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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, March 20, 1997 - Vol. 35 N° 33

Consultation générale sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
Mme Solange Charest
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Thomas J. Mulcair
M. Lawrence S. Bergman
M. Yves Beaumier
M. Russell Copeman
M. Gérard-R. Morin
M. François Beaulne
M. Geoffrey Kelley
M. André Gaulin
*M. Henri Massé, FTQ
*M. Pierre Paquette, CSN
*M. Alain Pélissier, CEQ
*Mme Marie Vallée, FNACQ et ACEF–Centre de Montréal
*M. Jacques St-Amant, idem
*M. Jean-Noël Ringuet, Groupe d'éthique appliquée du collège de Chicoutimi
*M. Marcel Melançon, idem
*M. Francis-H. Porter, CRISP
*M. Jacques Fortier, idem
*Mme Francine Thomas, idem
*M. Yves Leclerc, ViaNET inc.
*M. Denis Langlois, CVDS inc.
*M. Marc Ouellet, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures douze minutes)

Le Président (M. Garon): Comme nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte. Rappelons que la commission s'est donné le mandat d'initiative suivant: procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaudet (Argenteuil) remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Mulcair (Chomedey) remplace M. Cusano (Viau); et M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys).

Le Président (M. Garon): Alors, je vais donner lecture de l'ordre du jour, pour l'approbation des membres de la commission: 9 heures, CSN, FTQ et CEQ; 10 heures, Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, FNACQ, et ACEF–Centre de Montréal; 11 heures, Groupe d'éthique appliquée du collège de Chicoutimi; 12 heures, suspension; 15 heures, après les affaires courantes, Conseil des responsables de l'informatique du secteur public, CRISP; 16 heures, Communications ViaNET inc.; 16 h 45, CVDS inc.; 17 h 30, ajournement.

Est-ce que l'ordre du jour est approuvé?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Garon): Alors, j'invite immédiatement les représentants de la CSN, de la FTQ et de la CEQ. Je l'ai lu dans l'ordre où c'est mentionné ici. Je ne sais pas si l'ordre devrait être différent ou si c'est celui-là, mais, sur ma feuille, le secrétaire a marqué CSN, FTQ et CEQ, représentées par M. Henri Massé, secrétaire général de la FTQ, Pierre Paquette, secrétaire général de la CSN, Alain Pélissier, secrétaire-trésorier de la CEQ, Michel Doré, service de la recherche de la CSN, Christian Payeur, conseiller à la recherche de la CEQ.

Alors, comme nous avons une heure ensemble, ça veut dire à peu près une vingtaine de minutes pour votre exposé. Même chose pour chacun des partis. Mais, si vous avez besoin de plus de temps, ne vous gênez pas, les députés en auront moins. Si vous en avez besoin de moins, ils pourront prendre ce que vous n'aurez pas pris.


Auditions


CSN, FTQ et CEQ

M. Massé (Henri): Merci. On voudrait d'abord remercier les membres de la commission de la culture de l'opportunité de nous faire entendre sur cette question-là qui est fort importante pour les organisations syndicales que nous représentons.

Le développement des inforoutes et des autres applications des technologies de l'information et de la communication, nous pensons que ça va produire divers changements sociaux fort importants. Nous accordons une attention particulière à ces développements du fait que les travailleurs et les travailleuses que nous représentons sont aussi, et avant tout, des citoyens et des citoyennes. Ces développements ont des implications importantes pour l'ensemble de la société, notamment pour la préservation et la promotion des valeurs démocratiques. Ils mettent aussi en jeu d'importants intérêts industriels et financiers. L'expérience de l'inforoute de la santé dans Lanaudière, par exemple, dont les médias ont traité récemment, offre une illustration de nos propos. Ce projet qui vise en principe à améliorer la qualité des services publics aussi fondamentaux que les services de santé est majoritairement financé par des intérêts industriels privés à but lucratif, bien sûr. La vigilance est donc de mise. Il convient d'assurer que ces nouveaux moyens techniques servent les fins sociales, et non l'inverse. Cette vigilance est aussi de mise dans le dossier des cartes d'identité où plusieurs entreprises cherchent encore ici à nous vendre leur technologie: cartes à microprocesseur, identification biométrique, cryptographie, guichets automatiques, etc.

Déjà, au niveau de la commission de la culture, certaines de nos organisations s'étaient présentées. Le projet de la carte-santé, entre autres, à microprocesseur avait fait l'objet d'une attention particulière. Les mémoires avaient souligné la nécessité, voire l'urgence de tenir un débat approfondi sur toutes les dimensions d'un tel projet avant d'aller de l'avant. Nous pensions que juste la question de la carte à puce, par exemple, au niveau de Rimouski, nécessitait une commission parlementaire en soi.

On voudrait vous dire que, d'entrée de jeu, les signataires du présent mémoire désirent souligner l'évident manque de vision commune du gouvernement en matière de mécanismes d'identification. En effet, il semble que les projets de cartes ou autres mécanismes se développent indépendamment les uns des autres, sans plan d'ensemble, et ce, malgré l'existence d'organismes de coordination tels que le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ou le Secrétariat à l'autoroute de l'information, d'une part, et l'existence d'organismes-conseils comme la Commission d'accès à l'information et le Protecteur du citoyen, d'autre part. En effet, on vient de voir Hydro-Québec qui vient d'imposer le recueil du numéro d'assurance sociale pour ses clients. L'opération de mise en place de la nouvelle carte d'assurance-maladie avec photo s'achève à peine que le ministère de la Santé et des Services sociaux nous annonce l'introduction d'une nouvelle carte, à microprocesseur cette fois, pour janvier 1998. Le Directeur général des élections et quelques ministres jonglent avec l'idée d'une carte d'électeur. Différents ministères étudient le projet d'une éventuelle carte multiservices ainsi que celui d'offrir un mécanisme de signature électronique des transactions sur les inforoutes pour les citoyens et les citoyennes du Québec. De son côté, le Vérificateur général réfléchit tout haut sur les mérites d'un numéro d'identification ou d'une carte d'identité unique pour tous les Québécois et les Québécoises. Bref, la situation semble loin de s'être améliorée depuis l'introduction simultanée et non coordonnée du permis de conduire et de la carte d'assurance-maladie avec photo.

Aujourd'hui, nous sommes convoqués pour discuter des enjeux relatifs aux cartes d'identité. Or, nous ne disposons d'aucun document consistant sur quelque projet que ce soit, encore moins de plan d'ensemble. La démarche nous semble manquer quelque peu de sérieux et de rigueur.

En effet, les cartes, les numéros d'identification et autres mécanismes servant à l'identification des individus ne sont que des clés au service de larges systèmes d'information sur les personnes. Ces systèmes d'information impliquent de multiples opérations de collecte, de stockage, de communication ainsi que des traitements plus ou moins compliqués pour produire les renseignements qui serviront à prendre des décisions susceptibles d'affecter les personnes concernées. Chaque mécanisme d'identification n'est donc en définitive que la pointe d'un immense iceberg informationnel. Chacun de ces mécanismes d'identification implique directement la mise en place de mesures particulières pour l'établissement de l'identité et pour l'authentification de cette dernière. Chacun de ces mécanismes exige aussi l'existence de règles pour régir son utilisation. Comment alors discuter sérieusement d'un mécanisme d'identification donné sans considérer l'ensemble du ou des systèmes d'information au sein desquels il s'insère, surtout si on veut en évaluer les implications sociales, légales, économiques ainsi que les conséquences sur la vie des individus? C'est en effet rarement la pointe de l'iceberg qui constitue un danger pour les navires. Il est donc difficile de discuter dans l'abstrait de cartes d'identité ou de mécanismes d'identification.

(9 h 20)

L'intérêt de la question, pour nos organismes, est fort important. On reconnaît dès le départ que les exigences de l'administration de programmes et de services gouvernementaux et la réalisation de transactions entre les individus et les organisations privées exigent souvent l'usage de mécanismes d'identification divers. De plus, nous reconnaissons que le développement des services publics et privés sur les inforoutes pourra nécessiter l'utilisation de nouveaux mécanismes d'identification des individus. Mais, en même temps, on vous appelle à la prudence. Dans le monde du travail, par exemple, on est assez habitué avec ces questions-là d'identification. On voudrait juste vous rappeler l'expérience du NAS, le numéro d'assurance sociale, qui est à l'heure actuelle la carte la plus utilisée, autant au niveau du monde du travail qu'à d'autres fins dans la société. Cette carte-là avait été mise sur pied, rappelons-nous-le, uniquement pour les fins des régimes de pension publics, de rentes, soit fédéral, soit québécois, et du programme d'assurance-chômage.

Le NAS, en fait, qui identifiait les individus en tant que travailleurs, a finalement servi à les identifier sous toutes les facettes de leur vie: contribuables, citoyens, consommateurs. La généralisation de son usage a donc entraîné une perte de contrôle des individus sur la circulation des renseignements les concernant, que ce soit pour des fins légitimes ou illégitimes. Cette généralisation pose des risques certains quant à la confidentialité et à la sécurité de ces renseignements personnels. Mais, plus fondamentalement, elle a favorisé le développement du contrôle de l'État et des entreprises sur la vie des individus.

On pense, nous, que toute discussion sur un mécanisme d'identification nécessite donc de prendre en compte comment ce dernier affectera les différentes facettes de la vie des individus impliqués dans un contexte donné. En outre, il importe d'avoir une vision résolument prospective, c'est-à-dire de tenir compte des effets cumulatifs pour le présent et le futur des différents mécanismes et des systèmes d'information sur les personnes.

Je vais demander à mon confrère Paquette de vous parler des principaux principes qui guident nos discussions.

M. Paquette (Pierre): Alors, avant d'en venir aux recommandations, on voudrait vous présenter les principes sur lesquels ces recommandations sont basées et aussi les mécanismes, la sélection des mécanismes qui nous semblent les plus appropriés.

Alors, pour nous, le premier principe doit être le suivant: L'identité civile des citoyens est une question qui relève de l'État québécois. Ce dernier a donc la responsabilité de garantir le caractère démocratique des débats précédant le choix de mécanismes d'identification.

Je ne vous apprends rien en disant que c'est l'État québécois qui est responsable de l'établissement de l'identité civile des personnes nées au Québec. C'est aussi l'État québécois qui a la responsabilité de déterminer les bases de l'identification pour l'exercice des droits civils. C'est aussi l'État québécois qui est responsable de la détermination et du respect des libertés et des droits fondamentaux prévus par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

En conséquence, toute décision quant à l'établissement de l'identité civile des citoyens québécois pour l'exercice de leurs droits civils est de nature publique. Il faudra considérer comme étant de nature publique non seulement les objets de mécanismes d'identité des organismes gouvernementaux ou d'autres organisations du secteur public, mais aussi toute initiative privée visant à proposer un mécanisme d'identification pour l'exercice des droits civils. On parle ici, par exemple, d'outils multiservices visant à supporter une multitude de transactions financières et de communication avec une pléiade d'organisations publiques et privées dans des domaines aussi divers que la consommation, le transport, la santé, les relations entre l'État et les citoyens. Ou encore l'exemple du numéro de téléphone, donné à la naissance jusqu'à sa mort, qui a un caractère incontournable d'outil d'identification et qui peut être une condition d'exercice des droits civils lui faisant perdre son caractère purement privé. Alors donc, l'État québécois a un rôle et une responsabilité incontournables dans l'organisation des débats sur les mécanismes d'identification des citoyens. Il a le devoir d'en garantir le caractère éclairé et démocratique.

Deuxième principe: La discussion publique des projets de mécanismes d'identification doit se réaliser à partir d'information sur les différentes alternatives disponibles, sur leurs implications socioéconomiques et sur leur impact sur les droits des personnes.

Les développements technologiques actuels dans le domaine de l'informatique, des télécommunications, de la cryptographie et de la biométrie ont entraîné la multiplication des outils et des mécanismes disponibles pour fins d'identification. Ce large éventail de solutions techniques disponibles lève la contrainte technique dans le choix d'un mécanisme d'identification donné. Dans ce contexte, c'est ce qui nous fait dire que les décisions quant à l'architecture d'une carte donnée sont moins des questions de nature technique qu'un enjeu de nature essentiellement politique.

La discussion d'un projet de mise en place d'un mécanisme d'identification doit donc aussi reposer sur la disponibilité de l'information décrivant les autres solutions techniques disponibles et sur des renseignements permettant d'en discuter les implications sociales, économiques et juridiques. Les éléments d'information requis pour le débat doivent aussi permettre d'évaluer l'ensemble des coûts supportés par l'État, par les organisations privées et par les individus; on donne ici l'exemple de la carte d'assurance-maladie qui représente un coût pour les individus en termes de déplacements, d'attente, un coût aussi pour les établissements de santé, en particulier les CLSC qui gèrent ce mécanisme-là. Donc, l'évaluation des coûts doit inclure l'ensemble des coûts directs et indirects.

Une évaluation des conséquences concrètes du projet de mécanisme d'identification doit aussi faire partie du dossier sur la vie des individus et des organisations. Il est important que la discussion publique d'un projet permette d'arriver à choisir des solutions et des modes de mise en oeuvre qui minimisent les inconvénients et maximisent les retombées positives réelles.

Troisième principe: Parmi les solutions techniques disponibles, on devrait retenir les mécanismes anonymes plutôt que ceux impliquant la production d'informations nominatives sur les individus.

Dans la mesure où une telle collecte n'aurait aucun impact sur l'efficacité et la sécurité du moyen de paiement ou d'identification, les alternatives anonymes devraient être systématiquement retenues. Quant à nous, les allées et venues sur l'inforoute doivent pouvoir se faire, comme la vie réelle, de façon anonyme.

Quatrième principe: Lorsque l'identification du citoyen est incontournable, on devrait choisir, parmi les solutions disponibles, celles impliquant la production d'identifications spécifiques plutôt que celles impliquant l'utilisation d'un identifiant universel multiservices.

Les identifications spécifiques sont, en fait, des numéros ou des renseignements d'identification uniques pour l'ensemble des relations avec un organisme donné. Les techniques de cryptographie permettent de garantir que chacun de ces numéros ne correspond qu'à un seul individu possible et que, inversement, l'individu usager ne peut produire qu'un seul numéro d'identification. La sécurité et la fiabilité des dossiers sont donc accrues.

Cinquième principe: Parmi les alternatives disponibles, on devrait retenir les mécanismes d'identification qui augmentent le plus le contrôle des individus sur la circulation de renseignements à leur sujet.

En effet, plusieurs des solutions techniques développées récemment permettent d'empêcher la circulation de certains renseignements sans le consentement explicite des personnes concernées. Certaines de ces alternatives recourent aux mêmes techniques de cryptographie qu'on a déjà mentionnées.

Par exemple, un employeur, un assureur ou la CSST ne pourraient obtenir accès à des renseignements confidentiels et sensibles contenus dans le dossier médical du médecin en entreprise ou en cabinet privé sans que la travailleuse ou le travailleur ne fournisse, à chaque fois, une clé d'identification qui autorise l'établissement d'un lien temporaire entre le dossier source du médecin et le dossier récepteur de l'employeur, de l'assureur ou de la CSST.

Le recours à de telles solutions techniques rend incontournable l'obtention de consentements prévus par différentes lois, ce qui permet d'augmenter la sécurité des renseignements et de garantir la transparence des pratiques, et donc d'assurer un plus grand contrôle des individus sur la circulation de renseignements les concernant.

Sixième principe, et le dernier principe que nous énonçons: Parmi les solutions techniques disponibles, on devrait retenir celles qui assurent la plus grande sécurité des transactions et des informations nominatives impliquées.

Ainsi, l'expérience démontre, ici comme à l'étranger, que les numéros et autres mécanismes d'identification universels sont rarement aussi sécuritaires qu'on voudrait nous le laisser croire. En fait, il apparaît que plus un numéro ou un outil d'identification prend de la valeur parce qu'il permet l'exercice d'un grand nombre de droits ou l'accès à un grand nombre de biens et de services, plus vite se développe une demande solvable pour de fausses cartes et se développe donc plus vite une offre organisée pour répondre à cette demande.

Du point de vue de l'individu, le caractère universel d'une carte rend aussi ce dernier extrêmement vulnérable. Premièrement, il y a la multiplication des embêtements lorsqu'il y a perte ou vol de la carte. Deuxièmement, une carte universelle tend rapidement à se transformer en passeport interne. Mais la plupart des abus, il faut bien le reconnaître, viennent d'initiatives individuelles.

(9 h 30)

Alors, sur la base de ces six principes, maintenant mon confrère de la CEQ va vous présenter nos recommandations pour la présente commission.

M. Pélissier (Alain): Bonjour. Notre mémoire comporte cinq grandes recommandations. Une première qui énonce l'idée – que nous rejetons, et nous espérons qu'à la conclusion des débats l'État rejettera l'idée – d'une solution universelle, peu importe que cette solution-là soit facultative ou obligatoire. Cependant, le fait de rejeter une solution universelle, ça ne veut pas dire qu'on nie le besoin d'identification. Et, pour ce faire, les débats doivent continuer. Ces débats-là doivent se maintenir, mais dans l'encadrement fourni par l'État. Pour nous, le rôle de l'État est essentiel dans la poursuite des débats.

Ça nous amène à la deuxième recommandation qui dit que ça doit s'inscrire dans un contexte de vision globale. Henri avait mentionné, au début de la présentation, qu'on avait dénoté au début des démarches un manque de vision. Nous croyons cependant que la démarche effectuée actuellement par la commission et le rapport qui pourrait en résulter, c'est un pas dans la bonne direction. On ne prétend pas vouloir réinventer la roue non plus. Il existe déjà, au niveau gouvernemental, des partenaires ou des éléments qui pourraient permettre d'apporter des contributions, que ce soit au niveau des services gouvernementaux, comme le ministère des Relations avec les citoyens ou encore le Secrétariat à l'autoroute de l'information, ou, également, des organismes-conseils, comme le Conseil de la science et de la technologie ou la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen.

Cette vision globale de ce que l'État envisage au niveau de la carte d'identité doit être soutenue, en termes de débats démocratiques, par une expertise publique. Et c'est notre troisième recommandation qui demande que le gouvernement s'engage à développer une expertise publique sur les implications sociales et économiques du développement des technologies de l'information et des communications, particulièrement à l'égard des enjeux qui découlent de la production et de l'utilisation des renseignements personnels sur les citoyens. Il faut absolument que cette expertise publique soit accessible et qu'elle soit, je dirais, pas nécessairement organisée essentiellement par les parlementaires mais par les groupes représentatifs des citoyens également.

Il existe déjà des modèles à l'étranger dont on pourrait s'inspirer. On en cite, dans notre mémoire, comme l'Office of Technology Assessment du Congrès américain ou encore la Veille européenne et citoyenne sur les autoroutes de l'information, en Europe. Il existe, puis on le mentionnait dans notre deuxième recommandation, des partenaires déjà ici, au niveau du gouvernement québécois, sur lesquels on pourrait s'appuyer pour développer cette expertise-là. Ce qui est important, c'est qu'elle soit publique et accessible.

La quatrième recommandation. Eh bien, à partir du moment où le gouvernement encadrerait les débats, les appuierait sur une expertise de qualité, il est bien essentiel que ces débats-là soient le plus démocratiques possible. En ce sens-là, nous, on trouve qu'on s'inscrit tout à fait dans la logique de la recommandation du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pour la mise en place d'un processus de consultation publique. Le ministère avait fait cette recommandation-là dans le cadre du deuxième tome du rapport annuel du Vérificateur général. Ça s'inscrivait dans le cadre de la révision quinquennale des lois québécoises de protection des renseignements. Et, bien sûr, on dit cependant qu'il ne faudrait pas attendre la fin de cette révision quinquennale pour s'inscrire dans le processus. Mais il est absolument essentiel que ces débats-là soient le plus démocratiques possible.

Enfin – et c'est la conclusion de nos recommandations – ces recommandations-là doivent s'appuyer sur les principes que Pierre vous a présentés. Je les répète rapidement, parce que c'est le fondement de notre mémoire. On les a ramenés en cinq principes.

Un premier principe qui parle de la responsabilité centrale de l'État québécois d'assurer le caractère démocratique des discussions, des consultations et de la décision entourant toutes les alternatives possibles, tous les débats possibles, sur les implications socioéconomiques et les impacts sur les droits de la personne.

Qu'on manifeste essentiellement une préférence pour des mécanismes anonymes par rapport à des mécanismes qui impliqueraient la production d'informations nominatives;

Qu'on manifeste une préférence évidente pour la publication d'identifications spécifiques plutôt que celle d'une mécanique unique, genre multiservices;

Qu'on manifeste une préférence par rapport à des mécanismes qui augmentent le contrôle que les individus peuvent avoir sur les informations qui les concernent;

Qu'on manifeste une préférence évidente par rapport à des solutions qui garantissent la plus grande sécurité possible sur toutes les transactions d'information et les informations qui pourraient circuler.

En conclusion, les enjeux liés au développement puis à l'usage d'un mécanisme d'identification, pour nous, sont nombreux. On parle de sécurité des transactions. On parle de citoyenneté. On parle de libertés. On parle de droits fondamentaux. On parle de contrôle sur la circulation des informations nominatives. Alors, ces enjeux-là sont fondamentaux. Ils sont également complexes, mais ils doivent être l'aboutissement d'un résultat d'un processus de consultation démocratique encadré par l'État. Alors, ce débat éclairé sera sûrement dans la continuité des engagements du gouvernement et respectueux des valeurs sociales et démocratiques du Québec. Merci.

M. Massé (Henri): Ça conclut notre présentation.

Le Président (M. Garon): Pardon?

Une voix: On a terminé.

Le Président (M. Garon): J'attendais que les gens... J'attendais que quelqu'un me demande la parole. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Je constate que la présence des femmes chez vous ne semble pas...

M. Paquette (Pierre): Elles sont en négociations.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charest: Oui. Vous êtes sûr de ça?

M. Paquette (Pierre): Absolument.

Mme Charest: C'est parce que ça fait plusieurs fois que je remarque que vos associations se présentent aux commissions parlementaires et il n'y a pas beaucoup de femmes chez vous.

Je voudrais revenir à une affirmation que vous faites dès le départ. Moi, je voudrais...

M. Massé (Henri): Ça ne nous a pas empêchés de faire notre job à la Commission de l'équité salariale l'autre fois, puis de façon fort compétente.

Mme Charest: Bien, j'espère. J'étais justement à la Commission de l'équité salariale et, là-dessus, on a pu constater.

Je voudrais revenir sur le mandat d'initiative de la commission parlementaire de la culture. Le mandat d'initiative que l'on s'est donné, les membres de l'opposition et ceux du parti ministériel, c'est de réfléchir ensemble et avec plusieurs partenaires des différents milieux québécois et d'ailleurs sur ce que signifierait pour nous, au Québec, l'utilisation d'une carte d'identité. On veut discuter à la fois des principes, des enjeux éthiques et des enjeux financiers autant que des enjeux sociaux et de protection de la vie privée.

Alors, je suis quand même surprise que vous nous disiez que la démarche vous semble manquer de sérieux et de rigueur. À partir de quoi vous nous dites ça? Parce qu'il me semble que la notion de travaux sérieux et de rigueur n'appartient pas à un groupe en particulier, mais peut être l'objet de travaux de tout parlementaire qui s'intéresse à une question. Je suis d'autant surprise de voir ça dès le départ de votre mémoire parce qu'il me semble que la démarche, elle se veut ouverte, elle se veut rigoureuse, et les nombreux invités que nous avons reçus sont des invités importants et pertinents, suite à la question de la carte d'identité.

On a entendu la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, la Ligue des droits de la personne et la protection des jeunes aussi. Enfin, je ne vous ferai pas toute la liste des nombreux organismes que nous avons reçus, mais il me semble que cette liste d'invités, dont vous, les organisations syndicales, ne justifie pas qu'on nous dise que notre démarche manque de sérieux et de rigueur. Et, là-dessus, je tenais à vous le souligner.

Maintenant, venons-en aux questions plus proprement dites. Il semble que la carte d'identité, pour vous, serait quelque chose qu'il faudrait questionner à partir de plusieurs principes que vous énumérez à la fin de votre document. J'aimerais vous entendre sur le caractère démocratique des débats sur la base d'information sur les alternatives disponibles. Qu'est-ce que vous entendez par «le caractère démocratique»? Quel genre de débat vous voulez qui existe autour de la discussion du projet éventuel d'une carte d'identité au Québec?

M. Paquette (Pierre): Bien... Alors, justement, peut-être que ça me permet de répondre à votre première remarque.

Mme Charest: Tout à fait.

M. Paquette (Pierre): C'est-à-dire qu'on constate qu'au moment où on fait cette discussion-là il y a déjà des projets qui sont discutés touchant différentes cartes d'identification, et ces projets-là n'ont pas fait partie spécifiquement de la consultation.

Mme Charest: Vous avez raison.

M. Paquette (Pierre): C'est sûr qu'on peut se prononcer dessus, mais... Par exemple, si on prend les expériences de Rimouski et de Lanaudière, on n'a pas eu d'évaluation, de la part de la commission, d'information particulière qui nous permettrait de placer ce débat-là dans ses enjeux réels. Dans ce sens-là, pour nous, un débat démocratique doit se faire à partir d'information à la fois sur les alternatives qui sont en présence, on l'a mentionné, les impacts sur les aspects économiques, les aspects financiers, les aspects sociaux, les aspects culturels, même. Dans ce sens-là, la critique qu'on faisait à la commission n'était pas, je dirais, méchante. Au contraire, comme l'a mentionné...

(9 h 40)

Mme Charest: Je m'en doute bien.

M. Paquette (Pierre): ...mon confrère de la CEQ, on pense qu'il y a un pas dans la bonne direction, mais on se questionne quand même sur le fait que c'est la deuxième audience que la commission tient sur les inforoutes ou la carte d'identité...

Mme Charest: Les technologies de l'information.

M. Paquette (Pierre): ...les technologies de l'information. Il n'y a pas eu de conclusion – probablement que ça va venir dans les prochains mois – sur la première commission à laquelle la CSN a participé. Donc, c'est cette approche-là qu'on voudrait voir reprise par la commission, c'est-à-dire que le débat se fasse à partir de l'identification d'un certain nombre de lieux – on a nommé des lieux qui existent déjà dans le cadre de l'appareil gouvernemental québécois – à partir d'une expertise qui soit publique, pas simplement privée, et à partir d'informations qui sont accessibles au plus grand nombre, pour pouvoir avoir un débat éclairé sur la question et aussi – c'est là que j'en viens – un débat qui va se faire sur l'ensemble des projets qui sont en cours. Alors là, actuellement, on a des projets de différents ministères, de différents organismes qui impliquent des coûts et qui ne sont pas soumis à la consultation. Je vous rappelle que l'évaluation qui est faite pour ce qui est de l'ensemble des coûts reliés à l'inforoute pour le gouvernement du Québec tourne autour de 1 000 000 000 $, 1 500 000 000 $. S'il fallait que ces travaux-là échouent, ça représente probablement 3 000 000 000 $ d'argent des contribuables qui seraient mis dans des projets non coordonnés ou non pertinents. On pense que ces sommes d'argent là pourraient aller à d'autres missions sans vouloir négliger cet aspect-là particulier.

Mme Charest: M. Paquette, permettez-moi de vous dire qu'à la Régie de l'assurance-maladie du Québec il existe des rapports sur l'expérience-pilote de la carte-santé, projet-pilote qui s'est tenu à Rimouski et dans la région immédiate de Rimouski. Alors, si, des fois, c'est quelque chose qui vous intéresse, vous pouvez avoir accès à ces rapports-là. D'autre part, je voulais aussi préciser que le rapport de la commission de la culture et des communications sur l'inforoute – M. le Président pourra toujours vous le confirmer, là – on est en train de travailler sur les brouillons. Alors, il devrait sortir sûrement après Pâques. Là-dessus, ça pourra continuer d'alimenter la réflexion à la fois des partenaires et du gouvernement par rapport à toutes les nouvelles technologies de l'information.

Mais je voudrais revenir sur une question. Sur la carte d'identité comme telle – parce que l'objet de la commission ce matin, c'est de voir les enjeux – quelles sont pour vous les craintes les plus fortes que vous avez par rapport à l'instauration d'une carte? Est-ce que c'est toute la question de l'utilisation de cette carte-là à laquelle elle pourrait servir? Est-ce que c'est toute la notion de la sécurité des renseignements? Est-ce que c'est les fichiers? C'est quoi? Parce que je vois que vous préférez une carte qui serait beaucoup plus limitée en termes de possibilités d'utilisation plutôt qu'une carte multiservices. Et vous n'êtes pas les seuls intervenants qui nous avez entretenus dans ce sens-là. J'aimerais vous entendre cependant de façon plus détaillée.

M. Massé (Henri): La première réalité qu'on soulève, c'est que, quand on regarde ça, pour le commun des mortels – et je pense que c'est là que la commission devra éclairer comme il faut le débat public – au cours des années, on a exigé la photo sur les licences, on a exigé la photo sur la carte d'assurance-maladie; on est en train de regarder pour exiger de nouvelles cartes, bon, la carte de l'électeur; le Vérificateur général aussi, lui, a parlé d'une autre sorte de carte. On a ce débat-là un peu partout. Puis souvent, dans la tête du monde ordinaire qui n'a pas participé au débat – parce que ça a l'air un peu d'un débat d'intellectuels – quand on ne regarde pas les vraies réalités qui sont sous-entendues et... Pourquoi il n'y aurait pas juste une seule carte? On aurait tout ça.

Pierre tantôt citait l'expérience européenne. On s'est rendu compte que, lorsqu'il y a une carte où il y a beaucoup d'information dessus, le premier danger, c'est un danger de fraude. Parce que plus il y a de l'information, plus, en la falsifiant, on est capable d'avoir accès à différentes informations ou à différents services – et je pense que ça vaut la peine de regarder comme il faut l'expérience européenne – plus la carte est multiservices, plus il y a de l'information, plus il y a danger de dérapage dans le sens qu'on peut exiger cette carte-là à d'autres fins pour lesquelles elle n'a pas été prévue. On parlait tantôt de l'expérience du NAS, au début. Bon, si on a une carte multiservices où il y a beaucoup d'information, on peut s'imaginer jusqu'à quel point on peut l'exiger un peu partout, au niveau des différentes transactions au niveau de la société. Il y a aussi un danger de coulage de l'information. Plus cette information-là... Plus il y a d'information, plus il y a de groupes à un moment donné qui seront intéressés.

Pour revenir à une de vos premières remarques, quand vous disiez qu'on est critiques envers la commission, oui, on est critiques envers la commission, pas sur les travaux qui se déroulent mais un peu plus sur les travaux préparatoires. Il faut se dire qu'aujourd'hui, dans la société, au point où on en est avec tous ces travaux-là sur l'autoroute de l'information, c'est rendu un marché extrêmement lucratif. Il n'y a pas un projet ou deux projets sur la table à l'heure actuelle, mais il y a des dizaines et des dizaines de projets de différentes entreprises privées qui présentent leur logiciel pour être capables de venir gérer toutes ces questions-là de l'information, de l'information qui est fort importante pour les citoyens et les citoyennes. On a l'impression – et c'est là-dessus qu'on va se fier sur les travaux de la commission du gouvernement – qu'il est en train d'avoir un dérapage assez important et que c'est l'espèce d'entreprise lucrative qui est en train de prendre le dessus, et ça, je pense qu'il faut absolument empêcher ça. Il y a des projets qui vont très loin, à l'heure actuelle, très loin. Et je suis convaincu que c'est juste la pointe de l'iceberg. On ne voit pas tout ce qui s'en vient là-dessus.

Mme Charest: J'aurais aimé vous entendre également pour les travailleurs et les travailleuses dans les entreprises. Que signifie l'arrivée de toutes ces technologies de l'information, mais particulièrement l'obligation d'utiliser peut-être des identifiants qui seraient l'équivalent des cartes d'identité? J'aurais aimé ça avoir le point de vue à partir du travailleur ou de la travailleuse dans l'entreprise. Comment toutes ces technicalités informatisées... Parce que c'est eux les premiers qui ont à utiliser ces nouvelles infrastructures-là. Elles ne sont pas simples, dans bien des cas... J'aurais aimé ça vous entendre par rapport à ça.

M. Pélissier (Alain): Ce que nous mentionnons, à tout le moins, dans le rapport, c'est qu'à partir du moment où on amplifie, on multiplie les contrôles par le biais de ces outils-là, modernes, ça peut avoir définitivement, entre autres, un effet de stress accentué et vraiment une impression de contrôle exagéré sur les déplacements, sur le minutage, sur le déplacement à l'intérieur de l'entreprise, de telle heure à telle heure, j'ai fait telle chose, ainsi de suite, comme les cartes d'entrée pourraient gérer à peu près... même le moment où on va à la toilette. Alors, c'est un risque important qui s'ajoute au stress du travail.

Mme Charest: Merci. Je vais laisser mes collègues poursuivre la discussion.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Moi, je pense que la comparaison que vous faites entre Internet puis la carte d'identité... Écoutez, là, Internet, moi, j'utilise ça. C'est un moyen d'«empouvoirement» incroyable pour l'individu. O.K.? C'est incroyable, les ressources d'information qui existent sur ce dispositif technologique.

L'autre jour – moi, je m'intéresse à la Chine – je voulais avoir des informations sur l'empire Tang. Sur Internet, j'ai eu un site Tang, du professeur Chung, de l'Université de Baltimore, qui nous donne à la fois des poèmes en classique, des informations historiques.

Une voix: En chinois.

(9 h 50)

M. Laporte: Oui, en chinois. Je ne lis pas le chinois classique, mais je lis le chinois réformé. Ma femme, hier, voulait savoir... elle travaille sur un projet au Brésil. Il y a une personne du Brésil qui est à Montréal actuellement, elle voulait la rencontrer. Bien, par voie d'Internet, elle a pu savoir où était la conférence à laquelle cette personne-là assistait et elle a pu prendre contact avec l'hôtel où la conférence se tenait, avec l'organisateur de la conférence et, finalement, elle a pu identifier où était la personne et elle déjeune avec elle samedi matin. Ça, c'est grâce à Internet.

Donc, que l'État décide d'investir dans Internet dans le but d'«empouvoirer», ce que les Américains appellent «empower», les citoyens, il n'y pas de problème, à mon avis, là-dessus.

La carte d'identité, c'est une autre affaire. La carte d'identité, ça peut peut-être avoir l'effet contraire, c'est-à-dire plutôt que d'«empouvoirer» l'individu, ça va «empouvoirer» l'État. Et, là, moi, ce que je trouve de bon dans votre présentation, si j'ai bien compris puis à la lecture de votre mémoire, c'est que, finalement, ce que vous suggérez, en plus de faire des critiques de l'approche du mandat d'initiative de la commission avec laquelle on peut être d'accord ou pas d'accord, et ça, ça me désole beaucoup, c'est de voir qu'on n'est jamais capable d'envisager l'implantation d'une technologie sans avoir recours à de l'expérimentation locale. On pourrait faire de l'expérimentation sur la carte d'identité. On pourrait conduire des expériences d'expérimentation locales comme on l'a fait, jusqu'à un certain point, avec Internet. Je trouve que, dans ce cas-là, étant donné que les conséquences prévisibles et imprévisibles d'une implantation d'un dispositif pareil sont tellement difficiles à évaluer, comme vous l'avez dit, il faudrait faire l'expérimentation. Et ce que j'ai compris, c'est que, vous autres, vous seriez favorables à ce qu'on expérimente avec cette carte-là ou avec des cartes.

Parce que là, une autre chose qu'on a entendue ici tout au long de ces débats-là, ce qu'on nous a dit, c'est que, finalement, il y a des substituts fonctionnels à la carte d'identité au Québec en grand nombre. La question, c'est le besoin. On «a-tu» besoin de ça? C'est dans l'intérêt de qui? Donc, il faudrait conduire des expérimentations et c'est ce que j'ai retenu dans votre mémoire, que finalement vous seriez favorables à ce qu'on le fasse. Moi, je pense que, dans le cas de la carte d'identité, disons, le recours à l'expérimentation, c'est beaucoup plus important que dans le cas d'Internet parce que, dans le cas d'Internet, finalement, cette technologie-là, ça se diffuse à partir du mécanisme du marché, puis ça va continuer à se diffuser. Il y a même des problèmes dans Internet, on l'a vu hier à la télévision, avec la pornographie, et ainsi de suite. Mais, ça, qu'est-ce que tu veux, ça se contrôle, ces affaires-là, mais...

M. Massé (Henri): On n'a pas critiqué Internet, nous autres.

M. Laporte: Non, mais vous faites des comparaisons entre l'une et l'autre en disant... À mon avis, c'est une comparaison qui est... Je vous écoute, je lis votre mémoire, je lis cette comparaison. Je trouve que c'est une comparaison qui est un peu douteuse...

M. Paquette (Pierre): Bien, en tout cas.

M. Laporte: ...parce que ça n'a pas du tout le même potentiel.

M. Paquette (Pierre): En tout cas, je ne sais pas où vous avez pris qu'on faisait cette comparaison-là, mais je pense qu'une chose est sûre, c'est que les nouvelles technologies de l'information permettent des recoupements en termes d'information. Et, quand on parle du débat sur l'identifié et la possibilité d'avoir des formes d'identification reliées à différents dossiers, les nouvelles technologies vont permettre des recoupements qui n'étaient pas possibles avant, quand on faisait tout... Alors, le lien qu'on fait, c'est avec le développement des nouvelles technologies, pas en particulier avec la question de l'Internet. Mais l'Internet est intéressant parce que ça montre à la fois les possibilités de ces nouvelles technologies – et vous l'avez mentionné, je trouve que c'est extraordinaire – mais les dangers aussi. Dans le cas d'Internet, on est venus devant la commission – vous étiez là, d'ailleurs – Nous, le débat, ce n'est pas tellement sur la quincaillerie qu'on le fait, c'est sur le contenu. Comment est-ce que l'État québécois va s'organiser pour s'assurer qu'il y ait du contenu québécois et que ce ne soient pas simplement les Américains qui alimentent ce réseau-là, avec les effets au niveau culturel et au niveau social que ça va avoir? Alors, c'est la même chose pour les nouvelles technologies dans le cadre de l'identification des personnes liées à différents services ou à différents dossiers.

Il y a des possibilités très intéressantes. Rimouski, malgré le fait qu'on ait peu d'information, les impressions que ça nous donne, c'est que le dossier pharmaceutique permet effectivement, au niveau de la santé, des avancées intéressantes pour les soins. Par contre, il peut y avoir aussi des dangers. Vous parliez tout à l'heure... Si l'employeur a, par le dossier médical, accès au dossier pharmaceutique, ça peut amener, là aussi, des problèmes. Globalement, nous, ce qu'on dit... C'est sûr que, sur les besoins d'identification pour des besoins spécifiques – et là ça nous ramène à la question fondamentale – pourquoi on aurait besoin d'une carte d'identité universelle obligatoire au Québec? On n'en voit pas les besoins. On sait qu'il y a des besoins d'identité. Qu'on circonscrive ces besoins-là et qu'on y réponde avec les principes qu'on a dits.

Ceci dit, il s'est développé... Parce que ce mémoire, on l'a présenté, nous, dans plusieurs de nos instances. C'est un débat, d'ailleurs, où les gens – avec l'inforoute et le développement des nouvelles technologies, il y a un intérêt nouveau – nous disent: On utilise déjà toutes sortes de cartes à d'autres fins. Est-ce qu'on ne devrait pas questionner cette utilisation-là? Quand je suis rentré ici, ce matin, on m'a demandé une carte d'identité et j'ai présenté mon permis de conduire, mais on n'a pas noté mon numéro de dossier. On s'est juste assuré que j'étais bien Pierre Paquette. Mais maintenant c'est rendu que, quand tu vas n'importe où, qu'on te demande de t'identifier pour bien montrer que tu es bien Pierre Paquette, on se sent obligé de noter le numéro de dossier, de ton assurance-maladie, de ton permis de conduire, avec les possibilités d'accès à ces dossiers-là, alors que c'est tout à fait inutile puisque le besoin, c'est d'identifier que c'est bien la personne qu'on a devant soi qui est là.

Alors donc, il faut se questionner sur les besoins qu'on a, il faut se questionner sur les pratiques d'identification qu'on a. Il n'est pas normal que maintenant on nous oblige à présenter non seulement nos cartes, mais que la personne qui a besoin d'identifier l'individu note toutes sortes de numéros qui peuvent lui donner accès à des dossiers auxquels elle n'a pas à avoir accès pour les besoins qu'elle a d'identité.

Ceci dit, peut-être un autre principe qu'on a mis de l'avant, c'est qu'il faut que les avantages soient plus grands que les inconvénients. C'est clair que, si les méthodes d'identification amènent à des coûts qui n'ont rien à voir avec les avantages qu'on en tire, il faut quand même... On vit sur la planète Terre en 1997. Donc, il y a une série de principes qu'on a énoncés et c'est un peu l'équilibre de l'ensemble de ces principes-là qui devrait nous guider comme société, et pas un tiré de cet ensemble-là.

M. Pélissier (Alain): Moi, je voudrais revenir rapidement sur le lien que vous faisiez avec Internet et la carte d'identité. Il est clair que pour aller sur Internet, pour avoir un code d'accès, c'est important. Cependant, est-ce que ce code d'accès là doit nécessairement comporter une multitude d'informations ou doit simplement nous permettre d'entrer sur le réseau? Pour nous, il n'y a absolument pas d'obligation que le code d'accès puisse comporter d'autres informations. Il est bien entendu que les gens qui accèdent à l'Internet, comme ceux qui y mettent de l'information, c'est sur une base libre, de liberté, il n'y a personne qui est obligé. L'«empowerment» ou l'«empouvoirement», actuellement, bien sûr qu'il est accessible à certaines personnes, mais il ne l'est pas à tous et il ne le sera pas à tous encore dans les années qui viennent. En tout cas, ce n'est pas la majorité des Québécoises et des Québécois qui peut se le permettre encore.

Vous avez posé une question concernant les expertises ou les expériences-pilotes. On ne s'objecte pas du tout à des expériences-pilotes, au contraire. Cependant, il faudrait qu'elles soient, je dirais, limitées en nombre et qu'elles poursuivent des objectifs bien précis, qu'on ne se lance pas dans des expériences-pilotes de façon anarchique.

M. Laporte: Mais, vous savez, sur le fond, je suis d'accord avec vous. Ce que j'essaie de vous faire comprendre – ça, ce n'est pas dans votre mémoire – c'est que, moi, la conclusion à laquelle je suis arrivé, la question que je veux poser, c'est la suivante: Internet, ça m'«empouvoire». La carte d'identité, ça «m'empouvoire-tu»? C'est ça, la façon dont je pose le problème. Si ça ne «m'empouvoire» pas, de quoi j'ai besoin de ça? C'est comme ça que la question se pose pour moi...

M. Pélissier (Alain): Alors, vous avez la réponse du...

M. Laporte: ...parce que, dans une société où l'État prend une place de plus en plus considérable... Et vous autres, les syndicats, vous êtes particulièrement bien placés pour poser le problème comme ça, parce que vous avez été un véhicule d'«empouvoirement» incroyable depuis un siècle. Donc, la question se pose, c'est: En quoi est-ce que ce dispositif-là, cette technologie-là est une source d'«empouvoirement» pour l'individu? Si elle n'est pas une source d'«empouvoirement» pour l'individu, voulez-vous me dire pourquoi est-ce qu'on va le faire payer et on va dépenser de l'argent là-dedans? C'est dans ce sens-là que... Ce n'est pas parce que je suis... Je suis bien d'accord avec vous sur le fond des choses, je suis bien d'accord avec vous sur bien des choses, mais je voulais vous demander de réagir à cette façon de poser le problème, qui est ma façon de poser le problème.

M. Massé (Henri): Vous le posez d'une bonne façon.

M. Paquette (Pierre): Et vous avez la réponse dans le mémoire.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska; après ça, M. le député de Chomedey.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui. D'abord, je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. J'ai une petite question très courte. Vous dites, dans votre première recommandation: «En regard de l'application des principes énoncés ci-dessus, nos organisations en arrivent à la conclusion que rien ne justifie l'adoption d'une solution universelle pour l'identification des citoyens du Québec – numéro d'identification ou carte d'identité – peu importe que cette solution soit facultative ou obligatoire.» J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'il me semble que j'ai un peu de difficulté à suivre ça. Si j'ai bien compris, vous recommandez à la commission que... vous ne voyez pas l'utilité d'avoir une carte obligatoire et, ensuite, on dit «que cette solution soit facultative ou obligatoire». Si on n'en a pas, elle ne sera pas obligatoire.

M. Paquette (Pierre): Bien, c'est parce qu'il y avait une idée qu'il puisse y avoir une carte d'identité québécoise, mais que les gens pourraient l'avoir de façon facultative. Le problème est que, si elle est facultative, si elle ne se généralise pas au niveau de l'utilisation, c'est un coût inutile, à notre avis, parce qu'on a déjà les registres de l'état civil. Et, si elle se généralise, elle va avoir tendance à devenir une carte obligatoire. Même, je vais vous dire, maintenant, il y a toutes sortes de transactions que, quand tu veux les faire, il faut que tu présentes une carte de crédit, alors qu'une carte de crédit personne n'est obligé d'en avoir. Si tu veux avoir accès à certains services, maintenant, tu n'as pas le choix, il faut que tu aies une carte de crédit.

(10 heures)

Alors, dans ce sens-là, nous, on pense que, à partir de la question de fond, il est préférable de maintenir des cartes d'identité liées à des missions spécifiques et à des accès aux services particuliers.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Merci. Peut-être une autre courte question. Vous parlez de consultation publique aussi dans votre mémoire, est-ce qu'il y aurait lieu de tenir une consultation publique sur l'à-propos d'avoir une carte d'identité ou non, d'avoir une carte multiservices ou non? Comment vous verriez ça, une consultation publique? Élargie?

M. Massé (Henri): Assez large. On soulevait tantôt l'expérimentation sur le terrain, je voudrais vous ramener à l'expérience-pilote de la carte à puce dans la santé à Rimouski. Il y a eu un rapport favorable de la Commission d'accès à l'information là-dessus. Mais il faut relire attentivement les conclusions de la Commission qui parle de la transparence, qui parle de la finalité du projet: Elle doit être déterminée et légitimée par l'ensemble des clients. La nécessité, la pertinence et l'exactitude des renseignements, la confidentialité, une série de questions qui méritent un débat publique plus important qu'on en a eu à venir jusqu'à date.

L'expérience de Rimouski mériterait d'être creusée de façon beaucoup plus profonde par beaucoup plus de groupes dans la société, puis élargie beaucoup plus qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. C'est un peu ça qu'on veut dire. Quelque projet de carte que ce soit, qu'on prenne le temps de faire un véritable débat public autour. C'est pour ça, M. le député, tantôt, quand on reliait ça à Internet, ce n'était pas de mettre Internet en cause au niveau de l'information, mais la carte d'identité se place aujourd'hui dans un cadre d'une révolution de l'information.

Mais il n'y a pas juste la révolution de l'information, il y a d'autres révolutions qui sont en train de se passer dans la haute technologie. Qu'on prenne juste le biomédical, par exemple, avec les tests d'ADN où on pourrait avoir les antécédents génétiques. Vous posiez une question sur le monde du travail – ça, ça nous préoccupe, ça nous préoccupe beaucoup – si on est obligés et si on en arrive à une carte où, finalement, le citoyen ou la citoyenne aura une série d'informations personnalisées – on pourra aller jusque-là à un moment donné – est-ce que les employeurs pourront exiger une carte? Regarder si, oui ou non, il y a des dangers de diabète ou il y a tel antécédent génétique fort important, fort préoccupant. Donc, on est rendu là dans ce débat de société. Je pense qu'on ne peut pas se fermer à ça et dire: Bien, non, c'est juste regrouper quelques cartes ensemble. On sait que les fonds publics, les finances publiques, on les connaît, on est toujours en plein drame à ce niveau-là. D'abord, c'est facile d'arriver à un débat qui est purement monétaire et dire: On va tout regrouper ça ensemble puis on va s'en aller avec ça. C'est ça, notre préoccupation. On n'est pas fermé à certains genres de carte avec plus d'informations, puis tout ça, on dit que ça prend un débat important et qu'il faut voir les conséquences qui s'en viennent pour la vie des citoyens et des citoyennes.

M. Paquette (Pierre): Je voudrais juste rajouter que dans les suites des travaux que vous avez faits pour cette présente commission – aussi pour la précédente, parce que ça a été touché aussi, la question de la protection des renseignements personnels, dans la première commission que vous avez tenue sur les nouvelles technologies – il serait intéressant que la commission sorte un document ou produise un document sur les enjeux liés aux cartes d'identité mais à l'ensemble des formes d'identification, qu'elle présente peut-être un certain nombre de principes guidant le débat et la réflexion et qu'elle soumette à la discussion publique, dépendant de l'intérêt, un certain nombre de choses.

C'est clair que, dans la santé par exemple, c'est un domaine extrêmement sensible pour les citoyens et les citoyennes, il y a quelque chose à faire là. Ça ne demande pas une commission parlementaire à chaque fois, mais ça pourrait guider le débat public.

Je donne l'exemple de la carte d'électeur. On a entendu récemment le Directeur général des élections dire que ça pourrait être la carte d'assurance-maladie. Mais pourquoi? En se guidant dans nos principes, nous, on dit que ça pourrait être n'importe quelle carte reconnue. Pourquoi s'en tenir simplement à la carte d'assurance-maladie? Ça pourrait être le permis de conduire, ça pourrait être, oui, la carte d'assurance sociale. Encore là, quand on prend la carte d'assurance-maladie, ce n'est pas parce que tu as la carte d'assurance-maladie que, automatiquement, tu es habilité à voter. Alors, dans ce sens-là, on pense qu'il y a une multitude de cartes qui peuvent permettre l'identification de l'électeur sans qu'on soit obligé d'en identifier une. Et cette réflexion-là nous vient des principes sur lesquels on s'est appuyé.

Alors, je pense que ce serait une contribution utile de la commission que d'éclairer le débat public à partir d'un certain nombre d'enjeux et de principes sur lesquels les suites devraient se faire.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tenais à mon tour à remercier les représentants des trois centrales pour leurs commentaires réfléchis et équilibrés. Vous avez apporté beaucoup à notre réflexion et au débat que vous souhaitez.

Je constate, par ailleurs, que votre première recommandation contient la reconnaissance d'un fait que, je trouve, tout à fait valable. Vous dites, dans la première phrase: «En regard de l'application des principes énoncés ci-dessus, nos organisations en arrivent à la conclusion que rien ne justifie l'adoption d'une solution universelle pour l'identification des citoyens.» Et, à mon sens, c'est la première question qui doit être posée.

D'ailleurs, c'est intéressant, pour moi en tout cas, de remarquer que même ceux et celles qui ont pu venir ici, qui travaillent beaucoup dans ce domaine-là, ils sont, à mon sens, ni plus ni moins en train de nous dire: Aïe! Vous ne devinerez jamais ce qu'on est capable de faire de nos jours, regardez ce qu'on pourrait faire s'il y avait une carte.

Mais on revient toujours à notre première question: En as-tu besoin? Ça ferait quoi de plus que ce qu'on a à l'heure actuelle? Puis, ils ne sont jamais capables de répondre à ça. Ils sont capables de nous dire qu'ils peuvent le faire, mais la technologie pour mieux contrôler la société et les citoyens existe depuis une génération. La question est de savoir que, maintenant qu'elle est de moins en moins chère et de plus en plus accessible et facile à instaurer, est-ce qu'on veut s'y rendre? Alors, je vous remercie d'avoir posé, à mon sens, vraiment, cette première constatation, parce que ça va nous aider dans notre réflexion.

J'écoutais tantôt M. Paquette qui disait, M. le Président, qu'il craignait que, s'il y avait une telle carte facultative, ça devienne, finalement, obligatoire, parce que du moment que tu l'as... Je pense que là aussi vous faites une constatation qui est très intéressante, parce que c'est vrai. Même si on essayait de nous vendre cette idée-là en disant: O.K. Il n'y aura pas de carte d'identité unique obligatoire, mais dès que ça existerait, tout le monde en aurait besoin d'une. Ça deviendrait, cette carte-là, pour toutes sortes de choses.

J'aimerais juste, M. le Président, demander aux représentants des trois centrales ce qu'ils voulaient dire – je pense que c'est M. Paquette, encore une fois, qui l'a dit tantôt – ils ont parlé d'un marché qui est devenu très lucratif. Vous avez dit que c'est un marché qui est rendu très lucratif. Est-ce qu'il s'agissait de la vente de matériel et de logiciels dans les ministères et organismes? Est-ce que c'est de ça qu'ils parlaient?

M. Massé (Henri): C'est moi qui en ai parlé, mais c'est partout, partout. On sait que le Québec, entre autres – bravo! félicitations! – est un des bons intervenants dans la question de l'information, des logiciels. À l'heure actuelle, il doit y avoir 300, 400 projets provenant de l'entreprise privée pour gérer les informations confidentielles des citoyens puis des citoyennes. Ça peut être...

M. Mulcair: Détenues par l'État?

M. Massé (Henri): Détenues par l'État.

M. Mulcair: O.K.

M. Massé (Henri): Et qui s'offrent pour venir le faire au nom de l'État.

M. Mulcair: On peut penser au Directeur général des élections. Si je ne me trompe pas, il y a un énorme fichier qui est en train de se constituer pour la liste électorale permanente et je crois que, effectivement, ça a été donné au privé.

M. Massé (Henri): Et pour gérer toutes sortes, toutes sortes, toutes sortes d'informations.

M. Mulcair: Oui.

M. Massé (Henri): On ne dit pas que ces projets-là en soi sont malvenus, mais là, il y a une responsabilité de l'État très importante de faire en sorte que ce soit l'État qui continue à mener les règles du jeu là-dedans. C'est un petit peu pour ça... On y a peut-être été un petit peu fort dans notre critique au début de notre entrée dans votre commission, mais quand on voit tous ces projets-là qui sont en marche, même à l'intérieur du gouvernement, les nombreux débats sur toutes sortes de projets de cartes, bien là, on trouvait, il me semble, que ça prenait un projet un petit peu plus éclairant, un peu plus organisé au niveau des débats qui se mènent à l'heure actuelle. On a l'impression qu'on va être dépassé tantôt et sur la gauche et sur la droite par une série de projets qui vont échapper puis qui vont échapper à la responsabilité de l'État.

M. Mulcair: Je partage votre préoccupation.

(10 h 10)

M. Paquette (Pierre): L'autre élément aussi, c'est que, quand une carte a une valeur reconnue, que ce soit un passeport ou n'importe quoi, il y a un marché qui se développe. Ça, on le signale dans notre rapport. Et puis j'attire votre attention, dans le dernier rapport de la Banque du Canada, sur la falsification des billets de banque, le volume important de falsification. C'est assez faramineux quand on penserait peut-être que, en 1997, la Banque du Canada était en mesure de trouver les moyens d'éviter la falsification. Alors, là, par exemple, sur les 20 $, ils ont mis une vignette de sécurité, mais il y a encore énormément de falsification. Alors, ça serait peut-être intéressant de jeter un coup d'oeil sur ça parce que s'il y a une institution canadienne québécoise qui se préoccupe de la falsification d'un document, c'est bien la Banque du Canada. Malgré leur expertise et l'accès qu'ils ont à toutes sortes de technologies, ils ne sont pas capables d'empêcher la falsification des billets de banque. Ça se fait encore à très grande échelle, malgré les avancées technologiques.

M. Pélissier (Alain): Bien sûr, la question du marché lucratif, que M. Massé soulignait également, c'est simplement aussi dans la vente de toutes sortes de banques de données, d'informations confidentielles ou non confidentielles. Même nous, comme organisation syndicale, on est sollicités à l'occasion, soit par des compagnies d'assurances ou par n'importe qui, parce que nos banques de données contiennent des informations nominatives à la fois sur le nom des membres, leur âge, leur statut civil, etc. Il y a beaucoup d'argent qui circule en dessous de ça.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Moi aussi, je veux ajouter ma voix pour vous remercier pour ce mémoire. Je lis, avec intérêt, dans la section Identification dans le reste de la vie civile , votre phrase où vous soulevez les craintes d'une forme de surveillance que peuvent apporter ces cartes, la perte de contrôle sur la circulation, l'intrusion dans la vie personnelle et dans les transactions avec autrui. Je vous félicite pour soulever les problèmes qu'on peut avoir avec une carte d'identité. J'espère que, comme société, on peut être plus prudent pour protéger la vie privée des individus dans une société qui est très complexe. Ce n'est pas sous forme de question, mais sous la forme d'un commentaire que je vous remercie pour ce mémoire.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la CEQ, de la FTQ et de la CSN.

J'aimerais leur faire remarquer que, la commission, c'est arrivé d'une façon un peu spéciale. Le président de la Commission d'accès à l'information, dans son rapport annuel, nous avait demandé de lui fournir un lieu pour faire cette consultation sur les cartes d'identité. Il a produit un document qu'on a publié comme document de base et on a rajouté le rapport annuel du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen.

La demande est venue du président de la Commission d'accès à l'information qui sentait le besoin qu'il y ait un débat. Il a dit: Il n'y a pas eu vraiment de débat sur cette question depuis au moins une quinzaine d'années au Québec, ça serait le temps de faire le point. Alors, c'est pour ça qu'il n'y a pas de projet précis, on est parti de documents de base d'organismes qui s'interrogeaient.

À la fin, la commission va faire quelque chose qui est un peu spécial. On a l'intention d'inviter ensemble le président de la Commission d'accès à l'information, le président de la Commission des droits de la personne, le Vérificateur général de même que le Protecteur du citoyen pour qu'ils rencontrent, les quatre ensemble, la commission pour justement faire le point, à ce moment-ci, en grande partie sur les questions que vous formulez, les commentaires que vous faites dans votre mémoire et ceux des autres qui sont venus présenter un mémoire à la commission sur la question des cartes d'identité, avec toutes les interrogations qui se posent.

Aussi faire un rapport de la commission pour essayer de faire le point – qui sera possiblement aussi une mise en garde au gouvernement pour l'avenir de ce qui devrait être fait ou ce qui ne devrait pas être fait – à partir des mémoires et de l'opinion qu'on se fera avec les organismes. Parce qu'il y a quand même beaucoup points de convergence dans tout ce qui a été dit devant la commission.

Alors, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission sur ce mandat d'initiative.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Alors, maintenant, j'appelle la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et ACEF–Centre de Montréal.

J'ai ici Mme Louise Rozon, directrice générale de l'ACEF–Centre de Montréal; Mme Nathalie St-Pierre, directrice générale de la FNACQ; Me Jacques St-Amant, avocat; et Mme Marie Vallée, analyste.


Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ) et ACEF–Centre de Montréal

Mme Vallée (Marie): Bonjour, M. le Président. Je vous présente les excuses de Mmes St-Pierre et Rozon qui ont dû rester à Montréal. Des grosses obligations professionnelles et peu de ressources, alors... Je suis Marie Vallée et, avec moi, Me Jacques St-Amant, ça nous fait plaisir d'être ici aujourd'hui.

Le Président (M. Garon): Alors, nous avons une heure ensemble. Ça veut dire que, normalement, vous avez une vingtaine de minutes pour exposer votre mémoire ou votre opinion et 20 minutes pour chacun des groupes. Si vous prenez moins de temps, ils pourront utiliser le temps que vous n'avez pas pris pour vous questionner; si vous prenez plus de temps, bien, le temps à la disposition des parlementaires leur sera soustrait du temps en plus que vous aurez pris. À vous la parole.

M. St-Amant (Jacques): Merci, M. le Président. Nous tenterons d'être brefs parce que nous souhaitons le dialogue.

J'ai envie de commencer en retournant quelques siècles en arrière, ça éclaire souvent des discussions. Je pense, écrivait René Descartes, donc je suis. C'était simple de s'identifier à l'époque, semble-t-il. La réflexion ne s'est pas simplifiée depuis cependant. Peu d'entreprises ou de ministères se satisferaient aujourd'hui de constater simplement qu'on a la capacité de réfléchir pour nous accorder des droits. Ça n'est pas mal en soi, mais il s'agit de voir à quoi on va devoir avoir recours pour s'identifier, effectivement, à l'aube du troisième millénaire. Nous estimons que la réflexion que vous avez entamée est aussi essentielle qu'elle est complexe, et nous vous remercions de nous avoir invités.

Il s'agit, dans les cas qui nous intéressent, d'appliquer de nouvelles technologies à des fins multiples, tout en protégeant des droits avec, en arrière-plan – on n'y échappe pas actuellement – la volonté de diminuer les dépenses. Il va y avoir des équilibres à faire.

On pourrait aisément se laisser prendre aux angoisses de certains gestionnaires ou aux promesses de vendeurs de quincaillerie, mais nous pensons qu'il faut aller plus loin. Nos organisations se préoccupent, depuis de nombreuses années, de la protection du consommateur en général et, notamment, de plus en plus, des problèmes liés à la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Compte tenu de l'expérience que nous avons accumulée depuis quelques années, nous vous invitons à faire preuve, dans les recommandations que vous formulerez, de la même rigueur qui a guidé vos travaux depuis quelques semaines. Parce que, derrière les apparences, il faut correctement identifier les problèmes qui se posent vraiment et les solutions qui permettraient d'y remédier, dans l'intérêt du citoyen qui veut bien qu'on le reconnaisse mais qui ne souhaite pas qu'on le déshabille.

On se bornera, dans un premier temps, à quelques commentaires rapides, justement pour donner le temps de discuter. Il faut d'abord établir ce qu'on entend par identité. C'est beaucoup moins simple qu'on le croirait. Vous le savez d'ailleurs. Il faut voir les limitations que comporte l'usage d'une carte comme identifiant. Il faut songer au risque que peut comporter une carte multiservices. On vous a aussi parlé du recours à la signature électronique... Pardon, je partage les problèmes de santé de certains de mes collègues retenus à Montréal.

Il faut, enfin, songer aux précautions à prendre avant d'implanter de nouvelles technologies qui affectent directement les droits de la population.

Notre propos n'est surtout pas de nous opposer à la technologie, il faut simplement s'assurer que ce ne soit pas elle qui mène le monde. Nous croyons qu'on échappera difficilement à quatre conclusions: de nos jours, une carte n'est pas un bon identifiant, une carte multiservices ne suscitera pas une large adhésion; il n'y a pas de solution miracle aux problèmes d'identification réels qui se posent; et toute implantation de nouvelles technologies comme des cartes doit fait l'objet d'une évaluation préalable et sérieuse.

(10 h 20)

Quant à l'identité d'abord. On pourrait croire, à première vue, que la question se résout simplement: Je suis moi, bien entendu. Sauf que, dans la vraie vie, les gens changent de nom, les gens changent d'adresse. Ils ont même parfois, tout à fait légalement, plus d'un nom, plus d'une adresse, plus d'un identifiant dans le même fichier, ou bien parce qu'ils ont de bons motifs ou bien parce qu'il y a eu une erreur administrative.

Certains renseignements personnels sont pertinents pour certaines fins, mais, utilisés ailleurs, vont mener à des décisions tout à fait aberrantes. On en verra quelques exemples tantôt.

En fait, les besoins d'identification correspondent à la complexité de la réalité et c'est prendre de grands risques que de croire qu'un identifiant qui serait utile dans un cas le sera nécessairement dans tous les cas. Ce n'est tout simplement pas vrai. L'exemple a déjà été cité devant vous. Est-on, par exemple, absolument sûr qu'il y a bien une correspondance parfaite entre le titulaire d'une carte d'assurance-maladie et la personne qui a le droit de voter au Québec? Est-ce qu'il se pourrait qu'il y ait des électeurs potentiels qui choisissent de ne pas avoir de carte d'assurance-maladie? Est-ce qu'il se pourrait qu'il y en ait qui, pour toutes sortes de raisons, négligent de remplir les formalités, n'ont pas une carte à jour? Ils font des choix. Ces choix-là affectent, ils le savent, leur droit en matière de santé. Est-ce qu'ils réalisent qu'ils pourraient aussi affecter éventuellement leur droit en matière de vote? On prend des renseignements qu'on donne ou qu'on ne donne pas à une fin puis on s'en sert tout à coup pour tout à fait autre chose.

Qu'il s'agisse d'organismes publics ou d'entreprises, les entités qui requièrent des renseignements pour identifier des gens le font pour des raisons précises – en principe, à tout le moins – raisons qu'elles connaissent, et elles consignent ces renseignements-là à leur façon qui leur est propre. Utiliser ces renseignements pour prendre d'autres décisions, c'est forcément détourner ces renseignements de leur finalité. C'est donc, au point de départ, manifestement enfreindre des principes fondamentaux et généralement reconnus en matière de protection de renseignements personnels. En bon québécois, c'est chercher le trouve; en général, on le trouve.

Il faut défaire ce mythe qu'une personne peut être reconnue par un identifiant et par rien d'autre. La personne, dans la vie courante, ne se confond pas avec sa carte ni avec le jumeau informatique dont on voudrait ou dont on pourrait le doter.

Nous avons acquis une expérience concrète à l'égard des pratiques d'identification et leurs effets, notamment leurs effets sur les consommateurs. Par exemple, au cours des dernières années, l'ACEF–Centre a constaté empiriquement qui n'existe pas de solutions simples pour régler le problème de la personne à qui on demande de s'identifier pour ouvrir un compte dans une institution financière. Jusqu'à récemment, certaines institutions, les banques par exemple, plusieurs banques, demandaient souvent trois cartes d'identité choisies parmi une liste qui était très restreinte et recommandaient assez fortement la production d'une carte avec photo. Les résultats d'un sondage CROP, qui sont annexés à nos observations, indiquent d'emblée les difficultés que ces exigences peuvent poser pour un grand nombre de consommateurs qui n'ont tout simplement pas trois cartes. Le consommateur qui avait perdu ses cartes, qui en avait peu ou qui venant, par exemple, d'une autre province n'avait pas les cartes figurant sur la liste ne pouvait tout simplement pas ouvrir un compte de banque au Québec avec les conséquences et les coûts que ça peut avoir dans la vie courante.

Chose curieuse cependant, les banquiers avec qui nous avons discuté de ces questions n'ont jamais pu nous démontrer qu'ils faisaient face à un risque réel, substantiel, quantifié de fraude que leurs exigences d'identification avaient contrecarrée efficacement. Ils avaient l'impression que, ils étaient convaincus que.

Nos interventions et celles d'autres organismes dans ce domaine ont suscité une réflexion qui a mené, à la mi-février, à de nouveaux engagements de la part de l'Association des banquiers qui a assoupli les exigences d'identification des banques. Et nous en sommes, ma foi, fort heureux. Il restera à voir comment ça se concrétisera en pratique. Mais, chose certaine, nos relations avec les personnes qui nous appelaient et qui nous appellent encore pour dire: J'ai un chèque d'aide sociale, mais je ne peux pas le déposer, je ne peux pas ouvrir un compte, nous convainquent qu'il est illusoire de mettre tous ses oeufs dans le même panier, de penser qu'une carte qui serait théoriquement distribuée à tout le monde va régler tous les problèmes. Ça ne fonctionne pas comme ça.

Ce cas-là soulève, dans le fond, la vraie question: Se pourrait-il que les problèmes qu'on a souvent en matière d'identification viennent non pas des moyens dont disposent les citoyens pour s'identifier mais surtout des exigences, des politiques des organismes et des entreprises? Plutôt que de chercher une solution de facilité – d'ailleurs toute relative – en donnant une carte à chacun, est-ce qu'il ne faudra pas plutôt que les gestionnaires réévaluent leur pratique et qu'ils ciblent mieux leurs objectifs?

Quatre exemples rapidement. Pensons aux clubs vidéo. À quoi leur sert-il de noter le numéro d'assurance-maladie et le numéro de permis de conduire d'un consommateur? À moins qu'ils aient légalement accès au fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec, ces numéros ne peuvent pas les aider à retrouver un client qui n'a pas ramené un film, par exemple. D'autre part, ces clubs-là, s'ils pensaient deux secondes, trouveraient sans doute de meilleurs moyens de savoir où habite M. Untel ou Mme Tartempion.

Mais, de toute manière, vous avez un club vidéo qui constate que quelqu'un n'a pas rapporté un film, il fait une perte, est-ce que cette perte-là est vraiment assez importante pour qu'il confie le mandat à un agent de recouvrement qui va dépister la personne, qu'il va engager des coûts pour aller chercher 15,25 $? Personnellement, j'en doute. La question, au fond, c'est: Est-ce qu'ils se servent vraiment des renseignements qu'ils vont chercher? Sinon, pourquoi vont-ils les chercher?

Autre exemple. La fin de semaine dernière, Visa Desjardins a encarté une offre de carte de crédit dans certains quotidiens québécois. Dans le formulaire, on demande aux gens de donner leur numéro d'assurance sociale et leur numéro de permis de conduire. J'aimerais beaucoup savoir pourquoi on demande ces informations-là, ça m'échappe.

Pensons, d'autre part, à Hydro-Québec qui relève maintenant le numéro d'assurance sociale de ses clients – vous en avez discuté abondamment. On sait pourtant – et Hydro nous l'a dit – qu'ils obtiennent plus de succès en matière de recouvrement en concluant rapidement des ententes avec des consommateurs qui ont des problèmes de paiement qu'en jouant avec des identifiants pour essayer de savoir éventuellement où est telle personne et si elle se réabonne. De toute façon – et on l'a vu par expérience – ces méthodes-là d'Hydro se contournent assez facilement.

Bref, dans une large mesure, les problèmes d'identification... Ah! autre exemple. Un consommateur m'a téléphoné hier, il a acheté un bien qu'il a payé avec sa carte Interac, sa carte débit. Le paiement s'est réalisé sans problème, tout le monde est content. Le commerçant note le numéro de la carte débit du consommateur. Je n'ai absolument aucune idée de ce qu'ils vont faire avec cette information-là, mais ils exigent du consommateur qu'il donne une information.

Alors, dans une large mesure, les problèmes d'identification, de possibilité de dépistage des consommateurs qui sont invoqués pour justifier la mise en place d'une carte sont d'abord des problèmes de gestion. En changeant leur politique, en identifiant mieux les renseignements dont ils ont vraiment besoin, les entreprises et les organismes publics s'épargneraient bien des misères, respecteraient les droits des consommateurs et les lois qui s'appliquent et ils simplifieraient la vie des citoyens.

Les représentants de la Régie des rentes, par exemple, ont évoqué devant vous un cas où ils ont ainsi amélioré leurs pratiques de gestion en éliminant la cueillette de renseignements inutiles. Il s'agit là d'un exemple intéressant. Il faudrait peut-être suggérer à bien des gens de le suivre.

Je vais maintenant aborder plus directement la question de la carte elle-même, et je vais céder la parole à ma distinguée collègue.

Mme Vallée (Marie): Merci beaucoup. À l'âge de l'inforoute – enfin, on est presque rendu là, il ne faudrait quand même pas penser qu'on y est – et du commerce à distance, est-ce bien le meilleur moyen de s'identifier que de montrer une carte? On peut en douter. Est-il prudent de faire d'un objet qui peut facilement se perdre ou être volé le symbole de l'existence de l'identité d'une personne? Il peut facilement être volé, j'en suis la preuve vivante, je me suis fait voler deux fois, en dedans de six mois, mon portefeuille dans ma bourse, une fois dans le métro puis une fois dans l'autobus. J'ai eu l'air fin pendant trois, quatre semaines, hein.

Est-il souhaitable qu'on se dirige vers des pratiques où ce sont les impératifs de la gestion qui dicteront comment une personne doit s'identifier ou ne vaut-il pas mieux laisser, en principe, au citoyen le choix du mode d'identification auquel il a recours?

Une voix: ...

Mme Vallée (Marie): Les problèmes de bronchite courent dans les associations de consommateurs. Ha, ha, ha!

Quelles informations inscrira-t-on sur ou dans une carte? Si elles sont trop précises, il faudra les modifier fréquemment, ce seront des coûts et des tracasseries et pour les citoyens et pour l'appareil qui va gérer ça; si elles sont moins précises, la carte sera-t-elle utilisée? Et si elle est utilisée, son usage permettra-t-il d'atteindre les objectifs pour lesquels elle a été mise en place? Inscrira-t-on un numéro sur cette carte? C'est, bien sûr, ouvrir, à ce moment-là, une autre porte sur le couplage des données.

Est-ce qu'on va la rendre obligatoire, cette carte-là? Vous avez déjà entendu parler de l'obligation et des choses facultatives. De toute façon, si elle est obligatoire, il va y avoir des gens qui vont tomber dans les craques; par ailleurs, si elle est facultative, elle va devenir, en pratique, obligatoire parce qu'on tentera d'en faire un identifiant universel – et on le voit tous les jours avec le numéro d'assurance sociale qui pourtant n'avait pas été du tout prévu pour ça – on sait aussi qu'elle va exclure du circuit ceux et celles qui ne détiennent pas cette carte-là.

De plus, les types d'utilisation d'une telle carte auront tendance à se diversifier au fil des années. Les représentants de Bell Canada vous en ont fait part. Alors, on va commencer par une petite carte où il n'y aura presque rien d'inscrit dessus et, au fil des années, on va ajouter des informations de plus en plus sensibles et de plus en plus élaborées quand les gens se seront habitués.

(10 h 30)

Combien ça va coûter pour implanter une carte d'identité? Dans notre mémoire, on a cité quelques exemples. Il faut bien que quelqu'un, quelque part, paie les cartes. On n'a aucune illusion sur le fait que, ultimement, les coûts vont être passés aux citoyens. Les réseaux de communication vont être extrêmement coûteux; la mise à jour des données, un autre coût; et le reste, et le reste.

Qu'est-ce qui va se passer en cas d'erreur? À l'heure actuelle, si la Régie de l'assurance-maladie ne m'identifie pas correctement, j'aurai d'abord des problèmes dans le domaine de la santé, mais, si on écoute M. Pierre-F. Côté, on va aussi avoir des problèmes à exercer nos droits de citoyens: on ne pourra plus voter ou on va avoir beaucoup de problèmes. Si mon dossier correspond à ma carte unique et que ma carte comporte une coquille, tous les intervenants avec qui je fais affaire pourraient être induits en erreur. Et ça se passe déjà, aujourd'hui, sans carte d'identité, avec les dossiers de crédit.

Bref, une carte d'identité à vocation universelle sert-elle vraiment les intérêts des citoyens et l'intérêt public? Nous ne croyons pas.

Par ailleurs, il est question de carte multiservices. Évidemment, on n'a pas de détails sur les projets de carte multiservices. Je me dois de déplorer qu'il y a comme deux processus parallèles qui ne semblent pas très bien liés ensemble: il y a vos travaux et il y a tout ce qui se passe dans l'appareil administratif. J'ose vous dire que ça manque un peu de transparence. On sait qu'il y a des projets, mais on n'a pas de détails, parce que c'est l'appareil administratif qui s'amuse avec ça. Alors, on ne sait pas ce qui se passe. On a entendu parler d'une carte de citoyen ou d'une carte multiservices, et, devant vous, la Société de l'assurance automobile a souligné qu'elle s'objecterait à une telle carte qui remplacerait le permis de conduire et la Régie de l'assurance-maladie a indiqué qu'elle ne souhaite pas que les dossiers de santé se retrouvent sur une carte polyvalente.

Au niveau des principes, à tout le moins, il faudra d'abord évaluer si on a besoin d'une telle carte. La chose paraît pour l'instant douteuse. Il faut aussi évaluer si cet instrument peut avoir du succès. Les citoyens auront-ils confiance en une carte qui paraîtra pouvoir servir à n'importe qui et pour n'importe quoi? Comment conserveront-ils ou auront-ils le contrôle de ce qui se trouvera dans leur dossier électronique? Seront-ils en mesure de donner des consentements éclairés lors de l'accès aux informations contenues dans la carte par des tiers? Encore là, quels seront les coûts associés à l'opération? Quelles seront les conséquences en cas de perte ou de vol de la carte? Quelle trace informatique laisserons-nous sur notre passage? Surtout, dans quelle mesure une telle carte deviendra-t-elle en pratique la carte d'identité universelle dont on posait plus tôt les inconvénients?

On vous a aussi parlé de la signature électronique comme d'un moyen de préserver une partie, en tout cas, de l'identité et de la confidentialité des dossiers. Mon opinion sur cette question-là, c'est que c'est une solution peut-être d'avenir, mais, pour l'instant, j'aimerais vous rappeler que seulement 4,1 % des ménages québécois sont branchés sur Internet, donc ont accès à l'univers transactionnel immédiat. Donc, on peut quand même regarder ça avec un bémol puis prendre notre temps pour bien y réfléchir. Mais on peut quand même vous faire part de quelques réflexions là-dessus.

Comme je vous l'ai dit, c'est possible que le recours au chiffrement à clé publique constitue une des solutions au problème d'identification et surtout d'authentification en matière d'opération à distance. Cette solution soulève toutefois elle-même une série de questions. Par exemple, qui seront les tiers dépositaires des clés qui géreront le système? Nous sommes allés à une réunion de l'OCDE à Paris, dernièrement, où les banques américaines se posaient en champions de la sécurité. Disons que je ne pense pas, au Québec, que les gens ont une si grande confiance dans les banques, compte tenu de leur utilisation des renseignements personnels. Il faudra donc que la confiance envers l'institution choisie comme le détenteur des clés soit très élevée.

Ensuite, devrons-nous effectuer une modification dans le domaine des droits de la preuve? Plus fondamentalement, il faut bien comprendre qu'on n'a absolument pas besoin de carte pour utiliser ces techniques et qu'il sera même fréquemment plus commode de loger sa clé d'identification ailleurs. Il s'agit donc là d'un débat qui ne devrait pas avoir d'incidence sur la question que vous abordez dans vos débats.

Il reste à formuler quelques éléments de conclusion. D'après nous, on n'a pas fait la preuve de l'existence de besoins auxquels on répondrait adéquatement en implantant une carte d'identité à vocation universelle au Québec. Tant que cette démonstration n'aura pas été faite, la balance penche abruptement vers la recherche de solutions qui respectent intégralement les droits fondamentaux et reposent sur l'application des principes généraux de protection des renseignements personnels. C'est d'abord en adaptant les pratiques de gestion à ces principes qu'on réglera ces problèmes, et non l'inverse. On n'adapte pas les droits parce qu'on a un besoin de gestion, comme on a vu le gouvernement du Québec le faire le printemps dernier, faisons d'abord appliquer nos lois – alors qu'on a démontré jusqu'à maintenant une déconcertante flexibilité envers nombre d'organismes et d'entreprises – sensibilisons et éduquons les gestionnaires aux règles du bon usage des renseignements personnels et on va régler une grande part des difficultés.

Bien sûr, les entreprises et les organismes publics devront changer leur pratique. Ça vaut sûrement mieux que de contraindre tous les citoyens à s'identifier dans tous les cas de la même manière.

Cela dit, on peut aussi parfaire notre législation, on pourrait s'inspirer de certaines lois qui existent aux États-Unis ou ailleurs, qui interdisent aux entreprises qui établissent l'identité d'une personne de noter le numéro associé à une carte. D'ailleurs, M. Paquette a fait une erreur tout à l'heure, le numéro de son permis de conduire a été pris en note par le préposé à la sécurité, comme le mien d'ailleurs.

Voilà, si une telle règle était appliquée, qui obligerait certainement la révision de beaucoup de pratiques de gestion. Surtout, avant de modifier ou d'affecter les droits des Québécoises et des Québécois, on devra se doter de moyens plus efficaces d'évaluation de l'impact des nouvelles technologies et on devra tenir des débats plus larges.

Je ne veux absolument pas vous jeter la pierre, je pense que la commission parlementaire est un point de départ, mais il faut élargir le débat, il faut le porter ailleurs qu'à Québec. Il faut tenir des audiences dans les régions, il faut éduquer les gens aux enjeux réels, parce que la majorité des gens ne savent pas que les renseignements sont amassés, ne savent pas qu'ils sont couplés, ne savent pas à quel usage ils sont utilisés.

On croit que de plus en plus d'intervenants s'entendent sur la nécessité d'évaluer l'impact de l'implantation des nouvelles technologies. Donc, il ne nous reste plus qu'à discuter de la forme que ces moyens pourraient prendre. On peut envisager bien des formules, une espèce de tribunal composé de citoyens et d'élus. Il y a toutes sortes de choses. Il y a une chose qui est certaine, il ne faut pas laisser la prise de décision aux technocrates porteurs, disent-ils, de solutions miracles.

Vos travaux constituent une ouverture et nous croyons que la commission contribuerait aussi grandement à la réflexion sur les impacts sociaux des nouvelles technologies, qui se font sentir de plus en plus.

Merci de votre attention, mais nous sommes ici surtout pour discuter avec vous.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Mme Vallée; merci, M. St-Amant. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Oui. Merci pour votre mémoire. Dans la première partie, vous avez fait référence aux exigences des clubs vidéo et au type de renseignements qu'ils demandent. Vous avez dit que ces clubs font comme une accusation, à notre société, de mauvaise foi au lieu de prendre la bonne foi des personnes avec lesquelles ils font affaire et qu'on prend une attitude que notre société est de mauvaise foi au lieu de bonne foi.

Je lis avec intérêt, et je suis d'accord avec vous, l'article 3 du Code civil du Québec qui dit: «Toute personne est titulaire des droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.»

Aussi, l'article 6 dit: «Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.»

Alors, il y a présomption de bonne foi dans notre société et je suis d'accord avec vous que ces cartes d'identité semblent être une accusation de mauvaise foi. J'aimerais écouter votre opinion.

(10 h 40)

M. St-Amant (Jacques): Nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Encore là, c'est l'illustration que, malheureusement, ces temps-ci, ce sont les diplômés en gestion qui ont la cote plutôt que les avocats, semble-t-il. En tout cas, c'est eux qui mènent le monde. Je ne peux que le déplorer à titre professionnel.

J'ai envie de prendre l'exemple d'Hydro-Québec qui demande maintenant, systématiquement, le numéro d'assurance sociale des nouveaux abonnés ou des abonnés qui lui paraissent à risque. Hydro-Québec, d'après les chiffres qu'elle publie, a des mauvaises créances d'environ 30 000 000 $ par année. Là-dessus, au départ, on en élimine 11 000 000 $, ce sont des cas de faillite, Hydro-Québec ne récupérera pas ces sommes-là; enlevons ensuite les sommes qui ont trait à des entreprises, on ne va pas chercher le NAS, donc, encore là, on diminue le montant pour lequel le NAS peut être utile; enlevons encore de ce qu'il nous reste les cas où Hydro-Québec sait très bien où sont les gens, simplement les gens n'ont pas les moyens de payer. Il nous reste finalement assez peu de gens pour qui il pourrait être utile d'avoir peut-être le NAS pour les retracer éventuellement.

Même là, j'ai eu connaissance, récemment, d'un cas où une personne – appelons-la Nicole, tiens – a déjà été mauvaise payeuse chez Hydro-Québec. Elle a un compte en souffrance depuis un an ou deux. Elle décide d'emménager dans un nouveau logement, mais elle a demandé à sa mère de s'abonner à Hydro-Québec à sa place. Hydro-Québec ne retrouvera jamais ce cas-là.

Alors, concrètement, à quoi ça sert de demander le NAS d'à peu près tous les abonnés d'Hydro-Québec? Quel avantage économique Hydro en tire et ne pourrait pas obtenir autrement? Surtout quand on sait – encore là, c'est Hydro-Québec qui nous le dit – que leur meilleure méthode de recouvrement, c'est quand ils font du dépistage avec leurs clients. Ils se rendent compte que les comptes en souffrance augmentent. Ils concluent tout de suite une entente avec la personne et les ententes sont respectées à 65, 70 %. Ils récupèrent beaucoup plus d'argent comme ça qu'ils n'en récupéreront jamais avec les NAS. Sauf qu'on a cherché une solution de facilité. On s'est dit: C'est une information qui pourrait servir, prenons-la. Malheureusement, on a obtenu l'aval de la Commission d'accès à l'information pour le faire.

Même chose avec les clubs vidéo, avec plein d'autres cas, en changeant les méthodes de gestion, en identifiant correctement les besoins, on créerait beaucoup moins de sociétés de surveillance et on obtiendrait, dans beaucoup de cas, un meilleur résultat.

Mme Vallée (Marie): Si je peux peut-être rajouter, la pratique de la collecte du numéro d'assurance sociale par les entreprises de services publics est une pratique qui se répand dangereusement. Bell Canada demande de plus en plus souvent aux nouveaux abonnés de fournir leur numéro d'assurance sociale. Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui soit justifié. Mais comme la Commission d'accès à l'information a donné la permission à Hydro-Québec de collecter les NAS, les citoyens se font vertement rabrouer par les préposés au service de Bell quand ils ne veulent pas fournir leur numéro d'assurance sociale.

Alors, on est rendu effectivement dans une société où si tu refuses de fournir une information parce qu'elle n'est pas pertinente, bien, effectivement, tu es considéré comme quelqu'un qui va être de mauvaise foi, ou vouloir frauder, ou qui a quelque chose à cacher, alors que ce n'est pas le cas. Ce n'est pas pertinent, c'est tout.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. M. St-Amant commençait tantôt par une phrase célèbre de Descartes qui disait: Je pense, donc je suis. Il y a beaucoup de gens qui sont arrivés ici, puis je ne sais pas si M. Descartes dirait ça, mais cette problématique-là fait en sorte qu'il pourrait dire: Je pense, donc je suis suivi, ou je pense que je suis suivi, je ne le sais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaumier: Ceci dit, on va aller aux cartes. Vous représentez ici les consommateurs, les consommatrices, bon, partout sur le territoire du Québec. Vous avez des relations, j'imagine, continuelles avec les responsables de ces bureaux-là, etc. La situation actuelle, telle qu'elle est aujourd'hui, est-ce que les consommateurs font des pressions ou demandent à ce qu'il y ait une carte d'identification? Dans le sens où – puis je partage cette opinion-là – ça serait important une carte si c'était utile pour des gens de s'identifier et pour des transactions et des choses qu'ils doivent faire, et non pas quelque chose qui serait utile à des gens pour les identifier. Ça, on se comprend bien, là, à ce niveau-là.

Mais, tantôt, on disait – je pense que c'est madame – qu'il n'y a pas de besoin à ce niveau-là, et vous disiez en même temps que, s'il fallait trouver une solution, il faudrait que ce soit très prudent, et tout ça. Mais s'il n'y a pas de besoin, on n'aura pas besoin de solution à ce niveau-là. Alors, est-ce qu'il y a des besoins? Vous faisiez allusion, à un moment donné, dans votre mémoire, aux plus démunis. Est-ce que nos consommateurs, nos consommatrices, il y en a un certain nombre – qui, quel genre, quel type – qui sont défavorisés par le fait qu'il y a actuellement nécessité ou habitude de présenter une, ou deux, ou trois cartes, et que ça peut être pénalisant pour nos consommateurs? Est-ce que la situation actuelle est correcte?

M. St-Amant (Jacques): Non.

M. Beaumier: Bon.

M. St-Amant (Jacques): Je dirais qu'il y a trois éléments de réponse. D'une part, les consommateurs constatent de plus en plus qu'on leur demande des identifiants. Ils font face à une demande pratique et cherche des moyens d'y répondre. Mais, la première question, c'est: Quels sont les besoins réels? Comme on le disait tantôt, il y a là des discussions à faire et des pratiques à changer.

Deuxièmement, cette demande-là, comment y répond-on? La meilleure façon, quant à nous – et l'exemple, enfin, les cas qu'on a eus dans le domaine bancaire sont assez révélateurs – ça n'est certainement pas de dire à tout le monde: Vous allez présenter cette carte et ça va régler tous vos problèmes, parce que vous aurez toujours une proportion non négligeable de la population qui, pour toutes sortes de raisons, n'aura pas cette carte. C'est la raison pour laquelle on a recommandé, aux banquiers par exemple: Élargissez votre éventail; élargissez l'éventail de documents d'identification que vous êtes disposés à accepter, dans ça, il y a de bonnes chances que les consommateurs, même les plus démunis, puissent finir par trouver une, deux, trois cartes ou d'autres moyens de s'identifier qui vont servir.

Par exemple – et ça, c'est un élément fort intéressant – les banquiers admettent maintenant qu'on se présente pour ouvrir un compte dans une banque avec une personne qui est connue de la banque. Voici une façon de s'identifier qui est parfaitement efficace pour certaines personnes qui n'ont pas de cartes ou qui ont peu de cartes pour toutes sortes de raisons mais dont le beau-frère est notaire, et un notaire est présumément une personne fiable.

M. Beaumier: Un débat à la fois.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. St-Amant (Jacques): Mais, bon, le point étant qu'il y a d'autres façons de s'identifier. Donc, quels sont les besoins réels? Quelles sont les pratiques qui posent des problèmes aux consommateurs? Ensuite, comment peut-on les régler? Quant à nous, une carte unique n'est certainement pas la meilleure méthode, et ça n'est sûrement pas ce que les consommateurs nous disent non plus.

M. Beaumier: Mais quand la personne est accompagnée, ce n'est plus une question d'identification, là, c'est une question de sécurité, de pouvoir probablement couvrir ou signer.

M. St-Amant (Jacques): Non.

M. Beaumier: Non, c'est uniquement...

M. St-Amant (Jacques): Il n'y a absolument aucun questionnement. C'est simplement moi qui vais à la banque et qui dis: Voici Marie Vallée, je la connais bien.

M. Beaumier: Cette personne-là est vraiment cette personne-là. D'accord.

M. St-Amant (Jacques): Oui. C'est carrément une question d'identification. Et ça, on a été très clair avec les banquiers, il ne s'agit évidemment pas que les gens se portent caution.

M. Beaumier: Quand vous dites «élargir l'éventail des cartes», ce n'est pas les cumuler, ça veut dire que ça serait telle, ou telle, ou telle carte, j'imagine, on s'entend bien, là?

M. St-Amant (Jacques): Oui.

M. Beaumier: Alors, vous en concluez quoi en ce qui concerne ce qu'on devrait faire? Est-ce qu'on doit bouger? Est-ce qu'on doit ne pas bouger? Toujours dans l'intérêt des personnes que vous représentez.

M. St-Amant (Jacques): Quant à nous, la mise sur pied d'une carte d'identité n'est pas une solution au problème qui se pose.

M. Beaumier: O.K. C'est beau.

M. St-Amant (Jacques): Ça, c'est assez clair. Les problèmes, ils sont réels. On se retrouve actuellement, je pense, confrontés à des pratiques de gestion surtout qui ne se sont tout simplement pas adaptées à l'évolution du droit au Québec, depuis 1994 notamment. Les entreprises, par exemple, demandent de plus en plus de renseignements sans se demander si c'est nécessaire, alors que la loi leur dicte en principe de faire le contraire. C'est beaucoup plus en disant aux entreprises: He! Oh! Réfléchissez, de quoi avez-vous vraiment besoin?

Je vais vous donner un exemple, encore là dans le domaine bancaire, que voulez-vous, nous le chérissons. Monsieur, fin quarantaine, qui habite dans un quartier modeste, se présente à sa banque, veut ouvrir un compte de banque. La préposée lui pose une série de questions et, à un moment donné, lui demande: Avez-vous un emploi? Monsieur dit: Non. On lui dit: Désolé, on ne peut pas vous ouvrir un compte de banque. Mais, mais, mais... Désolé, on ne peut pas vous ouvrir un compte de banque. Merci, bonjour.

Monsieur va voir un intervenant communautaire, explique sa situation, monsieur et l'intervenant reviennent à la banque, rencontrent la même préposée et l'intervenant dit: Monsieur n'a pas d'emploi, monsieur a eu un accident, il est en incapacité partielle permanente, monsieur vient de recevoir un chèque de sa compagnie d'assurances de 60 000 $. Est-ce que monsieur pourrait ouvrir un compte de banque? Et là, curieusement, oui, on lui ouvre un compte de banque.

Qu'est-ce qui s'est passé? D'abord, on a posé carrément la mauvaise question. Ce que la banque voulait savoir, dans le fond, ce n'est pas si monsieur a un emploi, c'est: Est-ce que monsieur a de l'argent? Première chose. Deuxièmement – et là, c'est une question beaucoup plus fondamentale: Est-ce qu'il faut avoir beaucoup d'argent pour ouvrir un compte de banque au Québec, au Canada? Là, il y a un petit débat à faire aussi. Mais, au départ, les pratiques de cueillette d'information n'étaient juste pas adaptées aux besoins puis aux objectifs réels de l'institution. Donc, on s'apprêtait à refuser un droit à une personne. C'est beaucoup plus à ce niveau-là que ça se pose.

(10 h 50)

M. Beaumier: Je termine. Ça confirme un peu l'approche que disait madame tantôt, c'est au niveau de l'éducation. Mais là, vous y allez de deux façons: d'abord, l'éducation des entreprises, c'est un travail, et l'éducation aussi de la population qui doit s'assurer qu'on ne lui demande pas plus qu'il faut. Mais «c'est-u» une réponse suffisante que la question de l'éducation? Parce que si ce n'est pas ça, si ce n'est pas suffisant, faut-il aller plus loin? Puis ce serait quoi?

M. St-Amant (Jacques): Je pense que ce diagnostic-là suffit au moins, dans un premier temps, à dire qu'une carte d'identité, ce n'est pas une solution vraiment efficace. Ça ne réglera pas nos problèmes, ça va en causer d'autres, et bien d'autres probablement.

M. Beaumier: Et ce qui ferait avancer ce dossier-là, c'est la question de sensibiliser tout le monde, d'éduquer, de trouver tous les moyens pour que la situation s'améliore.

Mme Vallée (Marie): Moi, je pense que oui, parce qu'on regarde des entreprises de consultants qui ont aidé les entreprises à s'adapter à la loi 68 et ce que les entreprises ont dit suite au passage de ces consultants-là, c'est: Ah! Mon Dieu que ça a donc fait du bien qu'on ait fait le ménage dans nos dossiers. On s'est aperçu qu'on avait trop d'information, qu'on n'avait pas nécessairement les bonnes informations et que, d'autre part, ça nous sauve de l'argent d'avoir des pratiques de gestion d'information qui sont adaptées aux exigences de la loi et qui sont aussi adaptées à nos besoins.

Donc, si ces choses-là étaient connues, si ces expériences d'entreprises québécoises qui ont décidé de vraiment s'adapter aux nouvelles réalités étaient connues des gestionnaires d'entreprises privées et aussi d'une bonne gang de gestionnaires de l'appareil de l'État, je pense qu'on aurait fait un grand pas.

M. Beaumier: La loi 68 est suffisante, actuellement, dans ses prescriptions.

Mme Vallée (Marie): Pour l'instant, on pense que oui. Sauf...

M. St-Amant (Jacques): Bien, là...

M. Beaumier: C'est beau.

M. St-Amant (Jacques): Deux choses très rapidement...

Mme Vallée (Marie): Vous voyez l'avocat.

M. Beaumier: Sauf, M. l'avocat, oui. Ha, ha, ha!

M. St-Amant (Jacques): Deux choses très, très rapidement. Je pense que l'essentiel de notre message, c'est: Évitons des solutions de facilité, ce ne sont pas de vraies solutions, posons vraiment les problèmes. Là-dessus, on ne prétend pas avoir toutes les réponses. Cependant, nous constatons avec plaisir que vos travaux vont peut-être permettre à beaucoup de gens de commencer à s'y intéresser sérieusement.

Deuxième chose. Quant à la loi, on reviendra à son évaluation dans les prochains mois et on aura tout le loisir de se chicaner sur les virgules, mais je pense que les principes qui sont dedans sont les bons.

M. Beaumier: Je n'ai pas cette perspective de chicane. Merci, merci bien.

Mme Vallée (Marie): Mais peut-être que, nous, on l'a. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Beaumier: On sera là.

M. Laporte: Je vous remercie beaucoup d'avoir présenté ce mémoire parce que je trouve que – je ne voudrais pas me méprendre – vous êtes une petite organisation, vous ne devez pas avoir des budgets considérables comme les multinationales qu'on a rencontrées ou les grands syndicats. Sauf que vous faites preuve de... c'est courageux votre prise de position.

Et moi, personnellement, écoutez, plus j'avance là-dedans, moins je suis en faveur de la carte d'identité. J'étais contre au début, mais là, je suis rendu vraiment contre, contre, contre. Je pense que, sur ça, je partage votre opinion.

J'aimerais répondre à la question sur laquelle vous revenez continuellement – et là, je vais lâcher mon chapeau de député, je vais rentrer dans mon chapeau de sociologues: Comment se fait-il que les organisations recueillent comme ça des renseignements inutiles? Ils sont largement inutiles dans le cas d'Hydro-Québec, on en a fait la démonstration; dans le cas du club vidéo, on en a fait la démonstration. Pourquoi? Écoutez, ça va vous étonner, c'est un comportement magique, c'est un mécanisme, une pratique, un rituel qui donne à l'organisation un sentiment de contrôle sur sa clientèle, qu'elle n'a pas. Donc, c'est pour renforcer ce sentiment: l'illusion qu'on contrôle la clientèle.

Le problème – et je pense que vous l'avez bien situé – c'est qu'il y a d'autres mécanismes que ceux-là pour permettre à une organisation d'assumer des risques: il y a des assurances, qu'ils s'assurent. Dans le cas d'Hydro-Québec, comme vous le dites, finalement, ça représente une part relativement faible des gens qui sont des mauvais payeurs, mais ils peuvent s'assurer contre ça. Donc, ils n'ont pas, moi personnellement, à me faire payer en coût de liberté individuelle, de vie privée, n'est-ce pas, le risque qu'eux autres peuvent encourir au fait de m'offrir des services. Donc, vous avez parfaitement raison.

Quand je me présente au club vidéo puis qu'on me demande mon numéro d'assurance sociale, ils me font rire, quoi. Je ne suis pas le genre, comme certains, pour dire: Vous ne l'aurez pas, mon numéro d'assurance sociale, parce qu'il n'y a pas de rapport de pouvoir là-dedans. Si vous voulez mon numéro d'assurance sociale, prenez-le, qu'est-ce que ça vous donne? Puis, comme vous l'avez dit, dans le cas d'Hydro-Québec, je pourrais très bien cesser de payer mes comptes puis les faire payer par mon cousin ou par ma grand-mère, de toute façon, ce serait la même chose, quoi.

Donc, ma question, c'est... D'abord, je trouve que vous avez parfaitement raison. Je voudrais savoir, si je vous ai bien compris, pour vous, non seulement il n'y aurait pas de besoin, mais l'identification du besoin qui est faite à peu près couramment par les organisations, ça vous apparaît comme une... C'est magique. Un peu comme dans les sociétés primitives, les gens faisaient des sacrifices pour s'assurer que le beau temps continue, quoi. C'était une façon de maintenir leur sentiment de sécurité, leurs illusions.

C'est ce que les organisations font encore largement dans nos sociétés modernes plutôt que de prendre les moyens de s'assurer pour les risques et de payer, disons, d'avoir une stratégie de gestion de risques qui ne repose pas sur le pauvre individu qui, lui, est obligé de sacrifier, prendre des risques lui-même, là, des risques au niveau de sa vie privée, au niveau de l'information qu'il communique pour protéger une organisation qui, finalement, n'a pas besoin d'être protégée. Êtes-vous d'accord avec mon analyse?

M. St-Amant (Jacques): Nous sommes tellement d'accord que nous devrions envisager de vous inviter à devenir membre de nos organisations et à nous faire des dons.

Cela dit, oui, il y a des besoins d'identification, mais ces besoins-là ne sont pas identifiés correctement. Je prends un exemple. En marchant, tantôt, vers l'Assemblée nationale, je suis passé devant un dépanneur où il y avait une affiche qui rappelait que, si on veut acheter des cigarettes, il faut s'identifier. Ce n'est pas vrai. La personne qui veut s'acheter des cigarettes n'a pas à s'identifier, tout ce qu'elle a à faire, c'est de prouver qu'elle a plus de 18 ans. Ce n'est pas la même chose. Le besoin n'est pas identifié correctement.

Dans la vie courante, oui, il faut, de toute évidence, s'identifier pour avoir des droits, pour s'assurer qu'on fait un paiement à la bonne personne. Il y a une série de situations où il faut identifier certains éléments: parfois c'est le nom de la personne, parfois c'est un lieu, parfois c'est une caractéristique. C'est rarement l'ensemble. Mais c'est vrai que beaucoup de gestionnaires ont l'impression que c'est beaucoup plus facile de gérer un jumeau informatique que de gérer une vraie personne. Et ça, c'est un peu tragique.

M. Laporte: Merci.

Mme Vallée (Marie): J'aimerais, vous l'avez dit, nous ne sommes plus dans les sociétés primitives où on fait des sacrifices rituels. Les pratiques de gestion devraient peut-être s'adapter à ça.

M. Laporte: On n'est pas tout à fait à ça

Mme Vallée (Marie): En fait, on pense qu'on n'est plus.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, monsieur et madame, je trouve que votre mémoire est rafraîchissant, parce qu'il a un côté humaniste qui doit prévaloir, je pense, dans le cadre de ce débat.

Moi, j'aimerais savoir, compte tenu de votre expertise auprès des consommateurs, si vous pouvez nous dire, en tout cas, ou nous indiquer si les consommateurs ont un besoin réel de carte d'identité?

M. St-Amant (Jacques): Ça revient un petit peu à la question de tout à l'heure, on leur crée un besoin en leur demandant des cartes.

Mme Charest: Non. Mais, moi, je ne vous demande pas ce qu'on leur crée, je vous demande si en tant qu'individu, en tant que consommateur, selon votre expertise et votre expérience de travail avec tout le domaine de la consommation, on peut dire, pour les consommateurs, que le besoin est là de s'identifier, d'avoir une carte d'identité.

Mme Vallée (Marie): Madame, vous êtes une consommatrice, vous êtes une citoyenne, quels sont vos besoins? Est-ce que ça vous arrive souvent de devoir vous identifier sans qu'une entreprise ou une institution vous le demande?

Mme Charest: Bien, écoutez, je ne veux pas partir de mon cas personnel, mais je voudrais savoir si, d'une façon générale, à partir de la clientèle que vous avez dans vos services, vous pouvez tirer certaines pistes qui pourraient nous indiquer que, non, il n'y a pas de besoin pour les consommateurs de s'identifier, que, oui, il y en a dans certaines occasions, ou c'est beaucoup plus les besoins des entreprises ou des institutions gouvernementales. Ça, c'est facile à voir. Mais, est-ce que, en tant qu'individu, consommateur, il y a un besoin réel?

(11 heures)

M. St-Amant (Jacques): Ce serait intéressant de faire un inventaire de tous les types de transactions qu'une personne peut faire et de voir ce que sont les besoins d'identification. On n'a pas les ressources pour le faire, malheureusement. Je soupçonne, cependant, qu'on constaterait qu'il y a, dans le fond, bien peu de ces transactions-là où on a vraiment besoin d'une carte, qu'il n'y a pas d'autres solutions peut-être même plus efficaces pour faire ce qu'on veut faire.

Mme Vallée (Marie): Parce que le besoin de s'identifier vient d'une situation relationnelle. Quand on est sur notre île, on n'a pas de besoin de s'identifier.

Mme Charest: Oui, mais on vit en société, quand même.

Mme Vallée (Marie): Bien, c'est ce que je vous dis alors. Je n'ai pas eu besoin de m'identifier la première fois où j'ai rencontré Me St-Amant, j'ai dit: Bonjour, je suis Marie Vallée.

M. St-Amant (Jacques): Et je l'ai crue.

Mme Vallée (Marie): Et il m'a crue. Et, quand je suis rentrée ici, j'ai dit: Bonjour, je suis Marie Vallée. Bon. Il y a des gens dans la salle qui me connaissent, mais la majorité des gens ne me connaissent pas, ne m'ont jamais vue, mais vous ne m'avez pas demandé de carte d'identité. Alors, j'ai besoin de m'identifier quand je vais à la banque, quand je vais au CLSC, quand je passe les frontières...

Mme Charest: Quand vous recevez des services gouvernementaux, ou que vous...

Mme Vallée (Marie): Ou d'entreprises. Mais, à part ça, je n'ai pas de besoins comme tels.

M. St-Amant (Jacques): Et, encore là, il faut nuancer. Quand, par exemple, on reçoit des services gouvernementaux, dans le fond, tout ce qu'on a à prouver – il reste à voir comment le faire – c'est qu'on est titulaire d'un droit. Au fond, le médecin n'a pas besoin de connaître mon nom. Tout ce qu'il a besoin de savoir, c'est que je suis inscrit au régime d'assurance-maladie. Mais on a pris l'habitude de fournir le paquet d'identifiants pour toutes sortes de raisons qui peuvent être bonnes ou mauvaises, mais il y a des nuances qui peuvent se faire. Une carte d'assurance-maladie, par exemple, ça sert, d'abord et avant, simplement à prouver que Jacques St-Amant a droit aux avantages du régime d'assurance-maladie. C'est tout. Ça ne prouve même pas, à la limite, que le détenteur de la carte est Jacques St-Amant.

Mme Charest: Vous avez raison, la carte actuelle d'assurance-maladie prouve ça, mais, avec la carte qu'on parle de mettre sur pied, qui comprendrait le dossier médical, c'est autre chose. Et là, là-dessus, je ne suis pas tout à fait certaine que le nom n'est pas nécessaire, parce qu'il y a des suivis, des historiques médicaux qu'il faut pouvoir associer à l'individu comme tel. Mais ça, c'est un autre débat, et je ne veux pas étirer le temps, là.

Mme Vallée (Marie): Oui, mais, même là, on peut le voir déjà dans les dossiers de crédit où il y a quatre Marie Vallée au Québec, où il y en a peut-être deux ou trois qui ont à peu près la même date de naissance. Qui vous dit qu'il n'y aura pas d'usurpation d'identité de dossiers de santé? Peut-être, peut-être pas. On ne le sait pas.

M. St-Amant (Jacques): Et je parlais la semaine dernière avec le Dr Fortin qui a été associé de très près au projet de Rimouski, et, si je l'ai bien compris, il semblait me dire que, essentiellement, par exemple, entre une carte à puce santé et la Régie de l'assurance-maladie, il n'y a pas de nom qui va circuler. Il y a un identifiant, il y a un numéro, sans doute, qui va passer de l'un à l'autre, mais il n'y aura pas de nom, et, en principe, un tiers serait incapable d'associer une transaction à une personne. Alors, il faut faire des nuances.

Mme Charest: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je ne suis pas membre de la commission, mais je prie le consentement des membres pour me permettre d'adresser quelques remarques et questions aux représentants de la FNACQ et de l'ACEF–Centre...

M. Morin (Dubuc): Avez-vous votre carte d'identité?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Plusieurs, semble-t-il.

M. Laporte: Moi, j'ai la mienne puis je peux témoigner que, lui, il est vrai. Ce n'est pas un extra-terrestre, c'est vraiment lui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Ce n'est pas son clone, c'est lui.

M. Copeman: Moi, je trouve que le débat que vous avez lancé est très intéressant, parce que je crois que vous avez mis pas mal le doigt sur la question fondamentale, la question des besoins et des moyens, et, c'est clair, il y a deux types de besoins: les besoins des individus, un peu plus difficiles à saisir... Quels sont nos besoins comme consommateurs en termes de carte d'identité? Vous avez posé la question à la députée de Rimouski. Personnellement, c'est quoi, mes besoins comme consommateur? Moi, je suis bien prêt à répondre: Je n'en ai pas de besoins, moi. J'ai besoin d'une carte pour obtenir des services gouvernementaux, il y en a divers, mais, comme consommateur, pour faire des transactions normales dans ma vie, c'est, quant à moi, plus difficile de cerner les besoins réels.

Il y a les autres besoins qui sont les besoins, comme vous l'avez mentionné, de pratique de gestion, que ce soit dans le privé ou dans le public. Moi, j'aurais plus tendance à les appeler des exigences que des besoins, pour faire une distinction entre l'individu puis la société et le débat sur les moyens. Moi, je pense qu'il ne faut pas sauter des étapes. Il ne faut pas entamer un débat sur les moyens sans vraiment faire le débat sur les besoins et les exigences, parce que la preuve est là, vous l'avez faite, qu'il y a des instances, soit gouvernementales ou dans le privé, qui font des exigences pour lesquelles on ne sait pas à quelle fin, à quoi ça sert. Même vous avez fait référence, Mme Vallée, à votre entrée ici, au parlement, où le préposé à la sécurité – et je ne veux pas soulever un grand débat là-dessus – a pris note soit de votre numéro de permis de conduire ou de votre numéro d'assurance sociale. À quoi ça sert, ça? C'est pour faire quoi? C'est pour, à la suite de difficultés à l'intérieur de la bâtisse, tenter de vous retracer, de me retracer. Et mon collègue le député d'Outremont dirait que c'est pour continuer l'illusion de contrôle. Mais est-ce qu'on a vraiment besoin de faire ça? Je n'en suis pas convaincu. On a besoin de faire des mesures de sécurité, oui, de vérifier si vous portez des armes, vérifier d'autres choses – ça, c'est compréhensible depuis 15 ans – mais, à d'autres fins, ce n'est pas évident.

J'aimerais vous entendre sur deux petites choses peut-être. La question des coûts, vous l'avez soulevée un peu à travers... C'est très intéressant pour moi, le coût d'une éventuelle carte ou d'une série de cartes. Moi, je suis d'accord avec vous, chose certaine, c'est les consommateurs qui vont payer en bout de ligne soit comme contribuables ou comme consommateurs. Alors, si vous pouvez élaborer un petit peu sur la question des coûts. Et, sur la protection des renseignements, qui sait quoi dans notre société? Et est-ce qu'on protège adéquatement les renseignements? Deux petites questions.

M. St-Amant (Jacques): Je vais commencer par votre deuxième question. Je serais tenté de dire: Tout le monde sait tout, sauf les consommateurs qui ne savent rien de ce que les autres savent sur eux, ce qui est un peu déplorable. Sauf qu'on sait qu'il y a des découplages de données qui se font. Et il y a parfois des doubles discours assez étonnants. D'une part, les banques – je m'en excuse, je les aime beaucoup – nous disent de plus en plus: On fait des efforts pour protéger la vie privée, et c'est sans doute vrai. Ça, c'est quand ils parlent au public et aux consommateurs. Mais, il y a quelques mois, quand la Banque Royale s'adressait à des analystes en gestion et en valeurs mobilières, elle leur disait: Écoutez, nous avons une banque de données sur 2 000 000 de nos clients, et c'est une richesse incalculable pour faire du marketing. Étrange. Bon, alors, oui, il y a des entreprises et des organismes publics qui savent de plus en plus de choses. Avec, malheureusement, la porte de grange que l'Assemblée nationale a ouverte en juin dernier au ministère du Revenu, il y a des organismes publics, entre autres, qui vont en savoir de plus en plus, parce que, dans ce cas-ci, on a ouvert la porte de la grange. Avec le projet de loi n° 32, on a ouvert la clôture puis on dit: Il n'y a pas de problème, on a mis une petite bride sur le cou du cheval. Je n'ai pas hâte de voir ce qu'il va arriver, mais enfin.

Pour revenir à votre première question, les coûts, parlons d'une carte à puce. Les évaluations varient entre 10 $ et 20 $ la carte juste pour le bout de plastique puis le petit bout de métal dedans. Ajoutez à ça que, si on veut mettre une photo dessus, il y a des coûts, hein? Après ça, il faut saisir les informations. Je veux juste vous donner une idée de la façon dont on procède en France actuellement, quand on veut obtenir sa carte d'identité, et c'est un extrait d'une revue d'une association de consommateurs français que nous avons rencontrée il y a quelques semaines et c'est un numéro tout récent. Donc, il faut que le demandeur présente un extrait d'acte de naissance avec filiation complète. Il faut qu'il présente deux justificatifs différents de domicile, deux photos récentes pour obtenir sa première carte, à tout le moins. De toute évidence, il y a des démarches à faire là. De toute évidence, il y a des préposés quelque part qui ont à prendre le temps d'étudier le dossier, de saisir les données, et il y a des coûts. Si on veut avoir une carte à puce qui soit fonctionnelle, efficace...

Une voix: Sécuritaire.

M. St-Amant (Jacques): ... – sécuritaire accessoirement, mais là n'était pas mon propos – on va la brancher à un réseau. Il va falloir qu'il y ait quelque part des terminaux dans lesquels on va rentrer cette carte-là. Il va falloir combien de terminaux au Québec pour qu'une carte soit utile, efficace? Tout le réseau de la santé? Peut-être les écoles, les cégeps, etc.? Peut-être certains commerces, tous les commerces? Il faudrait voir l'impact qu'elle aurait. Ça en fait des terminaux, ça. Il y a quelqu'un devant vous – je pense que c'est M. Thivierge – qui disait qu'un terminal pour une carte, ça ça coûte 85 $ pièce. Ça finit par faire des sous.

(11 h 10)

Quand je porte un autre chapeau, je rencontre notamment des gens de l'entreprise privée qui sont en chicane, actuellement, avec les banquiers parce que les banquiers multiplient les types de cartes: carte de crédit, carte débit, carte à puce – expérimentée à certains endroits – et les détaillants, entre autres, disent aux banquiers: Écoutez, ça nous coûte une fortune pour acheter ou louer vos damnés terminaux, pour avoir des lignes téléphoniques pour chacun des terminaux ou alors, sinon ça ne fonctionne pas parce que, moi, je veux faire une transaction à ma caisse, mais ma collègue en fait une à l'autre caisse, et le client est mécontent. Ça coûte très, très, cher. En Grande-Bretagne, on a commencé à envisager un truc comme ça, et on parlait d'un coût qui dépasserait le 1 000 000 000 $. En Australie, quand on a regardé l'idée d'une carte d'identité, au milieu des années quatre-vingt, l'Association des banquiers australiens évaluait que, pour implanter un truc comme ça, ça leur coûterait à peu près 100 000 000 $ par année pendant 10 ans pour s'adapter. Question accessoire: La société québécoise et canadienne a-t-elle les moyens de se payer une carte? Bien, il y a le budget bientôt, hein?

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et ACEF–Centre de Montréal de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant le Groupe d'éthique appliquée du collège de Chicoutimi à s'approcher de la table des délibérations.

Alors, nous avons jusqu'à midi ensemble, puisque la commission doit ajourner ses travaux à midi. Normalement, vous avez entre 15 et 20 minutes pour faire votre exposé, et la même chose pour chacun des groupes parlementaires pour discuter avec vous de votre présentation. Alors, si vous voulez vous identifier – je ne sais pas qui est le porte-parole en chef parce que je vois que les noms ont changé – et présenter les gens qui vous accompagnent.


Groupe d'éthique appliquée du collège de Chicoutimi

M. Ringuet (Jean-Noël): Alors, M. le Président, je vous remercie de votre invitation. Mon nom est Jean-Noël Ringuet. Je suis professeur de philosophie et je suis le secrétaire du Groupe d'éthique appliquée. Je vais vous présenter les membres de mon groupe: à ma gauche, vous avez M. Marcel Melançon, professeur de philosophie, qui est également coordonnateur du Groupe et quelqu'un qui est bien connu pour ses travaux en bioéthique; à ma droite, vous avez Mme Micheline Simard, qui est professeure d'informatique. Et nous sommes accompagnés de deux autres membres du Groupe. Derrière nous, M. Hugues Bouchard, qui est professeur de philosophie et avocat. Je pense que, aujourd'hui, dans le domaine du droit comme dans le domaine de la politique, il est bon d'avoir deux cordes à son arc. C'est ce que les jeunes avocats vivent présentement. Donc, il est avec nous en philosophie. Et vous avez aussi Mme Michèle Noël, qui est professeure de techniques de laboratoire médical.

Comme vous avez pu le constater, le Groupe d'éthique appliquée a une composition multidisciplinaire. Il existe depuis environ un an – on est un très jeune groupe – et on s'intéresse plus particulièrement aux problèmes d'éthique relatifs aux biotechnologies, à la recherche en génétique, à l'expérimentation médicale impliquant des sujets humains ainsi qu'aux questions relatives à la confidentialité, à la vie privée posées notamment par le développement des nouvelles technologies dans le domaine des communications et de l'information.

Je tiens à vous souligner que nous sommes particulièrement sensibles à ces enjeux au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Vous n'êtes pas sans ignorer la prévalence de certaines maladies héréditaires qui font de notre région un territoire fort convoité dans le domaine de la recherche en génétique. C'est dans notre région, d'ailleurs, que s'est constitué un important fichier de population qui est utilisé en génétique sous l'égide de l'IREP – ça veut dire l'Institut interuniversitaire de recherche sur les populations – puis ça ne va pas sans poser, on vous l'avoue, de sérieuses préoccupations auxquelles nous nous intéressons de près comme groupe et comme individus en ce qui concerne, notamment, la confidentialité des renseignements génétiques sur les personnes et leur famille. D'ailleurs, si vous avez des questions à ce sujet tout à l'heure, M. Melançon, qui a une expertise particulière dans le domaine, pourra répondre à vos questions touchant la recherche génétique et les fichiers de population.

Considérant notre champ d'intérêt, vous comprendrez donc que les enjeux de la présente consultation ont attiré notre attention et que, après avoir pris connaissance du document de consultation, nous avons souhaité réagir non pas comme des experts techniques ou gestionnaires, mais tout simplement comme des citoyens ordinaires – bon, avec l'avantage, peut-être, d'une formation particulière – qui sont soucieux du maintien d'une société où il fait bon vivre pour tout le monde. C'est la préoccupation fondamentale au coeur de toute éthique – c'est notre nom – et c'est dans cette perspective que nous vous soumettrons nos considérations.

Nous partons du point de vue que, en démocratie, l'État est une émanation de la volonté générale des citoyens. Notre formation en philosophie nous a amené ça, Jean-Jacques Rousseau. C'est le produit d'un pacte entre des individus libres qui cèdent une partie de leur liberté pour s'assurer mutuellement une sécurité. Mais une sécurité pour quoi? Une sécurité pour mieux exercer notre liberté. En d'autres mots, nous postulons que l'État – ça va être notre postulat – étant au service des citoyens, il appartient aux citoyens de contrôler l'État, et non l'inverse. Nous reconnaissons, bien sûr, la nécessité que, pour assurer le bien commun, l'État impose des contraintes à l'action individuelle, mais ces contraintes ne sont légitimes que si elles sont essentielles à l'exercice maximal des libertés pour tout le monde. Donc, les questions au coeur de notre réflexion, ça se pose à un certain niveau, considérant notre orientation, mais ça a plutôt été de l'ordre suivant: Pourquoi cette consultation maintenant? En quoi le bien commun est-il compromis avec les moyens actuels dont dispose l'État? Les difficultés d'assurer le bien commun sont-elles suffisamment graves pour justifier de nouvelles exigences d'identification de la part des citoyens et, donc, une diminution ou une réduction des libertés dont ils jouissent présentement?

Je vais vous présenter notre mémoire, mais en parallèle, sans le lire, tout simplement en faisant ressortir les principales idées en relation avec les questions que je viens de poser. Notre mémoire s'arrête d'abord au contexte actuel et décrit en quoi – et vous connaissez déjà la situation très bien, je ne m'y attarderai pas – la révolution technologique de cette fin de siècle soulève des problèmes sérieux quant au respect de la vie privée des citoyens, leur droit à la confidentialité. Certains disent même que ça va être les enjeux majeurs du début du XXIe siècle.

En ce qui concerne les raisons de cette consultation, nous faisons l'observation que nous sommes dans une conjoncture où l'État tend à se dégager de responsabilités, notamment à l'égard des moins privilégiés de la société, à un moment où le chômage chronique en accroît le nombre et nous sommes conscients que cette situation peut rendre tentant le recours à des nouvelles technologies, dont, d'ailleurs, le chômage accru est en parti dérivé, pour contrôler l'accès aux services et éviter la fraude. Ce sont des justifications de ce genre, d'ailleurs, qui ont fait modifier – si on comprend la situation – le printemps dernier, avec la loi n° 32, les règles d'éthique qui avaient été convenues dans la loi d'accès à l'information publique en 1982. Depuis, on sait, tout le monde, que le ministère du Revenu peut recueillir, dans les banques de données des différents organismes gouvernementaux, des renseignements personnels sur les citoyens et les utiliser à des fins tout autres que ce pourquoi elles avaient été ramassées et recueillies. Et ça, c'était un des principes qui était sacré lorsque le débat sur la loi d'accès avait été fait en 1982.

Nous relevons aussi les circonstances particulières qui ont relancé le débat sur la carte d'identité. On sait que c'est un débat récurrent au Québec, mais, cette fois-ci, il se pose dans une conjoncture particulière, entre autres, notamment, les résultats extrêmement serrés du dernier référendum, les doléances du Directeur général des élections suite à ce référendum quant à l'absence d'une carte d'électeur et, il faut le reconnaître, l'éventualité d'une nouvelle consultation sur le même sujet.

Enfin, toujours dans notre mémoire, nous remarquons le foisonnement de projets de toutes sortes, relatifs à l'établissement d'un guichet unique, au recours à des cartes avec ou sans puces, intelligentes ou pas, multiservices ou non, qui semblent envisagés avec beaucoup d'enthousiasme dans certains secteurs de l'administration publique.

(11 h 20)

Toujours dans notre mémoire, nous faisons aussi l'observation que, malheureusement, selon nous, le document de consultation de la Commission d'accès à l'information est beaucoup plus centré – on entendait des observations analogues tout à l'heure – sur les moyens que sur les fins recherchées par cette consultation. Cela, d'ailleurs, explique le titre de notre mémoire, et je cite: La carte d'identité: une solution en quête de problèmes?

Les citoyens sont, de façon très générale, capables de comprendre des discussions qui identifient clairement certains grands enjeux, qui parlent d'orientations, de principes, de valeurs – on l'a vu il n'y a pas longtemps avec les états généraux sur l'éducation – mais ils se sentent évidemment beaucoup moins à l'aise lorsque la discussion ne porte que sur des moyens techniques. Il est difficile de rejoindre le monde ordinaire lorsqu'une discussion est surtout à caractère technique même si le sujet concerne grandement les citoyens. Malgré tout ça, nous avons cru opportun de présenter sans prétention un point de vue de non-spécialistes sur les alternatives qui sont proposées par le document de consultation. Je rappelle les questions: Est-ce qu'il faut une carte d'identité obligatoire ou facultative, ou recourir aux cartes existantes comme carte d'identité, ou encore maintenir le statu quo? Nous avons tenté d'y répondre, mais en fonction d'un intérêt principal, c'est-à-dire de l'intérêt des citoyens, du moins tel que nous le comprenons d'un point de vue éthique, et nous en sommes venus à l'évaluation suivante en ce qui concerne la carte d'identité obligatoire.

Une carte d'identité obligatoire est sans doute le choix le plus contraignant au chapitre des libertés civiles. Là où elle existe, c'est essentiellement un moyen de contrôle des citoyens par les représentants de l'État, que ce soit à des fins d'immigration, de contrôle des déplacements intérieurs, des fins de service militaire, des fins de contrôle des réunions, des manifestations, ainsi de suite. Là où elle existe, la carte d'identité obligatoire est généralement exigible en tout temps, et son absence ou sa perte, pour un usager, crée de sérieux inconvénients. Quant au rapport coûts-bénéfices, son efficacité n'est pas démontrée. Une partie infime des fraudes contre l'État est attribuable à des usurpations d'identité ou de personnes. Selon l'organisme Privacy International, qui donne des chiffres, d'ailleurs, qu'on a reproduits dans le mémoire, la présence d'une carte obligatoire n'a pas, non plus, d'impact significatif dans la lutte contre le crime organisé, sans compter que, plus elle est exigible, plus elle a de valeur au niveau des contrefaçons et que toutes les contrefaçons sont possibles, même avec les technologies les plus modernes. En conséquence, ça peut même devenir un investissement intéressant pour des organisations criminelles.

Puis, enfin, il ne faut pas oublier que le débat qui est amorcé ici a eu lieu dans des pays démocratiques au cours des dernières années, comme en France, en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Pays-Bas, aux États-Unis, puis ces pays-là, il est bon de se rappeler qu'ils ont soit abandonné complètement l'idée d'une carte ou encore qu'ils ont opté pour l'idée d'une carte facultative. Bref, si on fait le bilan de la carte d'identité obligatoire, ça nous semble un moyen peu susceptible d'améliorer la gestion du bien commun et ça représente surtout des inconvénients pour les citoyens.

Quant à la carte facultative, deuxième option sur laquelle on nous demandait de nous prononcer, ça peut sembler un juste milieu parmi les options qui sont proposées dans le document de consultation, mais sa pertinence pose aussi problème. Si, comme son nom l'indique, «facultative», elle ne peut être exigible par l'État, quelle en sera l'utilité publique? Comment justifier les dépenses, somme toute importantes, qu'il faudra engager dans sa production, sa mise à jour, la tenue, l'administration d'un registre de population? En quoi est-elle vraiment nécessaire de façon significative pour les transactions privées, là, présentement, où, déjà, le recours à des cartes sans identifiant se généralise de plus en plus et prend le pas sur l'usage, par exemple, des formules de chèques personnels? En quoi une carte avec adresse et photo pourra-t-elle être utilisée dans le domaine des transactions électroniques sur l'autoroute?

Lors d'audiences antérieures – on a suivi un peu les développements pour ne pas être trop redondant. Vous nous excuserez. Quand même, il y a des choses qui sont inévitables – le directeur de l'État civil présentait comme argument que la carte facultative avec quelques renseignements de base pourrait être une première étape vers une carte plus versatile. Même argument étapiste de Bell Canada qui proposait une carte à microprocesseur à usage limité dans un premier temps; microprocesseur, par la suite, sur lequel il y aurait de la place pour rajouter infiniment d'autres informations. Alors, cela, à notre avis, ne fait que confirmer des observations à l'effet que, là où la carte facultative existe, il y a une tendance croissante à l'exiger comme condition d'accès aux services publics et privés. Il serait pour le moins contestable au plan de l'éthique – si vous nous permettez ce jugement – qu'on présente au citoyen comme facultatif ce qui risque grandement de devenir obligatoire ou, pire encore, ce qu'on a l'intention de rendre éventuellement obligatoire. Pour toutes ces raisons, nous n'adhérons pas à l'idée d'une carte facultative.

Quant au recours aux cartes présentes, troisième option proposée par le document de consultation. Donc, pour le recours aux cartes présentes comme carte d'identité, il faudrait évidemment modifier les lois existantes qui n'en prévoient l'utilisation qu'à des fins spécifiques. Or, comme la seule carte détenue par tous les citoyens du Québec est celle de la Régie de l'assurance-maladie, il y a de fortes chances que celle-ci devienne la carte exigible dans toutes les transactions avec l'État et que, en conséquence, ça devienne l'équivalent d'une carte d'identité obligatoire.

Dans la plupart des discussions qu'elle suscite, la question des cartes d'identité ouvre sur le problème de la gestion des renseignements personnels par l'État et des échanges croissants entre services gouvernementaux de ces renseignements. Puis là la question qu'on a, c'est: Est-ce que ce n'est pas là le véritable enjeu? Le Protecteur du citoyen a exprimé publiquement et fortement ses préoccupations sur la gestion des bases de données, parlant même de «Big Brother». Le Vérificateur général a fait un bilan inquiétant, dans son dernier rapport, du laxisme entourant l'accès aux dossiers personnels et les échanges d'information entre les organismes publics. La Commission d'accès à l'information elle-même a fait des allégations fort troublantes sur le marché noir qui existerait autour de la vente de ces renseignements. En ce qui nous concerne, nous jugeons que la loi n° 32, adoptée l'an dernier sans véritable débat public, constitue une rupture du contrat social qui était inhérent à la loi d'accès de 1982. Pour des raisons d'ordre purement économique, l'administration publique, l'État s'est soustrait aux règles sur la collecte et l'utilisation de renseignements personnels auxquelles est astreint – à bon droit d'ailleurs, nous le reconnaissons – tout le corps social. En effet, si la vie privée n'est pas pour l'État un bien plus précieux que des considérations économiques, pourquoi est-ce que ça le serait plus pour les organismes de la société et pour les individus? Vous comprendrez donc que, vue dans ce contexte, la question d'une carte d'identité universelle nous apparaisse plutôt secondaire. Elle aurait sans doute eu beaucoup plus de sens – je parle de la consultation – si elle avait été abordée dans un contexte plus large, sur une problématique, par exemple, du genre: Pour quel motif l'État peut-il, dans l'exercice de sa responsabilité d'assurer le bien commun, faire exception au droit fondamental des citoyens à la vie privée et à la confidentialité des renseignements les concernant? Ça, ça nous semble la question de fond.

En conclusion, pour toutes ces raisons, parmi les solutions envisagées dans le document de consultation, nous estimons que le statu quo, la dernière option, malgré les inconvénients qu'il peut représenter au plan de l'efficacité technocratique, constitue le moindre mal tout en permettant de concilier la mission de l'État avec les droits fondamentaux de ses mandataires. Le bien commun n'est pas suffisamment en danger pour justifier une réduction des garanties des citoyens à la vie privée. Nous souhaiterions que cette consultation ne soit que la première étape d'une réflexion beaucoup plus large sur les balises auxquelles devrait être soumis l'État dans la gestion des renseignements personnels des citoyens dont il est, après tout, au service. Merci de votre attention. Il nous fera plaisir d'entendre vos commentaires et de répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

(11 h 30)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour la présentation de votre mémoire qui est fort intéressant et bien documenté aussi et qui fait appel à l'éthique, comme vous dites. D'ailleurs, vous êtes des spécialistes dans ce domaine-là. J'étais content de vous entendre, tantôt, dans votre introduction, dire que vous êtes une clientèle ciblée, parce que, si vous avez suivi un peu nos travaux soit sur Internet ou sur autre moyen de communication, vous avez sûrement vu que j'avais questionné la Conférence des régies régionales de la santé mardi de cette semaine, et, dans la présentation de leur mémoire, on nous parlait de suivi des clientèles et on nous donnait l'argumentation que c'était pour le bienfait de l'administration et que ça pouvait aider le côté administratif. Et je ne veux pas leur prêter de mauvaises intentions, là, mais pense qu'ils se sont sentis un petit peu mal à l'aise face à mes questions. Et je leur avais demandé si c'était possible, entre autres, que vous parliez des maladies héréditaires dans votre région. Est-ce que c'est possible, j'avais demandé, que vous ayez ciblé des clientèles, que vous ayez des résultats ou que vous ayez des études sur ce dossier-là ou, peut-être, éventuellement, faire des études avec les banques de données que vous avez déjà? C'est la question que j'avais posée à la Conférence des régies régionales, et on m'a répondu que, oui, c'était possible de le faire. Est-ce que vous avez vérifié si on l'avait fait dans le cas de différents types de maladies, entre autres, qui caractérisent un petit peu votre région – je ne suis pas un spécialiste, là, dans ces domaines-là – au niveau du code génétique, entre autres? Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas dans ma région aussi, mais je sais que vous êtes une clientèle un peu ciblée à ce niveau-là, et, d'ailleurs, vous l'avez dit tantôt. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Ringuet (Jean-Noël): Je vais répondre en partie à votre question, puis je vais donner la parole à M. Melançon par la suite. Je fais partie d'un comité d'éthique de la recherche sur les projets de recherche au Saguenay–Lac-Saint-Jean touchant l'expérimentation des médicaments et également les maladies héréditaires, et, donc, la réponse à votre question, c'est: Oui, il se fait de la recherche. Il y a des sommes considérables qui sont investies présentement, notamment du côté des maladies héréditaires, parce que, au Saguenay–Lac-Saint-Jean – en passant, il n'y a pas de problème de consanguinité chez nous, c'est à cause d'un effet fondateur – il y a certaines maladies qui sont plus prévalentes qu'ailleurs, puis l'historique de la population est bien documenté. Donc, pour les chercheurs, ça représente un intérêt. Donc, la réponse, c'est oui. Il y a des recherches qui se font. Il y a des clientèles qui sont ciblées. Il y a des informations qui sont ramassées, des prélèvements biologiques qui sont faits, des bases de données qui sont construites, qui sont utilisées.

En ce qui concerne la nature des fichiers...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste un petit détail: Est-ce que vous étiez au courant que la Conférence des régies régionales de la santé pouvait avoir la banque et pouvait aller vérifier dans une banque de données x au niveau du suivi?

M. Ringuet (Jean-Noël): Non, ça, je n'étais pas au courant. Je ne sais pas si c'est le cas, puis...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): On m'a répondu que c'était possible.

M. Ringuet (Jean-Noël): Bon, O.K. Peut-être que, à des fins de recherche, c'est possible, mais, là-dessus, je vais laisser la parole à M. Melançon qui s'y connaît un peu plus que moi sur la question.

M. Melançon (Marcel): Merci. J'étais, vendredi passé, sur une commission parlementaire fédérale à peu près similaire à celle-ci – c'était un comité sur les droits de la personne – et la même préoccupation de l'ordre de l'information génétique a été soulevée. Les médias ont fait largement état du fichier de population. Il faudrait bien s'entendre avant d'en venir à votre question. Qu'est-ce que ça signifie? C'est un registre d'État civil qui a commencé dans les années soixante-dix, d'abord pour des raisons d'ordre historique, pour faire l'histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ça s'appelle le fichier BALSAC, qui n'a rien à voir avec Honoré de Balzac, là, mais c'est un acronyme pour Saguenay–Lac-Saint-Jean, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord. D'après ce qu'on m'a dit, les renseignements qu'on détient, il y aurait au moins 3 000 000 de pièces et les généalogies d'à peu près toutes les familles sont recensées jusqu'en 1800... le siècle dernier. Jusque-là utilisées pour des fins sociologiques et des mouvements de population, ça va, mais, cependant, relativement vite – donnez-moi un an ou deux d'erreur – il y a une dizaine d'années, l'application de ce fichier à des fins médicales – et c'était sur tous les journaux – est apparue.

Aujourd'hui, avec le raffinement et la sophistication des tests génétiques de la biologie moléculaire, de moins en moins, ce fichier sera utile, et certains généticiens vont vous dire: Je n'en ai même pas besoin de ce fichier-là. Quel est le rapport avec le point qui est ici ce matin? Je vais faire très brièvement. C'est que vous avez dans une famille, appelons-le Pierre, qui est atteint de fibrose kystique. Ça signifie que Marie, Arthur puis Joseph, ses frères et soeurs, sont tous à risque d'être porteurs. Et ça signifie que, s'il est atteint, le père et la mère, un des deux porteurs obligatoires et en ligne collatérale... Bref, à la différence – et ceci, je crois que c'est important pour vous autres – de toute autre information médicale infectieuse, par exemple, l'information génétique sur quelqu'un me donne des informations sur sa famille. Si vous dites, par exemple: J'ai un enfant qui est atteint de fibrose kystique, je vous dis: Ça vient de votre côté, monsieur ou madame. Tous les cousins, cousines sont, en réserve, porteurs du gène, et, comme c'est une maladie récessive... Bon, je n'entrerai pas dans des choses compliquées, mais, de toute manière, ça me donne de l'information. Un fichier comme ceci – puis je vais terminer là-dessus parce qu'il peut y avoir d'autres questions – on dit qu'il est très bien préservé par des codages et le reste, mais il y a un certain nombre de risques au moins beaucoup potentiels. J'écoutais ceux qui nous ont précédés ce matin, et les banques, les employeurs sont friands de tels renseignements. Si, par exemple, le monsieur qui est devant moi, je dis que je vais lui payer son doctorat, son postdoctorat, que je vais investir sur lui pour prendre la relève, supposons, de ma compagnie, bien, j'ai besoin d'avoir certains renseignements génétiques, et, si autour de 45 ans, il est pour développer la maladie de Huntington ou faire du Alzheimer, je ne veux pas me mêler de ça. Et, j'envoie ceci en vrac, je pense que s'il sortait de cette commission, ici, ce que la Belgique a fait en 1992, je crois, une loi interdisant l'accès aux tests génétiques de l'employeur et de l'assureur...

Et, un autre élément qui est très important aussi, ce fichier central est d'ordre civil – actes de naissance, de décès, de mariage – et, pour utiliser toute autre pièce, renseignement personnel jugés utiles, alors, à ce moment-là, il faudrait qu'il y ait une certaine limitation – on dit qu'il y en a – et puis il faudrait peut-être inviter des gens qui sont de là-bas. Il est propriété de l'Université du Québec à Chicoutimi, mais il est utilisé – et c'est le dernier élément de mon intervention – par des pédiatres et diverses institutions, même décodé. Il peut exister une généalogie familiale à l'hôpital de Chicoutimi, la même à l'hôpital Sainte-Justine, où l'enfant se fait suivre, tout ceci est décodé, et à l'UQAC, dans le fichier, il y a au moins 19 fichiers parallèles avec lesquels on établit des passerelles avec le fichier central pour faire ces généalogies-là. Il reste des copies, et, même codées – je ne dis pas que c'est mal utilisé et je ne voudrais pas me faire mal interpréter – ce que ça signifie, c'est que c'est un potentiel de risque énorme pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean, Côte-Nord. Et le fichier est étendu – vous avez vu ça l'été dernier dans les journaux, des subventions gouvernementales ont été données, les grands conseils, etc. – au Bas-Saint-Laurent, et, éventuellement, l'objectif serait le Québec. Bref, ça serait un excellent tronc ou structure sur lequel d'éventuels gouvernements pourraient mettre d'autres fichiers, et c'est ça qui est le danger potentiel. Je ne dis pas qu'il est réel, il est potentiel. Merci.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci. Juste une petite parenthèse. Je veux bien préciser que, lors de l'audience de la Conférence des régies régionales de la Santé, on ne nous a pas répondu qu'on avait une banque, mais on nous a répondu que c'était possible d'avoir un suivi. Je pense qu'il faut...

M. Melançon (Marcel): À la Régie?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui.

M. Melançon (Marcel): Je n'appartiens pas à la Régie...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non, je comprends.

M. Melançon (Marcel): ...mais il n'est pas impossible que la Régie fasse affaire avec le fichier de population...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Exact.

M. Melançon (Marcel): ...utilisé à des fins...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): De recherche.

M. Melançon (Marcel): ...médicales de recherche.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

(11 h 40)

M. Laporte: Oui. Je vous remercie beaucoup de votre présentation, de cette excellente présentation qui, d'ailleurs, a l'avantage exclusif d'être contextualisée, parce que vous traitez d'un problème général, mais vous en faites une évaluation à partir d'un contexte régional très particulier. Ce que vous venez de dire au sujet du Lac-Saint-Jean, je pense que c'est très important. Évidemment, je partage entièrement vos opinions. J'ai moi-même, disons, des explications, des réponses à fournir aux questions que vous avez posées au début, c'est-à-dire pourquoi on se pose cette question-là à cette étape-ci, mais je laisserai au président de la commission le soin de vous expliquer pourquoi. Tout ce que je veux vous dire, c'est que vous n'êtes pas sans ignorer qu'au Québec il y a une dynamique de construction étatique. Donc, ça s'inscrit un peu là-dedans, quoi.

Mais ce que vient de dire le dernier intervenant est aussi très intéressant. Enfin, moi ça m'éclaire beaucoup parce que, si on veut essayer de comprendre, disons, quelles sont, un peu, les finalités de ce projet d'une carte d'identité au Québec ou ailleurs, ce n'est pas seulement à partir d'une analyse du comportement de l'État, mais aussi d'une analyse d'un phénomène plus général qui est celui que vous avez décrit, c'est-à-dire le triomphe de la rationalité instrumentale et l'énorme importance que prennent, dans nos sociétés contemporaines, les analyses de risque en termes de rentabilité financière. Vous le dites: Une entreprise aura-t-elle intérêt à me financer un postdoc en pharmacologie si elle avait des informations qui lui permettraient de savoir que, moi, à l'âge de 45 ans, au moment où je serais le plus productif dans ma carrière, je deviendrais «berserk», ou «kaput», ou malade d'une maladie génétique ou d'une maladie, disons, incapacitante? Donc, à ce moment-là, au nom de la rentabilité financière, on voit là une information dont l'enjeu est extrêmement profitable ou extrêmement pertinent pour l'entreprise en question, et, compte tenu du fait que mes contributions scientifiques vont peut-être être faites à l'âge de 33 ans... Écoutez, Markowitz, qui a découvert toute la nouvelle théorie financière, il l'a découverte au moment de faire son Ph.D., à Chicago, à l'âge de 22 ans. Donc, s'ils veulent me financer un postdoc à 26 ans, je vais peut-être faire mes découvertes à 29 ans. Donc, qu'est-ce que ça peut leur foutre de savoir qu'à 45 ans je vais faire du Alzheimer? Je leur aurai rendu leur argent bien avant de devenir Alzheimer de toute manière. Donc, ils n'ont pas besoin de savoir ça. O.K.?

Là où j'ai vraiment une réserve à l'égard de ce que vous dites, c'est qu'il me semble que vous acceptez peut-être un peu trop facilement la dernière solution qui est celle du statu quo. Il faudrait peut-être qu'on en vienne aussi à faire une interrogation évaluative sur les pratiques actuelles, sur le statu quo pour se redemander si le statu quo est vraiment la solution la plus souhaitable dans le contexte d'une problématique des rapports entre l'État et les citoyens, les entreprises et les citoyens. Parce que je pense que c'est ça qui est sorti de votre présentation, c'est que l'acteur qui est questionné ici, là, ce n'est pas seulement l'acteur étatique, c'est l'acteur organisationnel. Les organisations sont mues par la même logique, finalement. Qu'il s'agisse de l'État, c'est une logique bureaucratique, une logique instrumentale, une logique de rentabilité financière. Il ne faut pas être dans l'époque actuelle de gestion de la dette, là, pour ne pas s'interroger sur la question. L'État fonctionne de la même façon que les grandes organisations bureaucratiques et techniques fonctionnent.

Donc, je me dis: Est-ce qu'il ne serait pas, malgré tout, opportun de questionner le statu quo actuel, de se demander, coudon, ce qui se passe dans nos bureaucraties, ce qu'ils sont en train de faire avec l'information dont ils disposent, là? Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, moi, en tout cas, je le répète, j'ai des réserves même à l'égard du statu quo. Alors, vous imaginez que je partage entièrement vos réserves sur la carte obligatoire, la carte facultative, la carte universelle, la carte machin, enfin toutes les cartes dont on peut parler, mais j'ai trouvé que votre ralliement au statu quo – vous êtes des philosophes, vous êtes des universitaires – me paraissait un peu, comment dirais-je... Bien, ça me désappointait un peu, quoi.

M. Ringuet (Jean-Noël): On vous laissait sur votre faim. C'est ça.

M. Laporte: Alors, je voudrais avoir votre réaction là-dessus.

M. Ringuet (Jean-Noël): D'accord. Je pense que vous avez raison de dire que, bon, il y a un acteur organisationnel qui est derrière tout ça. Au début de la consultation, on n'avait pas les éléments d'information et on se posait la question: Pourquoi cette consultation-là? Puis, finalement, ça a été extrêmement éclairant de suivre les débats sur Internet. C'est qu'on a réalisé qui avait la préoccupation des cartes. On a réalisé que c'étaient essentiellement des représentants des organismes de la gestion. En fait, c'est les gens qui sont préoccupés de moyens qui sont venus parler ici en faveur de la carte d'identité. Si on regarde l'essentiel des interventions – le Secrétariat de l'inforoute, la Direction générale de l'état civil, ainsi de suite, l'association des gestionnaires qui s'intéressent à l'information publique, qui sont passés dans les premiers jours – on se rend compte que c'est presque essentiellement des gens qui travaillent au niveau des moyens qui sont venus faire des représentations là-dessus. Et là, là-dessus, je partage votre analyse, effectivement, c'est un débat de moyens, parce que probablement que le problème, il a été exprimé à partir des gens qui s'occupent de moyens.

Mais qui s'occupe des fins? Peut-être que c'est leur travail, eux autres, d'exprimer les choses en termes de moyens. Les fins, c'est vous qui en êtes les maîtres, et, à ce moment-là, je pense qu'il ne faut pas s'attendre que ce soit à eux de définir des fins, mais c'est aux citoyens puis à leurs représentants de déterminer les fins et à eux, ensuite, de déterminer les moyens qui vont être nécessaires pour arriver à ces fins-là. Donc, dans une certaine mesure, je trouve que la façon dont la consultation a été amorcée, ça aurait peut-être besoin de déboucher sur autre chose. Et, en ce sens-là, on disait le statu quo, mais on ne parlait que de la question de la carte d'identité et on disait que le débat doit s'ouvrir sur quelque chose de plus large, parce que le véritable problème, il est sur les principes qui doivent régir la gestion des renseignements personnels des citoyens par l'État avec tout le potentiel que contiennent les nouvelles technologies. Et là on aurait un débat sur les fins, et je pense que, comme citoyens, il y aurait beaucoup plus de gens qui se sentiraient capables de comprendre, peut-être, les enjeux puis d'exprimer leur perception.

M. Laporte: Juste un commentaire. Vous savez que mes collègues d'en face ont dans leur équipe un ministre des Finances, du Développement économique et de je ne sais trop quoi d'autre qui passe continuellement son temps, à l'Assemblée nationale, à nous dire que, en toute chose, il faut s'interroger sur la fin. Alors, voilà. Ils n'auront qu'à suivre l'exemple de l'honorable Landry.

M. Beaulne: Il est ministre des Finances de tout le Québec, pas des gens d'en face.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. le député de...

M. Laporte: Il n'y a jamais moyen d'avoir raison.

Le Président (M. Garon): ...Chomedey.

M. Mulcair: Oui, M. le...

M. Ringuet (Jean-Noël): ...Aristote. Les causes finales.

M. Mulcair: Je tiens, à mon tour, à remercier les représentants du Groupe d'éthique appliquée du collège de Chicoutimi et je trouve fort intéressante l'existence même du Groupe. Pour avoir travaillé dans un domaine où cela était un sujet constant de préoccupation, lors de mon séjour comme président de l'Office des professions du Québec, j'ai toujours trouvé qu'il y avait une absence d'expertise dans ce domaine de l'éthique. Alors, je vous félicite. Continuez à travailler là-dedans. C'est fort intéressant.

Je voulais tout simplement, M. le Président, faire remarquer que – je m'excuse d'avance si jamais je vole le titre de votre texte, mais je vous avoue qu'il est impeccable: La carte d'identité: une solution en quête de problèmes? – c'est le constat qui se dégage de très nombreuses présentations qui sont faites devant cette commission, puis même des gens qui arrivent heureux, très enthousiastes à l'idée d'instaurer ce nouveau moyen d'identification. Comme hier, on avait des gens de toute bonne foi, aucune raison de douter de leurs motifs, mais ils disaient: Oui, on peut faire ça. Puis c'est des gens qui travaillent dans des technologies. Donc, pour eux, c'est passionnant: Voici ce qu'on est capable de faire aujourd'hui. Mais on leur disait: Oui, mais c'est la réponse à quelle question? Tu sais, c'est la solution de quel problème? Et ils étaient incapables de nous dire autre chose que, très généralement, ça va assurer des meilleurs services pour les citoyens. Mais j'ai dit: Où? Quand? Comment? Pourquoi? Où est-ce qu'il manque des services à l'heure actuelle? Et là ils n'étaient pas capables de donner un seul exemple. J'ai trouvé ça intriguant. Et, donc, ça tombe dans... Et là je m'excuse d'avance si je vole un peu les droits d'auteurs, mais je trouve le titre impeccable.

Une voix: C'est du bien public.

M. Ringuet (Jean-Noël): J'aimerais spécifier que c'est une citation.

M. Mulcair: O.K.

M. Ringuet (Jean-Noël): C'est une citation que j'avais trouvée dans la documentation de Supremacy International. Je ne voudrais pas m'attribuer une expression qui ne vient pas de moi.

M. Mulcair: D'accord.

M. Ringuet (Jean-Noël): Elle était en anglais, et j'ai trouvé que ça rendait compte... C'est pour ça que je l'ai mise entre guillemets, d'ailleurs, c'est qu'elle n'est pas de moi. Mais elle cadre donc bien...

M. Mulcair: Parce qu'elle est très drôle...

M. Ringuet (Jean-Noël): ...avec ce qu'on pensait. Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...et elle tombe à point nommé dans ce débat.

M. Ringuet (Jean-Noël): Oui.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole du Groupe d'éthique appliquée du collège de Chicoutimi de leur contribution aux travaux de cette commission et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures, après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Garon): Comme nous avons quorum, la commission reprend ses travaux. On me dit que les ordres de la Chambre viennent d'être donnés. Alors, maintenant, nous allons entendre le Conseil des responsables de l'informatique du secteur public, CRISP. Nous avons une heure ensemble, c'est-à-dire, normalement, 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes pour chacun des partis ministériels pour discuter avec vous de votre mémoire. Si vous prenez plus de temps, bien, ils auront moins de temps. Si vous en prenez moins, ils pourront se prévaloir du temps que vous n'aurez pas pris pour commenter ou discuter avec vous davantage le mémoire.

Alors, ici, j'ai M. Porter, président du CRISP. Alors, M. Porter, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent.


Conseil des responsables de l'informatique du secteur public (CRISP)

M. Porter (Francis-H.): Merci, M. le Président. M. le Président, Mmes et MM. les députés, j'aimerais, d'entrée de jeu, au nom de tous les membres du Conseil des responsables de l'informatique du secteur public, remercier la commission de l'opportunité qu'elle nous offre aujourd'hui de participer de façon active à ses travaux.

Afin de bien situer notre intervention, il est de mise de vous faire connaître notre organisme. Laissez-moi d'abord vous présenter ceux qui m'accompagnent aujourd'hui, soit Mme Francine Thomas, notre directrice générale, et M. Jacques Fortier, président de notre Commission sur la valorisation des technologies de l'information.

Notre organisme regroupe 56 gestionnaires des technologies de l'information des principaux ministères et organismes du gouvernement du Québec. Fondé en 1979, il vise notamment le partenariat et la synergie dans la fonction informatique au sein de la communauté gouvernementale. Nous nous sommes donc donné des mécanismes qui favorisent ces valeurs, soit divers partenariats avec des entités des secteurs privé et public, des groupes de travail et, finalement, des commissions sur les préoccupations les plus chaudes touchant les technologies de l'information.

Mentionnons, à titre d'exemple, la commission des ressources humaines et de la formation qui adresse problèmes et solutions sur la gestion de cette ressource dans notre domaine; la commission d'échange pour la diffusion élargie à la communauté informatique gouvernementale des expériences positives et négatives dans l'utilisation, à des fins gouvernementales, des technologies; la commission sur la productivité qui vise la mise en commun des mécanismes et d'outils visant à améliorer la gestion et l'utilisation des technologies dans nos organisations respectives et dans des projets pluri-organisationnels; et finalement, la commission sur la valorisation des technologies de l'information qui vise, comme son nom l'indique, à faire valoir les avantages liés à l'utilisation des technologies de l'information.

Dans l'ensemble de ces dossiers, comme dans la présente démarche, notre but n'est pas d'imposer des choix, mais bien d'exercer notre fonction conseil auprès des ministères et organismes du gouvernement et, dans le cas actuel, de la commission, lorsqu'il est décidé ou envisagé de recourir aux technologies de l'information dans la prestation de services à la collectivité. Comme vous l'avez constaté à la lecture des documents annexés au mémoire que nous déposons, notre organisme, de par les travaux et échanges de ses membres depuis plusieurs années, est convaincu de la pertinence, tant pour le demandeur de services que pour l'État, de moyens électroniques visant à simplifier la prestation de services.

Ce préambule terminé, je laisse ici le soin à M. Fortier, dont la commission élargie de Mme Thomas et de moi-même a préparé le mémoire, le soin de vous en présenter l'essence. Merci.

M. Fortier (Jacques): Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, ce n'est pas d'hier que le CRISP s'intéresse à la question de l'identification électronique des citoyens. En effet, dès avril 1995, dans le contexte du déploiement des autoroutes de l'information et du développement des services électroniques aux citoyens, les membres du CRISP ont proposé au gouvernement l'adoption d'une carte multiservices intelligente pour simplifier les relations entre l'État et le citoyen.

(15 h 50)

Une carte multiservices intelligente est une carte dotée d'un microprocesseur, une carte à puce, qui permettrait à n'importe quel ministère ou organisme d'offrir des services personnalisés à chaque citoyen intéressé à transiger avec son gouvernement par l'entremise de points de services électroniques et des autoroutes de l'information. Du point de vue du CRISP, la carte multiservices est une carte qui permet à un citoyen, sur une base volontaire, d'accéder à des services électroniques.

Les gouvernements de pays occidentaux sont résolument engagés dans toutes sortes de démarches qui visent à renouveler leur offre de services aux citoyens, de façon à rejoindre le citoyen là où il est, dans sa région et à son domicile, et à lui offrir des services personnalisés 24 heures sur 24, sept jours par semaine. Les nouvelles technologies de l'information sont largement mises à profit pour réaliser ces objectifs: télévision interactive, Internet, guichets automatisés de services, téléphonie à valeur ajoutée, etc.

L'identification du citoyen au bout du fil devient dès lors la pierre d'achoppement au développement des services interactifs.

Les moyens usuels utilisés dans une relation de personne à personne deviennent inutiles ou insuffisants. Vérifier l'identité d'une personne d'après sa photographie, la couleur de ses yeux ou sa grandeur? D'après la qualité des réponses obtenues à des questions concernant son numéro de dossier, son lieu de naissance ou le prénom de sa mère? Par une signature au bas d'un document? Non. À distance, par l'intermédiaire d'une machine, le nombre et la qualité des papiers détenus par une personne pour s'identifier ne sont plus une garantie suffisante.

Les technologies disponibles aujourd'hui ou qui le seront demain permettent à un gouvernement de donner rapidement et facilement à chaque citoyen qui le souhaite l'accès aux informations détenues dans ses dossiers personnels. Les technologies pour offrir des services personnalisés à distance, par l'entremise de guichets automatisés de services, d'Internet ou de la télévision interactive, sont en déploiement au Québec comme partout dans le monde. Ces services peuvent transformer et simplifier les relations entre l'État et ses citoyens.

En décembre 1995, le CRISP déposait au Secrétariat de l'autoroute de l'information un inventaire d'exemples de façons de faire qui pourraient être transformées et simplifiées dans certains ministères et organismes avec l'avènement des inforoutes, si on disposait d'un moyen fiable d'identification du citoyen. Il y a 16 ministères et organismes qui ont participé à cet exercice et on a identifié des avantages concrets dans le domaine d'accès à l'information gouvernementale, d'accès aux dossiers personnels des gens et, finalement, d'accès aux services gouvernementaux eux-mêmes.

Du point de vue des membres du CRISP, une carte multiservices est un moyen fiable, capable d'identifier correctement un citoyen à distance et d'autoriser son accès aux services gouvernementaux auxquels il a droit. La carte à microprocesseur permet aussi de garantir la sécurité des informations et des transactions qui se font sur n'importe laquelle des autoroutes de l'information.

Une carte multiservices est donc une carte de services, émise sur une base volontaire, pour le citoyen intéressé à accéder aux services offerts par son gouvernement par l'entremise de points de services électroniques et des autoroutes de l'information.

C'est dans cette perspective qu'il faut lire les réponses des membres du CRISP aux questions qui suivent, soulevées par la Commission d'accès à l'information dans son document d'octobre 1996, Document de réflexion sur la question des cartes d'identité au Québec . Alors voici, en essence, les réponses que le CRISP apporte à chacune des questions qui étaient soulevées dans le document de la Commission d'accès à l'information.

Première question: Quelles informations doivent être exigées pour s'assurer de l'identité du titulaire de la carte aux fins de l'émission de la carte? Les informations requises pour l'émission d'une carte multiservices à un citoyen sont les mêmes que celles jugées essentielles à la certification de l'identification d'une personne selon les critères habituellement utilisés par le Directeur de l'état civil, par exemple.

Dans le concept d'une carte multiservices, il faut distinguer deux choses: d'une part, le gouvernement doit déléguer l'autorité de certifier l'identité du citoyen à un organisme dont c'est le mandat unique; d'autre part, les ministères et organismes sont, en vertu des lois respectives qu'ils administrent, responsables d'accorder des droits et de livrer des services à un citoyen.

Ces deux catégories d'informations peuvent être présentes dans une carte multiservices.

Qui doit émettre la carte? La certification de l'identité d'une personne relève d'un organisme unique, qui pourrait être le Directeur de l'état civil ou ses mandataires, alors que les droits et privilèges sont autorités par les organismes responsables de vérifier l'admissibilité des citoyens à ces services.

Le processus de certification, l'inscription des droits et privilèges, la remise de la carte dans les mains du détenteur et son activation, sans compter la fabrication de la carte elle-même, font intervenir toute une série d'opérations qui peuvent se réaliser de différentes façons et ne souffrent d'aucune faiblesse. Il faut retenir que cette étape est cruciale et peut-être le maillon le plus faible de la sécurité des autoroutes de l'information.

À quel âge la carte doit-elle être émise? Une carte d'accès aux services gouvernementaux devrait suivre le citoyen durant toute sa vie, de sa naissance jusqu'à son décès.

À quelles fins la carte doit-elle servir? Une carte multiservices permet à tout citoyen qui le souhaite de communiquer et de transiger simplement avec son gouvernement, en toute sécurité et peu importe le ministère ou l'organisme responsable de lui offrir le service, par l'entremise de points de service électroniques, dans sa région ou à son domicile, 24 heures sur 24, sept jours par semaine.

Émise sur une base volontaire, la carte multiservices à microprocesseur ne doit donc pas être assimilée à une carte d'identité, quoiqu'elle réponde à un besoin d'identification dans un réseau informatisé. Toutefois, si l'État optait pour une carte d'identité obligatoire, la carte à microprocesseur s'avère le support à privilégier.

Quelles informations doivent être inscrites sur la carte? Les informations visibles – nom, photo ou numéro – présentes sur une carte à microprocesseur ne le sont que pour permettre au détenteur de reconnaître sa propre carte parmi d'autres ou encore de s'identifier auprès d'une personne physique. Du strict point de vue technologique, aucune information n'a besoin d'être visible sur la carte puisqu'un point de services électronique ne peut lire que des informations qui sont dans la puce. Cette hypothèse, absurde lorsque poussée jusqu'à cet extrême, illustre bien que la carte multiservices n'a pas besoin d'être une carte d'identité au sens où on l'entend généralement. Elle ne l'est que pour des besoins strictement électroniques.

En tout état de cause et compte tenu qu'une telle carte devra satisfaire aux exigences spécifiques de cartes comme la carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire, les informations d'identification publiques à caractère permanent requises pour ces cartes devraient y être inscrites ou embossées.

Doit-il y avoir un registre central des cartes d'identité? Un registre des cartes émises est incontournable pour s'assurer qu'un citoyen ne possède qu'une seule carte et que personne d'autre ne puisse usurper son identité, pour assurer le remplacement des cartes perdues ou volées et pour permettre le renouvellement des cartes à échéance. Dans l'état actuel des choses, les ministères et organismes créent et tiennent à jour leurs propres fichiers-clients et doivent s'assurer en tout temps de l'exactitude des informations relatives à l'identification des citoyens qui y sont inscrits.

Dans le concept d'une carte multiservices, il y aurait des économies importantes pour l'administration publique et une simplification des services pour les citoyens si les informations publiques relatives à l'identification d'un citoyen étaient mises en commun pour les organismes gouvernementaux. Suivant cette option, un registre central pourrait ne contenir que les nom, prénom et adresse d'une personne, par exemple, alors que les informations spécifiques à un service demeurent sous la responsabilité exclusive du seul organisme autorisé à recueillir les informations associées à ce service, par exemple dans le domaine de la santé, du revenu, de la justice, des rentes et des assurances. Seuls ces organismes pourraient avoir accès à ce registre central, suivant des règles et des modalités strictes.

Suivant cette orientation, un citoyen pourrait vérifier l'exactitude des informations que l'État détient sur son identité à un seul endroit et être assuré que ces informations ne sont pas éparpillées dans diverses banques de données. Il pourrait transmettre une seule fois son changement d'adresse, assuré que tous les ministères et organismes avec lesquels il est en relation le sauront. Il pourrait enfin obtenir un portrait synthèse de différents dossiers que l'État détient sur lui.

Cette possibilité n'est cependant pas essentielle à la mise à disposition d'une carte multiservices pour les citoyens du Québec qui le désirent et n'est qu'un des scénarios développés dans le rapport déposé en annexe par le CRISP et qui s'intitule Au-delà de la carte , pour offrir au citoyen une gamme intégrée de services: l'infrastructure nécessaire .

(16 heures)

Qui doit assurer la gestion du registre? Un registre centralisé est géré par l'autorité émettrice qui s'assure que les cartes remplacées et réémises le sont selon les règles de certification approuvées. Les droits inscrits dans la carte, le cas échéant, sont gérés par les ministères et organismes responsables.

Comment doit être effectuée la mise à jour des cartes versus, particulièrement, la problématique d'en retracer les détenteurs? Un des principaux gains associés à la carte multiservices est justement le fait que le citoyen aurait la possibilité de transmettre une seule fois son changement de lieu de domicile pour tous ou plusieurs organismes gouvernementaux. Les adresses d'un citoyen pourraient n'être conservées que dans ce seul registre ou acheminées directement aux ministères et organismes pour qui l'adresse constitue un élément d'admissibilité à un programme ou à un service.

La carte doit-elle contenir un numéro? Selon les scénarios développés, la carte multiservices pourrait inclure dans sa puce tous les numéros de dossiers – numéro d'assurance-maladie, NAS, numéro de permis de conduire, etc. – utilisés dans tous les ministères et organismes avec lesquels un citoyen fait affaire. Ces numéros, la plupart du temps les codes donnant accès au dossier personnel informatisé du citoyen ou un élément de jonction avec ce dossier, sont aujourd'hui imprimés ou embossés sur les cartes émises par chaque ministère et organisme et largement réutilisés par les entreprises et les commerces qui utilisent injustement ces cartes aux fins d'identification de leurs clients. Une carte à puce permettrait de les soustraire à cet usage.

Pour les fins d'une carte de services, aucun autre numéro n'est requis, sinon le numéro de certificat attribué au détenteur de la carte qui en garantit le caractère unique.

Comment prévenir la contrefaçon des cartes ou le marché noir des cartes volées ou perdues? La technologie des cartes à microprocesseur est, dans l'état actuel de l'avancement des connaissances dans ce domaine, le type de carte qui offre la meilleure protection contre la contrefaçon et le marché des cartes volées, la carte à microprocesseur étant, à toutes fins pratiques, non reproductible et conservant les secrets de façon sûre.

À quel rythme la carte doit-elle être renouvelée? Dans l'état actuel de nos connaissances, une carte à microprocesseur pourrait être réémise après cinq ans. Dans cinq ans, la technologie permettra sans doute d'y stocker plus d'information et d'accroître sa sécurité quant aux contrefaçons.

La carte peut-elle servir pour des déplacements à l'extérieur de la province? Les cartes à microprocesseur sont conçues et structurées selon des normes internationales qui garantissent leur utilisation n'importe où dans le monde. En théorie, une carte multiservices pourrait être utilisable partout, dans la mesure où les lecteurs de cartes se déploieront partout. Ces lecteurs de cartes sont d'ores et déjà disponibles sur le marché américain pour aussi peu que 60 $US et, dès l'automne prochain, les micro-ordinateurs des grands manufacturiers en seront équipés.

Quel type de carte doit être émise? La carte à microprocesseur est la seule carte aujourd'hui qui puisse répondre à l'ensemble des besoins d'un gouvernement qui veut offrir à ses citoyens des services par l'entremise des autoroutes publiques d'information. Elle permet de certifier l'identité des utilisateurs, d'authentifier les utilisateurs, c'est-à-dire que la transaction provient du bon expéditeur de qui elle est censée provenir, de garantir la confidentialité de l'information, c'est-à-dire que seul le destinataire peut lire le message, de préserver l'intégrité de l'information, c'est-à-dire que le contenu du message ne soit pas modifié entre son émission et sa réception, de garantir l'origine du message et sa non-répudiation par voie de signature électronique et de contrôler l'accès aux informations.

En conclusion, pour les membres du CRISP, les interrogations du gouvernement sur la question des cartes d'identité et sur les enjeux des autoroutes de l'information sont intimement liées.

Les technologies pour offrir des services personnalisés à distance par l'entremise de guichets automatisés de services, d'Internet ou de la télévision interactive sont en déploiement au Québec comme partout dans le monde. L'identification du citoyen au bout du fil devient le principal frein au développement de ces services par les ministères et organismes.

Une carte multiservices à microprocesseur est un moyen sûr qui permettrait au gouvernement d'offrir à chaque citoyen qui le souhaite, de façon sécuritaire, facile et rapide, d'effectuer à distance des transactions personnelles, d'obtenir l'accès aux informations détenues dans ses dossiers personnels et d'y vérifier l'exactitude des informations qui y sont consignées. Elle donne au citoyen la possibilité de ne transmettre un changement d'adresse qu'une seule fois à son gouvernement, étant assuré que tous les ministères et organismes avec lesquels il fait affaire en sont informés. La carte multiservices peut enfin permettre de fournir au citoyen un portrait synthèse des différents dossiers que l'État détient pour lui.

Une carte d'identité au sens où on l'entend généralement utilise des éléments informationnels – photo, nom, prénom, numéro – utilisables dans un contexte d'identification en face à face. Une carte conçue pour une authentification par mode électronique commande un autre type d'informations, électroniques celles-là, permettant à un automate de reconnaître l'utilisateur de la carte. La carte multiservices pourrait par conséquent être offerte, sur une base volontaire, à tout citoyen intéressé à accéder aux services offerts par son gouvernement par l'entremise de points de services électroniques et des autoroutes de l'information.

Alors, voilà, essentiellement, le mémoire que le CRISP porte à l'attention de cette commission, en souhaitant qu'il puisse la guider dans les recommandations et dans les décisions qu'elle aura à prendre au sujet de la carte d'identité. Merci de votre attention. Si vous avez des questions, nous sommes ouverts à y répondre au meilleur de notre connaissance. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. D'abord, je veux vous remercier d'être venus nous informer de vos connaissances, parce que vous êtes des spécialistes de l'informatique. J'aimerais vous poser une courte question à propos de... Vous dites «une carte multiservices sur une base facultative»... sur une base facultative ou une base volontaire. Il me semble que... Imaginons-nous que, moi, j'ai ma carte multiservices et que mon voisin ne l'a pas. Dans votre mémoire, on dit que c'est une bonne façon de communiquer avec son gouvernement, c'est un très bon moyen. Donc, moi, j'ai la carte multiservices, je communique plus facilement avec mon gouvernement que mon voisin. Il me semble que ça fait une société peut-être... Dans cinq ans, comme vous dites, peut-être au prochain renouvellement de la carte, ça fait une société à deux vitesses parce que peut-être que le service que je vais avoir va être plus rapide, comme vous dites, plus sécuritaire, que vous dites aussi. J'ai des doutes et des questionnements là-dessus. Qu'est-ce que vous avez à me répondre là-dessus?

M. Fortier (Jacques): Évidemment, comme on le mentionne, c'est une adhésion volontaire et probablement sans frais pour le citoyen du Québec de se prévaloir d'une carte semblable. La personne qui désirera communiquer avec son gouvernement par voie électronique devra forcément posséder une telle carte. Mais il demeurera toujours que les services gouvernementaux devront être dispensés, ne serait-ce que pour certaines couches de la population, qu'on pense aux personnes âgées qui sont très peu enclines à utiliser la technologie, qu'on pense aux bébés ou aux enfants, demeurera toujours la façon traditionnelle de livrer les services à la population, devra toujours demeurer en parallèle.

Et, si je peux me permettre une comparaison, probablement que vous ou d'autres personnes présentes ici ont en leur possession une carte bancaire. Ce n'est pas tous les citoyens qui sont obligés de posséder une carte bancaire pour obtenir des services bancaires. Vous pouvez les obtenir de façon traditionnelle en vous présentant au guichet d'une banque, et c'est le cas de plusieurs personnes dans la population du Québec, comme les personnes âgées particulièrement. Alors donc, il y aura toujours en parallèle une façon traditionnelle de dispenser les services, mais si quelqu'un veut, par exemple à travers une borne télématique ou à partir de son micro-ordinateur, de chez lui, transiger de façon électronique avec le gouvernement, ce moyen-là le permettrait.

(16 h 10)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je lisais votre mémoire et on a entendu, cette semaine, le Protecteur du citoyen nous dire à peu près le contraire de ce que vous nous dites aujourd'hui. Lui, il nous prévenait des dangers d'avoir une carte multiservices parce que de plus en plus l'État interviendrait dans notre vie privée serait à ce moment-là handicapée, si vous voulez. Autrement dit, avec une carte multiservices, on a accès à notre dossier d'assurance-médicaments, d'assurance-maladie, le permis de conduire. Tout est là-dessus, si je comprends bien.

M. Fortier (Jacques): C'est-à-dire que le contenu de cette carte-là pourra être décidé selon... Il y a diverses possibilités qui... Ça peut se limiter uniquement à contenir des informations permettant d'identifier comme tel le citoyen, de permettre que la transaction qu'il fait circule de façon sécuritaire sur les réseaux, par voie d'encryptage ou autrement, et de permettre aussi de s'assurer qu'il y a une signature électronique, que c'est bien ce citoyen-là qui fait affaire. Ça peut se limiter uniquement à ça. Ça pourrait aller jusqu'à contenir les divers numéros de dossiers des citoyens dans divers ministères et organismes, mais ce n'est qu'un des scénarios. Une fois que vous êtes identifié au système, ça pourrait se limiter à être un aiguilleur qui vous achemine vers la Régie de l'assurance-maladie, vers la Société de l'assurance automobile, vers le ministère du Revenu, etc., donc vers les divers ministères et organismes dispensateurs de services qui, eux, à leur tour, peuvent faire certaines vérifications additionnelles à l'aide de vos codes de dossiers existants.

Donc, il y a plusieurs scénarios possibles et il appartiendrait au gouvernement de statuer davantage là-dessus ultérieurement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais vous ne trouvez pas qu'actuellement la carte d'assurance-maladie pourrait correspondre à ce que vous dites, là? Parce que la plupart des citoyens et citoyennes du Québec ont une carte d'assurance-maladie, qui ferait ça.

M. Fortier (Jacques): Vous avez tout à fait raison. La carte d'assurance-maladie, telle qu'elle est présentée par la Régie de l'assurance-maladie – qui, je crois, a présenté un mémoire à cette commission – correspond à peu près, techniquement, à ce qui est préconisé par le CRISP, à l'exception suivante: c'est que, telle qu'elle est pensée par la Régie de l'assurance-maladie à ce moment-ci – je dis bien «à ce moment-ci», parce que ça pourrait évoluer dans le futur – elle ne serait réservée exclusivement qu'à la dispensation de services dans le domaine de la santé, donc exclusivement. Ce ne serait pas un carte multiservices, mais une carte exclusive au domaine de la santé.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que la carte multiservices que vous pensez peut-être établir ou que vous nous recommandez d'établir deviendrait quelque part comme une carte d'identité aussi, mais facultative.

M. Fortier (Jacques): Pour un citoyen qui veut transiger électroniquement avec l'État, cette carte d'identité là, ça devient une carte d'identification électronique, mais elle demeure toujours un peu comme une carte bancaire, vous l'obtenez sur une base volontaire.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Fortier (Jacques): Je ne sais pas si ça répond bien à la question.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bien, ça va. Mais ce qui m'interroge, c'est qu'on a de nombreuses personnes qui sont venues depuis une semaine nous rencontrer et on nous prévient des dangers de l'encryptage de la carte multiservices, des dangers aussi... autrement dit, que notre vie privée soit connue au su et au vu de tout le monde. Le Protecteur du citoyen, entre autres, nous faisait des recommandations assez claires en disant: Écoutez, n'allez pas trop vite, ça ne presse pas, il n'y a personne au Québec qui l'a demandée. Parce que, moi, j'ai mon permis de conduire, j'ai ma carte d'assurance-maladie, et actuellement je fonctionne bien. Dans notre société actuelle, je fonctionne passablement bien. Je peux communiquer avec mon gouvernement quand je veux, je peux avoir les services que je veux. Qui réclame cette carte-là? Moi, je me dis: Bon, bien, peut-être les informaticiens.

M. Fortier (Jacques): Bien, je ne pense pas qu'on ait, je dirais, de parti pris à ce genre de solution. Il faut reconnaître que posséder une carte semblable – parce qu'on a fait l'exercice dans environ une quinzaine de ministères et organismes – pourrait apporter des avantages sensibles au niveau du service aux citoyens. Il faut être conscient de l'avènement de l'autoroute de l'information un peu partout dans le monde et des nouvelles possibilités que ça offre. Par exemple, avec une carte semblable, si je veux illustrer par des exemples, on pourrait, pour l'ensemble des ministères et organismes, procéder aux mises à jour d'adresses, aux changements d'adresses une seule fois. Le citoyen le fait une seule fois et c'est répercuté dans les divers ministères et organismes. Même chose pour un changement de numéro de compte bancaire, dans le cas où on se prévaut du dépôt direct de nos rentes.

Au ministère de la Justice, au registre de l'état civil, on pourrait faire une demande de certificat de naissance, de mariage, et obtenir des certificats de décès de façon électronique. Au Directeur général des élections, on pourrait corriger les informations que le Directeur général possède sur la liste électorale permanente, corriger son adresse, par exemple, corriger sa confession religieuse, etc. À la RAMQ, là c'est assez évident. La RAMQ est venue vous exposer tous les bienfaits que ça peut lui apporter, et nous sommes tout à fait d'accord avec les bénéfices qu'on peut avoir, dans le domaine de la santé, de transiger électroniquement.

Au ministère du Revenu, vous pourriez avoir accès et transmettre vos déclarations de revenus électroniquement au ministère du Revenu. À la Sécurité du revenu, les prestataires de l'aide sociale pourraient mettre à jour, transmettre automatiquement au gouvernement leur déclaration mensuelle. À la Société de l'assurance automobile, vous pourriez demander l'émission du permis de conduire, etc. Et, à la Régie des rentes, vous pourriez vous assurer de vos relevés de participation et calcul de rentes, etc.

Donc, on a plusieurs exemples qui ont été confirmés par environ une quinzaine de ministères et organismes qui ont participé à cet exercice-là.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Bienvenue aux représentants du Conseil des responsables de l'informatique du secteur public.

Moi, je demeure toujours un petit peu... Je cherche les besoins. Vous venez de faire une grande liste des choses, mais, comme citoyen, je ne sais pas vraiment. On parle d'avoir accès à mon dossier médical, mais à quelles fins j'aimerais avoir cet accès? Je veux que le médecin ou le professionnel traitant ait accès à mon dossier, mais pourquoi j'ai besoin d'avoir accès à ça? Je ne vois pas dans quel intérêt je peux lire ça. Ce n'est pas quelque chose qui arrive à tous les jours, que j'aimerais lire un dossier médical. À quelles fins un citoyen aurait besoin d'avoir accès à ça?

M. Fortier (Jacques): L'exemple que vous citez, ce n'est probablement pas un cas qui se produirait très fréquemment. Mais il pourrait arriver, dans certains cas, qu'un bénéficiaire veuille savoir les informations médicales dont le gouvernement dispose sur lui, ou son dossier de médicaments, etc. Il pourrait, à ce moment-là, par voie électronique, avoir accès à son dossier personnel et faire les vérifications requises. Et tout ça, je pense, ça amène pour l'État une plus grande transparence envers ses citoyens. Dans une société démocratique, le citoyen peut enfin savoir ce que l'État détient sur lui comme information. Et si, par hasard, une information fausse était détenue sur lui dans un de ses dossiers gouvernementaux, une information fausse qui lui porterait préjudice, il serait en mesure de faire les représentations requises ou d'apporter les correctifs pour que la situation soit rétablie.

M. Kelley: Mais, si j'ai bien compris, ce genre de dossiers n'existe pas à l'heure actuelle, informatisés. Une des choses qui sont dans la proposition de la Régie de l'assurance-maladie, c'est effectivement d'informatiser beaucoup de ces dossiers. Je ne demeure toujours pas convaincu que c'est une bonne idée. On verra, on a l'offre d'une visite à la RAMQ avec M. Dicaire. Mais, pour le moment, je suis toujours à la recherche... On parle du renouvellement d'un permis de conduire, mais il faut prendre une photo. Quelque part, le citoyen doit se déplacer pour obtenir une photo. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à la maison pour le moment. Le député de Dubuc a soulevé son permis de chasse... Qu'à 200 km au nord de sa maison... Ça, c'est des endroits où je ne vois pas comment les services du gouvernement seront améliorés avec tout un système...

Ce qui m'emmène au deuxième sujet. C'est quoi, le coût de tout ça? Parce que d'informatiser, d'avoir... On parle de 60 $US pour des lecteurs de cartes, mais le nombre dont on aura besoin partout, ça risque d'être très dispendieux. Et surtout, vous avez proposé un système parallèle. Alors, il faut garder le système existant sur papier. Il faut ajouter à ça un système parallèle ou informatisé. Alors, au lieu de faire des économies, est-ce qu'il n'y a pas un risque que ça va juste augmenter d'une façon très importante les coûts?

(16 h 20)

M. Fortier (Jacques): Il faut être bien conscient, à ce moment-ci, que l'utilisation de cartes à puce dans le monde entier se répand à une vitesse incroyable. Les besoins n'existent pas uniquement au niveau des services publics, mais ils existent surtout et beaucoup au niveau des services privés. Alors, il y a des dizaines de millions de cartes à puce qui sont présentement utilisées dans le monde. Et c'est un mouvement irréversible. La disponibilité de lecteurs de cartes... Il y en a maintenant même sur les téléphones. Les prochaines générations d'ordinateurs vont posséder des lecteurs de carte à puce. Les téléphones publics du Bell, actuellement, sont déjà équipés de systèmes semblables. Donc, ça va devenir une technologie banalisée qui va être disponible un petit peu partout, peut-être pas à 200 km, à la chasse, dans le nord, mais on ne prétend pas non plus que la carte multiservices serve de permis de chasse. Elle peut servir cependant à obtenir un permis de chasse par voie électronique puis d'en effectuer le paiement automatiquement. Donc, la technologie est envahissante, je suis d'accord avec vous. Elle va, d'une façon ou d'une autre, s'installer. Et l'intervention qu'on fait ici, c'est juste, je dirais, de saisir l'opportunité d'améliorer les services aux citoyens tout en réalisant des économies probablement assez importantes au niveau de la machine administrative de l'État et de se prévaloir, donc, de la technologie qui, de toute façon, va s'installer.

M. Kelley: Oui, mais, comme je dis, je demeure toujours... Je cherche c'est quoi exactement, les services que, pour moi, comme citoyen, ça va améliorer. Si je dois mettre mon rapport d'impôts dans la poste ou envoyer ça par l'ordinateur, la chose qui est fatigante, c'est de le remplir. C'est ça. Et ce n'est pas... Remplir ça sur un ordinateur ou remplir ça sur papier, au bout de la ligne, c'est ça qui est fatigant et ce n'est pas la façon de la transmission qui va m'aider. Les permis, il faut toujours obtenir les permis, mais je ne vois pas vraiment l'intérêt pour le citoyen d'investir les fonds publics. Parce que je pense que le téléphone, les compagnies de téléphone ont fait un jeu que, si elles ont à investir dans tout ça, elles vont faire de l'argent. Alors, elles ont décidé d'investir dans les téléphones à puce, d'émettre les cartes à puce, et c'est une décision d'affaires qu'ils ont faite pour faire de l'argent. Mais je ne vois pas la transférabilité de ça aux services à la population, et surtout parce que le plus grand besoin, c'est effectivement notre relation avec le système de santé. Et les représentants sont venus ici pour dire que ça doit être une carte unique pour la santé.

La RAMQ ne veut rien savoir d'une carte multiservices parce qu'elle veut une carte dédiée uniquement aux fins de la santé. Alors, j'enlève santé et je suis toujours à la recherche des multiservices, comme citoyen, où l'investissement qui serait important pour doter tous les citoyens d'une carte à puce, sur une base volontaire... Mais d'investir dans le système, comme ça, tout en préservant l'autre système sur papier pour les citoyens qui ne veulent pas embarquer et qui n'aiment pas les ordinateurs ou qui, pour une raison ou pour une autre, ne veulent pas avoir une carte multiservices, ça me donne l'impression que ça va coûter cher. Alors, je cherche toujours, dans tout ça, c'est quoi, l'intérêt du citoyen.

M. Fortier (Jacques): Bien, tout d'abord, l'exemple que vous avez apporté tantôt au niveau des déclarations de revenus. Dans l'hypothèse où c'est complété sur papier et transmis par la suite au gouvernement, bien, là, à l'intérieur du gouvernement, il y a toute une série d'étapes. On doit saisir votre dossier, le valider. Donc, il y a des étapes à franchir avant d'en arriver au traitement comme tel de votre déclaration de revenus et de vous envoyer un remboursement ou un avis de cotisation. Dans le cas où ce serait rempli de façon électronique par le citoyen lui-même, on vient de sauver sûrement plusieurs jours dans le traitement de la déclaration de revenus. Donc, là, il y a un bénéfice direct pour le citoyen. Puis, en ce qui concerne le gouvernement, il y a des économies. Il n'a pas eu à resaisir les informations avec toutes les possibilités d'erreurs que ça peut comporter. Donc, il y a un gain, autant du côté du citoyen que du gouvernement, dans cette opération-là.

Vous avez aussi mentionné la carte-santé. Effectivement, le CRISP a identifié qu'uniquement certains ministères ou organismes, qui transigent à fort volume avec les citoyens, auraient avantage et pour lesquels ce serait très rentable d'émettre une carte de services. C'est évident pour la Régie de l'assurance-maladie; la Société de l'assurance automobile aussi pourrait le faire, parce qu'elle transige à haut volume avec les citoyens. La Régie de l'assurance-maladie a présenté son dossier et la technologie qui est utilisée pour la carte qu'ils ont présentée pourrait éventuellement aussi servir à d'autres services gouvernementaux, si telle en était la volonté du gouvernement. Mais, évidemment, les projets qu'on appelle porteurs, qui peuvent rentabiliser en soi l'émission d'une telle carte, il n'y en a pas légion au gouvernement.

M. Kelley: Finalement, c'est juste vos commentaires, parce qu'on a eu les deux côtés de la médaille, et je n'ai pas l'expertise technique qu'il faut. Le principe de base de notre Loi sur la protection des renseignements personnels, c'est les fichiers segmentés, le cloisonnement. C'est vraiment la meilleure façon de procéder pour la protection de la vie privée. Avec une carte multiservices, vous êtes certain qu'on va, dans les ordinateurs, toujours respecter ce principe, c'est-à-dire qu'en établissant les «firewalls», et les choses comme ça, ça peut être une carte, mais c'est juste comme une série de clés qui sont distinctes, et le fait que je puisse avoir accès à la SAAQ ne me donnerait pas nécessairement l'accès au ministère du Revenu. Parce qu'une des craintes – et, le Protecteur du citoyen l'a répété encore une fois, hier – c'est juste la meilleure protection. Parce que, je comprends, en principe, on est techniquement capables de faire les choses, mais il y a toujours les ratées, il y a toujours les choses où la promesse des systèmes informatiques laisse à désirer dans la pratique. Alors, vous êtes certain ce que ce principe de cloisonnement peut être respecté dans une carte multiservices?

M. Fortier (Jacques): Absolument, absolument. Et, même, j'irais plus loin que ça, la grande crainte, je pense, du Protecteur du citoyen – je n'ai pas assisté à son exposé ici – ce sont les croisements de fichiers au gouvernement, et, ça, veux veux pas, ça existe, il y en a qui ont été autorisés. Avec l'institution d'une carte multiservices, le citoyen serait en mesure, même, de constater, par les pistes de vérification que ces croisements-là laissent, quels croisements d'informations le gouvernement fait de ses dossiers dans divers ministères et organismes, et il pourrait même, en bout de ligne, lui-même autoriser ou refuser ces échanges-là.

M. Kelley: Sauf si l'organisme ou le ministère est autorisé par la loi de le faire. Alors, il y a trop de cloisonnements, de couplages, mais c'est la faute du législateur et pas la faute des ordinateurs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Dubuc.

(16 h 30)

M. Morin (Dubuc): Oui. D'autres spécialistes comme vous, qui sont en faveur d'une carte multiservices, nous ont expliqué qu'un des gros avantages, c'est bien sûr, c'est que la carte elle-même faisant référence à des fichiers d'informations n'avait pas besoin de contenir, sur la carte elle-même, des informations. Ça peut paraître, à première vue, un avantage, mais aussi comporter une multitude de difficultés, parce qu'avec le nombre de cartes qu'on a, bien, à tout le moins, si c'est le permis de conduire, bien, on a le numéro de dossier sur la carte, certification d'immatriculation, on a le numéro d'immatriculation forcément, l'assurance-maladie, on a le numéro de l'assuré, avec, évidemment, les dates de naissance, il y a toujours un minium d'informations. Donc, si, pour une raison ou pour une autre... et c'est là que j'ai toujours peur d'une carte multiservices, c'est l'aspect bris de communication.

Cet été, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, lorsque certaines parties du Saguenay ont été coupées de toute communication, pendant, certaines municipalités, je pense, 10 jours ou 15 jours, j'imagine le citoyen possédant une carte multiservices, comment aurait pu, sans communications, alors que sur la carte multiservices, on sait, photo, minimum d'informations, un numéro, point à la ligne, il ne doit pas y avoir d'autres informations. Donc, à partir des inscriptions inexistantes de la carte, ce n'est uniquement que par le biais des fichiers d'information, de l'accès aux fichiers par le biais des communications, qu'on peut utiliser la carte dans ces circonstances-là.

Vous allez dire: Bien sûr, vous cherchez l'exception puis dans des situations... Mais l'être humain comme tel, au-delà de toute la technologie, vous ne pensez pas qu'une carte unique multiservices rend l'individu – je disais esclave, mais on pourrait dire prisonnier – évidemment prisonnier des communications? Bien sûr, les bris de communications sont de moins en moins fréquents, mais à partir du moment où on est complètement lié et prisonnier, s'il y a un bris, on est totalement impuissants. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ça? C'est le seul élément, finalement, en ce qui me concerne, par rapport à une carte multiservices, l'aspect communications.

Autrement dit, même s'il y en a qui prétendent qu'avoir trop de cartes dans nos poches, tu risques d'en perdre, tu risques, ça peut apporter... Mais j'ai encore plus confiance en mes moyens de mettre mes cartes dans les bonnes poches puis de m'assurer de ne pas les perdre que tout autre moyen, si sophistiqué soit-il.

M. Fortier (Jacques): Vous avez raison, dans un cas où la communication est...

M. Morin (Dubuc): Seulement dans un cas? Ah bon!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier (Jacques): ... – dans le cas – dans le cas où la communication serait impossible avec le registre central qui est responsable de vous identifier. Effectivement, ce serait un problème. Mais aussi, dans ce même cas, au Saguenay, j'imagine que les gens qui avaient des cartes bancaires n'ont pas pu s'en servir dans les guichets, même si les guichets avaient encore été là. Donc, effectivement, il peut arriver, dans ces cas-là, une perte de services.

Mais il n'est pas impossible que, sur la carte, comme vous l'avez dit vous-même, il y ait certaines informations visibles, comme le nom, le prénom, une photo, qui peuvent donner une identification de base. Mais, toujours, je répète que ce n'est pas une carte d'identité qu'on préconise, c'est une carte multiservices à adhésion volontaire. Mais, vous avez raison, dans un cas de bris total de communications, on ne peut pas accéder à...

M. Morin (Dubuc): Ouais. Je donne l'exemple, peut-être facile, d'une carte de crédit où, finalement, lorsqu'il y a un problème d'informatique, qu'il y a une surcharge, vu qu'il y a suffisamment d'information dessus, sur la carte, on peut manuellement, malgré tout, te faire crédit, hein, parce qu'il y a suffisamment d'information dessus. À partir du jour où il y aurait seulement qu'un numéro, on ne serait pas capable d'opérer manuellement, il faudrait absolument que ça se fasse par le biais des communications.

Mme Thomas (Francine): Mais, depuis le début, ce que Jacques disait au point de départ, c'est qu'elle est facultative et les services traditionnels existent toujours. On n'a plus l'accès au service électronique, peut-être, mais le reste est là.

M. Morin (Dubuc): Oui. Sauf que, là-dessus – vous allez m'excuser d'être très tranché – ça, c'est un moyen indirect d'y arriver, parce qu'on ne peut pas penser, à court terme, à une telle mesure sociale facultative. Ça, c'est un moyen doux, sans bruit, d'arriver à la finalité et d'avoir une carte multiservices universelle. C'est le moyen qui est doux, qui est gentil, qui ne fait peur à personne. Mais on ne peut pas penser que la société serait composée, comme on l'a dit tout à l'heure, à deux vitesses.

M. Fortier (Jacques): Mais, si je peux me permettre une remarque, je ne sais pas si vous êtes détenteur ou non d'une carte bancaire...

M. Morin (Dubuc): Ça ne donne rien, on n'a pas d'argent. Vous savez ce qui se passe, là. On s'en sert très peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier (Jacques): J'en possède une et, lorsque l'ordinateur de la banque est en panne – parce que ça arrive, plutôt rarement mais ça arrive – je me présente au guichet et j'obtiens quand même du numéraire. Mais je considère toujours que d'en posséder une, c'est un avantage certain. Vous connaissez les bénéfices qui y sont associés: vous pouvez, 24 heures sur 24, faire affaire pour obtenir de l'argent de votre banque. Mais il n'y a aucun citoyen, il n'y a aucun client de banque qui est obligé de posséder une carte bancaire.

M. Porter (Francis-H.): De toute façon, dans des circonstances exceptionnelles, il existe des mesures d'exception. On a vu, cet été, au Lac-Saint-Jean, ce qui s'est produit: le gouvernement a agi, même s'il y avait rupture de communications. Alors...

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants du Conseil des responsables de l'informatique du secteur public de leur contribution aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant Communications ViaNET inc. à s'approcher à la table des délibérations.

Alors, j'invite M. Lapierre à se présenter et s'il y a quelqu'un qui l'accompagne de le présenter également. Nous avons 45 minutes, normalement 15 minutes pour votre exposé puis 15 minutes pour chacun des partis politiques.


Communications ViaNET inc.

M. Leclerc (Yves): Malheureusement, Vallier Lapierre, le président de ViaNET, est à New York. Il n'a pas pu revenir cet après-midi pour l'audience. Il s'en excuse. Je suis Yves Leclerc. On est deux associés dans cette toute petite boîte. Donc, vous allez...

Une voix: Vous êtes pardonné.

M. Leclerc (Yves): Je vais faire une présentation très, très brève en mettant l'accent sur seulement deux ou trois points qui me paraissent fondamentaux, qui sont la raison pour laquelle on a fait l'effort de vous présenter ce mémoire.

Le premier, c'est le fait qu'à notre avis une carte universelle d'identité et multiservices est inévitable. La question qui est à résoudre, c'est: Est-ce qu'elle va être privée ou publique? On voit déjà le phénomène se dessiner, particulièrement aux États-Unis.

La semaine dernière, il y a une société, qui a développé une carte-santé pour l'État de New York, qui est allée proposer à l'État de New York de s'en servir également pour le permis de conduire, pour l'identification des étudiants et pour d'autres fonctions, en s'offrant généreusement à servir de gestionnaire de toute cette information-là. L'effet de ça, évidemment, c'est qu'il y a toute une partie de l'information d'état civil qui échappe à l'État et qui tombe dans les mains du privé. Ça ne nous paraît pas souhaitable.

Le deuxième aspect, tout aussi fondamental, c'est la vitesse avec laquelle les technologies qui sont derrière la carte évoluent. Donc, la nécessité de trouver des formules de gestion et d'évolution de la carte qui soient dynamiques et qui fassent intervenir quelque part le public, les citoyens.

J'écoutais les gens qui sont passés devant moi, et une des choses qui m'a frappé, ça a été cet aspect-là, en disant: Est-ce qu'on va mettre telle chose sur la carte? Est-ce qu'on ne mettra pas telle chose sur la carte? Ça me paraît extrêmement dangereux de dire d'avance: Voilà, on met ça sur la carte et on ne met pas ça sur la carte. Je pense que ça devrait être conçu comme un processus évolutif, faisant probablement intervenir une formule tripartite où l'État, les spécialistes de l'industrie et les représentants du public auraient leur mot à dire. Parce que aussi bien la technologie que les besoins de l'État et les besoins et les opinions des citoyens sur ces questions-là vont évoluer avec le temps et probablement très rapidement.

On a vu ces phénomènes-là se produire depuis quelques années, surtout depuis quelques mois Tout particulièrement, on voit les bases de données publiques et privées foisonner; on les voit se croiser.

On a parlé du problème du croisement des bases de données à l'intérieur de l'État, ce qu'on oublie, c'est que ce phénomène de croisement des bases de données, il se produit aussi dans le secteur privé. Les sociétés d'assurances font tous ces croisements-là à l'interne, et elles sont en train de le faire entre elles à l'échelle de l'Amérique du Nord, de s'échanger leurs informations sur leurs clients. Les compagnies de crédit et les banques sont en train de faire la même opération dans leur domaine. Et il n'y a rien qui empêche qu'elles le fassent entre elles à un moment donné, de telle façon qu'il y aura des systèmes d'information extrêmement complexes et, entre guillemets, indiscrets sur les citoyens, sur lesquels ni les citoyens ni l'État ne risquent d'avoir de contrôle.

Je pense que le phénomène des bases de données qui sont derrière la carte est beaucoup plus important que la carte elle-même. C'est là-dessus qu'il faut porter attention. C'est dans cet esprit-là que le mémoire a été présenté.

Je n'irai pas plus loin dans ma présentation, j'aimerais qu'on passe rapidement, si ça vous convient, à la période de questions.

(16 h 40)

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci. Bienvenue aux représentants de Communications ViaNET. Les autres témoins ont fait une distinction entre un besoin d'une carte de services et une carte d'identité. Selon vous, est-ce que c'est deux propositions distinctes? Est-ce qu'on peut discuter de la question des besoins d'identification? Mais il y a l'autre question presque d'une identification électronique pour donner accès aux services. Est-ce qu'on peut faire tout avec une carte ou est-ce que c'est nécessairement deux cartes qu'il faut?

M. Leclerc (Yves): Ce sont deux fonctions distinctes, mais ce sont deux fonctions qui vont être nécessairement confondues à cause précisément du besoin d'identification pour l'accès aux services. Que ce soit des services privés, que ce soit des services publics, si l'accès se fait – et ça se fait de plus en plus et ça se fera de plus en plus – par des réseaux électroniques, il y a un besoin absolu des deux côtés de savoir à qui on parle et de s'assurer qu'on parle bien à la bonne personne, au bon organisme. Donc, la fonction d'identité sera sur la carte de services, qu'on le veuille ou pas.

Alors, à ce moment-là, ça me paraît un peu académique de faire une distinction nette entre les deux éléments. Si vous regardez ce qui se passe, particulièrement aux États-Unis où c'est le plus avancé dans ce sens-là, si vous allez, par exemple, dans un hôtel, dans un aéroport, vous allez même, de plus en plus souvent, dans un poste de police ou dans un tribunal, on vous demande pour vous identifier non pas une carte d'identité, mais une carte de crédit. Alors, je pense que avez déjà une partie de votre réponse.

Je pense que vous avez aussi une partie de votre réponse au développement qui se fait en Europe au niveau des cartes à puce qui permettent des modes d'identification et d'utilisation beaucoup plus sophistiqués, qui permettent notamment une identification raffinée en mode local, sans même aller sur le réseau, parce qu'il peut y avoir interaction entre le lecteur et la carte, avec l'intelligence embarquée qui assure, par exemple, l'identité de la personne porteuse de la carte.

M. Kelley: Mais, selon vous, parce que je reviens toujours au problème, c'est quoi, les empêchements? Le secteur privé en laisse de côté pour le moment, parce que le secteur privé a ses intérêts d'identifier ses clients, et tout ça. Je suis loin d'être convaincu que c'est à l'État de régler les problèmes de nos compagnies de crédit ou de nos banques. Je pense qu'ils ont leurs moyens, ils ont émis leurs cartes bancaires, leurs cartes de crédit. Moi, je ne suis pas convaincu que c'est l'État qui doit venir à la relève d'eux autres.

Alors, au niveau du citoyen et de son État, je pense que la Régie de l'assurance-maladie est venue témoigner des besoins contre, peut-être, un système pour une meilleure communication entre le citoyen et des renseignements médicaux. Mais, à part de ça, c'est quoi le besoin le plus important pour le citoyen d'avoir un accès électronique aux services gouvernementaux? Moi, je vis sans ça et ça ne pose pas de problème.

M. Leclerc (Yves): J'en vois deux. Il y en a un, c'est qu'effectivement l'État, en réduisant ses dépenses, a le choix entre réduire ses services ou les offrir de façon plus efficace, d'une autre façon. Il n'y a aucun doute que les technologies d'information – une grande partie des services de l'État sont des services d'information ou des services basés sur l'information – l'utilisation des réseaux et des techniques d'information est fondamentale à toute rationalisation efficace des services de l'État sans qu'il y ait perte de qualité.

Ça ne veut pas dire qu'il faut tout passer à l'électronique, ça veut dire qu'il faut intelligemment informatiser et réseauter ce qui est possible sans qu'il y ait perte de qualité et, de cette façon-là, faire des économies qui vont évidemment bénéficier aux citoyens.

M. Kelley: Mais quels services? Est-ce que vous pouvez être plus précis?

M. Leclerc (Yves): Tous les services d'information fiscale, des services transactionnels de demandes d'aide, de demandes d'information auprès de l'État qui, généralement, prennent beaucoup de temps. Si vous avez déjà attendu sur les lignes en attendant que quelqu'un vous réponde ou si vous avez envoyé un formulaire et que vous avez attendu une réponse, vous savez très bien que ça peut prendre des jours, des semaines, dans certains cas, des mois. Avec des systèmes réseautés intelligemment, on peut avoir, dans la grande majorité des cas, une réponse instantanée, parce que beaucoup de ces questions-là sont standard, sont normalisées. On peut développer des systèmes de base de données relativement intelligents qui vont apporter des réponses à la grande majorité des cas et qui vont permettre aux spécialistes du gouvernement, aux gens du gouvernement qui sont en relation avec les citoyens de n'intervenir qu'à bon escient, là où c'est utile. Donc, d'être beaucoup plus efficaces et de rendre un meilleur service personnalisé aux citoyens en se débarrassant d'une bonne partie de la routine pour se concentrer sur les points où ils peuvent vraiment être utiles directement à tel citoyen individuel ou à tel groupe. Ça, je pense que c'est fondamental. Donc, le deuxième aspect de l'avantage pour le citoyen, c'est finalement d'avoir des services meilleurs et plus rapides.

Et j'insiste sur la rapidité. On voit la différence, par exemple, dans les systèmes du privé, que ce soit les guichets automatiques, que ce soit les réservations automatiques d'avion ou de tout autre service sur Minitel en France, par exemple, il y a une différence énorme entre l'accès par réseau et l'accès traditionnel par téléphone ou la nécessité d'aller à un comptoir pour avoir du service. L'État peut offrir les mêmes avantages que le privé sur ce plan-là.

L'autre point – et ça, ça a été souligné aussi par les gens du CRISP avant, et j'ai trouvé ça intéressant – je pense que l'existence de la carte va faire que le citoyen moyen va être beaucoup plus conscient de l'information qu'on possède à son sujet. Il va avoir un meilleur contrôle sur cette information-là. Les bases de données existent. Que la carte existe ou pas, les bases de données sont là, les croisements se font. Mais tout ça se fait souterrain, le citoyen n'en est pas conscient.

Notre mémoire a été placé sur un site Internet depuis trois semaines, un site qui est relativement fréquenté, on a eu quatre ou cinq réactions. Les gens n'étaient pas vraiment sensibilisés à la question, au problème. Je pense que le fait d'avoir un débat sur la carte et le fait d'avoir une carte est un avantage sur ce plan-là plutôt qu'un désavantage. Ça va rendre visible un phénomène qui est déjà là et qui va, de toute façon, exister et s'accentuer.

M. Kelley: Oui, mais je reviens toujours à la réserve que le Protecteur du citoyen a émise au moment de notre discussion sur l'inforoute. Il faut tenir compte qu'on a quand même un nombre élevé d'analphabètes dans notre société. On a des personnes qui n'aiment pas et qui ne veulent pas comprendre ce qu'est un ordinateur, et tout ça. Alors, je comprends que pour les adeptes, les personnes qui sont bonnes en informatique, il y a un certain avantage. Mais de faire quelque chose, il faut faire ça à une vitesse qui convient à la capacité de la population d'absorber et de s'adapter à ces technologies. Il y a quand même, parmi mes commettants, des personnes qui ne veulent rien savoir d'un guichet automatique 15 ans après leur introduction dans notre société. Ça, c'est une vérité des choses aussi. L'État a quand même le devoir de rendre disponibles à tous ses citoyens ses services. Et ma crainte, c'est qu'on va installer ça... Le CRISP dit que ce sera sur une base volontaire, mais avec des compressions budgétaires qui seront toujours une obsession des gouvernements à venir – parce que, même si le déficit est en train de baisser, notre dette demeure très grande – ça va demeurer un problème. Ma crainte est que ça va devenir obligatoire trop vite pour la capacité de la population de s'habituer, de s'adapter aux nouvelles technologies.

M. Leclerc (Yves): Le danger est réel, et c'est une des raisons pour lesquelles nous proposons que l'implantation de la carte se fasse sous la surveillance d'un organisme tripartite, qui comprendrait des experts de l'industrie, des gens du gouvernement et des représentants du public, qui pourrait donc intervenir pour freiner, ralentir ou modifier l'orientation ou l'évolution de la carte, de façon dynamique, pendant que ça se fait, et non pas une seule fois au moment où il se fait, par exemple, une audience ici, qu'ensuite les portes se ferment et que les spécialistes et le gouvernement travaillent tout seuls, sans que le public sache ce qu'ils sont en train de faire.

(16 h 50)

Je pense que la réponse à votre question, c'est qu'effectivement il y ait une sorte d'organisme, de conseil de surveillance auquel le public soit partie. Il est vraisemblable que dans un organisme comme celui-là, les groupes de protection des droits, les groupes de représentation des consommateurs soient là, ils vont amener cette argumentation-là. Les spécialistes et les représentants du gouvernement vont être obligés de défendre à chaque fois, publiquement, leur position et les raisons pour lesquelles ils pensent qu'il est utile ou nécessaire de faire telle ou telle avance, de rendre tel ou tel aspect de la carte obligatoire.

M. Kelley: Encore une fois, je reviens à un autre de mes thèmes qui est l'écart entre la promesse... Comme je l'ai dis, quelqu'un qui n'est pas un expert dans le domaine de l'informatique – ça fait maintenant deux ans et demi comme député, avant ça, j'ai travaillé au cabinet d'une ministre quatre ans – il y a toujours un énorme écart entre la promesse de ces nouvelles technologies et la marchandise livrée. On est capable...

Quand j'ai lu le rapport du Vérificateur général, cette année, par exemple, ça m'étonne de voir que quand même 6 % des noms et des adresses sur le fichier de la RAMQ sont toujours inexacts. Après tous nos efforts de mettre la photo, de corriger tout ça, 25 ans après, il y a toujours un nom sur six qui n'est pas inscrit comme il faut sur ce fichier, qui est supposé être le meilleur de nos fichiers. Alors, je trouve ça troublant parce qu'on a donné, sans le consentement de l'opposition, la permission de coupler ça avec la liste électorale permanente. Alors, on est en train de trouver beaucoup de problèmes parce que ni l'un ni l'autre ne sont très exacts comme fichiers. Je me demande: Est-ce qu'on va être capable un jour de livrer la promesse ou est-ce qu'un taux d'inexactitude de 6 % c'est incontournable? On va toujours avoir des problèmes, et ça, c'est juste que la gestion des listes est comme ça.

M. Leclerc (Yves): À mon avis, la situation va s'améliorer, mais ce ne sera jamais parfait. Il ne faut pas rêver qu'on va arriver à des bases de données absolument sans fautes et sans erreurs. Il y a trop d'informations qui circulent de trop de sources différentes. Il y a trop de possibilités d'erreurs humaines. Je vous ferai remarquer que, dans la majorité des cas, ces erreurs-là ne sont pas des erreurs techniques, ce sont des erreurs humaines. Ce sont des erreurs de saisie, de modification.

Le fait que le croisement des fichiers se fasse mais qu'il se fasse publiquement sous l'oeil d'organismes dans lesquels le public est représenté est certainement une meilleure garantie que ce qui se passe maintenant. Donc, sur ce plan-là, déjà, si la carte amenait seulement cet aspect-là, ce serait déjà un progrès, à mon avis. Les erreurs vont toujours être là. Les gens qui ne veulent pas utiliser les technologies, il y en aura toujours, le nombre diminue. Vous remarquerez que, dans le cas des guichets automatiques, un, le nombre de gens qui s'en servent a augmenté considérablement; les gens qui ne s'en servent pas ont diminué beaucoup.

Par ailleurs, le niveau de confiance envers les guichets a changé considérablement. Quand ça a commencé, chaque fois qu'on faisait une transaction, on prenait le papier et on vérifiait soigneusement. Maintenant, quand vous allez au guichet, dans 99 % des cas, les gens font leurs transactions, ils prennent le petit papier qui sort, ils le froissent sans même le regarder et ils le jettent à la poubelle. Je pense que c'est tout à fait symptomatique du genre de chose qui se produit.

M. Kelley: Oui, mais juste en terminant, M. le Président, je connais très peu de monde qui est toujours prêt à mettre de l'argent dans un guichet automatique. Et ça, c'est le vrai test. Le cash, on va donner ça à un être humain, on ne met jamais ça dans une enveloppe. Un chèque ou autre chose, mais le cash, moi, je vais toujours donner ça à un être humain. Je ne le mettrai jamais dans une enveloppe. Merci beaucoup.

M. Leclerc (Yves): Je voudrais ajouter un dernier détail sur l'évolution de la technologie. Je ne sais pas qui a dit: Les technologies réalisent leurs promesses toujours beaucoup plus tard qu'on s'y attendait, mais elles en font toujours plus qu'on s'y attendait aussi.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. Leclerc, vous n'avez pas mis une liste exhaustive des journaux pour lesquels vous avez travaillé.

M. Leclerc (Yves): Ha, ha, ha! M. Garon, je pense que vous les connaissez aussi bien que moi.

Le Président (M. Garon): Non, mais je m'attendais de voir...

M. Leclerc (Yves): Le premier, vous en étiez le directeur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Ça me fait plaisir de vous revoir. Comme les députés ont posé les questions qu'ils voulaient vous poser, alors je vous remercie d'être venu au nom de votre entreprise, les Communications ViaNET inc., et de votre contribution aux travaux de cette commission. Nous allons entendre par la suite CVDS inc.

Alors, si vous voulez vous présenter. Je ne sais pas qui... J'ai ici M. Marc Ouellet, Brian Berkovits et M. Denis Langlois. Je ne vous connais pas, alors si vous voulez vous identifier.

Normalement, nous avons jusqu'à 17 h 30 ensemble. Alors, normalement, vous avez une quinzaine de minutes pour présenter votre affaire et, ensuite, les députés de chaque côté peuvent vous interroger.


CVDS inc.

M. Langlois (Denis): Je vais présenter l'équipe. Ici, il y a, à ma droite, Brian Berkovits, chef de produits; Marc Ouellet, soutien technique; Guy Lemire, représentant pour la région de Québec; et moi-même, Denis Langlois, aussi représentant.

Bonjour, mesdames et messieurs. Nous tenons à remercier la commission pour le temps qui nous est accordé. Les enjeux sont cruciaux, ils parlent de liberté.

CVDS est un manufacturier d'équipements électroniques. Ses installations sont situées à la ville de Pointe-Claire, Québec.

M. Kelley: Dans le comté de Jacques-Cartier.

M. Langlois (Denis): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Langlois (Denis): Cette intervention est partisane. Nous croyons que nos produits sont utiles pour rencontrer, sinon dépasser les buts recherchés, en supposant que cette commission initie un changement.

Notre position est simple. L'accès à l'information concernant les citoyens doit être strict, efficace lorsque nécessaire et sécuritaire pour toutes les parties concernées. Il ne se passe pas une semaine sans qu'éclate dans les médias un nouveau fait relatant que les dossiers informatisés du gouvernement sont consultés de façon non autorisée, non nécessaire ou pour des fins commerciales.

La question d'identité en est une politique et, en politique, je suis le moins expérimenté. Mais demandez-vous par quel hasard tous ces journaux, papier comme télévisés, discutent abondamment des fuites et des fraudes toujours possibles et vous découvrirez comment et pour qui les cabinets de relations publiques ou gouvernementales influencent les médias.

Mais si tout ceci est exact – je parle des fraudes, et tout ça – le gouvernement se doit de prendre avantage de ce laxisme pour maintenant créer un climat de sécurité envers les citoyens. De plus, ceux-ci, et même les citoyens corporatifs, seront vos alliés si vous proposez un plan complet qui englobe sécurité, carte unique, rentabilité, crédibilité.

(17 heures)

Permettez-nous de donner une brève description de nos deux produits, pour ensuite élaborer chaque point en fonction de notre expertise. On a un nom anglais, qui est un lecteur d'empreinte digitale qu'on appelle Dermo Print. C'est un lecteur de carte à puce avec lecture d'empreinte digitale. Nous ferons une démonstration tout de suite après la lecture du mémoire. Cet équipement permet de lire une empreinte digitale et de la comparer avec 16 points identiques contenus par la carte. La lecture de l'empreinte, due au fait qu'elle est unique, supplante tous les autres moyens de vérification ou d'identification tels que photo, signature, numéro d'identification personnelle, comme le NIP.

Notre carte devient inopérante lorsqu'elle est perdue ou volée, elle ne peut être partagée et oblige une vérification. L'information ou le code est encrypté par notre lecteur, mais pas l'empreinte digitale. Donc, personne au monde ne peut recréer l'empreinte à partir du code, même pas nous, les gens du CVDS. C'est ça qu'on appelle sécuritaire.

Le deuxième appareil que j'aimerais vous montrer, c'est un adaptateur RNIS. Cet adaptateur est le compagnon parfait du Dermo Print ou pour tout point de transaction. L'adaptateur soutient de façon simultanée plusieurs liens de communication. Par exemple, un médecin pourra avoir, avec ce même lien-là, un lien téléphonique, recevoir un appel, recevoir une télécopie et faire la vérification de l'identité de la personne avec la carte.

Premier point: point de sécurité, obligation de l'identification. Le lecteur compare l'empreinte digitale avec l'information digitalisée et contenue par la carte. Nous croyons que cette première étape effectuée localement est nécessaire pour prouver l'identité. À ce stade, le commerçant ou tout autre organisme pourrait être autorisé à connaître le nom et l'adresse, les renseignements minimums que vous jugez utiles. Ceci devrait être suffisant pour la plupart des situations.

Une deuxième vérification simultanée, grâce aux possibilités de notre adaptateur RNIS, pourrait être demandée contre un fichier dans un système central du gouvernement. Cette deuxième vérification devrait être autorisée contre des frais monétaires au demandeur. Cette dernière vérification confirmerait les informations divulguées seulement, nom et adresse, ce que vous jugez comme le strict minimum qui est vraiment sécuritaire.

Encore, cette carte ne peut être partagée comme celle qui contient un NIP. De plus, la vérification est obligatoire et non dépendante d'un préposé qui doit, lorsqu'il en a envie, comparer une signature ou une photographie. Ce qui n'empêche pas notre carte de pouvoir contenir ces éléments.

Obligation d'identifier la personne ou organisme qui demande vérification ou accès au dossier. Avec ce système, le système qu'on vous propose, vous pourriez aussi bien identifier la personne qui reçoit un service que celle qui le prodigue. Prenons toujours l'exemple d'une personne qui consulte un médecin en clinique privée. Elle présente sa carte, s'identifie et demande une consultation. La clinique médicale pourra obtenir soit des informations médicales contenues par la carte à puce, soit avoir accès au dossier médical informatisé dans un système central. Le médecin pourra ajouter des informations pertinentes à son intervention immédiate.

Ici, la sécurité vient du fait que le médecin ou la clinique, un, a à la portée de la main toute information considérée urgente. Exemple, le groupe sanguin, allergie, le dossier séquentiel des dernières interventions, quelles sont les dernières prescriptions obtenues. Deuxième point, c'est qu'elle a dû s'identifier.

La carte unique – ça, c'est notre position – on vous demandera de légiférer, finalement. Ici, le gouvernement devrait légiférer pour que la carte soit obligatoire et acceptée de tous, sans exception. Sinon, le citoyen se sentira berné lorsque sa ville lui demandera de prendre place devant une caméra pour que l'administration de cette même ville-là le catalogue, le fiche, le photographie pour créer une autre carte de citoyen, celle-ci municipale, avec photo, qui permettra à l'accès à une bibliothèque qui parfois manque de livres. Personnellement, j'aimerais mieux que la bibliothèque conserve, sinon améliore ses fonctions primaires de diffusion de richesses culturelles, scientifiques et de divertissements.

Nous sommes d'accord avec le principe d'identifier positivement toute personne qui demande un service. C'est donc nécessaire de créer une carte multiservices ayant comme avantage et principale fonction d'être crédible aux yeux de tous, sans exception.

Il y a une question que je me pose: Est-ce qu'on aurait le droit de faire une autre carte qui serait encore une troisième clé. Là, on a déjà le NAM, on a déjà le permis de conduire. Si on crée une autre carte qui n'a aucune dent ou aucun moyen de sécurité, ça ne sera peut-être pas nécessaire finalement. Ou à qui la carte serait utile, aux citoyens ou à ceux qui accumulent des informations?

Rentabilité. C'est seulement des suggestions. Je suis sûr que différents ministères en auraient plusieurs et pas mal mieux élaborées.

Pour la rentabiliser, je crois que les citoyens accepteraient qu'il y ait des frais pour payer la carte, finalement. Des frais seront perçus à tout citoyen corporatif ou organisme demandant une confirmation d'identité.

Où il pourrait y avoir des économies d'échelle: une carte au lieu d'une multitude. Imaginez les coûts que la bibliothèque municipale épargnerait à ses citoyens avec l'utilisation d'une carte universelle. Maintenant, multipliez le prix de ce système par le nombre de municipalités, d'hôpitaux qui ont besoin d'un service d'identification. Prenez la responsabilité et la crédibilité de fournir un service d'identification efficace et sécuritaire.

Élimination de la fraude. Toujours dans les journaux, la RAMQ entend récupérer 18 000 000 $ des fraudeurs. L'élimination de la fraude et une partie des ressources que vous allouez pour la combattre. Il y a vraiment des gens dans le besoin et nous nous devons de les supporter. Malheureusement, il y a aussi les fraudeurs habiles que la population ne peut tolérer, même si nos finances publiques se portaient bien. Alors, je ne crois pas qu'un fraudeur aura l'audace de créer un dossier ou deux dossiers avec la même empreinte digitale.

Transfert d'argent électronique versus l'impression de chèques. Toujours pour essayer de faire des économies. Ici, je parle tout le temps d'un médecin, il s'agirait de savoir si vraiment ça pourrait être mis en fonction.

Reprenons l'exemple du médecin cité plus haut. Vous pourriez peut-être envisager de créditer ses honoraires la journée même et vous réclamez ce montant majoré aux compagnies d'assurances multiples. Tout le monde y gagne: le médecin pourrait envisager un horaire moindre si son compte est crédité dans l'instant; la compagnie d'assurances recevrait une seule facturation et, tout comme vous, pourrait bénéficier d'une réduction de la fraude, une réduction de tarif, une réduction d'échelle.

Crédibilité. L'électronique et l'informatique ont créé le problème présent: une multitude de dossiers sans contrôle du gouvernement ni du citoyen. Et c'est encore ces technologies qui sont en mesure d'apporter une solution. Chaque organisme, citoyen ou fonctionnaire devrait obligatoirement s'identifier pour avoir accès aux dossiers. Chaque citoyen devrait être en mesure de savoir qui a demandé l'accès à son dossier.

Je crois que la population cautionnerait un tel projet si elle se sent protégée, si vos plans sont vraiment d'offrir une sécurité accrue, d'élimination de la fraude, d'offrir un espoir d'améliorer les différents réseaux de communication de chaque ministère.

Cette intervention, je le répète, est partisane: partisane d'un gouvernement qui veut améliorer, partisane d'un citoyen qui veut voir un changement positif. Nous voulons contribuer avec notre expertise et nos produits au développement durable que vous avez initié. Soyez assuré de notre disponibilité et de l'effort que nous voulons partager.

On pourrait passer à la démonstration et après la série de questions. Ça va?

Le Président (M. Garon): Faire ça à l'inverse peut-être.

M. Langlois (Denis): Oui, oui.

Le Président (M. Garon): Les gens vont vous poser des questions.

M. Langlois (Denis): Ça va.

Le Président (M. Garon): Après ça, nous allons ajourner les travaux de la commission et les gens pourront demeurer le temps qu'ils voudront avec vous.

M. Langlois (Denis): C'est bon.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. Bienvenue aux représentants de CVDS. Première question. Vous avez soulevé le problème de fraude. On a vu quelques articles dans les journaux. Mais, moi, je ne suis pas un expert dans la sécurité des systèmes, selon vous, c'est quoi, l'état, l'ampleur, le problème d'accès aux données confidentielles? Comme j'ai dit, on avait des allégations, on avait certaines questions qui ont été soulevées, mais, selon vous, est-ce que c'est facile ou très difficile d'avoir accès au dossier de revenu, au dossier policier? C'est quoi, le niveau des problèmes ou l'ampleur des problèmes?

M. Langlois (Denis): Je ne peux pas répondre plus que ce que j'ai lu dans les journaux, parce que, moi-même, je ne suis pas expert dans ce que tu appelles la fraude. Notre point de vue, ici, chez CVDS, c'est qu'on est fabricant d'équipements d'électroniques. Pourquoi on s'est présenté? C'est qu'on aimerait mettre notre technologie à votre disposition. Comme je le disais tantôt, tout récemment en tout cas, de plus en plus, surtout peut-être à cause de l'approche de la commission, il y a eu plein de reportages télévisés ou dans les journaux comme quoi il y avait beaucoup de fraudes, que c'était plus que facile d'avoir accès à tous nos dossiers pour des frais monétaires. Vous payez 40 $ et vous avez un dossier de la RAMQ sur n'importe quelle personne. C'est assez étonnant. Imaginez-vous le citoyen comment il se sent devant cette faiblesse, finalement, de l'État.

(17 h 10)

M. Kelley: Même les députés sont des citoyens, alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: Inquiets, je comprends, même chez vos clients, parce que, j'imagine, avant d'arriver chez vous pour obtenir vos produits, et tout ça, il doit y avoir une inquiétude. Si j'étais une compagnie dans le secteur privé et j'étais confiant que toutes mes données vont bien, je n'achèterais pas votre système. Alors, le monde qui arrive chez vous doit avoir des craintes ou doit avoir une certaine raison pour investir dans une meilleure sécurité. Alors, c'est quoi le genre de problème qui amène une compagnie à cogner à votre porte?

M. Langlois (Denis): Les besoins sont multiples. Je veux dire, la sécurité, c'est tout le temps. C'est peut-être même, la sécurité, quelque chose, qui n'est pas quantifiable jusqu'à un certain point. Chez vous, vous pouvez dire: Moi, j'aimerais avoir tel genre de sécurité parce que j'ai telle, telle crainte, mais mes craintes peuvent être différentes. Alors, je répondrais à votre question, mais...

M. Kelley: Non, non, non, mais pour embarquer dans un Dermo Print ou quelque chose comme ça, est-ce que la crainte est plutôt que le monde de l'extérieur va avoir accès aux banques de données ou est-ce que c'est une façon de mieux contrôler et mieux surveiller les activités des propres employés d'une compagnie? Pourquoi est-ce que j'irais chez vous pour embarquer dans un système Dermo Print? C'est quoi les problèmes ou les inquiétudes qui vont amener à investir dans ça?

M. Langlois (Denis): Bien, il peut y en avoir plusieurs, comme je dirais... On propose ça aux banques surtout, présentement, parce qu'on a une obligation qui est complètement différente, qui est l'accès. Vous pouvez avec votre pouce droit avoir accès à la voûte, disons, avec deux lecteurs, deux personnes qui devraient s'identifier en même temps. Mais si vous mettez le pouce gauche, par exemple, en plus d'ouvrir la porte, ça va quand même déclencher l'alarme. Ce que je veux dire, c'est que l'électronique, aujourd'hui, peut vous permettre de faire plusieurs choses. Il s'agit de savoir, de mettre les barèmes, ce que vous avez besoin de faire, finalement.

Est-ce que vous croyez, vous, comme gouvernement, que vous pouvez avoir 100 000 personnes qui ne devraient pas avoir accès à la carte-soleil? Je ne le sais pas. C'est vous qui allez mettre le barème. Est-ce qu'on a besoin de sécurité ou est-ce qu'on n'en a pas besoin? Je crois que vous devriez en avoir besoin, parce que de créer une troisième carte qui n'a pas d'élément de sécurité, c'est d'ouvrir la porte encore à une troisième voie d'accès.

M. Kelley: Je comprends le besoin de sécurité, mais, je pense avant d'embarquer, qu'il y a toujours les questions de la vie privée qui sont impliquées.

M. Langlois (Denis): D'accord.

M. Kelley: C'est des coûts additionnels pour le citoyen et c'est une autre obligation pour le citoyen. Si j'ai une autre carte que je dois garder, que je ne peux pas perdre, chaque fois que je déménage... et il y a des moments dans la vie où on déménage souvent, comme quand on est étudiant, par exemple, on n'est pas à une adresse fixe. Alors, chaque décision qu'on prend, il y a des exigences pour le citoyen. Et, dans la mesure du possible, s'il n'y a pas énormément de problèmes... Et je conviens avec vous qu'il y a toujours des problèmes avec le fichier de la RAMQ, parce qu'il demeure toujours un certain nombre de personnes qui sont là, soit pas la bonne adresse, pas le bon nom. Peut-être, il y a toujours les personnes qui fraudent le système. Ça, c'est à voir. Avant d'ajouter des exigences sur le citoyen, je dois avoir une bonne idée si le système existant pose des problèmes ou si ce n'est pas sécuritaire.

Parce que, moi – c'est peut-être mon autre question – chez vos clients... Une des beautés de cette commission, c'est qu'on peut tester nos opinions et nos préjugés. Un de mes préjugés, c'est qu'une empreinte digitale, c'est pour les bandits. Vraiment, moi, comme citoyen, je ne veux pas donner mon empreinte digitale, c'est quand on fait un crime qu'il faut faire ça.

Alors, dans votre expérience à vous, est-ce qu'il y a des réticences des compagnies qui ont embarqué ou est-ce que le monde – pas uniquement les patrons, mais les employés aussi – est heureux d'avoir ça?

M. Langlois (Denis): La réticence vient du niveau de connaissance. Une fois que vous allez assister à la démonstration, vous allez comprendre ce qui est enregistré sur la carte. Finalement, le seul détenteur de votre empreinte digitale, c'est vous-même, puis elle reste tout le temps sur votre pouce. La seule chose qu'on met, c'est qu'on prend des points... C'est pareil comme si je dessinais 40 points sur la feuille, ici, vous les dispersez, vous les mettez partout. Avec ces points-là, je ne suis pas en mesure de redessiner votre empreinte digitale. Puis, c'est vraiment sécuritaire, dans le sens que vous la donnez à n'importe qui après, puis ils ne sont pas en mesure de reconstruire l'empreinte digitale. La Sûreté du Québec pourrait feuilleter son dossier de toutes les empreintes digitales qu'elle a déjà fichées, elle ne serait pas en mesure de les comparer. Ça prend vraiment une empreinte vivante. C'est pour ça qu'il faut connaître la technologie, pour atténuer ces craintes-là. Parce que c'est justement la beauté du système, c'est de la sécurité qu'on croit que vous avez besoin.

J'aimerais peut-être ajouter, tantôt... Comment je pourrais vendre ou comment, peut-être, le gouvernement pourrait vendre ça aux citoyens? J'ai une carte de citoyen de la ville de Vaudreuil, parce que je demeure dans cette région-là. Ils m'ont catalogué, fiché, photographié pour que je puisse emprunter un livre. Ce qui m'étonne, là-dessus, c'est que le système qu'ils ont acheté, avec caméra Sony, pour imprimer une photo sur une carte de plastique, c'est quand même... je veux dire, ils ont de l'équipement pour au moins 50 000 $, j'en suis sûr. Ça n'inclut pas toute la maintenance annuelle, le logiciel, juste les frais d'entretien. Il y a plein de cas comme ça. Même les hôpitaux aussi, ils font leur propre carte. Je veux dire, il y aurait une économie d'échelle à aller chercher, finalement.

M. Kelley: Oui, mais c'est pour ça que vous pouvez déménager à Beaconsfield où nos cartes de bibliothèque sont toujours remplies à la main par un bénévole. Alors, c'est vraiment moins dispendieux pour le citoyen. Mais ça, c'est juste une petite publicité pour ma bibliothèque municipale.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Langlois (Denis): Mais il faut admettre que...

M. Kelley: Merci beaucoup.

M. Langlois (Denis): D'accord. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Je constate que vous avez de beaux documents de publicité, de promotion. Cependant, je constate qu'ils sont strictement en anglais. Il me semble qu'il y a quand même un marché aussi pour les francophones, que les pays francophones sont aussi à l'heure de l'autoroute de l'information et des technologies des communications. Alors, je suis toujours surprise que... Vous êtes une entreprise québécoise?

M. Langlois (Denis): Exact.

Mme Charest: Et vous ne produisez que des documents en anglais?

M. Langlois (Denis): Vous devez comprendre...

Mme Charest: Vous ne travaillez qu'en anglais?

M. Langlois (Denis): Je m'excuse.

Mme Charest: Est-ce que vous ne travaillez qu'en anglais?

M. Langlois (Denis): Non.

Mme Charest: Est-ce que vous ne produisez que des documents en anglais?

M. Langlois (Denis): D'accord. Je dois admettre que – on s'en excuse – ils sont surtout en anglais, présentement.

Mme Charest: Je suis capable de lire l'anglais, mais je voudrais savoir c'est quoi, votre production de documents de référence.

M. Ouellet (Marc): Notre marché, en ce moment, il est visé par les États-Unis. On commence, puis on va aller prendre les plus gros marchés. Mais, je veux dire, les traduire, ça ne prendra pas beaucoup de temps.

M. Langlois (Denis): Un peu comme vous, finalement, la question est économique. Étant en Amérique du Nord, il ne faut quand même pas se cacher les yeux. La grosse partie du commerce, même si on est ici devant une population française, la grosse partie de la population est anglaise. On n'a pas d'autres excuses.

Mme Charest: Vous n'avez pas une vision traditionnelle des marchés. Parce que, avec les nouvelles technologies de l'information, il n'y a pas de frontières, tous les marchés sont possibles, même les marchés francophones. Il n'y a pas que le Québec qui est un pays francophone, il y a d'autres pays francophones également.

Enfin, je voulais attirer votre attention sur le fait que, si vous veniez à l'Assemblée nationale, ce serait vraiment apprécié d'avoir, à l'occasion, des documents en français. C'était un commentaire, tout simplement.

Je vais revenir maintenant sur votre mémoire, où vous faites vraiment, je dirais, la promotion d'une carte multiservices, sous prétexte que ça pourrait être utilitaire, rentable, et tout ça. Mais, vous savez, vous n'êtes pas nombreux les groupes qui sont venus nous voir et qui nous ont fait, en quelque sorte, l'apologie d'une carte multiservices. Parce que le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information, plein de partenaires comme ça qui sont venus, trouvent, au contraire que c'est très dangereux l'utilisation d'une carte d'identité qui pourrait être une carte multiservices. Comment vous réagissez par rapport à ça? Qu'est-ce qui, pour vous, à part des arguments économiques, là... J'aimerais vous entendre sur des arguments d'ordre éthique, les principes de protection de la vie privée, des choses comme ça. Vous n'avez pas de craintes par rapport à une carte multiservices?

M. Langlois (Denis): Non, parce que, justement, c'est vraiment le gouvernement qui donne accès aux dossiers. Si vous êtes pratiquement...

Mme Charest: Mais il n'y a pas que le gouvernement qui fait affaire avec des cartes et avec des fichiers.

(17 h 20)

M. Langlois (Denis): Mais là, on parle d'une carte gouvernementale.

Mme Charest: Il y a des entreprises commerciales aussi qui ont des fichiers. Qu'on pense aux compagnies d'assurances qui ont des fichiers, de gros fichiers, sur toute leur clientèle. Comment ça s'appelait la compagnie de crédit qui est venue nous voir, là?

Une voix: Équifax.

M. Langlois (Denis): Ils ont tout sur nous.

Mme Charest: Équifax, qui possède une multitude de dossiers et tout ça. Alors, je veux dire, il n'y a pas que les gouvernements qui font affaire avec des échanges d'informations et de données.

M. Langlois (Denis): Mais je comprends mal votre crainte, parce que la barrière que vous pouvez mettre, c'est dans vos systèmes centraux. C'est bien avant nos dossiers. Puis, ça, il y a tout le temps une trace, puis vous êtes en mesure de... c'est vous qui guidez les paramètres. Nous autres, ce qu'on peut vous offrir, c'est une technologie qui va vous certifier une chose: la personne qui demande un service, c'est la bonne personne. Après ça, vraiment, quand on commence à parler de c'est quoi la protection, de quelle manière vous allez disposer des fichiers, on ne peut pas vous le dire comment vous allez guider l'avenir de ces dossiers-là. Ce qu'on peut vous assurer, par exemple, avec la démonstration que vous allez voir aussi tantôt, c'est que, si on vous donne une carte, vous ne pourrez pas la passer aux autres, personne ne pourra la copier, puis c'est sécuritaire.

Le multiservices après dépend de chaque canal. Quel genre de service vous voulez vraiment offrir? Ça, vous en êtes les guides, les chefs, puis avec tous ceux qui... Comme le CRISP qui est passé avant nous, je crois que c'est quand même bien, mais, selon nous, la carte ne devra pas être – comment je pourrais dire ça – non obligatoire, elle devrait l'être, obligatoire. Parce que, sinon, on crée justement deux vitesses.

Mme Charest: Parce qu'on parle toujours de la même chose, des cartes d'identité, là.

M. Langlois (Denis): Oui, oui, définitivement. On parle juste de ça.

Mme Charest: Et vous parlez d'une carte d'identité obligatoire?

M. Langlois (Denis): On le conseille.

Mme Charest: Et multiservices.

M. Langlois (Denis): La carte, c'est la clé qui vous donne accès, après, au dossier. C'est aussi simple que ça. Oui, elle peut être multiservices. Mais, c'est de l'électronique, là. En étant électronique, c'est vous qui guidez les paramètres, quels dossiers elle peut consulter et ce que vous mettez dessus. Tantôt, je parlais d'allergie. Vous voyez des personnes souvent qui ont un petit bracelet au poignet, cette carte-là pourrait les contenir. Vous allez être les décideurs de ce qui va être sur la carte puis de ce qui ne sera pas sur la carte, ce qui va être derrière des barrières, derrière des systèmes centraux. On pourrait vous en suggérer des suggestions, mais c'est votre décision.

Mme Charest: Je comprends ce que vous me dites. Vous me dites que, en réalité, vous, comme fabricant, comme concepteur de logiciels et de programmes, vous pouvez répondre à la commande de ce que je veux vous demander.

M. Langlois (Denis): Exact.

Mme Charest: Je peux vous demander une carte avec des plages, avec des accès limités pour différents types de clientèle. Ça, je comprends ça. Mais, ce que j'essayais de voir avec vous, c'est, en dehors de tout ça, une fois qu'on a dit ça, l'impact que peut avoir un type de carte comme celle que vous êtes capable de faire sur la protection de la vie privée, et tout ça. Je pense que, là-dessus, je vais laisser du temps à mes collègues pour vous poser d'autres questions. Mais ce que je retiens, c'est que vous nous confirmez en quelque sorte que, comme entreprise de concepteur, vous êtes capable de répondre à toutes sortes de demandes qui peuvent exister sur le marché. Merci.

M. Langlois (Denis): Oui.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Juste une courte question. Je ne sais pas si j'ai bien compris la technologie, là, peut-être que je vais comprendre mieux tantôt. Est-ce que ça serait possible d'avoir une carte, supposons une carte blanche, encrypter mes empreintes, juste ça, pas de photo, pas d'adresse? Autrement dit, j'aurais une carte blanche...

M. Langlois (Denis): C'est possible.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...et juste le lecteur me donnerait toutes les informations, c'est-à-dire mon nom, mon adresse, ma date de naissance.

M. Langlois (Denis): Ce que vous jugez nécessaire, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est parce que j'essaie de visualiser...

M. Langlois (Denis): Oui, oui, c'est vraiment ça.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...ce que ça aurait l'air. C'est une carte blanche?

M. Langlois (Denis): Mais, nous autres, peut-être que...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais ça pourrait être ça. là?

M. Langlois (Denis): Oui, ça pourrait définitivement être ça. Parce que les cartes avec lesquelles on travaille présentement, elles n'ont que ça. Mais, pratiquement, ce n'est peut-être pas pratique. Ça prendrait peut-être une photo ou symbole, juste pour la reconnaître peut-être des autres cartes.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je pense que j'avais bien compris. Peut-être vous pourriez m'engager. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Rapidement. Vous vous en remettez un peu à nous comme législateurs pour dire: Qu'est-ce que vous voulez, etc.? Nous, nous sommes une commission qui, justement, voulons écouter les points de vue, parce que cette question a été soulevée à l'une ou l'autre occasion, vous l'avez signalé, même que vous supposiez que c'était peut-être parce qu'il y avait une commission que beaucoup plus d'articles sont parus sur la question.

Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est... Évidemment, on pourrait n'avoir qu'une carte d'identité qui aurait au moins comme première fonction – ça, c'est une des hypothèses qu'on peut poser – de protéger les autres cartes. Quand j'utilise une carte d'identité, je protège la carte de la RAMQ, je protège la carte du NAS, parce qu'on ne va pas l'utiliser à tort et à travers et pour des fins qui ne sont pas les fins prévues pour la santé ou pour l'assurance sociale.

Moi, ce que je trouve intéressant de votre point de vue, c'est que vous nous dites que cette carte-là peut être sécuritaire. Vous nous dites aussi, si j'ai bien compris, que, actuellement, sous prétexte d'être rassuré avec plusieurs cartes – et c'est le cas d'ailleurs de votre député, et je ne dis pas qu'il a tort – que c'est aussi... Effectivement, avec plusieurs cartes notre vie privée est peut-être plus menacée qu'avec une seule. Je ne dis pas qu'elle serait multiservices, mais avec une carte d'identité qui aurait comme fonction de nous identifier, qui pourrait servir comme carte d'électeur, par exemple, si elle a sa photo puis des renseignements rudimentaires, avec évidemment la condition d'être sur la liste électorale permanente, éventuellement. Parce que d'autres groupes qui étaient avancés dans la haute technologie sont venus nous dire que ça pourrait être une carte à compartiments protégés avec possibilité de communication avec différents organismes.

Alors, j'aimerais ça savoir surtout si vous pensez qu'une carte d'identité universelle non obligatoire, de notre point de vue – bon, en tout cas, vous pouvez suggérer qu'elle soit obligatoire – serait quand même une carte qui protégerait davantage la vie privée que l'ensemble des cartes que nous avons actuellement.

M. Langlois (Denis): C'est ce que vraiment on voulait faire ressortir dans notre mémoire. La sécurité, c'est pour tout le monde, surtout, peut-être, pour le citoyen. Ça fait que la première chose que vous devez peut-être établir, c'est ce que la carte va donner comme information: nom, adresse, peut-être l'âge. Puis, des niveaux subséquents, il y a peut-être un autre intervenant qui va mettre lui aussi sa carte après la vôtre, qui va être un médecin ou un docteur, il va avoir accès à une deuxième... Lui, il va avoir accès à un dossier qui va être soit central ou peut-être encore sur la carte. Ça, c'est encore à vous de décider. Mais il y a des choses comme ça, il y a des étapes qu'on peut faire.

Autrement dit, s'il y a un commerçant à qui vous voulez louer une fendeuse pour fendre votre bois, vous allez là, puis il vous demande une carte d'identité, le NAM, et tout ça, avec ça, la seule chose que vous avez besoin de faire, c'est de mettre votre pouce sur le lecteur, vous vous identifiez positivement, il y a votre nom, votre adresse, c'est tout.

M. Gaulin: Vous, c'est la carte à pouce, ce n'est pas la carte à puce. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Langlois (Denis): C'est bon. La carte à pouce.

M. Gaulin: Ou c'est les deux. Je vous remercie.

M. Langlois (Denis): C'est les deux. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, sur cette note humoristique, comme nous avons atteint l'heure de 17 h 30, je veux remercier les représentants de CVDS inc. de leur contribution aux travaux de cette commission. Et j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 17 h 29)


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