. Est-ce qu'il fallait un lieu? Bon. Bien sûr, moi, je réponds oui, compte tenu de ce que la ville de Montréal, d'ailleurs, et les autres intervenants sont venus nous dire: La Bibliothèque nationale ne peut pas justement diffuser ses collections comme elle le voudrait et encore moins la Bibliothèque centrale de Montréal. Et c'est vrai à cet égard que l'on règle aussi un problème montréalais tout en voulant et en faisant en sorte, et c'est quand même assez clair dans le rapport et dans notre esprit, que, par cercle concentrique, en effet, l'ensemble du Québec, et j'ai bien compris de façon bidirectionnelle et interactive, pas seulement dans un sens mais dans tous les sens, que ce réseautage, en quelque sorte, donne les fruits escomptés.

Mais je donne Québec en exemple, justement, en termes d'entrées. Parce que ce que l'on vise, c'est que le monde, la population, justement... C'est une grande bibliothèque pour un grand public, dans le fond, c'est ce qu'on recherche, et Québec est un bel exemple de ça. À partir du moment où la bibliothèque Gabrielle-Roy a été construite – construite – de verre, de pierre, de béton, etc., mais une vraie construction, avec les bibliothèques de quartier dont vous avez parlé, vous êtes passés, à Québec, de quelque chose comme 80 000 à 1 400 000, puisque, comme vous disiez si bien, 700 000 entrées dans les bibliothèques de quartier et 700 000 à la bibliothèque centrale. Alors, il n'est pas fou d'imaginer qu'à Montréal on passerait justement de 425 000 à la bibliothèque centrale et de combien à la Bibliothèque nationale...

Une voix: 30 000.

(11 h 50)

Mme Beaudoin: ...30 000, à quelque chose comme 2 000 000, globalement, et c'est ça qu'on recherche. C'est pour la population, pour les gens, pour la lecture justement.

Donc, j'aimerais que vous commentiez là-dessus justement, cette expansion extraordinaire, non pas dans le béton, mais dans la population, pour la population de la ville de Québec, depuis plusieurs années, vos prédécesseurs et vous-même.

Quant à votre recommandation, je veux vous dire tout de suite, M. le maire, que, de cette antenne dont vous parlez, de cette antenne de la Bibliothèque nationale à Québec, avec la proposition que vous faites, je vais confier à M. Sauvageau le soin d'étudier toute cette question. Je pense qu'il y a peut-être en effet, là, vous avez raison... Je me disais, M. le Président, en écoutant M. le maire, qu'il a été ministre de la Culture pendant quand même quelques années. S'il n'a pas réussi lui-même à ramener la Bibliothèque nationale à Québec, puisque ça s'est fait dans les années 1967, cette création, pour des raisons historiques que l'on connaît, la bibliothèque Saint-Sulpice... que c'est vrai que c'est à Montréal maintenant et puis il faut trouver des solutions dans la perspective justement des intérêts de Québec, capitale. Étant originaire moi-même de cette capitale, vous savez jusqu'à quel point j'y suis attachée. Alors, par conséquent, je demande à M. Sauvageau de poursuivre cette réflexion avec la ville de Québec sous cet angle-là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. L'Allier.

M. L'Allier (Jean-Paul): Si vous me permettez, je vais demander à M. Jean Payeur de répondre précisément à la question de pénétration dans les milieux populaires, puisque, pour avoir, oui, 1 400 000 entrées, il ne faut quand même pas rejoindre uniquement les étudiants de l'Université Laval, là. Donc, je vais lui demander d'illustrer la démarche que, conjointement, on suit, c'est-à-dire une organisation autonome qui n'a pas un certain nombre des lourdeurs de l'administration publique traditionnelle, qui est elle-même profondément enracinée dans son milieu et qui fait évoluer constamment son produit pour qu'il soit attrayant. J'imagine que ça doit se produire ailleurs, mais régulièrement, à Gabrielle-Roy, quand la bibliothèque est fermée et doit rouvrir, cinq, 10, 15, 20 minutes avant l'ouverture, il y a des gens qui attendent à la porte pour entrer à la bibliothèque. Alors, je vais donner la parole à M. Payeur, si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui.

M. Payeur (Jean): Oui, en fait, le succès du réseau de la Bibliothèque de Québec, puisqu'il faut l'appeler ainsi... c'est sûr que Gabrielle-Roy fait image et sa notoriété dépasse largement les frontières de la ville de Québec, mais il ne faut pas oublier que, effectivement, il y a un réseau derrière cette bibliothèque-là, réseau, comme on le disait, composé de 12 entités au total. Ce réseau a un succès parce qu'il est près des gens. C'est la proximité physique du bâtiment qui fait que, dans chacune des bibliothèques de quartier, on rejoint la clientèle. C'est qu'on forme avec l'église, avec l'école, avec l'ensemble de la communauté un équipement essentiel qui s'inscrit sur le parcours des citoyens directement, donc les gens doivent nécessairement passer par la bibliothèque, et il y a une relation de quotidienneté qui se fait entre le citoyen et la bibliothèque, et c'est là l'élément essentiel. Et c'est ce que l'on dit d'ailleurs au niveau du projet de la Grande Bibliothèque, c'est qu'il doit y avoir une relation aussi, quand on parle de ce type de bibliothèque, avec l'ensemble des citoyens. Donc, l'interface est tout à fait vitale pour permettre à cette future Grande Bibliothèque d'assumer le rôle qu'elle a à assumer. Donc, l'interaction est importante.

Je dirais aussi que l'expertise qui s'est développée à Gabrielle-Roy et qui est largement utilisée par beaucoup de bibliothèques actuellement... Je dois vous dire qu'à chaque semaine des municipalités viennent cogner à notre porte pour nous demander une expertise pour développer un service, pour, soi-même, mettre sur pied carrément une bibliothèque. La semaine dernière encore, j'étais avec des gens de ville Vanier, où on développait avec eux un concept de bibliothèque. Donc, tout ça, c'est évidemment important que cette expertise soit aussi bidirectionnelle. Gabrielle-Roy ne cessera pas d'exister parce que la Grande Bibliothèque existe, donc il doit y avoir une interaction. Le rôle que joue notre bibliothèque est très important, et je pense qu'il doit être mis à partie dans cette structure nationale qu'on va mettre en place.

Mme Beaudoin: Très bien.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Non, c'est M. le député...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Laporte: ...qui me précède ce matin.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je veux, premièrement, féliciter le maire pour sa réélection dernièrement. Je veux peut-être commencer avec un commentaire personnel. Ma bibliothèque de quartier préférée est à la ville de Québec et c'est dans l'ancienne église St. Matthews, sur la rue Saint-Jean, où mon arrière-grand-père a été le pasteur pendant 40 ans. Et je dois avouer qu'une des journées... c'était quand mon père, qui a chanté dans le choeur pendant des années comme enfant, est revenu pour voir la beauté de cette restauration. Prendre un équipement patrimonial et le convertir en bibliothèque de quartier, je peux dire que la famille Scott et la famille Kelley étaient fort heureuses, de voir ce que nous avions fait avec cette bibliothèque de quartier. Alors, je ferme la parenthèse sur ce commentaire personnel, mais merci beaucoup.

Et c'est effectivement ça, on vient d'avoir le témoignage de Mme Fotopulos, d'un des regroupements politiques de la ville de Montréal, sur l'état des bibliothèques de quartier. Je veux vous questionner sur: C'est quoi, les heures d'ouverture de vos bibliothèques de quartier? Peut-être même pour les fins de nos travaux, vous pourriez déposer un tableau de ces heures d'ouverture.

Si j'ai bien compris, on a parlé beaucoup devant cette commission, si je peux continuer dans la métaphore religieuse, sur la cathédrale, mais je pense que les paroisses sont également importantes. Je pense, si j'ai bien compris le système à Québec, qu'on a l'équipement qui est la bibliothèque Gabrielle-Roy, qui est très important, mais on a également les 11 ou 12 bibliothèques de quartier en bonne forme, en santé aussi. Alors, j'aimerais savoir comment les deux fonctionnent ensemble et c'est quoi, le déploiement des ressources à la fois pour les bibliothèques de quartier en comparaison avec la bibliothèque centrale.

M. L'Allier (Jean-Paul): Très brièvement. D'abord, merci de vos commentaires sur la bibliothèque du Vieux-Québec, ici, sur Saint-Jean. Je dois vous dire que, à chaque fois qu'on peut utiliser un bâtiment qui a une vocation culturelle pour le faire se renouveler, on le fait, mais on essaie avant toute chose de faire en sorte que le lieu bibliothèque soit un lieu attrayant en lui-même et parfaitement adapté aux fonctions de la lecture, aux fonctions du partage et de la diffusion.

La dernière bibliothèque de quartier – si je peux employer l'expression – qu'on a inaugurée il y a quelque temps est un bâtiment qui n'est pas très grand, qui est près des autres services de loisir, qui est fortement vitré, parce que de la bibliothèque on voit tout le quartier, autour, donc on est dans le quartier, et, en même temps, c'est un lieu qui peut se transformer en lieu de conférences pour les jeunes ou pour les adultes ou les deux à la fois, etc. Je ferme la parenthèse là-dessus. Donc, disons, la greffe dans le milieu doit se faire d'une façon tellement naturelle que, après quelques mois, ce n'est plus une greffe, c'est une destination essentielle.

Maintenant, sur le fonctionnement, l'utilisation des ressources, je ne sais pas, ou ma collègue ou M. Payeur... peut-être que M. Payeur peut compléter là-dessus.

M. Payeur (Jean): Oui. Sur les heures d'ouverture, en fait, la bibliothèque Gabrielle-Roy est ouverte 65 heures-semaine. Les bibliothèques de quartier offrent une moyenne d'heures d'ouverture de 36 heures-semaine. Et, bien sûr, il y a un complément. Ce qu'on a essayé de faire... la bibliothèque Gabrielle-Roy, en termes de fonctionnement, versus les bibliothèques de quartier, c'est que vous retrouvez, à Gabrielle-Roy, des services qui sont complémentaires à l'ensemble du réseau. Il n'y a pas de dédoublement. C'est-à-dire que c'est sûr que Gabrielle-Roy joue effectivement le rôle de bibliothèque de quartier dans son quartier – en fait, dans deux quartiers, puisque, dans Saint-Roch et Saint-Sauveur, on rejoint ces deux clientèles-là – et l'ensemble des autres services sont complémentaires à l'ensemble des autres actions. Exemple, le secteur, évidemment, informatique est très développé, à Gabrielle-Roy, puisqu'on a le personnel sur place pour assumer le support. Mais, par contre, dans chacune des bibliothèques de quartier, vous avez quand même Internet qui est présent et qui est accessible tout à fait gratuitement. Il n'y a pas de tarif qui est demandé à la population. Même chose, on retrouve l'ensemble des services de base d'une bibliothèque.

Et, comme l'a dit si bien M. L'Allier, dans les dernières-nées de la bibliothèque, on essaie aussi de favoriser le rôle de la bibliothèque comme agora. En fait, moi, je me plais à dire que l'on a remplacé les parvis d'église et que la bibliothèque publique, maintenant, a remplacé cette fonction essentielle qu'est le contact humain, puisque, en dehors des livres, il y a aussi les gens qui amènent l'information. Donc, je pense qu'il est important que l'on puisse permettre aux personnes de se parler dans un lieu autre qu'un lieu commercial, par exemple. Donc, la bibliothèque, en ouvrant largement son accessibilité, en permettant d'avoir, entre autres, des salles qui permettent les rencontres, c'est essentiel, et c'est le rôle que jouent beaucoup les bibliothèques de quartier, la rencontre entre les citoyens.

M. Kelley: Je pense que c'est la preuve qu'au-delà des grands discours de synergie, et tout ça, ce que la ville de Québec a fait, c'est, comme on dit anglais, «put their money where their mouth is». Et, si la ville de Montréal, toutes proportions gardées – je regarde les chiffres dans ce tableau-ci – ils mettent 31 $ par tête de pipe et que la ville de Québec, c'est 39 $, alors, avec cette différence, ça donnerait 8 000 000 $ de plus par année pour la ville de Montréal. Et peut-être que, s'il y avait eu ce niveau d'engagement pour la ville de Montréal il y a des années, on ne serait pas ici aujourd'hui. Et tout le monde parle de l'exemple de l'ouest de l'île de Montréal, je ne me sens aucunement coupable. Mais, à Beaconsfield, il y avait un débat: Est-ce qu'on va construire une aréna ou une bibliothèque? Et le choix que nous avons fait, on a construit une bibliothèque. Après, nous avons construit une aréna. On a les deux équipements maintenant. Mais, quand le choix a été fait dans l'histoire de Beaconsfield: C'est quoi, l'équipement municipal le plus important? nous avons opté pour une bibliothèque. Alors, c'est un choix que nous avons fait, et je pense que c'est la preuve ici que, si on met les ressources et les disponibilités...

(12 heures)

Juste au niveau de l'antenne pour juste préciser ou peut-être élaborer: Est-ce que c'est un lien physique ou virtuel? Qu'est-ce qu'ils cherchent? Parce qu'on parle beaucoup de numériser des livres et qu'il y aura des capacités avec l'Internet, avec l'informatique. Alors, est-ce que ce qu'on cherche ici, c'est plutôt un lien virtuel ou est-ce que c'est vraiment un lien physique, un établissement physique à Québec, en complémentarité avec l'autre?

M. L'Allier (Jean-Paul): Je vais commencer, encore une fois, la réponse et demander à M. Payeur de vous donner la précision. C'est les deux. C'est à la fois un lien virtuel, parce que, dans l'avenir, aucune bibliothèque ne pourra se passer de développer de tels liens, si on veut continuer à avoir une politique de la lecture qui est viable, compte tenu des budgets disponibles, mais c'est aussi une présence physique, notamment par une présence permanente – mais quitte à la faire rotative – de collections, d'ouvrages et même de dépôts de livres plus anciens qui sont beaucoup plus rarement consultés, dans le cadre d'une politique de la lecture, et qui sont en fait l'essence même, le coeur d'une bibliothèque nationale.

Je parle, par exemple, du fonds historique. Il ne s'agit pas de se battre pour savoir si on doit le déplacer ou le laisser là, mais il devrait circuler et venir régulièrement, être présenté, donc, ici, dans la ville et la région, comme capitale. Parce qu'on a besoin, dans la capitale, de tous ces éléments-là qui font qu'on visite, dans le fond, la maison mère, sur le plan de l'histoire, sur le plan de la politique, sur le plan des institutions, etc. Donc, c'est de ça qu'il s'agit.

La crainte qu'on exprime, c'est qu'on ait en tête un mot, qui s'appelle «la Grande Bibliothèque du Québec», mais qu'on développe dans les faits, pour toutes sortes de restrictions budgétaires et autres, uniquement une solution pour le problème de Montréal et que, pour y arriver, on assèche l'ensemble des ressources disponibles, et je ne parle pas uniquement sur le plan financier, mais sur le plan des ressources humaines, des ressources de bibliothéconomie, etc., et, donc, encore une fois, qu'on amplifie le préjugé que Montréal se développe toujours au détriment des régions. Donc, ce qu'on a voulu dire, nous, c'est: Oui, réglez les problèmes de Montréal... Et vous y avez fait allusion, on ne corrige pas le passé, mais, si on avait commencé par une bibliothèque plutôt que par le Stade, on n'aurait peut-être pas le même genre de problèmes aujourd'hui, en termes de financement. Je referme la parenthèse. M. Payeur.

M. Payeur (Jean): Oui, effectivement, l'antenne de la BNQ à Québec pourrait à la fois être virtuelle et réelle, virtuelle en ce sens qu'il y a beaucoup de fonds patrimoniaux dans la région de Québec, entre autres ceux du Séminaire, l'Assemblée nationale aussi est détentrice de fonds intéressants pour les chercheurs, la bibliothèque de l'Université Laval et l'Institut canadien aussi, par ses fonds anciens. Donc, toutes ces collections-là sont disséminées un peu aux quatre coins de Québec. Et, sans être réunies nécessairement physiquement dans un lieu, elles pourraient l'être au moins au plan du traitement documentaire.

Et, bien sûr, le fait qu'il y ait une antenne physique qui n'aurait rien à voir avec la Grande Bibliothèque de Montréal, mais qui serait une antenne évidemment de format plus modeste, aurait justement l'avantage de créer cette visibilité ou, du moins, ce point d'attache entre ces différentes collections qui sont disséminées. Aussi, le fait que la bibliothèque nationale soit visible dans sa capitale par une antenne, donc par des expositions ou par des éléments tangibles, donc des collections entières qui pourraient être prêtées à l'occasion à cette antenne, fait l'association entre capitale et bibliothèque nationale, l'adéquation se fait au moins sur le plan visuel, on aurait cette présence de bibliothèque nationale.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le maire de Québec, d'abord, comme la ministre vient de le faire, je voudrais vous féliciter pour votre victoire. Je n'ai pas pu évidemment vous appuyer, dans le contexte où je me trouvais. Mais, moi, je vais vous faire un petit cadeau. M. L'Allier, la notion de bibliothèque digitale et de bibliothèque virtuelle – j'ai de la littérature là-dessus, ça fait deux soirs que je passe là-dessus – rend parfaitement réalisable le désir d'une grande bibliothèque du Québec qui, selon vos voeux, soit fondée sur un lien de complémentarité plutôt que de dépendance et possédant une constituante à Québec.

Mais, M. le maire, il y a à ça une condition incontournable. Et je l'ai déjà mentionné à la ministre, il y a ce beau numéro spécial de Daedalus , qui s'appelle «Bricks, Books and Bytes». Et la condition incontournable qui est vraiment bien développée dans cet article de la revue, c'est que nous ayons une stratégie qui, tout en investissant dans la brique ou dans le béton, investisse prioritairement dans la digitalisation et la virtualisation. Et là on revient à un problème stratégique de fond. Et vous qui êtes un grand ami de la ministre, peut-être réussirez-vous à en parler avec elle et à la convaincre.

La ministre pose une question, M. le maire, qui n'est pas la bonne. Elle nous demande: Devrait-il y avoir un lieu physique? Mais bien sûr qu'il devrait y avoir un lieu physique. La question, c'est: Quel lieu physique? Un grand lieu physique de grand prestige ou un lieu physique convenable, disons, amical, respectable, mais qui, si on n'investissait pas dans ce lieu physique ce grand ouvrage plus qu'il ne le faudrait les ressources rares, nous permettrait néanmoins d'investir davantage de ressources dans la digitalisation et dans la virtualisation, qui permettraient parfaitement la réalisation de votre désir?

En d'autres mots, l'opposition n'est pas en train de crier qu'il ne faut pas investir dans le béton, et le béton, et le béton, non. On ne nous comprend pas. Ce que l'opposition met en question, c'est la stratégie de la ministre et l'équilibre des rapports de force à l'intérieur de stratégies entre les livres, le béton et la technologie. Et, moi, je dis que, si vous réussissiez – moi, je ne peux pas le faire parce qu'elle ne m'écoute pas – vous, qui êtes écouté, M. le maire, à convaincre la ministre de la Culture de modifier, disons, substantiellement le rapport de force des équilibres à l'intérieur de cette stratégie, vous allez l'avoir, votre constituante à Québec. Mais, si elle investit 75 000 000 $ dans un grand projet de prestige, dans la grande pyramide dont elle parle, à Montréal, indépendamment où que ce soit, à Outremont, à Westmount, au centre-ville, ou je ne sais trop où, votre désir, M. le maire, il ne se réalisera pas parce que vous allez vous frapper comme tout le monde à la dure réalité de la rareté des ressources.

Alors, moi, je vous ai écouté attentivement. Je trouve que votre désir est non seulement noble, mais qu'il est parfaitement justifié parce que vous êtes le maire de la capitale de Québec, et je vois très bien que, dans cette belle capitale, on ait, comme vous disiez, cette vitrine qui nous permette d'étaler à tous nos visiteurs l'abondance de notre création de culture livresque et de notre création patrimoniale. Et tout cela est possible, M. L'Allier, si la ministre procède à un rééquilibrage des rapports de force à l'intérieur des trois variables de la stratégie, qui sont «bricks, books and bytes».

Dans le rapport de M. Richard, malheureusement, ce rééquilibrage n'a pas été authentiquement réfléchi. Et, moi, mon argument depuis le début, je ne suis pas contre la vertu, j'interroge la stratégie de la ministre. Et je termine en disant...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont...

M. Laporte: ...M. le maire, je sais que vous pouvez la convaincre et je vous fais confiance.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Taschereau. Je m'excuse, M. le maire, mais le temps alloué à l'opposition est enlevé sur votre réponse. Donc, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, M. le Président. Je me réjouis de voir que M. L'Allier sera maire de Québec quand on changera de siècle et de millénaire. C'est un maire de mémoire et c'est un maire de culture, et ça présage bien pour le millénaire et le siècle dans lequel nous entrerons. Je ne suis pas persuadé, personnellement, M. le Président, que le maire de Québec ait envie – peut-être qu'il le dira – de convaincre la ministre de ce que vient de dire le député d'Outremont, parce que le député d'Outremont, depuis le début de cette commission, oppose la diffusion du livre, ce qu'il appelle le déficit de lecture de villes qui, très souvent, n'ont pas fait leur job – et, à ce titre, la ministre disait très justement qu'on a cité constamment votre ville en modèle – et le lieu physique, la bibliothèque, ce qu'il a appelé le béton. Et, d'ailleurs, quelqu'un, ce matin, de l'Université du Québec est venu lui rappeler qu'après tout les lois de Moïse ont été écrites sur la pierre, sur le béton, que ça avait quand même son importance.

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 h 10)

M. Gaulin: Le lieu physique est aussi un lieu social, et le lieu virtuel ne peut pas compenser le lieu social. Nous ne sommes pas, quand même, des êtres de raison, nous sommes des êtres avec un corps et nous avons besoin d'aller dans des endroits donnés. Alors, je pense que ceci devient éminemment important que cette Grande Bibliothèque, à laquelle vous souscrivez, d'ailleurs... C'est sûr que, vous comme moi, on aurait préféré que ce soit dans la capitale. On se résigne. Mais, cependant, on a, si vous voulez, et, moi, je trouve que c'est une chose très heureuse qui peut arriver à Montréal, cette Grande Bibliothèque, qui s'appelle d'ailleurs la Grande bibliothèque du Québec, et, vous le dites, en fonction aussi d'un rôle que cette Bibliothèque-là va jouer, auquel sûrement souscrit le député d'Outremont, «on peut percevoir, ici, des éléments d'un projet de société québécoise en plaçant cette institution culturelle parmi les outils de démocratisation et d'égalité des chances», de même que d'appartenance de tous ceux qui sont Québécoises et Québécois à une même entité nationale.

Je pense qu'il faudrait rappeler, ici, que, effectivement, on a perdu beaucoup, beaucoup de choses et, au niveau de la mémoire, on risque d'en perdre encore. On pourrait parler, pour Québec, de la bibliothèque de l'Alverne; c'était 25 000 livres qui ont été éparpillés, parce que personne ne pouvait acheter la bibliothèque globalement. La bibliothèque de l'École normale Laval, que l'on avait offerte en 1970 pour 1 $ à l'Université Laval et qui n'a pu la prendre parce que ça coûtait beaucoup en frais de gestion, ses livres ont en particulier été noyés lors d'une inondation dans cette institution. La partie la moins valable, même si elle est importante, est maintenant à la bibliothèque du cégep François-Xavier-Garneau. La bibliothèque des Oblats, plusieurs bibliothèques de communautés et qui étaient des communautés-témoins. J'ai été témoin de ce phénomène, par exemple, de communauté qui vendait ses livres en camion, c'est-à-dire qu'on venait les chercher en camion, et c'était 18 $ pour un camion. Je connais quelqu'un qui a acheté un camion et, dans son camion, il y avait le Catéchisme de Grenade , qui était un des rares exemplaires qu'on avait dans le monde. Cet exemplaire-là se trouve dans un sous-sol d'une banlieue de Québec, actuellement. Heureusement, lui, il avait acheté un camion, il a sauvé des livres, mais il y a beaucoup de camions qui y sont allés pour le papier.

Alors, je pense, M. le maire, que votre projet d'antenne de la Bibliothèque nationale – je voudrais vous donner l'occasion d'en parler encore – est très important, et au niveau aussi des archives. Nous sommes, comme capitale, au coeur de la mémoire nationale, et il y a beaucoup d'archives aussi qui risquent de disparaître. C'est sûr qu'on a un centre d'archives, on a les Archives nationales, à Québec. Et on nous dit, d'ailleurs, que c'est maintenant trop plein, on aura peut-être aussi besoin d'un lieu physique pour les mettre, en plein coeur de cette capitale.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. L'Allier.

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, je vais essayer, sans entrer entre l'écorce et l'arbre, comme on dit ici – parce qu'il y a d'un côté l'écorce et l'arbre, et je vais essayer d'être prudent de ce côté-là – de dire ceci et brièvement. Si on veut aller jusqu'au bout de toute la problématique énoncée, si le gouvernement a les ressources et se les donne et a la volonté et la maintient de construire un lieu et en même temps de l'irriguer très fortement en réseau avec ce qui existe, à ce moment-là, le projet sera un succès, ça c'est évident. Mais il va falloir que le projet soit d'abord un concept qui fait appel à ce qui existe et qui s'appuie sur des politiques de lecture qu'on pratique dans les villes depuis des années. On a une politique de lecture, à Québec; à preuve, c'est qu'on a 1 400 000 entrées pour 170 000 habitants. Donc, ça marche. Donc, on peut trouver ça. Mais le danger est réel, M. le Président. Le danger est réel, parce que, une fois que la construction d'un bâtiment est en marche, le béton plaide pour lui-même. C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire un demi-étage, on ne peut pas faire un demi-toit. Et là la ressource est drainée fortement.

Moi, je n'étais pas loin d'ici, quand on a construit le Stade olympique. Et la grande argumentation du Stade olympique, c'était: un outil qui devait favoriser le développement du sport amateur. Les années ont passé, et je ne suis pas sûr que ça a eu l'impact qu'on a souhaité sur le sport amateur. C'était un des arguments invoqués, à l'époque. Donc, ce qu'il faut entendre c'est que le gouvernement dise: Oui, il faut avoir un lieu qui soit de qualité et pour toujours. On ne construit pas des églises en papier. On ne construit pas des édifices à bureaux en carton. Sans tomber dans l'exagération, il faut que ça soit un lieu parfaitement adapté et à la dimension du projet que l'on vise. Mais, si jamais, à cause précisément de la construction, il fallait qu'on se mette à drainer d'autres ressources et qu'il en manque pour le reste, ce qui est une réponse à un problème, deviendra en lui-même un problème pour lequel il n'y a plus de réponse.

Et, malheureusement, au gouvernement, il y a beaucoup d'exemples, quels que soient les partis, de ça. Le plus gros exemple de ça est à côté d'ici; c'est le complexe G. Et, M. Martin, que je vois à côté de vous, on était dans les mêmes eaux, à la même époque, même s'il est pas mal plus vieux que moi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Allier (Jean-Paul): Le complexe G a été conçu comme un bâtiment d'innovation, en ce sens qu'il a été conçu comme devant être le lieu d'un partage de l'espace, l'aménagement paysager, en se basant notamment sur un concept développé par une entreprise, aux États-Unis, qui l'avait utilisé pour elle-même, Kodak. Et, donc, il n'y a pas de divisions dans le complexe G. On avait prévu de la musique de fond, des plantes vertes, des miroirs, pour faire en sorte que les gens de partout vivent bien. On a construit le complexe G. On a manqué d'argent. Il n'y avait pas d'argent pour les fleurs, il n'y avait pas d'argent pour les plantes, il n'y avait pas d'argent pour les miroirs et il n'y avait pas de musique. C'est devenu un désastre. Moi, j'y ai travaillé pendant quatre ans et je ne pourrais pas vous dire où était mon bureau, tellement j'ai voulu oublier ça vite.

Alors, il ne faudrait pas que ce projet, stimulant quand on le regarde positivement, devienne un cauchemar au fur et à mesure de l'oubli des ressources qu'on devrait y consacrer pour les années à venir. Merci, M. le Président. Si je peux me permettre un petit commentaire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, rapidement.

M. L'Allier (Jean-Paul): J'ai entendu Mme la ministre dire qu'elle demandait à M. Sauvageau de se préoccuper de la façon dont on a présenté le dossier. Cette proposition, pour moi, vaut de l'or, parce que j'ai beaucoup d'estime pour M. Sauvageau, qui a été le concepteur de la Bibliothèque centrale de prêt de l'Outaouais, qui a été un des premiers grands animateurs, ici, de la bibliothèque Gabrielle-Roy. C'est un homme de diffusion et de partage, ce n'est pas un homme d'abord de bâtiment. Et, tant que je verrai M. Sauvageau dans le décor, ça me rassurera.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. L'Allier, merci aux gens qui vous accompagnent. On vous remercie de votre mémoire et de votre contribution à nos travaux.

Nous suspendons nos travaux à cet après-midi, après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Garon): Le quorum est revenu. La commission reprend ses travaux. Maintenant, selon l'ordre du jour de ce matin, nous devions commencer à 15 heures; il est 16 heures. Alors, on devait entendre quatre groupes pendant 45 minutes, ce qui nous menait de 15 heures à 18 heures. Il semble que, de l'autre côté de la Chambre, ils ne comprennent pas que ça ne commence jamais à 15 heures. Alors, si on le leur dit dans le micro, peut-être qu'ils vont comprendre.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Ils vont l'entendre, en tout cas. Mais là il est 16 heures et, comme on m'a manifesté qu'on voulait terminer à 18 heures précisément, alors je ne vois qu'une seule solution, que vous m'avez dite dans le creux de l'oreille, c'est qu'au lieu d'entendre les groupes 45 minutes, on les entendrait 30 minutes. Est-ce que tout le monde est d'accord?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Garon): Plutôt que de les faire revenir.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Garon): Parfait. Alors, j'invite immédiatement Héritage Montréal, avec M. Gérard Beaudet, président, à s'approcher de la table. Nous avons une demi-heure ensemble. Ça veut dire, normalement, 10 minutes pour votre exposé et la même chose pour chacun des deux groupes parlementaires. À vous la parole, M. Beaudet.


Héritage Montréal

M. Beaudet (Gérard): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, d'abord, je m'excuse au nom d'Héritage parce qu'on n'a pas de mémoire. Je vous dirais que, malheureusement, Héritage Montréal n'a absolument pas les moyens de ses ambitions, pas plus qu'il n'a les moyens des attentes des gens à l'égard de sa mission en général. Donc, on a été obligés de préparer une présentation en la soumettant à notre conseil d'administration de lundi dernier. Donc, la position qui vous est présentée est celle du conseil d'administration, mais, malheureusement, elle n'est pas étayée par un mémoire.

Je vous dirai que, d'entrée de jeu, Héritage Montréal n'a pas d'objection ou d'opposition de principe au projet de la Grande Bibliothèque. Au contraire, à Héritage Montréal, on pense qu'une grande bibliothèque est un outil, un lieu de diffusion et de la culture écrite et de ses formes dérivées, qui est non seulement utile, mais peut-être même indispensable.

Par contre, je vous dirai immédiatement que nous avons un certain nombre de réserves sur le projet, des réserves qui sont dues, entre autres, au fait que certaines questions qui peuvent être soulevées sont présentement sans réponse et au fait que certaines réponses nous semblent à l'heure actuelle insatisfaisantes ou incomplètes. Donc, je vais me concentrer sur les réserves qu'Héritage Montréal peut avoir sur le projet.

Je dois d'abord vous dire qu'Héritage Montréal est très préoccupé par ce qu'on pourrait appeler la culture de proximité, la culture du quotidien. Héritage Montréal a toujours travaillé à la sauvegarde du grand patrimoine, mais aussi, et de plus en plus, depuis quelques années, à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine quotidien, du patrimoine des gens dans leurs milieux respectifs. C'est d'ailleurs la raison de notre implication dans le Programme du patrimoine populaire de Montréal.

En ce qui concerne le projet de la Grande Bibliothèque, ce qui nous préoccupe particulièrement, c'est que les équipements de première ligne, les équipements et les services de première ligne, à Montréal, sont particulièrement mal en point. Je vous dirai qu'on reconnaît les efforts du ministère de la Culture. On a pris note de ce que la ministre de la Culture a dit à l'égard de la responsabilité du ministère par rapport au réseau public des bibliothèques municipales, mais je dois vous dire, en me permettant d'abord un petit aparté, que ce qui est de plus en plus perçu, à Montréal, par plusieurs comme étant une tutelle non assumée ne réussit, par les temps qui courent, qu'à foutre de plus en plus le bordel. C'est-à-dire beaucoup de gens au gouvernement se prononcent au nom de Montréal, mais il semble qu'à l'autre bout de la 20 on n'en prend pas souvent acte, et le bordel est de pire en pire sur le terrain. Et c'est particulièrement vrai dans le domaine des bibliothèques.

Je vous signalerai juste quelques exemples, rapidement, quand on parle d'équipements de première ligne. La bibliothèque Benny, présentement, n'est ouverte que parce que des bénévoles en assument l'ouverture et en assument la gestion; autrement, la ville l'aurait fermée. Beaucoup de bibliothèques de quartier sont présentement en voie de fermeture ou, du moins, voient leurs heures de fréquentation diminuer significativement, à tel point que, dans certains cas, là où on avait prévu que des classes d'école primaire iraient à la bibliothèque du coin une fois par semaine, aujourd'hui on est rendu à y aller une fois par deux semaines parce que restrictions budgétaires obligent.

Et je vous signalerai en particulier que, dès avant-hier, dans le cadre de la commission de consultation sur l'avenir du site de la gare Jean-Talon, les conseillers municipaux de Vision Montréal ont dit aux citoyens de Parc Extension qu'il valait mieux oublier le projet d'un équipement communautaire qui comprenait notamment une bibliothèque, dans leur quartier, parce que la ville n'a plus d'argent et que, si on vendait le site, c'est parce que la ville était dans une situation financière catastrophique et que, dans le contexte actuel, il valait mieux se contenter des miettes que Loblaws veut bien nous laisser au détour en aménageant quelques mètres carrés de superficie pour les groupes communautaires et que c'est déjà beaucoup mieux que rien. Dans ce contexte-là, je vous dirais qu'il n'est pas loin le temps où, si on laisse aller les gens de Vision Montréal, les bibliothèques de quartier, ça va être des rayonnages dans les pharmacies du coin. C'est particulièrement triste et préoccupant.

Je vous dirais aussi que, parmi les autres préoccupations, au-delà de l'avenir des équipements de première ligne, il y a un certain nombre d'éléments en suspens en relation directe avec le projet. C'est, entre autres, le fait que l'arrimage avec les autres lieux de dépôt, de conservation et de diffusion de la mémoire sous toutes ses formes est parfois mentionné comme, par exemple, pour alimenter la bibliothèque. Mais on aimerait qu'on nous éclaircisse la situation quant aux relations formelles qui pourraient exister entre tous ces lieux-là, entre autres, parce qu'on pense que ça peut avoir une influence assez forte sur la localisation de la future Grande Bibliothèque. Donc, on aimerait bien, à l'égard, par exemple, de l'ONF, de la Cinémathèque, des archives, des bibliothèques universitaires ou collégiales dans le secteur, qu'on nous dise quels sont les arrimages formels qui pourront être envisagés et dans quelle mesure une relation de proximité pourrait être à privilégier.

On est aussi préoccupés par l'avenir des autres bâtiments: la bibliothèque Saint-Sulpice, évidemment, la Bibliothèque centrale de Montréal et également l'autre bâtiment de la Bibliothèque nationale sur la rue Sherbrooke. Dans le rapport, on nous mentionne qu'il y a des projets. Évidemment, qu'on se préoccupe de ces bâtiments-là en raison de leur intérêt patrimonial. Il n'en reste pas moins que les seuls projets qui sont mentionnés sont mentionnés comme étant des projets qui sont loin d'être réalisés, des projets qui sont passablement coûteux. Et, dans le cas où on confirme une vocation de conservation, on nous a déjà dit dans le document à l'appui du projet de la Grande Bibliothèque que c'étaient des lieux qui étaient très inadéquats pour de la conservation, sur le plan de l'archivistique à long terme.

On pense que, quand on fait un examen global d'un projet, notamment en se préoccupant de tous les impacts, il faut aussi s'assurer que les mesures d'atténuation desdits impacts soient viables. Or, pour l'instant, on trouve qu'il y a relativement peu de substance à l'égard de l'avenir des autres bâtiments. Et je vous dirais que, dans le contexte de vente de feu auquel s'adonne la ville de Montréal présentement, en vendant, entre autres, la gare Jean-Talon, évidemment, mais aussi les bains publics et d'autres équipements, on est loin d'être rassurés, quand les gens de Vision Montréal nous disent: Soyez sans crainte pour la Bibliothèque centrale de Montréal, sur la rue Sherbrooke. Au contraire, le simple fait qu'on nous dise ça est suffisant pour qu'on soit très inquiets.

En ce qui concerne le site, je vous dirais qu'évidemment on n'identifie pas de site. Or, on sait présentement qu'il y a deux sites en particulier qui semblent être examinés, c'est au voisinage de la Place des Arts, du côté ouest, et c'est également le site du Palais du commerce. On fonctionne avec des critères, pour l'instant, ce qu'on trouve tout à fait louable, donc des critères qui nous permettent d'atteindre un certain nombre d'objectifs. On voudrait, pour ce qui est du contenu spécifique du document, mettre en garde contre certains critères qui paraissent anodins, de prime abord, mais qui pourraient donner un biais particulier au projet. C'est, entre autres, quand on dit que la bibliothèque devra être implantée sur un site qui permet un grand dégagement. Je dirai, à cet égard-là, que la convivialité dont on parle tant suppose peut-être que le bâtiment ne soit pas un bâtiment monumental, froid et distant, donc qu'il n'y a peut-être pas besoin d'avoir de recul. Or, il y a un des deux sites où on sait manifestement qu'il serait très difficile d'aménager des reculs. Donc, on aimerait que l'application des critères ne finisse pas par déqualifier un site au profit d'un autre. Donc, il y a cet élément-là.

On aimerait aussi être rassurés, quand on mentionne que la bibliothèque devait être un projet architectural très spécifique, très fortement arrimé à la mission et au contenu du programme. On aimerait être rassurés à l'effet que ça n'exclut pas des recyclages. Les cas de recyclages particulièrement réussis au Québec dans le domaine des bibliothèques municipales sont particulièrement exemplaires, et on aimerait bien que, d'entrée de jeu, on ne s'engage pas dans une voie qui supposerait que les recyclages d'édifices éventuels soient exclus de facto supposément parce que le projet de la Bibliothèque ne s'accorde pas avec du recyclage. Au contraire, je pense que c'est une avenue qui doit rester ouverte.

À cet égard-là, on fait évidemment référence au plan d'urbanisme de l'arrondissement Ville-Marie pour dire que la Bibliothèque va de concert avec certaines orientations de la ville de Montréal. Je vous dirai tout simplement que le cas de la ville de Montréal est un cas d'espèce. C'est la seule ville au Québec où la population n'a rien à dire en matière de plan d'urbanisme et où le plan d'urbanisme ne veut strictement rien dire; à preuve, c'est que présentement on change la vocation du site de la gare Jean-Talon, qui est nommément publique, au plan d'urbanisme, on s'apprête à le vendre à une entreprise commerciale dans le domaine de l'alimentation sans modifier le plan d'urbanisme et sans consulter la population. Donc, je voudrais juste que les gens qui sont derrière le projet ne se fassent pas trop d'illusions sur le poids que pourrait avoir le plan d'urbanisme pour contenir éventuellement les aménagements peu souhaitables aux alentours d'un futur projet. Pour l'instant, en tout cas en ce qui concerne la philosophie de Vision Montréal, c'est loin d'être le cas.

(16 h 10)

Je vous dirais, également, en ce qui a trait au site, qu'il nous semble, à Héritage Montréal, que les Montréalais devraient avoir le loisir de débattre du projet dans son ensemble et en particulier du projet du site. Malheureusement, à Montréal, on est habitué, depuis quelques décennies, à ce qu'on veuille notre bien et à ce qu'on finisse par l'obtenir, et souvent à notre corps défendant. Et, dans ce sens-là, je vous rappellerai qu'on s'est battu contre le projet de déplacement de l'Hôtel-Dieu du ministre Côté, on s'est battu contre le réaménagement de l'avenue McGill College par le maire Drapeau, on s'est battu contre les autorités fédérales sur le site du Vieux-Port pour avoir des projets qui nous rassemblaient davantage, qui étaient davantage en relation avec nos sensibilités. Et on pense que ce projet-là devrait être mis sur la table entre Montréalais, pour une part, même si évidemment c'est l'ensemble des Québécois qui ont un mot à dire. Mais on pense qu'il devrait y avoir un débat.

Et on pousserait même la proposition un petit peu plus loin. On a mentionné, dans le document, que les résultats des débats publics et des consultations publiques, dans le cas de San Francisco et de Vancouver, ont été particulièrement éloquents sur l'intérêt que la population portait au projet. Donc, on se demande si ce n'est pas une façon, également, de vendre le projet que de laisser la population se l'approprier.

Et je me permettrais, pour conclure, de proposer une petite modification à l'introduction du document sur le projet de la Bibliothèque et, plutôt que de proposer d'en faire un instrument collectif et démocratique, on proposerait d'en faire un véritable projet collectif et démocratique. Et ça suppose, à ce moment-là, que le caractère démocratique de la Bibliothèque ne soit pas qu'affaire de destination, mais soit également affaire d'essence. Donc, ça veut dire que la démocratie devrait pouvoir s'emparer du projet dès à présent, et sur le territoire, là où on compte l'implanter pour une bonne part. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. M. Beaudet, bonjour. Alors, merci pour votre intervention. En fait, en vous écoutant, je me rappelais, ce matin, ce que Mme Fotopulos nous a dit, c'est que l'opposition, à la ville de Montréal, a présenté une motion à la dernière séance du conseil municipal pour faire en sorte – puis ça a été approuvé à l'unanimité – qu'il y ait, au moment de la signature du protocole d'entente entre la ville et le gouvernement, des audiences publiques, en tout cas, tout au moins, une assemblée publique – je ne sais pas quelle forme ça prend exactement, à la ville de Montréal – des commissions de la ville de Montréal. Est-ce que ça vous rassure? Comme vous devez bien connaître la mécanique, et pas moi, est-ce que, ça, ça vous semble répondre justement à vos attentes concernant le débat entre Montréalais?

M. Beaudet (Gérard): Je vous dirais, à cet égard-là, que, si vous pouviez sauter avec moi sur l'autobus de 18 heures pour retourner à Montréal pour aller en commission de consultation sur l'avenir du site de la gare Jean-Talon, vous vivriez une expérience très édifiante sur la démocratie montréalaise sous l'administration du maire Bourque.

C'est un compromis que l'administration a fait parce que, s'il n'en était que de cette administration-là, il n'y aurait aucune forme de consultation de la population. On a fait un compromis, et c'est vraiment opéré sur le mode du compromis. Tout est fait sur le mode expéditif. Les questions de fond ne sont jamais débattues. On ne fait que prendre acte des questions sans jamais apporter de réponse. Et les Montréalais qui se préoccupent de l'avenir de leur ville et qui aimeraient avoir un mot à dire ont hâte qu'on réintègre des processus de consultation dans le plein sens du terme, à Montréal. Pour l'instant, c'est une comédie macabre, ce qu'on réalise à la ville de Montréal. Et, comme je vous le dis, si vous pouviez me raccompagner en catastrophe, ce soir, pour assister à ce qui va se passer, vous verriez à quel point, dans le fond, c'est la dernière des préoccupations de l'administration de Vision Montréal.

Mme Beaudoin: Bon. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Ça va bien, à part de ça?

Mme Beaudoin: En tout cas, disons que c'est votre opinion. Ceci étant, en tout cas, nous, dans notre esprit, on commençait les consultations aujourd'hui. C'est sûr que c'est un projet qui ne verra pas le jour demain matin, parce qu'il y a beaucoup d'étapes à franchir, ne serait-ce que l'étape du projet de loi qu'on va déposer, ça, c'est sûr, à cette session-ci. On verra s'il est adopté. Mais, ensuite, il y a le comité provisoire qui travaille sur le programme de besoins, justement. Et, ensuite, bien sûr, il y a toute la préparation du concours d'architecture. Je présume que vous êtes quand même d'accord pour qu'il y ait un véritable concours d'architecture dans une... parce que vous avez parlé un peu, justement, de quelques paramètres concernant la construction elle-même. Puis il y aura toutes ces consultations organisées par la ville de Montréal, à un moment ou l'autre. Par conséquent, en tout cas, c'est un point de départ, aujourd'hui, ce n'est pas le point d'arrivée. Et c'est sûr qu'on écoute attentivement. On espère bonifier, bien sûr, le projet.

Vous disiez, par rapport au site, un petit peu plus que ce que vous m'avez dit. Vous savez que la décision, elle n'est pas prise. Vous dites: Il y a deux sites. Il y en a eu six, en fait, qui ont été étudiés. Le rapport ne m'est pas parvenu, donc je ne l'ai pas vu, mais, comme vous, je sais qu'il y en a quelques-uns qui sont dans la balance. Vous avez parlé, donc, près de la Place des Arts et au Palais du commerce. Et voir comment ça vous frappe... Parce qu'on a beaucoup entendu, je dois dire, d'intervenants, par exemple, qui se sont déjà mobilisés physiquement pour le Palais du commerce. Est-ce que ça vous semble a priori, vous, le meilleur endroit, sans avoir, comme moi d'ailleurs, tous les éléments du dossier?

M. Beaudet (Gérard): Bien, d'une part, rapidement sur la question du concours d'architecture, je vous dirais oui, mais sous réserve des réserves qu'énonce le rapport. Je pense qu'effectivement dans le rapport on énonce quelques réserves sur les dangers des concours d'architecture et je pense que c'est très sage, même si la confrérie des architectes risque de ne pas trop aimer la chose.

Pour ce qui est des sites, à Héritage Montréal, on a un certain nombre de petites idées. Mais, à partir du moment où on demande qu'il y ait une véritable consultation et que les gens aient à se prononcer, on trouverait qu'il est un peu malvenu, à présent, de faire une présentation... Et je ne vous cacherai pas, par contre, que, entre autres, j'ai été invité par des gens qui sont propriétaires du site du Palais du commerce et qui ont déjà élaboré une proposition pour montrer la viabilité d'une intervention sur le site.

Ce que je vous dirais, à cet égard-là, c'est qu'on trouverait un peu regrettable qu'à un moment donné une guerre de tranchées se livre entre deux antennes du gouvernement du Québec – parce qu'on sait que le gouvernement du Québec est présent sur l'un et l'autre site, d'une manière ou d'une autre – qu'une guerre de tranchées se livre sur le dos du projet et des Montréalais. Donc, on pense qu'un débat public permettrait peut-être, justement, de prendre de la distance par rapport à des considérations. Parce que, évidemment, la régie de la Place des Arts va mettre tout son poids, vraisemblablement, sur un projet, et la Caisse de dépôt, indirectement, risque de mettre tout son poids ailleurs. Ça, c'est un secret de Polichinelle. Donc, on aimerait que, finalement, le choix, en tout cas, ne soit pas le résultat de la guerre de tranchées.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Merci pour votre présentation. Évidemment, vous avez mentionné qu'il y avait un des sites qui vous apparaissait comme indésirable, mais vous ne l'avez pas nommé. Vous avez dit qu'il y a un des sites qui ne vous apparaissait pas comme...

M. Beaudet (Gérard): Non.

M. Laporte: Inopportun.

M. Beaudet (Gérard): Je me suis peut-être mal exprimé. Ce que je disais, c'est qu'il serait déplorable que l'application de certains critères qui paraissent anodins ait pour conséquence de déqualifier un site, éventuellement. Et je donnais l'exemple du recul, parce qu'un projet architectural de type convivial pourrait très bien être implanté directement à la rue, donc ne pas nécessiter de recul. Et, si ça devient un paramètre important, un site plus étroit risque d'écoper, au passage. Donc, c'est juste qu'on disait: Bravo pour avoir énoncé des critères, mais il faudrait s'assurer que le critère ne donne pas une direction qu'on ne souhaite pas au choix.

M. Laporte: Quand vous dites qu'il faudrait laisser la population s'approprier le projet, qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Beaudet (Gérard): Bien, on pense, à Héritage Montréal, que plus la population aura un mot à dire rapidement à l'égard du projet pour se prononcer sur la pertinence, sur la nature-même de la Grande Bibliothèque, sur la localisation, plus on aura de chances que les gens s'y reconnaissent. C'est d'ailleurs une démarche qui a été privilégiée, au ministère de la Culture, depuis quelques années, en matière de patrimoine, où on essaie de plus en plus que les gens soient les premiers dépositaires, les premiers responsables du patrimoine. Et on pense que c'en est un morceau de patrimoine où on devrait avoir une approche exemplaire, d'autant plus que, dans le rapport, on souligne à quel point c'est une expérience qui semble avoir été très profitable dans le cas de San Francisco et de Vancouver. Donc, on se dit: Si ça a été bon là, ça le serait peut-être à Montréal, où on a quand même une certaine expérience de débattre entre nous de certains enjeux d'aménagement.

M. Laporte: Le mécanisme, c'est une commission parlementaire, c'est un sondage, c'est des groupes d'intérêt qui s'expriment, des lobbies qui appuient, des lobbies qui désappuient? C'est quoi, le mécanisme d'appropriation?

(16 h 20)

M. Beaudet (Gérard): Je vous dirais une commission consultative comme on en a connu dans le domaine de l'environnement, comme on en a monté à Montréal, entre citoyens, à défaut d'être capables d'être entendus, c'est-à-dire, un lieu relativement neutre et, je vous dirais, pour permettre une véritable appropriation, un lieu qui est peut-être un peu plus convivial qu'ici. Je vous dirais que, si j'ai les mains moites en me présentant ici, j'imagine que beaucoup de citoyens seraient particulièrement mal à l'aise de venir s'exprimer ici. Donc, il y a peut-être un lieu un peu plus convivial, mais qui serait sous la forme d'une commission consultative, c'est-à-dire dans un lieu neutre, qui fait rapport. Et, évidemment, ensuite, il y a quelqu'un qui doit disposer des recommandations; ça on en convient. Il ne s'agit pas de faire voter les gens sur un site, il s'agit de recueillir le plus d'expressions de préoccupations possible à l'égard du projet. Mais, en même temps, ça aurait aussi l'avantage qu'entre Montréalais on réglerait le cas sur un mode politique, dans le bon sens du terme, du réseau public des bibliothèques, à Montréal. Parce que, un des dangers, c'est que les gens aient l'impression que ça va se faire au détriment du réseau local, qui est déjà très mal en point. Et je pense qu'entre Montréalais il faudrait peut-être qu'à un moment donné on mette les points sur les i, à cet égard-là.

M. Laporte: Mais, écoutez, je suis un peu, comme on dit, dans la misère mentale, là. Mme la ministre vient de nous annoncer que le projet de loi sera déposé à cette session-ci. Vos chances de créer une appropriation des masses par le recours à des mécanismes de consultation sont assez faibles, dans la conjoncture actuelle.

M. Beaudet (Gérard): Je ne partage pas tout à fait votre point de vue, dans la mesure où une consultation sans projet, habituellement, tourne en rond, parce que, évidemment... Ou tout le monde s'accorde, parce que c'est tellement banal et général qu'il n'y a pas d'opposition possible...

M. Laporte: Vous prévoiriez une consultation sur le projet de loi? Ah! d'accord.

M. Beaudet (Gérard): Oui, on pense que le projet est déjà suffisamment défini dans le document pour que les gens puissent se l'approprier.

M. Laporte: Ah! oui, d'accord, je comprends ce que vous voulez dire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie le représentant d'Héritage Montréal de son témoignage devant la commission. Maintenant, j'invite le Regroupement des centres régionaux de services aux bibliothèques publiques du Québec inc. à s'approcher de la table des témoins.

Alors, nous avons une demi-heure ensemble. Ça veut dire, normalement, une dizaine de minutes pour votre exposé et une dizaine de minutes pour chaque groupe de députés, chaque parti, pour vous poser des questions sur votre témoignage. Alors, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent.


Regroupement des centres régionaux de services aux bibliothèques publiques du Québec inc. (RCRSBP)

Mme Miron (Hélène): Alors, Hélène Miron, présidente du Regroupement des CRSBP du Québec, Mme Hélène Arseneau, directrice générale du CRSBP de Mauricie–Bois-Francs–Lanaudière et M. Yves Savard, directeur général du CRSBP du Bas-Saint-Laurent.

Alors, je débute, M. le Président. En tout premier lieu, qu'il nous soit permis de remercier les membres de la commission parlementaire d'avoir invité le Regroupement des CRSBP du Québec à émettre son point de vue sur l'implantation de la Grande Bibliothèque du Québec. C'est donc avec confiance qu'il s'adresse aux membres de cette commission, convaincu qu'il pourra y apporter une contribution modeste mais importante.

Pour le bénéfice des membres de la commission, rappelons que les Centres régionaux de services aux bibliothèques publiques sont au nombre de 11, au Québec. On les retrouve dans toutes les régions administratives, à l'exception des communautés urbaines. Leur réseau regroupe 799 bibliothèques affiliées, qui offrent à une population de 1 168 052 habitants – c'est assez précis – un service de lecture publique. Nous sommes présents dans 861 municipalités de moins de 5 000 habitants, ce qui représente 18,2 % de la population du Québec et 82 % des bibliothèques publiques.

Vous comprendrez aisément que, lorsque le gouvernement du Québec semble vouloir mettre en place un nouveau joueur dans le domaine des bibliothèques publiques, la Grande Bibliothèque du Québec, nous voulions en connaître le rôle et les impacts sur le réseau actuel des bibliothèques publiques, et ce, particulièrement en région.

Une grande bibliothèque pour le Québec. Essentiellement, le groupe de travail présidé par Me Clément Richard a traité de trois éléments: les déficiences chroniques du Québec en matière de lecture publique; les problèmes de locaux qui touchent la Bibliothèque centrale de Montréal et la Bibliothèque nationale; la contribution qu'une grande bibliothèque québécoise apporterait au développement de la lecture publique au Québec. Nous espérons ne pas avoir trop trahi l'esprit du document Une grande bibliothèque pour le Québec en résumant de la sorte, car, bien sûr, le document soulève d'autres questions que nous laissons à d'autres le soin d'aborder.

Nous sommes évidemment d'accord avec le constat des faiblesses en lecture publique au Québec. La Commission d'étude sur les bibliothèques publiques avait déjà, en 1987, bien illustré ce problème. C'est dire le peu de chemin parcouru en 10 ans. Et, à cet égard, la région montréalaise ne fait pas exception à la règle. Il y manque cruellement de livres, le personnel spécialisé se fait rare et les locaux du réseau sont souvent inadéquats. Qu'on veuille, par l'aménagement d'une nouvelle bibliothèque centrale à Montréal, apporter une solution permanente à une partie du problème, on le veut bien. Montréal n'abrite-t-elle pas la moitié de la population du Québec?

L'approche de mettre sous un même toit la Bibliothèque centrale de Montréal et la partie diffusible de la collection de la Bibliothèque nationale est pour le moins originale, c'est le moins que l'on puisse dire. Sans vouloir faire de procès d'intention aux auteurs de cette solution hybride, on ne peut quand même pas s'empêcher de se demander s'il est réaliste de mettre sous une même juridiction les missions de ces deux institutions à partir d'un concept immobilier. Est-ce que la collection Gagnon, le laurentienna, les archives d'auteurs représentent réellement un attrait pour la clientèle de la bibliothèque publique? Peut-on faire cohabiter la clientèle académique et de chercheurs de la Bibliothèque nationale et la clientèle lecture-détente de la bibliothèque publique? Quelle sera la culture organisationnelle qui émergera de la symbiose des cultures des fonctionnaires de la ville de Montréal et des fonctionnaires de la Bibliothèque nationale?

Planification, recherche et expertise. Les CRSBP du Québec ont de sérieuses inquiétudes, à la lecture du mandat national de cette nouvelle institution, qui, selon le comité, doit se traduire par un rôle important de soutien et d'expertise-conseil à l'endroit de l'ensemble des bibliothèques publiques du Québec pour tout ce qui concerne le développement et la diffusion des collections, l'organisation des services, l'intégration des nouvelles technologies, le relais virtuel de l'information et les interventions avec la francophonie. De plus, compte tenu de la qualité de ses collections, la Grande Bibliothèque du Québec joue le rôle de bibliothèque d'appoint pour toute bibliothèque québécoise qui souhaiterait recourir à ses ressources. Enfin, elle exerce une fonction de planification et de recherche au service du réseau québécois des bibliothèques publiques.

Ces prétentions de la future Grande Bibliothèque ne tiennent malheureusement pas compte d'une certaine réalité. Certes, par l'abondance et la richesse de ses fonds dans des domaines bien ciblés, la Grande Bibliothèque du Québec pourra dépanner des lecteurs de partout au Québec, comme peuvent déjà bien le faire la bibliothèque de l'Institut Maurice-Lamontagne de Sainte-Flavie à l'endroit des chercheurs qui s'intéressent au fond marin ou celle de Polytechnique à l'endroit des ingénieurs du Québec.

Il ne faut pas oublier que les régions du Québec, depuis 30 ans, ont fait aussi des pas importants dans le domaine des bibliothèques publiques. À défaut d'expertise provenant des bibliothèques publiques des grands centres urbains, de la Bibliothèque nationale ou du ministère de la Culture et des Communications, les bibliothèques en région ont su se doter, au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, de collections et de services spécialisés, de programmes d'animation élaborés, de locaux adéquats et fonctionnels. Elles ont réussi également à prendre le virage technologique en implantant des réseaux pour le traitement documentaire, la recherche bibliographique, le prêt interbibliothèques et les communications électroniques, le prêt automatisé et l'accès aux ressources de l'Internet. Nous invitons d'ailleurs les membres de la commission à consulter l'annexe sur les produits et services offerts par les CRSBP et leurs bibliothèques affiliées.

Au cours de ces années, on a ainsi vu naître en région de véritables réseaux de bibliothèques basés sur l'addition et le partage des ressources entre les partenaires. Nous souhaitons, dans ce contexte, que la Grande Bibliothèque du Québec définisse un peu mieux les services qu'elle serait en mesure d'offrir aux régions. N'oublions pas que les régions, c'est Québec, Trois-Rivières et la Montérégie, mais que c'est aussi les régions éloignées de l'Abitibi, de la Côte-Nord et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

Nous ne pouvons certainement faire nôtre l'énoncé que la Grande Bibliothèque du Québec exerce une fonction de planification et de recherche au service du réseau québécois des bibliothèques publiques. Pour le Regroupement des centres régionaux de services aux bibliothèques publiques du Québec, ce rôle revient principalement au ministère de la Culture et des Communications et ne peut être délégué.

Il est à noter que, lors du Colloque sur les bibliothèques publiques de septembre dernier, l'ensemble des intervenants, sauf quelques exceptions de la région montréalaise, souhaitaient et même demandaient un plus grand leadership du ministère de la Culture et des Communications à ce niveau.

(16 h 30)

Développement des ressources. Les bibliothèques publiques des régions souffrent, elles aussi, de faiblesses chroniques du côté des collections et du personnel spécialisé. On n'a pas à revenir ni à insister sur l'état peu reluisant de la lecture publique au Québec. Cette situation fut bien décrite par la commission Sauvageau et le comité Richard. D'ailleurs, la Direction de la recherche, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la Culture et des Communications constatait, en 1995, que l'atteinte des normes quant au personnel et au nombre de livres sont les deux éléments les plus déterminants permettant de prévoir le nombre approximatif de livres prêtés per capita. En outre, la norme quant au personnel joue un rôle plus important sur le nombre de prêts que celle relative au nombre de livres.

La Grande Bibliothèque du Québec ne pourrait être à elle seule la solution à ces problèmes et il faudra que le ministère de la Culture et des Communications continue d'investir également en région.

Pour nous, la Grande Bibliothèque du Québec apparaît être une solution adéquate à un problème montréalais. Quand elle propose de prendre un soin particulier des ethnies nombreuses de la métropole, d'offrir des collections améliorées, des ressources humaines plus importantes et une intégration systématique des nouvelles technologies, on ne peut qu'applaudir à ce projet. Alors, pourquoi tout simplement ne pas l'appeler «la Grande Bibliothèque de Montréal»? La bibliothèque de Vancouver n'est pas devenue «la Grande Bibliothèque de la Colombie-Britannique».

Le financement de la Grande Bibliothèque du Québec. Le financement de ce projet fera appel à différents partenaires. Si la structure du financement de la Grande Bibliothèque du Québec était prévue selon les critères actuels de financement pour les bibliothèques autonomes du Québec, c'est-à-dire, si le ministère de la Culture et des Communications ne subventionnait que l'acquisition de documents, nous nous dispenserions de faire des commentaires sur le sujet. Nous ferions de même si le transfert de budget provenant de la Bibliothèque nationale à la Grande Bibliothèque du Québec en permettait l'équilibre budgétaire. Toutefois, il semble que cet équilibre ne pourra être atteint sans un accroissement du financement provenant du ministère de la Culture et des Communications.

Malgré les assurances de la ministre de la Culture et des Communications quant à la provenance des nouveaux fonds pour le financement de la Grande Bibliothèque du Québec, nous craignons tout de même que les autres bibliothèques publiques du Québec en fassent les frais à moyen et à long terme. L'expérience nous démontre que la lutte au déficit budgétaire fait oublier bien des assurances. Est-ce que le ministère de la Culture et des Communications peut nous assurer que le montant supplémentaire de 5 000 000 $ qu'il consacre en 1997-1998 à l'acquisition de livres sera récurrent?

Vous ne nous en voudrez pas, donc, de vous faire part de nos craintes au sujet des investissements à maintenir et à améliorer partout au Québec pour corriger la situation actuelle des bibliothèques publiques. Quel sera l'impact d'une grande bibliothèque du Québec si elle doit causer un nouvel appauvrissement de nos bibliothèques publiques?

En conclusion, si, au premier abord, on ne peut que se réjouir que le gouvernement du Québec veuille investir 75 000 000 $ en immobilisations dans une grande bibliothèque afin d'améliorer la situation du réseau de la Bibliothèque de Montréal et régler le problème d'espace de diffusion des collections de la Bibliothèque nationale, nous doutons fort que cette solution hybride nous permettra de dire, en 2007, que nous ne sommes plus la neuvième province canadienne quant au développement des bibliothèques publiques.

Avec le même investissement, mais en empruntant une approche différente, moins grandiose à court terme, on pourrait favoriser le développement d'expertises, l'accroissement des collections, l'engagement de personnel qualifié et accélérer l'implantation des nouvelles technologies dans l'ensemble des bibliothèques publiques du territoire québécois, et c'est cette approche que nous favorisons. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, merci. Mesdames, monsieur, bonjour. J'aimerais, vous vous imaginez bien, réagir à votre mémoire en faisant quelques commentaires puis peut-être en posant aussi quelques questions, des choses très précises et très concrètes, si vous le voulez bien.

La première, c'est que, quand vous parlez, à la page 3, de la clientèle académique et de chercheurs de la Bibliothèque nationale et la clientèle lecture-détente de la bibliothèque publique, je dois vous dire que plus de 50 % de la clientèle de la Bibliothèque nationale n'est pas une clientèle... donc plus de la moitié n'est pas une clientèle de chercheurs, ou d'étudiants, ou d'académiques, ou je ne sais quoi. Ce n'est pas vrai. C'est la population en général qui va aussi, en majorité, à la Bibliothèque nationale. Donc, il faut voir que ce n'est pas incompatible.

D'autre part, il y a une chose qui, moi, m'a beaucoup frappée dans ce que M. Panneton, le directeur de la Bibliothèque de Montréal, et M. Sauvageau, celui de la Bibliothèque nationale du Québec, nous ont dit. Vous savez que, dans toutes les bibliothèques nationales au monde, sauf la nôtre, il y a une collection universelle, à part la collection, je dirais, nationale. La nôtre, contrairement à toutes les autres, que ce soit en Catalogne, en Écosse, en France, en Allemagne, etc., n'a qu'une collection nationale, sans avoir de collection universelle. Et c'est un des avantages, qu'ils nous ont bien expliqué, de fusionner en quelque sorte les deux collections, parce qu'elles vont s'enrichir mutuellement au lieu de s'exclure mutuellement, parce que ça va devenir une belle et grande collection.

Vous savez, une autre chose qui m'a beaucoup frappée – c'est ce que le maire de Québec nous a dit aussi, mais ce que je savais depuis longtemps – c'est qu'avant la création de la bibliothèque Gabrielle-Roy, avant 1983, il y avait à Québec peut-être, je ne sais pas, moins de 100 000 entrées. Il y en a maintenant 1 400 000, entrées. Donc, le fait d'avoir un lieu qui a vraiment, d'ailleurs, irrigué l'ensemble, en tout cas en ce qui concerne Québec, de ses bibliothèques de quartier a été extrêmement important, la création et la construction même de la bibliothèque Gabrielle-Roy. Parce que notre objectif, honnêtement, c'est de faire en sorte que – puis je vais venir au restant du Québec après, parce que ça, ça m'a un peu, en tout cas, disons, fait dresser les cheveux sur la tête – effectivement, faire en sorte que 2 000 000 de personnes par année, à Montréal, puissent justement aller à cette grande bibliothèque.

Si on fait des comparaisons justement avec Québec, compte tenu de la population de Québec et de celle de Montréal, il n'est pas illusoire de croire qu'au lieu du 425 000 de la Bibliothèque centrale de Montréal et du 30 000 de la Bibliothèque nationale, donc, ce qui fait moins de 500 000, il pourrait y en avoir 2 000 000. Moi, ce que je veux, c'est que la population, bien sûr, physiquement – physiquement, dans un premier temps – de la région de Montréal, et là-dessus vous avez raison, puisse s'approprier tous ces trésors qui dorment, comme vous le savez. Est-ce qu'on va continuer à empiler, en d'autres termes, à la Bibliothèque nationale et à la Bibliothèque centrale des livres et des documents par centaines de milliers et même par millions sans qu'ils soient accessibles à la population? Non. Là-dessus, vous dites: Bien, peut-être. Alors, à ce moment-là, vous concluez: Bien, c'est une bibliothèque pour Montréal et ce n'est pas une bibliothèque pour le Québec.

Ce matin, le maire de Québec a demandé justement à ce qu'il y ait une antenne pour Québec et l'Est du Québec. Alors, c'est une chose que l'on va étudier, que l'on va regarder. Mais vous savez aussi que justement, grâce aux nouvelles technologies, grâce au réseautage, grâce à des stations Ariel – je suis sûre que vous avez bien lu le rapport – l'on pourra communiquer, et facilement, avec des lecteurs qui se retrouveront, comme le député d'Outremont, à Saint-André de Kamouraska, ou, comme moi, aux Éboulements, pendant nos vacances – les miennes sont un peu moins longues, mais pendant nos vacances respectives. Bon. Cette notion de mise en réseau, et même du catalogue, comme vous savez, collectif, global de tout le Québec qui pourrait être accessible et, bien sûr... une partie, bien sûr, aussi, donc, des documents, soit par le prêt interbibliothèques, soit par, justement, les nouvelles technologies, etc. Alors, je crois que c'est important de le marquer, que, pour nous... puis le maire de Québec nous a bien posé la question ce matin, parce que lui veut que ce soit une bibliothèque pour tout le Québec; et, d'ailleurs, c'est le titre du rapport, ce n'est pas une bibliothèque pour Montréal. Vous, vous contestez ça, mais, en tout cas, je tiens quand même à réaffirmer cet objectif, et cette détermination qui est la nôtre, et que ça se fasse dans les deux sens, l'irrigation, dans les deux sens.

Je veux vous rassurer sur une chose très, très, très précise que vous posez, à la page 6, en question: «Est-ce que le ministère de la Culture peut nous assurer que le montant supplémentaire de 5 000 000 $ qu'il consacre en 1997-1998 à l'acquisition de livres sera récurrent?» Oui. La réponse est nette et claire, c'est oui.

Alors, je veux aussi terminer en disant que, quand vous dites «cette approche grandiose»... Bon. Alors, cette approche, ce n'est pas une approche grandiose. 30 000 m². Si on faisait Gabrielle-Roy, justement, à Montréal, selon les normes de Gabrielle-Roy à Québec, ce serait le double ou le triple de mètres carrés qu'on devrait mettre à Montréal, justement parce que la fonction de conservation de la Bibliothèque nationale, c'est réglé, c'est sur la rue Holt, puis je vous invite à aller la visiter si vous n'y êtes pas allés encore, c'est merveilleux, c'est extraordinaire. Là, on est bien installé pour la fonction de conservation. Ce dont il s'agit, c'est de la fonction de diffusion, pour mettre à la disposition de la population et de l'ensemble de la population du Québec, le mieux possible et le plus possible, tous ces trésors nationaux qui, pour l'instant, ne sont pas justement disponibles. On ne peut pas accepter ça, je veux dire, comme société, qu'on continue d'empiler, comme je le disais. Donc, 30 000 m². Quand on regarde qu'à Vancouver c'est plus que ça, puis Vancouver, c'est quand même une plus petite ville, sans parler, bien sûr, de Toronto, etc.

(16 h 40)

Donc, on trouve qu'avec des moyens très corrects on fait quelque chose d'extrêmement structurant. Ce que vous ne reconnaissez pas, mais je vous le répète, quant à moi, c'est vraiment pour éviter que la Grande Bibliothèque soit strictement montréalaise et puis que ça serve le plus grand nombre. Il y a vraiment là une dimension très structurante de ce que l'on veut faire puis qui est quand même, je pense, bien expliquée dans le rapport, même si vous n'en convenez pas ou que vous n'êtes pas d'accord.

Et je finis en disant que c'est évident que, si c'était pour appauvrir le système des bibliothèques publiques puis des CRSBP, vous le savez – pour ça fait deux ans que je suis ministre de la Culture, je suis allée à peu près partout en région, j'ai rencontré souvent les CRSBP, je suis allée aux colloques, etc. – je ne le ferais pas moi-même. Je veux dire, je ne le ferais pas moi-même si c'était pour appauvrir. Au contraire, je veux continuer. C'est pour ça que je vous donne l'assurance du 5 000 000 $. Puis j'espère qu'avec la politique de la lecture, non seulement j'espère, mais c'est pour ça que j'en fais une, politique de la lecture, c'est pour que le livre et la lecture justement puissent trouver, par rapport à d'autres secteurs d'ailleurs du ministère, leur place et leur véritable ampleur.

Alors, cette politique de la lecture va dans le sens de ce que vous réclamez. Mais, évidemment, là où on n'est pas d'accord, c'est de dire qu'on peut faire l'un et l'autre, l'un avec l'autre, et puis que l'assainissement des finances publiques, justement, quand la Grande Bibliothèque va ouvrir – on sait bien que ce n'est pas avant l'an 2000, avant que toutes les étapes soient parcourues – sera terminée... puis qu'on pourra à nouveau justement avoir de beaux et grands projets collectifs au Québec. Merci. Si vous pouvez réagir à mes réactions.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Arseneau (Hélène): Merci. Oui, je pense que j'aimerais réagir. Je pense qu'on ne remet pas en question l'idée que la Bibliothèque nationale puisse jouer le rôle de diffuseur du trésor collectif national. Je pense qu'on ne remet pas ça du tout en question. Je pense qu'on ne remet pas non plus en question l'idée que les deux puissent jumeler leurs activités dans un même lieu.

Effectivement, vous aviez raison quand vous avez dit qu'on remettait en question l'idée que ça puisse vraiment irriguer, tel que c'est dit, l'ensemble du Québec. On ne remet pas en question, on a de sérieux doutes actuellement, d'une part parce que l'expertise dont on parle là-dedans jusqu'à maintenant, on l'a très peu sentie en région. Peut-être que, effectivement, les années à venir nous prouveront qu'on a eu tort d'avoir craint, qu'on a eu tort d'écrire le mémoire qu'on a écrit maintenant. Tant mieux si l'avenir nous prouve qu'on a eu tort, quant à moi. Mais, actuellement, ce qu'on vous exprime, c'est les craintes qu'on a, et je pense qu'on ne peut pas faire autrement, compte tenu des dernières années, compte tenu qu'à chaque fois qu'il y a du pelletage... bon, vous le savez, l'assainissement des finances au niveau du gouvernement central, quand le pelletage se fait au niveau des gouvernements locaux, veux veux pas, la première réaction que nos élus ont souvent, c'est de couper dans la culture. Nous, on le vit de façon quotidienne. Alors, c'est sûr qu'on craint qu'il y ait un appauvrissement des subventions pour les municipalités au niveau rural. On posait une question ici: Est-ce que le ministère peut nous assurer qu'il consacrera encore le 5 000 000 $? Vous venez de nous donner une assurance, là. Je pense qu'on va être très contents de retourner chacun dans nos milieux et puis de propager la bonne nouvelle, ça va de soi.

Alors, on ne remet pas en question l'idée que la Bibliothèque nationale du Québec puisse diffuser ses volumes. D'ailleurs, j'ai trouvé intéressante l'idée que, pour chaque deux exemplaires d'un même titre, un aille à la conservation, l'autre à la diffusion. Je trouve ça très intéressant. Que les deux collections, celle de la Bibliothèque de Montréal et celle de la Bibliothèque nationale, s'ajoutent, s'additionnent, je trouve ça aussi fort intéressant, puis je pense qu'il n'y a personne ici, d'entre nous, qui remette ça en question. Ce qu'on remet en question, c'est l'impact réel que ça aura sur les régions. En fait, ce n'est même pas une remise en question, c'est une question. On se pose la question: Est-ce que cette infrastructure, est-ce que cet investissement aura un impact réel sur la personne qui vit à Saint-Tite? Je ne suis pas sûre. Peut-être que oui. On aimerait, par exemple, qu'on prenne en considération, effectivement, les gens en région.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: D'abord, M. le Président, je demanderais votre indulgence, vous qui avez connu les deux côtés de la médaille, à savoir le pouvoir et l'opposition. Peut-être voudrez-vous faire remarquer à la ministre que, si, en matière de vacances, le pouvoir peut avoir ses servitudes et l'opposition ses consolations, moi, c'est peut-être vrai que je demeure à Saint-André de Kamouraska plus longtemps que la ministre en face, je vais moins souvent à Paris...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: ...je me promène moins souvent dans les grands aéroports, donc, finalement, disons, aux yeux du Tout-Puissant, probablement qu'il y a là un équilibre qui n'est pas toujours à mon avantage.

Madame, je dois d'abord dire que je suis ravi que vous ayez eu le courage de poser les questions que vous avez posées parce que, Mme la ministre ne vous l'a peut-être pas dit, mais vous n'êtes pas les seuls à vous les poser, ces questions-là, madame. Nous avons eu, hier, droit au mémoire du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec qui ont fait état des mêmes inquiétudes que vous sur un certain nombre de questions. D'autres intervenants sont venus, qui ont aussi véhiculé les mêmes inquiétudes, les mêmes craintes. Évidemment, là, il y a un problème d'intensité de crainte et d'inquiétude.

J'ai l'impression que, dans votre cas... enfin, dans votre cas, il y a vraiment un questionnement tout à fait spécifique lorsque vous dites: Nous ne sommes pas en train de mettre en question, mais nous nous interrogeons sur l'impact réel que ce grand édifice, cette grande organisation, cette superorganisation... Parce que vous savez que la ministre de la Culture, on s'aime bien, la ministre de la Culture et moi, mais elle n'est pas, au même titre que moi, une disciple de Schumacher: «small is beautiful». Non, ce n'est pas son genre. Elle, c'est plutôt «big is beautiful», «big is beautiful». Alors, elle nous dit: Mais ce n'est pas grandiose. Évidemment, tout cela est très relatif, n'est-ce pas. Mais, moi, je trouve que, lorsque vous mentionnez qu'on aurait peut-être... vous le mentionniez tantôt, une approche moins grandiose, plus modeste, vous n'êtes pas les seuls à véhiculer ce genre de souci là. D'autres sont venus, l'ont fait avant vous, et vos inquiétudes et vos craintes sont tout à fait légitimes. Il y en a évidemment qui sont sur une échelle d'inquiétude à un degré beaucoup plus élevé que vous. Moi, je suis de ceux-là. Si vous lisez l'article de Yvan Lamonde dans Le Devoir de la semaine dernière, Yvan Lamonde, le professeur Lamonde, lui, il est à mon niveau d'inquiétude. Le professeur Mittermeyer, qui est venue hier, elle est aussi à notre niveau d'inquiétude.

Mais ce que je veux bien comprendre, parce que là il y a une nuance qui est très importante, parce que, dans ma classification des positionnements... vous êtes inquiète, vos inquiétudes me paraissent, disons, à un niveau... sur une échelle de questions dans un sondage, on dirait que vous êtes peu inquiète, modérément inquiète, très inquiète... je pense que vous êtes modérément inquiète, mais ça ne vous entraîne pas néanmoins à vous poser une question, disons, comment dirais-je, obsessive sur le bien-fondé de ce projet-là.

La ministre a évidemment des arguments qu'elle nous apporte, elle vient de nous en apporter un autre, mais, moi, je ne voudrais pas répondre à cet argument-là maintenant, je me réserve tout de même un certain nombre de munitions pour l'avenir, M. le Président, vous me le permettrez. Elle nous dit, et elle affirme ça avec vigueur, qu'il faut mettre à la disposition de la population tous ces trésors nationaux, n'est-ce pas. Moi aussi, je suis pour la diffusion totale du trésor, même dans votre chambre à coucher, n'est-ce pas. On peut même le faire actuellement avec la digitalisation de tous les trésors nationaux. Dans un dernier numéro, un autre numéro de Daedalus , qui s'appelle Futures et dans lequel il y a un petit article qui s'appelle Future Worlds , on montre très bien qu'à l'avenir tout ça, ce sera disponible dans sa chambre à coucher et dans un univers à peu près... qui devrait correspondre à peu près à ma longévité personnelle, n'est-ce pas.

Donc, ça me plaît de vous entendre, mais je veux bien vous comprendre. Vos inquiétudes sont profondes, enfin sont modérées mais réelles. Sur une échelle d'intensité, vous êtes assez inquiète, mais nous n'êtes pas inquiète au point de dire: Écoutez, il faudrait peut-être stopper la machine et répondre à nos inquiétudes, pour bien nous assurer qu'elles ne sont pas fondées, avant de poursuivre le projet et de laisser le train filer vers la station, comme la ministre, évidemment, a décidé de le faire, parce que nous y allons à la station, vous savez, nous y allons fort rapidement. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Serait-il opportun qu'on arrête le train? Ou faut-il le laisser aller, quitte à dire, comme vous l'avez bien dit tantôt... j'ai trouvé ça remarquable quand vous nous dites: Nous serions contentes d'avoir tort, mais nous profitons néanmoins de l'occasion pour exprimer nos inquiétudes et nos craintes?

(16 h 50)

Mme Arseneau (Hélène): C'est sûr qu'on était... Je vais te laisser la parole tout de suite après, Yves. Ce n'est pas facile d'arriver en commission parlementaire avec une position qui va peut-être un petit peu à l'encontre des voeux du gouvernement, et ça ne va pas nécessairement à l'encontre, mais qui vient juste poser les jalons de nos inquiétudes. Point à la ligne.

Il y a des choses qu'on avance. Moi, je ne voudrais pas qu'on arrête le train. Je pense qu'effectivement, quand on a créé la Bibliothèque de Québec, ça a eu un effet très positif pour l'ensemble du développement des bibliothèques sur le territoire. On ne peut pas nier ça, c'est une réalité, c'est vrai. La seule chose qui nous irrite un peu, le seul irritant dans ce projet, c'est qu'on continue à l'appeler «la Grande Bibliothèque du Québec», et vous allez me comprendre quand je vous dis ça. C'est qu'à partir du moment où on l'appelle – puis j'ai dit la même chose quand on a rencontré la commission – à partir du moment où on l'appelle «la Grande Bibliothèque du Québec», elle appartient à l'ensemble des Québécois et elle est donc financée par l'ensemble des Québécois et non plus nécessairement par la municipalité qui la reçoit. À partir du moment où mon citoyen – je dis «mon citoyen», je suis tellement habituée, «mes municipalités», «mes citoyens» – à partir du moment où un citoyen situé en région n'y a pas accès, n'y aura pas accès par un poste Ariel, parce que, si je regarde là-dedans, les postes Ariel, vous en avez prévu, quoi, pour les bibliothèques autonomes qui ont une population de 50 000 habitants et plus, ou à peu près, quand on regarde le nombre de postes... Qu'est-ce qui arrive avec les petites municipalités qui n'en ont pas, de poste Ariel? Qu'est-ce qui arrive avec les petites municipalités qui ne savent même pas encore comment fonctionne le poste Internet?

On parle d'expertise. Mais de l'expertise, on n'a pas attendu, Mme la ministre, d'en avoir à Montréal pour en donner dans les régions. Les CRSBP – ce n'est pas parce que je veux les vanter, mais c'est quand même ça – ont travaillé beaucoup au développement des bibliothèques publiques au Québec en milieu rural. On a mis sur pied des services techniques centralisés pour s'aider, pour aider ces municipalités-là. On a donné des services de référence à distance; ça existe, ça. Des services d'acquisition regroupés, ça existe aussi. C'est tous des projets ou des pistes qu'on propose comme nouveaux services offerts par cette Grande Bibliothèque là, et ces services-là, ils existent déjà. Alors, on se dit – vous comprenez un peu l'inquiétude: S'ils existent déjà et qu'on ne veut pas utiliser les services existants, qu'est-ce qu'on fait de ceux existants? Pourquoi dédoubler une structure? On se pose la question, c'est sûr, on ne peut pas faire autrement. Mais ça ne remet pas en question la valeur du projet pour la ville de Montréal et la valeur du projet pour la diffusion des oeuvres ou des ouvrages qui sont à la Bibliothèque nationale. Ça ne remet pas ça en question. La partie, nous, qu'on remet en question, c'est la partie: Est-ce que ça aura un impact si grand sur l'ensemble de la population du Québec?

M. Laporte: M. le Président, la question est très pertinente, parce que, derrière cette question-là, on peut la voir du point de vue de l'efficacité d'un appareil compte tenu de ses impacts – on peut faire une analyse d'impact – mais il y a aussi un problème d'équité.

Mme Arseneau (Hélène): Absolument.

M. Laporte: Il y a un problème d'équité. Donc, ce que vous êtes en train de dire, c'est: On est en train de créer un grand ouvrage qui générera des inéquités ou qui maintiendra les inéquités existantes. J'ai présenté dans mes notes d'ouverture tout un propos à cet effet. Mais là vous venez de mettre un... Je le dis tout simplement pour que ce soit enregistré, de sorte qu'on puisse s'en servir au moment des notes de clôture, parce que votre intervention est si riche d'inspirations, de suggestions. Non seulement faudrait-il penser à la digitalisation, disons, des supports, mais il faudra penser aussi à l'informatisation, comme vous dites, du réseau, des petites localités. Vous avez raison. À Saint-André de Kamouraska où la ministre, disons, enfin, me fait passer de longues vacances, c'est vrai qu'à Saint-André de Kamouraska les postes Ariel, ça ne court pas les rues.

Mme Arseneau (Hélène): Il risque de ne pas y en avoir, en tout cas pas tout de suite.

M. Laporte: Donc, il y a un risque de création d'inéquités sociales. Et c'est là qu'est la question, c'est-à-dire, je vous repose la question, mais, vous, vous dites non. Vous dites: Je ne veux pas arrêter le train. Moi, en tant que politicien qui pratique l'éthique de responsabilité, je me dis: Oui, il faut arrêter le train, il faut bien s'assurer que le train s'en aille là où il doit aller et il faut bien s'assurer qu'en y allant il n'écrase pas tous les chats et tous les chiens qu'il y aurait sur la track. C'est ça que je veux dire.

Mme Arseneau (Hélène): Ha, ha, ha! Je pense qu'il est tout simplement important de prendre en considération, dans l'ensemble de ce projet qui est fort intéressant pour le développement des bibliothèques du Québec, que les régions sont existantes, que l'impact du projet ne sera peut-être pas si grand que ça en région, pour l'instant. Dans un avenir, dans 10 ans, dans cinq ans, on ne le sait pas. Mais il faudrait s'assurer de mettre en place les jalons qui ne creuseront pas le fossé qui est déjà existant entre une population rurale et une population en milieu urbain. On l'a déjà fait, d'ailleurs, Mme la ministre, avec les subventions qu'on a reçues pour le Fonds de l'autoroute, l'implantation d'Internet dans les bibliothèques. C'est déjà un grand pas, puis effectivement on le reconnaît. Actuellement, on est à 60 %. Le budget qui nous a été donné va probablement nous permettre de donner accès à l'ensemble des citoyens sur le territoire, par le biais de leurs bibliothèques, à 60 % de ces bibliothèques-là, mais il y a encore un 40 % qui n'y auront pas accès, qui n'auront pas été subventionnées. Ce 40 % là est souvent, bon, les plus petites municipalités dont les moyens financiers sont soit les moins élevés ou encore pour qui la bibliothèque a le moins d'importance, parce qu'il y en a encore, hein, au Québec, il ne faut pas se leurrer. Mais c'est déjà des pas.

Je pense que nos propos n'étaient pas dans le sens d'arrêter le projet. Nos propos étaient dans le sens de faire bien en sorte que les milieux ruraux soient intégrés, qu'on utilise ce qui est déjà existant dans les milieux régionaux. Il y a des infrastructures qui sont existantes, il faudrait peut-être leur faire jouer un rôle. Puis, quand on regarde la composition d'un conseil d'administration, ce serait peut-être intéressant d'y voir quelqu'un des régions là-dedans. On n'en voit pas là, il n'y a rien de prévu pour que les régions soient représentées auprès de cette Grande Bibliothèque du Québec.

(17 heures)

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants du Regroupement des centres régionaux de services aux bibliothèques publiques de leur contribution aux travaux de cette commission. J'invite maintenant l'Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal.

Je demanderais aux représentants de l'Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal de s'identifier, de présenter ceux qui les accompagnent, ceux ou celles qui les accompagnent. Nous avons une demi-heure ensemble, c'est-à-dire, normalement, à peu près 10 minutes pour votre exposé, 10 minutes pour la ministre ou des députés ministériels, et 10 minutes pour le porte-parole de l'opposition officielle. À vous la parole.


Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal (ABPIM)

M. Dubois (Florian): Je m'appelle Florian Dubois, je suis le président de l'Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal et je suis responsable également de la Bibliothèque de Saint-Laurent. Ma collègue, Claire Côté, est responsable de la bibliothèque de Pointe-Claire.

Les bibliothèques publiques de l'île de Montréal, que l'on appelle BPIM, est une association à but non lucratif regroupant 23 bibliothèques publiques de l'île de Montréal. Existant depuis 1977, notre Association poursuit les objectifs suivants: promouvoir la collaboration et la coordination entre les bibliothèques de l'île de Montréal, promouvoir l'utilisation et l'amélioration des services offerts par les bibliothèques publiques dudit territoire et agir comme porte-parole des bibliothèques publiques de la communauté urbaine dans les dossiers qui les concernent.

Ces 23 bibliothèques comptent près de 610 000 abonnés, prêtent 11 000 000 de documents par année et desservent 1 783 000 citoyens sur le territoire. Le mémoire de notre Association sur le rapport Une grande bibliothèque pour le Québec aborde les points suivants: les commentaires sur certains volets du rapport et les recommandations de l'Association.

Les commentaires. Le concept. Le rapport Richard illustre le concept proposé de la manière suivante: La GBQ occupe le coeur d'une série de cercles concentriques: clientèle locale, bassin urbain montréalais, réseau des bibliothèques publiques québécoises et point de convergence et de concertation entre le réseau, les producteurs et les diffuseurs d'information.

Étant donné le retard général à combler au sein du réseau des bibliothèques publiques francophones en particulier, nous croyons que l'emphase doit être mise sur la création et la consolidation de la GBQ afin que les citoyens de Montréal puissent profiter de collections, de services et d'équipements qui leur font cruellement défaut depuis plusieurs années. Conséquemment, nous croyons que les troisième et quatrième mandats ci-haut mentionnés devraient se poursuivre ultérieurement, après étude et consultation des milieux concernés, validation et priorisation des nouveaux rôles proposés, le tout en fonction des ressources disponibles. Donc, création et consolidation priorisées avant rayonnement plus large.

La collection. Le rapport Richard affirme à juste titre qu'il en est des bibliothèques comme des musées. C'est d'abord la collection qui détermine leur force d'attraction et leur utilité sociale et culturelle. On peut difficilement parler de grande bibliothèque sans faire référence à une grande collection qui en impose tant par sa quantité que par sa qualité. C'est un secret de polichinelle que la bibliothèque de Montréal accuse un retard monstrueux pour ce qui est de l'importance de ses collections, de la popularité de ses bibliothèques. Depuis cinq ans, le nombre de livres per capita dans la métropole a même diminué.

Aussi, notre Association considère primordial de doubler le budget prévu dans le rapport Richard pour le rattrapage des collections de référence et de prêt, si l'on veut que le rôle premier de la GBQ soit joué à fond auprès de tous les publics visés et pour que le retard historique de la Bibliothèque de Montréal devienne enfin chose du passé.

Les clientèles. Notre regroupement se réjouit que la GBQ envisage d'offrir gratuitement ses services de base. Par ailleurs, nous aimerions que soit modifiée ou nuancée la décision de tarifer pour l'utilisation des ressources externes comme les banques de données. Il nous semble que cette décision pourrait s'avérer problématique, sinon dangereuse, si appliquée à toutes les ressources pour lesquelles la Bibliothèque doit débourser, étant donné l'éventail de plus en plus grand de ses ressources sur Internet. L'horaire de 70 heures d'ouverture hebdomadaire nous paraît essentiel en fonction des besoins des usagés.

Les coûts. Nous sommes perplexes quant à l'évaluation des coûts du fonctionnement annuel, 25 000 000 $. Nous nous questionnons sur la somme évaluée et trouverions avisé de prévoir une marge de manoeuvre plus forte, en cas de besoins incontournables.

Nos recommandations. Concernant les principales recommandations retenues par le comité de travail, nous aimerions préciser les points suivants. La résolution n° 1, en plus de la loi créant la Grande Bibliothèque, que soient précisés par une autre loi de l'Assemblée nationale le rôle et la responsabilité du ministère de la Culture et des Communications face au réseau des bibliothèques publiques du Québec et face à la GBQ; qu'un représentant de BPIM soit partie prenante du conseil d'administration effectuant la gestion de la GBQ; que la concrétisation des grands mandats nationaux se réalise une fois la création et la consolidation de la GBQ bien établies; que l'on procède ultérieurement à une consultation des bibliothèques publiques du milieu pour élaborer le développement et la priorisation des services dont elles ont besoin; que la GBQ soit dotée, si nécessaire, d'un budget de plus de 25 000 000 $ pour lui permettre d'assurer la totalité de ses mandats; que l'espace occupé par la future GBQ soit satisfaisant pour offrir tous les services requis par la clientèle grand public; que l'espace requis pour des besoins futurs soit prévu.

Nos recommandations. Nous recommandons que les subventions allouées par le gouvernement du Québec aux bibliothèques publiques soient préservées et ne constituent pas un fonds de dépannage pour la GBQ.

Nous recommandons que les subventions aux opérations soient rétablies pour les bibliothèques publiques du Québec, notamment dans le contexte budgétaire difficile que vivent actuellement les municipalités et dans une perspective de rattrapage national.

Nous recommandons que les priorités de subvention et de réalisation soient accordées par le gouvernement du Québec pour la création d'un réseau virtuel sur Internet de toutes les bibliothèques publiques informatisées du Québec dans lequel la GBQ jouerait un rôle prépondérant, et pour cela: que soit subventionnée l'informatisation des bibliothèques publiques qui ne le sont pas encore; que soit subventionnée la conversion en format MARC des bases de données des bibliothèques; que soit subventionnée l'intégration de la norme Z39.50 aux bases de données des bibliothèques publiques québécoises.

Et, enfin, nous recommandons que soit levé le moratoire sur les équipements culturels. De nouvelles constructions ou agrandissements sont à prévoir dans quelques municipalités pour répondre aux besoins grandissants de la population.

Les Bibliothèques publiques de l'île de Montréal se réjouissent fort de l'intérêt marqué du gouvernement actuel concernant les bibliothèques publiques du Québec. Sous réserve des commentaires et des recommandations énumérées dans le présent document, nous appuyons le projet de la Grande Bibliothèque du Québec et nous en espérons la réalisation dans les meilleurs délais.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui. Merci, M. le Président. Monsieur, madame, bonjour. Votre intervention est évidemment très bienvenue et très intéressante, étant donné que tout ce projet concerne bien évidemment au premier chef l'île de Montréal et la région métropolitaine.

Avant de faire quelques commentaires sur vos recommandations, je voudrais rappeler, puisque tout à l'heure on a terminé nos interventions avant que je puisse dire ceci, en effet, que les postes Internet qui ont été remis aux bibliothèques et aussi dans les bibliothèques dans les milieux ruraux et dans les régions... On nous a dit, d'ailleurs, les CRSBP nous ont dit tout à l'heure que ça couvrait à peu près 60 % de leurs bibliothèques. On a déjà mis 7 000 000 $ sur trois ans dans ce projet-là, cet argent provenant du Fonds de l'autoroute de l'information.

Ce que ça m'inspire, c'est que j'espère que, dans le prochain budget – de toute façon, c'est notre intention – le Fonds de l'autoroute de l'information se poursuive et que les bibliothèques qui n'auront pas été pourvues et qui en voudraient... Parce que, encore faut-il qu'elles le demandent. Parce que j'avais remarqué, dans ma région, qu'il y avait quelques bibliothèques qui ne l'avaient pas demandé. Alors, il faut qu'elles le demandent. Mais on pourrait imaginer, peut-être pas d'atteindre 100 %, mais, en effet, on pourrait aller au-delà du 60 %, ce qui vaut aussi pour les stations Ariel, puisqu'on me faisait remarquer que ça coûte 3 000 $ par station Ariel – qui est extrêmement intéressante – pour numériser de façon immédiate les documents. Et ces stations Ariel, on pourrait les prévoir dans plusieurs bibliothèques et non pas seulement dans quelques bibliothèques. Et on pourrait les doter, les bibliothèques membres du CRSBP, de la même façon qu'on l'a fait pour Internet parce que, pour les bibliothèques des villes de moins de 5 000 habitants, il y avait un poste Internet prévu puis, ensuite, par tranche, ça s'additionnait. Donc, c'est certainement une façon de procéder intéressante.

Je voudrais aussi faire remarquer, quand on parlait de Gabrielle-Roy, tout à l'heure, les CRSBP reconnaissant l'impact extrêmement structurant qu'a eu Gabrielle-Roy, que, si on faisait la même chose à Montréal pour la Grande Bibliothèque, ça ne serait pas 30 000 m², ce qui est prévu pour les deux collections. Parce que, l'avantage, c'est que ce n'est que la fonction diffusion qui se trouvera réunie dans la Grande Bibliothèque. Ce n'est donc pas 30 000 m², c'est pour ça que je dis que le projet n'est pas grandiose, qu'il est très modeste, c'est 70 000 m², si on projetait, en quelque sorte, les mètres carrés, compte tenu des populations de Montréal et de Québec, de Gabrielle-Roy à Montréal, incluant bien sûr la Bibliothèque nationale. Donc, je pense que c'est vraiment un projet tout simplement réaliste.

(17 h 10)

Alors, vous dites: Nous recommandons que les subventions allouées par le gouvernement du Québec aux bibliothèques publiques soient préservées et ne constituent pas un fonds de dépannage pour la Grande Bibliothèque. Je le répète, je l'ai dit depuis trois jours, je l'ai dit aux intervenants qui vous ont précédés, bien évidemment que vous avez raison et que c'est ce qu'il faut faire, et c'est ce qu'on fera, je m'y suis engagée. Vous me direz, je ne serai peut-être pas ministre de la Culture éternellement et le gouvernement ne sera peut-être pas en place éternellement. Alors, ma promesse vaut, effectivement, pour le gouvernement que je représente. Mais, de la façon dont parle le député d'Outremont, j'ai l'impression que c'est bien évident qu'il serait dans les mêmes dispositions, en présumant bien sûr qu'il aura le bonheur d'être ministre de la Culture et moi dans l'opposition et, donc, je pourrais prendre de plus longues vacances aux Éboulements que du temps... Et vous irez à Paris, à ma place.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: Que les subventions aux opérations soient rétablies, c'est un gros débat, vous le savez, effectivement. Et on verra, dans la politique de la lecture, ce qu'on décidera de faire. Parce que vous savez que la politique de la lecture doit bien sûr prendre en compte toute cette problématique des bibliothèques publiques. «Qu'une priorité de subvention [...] soit accordée par le gouvernement pour la création d'un réseau virtuel sur Internet de toutes les bibliothèques publiques informatisées du Québec dans lequel la Grande Bibliothèque jouerait un rôle prépondérant», c'est notre objectif, bien sûr, qu'on en arrive à ça. Donc, l'informatisation des bibliothèques qui ne le sont pas déjà: bien évidemment.

La levée du moratoire sur les équipements culturels, vous savez que je l'ai annoncée, cette levée du moratoire. Je sais qu'il faut de nouvelles constructions, même si le député d'Outremont pense que ce n'est pas nécessaire, ou des agrandissements, parce que je le sais, qu'il y a des bibliothèques qui ne sont pas aux normes et qui sont à 16 % ou 23 %. Je ne parle pas de Montréal, nécessairement de l'île, mais en région. Et je continue à en inaugurer. Je dois dire, j'étais à Chicoutimi, l'autre jour, inaugurant la bibliothèque. Je suis retournée, un mois plus tard, et on m'a dit: Vous ne pouvez pas savoir la différence de fréquentation qu'il y a, l'augmentation de la fréquentation parce qu'on a justement mis aux normes notre bibliothèque et qu'on a construit une bibliothèque qui est attrayante, qui est accueillante et qui fait que les gens viennent.

Alors, je pense que ce que vous proposez est raisonnable. Quand vous dites – et ça me semble aussi raisonnable; on n'a pas statué, bien sûr, là-dessus, on vous écoute attentivement – que les bibliothèques publiques de l'île de Montréal devraient être présentes au conseil d'administration, est-ce que je peux vous demander si, à ce moment-là, vous trouveriez raisonnable, par la même occasion, comme le demandait ce matin Mme Fotopulos, que les villes de la communauté urbaine et même de la région métropolitaine participent au financement de la Grande Bibliothèque, dont Outremont, bien sûr, M. le Président?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bien, M. le Président...

Mme Beaudoin: Peut-être que vous pourriez...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ah, excusez! Est-ce que vous voulez ajouter des commentaires?

M. Dubois (Florian): Pas sur la dernière question.

Mme Beaudoin: Non?

M. Dubois (Florian): Elle est trop politique.

Mme Beaudoin: Ah!

M. Dubois (Florian): Elle n'est pas de notre ressort. On pourrait bien dire oui, non, mais on pourrait être rabroués trop rapidement, peut-être. Ce serait une certaine imprudence de se prononcer sur un sujet semblable, compte tenu que présentement... Vous n'êtes pas sans savoir l'exercice qui est fait présentement dans les municipalités, en fait, qui comprend deux niveaux. Les villes regardent avec les syndicats ce qu'elles peuvent faire et avec les services ce qu'elles peuvent faire. Les services les plus concernés, c'est toujours les services à la population, dont la bibliothèque. Présentement, on regarde des scénarios parfois un peu lourds, où il y aura soit des coupures au niveau des heures d'ouverture ou des coupures au niveau des acquisitions de documents.

Mme Beaudoin: Au niveau de quoi?

M. Dubois (Florian): Des acquisitions de documents.

Mme Beaudoin: Ah!

M. Dubois (Florian): Il est certain que, pour mes collègues, ce serait la dernière intervention qu'on voudrait souhaiter, mais les heures d'ouverture pourraient écoper. Ou encore revoir le niveau de tarification dans les bibliothèques, ce qui est, en même temps, amener un autre problème à la fréquentation des bibliothèques. Mais, pour répondre complètement à votre interrogation, ce n'est pas de notre ressort de nous prononcer sur le financement de la GBQ.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, la ministre me fait dire beaucoup de choses. Des fois, je l'écoute, mais je me dis: Peut-être qu'elle parle du député de Laporte, plutôt que du député d'Outremont. Alors, peu importe, on est tard, l'après-midi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Non, mais, moi, je n'ai qu'une question pour vous. D'abord, avant de poser ma question, je voudrais transmettre mes salutations à Mme Côté de la part de M. Kelley, qui faisait partie de la commission, mais qui a dû s'absenter pour des raisons partisanes incontournables. Donc, je vous prie d'accepter à la fois ses hommages et ses salutations, madame.

Donc, la question que j'ai à vous poser, M. Dubois, et je veux bien comprendre, parce que je me fais une espèce de classification dans ma tête: Vous êtes pour le projet, inconditionnellement?

M. Dubois (Florian): Bien, non.

M. Laporte: Vous n'avez pas de réserves. Avez-vous des réserves?

M. Dubois (Florian): On a mentionné quelques réserves, ici, dans notre rapport.

M. Laporte: Oui. Pouvez-vous les répéter brièvement?

M. Dubois (Florian): C'est qu'on ne voulait pas que ça touche aux subventions qui sont versées présentement, c'est-à-dire le 10 000 000 $ ou le 15 000 000 $ pour les achats de documents. On aurait souhaité, comme l'a mentionné Mme la ministre, compte tenu que la GBQ va faire le développement en parallèle avec le développement de l'ensemble du réseau des bibliothèques publiques, que l'on puisse revenir aux subventions des opérations et qu'il y ait un réseau virtuel des bibliothèques, incluant évidemment la levée du moratoire. Mais, pour le reste, nous sommes d'accord avec le grand projet. On devrait plutôt dire avec le projet.

M. Laporte: Donc, le réseau virtuel ça voudrait dire quoi? Que la Grande Bibliothèque soit un connecteur général, universel? Le réseau virtuel, «c'est-u» dans le sens d'une informatisation telle que tout le monde serait rejoint, enfin, toutes les bibliothèques seraient rejointes ou si ça veut dire plus que ça?

Le Président (M. Garon): Mme Côté.

Mme Côté (Claire): À l'intérieur du mémoire qu'on a vous a soumis, il y avait des recommandations qui étaient générales et des recommandations au sujet du rapport tel quel sur la Grande Bibliothèque. La recommandation sur la bibliothèque virtuelle, c'était pour nous, pour la partie du gouvernement, de faciliter l'hébergement ou la création, pour les bibliothèques, de mettre leurs catalogues sur l'Internet pour que ça devienne un catalogue provincial, avec la norme Z39, que tout soit interconnecté et, de cette façon, faciliter certaines choses qui manquent dans les bibliothèques publiques, aujourd'hui.

Quand on parle des bibliothèques qui ne sont pas informatisées, on sait qu'un des coûts très élevés de l'informatisation des bibliothèques, c'est la conversion rétrospective des collections. Si on avait une bibliothèque virtuelle forte sur l'Internet, ça permettrait la copie, déjà. Parce qu'on n'est quand même pas pour se charger entre nous. Alors, ça permet la copie. Alors, c'était une facilitation de certaines choses qui manquent déjà dans les bibliothèques publiques.

Pour dire, au niveau du rapport en entier, ça, c'étaient nos recommandations à nous. Mais, au niveau du rapport comme tel, je pense que nous précisons, à la page 3, que nous pensons qu'on devrait commencer par consolider certains rôles de la Grande Bibliothèque. Et ces rôles, c'est les rôles vis-à-vis la clientèle locale, avant qu'on se disperse sur la grande région de Montréal et la province au complet. Tout à l'heure, j'entendais le CRSBP parler de Montréal. On n'est pas pour tout répéter ce qu'on dit de Montréal, on dit tous la même chose. Mais, vous savez, il y a une consolidation à faire, il y a à bâtir ça. Puis, une fois que ça sera bâti, on va bâtir là-dessus pour aller plus large.

Alors, nous proposons dans notre mémoire qu'on y aille par étapes et non globalement, tout d'un coup, tous ensemble. Alors, oui, on est d'accord avec ce que le gouvernement veut faire pour les bibliothèques. Il veut faire quelque chose, mais on dit: Attention, allons-y par étapes.

M. Laporte: D'accord. Donc, sur une échelle d'inquiétude, si on revient à ce que le groupe précédent a traité, vous avez, disons, des souhaits, vous souhaiteriez que certaines dispositions soient prises, mais vous ne souffrez pas d'appréhensions majeures. Ça vous apparaît comme: Le train est en marche, il y a peut-être de la mise au point à faire, mais, ultimement, on devrait arriver à la station sans trop de dégâts.

M. Dubois (Florian): Voilà.

Mme Côté (Claire): Il y a un grand manque de précision dans le rapport sur les rôles que doit jouer la Grande Bibliothèque et comment elle doit assumer ces rôles-là. Je pense que ça gagnerait beaucoup à être défini de façon beaucoup plus précise.

M. Laporte: Merci beaucoup de ces précisions.

(17 h 20)

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de l'Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal de leur contribution aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant la représentante de L'Association des écrivains québécois pour la jeunesse à se rapprocher de la table des témoins.

À vous la parole, Mme Julien. Nous avons une demi-heure ensemble, donc 10 minutes pour votre exposé, 10 minutes pour les ministériels, 10 minutes pour l'opposition.


L'Association des écrivains québécois pour la jeunesse (L'AEQJ)

Mme Julien (Suzanne): Merci. L'Association des écrivains québécois pour la jeunesse porte un intérêt manifeste à la mise en place de cette Grande Bibliothèque, intérêt néanmoins teinté d'une certaine réserve. A priori, nous ne sommes pas contre, nous y voyons une solution aux problèmes criants d'espace, de conservation, de mise en valeur du patrimoine littéraire québécois, solution qui permettrait aussi de cumuler en un même endroit des fonctions de référence et de prêt.

À l'aube du XXIe siècle, les bibliothèques doivent prendre un virage aussi nécessaire que radical dans la voie de l'information multimédiatique et virtuelle. Dans ce domaine, il faut peu de temps pour accumuler du retard. Il apparaît donc souhaitable que la Grande Bibliothèque se convertisse à une vision futuriste. Mieux vaut viser plus loin et opter pour une plus grande souplesse permettant de s'adapter au fur et à mesure aux nouvelles technologies.

Ambitionnant de devenir à la fois un outil d'intégration sociale et un lieu de promotion de la lecture et de l'édition québécoise, la Grande Bibliothèque devrait faciliter son utilisation pour tous les citoyens. Et nous pensons, nous, plus précisément aux jeunes.

En effet, cette nouvelle institution visant donc à fournir un accès démocratique au savoir, à la culture et aux idées, il nous semble alors primordial d'en faire un lieu tout aussi accueillant pour les jeunes que pour les adultes. Les bonnes habitudes se prennent dès l'enfance. Attirer la jeunesse à la Grande Bibliothèque implique l'aménagement spécial de salles pouvant recevoir des classes complètes ou de cabines de recherche ou d'expérimentation pour des groupes plus restreints, tout en évitant de perturber le calme et le silence exigés par les adultes.

Un exemple d'expérimentation possible: Un créateur pour la jeunesse pourrait inviter des enfants à venir créer ou amorcer la création d'un oeuvre avec lui, oeuvre mêlant à la fois le théâtre, l'improvisation et l'écriture. Cela nécessite évidemment des locaux adéquats et un minimum d'équipements tels mobilier, ordinateurs, tableaux, scène, appareils multimédias.

Ces mêmes locaux seraient aussi mis à la disposition d'organismes oeuvrant dans le domaine de la littérature, soit pour y tenir des réunions ou leur assemblée générale, soit pour remettre des prix littéraires, soit pour tout autre événement de type culturel. Idéalement, un auteur aurait même la possibilité d'y faire un lancement de livre.

Il apparaît malheureusement évident que l'intérêt des jeunes pour la lecture décroît considérablement, à l'adolescence. Mais, contrairement à ce qui a été avancé dans votre guide Une grande bibliothèque pour le Québec , ce n'est pas entre 15 et 17 ans que ça se manifeste, mais beaucoup plus tôt: dès 12 ans chez les garçons et vers 14 ans chez les filles.

Pour résoudre ce problème, il faut d'abord en établir les causes. Elles diffèrent pour les deux catégories. Lorsque les jeunes passent du primaire au secondaire, ils changent aussi de type de livres. Les illustrations intérieures disparaissent, ôtant du même coup le support visuel dont les garçons semblent avoir tant besoin pour suivre une histoire. Certaines expériences dans des classes adaptées pour jeunes ayant accumulé des retards pédagogiques tendent à établir une corrélation entre les problèmes de lecture et la faculté de visualiser ce que l'on lit. Autrement dit, si on ne parvient pas à créer d'images visuelles lors de notre lecture, il est impossible d'y porter un intérêt et de suivre le récit.

Les filles ont-elles plus de facilité à visualiser un texte? Peut-être. Ce qui apparaît certain, c'est que, lorsqu'un garçon de 12 ans est capable de visualiser ce qu'il lit, il aime la lecture et il l'aimera toute sa vie. Dans le cas des filles, la définition du problème est plus complexe. On peut avancer comme hypothèse qu'à 14 ans le besoin d'appartenir à un groupe, d'être semblable aux autres est plus fort que le goût de la lecture. Elles cherchent aussi à se distancier des valeurs véhiculées par l'école, entre autres la valorisation de la lecture. Par ailleurs, socialement parlant, qu'est-ce qui valorise la lecture auprès des adolescentes? Les émissions culturelles et artistiques ne leur proposent que des entrevues sur leurs vedettes des milieux musical, cinématographique ou de la télévision. Au petit écran, la littérature est le parent pauvre du domaine artistique, tout comme la danse et la peinture d'ailleurs. Il ne s'agit pourtant pas de créer des ghettos littéraires avec des émissions ne discutant que de livres, mais plutôt d'intégrer dans les émissions culturelles pour la jeunesse déjà existantes une case littérature adaptée aux jeunes. On pourrait en dire autant des revues achetées par les adolescents et les adolescentes.

Alors, en quoi la Grande Bibliothèque peut-elle aider à prévenir le décrochage? Par la promotion entre ses murs d'animations du livre, de lectures par des auteurs ou par des comédiens, d'ateliers de discussion, de spectacles reliés au livre, de jeux culturels type tombola, rallye d'explorateur, détecteur de mensonge, de brunchs littéraires ou de tout autre activité interactive regroupant des intervenants de différents domaines culturels, d'où la nécessité d'engager du personnel formé adéquatement en animation.

Pour demeurer dans le problème du décrochage en lecture, il existe un casse-tête de taille pour les jeunes: Comment feront-ils pour s'y retrouver dans cette superbâtisse que sera la grande bibliothèque? Si le système Dewey nous semble évident à nous, adultes consultant fréquemment les bibliothèques, il n'en va pas de même pour les jeunes. Certains répondront que c'est à l'école d'enseigner la classification des documents et les méthodes de recherche. Malheureusement, la plupart des bibliothèques des écoles primaires du Québec étant mal pourvues autant en livres qu'en personnel compétent pour gérer la documentation, il est difficile de montrer aux élèves une méthode sans exemple concret. Le fonctionnement de la bibliothèque scolaire relevant souvent de la bonne volonté des parents bénévoles, on ne peut exiger d'eux des connaissances qu'ils ne possèdent pas la plupart du temps. La Grande Bibliothèque devrait donc mettre en place une procédure d'aide et des services d'apprentissage adaptés à un enfant ou à un groupe classe.

De plus, nous espérons que l'espace supplémentaire disponible dans la Grande Bibliothèque permettrait de monter, de conserver et d'entretenir un fonds sur la littérature jeunesse québécoise. Nous sommes malheureusement très en retard dans ce domaine. À notre connaissance, la collection de livres pour la jeunesse qui est entretenue à la Bibliothèque centrale de Montréal ne peut être considérée comme exhaustive pour les livres québécois pour la jeunesse, anciens ou modernes. C'est un problème qui préoccupe beaucoup notre association, surtout quand on sait que la tendance des dernières années est à l'élagage.

En effet, lors de tournées dans les écoles, des écrivains ont pu constater que, par manque de place dans les bibliothèques scolaires, on crée de l'espace et on modernise en remplaçant de vieux titres moins en demande auprès des enfants par des livres plus récents. Des livres rarissimes ou des classiques se retrouvent ainsi à la poubelle. Nous aimerions mettre un terme à ce carnage culturel en donnant une nouvelle vocation à ces vieux bouquins délaissés. Mais n'ayant pas les moyens financiers suffisants pour agir, l'AEQJ n'a pu intervenir directement pour récupérer ces documents, les entreposer, les restaurer et les mettre en valeur. La Grande Bibliothèque oeuvrera-t-elle dans ce sens? Non seulement nous le souhaitons, mais, de plus, nous aimerions y participer.

Dans une vision élargie, on peut aussi songer aux manuels scolaires périmés. Si les informations qu'ils contiennent ne sont plus à jour, ils demeurent toutefois des outils essentiels pour évaluer socialement le Québec d'autrefois. Pensons seulement aux manuels de dictée que nous devions apprendre par coeur. Les textes qu'ils nous proposent sont souvent inédits et très révélateurs des valeurs véhiculées à une époque donnée. Ne serait-ce que d'un point de vue purement historique, on ne peut se permettre de s'en débarrasser ainsi.

Nous nous inquiétons aussi du sort réservé aux bibliothèques de quartier. S'il est important de construire une grande bibliothèque, il l'est tout autant pour les jeunes de conserver et d'entretenir dans leur milieu un endroit de référence, un lieu de culture, mais, bien plus encore, une maison où ils se sentent à l'aise parce qu'ils connaissent les airs et les gens qui y travaillent, parce qu'ils peuvent y rencontrer leurs amis, parce qu'ils ne se sentent pas dépaysés ou impressionnés par la grandeur des lieux. La bibliothèque de quartier est à leur image et au niveau de leurs capacités. Les enfants ne se déplaçant jamais très loin seuls, il est peu probable que cette clientèle se précipite en grand nombre sur la Grande Bibliothèque, sauf lors des sorties scolaires.

Par le biais de notre tournée Lire dans l'île , tournée lors de laquelle nos auteurs vont lire une de leurs oeuvres à des jeunes dans les bibliothèques ou les maisons de la culture de l'île de Montréal, nos écrivains ont pu constater à quel point les bibliothèques de quartier se débattent pour survivre. Il n'y a qu'à se rappeler les menaces de fermeture qui planaient au-dessus de trois d'entre elles: Benny Georges-Vanier et Le Comptoir du métro McGill. Ce dernier a effectivement rendu l'âme. Ce n'est qu'avec l'appui massif de leurs citoyens que les deux autres bibliothèques ont pu continuer leurs opérations.

Mais le danger n'est pas entièrement écarté pour autant. Les subsides alloués aux bibliothèques publiques ont fondu de 28 %, entre 1990 et 1995. De plus, Montréal envisageant de réduire le temps d'ouverture des bibliothèques de quartier, comment celles-ci pourraient-elles ne pas afficher une baisse de clientèle? Baisse qui permettrait de conclure que, finalement, telle bibliothèque n'est pas rentable, ce qui justifie sa fermeture.

(17 h 30)

Ce qui nous amène à une question préoccupante: Si Montréal intègre sa Bibliothèque centrale à la Grande Bibliothèque, les bibliothèques de quartier ne risquent-elles pas, premièrement, d'être mises de côté par manque d'intérêt et d'argent de la part de l'administration municipale et, deuxièmement, d'être abandonnées à elles-mêmes avec tous leurs problèmes de logistique? Sans le poids et le support d'une bibliothèque centrale, peuvent-elles survivre?

Déjà, elles accusent une réduction de leurs services. Lorsque notre Association propose une animation dans le cadre du projet Lire dans l'Île , les bibliothèques sautent sur l'occasion avec la plus grande gratitude, puisque leur fonds de roulement ne leur permet pas de se payer une telle activité. Et nos auteurs y ont aussi constaté, lors de leur visite, des besoins alarmants en livres et autres équipements. Certains nous demandent presque de leur octroyer des dons de livres. D'autres nous téléphonent longtemps à l'avance pour s'assurer d'être sur la liste des animations du programme Lire dans l'Île .

La question demeure entière: Qu'adviendra-t-il des bibliothèques de quartier? Deviendront-elles des laissées-pour-compte ou tentera-t-on de leur insuffler un souffle nouveau avec tout l'apport financier nécessaire?

Il reste encore le trivial mais épineux problème de l'emplacement de la Grande Bibliothèque. Posez le doigt n'importe où au hasard sur une carte de la ville de Montréal et vous tomberez sur un secteur qui a grandement besoin d'être vitalisé. Vous désirez la situer près d'une sortie de métro? Il y en a une soixantaine sur l'île de Montréal. Ce qui nous étonne, c'est que personne ne songe aux difficultés de stationnement. Nous aurons beau encourager les transports en commun, il y aura encore un nombre impressionnant de gens qui se déplaceront en voiture. Alors, où les inviterez-vous à se stationner dans le centre-ville de Montréal déjà largement en manque de places? Que ce soit à côté de la Place des Arts ou au Palais du commerce, nous assistons jour après jour à des batailles serrées pour la moindre place de stationnement.

D'ailleurs, faut-il vraiment que la Grande Bibliothèque soit au centre-ville de Montréal? Le secteur est déjà bien pourvu de grandes bibliothèques universitaires. Un coin plus tranquille de la métropole conviendrait aussi bien pour bâtir ce haut lieu du savoir et de la diffusion de la culture, et les coûts d'acquisition d'un terrain logeant la bibliothèque et son stationnement s'en trouveraient peut-être moins élevés.

S'il s'avère que l'orientation de la Grande Bibliothèque s'effectuera en tenant compte de ce qui vient d'être énoncé, l'AEQJ appuie le projet tout en gardant en tête, cependant, qu'il ne s'agit là que d'un volet important et majeur, mais tout de même d'un volet seulement d'une politique globale du développement général du livre. Nous doter d'une bibliothèque moderne et comparable à ce qui existe dans le monde, bravo! Mais encore faut-il penser à la base humaine, à la structure fondamentale sur laquelle elle repose et qu'elle expose. Je parle, bien entendu, des écrivains. Que connaît le grand public des conditions de travail de ces artistes? Peu de chose, en vérité. Alors, permettez-moi de vous entraîner dans une petite visite guidée de notre jardin où s'épanouit notre imaginaire.

Commençons par une vue d'ensemble de la situation du monde de l'édition. Depuis le dernier quart de siècle, la progression du nombre de nouveaux titres publiés chaque année en littérature jeunesse a été tout à fait stupéfiante. Nous sommes passés de 14 nouvelles publications en 1969 à 278 en 1995. Et le véritable décollage dans l'augmentation des publications se situait surtout à la fin des années quatre-vingt. Par contre, en 1996, nous assistons à un léger déclin de la production, une baisse de 9 % par rapport à l'année précédente.

Ce qui nous apparaît plus inquiétant est la courbe suivie par les tirages. Le nombre de livres tirés a d'abord fait un bond de 440 000 exemplaires, en 1974, à plus de 5 000 000, 20 ans plus tard. Mais les chiffres vraiment intéressants sont ceux des deux dernières années. La mauvaise surprise est de taille. En 1995, les tirages ont carrément dégringolé à 2 800 000. En 1996, ils sont descendus à 1 800 000. En deux ans à peine, les tirages se sont effrités de 64 %, malgré le fait que les nouvelles publications n'aient baissé que de 9 %. Le niveau des tirages a été ramené à celui de 1991, un recul de cinq ans.

D'un autre côté, on est loin de pouvoir parler d'une flambée des prix dans le domaine du livre. Entre 1975 et 1995, le prix de vente moyen des livres de littérature jeunesse a presque quadruplé, passant de 2,68 $ à 9,08 $. Notons que depuis deux ans ce prix a plutôt tendance à stagner, si ce n'est à fléchir. Pourtant, nous avons dû encaissé, en 1994-1995, une hausse du prix du papier de près de 90 %. Cette augmentation se reflète sur les coûts de production ainsi que sur les tirages. Dans l'espoir d'une baisse du prix du papier pour les années à venir, on diminue les tirages. Ceci évite d'entreposer des livres produits à des coûts exorbitants, tandis qu'il n'y aurait qu'à réimprimer plus tard à des coûts plus raisonnables. Malheureusement, pendant ce temps, les livres étant moins visibles sur les tablettes des librairies, ils se vendent moins bien. C'est une manière comme une autre de tuer l'oeuvre dans l'oeuf, car, plus tard, il n'y aura pas de réimpression par manque de demandes.

Les chiffres ci-haut mentionnés nous ont été aimablement fournis par des spécialistes travaillant à la Bibliothèque nationale du Québec, Mme Paquet, M. Fournier et M. Fontaine.

Si nous parlions maintenant de la situation particulière de l'écrivain. Il se publie donc depuis deux ans davantage de nouveaux titres mais en quantité plus limitée, ce qui implique que chaque écrivain reçoit une pointe de tarte proportionnellement diminuée. Avec certains membres de l'AEQJ, nous nous sommes amusés à évaluer cette diminution. J'aime autant le dire tout de suite, ce n'est pas basé sur une étude scientifique, c'est simplement entre nous, on a cherché à savoir ce que ça voulait dire comme diminution. On a pris deux exemples les plus éloignés pour montrer ce que c'était. Alors, un écrivain qui recevait, en 1994, 743 $ par titre reçoit aujourd'hui 287 $ par titre. Un autre auteur dont les revenus par titre étaient de 232 $ en 1994, sont aujourd'hui de 106 $. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'écrivains qui ont cessé de produire depuis un certain temps, mais d'écrivains qui publient régulièrement de un à trois titres par année. Malgré leur travail assidu, ils doivent donc encaisser une diminution brute variant entre 55 % et 61 %.

Qui accepterait une telle diminution? Qui accepterait de voir son salaire amputé d'environ 60 %? Les redevances des écrivains, et plus spécifiquement de ceux qui produisent pour la jeunesse, sont en chute libre depuis 1994. Si, il y a trois ans, un écrivain pouvait espérer, en voyant ses droits d'auteur augmenter... parce qu'à l'époque il y avait une augmentation des droits d'auteur, alors il pouvait espérer pouvoir vivre raisonnablement des retombées de son travail, bien il en va autrement aujourd'hui.

On en vient même à des situations regrettables. Je parlais tout à l'heure de décrochage en lecture de la part des adolescents. Bien, j'aborderais maintenant le problème plus crucial du décrochage des écrivains eux-mêmes. Des auteurs ayant gagné des prix littéraires aussi prestigieux que celui du Gouverneur général ont dû mettre de côté l'écriture et trouver un autre travail pour arriver à faire vivre leur famille. Ils se tournent donc vers des tâches de traduction, de suppléance, de rédaction de textes comme pigistes, ou encore de rédaction de manuels scolaires.

Le Président (M. Garon): Mme la présidente, c'est parce que, là, nous avons une demi-heure, il y a déjà plus que 15 minutes d'écoulées, puis il reste encore plusieurs pages à votre texte.

Mme Julien (Suzanne): Je termine rapidement dans ce cas-là.

Le Président (M. Garon): Vous devez terminer rapidement, parce que, autrement, les députés ne pourront pas vous poser de questions.

Mme Julien (Suzanne): D'accord, merci. Donc, on pourrait dire que la situation des écrivains est déplorable. Je vais passer tout de suite à la conclusion, dans ce cas-là. J'avais aussi des idées qu'on avait, nous, pour aider la situation du livre, mais je vais les sauter.

Malheureusement, il nous est impossible de... enfin, ça saute un petit peu les pages, je vais reprendre un peu plus loin, un instant. Donc, présentement, notre Association fonctionne à la limite de ses capacités financières, tout comme nos auteurs. Finalement, nous sommes à l'image de ceux que nous représentons, débordants d'imagination, de vitalité, d'espoir, mais la bourse bien dégarnie. Lorsque nous voyons passer tous ces millions qui seront investis dans du béton, des chaises et des ordinateurs, sans aucun doute fort utiles, nous nous demandons: Que restera-t-il pour venir en aide aux écrivains qui en ont tant besoin? Peut-être faudrait-il un jour examiner avec attention le processus d'octroi des subventions aux auteurs et aux organismes qui les défendent. Peut-être serait-il temps de revoir le système de paiement de redevances aux écrivains pour leur faciliter la vérification des droits réellement perçus. En matière fiscale, nous applaudissons à l'exemption du 15 000 $ accordée aux écrivains et nous espérons qu'elle est garantie pour les années à venir.

Mais, dans l'ensemble, nous sommes favorables à l'implantation d'une grande bibliothèque, puisqu'elle répondra à des besoins d'information, de modernisation et de conservation. Oui, mais en autant que ni les écrivains qui sont la base de la littérature ni les bibliothèques de quartier qui jouent un excellent rôle de diffusion ne soient lésés par la mise en place de cette nouvelle structure. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, comme vous avez pris 18 minutes, il reste six minutes pour chaque parti. Alors, Mme Beaudoin.

Mme Beaudoin: Très bien, merci, M. le Président. Il y a une chose que je dois dire... Bonjour, Mme Julien. Une chose vraiment, je m'interroge, expliquez-moi un peu comment ça fonctionne. Vous dites: «Avec certains membres de votre Association – donc en page 11 – nous nous sommes amusés à évaluer cette diminution des droits d'auteur. Un écrivain qui recevait, en 1994, 743 $ par titre reçoit aujourd'hui, disons, 287 $. Pour un autre, bon, les revenus par titre sont même passés de 232 $ à 106 $.»

Mme Julien (Suzanne): Oui.

Mme Beaudoin: Est-ce que vous voulez dire que, quand vous écrivez un livre, c'est ce que vous recevez?

Mme Julien (Suzanne): En fait, si on parle du premier écrivain, d'accord, celui qui reçoit 743 $ par titre, là-dessus, il y a à peu près une quinzaine de titres. Un titre qui est peut-être sorti en 1994 et un titre qui est sorti en 1992 ou en 1990. D'accord?

Mme Beaudoin: O.K., je comprends, c'est de droits d'auteur, d'accord.

Mme Julien (Suzanne): C'est l'ensemble des droits d'auteur. Alors, c'est une moyenne qu'on a faite.

(17 h 40)

Mme Beaudoin: Oui, c'est très intéressant, parce que vous savez, Luc Plamondon, qui pourtant est l'auteur de chansons le plus prolifique au Québec, m'a dit qu'il n'avait jamais reçu, au Québec, plus de 25 000 $ par année de droits d'auteur. Alors, je comprends bien, en effet, que c'est ça que ça veut dire. C'est le top sans aucun doute, je veux dire, quand on s'appelle Luc Plamondon. C'est dû aux droits d'auteur eux-mêmes, il y a un problème de droits d'auteur, et d'ailleurs je pense que vous y faites allusion – je vais revenir là-dessus – mais c'est dû aussi à l'exiguïté, si je puis dire, de notre marché. Quand on est 6 000 000, malheureusement on n'est pas 60 000 000, et c'est certainement un des problèmes.

Juste avant de terminer, puis je vais vous poser mon autre question, alors, comme ça, vous pourrez répondre en même temps. C'est à la page 16 justement, quand vous dites: «Peut-être faudrait-il un jour examiner avec attention le processus d'octroi des subventions. Peut-être serait-il temps de revoir le système de paiement des redevances aux écrivains pour leur faciliter la vérification des droits réellement perçus.» Vous pouvez peut-être m'en dire un mot. En matière fiscale, je pense que je peux vous rassurer: je ne suis pas le ministre des Finances, mais je pense que c'est une bonne mesure sur laquelle on a beaucoup insisté au ministère et qui sera préservée. Mais enfin, je voudrais que vous commentiez peut-être sur les deux...

Mme Julien (Suzanne): La première question, c'était en fait sur, si je me rappelle bien, vous avez dit... Je viens de l'oublier.

Mme Beaudoin: Bien, en fait, je pense que vous l'avez fait. Quand on a parlé des titres, vous m'avez expliqué un peu comment ça fonctionnait.

Mme Julien (Suzanne): Oui, oui, oui.

Mme Beaudoin: Mais je pense que vous avez réagi quand j'ai dit: On est 6 000 000, c'est un problème de marché aussi.

Mme Julien (Suzanne): En fait, c'est un problème de marché effectivement, mais, comme je l'ai expliqué plus loin dans les autres pages, c'est que la promotion du livre n'est vraiment pas très dynamique ici, au Québec, et ça, c'est un problème qu'on a avec nos éditeurs. On n'arrête pas de leur pousser dans le dos, de leur demander de faire la promotion, et, puisqu'ils ne la font pas, nous, en tant qu'Association, on aimerait la faire pour nos membres et on est certains que ça les aiderait. En fait, si on va même faire des annonces à la télévision sur le lait qui est pourtant un produit essentiel, pourquoi on n'en ferait pas parfois sur les romans? D'accord?

Pour revenir à l'autre question qui est celle de faciliter la vérification des droits réellement perçus, c'est, encore là, un problème avec les éditeurs, où on doit avoir confiance en l'éditeur. L'éditeur nous envoie une fois par année une feuille qui dit: Vous avez vendu tant de livres et ça vous donne tant. Et là, si on n'est pas satisfait: Bien, si vous voulez vérifier, engagez un comptable qui va venir le faire. Mais, avec les droits qu'on reçoit, on ne peut pas engager un comptable. C'est bien difficile. Alors voilà, ça répond à votre question.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Mme Julien, vous nous avez présenté un extraordinaire document, parce que, si vous aviez lu mes notes d'ouverture, j'y ai traité d'une question qui est très débattue maintenant en sociologie de la lecture et que vous avez admirablement illustrée, à savoir l'émergence de nouvelles formes d'illettrisme. Enfin, on ne parle pas d'illettrisme au sens d'analphabétisme, mais on parle d'illettrisme au sens de maîtrise de la culture livresque. Et vous avez bien montré que, chez les jeunes, actuellement, il y a un déclin, il y a des pratiques qui, potentiellement, peuvent avoir ce danger-là d'apparition de formes d'illettrisme assez inédites. On les voit apparaître dans les sociétés industrielles avancées et il y a des gens qui, à tort ou à raison, ont qualifié les conséquences de ces phénomènes sociaux comme étant ceux de la crise du livre, n'est-ce pas. Et, dans votre cas évidemment, on voit que ça génère des conséquences matérielles assez importantes pour les producteurs de culture. Et ça, évidemment, je le déplore.

La ministre voudra sûrement, enfin, pas aujourd'hui, mais ultérieurement, j'imagine, elle va vous rassurer là-dessus, il n'y a pas de doute – le pouvoir se veut toujours rassurant, ça fait partie de sa dynamique interne... Vous avez parlé, vous vous inquiétez de la prépondérance du béton dans la stratégie de la ministre et, moi, évidemment, je suis beaucoup plus inquiet que vous là-dessus, parce que mon inquiétude va jusqu'à m'amener à m'interroger sur le bien-fondé du projet. Et ce que je souhaiterais, moi, c'est qu'on arrête le train, il n'y a pas de doute. Je ne suis pas contre le train, je ne suis pas contre la station, mais je dis qu'il faudrait arrêter le train et s'interroger sérieusement sur les dégâts qu'il pourrait produire éventuellement avant de le remettre en marche. Il y aurait peut-être un peu moins de wagons dedans, à mon goût, mais ça, c'est une autre chose. Mais, vous, vous n'allez pas jusqu'à dire: Il faut arrêter le train. Vous ne voulez pas arrêter le train. Évidemment, vous n'êtes pas une politicienne, vous êtes une écrivaine, donc je comprends votre choix. Mais je voudrais bien m'assurer que j'ai compris. Mais vous êtes inquiète. Vous êtes inquiète.

Mme Julien (Suzanne): En fait, on a certaines inquiétudes. Vu que notre public, notre clientèle est surtout des jeunes et que les jeunes ne voyagent pas tant que ça seuls, nous, notre inquiétude, c'est du côté des bibliothèques de quartier: on veut qu'elles subsistent, on veut qu'elles aient encore la possibilité d'offrir aux jeunes tous les services qu'elles offrent, et elles les offrent de peine et de misère parfois, parce que ce n'est pas toujours facile dans certains cas. Mais il faut qu'elles restent sur place, il faut qu'elles continuent à être fortes; leur donner, en tout cas, une force qu'elles n'ont pas parfois.

M. Laporte: Et vous pensez que... Évidemment, c'est aussi mon argumentation, parce que je suis un partisan acharné du réseau décentralisé des supports de lecture, c'est-à-dire, des librairies de quartier. Je suis très «localiste» dans ma conception de la diffusion du livre et de sa pratique. Donc, moi aussi, j'ai exprimé ces mêmes inquiétudes. Je suis peut-être d'un tempérament plus inquiet que vous; ça a peut-être à voir avec une question de tempérament. Mais je répète que je vais relire votre mémoire bien attentivement avant la fin du processus, parce que je pense que vous avez été la seule... Et c'est peut-être parce que vous êtes au contact de la jeunesse, où le problème est plus visible. Moi, je le sais, j'ai des enfants et j'ai des petits-enfants, je vois à quoi ils sont exposés.

Donc, je vous remercie encore une fois, et puis je voudrais juste vous demander de vous poser cette question-là, pour comprendre mieux exactement l'angle sous lequel vous vous placez. Vous ne questionnez pas le bien-fondé du projet, mais vous êtes inquiète sur ses conséquences. Pensez-vous qu'on peut les contrôler, ces conséquences-là dont vous parlez? Auriez-vous...

Mme Julien (Suzanne): Bien, il y aurait moyen. Avec une volonté, oui.

M. Laporte: Mais beaucoup d'argent aussi.

Mme Julien (Suzanne): Il faut avoir la volonté de.

M. Laporte: La volonté et l'argent.

Mme Julien (Suzanne): Aussi, oui, évidemment. Non, je ne suis pas contre le projet, parce que, nous, on est des grands utilisateurs de bibliothèque. En fait, avant d'écrire, il faut faire des recherches, et on s'est bien rendu compte qu'il y a certains problèmes parfois. Quand on cherche à deux, trois, quatre endroits différents, ce n'est pas très commode. Donc, on n'est pas contre le projet. Moi, j'ai visité la bibliothèque de Vancouver, j'ai trouvé qu'elle était vraiment fantastique, j'ai beaucoup aimé cet endroit-là. Et ce qui m'avait frappée quand je suis entrée dans cette bibliothèque-là, c'est la file d'attente pour aller enregistrer un livre. Je n'avais jamais vu de ma vie une file d'attente dans une bibliothèque, et celle-là, elle était longue comme du mur jusqu'à l'autre mur, et c'était incroyable. Je me disais: S'il fallait que ce soit comme ça partout, ce serait extraordinaire.

M. Laporte: M. le Président, tout ce que je peux souhaiter, c'est que les marchés financiers ne s'écrasent pas d'ici à lundi parce que, si c'est le cas et que les taux d'intérêt montent d'une façon vertigineuse, on va se retrouver devant une rareté de ressources au Québec parce que ça va nous coûter de plus en plus cher pour financer la dette et le déficit, et là, à ce moment-là, peut-être que le train va arrêter. On verra lundi matin.

Le Président (M. Garon): Qu'est-ce qui vous fait dire qu'ils vont s'écraser?

M. Laporte: Bien, écoutez, M. le Président, il faut lire les journaux financiers.

Le Président (M. Garon): Il faut être optimistes aussi. L'économie repose d'abord sur l'optimisme.

Alors, je remercie Mme Julien...

Mme Julien (Suzanne): Merci.

Le Président (M. Garon): ...de L'Association des écrivains québécois pour la jeunesse, de sa contribution aux travaux de cette commission. Comme nous avons entendu tous les groupes que nous devions entendre aujourd'hui, j'ajourne les travaux de la commission au mardi 18 novembre 1997, à 15 h 45, afin de poursuivre ce mandat.

(Fin de la séance à 17 h 49)


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