To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Culture

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, March 18, 1997 - Vol. 35 N° 31

Consultation générale sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
M. André Gaulin
M. Geoffrey Kelley
Mme Solange Charest
M. Yves Beaumier
M. Régent L. Beaudet
M. Thomas J. Mulcair
M. Lawrence S. Bergman
*M. Pierre-F. Côté, DGE
*M. Robert Thivierge, SAI
*M. Jean-Michel Salvador, idem
*M. Yves Filion, HQ
*Mme Stella Leney, idem
*M. André Dicaire, RAMQ
*M. Marc St-Pierre, idem
*M. Florian Saint-Onge, Conférence des régies régionales de la santé
et des services sociaux du Québec
*M. Guy Lavoie, idem
*M. Jean-Paul Fortin, idem
*M. Louis-Martin O'Neill, PQ-Laval
*M. Martin Fournier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures neuf minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance ouverte. Rappelons le mandat de la commission. La commission s'est donné le mandat d'initiative suivant: procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.

Y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaudet (Argenteuil) remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Mulcair (Chomedey) remplace M. Cusano (Viau); et M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys).

(9 h 10)

Le Président (M. Garon): Alors, l'ordre du jour. Je vais donner l'ordre du jour de la journée. C'est: à 9 heures, le Directeur général des élections; à 10 heures, le Secrétariat de l'autoroute de l'information; à 11 heures, Hydro-Québec; à midi, suspension; reprise à 15 heures ou après les affaires courantes, si c'est plus tard un peu, avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec; à 16 heures, Conférence des régies régionales de la santé; à 17 heures, Parti québécois de l'Université Laval; et nous devons ajourner autour de 18 heures.

Alors, j'invite maintenant le Directeur général des élections. Il est déjà rendu à la table. Nous avons une heure ensemble. Ça veut dire normalement une vingtaine de minutes pour votre exposé, une vingtaine de minutes pour chacun des groupes ministériels. Si vous prenez plus de temps, ils auront moins de temps pour vous questionner; si vous en prenez moins, ils pourront vous questionner davantage. M. Côté, si vous voulez en même temps nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Directeur général des élections (DGE)

M. Côté (Pierre-F.): Merci, M. le Président. À ma droite, c'est Me Eddy Giguère, qui est substitut du Directeur général des élections; à ma gauche, Mme Thérèse Fortier, qui est directrice des communications; et également M. Jacques Drouin, qui est assistant de l'adjoint au scrutin. Je suis heureux d'être ici ce matin pour pouvoir vous communiquer des réflexions. J'ai pensé que la meilleure façon, ce serait de lire le texte, qui n'est pas très long, et puis ça vous permettra par la suite de poser les questions qui vous sembleraient à propos.

À plusieurs reprises au cours des 25 dernières années, la suggestion d'utiliser un moyen permettant d'identifier un électeur refait périodiquement surface. En décembre 1995, le Directeur général des élections rendait public un document de réflexion recommandant notamment la réalisation d'une étude de faisabilité et l'évaluation des coûts et bénéfices relativement à l'instauration d'un mécanisme obligatoire d'identification de l'électeur. Cette recommandation faisait suite au référendum du 30 octobre 1995 alors que plusieurs intervenants avaient exprimé le souhait que des modifications à cet effet soient apportées à la législation électorale et référendaire québécoise. À ce jour, ce mandat n'a pas été confié au Directeur général des élections.

Malgré l'absence de résultats complets sur l'opportunité et la faisabilité de différents moyens d'identification de l'électeur, le Directeur général des élections souhaite quand même présenter à la commission de la culture, dans le cadre de sa consultation sur les cartes d'identité, sa position quant à l'identification des électeurs du Québec lors d'événements électoraux.

Mentionnons dès le départ une distinction importante dans la formulation: une carte d'électeur donnerait l'autorisation de voter, indépendamment de la présence du nom de l'électeur sur la liste électorale; une carte d'identité de l'électeur aurait comme seule fonction d'identifier les électeurs au moment d'un scrutin. Dans ce cas, l'inscription sur la liste électorale demeurerait une condition sine qua non pour pouvoir voter. Le présent mémoire résume la position actuelle du Directeur général des élections en regard de l'identification des électeurs pour leur permettre d'exercer leur droit de vote lors d'un scrutin.

Le Directeur général des élections est favorable à l'introduction d'une carte d'identité de l'électeur pour renforcer la confiance des électeurs dans l'intégrité du système électoral. Dans la suite du texte, nous utiliserons l'expression «carte d'identité de l'électeur». On comprendra aussi, à la lecture de notre mémoire, qu'une carte d'électeur spécifique aux seuls besoins du système électoral ne nous apparaît pas justifiée.

Le mémoire se divise en quatre parties: la première permet d'avoir une vue d'ensemble des droits des électeurs et des responsabilités du Directeur général des élections dans l'ensemble du système électoral québécois; les deux parties suivantes présentent l'enjeu de l'identification des électeurs et les besoins d'identification des électeurs dans la perspective de l'intégrité du système électoral; enfin, la dernière partie résume la position du Directeur général des élections à l'égard d'une carte d'identité de l'électeur.

Les droits des électeurs. L'électeur est au coeur des événements électoraux parce que nous vivons en démocratie représentative; c'est lui qui détient le pouvoir exclusif d'élire ses représentants. Il est donc l'acteur principal du système électoral québécois. Au Québec, le système électoral est fondé, depuis 1940, sur le principe du suffrage universel permettant à l'ensemble des citoyens et des citoyennes d'exercer librement et secrètement leur droit de vote. Ce droit de vote se matérialise, en premier lieu, par l'inscription sur la liste électorale. Le vote est facultatif, c'est-à-dire que le citoyen décide de son propre chef de participer ou non à un scrutin. S'il veut effectivement exercer son droit de vote, il doit alors obligatoirement s'inscrire sur la liste électorale. Le recensement des électeurs effectué en septembre 1995 et la révision qui a suivi ont établi le nombre d'électeurs inscrits au Québec à 5 087 009 personnes, ce qui représente, selon nos estimés, un peu plus de 90 % de la population adulte au Québec.

Les responsabilités du Directeur général des élections. Gardien de la démocratie, le Directeur général des élections a pour mission, dans le cadre de la législation, d'assumer l'administration du processus électoral en vue du renouvellement des membres de l'Assemblée nationale et, dans une certaine mesure, des membres des conseils municipaux en assurant le libre exercice du droit de vote des électrices et électeurs du Québec. En conséquence, il a le devoir d'informer les électeurs, d'assurer la transparence du financement des partis politiques et d'assurer une représentation équitable.

Le Directeur général des élections doit s'assurer que tous les Québécois qui le désirent puissent exercer leur droit de vote, le moment venu. Il a la responsabilité, depuis juin 1995, d'établir une liste électorale permanente qui servira tant pour les élections provinciales, municipales que scolaires. Il est important de rappeler que, pour exercer son droit de vote, une personne doit posséder la qualité d'électeur et être inscrite sur la liste électorale.

Identification des électeurs: contexte et problématique. Il nous apparaît utile dès le départ de faire un tour d'horizon de la problématique d'identification des électeurs dans le système électoral actuel, de partager notre compréhension de la réceptivité de l'opinion publique et de tracer un bref aperçu de la situation dans d'autres systèmes électoraux à l'extérieur du Québec.

La problématique. Au Québec, il n'existe pas de carte universelle d'identification. Depuis les années soixante-dix, la question de l'opportunité d'introduire un mode d'identification obligatoire des électeurs refait périodiquement surface. Lors d'un scrutin, l'identification de l'électeur se fait par la vérification de son inscription sur la liste électorale à partir d'une déclaration verbale de l'électeur, de ses nom, adresse et, s'il y a lieu, de sa date de naissance.

Autrefois, la plupart des membres du personnel électoral présents au bureau de vote le jour du scrutin étaient issus de la section de vote. Il était donc probable qu'au moins l'une des personnes présentes au bureau de vote connaisse l'électeur, ce qui facilitait l'identification de l'électeur et minimisait la possibilité d'une substitution de personnes. Aujourd'hui, le phénomène d'urbanisation et l'anonymat des grandes villes, où l'on retrouve près des deux tiers de la population, placent les électeurs dans une dynamique complètement différente et sûrement moins personnalisée.

Bien que les télégraphes – les suppositions de personnes – puissent sembler appartenir au passé, il arrive encore que des électeurs se présentent pour voter le jour du scrutin et qu'une autre personne ait déjà voté à leur place. Il est actuellement impossible de quantifier ces incidents. Dans le cas où l'on doute de l'identification d'un électeur, les membres du personnel du bureau de vote ou les représentants des candidats peuvent demander l'assermentation de l'électeur avant de l'autoriser à voter. Ces assermentations sont inscrites au registre du scrutin, mais elles sont noyées à travers tous les autres cas d'assermentation. Il faut considérer ce que cela peut comporter de frustration pour un électeur de constater que quelqu'un a possiblement usurpé son identité pour voter à sa place. Au-delà du nombre, c'est l'intégrité du système électoral qui est mise en cause. Or, c'est sur l'intégrité du système électoral que repose en grande partie la confiance des électeurs.

Depuis ces dernières années, le contexte a donc changé. Premièrement, l'urbanisation et l'anonymat des grandes villes font en sorte que les électeurs d'une même section de vote se connaissent moins ou pas du tout. Deuxièmement, les mentalités ont évolué quant à la nécessité du contrôle de l'admissibilité aux services publics et à l'exercice de droits, bien que les citoyens demeurent vigilants devant la multiplication des fichiers informatisés contenant des données nominatives. Cependant, la réaction des électeurs du Québec à l'occasion du recensement de septembre 1995 nous démontre qu'ils comprennent l'importance de l'intégrité du système électoral. Bien des électeurs ont présenté spontanément des pièces d'identité sans que cela leur soit exigé.

Troisièmement, au Québec, les deux cartes les plus répandues, le permis de conduire et la carte d'assurance-maladie, comportent une photographie permettant de vérifier visuellement l'identité de la personne. Quatrièmement, la confection de la liste électorale se fait maintenant d'une manière fondamentalement différente de celle d'il y a 25 ans. En effet, l'Assemblée nationale a voté une loi établissant une liste électorale permanente qui sera prête au printemps 1997, soit à la fin d'avril. Pour les électeurs, cela signifie d'abord qu'il n'y aura plus de recensement et que leur inscription à la liste est permanente, à moins qu'ils n'en décident autrement. En principe, les électeurs savent que c'est la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui fournit au DGE les renseignements pour la mise à jour de la liste électorale.

Finalement, l'implantation de la liste électorale permanente donne dorénavant lieu à des exigences d'identification qui n'existaient pas auparavant et qui semblent, à ce jour, bien reçues par les électeurs. À l'aube de l'an 2000, c'est à la lumière d'un contexte nouveau que doit se faire la réflexion sur l'opportunité et les scénarios possibles de mise en place d'un mécanisme permettant d'identifier l'électeur le jour du scrutin.

Les municipalités du Québec. Nous n'avons pas la position de toutes les municipalités du Québec, mais certaines nous ont transmis une résolution de leur conseil appuyant le projet de rendre obligatoire, lors d'une élection ou d'un référendum, la présentation d'une carte d'identité avec photo. Alors, vous avez les résolutions reçues de ces municipalités-là, la liste est inscrite dans le mémoire.

L'opinion publique. L'usage d'une carte d'identité pour les fins du système électoral, à l'instar d'une carte d'identité universelle, a toujours suscité beaucoup d'intérêt dans l'opinion publique. Voici un bref rappel historique et quelques observations à cet égard. La Loi électorale de 1945, qui fut en vigueur jusqu'en 1963, précisait que les électeurs de Montréal et de Québec devaient, pour pouvoir voter, présenter un certificat spécial servant de carte d'identification.

(9 h 20)

En 1970, une carte d'identité universelle était envisagée. Cette carte devait faire foi du nom, de l'adresse et de l'âge du détenteur et aurait compris aussi sa photo. On note alors que cette carte d'identité constituerait un excellent moyen d'éviter les fraudes électorales. Quoiqu'une majorité de la population ait semblé en faveur d'une telle mesure, le projet d'une carte d'identité ne va pas de l'avant. En 1978, dans un mémoire au Conseil des ministres, le ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire recommande que la Loi électorale soit modifiée pour inclure l'obligation, pour tout électeur, de s'identifier avant de voter en présentant sa carte d'assurance-maladie.

Au début des années quatre-vingt-dix, la presse écrite mentionne abondamment la carte d'identité à multiples fins et indique une opinion partagée entre ceux qui se disent favorables et ceux qui se disent défavorables. Toutefois, on remarque depuis une ouverture dans l'évaluation de la nécessité ou non d'une carte d'identité universelle servant à l'identification des personnes pour différentes fins. Certains organismes, dont des municipalités, se sont prononcés en faveur d'une telle carte avec ou sans réserve, en particulier pour les fins électorales. L'incompréhension et les réticences qui persistent dans le public concernent l'accès à des données confidentielles et les croisements d'informations provenant de différents fichiers informatiques dans lesquels des données nominatives figurent.

En 1995, l'établissement d'une liste électorale permanente informatisée a été adoptée par l'Assemblée nationale. Les principes présidant à la confection et à la tenue à jour de cette liste tiennent compte des préoccupations soulevées par les électeurs au fil des années, à savoir les mesures à prendre pour assurer la confidentialité des renseignements nominatifs contenus sur la liste électorale, la portée des mises à jour des renseignements transmis par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la gestion des modifications suite au processus de révision avant un scrutin et l'utilisation de la liste pour les scrutins municipaux et scolaires. L'évolution graduelle des dernières années et cette nouvelle réalité d'une liste électorale permanente démontrent clairement l'opportunité de mettre en place des mécanismes modernes adaptés au contexte d'un système électoral en évolution.

Dans la page qui suit, vous avez ce qui se fait dans certains pays. Je voudrais en mentionner un qui n'est pas inscrit sur cette liste. Je suis allé, du 26 février au 6 mars, au Mexique, et, juste pour votre information, ils sont vraiment en avance sur le monde entier, pour avoir une carte de l'électeur avec photographie, indication de l'adresse, de la circonscription, avec l'empreinte digitale du pouce au verso et la signature, et la photographie, évidemment. Et on va retrouver sur la liste électorale, au Mexique, la photographie également des électeurs. Il faut savoir qu'au Mexique il y a 52 000 000 d'électeurs. Ce projet, qui est révisé et qui va servir aux élections de juillet, a coûté au bas mot 500 000 000 $US. Mais, si jamais on est intéressé à avoir une carte d'identité, le Mexique, à mon avis, est incontournable dans l'expérience, et il conseille actuellement un grand nombre de pays à cet égard.

Les besoins d'identification des électeurs. Dans cette section, nous décrivons les moyens envisagés par le Directeur général des élections pour continuer à bonifier le système électoral et accroître la confiance de tous les intervenants dans son application. L'objectif d'une carte permettant d'identifier un électeur est d'assurer l'intégrité du système en accroissant la confiance des électeurs. Elle permettrait en outre d'éviter les suppositions de personnes au moment d'un scrutin. En aucun temps la présence d'une telle carte ne pourra se substituer à la nécessité d'être inscrit sur la liste électorale, qui est la seule à conférer le droit de vote à une personne.

L'utilisation obligatoire de la carte d'identité de l'électeur aurait pour effet d'éliminer l'assermentation. Celle-ci comporte des aspects irritants qui ne vont sans poser certaines difficultés lors du vote. C'est notamment le cas de la décision d'assermenter un électeur, qui est laissée à la discrétion du secrétaire, du scrutateur ou de l'une ou l'autre des personnes agissant comme représentant d'un candidat. L'élimination de l'assermentation prévue en cas de doute sur l'identité d'un électeur permettrait, croyons-nous, d'accélérer la votation. Cet avantage serait particulièrement marqué aux heures de grande affluence, soit de 16 heures jusqu'à 20 heures le jour du scrutin.

Par la suite, on a les rappels des exigences de qualité d'électeur. Je passe à la page suivante, à 4.3. Les besoins d'identification des électeurs: renseignements nominatifs exclusivement. Toute l'information détenue par le Directeur général des élections sur les électeurs constitue des renseignements nominatifs et n'a pas un caractère public au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Ces renseignements sont: nom et prénom; adresse du domicile; sexe; date de naissance; le cas échéant, les mentions relatives à l'exercice du droit de vote hors du Québec; pour les fins de l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la date depuis laquelle l'électeur a établi son domicile sur le territoire de la municipalité; et certaines informations administratives, dont la langue de correspondance et l'indication de la liste électorale sur laquelle l'électeur désire être inscrit – provinciale, municipale ou scolaire.

Parmi les différents processus administratifs et informatiques du Directeur général des élections, l'identification de l'électeur se fait essentiellement via son nom et son prénom, sa date de naissance, son code postal et, si nécessaire, son numéro civique et sa rue. Une carte identifiant l'électeur permettrait donc, lorsqu'il se présente pour exercer son droit de vote, de vérifier que la personne détentrice de la carte est celle qui peut se prévaloir de son droit de vote à ce bureau de vote. Dans cette perspective, une carte d'identité comportant le nom et le prénom de l'électeur, sa date de naissance, son sexe et une photographie est suffisante aux fins de l'identification de l'électeur pour l'exercice du droit de vote. On note par la suite que l'adresse n'est pas requise.

Aux points suivants, 4.4 et 4.5, je fais état de la liste électorale permanente et des mécanismes actuels impliquant l'identification des électeurs avant le scrutin. Je passe à la page 14: le choix d'une carte identifiant l'électeur. Les mécanismes mis en place dans le cadre de la liste électorale permanente visent à rencontrer les principes suivants: respecter la qualité d'électeur propre aux scrutins provincial, municipal et scolaire; respecter le choix de l'électeur d'être inscrit ou non sur les listes électorales; faciliter au maximum l'exercice du droit de vote; protéger les renseignements nominatifs nécessaires à l'établissement de la liste électorale permanente. En tout temps, l'objectif du Directeur général des élections est de préserver le climat de confiance qui existe entre les électeurs et le système.

Les enjeux de l'utilisation d'une carte permettant d'identifier les électeurs lors d'un scrutin. Une carte identifiant les électeurs faciliterait l'exercice du droit de vote des électeurs en autant que son intégration soit bien encadrée dans la réalité du processus du scrutin. Mentionnons que le contexte du déroulement d'un scrutin est très particulier et offre peu de marge de manoeuvre: un scrutin se déroule sur une période d'une journée, de 10 heures à 20 heures, en même temps dans les 125 circonscriptions électorales et les 19 867 sections de vote, pour accueillir 5 000 000 d'électeurs; le personnel du bureau de vote est disponible uniquement cette journée-là; à l'intérieur d'un programme de formation d'une heure ou deux, les scrutateurs et les secrétaires du bureau de vote doivent comprendre les subtilités de l'exercice du droit de vote, la mécanique de la votation et celle du dépouillement; généralement, les bureaux de vote se retrouvent dans des endroits publics et ils sont aménagés et équipés selon certaines normes. On pourrait donc difficilement envisager doter l'ensemble de ces bureaux d'un jour d'un équipement spécialisé de lecture de cartes intelligentes. Si le principe d'utiliser une carte est retenu pour vérifier et confirmer l'identité d'un électeur, elle devra être d'usage courant pour l'ensemble des citoyens et s'intégrer facilement au déroulement de l'exercice du droit de vote sans l'alourdir.

Le scénario envisagé: utilisation de la carte d'assurance-maladie. L'utilisation de la carte de la Régie de l'assurance-maladie du Québec à titre de carte identifiant les électeurs au moment de la votation rencontre les exigences du système électoral. En effet, la carte d'assurance-maladie comprend les renseignements requis pour identifier un électeur: prénom et nom, date de naissance et surtout une photographie. En outre, les principaux avantages de l'utilisation de la carte de la RAMQ à titre de carte d'identité de l'électeur sont les suivants: tous les Québécois détiennent une carte d'assurance-maladie. Avec l'avènement de la photographie sur la carte d'assurance-maladie en juin 1992, un nouveau processus de réinscription des personnes a été mis en place. Un cycle complet de réinscription a été complété. Donc, sauf s'ils bénéficient d'une exemption, tous les résidents du Québec détiennent une carte d'assurance-maladie sur laquelle figure la photographie du titulaire. L'utilisation de la carte de la RAMQ n'entraînerait pas de coûts additionnels. Cette carte est utilisée couramment par le public depuis nombre d'années, et on la porte généralement sur soi, compte tenu de son utilité pour l'obtention de services de santé.

Actuellement, la Loi sur l'assurance-maladie prévoit que la production de la carte d'assurance-maladie ne peut être exigée qu'à des fins liées à la prestation de services ou à la fourniture de biens ou de ressources en matière de santé ou de services sociaux. Cependant, la loi n'empêche pas une personne de présenter volontairement sa carte d'assurance-maladie comme pièce d'identité. La RAMQ prévoit modifier la carte actuelle d'assurance-maladie par une carte-santé à microprocesseur pour ses besoins administratifs et cliniques. La Régie entend, malgré l'introduction du microprocesseur, conserver sur la carte les mêmes informations que celles décrites précédemment, y compris la photographie. Nos échanges récents avec le président-directeur général de la Régie laissent entrevoir que cette dernière n'aurait pas objection à ce que l'électeur québécois puisse présenter sa carte d'assurance-maladie à des fins d'identification à l'occasion d'un scrutin. Cette utilisation serait-elle facultative ou obligatoire? J'exprime l'opinion que, à mon avis, elle devrait être obligatoire le jour du scrutin.

(9 h 30)

Et je voudrais insister – je termine avec ça, à la page 17 – sur les mesures que l'on prendrait, si le législateur était d'accord pour que la proposition que je fais soit suivie d'effets. Si la carte de la RAMQ était obligatoire pour l'identification des électeurs, nous nous engageons à mettre en place les programmes suivants: cette mesure nouvelle serait incorporée à la campagne de publicité menée lors de la tenue d'un scrutin général. Tous les efforts seraient déployés pour que les électeurs soient adéquatement prévenus qu'ils doivent être munis de leur carte d'assurance-maladie pour s'identifier avant de voter. Dans le cas d'une carte oubliée, perdue ou en attente de renouvellement au moment d'un scrutin, pour ne pas léser les électeurs dans leur droit, les recours à la déclaration solennelle ou à l'assermentation seraient maintenus, ce qui atténue un petit peu ce que j'ai dit précédemment: L'utilisation de la carte entraînerait l'annulation du serment. Je m'aperçois, en le relisant, que je reviens sur cette question dans ce mémoire, et c'est ce qui est écrit à la page 17 qui prévaut.

Notre plan d'action prévoit également la poursuite de nos discussions avec la Commission d'accès à l'information du Québec. Notre compréhension de la position de la Commission est la suivante: elle ne voit pas de problèmes majeurs à ce que le Directeur général des élections tire profit des cartes d'identification déjà existantes pour répondre aux besoins d'identification des électeurs; par contre, ce choix, selon la Commission, ne devrait pas se limiter aux seules cartes usuellement reconnues.

Et la dernière page, c'est un résumé de ce que je viens de vous exprimer. Je vous en épargne la lecture. Je lirais simplement les derniers paragraphes. La législation électorale a connu, depuis 200 ans, de nombreuses et substantielles modifications. Quoique des progrès énormes aient été accomplis, les pratiques et les mécanismes électoraux doivent continuer à progresser. Toute l'évolution de notre système électoral illustre le désir du législateur de maintenir l'électeur au centre d'un système plus accessible et facile de compréhension. La préoccupation constante est de faciliter l'exercice du droit de vote à tous. Un mécanisme d'identification le jour du scrutin pourrait s'inscrire dans ce cadre.

Si notre proposition était retenue, il va sans dire que des amendements législatifs seraient nécessaires. C'est là notre position actuelle quant à l'identification des électeurs. Nous attendons toutefois avec un grand intérêt l'éclairage nouveau qui ressortira des travaux de votre commission pour compléter notre réflexion à cet égard. C'est dans cet esprit de collaboration que nous soumettons respectueusement le tout à votre attention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: M. le Directeur général, bonjour, messieurs dames. Si je reprends votre page 15, est-ce qu'on doit comprendre que vous privilégiez la carte de la RAMQ comme carte d'identité, en ce qui concerne au moins les élections? Est-ce que vous excluez, à ce moment-là, le fait qu'il y ait, au Québec, une carte d'identité générale?

M. Côté (Pierre-F.): Qu'il y ait, au Québec, une carte d'identité?

M. Gaulin: Oui, qu'il y en ait une. Parce que vous dites que vous privilégiez un scénario.

M. Côté (Pierre-F.): Je comprends, M. le député, mais est-ce qu'il en existe une, présentement?

M. Gaulin: Bien, il y en a plusieurs, mais il n'y a pas vraiment de carte d'identité comme telle.

M. Côté (Pierre-F.): Non. À partir du fait qu'il n'y a pas de carte universelle d'identité, celle que l'on privilégie, c'est la carte d'assurance-maladie parce qu'il nous semble que c'est la carte qui est la plus répandue. Si on prend la carte des véhicules automobiles, par exemple, des permis de conduire, il y a plusieurs centaines de milliers de personnes de différence; je pense que c'est 4 600 000 permis de conduire, tandis que l'assurance-maladie rejoint la totalité de la population. C'est celle qui est la plus répandue.

Deuxièmement, c'est celle que généralement – ce serait amusant de faire un test à cet égard – tout le monde porte sur soi parce qu'on ne sait jamais quand on peut avoir besoin de cette carte, à l'occasion d'un malaise ou d'un accident ou n'importe quoi. Généralement les gens portent cette carte sur eux. Alors, c'est celle-là qu'on privilégie, qui pourrait servir comme carte d'identité des électeurs.

M. Gaulin: C'est sûr, mais cette carte réfère quand même à un dossier qui est un dossier médical. Ce que craignent souvent les gens, c'est qu'on utilise cette carte à d'autres fins que celles pour lesquelles elle doit servir.

M. Côté (Pierre-F.): Vous avez tout à fait raison sur la crainte que peuvent entretenir les gens, puis je vais prendre l'exemple de la réalisation de la liste électorale permanente. On avait, à cette occasion, exprimé des réserves par crainte que, de quelque façon que ce soit, quelqu'un ait accès à un dossier médical. Après avoir eu l'avis de la Commission d'accès à l'information, on a signé un protocole d'entente avec la Régie de l'assurance-maladie où elle nous fournit... C'est elle qui nous fournit. Ce n'est pas nous qui avons accès à ces dossiers, c'est la Régie qui nous fournit des renseignements. Quels sont les renseignements qu'elle nous fournit? Elle nous fournit fondamentalement uniquement les renseignements concernant le nom, le prénom, le sexe, la date de naissance, l'adresse, le code postal. C'est la Régie qui le fait. Alors, en ce qui concerne la liste, par exemple – je vais faire la même vérification pour la carte – il n'est pas possible d'avoir accès, d'aucune façon, de notre part, à quelque dossier que ce soit de la Régie. Ce sont des informations de base qu'elle nous transmet pour la mise à jour de notre liste.

Même si c'est la carte à microprocesseur qui sera utilisée, je dirais: C'est l'extérieur de la carte. Il n'y a aucune possibilité. Puis, dans ce qu'on propose, ce serait une carte qui serait présentée... Parce qu'on a les mêmes renseignements que sur la liste, les mêmes renseignements de base, c'est la carte qui serait présentée pour dire: Bien, je suis bien M. ou Mme Unetelle, regardez ma carte, ma photo est là, puis les informations de base, la date de naissance et le sexe. Alors, il n'est pas question, d'aucune façon – je voudrais être très clair là-dessus – d'avoir quelque accès que ce soit, de quelque façon que ce soit, à quelque dossier de la Régie de l'assurance-maladie.

(Consultation)

M. Côté (Pierre-F.): Oui. Par exemple, Mme Fortier me signale que, sur la carte d'assurance-maladie, il y a un numéro de la Régie de l'assurance-maladie; on ne l'exigerait d'aucune façon. On n'a pas de référence à l'information qui est sur la carte. La seule référence qu'on a, c'est que la carte, étant en la possession du titulaire, permet, par ce que, à sa face même, elle présente, de bien dire: Oui, vous êtes M. ou Mme Unetelle, et on peut ainsi – mais ce n'est pas ça qui donnerait le droit de vote – par la suite ou en même temps, vérifier l'inscription de la personne sur la liste. C'est très clair dans le mémoire, ce n'est pas une carte d'électeur – on n'en a pas besoin, à mon avis – il s'agit d'une carte d'identité de l'électeur au moment du scrutin.

M. Gaulin: Ça éviterait l'assermentation, comme vous dites.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, puis ça réglerait un problème qui est assez complexe puis, comme j'ai mentionné, qui est difficilement quantifiable, des suppositions de personnes, ce qu'on appelle «les télégraphes». Alors, ce serait difficile, pour une personne qui voudrait voter à la place d'une autre, de le faire. Il faudrait qu'elle possède la carte d'assurance-maladie de l'autre personne. Mais la photographie quand même de la personne... On a la personne en face de soi, on a sa photo; je ne vois pas comment on pourrait voter à la place d'une autre avec une carte identifiant l'électeur de cette façon.

M. Gaulin: C'est un peu comme la photo du passeport. J'imagine que c'est quand même une photo actualisée. Les cartes sont données pour cinq ans, les cartes de la RAMQ, ou 10 ans?

M. Côté (Pierre-F.): C'est ça.

M. Gaulin: C'est cinq ans. Quand vous dites que l'expérience du Mexique vous apparaît incontournable, est-ce que vous pourriez nous en parler un peu?

M. Côté (Pierre-F.): Bien, dans le sens suivant – vous avez raison, je n'ai pas été assez précis là-dessus: c'est que, si jamais on envisage, au Québec, une carte du citoyen – bon, il est question d'une carte de citoyen ou d'une carte d'identité – puis qu'on émettrait une nouvelle carte – bon, il y a des mémoires qui ont été présentés à votre commission là-dessus – si jamais il était question d'émettre une nouvelle carte, je pense qu'il faut absolument que quelqu'un aille voir de quelle façon on a procédé, en essayant de ne pas atteindre les coûts faramineux qu'ils ont atteint, mais de quelle façon, au moins sur le plan technique, ils ont procédé. C'est absolument éblouissant. Ils ont obligé les électeurs, les 52 000 000, à se présenter dans des bureaux répartis à travers le pays, et j'ai ici, par exemple, un texte qui, évidemment en espagnol – ils nous ont fait la démonstration quand j'y suis allé – décrit ce que comporte la carte, quels sont les sécurités, les trames, les hologrammes et tous les trucs connus possibles pour éviter que cette carte soit copiée, soit faite par d'autres. Et cette carte, dont j'ai le recto et le verso, ils y exigent l'empreinte digitale du pouce. Cette carte, c'est une réussite assez extraordinaire sur le plan technique, puis d'autant plus qu'on va avoir sur la liste électorale... La photographie qui apparaît sur la carte va être également sur la liste, ce qui m'apparaît quelque chose d'un peu extraordinaire.

Mais l'autre point que je voudrais souligner, c'est que la situation est également la suivante présentement, au Mexique. Il y a cette carte d'électeur. Il n'existe pas de carte de citoyen ou de carte d'identité. Or, cette carte est en train de devenir – puis c'est peut-être le revers de la médaille, à mon avis – la carte qui sert à toutes les fins. On m'a affirmé à plusieurs reprises que quelqu'un qui a cette carte... Bon, je n'ai pas réussi à en rapporter un modèle parce qu'elles sont vraiment très précieuses, j'ai seulement une photographie de ce qui se fait, mais on se présente à n'importe quel commerce, à n'importe quelle banque, et, avec cette carte, on est automatiquement... Il faut savoir qu'au Mexique il n'y a jamais eu aucune espèce de carte, auparavant.

M. Gaulin: Est-ce qu'elle peut être exigée par les forces policières?

M. Côté (Pierre-F.): Ah! c'est l'inconvénient du système, et un gros inconvénient, de la façon dont ils procèdent. Je ne voudrais pas trop critiquer les gens du Mexique; c'est pour ça qu'il faudrait peut-être... Moi, je l'ai vu pendant trois heures, ils m'ont refait l'exposé. Mais c'est qu'il y a huit partis politiques, au Mexique, et les huit partis politiques reçoivent le fichier complet des 53 000 000 d'électeurs. Alors vous devinez vers quoi ça peut conduire. Et il est absolument défendu d'utiliser la liste pour d'autres fins que pour des fins électorales. Cependant, avec une division aussi large que celle-là, qu'est-ce qui va arriver, à l'avenir?

L'idée de base, je pense, qu'on m'a expliquée, au Mexique, c'est que la situation politique, qui fait que le même parti politique est au pouvoir depuis 66 ans ou 67 ans... Devant la montée des protestations sur le plan démocratique, on s'est dit: Bon, bien, on va avoir une liste électorale très bien contrôlée puis avec une carte d'identité pour redonner confiance.

(9 h 40)

Une des grandes questions qu'on m'a posées, c'est: Comment vous y prenez-vous, au Québec, pour que les gens aient confiance dans le système électoral? Alors, eux, c'est la façon. Il y a d'autres mesures. Les sept partis politiques, par exemple, sont totalement financés par l'État, et il y a un parti qui, en guise de protestation, depuis quelques mois, retourne la subvention au gouvernement. Il dit qu'il n'en a pas besoin parce qu'il a trop d'argent. L'argent qui est mis dans le système électoral au Mexique actuellement, ça dépasse l'entendement, à mon avis, mais ça demanderait peut-être plus de réflexion puis d'analyse de ce qui se fait là.

M. Gaulin: En terminant, M. le Président, je voudrais demander au Directeur général des élections, étant donné qu'il est allé au Mexique à des fins d'études, s'il accepterait de nous remettre un petit rapport, qui ne l'obligerait pas, mais qui pourrait éclairer la commission sur l'expérience mexicaine.

M. Côté (Pierre-F.): Certainement, M. le député, et j'ajouterais dans ce rapport les autres rencontres que j'ai eues avec l'Université de Quintana, l'Université nationale du Mexique, et c'était organisé à la demande de la Délégation générale là-bas puis à l'invitation des universités. Ça n'a pas été très long, mais je pense que les échanges qu'on a pu avoir, d'une part, ce que j'ai recueilli comme information puis, d'autre part, ce que j'ai pu transmettre sur le système québécois ont été bien reçus.

M. Gaulin: Merci, M. le Directeur.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président, M. le Directeur général des élections et vos collègues. Je veux juste ramener ça un petit peu en rappelant les mots du président du Mexique, au début du XXe siècle, Porfirio Diaz, qui a résumé l'élément tragique de l'histoire du Mexique: Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des États-Unis! Alors, c'est fort intéressant, vos expériences dans un autre pays comme ça sur sa carte, et tout ça, mais, pour revenir ici, quand je regarde votre document que vous avez publié au mois de décembre 1995, déposé à l'Assemblée nationale, et votre mémoire aujourd'hui, le dernier paragraphe de la page 5, je reviens toujours à ma question de départ, le besoin. Vous avez dit que, de toute évidence, les télégraphes sont beaucoup moins fréquents qu'autrefois, en 1995, et aujourd'hui on a dit que peut-être des fois ça arrive, mais il est actuellement impossible de quantifier ces incidents.

On dit, en anglais: «If it ain't broke, don't fix it.» Je me demande honnêtement: Est-ce qu'on est vraiment devant un problème ou non ou est-ce que les moyens que nos électeurs ont pour s'identifier sont suffisants? Au lieu d'imposer un choix, ma crainte toujours, c'est que, si on exige la carte de la RAMQ, dans nos locaux de campagne, la prochaine fois, le monde va arriver soit en colère ou en larmes parce qu'il a un passeport, un permis de conduire pour s'identifier, il ne peut pas trouver sa carte pour la RAMQ, et quelqu'un va le refuser, les scrutateurs. Parce que, avec tout le respect, on sait que vous n'avez pas un contrôle absolu sur les 20 000 scrutateurs à travers le Québec, et on risque d'avoir des problèmes pour les personnes qui se font refuser parce que nous avons exigé une carte. Moi, je dis: Comme vous avez dit dans votre document, le monde est allé à la porte, au moment de l'arrivée des recenseurs la dernière fois, avec un certificat de naissance, peut-être un passeport, peut-être, pour un étudiant, avec la carte la plus fiable, qui est une carte d'étudiant, parce qu'il faut avoir ça pour prêter les livres dans les bibliothèques, et tout ça, et peut-être que ça, c'est suffisant. Alors, je ne vois pas...

Parce que, chaque fois qu'on met une autre exigence, ça va donner un autre pouvoir au scrutateur et on risque d'avoir des problèmes le jour du scrutin. Et, si on dit – et c'est votre témoignage qui le dit – que le télégraphe, c'est chose du passé et c'est impossible de quantifier le problème, mon réflexe instinctif, c'est: On laisse faire, ça marche bien.

Et il y a d'autres éléments, on peut avoir un long débat sur d'autres éléments de la problématique de nos élections et ce qui s'est passé le 30 octobre, mais je n'ai vu aucune preuve que les personnes qui votaient à la place d'autres étaient vraiment un grave enjeu, le 30 octobre, à notre dernier exercice démocratique. Alors, je dis: On laisse faire, on n'a pas besoin de tout ça. J'aimerais savoir pourquoi vous jugez, dans le système actuel, que la situation est assez grave qu'il faut modifier la Loi sur la RAMQ, qu'il faut mettre une autre exigence sur les citoyens et citoyennes du Québec avant de se présenter au bureau de vote.

M. Côté (Pierre-F.): Je pense l'avoir dit dans le mémoire, mais je vais revenir sur certains points. Vous ne nous soulevez qu'un aspect du mémoire qui est la supposition de personnes ou les télégraphes. Par ailleurs, j'ai dit – pour en référer au texte lui-même – qu'une des réalités de l'urbanisation actuelle, c'est le fait que, contrairement à autrefois, le personnel électoral dans un bureau de vote ne peut plus automatiquement, spontanément identifier les personnes qui viennent voter. Alors, il n'y a plus... Autrefois, il y avait 300, 350 électeurs dans une section de vote, puis ça se retrouve encore dans un grand nombre de municipalités du Québec. Parce qu'on se connaît bien, on peut facilement identifier une personne. Et le doute de l'identité de l'électeur va se poser de plus en plus. C'est un aspect, et je vais revenir là-dessus.

Le deuxième aspect – et je l'ai mentionné dans le mémoire également – c'est de permettre l'accélération du processus électoral. Vous savez, une des difficultés que l'on rencontre et qu'on va rencontrer de plus en plus, et surtout, je dirais, pour des néo-Québécois ou des néo-Canadiens, c'est le doute que peut avoir un membre du personnel électoral sur l'identité de la personne qui se présente devant lui, et il y a, à certains moments, des réactions d'exiger des preuves de l'identité de la personne ou d'exiger – ce qu'on ne peut pas faire présentement – l'assermentation de l'électeur. Il y a certains endroits où la demande d'assermentation de l'électeur qui, aux yeux du personnel électoral, a soit une consonance phonétique bizarre, soit que la personne ne lui dise rien ou ne semble pas, à ses yeux, avoir les qualités... On procède, et ceci est un phénomène qui est assez fréquent, dans certaines circonscriptions, d'exiger d'assermenter les électeurs. C'est un peu insultant pour l'électeur qui est au Québec depuis bien longtemps, ou peu importe qu'il y soit depuis longtemps ou pas, mais qui remplit toutes les conditions pour être sur la liste électorale, et ça ralentit le processus électoral.

Par ailleurs, si on dit: Non, il faudrait... Puis vous avez référé au recensement. Mais, si j'ai bien compris votre intervention, ça voudrait dire que le jour du scrutin on pourrait demander n'importe quel mode d'identification. Ça n'existe pas présentement de demander des modes d'identification. Si on arrive à la conclusion qu'il faudrait, pour accélérer le vote puis pour les autres raisons que j'ai données, demander un mode d'identification, là je pense qu'on entrerait dans des difficultés majeures parce qu'on serait placé devant différents documents d'identification qui pourraient, je pense, amener le personnel électoral à beaucoup de confusion. C'est pour ça que je me dis – et c'est mon hypothèse: Si on arrive à la conclusion, pour continuer à assurer la confiance dans le système électoral, qu'il est opportun de demander aux électeurs de s'identifier comme étant M. ou Mme Unetelle – les renseignements de base – je pense qu'on ne brime d'aucune façon la confiance dans le système électoral, qu'on lui donne un élément de confiance additionnelle et qu'on permet une façon de procéder qui est beaucoup plus rapide et beaucoup plus efficace. C'est le point que je... Évidemment, je respecte votre point de vue, puis c'est le législateur finalement qui va décider si mon point de vue doit être partagé ou pas, mais j'ai pensé vous exprimer bien franchement quelle était ma position à cet égard.

M. Kelley: Mais, sur le premier point, c'était vrai pour le XXe siècle au complet. Le Québec s'urbanise depuis au moins 1900, et ces changements et les déménagements, et tout ça, étaient vrais tout au long du XXe siècle. Alors, ce n'est pas un phénomène nouveau, au contraire. Nous avons réussi à le gérer, et, moi, je pense qu'on n'aura pas un autre exercice démocratique avec un taux de participation si élevé que la dernière fois, au référendum de 1995. Et je pense que tout le monde a réussi à voter avant 20 heures. Il y avait peut-être des cas isolés, et tout ça, mais, règle générale, à travers le Québec, on a fermé nos bureaux de vote à 20 heures et on a réussi à faire voter quasiment tout le monde. Alors, encore une fois je reviens sur la question de l'identité. Pour faciliter les choses, mais pourquoi une carte? Je reviens... Pourquoi pas...

(9 h 50)

J'ai eu une bonne expérience quand j'étais étudiant. La seule chose à jour, à date que j'avais dans mes poches, c'était toujours ma carte d'étudiant. Alors, pourquoi pas une carte d'étudiant pour les étudiants? Et, pour les autres personnes, le passeport, c'est quelque chose qui peut venir; pour une autre personne, le permis de conduire. Alors, on a toutes ces possibilités. Alors, pourquoi? Parce que ma crainte, c'est toujours: exiger une carte, une carte, en passant, qu'un non-citoyen peut avoir... Il n'y a aucun lien entre la citoyenneté et le fait d'être assuré par le régime d'assurance-maladie du Québec. Alors, c'est une carte un petit peu «at large». Je ne comprends pas pourquoi insister sur une carte. Pourquoi pas laisser le choix à l'électeur? Peut-être que ce serait une bonne chose, si jamais il y a une contestation et si on ne veut pas faire le processus d'assermentation, d'être capable de s'identifier avec quelque chose. Pourquoi aller plus loin que ça? Est-ce qu'il y a vraiment un problème qui explique cette insistance d'exiger une carte? Parce que, j'en suis certain, il y aura du monde qui va perdre sa carte, il y aura des contestations, le monde qui ne peut pas trouver sa carte d'assurance-maladie, et ça va compliquer l'affaire inutilement.

M. Côté (Pierre-F.): Bien, si vous me permettez un complément de réflexion là-dessus, ce que je comprends, c'est que vous seriez d'accord pour qu'il y ait une carte d'identification de l'électeur le jour du scrutin. Votre point est à l'effet: Pourquoi en exiger une seule, pourquoi ne pas permettre qu'on présente d'autres documents d'identification? Là-dessus, on peut avoir des opinions partagées. Moi, ça me semble – je l'ai exprimé dans mon mémoire – relativement plus facile, plus rapide de procéder avec une carte. Ce qui me semble important – et vous l'avez souligné – c'est qu'on ait un moyen d'identification de l'électeur le jour du scrutin. Je propose la carte d'assurance-maladie. Si, par exemple, on disait également le permis de conduire, le certificat de citoyenneté, enfin, s'il y avait d'autres façons par lesquelles on pourrait demander l'identification de l'électeur, c'est une autre façon de voir, je veux dire, qui peut... Je n'ai pas d'objection de principe de fond, là. Ce qui me semble important, c'est d'avoir une mode d'identification de l'électeur.

Je suis contre la carte d'électeur comme telle – ce n'est pas nécessaire – mais vous avez mentionné qu'il y a des gens qui ont la carte d'assurance-maladie et qui ne sont pas citoyens canadiens. Ils ne pourraient pas l'utiliser pour voter, la carte d'assurance-maladie, si elle était exigée comme identifiant. Ils ne pourraient pas...

M. Kelley: Sauf s'ils sont sur la liste.

M. Côté (Pierre-F.): Bien, leur nom ne sera pas sur la liste. Fondamentalement, ce qui est requis, c'est d'avoir le nom sur la liste.

M. Kelley: Oui, mais on sait qu'il y a des personnes qui ont voté dans le passé sans être citoyens... Non. Moi, comme je dis, mon principe de base, c'est sur une base facultative. Si vraiment il y a un problème... Chez nous, dans Jacques-Cartier, je n'ai jamais entendu parlé d'un problème. Je travaille à des élections dans Jacques-Cartier depuis 30 ans. Règle générale, on trouve quelqu'un dans chaque bureau de vote qui est capable de travailler à la table. C'est une banlieue, il y a beaucoup de va-et-vient, mais on se connaît, on connaît nos voisins et ce n'est pas un problème. Alors, sur une base facultative...

Mais, moi, je dis: «It isn't broke.» Alors, moi, je ne suis pas prêt à mettre beaucoup d'autres exigences qui risquent d'empêcher les Québécois et Québécoises de voter parce que je n'en vois pas le besoin. J'ai lu votre document que vous avez déposé l'année passée, j'ai lu votre mémoire aujourd'hui et je reste toujours insatisfait sur la question d'un vrai besoin de faire tout ça. Parce que, moi, je pense que le système, sur le niveau de... Il n'y a pas beaucoup de personnes qui se présentent pour voter à la place d'autres. Ce n'est pas problématique. Il y a d'autres éléments qu'on peut discuter à un autre forum, un autre jour, mais, ici, je ne vois pas le problème.

L'autre question, c'est toute la gestion, parce que vous avez soulevé ça dans votre mémoire aussi et votre optimisme quant à la liste électorale permanente. Pour moi, ça, c'est un débat qu'on peut avoir le lendemain de la prochaine élection, parce que ce n'est pas encore utilisé. Alors, d'être optimiste, que tout le monde a bien réussi ça, moi, je dis: On verra le lendemain de la prochaine élection. C'est beaucoup trop tôt. Nous avons réussi, comme commission de la culture, l'opposition... Puis l'Union des municipalités a exprimé – signé par M. Vaillancourt: Il reste beaucoup de travail à faire. Les municipalités sont insatisfaites de la qualité des listes, selon M. Vaillancourt.

Vous avez soulevé dans votre mémoire aussi toute la question des besoins d'identification des électeurs. Pour le moment, on demeure toujours à l'intérieur d'un système scolaire confidentiel. Alors, si vraiment vous voulez gérer une liste électorale pour nos commissions scolaires, tôt ou tard vous devrez demander au monde d'identifier sa religion. Ça, c'est une autre chose que vous n'avez pas mise sur la liste pour le moment, et peut-être qu'un jour, avec les changements à la Constitution, et tout ça, on se dirigera vers un autre système. Mais, en ce moment, le monde doit s'identifier comme anglais, français ou... Je ne sais pas comment on va faire tout ça. Mais c'est évidemment, dans vos besoins d'identification, un autre élément que vous n'avez pas mentionné. Alors, c'est juste une autre chose pour dire que ça va être un petit peu compliqué plus à gérer. Il y a des lacunes toujours, selon l'Union des municipalités du Québec, qui regroupe une centaine des plus grandes villes au Québec. Alors, votre optimisme dans le document, c'est à voir. Je veux juste vous mettre en garde que nous avons reçu comme avis, à la commission, une position de l'Union des municipalités du Québec: elle a des difficultés dans la gestion de la liste électorale permanente et elle se questionne sur l'exactitude des noms qui sont toujours là. Alors, ça, c'est un problème d'outils aussi.

Finalement, juste au niveau de la gestion, tout le monde, avec nos ordinateurs, nos listes, ça va aller bien, mais je reviens toujours à votre lettre. Je sais que ce n'est pas vous qui l'avez signée, mais j'ai devant moi une lettre d'une citoyenne de Saint-Raymond, et vous avez votre cas A et votre cas B, et les deux sont identiques. Alors, malgré nos ordinateurs qui sont capables de tout faire, le choix que vous avez envoyé à cette citoyenne, c'est de faire le choix entre deux entrées qui sont identiques. Le nom, le code postal, la ville, le boulevard où elle demeure, et tout ça, c'est pareil. Alors, il y a 330 000 lettres comme ça qui sont arrivées dans les maisons. Je pense qu'on a toujours d'énormes problèmes de gestion, malgré tout. Avec tout le respect, on verra dans le prochain exercice. Peut-être que ça va bien aller, mais c'est beaucoup trop tôt pour arriver à cette conclusion.

Et je veux juste souligner que vos intentions pour ça, c'est de perfectionner la liste, mais, dans la région de Montréal, ce n'est pas compris. Vous avez créé énormément d'inquiétude avec ces lettres qui arrivent uniquement en français. Alors, pour le 10 % de la population qui est plus à l'aise avec un document comme ça en anglais – je vois qu'on peut cocher en bas pour faire tout ça – je veux juste vous souligner, parce que c'est les appels que, moi, j'ai reçus dans mon bureau de comté, mes collègues de la région de Montréal aussi, que ça, c'est un exercice, et vous avez échoué parce que vous n'avez pas bien expliqué ça préalablement pour ne pas semer la panique. Et mon collègue de Westmount–Saint-Louis, c'est 20 % de ses électeurs qui ont reçu des lettres comme ça. Ils sont inquiets. Je sais, j'ai vu votre explication après, mais je veux juste vous souligner qu'il y a une inquiétude quant à la confection de cette nouvelle liste, et vous devrez être beaucoup plus attentif quant à la gestion de cette inquiétude, surtout dans la région de Montréal.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, avec votre permission, je pense que je devrais répondre au moins à certains aspects de ce qui vient d'être soulevé, même si ça ne se rapporte pas directement aux objets de la commission. Premièrement, le dépôt du mémoire de l'Union des municipalités. Je voudrais faire lecture d'une lettre qui part aujourd'hui à l'adresse de M. Vaillancourt, de l'Union des municipalités, puisque ce document a été rendu public, et, même si M. Vaillancourt n'a pas reçu ma lettre – parce que je l'ai rédigée hier – je vais déposer cette lettre-là à cette commission. L'Union des municipalités a jugé à propos d'attaquer le système de liste électorale permanente, et vous l'avez soulevé. Avec votre permission, je vais lire la lettre que j'envoie à M. Vaillancourt et ensuite je reprendrai les autres points, avec votre permission, que vous avez soulevés concernant la liste électorale permanente:

«M. le président, j'ai lu avec étonnement le mémoire que vous avez présenté, pour dépôt seulement, au nom de l'Union des municipalités du Québec à la commission de la culture, qui a pour objet», etc.

Et je cite une partie de son texte: «Il est clair que vous faites deux affirmations tout à fait non reliées entre elles et non fondées. En premier lieu, ce que dit le Vérificateur général a trait à la façon dont ont été accordés des contrats. Je peux d'ores et déjà affirmer que les montants des contrats en question sont minimes, si on considère le projet globalement. Cela ne met pas en cause la saine gestion de l'ensemble du projet. Je m'expliquerai en commission parlementaire sur les coûts – quand je donnerai les explications sur la liste électorale permanente en commission parlementaire.

«Par ailleurs, le rapport du Vérificateur général ne touche en aucun cas à l'exactitude des renseignements que la liste électorale contient. En deuxième lieu, la liste électorale permanente informatisée entrera en vigueur à la fin du mois d'avril 1997. Je vois mal comment vous pouvez parler de son exactitude puisqu'elle n'est pas en vigueur. Lors des élections municipales à l'automne 1997, elle le sera. Les renseignements qu'elle contiendra seront exacts et à jour, comme nous y oblige la loi. On pourra alors en juger.

(10 heures)

«J'aimerais vous rappeler que, le 19 décembre 1994 – je m'adresse au président de l'Union des municipalités – devant la commission des institutions qui étudiait le projet de loi sur l'établissement de la liste électorale permanente, l'Union des municipalités du Québec avait donné son aval à la mise sur pied d'une liste électorale permanente.

«Pour des élections municipales de novembre 1996 – l'an dernier – la liste électorale permanente n'étant pas encore en vigueur, le Directeur général des élections a proposé aux 150 municipalités en élection de mettre en place une solution temporaire. Cette solution leur permettait d'utiliser les données du fichier des électeurs même si tout le processus de mise à jour de la liste électorale permanente n'était pas encore en vigueur.» L'appréciation que nous avons eue des municipalités à la suite de cette solution temporaire, lors d'un post mortem, nous a semblé toute positive, et aucune remarque n'a été faite, ni de l'Union des municipalités ni de quelque municipalité qui était en cause.

«J'aurais apprécié que vous entriez en communication avec moi ou mon bureau. Nous aurions été heureux de répondre à vos interrogations. Nos relations passées se sont toujours caractérisées par des échanges francs et un esprit de collaboration. Je souhaite qu'il en soit de même pour l'avenir. Veuillez accepter, M. le...» C'est donc ma réaction à la prise de position de M. le maire de Laval et président de l'Union des municipalités.

Quant aux autres points que vous avez soulevés sur les erreurs ou les difficultés, c'est vrai qu'il y en a, des erreurs, c'est vrai qu'il y a des difficultés, mais je n'ai cependant aucun doute sur le fait qu'on va réussir, à la fin d'avril, à avoir une liste électorale informatisée disponible à compter du mois de mai pour des élections provinciales, municipales ou éventuellement scolaires. Et, quand vous avez mentionné tantôt la question de l'identification des électeurs, si c'est accepté sur le plan provincial, la proposition que l'on fait pour qu'il y ait identification de l'électeur, il va de soi, dans mon esprit, que cette exigence d'identification pourra également se faire lors des élections municipales ou scolaires.

La mise sur pied d'une liste électorale, comme on le fait présentement, exige beaucoup d'attention. Il y a eu des erreurs – vous en avez souligné – qu'on a faites. Par exemple, on a envoyé à un certain nombre de personnes – une erreur d'informatique, mais l'erreur a été faite – le même renseignement. Ce n'est pas ça qu'il fallait lui envoyer, c'était l'autre adresse que cette personne-là possédait. Ça a été corrigé, les personnes ont reçu les explications.

Par ailleurs, vous nous signalez également qu'on n'a envoyé que des lettres en français aux gens. Vous avez peut-être oublié de mentionner qu'à la fin de la lettre on peut obtenir copie de cette formule en langue anglaise, ce que nous faisons. Nous avons sur pied un service de renseignements, à nos bureaux, qui est très efficace, qui fonctionne avec une douzaine de personnes et qui répond à toutes les demandes. Il n'y a pas de demande d'explication ou d'information qui ne reçoit pas sa réponse, et le système de communication avec les électeurs, en ce qui nous concerne, va assez bien. Mais qu'on ait fait des erreurs – on en a fait puis on va en faire – bien, à un moment donné, c'est inévitable. Ce qui est le plus important pour moi, vous l'avez souligné, c'est de minimiser nos erreurs, ce qu'on est en train de faire, et, deuxièmement, c'est d'informer le mieux possible les électeurs. À titre d'information, la semaine prochaine j'envisage de donner un briefing de presse pour expliquer le mieux possible à la population la prochaine opération qui concerne la liste électorale.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Côté. D'abord, je voudrais souligner la qualité de la présentation de votre mémoire et en même temps souligner aussi le courage avec lequel vous vous positionnez. Entre autres, j'ai remarqué, à la page 18 dans le résumé, la position du Directeur général des élections. Il y a certaines positions qui me plaisent énormément dans ce mémoire-là. Vous dites, dans l'avant-dernier paragraphe, à la page 18: «Le caractère obligatoire d'utilisation de la carte de la RAMQ comme identification de l'électeur est privilégié par le Directeur général des élections principalement pour ne pas créer de discrimination entre les électeurs.» Moi, je me fie à votre expérience aussi. Ce n'est pas pour rien, je pense, que vous prenez position à propos de l'utilisation d'une carte, entre autres la carte d'assurance-maladie. Vous ne vous positionnez pas nécessairement pour une carte d'électeur, parce que vous parlez d'une identification fiable des électeurs. Vous parlez aussi d'une valeur ajoutée à l'intégrité lors de la votation.

J'aimerais savoir, selon votre expérience, sur quoi vous vous basez pour nous dire que vous privilégiez, puis je ne dirais pas assez fortement... Mais quand même il y a un caractère incitatif à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie pour, exemple, le prochain scrutin.

M. Côté (Pierre-F.): Je réalise, M. le député, que j'aurais peut-être dû lire les pages que j'ai... J'ai sauté les pages 15 et 16. Vous soulevez un point qui me permet d'y revenir. Je pense que, pour répondre à votre question, en particulier pour ce paragraphe de la discrimination, il est plus clairement exprimé, dans le mémoire, si je ne me trompe pas, à la page 16. Je suis dans le milieu de la page: «L'utilisation sur demande ou obligatoire? Cette question doit faire l'objet d'un débat afin de pouvoir dégager l'ensemble des impacts. C'est en effet une question dont les incidences sont complexes; nous ne disposons pas, pour l'instant, d'une évaluation détaillée de toutes les incidences. Pour alimenter le débat, voici quelques observations. Dans le système électoral actuel, il existe peu de moyens de déceler une supposition de personnes; pour à la fois contrer ce genre de situations et rassurer ceux qui pensent qu'il y en a beaucoup, une utilisation obligatoire serait utile.

«Le même prérequis devrait exister pour tous les électeurs, à savoir l'obligation de s'identifier avant de voter. En effet, il ne faudrait surtout pas que la carte d'identité de l'électeur ne soit requise qu'en cas de doute. Le caractère arbitraire d'une demande d'identification qui serait facultative de la part du personnel du scrutin ou des représentants des candidats ouvrirait la porte à la discrimination – à l'un, on le demanderait, puis à l'autre, on ne le demanderait pas. Il faut éviter d'introduire dans le processus, au moment même où l'électeur se présente pour voter, un élément susceptible d'entraîner un climat de suspicion malsain. Tous doivent être traités sur le même pied. Notre système électoral pourrait difficilement souffrir d'avoir deux poids, deux mesures, si on veut conserver un lien de confiance entre l'électeur et ceux qui administrent le système électoral.

«Il est important que le déroulement du vote demeure le plus simple et le plus efficace pour les électeurs. On doit donc évaluer l'impact sur le rythme du vote d'une demande systématique de la carte d'assurance-maladie à tous les électeurs. Quoi qu'il en soit, on ne doit pas ralentir le vote. À ce stade-ci, notre opinion est que l'étape d'identification serait facilitée, mais notre réflexion sur le sujet se poursuit.» Par conséquent, je dis que je serais en faveur du caractère obligatoire de la carte d'identité de la Régie de l'assurance-maladie.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vous remercie de cette explication-là. Mais vous dites aussi, dans votre dernier paragraphe, que, quoique des progrès énormes aient été accomplis, là, depuis 200 ans, les pratiques et les mécanismes électoraux doivent continuer à progresser. En fait, vous voyez ça comme très positif, l'utilisation...

M. Côté (Pierre-F.): Définitivement, et comme étant positif et un progrès. Vous savez, depuis plusieurs années, on avait, pour nous, le dilemme suivant. On s'est posé la question suivante, et beaucoup de gens nous ont dit: Il faut une carte d'électeur. Ça a commencé comme ça, je le raconte, au cours des années. Au départ, évidemment on ne peut pas être réfractaire à une idée comme celle-là, elle est très répandue dans un grand nombre de pays; c'est une façon de procéder. Mais, après mûre réflexion, nous sommes arrivés à la conclusion que ce qui est fondamental dans notre système, ce qui doit être préservé, c'est l'inscription sur la liste électorale, parce que ce que permet une carte d'électeur habituellement, c'est de se présenter et de pouvoir voter tout de suite, sans vérification nécessairement sur une liste.

Nous, le prérequis fondamental, c'est le caractère très important et très primordial de l'inscription sur la liste, avec tout le processus. Alors, la liste qui sortait d'un recensement et qui va sortir la liste électorale, et la liste qui suit la révision, c'est le document de base. À partir de là, on s'est dit – et il y a même des études qui ont été faites dans les années antérieures: On pourrait avoir quand même une carte d'électeur. Mais vraiment ça va changer la nature du système, et les coûts sont faramineux. Alors, avoir une carte pour le plaisir d'avoir une carte, là, on ne peut pas... C'était vrai autrefois, puis je pense que c'est encore plus vrai, maintenant. Mais, par ailleurs, on s'est dit que – on se le dit, puis c'est ce qu'on dit, en fait, c'est la position fondamentale – si on peut davantage contribuer à la confiance des électeurs dans tout le processus par un moyen qui nous apparaît simple et qui est de dire: Vous vous présentez le jour du scrutin puis vous vous présentez avec votre carte d'assurance-maladie comme étant votre carte d'identité, vous êtes bien la personne qui est bien inscrite sur la liste...

La première chose à vérifier, ce n'est pas la photographie, c'est de voir si le nom de la personne est sur la liste – ha, ha, ha! – avec ses coordonnées. C'est un complément d'identification qui, je pense, ne peut pas nuire à la confiance; au contraire, elle va augmenter la confiance qu'on a dans le processus électoral. Ça n'a pas un caractère, je dirais, policier. Si une personne ne l'a pas, bon, je le dis très précisément à la fin, on va... clairement... Énervez-vous pas, vous allez pouvoir voter. Si personne ne doute de votre identité, vous votez. Si quelqu'un en doute, vous serez assermenté, comme ça a toujours été le cas. Je ne vois pas de complications additionnelles. Il me semble que ça contribuerait davantage à faire dire aux gens: Ah oui, mon nom est sur la liste, mais ma photo, bon, mon identification, c'est très clair; voici, je vous présente ma carte. Moi, je ne vois que des aspects positifs et je n'en vois pas beaucoup de négatifs dans cette façon de procéder.

(10 h 10)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Imaginons-nous le scénario de la journée du scrutin où, bon, je me présente au bureau de scrutin, vous avez déjà la liste électorale permanente, vous avez mon nom, mon adresse, et, lors du vote, je présente ma carte d'assurance-maladie, supposons, et à ce moment-là vous faites la vérification, et cette vérification-là se fait à partir, entre autres, du nom et de la photo, puis vous voyez bien que c'est moi. Par contre, vous, sur la liste électorale permanente, vous avez l'adresse aussi, ce que je n'ai pas sur ma carte d'assurance-maladie. À partir de là, est-ce que vous voyez que ça pourrait créer certains conflits ou certains questionnements à propos de quelqu'un qui voudrait protéger vraiment la confidentialité de tout?

M. Côté (Pierre-F.): Non. Vous avez tout à fait raison en disant que, sur la carte d'assurance-maladie, n'apparaît pas l'adresse, et ça ne semble pas requis qu'on exige cette information-là. Il faut savoir qu'au Québec il y a 800 000 changements d'adresse par année. Ce qui fait foi, ce qui prime, c'est l'adresse du domicile qui est inscrite sur la liste, parce que cette adresse du domicile de l'électeur a suivi tout le processus de vérification pour être bien certain que c'est son domicile, c'est sa résidence principale, son domicile dans le sens du Code civil, et ce n'est pas une résidence secondaire. Alors, l'un complète l'autre, et le fait que ça n'apparaisse pas sur la carte...

Les choses que les membres du personnel électoral pourront vérifier sur présentation de la carte, c'est d'abord la photo, si c'est bien la même personne. La deuxième: si c'est bien le même nom puis le même prénom. Puis, s'ils veulent aller plus loin, s'ils se posent des questions, bien, apparaissent également la date de naissance et le sexe. Alors, à ce moment-là on a assez d'information pour identifier la personne.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste à titre d'exemple, à partir de l'identification que je viens d'examiner avec vous, est-ce que ça aurait pu éviter certaines anomalies qu'on a vues dans les journaux dernièrement, entre autres dans un comté, à la dernière élection? Est-ce que, si la carte d'identité avait été, entre guillemets, obligatoire, ces irrégularités-là n'auraient pas été les mêmes, finalement, même avec la photo?

M. Côté (Pierre-F.): Peut-être. Ça dépend de celles auxquelles vous vous référez. Peut-être que ça aurait pu, mais peut-être pas non plus. Vous savez, il y a une chose qu'il ne faut pas perdre de vue, puis les expériences des élections partielles récentes nous le démontrent: il va toujours y avoir des électeurs qui vont manifester d'une façon ou de l'autre leur mécontentement ou leur désapprobation du système, et une des façons de le faire, c'est de le manifester sur le bulletin de vote. Ça n'a pas un lien direct avec... si vous faites référence à des cas qui ont pu se produire lors du référendum de 1995, mais ça...

Écoutez, je vais prendre un autre exemple, si j'ai bien compris votre question. Quand on a fait le recensement, je le mentionne dans mon mémoire...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Excusez-moi. Je pense au comté de Bertrand, entre autres.

M. Côté (Pierre-F.): Ah! excusez, je pensais que vous pensiez à autre chose. Au comté de Bertrand, ce qui est en cause, c'est justement le domicile. Alors, le domicile, les gens qui exercent leur droit de vote doivent le faire dans leur domicile. S'il est prouvé qu'ils ont exercé leur droit de vote et que ce n'est pas dans leur domicile, bon, bien, on a la conséquence. Peut-être que ça aurait une conséquence. Il faudrait que j'y réfléchisse, parce que je ne suis pas très sûr qu'il y a un lien direct. Il n'y en a pas. D'après ce qu'on me chuchote à l'oreille, M. Giguère puis Mme Fortier, il n'y aurait pas de lien direct entre cette façon de procéder et... Non, il n'y en a pas. Ça n'aurait pas changé. Il y a toujours possibilité pour quelqu'un d'affirmer que sa résidence secondaire est son domicile, puis, si on fait la démonstration du contraire, bien... Il y a toujours possibilité. Il y a des possibilités de procéder autrement, pour employer d'autres mots; elles sont toujours possibles. Mais ce n'est pas la mécanique que je propose ici, la présentation de la carte d'identité. Je pense... qui changerait quelque chose, fondamentalement.

Le Président (M. Garon): Je remercie le Directeur général des élections et les personnes qui l'accompagnent de leur contribution aux travaux de la commission. Maintenant, j'invite le Secrétariat de l'autoroute de l'information à s'approcher de la table de délibérations.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): M. Thivierge, je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent. Comme on doit être ensemble pendant une heure, vous avez normalement 20 minutes pour votre exposé, et 20 minutes pour chacun des deux partis; ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en moins, ils pourront le prendre à leur compte pour vous poser des questions. Allez-y.


Secrétariat de l'autoroute de l'information (SAI)

M. Thivierge (Robert): Je vous remercie, M. le Président. Je tiens, au nom de mes collègues du Secrétariat de l'autoroute de l'information, à vous exprimer nos remerciements d'avoir accepté d'avoir été les hôtes de ce débat qu'on considère important et d'avoir sollicité que le Secrétariat de l'autoroute de l'information y présente un mémoire. Au départ, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, M. Rosciszewski, chargé de mission aux technologies au Secrétariat de l'autoroute de l'information, et, à ma gauche, M. Jean-Michel Salvador, qui est conseiller scientifique. Comme je viens de le dire, nous sommes très heureux de la tenue de cette consultation publique, puisque, depuis plus d'un an déjà, nous nous penchons sur cette question complexe de l'identification des citoyens et particulièrement de l'identification dans le contexte du déploiement de l'autoroute de l'information.

Dès le départ, nous étions conscients que les solutions proposées, et notamment celle de l'utilisation d'une carte permettant cette identification, ne sauraient être mises de l'avant sans un débat public, compte tenu des enjeux de société qu'un tel projet comporte. Le document de référence que nous déposons aujourd'hui ne prétend pas répondre à toutes les questions suscitées par la problématique de l'identification des citoyens. Ce document constitue, pour nous, une étape dans notre réflexion, étape qui sera suivie d'un examen en profondeur, avec différents partenaires à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, des questions qui sont encore à régler, et ces questions sont nombreuses. J'ai donc l'intention de vous présenter les grandes lignes du travail que nous avons effectué jusqu'ici dans ce domaine.

Dans ce dossier, le mandat du Secrétariat de l'autoroute consiste à cerner clairement les besoins, à proposer des orientations et à suggérer les solutions les plus appropriées, solutions dont le gouvernement aura à décider de la mise en oeuvre. Notre première préoccupation a été d'appuyer notre démarche sur des principes de référence qui devraient baliser toute action future dans ce domaine. Nous croyons que, si la collectivité québécoise veut profiter pleinement de l'ensemble des bénéfices de l'autoroute de l'information, il serait souhaitable qu'elle se dote d'un moyen d'identification électronique le plus polyvalent et le plus universel possible. Cet outil devrait servir à assurer des échanges sécurisés et à représenter, en plus, un moyen pour mieux protéger la vie privée et les renseignements personnels. J'affirme d'entrée de jeu que cette chose est possible.

Le document de référence que nous avons déposé et dont nous allons tracer les grandes lignes porte essentiellement sur la problématique entourant l'identification des usagers de services publics, notamment dans un contexte où l'accès à ces services se fera de plus en plus en ayant recours au réseau électronique. Le document traite de l'opportunité d'utiliser une carte à microprocesseur comme pièce d'identification ayant la versatilité nécessaire pour répondre à une diversité de besoins. Il fournit au lecteur une information de base sur les cartes à microcircuits ainsi que sur les systèmes de sécurité entourant leur utilisation. Le document aborde notamment le concept de système de cryptographie à clés publiques et l'agence de certification.

(10 h 20)

La raison d'être de ce texte est de documenter et de guider les démarches entreprises par les ministères et organismes qui pourraient bénéficier de l'usage d'un outil d'identification pour valider soit l'accès à leurs propres services ou l'exercice de certains droits par les citoyens. Le Secrétariat de l'autoroute de l'information estime qu'il s'agit là d'une problématique qui doit procéder d'une vision qui tienne compte de l'ensemble des besoins gouvernementaux et qui doit s'inscrire dans la perspective d'un usage accru de l'autoroute de l'information par les citoyens. Le développement de l'inforoute au Québec, cela veut dire que, lorsque c'est possible, l'information, les transactions et les services, notamment les services gouvernementaux offerts aux citoyens et aux entreprises, seront disponibles en tout temps et accessibles aussi bien à partir du domicile que dans les endroits publics des lieux de travail ou des lieux de loisirs.

Le développement de l'inforoute, au Québec, ne peut reposer uniquement sur son utilisation en tant que véhicule d'information générale et de promotion, comme c'est largement le cas à l'heure actuelle. Pour que l'inforoute livre tous ses bénéfices, il faut que les citoyens, les entreprises et les administrations puissent l'utiliser comme véhicule de services personnalisés et de transactions. C'est seulement ainsi que l'inforoute pourra réellement contribuer à exaucer le voeu maintes fois exprimé par le Protecteur du citoyen d'éliminer les formalités et les processus superflus, ainsi que toute la paperasse inutile.

Parmi les conditions de succès de cette mise en oeuvre, le Secrétariat a rapidement reconnu la nécessité de disposer d'un moyen d'identification des usagers qui seront amenés à transiger sur cette inforoute. Les transactions électroniques comportent souvent des transferts d'argent, des renseignements de nature confidentielle ou l'accès à des services à valeur ajoutée, comme les services financiers de formation ou de loisirs, pour lesquels le droit d'accès de l'usager doit pouvoir être vérifié et, au besoin, facturé.

Dans tous les cas où une transaction est effectuée par voie électronique, les mêmes problèmes se posent. Un, comment s'assurer de la confidentialité de la communication? Deux, comment s'assurer de l'intégrité des renseignements et des documents transmis, que ce soit pendant leur transport ou ultérieurement? Trois, comment s'assurer de l'identité des interlocuteurs? Et enfin, quatre, comment s'assurer que les interlocuteurs ne puissent répudier un document ou une transaction réalisés par voie électronique? Ces interrogations visent autant les gouvernements, les entreprises, les institutions que les citoyens eux-mêmes. Sans réponses adéquates, sûres et fiables à ces préoccupations, la crainte légitime de l'utilisateur constituera un frein au déploiement des échanges électroniques et, par conséquent, de l'autoroute de l'information.

Pris un à un, rares sont les organismes ou les entreprises qui peuvent assumer les coûts relatifs à la mise en place de moyens efficaces et sécuritaires pour faire des transactions sur l'inforoute. Sans stratégie d'ensemble, seuls les grands organismes comme les banques, la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou le ministère du Revenu seront en mesure de fournir à leur clientèle des moyens pour effectuer des transactions en toute sécurité. Par ailleurs, la multiplication des cartes, mots de passe, codes d'accès et autres méthodes et systèmes visant à identifier les clients et à rendre les échanges plus sûrs ne fera qu'augmenter d'autant les coûts pour les fournisseurs de services et la confusion pour les usagers.

Le Secrétariat est donc d'avis qu'il serait souhaitable, pour le bénéfice de tous, de mettre au point un système d'identification électronique sécuritaire polyvalent et le plus universel possible. Cette méthode d'identification pourrait prendre la forme d'un système de cryptographie à clés publiques capable de remplir la fonction de signature électronique pour les utilisateurs et les fournisseurs en y associant une infrastructure de certification. Les clés de chiffrement propres à chaque usager pourraient être inscrites dans une carte à microprocesseur comportant au minimum l'information requise pour identifier de façon univoque son détenteur, ainsi que l'intelligence logicielle nécessaire pour que cette identification ne puisse être ni usurpée ni répudiée et pour que les communications puissent rester confidentielles. Par ailleurs, le déploiement d'une carte du citoyen permettrait à l'industrie québécoise, déjà bien placée dans le domaine de la sécurité informatique, de se positionner en termes d'expertise sur le marché international de la carte à microprocesseur ainsi que des applications et des périphériques qui l'accompagnent.

Mais revenons-en aux besoins auxquels la carte du citoyen serait susceptible de répondre. Le besoin d'une méthode fonctionnelle d'identification de l'usager n'est pas propre à l'inforoute. De nombreux organismes gouvernementaux et privés émettent des cartes ou des permis afin de s'assurer de l'identité du titulaire d'un droit spécifique: carte d'assurance-maladie, permis de conduire, carte de crédit, carte de débit, système de sécurité, carte d'hôpital, de bibliothèque, etc. Il suffit d'ouvrir son portefeuille pour constater l'étendue du problème. Les Québécois disposent donc déjà d'une multitude de cartes qui, à tort, sont trop souvent considérées et exigées comme des cartes d'identité. La carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire sont souvent exigés comme pièces d'identification par des institutions et des commerçants, ce qui est illégal, dans les circonstances actuelles. Cette situation perdure parce que, dans les faits, les Québécois ne disposent d'aucune méthode fonctionnelle et universelle qui leur permette de s'identifier sans avoir à utiliser des documents qui ne sont pas destinés à cet usage. Le besoin est là et il deviendra de plus en plus aigu avec la multiplication des services et des transactions électroniques accessibles par Internet, les bornes interactives de services ainsi que les services évolués de téléphone et de télévision qui nous arrivent sur le marché.

Le niveau requis de fiabilité et de sécurité d'une carte n'est certes pas le même pour tous les émetteurs de cartes. Il y a une relation directe entre l'investissement engagé dans la sécurité d'une carte et l'importance relative du risque qu'elle peut occasionner au fournisseur de services ou à son client. Pour un laissez-passer mensuel de transport en commun, il suffit d'une carte jetable à bande magnétique sans identification du porteur. Après tout, le droit auquel est associée la carte ne représente que quelques dizaines de dollars. Par contre, pour donner accès aux services du régime public d'assurance-maladie du Québec, même une carte avec photo ne suffit plus. Cette carte donne droit à des services qui peuvent représenter, dans certains cas, des dizaines de milliers de dollars. Que prévoir alors pour une carte qui devrait permettre au citoyen de fournir sa déclaration de revenus, de faire des versements de taxes ou d'autoriser le transfert de son dossier médical?

Avec la généralisation des réseaux et des services électroniques, les moyens d'identification traditionnels ne suffisent plus. Le fournisseur de services électroniques impliquant le transfert de renseignements confidentiels ou de transactions en argent doit pouvoir identifier celui qui accède à ces services, d'autant plus que ce dernier n'est pas vu et n'appose pas sa signature manuscrite sur un document autorisant la transaction. Plus important encore, un nombre croissant de transactions se feront sur des réseaux ouverts et accessibles de par le monde entier, dans la discrétion d'un bureau ou d'un domicile, sans aucun témoin et sans la relative sécurité que confèrent les réseaux dédiés de téléinformatique. Il faut que les particuliers, les gouvernements, les entreprises et les institutions puissent utiliser l'inforoute en toute confiance, sans craindre l'accès par des tiers à des renseignements confidentiels les concernant et sans mettre en péril l'intégrité de leurs actifs financiers. L'usager doit donc disposer, pour les transactions qu'il exécute, d'un moyen d'identification sans équivoque et de dispositifs de sécurité appropriés aux types de transactions en cause.

Au gouvernement du Québec, deux organismes émettent actuellement des cartes ou des permis à une forte proportion de la population: la RAMQ et la Société d'assurance automobile du Québec. Un troisième, le Directeur général des élections, qu'on vient d'entendre, a mentionné publiquement qu'il devait disposer d'un moyen pour identifier les électeurs lors de scrutins. Ces trois organismes ont, en matière d'identification, des besoins qui leur sont propres. Cependant, la convergence de ces besoins saute aux yeux, et, à l'heure des nombreuses contraintes budgétaires que connaît le Québec, une saine cohérence gouvernementale impose à ces ministères et organismes la nécessité impérative de se concerter afin d'éviter la prolifération des cartes, des réseaux et des systèmes. Les paramètres d'identification requis ou souhaités par ces organismes, les coûts actuels d'émission des cartes et les niveaux de sécurité nécessaires doivent être bien établis pour mieux définir une réponse cohérente à cette diversité de besoins.

(10 h 30)

À ces trois organismes principaux s'ajoutent des dizaines d'organismes gouvernementaux qui émettent des cartes ou des permis dont les besoins en matière d'identification sont de même nature, sans oublier la constellation des cartes émises par le secteur privé. Ces besoins particuliers doivent également être pris en compte dans l'élaboration d'un concept de carte d'identité électronique du citoyen, car son implantation faciliterait les échanges dans le secteur privé.

Pour répondre aux besoins que nous avons identifiés, le Secrétariat préconise une solution qui prévoit l'implantation d'un mécanisme universel attribuant une signature électronique à chaque citoyen. Cela éviterait à chaque fournisseur de services l'obligation de développer son propre système d'identification. En outre, il s'agit d'une approche qui évitera la multiplication des cartes et des coûts qui y sont associés, sera basée sur une analyse des besoins pour un ensemble de services gouvernementaux, servira à assurer une meilleure protection de la vie privée et des renseignements personnels des utilisateurs, sera évolutive et viable à moyen et long terme en ce qu'elle pourra s'adapter à l'évolution des besoins et de la technologie, s'appuiera sur des normes internationales, notamment en matière de sécurité et d'interopérabilité, et enfin favorisera le développement de l'autoroute de l'information. Tout nouveau projet de carte devrait donc pouvoir non seulement assurer une identification plus fiable des usagers lorsqu'ils se présentent en personne pour recevoir des services gouvernementaux ou pour exercer un droit, mais devrait également pouvoir supporter des clés de chiffrement permettant d'assurer la fonction de signature électronique lorsqu'un tel système sera mis en place au Québec.

Par ailleurs, un tel projet de carte à microprocesseur gouvernementale devra faire l'objet d'un encadrement législatif et réglementaire spécifique afin de prévoir notamment les rôles et responsabilités relativement à l'émission de la carte, les droits de lecture et d'écriture du contenu informationnel de celle-ci, etc. Il nous semble souhaitable qu'un ministère ou organisme gouvernemental agisse comme émetteur d'une éventuelle carte du citoyen afin notamment d'assurer un meilleur contrôle sur les renseignements qu'il détient et de réduire les étapes dans la communication et la manipulation des renseignements personnels que peut requérir l'émission d'une telle carte. Il faut s'assurer que l'organisme qui aurait à tenir des registres contenant des renseignements personnels nécessaires à l'émission de la carte sera assujetti aux exigences de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et au régime qu'elle prévoit, notamment en matière de communication de fichiers de renseignements personnels entre organismes.

Revenons aux objectifs poursuivis. Il s'agit de faire en sorte que les citoyens du Québec disposent d'un moyen d'identification qui permette d'identifier de façon univoque son détenteur, de vérifier ses droits et statut vis-à-vis de divers services des organismes gouvernementaux par une méthode appropriée aux besoins de chacun de ces organismes, d'effectuer des transactions électroniques avec les organismes gouvernementaux et éventuellement non gouvernementaux, de garantir la confidentialité, l'intégrité et l'authenticité de la provenance des transactions et ainsi d'éviter la répudiation de ces dernières, de prévoir son utilisation éventuelle par le secteur privé aux fins d'identification des interlocuteurs qui procèdent à des transactions électroniques. Pour assurer un haut degré de sécurité des transactions électroniques, la méthode d'identification proposée doit inclure un système de cryptographie à clés publiques dont la pertinence suscite de plus en plus d'adhésion au Canada, en Europe et en Amérique du Nord en général. Elle pourrait être supportée par une carte à microprocesseur qui à l'heure actuelle constitue le support le plus adéquat, le plus fiable pour préserver la sécurité d'un tel système.

Une telle solution, croyons-nous, permettrait de faire face correctement aux divers risques inhérents aux échanges électroniques. Quels sont ces risques? En premier lieu, on songe à la confidentialité. Par exemple, si M. Untel transmet sa déclaration de revenus par voie électronique, il est évident qu'il souhaite que l'information transmise puisse être consultée seulement par le service gouvernemental concerné. Pour ce faire, il existe plusieurs méthodes de chiffrement de l'information. Toutes ont pour effet de rendre le message illisible pour toute autre personne que le destinataire. Un autre problème concerne l'intégrité de l'information: M. Untel doit être en mesure de s'assurer que, une fois transmise, sa déclaration n'a subi et ne subira absolument aucune modification. Pour cela, M. Untel peut compter sur un code de vérification d'intégrité qui aura été ajouté au fichier avant sa transmission, un peu à la façon d'un sceau.

Puis, vient la question de l'authentification. Ce terme fait référence à la nécessité de pouvoir identifier avec certitude aussi bien l'émetteur que le récepteur de la transmission. Reprenons notre exemple. M. Untel veut être certain qu'il ne transmet pas sa déclaration à un inconnu par suite d'une malencontreuse erreur. D'un autre côté, le ministère du Revenu doit être en mesure de vérifier que c'est bien M. Untel qui lui a transmis le document en question.

Finalement, les transmissions électroniques doivent prévoir des mécanismes de non-répudiation. Ainsi, puisque M. Untel ne peut pas apposer sa signature manuscrite sur sa déclaration électronique, pas plus d'ailleurs qu'un employé du ministère ne peut signer un accusé de réception pour une transmission électronique, il faut que le système de communication comprenne une forme de signature électronique qui engage la responsabilité de l'émetteur et qui empêche le destinataire de nier la réception. La validité de cette signature électronique se fonde sur les mesures prises pour assurer l'intégrité du document transmis et pour authentifier les parties. Comme on le voit, les risques associés à la transmission électronique d'information privée peuvent être contrés en adoptant des mesures appropriées et sécuriser les usagers des services électroniques.

L'introduction d'une carte du citoyen exige le respect d'un certain nombre de principes fondamentaux qui imposent des contraintes dans les choix de fonctionnalité des équipements, de systèmes et de modes de gestion. Le premier, c'est évidemment la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Le Québec est une des sociétés dont les lois protègent le mieux la vie privée et les renseignements personnels des citoyens. L'esprit et la lettre des lois et des règlements en vigueur doivent être respectés dans le contexte du déploiement des inforoutes en général, et en particulier lors de l'introduction d'une carte du citoyen, si telle introduction il y avait. Il faut prendre toutes les précautions nécessaires pour que la vie privée et les renseignements personnels soient effectivement protégés. Pour peu que les choix technologiques et d'architecture du système, les dispositions réglementaires et les mécanismes de surveillance adéquats soient mis en oeuvre, la mise en place d'une carte du citoyen pourrait contribuer à améliorer la protection des renseignements personnels, notamment en permettant un resserrement de l'accès aux fichiers et une plus grande étanchéité entre les divers serveurs qui hébergent de l'information.

La convivialité. Pour que les personnes puissent accéder le plus facilement possible aux services disponibles sur l'inforoute, il importe que l'utilisation de ces services soit simple, que la multiplication des cartes, numéros d'identification personnelle, mots de passe et codes d'accès soit évitée et qu'une carte puisse être utilisée par tout citoyen, quel que soit son âge ou son niveau d'instruction.

Le caractère obligatoire. La carte du citoyen devrait-elle être obligatoire? La carte pourrait être requise pour l'accès à certains services ou l'exercice de certains droits qui nécessitent l'utilisation d'un identifiant sûr. Par exemple, la carte de la RAMQ est aujourd'hui obligatoire pour se prévaloir des bénéfices associés au régime d'assurance-maladie, le permis de conduire est obligatoire lorsqu'on est au volant d'un véhicule automobile. Il appartient aux ministères et aux organismes responsables des services d'établir quels sont les outils appropriés d'identification qui devraient être requis ou obligatoires. Cependant, il serait souhaitable que l'obligation soit exclusivement associée à l'utilisation d'un service ou à l'exercice d'un droit. Dans aucun autre cas la carte du citoyen ne devrait pouvoir être exigée. Par ailleurs, il sera commode pour le citoyen de disposer d'un outil d'identification reconnu qu'il pourra utiliser à sa guise.

L'universalité. Il faut une solution générale ou universelle pour répondre aux besoins d'identification des citoyens. Il faut éviter de se retrouver dans quelques années avec une carte d'identité pour ceci et une autre pour cela. La solution retenue doit également pouvoir évoluer avec les besoins et avec la technologie. La solution retenue, notamment en ce qui concerne les processus de certification, ne doit pas assujettir le Québec à un autre palier de gouvernement ou à un ordre professionnel particulier, pas plus qu'elle ne doit dépendre d'un seul fabricant ou fournisseur. Il faut retenir des solutions techniques qui respectent les normes internationales et qui soient suffisamment génériques pour pouvoir évoluer, sur les plans logiciel et matériel, avec les progrès de la technologie et les changements dans les besoins de la société.

(10 h 40)

Afin de respecter ces principes, nous avons donc cherché à identifier les solutions qui, tout en étant conviviales et universelles, assurent à la fois la protection de la vie privée, des renseignements personnels ainsi que l'autonomie du gouvernement québécois; en somme, une solution qui serait démocratiquement acceptable pour tous et qui permettrait de protéger nos acquis en matière de droits et libertés.

Avant de voir le jour, un projet de carte d'identité à microprocesseur doit encore faire l'objet d'une réflexion et d'une prise de décision sur un certain nombre de sujets. Nommément, une étude fine des besoins doit permettre d'identifier et de documenter les divers besoins auxquels doit répondre la carte en question, tant les besoins du côté du gouvernement que les besoins du côté du secteur privé. Le cadre législatif et réglementaire requis pour l'utilisation d'une identité électronique doit être solidement établi. On doit définir et adopter une politique d'utilisation de la carte et de l'identité électronique et baliser ces répercussions sur le plan éthique et du respect des valeurs sociétaires. Les processus de certification et de gestion des cartes et du fichier central doivent être assujettis aux normes, aux procédures et aux règlements requis. On doit identifier l'autorité responsable de la certification et définir ses rôles et fonctions. Finalement, il faut formuler les normes et les spécifications techniques nécessaires en matière de sécurité.

Comme vous le constatez, la liste est longue. Toutefois, pour nous, l'essentiel est d'abord de savoir si la collectivité québécoise voit un intérêt dans la réalisation d'un tel projet. La solution proposée – carte du citoyen – vise à satisfaire les fonctions de carte d'identité qui servent à identifier un individu, autant sur les inforoutes que dans la vie quotidienne. Elle n'a nullement pour objectif de favoriser l'appariement et le couplage des informations. À notre avis, une identification claire et fiable aurait pour effet de diminuer le recours au croisement de fichiers pour fins de validation d'identité et réduirait la nécessité de présenter de multiples cartes pour s'identifier. La consultation que vous menez actuellement jettera certainement un peu d'éclairage sur cette question et devrait nous être fort utile pour la poursuite de nos travaux. Merci.

Le Président (M. Garon): Comme vous avez pris 26 minutes, il nous reste 34 minutes, c'est-à-dire 17 de part et d'autre. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Merci beaucoup aux représentants du Secrétariat de l'autoroute de l'information. Avant de commencer, juste peut-être un avis pour la prochaine fois pour faciliter les travaux des parlementaires. C'est une présentation bien belle comme ça, c'est intéressant; je vous mets en garde, c'est aujourd'hui le dépôt du livre des crédits, alors je ne sais pas si le président du Conseil du trésor va aimer... Mais, s'il y avait un texte préalablement prêt, mettons vendredi, même si c'était juste noir sur blanc sur l'ordinateur, pour faciliter notre tâche... Ça aide beaucoup d'être capable de lire ça et de peut-être des fois poser des questions intelligentes. Alors, peut-être, pour l'avenir, s'il y avait même un texte moins beau que ça mais quand même final à partager avec les parlementaires préalablement, ça faciliterait notre vie un petit peu.

Moi, je veux avant tout aborder... Parce que je sais, dans les coupures de presse que les membres de la commission ont reçues avant de commencer nos travaux, toutes les discussions en Ontario autour d'une «smart card» ou quelque chose comme ça, qu'il y avait des coûts et qu'il y avait une grande question des coûts liés à tout ça. Alors, juste comme point de départ, juste les questions techniques, factuelles, une carte comme ça coûterait combien environ pour chaque citoyen? Est-ce que 10 $, c'est trop?

M. Thivierge (Robert): 10 $, à peu près.

M. Kelley: 10 $. Les équipements pour la lecture coûteraient combien?

M. Thivierge (Robert): Les équipements pour la lecture, c'est un peu difficile à établir. Je peux vous donner des cas d'espèce. Par exemple, quand antérieurement je travaillais au Consortium UBI, on avait été en appel d'offres pour avoir un clavier d'identification personnelle pour faire la lecture d'une carte à puce, la lecture d'une carte de débit Interac. Donc, il s'agit d'un clavier un peu comme vous voyez chez les commerçants quand vous utilisez votre carte de débit, mais avec un lecteur de carte à puce. Alors, cet équipement-là, répondant aux standards de sécurité Interac, on nous le proposait à 85 $ l'unité. Maintenant, Bell Canada, si vous avez déjà vu les téléphones Vista 350, a en expérimentation un module de téléphone Vista 350 avec un lecteur de carte à puce. Alors, le lecteur lui-même de carte à puce ne coûte pas tellement cher. Ce qui coûte plus cher, c'est les dispositions physiques, si vous voulez, qui doivent être établies si on veut un appareil qui est physiquement sécuritaire. Alors, le lecteur lui-même peut coûter quelques dollars. Selon les caractéristiques qu'on veut ajouter autour, ça peut monter jusqu'à 80 $, 85 $.

M. Kelley: Plus une ligne téléphonique, j'imagine, pour lier tout ça. J'ai lu en fin de semaine – je pense que c'est dans la Gazette – la problématique, le nombre de numéros de téléphone et l'expansion. On propose de diviser le 514 de Montréal en deux régions effectivement parce qu'on manque de numéros pour les numéros cellulaires. Alors, pour faire fonctionner ça en réseau, ça prend encore une fois des lignes téléphoniques pour lier les...

M. Thivierge (Robert): Bien, on utilise les réseaux de communication déjà existants, que ce soient les réseaux téléphoniques ou les réseaux de câble ou autres.

M. Kelley: Mais un numéro dédié pour chaque machine, quand même. Et avez-vous évalué le nombre de... Parce que, moi, si on parle, je ne sais pas, du nombre de médecins, vous avez parlé des bibliothèques municipales, de toutes les personnes comme ça, notre collègue le député de Dubuc, qui n'est pas ici aujourd'hui, a parlé de toute la question des chasseurs et de la problématique d'être à 200 kilomètres au nord dans son comté, et quelqu'un veut contester – avez-vous renouvelé votre permis de chasse? – et, si c'est inscrit sur une puce comme ça, comment est-ce que le gardien de la chasse va être capable de vérifier si effectivement notre collègue de Dubuc a renouvelé son permis? Alors, avez-vous évalué le nombre de machines, le nombre de places où il faut lire la carte pour les besoins à tout ça?

M. Thivierge (Robert): J'ai mentionné tantôt que, dans les travaux qu'on doit entreprendre, on doit entreprendre une étude systématique, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, des besoins auxquels ça pourrait répondre. Maintenant, les lecteurs de cartes, il y a une réalité. C'est que les lecteurs de cartes, si vous regardez, par exemple, la plupart des téléphones publics, ils en sont déjà dotés pour les besoins de Bell Canada. On sait que Visa, Mastercard et Europay, les trois grandes compagnies dans le monde qui font des cartes de crédit, ont toutes les trois opté pour doter leurs cartes d'un microprocesseur. Donc, à terme, tous les endroits où on peut utiliser une carte de crédit vont être équipés avec un lecteur de carte. Ça, ça veut dire tous les restaurants, les dépanneurs, enfin, tous les endroits où on peut utiliser une carte de crédit.

Les institutions bancaires canadiennes et québécoises aussi prévoient, à terme, la plupart d'entre elles, l'installation d'une puce ou la transformation des cartes bancaires en cartes à microprocesseur. Alors, ce qu'on pense, c'est que le déploiement des lecteurs de cartes, ce n'est pas quelque chose qui va être fait pour répondre aux besoins spécifiques du gouvernement. La demande va venir de partout, si vous voulez. Alors, c'est une montée en charge, si vous voulez, qui va se faire graduellement, au fur et à mesure que les utilisations des cartes à microprocesseur vont se multiplier.

M. Kelley: Oui, mais même... Le développement d'un réseau chez les cartes de crédit explique pourquoi nos taux d'intérêt sont élevés, pour dire le moins. Peut-être qu'il y a un autre mot, mais c'est très dispendieux parce qu'il y avait énormément de problèmes de fraudes avec les cartes, avec la bande magnétique existante. Alors, je pense qu'il y a des coûts très élevés. Moi, je pense que notre bibliothèque municipale dans mon comté, la plupart des gens qui travaillent là sont des bénévoles et ils essaient de trouver des moyens de sauver de l'argent pour acheter des livres et fournir d'autres services à la clientèle. Alors, est-ce que la gestion de tout ça va ajouter des coûts pour nos bibliothèques ou pour nos chasseurs dans le bois ou... Il doit y avoir des coûts importants dans tout ça.

(10 h 50)

M. Thivierge (Robert): Vous avez parlé tantôt – ça m'a rappelé des souvenirs – des cartes d'étudiant pour accéder aux bibliothèques. Vous vous rendez compte de combien ça coûte, émettre de telles cartes et gérer de telles cartes. Dans plusieurs entreprises, il y a des cartes, soit des cartes qui sont utilisées où on donne des mots de passe ou des identifiants, surtout des mots de passe, pour avoir accès à des informations. Dans tous les cas, la mise sur pied de systèmes d'identification comme ceux-là coûte très cher parce que les gens ont oublié leur numéro, parce qu'il y a des déplacements de personnel. Alors, vous regardez au gouvernement du Québec, la RAMQ, la SAAQ, les différents organismes qui émettent des permis, qui doivent trouver des moyens d'identifier leurs interlocuteurs. Chacun de ces systèmes-là qui requiert l'identification des usagers coûte très cher en soi, et, si on fait la somme de tout ça, ça finit par faire des sommes très importantes. Alors, nous, ce qu'on pense, c'est que, en déployant un outil que tout le monde pourrait utiliser, on rendrait un service, c'est-à-dire qu'on permettrait à la plupart de ces organisations-là qui ont ce besoin-là d'économiser.

Maintenant, il y a des coûts pour émettre une telle carte. C'est un outil qui peut aussi générer des revenus, s'autofinancer, et je peux vous dire que, dans nos réflexions, en rendant un service qui va être utilisable par le secteur privé dans son ensemble et qui lui facilitera la vie, en particulier la capacité de faire de la signature électronique... L'utilisation d'une infrastructure commune qui permet de faire de la signature électronique pourrait être l'objet d'une petite tarification qui permettrait d'autofinancer le déploiement d'une carte. Il s'agit d'une infrastructure commune qu'on offrirait à l'ensemble de la collectivité et qui éviterait des dépenses à plusieurs des usagers, en particulier des fournisseurs de services qui veulent transiger sur des réseaux électroniques. Alors, ces gens-là, on peut trouver des moyens pour les faire contribuer aux coûts de cette carte-là.

M. Kelley: Mais c'est toujours très, très préliminaire. Autre chose sur une carte de citoyen. Qu'est-ce qu'on donne aux non-citoyens qui ont accès aux services gouvernementaux?

M. Thivierge (Robert): Vous voulez dire un Américain qui va dans une pourvoirie?

M. Kelley: Non, non, mais un immigrant reçu. Il n'est pas...

M. Thivierge (Robert): Pardon?

M. Kelley: Un immigrant reçu n'est pas un citoyen. Mais, quant il a accès aux services gouvernementaux, on donne quoi?

M. Thivierge (Robert): Bon, alors, écoutez, on pourrait prévoir l'émission d'une carte pour des cas particuliers comme ceux-là.

M. Kelley: Non, non, mais c'est toujours... Parce que ça prend quelques années pour devenir citoyen. Alors, il y a toujours un nombre important de personnes qui sont des contribuables ou de personnes qui sont ici pour travailler sur un permis de travail.

M. Thivierge (Robert): Bon, écoutez, la carte...

M. Kelley: Il y a toute une série de personnes comme ça qui sont ici et qui ont droit aux services du gouvernement du Québec sans nécessairement être citoyens. Alors, pourquoi insister sur une carte de citoyen?

M. Thivierge (Robert): Bien, on insiste sur le... On l'a appelée comme ça, mais on voit la carte comme une clé d'accès, hein, un moyen d'accéder à un service auquel on a droit. Alors, toute personne qui a droit à un service devrait avoir l'outil pour y accéder.

M. Kelley: Y compris les non-citoyens.

M. Thivierge (Robert): Alors, peut-être que l'appellation «carte du citoyen» n'est pas appropriée, mais la raison d'être de l'outil d'identification électronique à laquelle on pense, c'est celle de permettre à ceux qui ont droit à des services ou qui veulent exercer un droit qu'ils ont de le faire, en particulier sur des réseaux électroniques. Alors, si l'appellation «carte du citoyen» n'est pas adéquate...

M. Kelley: Moi, je pense, entre autres...

M. Thivierge (Robert): Vous comprenez que ce n'est pas ça, l'objet, là.

M. Kelley: Non, non, mais...

M. Thivierge (Robert): Ce n'est pas d'identifier le citoyen, c'est de permettre à quelqu'un qui a droit d'utiliser un service d'y accéder. Une clé d'accès.

M. Kelley: Parce que vous parlez de l'universalité, et il y a beaucoup de personnes qui utilisent les services du gouvernement du Québec. On parle des chasseurs ou des touristes qui viennent des États-Unis, des autres provinces canadiennes et qui ont droit, qui ont accès et... Alors, c'est juste... Quand j'ai vu le mot «citoyen», ça limite peut-être inutilement. Si c'est vraiment une carte pour donner accès aux services, ce n'est pas aux citoyens.

Finalement, quand nous avons regardé en commission toute la question de l'inforoute, le Protecteur du citoyen est venu, et je pense qu'il a fait un excellent témoignage de ne pas aller trop vite pour nos citoyens. Oui, il y a les gens qui sont des adeptes sur les ordinateurs, qui sont familiers avec des réseaux, l'Internet, et tout ça, mais il y en a beaucoup d'autres qui aiment beaucoup procéder sur papier, qui n'ont jamais utilisé un guichet automatique dans une banque et qui préfèrent ça. Alors, dans le développement de ce système, est-ce que... Je comprends les coûts. J'aimerais avoir beaucoup plus de renseignements sur les coûts, le potentiel des économies. Mais les coûts... Comme j'ai dit, le débat dans l'Ontario était très important, mais je pense que c'est important de prendre avis de ce que le Protecteur du citoyen a dit, d'aller à une vitesse où nos concitoyens et concitoyennes seront à l'aise et de ne pas procéder trop vite. Les puces, les microprocesseurs, ce n'est pas l'affaire de tout le monde, pour le moment.

M. Thivierge (Robert): L'intention, ce n'est pas d'imposer des puces à tout le monde. Ha, ha, ha!

M. Kelley: Obligatoire.

M. Thivierge (Robert): Non, mais, écoutez...

M. Kelley: Obligatoire, c'est tout le monde, dans mon livre à moi.

M. Thivierge (Robert): Mais, dans l'énoncé qu'on fait, on donne l'exemple du permis de conduire. Alors, quand on est au volant d'un véhicule automobile, il faut avoir un permis de conduire, ce n'est pas une question de choix, puis ça s'explique. C'est à chacun des prestataires de services de déterminer s'il y a obligation ou pas, ce n'est pas à nous. Nous, on pense que ça devrait être...

De toute façon, regardez les cartes de débit bancaire, par exemple, les cartes qui vous permettent d'utiliser un guichet automatique. Il y a eu un apprentissage. Au début, il y avait 1 % de la population, puis là c'est rendu au-dessus de 50 % qui s'en servent. Et puis il y a des gens qui vont toujours préférer aller au guichet. La banque n'oblige pas les gens à utiliser leur carte, et je pense que c'est souhaitable que ce soit comme ça. D'un autre côté, la commodité est là pour ceux qui l'utilisent. Nous, si on veut qu'il y ait un identifiant comme ça, c'est pour la commodité.

Moi, par exemple, j'étais chez nous depuis un mois; ça a fait mon affaire de faire mes commissions chez IGA par voie électronique. Je n'aurais jamais pensé à faire ça – ha, ha, ha! – si je n'avais pas été cloué chez nous. Mais là faire ma petite commande d'épicerie chez IGA... Bien, là, vous voyez, pour ouvrir un compte chez IGA, il a fallu que j'obtienne un numéro d'identification. Vous voyez la perspective avec le développement des services électroniques? On va avoir des listes ça de long de numéros d'identification pour ci, pour ça, alors je pense que...

M. Kelley: Que je trouve rassurantes.

M. Thivierge (Robert): ...pour nous il y a l'élément de commodité d'avoir un identifiant d'une grande fiabilité, qui est reconnu comme un outil d'identification et qui est valide sur l'autoroute de l'information; ça répondrait à une panoplie de besoins dans la société.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. J'aurais apprécié, moi aussi, avoir un document, mais quand même j'ai regardé en diagonale les documents que vous nous avez remis, et c'est certain que le simple citoyen, s'il avait l'opportunité de consulter vos documents, verrait qu'il y a là quelque chose qui fait qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. Je pense que l'informatisation est présente de plus en plus dans tous les secteurs de la vie quotidienne et que, pour les gens qui peut-être sont plus craintifs par rapport à l'utilisation de ces nouvelles technologies...

(11 heures)

Vous savez, la théorie de l'innovation, il y a des gens qui y adhèrent rapidement, facilement et il y a aussi la masse dure de personnes qui ont tendance à résister. J'oserais croire que ces gens, quand même, ont des résistances fondées, c'est-à-dire qu'ils ont des craintes fondées. Là-dessus, je suis toujours surprise de voir que le niveau de connaissance par rapport à l'utilisation demeure grand, parce qu'on sait toutes les applications qu'on peut donner à des cartes d'identité qui pourraient servir à plein de choses.

Je trouve qu'on demeure quand même limité sur tout le volet sécurité. Parce que ce que l'on lit dans vos documents, on l'a lu aussi dans d'autres mémoires, les mêmes barrières semblent présentes. On n'a pas nécessairement une multitude de solutions. Les solutions m'apparaissent minimes par rapport au danger, au risque potentiel de non-respect de la confidentialité, de la vie privée, et tout ça, et ça, ça me frappe. Parce que votre document, il est beau, pas juste à le palper, il est intéressant aussi. Ça me frappe. Je m'attendais à ce qu'il y ait peut-être d'autres pistes de solution, mais elles sont les mêmes que celles d'autres partenaires qui sont venus avant vous. Peut-être que vous aurez des commentaires par rapport à ça.

Dans un deuxième temps, je vais tout de suite vous poser la question, puis vous pourrez me répondre l'un après l'autre. C'est sûr que l'implantation de l'utilisation de cartes, que ce soit à microprocesseur, à bande magnétique, et tout ça, elle est beaucoup dépendante de la capacité des gouvernements à financer l'instauration des réseaux et des services appropriés. Quand je viens à la page 37 de votre document, où vous parlez de financement, là vous m'inquiétez, et vous m'inquiétez sérieusement, parce que vous dites que c'est très dispendieux dépendamment du type de carte qu'on va utiliser et qu'on va généraliser pour une multitude de services ou d'applications.

Vous parlez de divers scénarios possibles pour le financement, dont celui de s'associer aux entreprises privées qui pourraient participer au financement à la fois de l'émission des cartes et de l'utilisation de ces cartes-là. Vous dites que c'est une question qui pourrait se heurter aux traditions en matière d'image gouvernementale. Mais, pour moi, ce n'est pas une question d'image gouvernementale, c'est une question d'éthique. Il me semble qu'il y a des rôles que l'État joue et qu'il va continuer de jouer comme État qui, d'un point de vue éthique, ne doivent pas être liés de quelque façon que ce soit à différents types d'entreprises privées. Là-dessus, j'aimerais ça vous entendre, parce que c'est une question importante, je pense, et ça rejoint les autres.

M. Thivierge (Robert): Oui, O.K. Alors, sur la question de la sécurité, là. Quand on fait une transaction sur un réseau électronique, comment établir avec une certaine certitude qu'on parle à la bonne personne? On ne la voit pas, il n'y a pas de papier, il n'y a pas de signature écrite. Si on veut établir une entente qui peut avoir une portée pénale éventuellement, un contrat, comment avoir la certitude qu'on fait affaire avec la bonne personne? Il n'y a pas 56 solutions. O.K., il n'y a pas 56 solutions, il y en a une. Dans le milieu qui s'intéresse aux questions de sécurité, dans le domaine bancaire, etc., pour établir une communication sécuritaire, pour bien identifier l'interlocuteur, il faut deux choses: il faut que cet interlocuteur-là ait un objet qu'il possède et qui n'est pas reproduisible, c'est ce qu'on...

Mme Charest: La signature.

M. Thivierge (Robert): ...met de l'avant avec la carte à microprocesseur. La carte à bande magnétique, elle, est reproduisible et c'est pour ça qu'elle n'est pas sécuritaire. Elle peut être sécuritaire quand il y a un intermédiaire ou quand vous êtes à un guichet automatique bancaire, mais, à domicile, à deux heures du matin, la bande magnétique qu'il y a derrière une carte à bande magnétique, elle est reproduisible. Vous pouvez acheter, pour quelques centaines de dollars, un équipement qui va vous permettre de copier le code qui est inscrit sur la bande magnétique.

Donc, on dit: D'une part, ça prend un objet qui est possédé par la personne puis qui n'est pas reproduisible, qui doit être associé à un élément qui est connu par la personne, et seulement par cette personne-là, un numéro d'identification personnel, et, quand on fait le lien entre les deux, là on peut établir une communication sécuritaire. Et ça, c'est quelque chose qui est reconnu dans le monde financier, dans le monde de la sécurité en général, là, la carte à microprocesseur représente le meilleur outil pour établir une communication sécuritaire avec un interlocuteur.

En ce qui concerne le côté du financement, effectivement on mentionne, dans notre document, qu'il y aurait une possibilité de vendre des espaces, par exemple, sur la carte à microprocesseur à des entreprises privées qui s'en serviraient pour leurs propres besoins. On peut penser, par exemple, à Air Miles ou à des outils de fidélisation pour des entreprises. On l'a mis comme hypothèse, mais on ne dit pas qu'on la retient. O.K.?

Ce qu'on retient plutôt, nous, ce qu'on va examiner plus en profondeur, c'est la possibilité pour les acteurs du secteur privé qui vont faire usage de la capacité de signature électronique de payer un tarif pour l'utilisation de cette capacité-là. Écoutez, le gouvernement met à la disposition de la communauté québécoise, y compris la communauté d'affaires, un outil qui va lui faciliter la vie, qui va lui permettre de transiger avec ses clientèles d'une façon sécuritaire. Le gouvernement faisant cet effort-là d'implanter une infrastructure commune qui va être disponible pour tout le monde, bien les gens, les usagers pourraient payer pour l'utilisation, un peu comme, historiquement, on a déjà payé pour utiliser un pont, par exemple, puis tout le monde payait pour utiliser un pont, parce que c'est une infrastructure qui a été déployée par un gouvernement qui répond à des besoins, puis les usagers paient une contribution pour.

Mme Charest: Parce que, de plus en plus...

M. Thivierge (Robert): Pardon?

Mme Charest: Je dis: De plus en plus, les personnes qui paient exigent de décider, aussi. Alors, je vois là... Je ne vous impute pas cette...

M. Thivierge (Robert): Oui, mais là on parle du fournisseur de services qui paierait pour avoir recours à un service qui lui est utile. Maintenant, il pourra toujours avoir recours à d'autres façons de transiger avec ses clientèles. S'il choisit celle-là, parce que c'est sécuritaire, c'est reconnu, c'est solide, bien il paiera 0,05 $, ou 0,10 $, ou 0,15 $ par transaction pour utiliser un service qui est là puis qui est disponible.

Mme Charest: Un peu sur le même principe que l'utilisation de la carte bancaire présentement, parce que chaque fois qu'on l'utilise il y a une tarification.

M. Thivierge (Robert): Oui, pour le débit Interac. Il y a une tarification? Oui. Exact.

Mme Charest: Oui, parce que, si vous payez un compte au guichet automatique, vous avez une tarification, si vous faites un retrait ou un dépôt, vous avez une tarification, en tout cas, dépendamment, là, des institutions comme telles.

Il y a toute la question de la cryptographie...

M. Thivierge (Robert): Oui.

Mme Charest: ...qui est le codage, le décodage – enfin, je pense que c'est ça qui est à la base de la cybernétique, je ne sais pas si je me trompe – et ça, cette façon de faire, de coder est à la base de toute la question de la confidentialité. Je suppose que cette façon de faire, ces méthodes de travail, elles ne sont pas connues strictement d'un type d'utilisateur, en tout cas, ou de concepteur de logiciels, et tout ça. Là aussi, à la base, il peut y avoir des échanges d'informations. J'aimerais vous entendre par rapport à ça, parce que c'est très pointu, c'est très spécialisé.

M. Thivierge (Robert): Je vais laisser mon conseiller scientifique vous répondre. Ha, ha, ha!

Mme Charest: Mais j'ai le sentiment qu'il y a là une clé par rapport à la sécurité. J'aimerais que vous nous en parliez. Ça nous donnerait un peu plus de chair autour de l'os, parce que c'est bien beau de parler du concept de la sécurité, mais je pense qu'il faut voir, techniquement, comment ça se fait et ça s'organise, la sécurité.

M. Salvador (Jean-Michel): Bien, la question de la cryptographie a rapport à un aspect de la sécurité des transactions électroniques...

Mme Charest: O.K.

M. Salvador (Jean-Michel): ...ça a rapport à la protection de la confidentialité de ce qui transite dans les réseaux. Or, dès qu'il y a un message, dès qu'il y a une information, dès qu'il y a un numéro qui transite dans un réseau électronique, pour empêcher que cette information-là puisse être captée par quelqu'un d'autre ou modifiée à son insu, on va utiliser des méthodes de chiffrement. On en utilise depuis des millénaires, des méthodes de chiffrement...

Mme Charest: Des méthodes de?

(11 h 10)

M. Salvador (Jean-Michel): De chiffrement. La cryptographie, là, c'est les techniques qui permettent de chiffrer un message ou un document, donc de le coder de façon à ce qu'il ne soit pas lisible par quelqu'un qui n'a pas l'outil pour pouvoir le déchiffrer, le décoder. Les méthodes modernes de cryptographie, lorsqu'on parle dans le document de cryptographie à clés, à bi-clés, là, à clés publiques et privées, c'est des méthodes qui permettent d'utiliser des codes de très grande longueur pour chiffrer un document et qui rendent le déchiffrement à peu près impossible pour quelqu'un qui ne possède pas la clé adéquate.

Donc, en pratique, ce que ça veut dire, c'est que, si on prend le code Internet actuellement qui est un réseau dont l'usage est de plus en plus répandu, si je veux envoyer à un interlocuteur un message qui ne pourra pas être intercepté par quelqu'un, je pèserai sur un bouton sur mon interface graphique, là, pour indiquer que je veux qu'il soit chiffré. Mon logiciel va aller chercher le code public, ce qu'on appelle la clé publique de chiffrement de l'interlocuteur auquel je veux envoyer le message. Ce code-là, il peut être dans des répertoires publics en papier, ou des répertoires électroniques, ou je peux avoir la liste de mes interlocuteurs sur mon ordinateur. À l'autre bout, celui qui reçoit le message, lui, a besoin d'un code qui, lui, est secret, qui, lui, se trouve sur sa carte justement, qui va permettre de déchiffrer le message, et ce n'est que lui qui peut le déchiffrer.

Évidemment, le niveau de sécurité qu'on veut donner aux transactions peut varier selon le type de transaction. C'est pour ça qu'en cryptographie on peut utiliser des codes de longueur variée.

Mme Charest: C'est variable.

M. Salvador (Jean-Michel): Les gouvernements, dans certains cas, sont intervenus pour limiter ces longueurs-là. Les codes les plus élaborés requerraient, avec des super ordinateurs, 25 000 ans de calculs numériques pour réussir à décrypter si on n'a pas la clé. Donc, c'est assez sécuritaire quant à moi. C'est évidemment des questions très techniques et très complexes, c'est des questions de mathématiques avancées, mais, pour l'utilisateur...

Mme Charest: La technique, ce n'est jamais innocent, quand même.

M. Salvador (Jean-Michel): ...c'est des questions très simples.

Mme Charest: Je veux dire que la technique, ce n'est jamais innocent, ç'a toujours une couleur ou, en tout cas, une orientation, ça reflète des choix.

M. Salvador (Jean-Michel): Oui. Et c'est pour ça que...

Mme Charest: Et c'est pour ça que je vous pose une question aussi technique, parce que je veux savoir jusqu'où la notion de sécurité, elle est techniquement appliquée et applicable, et c'est quoi les méthodes utilisées.

M. Salvador (Jean-Michel): C'est pour ça que, quand on dit qu'il faut s'accrocher à des standards internationaux en termes de sécurité informatique, c'est important que les méthodes qui seraient utilisées pour encrypter des transactions avec l'État, que ces méthodes-là soient connues pour que des tiers puissent effectivement vérifier que ces méthodes-là sont étanches. À quel point doivent-elles être étanches? Ça, c'est à l'État de le décider. Aux États-Unis, par exemple, on permet l'utilisation de méthodes cryptographiques jusqu'à un certain niveau, parce que l'État veut se garder la possibilité de pouvoir décoder éventuellement des communications encryptées pour éviter, par exemple, les communications entre des individus appartenant à la pègre ou des transactions sur des secrets d'État à l'insu de l'État, justement.

Donc, là-dessus, il y a des choix techniques à faire. Mais, pour le commun des mortels, ça reste des méthodes simples d'utilisation et efficaces pour garantir la sécurité des transactions, sauf que ça n'a rien à voir avec la sécurité des banques de renseignements personnels que gère l'État. C'est une toute autre problématique. Là-dessus, la carte à puce peut être utile dans la mesure où elle peut servir de clé d'accès. Donc, si on dit qu'il y a une clé d'accès, c'est donc dire que celui qui n'a pas la clé d'accès ne l'a pas, l'accès. Donc, ça peut permettre de sécuriser ces informations-là, mais elles seront sécurisées dans la mesure où les organismes qui gèrent cette information-là prendront les moyens de la sécuriser.

Mme Charest: ...de clé d'accès qui peut...

M. Salvador (Jean-Michel): Mais ça n'a rien à voir avec la cryptographie puis ça n'a rien à voir avec le chiffrement.

Mme Charest: Non, je sais que c'est deux choses. J'ai compris vos explications. C'est deux choses. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants du Secrétariat de l'autoroute de l'information de leur contribution aux travaux de cette commission. Et, comme le temps à notre disposition est écoulé, j'invite maintenant les représentants d'Hydro-Québec à s'approcher de la table.

Alors, je vais demander aux représentants d'Hydro-Québec de s'identifier et je leur souligne qu'ils ont 20 minutes à leur disposition, 20 minutes également pour chacun des représentants des deux partis. Ce que vous allez prendre en plus leur sera soustrait; ce que vous prendrez en moins, ils pourront l'utiliser pour discuter avec vous. Alors, si vous voulez vous identifier et commencer votre exposé.


Hydro-Québec (HQ)

M. Filion (Yves): Bonjour, M. le Président, bonjour aux membres de la commission. Mon nom est Yves Filion, je suis directeur général adjoint et chef des services financiers à Hydro-Québec. Je suis accompagné de Mme Stella Leney, secrétaire adjointe à Hydro-Québec.

Alors, nous sommes ici aujourd'hui, finalement, pour vous présenter notre position. La commission de la culture a exprimé le souhait de connaître le point de vue d'Hydro-Québec, notamment en ce qui concerne sa politique de cueillette et d'utilisation du numéro d'assurance sociale de ses clients. Alors, je vais essayer de vous en présenter les grandes lignes, vous expliquer quelle utilisation nous en faisons et comment ça s'inscrit, pour nous, comme étant une obligation de pouvoir identifier de façon importante, de façon sûre nos clients.

Alors, conformément aux dispositions de sa loi constitutive, Hydro-Québec a pour objet de fournir l'électricité en respectant des principes de saine gestion financière. Dans ce contexte commercial, Hydro-Québec a été amenée, au cours des années, à mettre en place des mécanismes d'identification et de localisation de ses clients ainsi que des processus de recouvrement de ses créances.

Dans ce contexte, une recherche a été menée par un comité composé de représentants d'Hydro-Québec et de la Commission d'accès à l'information. Cette recherche s'est déroulée du 15 septembre 1994 au 15 mai 1995. Suite à cette étape d'analyse des pratiques commerciales d'Hydro-Québec en regard de sa mission et de ses contraintes légales, le comité a dégagé ses conclusions et formulé ses recommandations. Finalement, un rapport conjoint Hydro-Québec–Commission d'accès à l'information a été déposé à la Commission d'accès à l'information le 16 juin 1995.

Tel que mentionné dans ce rapport conjoint, Hydro-Québec est une entreprise commerciale qui fait face à des contraintes qui lui sont uniques. Elle a, de ce fait, des besoins qui lui sont propres en regard de l'identification de chaque client. Nous avons l'obligation de fournir l'électricité à toute personne qui en fait la demande, indépendamment de sa solvabilité et de sa qualité de payeur. L'électricité est généralement disponible au moment de l'emménagement dans un local, étant donné qu'un déménagement n'entraîne pas un débranchement. Un client peut ainsi consommer de l'électricité sans s'être identifié auprès d'Hydro-Québec.

Hydro-Québec opère également dans un contexte de vente à crédit et le paiement de la facture qui couvre une période de 60 jours est exigible 21 jours plus tard. Un client peut donc quitter un logement sans aviser Hydro-Québec en laissant un solde dû pouvant représenter jusqu'à 60 jours de consommation d'électricité. L'électricité, comme vous le savez, est considérée comme un service essentiel. Hydro-Québec n'interrompt pas le service de ses clients résidentiels pour des raisons de non-paiement entre le 1er décembre et le 31 mars de chaque année.

La quasi-totalité des relations d'Hydro-Québec avec ses clients se déroulent au téléphone, ce qui représente en moyenne 4 000 000 d'appels par année. Cette situation rend difficile la présentation de tout document permettant de s'assurer de l'identité d'un client. Environ 20 % de tous les appels reçus par Hydro-Québec concernent l'emménagement ou le déménagement de ses clients. On évalue à environ 700 000 le nombre de déménagements et emménagements annuels au Québec. À titre d'exemple, 22 % des clients qui ont déménagé en 1996 n'en ont pas informé Hydro-Québec. Nous devons donc retracer chaque année environ 150 000 clients afin de percevoir et recouvrer les sommes qui nous sont dues.

C'est pour ces raisons que le rapport conjoint Hydro-Québec–CAI constate que la cueillette de renseignements comprenant uniquement le numéro de compte, le nom, l'adresse actuelle, l'adresse précédente, les numéros de téléphone résidentiel et au travail du client s'avère insuffisante pour permettre à Hydro-Québec de bien identifier ses clients et, par conséquent, de satisfaire aux impératifs d'une saine administration financière.

(11 h 20)

Donc, dans sa décision du 27 septembre 1995, la Commission d'accès à l'information reconnaît la problématique particulière d'Hydro-Québec qui a été exposée dans le rapport conjoint. Elle conclut à la nécessité pour Hydro-Québec de disposer, pour chacun de ses clients, d'un identifiant universel unique et vérifiable et reconnaît que seul le numéro d'assurance sociale possède ces caractéristiques.

La Commission d'accès à l'information souligne que la cueillette du numéro d'assurance sociale va permettre de réduire le nombre de renseignements nominatifs que recueille Hydro-Québec et que, en fin de compte, cela s'avère plus respectueux de la vie privée de ses clients. Elle reconnaît de plus la nécessité pour Hydro-Québec de recueillir le numéro d'assurance sociale de l'ensemble de ses clients car elle ignore lesquels, parmi ses anciens ou ses nouveaux clients, déménageront sans laisser d'adresse ou cesseront de payer leur compte.

La Commission d'accès à l'information soumet toutefois la collecte du numéro d'assurance sociale à des conditions rigoureuses. Notamment, Hydro-Québec doit procéder à la destruction de tous les renseignements nominatifs qu'elle détient sur ses clients à l'exception des nom, prénom, adresses actuelle et précédente, numéro de téléphone résidentiel et numéro de téléphone au travail. Hydro-Québec doit également limiter l'accès et l'utilisation du numéro d'assurance sociale, une fois validée l'identité du client et attribué le numéro de client unique, aux seules personnes auxquelles ce renseignement est nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, à savoir le recouvrement et, si requis, la perception légale des comptes finaux.

Pour répondre à l'obligation de légaliser cette nouvelle pratique, Hydro-Québec a obtenu l'autorisation du gouvernement relativement à la cueillette du numéro d'assurance sociale. En effet, l'article 8 et l'annexe 1 du règlement n° 634 sur les conditions de fourniture de l'électricité entré en vigueur le 13 juin 1996 prévoient que toute demande d'abonnement au service d'électricité doit contenir les renseignements suivants sur le titulaire de l'abonnement: soit le nom, l'adresse, l'adresse précédente, le numéro de téléphone résidentiel, le numéro de téléphone au travail et le numéro d'assurance sociale.

Suite à l'entrée en vigueur du règlement 634, les employés des services à la clientèle ont reçu comme consigne de demander le numéro d'assurance sociale à tous les clients qui s'adressent à Hydro-Québec pour des demandes de service ou d'information et dont le dossier ne contient pas de numéro d'assurance sociale. Il est important de souligner qu'aucune collecte systématique de numéro d'assurance sociale n'a été faite auprès de l'ensemble des clients. Les employés ont de plus été formés pour expliquer aux clients les raisons et les avantages qu'il y a à donner leur numéro d'assurance sociale.

Même si la demande de numéro d'assurance sociale est faite à tous les clients qui entrent en communication avec les services à la clientèle, Hydro-Québec l'exige en priorité des clients avec lesquels elle commence une relation d'affaires et ceux qui représentent un risque connu. Lorsqu'un nouveau client ou un client qui représente un risque connu refuse de donner son numéro d'assurance sociale, Hydro-Québec lui envoie une lettre de rappel lui mentionnant que le numéro d'assurance sociale est une condition d'abonnement, et ce, conformément aux dispositions précitées du règlement 634.

Tel que prévu au second plan d'implantation déposé à la Commission d'accès à l'information en novembre 1996, des modifications seront apportées aux systèmes informatiques d'Hydro-Québec de façon à attribuer à chaque client un numéro de client unique. L'unicité du dossier sera alors garantie par le numéro d'assurance sociale. Au moment où le numéro d'assurance sociale sera donné ou validé par le client lui-même, il verrouillera le nom du client et son numéro de dossier, empêchant ainsi toute modification dans le cours normal des opérations. Des changements au numéro d'assurance sociale ne pourront être effectués que par un responsable par secteur ayant un accès contrôlé.

Une fois inscrit au dossier du client, le numéro d'assurance sociale ne sera plus visible pour les employés des services à la clientèle. Lorsqu'un employé des services à la clientèle demandera à un client son numéro d'assurance sociale afin de le valider, il inscrira le numéro fourni et le système lui indiquera s'il correspond ou non au numéro d'assurance sociale figurant déjà au dossier. Dès mai 1997, seuls les employés responsables du recouvrement et de la perception des comptes finaux pourront visualiser le numéro d'assurance sociale.

Finalement, Hydro-Québec prévoit éliminer de ses dossiers, en juillet 1998, tous les renseignements qu'elle n'est plus autorisée à recueillir, dont la date de naissance et les références, et ce, conformément à la décision de la Commission d'accès à l'information.

De la mi-mai à la fin août 1996, ce qui correspond à la période de pointe des déménagements, les services à la clientèle d'Hydro-Québec ont eu des communications avec 298 000 clients qui leur ont fait part de leur changement d'adresse ou de leur emménagement. On retrouvait un numéro d'assurance sociale dans environ 83 % des dossiers d'emménagement qui ont été créés durant cette période comparativement à environ 77 % pour la même période en 1995.

Il est cependant trop tôt pour mesurer les répercussions de cette augmentation du nombre de numéros d'assurance sociale sur le taux de recouvrement des créances d'Hydro-Québec. Cependant, nous avons effectué une étude en 1992 qui a montré qu'Hydro-Québec a 75 % de chance de retracer un client qui n'a pas payé son compte final si elle a son numéro d'assurance sociale, comparativement à 40 % si elle ne le détient pas. Aussi, l'augmentation du nombre de numéros d'assurance sociale devrait avoir un effet positif sur la récupération des créances d'Hydro-Québec. Au 31 décembre 1996, l'état des comptes en recouvrement s'élevait à près de 168 000 000 $ et la dépense de mauvaises créances se situait à environ 30 800 000 $.

Donc, en conclusion, compte tenu des contraintes particulières auxquelles Hydro-Québec a à faire face, elle a besoin d'une identifiant universel unique et vérifiable pour lui permettre d'identifier ses clients et de retracer les clients qui ont quitté sans avis en laissant un solde dû. Au moment où la Commission d'accès à l'information et le gouvernement du Québec autorisaient Hydro-Québec à recueillir ce type d'identifiant, seul le numéro d'assurance sociale pouvait posséder ces caractéristiques. À ce jour, le numéro d'assurance sociale demeure toujours le seul identifiant universel unique et vérifiable.

Il est certain que l'instauration d'une carte d'identité au Québec pourrait conduire au remplacement du numéro d'assurance sociale. Pour répondre aux besoins d'Hydro-Québec exposés précédemment, cette carte devrait être universelle et contenir un numéro unique qui soit vérifiable. Cependant, ce changement engendrerait des coûts pour Hydro-Québec et nécessiterait une période de transition.

Alors, voilà ce que je voulais vous présenter comme faits saillants sur notre mémoire. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Filion. M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Pour que je comprenne bien, là, vous dites, vous, que, depuis que vous avez l'autorisation d'utiliser le NAS, c'est une situation qui améliore en tout cas, semble-t-il, votre mandat, mais j'aimerais savoir, avant que vous l'utilisiez, avant que vous ayez l'autorisation de l'utiliser, j'imagine que vous l'utilisiez aussi également?

M. Filion (Yves): Exact.

M. Beaumier: Alors, avant que vous l'utilisiez, c'était quoi, la situation par rapport à la situation actuelle?

M. Filion (Yves): En termes de pourcentage? De personnes qui utilisaient le numéro d'assurance sociale?

M. Beaumier: En termes d'opération. Prenons un individu, là...

M. Filion (Yves): Tout à fait.

M. Beaumier: ...où vous n'aviez pas le NAS avant ou que vous ne l'auriez pas, le NAS, et une fois que vous l'avez. Comment est-ce que vous opérationalisez ça, là, concrètement?

M. Filion (Yves): Pour répondre d'abord à votre question, au premier volet de votre question, Hydro-Québec a utilisé le NAS depuis plusieurs années effectivement, parce que c'est un identifiant qui nous permet de retracer les individus peu importe leur changement d'adresse, etc. Donc, c'est un élément extrêmement important pour nous. Nous avons eu aussi quelques plaintes au cours des dernières années et ça a conduit à une recherche avec la Commission d'accès à l'information et à des discussions pour voir si effectivement Hydro-Québec pouvait être autorisée à utiliser les numéros d'assurance sociale tenant compte de son contexte, ce qui a mené au rapport conjoint dont j'ai parlé tout à l'heure, à la décision de la Commission d'accès à l'information et à l'inclusion dans le règlement 634 de cette disposition-là.

Alors, pour nous, obtenir le NAS, le numéro d'assurance sociale, ça nous permet finalement d'avoir un identifiant qui nous permet de suivre un individu, peu importe son déménagement. Et une des contraintes qu'on a, qui est assez importante, c'est que, lorsqu'un déménagement survient, on ne coupe pas l'électricité dans ce local-là. Alors, à ce moment-là, si l'individu ne nous avise pas, nous n'avons pas vraiment de moyens de contrôle. Et puis, au cours des dernières années, nous avons constaté que notre taux de mauvaises créances à Hydro-Québec était largement plus élevé que les autres utilités d'électricité canadiennes et américaines.

M. Beaumier: C'était combien en pourcentage?

(11 h 30)

M. Filion (Yves): Qui dépassait les 60 000 000 $ par année. Alors, nous avons mis sur pied un programme pour réduire de façon considérable les mauvaises créances. Nous avons investi énormément dans nos activités de recouvrement. Nous avons établi des indicateurs de mesure. Nous avons déployé des objectifs dans toutes les unités administratives pour mieux gérer les mauvaises créances.

La situation s'est améliorée de beaucoup au cours des dernières années, mais il n'en demeure pas moins que nous avons aujourd'hui un montant quand même appréciable de plus de 30 000 000 $ de mauvaises créances. Alors, pour nous, comme je l'ai dit tout à l'heure, une étude comme on a fait il y a quelques années nous a démontré que, lorsque nous avions le numéro d'assurance sociale, nous avions 75 % des chances de retracer une personne.

M. Beaumier: Qu'est-ce que vous faites avec ce numéro-là une fois que la personne vous l'a donné? Qu'est-ce qu'il vous permet de faire? Vous référez... Ce numéro-là, vous...

M. Filion (Yves): Oui. C'est parce que, dans le numéro d'assurance sociale, il y a, comme vous le savez, un algorithme de calcul qui nous permet d'identifier la personnalité ou les caractéristiques particulières de l'individu. Donc, c'est un numéro qui est unique, qui est davantage unique que peut l'être le nom de la personne.

M. Beaumier: Je comprends qu'il est unique, mais il vous donne accès à quelles informations sur l'individu?

M. Beaudet: Comment vous retracez l'individu qui est fautif?

M. Filion (Yves): Je vais demander à Mme Leney de compléter, peut-être, au niveau du détail.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Madame.

Mme Leney (Stella): Dans un premier temps, plus on a de NAS dans nos dossiers-clients... Comme vous le voyez, dans notre mémoire, on a mentionné qu'on avait un petit peu plus que 50 % dans nos dossiers. Alors, lorsqu'on a le numéro d'assurance sociale d'un client et qu'on n'a plus d'adresse, ce qui se passe, c'est que, généralement, les gens, étant donné qu'ils ont besoin d'électricité à un autre moment dans leur vie, réapparaissent dans nos dossiers. Ils déménagent, mais, à un moment donné, ils redemandent. Il peut se passer un petit bout de temps, il peut se passer quelques mois, il peut se passer une année, mais, à partir du moment où on a le numéro d'assurance sociale, lorsque la personne réapparaît dans nos dossiers, redemande d'être branchée...

M. Beaumier: Là, vous savez où elle est rendue.

Mme Leney (Stella): ...là on dit: Monsieur, votre numéro de... Il nous donne son numéro d'assurance sociale. Là, on peut faire ce qu'on appelle la fusion de dossiers, et là ça nous permet de dire: Monsieur ou madame, vous êtes parti il y a trois mois ou il y a un an d'un local et vous nous devez encore telle somme d'argent. Alors, ça, c'est le grand avantage du numéro d'assurance sociale. On l'a utilisé il y a quelques années, là de moins en moins, mais il y a quelques années on avait des firmes externes de recouvrement également qui nous aidaient. Là, on en a de moins en moins qu'on utilise. Mais, avec les firmes externes de recouvrement, ça permettait aussi de retracer plus facilement les individus.

M. Beaumier: Mais, à ce moment-là, le recouvrement se fait en régie, je veux dire, à l'interne, si j'ai bien compris?

Mme Leney (Stella): Oui. De plus en plus.

M. Beaumier: De plus en plus?

Mme Leney (Stella): Oui. Maintenant, quasi complètement.

M. Beaumier: Pouvez-vous me décrire ce que vous appelez une clientèle à risque? Ce sont des personnes qui récidivent?

M. Filion (Yves): Disons que, au niveau de la clientèle à risque, c'est un concept qu'on a établi, qu'on est en train d'implanter actuellement et qui nous permet d'établir une catégorisation de nos clients en fonction du risque suite à la performance qu'on a dans leur dossier. Donc, on a une catégorie en trois étapes: A, B et C. Donc, un client A qui est un client qui ne présente pas de risque pour Hydro-Québec, donc le client qui est le bon payeur, qui a toujours respecté ses délais, etc.; un risque B où un client a payé soit par des chèques sans fonds ou encore a eu des retards, mais dont les retards ont été, après entente, récupérés ou respectés; et, finalement, un dernier niveau où, là, le problème, c'est surtout qu'il y a des retards de paiement importants et les ententes négociées ne sont pas respectées. Alors, à ce moment-là, ça devient extrêmement difficile et ce sont généralement ces cas-là qui conduisent à des cas de mauvaise créance.

Donc, nous avons établi des niveaux de risque pour nous permettre de mieux gérer les dossiers des clients. Lorsque nous avons un client à risque qui change d'adresse ou qui se localise à un autre endroit, nous exigeons d'obtenir son numéro d'assurance sociale puisque nous considérons qu'il est un client à risque. Nous l'exigeons également pour un nouveau client qui est un nouvel abonné, donc qui n'a jamais été un abonné d'Hydro-Québec. Nous l'exigeons pour monter son dossier et établir la crédibilité du client ou du payeur, et habituellement on fait ça sur une période d'un an. Après un an, le nouveau client d'Hydro-Québec peut se situer au niveau A qui est le niveau du bon payeur.

M. Beaumier: En conclusion, est-ce que ça serait une conclusion exacte de dire que, étant donné que vous avez, par règlement, à présent la possibilité de l'utiliser, pour vous autres, cette situation actuelle suffit, ça ne vous apporterait rien, une carte d'identité autre, pour les fins de votre mandat et de vos opérations?

M. Filion (Yves): Vous avez raison, oui. Je pense que, nous, actuellement, on a fait des modifications importantes dans nos systèmes pour assurer la sécurité du numéro d'assurance sociale, pour ne pas que le numéro apparaisse dans les dossiers. Donc, il est intégré dans le système, il est verrouillé dans le système. Donc, il n'est pas transparent, il n'est pas visible pour les gens. Donc, on a modifié notre système en conséquence. C'est sûr que, pour nous, le numéro d'assurance sociale rencontre nos exigences. Pour l'instant, c'est un identifiant qui a fait ses preuves et qui rencontre nos exigences.

M. Beaumier: Et personne n'a accès à vos informations à ce niveau-là?

M. Filion (Yves): C'est-à-dire que, en général, non, sauf les organismes autorisés qui peuvent être soit le ministère du Revenu, les enquêtes policières ou autres, donc les organismes autorisés par la loi à avoir accès à notre information.

M. Beaumier: Merci bien.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député de Champlain. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Bienvenue aux représentants d'Hydro-Québec. C'est drôle, mais, depuis mon arrivée comme député, j'ai suivi ce dossier de près parce que deux de mes commettants les plus importants, c'est-à-dire le maire d'une des municipalités dans mon comté et mon épouse, n'aiment pas le fait qu'il faut fournir le numéro d'assurance sociale. Ils ont toujours payé leurs comptes. Le maire de Dorval, je pense qu'il est à la même adresse depuis 33 ans. Il a toujours payé ses factures, et tout ça, et il ne comprend pas pourquoi on met tout le monde dans le même bateau et qu'il est obligé de fournir son numéro d'assurance sociale, parce que la promesse faite au niveau fédéral il y a 30 ans, c'était uniquement pour les relations avec le gouvernement fédéral et les services fournis par ce dernier.

On le voit de plus en plus. Je pense qu'il y a une crainte réelle que la décision ou l'entente que vous avez négociée avec la Commission d'accès à l'information... Si j'étais chez Gaz Métropolitain – que je sache, ce n'est pas si essentiel, mais pas loin; si on chauffe avec le gaz l'hiver, ça devient un service important, peut-être pas le même encadrement législatif, j'en conviens – je regarderais l'entente que vous avez faite et je dirais... J'imagine qu'ils ont leurs mauvais créanciers aussi. Bell Canada doit en avoir quelques-uns qui ne paient pas leurs comptes avant de déménager. Vidéotron, les autres grandes compagnies.

C'est juste cette possibilité que votre entente qui fait votre affaire risque d'établir un précédent pour les autres compagnies qui, comme ça, fournissent un service à la maison, au domicile, et, avec les déménagements et le fait que vous n'étiez pas avisés avant le déménagement, ça risque d'être répété. Le monde va dire: Encore une fois, une entente où le gouvernement a dit, au moment où on a donné notre numéro d'assurance sociale, que l'idée, c'était vraiment à cette fin, et cette fin uniquement. Et, dès qu'on a dit une fois: On va l'utiliser pour d'autres fins, ça risque d'être répété.

Alors, dans vos discussions avec la Commission, avez-vous abordé cette crainte ou cette possibilité que votre entente puisse devenir un précédent pour d'autres compagnies?

M. Filion (Yves): Je vais répondre au premier volet de votre question, puis je vais demander à Mme Leney de compléter parce que je n'ai pas participé aux discussions avec la Commission d'accès à l'information. Mais, en gros, je comprends les réticences que vous mentionnez. Maintenant, j'aimerais quand même apporter des éléments fondamentaux qui sont une différence entre... Hydro-Québec, un service essentiel, mais qui a aussi, de par la loi, une obligation de servir les clients. Et ça, je pense que c'est extrêmement important. Nous, on ne peut pas mettre des clients sur la liste noire et dire: Vous n'êtes plus clients d'Hydro-Québec. Nous avons l'obligation de servir. Même, nous ne pouvons pas interrompre le service chez nos clients durant la période d'hiver pour des raisons... Le gouvernement nous a demandé, a exigé, et nous comprenons, d'ailleurs, et nous acceptons parce que c'est un service essentiel.

Alors, nous croyons que, en contrepartie de cette obligation-là, il y a aussi un pouvoir accru qui peut être donné à une organisation comme Hydro-Québec, en autant qu'elle en fait un usage correct. Et je peux vous dire qu'à date, à partir du moment où nous avons été autorisés à demander le numéro d'assurance sociale, nous l'avons fait quand même avec parcimonie, vraiment avec précaution. Donc, nous n'exigeons pas le numéro d'assurance sociale pour nos bons clients. Nous leur spécifions, nous les informons que nous avons autorisation ou que nous sommes autorisés à obtenir leur numéro d'assurance sociale par règlement, mais nous n'allons pas plus loin si c'est un bon client. Lorsqu'il s'agit d'un nouveau client, nécessairement, nous considérons, en nous basant sur les historiques antérieurs des nouveaux clients, où on a souvent des difficultés, qu'en général, donc, on doit aller plus loin. Alors, tout ça pour vous dire qu'il y a quand même un cas d'exception, une situation particulière qui s'applique à Hydro-Québec.

Quant aux discussions à la Commission d'accès à l'information, je vais demander à Mme Leney de compléter votre question.

(11 h 40)

Mme Leney (Stella): Oui. Alors, lorsqu'on a discuté avec la Commission, effectivement c'était un aspect très important, ce que vous mentionnez, et la Commission l'a étudié en se basant sur le texte même de la loi sur l'accès qui dit qu'on ne peut recueillir des renseignements personnels et confidentiels que ceux qui sont nécessaires à l'attribution de nos fonctions. Et, dans ce contexte-là, la Commission s'est penchée très, très profondément sur la situation particulière d'Hydro-Québec.

Je ne veux pas répéter ce que M. Filion vient de dire, mais il y a vraiment des distinctions qu'il a fait ressortir, des distinctions qui sont uniques à Hydro-Québec – c'est le fait que, bon, la majorité de nos relations avec nos clients se passent au téléphone, le fait que les gens arrivent dans un appartement et il y a déjà l'électricité – des considérations qui sont particulières par rapport aux autres entreprises, aux autres entreprises publiques surtout.

Quant aux autres entreprises privées, je pense que c'est à la Commission, et je ne voudrais pas me substituer à la Commission, à analyser le cas de chacune des entreprises que vous avez mentionnées, parce que les balises de la loi sont là, elles sont claires, et la Commission, effectivement, doit regarder la pertinence et la nécessité pour chacun des organismes. C'est ce qu'elle a fait très attentivement dans le cas d'Hydro-Québec pour venir à la conclusion que, oui, c'était nécessaire dans notre cas.

M. Kelley: Merci beaucoup. Sur les mauvaises créances de 30 000 000 $, est-ce que ça, c'est tous les comptes ou est-ce que ça, c'est uniquement aux domiciles?

M. Filion (Yves): C'est tous les comptes, monsieur.

M. Kelley: Tous les comptes.

M. Filion (Yves): Oui.

M. Kelley: Alors, il doit y avoir une facture très importante au niveau industriel ou commercial dans ce chiffre?

M. Filion (Yves): Oui. Il y en a au niveau du commercial, bien sûr, mais je dirais que, dans l'industriel, c'est relativement beaucoup plus rare. Alors, c'est beaucoup plus dans le commercial et dans le résidentiel que nous avons des mauvaises créances. Alors, je n'ai pas le partage ici entre les marchés, mais...

M. Kelley: Non, non, mais est-ce qu'on exige des commerçants le numéro d'assurance sociale ou est-ce que c'est uniquement pour le résidentiel?

Mme Leney (Stella): Bien, c'est uniquement lorsque c'est un individu. Lorsque c'est commercial ou institutionnel, généralement, ça, c'est une compagnie, on va exiger d'autres types de renseignements.

M. Filion (Yves): Alors, si c'est une personne morale, on a d'autres renseignements que l'individu.

M. Kelley: O.K. Alors, c'est...

M. Filion (Yves): Si c'est un individu...

M. Kelley: Alors, dans l'enveloppe de 30 000 000 $, on peut écarter un certain montant déjà.

M. Filion (Yves): Oui.

M. Kelley: Sur le reste, est-ce que... C'est des personnes. J'imagine qu'il y en a quelques-unes, c'est une faillite personnelle. Même si on peut les retracer et même si on peut trouver ces personnes, elles n'ont pas les moyens, elles ont fait une faillite ou quelque chose comme ça. Est-ce que ça arrive aussi que le monde puisse se débarrasser de leur compte d'Hydro comme d'autres en déclaration? Parce qu'on voit le nombre des faillites au Québec; je pense qu'il tient des records à ce moment-ci.

M. Filion (Yves): Bien, écoutez, je n'ai pas le détail là-dessus, mais je pense que la créance d'Hydro-Québec, dans le cas d'une faillite, a un traitement prioritaire. Je ne sais pas où elle se situe, mais généralement... Il y en a. Vous avez tout à fait raison de le mentionner, qu'il y en a, mais je peux vous dire que la grande majorité de nos mauvaises créances ne sont pas des cas de faillite, ce sont vraiment des cas de déménagement qu'on ne retrace pas ou des gens qui, je dirais...

M. Kelley: Ont oublié.

M. Filion (Yves): ...habilement réussissent à exploiter le système. Et je tiens à dire que c'est souvent... Il ne faut pas oublier non plus que c'est au détriment des autres clients d'Hydro-Québec. Il y a aussi, jusqu'à un certain point, une question d'équité là-dedans, de s'assurer qu'on ait un mécanisme qui assure que les clients paient leur compte pour donner un traitement équitable à nos clients au Québec.

M. Kelley: Merci pour le 30 000 000 $. Si vous avez des détails, c'est juste... On voit 30 000 000 $, et c'est séduisant, mais j'aimerais savoir vraiment c'est quoi, le montant visé par ces mesures à l'intérieur de l'enveloppe de 30 000 000 $.

M. Filion (Yves): On pourrait fournir une information additionnelle.

M. Kelley: Merci, M. Filion.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir si Hydro-Québec est encore un commanditaire du colloque important qui doit avoir lieu cet été, organisé par la Commission d'accès à l'information, sur les questions de vie privée et l'accès à l'information.

M. Filion (Yves): Ah! Je vais laisser Mme Leney répondre.

Mme Leney (Stella): Il y a eu des discussions avec ce que vous... En fait, ce n'est pas la Commission directement, mais c'est la société qui s'appelle la Société sur la Conférence internationale sur la vie privée. Oui, il y a eu des discussions avec Hydro-Québec. La décision finale n'est pas prise, mais il y a des discussions avec Hydro-Québec pour apporter un support, soit en termes de placement médias, probablement. Donc, un certain support à la conférence, oui.

M. Mulcair: Merci. Une autre question plutôt technique. À la page 7 de votre mémoire, vers le bas, vous dites: «L'unicité du dossier sera alors garantie par le numéro d'assurance sociale. Au moment où le numéro d'assurance sociale sera donné ou validé par le client lui-même...» Quelle est la différence entre «donné» et «validé»?

Mme Leney (Stella): Ce qui arrive dans certains cas, c'est que quelqu'un... Ça arrive de moins en moins, mais, à l'occasion, ça arrivait que des gens nous fournissaient le numéro d'assurance sociale de quelqu'un d'autre, soit de son conjoint, par exemple, ou d'une autre personne qui habitait dans le même logement que lui. Alors, ça, donc, on le prenait en note. Donc, on dit: Il nous est donné, mais il n'est pas validé par le client lui-même. Ce que ça veut dire, c'est qu'on ne le verrouillera pas dans le système tant qu'il ne sera pas validé par la personne elle-même, qu'elle ne nous aura pas dit au téléphone: Oui, c'est bien mon numéro d'assurance sociale. En fait, on ne veut se fier qu'à la personne elle-même.

M. Mulcair: Ça me conduit à ma prochaine question. Bon, si jamais Hydro me téléphone – ça n'a pas été le cas jusqu'à date – s'ils me téléphonent, ils veulent mon numéro d'assurance sociale, après avoir répondu: Non, «noway», la personne insisterait sans doute sur la base de tous les avis et les ententes que vous avez réussi à négocier avec le CAI, et je lui donne neuf numéros tirés au sort, comment vous allez savoir que je ne viens pas d'inventer ce numéro de neuf chiffres?

M. Filion (Yves): Mais je pense que, là-dedans, il y a une relation entre le numéro d'assurance sociale et des éléments d'information de la personne. Ça, cette information-là est déjà intégrée dans l'ordinateur – si vous êtes déjà un client d'Hydro-Québec, bien sûr – et elle va tout de suite voir que le numéro que vous avez donné n'est pas correct.

M. Mulcair: Ça, ça m'intrigue. Comment est-ce que votre ordinateur pourrait savoir ça? Si c'est un algorithme, vous êtes en train de me dire que Hydro-Québec détient la clé...

M. Filion (Yves): Non, non, mais c'est parce que...

M. Mulcair: ...de l'algorithme du fédéral qui génère les numéros d'assurance sociale?

M. Filion (Yves): Non, non, ce n'est pas ça du tout, mais excepté que Hydro-Québec est capable d'utiliser le numéro d'assurance sociale pour faire un lien avec d'autres informations qui touchent à l'individu, comme la date de naissance ou autres, d'autres informations.

M. Mulcair: À partir du numéro d'assurance sociale. Vous détenez donc la clé pour le décoder pour savoir la date de naissance? C'est ça que vous me dites? Vous dites oui de la tête. J'aimerais bien vous entendre le dire dans le micro. Mme Leney, j'aimerais bien que monsieur réponde. Il était en train...

M. Filion (Yves): À ma connaissance, c'est oui, mais je veux laisser Mme Leney compléter.

M. Mulcair: O.K.

Mme Leney (Stella): En fait, l'algorithme du gouvernement fédéral, on ne connaît pas l'algorithme pour créer des numéros d'assurance sociale. Juste pour préciser ce qui se passe, c'est que, lorsqu'on entre le numéro d'assurance sociale, notre système informatique peut nous dire si c'est un numéro qui est valide ou non, qui existe ou non.

M. Mulcair: À partir de quoi? Ça m'intrigue, ça. À partir de quoi?

Mme Leney (Stella): Le NAS est fait à partir – je ne peux pas vous donner les détails – d'un algorithme, là, et qui...

M. Mulcair: Ça, je suis au courant.

Mme Leney (Stella): Oui, c'est ça. Et oui, notre système informatique peut nous dire si c'est un NAS qui existe, qui est réel. Si, effectivement, vous donnez le NAS de votre conjoint ou quelque chose, ça...

M. Mulcair: Non, non. J'invente un truc, neuf chiffres.

Mme Leney (Stella): Bien, si vous l'inventez, vous...

M. Mulcair: Je sors les numéros de Loto-Québec...

Mme Leney (Stella): Pardon.

M. Mulcair: ...du 6/49 du samedi avant puis je vous donne ça comme numéro.

Mme Leney (Stella): Et il ne tombe pas dans le calcul de l'algorithme, oui, notre système va vous dire: Numéro non valide ou...

M. Filion (Yves): Mais, pour répondre à votre question, je pense que la personne à qui vous allez demander votre numéro va vous demander votre nom. Alors, déjà avec le nom, le numéro, elle va dire: Bien, monsieur, votre numéro n'est pas valide.

M. Mulcair: Mais à partir de quoi?

M. Filion (Yves): À partir d'une banque de données qui est traitée par l'informatique.

M. Mulcair: Une banque de données qui est traitée par l'informatique d'un côté puis la capacité de décoder l'algorithme de l'autre.

M. Filion (Yves): Oui, oui.

M. Mulcair: Intrigant. Merci.

M. Filion (Yves): Bien, le numéro d'assurance sociale est verrouillé dans le système et correspond à une information qui donne les caractéristiques de l'individu. Alors, si...

M. Mulcair: On aura sans doute l'occasion de reprendre ça avec la CAI. Merci.

M. Filion (Yves): Certainement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président. Moi aussi, je suis étonné par ça. Ça veut dire que Hydro-Québec peut avoir le numéro social de tout le monde ou on peut donner n'importe quel numéro, puis Hydro-Québec va nous dire: Non, ce n'est pas votre numéro.

M. Filion (Yves): C'est normal.

M. Beaudet: Bien non, ce n'est pas normal. Moi, je ne l'ai pas, ce moyen-là. Comment ça se fait que, vous, vous l'avez? C'est supposé être secret, mon numéro. Comment se fait-il que, vous, vous avez le moyen de décoder si j'ai donné le bon numéro ou le mauvais numéro?

M. Filion (Yves): Bien, écoutez, je pense qu'il faut bien comprendre que Hydro-Québec...

M. Beaudet: Vous avez eu un passe-passe avec le gouvernement fédéral, vous, là.

M. Filion (Yves): Non, non, il n'y a pas de passe-passe du tout.

M. Beaudet: Bien, là je ne comprends pas.

M. Filion (Yves): Hydro-Québec n'est pas autorisée à donner un numéro d'assurance sociale, mais, à partir du moment où le numéro d'assurance sociale pour nous a une valeur comme étant un identifiant unique et vérifiable – c'est ce que j'ai dit tout à l'heure dans la présentation – alors il faut qu'il soit vérifiable. Si vous me donnez un numéro et que je ne peux vérifier s'il est correct, c'est aussi bien d'oublier le numéro d'assurance sociale et d'aller à d'autres informations, à votre adresse ou à la date de naissance, comme on avait antérieurement. Écoutez, on ne peut pas se présenter ici, dire qu'on a un numéro d'assurance sociale et que le numéro d'assurance sociale ne nous permet pas de faire un lien avec l'individu et l'adresse de la personne pour voir s'il est correct. C'est ça qui est sa valeur.

M. Mulcair: Mais comment elle est faite, cette corrélation?

M. Filion (Yves): Je ne connais pas, monsieur, le détail de ce qui est intégré dans le système informatique pour faire le calcul, mais ce que je sais, c'est que le système informatique peut reconnaître et faire les liens pour établir si l'identité de l'individu et le numéro social vont ensemble, si c'est correct.

M. Mulcair: Qui à Hydro-Québec peut nous donner cette information?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Argenteuil, vous avez toujours la parole.

(11 h 50)

M. Beaudet: J'apprécie ça, monsieur, mais c'est ce qui m'inquiète. Comment se fait-il que vous avez ce code-là? Comment se fait-il que vous avez accès à déterminer si mon numéro est bon? Parce que tantôt vous avez dit une petite phrase – elle vous a peut-être échappé – vous avez dit: Je n'ai pas l'autorisation d'émettre des numéros d'assurance sociale. J'espère.

M. Filion (Yves): C'est évident.

M. Beaudet: Mais je vais vous dire quelque chose, je pense que vous en avez la capacité.

M. Filion (Yves): Non, pas du tout.

M. Beaudet: Parce que c'est ça qui m'inquiète, là.

M. Filion (Yves): Non, non, pas du tout.

M. Beaudet: On est rendu là. Mais vous l'avez dit tantôt, vous n'avez pas l'autorisation.

M. Filion (Yves): Non, non, non.

M. Beaudet: Si vous avez la capacité de décoder, vous avez la capacité d'en émettre.

M. Filion (Yves): On a la capacité de s'assurer que le numéro d'assurance sociale qui nous est donné est un bon numéro d'assurance sociale.

M. Beaudet: Donc, vous le décodez.

Mme Leney (Stella): Non, excusez, ce n'est pas nécessaire de le décoder. On ne connaît pas l'algorithme du gouvernement fédéral. On l'a dans nos systèmes, mais on ne le connaît pas. Chaque individu qui entre un NAS dans le système ne le connaît pas. C'est le système qui dit oui, c'est un NAS qui existe. Point. C'est un NAS qui est réel.

M. Beaudet: O.K. Moi, ma question fait suite à la démarche de mon confrère de Chomedey. On ne fera pas le procès d'Hydro-Québec avec les mauvais payeurs, parce que, bon, il y a des histoires d'horreur qu'on reçoit à nos bureaux de comté, mais ce n'est pas là le sujet de notre discussion ce matin. On se reprendra à une autre tribune. En quoi ça vous aiderait, vous, une carte à puce? Est-ce que ça changerait votre mode de vie? Ça «serait-u» plus sécure, moins sécure, pareil, ou ça ne vous fait aucune différence?

M. Filion (Yves): Une carte d'identité à puce?

M. Beaudet: Oui. Bien, une carte à puce ou une carte d'identité. Elle va être à puce éventuellement.

M. Filion (Yves): Écoutez. Nous, ce qui est important dans une carte d'identité, c'est d'avoir un numéro qui est unique et identifiable. Alors, si la carte d'identité contient un numéro unique et identifiable, nous, je pense qu'on est satisfaits. La carte à puce intelligente, pour nous, ça n'a pas vraiment une utilité.

M. Beaudet: Ça ne pose pas de problème pour vous.

M. Filion (Yves): Non.

M. Beaudet: La seule chose qu'il vous faudrait, c'est le moyen de le décoder vous autres aussi à ce niveau-là?

M. Filion (Yves): Non, mais ça nous prend un moyen... Écoutez, monsieur, ça nous prend un numéro qui nous permet d'identifier un individu de façon sûre. C'est ça que ça nous prend.

M. Beaudet: Oui, mais, quand on va à la banque et qu'on leur passe notre carte, ils n'ont pas plus de moyens que vous. Ce que je ne comprends pas, c'est comment il se fait qu'Hydro-Québec ait des moyens que d'autres institutions n'ont pas.

M. Filion (Yves): Mais excepté que votre carte est encodée, monsieur, avec la banque. Vous avez une carte spécifique à la banque qui vous est donnée, puis elle est encodée, elle est unique pour vous.

M. Beaudet: Alors, émettez une carte, puis faites pareil.

M. Filion (Yves): On va émettre une carte... Mais, nous, on fait affaire avec...

M. Beaudet: À ce moment-là, vous n'aurez pas mon numéro d'assurance sociale...

M. Filion (Yves): Non, mais il ne faut pas oublier...

M. Beaudet: ...lequel ne devait servir au début qu'à mes échanges avec le gouvernement fédéral. Mais là c'est rendu qu'on peut l'avoir partout.

M. Filion (Yves): Ce que vous proposez, c'est qu'Hydro-Québec émette sa propre carte d'identité?

M. Beaudet: Faites-le comme les autres commerçants le font. Bien, pourquoi pas? Les autres commerçants sont obligés de le faire.

M. Filion (Yves): Je ne suis pas sûr que c'est une solution optimale au niveau du Québec. En tout cas, ça reste à voir.

M. Beaudet: Non, vous, vous ne le faites pas, mais les autres commerçants le font.

M. Filion (Yves): Oui, mais excepté qu'Hydro-Québec se retrouve ici dans une situation particulière qu'on a décrite tout à l'heure. On est dans une situation où on fournit un service essentiel à une population et on a le mandat par la loi de le faire. On a l'obligation de servir. Donc, à ce moment-là, pourquoi ne pas utiliser des systèmes d'information qui existent déjà au niveau de l'État, qui sont contrôlés par l'État? Alors, c'est ça qui est le point.

M. Beaudet: Parce que vous êtes rendus déjà à avoir crevé mon code. Vous avez percé mon code.

M. Filion (Yves): Non, non, je ne suis pas sûr que... Ce n'est pas ça qu'on fait, là.

M. Beaudet: Bien, c'est ça que je comprends, moi, en tout cas, là.

M. Filion (Yves): Ce n'est pas ça qu'on fait du tout. C'est qu'on peut vérifier si votre numéro d'assurance sociale est bon, est le bon quand vous nous donnez votre numéro d'assurance sociale.

M. Beaudet: Bien, c'est ça que je vous dis. Si vous pouvez vérifier s'il est bon, c'est donc que vous pouvez décoder l'algorithme du numéro d'assurance sociale...

M. Filion (Yves): Il y a un algorithme certain qui sert à faire ce lien-là.

M. Beaudet: ...ou bien vous avez accès avec le fédéral qui vous donne les informations. C'est l'un ou l'autre, là.

M. Filion (Yves): Non, non. Dans le système informatique, il y a un algorithme qui peut faire le lien si votre numéro d'assurance sociale est bon. C'est ça qui est important.

M. Beaudet: Ce qui m'inquiète le plus, je vais vous dire, là, c'est que vous êtes après me dire ce matin que, quel que soit le code qu'on se donne, à quelque part, il y a quelqu'un – et on le sait, on le pense, en tout cas, là – qui va toujours être capable de le décoder, donc Hydro-Québec le fait. C'est ça que j'entends, moi, ce matin. Quel que soit le moyen de «privacy» que vous puissiez avoir, il y a quelqu'un ou une institution qui va être capable de s'arranger pour décoder si c'est vrai ou pas vrai.

M. Filion (Yves): Excepté que, là, c'est parce que vous faites une extrapolation sur...

M. Beaudet: Alors, je n'aurai jamais le moyen d'avoir une sécurité quant à mon identité par ma carte d'identité. Il y a quelqu'un d'autre qui va pouvoir l'utiliser, ou la décoder, ou la copier.

Mme Leney (Stella): J'aimerais juste aussi vous rappeler, tel qu'on l'a dit dans notre mémoire, que, effectivement, la Commission nous a donné l'autorisation de le recueillir et de le conserver, mais à des conditions très strictes en matière de sécurité. Tel qu'on l'a dit, dès mai 1997, nos systèmes vont tous être en place pour faire en sorte que le NAS ne soit pas apparent. Personne d'autre ne pourra le lire que les gens qui travaillent sur des comptes qui sont en recouvrement, que si votre compte est en recouvrement.

Alors donc, la sécurité, sur ce point-là, elle est assurée. La personne, lorsque vous allez donner votre numéro d'assurance sociale au téléphone, elle va l'inscrire, il va entrer dans le système et il n'apparaîtra plus nulle part, sauf si votre compte devient un jour en recouvrement. Et, si votre compte ne devient jamais en recouvrement, alors il n'apparaîtra nulle part dans nos systèmes. Personne ne va y avoir accès.

M. Beaudet: C'est fort, l'électricité, M. le Président. Merci.

M. Filion (Yves): C'est aussi essentiel.

M. Beaudet: Ça m'inquiète.

Le Président (M. Garon): Avez-vous des questions? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir... Vos réponses à nos questions...

Le Président (M. Garon): On m'a fait remarquer que, depuis quelques minutes, les gens s'adressent à Hydro et que, normalement, on devrait s'adresser au président.

M. Mulcair: Oui, tout à fait, M. le Président, merci, surtout que, avec la personnalité électrique à ce bout de la table, on n'a aucune raison de s'adresser directement de l'autre côté de la table.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Électrifiante.

M. Mulcair: M. le Président, par votre entremise, j'aimerais savoir de la part de nos invités d'Hydro-Québec s'ils sont en mesure de nous expliquer un deuxième cas hypothétique. J'ai donné le cas tantôt de quelqu'un qui inventerait un numéro à neuf chiffres. C'est assez évident que Hydro dispose de moyens qu'on n'a pas encore pu élucider ce matin, mais qu'on aura l'occasion de reprendre avec la Commission d'accès à l'information.

Mais j'aimerais savoir, dans le cas suivant. Hydro dispose de mon nom, de mon numéro de téléphone, de mon adresse depuis longtemps. J'ai des factures d'électricité avec Hydro depuis longtemps. On me demande mon numéro d'assurance sociale et, cette fois-ci, au lieu d'inventer carrément un numéro, je leur donne le numéro d'assurance sociale de quelqu'un d'autre, de mon voisin, parce que je le connais. Comment est-ce qu'ils vont savoir si c'est mon numéro ou le numéro d'assurance sociale de mon voisin?

Mme Leney (Stella): En entrant le numéro d'assurance sociale que vous allez donner au téléphone, en l'entrant dans le système, si le numéro que vous avez donné appartient à une personne qui est déjà un client d'Hydro-Québec et dont on a déjà le numéro d'assurance...

M. Mulcair: Dans mon hypothèse, c'est quelqu'un dont vous ne disposez pas du numéro. C'est un ermite, avec un numéro d'assurance sociale.

Mme Leney (Stella): Alors, non. Je ne crois pas qu'on dispose de moyens pour savoir que ce n'est pas le vôtre.

M. Mulcair: Donc, vous avez le moyen de vérifier si le numéro d'assurance sociale a été accordé à quelqu'un, mais pas à qui.

Mme Leney (Stella): C'est ça. Oui.

M. Filion (Yves): On a le moyen de vérifier si le numéro d'assurance sociale que vous nous donnez est un bon numéro. S'il est un bon numéro, on sait si ce numéro appartient à quelqu'un.

M. Mulcair: Mais vous ne savez toujours pas quels sont les moyens... M. le Président, les gens d'Hydro-Québec ne sont toujours pas capables de nous dire quels sont les moyens dont ils disposent pour vérifier s'il s'agit d'un bon numéro d'assurance sociale. C'est ça?

Mme Leney (Stella): C'est tout simplement l'intégration de l'algorithme dans notre système informatique, qu'on ne connaît pas, que, moi, je ne connais pas, l'algorithme comme tel. Il est intégré dans notre système simplement pour cette fin-là, pour les fins de valider s'il s'agit d'un numéro d'assurance sociale qui existe ou non.

M. Mulcair: M. le Président, cet algorithme, qui, pour utiliser des termes clairs, est une formule mathématique assez longue qui va chercher justement des éléments identifiant la personne et qui est générée depuis une trentaine d'années maintenant, peut-être un peu plus, pour identifier les personnes pour les fins de certains programmes au niveau fédéral, cet algorithme était censé être un des plus grands secrets d'État qui pouvait exister et les gens d'Hydro-Québec, M. le Président, sont donc en train de nous dire que leurs ordinateurs peuvent non seulement... S'ils peuvent vérifier, ils peuvent générer des numéros d'assurance sociale. C'est l'enfance de l'art. Du moment qu'on a la réponse à une formule mathématique, on peut aller dans l'autre sens. C'est l'a b c...

Mme Leney (Stella): Ah non! Non.

M. Filion (Yves): Non. Là, c'est parce que vous concluez sur une chose qui n'a pas été vraiment mentionnée. Ce qui a été mentionné et ce qu'on dit, c'est qu'on peut vérifier si le numéro d'assurance sociale qui nous est donné est un bon numéro. C'est ça qu'on peut vérifier, s'il est un bon numéro.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, si vous pouvez vérifier si c'est un bon numéro, donc vous avez le code du fédéral. Comment pouvez-vous vérifier si c'est un bon numéro si vous n'avez pas le moyen d'avoir accès à l'algorithme du fédéral? Ce n'est pas possible. D'ailleurs, dans l'exemple que mon confrère a donné tantôt, si, lui, c'est un homme et qu'il vous donne le numéro d'une femme, vous allez le savoir.

(12 heures)

M. Filion (Yves): Écoutez, monsieur, je pense qu'il y a dans l'informatique des données qui sont disponibles qui nous permettent d'identifier si le numéro est un bon numéro sans être capables de faire le calcul de l'algorithme et d'avoir à notre disposition l'algorithme de calcul.

Ce que je dis, c'est que – vous le savez comme moi – il y a un algorithme de calcul dans le numéro d'assurance sociale et que, nous, ce que l'on a, c'est qu'on a, dans notre système informatique, le moyen d'identifier si un numéro d'assurance sociale est un bon numéro d'assurance sociale, si c'est un numéro d'assurance sociale qui a été officiellement émis par le gouvernement, donc si c'est un bon numéro d'assurance sociale.

M. Beaudet: Ils sont branchés avec Ottawa.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, puisque le temps... Non, pas le temps, on aurait eu encore du temps, mais, puisqu'il n'y a pas d'autres députés qui me demandent la parole, alors je voudrais remercier les représentants d'Hydro-Québec de leur contribution aux travaux de la commission. Puisque notre ordre du jour pour ce matin est écoulé, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures, cet après-midi, après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Garon): ...le quorum et, dans l'audition, dans notre ordre du jour, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, avec M. André Dicaire, président directeur général. Je vais demander à M. Dicaire de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Nous avons une heure ensemble. Normalement, ça veut dire 20 minutes pour l'exposé des porte-parole de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et 20 minutes de chaque côté des députés. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait; ce que vous prendrez en moins, ils pourront s'en prévaloir pour vous poser d'autres questions additionnelles. Alors, M. Dicaire.


Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ)

M. Dicaire (André): Merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter les membres qui m'accompagnent. À ma droite, M. Marc St-Pierre, directeur général des services aux bénéficiaires et qui est responsable du fichier d'inscription des bénéficiaires, ce dont on parlera tout à l'heure. Immédiatement à ma gauche, M. Denis Morency, directeur général des affaires corporatives, responsable du projet aussi de la carte à microprocesseur, nous en reparlerons également dans la présentation, tout à l'heure. Enfin, complètement à ma gauche, M. Michel Pelletier, qui est le porte-parole par intérim de la Régie et directeur de l'expertise médicale.

Avant de débuter la présentation, je voudrais quand même m'excuser auprès des membres de ne pas avoir été dans la possibilité de leur remettre le mémoire plus tôt qu'aujourd'hui ce qui vous aurait permis bien sûr de mieux pouvoir exercer le rôle et le mandat qui vous sont requis.

Ceci étant dit, nous sommes heureux de répondre à l'invitation de la commission de la culture et de la Commission d'accès à l'information afin de participer avec vous aux travaux lors de cette commission.

(15 h 40)

D'entrée de jeu, je vous dirai qu'il n'est pas de notre intention de se prononcer sur l'à-propos d'une carte d'identité obligatoire ou facultative au Québec. Cette décision appartient au gouvernement et notre responsabilité, en tant qu'organisme public, est de vous fournir toute l'information pour que vous puissiez prendre la décision la plus éclairée possible sur le sujet.

Et, comme la Régie de l'assurance-maladie est très présente et active dans la gestion des fichiers informatiques et dans l'émission de cartes, il nous apparaît important que les membres de cette commission soient bien informés des responsabilités que nous assumons à l'égard de ce dossier et des projets que nous comptons réaliser au cours des prochaines années.

Ceci est d'autant plus important que la Régie de l'assurance-maladie est le seul organisme gouvernemental à détenir un fichier sur tous les Québécois et Québécoises, le seul à délivrer une carte à tous les citoyens et le seul à émettre à chacun des Québécois un identifiant qui lui est propre, soit le numéro d'assurance-maladie.

Passons maintenant à la mission de la Régie, de ses fichiers informatiques et de sa carte d'assurance-maladie. Comme vous le savez, la Régie a pour mission d'administrer et d'appliquer le régime général d'assurance-médicaments, le régime d'assurance-maladie ainsi que tout autre programme que la loi ou que le gouvernement lui confie. Pour avoir droit aux avantages que confèrent ces programmes, tous les résidents du Québec, soit les 7 200 000 de personnes, doivent s'inscrire et se réinscrire auprès de la Régie à des périodes déterminées. En contrepartie, la Régie doit statuer et contrôler leur admissibilité et délivrer une carte d'assurance-maladie comportant notamment une signature et une photographie. Elle assume également, pour le compte des résidents du Québec, près de 100 000 000 de relevés d'honoraires ou de demandes de paiement couvrant les services qui sont dispensés par plus de 25 000 professionnels de la santé.

Signalons également, et c'est important, que 90 % de la facturation des honoraires des médecins est transmise de façon informatique, et que nous traitons de façon presque instantanée, en interactif, depuis le 1er janvier dernier, les demandes de paiement en provenance des 1 500 pharmacies du Québec. Pour être en mesure d'assumer adéquatement ses fonctions d'inscription, de contrôle et de paiement, la Régie doit accumuler et gérer des données qu'elle verse dans deux fichiers principaux et indépendants. Parlons de ces deux fichiers qui sont les instruments de base de la Régie.

D'abord, le fichier qu'on appelle des «services payés pour le compte des bénéficiaires». Je voudrais, et c'est important, éliminer toute confusion ou ambiguïté quant à la nature des dossiers que possède la Régie, en ce sens qu'elle ne détient pas de dossier médical en tant que tel sur les bénéficiaires. J'attire votre attention, parce que, je dirais, il y a eu quand même des allégations qui ont été faites dans le cadre de cette commission, et l'élimination de cette confusion et ambiguïté nous apparaît importante à ce moment-ci. Ce dont nous disposons, c'est plutôt d'un fichier qui comprend les services de santé reçus par les bénéficiaires, les montants payés par la Régie et les dates de dispensation de ces services.

Pour illustrer ça, on peut le dire de la manière suivante: c'est que nous avons dans notre fichier, à titre d'exemple, le montant payé à un radiologiste pour une échographie dispensée à un individu, mais nous ne possédons pas les résultats de cet examen. Si on avait des dossiers médicaux, on saurait, bien sûr, ce qu'il y a sur le résultat de l'examen; ce qui n'est pas le cas. Un autre exemple pour illustrer que nous n'avons pas de dossier médical: nous inscrivons dans notre fichier le paiement d'honoraires à un chirurgien pour une intervention chirurgicale à un individu, mais on ne connaît pas l'histoire médicale qui motive cette intervention.

Alors, même s'il ne s'agit pas de dossiers médicaux proprement dits sur les individus, il n'en demeure pas moins que ces données sont très sensibles et personnelles, que la sécurité et la confidentialité doivent être bien assurées et que les renseignements ne peuvent être transmis sans le consentement des personnes.

De façon générale, la Régie ne transmet pas de renseignements sur les services qui lui sont facturés sans le consentement du bénéficiaire. C'est donc la règle générale. Mais il y a des exceptions qui sont prévues spécifiquement à la loi et la seule qui soit systématique pour ce fichier concerne les travailleurs victimes d'accidents de travail, pour des fins de remboursement de la CSST à Régie de l'assurance-maladie. De plus – et ça aussi, c'est important – même à la demande du bénéficiaire, la Régie ne transmet aucune information qui permette d'identifier la nature des services dispensés par un professionnel; seulement la date des services, le nom du professionnel, le montant réclamé et l'endroit où les services ont été dispensés peuvent être révélés. Ça, c'est, je dirais, le dossier peut-être le plus sensible, qu'on appelle le dossier historique du bénéficiaire.

Le deuxième gros dossier qui intéresse, je dirais, les parlementaires, mais la population en général, c'est le fichier des personnes qui résident au Québec. Ce fichier est connu sous le nom de «fichier d'inscription des bénéficiaires». Il contient des renseignements sur l'identité et sur l'admissibilité des personnes. Ce registre informatique regroupe les données sur l'identification: le nom de famille, le prénom, la date de naissance, le sexe, la date de mise à jour, le lieu de résidence et l'adresse permanente et la date de la dernière mise à jour. Ce qu'il est important de souligner, c'est que la qualité des données à ce fichier est excellente, car elle est mise à jour quotidiennement par les nombreux contacts que la Régie entretient avec ses clientèles, et l'expérience démontre – et ça aussi, c'est important de le signaler – qu'il faut un élément déclencheur, une raison pour que la personne régularise un renseignement d'identification de statut ou d'adresse.

Ce n'est pas parce que c'est écrit dans une loi que nécessairement les gens ont une incitation, je dirais, naturelle à indiquer leur changement de statut ou d'adresse. Il faut vraiment avoir une raison, ce qu'on appelle un élément déclencheur.

Or, à la Régie, près d'un Québécois sur deux communique avec nous chaque année, soit 2 000 000 par l'effet de la réinscription au régime général d'assurance-maladie et 1 000 000 pour toutes sortes d'autres raisons. Donc, vous avez 3 000 000 de personnes. Et, si on ajoute l'effet des familles, puisqu'une communication a pour effet généralement de mettre à jour l'adresse de tous les membres de la famille, il y a tout lieu de croire que plus de la moitié de la population a confirmé son adresse, et cela, à chaque année. C'est la raison, entre autres, pour laquelle, je dirais, la qualité de ce fichier est reconnue.

En plus de cela s'ajoutent la collaboration de la Direction de l'état civil pour les naissances et les décès, celle du ministère de la Sécurité du revenu pour la liste des prestataires de sécurité du revenu, celle de la SAAQ pour les changements d'adresse, la société automobile, et quelques autres ministères et organismes pour compléter les renseignements sur les décès des personnes âgées recevant un supplément de revenu garanti, etc.

Donc, je dirais, le fichier est d'excellente qualité et il sert aux besoins de la Régie, dont notamment de vérifier l'admissibilité d'une personne à recevoir des services assurés à une date donnée, ce qui représente plus de 100 000 000 de validations à chaque année; étant donné qu'il y a 100 000 000 d'actes médicaux, pharmaceutiques et autres, chaque fois on va vérifier si la personne est admissible.

Ce fichier sert également à répondre aux besoins d'une quinzaine de ministères et organismes, mais ce, en conformité avec les lois et règlements en vigueur. Évidemment, l'existence de deux grands fichiers principaux mais indépendants soulève toute la question de la protection des renseignements personnels.

La sécurité et la confidentialité des données, de même que la transmission des renseignements, revêt une importance capitale pour la Régie, car nous sommes bien conscients et convaincus que la crédibilité et la notoriété de notre organisation dépend de notre capacité à assurer la sécurité et la confidentialité des données qu'elle possède.

C'est pourquoi nous avons toujours déployé beaucoup d'efforts et d'énergie pour mettre en place les systèmes et processus pour garantir la protection des renseignements personnels et sensibiliser, par des programmes de formation et d'information, le personnel, à cette fin.

À titre d'illustration, l'accès aux données est accordé seulement à ceux dont la tâche le requiert et cet accès est limité aux seuls renseignements qui leur sont nécessaires. Et, lorsqu'ils sont définis comme des utilisateurs, il y a un code d'identification personnel auquel est associé un mot de passe confidentiel qui doit être changé ou modifié à tous les 30 jours et donc ce code d'identification, et ce mot de passe, est accordé à chacun des utilisateurs.

Les accès à des renseignements nominatifs sont journalisés sur l'ordinateur central et vérifiés périodiquement sur une base, je dirais, trimestrielle avec des rapports de gestion, dont des actions qui sont définies, puis des suivis sur ces actions qui ont été préalablement déterminés.

(15 h 50)

Comme autre exemple, et c'est un exemple récent, nous avons mis en place un nouveau système informatique qui permet de communiquer en temps réel avec les pharmaciens. Ça a été fait dans le cadre du régime général d'assurance-médicaments. Or, nous avons investi plusieurs millions de dollars pour la gestion de la sécurité. En effet, les données qui circulent sur ce réseau, c'est-à-dire de la pharmacie à la Régie, sont encryptées et l'accès aux ordinateurs de la Régie est protégé au moyen de ce qu'on appelle des gardes-barrières ou des coupe-feu. C'est, dans ce domaine, les moyens appropriés pour protéger les ordinateurs de la Régie contre toute intrusion possible. En fait, on s'est donné – et là aussi je vous dirais que c'est très important – des standards de sécurité qui sont très élevés et qui se comparent avantageusement à d'autres systèmes existant ailleurs. Le système de sécurité, bien sûr, il est perfectible et à chaque année des investissements sont réalisés pour accroître cette sécurité, en tenant compte bien sûr des avis et recommandations de la Commission d'accès à l'information et du Vérificateur général. Au fil des années, on s'est bâti une crédibilité dans la gestion sécuritaire des données, et nous tenons à conserver cette relation de confiance que les citoyens ont toujours accordée à la Régie. C'est pourquoi nous avons réagi vivement aux propos tenus la semaine dernière par M. White de la Commission d'accès à l'information.

Malgré le fait qu'aucun fait probant n'ait été porté à la connaissance de la RAMQ – et ce, je dirais, après avoir même rencontré, dès lundi dernier, M. White – donc je reprends, malgré le fait qu'aucun fait probant n'ait été porté à la connaissance de la RAMQ, nous tenons à dire que, si de tels délits existent, la Régie s'engage à prendre les sanctions disciplinaires appropriées contre les personnes en cause et faire en sorte que la possibilité d'initier de telles fuites soit corrigée rapidement. Elle offre d'ailleurs sa collaboration à la Sûreté du Québec qui s'est vu confier le mandat de vérifier les allégations de la Commission d'accès à l'information. Et, lors de ma rencontre avec M. White, je lui ai dit que j'espérais qu'on soit les premiers à la Régie à faire l'objet de l'enquête de la Sûreté du Québec pour qu'on puisse rapidement faire la lumière, puis qu'on sache correctement de quoi il s'agit. Et, si ces allégations s'avèrent non fondées, nous estimons que la Commission d'accès à l'information devra rétablir les faits, car des déclarations de cette nature laissent bien sûr des cicatrices importantes en termes de relations de confiance d'un organisme avec les citoyens.

Autre point que la carte d'assurance-maladie... Donc, vous avez les fichiers, sécurité, confidentialité, et enfin la carte d'assurance-maladie. Vous savez que tous les résidents du Québec inscrits au régime détiennent aujourd'hui une carte d'assurance-maladie sur laquelle figurent la photographie et la signature du titulaire. Cette carte a pour objet d'identifier correctement la personne et d'attester aux professionnels de la santé que la personne est admissible à recevoir des services de santé dont le coût est assumé totalement ou partiellement par le gouvernement.

En même temps que l'avènement de la photographie et de la signature du bénéficiaire, un nouveau processus de réinscription des personnes a été mis en place en octobre 1992. Et ceci a eu pour effet de réduire de plus de 350 000 le nombre de cartes en circulation et d'économiser, sur une base récurrente, un montant de 80 000 000 $ dans les programmes de santé. Rappelons que les frais administratifs requis pour supporter l'émission de cartes d'assurance-maladie sont de l'ordre de 18 000 000 $. Par ailleurs, il est important aussi de signaler que la carte-soleil a un besoin de se moderniser pour répondre aux besoins d'aujourd'hui. Sans vouloir relever toutes les faiblesses, permettez-moi de souligner que cette carte n'est pas interactive et, donc, ne permet pas de vérifier en temps réel l'identité et l'admissibilité du bénéficiaire.

De plus, avec la facturation informatisée, force est de constater que la carte d'assurance-maladie est de moins en moins exigée par le professionnel, puisqu'il a déjà enregistré dans ses systèmes informatiques le numéro d'assurance-maladie et la date d'expiration de la carte. Donc, c'est évident que ça constitue une certaine faiblesse par rapport à nos besoins d'aujourd'hui. De plus, la photographie et la signature ne sont conservées que pendant une période de 30 jours, conformément à l'avis que la Commission d'accès a déjà émis d'ailleurs à ce sujet. Il y a donc, dans le fait de ne conserver la photo que pendant une période de 30 jours, un risque de fraude de la part des individus pour l'obtention de plusieurs cartes. Je ne voudrais pas donner plus de détails pour ne pas donner des idées à d'autres. Mais évidemment le fait de ne pas conserver les photos, ça nous rend, à certains égards, plus fragiles et vulnérables sur des fraudes potentielles. La Régie entend donc demander prochainement au gouvernement, après avis de la Commission d'accès à l'information, d'être autorisée à conserver dans ses fichiers la photographie et la signature des bénéficiaires.

Deuxième volet de la présentation qui est la carte à microprocesseur. Alors, vous savez déjà que la Régie de l'assurance-maladie a reçu le mandat du ministre Jean Rochon de déployer la carte-santé à microprocesseur à compter de janvier 1998. Et la carte-santé, c'est beaucoup plus qu'une carte plastique dotée d'un microprocesseur de la nature d'un gadget répondant à la mode du jour ou d'un trip technologique. Au contraire, elle permet de répondre à quatre grands besoins qui émergent de ce réseau dans le contexte actuel de la rareté des ressources, du virage ambulatoire et de la transformation du réseau. Ces quatre besoins sont: un besoin d'identification des citoyens admissibles aux services subventionnés par l'État, un besoin de contrôle pour assurer que seules les personnes admissibles ont accès à ces services, un besoin d'authentification de la facturation informatisée des professionnels et un besoin d'accès à l'information sociosanitaire, tout en garantissant, bien sûr, la protection des renseignement privés. On va reprendre rapidement chacun de ces besoins.

Le premier étant bien sûr le besoin d'identification. Tant les praticiens que les établissements de la RAMQ ont besoin, lorsqu'un individu se présente pour recevoir des services, d'identifier correctement cette personne, autant pour des raisons administratives que cliniques. Présentement, la RAMQ a un identifiant commun à tous les citoyens du Québec, le NAM, dont le véhicule est la carte d'assurance-maladie avec photo et signature. Par ailleurs, les établissements du réseau ont chacun un identifiant qui leur est propre pour chaque bénéficiaire qui s'y présente. Ils émettent également une carte qui leur est propre pour transporter cet identifiant. Ainsi, un citoyen détient, en plus de sa carte d'assurance-maladie, autant de cartes qu'il a fréquenté d'établissements. La gestion de tous ces véhicules est lourde et coûteuse et, à titre d'exemple, on estime à quelque 4 300 000 de cartes émises chaque année par les établissements du réseau, pour un montant total qui dépasse le 10 000 000 $. Or, la solution carte-santé répond à ce besoin d'identification et peut servir de véhicule unique pour transporter à la fois l'identifiant commun de la RAMQ et les identifiants spécifiques des établissements.

Le deuxième grand besoin, qui est celui de contrôler l'admissibilité des personnes. On sait que la qualité et la quantité des services offerts par les programmes sociosanitaires sont alléchants pour les non-résidents du Québec. Il est donc primordial d'exercer un contrôle étanche des personnes qui accèdent à ces services. Alors, comme nous l'avons vu précédemment, le déploiement des moyens technologiques fait en sorte que les identifiants sont souvent inscrits dans les systèmes informatiques et que la vérification de la carte et de l'individu est parfois négligée. La solution carte-santé répond à ce besoin, car le paiement des services rendus ne pourrait être réclamé que s'il y a eu au préalable présentation de la carte dans le système – un peu comme votre carte de crédit, vous la passez dans un système – et une vérification en direct de l'admissibilité; donc on peut lui dire rapidement si la personne qui a présenté sa carte est admissible ou pas aux soins qui lui seraient dispensés.

Le troisième grand besoin, le besoin d'authentification de la facturation informatisée des professionnels. On se rappellera que, lorsque les professionnels soumettaient leurs demandes de paiement, c'était une demande papier, donc ils signaient chacune des demandes papier. Aujourd'hui, comme on l'a vu, 90 % de la facturation est informatisée. Donc, il n'y a plus de signature. Ce qui est proposé par la carte à microprocesseur, c'est qu'en plus de la carte de l'usager, du citoyen, il y aurait la carte du professionnel qui, elle, pourrait lui servir notamment de signature électronique. Donc, ça viendrait rencontrer le besoin qui a été identifié.

Enfin le quatrième, qui est un besoin significatif important, on peut le présenter de la façon suivante. L'accès des professionnels de la santé aux informations pertinentes de leurs patients comporte des avantages indéniables au plan de la pratique professionnelle, de la santé du patient puis des coûts du Régime. Le projet-pilote de la carte-santé dans la région de Rimouski l'a démontré de façon probante. Également, il y a des situations d'urgence où l'accès instantané à l'information sur certaines caractéristiques de santé des patients, sans faire appel à des banques centralisées ou à des banques de données, peut garantir une meilleure qualité de soins et peut sauver même des vies. Puis il y a les gestionnaires des réseaux également qui ont un besoin important d'accès d'information, de statistiques financières sur les services dispensés ou consommés dans le réseau afin de gérer de façon optimale les ressources disponibles. Donc, avec l'avènement des autoroutes électroniques, des technologies disponibles, la carte à microprocesseur deviendrait davantage un outil d'accès sécuritaire à de l'information détenue à distance, plutôt qu'un «repositoire» de données. Donc, plutôt que d'admettre de l'information sur la puce ou sur le microprocesseur, le microprocesseur permettrait d'avoir accès à des données sociosanitaires qui sont emmagasinées dans des sites particuliers.

Un autre élément important, le système qui serait déployé, ce serait le système à deux cartes: celle de l'usager et celle du professionnel. Donc, c'est avec la combinaison des deux cartes que l'information serait rendue disponible, ce qui garantit que le consentement de l'usager sera respecté. Par ailleurs, la carte à microprocesseur pourrait contenir une information de base telle que des données en cas d'urgence comme le carnet de vaccination, les allergies, les antécédents biologiques, le groupe sanguin et les autorisations de don d'organes. Il y a un comité qui a été formé à la demande du ministre, et je dirais que d'ici quelques semaines on devrait avoir des recommandations de ce comité.

(16 heures)

Mais l'élément stratégique de ce projet de déploiement de cartes est, bien sûr, la confidentialité des données et notre capacité d'assurer la protection adéquate et sécuritaire de ces renseignements, et la solution carte-santé répond aux exigences les plus poussées en matière de sécurisation de données. Des logiciels ont été développés pour assurer la sécurisation des données, tant dans les sites où elles sont emmagasinées que pendant leur transport entre les différents points de service.

En fait, la solution carte-santé vise principalement à permettre de contrôler et de gérer de façon sécuritaire les accès à l'information. Et on ne s'improvise pas dans le domaine; on y travaille depuis 1989. Il y a le projet-pilote à Rimouski, qui a été reconnu sur un plan international quant aux conditions d'acceptabilité puis de respect de la confidentialité de la sécurité des données. Et les responsables de cette expérimentation ont même été invités à participer à des groupes de travail avec les représentants de la communauté européenne puis cette participation-là se poursuit au sein des comités du G 7. La Commission d'accès également a participé à ce projet et a soumis une recommandation qui était très positive. Et l'engagement qu'on veut prendre devant cette commission aujourd'hui, c'est que le déploiement de la carte-santé se fera en associant et en consultant, de façon aussi étroite que nous l'avons fait à Rimouski, la Commission d'accès à l'information.

Quelques mots sur la carte-santé et la carte multi-services. Il y a des réflexions en cours, et ça vous a été présenté, je pense, ce matin, à l'appareil gouvernemental, concernant la carte multi-services. Ce qu'on dit, c'est que notre position à ce sujet, elle est connue par les autorités gouvernementales, que la carte-santé à microprocesseur doit conserver sa propre identité pour des raisons qui reposent essentiellement sur son acceptabilité par les usagers et les professionnels de la santé. Les données de santé, de par nature, sont une information qu'il faut protéger davantage que toute autre information.

Au plan national d'ailleurs, on observe que les tendances sont très lourdes dans ce domaine. Il n'y aucun pays qui envisage, à notre connaissance, de développer une carte multi-services qui incorpore la santé. Au contraire, l'Allemagne a déployé, puis la France déploiera, une carte-santé à microprocesseur pour tous les citoyens. Il y a d'autres expérimentations de carte-santé qui se déroulent en Europe. Les possibilités des applications qui sont développées, c'est dans la mesure où la carte n'est utilisée qu'à des fins de santé. Il serait paradoxal que le Québec qui, avec l'expérimentation de Rimouski, a servi de modèle sur les conditions d'acceptabilité de la carte-santé au plan clinique prenne une voie contraire à celle qui a permis d'acquérir sa notoriété sur le plan international.

Enfin, la carte-santé comme carte d'identité. Il faut convenir qu'avec l'avènement de la photographie et de la signature sur la carte le législateur a introduit une disposition à la Loi sur l'assurance-maladie afin de limiter l'usage de la carte d'assurance-maladie à son but premier, soit la prestation de services de santé et services sociaux. L'objectif ultime de cette disposition était d'éviter que la carte d'assurance-maladie ne soit exigée par des tiers comme pièce d'identité. Il faut cependant bien comprendre que cette interdiction n'avait pas et n'a toujours pas pour effet d'empêcher le titulaire d'une carte d'assurance-maladie de présenter volontairement cette carte en vue de s'identifier. On peut le voir d'ailleurs ici, à l'Assemblée nationale. Souvent les gens offrent comme pièce d'identité la carte d'assurance-maladie. La carte d'assurance-maladie constitue de fait, depuis plus de 25 ans, une pièce d'identité pour bien des citoyens. C'est une évidence que personne ne contestera. Sa valeur ou son intérêt à titre d'identifiant a, bien entendu, augmenté considérablement avec la photo et la signature.

Dans l'état actuel de nos réflexions et compte tenu de ce que nous venons de dire quant au caractère spécifique et distinct de la carte-santé, il nous semble que, s'il devait y avoir une carte d'identité obligatoire, encore faut-il en faire la démonstration sur la nécessité objective, la carte-santé ne pourrait jouer ce rôle. Mais elle peut toujours être utilisée sur une base volontaire par le citoyen pour s'identifier. Dans le but de faciliter son usage facultatif et volontaire, nous allons examiner la possibilité que l'identifiant, c'est-à-dire le numéro d'assurance-maladie, soit incorporé au microprocesseur, ce qui viendrait éliminer toute utilisation incorrecte et inappropriée de la carte et de l'identifiant.

Enfin, compte tenu que le temps qui nous est alloué nous empêche d'aller plus à fond dans le dossier, je voudrais informer les membres de la commission que nous sommes à votre entière disposition pour vous faire une démonstration, à un moment que vous jugerez opportun, non seulement du projet de Rimouski, qui a suscité beaucoup d'intérêt sur le plan international, mais surtout de l'évolution de la recherche et du développement, qui permet, sur une base expérimentale, d'accéder à des informations détenues dans une banque de données anonyme qui garantit la sécurité des renseignements personnels. Cette démonstration, bien sûr à huis clos pour des raisons de protection des résultats de la recherche, m'apparaît indispensable, opportune ou appropriée pour des parlementaires qui ont entrepris une réflexion sur le sujet délicat de la carte d'identité.

En terminant, la Régie de l'assurance-maladie du Québec souhaite que les membres de la commission retiennent pour l'essentiel que: la Régie est le seul organisme gouvernemental à détenir un fichier sur l'ensemble de la population, à délivrer une carte et à émettre un identifiant; ce fichier est d'une grande qualité; on accorde une grande importance à la protection des renseignements qu'elle détient; on émet 2 000 000 de cartes d'assurance-maladie annuellement; il en coûte environ 18 000 000 $ pour gérer le fichier de 7 200 000 de Québécois; on a développé depuis 1989 une expertise dans l'utilisation et la gestion des cartes à microprocesseur, qui a été reconnue internationalement; tel qu'annoncé par le ministre, on déploie cette carte à microprocesseur avec photo et signature à compter de 1998 pour remplacer la carte d'assurance-maladie, pour les besoins que nous avons tout à l'heure identifiés; cette carte-là sera un outil structurant de base dans l'ensemble du système sociosanitaire et répondra de façon sécuritaire aux besoins d'identification, de communication et d'accès à l'information; et enfin, la carte à microprocesseur doit garder son caractère distinct pour maintenir la relation de confiance entre le citoyen et le professionnel de la santé et ainsi être acceptable et utile. C'est la tendance d'ailleurs observée au plan international. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Dicaire. Vu que vous avez pris à peu près 27 minutes, les deux côtés auront environ 14 minutes chacun. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je veux remercier les membres de la Régie pour la présentation. J'ai juste une couple de questions rapides, parce que j'ai d'autres collègues qui veulent partager mon temps. Dans le débat en Alberta sur une carte-santé, il y a tout un débat entre mettre les dossiers à l'intérieur de la puce ou utiliser une carte pour donner accès à des banques de données centrales – et nous avons tous lu avec intérêt les déclarations de M. White. L'offre de collaboration que la Régie a faite, je pense, est souhaitable, parce qu'il faut être conscient qu'il y a quand même – pas nécessairement au Québec, mais en Amérique du Nord en général – un marché de ces renseignements.

On peut toujours essayer de garder ça confidentiel, mais, moi, je viens de lire en fin de semaine, c'était le livre Privacy for Sale qui a été fait... Un journaliste a été capable de se renseigner sur tous les appels interurbains de Dan Rather; il a été capable de voir les comptes de Dan Quayle quand il était vice-président des États-Unis. Alors, les choses sont possibles malgré nos meilleurs efforts. Je pense qu'on a toujours à en être conscient.

Dans le système qui est proposé, est-ce que tous les renseignements vont être dans la puce elle-même? Et, si oui, qu'est-ce qu'on fait en cas de perte ou quelque chose comme ça pour remplacer les données qui sont incluses là-dedans?

M. Dicaire (André): En fait, dans le projet de Rimouski, l'information clinique était sur le microprocesseur. Bon. On se rappellera qu'on était au début des années quatre-vingt-dix; on était quand même, je dirais, encore assez peu développé en termes d'inforoute ou d'autoroute de communications. Donc, il était tout à fait normal qu'à ce moment-là l'information soit contenue sur la puce.

Effectivement, si vous perdez votre carte et que l'information est contenue sur la puce, il faut quelque part un système banqué de relève pour aller recharger cette puce-là. Donc, il faut avoir en quelque part, disons, une copie de sécurité qui fait en sorte que, si vous perdez votre carte, on puisse la recharger. Parce que je ne sais pas si vous imaginez, mais charger à un point de départ cette carte-là pour essayer de donner l'historique médical et tous les services médicaux que vous recevez en cours de route, que devrait contenir cette puce, si vous perdez votre carte, ça pose des petits problèmes. Bon. Or, à Rimouski, sur une base expérimentale, l'information était sur la puce.

Sauf qu'on se retrouve aujourd'hui en 1997. Aujourd'hui, l'inforoute, l'autoroute de communications, c'est une réalité. Quand on regarde ce qu'on fait sur l'interactif avec les pharmaciens: en moins de deux secondes, je dirais, l'information part de la pharmacie, s'en vient à la Régie et retourne chez le pharmacien, et on a vérifié l'admissibilité, on a fait le calcul de la franchise, de la coassurance et du plafond. Donc, il y a moyen aujourd'hui de procéder rapidement, les inforoutes sont là. Bon.

Donc, ce qui est proposé dans la carte à microprocesseur, c'est que l'information ne soit pas au point de départ sur la puce ou sur le microprocesseur, mais qu'elle soit banquée à quelque part, qu'elle soit emmagasinée dans un dépôt approprié. Et ce microprocesseur-là, sa vertu, c'est justement de vous mettre en relation, de vous donner un accès, qu'on va appeler sécuritaire, à cette banque d'information là. Et, je dirais, pour être encore davantage plus sécuritaire, c'est un système à double carte, c'est-à-dire que l'usager doit donner sa carte, le médecin doit avoir la sienne, qu'on appelle la «carte d'habilitation du professionnel», et les deux cartes rentrent dans un système qui vous donne accès à une banque.

(16 h 10)

Cette banque-là, le projet qu'on a développé – et qu'on pourrait vous démontrer et qui fonctionne à une échelle expérimentale – cette banque-là, c'est des données anonymes, c'est-à-dire que, même si quelqu'un réussit à rentrer dans cette banque-là, il n'y a pas de noms et, si quelqu'un essayait d'intercepter ce qui voyage entre la banque et le point de départ, intercepter ce qui circule, je dirais, il n'y a pas de noms non plus, là. Bon. Alors, c'est extrêmement sécuritaire, puis ça vous prend le système à deux cartes. Puis on pense qu'avec les technologies d'aujourd'hui, avec les infrastructures qui sont mises en place, de moins en moins on va retrouver des projets où on emmagasine de l'information clinique sur la puce, mais qu'elle sera déposée ailleurs, mettons, soit dans un centre, soit dans plusieurs points de service. Ça, ça reste à bâtir et à définir comme architecture. Donc, l'information ne sera pas sur la puce, elle va être déposée quelque part.

Par ailleurs, ce qui est dit dans la présentation, ce qui n'empêcherait pas d'avoir une information qu'on pourrait appeler d'urgence, statique, sur la puce. C'est-à-dire, par exemple, s'il vous arrive un accident, qu'au moins on puisse savoir si vous avez des antécédents biologiques, votre groupe sanguin, si vous avez autorisé à donner vos organes, etc. Donc, ça, c'est une information qui ne bouge pas. Vous la donnez une fois. Vous pouvez la revalider ou la vérifier dans cinq ans, 10 ans, etc., mais ça, c'est une information qui est plus statique et qui est stratégique peut-être sur un plan d'urgence. Alors, cette information-là pourrait être sur la puce.

Mais la décision n'est pas encore prise là-dessus parce qu'on vous a dit tantôt qu'il y avait un comité d'experts qui va nous faire des recommandations à savoir si on doit mettre de l'information sur ce microprocesseur-là; si oui, quelle information qui devrait être sur... Mais fondamentalement, ce que la démonstration pourrait davantage vous exprimer – parce que juste sur paroles, ce n'est pas simple – c'est vraiment un outil maintenant d'accès à de l'information qu'on retrouve ailleurs que sur la puce et qui peut vraiment... Ce qu'on appelle la carte-index aujourd'hui et qui vous met en contact avec des données.

M. Kelley: Parce que j'aimerais qu'on puisse aménager une rencontre. Je pense que ça serait fort intéressant, parce que c'est quand même un départ très important. Parce que dans votre présentation, vous avez parlé... Il y a très peu de données dans vos fichiers existants, il y a très peu de choses qu'on peut trouver, mais ce qu'on prévoit ici, ça va être de vraiment constituer les dossiers médicaux sur les citoyens du Québec. Alors, c'est vraiment un départ, et le défi de la protection continue de ces fichiers devient de plus en plus important, parce que ça va être quelque chose de très nouveau dans le système d'avoir effectivement un dossier sur M. Kelley avec toutes mes interactions avec la Régie de l'assurance. Alors, c'est tout un changement, si j'ai bien compris.

M. Dicaire (André): Mais c'est pour ça que je disais tantôt que l'élément important et stratégique d'un dossier comme celui-là, c'est toute la dimension de la sécurité et de la confidentialité. Et jamais un projet comme celui-là pourrait réussir à prendre place si la Régie n'est pas en mesure et capable de démontrer hors de tout doute que cette sécurité et confidentialité seront bien assurées, garanties.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation. Moi, je voudrais qu'on regarde un petit peu toute la question de l'authentification de l'identifiant, c'est-à-dire que la Régie émet à chaque citoyen et chaque citoyenne du Québec un numéro d'assurance-maladie. Mais vous savez, je peux être une petite futée et je peux vous demander un, deux, trois numéros d'assurance-maladie. Et comment vous êtes certain que, quand vous accordez un numéro d'assurance-maladie à quelqu'un, vous êtes en mesure de vous assurer que le numéro correspond bien à telle personne plutôt qu'à telle autre et que cette personne-là n'a pas fait la demande à quelques reprises? Parce que je pense qu'on a quand même connu ça dans le passé des personnes qui pouvaient avoir une ou deux cartes d'assurance-maladie comme telle.

M. Dicaire (André): Oui.

Mme Charest: Je sais que vous avez pris des mesures, mais je veux dire... Comment vous faites pour authentifier l'identifiant de façon certaine? C'est quoi, votre processus? Parce que c'est la base de la sécurité.

M. Dicaire (André): Oui, c'est exact. C'est exact. Peut-être demander à M. St-Pierre, qui gère ça sur une base...

Le Président (M. Garon): Êtes-vous capable de contrecarrer les petites futées?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dicaire (André): Je vais passer la parole à M. St-Pierre. Peut-être juste dire auparavant, pour ceux qui n'étaient pas là à ce moment-là, un des problèmes que nous avons – puis à cet égard-là on veut faire la proposition prochainement au gouvernement, après avis de la Commission d'accès – c'est de conserver la photo et la signature. Sans rentrer dans le détail puis donner des idées à des personnes, c'est évident que, quand vous ne conservez pas plus de 30 jours la photo et la signature, il y a un risque de cartes multiples pour un même individu. Je ne vous dis pas que c'est un phénomène qui est généralisé, je ne pense pas. Je pense que c'est un phénomène très très marginal et accessoire, mais il faut être conscient qu'on a dépensé beaucoup d'argent pour mettre en place un système qui se veut rigoureux puis qui veut contrôler l'admissibilité. Cet élément-là mérite, je pense, un correctif au cours des prochains mois. Ceci étant dit, peut-être demander à M. St-Pierre, de façon plus concrète, comment ce système-là fonctionne pour s'assurer qu'il y ait une carte pour un individu avec un identifiant.

M. St-Pierre (Marc): Il faut voir que le numéro d'assurance-maladie est bâti à partir de l'identité de la personne, c'est-à-dire à partir du nom, du prénom et de la date de naissance de la personne auxquels, à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on ajoute deux chiffres valideurs pour s'assurer, entre autres, des jumeaux mécanographiques. Et le numéro d'assurance-maladie, il est vraiment unique et il est unique à chaque personne, étant vraiment construit à partir de l'identité de la personne: nom, prénom et date de naissance. C'est vraiment un numéro unique.

Mme Charest: Oui, mais, moi, je peux vous appeler puis vous faire croire que je m'appelle Marie-Blanche Je-ne-sais-pas-qui, puis je vous donne une adresse et...

M. St-Pierre (Marc): Bon, quand on inscrit une personne à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, il y a un processus d'inscription qui est quand même très rigoureux. On exige de la personne des documents. Si, par exemple, c'est un nouveau-né, les documents nous proviennent directement de la Direction de l'état civil; si c'est l'inscription d'une personne, d'un nouvel arrivant au Québec ou même d'un citoyen – parce que ça arrive, d'un résident québécois qui ne s'est jamais inscrit – on exige à ce moment-là des preuves, des originaux, des documents d'identité de la personne comme un certificat de naissance, les documents d'Immigration Canada. Il y a vraiment, là, une vérification qui est faite de l'identité de la personne avant qu'on compose le numéro d'assurance-maladie et qu'on émette par la suite une carte.

Mme Charest: Merci. Je reviendrais à M. Dicaire. M. Dicaire, la Régie de l'assurance-maladie du Québec possède un des plus gros fichiers au Québec. Il y en huit, entre autres, de clairement identifiés. Ce que vous nous dites, c'est qu'on ne peut avoir le dossier médical d'une citoyenne ou d'un citoyen. Cependant, avec la carte-santé que vous voulez mettre de l'avant, à partir de l'expérience de Rimouski... Si j'ai bien compris, la carte-santé du projet-pilote avait, sur une certaine plage de la carte, des données, des diagnostics sur l'historique médical du patient et là, parce qu'on peut perdre la carte et que ça pose des problèmes pour rebâtir le fichier individuel d'un porteur de carte, vous parlez de centraliser ça – est-ce que je vous ai bien compris? – dans un autre système qui pourrait être une banque de données centrale ou si...

M. Dicaire (André): L'architecture reste à faire pour définir de façon très particulière la manière dont les choses fonctionneraient. Ce qu'on sait déjà, c'est que l'information à laquelle vous vous référez, on appelle ça l'information clinique – donc vous allez chez un médecin, vous allez au centre hospitalier, vous allez dans un CLSC – mais de l'information clinique santé. Cette information-là, contrairement à Rimouski, serait banquée quelque part. Elle serait emmagasinée, elle pourrait demeurer au centre hospitalier, elle pourrait demeurer au cabinet privé, elle pourrait demeurer dans un CLSC. Et la carte-santé, la puce, ce qu'elle permettrait, c'est d'aller chercher, par un index, par un pointeur, l'information là où elle se trouve.

Donc, même si vous perdez votre carte, il n'y a pas d'information santé ou clinique sur la carte, puis, pour qu'elle puisse fonctionner, ça prend aussi la carte du professionnel. Donc, sur la carte à puce, si on essaie un peu de se projeter, vous avez la photo, la signature puis une puce. Vous la perdez. Ça vous prend un lecteur de puce puis ça prend une carte de professionnel, puis là vous entrez dans une banque de données qui peut être la banque de données de la Régie, qui peut être la banque de données du MSSS, qui pourrait être une banque de données centralisée qui ramasse un certain nombre d'informations – tout ça reste à établir – et qui permettrait d'aller chercher sur écran notamment cette information-là qui n'est pas sur la puce. La puce, elle vous donne un accès sécuritaire à de l'information qui se retrouve, appelons ça, dans un point de services quelconque.

Mme Charest: En quoi la sécurité serait améliorée? Je pense que ce que vous nous expliquez nous donne des éléments en termes d'efficacité et d'efficience pour les utilisateurs, autant chez le professionnel que chez les consommateurs de services. Mais en quoi la sécurité serait augmentée par rapport à ce que vous voulez faire, par rapport à ce qui existe sur la carte-santé présentement?

M. Dicaire (André): La carte d'assurance-maladie?

Mme Charest: Non, la carte-santé.

M. Dicaire (André): Ah, la carte... celle de Rimouski?

Mme Charest: Oui.

M. Dicaire (André): Ah, c'est parce que, technologiquement...

Mme Charest: Oui, il y a de l'avancement, il y a des changements différents.

(16 h 20)

M. Dicaire (André): Oui, je pense bien que se lancer dans une carte à microprocesseur où on mettrait l'information sur une puce... en tout cas, je pense bien que ça va nulle part puis pour les raisons tantôt qu'évoquait le député. Il faudrait restocker ça ailleurs, cette information-là, dans l'hypothèse où la carte se perdrait. On se retrouve, je ne dirais pas dans un cul-de-sac mais dans un cheminement qui mène nulle part. Donc, il faut trouver une autre façon et, si on regarde un peu ce qui se passe ailleurs dans le monde, la tendance lourde, c'est une carte à microprocesseur qui est une carte-index qui vous donne accès à de l'information qui est procédée ailleurs. Si en plus cette banque de données là est anonyme, ce qu'on a développé, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de noms dans la banque, quelqu'un qui rentre dans la banque ne peut avoir le nom puis le fichier médical. Si quelqu'un réussit entre, appelons ça, la banque puis le point de service, à intercepter ce qui passe, ce qu'on pourrait appeler sur le fil, là non plus, il n'y a pas de noms ni de données médicales qui vont ensemble.

Donc, là aussi, c'est très sécuritaire. Puis la carte comme telle est en soi sécuritaire, c'est-à-dire qu'elle a sa photo, elle a sa signature, elle est portée par l'individu puis pour fonctionner, ça prend une deuxième carte, celle du professionnel de la santé. Donc, je vous dirais: C'est sans doute moins risqué que de transmettre, ce que j'ai fait la semaine dernière, ma réclamation de frais pharmaceutiques à ma compagnie d'assurance SSQ. Vous prenez tout ce que vous avez consommé en médicaments, vous mettez ça dans une enveloppe, les documents papier, puis vous envoyez ça par la poste puis ça arrive à quelque part sur un bureau. Vous ne savez pas qui va recevoir ça. Vous ne savez pas le gars ou la fille qui ouvre ça le donne à qui, ça circule entre les mains de qui, etc, etc. Je dirais que c'est une relation de confiance que j'ai faite et que je fais à l'égard de mon assureur. Mais, quand c'est papier, on ne s'interroge pas puis on n'interpelle pas la sécurité ni la confidentialité. Je vous dirais qu'à plusieurs égards c'est plus inquiétant et plus risqué quand c'est papier.

Je vais vous donner l'exemple de ce qu'on fait actuellement dans la communication interactive. Entre deux points de service, entre la pharmacie puis la RAMQ, vous avez un voyage de deux secondes de l'information. Il n'y a pas de manipulation de la donnée. La donnée en encryptée, elle est protégée à la RAMQ, etc. Elle est banquée chez nous. C'est évident que j'ai un fichier de consommation pharmaceutique qui touche 3 000 000 de personnes maintenant avec le régime général d'assurance-médicaments. Il faut avoir des systèmes, il faut avoir des processus, il faut avoir des règles, il faut avoir des politiques puis il faut avoir confiance aux gens qui gèrent ça.

Ceci étant dit, je ne suis pas convaincu que, quand on parle de ces systèmes informatiques et de la donnée informatique qui voyage aujourd'hui, c'est plus risqué, ça met plus en péril la sécurité et la confidentialité qu'un document papier. C'est ça qu'il faut toujours un peu relativiser. On se sent toujours un peu insécure quand on tombe dans l'informatique, mais à certains égards je vous dirais que c'est sans doute souvent plus sécuritaire.

Mme Charest: Merci. Dans un autre ordre d'idées rapidement, je voudrais vous demander: Si je suis à l'emploi de la RAMQ et que je suis une préposée dans les dossiers et que par pure indiscrétion je décide de vérifier ce que mon collègue a eu comme interaction avec la RAMQ, est-ce que vous êtes en mesure de vérifier, de façon quotidienne, serrée, le pourquoi j'ai eu accès à son dossier? Est-ce que vous avez un système par rapport à ça, pour vérifier qui est allé, dans quel but et est-ce que c'était justifié ou pas?

M. Dicaire (André): Oui. C'est une très très bonne question, là, puis la confiance des citoyens doit, entre autres, reposer sur ce que je disais tantôt, sur des politiques, sur des pratiques, sur des règles qu'on s'est donnés. Et c'est important de vous dire... Peut-être juste vous donner comme exemple, je suis président de la Régie de l'assurance-maladie et, moi, je n'ai pas de code d'accès qui me permet d'aller dans le fichier du bénéficiaire. Je n'ai pas de code d'accès qui me permet d'aller dans le fichier du professionnel de la santé. Je ne pourrais pas à partir de mon bureau puis de mon micro de dire que j'aimerais ça que le médecin X que je connais bien, savoir combien il gagne. Je ne peux pas rentrer là-dedans. Je n'ai pas accès à ça. Ceci pour vous illustrer que tous les employés de la Régie, incluant le président, n'ont pas nécessairement accès aux renseignements détenus par la Régie. L'exemple que vous donnez, je ne suis pas sûr d'abord que vous avez eu cette autorisation.

Deuxièmement, les catégories d'employés qui ont besoin, pour l'exercice de leur fonction, d'information, bien sûr qu'on leur donne un accès à ces données. Mais là aussi, ce n'est pas toutes les données auxquelles ils ont accès, c'est seulement les renseignements qui leur sont nécessaires pour exercer leur fonction. Une fois qu'on arrive à ça, il y a, pour chacun des employés qui doivent avoir accès à de l'information, un code d'identification personnel. Ça, c'est important. Il y a un mot de passe. Je le disais tantôt, ce mot de passe là, il change à tous les 30 jours. L'accès aux données est autorisé par le secteur qui est détenteur de la donnée puis ça doit être autorisé par son supérieur immédiat. On s'est donné des règles très très sévères. Puis, en plus, on a une journalisation. Si vous allez dans le fichier des bénéficiaires, si on ne vous a pas donné d'accès au fichier, vous allez avoir un refus. Puis, après trois refus, vous sortez du système, et là, on voit que vous avez essayé de rentrer dans un fichier pour lequel vous n'aviez pas accès. Déjà ça, ça fait partie des rapports. Mais, même lorsque vous allez notamment dans le fichier des bénéficiaires pour aller voir l'adresse, aller voir le statut, etc., je dirais, ça, c'est journalisé. Donc, on peut savoir qui est allé dans le fichier puis ce qu'il est allé chercher. Puis, si vous êtes allé 10 fois, 50 fois ou 100 fois dans la journée dans le même fichier, on va le voir. Et sur une base périodique – disons qu'on se donne une période de trois mois – de trois mois en trois mois, on fait l'évaluation de ce qu'on appelle la journalisation. On fait l'évaluation de qui a fait quoi, là, puis combien. Puis à partir de cette évaluation-là, s'il y a eu, disons, des dérapages ou s'il y a eu des actions qui nous semblent suspectes, il y a des actions qui sont entreprises, puis il y a un suivi sur ces actions-là. C'est fondamental qu'on puisse avoir des codes d'identification, des mots de passe, une journalisation.

Puis je dois vous dire, même encore cette semaine, pour vous montrer que... puis je dirais que c'est une pure coïncidence, là, ça n'a pas été préparé, là, en fonction de... on a une campagne de sensibilisation à la sécurité informatique pour tout le personnel, qui se tient du 17 au 21, c'est-à-dire que ce n'est pas juste une question de code d'accès, etc. Il y a une question aussi de formation de personnel puis d'éthique aussi de la part de notre personnel. On s'est donné des politiques générales sur les renseignements nominatifs; on s'est donné une politique sur la sécurité, sur l'action donnée, sur les virus informatiques, sur la sécurité dans les télécommunications, sur la continuité informatique. Donc, il y a un ensemble de mesures, disons, qui ont été mises en place pour faire en sorte qu'on puisse avoir la meilleure sécurité et confidentialité là-dessus. Puis, je dois vous dire qu'en 25 ans je n'ai... Puis, moi, je ne suis pas là depuis 25 ans, mais, quand vous regardez l'histoire de la Régie, je pense bien qu'il n'y ait jamais eu de bavure ou de bévue, disons, qui ont été mises sur la place publique en termes de sécurité et de confidentialité.

Mme Charest: Merci, M. Dicaire.

M. Dicaire (André): Merci.

Le Président (M. Garon): Bon, alors, là, il reste six minutes aux libéraux. Puis, j'ai deux intervenants – ça fait que je vous le dis tout de suite – là: M. le député d'Argenteuil et M. le député de Chomedey. Ça fait que je vous le dis d'avance pour ne pas que vous soyez coincé comme l'a été le député de Nicolet-Yamaska.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Faut-il croire que les femmes ont tendance à parler plus longtemps?

Mme Charest: M. Beaudet.

Le Président (M. Garon): Ce sont des petites futées.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. À la page 21, vous parlez: «Il nous semble que, s'il devait y avoir une carte d'identité obligatoire, et encore faut-il en faire la démonstration sur la nécessité objective, la carte-santé ne pourrait jouer ce rôle.» Ce matin, on a eu des démonstrations par Hydro-Québec: combien la confidentialité peut être très marginale avec les capacités de l'ordinateur. On sait aussi la capacité de l'inforoute avec les puces qui deviennent de plus en plus performantes et qui peuvent storer de plus en plus d'informations. On connaît aussi la capacité sur une carte de mettre un grand nombre de tiroirs avec des clés et de la personne en possession et de la personne utilisatrice. Pourquoi vous pensez que la carte d'identité ne pourrait pas jouer ce rôle-là et contenir à la fois une puce pour santé, une pour ci, une puce pour ça de sorte que tout pourrait être sur une même carte avec différentes clés d'entrée par les gens qui en ont besoin et auxquelles personnes le propriétaire de la carte donne la possibilité d'utilisation?

M. Dicaire (André): Oui.

M. Beaudet: Parce qu'on pourrait avoir une carte avec tout dessus, là.

M. Dicaire (André): Ah, oui, oui. C'est exact. Je vous dirais que techniquement ou technologiquement, c'est sans doute possible, là. Dans l'état actuel de la technologie et de la technique, là, si on décidait sur le plan gouvernemental d'avoir une seule carte puis de tout mettre sur cette carte-là, avec les puces comme vous dites, réserver des espaces ou des sites sur la puce, c'est vrai. C'est très vrai. C'est très possible. Aucun problème là-dessus, je dirais. Donc, en principe, c'est possible. Bon, maintenant, je dirais: Est-ce que c'est souhaitable? Or, nous, l'analyse qu'on en fait, la réponse, c'est: Non. Bon, je dirais que c'est déjà un gros défi d'intégrer tous les besoins qui sont actuellement identifiés dans le secteur de la santé et de réunir ça dans un seul bloc et d'avoir une carte et un identifiant qui permettent de gérer ça. C'est déjà en soi, là, un défi considérable. Je dirais un défi aussi en termes de sécurité et de confidentialité. Donc, si on dit: Bien, regarde, on pourrait faire autre chose, on pourrait mettre d'autre chose aussi, à côté: le permis de pêche, de chasse, le permis de conduire... On pourrait mettre même aussi le système bancaire là-dessus, etc.

(16 h 30)

Je dirais que le gros défi que vous avez, c'est toute la question de relation de confiance entre ce que vous faites, disons, puis ce que les citoyens perçoivent. C'est-à-dire que vous avez beau leur dire que technologiquement, c'est organisé de façon telle que la police qui va intercepter la carte dans laquelle il y a le permis, elle ne pourra pas rentrer dans votre bilan de santé. Je ne suis pas sûr que vous allez réussir, je veux dire, à la convaincre. Donc, je vous dirais que c'est un argument du gros bon sens. Je veux dire qu'il ne faut pas mêler la santé avec les autres affaires, parce que la santé, c'est une donnée trop fragile, trop sensible. Les citoyens, j'en suis convaincu, au Québec et ailleurs dans le monde, n'acceptent pas de mêler ça avec autre chose. Puis c'est tellement vrai que la tendance internationale, à ma connaissance... Je ne suis pas le spécialiste des cartes à travers le monde, mais on n'a pas vu de pays dans le monde qui a fait ça, une seule carte pour l'ensemble de tous les besoins de la société, incluant la santé. Vous pouvez avoir une carte, appelons ça multi-services pour répondre à divers besoins de x, y ou z, mais la santé n'est pas intégrée à cette carte-là.

Nous, on vous dit: Avec l'expérience en plus qu'on a à Rimouski, l'influence que nous avons eue sur les comités européens puis sur le G 7 – ce n'est pas un petit comité, hein, il réunit les sept grands pays – ils ont réfléchi là-dessus, se sont inspirés de l'expérience de Rimouski et ont vu, en fait, tout le caractère d'acceptabilité puis tout ce que les chercheurs qui ont travaillé pour la Régie ont mis en évidence. Or, une des conclusions, c'est justement: C'est déjà un défi en soi de gérer l'information santé, n'allons pas mêler ça avec autre chose. Donc, technologiquement, c'est sans doute possible, mais, en termes de gros bon sens et de capacité de convaincre les citoyens – que ce soit de la Régie ou de la part du gouvernement de convaincre, disons que ça se mêle – je vous dirais: Je pense que ça n'irait nulle part. Puis référez-vous aux tendances internationales puis référez-vous au président de la Commission d'accès à l'information qui, lui aussi, considère qu'on ne doit pas confondre ça avec d'autres cartes. La carte-santé ne sert que pour des soins de santé et ne peut être confondue avec d'autres, sinon ça devient impossible et éventuellement ça devient un non-sens parce que la carte-santé nécessite, etc. Là, il part, lui aussi, à dire: Ça n'ira nulle part là-dessus.

Mais juste le défi de pouvoir mettre en place, d'ici l'horizon 1998, une carte à microprocesseur dans la santé qui va graduellement répondre aux besoins qui ont été identifiés, je dois vous dire que c'est une commande extraordinaire. Et, si un jour le Québec termine avec une carte multi-services excluant la santé puis une carte-santé, qu'il y a deux cartes dans le Québec, je dois dire qu'on va être un modèle à travers le monde, parce que ça aussi, c'est rare que vous retrouvez aussi peu de cartes en circulation. Comme je vous disais tantôt, vous avez 4 300 000 cartes dans les hôpitaux qui sont produites annuellement, donc, si on commence un peu par le commencement, c'est un peu rapide que de mettre tout sur la même carte.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à remercier les représentants de la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour leur présentation et leurs commentaires et leurs réponses nuancés. Ça fait du bien de voir des gens basés sur une telle expérience qui sont capables de voir toutes les nuances d'un problème, et ça semble vraiment être le cas.

J'aimerais vous poser une seule question; le temps manque. Comme mon collègue le député de Jacques-Cartier l'a soulevé tantôt, vous êtes plus que quiconque au courant des différentes affirmations qui ont été faites. Pour avoir pratiqué le droit en pratique privée, je suis vraiment impressionné, pour ne pas dire émerveillé, des informations qui peuvent sortir des avocats de l'autre côté, surtout lorsqu'ils sont payés par la Canadian Medical Protective Association. Qu'est-ce que vous faites pour tester vos coupe-feu à l'interne vous-même? Est-ce que ça vous est déjà arrivé de donner un contrat à quelqu'un de l'extérieur dans un bureau de détective privé et de dire: Essayez donc de trouver mon propre fichier? Parce que, avec tout le respect qu'on vous doit – et ce n'est pas une phrase dite en l'air, on vous doit beaucoup de respect – je ne crois pas que le fait que vous n'ayez pas, M. Dicaire, vous-même accès à une carte veuille dire que la personne qui détient cet accès ne le vend pas. Alors, qu'est-ce que vous faites pour tester vos propres défenses, pour vous assurer que c'est réellement ça?

M. Dicaire (André): Oui. Je n'ai pas l'histoire des 20, 25 dernières années de la Régie – peut-être que de mes collaborateurs pourraient répondre d'une façon plus particulière – mais ce que je voudrais dire au point de départ, c'est que, quand je donnais l'exemple du P.D.G. de la Régie qui n'a pas accès à... mais que d'autres personnes, de par leurs fonctions, ont accès à ces données-là, on n'est jamais à l'abri de gestes isolés puis de fraudeurs, mais c'est vrai, je dirais, dans tous les domaines. Si tel était le cas, et on n'a jamais eu, en 25 ans, de cas semblable qui nous a été rapporté, de gens qui ont vendu, transigé ou trafiqué des données, alors je dirais: C'est déjà une bonne histoire.

Deuxième chose, prenons l'exemple de la communication interactive qui a été mise en place et qui permet d'entrer puis de faire les transactions rapidement. Si quelqu'un essayait de pénétrer ce qu'on appelle «nos ordinateurs Tandem» – parce que c'est de marque Tandem – où l'information pharmaceutique est contenue dans les ordinateurs, il y a un système préventif de détection, parce qu'il est sous surveillance 24 heures par jour. Avec la démonstration, il y a des lumières qui allument pour vous indiquer qu'il y a des gens qui essaient de rentrer dans le... Il a détecté que quelqu'un veut pénétrer dans votre ordinateur, essaie de rentrer là-dedans. Avec les coupe-feu, normalement il ne devrait pas y pénétrer, mais vous n'êtes jamais, là non plus, à l'abri de toute possibilité à cet égard.

Maintenant, on a un système de sécurité informatique qui est en place avec un responsable, avec une trentaine de personnes sectorielles aussi qui assurent, chacun dans leur domaine respectif, que le système, les politiques et les directives qui vont se donner sont respectées. Maintenant, est-ce que quelqu'un de l'extérieur a pénétré dans le gros ordinateur et est aller chercher des données? Est-ce que, comme vous dites, on a confié à un tiers le défi de tenter de passer à travers nos systèmes? Je ne pense pas, mais peut-être qu'on peut le...

Et je dois dire que ces systèmes-là, de façon régulière, soit par le Vérificateur général, soit par la Commission d'accès à l'information, sont interpellés à chaque année. Vous avez des gens soit du Vérificateur ou de la Commission d'accès qui sont venus examiner nos systèmes, examiner la manière dont les choses étaient gérées, et vous arrivez avec des recommandations du Vérificateur général ou de la Commission d'accès à l'information qui vous disent: Votre système est très, très fort et très bon dans tel domaine, mais il a quelques failles, il a quelques déficiences. Or, on vous recommande a, b, c, d. C'est pour ça que je disais dans la présentation: À chaque année, on investit des sommes, et je dois vous dire que la sécurité et la confidentialité, ça coûte cher. C'est très dispendieux. À chaque année, on investit des sommes appréciables pour faire en sorte qu'on améliore de plus en plus, avec aussi le développement des technologies, cette sécurité informatique. Mais, en dehors de ça, je ne pense pas qu'on ait eu recours à un tiers pour tenter de voir si le système était protégé mur à mur. On a quand même des balises qui permettent de détecter.

Le Président (M. Garon): Je remercie M. Dicaire et les gens qui l'accompagnent, M. St-Pierre, M. Pelletier et M. Morency, de leur contribution aux travaux de cette commission.

Maintenant, puisque nous avons écoulé le temps, j'invite la Conférence des régies régionales de la santé à s'approcher de la table des délibérations.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Bon. Je vais vous demander d'accélérer, parce que nous allons manquer de temps tout à l'heure.

Une voix: ...

Le Président (M. Garon): Ha, ha, ha! J'y ai pensé.

Alors, j'aimerais demander à M. Florian Saint-Onge, président de la Conférence des régies régionales de la santé, de présenter les gens qui l'accompagnent, s'il en est, et lui dire que nous avons près d'une heure ensemble, pas tout à fait. Normalement, vous pouvez prendre une vingtaine de minutes pour votre exposé, et le temps qui restera sera partagé également entre les deux partis, le ministériel et le parti de l'opposition. Et, comme nous devons respecter le temps scrupuleusement, je vais demander aux membres de la commission de poser des questions plus courtes, parce que, comme il y a un caucus à 18 h 15, il va falloir libérer la salle vers 18 h 10. Alors, on n'aura pas le choix. M. Saint-Onge, à vous la parole.


Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, Mme, MM. les députés de cette commission, je vous présente mes collègues: à ma droite, notre conseiller juridique à la Conférence des régies, M. Pierre Larrivée; à mon extrême gauche, M. Guy Lavoie, qui est coordonnateur de la recherche en santé publique de la Régie de Québec; et, près de moi, à ma gauche, Dr Jean-Paul Fortin, qui est un médecin-conseil et qui est directeur d'un comité de recherche concernant la carte-santé.

(16 h 40)

M. le Président, la Conférence des régies régionales est heureuse de répondre à l'invitation lancée par la commission de la culture et la remercie de prendre en considération les propos présents au mémoire. Pour les régies régionales, les questions reliées à la transformation d'information concernant la population ainsi que le respect et la protection de la vie privée des individus sont au coeur de leur réflexion. En effet, de par leurs responsabilités, les régies régionales ont à recevoir et à gérer des données sur la population aux fins d'organisation et de planification des services de même qu'aux fins de gestion des ressources. Ces systèmes d'information touchent l'ensemble des responsabilités des régies régionales.

L'évolution importante de la technologie et l'importance de la transmission de l'information dans l'organisation et la planification des services aux citoyens ramènent la réflexion sur les outils d'identification et d'authentification des individus dont la carte d'identité constitue l'un des éléments. Il n'existe pas, au Québec, de mécanisme permettant une identification sans recourir à des documents qui ne sont pas destinés à cet usage. Le déploiement des inforoutes constituera un facteur important dans le développement par les régies régionales d'indicateurs de services permettant de mieux connaître le portrait des besoins des différentes communautés.

Pour les régies régionales le développement de l'inforoute apportera des gains d'efficience significatifs, soit améliorer la planification et l'organisation des services tant au niveau central, régional que local, améliorer la gestion des services dans la perspective d'un réseau intégré de services unissant tous les intervenants, que ce soient les CLSC, les centres hospitaliers, les cabinets privés, etc., et, enfin, d'assurer un meilleur suivi du service clinique de l'usager.

L'accès aux services par liens électroniques nécessite la mise en place de nouveaux moyens de sécurisation des transactions, incluant les mécanismes d'authentification. En santé et services sociaux, nous utilisons déjà une carte d'identification depuis plusieurs années et le ministre de la Santé et des Services sociaux a l'intention d'instaurer une carte d'assurance-maladie avec microprocesseur pour l'an 1998. Dans ce contexte, la Conférence des régies régionales désire exprimer certains commentaires quant à l'existence d'une carte d'identité universelle et émettre certaines orientations quant à la carte à microprocesseur.

Certains constats sur la situation présente. Dans un premier temps, il y a lieu de s'interroger sur les raisons qui commandent les besoins d'identification des individus. Pour le réseau de la santé et des services sociaux, les objectifs recherchés peuvent se résumer ainsi: s'assurer de l'éligibilité de l'utilisateur du service, identifier les situations frauduleuses, permettre une meilleure planification des services et une meilleure évaluation des résultats, améliorer la gestion des services, accélérer la prise en charge de l'usager, effectuer un meilleur suivi des utilisateurs de services, augmenter la qualité des services à des coûts moindres et faire une dispensation des services à valeur ajoutée.

La carte d'assurance-maladie constitue, dans les faits, surtout depuis l'ajout de la photo, une manière privilégiée d'identification des individus. Bien que la Conférence soit consciente que la carte d'assurance-maladie représente actuellement le document d'identification le plus reconnu et le plus demandé par les organismes et les commerçants, nous ne favorisons point cette orientation. Cette pratique nous apparaît plus dangereuse, à partir du moment où la carte sera munie d'un microprocesseur qui permettra d'obtenir des informations sur l'utilisation des services de santé et des services sociaux d'un citoyen et sur le contenu de son dossier personnel.

Nous ne pouvons imaginer de circonstances où les informations contenues à la carte d'assurance-maladie pourraient être nécessaires à des secteurs d'activité non reliés directement ou indirectement à la santé et aux services sociaux. De plus, en raison de la complexité et de la sensibilité entourant l'information sur la santé, nous croyons que la carte-santé ne doit servir qu'à cette fin, dans le respect de la relation de confiance qui doit exister entre le citoyen et le professionnel de la santé. Pour ces raisons nous favorisons l'instauration d'une carte d'identité afin que la carte d'assurance-maladie ne serve plus à cette fin. Une carte d'identité universelle comprenant les informations fondamentales d'un individu, tels son nom, sa date de naissance, sa photo, son adresse, permettrait de répondre aux nombreux besoins d'information tout en simplifiant considérablement certaines obligations des citoyens.

Une carte d'identité semblable pourrait également contenir un élément d'authentification comme les empreintes, le numéro d'identification personnelle, la signature électronique, etc., afin d'éviter les utilisations frauduleuses et la contrefaçon. Cette carte pourrait donc répondre à une demande du Directeur général des élections pour les besoins de l'identification des électeurs. Ceci permettrait de diminuer les coûts reliés à la constitution des listes électorales tout en diminuant les possibilités de fraude, ce qui offre des garanties supplémentaires pour le caractère démocratique d'une consultation générale et d'un scrutin.

Nous sommes sensibles à cette requête du Directeur général des élections et nous l'appuyons. Nous sommes en effet concernés par cette démarche, les régies régionales étant responsables de l'application de la réglementation relativement à l'élection des membres des conseils d'administration des établissements publics. Lors de la dernière procédure tenue l'automne dernier, l'une des critiques majeures du processus était étroitement liée à l'impossibilité de vérifier et de valider l'identité d'un électeur. Il faudrait également supporter l'instauration de la carte d'identité par une législation prévoyant son utilité et interdisant la pratique d'abus auprès des citoyens. De plus, la carte que nous suggérons ne doit pas devenir une carte multi-services mais contenir uniquement les données de base concernant un individu.

Il ne faut pas que cette carte autorise le couplage de fichiers d'information lorsqu'un tel couplage est fait sans justification. Cette carte ne doit pas non plus devenir une carte de services universelle. Il est essentiel que chaque secteur conserve une carte d'utilisation de ces services. Quant à nous, puisque nous possédons déjà une carte d'utilisation des services, c'est cette dernière que nous recommandons d'utiliser pour l'identification.

En résumé, nous proposons donc l'instauration d'une carte d'identité universelle incluant les informations de base sur un individu. À notre connaissance, cette orientation va dans le sens de ce qui existe dans plusieurs pays du monde – nous vous référons ici à la Commission d'accès à l'information. Un tel document aurait la qualité de solutionner certains problèmes actuels relativement à l'identification des personnes. Il faudra préalablement procéder à une analyse des gains en efficacité des processus administratifs et des coûts avant de mettre en place ce moyen d'identification.

La transmission, maintenant, de l'information. L'évolution percutante de la technologie et les défis provoqués par le contexte budgétaire de l'État amènent le gouvernement à appliquer des critères d'accessibilité aux services en respect des règles et des normes. En effet, il est important d'identifier les personnes qui n'ont pas droit aux services pour permettre une utilisation optimale par les contribuables qui ont ce droit. De plus, les régies régionales ont besoin de se servir de cette technologie afin d'obtenir et d'échanger l'information nécessaire à une meilleure organisation, planification et gestion des services, ce qui apporte pour les citoyens une meilleure qualité des services. Nous croyons que cette transmission d'information doit servir les intérêts des citoyens et non pas la volonté d'un État en quête de renseignements sur les individus.

Le rapport du Vérificateur général pour l'année 1995-1996 soulève certaines inquiétudes quant à des couplages de fichiers détenus par des organismes différents. En même temps que le citoyen exige le respect de sa vie privée, il est un payeur de taxes lourdement soumis à un régime fiscal important en raison du taux d'endettement de l'État. Il exige donc une gestion efficace des programmes publics, laquelle passe par une meilleure utilisation de l'information. Il est important d'inscrire la carte à microprocesseur dans cette double préoccupation: l'une qui renvoie à une valeur fondamentale que constitue le respect de la vie privée, l'autre à des motifs d'efficacité dans l'organisation des services.

Tant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé énoncent le principe de la confidentialité des renseignements personnels que détiennent les organismes ou les individus. Ces législations accordent aussi à toute personne le droit d'accès aux renseignements la concernant ainsi que le droit d'exiger la rectification de tels renseignements s'ils sont inexacts, incomplets ou équivoques ou que leur cueillette, leur communication ou leur conservation ne sont pas autorisées par la loi. Ces principes sont confirmés par la consécration dans les chartes du droit fondamental au respect de la vie privée.

(16 h 50)

La Conférence des régies régionales adhère pleinement à ces principes prépondérants qui doivent être les guides et les phares de l'implantation de tout système d'information. Il faut donc porter une attention particulière au jumelage systématique de tous les fichiers vers un secteur d'activité sans que cette information ne soit pertinente à ce secteur et sans que l'individu ne soit mis au courant de ce jumelage. L'instauration de meilleurs contrôles de revenus et dépenses de programmes, la rationalisation des ressources, la lutte à l'évasion fiscale et l'amélioration de la qualité des services aux citoyens ne doivent pas inciter les organismes du secteur public à accroître les échanges d'information sans que les questions reliées au respect de la vie privée ne soit étudiées minutieusement.

Dans un contexte de réduction du déficit et de recherche de l'équilibre budgétaire, le discours d'efficacité devient primordial et il y a alors le risque que les spécialistes de la technologie oublient les droits fondamentaux consacrés dans les textes législatifs. En conséquence, il faut s'assurer qu'un organisme comme la Commission d'accès à l'information possède tous les mécanismes de vérification nécessaires à la protection des droits des individus. Enfin, il est nécessaire que ces mécanismes d'habilitation soient mis en place de façon à éviter un accès abusif par les utilisateurs de l'information.

La carte à microprocesseur, maintenant. Appuyer la création de mécanismes de prise d'information fondée sur un système de cartes à microprocesseur permet de concilier les deux grandes préoccupations des régies régionales: d'une part, elle offre des mécanismes de sécurité qui garantissent la confidentialité des données; d'autre part, la carte-santé à microprocesseur favorise une circulation de renseignements de santé pertinents selon les responsabilités reconnues des utilisateurs de systèmes d'information, notamment par la constitution de banques de données uniformisées. Pour sécuriser et uniformiser les systèmes d'information, il devient cependant nécessaire de réviser l'architecture globale du système et de corriger certaines lacunes, dont la multiplication des entrepôts de données et la non-compatibilité des systèmes. Quant à cette architecture globale, la carte à microprocesseur peut être un élément structurant qui favorise le déploiement d'un système intégré et sécurisé des systèmes d'information. Enfin, il faut préciser que l'émission de cartes-santé à microprocesseur par la RAMQ devrait commencer en janvier 1998, opération qui contribuera à la mise en place des assises d'un système de cartes-santé à l'échelle du Québec.

Un des attributs importants du système de cartes à microprocesseur se retrouve dans la sécurisation des accès aussi bien dans un contexte d'inforoute que dans un contexte de dossiers portables. À ses débuts, à tout le moins au Québec, le projet des cartes à microprocesseur s'articulait autour d'une déconcentration de l'information. L'individu était alors le transporteur de son dossier, évitant du coup le raccordement de banques de données dispersées géographiquement et la constitution de fichiers centraux. Aujourd'hui, avec le développement de la télématique, l'utilité des cartes à microprocesseur tend à déborder le concept de dossier portable pour devenir également un mode sécurisé d'accès à l'inforoute. Il est devenu possible de sécuriser l'accès aux banques de données extérieures aux cartes de façon aussi stricte que puisse l'être l'accès aux données entreposées dans ces cartes.

Enfin, la carte peut représenter un outil de contrôle de l'information et de consentement entre les mains de l'usager, notamment en ce qui concerne l'accès à des renseignements de santé dans un contexte d'inforoute. Il faut préciser qu'un consentement explicite de l'usager est obligatoire pour télécommuniquer des renseignements de santé d'un point de services à un autre. Dans le secteur de la santé, le déploiement d'une carte à microprocesseur peut contribuer à l'intégration des systèmes d'information et ainsi favoriser la circulation de l'information, condition essentielle au déploiement de l'inforoute. La carte à microprocesseur rendra possible cette intégration grâce à une saisie à partir d'une source d'information riche, soit la rencontre entre le professionnel et l'usager, grâce encore à une uniformisation de format et du contenu des données entreposées, grâce aussi à une réduction du nombre à la fois de banques de données et de systèmes qui les exploitent.

Comme outil d'intégration, la carte à microprocesseur peut faciliter d'abord la communication de l'information entre une pluralité d'intervenants – médecins spécialistes ou généralistes, pharmaciens, personnel infirmier et autres – deuxièmement, la prise en charge rapide de l'usager et, enfin, l'intégration au processus de décision clinique de connaissances scientifiques par l'utilisation d'outils de connaissances informatisés, comme les aides à la décision, pour détecter instantanément les incompatibilités ou les duplications entre les traitements – exemple, les mauvaises interactions médicamenteuses – et entre les traitements et les diagnostics.

Comme nous venons de l'exposer, la carte à microprocesseur deviendra un outil indispensable de transmission de l'information, assurant du même coup la confidentialité des différentes données recueillies. Pour la Conférence des régies régionales, il faut appliquer les principes de sécurité de la vie privée en fonction des réalités actuelles et non de celles d'il y a 20 ans. Aujourd'hui, le citoyen demande le respect de son droit à la vie privée mais exige également du gouvernement une gestion plus efficace des ressources avec une augmentation continuelle de la qualité des services. Ceci passe inévitablement par une meilleure information portée à la connaissance des différents intervenants et du citoyen concerné.

Pour ce qui est des craintes relatives à la connaissance par l'État de renseignements personnels sur les individus, nous croyons qu'elles doivent être considérées comme les repères permettant d'éviter les abus. Certains organismes, tels le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général et surtout la Commission sur l'accès à l'information, représentent les promoteurs et les protecteurs des droits des citoyens. D'ailleurs, comme c'est le cas actuellement, la Conférence recommande que l'instauration de tout système d'information se fasse en collaboration avec la Commission d'accès à l'information. Ceci amènera sans doute une interprétation plus adaptée des critères inscrits à la loi favorisant l'instauration d'une carte-santé à microprocesseur et permettant ainsi aux administrations et aux professionnels de la santé et des services sociaux d'offrir à la population des services plus pertinents, d'une meilleure qualité, d'une plus grande accessibilité et à des coûts moindres. Tel est le défi que la population nous demande de relever.

En conclusion, M. le Président, à l'aube du prochain millénaire, nous ne pouvons nier l'importance de la technologie sur les différents éléments de la vie quotidienne. L'augmentation de la concurrence et l'élimination des barrières tarifaires imposent au gouvernement et aux administrations publiques d'être plus compétitifs et donc plus efficaces. À notre avis, cette plus grande efficacité passe par de nouveaux mécanismes d'identification et de transmission de l'information.

La Conférence des régies régionales souscrit à l'idée qu'une carte d'identité universelle puisse être instaurée par le gouvernement. Cette carte comprendrait les données de base sur un individu, tels le nom, la date de naissance, le sexe, la photo et l'adresse. Elle contiendrait également un élément d'authentification comme l'empreinte ou un numéro d'identification personnelle, permettant ainsi de s'assurer de l'identification de l'utilisateur et de diminuer considérablement, voire éliminer les situations frauduleuses. Cette carte réduirait les problèmes que nous connaissons actuellement reliés à l'identification des individus et éviterait d'utiliser des documents non destinés à cette fin. Nous rejetons toutefois l'idée d'une carte multi-services comprenant différentes informations touchant à divers secteurs, pour des raisons de sécurité relativement à la vie privée des personnes.

Pour la Conférences des régies régionales, il demeure important de conserver pour chaque secteur une carte d'utilisation des services. Nous préconisons également une grande prudence quant à l'évolution rapide des échanges d'information entre les différents organismes autres que ceux nécessaires à une meilleure efficacité dans la gestion des programmes. Il faut donc revoir le cadre d'évaluation de la Commission d'accès à l'information de façon à autoriser une collecte et un échange de données qui permettront aux citoyens, tout en assurant le respect de leur vie privée, d'obtenir des meilleurs services à des coûts moindres. Je vous remercie de votre attention, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): Ah, il y aura à peu près, donc, une quinzaine de minutes, maximum, par groupe. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.

(17 heures)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Merci, M. Saint-Onge. Dans votre présentation, dans l'introduction, au quatrième paragraphe – je vous cite – vous dites: «Le déploiement des inforoutes constituera un facteur important dans le développement, par les régies régionales, d'indicateurs de services permettant de mieux connaître le portrait des besoins des différentes communautés. Pour les régies régionales, le développement de l'inforoute apportera des gains d'efficience significatifs...» À la page 3 de votre mémoire, dans l'énumération des objectifs, il y a un objectif où vous parlez d'effectuer un meilleur suivi des utilisateurs de services. Ensuite, à la page 9, à la fin du premier paragraphe, vous dites: «De plus, les régies régionales ont besoin de se servir de cette technologie afin d'obtenir et d'échanger de l'information nécessaire à une meilleure organisation, planification et gestion des services, ce qui apporte pour les citoyens une meilleure qualité des services.»

Moi, je lis ça puis j'ai une question, dans le fond, très courte à vous poser: Est-ce que c'est possible qu'à partir des informations que la Régie de l'assurance-maladie possède une régie puisse demander de nous faire le portrait d'une région quelconque, exemple, à savoir si l'indice de cancérologie est plus important dans telle région du Québec par rapport à telle autre région?

M. Lavoie (Guy): Vous me permettrez de répondre. Je pense qu'il faut juste clarifier quelque chose en commençant: il y a la notion de traceur d'information qu'il faut identifier par rapport à suivre un individu. Dès le point de départ, il y a besoin de s'assurer qu'on puisse voir la consommation des services sans nécessairement savoir qui a utilisé le service, d'abord qu'on a un profil de l'usager. Ce dont il est question ici, c'est donc d'être capable de tracer une consommation de services, mais sans jamais, dans un mécanisme, contrairement à ce qu'on a déjà en place actuellement par le numéro d'assurance-maladie... plutôt être capable de générer un traceur non réversible qui ne pourra jamais, au grand jamais... et qui aura besoin de vérification pour faire en sorte de remonter à cette personne-là. Donc, il y a un besoin, pour les besoins que vous identifiez, de tracer des consommations de services, mais sans jamais remonter à l'individu, et c'est ce dont il est question.

Si vous référez à ce qui existe actuellement, actuellement les fichiers sont ainsi différenciés qu'on a un fichier d'hospitalisation, un fichier des décès, un fichier des tumeurs, un fichier de consommation des médicaments qui font qu'on n'est pas capable d'avoir un épisode de soins; on est incapable de tracer un individu. On a des décès, on a des tumeurs, on a des hospitalisations non reliables en travers eux. Si un système pouvait être construit sans personnaliser au grand jamais – c'est la position qui a été exposée – les individus, c'est dans ce système-là qu'on s'inscrit. Donc, si on a la capacité...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): En fait, ma question, est-ce qu'elle est réaliste ou est-ce qu'elle... Est-ce que c'est possible qu'actuellement vous puissiez...

M. Lavoie (Guy): Générer des clés qu'on appelle «irréversibles»? Oui, il est possible de générer des clés qui ne remontent pas à la source de qui est l'individu grâce au microprocesseur à chiffrement unique.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Donc, vous êtes capables actuellement de... J'emploie un exemple comme ça, là. Dans les années vingt, trente, quarante, bon, il y avait de l'industrie chimique dans telle région; exemple, la région de Shawinigan. Est-ce que vous êtes capables de retracer l'incidence au niveau du cancer du foie dans cette région-là comparativement à la région de Saint-Hyacinte, supposons?

M. Lavoie (Guy): Est-ce que vous posez une question sur le passé, les études épidémiologiques possibles, les études d'incidence de maladies versus ce qui est en construction et ce qui est proposé à l'aide de la carte à microprocesseur? Si vous pensez par rapport à ce qu'il y avait dans le passé, il n'est pas possible facilement d'identifier les individus dans le fichier des tumeurs. Il existe pour le fichier des tumeurs, mais on n'ira pas jusqu'à un épisode de soins ou un profil épidémiologique plus complet. Ce qu'on fait, à ce moment-là, c'est qu'on fait une étude avec un protocole, puis on recherche les variables et on essaie d'identifier les familles porteuses. On fait une enquête pour être capable de faire vraiment une étude adaptée à cette... Mais là c'est pour ça que je veux différencier les deux. Est-ce que vous parlez du passé ou vous me parlez de ce dans quoi la Conférence des régies s'inscrit, le processus de la suite à l'aide d'une carte à microprocesseur et la constitution d'un système de données?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bien, en fait, je parle peut-être des statistiques actuelles, supposons, depuis cinq ans. L'incidence au niveau des maladies, je ne sais pas, moi, de tel organe est plus importante dans telle région par rapport à telle autre; est-ce que vous êtes capables d'avoir le portrait actuellement pas mal exact?

M. Lavoie (Guy): Actuellement, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui?

M. Lavoie (Guy): Le fichier des tumeurs permet ce genre d'études là. Les chercheurs vous diront que ce n'est jamais parfait, là... Ha, ha, ha!

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non, je comprends. Puis tantôt, quand les gens de la Régie de l'assurance-maladie étaient là, j'avais une question à leur poser, entre autres, à propos des dossiers médicaux. Peut-être que vous pouvez me répondre là-dessus. Est-ce que c'est possible pour moi d'aller vérifier si mon dossier a été consulté?

M. Saint-Onge (Florian): À quelle place?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): À la Régie de l'assurance-maladie.

M. Lavoie (Guy): Ça, je ne pourrais pas vous répondre, c'est le...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous ne pouvez pas me répondre?

M. Lavoie (Guy): Non.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est sûr que, vous autres, vous n'êtes pas...

M. Lavoie (Guy): Je suis de la santé publique, là, je ne suis pas à la RAMQ.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non, non. Je comprends très bien, sauf que... En tout cas. Vous avez accès quand même et vous êtes peut-être un spécialiste de ces domaines-là, mais...

M. Lavoie (Guy): Au niveau de la sécurité de ces domaines-là, mais, au niveau de la question, si vous, bénéficiaire, voulez savoir cette interrogation-là, je pense qu'en entrée de jeu M. Dicaire a précisé qu'on ne donnait pas ce type d'information là. C'est dans le début de son texte.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K.

M. Fortin (Jean-Paul): Puis je rajouterais aussi: Les diagnostics à la Régie d'assurance-maladie ne sont pas inscrits systématiquement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non, non. Je comprends. Mais l'essentiel de ma question – c'était juste une parenthèse – c'était à savoir le portrait type d'une région par rapport à une autre. Ça, il est possible actuellement...

M. Lavoie (Guy): Bien, je veux juste nuancer votre question. Ha, ha, ha! C'est que portrait type par hospitalisation différencié de portrait type de tumeurs, de décès, de consommation de médicaments...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Exemple, au niveau de la génétique, peut-être telle incidence génétique dans telle région, exemple, au Lac...

M. Lavoie (Guy): Pas de fichier des génétiques.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, mais, je veux dire, il me semble que l'année passée j'avais écouté un reportage. Dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, il y a un type de...

M. Lavoie (Guy): On essaie de tracer l'hérédité de certaines maladies, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...je ne sais pas, d'hérédité qui se retrouve juste dans cette partie-là, peut-être à cause de la consanguinité. Mais ça, c'est possible pour vous autres de vérifier ça.

M. Lavoie (Guy): Ça, ce n'est pas des banques de la Régie de l'assurance-maladie, c'est des banques d'un chercheur à l'Université du Québec à Chicoutimi qui constitue un fichier de l'hérédité et qui essaie de suivre les familles. À ce moment-là, vous ne parlez pas du fichier de la Régie de l'assurance-maladie, vous parlez d'un chercheur qui s'est construit une banque à force d'entrevues et en consultant les arbres généalogiques.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Mais ça ne veut pas nécessairement dire que la régie régionale de l'endroit a ces indications-là. Non.

M. Fortin (Jean-Paul): Puis il y a des conditions et des critères pour aller les chercher.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K.

M. Fortin (Jean-Paul): Il n'y a pas de noms qui sortent, là. Il n'y a pas des...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non. Ça va.

M. Fortin (Jean-Paul): On peut avoir un profil, mais on n'est pas capable d'identifier les gens.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Merci.

M. Saint-Onge (Florian): Il faut dire aussi que les régies ne sont pas là depuis longtemps. Ça ne fait pas cinq ans encore.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pardon? Excusez-moi.

M. Saint-Onge (Florian): Il faut vous rappeler aussi que les régies ne sont pas là depuis longtemps.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non, non. Je comprends très bien.

M. Saint-Onge (Florian): Ça ne fait même pas cinq ans.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: M. le Président, merci aux représentants de la Conférence des régies régionales. Je veux revenir sur la question de vos besoins à vous. Parce que, si j'ai bien compris, on a parlé de la carte-santé peut-être avec un microprocesseur. Je pense que vous avez entendu la présentation qui a été faite par M. Dicaire, tantôt. Alors, à l'intérieur du système de santé, si j'ai bien compris votre mémoire, vous avez un outil dans la carte-santé suffisant à vos fins pour gérer le système de santé. Alors, je cherche vraiment c'est quoi, le besoin pour vous autres. Il y a un passage qui touche vos élections dans les régies régionales, mais, avant de lancer toute une carte d'identité, moi, j'ai besoin d'une raison un petit peu plus profonde que vos élections. Parce que, même avec une carte d'identité, moi, j'ai trouvé que la chose la plus compliquée dans vos élections était: J'ai le droit de voter où exactement? – un hôpital, un établissement de ça, un établissement... – en tout cas, de déchiffrer où j'avais le droit de vote et de m'empêcher de voter dans deux établissements du même type. Ce n'était pas toujours évident pour un non-adepte du système. Alors, pour vous autres, c'est quoi, le vrai besoin qu'on ne peut pas... avec la carte existante, l'assurance-maladie, donc une carte reformulée de carte à puce? Au-delà de ça, pour la gestion d'un système de santé, c'est quoi, vos besoins à vous?

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, si vous me permettez, pour répondre à la question de M. le député, je vais aussi ajouter notre préoccupation. Je vais commencer par la préoccupation. Ce qu'on se dit, c'est que, oui, on a une carte actuellement, mais, si, en fait, le premier commerçant demande à un citoyen de s'identifier avec cette carte-là, donc on dit: Elle peut servir à n'importe quoi. À ce moment-là, on craint qu'avec, disons, l'évolution de la technologie on aille chercher des documents sur les gens qui se sont servis de cette carte pour avoir des soins de santé et des services sociaux. Alors, ça, c'est la préoccupation.

Quant à la question du besoin, on se dit: En autant que ça demeure dans notre secteur, qu'on ait les renseignements au plan de santé et de services, à ce moment-là, pour nous, oui, c'est satisfaisant. Et, quant à la question des élections – vous faites allusion à... – bon, la préoccupation pour nous, c'est de dire: Est-ce que ce monsieur-là avait le droit de voter chez nous? Si on a, par exemple, une carte d'identification en général, universelle, où le nom, l'adresse et tous les autres renseignements qu'on a donnés tantôt... bien, on se servira de celle-là quand arrivera la partie de l'élection. Mais, en ce qui concerne la carte, pour nous, de la santé, eh bien, au moins ce sera confidentiel. Je ne sais pas si... Mes collègues peuvent compléter, si vous voulez.

(17 h 10)

M. Fortin (Jean-Paul): Je pourrais peut-être ajouter: Les régies régionales et la Conférence des régies régionales ont une responsabilité d'améliorer l'état de santé de la population; le reste, ce sont des moyens pour y arriver, incluant la planification et l'organisation. Parmi les moyens qui existent pour améliorer l'état de santé de cette population-là, la carte à puce apporte un atout exceptionnel pour les fins cliniques, et c'est ce que le projet de Rimouski a démontré. Et, dans ce projet-là, ce qu'on a réalisé, c'est jusqu'à quel point, pour que ce véhicule, cet outil-là soit accepté, acceptable et utile en même temps, il fallait préserver la relation de confiance qui existait d'abord entre un professionnel de la santé et son patient, mais aussi entre le professionnel de la santé et le système de santé. En clair, quand on voyait les gens à Rimouski, on nous disait: Est-ce que l'employeur va avoir accès à cette information-là et est-ce que les compagnies d'assurances vont avoir accès à ça? Puis, quand on allait voir les professionnels de la santé, à chaque deux réunions, on nous disait: Est-ce que c'est pour contrôler ma pratique professionnelle ou si c'est pour améliorer les services? Et, à chaque fois qu'on répondait que c'était pour améliorer les services, le projet pouvait poursuivre.

L'important, c'est que, quand on arrive en bout de piste puis qu'on regarde les résultats, on s'aperçoit que, oui, sur certaines choses, les gens, après deux ans d'utilisation, nous disent: Vous savez, ça a diminué des interactions médicamenteuses. Et, quand on dit ça puis qu'on sait l'importance des médicaments même, par exemple, dans l'utilisation des hôpitaux, on commence à se demander si ça ne peut pas avoir un effet drôlement important sur les coûts du système de santé. Mais tout ça est basé sur la relation de confiance. Et plus on avait ces conditions de confiance qui ont été construites dans le temps, plus les gens étaient prêts à embarquer, puis aujourd'hui il y a une ouverture importante là-dessus. C'est la même carte dont on parle. Et d'essayer de dire aux gens: Vous savez, cette carte-là, demain matin le policier va pouvoir s'en servir pour faire autre chose, je ne sais pas comment vous allez convaincre les gens qui vont l'utiliser jusqu'où c'est vrai que c'est possible que ça se fasse, mais qu'en même temps on ne puisse pas regarder ou voir ce qui se passe dans cette carte-là.

Alors, c'est pour ça que, pour la partie fonction amélioration de l'état de santé, il y a une finalité puis il y a des conditions pour que ça marche; puis il y a aussi l'aspect contrôle dont on a parlé, pour des fins administratives, et maintenant on va vers une proposition de carte qui a les deux finalités, mais essentiellement dans le secteur de la santé, par contre.

M. Kelley: Non, mais c'est ça que je veux cibler, parce que, moi, je comprends que vous êtes les spécialistes dans le domaine de la santé. Alors, sur les autres questions de fraude, des empreintes digitales, et tout ça, vous n'avez pas besoin des empreintes digitales pour gérer notre système de santé, si j'ai bien compris. Ça, c'est un autre débat, et je cherche à l'intérieur de votre vocation et de votre mission pourquoi vous avez besoin d'établir un banque des empreintes digitales de tous les citoyens.

M. Lavoie (Guy): J'aimerais ça intervenir là-dessus parce qu'on s'inscrit en faux sur une banque des empreintes digitales. Je pense que la société – je me permettrais d'exprimer ça ainsi – n'acceptera pas d'avoir un fichier central des empreintes; c'est relié trop à la justice. Ce dont il est question ici, ce sont des mécaniques qui font leurs preuves pour s'authentifier. Un microprocesseur...

M. Kelley: Mais c'est à la page 7 de votre mémoire. On parle de...

M. Lavoie (Guy): Oui, oui, mais je veux vous expliquer comment ça peut fonctionner. C'est parce qu'«empreintes digitales», ça a un sens pour vous, c'en a un autre pour nous et je voudrais sentir le besoin de vous documenter. L'empreinte digitale est une mécanique qui vous est propre et qui permet de vous authentifier. S'authentifier, ça ne nécessite pas de se comparer à une banque centrale; ça permet, à l'aide de la maîtrise informatique qu'on peut faire maintenant, de générer une séquence numérique de 1 000 caractères – j'invente le chiffre – infalsifiables. Ce sera toujours les mêmes 1 000 caractères qu'on va générer, et ces 1 000 caractères là, je peux même en prendre une section qu'on va appeler «par hachage», je vais prendre le premier, le dixième, le vingtième et je vais le mettre dans la carte à microprocesseur et, à toutes les fois que je vais mettre mon empreinte là, je vais générer le même chiffre, je vais le comparer à ma séquence sur mon microprocesseur: Ah! c'est le bon individu; j'autorise qu'il libère son information. L'empreinte peut servir à ça. On n'est pas obligé d'avoir la banque centrale. Si vous créez des banques centrales d'empreintes, vous êtes dans un autre débat.

M. Kelley: O.K. Merci.

M. Fortin (Jean-Paul): Il faut voir que l'authentifiant, c'est pour permettre l'accès à de l'information très sensible. Donc, c'est le mécanisme de consentement du patient qui était une des conditions majeures pour que ce soit acceptable.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Tantôt, vous mentionniez que l'empreinte, c'était peut-être sur le plan judiciaire que les gens étaient inquiets de ça. Mais il n'en reste pas moins que c'est une forme d'identification. Votre photo, c'est aussi bien que votre pouce, quant à moi. Ça fait que c'est juste dans la perception des gens de dire: Ah bien, là, c'est peut-être la police qui prend mon empreinte, puis celui qui prend ma photo, c'est correct. Je me dis: C'est peut-être du donnant-donnant, là. Parce que l'empreinte digitale n'a pas plus de valeur que ma photo sur une carte. J'ai ma carte d'assurance-maladie, j'ai ma photo, alors, qu'ils prennent ma photo ou qu'ils prennent mon empreinte digitale pour la faire identifier par un fichier central, pour moi, ça a peu d'importance, à ce moment-là.

M. Lavoie (Guy): Est-ce que je peux intervenir juste une seconde là-dessus? C'est parce que je voudrais juste... Vous avez parfaitement raison. Le seul problème, c'est que, quand ma photo apparaît à l'écran, je n'ai donné en aucun temps le consentement pour qu'elle apparaisse. Si je mets mon doigt, là je fais une action. Si je mets un numéro d'identification personnelle à quatre chiffres, à cinq chiffres comme on fait dans une banque...

M. Beaudet: Ça, je comprends. Ça, j'accepte ça. J'accepte ça.

M. Lavoie (Guy): C'est dans cet esprit-là qu'on parle de biométrie. On veut s'entendre là-dessus, la biométrie ou le mécanisme comme la carte d'habilitation est une mécanique qui vient permettre de libérer une identité, donc de s'authentifier. C'est dans cet esprit-là qu'on l'a inscrit. C'est pour ça que je voulais intervenir.

M. Beaudet: J'accepte ça, vous avez tout à fait raison. Un n'est pas «up-front», mais il y a le même mécanisme, un mécanisme d'identification.

M. Lavoie (Guy): Voilà!

M. Beaudet: Bon. Par ailleurs, tantôt vous avez mentionné au député de Nicolet que, dans tous ces mécanismes-là, c'était toujours fait pour améliorer le service à la clientèle, et vous disiez que, lorsque les professionnels de la santé... Est-ce que c'est pour avoir plus de contrôle? Non, non, non, c'est pour améliorer le service à la clientèle. Ils vous disaient toujours: Bien, ça va, on continue. Mais, dans le fond, vous savez puis je sais que, par ces mécanismes-là, on a plus de contrôle. On ne peut pas en sortir puis on n'en sortira pas. Quelles que soient les mesures que l'on prenne aujourd'hui pour vous donner une carte d'identité, dans 10 ans, dans 15 ans, vous allez passer devant un récepteur puis ils vont savoir qui vous êtes, ça finit là. Votre numéro va sortir partout. Alors, la technologie est tellement en progression que je me demande...

Dans le fond, on discute pour une carte. On dit: On «va-tu» mettre le carte d'identité avec la carte à puce pour le dossier médical? Dans 10 ans, dans 15 ans, on ne se posera même plus la question. La technologie va être tellement avancée qu'on va vous regarder dans les yeux puis on va savoir ce que vous avez. Dans le fond, là, le débat, c'est un débat factice qu'on fait aujourd'hui parce que dans 20 ans on ne se posera même plus la question. Ça va être très difficile de garder la confidentialité, dans 20 ans. Ça va être très difficile; ça l'est déjà aujourd'hui. Imaginez-vous, avec les capacités de l'informatique et de l'inforoute qui seront développées dans les années à venir, c'est inimaginable, le défi auquel on aura à faire face comme société, de garder une confidentialité.

Ce matin, on l'a eu, nous, on nous a présenté un dossier, puis on prend notre numéro d'assurance sociale puis on va nous dire s'il est bon ou s'il n'est pas bon. Donc, on a déjà décodé le système. Alors, je me dis, moi: Qu'on fasse ce qu'on voudra, à un moment donné, notre identité, tout le monde va l'avoir, ça va être très facile. Mais le point que vous avez soulevé tantôt, qui m'a frappé, c'est que vous disiez aux gens: Non, ce n'est pas pour des contrôles. Mais est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus? Parce que je suis sûr qu'il y en a plus, de contrôle. Parce que, après, vous m'avez dit: Oui, ça va diminuer les coûts pour tel, tel... Donc, il y a des contrôles, ce qui n'était pas le but recherché, j'en conviens, mais le but secondaire est d'arriver à des contrôles, quelle que soit la mesure qu'on prenne.

M. Saint-Onge (Florian): Mais, si vous me permettez, M. le Président, je sais que non seulement le député d'Argenteuil est député, mais il est aussi médecin, alors c'est que... En fait, ce n'est pas rassurant, ce qu'il nous dit par rapport au futur, mais je crois que, en répondant à la question de tantôt, quand on parlait de contrôle, les données qu'on va chercher quand on dit «améliorer le système» – puis on comparait les régions, tantôt, c'est ce que vous vouliez faire – à ce moment-là, si on était capable justement de comparer qu'il y a des choses par rapport aux différentes régions, dans ce sens-là, oui, on pourrait améliorer les services, donc contrôler notre situation ou notre administration en fonction des besoins qu'on adapte, justement. Dans ce sens-là, ça devient, oui... Mais on ne part pas avec l'idée d'avoir ce contrôle individuel en tant que ficher l'individu.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Simple question technique.

M. Saint-Onge (Florian): Excusez-moi, est-ce que mon collègue pourrait compléter sur cette...

M. Fortin (Jean-Paul): Sur la question de contrôle, je pense qu'il faut faire bien, bien la différence entre une approche où on vise à contrôler la réalité de quelqu'un et les pratiques professionnelles dans une situation où on vise à remettre de l'information qui permet à quelqu'un – vous êtes médecin – de faire un acte professionnel en respectant les règles du jeu du respect de la confidentialité et de la vie privée des gens. Ici même, dans le dossier dont il est question pour, par exemple, la question de la carte d'assurance-maladie, où il y aurait les deux finalités, faut voir que les règles du jeu d'utilisation de cette carte-là vont être fondamentalement différentes quand ça va être pour les fins de l'une ou de l'autre. Par exemple, la carte d'assurance-maladie va être obligatoire pour vérifier si c'est la bonne personne, mais il va devoir y avoir des règles du jeu de volontariat et de consentement pour même l'individu, pour contrôler sa propre information, ce qui ferait que, vous, comme patient, demain vous pouvez décider que le nom de votre maladie, elle ne sera pas sur la carte. Et les règles du jeu doivent respecter cette finalité-là pour ne pas que ça devienne une carte de contrôle, justement. Et, si ça, ce n'est pas respecté, c'est bien sûr... Mais je pense que là-dessus, puis surtout avec le tableau que vous donnez dans les cinq ou 10 prochaines années, on a collectivement une responsabilité pour s'assurer qu'on n'arrivera pas là.

(17 h 20)

Le Président (M. Garon): Terminé? Avez-vous terminé, M. le député de Chomedey?

M. Mulcair: Mais je n'ai pas posé ma question encore, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: C'était un complément de réponse à mon collègue d'Argenteuil.

Le Président (M. Garon): Ah O.K.! Oui. Ha, ha, ha! Excusez-moi.

M. Mulcair: Alors, j'attendais d'être reconnu avant de parler.

M. Beaudet: Il faut que tu t'adresses au président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Juste pour nous guider, comme mes collègues, j'ai beaucoup apprécié le travail, le mémoire et les réponses de la Conférence des régies régionales, mais j'aimerais juste savoir d'où émane l'existence même de cette Conférence, parce que la plupart des groupes qui viennent s'expliquent un peu, au début. Alors, par curiosité, je suis allé vérifier dans la loi. À moins que je l'aie manquée, je ne la trouve pas.

M. Saint-Onge (Florian): Bien. Merci. M. le Président, juste un rappel. D'abord, évidemment la loi prévoyait la création des régies, il y a quelque quatre ans et quelque chose, et à ce moment-là les régies, entre elles, dans un souci de concertation, comme on peut le voir par différents groupes parfois, ont voulu, au niveau provincial, se concerter. Alors, elles ont formé une table, si vous voulez, un centre pour pouvoir échanger entre elles par leurs représentants, leurs présidents. Il y a donc évidemment les présidents qui fonctionnent au niveau politique avec le ministre; par contre, le conseil d'administration est formé de présidents et de représentants, de directeurs de direction régionale. Alors, dans ce sens-là, on a ce but de se concerter, de représenter l'ensemble des régies, et naturellement, autant que possible aussi, peut-être dans certains besoins communs ou de recherches communes, ce n'est pas nécessaire de faire 15 fois la même recherche un peu partout, alors nous nous concertons dans le but justement de minimiser les coûts et de faire en sorte que tout le monde bénéficie du résultat d'une recherche, par exemple.

M. Mulcair: Ce qui distingue, par exemple, M. le Président, par rapport à ce que le ministère peut faire lui-même au nom de toutes les régions du Québec?

M. Saint-Onge (Florian): Non. Bien, en fait, remarquez bien, le ministère peut avoir des objectifs nationaux ou, si vous voulez, des priorités par rapport à ce que le ministère ou le ministre décide, ou le budget, par exemple. C'est sûr que ce n'est pas à nous à aller chercher des taxes ou des impôts pour se financer, mais, une fois que l'enveloppe globale est donnée à la région, c'est la régie, par son conseil d'administration dans chacune des régions du Québec, qui administre justement ce budget, qui fait de la planification générale de la région et qui distribue ces argents ou cette enveloppe dans les différents établissements de sa régie.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Merci à nos invités.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Conférence des régies régionales de la santé de leur contribution aux travaux de cette commission. Maintenant, j'invite les représentants du Parti québécois du l'Université Laval à s'approcher de la table des délibérations. Merci.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Alors, M. le président, M. Louis-Martin O'Neill, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent...

M. O'Neill (Louis-Martin): Oui. Bonjour, monsieur.

Le Président (M. Garon): ...et ensuite il nous reste à toutes fins pratiques 45 minutes. Alors, pour être franc...

M. O'Neill (Louis-Martin): Il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Garon): ...aussi bien dire 15 minutes-15-15. Ce serait, je pense... Autrement, avec le consentement de l'opposition et des députés ministériels, parce que l'heure fixée est à 18 heures, ça voudrait dire qu'on pourrait aller jusqu'à 18 h 10. Pardon? Êtes-vous d'accord?

M. Bergman: Ah oui.

Le Président (M. Garon): O.K.? Alors, de consentement mutuel, on pourra aller jusqu'à 18 h 10, parce qu'il y a un caucus à 18 h 15 dans cette salle.


Parti québécois de l'Université Laval (PQ-Laval)

M. O'Neill (Louis-Martin): De toute façon, étant donné les circonstances, nous saurons être brefs, M. le Président. Mon nom est Louis-Martin O'Neill, je suis président du Parti québécois de l'Université Laval et je suis accompagné de M. Martin Fournier, qui est le président de la Commission politique du Parti québécois de l'Université Laval. Le Parti québécois de l'Université Laval est un des plus dynamiques et des plus importants regroupements politiques étudiants au Québec. Il est composé de tous les membres de l'Université Laval qui sont aussi membres du Parti québécois, étudiants et professeurs, mais essentiellement étudiants. Il comprend plus de 1 000 membres et fait la promotion de la souveraineté et des objectifs fondamentaux du Parti québécois au sein des étudiants, d'une part, mais surtout il transmet les revendications, les aspirations et les doléances des étudiants aux instances du Parti et du gouvernement.

Après les mémoires que vous avez eu l'occasion d'entendre de la RAMQ, les mémoires précédents, vous trouverez peut-être que notre mémoire est moins poussé; bien évidemment. Nous n'avons pas la prétention d'avoir l'expertise de nos prédécesseurs. Cependant, il nous est apparu important de paraître devant vous aujourd'hui parce que, même si nous ne sommes pas des experts, nous sommes quand même des citoyens avant tout et des jeunes qui sont soucieux du sujet que nous étudions aujourd'hui. Les jeunes, on a fait beaucoup de consultations, et, malgré le sujet apparemment aride, il y a eu beaucoup de participation au sein de nos membres, probablement parce que les jeunes considèrent que les décisions concernant le progrès et la science ne doivent pas être prises par les experts mais d'abord et avant tout par de simples êtres humains.

Nous allons diviser notre temps de présentation en deux. Premièrement, bien, je vous parlerai brièvement des principes et des prémisses qui ont orienté notre réflexion, et mon collègue Fournier va ensuite vous parler des deux types de cartes que nous envisageons. Alors, premièrement, les prémisses et principes. Tout d'abord, l'identification des citoyens québécois. Nous sommes d'accord avec l'idée générale qui est celle de trouver un outil permettant à tous les Québécois de s'identifier en tout temps afin de leur permettre d'avoir accès à tous les biens, services et privilèges auxquels ils ont droit. Nous convenons aussi de la nécessité de faire la distinction entre les deux types de cartes pouvant être émises avec le gouvernement: tout d'abord, la carte d'identité proprement dite, qui sert à confirmer l'identité de son détenteur dans ses activités quotidiennes, et ensuite ce que nous appellerons «les cartes d'accès aux services gouvernementaux», c'est-à-dire les cartes émises par le gouvernement et qui nous permettent de bénéficier de certains services ou privilèges. La distinction relevée dans les deux lois, d'ailleurs, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, devra, selon nous, prévaloir au sein des futures réformes dans le domaine des cartes.

Ensuite, les principes. Le premier principe sur lequel nous nous basons est le suivant: aucune carte émise afin d'obtenir des services gouvernementaux ne doit servir de carte d'identité. Ce principe s'applique également au projet que le gouvernement québécois risque de mettre en oeuvre, à savoir la carte de santé et la carte multi-services. En second lieu, il est, selon nous, primordial de respecter le droit à la vie privée et d'assurer la protection des renseignements personnels. Toute nouvelle mesure adoptée par les gouvernements québécois et canadien dans le domaine des cartes d'identité et des renseignements personnels devra tenir compte de telles balises. Le non-respect de ce principe peut avoir de fâcheuses conséquences concernant les relations entre le citoyen et l'État.

Ensuite, la carte d'identité, selon nous, doit servir d'embryon de la citoyenneté québécoise. Chaque individu doit pouvoir prouver son identité propre et distincte; c'est un fait. La carte d'identité est un symbole qui permet non seulement de prouver l'identité d'une personne face à la société, mais également de s'affirmer et de s'y intégrer. La carte d'identité joue donc à la fois un rôle d'identification et d'intégration. De même, chaque collectivité nationale a besoin de symboles lui permettant de démontrer son identité et sa distinction tant face à elle-même que face aux autres collectivités nationales. Le drapeau, les armoiries, l'hymne national et d'autres symboles jouent ce rôle, de même que le passeport dans les pays et la carte d'identité. L'acquisition de telles règles d'identité tant par les nouveaux citoyens que par ceux ayant atteint l'âge de la majorité confirme l'appartenance de ceux-ci à un groupe; dans notre cas, à notre collectivité. La création d'une pièce d'identité québécoise, de même que son attribution à tous les Québécois, permettra donc de cimenter notre société et d'en accroître la cohésion nationale. Il s'agit donc pour nous de créer une carte québécoise de citoyenneté en attendant d'avoir enfin une carte de citoyenneté québécoise.

(17 h 30)

Finalement, le dernier principe sur lequel nous nous basons est celui de la libre et paisible circulation des personnes. Ce principe signifie que tout citoyen québécois peut se déplacer à sa guise sur le territoire, de même qu'un agent de la paix ne peut pas exiger d'un citoyen qu'il lui décline son identité sans raison valable. C'est le même principe qu'ici. Nous ne souhaitons pas avoir un peu le même principe qu'en France, où un policier peut à tout moment demander à un passant son identité sans raison valable. Le Parti québécois de l'Université Laval est d'avis que le citoyen doit conserver le plein contrôle sur l'utilisation de sa carte d'identité. La carte d'identité ne doit pas servir de moyen de contrôle de la part de la force policière mais bien d'aide au citoyen pour s'identifier. Il y a déjà un permis de conduire, au Québec; aussi ne croyons-nous pas nécessaire d'imposer un permis de marcher.

Maintenant, mon collègue Fournier va vous entretenir des cartes d'identité que nous souhaiterions voir apparaître au Québec.

M. Fournier (Martin): Merci, Louis-Martin. Je vais faire mon exposé en deux temps. Tout d'abord, je vais parler de la carte d'identité proprement dite, ensuite je vais parler de ce que nous appelons «les cartes d'accès aux services gouvernementaux». Dans notre réflexion sur la carte d'identité, nous avons dû réfléchir à deux types de problèmes auxquels les citoyens ont à faire face. Tout d'abord, il y a les problèmes d'identification dans la vie quotidienne. La raison pour laquelle nous sommes tous ici à discuter aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas de carte d'identité, tout simplement, et cette absence de carte d'identité fait en sorte qu'il soit impossible de certifier l'identité d'une personne dans ses transactions commerciales, par exemple. Lorsqu'une personne veut payer par chèque, elle n'a pas de carte en tant que telle pour pouvoir certifier son identité, ce qui a eu par conséquence que, par la force des choses, d'autres cartes ont fini, avec l'usage, par servir de carte d'identité; nous pensons, par exemple, à la carte de la RAMQ ou au permis de conduire. Cette surutilisation des cartes, selon nous, constitue un danger pour la protection de la vie privée, puisque finalement on donne des cartes avec des numéros de dossier et potentiellement des personnes peuvent avoir accès au dossier sans y avoir droit.

Face à cette situation, il y a deux solutions qui s'offrent à nous. Tout d'abord, c'est la coercition, c'est-à-dire de renforcer ce qui est déjà prévu dans la loi, c'est-à-dire de confirmer le fait qu'il est interdit d'utiliser la carte de la RAMQ à d'autres fins que pour la santé, sauf que cette solution est à toutes fins pratiques peu applicable parce que évidemment la coercition abusive, à notre sens, n'est jamais une solution idéale. En outre, ça ne règle pas le problème à la source. On a beau interdire d'utiliser la carte de la RAMQ, il reste toujours qu'on n'a pas de carte d'identité. L'autre solution, c'est de carrément combler le vide et d'émettre une carte d'identité.

L'autre type de problèmes auxquels les citoyens doivent faire face, c'est pendant les élections. Il arrive à quelques moments – Dieu merci, ça arrive beaucoup moins de nos jours – les problèmes des fameux télégraphes, c'est-à-dire des personnes arrivent pour voter le jour du scrutin et qui se rendent compte qu'il y a déjà quelqu'un d'autre qui a voté à leur place. Évidemment, ce problème-là n'est pas extrêmement répandu, fort heureusement. Ceci étant dit, quand bien même qu'il n'y aurait qu'un seul cas de télégraphe dans une élection, c'est un cas de trop, car il mine la crédibilité et l'intégrité du processus électoral. Bien évidemment, en ce sens-là, ça prend un moyen de certifier l'identité du citoyen lorsqu'il va voter et le meilleur moyen, c'est une carte. En conséquence, ce que le Parti québécois de l'Université Laval propose, c'est que le gouvernement du Québec émette une carte qui servirait à la fois de carte d'identité et de carte d'électeur.

Cette carte serait obligatoire et elle contiendrait finalement les renseignements de base, c'est-à-dire les renseignements qui permettent d'identifier le citoyen, mais sans plus, c'est-à-dire le nom, le sexe, l'adresse, le lieu et la date de naissance ainsi que la photo du détenteur et sa signature, afin d'éviter la fraude et la contrefaçon. Selon nous, l'organe qui devrait gérer, qui devrait émettre cette carte-là, ce serait la Direction de l'état civil. Ceci étant dit, considérant le fait que cette carte-là servira également pour des fins d'élection, il va sans dire que le Directeur général des élections devra être impliqué dans tout le processus.

Maintenant, nous allons aborder le cas des cartes d'accès aux services gouvernementaux. Ce que nous allons faire ici, c'est que nous allons discuter brièvement des deux projets qui sont sur la table en ce moment, c'est-à-dire la carte-santé et la carte multi-services. Comme nous le savons tous, entre 1993 et 1995, on a mené un projet-pilote pour étudier les impacts de la carte-santé, c'est-à-dire la carte d'assurance-maladie à puce qui contient le dossier médical. On a fait une expérience-pilote à Rimouski. La conclusion générale qui ressort de ça – et c'est d'ailleurs corroboré par la Commission d'accès à l'information – c'est que finalement le projet de carte-santé est un succès, le projet-pilote est un succès et, dans ce sens, on devrait aller de l'avant, c'est-à-dire émettre la carte à tous les citoyens. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a déjà entrepris les démarches à cet effet et, en ce sens, le Parti québécois de l'Université Laval encourage le gouvernement à aller dans cette voie, tout en ne perdant pas de vue, bien sûr, les questions concernant la protection des renseignements personnels et la protection de la vie privée.

Concernant la carte multi-services, c'est-à-dire la carte unique qui permettrait d'avoir accès à plusieurs services et privilèges, ce projet-là a été mis de l'avant par le Conseil des responsables de l'informatique du secteur public en mars 1996. C'est un projet fort ambitieux qui permet d'utiliser une carte à la fois comme permis de conduire, comme carte d'assurance-maladie, comme permis de chasse, etc. Ils ont prévu des dizaines et des dizaines d'usages potentiels. Évidemment, le Parti québécois de l'Université Laval est très conscient des avantages que permet une telle carte. C'est sûr que l'émission d'une carte unique plutôt que d'avoir à émettre des dizaines de cartes, ça permet d'avoir des économies d'échelle, ne serait-ce que pour les banques de données, de même que ça simplifierait beaucoup la vie du citoyen.

Ceci étant dit, il y a également l'autre côté de la médaille. Nous sommes conscients qu'une carte unique comme celle-là, ça va avoir des impacts sur la concentration d'une telle somme d'informations sur une seule carte. Ça peut amener des impacts certains. Comme par exemple, ça pose des questions sur qui va avoir accès aux informations qui vont être détenues, ça va poser des questions sur la sécurité des informations afin de s'assurer que ce ne soit pas n'importe qui qui fouille dans les dossiers, évidemment, ça pose des questions sur les déséquilibres que ça peut amener dans les relations entre l'État et le citoyen. Le problème, c'est que le Québec est vraisemblablement à l'avant-garde dans ce domaine-là. Le Québec est un des premiers pays où l'on envisage sérieusement l'émission d'une carte multi-services. Il n'y a aucun pays qui a émis une telle carte jusqu'à maintenant, et les études d'impact là-dessus sont très rares, pour ne pas dire inexistantes.

Évidemment, nous sommes conscients que seule une expérience pratique pourrait permettre de vraiment déterminer les impacts précis qu'une telle carte pourrait amener concernant les relations entre l'État et le citoyen. Alors, en ce sens, ce que nous proposons, c'est que l'on fasse comme on a fait avec la carte-santé, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec mène un projet-pilote qui serait mené dans une région précise, selon des modalités déterminées; que l'on fasse un projet-pilote où finalement on étudierait tous les impacts que ça amènerait. Avec une expérience pratique, avec un projet-pilote, ça permettrait tout d'abord de juger s'il est souhaitable que le gouvernement du Québec aille de l'avant et qu'il émette la carte multi-services. De même, si le gouvernement décide d'aller de l'avant, évidemment on va pouvoir apprendre des erreurs qui pourraient survenir à ce moment-là afin d'éviter qu'il y ait des ratés à l'échelle du Québec tout entier. Alors, c'est la proposition que le Parti québécois de l'Université Laval fait à cet effet.

En conclusion, ce que nous pourrions dire, c'est que le mémoire que nous présentons aujourd'hui, comme l'a mentionné mon collègue, Louis-Martin O'Neill, il a été écrit dans la perspective de donner le point de vue des étudiants mais également de simples citoyens du Québec qui s'intéressent à la question de la vie privée, à la question de la protection des renseignements personnels et également à la question sur les relations entre l'État et ses citoyens. En ce sens, le conseil général que nous nous permettons de donner à cette commission face aux nouvelles technologies qui s'offrent à nous, c'est une question d'attitude. Autant il faut éviter de tomber dans un optimisme aveugle, autant il faut éviter de tomber dans la technophobie primaire. Alors, sur ce, M. le Président, nous sommes prêts à répondre aux questions de la commission.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

(17 h 40)

M. Gaulin: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue, vous remercier d'être là. J'en dirais autant si vous étiez des jeunes libéraux, je trouve ça intéressant que... Ils sont d'ailleurs venus sur le livre vert, la semaine passée. On a eu le même jour les jeunes péquistes et les jeunes libéraux. Vous représentez, pour le moment, le Parti québécois de l'Université Laval, et je trouve ça intéressant et stimulant que des jeunes dans la cité s'intéressent aux questions politiques qui finalement nous concernent tous et toutes et sur une question assez complexe, finalement, parce que nous sommes ici, à la commission de la culture, et notre approche est une approche très ouverte; on n'a pas encore choisi un type de carte. C'est à la demande, entre autres, de notre président qu'on voulait s'interroger sur les cartes d'identité en général.

Ce matin, par exemple, on a eu le président-directeur général des élections – Directeur général des élections, c'est son titre – qui nous disait, lui, qu'il était plutôt, par exemple, pour la carte de la RAMQ parce que c'était la carte la plus répandue. Louis O'Neill, tout à l'heure, Louis-Martin O'Neill donnait des considérants, entre autres, de type national, un carte d'identité qui nous aide à nous identifier. Alors, si je comprends bien, vous êtes favorables à une carte d'identité qui serait différente, vous l'avez bien dit, des cartes de services, mais qui serait plus qu'une carte d'électeur, qui serait une carte d'identité. C'est ça?

M. O'Neill (Louis-Martin): Oui, exactement. Justement, M. Côté souhaite que la carte de la RAMQ serve de carte d'électeur, si je comprends bien.

M. Gaulin: Oui.

M. O'Neill (Louis-Martin): C'est une position qui m'étonne un peu, personnellement. Je ne vois pas comment la carte de la RAMQ peut servir de carte d'électeur, ne serait-ce que pour différencier ceux qui ont le droit de voter ou pas. Ça prend notamment la citoyenneté pour avoir le droit de voter, alors qu'on sait que ça ne prend pas nécessairement la citoyenneté pour avoir la carte de la RAMQ. Donc, une première considération. Et une deuxième, dans la mesure surtout où la carte de la RAMQ va être amenée à avoir une puce qui contient des informations et va être amenée à devenir une carte de services gouvernementaux, justement ça va à l'encontre du principe qu'on soulève de séparer et de faire deux choses: premièrement, une carte générale d'identification et, deuxièmement, une carte de services.

M. Gaulin: Oui, là-dessus, votre position est assez nette. Vous appartenez à ces groupes qui sont venus nous dire que vous vouliez une carte spécifique qui serait une carte d'identité qui pourrait servir à des fins d'identification, comme celles qu'on vous a demandées tout à l'heure en entrant dans le parlement. On vous a demandé des cartes qu'en principe on ne peut pas vous demander.

M. O'Neill (Louis-Martin): Exactement.

M. Gaulin: Même, il est interdit de le faire, mais enfin, c'est celles qu'on nous demande dans une banque ou dans une caisse quand on vous demande deux cartes. Si vous présentez la carte des jeunes du PQ-Laval, on va vous dire qu'elle n'est pas bonne, probablement parce qu'elle n'est pas en plastique, aussi.

Maintenant, pour revenir à ce que je vous disais sur le Directeur général des élections ce matin, il faut bien dire que le président des élections disait que la carte servirait aux fins d'identification, mais elle n'autorise pas à voter; il faut vraiment être sur la liste électorale permanente. C'est une nuance quand même d'importance, parce que le Directeur général des élections nous disait que la carte comportait les identifiants essentiels et nécessaires qui éviteraient, par exemple, l'assermentation, qui éviteraient qu'on passe des télégraphes, à savoir que vous avez, sur une carte donnée, la photo – c'est une carte qui est renouvelée aux cinq ans, donc la photo est, en général, ressemblante – le nom, le prénom, la date de naissance et le sexe. Alors, il considérait évidemment que ça pourrait servir d'identifiant. Maintenant, votre position est différente.

Moi, j'aimerais vous demander, vous favorisez donc un certain nombre de fichiers qui réfèrent à des cartes précises parce que le danger de faire connaître des choses qui concernent la vie privée est moins grand. C'est ça?

M. O'Neill (Louis-Martin): Oui, effectivement. Les fichiers qui sont proposés sont des fichiers vraiment de base, avec des informations minimales; on parle de nom, d'adresse, de date de naissance, de citoyenneté ou non. C'est vraiment minimal, effectivement, puis ça va un peu dans le courant qui s'oppose à faire des fichiers trop nombreux, des fichiers qu'on peut coupler trop facilement.

Si je peux compléter sur la première question que vous m'avez posée, oui, c'est vrai que la RAMQ peut servir à l'identification, mais le fait d'utiliser... Nous, le gros avantage qu'on voit à utiliser la carte d'électeur et de coupler la carte d'électeur avec la carte d'identification, c'est que, de toute façon, on a besoin, à notre sens, d'une carte d'identité, puis la carte de la RAMQ, ça ne règle pas le problème. Vous l'avez dit, c'est un peu paradoxal que l'hôtel du Parlement fonctionne dans l'illégalité.

M. Gaulin: La députée de Rimouski nous disait ce matin qu'on est engagé dans des technologies qui vont faire qu'on ne peut presque plus revenir en arrière, à certains égards. C'est un peu comme quand on a inventé l'imprimerie: le fait de démultiplier des textes qui auraient pu être jugés des textes non convenables, etc., ils ont été quand même reproduits. Mais vous suggérez une expérience de carte à microprocesseur, de carte multi-services. Est-ce qu'on peut considérer que quand même votre génération craint moins le Big Brother, avec un système de sécurité efficace, qu'une génération plus âgée, par exemple?

M. O'Neill (Louis-Martin): Notre génération craint toujours Big Brother. Même si c'est malheureux, la plupart de ceux de notre génération ne connaissent pas Big Brother parce qu'ils n'ont pas eu l'occasion de lire 1984 . Notre génération est moins effrayée par le progrès, fait quand même attention. Une de nos principales craintes, c'est justement que le progrès, on ne l'arrête pas. On se demande de quelle façon... Et c'est pour ça qu'on a peur de coupler. Notre principale crainte face à la carte multi-services, c'est: Quelle garantie peut-on avoir qu'on ne pourra pas, dans un autre pays ou ailleurs, développer le lecteur requis pour aller fouiller tout ce qu'il faut dans la carte multi-services? C'est la raison majeure, selon nous, pour laquelle il va falloir bientôt une carte d'identité qui ne donne aucune autre information que les informations de base. Mais, en général, on n'a pas peur de Big Brother, mais on ne veut pas non plus foncer tête première sans regarder où on va.

M. Gaulin: Je vais laisser un peu de temps à mes collègues. Je vous remercie.

M. Fournier (Martin): Si je puis me permettre en complément de réponse, M. le Président, nous croyons que le problème n'est pas tant dans la technologie en soi que dans l'utilisation qu'on en fait. Une technologie ou un progrès, c'est neutre. L'imprimerie, ça a servi à la fois à reproduire la Bible ou à reproduire Mein Kampf . En ce sens-là, le problème, ce n'est pas la technologie en tant que telle mais l'utilisation qu'on en fait. Pour nous, là, la technologie n'est pas un problème en soi. Ceci étant dit, nous demeurons prudents quant aux abus potentiels que certaines personnes peuvent en tirer. En ce sens, nous recommandons tout de même une certaine prudence à cet effet.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a des députés de l'opposition qui demandent la parole? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord remercier les deux représentants du Parti québécois de l'Université Laval d'être venus faire leur présentation aujourd'hui. J'aimerais attirer leur attention, dans un premier temps, sur le résumé de leur mémoire, parce que je ne retrouve pas les mêmes termes exactement dans le mémoire lui-même. Est-ce que vous l'avez avec vous, le résumé?

M. Gaulin: Moi, je l'ai.

Une voix: Oui.

M. Mulcair: Si vous regardez le deuxième paragraphe, première phrase: «L'émission d'une carte d'identité par le gouvernement du Québec, telle que prônée par le Parti québécois de l'Université Laval, permettrait de résoudre des problèmes dans deux grands domaines: l'identification des citoyens dans leur vie quotidienne et leurs transactions commerciales et l'identification des électeurs lors d'événements fédéraux.»

Des voix: Il fallait lire «électoraux».

M. O'Neill (Louis-Martin): Distraction. Désolés.

M. Mulcair: Ah oui! D'accord. Il fallait l'écrire si vous vouliez qu'on...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: D'accord. C'est pour ça que j'avais du mal à...

M. O'Neill (Louis-Martin): Toutes nos excuses.

M. Fournier (Martin): Toutes nos excuses, M. Mulcair.

M. Mulcair: D'accord. Ça y est pour la première question, M. le Président.

M. O'Neill (Louis-Martin): N'y voyez pas là de notre part une obsession. Ha, ha, ha!

M. Mulcair: La deuxième question que j'ai concerne les pages 6 et 7 de votre mémoire, au point 3, De la carte d'identité comme embryon de la citoyenneté québécoise . Alors, vous dites: «La carte d'identité est un symbole qui permet non seulement de prouver l'identité d'une personne face à la société, mais également de s'affirmer et de s'intégrer.» Est-ce que vous pourriez élaborer pour nous sur cette notion du besoin d'une carte pour s'affirmer et s'intégrer? Moi, je vous avoue que ça m'échappe un peu, cette notion. Avez-vous, vous, dans votre vie, eu besoin d'une carte pour vous affirmer ou vous intégrer?

(17 h 50)

M. O'Neill (Louis-Martin): Non. Ce n'est pas l'élément qui fera nécessairement... Ça ne veut pas dire que sans carte on ne peut pas s'affirmer ou s'intégrer. Cependant, nous reprenons ici une théorie du professeur Balthazar qui affirme assez justement, selon nous, qu'un des éléments, avec le drapeau, d'une société, c'est le passeport. Malheureusement, pour l'instant, les Québécois ne peuvent pas avoir de passeport, mais nous croyons que l'émission d'une carte de citoyenneté, une carte québécoise de citoyenneté pourrait, d'une certaine façon, combler le passeport et faire en sorte, par exemple, que le nouvel arrivant puisse s'attacher un peu plus rapidement puis puisse voir qu'il fait partie d'une communauté et d'une collectivité, d'une société qui est la société québécoise.

M. Mulcair: M. le Président, la question que j'aurais pour M. O'Neill est la suivante: Est-ce que c'est obligatoire, au Canada ou dans un autre pays qu'il connaît, d'obtenir un passeport ou est-ce que c'est un choix libre à chaque citoyen de décider d'aller en chercher un? Il y a une nuance importante entre les deux. Parce que sa carte d'identité est obligatoire.

M. O'Neill (Louis-Martin): Oui, «la carte d'identité est obligatoire», c'est une nuance, certes, mais on ne le fait pas pour obliger chacun à voir qu'il est Québécois. Simplement, c'est un avantage parmi d'autres. Ce n'est pas l'avantage principal et ce n'est pas la raison pour laquelle on souhaite avoir la carte, mais, dans notre recherche, comme je vous dis, on y a vu là un avantage parmi d'autres, simplement.

M. Mulcair: M. le Président, les représentants de l'Université Laval nous ont cité un professeur Balthazar. J'ai regardé dans les références, il n'y a rien qui nous mentionne cette source. Peut-être pourraient-ils, quand ils en auront l'occasion, donner cette source aux membres de la commission pour qu'on puisse puiser dans sans doute la richesse des réflexions du professeur Balthazar. La question...

M. O'Neill (Louis-Martin): Il n'y a malheureusement pas eu de... Pardonnez-moi, M. le député. Il n'y a malheureusement pas eu de livre d'écrit sur le sujet par M. Balthazar; c'est simplement une référence ou, enfin, c'est un concept qu'il a développé dans un cours non pas à temps perdu mais de façon plus ou moins théorique.

M. Mulcair: Dernière question, M. le Président. À la page 7, De la liberté de circulation des personnes , là vous allez sur un territoire plus familier pour nous. Quand on entend des étudiants venir parler, on a plutôt tendance à les entendre parler de la liberté, bien que je sois un peu surpris de l'étroitesse de votre approche dans la première partie de votre mémoire. Mais, à la page 7, dans la rubrique De la liberté de circulation , vous avez deux paragraphes. Vous dites... Finalement, le dernier principe sur lequel vous vous basez, c'est la libre et paisible circulation. Ça signifie que tout citoyen peut se déplacer sur le territoire, de même que personne ne peut lui demander, un agent de la paix notamment, qu'il donne son identité sans raison valable. Donc, l'émission peut porter à certains abus, comme en France, où la carte d'identité est obligatoire et où les policiers peuvent exercer des contrôles d'identité à leur guise. Dès lors, toute personne qui ne porte pas la carte d'identité lors d'un contrôle d'identité peut se faire arrêter. Donc, le PQ de l'Université Laval croit que le citoyen doit conserver le plein contrôle sur l'utilisation de sa carte d'identité et la carte ne doit pas servir de moyen de contrôle de la part de la force policière. Il y a déjà un permis de conduire au Québec; est-il nécessaire d'imposer un permis de marcher?

Mais je vous soumets respectueusement que, même si vous n'êtes pas en train d'en faire une obligation de le détenir sur soi, vu l'obligation que vous faites de l'obtenir, vous êtes en train de le rendre obligatoire et vous ouvrez justement la porte à ce genre d'abus, tel que la situation que vous semblez ne pas aimer en France. Votre mémoire, à mon sens, ne tient pas compte de cette réalité-là.

Et je terminerais, M. le Président, en donnant à mon tour une citation à nos amis qui sont venus de l'Université Laval, et la citation était dans des études qui sont faites aux États-Unis – je peux leur donner des détails là-dessus – et qui démontrent que, lorsqu'une carte d'électeur devient obligatoire, ce sont surtout les minorités, les personnes avec moins d'instruction et les couches les moins bien nanties de la société qui ont de la difficulté à se les procurer, pour des raisons évidentes de difficultés de compréhension, et qui souffrent et perdent donc des droits, par conséquence. Je les réfère également au rapport annuel du Protecteur du citoyen d'il y a quatre ans, lors de l'opération ratée d'émission de la carte obligatoire d'assurance-maladie avec photo, où il a expliqué qu'effectivement ce genre d'opération là connaît inévitablement des ratés. Même si on peut les comprendre de dire qu'ils n'ont pas peur du progrès technologique, je pense qu'on a tous intérêt à apprendre du passé et je pense qu'à deux égards, donc, votre mémoire profiterait de cette connaissance du passé. Le premier égard, donc, c'est au plan technique, en lisant le Protecteur du citoyen, et, deuxièmement, c'est avec une lecture attentive de l'histoire de ce que ça représente, les sociétés qui obligent leurs citoyens à détenir des cartes d'identité.

M. O'Neill (Louis-Martin): Je soumettrai respectueusement au député que nous souhaitons la carte obligatoire dans la mesure où le citoyen désire voter. Par ailleurs, avec l'utilisation que nous souhaitons en faire, le citoyen qui n'a aucune envie de voter et qui n'a aucun complexe à utiliser sa carte d'assurance-maladie pour s'identifier ailleurs n'a aucune obligation de porter sur lui ou d'utiliser ou même de faire venir ladite carte d'identité. Si nous la souhaitons obligatoire, c'est uniquement dans le but d'en faire une carte d'électeur aussi. Si jamais la commission décidait de ne pas retenir l'idée de prendre une carte d'électeur ou de simplement prendre la carte de la RAMQ, comme le DGE le disait, à ce moment-là la carte d'identité en tant que telle ne serait pas obligatoire, à notre sens. Mais nous comprenons très bien les préoccupations de M. le député. Nous avons eu l'occasion, nous aussi, de lire passablement sur l'histoire de certains pays et nous connaissons les dangers qui à long terme peuvent survenir. C'est pour ça qu'effectivement nous ne souhaitons pas une carte... Le concept que nous avons développé fait en sorte que la carte paraisse obligatoire si quelqu'un désire voter, mais ne soit pas obligatoire pour vivre.

M. Mulcair: Cette nuance, M. le Président – je termine là-dessus – n'apparaît pas très clairement dans le texte.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska et ensuite M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Peut-être une couple de petites précisions. D'abord, je voudrais vous remercier et vous féliciter d'être venus nous présenter votre mémoire. À propos de votre carte d'identification, tantôt vous disiez que ce serait minimal comme information – exemple, le nom, le sexe – et vous nous avez parlé aussi d'adresse. À ce moment-là, ça m'apparaît un petit peu plus problématique parce que, comme on se l'est fait dire ce matin par un groupe, il y a je ne sais pas combien de milliers de Québécois qui changent d'adresse à tous les ans. À ce moment-là, ça deviendrait peut-être un peu fastidieux. Mais je ne sais pas si le fait qu'il n'y ait pas d'adresse, ça pourrait, selon vous autres, être aussi efficace et aussi adéquat.

M. Fournier (Martin): Je vais répondre à la question, M. le Président. Pour nous, l'adresse, elle servait surtout dans la perspective où la carte d'identité servait également de carte d'électeur. Comme vous pouvez vous en douter, il y a sûrement plusieurs dizaines de Martin Fournier qui existent au Québec et, en ce sens-là, enfin bref, il me semble peu souhaitable de permettre qu'un quelconque Martin Fournier puisse voter à ma place lors d'une élection. L'idée de mettre l'adresse sur la carte d'identité, ça nous semble être une mesure supplémentaire afin de s'assurer que la personne qui va voter est effectivement celle dont le nom est inscrit sur la liste électorale. D'autre part... Oui, vas-y.

M. O'Neill (Louis-Martin): D'autre part, si vous permettez, c'est aussi beaucoup plus facile pour un commerçant de retrouver Martin Fournier qui habite au 3375, Périgny qu'un Martin Fournier, cinq pieds et six, les yeux verts, dans la province de Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. O'Neill (Louis-Martin): Je pense que l'inconvénient qui est de changer l'adresse, somme toute, une fois de temps à autre – parce qu'on ne déménage quand même pas, pour la majorité d'entre nous, à chaque année – en vaut la peine.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pardon?

M. O'Neill (Louis-Martin): Je pense que l'inconvénient d'être obligé...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vaut la peine?

M. O'Neill (Louis-Martin): ...de changer la carte vaut la peine d'avoir l'adresse.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

(18 heures)

M. Bergman: Merci, M. le Président. Messieurs, j'ai un grand respect pour les jeunes de notre société, car je pense que les jeunes de notre société, c'est notre avenir pour demain. Mais, en lisant votre mémoire, vraiment je suis étonné et ça m'inquiète beaucoup de voir les pensées de demain de notre société. Je vois vraiment, à votre page 6, où vous parlez de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, disant que toute personne a droit au respect de sa vie privée... Et après vous parlez du non-respect de ces principes qui pourrait avoir des fâcheuses conséquences concernant les relations entre le citoyen et l'État. Après, vous parlez, dans la prochaine section, d'une carte d'identité pour permettre non seulement de prouver l'identité d'une personne face à la société, mais également d'affirmer et d'intégrer le citoyen. Mais je vous soumets qu'aucune personne, aucun citoyen de ce pays ne doit prouver son identité. Il a une identité et il ne doit pas la prouver face à la société. Je vous demande comment vous pouvez avoir l'audace d'indiquer cette phrase dans un texte que vous soumettez aujourd'hui à notre commission. Moi, j'en ai, une identité dans cette société canadienne, que j'aurai toujours, et je me demande comment vous pouvez demander à moi pour porter une carte d'identité pour prouver mon identité.

M. O'Neill (Louis-Martin): La phraséologie est peut-être maladroite, je vous l'accorde, mais, lorsque l'on dit que chaque individu doit pouvoir prouver son identité propre et distincte, c'est simplement que je dois la prouver lorsque je désire voter ou je dois la prouver à un commerçant lorsque je désire m'abonner à un club vidéo. Mais, d'autre part, on respecte très bien le principe qui est que, si quelqu'un décide... Ce n'est pas prouvé... Je crois voir où vous souhaitez en venir. Si c'est votre question, nous ne souhaitons pas qu'un individu, avec la possession de cette carte-là, puisse prouver qu'il est Québécois, loin de là. Il doit prouver qu'il est un individu, mais il peut aussi considérer, il peut voir, il peut se rendre compte, par l'obtention d'une carte, qu'il appartient à la collectivité québécoise. Ça ne fait pas de lui un Québécois à ceinture fléchée. La phraséologie est peut-être maladroite, mais, d'autre part, ce serait une erreur que de l'interpréter dans le sens où M. le député vient de le faire.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants du Parti québécois de l'Université Laval d'être venus nous rencontrer et d'avoir contribué aux travaux de cette commission. Et j'ajourne maintenant, puisque l'heure est arrivée, les travaux de la commission à demain matin, 9 heures, dans cette salle-ci.

(Fin de la séance à 18 h 2)


Document(s) related to the sitting