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(Dix heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. French): Je déclare ouverte cette
réunion de la commission de la culture.
Exposé du président sur le mandat de la
commission
Avant de procéder plus en détail quant au mandat de ladite
commission pour cette réunion, il faudrait faire un certain nombre de
choses d'ordre administratif: Sont présents: MM. Brouillet (Chauveau),
Champagne (Mille-Îles), Dauphin (Marquette) qui retourne dans un instant,
French (Westmount), Hains (Saint-Henri), Mme Lachapelle (Dorion). Nous avons
quorum. Nous n'avons pas de remplacement.
On se rappellera que l'article 286 du nouveau règlement de
l'Assemblée nationale exige que chaque commission examine annuellement
les orientations, les activités et la gestion d'au moins un organisme
public soumis à son pouvoir de surveillance. On sait que trop souvent,
dans le passé, des éléments importants du grand
éventail des organismes publics ont été laissés
pour compte par l'Assemblée nationale faute, entre autres, de temps
précis désigné dans l'horaire parlementaire pour ce faire.
C'est ce que les architectes de la réforme parlementaire ont voulu
corriger par le biais de l'article 286.
À la suite d'une motion à cet effet par Mme la
députée de Dorion, la commission de la culture a invité la
Société de développement des industries de la culture et
des communications, la SODICC, à se joindre à nous afin de faire
l'examen spécifié dans l'article 286. Nous voulons donc souhaiter
la bienvenue à M. Pierre-A. Deschênes, nouveau -depuis un an, je
pense - président-directeur général ainsi qu'à ses
collègues: M. Laliberté, responsable du patrimoine, M. Guy
Bouthillier, vice-président et M. Michel d'Astous, directeur de la
planification.
Nous voulons également remercier la SODICC pour un travail qui
devait être énorme, c'est-à-dire nous fournir la
documentation volumineuse que nous avons et qui nous aidera dans notre
étude de la SODICC.
Je voudrais d'abord dire quelques mots sur la façon dont une
commission parlementaire devrait aborder l'examen d'un organisme public,
puisque l'article 286 dit tout et ne dit rien. Il dit tout dans le sens qu'il
nous donne un mandat très large - je pense que c'est très
important - d'examiner ce qui se passe au sein de la SODICC, mais il ne dit pas
beaucoup sur la façon dont on devrait aborder cet examen. Ce n'est, en
effet, que la deuxième fois que l'article 286 a été
évoqué en commission parlementaire. La première fois,
c'était au printemps dernier lorsque la commission de l'éducation
et de la main-d'oeuvre a rencontré les administrateurs du fonds FCAC, le
fonds de recherche du gouvernement du Québec. Nous sommes donc,
jusqu'à un certain point, en "terra incognita". Ceci est
particulièrement vrai dans la mesure où la réforme
parlementaire veut que les dirigeants des organismes publics comparaissent
devant les parlementaires sans la présence du ou des ministres
ultimement responsables de ces organismes devant l'Assemblée
nationale.
Il va sans dire que les parlementaires ont le devoir et même
l'obligation de dire franchement ce qu'ils pensent - je cite -"des
orientations, des activités et de la gestion" de l'organisme qui est
devant eux. C'est élémentaire. Mais, d'autre part, il me semble
que ce n'est pas tout dire. Les régisseurs, les présidents, les
directeurs généraux, etc., des organismes publics n'ont pas tous
la même situation juridique. Ils n'ont pas tous la même
liberté d'action, la même entrée au cabinet de leur
ministre, le même contexte réglementaire, le même genre de
conseil de direction ou les mêmes conditions concurrentielles.
Ce sont toutes des considérations pertinentes au comportement et
aux attitudes des parlementaires, face aux représentants des organismes
publics convoqués à une commission parlementaire. Une certaine
force d'expression et de ton coloré qui viennent avec le métier
que nous pratiquons serait peut-être acceptable dans certaines conditions
très spécifiques, lorsque le ministre est participant à
une commission parlementaire, lorsque le fonctionnaire devant nous jouit d'un
statut réellement indépendant et responsable comme tel ou encore
lorsqu'il s'agit de décisions, de politiques ou de pratiques dont la
seule responsabilité relève clairement et inéluctablement
de la personne qui est devant nous. Mais il faut faire attention, la vaste
majorité des cas, à la suite de l'application de l'article 286,
est susceptible d'être composée de situations plus complexes, plus
subtiles et plus nuancées que celle que je viens d'évoquer. Nous
devons
tous chercher des moyens d'expression qui sont à la fois francs
et même catégoriques au sujet des politiques et de la performance
de l'organisme et du gouvernement et, d'autre part, respectueux du rôle
public nécessairement circonspect et de la responsabilité
fréquemment partielle desindividus devant nous.
Nous avons alloué deux jours pour l'examen de la SODICC par la
commission de la culture. On a pu constater la déception de certains
parlementaires, notamment, les deux à ma gauche, lors de l'étude
des crédits du ministère des Affaires culturelles lorsqu'ils ne
pouvaient pas discuter tous les dossiers qu'ils auraient voulu, faute de temps.
Un tel dénouement semble moins probable avec deux jours d'audition pour
la SODICC. Cependant, rien ne garantit qu'on se rendra jusqu'à mercredi,
18 heures. Ce n'est pas là le test ou le critère important. On
verra au fur et à mesure que les discussions se poursuivront comment ne
pas être fasciné par les dossiers dont il sera question.
J'avais essayé, pendant un certain temps, de formuler des
recommandations par rapport aux séquences de questions à aborder
par la commission pour finalement me rendre compte que les multiples facettes
de la problématique des industries de la culture et des communications
sont tellement susceptibles d'éveiller la curiosité des uns et
des autres qu'aucune tentative d'autre discipline suffirait.
Avant d'inviter M. Deschênes à prononcer ses commentaires
préliminaires, je voudrais demander au secrétaire si nous avons
maintenant les copies des documents pour tout le monde. On sait que la SODICC
nous a amené un certain nombre de copies des commentaires
préliminaires de M. Deschênes. Malheureusement, on n'en a pas eu
assez. Deuxièmement, je voudrais proposer à mes collègues
de la commission, s'ils sont d'accord, d'accepter le dépôt
auprès de la commission du document que la SODICC nous a fourni qui
s'appelle, que je vais appeler, en tout cas, Relevé des investissements
de la SODICC. On est d'accord?
Une voix: Oui.
Le Président (M. French): Cela permet aux intervenants de
la presse d'avoir accès à la documentation. Si les parlementaires
doivent quitter la salle, nous avons dans le coin une espèce de
dépôt où - s'ils veulent peut-être marquer leur nom -
ils pourraient laisser leur cahier; si un autre parlementaire arrive comme
remplaçant, il pourrait avoir accès au cahier, si cela vous
convient. Cela vous éviterait d'être obligé d'apporter le
cahier partout. Évidemment, les notes personnelles et tout cela, vous
devrez les conserver. Nous n'avons toujours pas de copie des commentaires
préliminaires. Bon. Je pense que nous devons néanmoins commencer.
Après les commentaires du président-directeur
général, j'ai l'intention de demander à Mme la
députée de Dorion de commencer l'échange de propos avec M.
Deschênes et ses collègues. À moins que d'autres
députés aient des commentaires ou des remarques
préliminaires à formuler... Je ne sais pas si M. le
député de Saint-Henri ou M. le député de Marquette
a des commentaires à faire. Vous n'en avez pas.
M. Dauphin: Non, pas pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. French): M.
Deschênes.
M. Deschênes (Pierre-A. ): M. le Président,
pourrais-je vous poser une question préliminaire? J'aimerais savoir si
vous avez reçu la réponse, que je vous ai transmise, vendredi,
à la lettre que vous m'avez envoyée la semaine
dernière...
Le Président (M. French): Oui.
M. Deschênes:... qui demandait des renseignements
supplémentaires.
Le Président (M. French): Oui, M. le président, je
vous remercie de l'avoir mentionné. J'ai soumis, en tant que membre de
la commission et non pas en tant que président, une deuxième
demande de renseignements, soit les curriculum vitae des membres du conseil de
direction de la SODICC ainsi que ceux des employés professionnels. J'ai
la documentation. J'ai l'intention de la faire photocopier et de la distribuer
à tout le monde. Je vous remercie, M. le président, de m'avoir
rappelé cette documentation. On vous remercie encore une fois. Ma
demande était très tardive et je suis conscient que cela a
dû créer certains problèmes administratifs.
J'apprécie beaucoup votre effort pour répondre à nos
demandes.
Tableau d'ensemble de la SODICC et de son
rôle
M. Pierre-A. Deschênes
M. Deschênes: M. le Président, Mme et MM. les
parlementaires, Mme la secrétaire, permettez-moi d'abord de remercier
les membres de la commission de la culture d'avoir invité la
Société de développement des industries de la culture et
des communications, la SODICC, à venir présenter sa mission et
ses actions, ainsi qu'à répondre aux questions des parlementaires
sur cette société d'État.
En guise d'introduction à nos discussions, j'aimerais vous
brosser un tableau d'ensemble de la SODICC et de son rôle.
D'abord un bref retour en arrière nous permettra de mieux
comprendre les actions actuelles.
Il y a maintenant cinq ans, près de six en fait, le gouvernement
du Québec constatait qu'il était nécessaire de se doter
d'une structure paragouvernementale vouée au développement, sur
des bases commerciales, d'infrastructures industrielles permanentes. Cette
société devait, de plus, être souple, proche du milieu et
branchée sur les besoins réels du secteur privé.
En décembre 1978 se tenait le sommet socio-économique sur
les industries culturelles. C'est à ce moment que le gouvernement,
à partir d'initiatives passées infructueuses en matière
d'aide à ces industries et à partir également de
nombreuses consultations, proposa la création de la
Société québécoise de développement des
industries de la culture et des communications.
Rien n'est plus éloquent, me semble-t-il, que de faire
référence au texte que le gouvernement suggéra alors aux
participants de ce sommet socio-économique: "II ne peut être
question que le gouvernement du Québec interrompe son assistance
technique aux industries culturelles. Il doit plutôt l'accroître.
En aidant les entreprises en place à résoudre leurs
problèmes de gestion, de production et surtout de mise en marché,
l'État contribue à améliorer la
compétitivité de ces entreprises... " Fin d'une première
citation.
Je cite de nouveau: "Le gouvernement du Québec ne dispose
même pas actuellement de levier approprié pour contrebalancer une
offre d'achat qu'une firme étrangère pourrait faire à une
entreprise québécoise rentable. " Fin de la seconde citation.
Je cite de nouveau: "En collaboration étroite avec le secteur
privé, l'État québécois doit entrer de plein jeu
dans une foule d'opérations financières, industrielles et
commerciales. Pour l'ensemble de ces opérations, il est indispensable
qu'il soit associé de près et de l'intérieur à la
vie des industries culturelles, qu'il en épouse la cadence et le rythme
afin de recueillir en permanence l'information utile, de déceler les
possibilités d'innovation et, davantage encore, d'agir avec propos et
célérité. En d'autres termes, cela signifie que
l'État doit entretenir des relations d'affaires avec les industries
culturelles. " Fin de cette troisième citation. Ces citations, je vous
le rappelle, remontent au sommet socio-économique de 1978.
Ainsi donc naissait la SODICC, sorte de bras financier du gouvernement
dans le champ culturel, qui dipose, rappelons-le, de trois principaux modes
d'intervention: le prêt, la garantie de prêt et le capital de
risque.
Voici donc la SODICC en quelques mots: la SODICC est un organisme
d'intervention financière doté d'un capital-actions de 20 000 000
$ dont la mission est de contribuer au financement d'entreprises et non de
projets. Son conseil d'administration est constitué de 29 personnes dont
sept sont de l'extérieur de la SODICC et de la fonction publique; en
fait, six sont issues de l'entreprise privée.
Les demandes sont analysées à la lumière de deux
grilles. La première est financière: garanties, bilan,
qualité de gestion etc; la seconde est plus globale et se base sur des
critères économiques et culturels: les impacts, la place de
l'industrie sur le marché. Cette dernière s'appuie sur des avis
d'opportunité produits par les ministères sectoriels. En somme,
les demandes de financement doivent répondre à trois conditions
essentielles: la rentabilité de l'entreprise, la participation au
développement économique du Québec et l'engagement
financier des promoteurs. C'est donc en proposant un "partnership" d'une
année avec les entreprises et en adoptant une approche industrielle que
la SODICC entend jouer son rôle.
Aujourd'hui plus que jamais, nous croyons que le développement
culturel du Québec est tributaire en grande partie de la vitalité
et de la croissance d'entreprises saines et rentables.
L'État-providence, par voie de subventions, de règlements ou de
politiques, ne suffira jamais à lui seul à insuffler un
véritable développement. Entendons-nous bien; je ne dis pas que
l'État doit se désengager du champ culturel. Bien au contraire.
Je crois en la complémentarité de l'action de différents
partenaires et en la nécessité pour l'État, par le biais
d'une société comme la nôtre, de créer une relation
d'affaires avec les acteurs culturels. En ce sens, la SODICC se veut un
instrument privilégié au service d'entrepreneurs qui font preuve
de dynamisme et d'esprit d'initiative. Nous voulons appuyer les entreprises
culturelles québécoises dans leur projet de croissance. En un
mot, nous voulons casser le mythe qui veut que la culture soit le terrain
obligé des subventions et que les investissements culturels ne soient
jamais rentables économiquement.
Je viens de vous mentionner les trois grands critères à la
base des décisions qu'est appelé à prendre le conseil
d'administration de la SODICC. Il sera sans doute intéressant pour vous
de savoir que ces critères s'appliquent à trois types
d'intervention: un premier que nous appelons des cas de difficultés
financières; il s'agit généralement de consolidations
financières n'impliquant pas d'investissement en de nouvelles
immobilisations ou en de nouveaux moyens de production; un second que nous
appelons des projets d'expansion et/ou de création d'entreprises; cette
catégorie vise les projets
dont le but est de créer une entreprise ou de pourvoir à
son développement; un troisième qui est un projet d'initiative
et/ou de développement de l'industrie; il s'agit alors de projets
susceptibles de constituer un apport majeur significatif au
développement des industries de nos champs d'intervention ou de leurs
structures; les secteurs associés sont habituellement identifiés
comme prioritaires dans le plan de développement annuel de notre
société. (11 heures)
Nous sommes maintenant à la phase II de la SODICC. Après
cinq ans d'existence, notre expérience nous démontre que, si la
SODICC veut jouer son rôle de "développeur", elle ne doit plus se
contenter d'une attitude attentiste mais adopter résolument un
rôle interventionniste. Nous devons prendre des initiatives, choisir des
cibles précises et établir des priorités d'action. Par
exemple, les champs du logiciel, de l'audiovisuel et des nouveaux moyens de
diffusion - télévision payante et câblodistribution par
exemple - nous paraissent aujourd'hui les lieux stratégiques où
nous devons consentir des efforts majeurs. De banquier de risques que nous
étions surtout, nous allons devenir davantage un catalyseur de
développement. Nous entrons dans ce que nous avons appelé la
phase II de l'histoire de la SODICC.
Cette année marque donc un véritable virage. En effet, en
début d'année, nous avons jeté les bases sur lesquelles se
fonderont dorénavant les interventions de la SODICC. Nous recentrant sur
notre mission première, nous avons précisé nos objectifs,
orienté notre action et révisé nos critères
financiers.
Dans cette perspective, la SODICC a procédé à la
rédaction, à la consultation et à la diffusion de son plan
de développement pour l'année 1984-1985. Ce document,
approuvé par notre conseil en février dernier, définit les
orientations qu'entend suivre la société au cours de cette
année. Cinq priorités y sont dévoilées à
savoir le développement du logiciel, l'exportation en
câblodistribution, la mise en valeur de la production audiovisuelle,
l'aide à l'exportation de spectacles et le soutien aux
événements majeurs. En plus de ces cinq priorités, la
SODICC définit, toujours dans ce plan de développement, ses
orientations annuelles pour chacun des treize secteurs industriels qui
relèvent de son mandat.
L'édition de ce plan répond en outre à notre
volonté de transparence et de visibilité. En effet, si nous
voulons maximiser les possibilités de développement, il importe
que les milieux de la culture et des communications sachent bien qui nous
sommes et comment nous pouvons aider leurs entreprises.
Comme vous le constatez, la SODICC entend jouer un rôle de plus en
plus actif, afin que les effets de ses interventions soient
véritablement structurants pour le secteur industriel qu'elle veut
aider. Ainsi, elle n'hésitera pas, dans certains cas, par sa
présence au conseil d'administration ou à des comités de
gestion, à être partie prenante des décisions concernant
les orientations des entreprises bénéficiaires. Par exemple,
notre implication dans Premier Choix et TVEC vise essentiellement à
rationaliser l'industrie de la télévision payante francophone et
à stimuler la production audiovisuelle québécoise.
Un autre exemple, celui de SOMART: Société de
commercialisation des métiers d'art. Notre intervention vise, dans ce
cas, la rationalisation de la mise en marché sur une base industrielle
des produits de métiers d'art. Avec cette entreprise, nous créons
un grossiste spécialisé qui favorisera la présence
systématique des produits québécois dans les magasins de
détail et l'exploitation du marché institutionnel jusqu'ici
négligé. La présence de la SODICC permettra par ce
regroupement d'harmoniser les intérêts des différents
partenaires impliqués dans cette nouvelle entreprise.
Ces constatations et ces objectifs indiquent quelques conclusions qui
pourront nous guider, nous de la SODICC, pour nos actions à venir.
D'abord, la SODICC continuera d'utiliser les critères de
rentabilité, de participation au développement économique
et d'engagement des promoteurs comme base de ses décisions. Ensuite,
nous allons nous appuyer sur des critères plus serrés dans le
choix des entreprises que nous consentirons à aider afin d'optimaliser
les effets positifs des sommes d'argent disponibles dans une optique de
développement économique des secteurs en cause. Ceci ne signifie
pas que nous deviendrons des banquiers au sens strict; les contenus sur
lesquels nous travaillons continueront de recevoir un haut degré
d'attention et nous serons toujours réceptifs à des entreprises
prometteuses, même si le risque peut sembler élevé.
En dernier lieu, la SODICC entend déterminer chaque année
des priorités d'action. Si nous voulons agir véritablement comme
société d'initiative, nous devons dessiner clairement une
stratégie de développement sélective et faire des choix.
Nous soumettrons ces priorités à la consultation de
ministères et du milieu de la culture et des communications et ces choix
constituent, en quelque sorte, les engagements fermes de la
société.
D'ailleurs, en passant, nous sommes actuellement à
réfléchir sur le plan de développement 1985-1986 et le
conseil d'administration de la SODICC sera saisi de nos premières
réflexions à ce sujet et y participera activement lors du conseil
d'administration de novembre, qui aura lieu
la semaine prochaine.
En guise de conclusion, les discussions que nous aurons aujourd'hui et
demain nous permettront de mieux nous faire connaître auprès de
vous. Notre présence ici contribuera, je l'espère, à mieux
faire saisir les enjeux économiques de la culture et des
communications.
Je termine ici cette présentation générale,
préférant laisser place à une discussion sur les actions
de la SODICC. J'espère que nos échanges permettront de bien
mettre en lumière l'importance que nous attachons tous au
développement d'entreprises de la culture et des communications
rentables et dynamiques. Merci, M. le Président.
Le Président (M. French): Merci, M. Deschênes. Je me
permets de vous indiquer également que la commission espère que
les auditions vous permettront de saisir les préoccupations des
parlementaires et peut-être même, qui sait? de récolter
quelques bonnes idées. Avec ce voeu optimiste à l'esprit, je
voudrais inviter la députée de Dorion, celle qui était
à l'origine de votre présence parmi nous aujourd'hui, à
commencer la discussion.
Bilan des activités de la SODICC
Mme Lachapelle: Bonjour, messieurs. Tout d'abord, je voudrais
vous remercier d'avoir répondu à l'invitation des membres de la
commission de la culture. Depuis l'arrivée ou la mise en vigueur de
notre réforme parlementaire, les membres d'une commission peuvent, en
plus d'entendre des mémoires sur des sujets particuliers et
étudier des projets de loi, convoquer, comme mandat d'initiative - mais
on m'a dit que ce n'était pas un mandat d'initiative, finalement;
c'était une responsabilité des commissions d'étudier en
profondeur une société d'État - les responsables de la
société d'État ou organismes gouvernementaux afin de mieux
connaître et de voir de plus près leur façon de
fonctionner. Parce que, malgré vos cinq ans d'existence, même si
je sais que vous aidez nos entreprises de la culture à se
développer, tels le théâtre, le domaine du spectacle, du
livre, etc., je vous avoue peu connaître la SODICC. Je constate cependant
que, depuis l'ajout du budget supplémentaire, la SODICC jouera un
rôle beaucoup plus important dans le domaine des communications, tels
l'aide à la production d'audiovisuel, l'aide à l'exportation en
câblodistribution, logiciels, etc. Soyez assurés que cette
rencontre ou cette étude en profondeur de la SODICC se veut très
positive pour moi et pour mes collègues de l'Opposition. C'est par nos
questions et par vos réponses que nous serons en mesure de dire que nous
connaissons mieux notre et votre société.
Si vous me permettez, je poserai quelques questions, un peu pour partir
le bat. Je suis certaine que mes collègues enchaîneront et je
reviendrai un peu plus tard avec d'autres questions.
Premièrement, j'aimerais savoir comment sont traités les
dossiers, c'est-à-dire combien vous en traitez annuellement et qui les
traite. Est-ce un spécialiste ou un comité?
M. Deschênes: Mme la députée de Dorion, je
peux vous indiquer quelques statistiques qui, peut-être, vont vous donner
un peu le bilan quantitatif des opérations de la société,
la SODICC, ce qui répondra à votre question. Depuis notre
début, donc au printemps 1979, nous avons traité, jusqu'à
ce jour, 274 dossiers.
Si on prend les caractéristiques des années, en 1979-1980,
qui était notre première année, donc une année qui,
dans le temps, a été partielle, nous avons analysé 21
dossiers pour un montant de 2 234 000 $ environ; en 1980-1981, nous avons
analysé 30 dossiers pour un montant de 3 365 000 $; en 1981-1982, 56
dossiers pour un montant de 5 107 000 $; en 1982-1983, 64 dossiers pour 8 183
000 $; en 1983-1984, 62 dossiers pour 10 000 294 $ et, en 1984-1985, à
ce jour, en considérant les dossiers acceptés au conseil
d'administration du mois d'octobre, 41 dossiers pour 5 641 000 $. Quand je vous
parle de dossiers, ce sont des dossiers sur lesquels nous avons accepté
d'agir. Vous avez probablement constaté, par le document que
j'appellerai noir qui vous a été transmis, qu'il y a un certain
nombre de dossiers qui sont refusés par le conseil d'administration.
Il y a également des dossiers qui ne se rendent pas au conseil
d'administration parce qu'ils ne sont pas constitués à la suite
d'échanges que nous avons avec les industries et parce que, pour toutes
sortes de raisons, l'industrie, les promoteurs en cause et nous-mêmes
considérons qu'il s'agit de dossiers qui n'ont pas leur place à
la SODICC ou qui, pour toutes sortes d'autres raisons, ne devraient pas
être analysés. Donc, les dossiers que vous avez, ce sont des
dossiers qui ont nécessité une décision du conseil
d'administration, une décision positive, et des investissements.
Pour être plus spécifique, je vous dirais que, si vous
regardez...
Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le
président. Au plan de l'information, je ne suis pas entièrement
convaincu que j'ai bien saisi. Ce qu'on a eu, c'est le nombre de dossiers qui
ont occasionné une étude sérieuse et une décision,
qu'elle soit positive ou négative, de la part du conseil
d'administration.
M. Deschênes: C'est-à-dire que, dans le dossier que
je vous ai transmis, M. le Président, vous avez les dossiers qui ont
nécessité ou qui ont obtenu une décision positive ou
négative du conseil d'administration. Mais dans les statistiques que je
viens de vous indiquer...
Le Président (M. French): Ce sont des statistiques.
M. Deschênes:... c'est seulement les dossiers qui ont eu
une réponse positive de la part du conseil d'administration et qui ont
nécessité une mise de fonds.
Le Président (M. French): Je m'excuse.
M. Deschênes: Je disais donc, pour continuer à
répondre à la question que vous me posiez, Mme la
députée de Dorion, qu'en 1983-1984 et en 1982-1983, vous avez
constaté que le nombre de dossiers reçus, qui ont reçu une
réponse positive est, de 62 et 64 respectivement. C'est, nous le
croyons, selon le cheminement que nous faisons actuellement, à peu
près le nombre de dossiers que nous serions appelés à
analyser et à recevoir positivement au cours d'une année qu'on
peut appeler régulière. Nous estimons, par exemple, que
l'année 1984-1985 va donner un nombre de dossiers à peu
près identique.
Le capital-actions émis à la SODICC est actuellement de 16
000 000 $ sur un capital de 20 000 000 $. Nous sommes toujours en croissance.
Le plan de développement 1985-1986 sur lequel nous travaillons va amener
une nouvelle demande pour le ministre des Finances de participer de
façon additionnelle au capital-actions. Ce seuil de 20 000 000 $ ne
pourra pas être dépassé, bien sûr, puisque c'est
fixé par la loi, mais nous croyons que ce seuil sera atteint et, si nous
avions la possibilité d'aller au-delà, il serait
dépassé en 1985-1986. Cela veut probablement dire que le conseil
d'administration de la SODICC pourrait être amené à
formuler au ministre responsable de notre société, le ministre
des Affaires culturelles, M. Richard, une demande de révision de la loi
en ce sens. Je vous dirais même que c'est une action qui est fort
probable.
Mme Lachapelle: En réponse à ma deuxième
question, est-ce que c'est un spécialiste qui analyse un dossier ou si
c'est un comité? (11 h 15)
M. Deschênes: Je vais vous parler du cheminement du
dossier. D'ailleurs, je m'excuse de ne pas avoir répondu à cette
partie de votre question que j'avais bien comprise. Quand un dossier arrive
à la société de développement des industries
culturelles, il peut arriver de toutes sortes de façons, mais il y a,
dès son arrivée, un analyste financier qui est identifié
et qui a la responsabilité de porter le dossier jusqu'à son
terme, c'est-à-dire de procéder à son analyse et de faire
une recommandation. Dès que son analyse est faite, analyse qu'il fait
avec son supérieur, le directeur des industries de la culture ou le
directeur des industries des communications, selon le cas, et le
vice-président, M. Bouthillier, qui est responsable des
activités, le dossier, à ce moment, prend une forme qui est
à peu près définitive pour le secteur des
activités. Il est soumis à un comité de crédit, qui
est un comité interne constitué essentiellement et seulement de
membres de la SODICC; ce sont donc les deux directeurs des industries de la
culture et des communications, le vice-président, le secrétaire
et conseiller juridique, de même que l'analyste en cause.
Ce comité de crédit analyse le dossier qui lui est soumis
par l'analyste, évalue la pertinence d'une participation
financière de la SODICC et utilise également, pour son analyse,
ce que nous appelons un "avis d'opportunité". Quand le dossier nous
arrive, et je recule un peu en arrière, selon qu'il s'agit du secteur
des communications ou du secteur des affaires culturelles, nous demandons au
ministère concerné de nous indiquer l'opportunité du sujet
en cause.
Je cite un exemple: S'il y a une demande de développement de
logiciels dans un secteur particulier, par exemple, les didacticiels, pour
prendre un cas plus précis qui sont des livres scolaires
électroniques, nous allons nous adresser au ministère des
Communications pour lui dire: Nous avons une demande devant nous d'une
entreprise qui veut développer des didacticiels; est-ce que vous
considérez que le Québec aujourd'hui requiert le
développement de tels logiciels et, si oui, est-ce que vous
considérez que le secteur plus précis de l'entreprise en cause
doit être encouragé?
Cet avis d'opportunité nous est transmis par le ministère
des Communications en l'occurrence et est aussi utilisé par le
comité de crédit. Le comité de crédit, donc, en
arrive à une recommandation qui est positive ou négative et,
quelle que soit cette recommandation, elle est soumise au
président-directeur général que je suis. Je fais l'analyse
du dossier et, au besoin, communique avec le comité de crédit et
son responsable, le vice-président, M. Bouthillier, et conviens d'une
recommandation au conseil d'administration.
Maintenant, je vous parle d'un cheminement qui est plus théorique
que pratique puisque dans les cas, le vice-président et moi-même
nous nous voyons régulièrement et on n'a pas à
préparer un programme de rencontres précises pour évaluer
les dossiers. On s'en parle au début,
au milieu et à terme. Lorsque la recommandation du comité
de crédit que j'ai entérinée est confirmée, elle
est transmise au conseil d'administration. C'est le conseil d'administration
qui prend toutes les décisions d'intervention ou de refus d'intervention
dans un dossier particulier. Le conseil d'administration se réunit
statutairement à tous les deuxièmes mercredis de chaque mois,
sauf janvier et juillet. Ce sont des réunions statutaires et,
au-delà des réunions statutaires, il peut y avoir des
réunions spécifiques qui sont convoquées pour un sujet
précis, par exemple le plan de développement, ou pour un cas plus
pressant, plus urgent d'une entreprise qui requerrait notre aide
financière.
Maintenant, le conseil d'administration a son comité
exécutif qui, sur demande du conseil d'administration peut, entre deux
rencontres du conseil d'administration, analyser des demandes
particulières pour accélérer, dans certains cas, la
décision sur certains dossiers.
Mme Lachapelle: Merci. Combien de temps dure la période
d'analyse? Est-ce que l'entreprise doit attendre un certain temps? Je veux
dire: Quels sont le minimum et le maximum d'attente?
M. Deschênes: En général, pour un dossier
complet, si le dossier nous est entièrement transmis à une date
déterminée, nous estimons que le temps requis pour le cheminement
que je viens de vous indiquer est de 30 jours. En d'autres mots, si, le
lendemain d'un conseil d'administration, un dossier nous était transmis,
que tous les renseignements pertinents pour l'analyse étaient
présents, il serait soumis au prochain conseil d'administration. Dans
les faits, je peux vous dire que cela prend un peu plus de temps parce que les
entreprises, évidemment, ne connaissent pas le genre de renseignements
qu'on souhaite. Il y a des renseignements qu'on peut appeler traditionnels et
conventionnels qu'ils nous transmettent, genre bilan financier de
l'année actuelle et ceux des années antérieures, le bilan
pro forma, les dépenses, les revenus, etc. Donc, en
général, il y a une première rencontre avec l'analyste; il
y une demande de renseignements supplémentaires à l'analyse du
dossier et ensuite, on peut prendre en considération une période
de trois à quatre semaines.
Je me permets aussi de vous donner un renseignement additionnel que je
n'ai pas mentionné tantôt, ce que me signale mon
vice-président, M. Bouthillier, en ce sens que le conseil
d'administration a un seuil supérieur aux montants qu'il peut autoriser.
Ce seuil est de 250 000 $. En d'autres mots, le conseil d'administration peut,
de sa propre initiative et en vertu de ses pouvoirs, autoriser toute
participation financière jusqu'à concurrence de 250 000 $.
Au-delà de 250 000 $ il faut passer par le Conseil des ministres, donc
acheminer au ministre des Affaires culturelles la recommandation du conseil
d'administration; le ministre, qui est le juge approprié, soumet cette
recommandation au Conseil des ministres. Je vous signale encore ici que ce
seuil de 250 000 $ a été établi lors de la création
de la SODICC, donc au printemps 1979. Le conseil d'administration, qui
révise actuellement l'ensemble des règlements de la SODICC, juge
que ce seuil devrait être élevé, compte tenu des montants
qui sont actuellement requis par les entreprises pour une participation de
notre part. Encore là, le conseil va acheminer dans les mois qui
viennent une demande de modification aux règlements en cause afin de
porter ce seuil de 250 000 $ à un montant plus élevé. Dans
l'esprit du conseil, ce seuil devrait être de 500 000 $.
La création d'emplois
Mme Lachapelle: J'en arrive à ma dernière question.
On parle souvent, même toujours de rentabilité culturelle et
économique des industries. Est-ce qu'on se soucie aussi, lorsqu'on
analyse les dossiers et lorsqu'on donne le feu vert pour le prêt, de la
création d'emplois autour de cela, parce que c'est le mot à la
mode ce temps-ci?
M. Deschênes: Nous nous soucions effectivement de la
création d'emplois et nous essayons de faire en sorte que nos
interventions puissent participer aussi à la création de nouveaux
emplois et d'emplois permanents au Québec. Si on regardait de
façon un peu plus détaillée - vous avez peut-être eu
l'occasion de le faire à partir des documents qui vous ont
été soumis - si on regardait de façon un peu plus
particulière les dossiers sur lesquels nous sommes intervenus, vous
constateriez qu'en vertu de la période économique difficile que
nous avons vécue, en 1979, 1980 et 1981, nous avons été
appelés à intervenir dans beaucoup de cas pour sauver des
entreprises qui étaient en difficulté en raison des taux
d'intérêt qui ont pris une direction assez dramatique et que vous
avez connue, de sorte que, dans ces cas, ce ne sont pas des emplois nouveaux
qui ont été créés, mais ce sont certainement des
emplois qui ont pu être conservés. Nous avons certaines
statistiques sur ce que le secteur culturel représente au niveau des
emplois au Québec. Je ne sais pas si M. D'Astous a ces statistiques en
mémoire.
M. d'Astous (Michel): Oui. Selon Statistique Canada, on estime
qu'au Québec à peu près 80 000 personnes travaillent
dans
des industries culturelles et que ce secteur, dans la création
d'emplois, progresse à un rythme du double des autres secteurs
industriels. Sur une période de dix ans, en effet, ce secteur a
progressé de 76% par rapport à 36% pour l'ensemble de la
main-d'oeuvre. C'est à peu près les chiffres que nous avons. On
peut dire que l'investissement dans le domaine culturel est globalement plus
créateur d'emplois que l'investissement dans les autres secteurs,
puisqu'il n'y a à peu près pas d'équipement et que la
majorité de l'investissement concerne les salaires et la création
d'emplois. Ce ne sont pas nécessairement des emplois nouveaux, puisque,
dans le secteur culturel, il y a beaucoup de "pigisme" et d'emplois
temporaires, mais le poste important de l'ensemble des bilans concerne
généralement les salaires.
Mme Lachapelle: Je pense que je vais redonner la parole à
mes collègues.
Le Président (M. French): Pour enchaîner
là-dessus, avant de passer la parole au député de
Mille-Îles, qui l'a demandée, dans votre rapport annuel, vous avez
fait mention d'une étude sur la rentabilité de la culture. Cela
m'a hautement intéressé. Je me demande, puisque la
députée de Dorion a posé la question, si cette
étude sera disponible bientôt.
M. Deschênes: L'étude sur la rentabilité de
la culture est en progression, et elle devrait être disponible au
printemps 1985. C'est une étude, comme nous le disons dans le plan de
développement, que nous souhaitons simple et nous ne voulons pas aller
dans des statistiques très détaillées, minutieuses et fort
difficiles à comprendre qui nous permettraient de dire que la culture
est rentable. Nous croyons qu'elle est rentable. Nous avons des données
que nous essayons de mettre ensemble pour former une équation qui serait
certainement facile à comprendre pour l'ensemble du public et qui
permettrait aux industries culturelles d'avoir, sur le plan économique,
la place que ces industries méritent. Cette étude sera disponible
au printemps 1985.
Le Président (M. French): On aura beaucoup d'occasions de
parler de toute cette question qui est très importante. Je veux d'abord
permettre au député de Mille-Îles de poser ses
questions.
M. Champagne: M. le Président, je ne sais pas, il y a une
tradition... On voudrait peut-être l'alternance. Je
préférerais peut-être...
Le Président (M. French): On aura recours à la
tradition lorsqu'elle sera invoquée, mais elle n'est pas
invoquée; alors, allez-y s'il vous plaît, M. le
député.
La vidéocassette
M. Champagne: Cela va. Merci, M. le Président. Dans un
premier temps, je veux remercier les représentants de la
Société de développement des industries de la culture et
des communications d'avoir accepté de se présenter devant nous.
Je les remercie de nous avoir, au point de départ, envoyé une
documentation très bien présentée que j'ai lue avec
beaucoup d'attention, à savoir le rapport annuel: "C'est aussi une
question d'affaires que la culture et les communications". Vous nous avez
envoyé aussi votre politique financière et le plan de
développement 1984-1985, entre autres. J'ai bien apprécié
l'effort que vous avez fait pour nous donner le plus de renseignements
possible. J'ai moi-même trouvé des choses intéressantes
à découvrir. Vous n'existez que depuis cinq ans. Si vous
n'existiez pas, il faudrait vous inventer aujourd'hui. La culture a un apport
économique certain. C'est un stimulant à la création, je
n'en doute pas.
Si on regarde ce que peut donner l'Orchestre symphonique de
Montréal avec sa Place des Arts, avec ses tournées et la vente de
ses disques, on dit: Bravo! Cela crée un essor économique
important pour la ville de Montréal et la province.
Lorsqu'on parle aussi des grandes expositions du Musée des
Beaux-Arts, c'est un apport économique, c'est de la création
d'emplois et bravo! On pourrait prendre toutes les disciplines et on verrait
que l'art, la culture, c'est cela qui fait marcher l'économie, entre
autres. Je suis content de voir aussi un représentant du patrimoine.
Lorsqu'on considère, entre autres, le Vieux-Montréal ou ici, le
Vieux-Québec, ce sont des attraits touristiques les plus importants et
c'est cela qui amène la création d'emplois et qui aide à
l'apport économique.
Dans le domaine des communications, dans le domaine des logiciels, votre
société a un rôle de premier plan ici au Québec,
surtout parce que, depuis quelques années particulièrement, la
culture anglophone américaine est très envahissante et
très forte. La culture américaine est aussi un essor pour les
Américains qui ont la puissance financière, qui ont aussi les
artistes et le sens du marketing. Nous, ici au Québec, avons de la
difficulté è contrebalancer ce géant américain.
Bien sûr qu'on a un beau produit à exporter, un beau produit
à produire ici au Québec. Hélas! On a une population de 6
000 000 et nous sommes environnés de 250 000 000 de personnes de culture
américaine et anglophone. Ce n'est pas pour rejeter la culture
américaine, loin de là! C'est un apport énorme. Mais votre
société a été
bâtie aussi pour faire ressortir et aider d'une façon
très spécifique toute l'industrie des arts ici au Québec,
parce que souvent - c'est un commentaire que je fais - on pense que les arts,
ce n'est pas une industrie. C'est une industrie aussi bien que les pâtes
et papiers, la construction des automobiles et le reste. Je pense que
l'industrie du disque, l'industrie du théâtre, l'industrie du
cinéma, tout cela fait en sorte qu'on puisse propager notre culture qui
est très belle et très enrichissante, la propager aussi en
créant des emplois et en aidant à l'essor économique. (11
h 30)
M. le président, je voyais votre présentation, la SODICC,
phase deux, à la page 5. C'est bien sûr que vous devez jouer,
comme vous le dites, un rôle de "développeur" et vous parlez des
champs d'intervention, que ce soit dans le logiciel -je ne veux pas m'y
attarder, peut-être qu'on y reviendra ces jours-ci - l'audiovisuel et les
moyens de diffusion, que ce soit la télévision payante et la
câblodistribution.
Je vis dans un quartier de Laval où la vidéocassette a
pris un essor effarant. Seulement dans le quartier de Duvernay, je pense qu'il
y a certainement, au moment où on se parle, une vingtaine de
distributeurs de vidéocassettes. Il y a un an et demi, peut-être
qu'il y en avait deux ou trois. Je vous donne un autre fait. Je faisais partie
d'un club international - ce n'est pas nécessairement pour faire de la
publicité, ils étaient nombreux - et j'ai adhéré
à un autre club. J'ai été un des premiers à
adhérer à l'autre club et, en l'espace d'un an, il y a eu 1000
abonnés à ce nouveau club. C'est pour montrer l'essor de la
vidéocassette. Ce que je déplore, cependant, c'est qu'il n'y a
pas assez de traductions françaises, d'une part.
La question que je vais poser tout à l'heure à ce sujet
est la suivante: Qu'est-ce que votre entreprise - la SODICC - a l'intention de
faire pour la vidéocassette qui, aujourd'hui, est peut-être le
moyen le plus populaire pour le cinéma, entre autres? Qu'avez-vous
l'intention de faire pour la vidéocassette, que ce soit pour la
traduction de films, que ce soit aussi... Lorsqu'on regarde le domaine des
variétés, entre autres, on aura Michael Jackson, on aura les
grands d'ailleurs et nos Québécois ne sont pas là. C'est
une des premières questions: Qu'avez-vous l'intention de faire au sujet
de la vidéocassette, particulièrement?
M. Deschênes: M. le Président, je pourrais
peut-être répondre à la question, si vous me le permettez,
par une réponse à deux volets précédée d'un
préambule qui serait le suivant: La vidéocassette a effectivement
pris une place très importante au niveau du consommateur aujourd'hui. Si
on regarde, par exemple, les films de long métrage, les films de fiction
ou autres documentaires de long métrage, le cheminement d'un film est
maintenant le suivant: il est produit, évidemment, et, lorsqu'il est
disponible, il est d'abord distribué en salle, les salles d'exploitation
qu'on voit un peu partout dans nos cités et villes. La deuxième
étape d'un film, c'est dans le marché de la vidéocassette,
les endroits où on loue ces films qu'on peut voir chez soi selon les
disponibilités. En troisième lieu, dans le cheminement, vient la
télévision payante, le créneau de la
télévision payante et, en quatrième lieu, la
télévision conventionnelle. C'est donc le marché de la
vidéocassette au sens des disponibilités au grand public et de la
possibilité pour le grand public d'y avoir accès individuellement
qui constitue le deuxième marché pour un film de long
métrage. C'était le préambule que je voulais faire. C'est
donc vous dire que je partage entièrement ce que le député
de Mille-Îles vient d'identifier sur l'importance actuelle de la
vidéocassette.
Nous faisons deux choses dans notre société. D'une part,
il existe, comme vous le savez sans doute, la Société
générale du cinéma. C'est une société qui
investit sur des projets. Il est important de souligner le mot "projets" parce
que nous, nous n'investissons pas sur des projets; nous investissons sur des
entreprises. La Société générale du cinéma,
elle, regarde aussi le marché de la vidéocassette puisqu'elle a
comme mandat principal le film, le cinéma, l'industrie
cinématographique. La Société générale du
cinéma et la SODICC, en accord avec le ministre des Affaires
culturelles, ont accepté de se partager un siège aux conseils
d'administration respectifs de la Société générale
du cinéma et de la Société de développement des
industries de la culture et des communications. Ainsi, la
présidente-directrice générale de la Société
générale du cinéma, Mme Boisvert, est membre du conseil
d'administration de la SODICC et le président-directeur
général de la SODICC, que je suis, est membre du conseil
d'administration de la Société générale du
cinéma. Nous avons donc un mécanisme qui, dans les faits,
s'avère fort important pour convenir ensemble des efforts de l'un et de
l'autre et faire en sorte que ces efforts soient complémentaires et
obtiennent de meilleurs résultats que si nous agissions seuls et
indépendants sans la connaissance des efforts de l'autre.
Il y a donc une association de la Société
générale du cinéma et de la SODICC qui se fait par le
sommet, par notre présence respective aux conseils d'administration et,
d'autre part, par des échanges que nous faisons aussi au niveau des deux
administrations de la Société générale du
cinéma et de la SODICC. Par exemple, le directeur de la planification
chez
nous, M. d'Astous, est en contact quotidien, pour ne pas dire permanent,
avec son homologue qui est à la Société
générale du cinéma.
Les stratégies que la Société
générale du cinéma développe, nous les discutons et
nous apportons notre point de vue et, inversement, dans ses secteurs
d'intérêt, la Société générale du
cinéma critique les orientations que nous proposons et, au besoin, on
corrige selon les commentaires qui nous sont fournis par cette
société. Voilà pour le premier volet de l'aide ou de la
participation que nous pouvons avoir pour le développement de la
vidéocassette au Québec.
Le second, c'est que des entreprises peuvent venir nous voir et, dans
certains cas, viennent nous voir pour développer des entreprises de
vidéocassettes et, dans plusieurs cas, pour développer une
activité complémentaire dans leur entreprise qui permet d'ajouter
la vidéocassette à un ensemble d'autres activités qu'une
entreprise peut avoir.
Quand nous avons identifié comme une de nos cinq priorités
en 1984-1985 l'audiovisuel la stimulation du développement de produits
audiovisuels au Québec, la vidéocassette y était incluse.
Je n'ai pas de chiffres précis à vous indiquer pour la
vidéocassette, sinon de dire que, dans le secteur de l'audiovisuel, nous
avons des statistiques sur les montants consentis. Je serais incapable
aujourd'hui de vous dire, de ce montant, quelle est la partie qui est
allée à des industries qui voulaient développer la
vidéocassette. Je peux vous dire, quand même, que c'est une
nouvelle préoccupation, que c'est une activité qui a pris un
essor auquel nous essayons de participer autant que faire se peut. En
collaboration avec la Société générale du
cinéma, je peux vous dire qu'il y a des actions intéressantes qui
permettront à la vidéocassette de se développer, que ce
soit dans l'industrie du film, là où je me suis
arrêté particulièrement, ou dans d'autres secteurs comme
celui du spectacle.
Le vidéoclip
M. Champagne: Justement, en parlant du domaine du spectacle,
certains étrangers ont, quand même, envahi le marché
québécois. Je pense à certains artistes comme Claude
Dubois. Je voudrais savoir si vous avez pensé à faire de la
promotion. Bien sûr, il faut que cela vienne des entreprises. Ma question
est de savoir s'il y a des entreprises qui sont intéressées
à faire de la promotion par le moyen du "vidéoclip" aussi, parce
que c'est ainsi qu'on appelle un vidéo d'une longueur assez restreinte;
donc, c'est une espèce de vidéocassette, mais assez restreinte
pour faire de la promotion.
Connaissez-vous des entreprises qui sont intéressées aux
vidéoclips afin d'aboutir éventuellement, dans le domaine du
spectacle entre autres, aux vidéocassettes? Quel serait votre apport,
vous autres, à ce moment-là?
M. Deschênes: Est-ce que je dois comprendre votre question,
M. le député de Mille-Îles, comme portant, d'une part, sur
le vidéoclip et, d'autre part, sur l'exportation des produits
québécois en matière de spectacle?
M. Champagne: Oui, ce peut être cela. Actuellement, y
a-t-il des entreprises qui sollicitent votre aide dans ce domaine?
M. Deschênes: Des entreprises qui le feraient au niveau du
vidéoclip comme tel, non. Le vidéoclip, si vous me permettez de
le définir au sens où nous le comprenons, est un outil de
promotion pour des disques audio. Un vidéoclip qui originerait de
quelque partie du disque enregistré permettrait de faire la promotion de
ce disque et, donc, d'améliorer les ventes ou, à tout le moins,
de le faire connaître au public et, possiblement, de faire partager la
valeur du disque par le public et de faire en sorte que les ventes puissent se
faire et être supérieures à ce que d'autres moyens de
promotion auraient pu donner. Le vidéoclip en soi est donc un
élément de promotion d'un produit qui est le disque.
Les vidéoclips actuellement, que ce soit aux États-Unis ou
au Canada, ne sont pas des outils qui sont vendus; ce sont des outils qui sont
distribués gratuitement aux stations de télévision,
à quelques canaux spécialisés. On en a un au Canada qui
s'appelle Much Music; il y en a un aux États-Unis qui s'appelle MTV qui,
lui, diffuse en général ou presque continuellement des
vidéoclips. Ces vidéoclips leur sont fournis par des producteurs
de disques, des maisons de distribution de disques pour faire,
évidemment, la promotion de leurs produits.
Pour répondre à votre question spécifiquement sur
des industries de développement du vidéoclip, nous n'en avons pas
encore au Québec, sinon que certains producteurs de disques
s'intéressent à produire un ou des vidéoclips pour la
diffusion de leurs produits. Dans ces cas, le vidéoclip fait partie de
l'industrie, de l'ensemble des dépenses que doit consentir un producteur
de disques, par exemple, ou un distributeur pour faire connaître son
produit.
Dernier élément que j'ajouterai sur le vidéoclip:
c'est un phénomène impressionnant quant à l'ampleur qu'il
prend et quant à l'intérêt manifesté par le public
pour ces éléments, ces documents audiovisuels. Nous sommes, avec
la Société générale du cinéma, à
analyser comment nous pourrions stimuler la production de vidéoclips au
Québec et
comment nous pourrions aider les entreprises qui veulent se doter
d'outils semblables, puisque la production d'un vidéoclip, comme vous le
savez sans doute, est chère. Cela coûte beaucoup d'argent pour
faire un vidéoclip intéressant. On connaît le cas typique
du vidéoclip de Michael Jackson; cela a coûté plusieurs
millions, pour ne pas dire au-delà de 10 000 000 $ pour produire un
vidéoclip qui s'appelle "Thriller" et qui dure quinze minutes.
C'est évident qu'au Québec on ne peut produire des
vidéoclips qui auraient, au niveau financier, une ampleur aussi
élevée. Généralement, quand on parle de quelques
milliers de dollars, c'est déjà beaucoup parce que le coût
de production d'un microsillon au Québec, si on considère le
marché local et extérieur, ne devrait pas, normalement, se situer
au-delà, en moyenne, de 50 000 $. Si vous parlez de la production du
disque qui est de 50 000 $, si vous parlez ensuite de la mise en marché
et des outils de promotion, c'est évident que vous ne pouvez pas allouer
des sommes astronomiques au vidéoclip.
Promotion des spectacles et
des produits québécois à
l'étranger
Pour ce qui est de la promotion des spectacles ou des produits
québécois à l'étranger, nous faisons effectivement
des efforts substantiels dans ce secteur. C'est l'une des priorités que
nous avons, l'exportation des spectacles à l'étranger. Nous
accueillons non seulement avec beaucoup de plaisir les entreprises qui viennent
nous voir avec des projets semblables, mais nous essayons aussi d'aller les
voir et de leur indiquer l'intérêt de la SODICC à
développer leurs produits sur les marchés extérieurs et
à entreprendre avec elles des démarches qui vont amener ces
spectacles à être produits à l'extérieur. (11 h
45)
Je vous mentionne un exemple dans lequel nous avons été
impliqués - puisque l'événement est passé - en
1984-1985, c'est celui du spectacle de Jean Lapointe en Europe, en France plus
particulièrement. La SODICC a développé une intervention
avec le producteur de M. Lapointe. Cela s'est avéré,
jusqu'à maintenant, intéressant. Il faut considérer que,
lorsque vous envoyez un produit ou un spectacle sur les marchés
étrangers, c'est un phénomène qui prend plusieurs
années. Vous ne pouvez pas espérer récupérer les
sommes que vous investissez sur un marché comme l'Europe la
première année. C'est généralement sur une base de
trois ans que nous fonctionnons.
Pour reprendre le cas de M. Lapointe, il ira de nouveau en Europe au
début de l'année 1985 et il ira aussi en 1986, à moins que
des circonstances que nous ne prévoyons pas ne fassent en sorte que ce
soit annulé. C'est donc un investissement sur plusieurs
années.
Nous travaillons aussi avec d'autres artistes, d'autres producteurs pour
les aider à développer l'exportation de leur produit,
l'exportation de leurs spectacles. Ce que nous essayons plus
particulièrement de faire, c'est créer une infrastructure
permanente et universelle dans le sens que tous les artistes
québécois pourraient y faire une demande et être
aidés dans leur développement sur les marchés
extérieurs. Il reste qu'il y a des producteurs qui ont ce que
j'appellerais de bons artistes qui sont relativement bien connus au
Québec et qui ont des chances de succès dans certains cas
supérieures à d'autres artistes au Québec, et on pense
à la relève particulièrement.
Nous voudrions, par les différentes expériences que nous
sommes à constituer, et cela inclut celle de M. Lapointe, essayer de
sortir une expertise et de créer un environnement qui pourrait
être une société, une corporation qui permettrait à
tout artiste au Québec d'aller faire une demande pour développer
son produit, son spectacle sur les marchés extérieurs. Cette
société pourrait, à partir des fonds qu'elle aurait
récupérés dans des cas intéressants - par exemple,
si les spectacles de M. Lapointe étaient financièrement
intéressants, il y aurait des revenus qui iraient dans cette
société - investir pour le développement de ce que
j'appellerais les artistes de la relève ou d'autres artistes qui ont des
difficultés financières à se présenter sur les
marchés extérieurs.
Il faut que vous réalisiez que, quand vous envoyez un artiste en
Europe, par exemple, pour un spectacle qu'on peut appeler normal, de quelques
semaines, ce sont des montants d'investissement qui dépassent les 200
000 $. C'est donc très élevé et généralement
les entreprises que nous avons là-dedans non seulement hésitent,
mais, si elles avaient à y aller seules, le nombre de spectacles que
nous pourrions exporter serait très infime.
M. Champagne: Je suis un peu du genre nostalgique. Je n'ai pas eu
la chance d'aller au Forum pour entendre Beau Dommage, entre autres.
M. Deschênes: J'y étais, par exemple.
M. Champagne: Je suppose qu'on a filmé le spectacle;
est-ce qu'on pourra l'avoir sur vidéocassette? Savez-vous s'il y a des
entreprises qui ont l'intention de le diffuser?
M. Deschênes: Oui. Le producteur de Beau Dommage est
effectivement une entreprise qui a mis ce spectacle sur
vidéocassette. Je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd'hui
si la vidéocassette sera distribuée dans les points de vente ou
les points d'accueil au Québec. Le spectacle est cependant
enregistré et il pourra être ultérieurement passé
à une société de télévision que vous
connaissez, qui est Radio-Canada. Les contrats sont signés et connus,
mais, en même temps, le produit est là et on évalue la
possibilité de le distribuer dans les points de vente ou les points
d'accès au Québec pour ceux qui veulent se produrer des
vidéocassettes pour les entendre et les voir chez eux. C'est aussi une
question de rentabilité, c'est une question d'évaluation du
marché, mais le produit est là.
M. Champagne: Je voudrais entreprendre un autre domaine...
Le Président (M. French): À ce sujet-là, si
vous me le permettez, M. le député, le dossier 265 dans lequel la
SODICC est embarquée à 50% pour exporter un artiste
québécois en France, est-ce que ce serait le type d'entente que
vous avez avec Jean Lapointe? Est-ce que ce serait Jean Lapointe? Enfin, je ne
vous invite pas à violer la confidentialité.
M. Deschênes: C'est effectivement le dossier de Jean
Lapointe. D'ailleurs, ce n'est pas un renseignement confidentiel; M. Lapointe
lui-même a mentionné, lors de certains de ses spectacles, la
participation financière dont nous avions convenu avec son producteur,
son entreprise, et la même chose pour son producteur. Le fait que ce soit
le spectacle de M. Lapointe, il ne s'agit donc pas d'une participation
financière confidentielle ou même d'un renseignement confidentiel.
C'est effectivement une participation à 50% de notre part. Si vous
regardez le montant de l'investissement qui est de 100 000 $, c'est donc un
investissement de 200 000 $ qui a été consenti puisque nous avons
investi à 50%. Ce qu'il faut ajouter en plus de ces montants, ce sont
tous les éléments préparatoires dont a dû convenir
le producteur, M. Jean-Claude L'Espérance, et que nous avons
évalués avec lui à 50 000 $. Sa présence en France
au printemps de 1984 a nécessité une participation
financière de 250 000 $. Cette participation financière a
amené des revenus. Vous avez certainement entendu parler du
succès que M. Lapointe a connu. Ces succès se sont
confirmés dans les rentrées financières, mais ces
rentrées ne sont pas suffisantes pour combler l'investissement que nous
avons consenti ou que le producteur a consenti avec nous. En fait, nous avons
créé une corporation particulière qui est
constituée à 50% de la SODICC pour ce qui est du capital-actions
et à 50% de la société de M. L'Espérance et
M. Jean Lapointe. Cette société va vivre le temps requis
jusqu'à ce que nous estimions qu'il faut y mettre fin. C'est
certainement une vie que nous avons estimée, au départ, à
trois ans et qui, après cette période de trois ans, devra
être évaluée pour savoir ce que nous pourrions en
faire.
Je vous rappelle ce que je vous disais tantôt, c'est qu'à
travers cette expérience et d'autres expériences de spectacles ou
d'artistes québécois que nous envisageons, avec les producteurs,
de faire évoluer sur le marché européen, nous souhaitons
avoir suffisamment d'expériences pour mettre sur pied une infrastructure
permanente qui nous éviterait de faire du cas par cas, comme nous le
faisons maintenant à défaut de pouvoir faire autre chose, et qui
permettrait dans le temps de créer quelque chose qui va rester. Si on
prend les spectacles individuels, M. Lapointe y va, c'est un succès, il
revient. Si on ne fait rien d'autre que cela, c'est terminé. C'est une
action qui n'a pas de suite dans le temps et qui permet à la
relève, à d'autres, de participer aux expériences acquises
dans le passé et de les utiliser.
Le Président (M. French): Là-dessus, M. le
président, je vous remercie de vos renseignements qui sont fort
intéressants. Il y a, cependant, quelque chose dans ce que vous avez dit
qui me rend un peu inconfortable ou que je ne comprends pas totalement. Vous
avez dit, d'une part, que c'était un succès. Vous avez dit,
d'autre part, que les ristournes, les revenus étaient insuffisants, bien
que je n'aie pas tout à fait saisi pourquoi. C'est inquiétant un
peu dans le sens que vous voulez avoir une relation d'affaires, d'une part,
vous participez à un succès, cependant, les revenus sont
insuffisants. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?
M. Deschênes: Oui. Il y a effectivement une contradiction
apparente entre un succès et des rentrées insuffisantes. Le
succès, dans notre vocabulaire, au moins, en tout cas, pour les
explications que nous vous donnons maintenant, cela veut dire que la
présence de Jean Lapointe en France a été
appréciée et que les billets se sont bien vendus. Ses spectacles
ont été vus par les spectateurs en nombre suffisant pour que la
salle soit remplie à un taux d'occupation que je ne me rappelle pas,
mais je crois qu'il dépassait les 60% en moyenne. C'est donc, au sens du
spectacle, un succès, mais l'investissement est très
élevé au niveau de la promotion que vous devez faire pour faire
connaître un artiste étranger dans un endroit où il n'est
pas connu. Prenons l'exemple d'autres artistes: Deschamps est allé
là à plusieurs reprises et, avant que cela devienne un
succès financier, il a eu d'autres succès qui
étaient des succès de spectacle, mais qui n'étaient
pas nécessairement un succès financier, au départ.
Dans le cas plus précis de M. Lapointe, nous avons
évalué, avec le producteur, M. L'Espérance, que cela
requerrait une présence de M. Lapointe sur trois années, et il y
a une gradation. Vous commencez avec des salles qui sont un peu plus petites.
Selon le succès du premier spectacle, vous allez dans une salle qui est
un peu plus grande et, dans certains cas, cela va jusqu'à l'Olympia. Par
exemple, dans le prochain voyage de M. Lapointe en France, il est prévu
qu'il ira à l'Olympia. Il y a une gradation dans les salles qu'il va
occuper, de même que dans la notoriété qu'il obtient
auprès du public et généralement, après deux ans,
dans la troisième année, nous réussissons à obtenir
le succès financier au-delà du succès de spectacle.
Le Président (M. French): Vous y êtes pendant trois
ans. Vous dites que, pour percer dans un marché étranger, il faut
y retourner. Vous espérez et vous dites même compter sur le fait
qu'à la fin des trois ans cela va être la réussite
escomptée et qu'il y aura suffisamment d'entrées pour que la
SODICC puisse entreprendre d'autres activités du genre.
M. Deschênes: C'est exact.
Le Président (M. French): Il y a une petite chose encore.
Vous dites: Généralement, c'est le cas. Mais n'est-ce pas que
nous ne pouvons pas vraiment le dire parce qu'il n'y a pas eu assez de cas
vraiment pour comprendre ou pour être certain? Je n'essaie pas de vous
coincer.
M. Deschênes: C'est vrai. Ce que je voulais dire, M. le
Président, c'est que, lorsque vous allez sur les marchés
étrangers européens, pour prendre le cas qui nous occupe, vous ne
pouvez pas arriver avec un artiste québécois en France dont la
notoriété est à peu près absente et espérer
faire un succès commercial, financier et au niveau culturel du premier
coup. Cela prend un certain nombre de présences. 11 faut que le produit,
si vous me permettez d'associer le mot "produit" à un artiste, soit
lentement présenté aux spectateurs français, pour ce qui
est de la France, qu'ils s'y habituent, qu'ils l'apprécient. Il y a
toute la promotion qui se fait entre deux spectacles, entre la première
présence et la seconde, par exemple, avec les disques, les produits qui
sont tirés du spectacle et qui permettent aux résidents d'un pays
de continuer à le connaître. C'est la semence qui croît et
qui fait qu'au deuxième spectacle c'est mieux et que, probablement, au
troisième, ça se développe en une tournée des
principales villes d'un pays, ce qui, à ce moment, peut s'appeler un
succès garanti sur tous les volets.
Le Président (M. French): Juste un dernier commentaire. Je
ne suis pas de ceux qui insistent sur l'adoption d'un vocabulaire, d'une
analyse genre secteur privé, sauf que c'est la SODICC elle-même
qui emprunte très généreusement et agressivement ce
vocabulaire, cette approche. Donc, il faudrait bien comprendre quand on parle
légitimement de succès en termes de secteur privé et d'un
début de succès en termes de marketing, en termes
d'investissement. C'est de ce dernier genre de réussite qu'on parle pour
le moment, mais on espère, à long terme, avoir les deux.
M. Deschênes: C'est ça.
Le Président (M. French): Merci. M. le
député de Mille-Îles.
Le disque
M. Champagne: J'ai un autre sujet et, ensuite, je céderai
la place à une autre personne. Dimanche dernier, il y a eu le gala du
disque qui a été présenté à Radio-Canada. Je
pense qu'on pouvait, selon les commentaires qu'on a eus le lendemain et ce
qu'on a vu à la télévision, penser que le gala
lui-même a été un succès. On peut dire que c'est
même un très grand stimulant pour l'industrie du disque. Mais, en
dessous de cela, on s'aperçoit que la situation du disque au
Québec est assez pénible. Je voyais ici, dans un journal:
Dimanche soir, Céline Dion a reçu le trophée Félix
pour avoir vendu le plus grand nombre d'exemplaires d'un même
microsillon. C'était 76 000 exemplaires. On fait une correspondance...
Lorsqu'on parlait de Ginette Reno, lorsqu'on parlait d'Angèle Arsenault,
on parlait de vente de 300 000 copies. Lorsqu'on parlait de Chantal Pary, on
parlait de 200 000 copies. Dans le temps de Beau Dommage, il y a plusieurs
années, il y a dix, quinze ans, on parlait de 340 000 copies. Celle qui
a gagné cette année, Céline Dion, c'était une vente
de 76 000. On pourrait parler de certains autres. On parle justement de celui
qui a aussi gagné, Daniel Lavoie, qui a vendu 30 000 copies. Je sais
bien que le président de l'ADISQ, M. Michel Gélinas, ou M. Luc
Plamondon, exprime à l'occasion le malaise, un malaise qui vient de
l'invasion étrangère. (12 heures)
On parlait tout à l'heure de la culture américaine ou de
la culture qui vient de l'extérieur. On dit que Michael Jackson a vendu
au Québec, l'an passé, 600 000 exemplaires de son album
"Thriller". Notre meilleur, nous, cette année, c'est 76 000 exemplaires.
Culture Club a vendu 100 000
copies au Québec. Je suis inquiet comme beaucoup d'autres,
malgré les beaux spectacles, malgré le gala du disque. Comme
société, avec l'entreprise privée, avez-vous quand
même des moyens, des orientations pour, enfin, changer la situation du
disque qui, au Québec, actuellement est assez pénible? Quels sont
les moyens que vous avez l'intention de prendre avec l'entreprise privée
pour redresser cette situation, pour la corriger afin de revenir
peut-être aux succès d'antan?
M. Deschênes: M. le Président, je me permettrai une
réponse à plusieurs volets à cette question, parce
qu'effectivement c'est une question fort complexe qui relève d'une
constatation: le disque québécois est un produit qui,
actuellement, est moins demandé qu'il ne l'a été dans le
passé. Le premier commentaire que je ferai sera de suggérer,
contrairement à ce que vous avez dit, M. le député de
Mille-Îles, que le malaise n'est pas essentiellement dû aux
produits étrangers. C'est un malaise qui frappe le produit culturel en
général au Québec. Si vous regardez le
théâtre, le spectacle, l'ensemble des activités culturelles
au Québec, et le disque n'y échappe pas, la demande est beaucoup
moins forte qu'elle ne l'a été dans le passé. C'est une
question qu'on pourrait aussi expliquer en détail, mais je
suggérerais qu'outre la concurrence du produit étranger il y a le
fait que le produit culturel, pour toutes sortes de raisons que vous êtes
probablement aussi bien en mesure que moi d'évaluer ou de mentionner,
est moins en demande qu'il ne l'a été dans le passé.
Si on revient au cas du disque - ce sera le deuxième volet de ma
réponse à votre question - le produit du disque, en
général, dans le monde, a diminué au niveau de sa demande
dans le temps et a subi un creux - on a les statistiques à la SODICC; je
ne crois pas qu'on les ait ici - au niveau du nombre de disques vendus -
j'inclus l'industrie américaine - creux qui se situe à peu
près en 1981, sauf que, dans le cas de l'industrie américaine, le
nombre de disques vendus a diminué, mais le volume, en termes de
dollars, de revenus, n'a pas diminué de la même façon que
le disque, ce qui veut dire que, lorsque l'industrie du disque aux
États-Unis, pour prendre celle-là, avait un nombre d'exemplaires
vendus inférieur en 1981 à celui de 1980, par le mécanisme
du coût au détail, elle arrivait quand même à obtenir
un volume d'affaires supérieur à l'année
précédente, même si ce volume n'était pas aussi
élevé qu'il l'aurait été si le nombre de disques
vendus ou le nombre d'exemplaires vendus avait été
supérieur.
Une reprise s'est faite aux États-Unis depuis cette
année-là, de sorte qu'actuellement ils sont à peu
près au niveau, en termes d'exemplaires vendus, des années 1978
et 1979. Il y a eu un creux; cela a repris.
Au niveau du Québec, nous ne pouvons pas avancer la même
chose. Nous avons effectivement aussi connu des succès au niveau des
exemplaires de disques vendus qui croissaient d'année en année.
Nous avons eu la même désaffection, si vous me permettez
l'expression, qui a été connue ailleurs dans le monde pour en
venir maintenant à une situation difficile. La situation actuelle est.
difficile, parce que les industries dans le domaine de la production et de la
distribution du disque, ont de la difficulté au sens des
liquidités requises. Lorsque vous regardez le type d'entreprises que
nous avons, qui sont généralement des PME, a travers des
années difficiles comme celles qu'elles ont passées, elles ont de
la difficulté à avoir ce que l'appellerai des liquidités,
un "cash-flow", si vous me permettez l'expression, qui leur permettent
d'investir sur la relève, de sortir des sommes qui ne permettent un
retour qu'à moyen et à long terme. Elles sont tellement prises
avec leurs problèmes particuliers, quotidiens, actuels qu'elles n'ont
pas la possibilité d'investir.
Si vous regardez, par exemple, actuellement la relève au
Québec, vous n'en voyez pas beaucoup pour le disque. Au gala de l'ADISQ,
la révélation de l'année était Martine Chevrier.
Elle est effectivement une artiste de la relève. Mais si vous regardez
l'ensemble des personnes classifiées comme étant de la
relève actuellement au Québec, il n'y en a pas beaucoup, alors
que, dans les années précédentes, il y en avait beaucoup
plus. Pour cela, il faut que des producteurs soient capables d'investir sur des
artistes qu'ils estiment avoir un potentiel intéressant pour les
développer et les présenter. C'est une situation qui n'est
certainement pas heureuse pour eux.
Maintenant, à la SODICC, nous avons modifié
dernièrement notre façon d'agir sur cette question.
Jusqu'à tout récemment, nous intervenions au niveau d'entreprises
qui avaient - on parle de la production de disques - plusieurs produits. Par
exemple, une entreprise avait un artiste A, un artiste B, un artiste C et ainsi
de suite, mettons six ou sept artistes, pour prendre une expression du
métier, une écurie relativement importante. Maintenant, plusieurs
producteurs n'ont qu'un seul artiste. Cela devient une société
qui est plus une corporation d'un projet qu'une corporation susceptible de se
développer et, effectivement, d'avoir un effet structurant pour
l'industrie. Nous avons donc révisé notre façon de voir
pour essayer de pallier à cette difficulté que je vous
mentionnais tantôt de liquidités pour considérer
dorénavant des corporations et des entreprises qui auraient un seul
produit.
Vous avez mentionné - je pense que
c'est vous, M. le Président - Claude Dubois tantôt. Pour
vous nommer un cas: si Claude Dubois avec son producteur avait une entreprise
qui s'appelait Les productions Claude Dubois et que le seul artiste dans cette
entreprise était Claude Dubois, s'il voulait venir chez nous pour
endisquer certaines de ses chansons, nous accepterions de regarder son dossier,
alors que nous aurions refusé auparavant. C'est certainement chez nous
l'effet le plus déterminant qui pourrait modifier la structure actuelle
de l'industrie au Québec et possiblement faire en sorte que de plus
nombreux produits d'artistes québécois soient endisqués au
Québec et rendus disponibles pour le marché
québécois.
Le Président (M. French): Me permettez-vous d'intervenir
là-dessus, M. le député? Vous reviendrez après. Je
veux seulement être certain que j'ai compris ce que je viens d'entendre.
C'est en quelque sorte un recul puisque, auparavant, on espérait un
effet structurant de la part des compagnies ayant une écurie de
plusieurs artistes; on espérait qu'on pourrait, en vertu d'une ou deux
réussites, en amener d'autres à faire du financement de risque
pour d'autres artistes. Maintenant, on se rend compte que la situation est
tellement difficile, telle qu'on la décrit de part et d'autre, qu'il ne
faudrait pas conserver encore ces espoirs. Maintenant, il faut sauver
même nos artistes relativement forts. Je n'essaie pas de vous faire dire
des choses que vous ne voulez pas dire, mais je veux être certain que
j'ai compris.
M. Deschênes: Vous avez bien compris mon intervention, M.
le Président. De là à classer cela comme un recul, c'est
certainement un recul dans le sens que c'est une situation qui existait au
début, qui s'était modifiée et qu'on aurait
espéré ne pas devoir être modifiée dans le sens de
revenir au point de départ. Sauf que, si nous ne faisons pas cela
maintenant - nous l'avons constaté - nous avons craint que les artistes
québécois n'aillent auprès d'entreprises
étrangères, des multinationales, pour se faire endisquer parce
qu'elles, les entreprises multinationales, ont, évidemment, des
liquidités supérieures à l'ensemble de nos industries
québécoises. Dans ce sens, l'intervention de la SODICC, au niveau
que je vous indiquais tantôt, permet à des entreprises
québécoises de continuer à endisquer des disques, permet
à certaines entreprises de partir avec un artiste et, possiblement avec
le succès, d'en venir à deux, trois, quatre et cinq artistes dans
les années suivantes et, là, d'obtenir aussi un niveau
structurant dans l'entreprise et dans le secteur concerné.
M. Champagne: En parlant tout le temps de ces moyens qu'on
devrait mettre sur pied pour aider l'industrie du disque, est-ce que ce serait
une bonne chose, entre autres, d'avoir aussi au Québec au moins une
presse pour la production des disques? Je me suis laissé dire que,
même au Québec, on n'avait pas de presse. On devait aller en
Ontario pour faire presser nos disques québécois. Est-ce que je
me trompe, M. le président?
M. Deschênes: C'est exact. Il n'y a pas actuellement au
Québec d'usine de pressage de disques. Il y en avait une qui a
abandonné ses activités, il y a quelques années. Nous
avons à la SODICC - c'est le cas de mon prédécesseur et de
l'administration qui m'a précédé - analysé cette
situation parce qu'il y avait effectivement une préoccupation qui s'est
manifestée, à savoir qu'on devrait normalement essayer de presser
au Québec nos produits, les produits québécois, et
peut-être faire en sorte que les produits de l'extérieur du
Québec viennent se faire presser au Québec à l'usine de
pressage. Toutes les études que nous avons faites indiquent - et nous
les avons faites dans certains cas avec le concours ou la collaboration du
ministère des Affaires culturelles - que nous ne pouvions pas
espérer dans la situation actuelle du disque au Canada et ailleurs
construire une usine rentable de pressage au Québec, de sorte que les
projets ont été abandonnés faute de rentabilité.
Effectivement, les entreprises québécoises vont en Ontario
actuellement.
Il y a un nouveau type de disque qui est susceptible d'apparaître
sur le marché bientôt; c'est ce que nous appelons le disque
compact qui est un disque, comme le terme l'indique, tout petit, dont la
lecture se fait au laser et qui a des caractéristiques de qualité
assez impressionnantes. C'est démarré en Europe et au Japon.
C'est démarré en Europe en vertu du développement
technologique en cette matière par Philips et au Japon par Sony. Il y a
une usine de pressage de disques compacts qui est en train d'être
développée aux États-Unis et on considère en
développer une au Canada. Ce nouvel élément vient encore
davantage rendre la rentabilité d'une usine de pressage conventionnelle
plus précaire et plus difficile à atteindre, de sorte qu'à
moins de circonstances ou d'un goût que nous ne pourrions pas
prévoir du public pour le produit québécois il est assez
peu probable que nous puissions développer une usine de pressage de
disques conventionnels au Québec. L'usine de disques compacts, c'est
différent, même s'il s'agit d'une industrie qu'on pourrait
qualifier de manufacturière par rapport à une industrie qu'on
peut appeler plus de type culturel. Comme notre mandat l'indique, nous
étudions avec
beaucoup d'intérêt l'éventualité d'une usine
de disques compacts au Québec. Sur cette question, nous
développons les projets ou discutons avec le gouvernement
fédéral, d'une part, avec l'entreprise privée et le
gouvernement du Québec, d'autre part, puisque, s'il y a une usine de
disques compacts au Canada, il y en aura seulement une et il faudra que cette
usine presse non seulement les disques canadiens, mais également qu'elle
presse les disques qui viennent de l'étranger, pour être
rentable.
M. Champagne: Ce sera un commentaire que je ferai. Je
déplore qu'actuellement on presse nos disques ou notre production
québécoise ailleurs. Je vais souhaiter, considérant la
nouvelle technologie, qu'on implante ici au Québec ces disques compacts,
ces disques au rayon laser. Là-dessus, je vais laisser la parole
à un autre de mes confrères. J'interviendrai sur d'autres
sujets.
Le Président (M. French): Je voudrais dire d'abord
qu'à la suite de la demande de Mme la députée de Dorion
nous suspendrons vers 12 h 30 pour reprendre après les affaires
courantes. On s'excuse auprès de nos invités parce qu'on ne sait
jamais quand se terminent les affaires courantes. Cela dépend de
l'esprit des parlementaires et du nombre de motions sans préavis qui
seront présentées.
Comme nous avons encore une quinzaine de minutes, je voudrais revenir
sur un point. Le président-directeur général a dit qu'une
des raisons... Excusez-moi, monsieurl Si vous voulez avoir une conversation,
pouvez-vous aller la faire ailleurs? Le président-directeur
général a dit que son intervention dans le domaine des
investissements dans les compagnies qui étaient en affaires avec un seul
artiste voulait, entre autres, empêcher que ces artistes n'aient
nécessairement recours aux compagnies multinationales. J'aimerais
savoir, puisque ce n'est pas nécessairement tout à fait
évident, quel serait le danger d'un tel recours pour ces artistes et,
plus particulièrement, parce que je pense que c'est important, quelles
seraient les implications pour d'autres artistes québécois de la
relève, dont il est question d'une façon importante. (12 h
15)
M. Deschênes: Je ne sais pas si j'utiliserais le mot
danger. J'utiliserais certainement le terme difficulté pour l'industrie
autochtone, pour l'industrie québécoise. Un des objectifs que la
SODICC poursuit, c'est de faire en sorte, autant que faire se peut, que la
grande majorité des industries culturelles au Québec soit la
propriété de Québécois et de
Québécoises.
Quand vous avez des artistes qui, pour des circonstances précises
et très bien identifiées dans le temps, sont susceptibles de
modifier leur façon de faire et d'aller travailler avec des
multinationales, donc des entreprises qui sont de propriété
étrangère, nous intervenons non pas pour faire hausser la mise,
mais pour leur dire: Si votre intérêt, comme vous l'identifiez
dans certains cas, est de travailler avec une entreprise
québécoise, nous sommes disposés à vous aider dans
ce sens-là. Mais nous ne faisons pas de surenchère en disant:
Nous allons vous donner de meilleures conditions qu'une entreprise, soit-elle
multinationale, puisse vous donner.
Il y a certainement une condition que nous allons mettre dans ces
cas-là, puisque je vous disais que c'était une nouvelle
orientation - nouvelle voulant dire récente -les producteurs ou les
artistes qui auront une participation de notre part devront faire affaires avec
un distributeur québécois par la suite. C'est une des conditions
que nous inclurons dans la participation financière de la SODICC. Cela
veut dire que l'artiste pourra choisir entre trois ou quatre distributeurs,
soit à peu près le nombre qui existe au Québec, mais il
n'aura pas le loisir d'aller se faire distribuer par une multinationale,
évidemment. Lorsque vous regardez la production, vous voyez que la
production est une chose. C'est la partie de la distribution qui a un
élément très important sur une entreprise.
Le Président (M. French): Là-dessus, M. le
président, vous me permettrez de poursuivre parce que je pense que c'est
important. D'une part, je peux imaginer qu'une multinationale peut inviter un
artiste à s'impliquer dans une carrière dont le contenu serait
moins québécois et moins intéressant pour les
Québécois que si l'artiste était produit et
géré exclusivement par des intérêts
québécois. Je trouve que c'est une préoccupation
très légitime, encore que je ne sache pas si c'est une
préoccupation réelle, c'est-à-dire que je ne sais pas si
les multinationales ont intérêt à le faire.
D'autre part, je peux imaginer cependant que les multinationales
auraient un meilleur rayonnement à l'extérieur du marché
québécois, peut-être des capacités techniques
supérieures dans certains domaines. Avec, par exemple, l'importance du
vidéoclip que vous avez évoquée, l'importance de la
nouvelle technologie, peut-être les multinationales sont-elles plus en
mesure d'aider un tel artiste. J'aimerais raffiner ces questions parce que cela
m'intéresse et que cela se situe, à mon avis, au coeur de la
problématique que vous avez évoquée tantôt ou que le
député de Mille-Îles avait lui-même
évoquée.
M. Deschênes: C'est exact. Vous
soulevez le volet du rayonnement étranger d'un artiste qui aurait
endisqué au Québec. Ce que j'ai mentionné tantôt,
c'est le volet du marché québécois. Bien sûr, si
vous voulez rayonner à l'extérieur du Québec, dans la
majorité des cas, vous devez faire affaires avec une entreprise qui
n'est pas une entreprise québécoise au sens des entreprises dont
on parlait tantôt. Je vous donne un exemple: vous êtes sans doute
au courant du Groupe Musique Experts, mieux connu sous le nom de Kébec
Disques, qui a ouvert une porte, si vous voulez, une vitrine en France et qui
s'est associé, pour ce faire, à RCA.
Le message que je veux passer est qu'il y a des entreprises
québécoises qui sont intéressées, lorsque leurs
produits permettent des débouchés intéressants sur les
marchés étrangers, à s'associer avec d'autres entreprises
qui sont, dans la presque totalité des cas, des entreprises
étrangères au sens de Québec et qui sont tout à
fait intéressées à distribuer ce produit. Maintenant,
quand il s'agit de la production comme telle, ce que je mentionnais comme
condition tantôt, c'est évidemment la condition de la distribution
au Québec et non pas la distribution sur les marchés
étrangers.
Le Président (M. French): Donc, le fait d'être
produit par des intérêts québécois ne devrait pas,
en principe, empêcher le rayonnement à l'extérieur du
Québec.
M. Deschênes: Absolument pas.
Le Président (M. French): Cela devrait, cependant,
permettre à l'artiste de s'exprimer en tant que Québécois
tout librement, puisqu'il n'y a pas d'intérêt commercial à
faire autrement, au moins, en principe, permettre une meilleure
compréhension de la part des entités corporatives en question,
parce qu'elles sont québécoises.
N'avons-nous pas, cependant, un problème d'économie
d'échelle? N'est-ce pas à travers les multinationales ou à
travers un rayonnement international systématique, que nous allons
réussir à éviter l'éternel problème d'un
manque d'économie d'échelle pour la promotion des
vidéoclips, etc., à cause de la petitesse du marché
québécois?
M. Deschênes: C'est effectivement non seulement un
problème, mais une constatation que l'exiguïté de notre
marché est telle que, dans la presque-totalité des cas, il est
difficile de croire que nous pourrons avoir une industrie qui serait
repliée sur elle-même et limitée au Québec. Il faut
que les produits culturels que nous avons -cela vaut pour le disque et cela
vaut pour d'autres produits culturels aussi; je pense aux livres que M.
Vaugeois connaît bien; je le salue en passant, si vous me le permettez,
puisque c'est mon ancien patron...
Le Président (M. French): Et le mien!
M. Deschênes: Dans la majorité des produits
culturels, l'exiguïté du marché québécois est
telle qu'il faut penser à l'exportation, qu'il faut penser aux
marchés étrangers. C'est avec cette préoccupation que nous
essayons de développer, pour les entreprises québécoises
et leurs produits, l'ouverture de marchés étrangers. C'est
certainement une opération qui va nécessiter beaucoup d'efforts
et plusieurs années. On ne peut pas espérer faire cela
immédiatement. Je pense que dans le secteur du livre, pour le reprendre,
cela fait plusieurs années qu'il y a des efforts là-dedans. Des
efforts ont été heureux dans certains cas et moins dans d'autres,
mais il reste que c'est une entreprise de longue haleine.
Le Président (M. French): M. le député de
Trois-Rivières vient de se joindre à nous. Je pense que je parle
au nom de tous les membres de la commission pour vous souhaiter la bienvenue et
vous dire que vous êtes libre de poser toutes les questions que vous
voulez.
M. Vaugeois: Une très courte question. Vos questions
à vous me suggèrent la question suivante: Est-ce qu'on a fait une
étude sur les premiers tirages d'un produit culturel dans des pays
où les marchés sont considérables, par exemple aux
États-Unis ou en France? Notre marché est petit, mais il est
assez homogène. Quand on lance un roman qui a de l'allure, on a des
chances de bien le vendre partout au Québec. Cela fait un marché
restreint, qui va réagir à peu près de la même
façon à ce roman, de telle façon qu'on le tirera à
2000 ou 2500 copies et on a des chances de le vendre s'il est bon. Est-ce
qu'aux États-Unis les tirages d'un premier roman sont beaucoup plus
élevés quand ce n'est pas un auteur connu, quand ce n'est pas un
roman qui a tout un battage publicitaire? En France, quels sont les premiers
tirages? Je le dis pour le livre, mais la question vaudrait pour tous les
produits culturels en général.
Évidemment, ma question suggère qu'il n'y a pas une si
grande différence que cela, que même si le marché est 10
fois ou 20 fois plus considérable, la prudence du producteur est la
même. Donc, ma question est celle-ci: Est-ce qu'on a regardé cela?
Est-ce qu'on a comparé les premiers tirages d'un produit culturel ici et
dans des marchés plus considérables?
M. Deschênes: À ma connaissance et à la
connaissance de la SODICC, de telles études n'ont pas été
faites, mais je retiens
cette suggestion. C'est effectivement très intéressant;
nous allons essayer de voir si on ne pourrait pas comparer les premiers
tirages, comme vous les appelez, avec ceux qui se produisent à
l'extérieur, que ce soit dans le disque, dans le livre ou dans d'autres
cas comme la vidéocassette. Je dois malheureusement vous dire que nous
n'avons pas de données qui seraient susceptibles d'éclairer la
commission sur cette question.
Le Président (M. French): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
Mme la députée de Dorion m'indique qu'elle est prête
à partir, je pense.
Des voix: Ah
Le Président (M. French): Je vais suspendre les travaux de
la commission jusqu'à cet après-midi, après les affaires
courantes.
Merci, mesdames et messieurs.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise de la séance à 15 h 22)
Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous
plaît! II faut noter que la documentation touchant le personnel de la
SODICC que j'ai demandée, comme membre de la commission, a
été photocopiée et qu'elle sera déposée et
distribuée à tous les membres de la commission.
Au moment de la suspension de nos travaux, nous en étions
à donner la parole au député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Tout d'abord, un mot
pour saluer les invités témoins qui sont devant nous. C'est une
première expérience que nous vivons. J'espère que, de
cette façon, nous pourrons contribuer aussi humblement que ce soit
à la valorisation du rôle des parlementaires.
Il est bon de situer au tout début, peut-être, comment
s'insère cette rencontre entre les responsables d'un organisme public,
tel que la SODICC, dans le rôle que nous, députés, avons
à jouer. Nous le faisons dans un esprit constructif, nous le faisons de
façon à représenter les électeurs et les
électrices. Il est de notre devoir, et la réforme parlementaire
était dans ce sens, de demander des comptes, de vérifier des
résultats et de faire préciser des orientations. Nous le faisons
dans un esprit positif, nous le faisons pour que les choses aillent mieux et
nous le faisons de façon à obtenir des réponses qui nous
paraissent nécessaires pour bien servir la collectivité.
Sans aller plus loin en ce qui concerne ce sujet, d'abord, je prends
prétexte de la distribution des documents qui vient de nous être
faite pour demander au président de la SODICC quel est le montant
consacré par la SODICC, pour la dernière année
financière, pour l'administration proprement dite: paiement de
personnel, location de locaux, administration d'une façon
générale de l'organisme lui-même. Quel montant est
consacré à cela?
Bilan financier
M. Deschênes: Les frais d'exploitation pour 1984-1985 - ily a donc une partie qui est une prévision puisqu'on a seulement une
partie de l'année de réalisée - sont de 1 396 875 $.
De plus, je peux vous dire qu'à ce jour, si je prends le bilan
financier au 30 septembre 1984, au niveau des dépenses, nous sommes
rendus à 763 250 $. Donc, nous sommes en deçà des
prévisions qui nous auraient normalement amenés à 910 380
$. Donc, une différence d'à peu près 140 000 $ en
positif.
M. le député, je dois vous dire que, compte tenu du bilan
dans lequel vous avez sûrement constaté un déficit
cumulatif relativement élevé, nous avons pris des mesures
sévères pour non seulement éviter de l'augmenter, vu que
le financement est difficile dans une société comme la
nôtre, mais pour essayer de le réduire, de sorte que les
prévisions que nous avons dans le budget pour 1984-1985 indiquent qu'au
pire il n'y aura ni déficit ni surplus.
M. Doyon: Ce montant de 1 396 875 $ que vous prévoyez pour
l'année 1984-1985, en admettant - ce qui semble peu probable -qu'il soit
dépensé, comment cela se compare-t-il avec l'année
financière 1983-1984?
M. Deschênes: Au niveau de l'année 1983-1984, les
frais d'administration ont été de 1 004 402 $.
M. Doyon: Voulez-vous répéter? M. Deschênes:
1 004 402 $.
M. Doyon: Donc, il y avait une augmentation de près de 400
000 $ au niveau des prévisions.
M. Deschênes: C'est cela.
M. Doyon: Toujours au niveau des prévisions, qu'est-ce qui
motivait cette augmentation de 40%?
M. Deschênes: C'est essentiellement un chose, soit le
passage de notre société d'un capital d'environ 10 000 000 $ au
début de l'année 1983-1984 à un capital qui sera de 16 000
000 $ à la fin de 1984-1985 et qui devrait augmenter au maximum
à
20 000 000 $ pour l'année 1985-1986. Cela nous a amenés
à recruter un personnel supérieur à celui qu'on avait,
évidemment. Maintenant, on a 21 personnes dont une à temps
partiel et il y a tous les frais qui accompagnent le personnel.
M. Doyon: Pour être plus précis, le personnel
régulier est passé de combien à combien depuis cette
augmentation du budget que vous indiquez comme étant de 10 000 000 $
à 16 000 000 $?
M. Bouthillier (Guy): Je croirais que c'était 17 ou 18
à la fin du dernier exercice.
M. Doyon: Par rapport à?
M. Bouthillier: 20, plus une personne à demi-temps.
M. Doyon: Quelle est la proportion de ces 1 400 000 $ en frais
d'administration consacrée à la rémunération du
personnel?
M. Deschênes: Pour l'année 1984-1985 ou
l'année 1983-1984?
M. Doyon: 1984-1985.
M. Deschênes: Je vais être obligé de faire une
règle de trois et vous le donner au 30 septembre 1984. Au 30 septembre
1984, il serait de 349 000 $. C'est pour six mois; il faut donc multiplier par
deux et cela ferait 698 000 $.
M. Doyon: Étant bien entendu que, selon les renseignements
que vous m'avez fournis tout à l'heure, les montants qu'on avait
prévu dépenser pendant l'année 1984-1985 ne l'ont pas
été en date du 30 septembre 1984.
M. Deschênes: Oui, oui, c'est cela. Je vous donne les
prévisions budgétaires. C'est cela.
M. Doyon: Cette proportion, qui m'apparaît être de
l'ordre de 1 pour 10, ou à peu près, entre le budget
administré de 16 000 000 $ et les frais de fonctionnement, a-t-elle
été à peu près constante depuis que la SODICC
existe? Vous me dites que vous prévoyez avoir un budget de 16 000 000 $
pour...
M. Deschênes: Nous avons actuellement un capital
émis de...
M. Doyon: Un capital, pardon. M. Deschênes:... 16
000 000 $.
M. Doyon: Un capital de 16 000 000 $.
M. Deschênes: Nous allons demander, comme je l'indiquais ce
matin aux membres de la commission, pour l'année 1985-1986, à
partir du plan de développement sur lequel nous travaillons, que le
ministre des Finances prenne des actions additionnelles pour les 4 000 000 $
que prévoit la loi. Cela nous amènera à 20 000 000 $. Nous
avons actuellement une structure qui nous permettrait d'aller au-delà de
20 000 000 $. Je parle du personnel et des outils que nous avons. Nous avons
fait un saut pour passer d'un niveau à un autre et c'est probablement ce
qui pourrait le mieux à mes yeux - en tout cas maintenant, à
moins que je ne fasse des recherches additionnelles une fois rendu à mon
bureau - expliquer les différences de niveau entre le début de
l'année 1983-1984 et la fin de l'année 1984-1985.
M. Doyon: En fait, ce que vous me dites, c'est que, compte tenu
de l'équipement que vous avez en ressources humaines, de même
probablement qu'en équipement d'autre nature, en matériaux et en
immobilisation, vous seriez en mesure d'administrer une capitalisation
d'au-delà de 20 000 000 $.
M. Deschênes: Oui.
M. Doyon: Avec les ressources dont vous disposez
actuellement.
M. Deschênes: Oui, il est possible que nous passions
à 21 ou 22, c'est-à-dire que nous ajoutions une personne ou deux,
mais nous avons une structure qu'on peut appeler relativement permanente dans
le sens qu'elle devrait répondre à des besoins additionnels, s'il
y en avait, sans nécessiter une croissance du personnel.
M. Bouthillier: Si vous me le permettez, concernant les questions
auxquelles vous référez, on a dans le rapport annuel, le document
qui vous a été déposé, à la page 19, une
ventilation des frais d'administration. Cela peut répondre à
certaines de vos questions.
Quant à votre dernière question sur le rapport ou le ratio
qu'on pourrait établir entre nos dépenses d'administration et le
capital qui nous est versé, on pourrait dire, sur la base des chiffres
qui sont ici, qu'en 1983 et 1984 le même ratio s'est maintenu, alors
qu'il baisse sur les bases budgétaires de 1984-1985; le ratio est moins
élevé des dépenses d'administration par rapport au capital
émis.
Taxe provinciale sur les vidéocassettes
M. Doyon: M. le Président, sur un autre sujet, à la
suite d'une série de questions de mon collègue de Mille-[les
concernant les
cassettes vidéo, etc., j'aimerais savoir si vous, à
SODICC, vous avez déjà fait une étude en ce qui concerne
l'impact de la taxe provinciale sur la circulation des cassettes. Est-ce que
ça a un impact quelconque que vous avez pu évaluer et que vous
avez eu l'occasion de déterminer, cette taxe sur les cassettes
vidéo au niveau de la production, au niveau de la création?
Est-ce que vous avez des commentaires à faire à cette commission
parlementaire en ce qui concerne cette taxe particulière sur laquelle
nous avons déjà eu l'occasion d'interroger le ministre des
Communications? Nous avons tenté de savoir quel était le
fondement autre qu'une source de revenus supplémentaires pour le
gouvernement, quel était le fondement de cette taxe sur les cassettes
vidéo.
Je profite de l'occasion de votre passage ici pour vous demander si vous
avez des commentaires à ce sujet. Est-ce que vous considérez,
sans porter de jugement politique, que cette taxe peut avoir un certain effet
négatif ou si l'effet est neutre, quel qu'il soit, en ce qui concerne la
création, la production, etc?
M. Deschênes: Vous parlez bien de la taxe sur les cassettes
vierges qui sont utilisées pour faire de la production, vous ne parlez
pas de la taxe de vente de 9%.
M. Doyon: Non, pas de celle-là.
M. Deschênes: Pour répondre à votre question,
nous n'avons pas fait d'étude sur l'incidence d'une telle taxe sur les
coûts de production et sur ce que j'appellerais la concurrence de nos
produits une fois tous ces éléments considérés dans
le prix de revient d'un produit audiovisuel. Je ne suis donc pas en mesure de
vous donner des éclaircissements sur cette question. Nous n'avons pas,
non plus, réfléchi à la question de cette façon
pour savoir si, à nos yeux, compte tenu de l'expertise que nous avons,
cette taxe peut être difficile pour l'industrie ou pourrait même
être un danger au niveau de la concurrence. Je regrette de ne pouvoir
vous donner plus d'information sur ce point.
M. Champagne: Excusez, M. le député de
Louis-Hébert, j'aimerais comprendre si c'est la fameuse taxe de 2
$...
M. Doyon: C'est cela.
M. Champagne:... sur l'achat de cassettes vierges.
M. Doyon: Les cassettes vierges. M. Champagne: C'est
cela... M. Doyon: Oui, oui. C'est cela.
M. Champagne:... le sens de la question. D'accord.
M. Doyon: Si je comprends bien, M.
Bouthillier, votre avis n'a pas été sollicité par
le ministre des Communications à ce sujet, non plus.
M. Deschênes: D'abord, M. Bouthillier... M. Doyon: Ah!
Pardon, je m'excuse.
M. Deschênes:... pourra peut-être répondre
à votre question plus directement. Je n'ai pas d'objection, absolument
pas, à ce que vous vous adressiez aux autres membres.
M. Doyon: Je me suis trompé de nom, tout simplement.
M. Deschênes: Non, mais écoutez, de toute
façon, on est là ensemble pour essayer de vous donner le plus
d'information possible et, inversement, pour recevoir de votre part le plus de
commentaires qui pourraient nous aider à améliorer nos
activités.
Je dois vous dire que, sur cette question, me semble-t-il, le ministre
des Affaires culturelles était plus concerné que le ministre des
Communications. On se réfère à la loi 109 et à la
Loi sur le cinéma. Je vous donne cet élément
présent à mon esprit, mais, personnellement, au sens de la
présidence de la société que je dirige, compte tenu que
cette loi et ces discussions, en tout cas, ont précédé mon
arrivée, cela n'a pas fait l'objet de discussion. Je mentionnais ce
matin, et je le répète maintenant, que nous avons une
coopération assez étroite entre la Société
générale du cinéma et notre société. La
Société générale du cinéma, elle, a
été très étroitement associée au projet de
loi 109 sur le cinéma.
Comédie nationale
M. Doyon: M. le Président, j'aimerais passer un revue un
certain nombre de projets spécifiques qui nous sont soumis dans le
cahier que la SODICC nous a fait parvenir. J'aurais un certain nombre de
questions à poser en ce qui concerne certains projets
spécifiques. Je voudrais, tout d'abord, vous référer
à ce qui est identifié comme le dossier 14-B, Comédie
nationale, où on indique qu'il y a eu un prêt de 175 000 $
consenti le 7 avril 1981. On dit qu'il est en récupération depuis
le 31 mai 1982, avec un solde dû de 198 000 $. L'explication est
donnée en disant qu'il s'agit d'un "prêt pour financer la perte
d'opération de Starmania. Par la suite, un financement additionnel,
dit-on, pour refinancer cette dette et payer des excédents de
construction n'a pu être réalisé. La bâtisse fut
reprise par le créancier de premier rang et vendue à perte. "
Est-ce que vous pourriez nous dire, lorsque vous dites que le montant
est en récupération, si cela est une façon d'expliquer que
ce montant est en "collection", que vous avez des avocats? Est-ce que vous
avez, premièrement, un service juridique à la SODICC qui s'occupe
de récupérer ou d'obtenir le paiement des engagements financiers
qui sont consentis par vos partenaires?
M. Deschênes: Oui. Nous avons un secrétaire de la
société, qui est en même temps le conseiller juridique, qui
est accompagné d'un autre avocat.
Maintenant, au niveau du cheminement, lorsqu'un dossier devient en
difficulté, comme celui-ci, au niveau de l'administration de la
société, on fait des démarches avec l'entreprise en cause,
ses promoteurs, pour voir, en fonction des difficultés, s'il y a des
arrangements qui pourraient être pris et qui permettraient à
l'entreprise en cause de continuer ses activité et à la SODICC de
récupérer les montants qu'elle a investis.
Lorsque nous estimons que des arrangements ne sont plus possibles et
qu'en conséquence on voit arriver une ou plusieurs hypothèses,
par exemple, la faillite ou la vente de la société ou de
l'entreprise en cause, ainsi de suite, nous envoyons ce dossier au conseiller
juridique; il lui appartient, en collaboration et en consultation avec le
président-directeur général, de prendre les mesures
appropriées.
Maintenant, si vous me permettez de vous donner quelques
éléments sur la Comédie nationale, vous savez que cet
édifice a été racheté par une entreprise qui est,
aujourd'hui, le Théâtre de la poste, à Montréal.
Quand on parle d'un dossier en récupération, c'est un
dossier qui, à un moment donné, lorsqu'il est en
récupération, est fermé. Il ne peut pas rester en
récupération indéfiniment. Soit que l'entreprise fasse
faillite, soit qu'on convienne d'un règlement à l'amiable avant
de procéder devant les tribunaux ou de récupérer un
édifice ou ces choses. Dans ce cas-ci, comme l'édifice a
été vendu à une entreprise par la caisse populaire et que
la caisse populaire a une hypothèque de premier rang sur
l'édifice en fonction du prix de vente, nous négocions toujours
avec cette entreprise pour voir si cette dette qui est un peu lancinante
pourrait être réglée à notre avantage et
également à son avantage, quoique légalement le
Théâtre de la poste, compte tenu que la caisse populaire a saisi
l'édifice, pourrait dire: C'est terminé, on ne veut rien savoir,
fermez le dossier parce qu'on ne vous donnera pas un sou.
D'un autre côté, le Théâtre de la poste, nous
sommes en négociation avec lui pour l'aider dans le financement de ses
opérations et dans le développement de son entreprise. Nous avons
mis tout cela dans l'assiette et nous essayons de faire en sorte que le
règlement qui en sortira ne mettra pas la nouvelle entreprise en
difficulté, mais nous permettra, à nous, de
récupérer autant que possible les sommes que nous y avons
investies.
M. Doyon: Dans l'état actuel du dossier, c'est donc dire
qu'il y a près de 200 000 $ sur ce dossier qui sont dus à la
SODICC. Est-ce que vous avez des espoirs quelconques en ce qui concerne une
récupération éventuelle de ce montant? Est-ce que vous
avez des garanties? Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, vous pouvez
raisonnablement espérer que ce prêt de 175 000 $ - auxquels se
sont ajoutés 26 779 $ en intérêts - n'est pas, dans
l'état actuel des choses, un prêt à fonds perdus?
M. Deschênes: Je vous dirai que, dans l'état actuel
des choses, nous espérons toujours pouvoir récupérer une
partie de ces sommes. Maintenant, cet espoir, c'est un espoir que nous avons au
niveau de l'administration de la société. Quand le
vérificateur vient voir nos livres, lui, il considère les faits
au sens le plus clair et le plus brutal possible et, pour lui, c'est une perte.
En conséquence, quand vous regardez les provisions de la
société, qui sont les montants qui sont conservés ou qui
sont estimés par le vérificateur devoir être
conservés pour des pertes éventuelles - c'est-à-dire le
jour où le dossier sera fermé, il y aura une perte - ce montant
est inscrit comme une provision totale.
Donc, au sens des livres, cela fait partie de nos provisions et, au sens
pratique, nous négocions toujours avec le Théâtre de la
poste pour voir jusqu'à quel point un règlement ne pourrait pas
permettre de récupérer une partie de ce montant.
Dans les faits, nous les rencontrons vendredi de cette semaine.
M. Doyon: Sans vouloir vous presser là-dessus, le
prêt date du 7 avril 1981; les remboursements devaient commencer à
quelle date, à titre d'exemple, en ce qui concerne ce prêt
particulier?
M. Bouthillier: II devait y avoir, la première
année, douze versements mensuels de 1000 $ chacun.
M. Doyon: Est-ce que dans la première année ces
versements ont été effectués?
M. Bouthillier: Non.
M. Doyon: C'est donc dire que dès la première
année ce débiteur a été en défaut.
M. Deschênes: Je peux vous dire ici que, quand l'intervention
s'est faite en avril 1981, c'était, à ce moment, une entreprise
en sérieuses difficultés. L'intervention que nous faisions
était pour lui permettre de sortir de ces difficultés d'une
façon correcte et qui permettrait à l'entreprise de survivre.
Lorsque nous avons fait l'investissement que vous connaissez, les 175 000 $,
les espoirs que nous avions ne se sont pas réalisés. Les
difficultés qui existaient alors ont continué d'exister de sorte
que, dès que les premiers mois qui ont suivi le prêt sont
arrivés, les remboursements ne se sont pas faits et les
difficultés ont continué à être ajoutées aux
difficultés qu'on connaissait pour en arriver au point que vous
connaissez maintenant, c'est-à-dire la saisie par la caisse populaire de
l'édifice en cause. (15 h 45)
M. Bouthillier: Pour clarifier, compléter la
réponse, d'abord je vais rectifier la réponse que j'ai
donnée. L'entreprise nous a fait quatre versements, elle nous a
versé 4000 $; c'était pendant les toutes premières
mensualités. Par la suite, l'entreprise était en
défaut.
Au niveau des garanties que nous avions exigées dans ce dossier,
nous détenions une hypothèque de second rang et c'est la caisse
populaire de la Place Desjardins à Montréal qui détenait
la première hypothèque qui était une hypothèque de
550 000 $, je crois. Après coup, c'est toujours facile, mais l'erreur
qu'on a peut-être faite; c'est une erreur d'évaluation de nos
garanties. On avait un petit peu surévalué la valeur de nos
garanties de telle sorte que, lorsque le créancier de premier rang a
décidé d'exécuter ses garanties, il nous a envoyé
un avis de 60 jours et là il a fallu prendre la décision: est-ce
qu'on débourse les 550 000 $ en question pour racheter la position du
premier créancier ou si on laisse passer? Les indications qu'on avait,
à ce moment, sur les candidats potentiels pour racheter cet immeuble
nous montraient qu'il n'y avait pas foule à la porte. Alors, on a dit:
Non, on ne pourra pas revendre cela à un montant supérieur au
montant qu'on va être appelé à débourser au
créancier de premier rang, de telle sorte qu'on a passé. Mais on
n'a pas radié tout de suite notre créance, on ne l'a pas
passée tout de suite aux mauvaises créances parce que l'acheteur
qui a racheté de la caisse populaire, c'est-à-dire le
Théâtre de la poste, nous laissait des indications en ce sens
qu'il serait consentant, à la condition qu'on refasse un nouveau
prêt, à assumer une partie de l'ancienne créance de la
Comédie nationale. C'est ce que nous n'avons pas réussi à
compléter encore. Comme le disait M. Deschênes, nous les
rencontrerons à la fin de la semaine. Sur le plan comptable, cela a
été provisionné complètement aux mauvaises
créances. Cela n'apparaît pas dans le dossier qui vous a
été remis, mais cette provision sur le plan comptable a
été faite le 30 septembre.
M. Doyon: La perte exacte à titre de provision même
s'il peut y avoir des arrangements qui sauveront peut-être...
M. Bouthillier: 198 566 $.
M. Doyon: L'intervention de la SODICC dans cela n'a pas
été la solution souhaitée aux difficultés de la
Comédie nationale.
M. Deschênes: C'est-à-dire que je le regarderais
peut-être sous deux facettes. D'une part, si l'on regarde, à ce
jour, l'investissement financier de la SODICC, vous avez raison, pour nous,
cela a été un mauvais placement puisque nous n'avons pas
réussi, à ce jour, à récupérer une partie
raisonnable ou substantielle des investissements que nous avons consentis
à la Comédie nationale. D'autre part, le fait, comme vous le
mentionnait le vice-président, M. Bouthillier, que nous ayons
passé quand la caisse populaire a saisi l'édifice a permis
à une autre entreprise d'acheter l'édifice à un coût
qu'on peut appeler correct, puisqu'elle l'a acheté. Cela a
également laissé une porte ouverte pour nous afin de
négocier avec la nouvelle entreprise sur la base du prêt qui avait
été consenti, qui était dû, et sur la base de son
problème à elle qui est d'obtenir un financement pour faire les
améliorations locatives et pour déterminer les premières
années, qui sont toujours difficiles, de fonctionnement au niveau de son
fond de roulement. En fait, nous n'avons pas encore complètement perdu
espoir de récupérer une partie substantielle de ce
prêt.
Association canadienne de
diffusion du livre
M. Doyon: Si on peut passer... Je ne veux pas prendre trop de
temps, mais il y a un certain nombre de questions. En grande partie, le but de
l'opération, c'est de voir et d'obtenir certains renseignements sur des
transactions qui ont été effectuées par la SODICC. Je me
réfère au dossier 18 qui concerne l'Association canadienne de
diffusion du livre Inc., où l'on indique qu'il y a eu un prêt de
150 000 $ et que la perte, qui semble, en l'occurrence, définitive, se
chiffre à 68 213 $. On indique comme explication qu'il y a eu
liquidation et que la rentabilité était inexistante.
Je me demande si vous pouvez nous expliquer la chose. Cette
rentabilité inexistante vous est apparue, après coup, je
présume, après que le prêt a été
effectué et que les remboursements n'ont pas été faits.
Avez-vous retiré un certain nombre d'enseignements de cette
opération? Qu'est-
ce qui n'a pas marché, en d'autres mots? Qu'est-ce qui a
cloché dans cela pour que la SODICC se trouve avec une perte
sèche de 68 213 $ sur un prêt de 150 000 $ effectué
à cette Association canadienne de diffusion du livre?
M. Deschênes: Sur ce prêt, il est certain qu'au
départ cette entreprise qui travaillait au niveau de la distribution, de
l'exportation et des transitaires nous apparaissait une entreprise
intéressante qui avait des problèmes financiers ou qui
nécessitait une mise de fonds relativement élevée pour
pouvoir se développer. Nous y avons investi 150 000 $. Je vous indique,
d'ailleurs, qu'il s'agissait d'un regroupement de 23 libraires qui,
eux-mêmes, avaient investi un montant identique au nôtre, de sorte
qu'ils satisfaisaient à l'un des critères que je vous mentionnais
tantôt, c'est-à-dire que, quand nous investissons, il faut que les
promoteurs investissent aussi. Je vous rappelle aussi les deux autres
critères que nous avons qui étaient peut-être là
d'une façon un peu moins évidente, parce que nous étions
au début et que nous nous faisions un peu la main: il s'agit de la
rentabilité et du développement économique de cette
entreprise dans le développement économique général
du Québec. Ces critères étaient donc là. Ils ont
mis 150 000 $ et on a mis 150 000 $, avec les résultats que nous
connaissons aujourd'hui: cela a été une faillite, cela n'a pas
été un succès, de toute évidence. Nous avons
réalisé les garanties que nous avions prises au niveau des stocks
et des comptes recevables. Quand nous avons radié le prêt, comme
l'indique la note, il restait 68 213, 60 $, ce qui est effectivement une perte
sèche.
M. Doyon: Vous parlez de pertes et vous parlez de l'implication
des investisseurs privés! De quel ordre a été leur perte?
A-telle été équivalente à la vôtre?
M. Bouthillier: Leur mise de fonds était identique
à la nôtre. C'était 50-50 dans les mises de fonds.
C'était un projet de 300 000 $ et ils ont investi 150 000 $.
M. Doyon: Et vous avez perdu 68 000 $ sur les 150 000 $. Est-ce qu'eux
ont perdu la totalité?
M. Bouthillier: Ils ont perdu la totalité et nous, nous
avions certaines garanties sur notre prêt.
M. Doyon: Si on passe à un autre dossier, le dossier 20,
on voit que, pour Civicom Ltée, il y a un prêt consenti pour un
montant de 353 610 $. On indique que le solde dû actuellement est de 272
826 $, ce qui fait que les trois quarts du prêt sont en souffrance.
Est-ce que cette société continue toujours d'exister?
M. Deschênes: Non. La réponse est non.
M. Doyon: Non. Comment espérez-vous
récupérer les 272 000 $?
M. Deschênes: Quand l'entreprise a connu des
difficultés et qu'elle a abandonné ses activités, nous
avons récupéré les équipements - les garanties
étaient pour l'achat d'équipements - qui avaient
été achetés avec la participation financière de
notre société et nous les avons revendus. Si vous regardez le
montant de 272 000 $ qui reste par rapport au montant initial, c'est dû
à la revente des équipements qui nous a permis de diminuer
d'à peu près 75 000 $ la dette initiale. C'est la
récupération qui nous a fourni 75 000 $ sur les
équipements achetés pour le montant indiqué,
c'est-à-dire 353 610 $.
M. Doyon: Cela laisse un montant de 272 000 $ qui, à sa
face même, semble avoir peu de chance d'être
récupéré. Est-ce exact?
M. Deschênes: C'est exact.
M. Doyon: Sur le bilan, est-ce indiqué comme une provision
pour perte quelque part?
M. Bouthillier: II est provisionné à 100% comme
perte.
M. Doyon: Comme perte sèche.
M. Bouthillier: En pratique, tout ce qui nous reste comme
garantie à réaliser, c'est la caution personnelle du principal
actionnaire qui n'a pas fait faillite personnellement, mais dont le bilan
personnel est très peu reluisant. On négocie actuellement un
règlement de l'ordre de 5000 $ à 10 000 $ avec l'actionnaire.
M. Doyon: J'aimerais, avec votre permission M. le
Président, procéder au dossier 85-A-1.
Le Président (M. French): Avec votre permission, M. le
député, ce sera le dernier et on pourra revenir après.
C'est seulement pour...
M. Doyon: D'accord.
Le Président (M. French):... permettre une rotation. Quel
numéro? Excusez-moi.
Kébec Spec
M. Doyon: 85-A-l qui concerne
l'entreprise Kébec Spec Inc. On voit que l'implication de la
SODICC a été sous forme de capital-actions en ce qui concerne le
dossier 85-A-1 en tout cas, représentant 49% des actions. Pouvez-vous
nous faire une évaluation, compte tenu que les dossiers 85-A-2, 85-8,
85-C - cela se termine là -indiquent que des montants
considérables (pour ce qui est de 85-A-2, 150 000 $, 85-B, 250 000 $ et
85-C, 300 000 $) sont en récupération? Comment pouvez-vous
concilier cette participation à 49% des actions dans l'entreprise
Kébec Spec puisque, étant actionnaire à 49%, donc
étant impliquée non pas majoritairement, mais d'une façon
très sérieuse à 49%, SODICC se trouve à se
prêter des sommes de 150 000 $, 250 000 $ et 300 000 $ vu qu'elle les
prête à une entreprise dont elle est presque à 50%
propriétaire? Est-ce une façon de faire que vous
considérez comme saine de financer au moyen d'implication au niveau des
prêts une société dont vous êtes propriétaire
à 50%? Cela ne vous met-il pas dans une situation de conflit?
M. Bouthillier: Je ne porterai pas de jugement, je ne donnerai
pas de réponse à la dernière partie de votre question. Je
vais simplement clarifier de quelle façon cela s'est fait. Les
interventions pour 85-A-1 et 85-A-2 se sont faites en même temps.
L'objectif était de prêter 150 000 $. Les besoins de fonds
immédiats étaient de 150 000 $. Cependant, il faut bien
comprendre qu'il s'agit là d'une compagnie de production de spectacles
et de production de documents vidéo de spectacles. La valeur des
garanties matérielles sur lesquelles on pouvait prendre une charge
étaient, à toutes fins utiles, inexistante. A cette
époque, le raisonnement qu'on avait tenu était de dire: On fait
un prêt à haut risque c'était un prêt dans une
entreprise en difficulté; la rémunération du risque que
l'on prend est disproportionnée; de quelle façon pourrait-on
rémunérer ce risque? La façon qu'on a trouvée,
c'était d'acheter, pour 1 $, 49% du capital-actions, se disant que, si
jamais le sauvetage réussissait, on avait des ententes avec
l'actionnaire qu'il pouvait nous racheter selon une formule qui bonifiait notre
risque. C'était cela, la base du raisonnement à l'époque.
Il faut bien comprendre que la valeur de l'entreprise était nulle et que
49% du capital-actions ne représentaient rien, beaucoup moins que 1 $.
C'était simplement une façon de rémunérer
éventuellement le risque qu'on avait pris.
M. Doyon: Ce que vous faisiez, finalement, c'était vous
associer financièrement à l'entreprise de façon à
bénéficier d'un retour sur le capital éventuel que vous
investissiez là-dedans. C'était votre façon de voir les
choses.
M. Bouthillier: C'est cela. (16 heures)
M. Doyon: Est-ce que vous considérez que ces montants, 150
000 $, plus 250 000 $, plus 300 000 $, 700 000 $, à toutes fins utiles,
sont perdus?
M. Bouthillier: Ils ne sont pas complètement perdus. Il y
a eu une récupération qui s'est faite. L'entreprise avait un
immeuble. On a récupéré sur la vente de l'immeuble. On
avait certaines bobines. On avait, en fait, une charge flottante sur toutes les
bobines, sur tous les produits vidéo de l'entreprise. On est en train de
compléter ces ventes. Il y en a déjà, quand même,
passablement de faites. On est en train de régler aussi avec la caution
personnelle du principal actionnaire. On s'attend à avoir une
récupération assez importante, mais qui est, quand même,
fractionnaire par rapport au montant total de notre créance.
M. Doyon: Kébec Spec, c'est une compagnie,
évidemment. Vous parlez du principal actionnaire. Qui était,
au-delà du nom corporatif, le principal actionnaire dans Kébec
Spec?
M. Bouthillier: Guy Latraverse.
M. Doyon: Guy Latraverse. Si on regarde ce qui est en
récupération relativement à ce qui a été
prêté, on s'aperçoit que, pour ce qui est du dossier
85-A-2, il y a un solde dû de 52 000 $, tout près de 53 000 $. Il
y a un solde dû, pour ce qui est du dossier 85-B, de 264 000 $,
composé de capital et d'intérêts; pour le dossier 85-C, un
solde dû de 361 000 $, aussi composé de capital et
d'intérêts.
Quels sont les actifs qui garantissent ces prêts? Est-ce qu'il y
en a? Vous avez fait mention de bobines. Est-ce qu'il y a des immeubles?
M. Bouthillier: Non. L'immeuble a été vendu et a
été déduit de cela. Il faut dire aussi qu'il y a, quand
même, un autre dossier qui est associé à cela, qui
s'appelle le dossier 45-A, B et C, qui est le Théâtre
d'été Saint-Charles, dont les promoteurs étaient le
même groupe, Kébec Spec et Kébec-Films.
M. Doyon: Oui. Quelles étaient les garanties personnelles?
Est-ce que, premièrement, il y avait des garanties personnelles
données par l'actionnaire principal dont vous avez mentionné le
nom, M. Latraverse? Est-ce qu'il y avait des garanties personnelles?
M. Bouthillier: Caution personnelle.
M. Doyon: Caution personnelle de sa part. Et est-ce que, compte
tenu des soldes dus - je n'ai pas posé la question - il y a eu
très peu de paiements qui ont été faits au moment
prévu, selon l'entente que vous aviez avec Kébec Spec ou avec M.
Latraverse? Est-ce qu'il y a eu des démarches de faites, à
l'heure où l'on se parle, pour amener la caution à verser les
montants qu'elle s'était engagée à verser à
défaut de Kébec Spec?
M. Bouthillier: Oui. Nous sommes en négociation,
actuellement; on est sur le point de terminer. On ne va pas se leurrer, la
valeur financière de la caution n'est pas en proportion des manques
à gagner qu'on a ici.
M. Doyon: Quel est le montant? Est-ce qu'il y a eu un montant de
mis en provision - c'est la dernière question, M. le Président -
pour la perte nette que vous anticipez à ce sujet?
M. Bouthillier: Il y a un montant de 576 000 $ qui a
été mis en provision pour tous les dossiers Kébec
Spec.
M. Doyon: Ce qui implique, de la part de la caution, une
participation de quel ordre quand vous faites cette provision?
M. Deschênes: C'est-à-dire que la provision est
indépendante de l'entente qu'on pourrait avoir avec la caution. Dans le
cas de la provision, compte tenu de l'état d'un dossier ou de la
détérioration d'un dossier, l'administration de la SODICC, avec
les règles de vérification usuelles, détermine, avec
toutes les chances de notre côté et toutes les conditions qui
pourraient survenir, qu'il faut prévoir une perte de 576 464 $. Quand
nous rencontrons le promoteur en cause, M. Latraverse, il n'est pas au courant
de cette provision. Le serait-il que cela ne changerait pas nos
négociations avec lui parce qu'il a signé, au niveau de sa
caution, pour un montant. Et nous déterminons avec lui jusqu'à
quel point il est en mesure d'honorer cette caution qu'il a prise et que nous
possédons. C'est strictement sur cette base, de sorte qu'il pourrait y
avoir une récupération, mais c'est évident, comme le
disait M. Bouthillier, que cela ne peut pas être pour ce montant. Mais,
une fois la provision ou la caution, je dirais, rendue à terme, le
montant de 576 000 $ pourrait diminuer. Cela va dépendre du
règlement et du montant du règlement que nous aurions convenu
avec M. Latraverse.
M. Doyon: Si je comprends bien, la provision que vous faite est
une évaluation...
M. Bouthillier: C'est exact.
M. Doyon:... de ce que vous pouvez obtenir de la caution?
M. Bouthillier: Non, c'est une évaluation du dossier et,
du point de vue comptable, quelle est la perte que le comptable ou les
comptables et le vérificateur estiment que nous encourrons dans un
dossier ou dans ce dossier plus particulièrement. Si cela ne se
réalise pas comme ils le pensent, cela peut être au mieux, cela
peut être au pire, mais normalement, quand vous connaissez les
vérificateurs, ils sont relativement serrés et la caution qu'ils
indiquent est normalement le maximum qu'on doit prévoir.
M. Doyon: En fait, ce que je voulais faire ressortir
là-dedans, c'est que la solidité et la validité de la
caution, quand même, avaient un rôle capital sur le montant de
récupération qui pouvait être fait.
M. Bouthillier: Les deux éléments qui peuvent faire
varier le montant exact de la mauvaise créance, c'est effectivement ce
qu'on va pouvoir récupérer de la caution et ce qu'on va pouvoir
récupérer à partir des seuls actifs qui nous restent,
c'est-à-dire une série de bandes vidéo. On a établi
la provision à 576 000 $ en tenant compte de notre évaluation.
Cela serait peut-être délicat, pour nous, de vous dire ce qu'on
attend de la caution et ce qu'on attend des bobines, parce que la
négociation n'est pas terminée. Disons que cela pourrait mouiller
un peu notre pétard si jamais cela devenait public.
M. Doyon: J'aurai d'autres questions sur d'autres dossiers.
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau.
Bilan financier (suite)
M. Brouillet: Messieurs, il me fait plaisir de vous entendre
depuis ce matin et j'aurais quelques questions à poser. Pour poursuivre
dans la dimension financière de la SODICC, j'ai parcouru rapidement, moi
aussi, les différents dossiers. C'est évident que, dans bien des
cas, il y a des pertes assez considérables par rapport à
l'investissement; cela va jusqu'à 80% des fois, 75% et tout. Ce qui
m'intéresserait, ce serait de connaître, à partir de
l'investissement global, le pourcentage en pertes. Parce qu'il y a certainement
des bons coups aussi qui ont dû être réalisés. Ce qui
est important, c'est la somme des bons et des mauvais coups. On pourrait fort
bien ne s'arrêter qu'aux dossiers où il y a eu pertes; on aurait
une mauvaise vision, je pense bien, une mauvaise perception de la performance
de la SODICC depuis quatre ou cinq ans. Est-ce que vous
pourriez me fournir, par rapport à l'investissement global, au
capital de risque que vous avez consenti à investir, quel est le
pourcentage à peu près de pertes sèches?
M. Deschênes: Alors, si vous regardez le total des
autorisations, c'est-à-dire des dossiers dans lesquels le conseil
d'administration nous a autorisés à investir du début
à ce jour, il y en a pour 34 826 160 $. Maintenant, au niveau des pertes
sèches, parce que là il faut séparer les pertes
sèches des provisions - je ne sais pas si M. Bouthillier est en mesure
de nous indiquer les deux éléments que constitue le
déficit - vous voyez par le rapport annuel que le déficit
cumulatif du début jusqu'à maintenant est de l'ordre - je vais
vous le donner de façon exacte - de 2 633 514 $ au 31 mars 1984. A
l'heure où on se parle, il est inférieur à ce montant
parce que nous avons mis, en cours d'année, ce que nous avons
appelé le comité de recouvrement qui fait ce qu'on traitait un
peu avec le député de Louis-Hébert tantôt,
c'est-à-dire regarder avec les promoteurs d'entreprises en
difficulté le règlement des dettes qu'ils ont avec nous, de sorte
qu'un certain montant de provision - c'est de l'ordre d'à peu
près 400 000 $ maintenant - a réussi à être
recouvré sur appelons cela des règlements à l'amiable avec
les cautions.
Je ne sais pas si M. Bouthillier a la partie "pertes sèches" et
la partie "provisions"?
M. Bouthillier: J'ai la partie "provisions" et les montants
complètement radiés, mais cela c'est au cours de l'exercice; on
ne les a pas pour l'année.
M. Deschênes: Si on regardait la partie "provisions", je
vous donne la provision au 30 septembre qui est de 1 847 639 $.
M. Brouillet: 20 000 000 $?
M. Deschênes: 1 000 000 $.
M. Brouillet: 1 000 000 $.
M. Deschênes: 1 847 639 $, c'est pour les biens en
récupération; au niveau des comptes à recevoir, il y en a
pour 1 280 455 $, ce qui fait un total de 3 128 095 $. C'est là qu'on
arrive à la difficulté de séparer les choses; cela c'est
juste pour les provisions, il y a les pertes. Ce qu'on peut peut-être
faire, si vous nous laissez faire ce calcul, on pourra peut-être
répondre à cette question ce soir. Quand on ajournera les travaux
tantôt, on pourra travailler sur cette question et vous apporter des
éléments précis. Sinon, on risque de faire des calculs
comme cela devant vous qui vont peut-être être erronés et
qui, d'un autre côté, vont prendre de votre temps.
M. Brouillet: Vous voyez un peu l'objectif de ma question. C'est
que, globalement on peut, pour chacun des dossiers, commencer à les
disséquer et voir que, dans plusieurs cas, cela n'a pas donné les
résultats escomptés, loin de là. Ce qu'il serait
intéressant pour nous de savoir, c'est si globalement la performance de
la SODICC, au niveau de ses placements, est acceptable. En lisant vos plans de
développement et la politique financière, j'ai constaté
que vous aviez reconnu que, dans le passé, il y avait peut-être,
je dirais, un certain laxisme ou, enfin, une facilité plus grande
d'accorder des subventions où les risques étaient beaucoup plus
grands, où les garanties étaient moins assurées. Il
semblerait qu'il y ait un virage, depuis quelque temps, qui vous amène
à resserrer un peu vos critères et vos exigences. Est-ce que vous
reconnaissez un peu ce fait que j'essaie de traduire et ce virage?
M. Deschênes: M. le Président, dans les propos du
député de Chauveau, je reconnaîtrais que, depuis l'exercice
financier actuel, nous avons effectivement resserré le crédit ou
les crédits que nous accordons aux entreprises. Il y a des bons
côtés à cela; il y a des mauvais côtés. Je
pense que vous devez réaliser que, lorsque nous faisons cela, il y a des
entreprises qui se voient refuser une aide financière qui, dans d'autres
circonstances, auraient pu l'avoir, ce qui leur aurait permis de sortir de
leurs difficultés financières. Maintenant, le bon
côté de cela, c'est qu'évidemment, au niveau du bilan
financier, le bilan financier de l'année 1984-1985, en tout cas au
moment où on se parle et selon les prévisions que nous avons
émises, va être mieux - quand je dis "mieux", c'est au sens des
chiffres - que celui de l'année passée et de l'année
précédente. Nous allons terminer, comme je vous le disais ce
matin, à moins de circonstances qu'on ne prévoit pas, avec, au
pire, un budget équilibré; au mieux, on aura un surplus et le
surplus vient des provisions pour les dossiers en difficulté qui ont
été discutés avec les entreprises en cause et les
promoteurs de ces entreprises.
Maintenant, dans le passé, j'hésiterais à dire que
notre société a été laxiste dans ses
opérations. Je dirais plutôt que, compte tenu de la jeunesse de
notre société, nous avons dû faire un certain nombre
d'interventions qui se sont avérées des enseignements pour nous
et desquelles nous avons tiré certains enseignements.
Je vous dirai aussi qu'il y a des risques très
élevés que nous devons prendre, que nous savons
élevés et que nous acceptons de prendre. Je vous donne un
exemple: toute la question des didacticiels au
Québec, toute la question des logiciels; nous, à la SODICC
- ce n'est pas un jugement qui nous est personnel et unique - nous estimons
avoir au Québec beaucoup de matière grise et beaucoup de
compétence pour développer de tels logiciels. (16 h 15)
Les entreprises qui existent en matière de logiciels ne sont pas
nombreuses, il faut en démarrer. Quand vous démarrez des
entreprises dans un secteur neuf, vous allez, sur un nombre X d'entreprises,
permettre d'en développer X moins N, c'est-à-dire qu'un nombre
d'entreprises, à l'expérience, ne survivront pas et que d'autres
feront très bien de sorte que, lorsqu'on développe un nouveau
secteur, on sait qu'il y a des risques, on sait qu'il y aura, si vous me
permettez l'expression, des morts, mais on est prêt à prendre ce
risque pour celles qui vont vivre et se développer et permettre au
Québec d'occuper un créneau fort intéressant en vertu des
compétences que nous avons et qui ne sont pas développées
dans certains cas.
M. Brouillet: Nous endossons tout à fait cet aspect de
risque inhérent au genre d'entreprises que vous voulez soutenir. On ne
peut pas toujours prévoir dans tous les cas. Il y a aussi des champs
nouveaux. Ce qui nous préoccupe, c'est d'apprécier la
quantité de survivants par rapport aux morts. C'est un peu la question
que je posais tantôt. Si on pouvait avoir, par rapport à
l'investissement global, le pourcentage de pertes, il serait intéressant
pour nous d'avoir une idée pour apprécier la performance de la
SODICC, tout en tenant compte que vous êtes là, justement, parce
que c'est un secteur où le capital de risque est excessivement difficile
à obtenir. Si vos exigences étaient du même ordre que
celles des institutions prêteuses habituelles, on ferait aussi bien de
fermer les portes de la SODICC parce que vous ne prêteriez presque pas.
Il faut avoir cela présent à l'esprit.
Indépendamment de cela, il y a quand même des
barèmes et des frontières à respecter. C'est notre
préoccupation actuelle de connaître le pourcentage approximatif de
pertes par rapport aux investissements.
M. Deschênes: Nous vous apporterons cette réponse au
début de la séance de ce soir.
Le patrimoine immobilier
M. Brouillet: Très bien. J'aimerais maintenant aborder un
point qu'on n'a pas encore touché: le patrimoine immobilier. J'aimerais
savoir comment fonctionne ce secteur. Je suppose que votre rôle est de
soutenir des entreprises privées qui veulent faire de la
rénovation ou utiliser ce patrimoine immobilier. J'aimerais savoir
comment vous intervenez dans ce secteur de la conservation ou de l'utilisation
du patrimoine immobilier. Dans ce cadre, j'aimerais vous poser la question
à savoir si l'entreprise privée est intervenue pour restaurer une
partie du Vieux-Québec, qu'on appelle le Petit-Champlain. La SODICC
a-t-elle joué un rôle dans cette implication de l'entreprise
privée dans la restauration et quels seraient les projets sur la table
que vous seriez prêts à appuyer?
M. Deschênes: Votre question, M. le député de
Chauveau, a trois volets que je résume: les grandes lignes de notre
intervention en matière de patrimoine immobilier, volet auquel je
répondrai. Je laisserai à M. Bouthillier, le
vice-président, le soin de vous décrire la participation de la
société dans le quartier Petit-Champlain. Concernant le
troisième volet, qui a trait à nos projets principalement
liés à la Place Royale, je demanderai à notre
collaborateur en matière de patrimoine, M. Laliberté, d'y
répondre.
Pour ce qui est de la présence de la SODICC en matière de
patrimoine immobilier, cette présence provient d'une modification
à la loi de 1978, modification apportée en 1982 par des
amendements, bien sûr, qui demandaient à la SODICC d'investir
dorénavant non seulement dans les industries culturelles, mais
également dans les industries de communication et dans le
patrimoine.
Pour ce qui est du patrimoine, l'objectif premier qui nous était
confié était de nous entendre avec le ministère des
Affaires culturelles et son ministre pour que nous ayons le délestage,
que la SODICC prenne à sa charge l'ensemble des édifices
gouvernementaux d'ordre patrimonial. Dans ce secteur, il y avait,
évidemment, les édifices de la Place Royale et ceux du
Petit-Champlain. Il s'agit donc d'un premier volet que j'appellerai public ou
gouvernemental. Le second volet, privé, c'est un secteur auquel nous ne
nous sommes pas encore confrontés. Nous avons, au niveau du conseil
d'administration, au printemps dernier, convenu d'attaquer d'abord ce qui
était le plus pressant, c'est-à-dire le patrimoine gouvernemental
et, dans un deuxième temps - ce sera l'objet de discussions que nous
aurons au début de l'année 1985 - nous déterminerons ce
que la société entend faire au niveau du patrimoine privé.
Donc le patrimoine public est le secteur auquel nos actions ont
été réservées jusqu'à maintenant en
matière de patrimoine. Je laisse à M. Bouthillier le soin de vous
éclairer sur le cheminement que nous avons suivi et les résultats
obtenus pour le quartier Petit-Champlain.
M. Bouthillier: On doit se reporter à 1982. Il faut
comprendre que les amendements à la loi nous donnant juridiction dans le
domaine du patrimoine datent d'avril 1982. La première transaction,
celle du Petit-Champlain, dans le cadre des Placements RDP, a été
complétée en juillet 1982. C'est une transaction assez complexe
par laquelle nous avons acquis 51% du capital-actions de la compagnie Les
Placements RDP. Ces 51% ont été payés, une partie en
argent et l'autre en immeubles. Le ministère des Affaires culturelles
avec lequel on avait transigé nous avait transféré pour 1
$ la propriété de neuf immeubles situés principalement sur
la rue Sous le Fort et la rue Petit-Champlain, immeubles dans un état de
détérioration assez avancé et sur lesquels il fallait
faire des travaux assez rapidement. Ce sont ces immeubles qu'on a
apportés comme dot au mariage, en plus d'une somme d'argent que nous
avons établie à partir d'une évaluation de la valeur des
49% des actions qui restaient et qui a été fixée à
450 000 $. Donc, nous arrivons au mariage avec neuf immeubles - 450 000 $ - et
nous acquérons de cette façon 51% du capital-actions de
l'entreprise.
Le budget du projet prévoit des dépenses de restauration
sur ces neuf immeubles ainsi que sur six autres appartenant déjà
à RDP, dépenses totalisant 2 300 000 $. Le projet doit se
réaliser en 42 mois. Les négociations qu'on a faites et les
documents qu'on a convenu de signer avec nos coactionnaires à
l'époque prévoyaient ceci: la société, ne sachant
pas quelle serait sa volonté, s'était réservé la
possibilité, à la fin des travaux, soit de racheter les 49% des
actions de ses coactionnaires, soit de leur vendre ses 51% et ce, à un
prix prédéterminé en fonction d'un multiple des revenus
bruts de location de l'ensemble. Les travaux ont été faits sur
une période beaucoup plus courte que prévue. On parle maintenant
d'une période de 26 mois qui se terminerait au cours des prochaines
semaines, sinon des prochains mois. On parle de travaux qui, au lieu de
coûter 2 300 000 $, seraient de l'ordre de 2 000 000 $ avec une
rentabilité, en termes de revenus de location, un peu supérieure
à ce qui avait été prévu dans le budget.
Sur le plan plus social, l'ensemble est passé de 18 à 36
logements, de 30 à 65 postes de commerce, et on évalue que les 60
emplois prévus directement ou indirectement avant le projet totalisent
maintenant 275 emplois. Cela nous apparaît, jusqu'à maintenant,
une réussite complète qu'on s'apprête à
concrétiser et à compléter.
M. Brouillet: Je vois que c'est une réussite. C'est
fantastique comme projet. Vous avez dit tantôt qu'avait été
prévue, au terme de la restauration, la possibilité que l'une des
parties achète 51% des actions ou vice versa. Quelle serait la voie
à suivre? Pensez-vous que vous allez acheter les 51% ou si c'est la
partie adverse qui va acheter les 49%? Est-ce que cela se dessine un peu?
M. Bouthillier: Actuellement, on est en négociation. Il
faut vous dire qu'il y a deux grandes avenues et notre lit n'est pas fait. Le
multiple par lequel on peut leur vendre, c'est basé sur un calcul assez
complexe, mais, en deux mots, c'est un calcul qui s'élabore à
partir de 7 fois les revenus bruts. Pour avoir négocié avec nos
coactionnaires, si jamais on décidait d'aller plutôt dans la voie
de les acheter - je dis bien si - pour nous, ce serait 5, 5. Alors, on pourrait
les acheter à 5, 5, même si les contrats disent 7 fois, 7 fois, de
part et d'autre. Si nous leur vendons, ce serait 7 fois. Et si jamais on
décidait d'aller vers une acquisition, ce serait sur une base de 5, 5;
il y a une ouverture chez nos coactionnaires à cet effet.
M. Brouillet: 5, 5, 5?
M. Bouthillier: Le calcul serait basé sur 5, 5 fois les
revenus bruts. Donc, on paierait, par action, un montant beaucoup moindre si on
décidait de les acheter que si on les forçait à les
acheter.
M. Brouillet: Maintenant, si vous regardez un peu
l'investissement, vous avez évalué votre dot à 450 000 $.
Si vous vendez sur la base de 7, est-ce que vous allez faire du profit?
M. Bouthillier: Si on applique les revenus de location
actuels...
M. Brouillet: Oui.
M. Bouthillier:... à notre formule faisant état de
7, on se ramasse avec une valeur d'environ 1 800 000 $, 1 900 000 $.
M. Brouillet: Alors, cela pourrait pas mal amortir le
déficit général de la société.
M. Deschênes: Je peux peut-être vous dire que lorsque
je vous ai mentionné tantôt que le budget prévu pour
1984-1985 nous amènerait, au pire, à un budget
équilibré et, au mieux, avec du positif, dans le mieux,
évidemment, le cas de RDP n'était pas considéré.
Donc si, effectivement, on vendait selon les termes du contrat initial, comme
vient de vous l'indiquer M. Bouthillier, nous en retirerions un montant
d'à peu près 1 000 000 $, en termes de bénéfices.
Cela serait, effectivement, un surplus et cela réduirait le
déficit de façon considérable.
Je dois vous dire que, lorsque nous
faisons notre comptabilité maison, nous considérons cette
chose-là. Quand vous voyez le bilan du vérificateur tel qu'il
apparaît dans le rapport annuel, il ne le considère pas parce que,
évidemment, c'est encore un actif qui n'a pas cette valeur au contrat,
cette valeur marchande. Maintenant, il faut aussi considérer - je pense
que ce serait intéressant pour vous de peut-être entendre M.
Laliberté vous en parler - le développement de l'ensemble de la
Place Royale. Dans la considération que nous apportons à la vente
ou à l'achat de RDP, nous pensons aussi à l'ensemble de Place
Royale, qui permettrait de se développer selon un concept que nous avons
élaboré, que nous avons présenté à notre
conseil d'administration, lequel a été accepté. De sorte
qu'il est possible que, dans les faits -on est toujours à
réfléchir sur cette question - il soit préférable
d'attendre, pour acheter ou vendre, que le développement de la Place
Royale soit, sinon amorcé, au moins qu'il y ait quelques étapes
que je dirais irréversibles de franchies.
Si vous me le permettez, je vais demander à M. Laliberté
de vous parler de ce développement.
Le Président (M. French): M. Laliberté.
M. Laliberté (Yves): M. Deschênes vous disait tout
à l'heure que le ministère des Affaires culturelles avait
entrepris, depuis quelques années, le délestage, enfin avait la
volonté d'entreprendre le délestage d'une certaine partie de ses
propriétés ou, tout au moins, des immeubles dont il avait la
responsabilité.
Pour ce faire, il est à la recherche de partenaires. Il en a
trouvé. Il a identifié notamment la SODICC comme un partenaire
privilégié pouvant prendre en charge une partie de ses
propriétés, sinon la totalité. Dans ce cadre-là, au
mois de mars dernier, le 28 si je me souviens bien, en mars 1983, je dois
préciser, le ministre demandait à la SODICC d'étudier la
possibilité de prendre en charge une partie importante du parc
immobilier, et on visait, à ce moment-là, la Place Royale de
Québec, les 27 propriétés que gère le
ministère à la Place Royale. (16 h 30)
Le ministre demandait à la SODICC que, dans un deuxième
temps, la SODICC voie comment elle pourrait oeuvrer dans le champ du patrimoine
immobilier non gouvernemental, c'est-à-dire au plan, par exemple, des
industries oeuvrant dans ce domaine, peut-être au même titre que la
SODICC oeuvre déjà au plan des industries de la culture et des
communications. C'est à voir, comme le disait M. Deschênes tout
à l'heure. On va consacrer une partie de l'année qui vient
à étudier ce volet non gouvernemental.
Pour ce qui est du patrimoine gouver- nemental, nous étudions
actuellement la possibilité que nous soient transférées la
propriété et la gestion de l'ensemble des immeubles de
manière à poursuivre trois objectifs qui seraient des objectifs
que je qualifierais de rentabilité culturelle, sociale et
financière.
La rentabilité culturelle recherchée le serait par la
restauration des quelque huit immeubles qui restent à être
restaurés sur la Place Royale pour compléter l'ensemble. Cette
rentabilité culturelle serait aussi poursuivie par le fait qu'on
pourrait permettre au ministère de mettre de côté
l'équipe qu'il emploie à gérer les immeubles pour
consacrer ses efforts à l'animation ou à ce qu'on appelle
l'interprétation historique de la Place Royale.
Dans un deuxième temps, on rechercherait une rentabilité
sociale. Actuellement, le ministère gère un certain nombre de
logements et de commerces, mais plusieurs espaces de la Place Royale sont
inoccupés ou sont destinés à d'autres fins que celles
auxquelles le ministère avait été obligé de les
consacrer jusqu'à maintenant. Notre objectif est de faire en sorte qu'on
mette l'accent sur une vocation sociale beaucoup plus équilibrée,
c'est-à-dire doter la Place Royale d'un nombre sensiblement accru
d'espaces résidentiels, autant que faire se peut, et aussi de voir se
greffer à l'ensemble des vocations de la Place Royale une vocation de
services, de commerces de services. J'entends par là les
commodités auxquelles tout citoyen a droit dans un quartier normal.
Finalement, je dirai qu'on rechercherait aussi, évidemment, une
rentabilité financière de l'opération dans le sens qu'on
chercherait à faire en sorte que la gestion de la Place Royale
n'occasionne pas un déficit pour la SODICC, tout au moins à moyen
terme. Ce sont les trois objectifs qu'on vise.
M. Brouillet: Merci. J'aimerais avoir quelques petites
précisions. Quand vous dites que vous prévoyez la conversion
d'une partie de ces immeubles pour la résidence, est-ce que ce serait
à même les 27 ou 28...
M. Laliberté: Oui, c'est-à-dire que, d'une part, il
y a six maisons sur la Place Royale qui ne sont pas restaurées et il y a
deux entrepôts qui ne sont pas restaurés et qui sont
inoccupés en grande partie. Si on exclut les entrepôts, seulement
dans les maisons non restaurées de la Place Royale, on pourrait ajouter
entre dix et quinze logements de plus, cela, en faisant exception, comme je
viens de le dire, des entrepôts, où on pourrait, si on leur
donnait une vocation résidentielle, retrouver un nombre important de
logements.
M. Brouillet: Très bien, merci. J'aurais
encore... Oui.
Le Président (M. French): Avant d'entreprendre un autre
sujet, votre collègue, la députée de Dorion voudrait
enchaîner brièvement sur la question du patrimoine. Vous aurez la
parole après, M. le député.
Mme Lachapelle: S'il vous plaît! Ma question s'adresse
à M. Bouthillier. Pourriez-vous me dire s'il existe des prêts sans
intérêt ou à taux préférentiel pour des
individus qui voudraient, entre autres, préserver un lieu historique?
Prenons le cas d'une maison comportant des rénovations dont les
coûts seraient exorbitants. Existe-t-il des subventions pour aider un
individu?
M. Deschênes: Je vais répondre et je donnerai la
parole à M. Bouthillier tantôt. D'une façon
générale, en matière de patrimoine, nous n'avons pas
encore développé les orientations que prendra la SODICC face au
patrimoine privé, de sorte que des individus qui voudraient faire
affaires avec nous en matière de patrimoine pour des questions qui leur
sont propres et relevant du domaine privé ne seraient pas reçus
à ce moment-ci. Mais il est certain que, si nous allons dans le
patrimoine privé, ce sera sur la base de critères à peu
près identiques à ceux que nous avons maintenant,
c'est-à-dire que l'entreprise qui voudra faire affaires avec nous devra
être rentable ou, du moins, être jugée en mesure de devenir
rentable dans une période acceptable à la SODICC. Il faudra que
les promoteurs y investissent de l'argent et il faudra que cela participe au
développement économique. De sorte que, si vous pensez à
des sites historiques qui ont une valeur patrimoniale et qui sont tout à
fait prêts à être développés, si ce ne sont
pas des sites qui seraient exploités commercialement et d'une
façon rentable, ils ne seraient donc pas recevables chez nous.
Maintenant, ce n'est pas porter un jugement - j'insiste sur cela - sur la
valeur de ces sites. C'est effectivement un domaine qui ne serait pas du
ressort de la société que nous représentons.
Mme Lachapelle: Ce ne sera jamais rentable si c'est une
maison...
M. Deschênes: C'est cela.
Mme Lachapelle:... qui appartient à un individu.
Le Président (M. French): M. Laliberté voudrait
ajouter quelque chose.
M. Laliberté: Dans notre réflexion sur notre
intervention en matière de patrimoine immobilier non gouvernemental dans
le privé, il faut faire la distinction entre les industries qui oeuvrent
dans ce domaine - je pourrai y revenir brièvement - et les individus
propriétaires d'immeubles qui sont, selon le langage du ministère
des Affaires culturelles, situés dans des arrondissements historiques ou
dont la résidence est classée comme bien historique. Pour ces
gens, pour ce type d'immeuble ou de bien patrimonial, il existe des programmes
d'aide financière du ministère des Affaires culturelles qui vont,
par voie de subventions, par voie de contributions financières, comme le
dit le ministère, aider des individus ou des groupes à mettre en
valeur des immeubles. D'autre part, il existe des industries qui oeuvrent dans
le domaine du patrimoine immobilier dont on va s'attacher à faire la
liste et à définir le profil dans les mois qui viennent. Je
prends simplement, à titre d'exemple, nombre d'artisans ou nombre
d'industries qui oeuvrent au plan artisanal - strictement à titre
d'exemple - comme menuisiers, à refaire de la menuiserie ancienne ou des
portes et fenêtres qui seront intégrées à des
édifices anciens, etc. Ces industries ont peut-être besoin d'aide
pour s'agrandir, pour exporter leurs produits, pour les faire connaître,
etc. Sans anticiper sur notre réflexion, dans un premier temps, le
ministère aide déjà les individus qui sont
propriétaires. On devrait porter notre réflexion sur ces
industries qui auraient besoin d'aide et sur la nature de cette aide. Je
voulais apporter ce complément.
Mme Lachapelle: Merci.
M. Deschênes: On pourrait ajouter aussi, M. le
Président, notre position sur les taux d'intérêt consentis
aux entreprises avec lesquelles nous oeuvrons. Mme la députée de
Dorion a parlé de prêt sans intérêt ou de prêt
à taux réduit. À l'intérieur de notre politique
financière, dans le document qui vous a été transmis avec
le cahier noir et qui s'appelle "Politiques financières", si vous
regardez à la page 7, vous avez la grille tarifaire.
Maintenant, la SODICC doit se financer, financer ses opérations
à même ses revenus et doit aussi essayer de conserver son capital
à sa valeur nominale, de sorte que vous pouvez imaginer que, si on
faisait des prêts sans intérêt, comme, en prenant des
risques, on a des pertes, il serait absolument impossible de payer les
activités de notre société. Donc, des prêts sans
intérêt, cela n'existe pas, d'une part. D'autre part, on pourrait
considérer que des prêts sans intérêt sont une forme
de subvention et nous sommes prescrits par notre loi à ne pas faire de
subvention.
Des taux d'intérêt peuvent être plus
intéressants pour certaines catégories d'entreprises que pour
d'autres. Par exemple, vous avez, dans cette grille tarifaire à la
page 7, des taux d'intérêt plus intéressants pour
les dossiers de catégorie C. Ces dossiers de catégorie C, comme
je le faisais remarquer dans mon intervention d'ouverture ce matin, sont ceux
qui se trouvent dans les champs définis comme prioritaires. Ceux qui
sont définis comme prioritaires, nous souhaitons les encourager et leur
donner des conditions financières supérieures ou meilleures
qu'à ceux qui seraient dans d'autres catégories d'interventions
et qui, tout en étant intéressants, ne sont quand même pas
les secteurs que nous souhaitons développer en priorité.
Vous remarquerez, dans le coin inférieur droit, que le meilleur
taux d'intérêt que nous consentons, c'est le taux
préférentiel moins 2%; à ce moment-là, les
garanties sont presque totales.
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau.
Comédies musicales
M. Brouillet: Alors, je vais changer un peu de domaine et parler
du secteur des spectacles de variétés. À la page 26, au
bas du plan de développement, dans les dernières lignes, vous
mentionnez que la SODICC entend appuyer les projets dans le domaine des
comédies musicales, étant donné que cette forme de
spectacles semble s'appuyer sur une demande constante et qu'elle offre des
débouchés intéressants pour la relève.
Est-ce que c'est une orientation toute récente?
M. Deschênes: Alors, c'est une orientation qui date de
l'année actuelle, l'année 1984-1985; donc, ce document est sorti
à la fin du mois de mars pour l'année qui commençait au
mois d'avril. C'est une orientation et une priorité que nous nous sommes
définies. Nous croyions à ce moment-là et nous croyons
toujours que la comédie musicale est une locomotive qui permet de
développer beaucoup d'industries environnant celle-ci. On pense aux
disques, aux spectacles vidéo, aux vidéocassettes, à la
télévision et ainsi de suite. On pense aussi -c'est très
important - à la relève qui pourrait voir là un certain
nombre de débouchés, qui pourraient être des rôles de
moins grande importance, mais qui lui permettraient de se faire
connaître, de se faire apprécier et, éventuellement,
d'être ce que nous estimons qu'elle devrait être ou devenir non
plus la relève, mais les artistes et les gens du métier qui sont
populaires et qui représentent mieux le Québec.
Sur cette comédie musicale, si vous voulez connaître
l'état de notre réflexion aujourd'hui, M. d'Astous pourra vous en
faire un bref résumé, étant directeur de la planification.
C'est un dossier qu'il a eu à développer avec nous, bien
sûr, mais il pourra certainement vous donner beaucoup de détails,
si vous le désirez.
M. Brouillet: Oui, j'aimerais avoir quelques détails.
Entre autres, j'aimerais peut-être que vous nous précisiez s'il y
a des projets ou s'il y a des entreprises dans ce domaine-là...
Une voix: Oui.
M. Brouillet:... dont vous êtes au courant. Enfin, je suis
au courant d'une démarche qui a été entreprise ou qui va
l'être. J'aimerais savoir si, de votre côté, vous avez des
projets ou des entreprises qui seraient intéressées à
oeuvrer dans le domaine des comédies musicales.
M. d'Astous: Oui. Dans le domaine de la comédie musicale,
il y a à peu près trois acteurs qui se manifestent assez
régulièrement. Il y a d'abord les troupes de théâtre
qui voudraient élargir leur production dans le champ de la
comédie musicale. Le TNM a voulu historiquement présenter des
projets de comédie musicale, il y a quelques années et il y a
certaines troupes de théâtre qui voudraient présenter des
projets.
II y a un deuxième acteur qui se manifeste assez
régulièrement, ce sont les salles, notamment la Place des Arts
qui voudrait avoir ce genre de productions à l'intérieur de ses
salles, particulièrement à la salle Maisonneuve.
Et il y a la troisième catégorie, ce sont des producteurs
privés qui voudraient aborder ce genre musical. Il y a plusieurs projets
qui sont en cours et qui n'ont jamais trouvé de réalisation ou
qui se sont réalisés à l'intérieur de budgets
très réduits. On pense à Pied de poule ou à
Starmania ou, plus récemment, à une comédie musicale qui
s'appelait J'ai un bon "deal".
Donc, il y a une volonté de la part de certains producteurs de
spectacles à se lancer dans la comédie musicale. Il y a eu
certaines demandes qui ont été faites par des producteurs au
ministère des Affaires culturelles pour voir ce que celui-ci pouvait
faire dans le dossier en partant du principe que la comédie musicale de
style, avec une production d'environ une douzaine de personnes sur
scène, ne pouvait se réaliser qu'avec une partie de subvention.
Les négociations sont en cours pour voir quel genre d'entreprise
pourrait être créé, qui permettrait justement d'atteindre
les objectifs que M. Deschênes élaborait, c'est-à-dire, la
relève et une meilleure utilisation des personnes qui oeuvrent dans le
domaine de la scène. Ces négociations ne sont pas encore conclues
à l'heure actuelle.
M. Brouillet: Merci bien. Pour terminer,
une question. Enfin, je devine un peu la réponse, mais j'aimerais
vous la faire préciser. D'après la mission de la SODICC et ses
objectifs, est-ce qu'il serait possible pour vous de financer un organisme
à but non lucratif qui voudrait, justement, intervenir dans le domaine
culturel ou des communications? (16 h 45)
M. Deschênes: La réponse est oui. Nous pouvons financier
les entreprises indépendamment de leur statut, lucratif ou non lucratif,
et dans les faits, si on regarde l'ensemble des dossiers que nous avons, ily a des entreprises qui sont à but lucratif et il y en a qui sont
à but non lucratif. Je vous en mentionnerai deux qui vont sûrement
être explicites à votre esprit: ce sont ce qu'on peut appeler des
grands événements, mais en particulier le festival culturel ou le
festival qu'on appelle juste pour rire qui a lieu en juillet de chaque
année, de même que le Festival de jazz qui a aussi lieu en juillet
et qui normalement précède de quelques jours le Festival juste
pour rire. Ce sont deux événements qui sont liés à
des entreprises sans but lucratif. Il y en a d'autres que je pourrais vous
donner, mais l'idée était de vous exprimer à travers ces
deux exemples la possibilité que nous avons d'intervenir chez elles.
M. Brouillet: Bien, merci.
M. Champagne: Puisqu'il n'y a personne, je vais prendre la
relève.
Le Président (M. French): Non, il y a quelqu'un. Je pense
que le président va utiliser son droit de se donner la parole avec la
permission...
M. Champagne: D'accord.
Changement d'orientation
Le Président (M. French):... de M. le député
Mille-Îles. On aura certainement le temps de poursuivre avec vos
questions. Je voudrais continuer dans le même sens que mon
collègue le député de Louis-Hébert et mon
collègue le député de Chauveau, dans la première
partie de son intervention. Je cherche un moyen d'expression qui serait
honnête et franc, mais respectueux de ceux qui sont avec nous
aujourd'hui. Je voudrais exprimer mon malaise et mon inquiétude face au
taux de mortalité dont on a parlé tantôt. On a dit qu'il y
a des morts; il y en a trop, malheureusement et je pense que tout le monde peut
le constater. Sans partir à la recherche de malfaiteurs, qu'ils soient
politiques ou administratifs ou des milieux respectifs, je dois dire que j'ai
apprécié beaucoup que le président ait fait
référence - c'était peut-être plus facile pour lui
parce qu'il n'était pas président à l'époque
où la plupart des investissements ont été entrepris -
à la jeunesse de l'entreprise. Je pense que c'est un facteur qu'il faut
comprendre et accepter. Ce serait trop facile de dire que c'était
uniquement la crise, même si la crise y était pour beaucoup, on
est d'accord là-dessus.
Je veux vraiment parler honnêtement de cette expérience
historique pour, par ta suite, discuter le virage qui est évoqué
dans le rapport annuel, ainsi que dans les remarques préliminaires du
président.
Il me semble évident qu'une SODICC, avec le genre de discours et
le genre de philosophie de base qui régnaient au début et qui
règnent encore, ne pourrait pas continuer avec le genre de performance,
le genre de record, le genre d'expériences qu'on a eus pendant
1981-1982. Il est donc très important, face à un avenir fiscal
qui n'est pas plus prometteur... Espérons que l'avenir économique
sera plus prometteur, mais l'avenir fiscal, dans le secteur public, ne sera
sûrement pas plus prometteur que la situation actuelle. Il pourrait
peut-être se stabiliser mais il serait très osé
d'espérer mieux que cela. Il me semble très important, donc,
à ce moment, que le virage qui est entrepris soit un virage
extrêmement réaliste. Le mot n'est pas le mien car il vient de
votre rapport annuel ou de votre politique financière. Je pense que,
dans votre rapport annuel, vous parlez d'évaluer les risques de
façon plus réaliste, entre autres. Je pense que c'est
extrêmement important.
Avant de parler de la différence entre une banque de risque et un
catalyseur de développement, avant de faire la distinction entre
attentisme et interventionnisme, je voudrais quand même évoquer un
certain nombre d'hypothèses, de possibilités, de
préoccupations ou de soucis qui se dégagent d'une lecture du
document, ainsi que du rapport annuel et des deux dépliants.
Il me semble que ce n'est pas clair, ce que le ministère des
Affaires culturelles devrait faire et ce que la SODICC devrait faire. En tout
cas, ce n'est pas clair lorsqu'on lit en détail le genre
d'investissements qui ont été faits. Il me semble que ce n'est
pas clair encore et même après la lecture de la documentation, ce
que la SODICC essaie de faire dans le contexte de la problématique de la
culture québécoise et non pas de la problématique de
l'économique ou de l'analyse financière d'un certain nombre
d'entreprises qui vient au fur et à mesure. J'étais heureux de
voir que la SODICC se dit prête à participer au débat sur
la culture québécoise. J'espère que vous me permettrez de
dire que ce n'est pas encore clair, quelle forme et quelle philosophie a
vraiment la SODICC de cette problématique. Il me semble que ce n'est pas
clair. Je n'ai pas encore regardé les
curriculum vitae, mais dans le cas par cas qui a été fait
- il y a beaucoup de cas par cas - il me semble qu'il y a beaucoup de bonne
volonté, un terrible surplus d'optimisme. Il y a peut-être eu - je
ne vous invite même pas à le commenter parce que c'est un
débat qui ne mène nulle part - une certaine pression politique
qui venait des députés, des ministres qui, eux, venaient
d'assister à la naissance de la SODICC. Le député de
Chauveau dit que ça n'existe pas. Évidemment, c'est un homme
d'honneur. J'accepte sa parole. Il y a peut-être eu un manque de
présence du milieu, de la bureaucratie, une absence de certains du
secteur privé qui, eux, font affaires avec les industries culturelles,
mais qui n'en sont pas et ne les représentent pas en soi parmi leurs
conseils d'administration ou parmi leur personnel. Enfin, la combinaison de
toutes ces circonstances fait en sorte qu'il nous incombe aujourd'hui, d'autant
plus à la SODICC, de faire un changement qui est assez important.
Avant que je pose des questions trop précises sur le virage, je
voudrais, parce que j'ai fait un certain nombre d'affirmations ou, en tout cas,
parce que j'ai essayé de poser un certain nombre de diagnostics
peut-être pas justes, donner à nos invités l'occasion de
répondre à ce que je viens de dire.
M. Deschênes: Effectivement, il y a beaucoup de choses que
vous avez mentionnées, M. le Président, qui mériteraient
de longs commentaires et un débat beaucoup plus que des commentaires. Je
peux peut-être en prendre quelques-unes qui, aux fins de la commission de
la culture, pourraient être éclairantes. Je pense que cela va
éclairer, va aider la compréhension que vous avez de notre
société si celle-là était incomplète et
peut-être nous aider, nous, dans les commentaires et les suggestions que
vous nous avez déjà faits et que vous nous ferez peut-être
aujourd'hui et demain.
Je voudrais, en particulier, parler du rôle de la SODICC et du
ministère des Affaires culturelles. Je dois reconnaître, et
là je parle de la jeunesse de la société, que ces deux
rôles sont complémentaires et, dans certains cas, se rejoignent.
Ils ne sont pas mutuellement exclusifs. Ce sont des rôles qui se sont
aussi définis avec des dossiers que nous avons eus, avec des
difficultés que nous avons vécues, avec les programmes existant
au ministère des Affaires culturelles. Globalement, si on essaie de
positionner la SODICC par rapport au ministère des Affaires culturelles,
c'est, effectivement, pour le ministère, la partie subventions et, pour
la société, la partie investissements.
Dans le cas des industries culturelles, vous devez réaliser que
ce sont des industries qui doivent être subventionnées au
même titre qu'on subventionne les industries de fabrication de ce que
vous voudrez au Québec. Si vous prenez la compagnie General Motors,
lorsqu'elle a investi à Sainte-Thérèse, les gouvernements
y ont participé financièrement à l'aide de subventions et,
dans certains cas, à l'aide de capitaux également. Si vous prenez
le programme que j'appellerais d'améliorations dans le secteur des
pâtes et papiers, les gouvernements y ont mis considérablement
d'argent. Je ne voudrais surtout pas que vous pensiez que l'industrie
culturelle, parce que le gouvernement y consent des subventions ou parce
qu'à certains moments le gouvernement, via notre société
par exemple, y consent des investissements et que cela ne se réalise pas
de façon aussi heureuse qu'on le voudrait tous, c'est effectivement
néfaste. Bien sûr, à la pièce ou au cas, je vous dis
que toutes les pertes que nous avons encourues sont des erreurs. Si ce n'avait
pas été des erreurs, bien sûr, ce ne serait pas des pertes.
Il y aurait des industries qui vivraient. Donc, on a fait des erreurs. Mais je
peux vous dire, et vous le reconnaîtrez, que l'erreur est certainement un
des secteurs où on peut puiser les meilleurs enseignements quand on veut
bien les analyser et comprendre ce pourquoi l'erreur a été faite
et a donné le résultat négatif que nous avons connu. En
gros, le rôle du ministère par rapport à celui de notre
société est subventions versus investissements.
Dans certains dossiers qui nous sont soumis, nous acceptons de
présenter le dossier au ministère des Affaires culturelles ou au
ministère des Communications, selon le cas, leur disant: Nous avons une
entreprise que nous estimons intéressante, mais dans laquelle nous
sommes incapables d'investir à cause d'une non-rentabilité selon
le dossier que nous avons et qui nous est transmis par l'entreprise en cause.
Nous estimons que cette entreprise, pour toutes sortes de raisons que nous
identifions au ministère, devrait être analysée par le
ministère pour voir s'il ne devrait pas y avoir ce que nous
considérons comme étant un revenu, une subvention ou des
subventions de la part du ministère en cause pour que cette entreprise
puisse vivre.
Il y a donc ce que j'appellerais une collaboration que nous avons avec
eux. Je vous ai parlé, ce matin, de l'avis d'opportunité que nous
demandions au ministère. Au-delà de cet avis d'opportunité
qui est un peu formel, nous avons des échanges constants pour leur dire:
Voilà le coût d'une entreprise, voilà le coût d'un
secteur et voilà peut-être certaines suggestions sur des actions
que pourrait prendre le ministère.
Maintenant, au niveau du conseil d'administration, c'est très
important aussi que je vous indique que ce conseil est
constitué de personnes qui ont, dans certains cas, une expertise
de secteurs dans lesquels nous oeuvrons et, dans certains cas, de gens qui
n'ont pas cette expertise. Bien sûr, il faut que vous réalisiez
que nous ne pouvons pas aller chercher des gens qui seraient en conflit
d'intérêts lorsqu'ils siégeraient au conseil
d'administration, conflit d'intérêts qui pourrait naître,
par exemple, du fait que certains dossiers que nous aurions analysés
seraient des dossiers de concurrents ou de compétiteurs à leur
entreprise ou des dossiers qui les concerneraient directement. D'un autre
côté, il ne faut pas, non plus, exclure ex cathedra toutes ces
personnes qui ont une expérience et qui pourraient venir et qui se
déclarent en conflit d'intérêts dans certains dossiers et
qui se retirent pour la discussion de ce dossier.
En général, je vous dirai que le conseil d'administration
que nous souhaitons avoir doit correspondre à quatre types d'expertises;
nous voulons, au conseil d'administration, avoir des gens qui proviennent du
milieu des affaires, des gens qui sont habitués à traiter avec
des entreprises, qui sont eux-mêmes promoteurs ou propriétaires ou
industriels et qui sont susceptibles de nous amener cet éclairage
d'entrepreneurs, de promoteurs, de gens d'affaires. Donc, il y a une
catégorie que nous voulons voir représentée et que nous
appelons les gens d'affaires.
Il y a une deuxième catégorie que nous voulons voir aussi,
c'est une catégorie de spécialistes dans les industries que nous
avons. Par exemple, on pourrait, dans certains cas, souhaiter avoir un
spécialiste du logiciel, qui ne serait pas nécessairement un
industriel, mais cela pourrait être un industriel. Il y a des gens qui
sont là, qui peuvent être en même temps des
spécialistes et des industriels. Les catégories ne sont pas
mutuellement exclusives.
Nous voulons aussi avoir une troisième catégorie de
personnes; ce sont des personnes qui ne sont pas des spécialistes et qui
ne sont pas, non plus, des gens d'affaires. Ce sont des gens qui sont capables
de nous donner des réactions à un dossier qui est
évalué, comme une personne de bonne foi qui analyse un dossier et
qui dit: II y a quelque chose là-dedans qui cloche ou ce dossier
m'apparaît intéressant.
La quatrième catégorie que nous voulons avoir, ce sont des
gens qui sont surtout compétents dans l'aspect financier, dans l'aspect
banquier, dans le financement des entreprises. Quand vous mettez ces quatre
catégories ensemble, normalement -en tout cas, c'est ce que nous pensons
- cela donne un conseil d'administration équilibré qui nous
permet d'avoir la meilleure décision sur les dossiers qui lui sont
transmis ou qui sont portés à sa connaissance pour
évaluation et décision.
Dans les faits, aujourd'hui, nous croyons avoir ce conseil qui
représente ces quatre catégories. Quand il arrive qu'une personne
laisse le conseil parce que son mandat est arrivé à terme ou pour
d'autres circonstances qui peuvent être personnelles, nous essayons de
combler son absence ou son départ selon ces quatre grandes
catégories que nous avons.
Maintenant, il faut vous dire que M. Bouthillier, le
vice-président, et moi-même qui sommes membres de ce conseil, nous
avons, lui et moi, certaines compétences de sorte que nous entrons aussi
dans ces quatre catégories; quand nous essayons de faire une
équipe mixte, nous considérons nos compétences
individuelles, à M. Bouthillier et à moi-même. (17
heures)
C'est une question que je voulais aussi porter à votre
connaissance. Au niveau de la problématique culturelle au Québec,
je dois vous dire que la société comme telle n'entend pas
développer la culture et n'entend pas définir la culture que nous
devrions avoir, que nous avons, que nous pourrions avoir au Québec. Nous
sommes plutôt là pour accompagner les industries qui, par leurs
produits, forment la culture, pour accompagner un certain nombre d'initiatives
qui, toutes mises ensemble, avec les rôles que vous avez à
l'Assemblée nationale, que la fonction publique a dans ses
ministères, permettent de façonner, de déterminer cette
problématique culturelle. Nous reconnaissons - vous l'avez vu dans le
plan de développement - une problématique particulière
à chacun des secteurs. Mais c'est surtout au niveau de la santé
des secteurs que nous nous prononçons. Je vous donne un exemple. Au
niveau de la radio au Québec, nous avons porté un jugement, qui a
été rendu public avant que le document soit publié, qui a
été critiqué par les milieux, dans lequel nous disons au
milieu québécois que les postes de radio que nous avons, radio MA
et radio MF, au Québec sont trop nombreux.
Une voix: Oui.
M. Deschênes: À partir de cette problématique
- là, c'est un jugement que je vous résume; évidemment, il
est un peu plus élaboré dans le document - nous disions aussi aux
promoteurs et aux industriels de la radio: À moins de circonstances
exceptionnelles, ne venez pas à la société cette
année, nous ne vous recevrons pas parce que nous estimons que le
Québec a suffisamment de radio, pour ne pas dire trop de radio.
Effectivement, si vous regardez les dossiers, il y a une entreprise qui est
venue et qui a eu la réponse que je viens de vous indiquer. Mais on a
considéré ce qu'elle a invoqué comme étant des
circonstances exceptionnelles et que nous n'avons pas
reconnues comme telles, de sorte que c'est un dossier dans lequel nous
ne sommes pas intervenus. Donc, nous portons un jugement sur la
problématique sectorielle de chacune des industries qui sont là
et, à partir de là, nous identifions les mesures, les aides que
nous pourrions apporter et même la priorité que nous pourrions
donner à un secteur. Mais nous n'allons pas jusqu'à
définir ce que devrait être la problématique culturelle au
sens philosophique du terme.
Le Président (M. French): Je ne sais pas si M. Bouthillier
veut ajouter quelque chose.
M. Bouthillier: Oui, je voudrais peut-être ajouter deux
petits points. On a beaucoup parlé, pour expliquer nos erreurs
passées, de la jeunesse de la société. Bien sûr, la
société était jeune. J'étais du début, je
peux en témoigner, on partait vraiment de rien. Il fallait bâtir
des politiques financières, des critères d'admissibilité,
ainsi de suite. Cela était une difficulté, la jeunesse. Mais ce
qui était encore beaucoup plus important, je pense, que la jeunesse,
c'était l'originalité de la formule. Nous étions et nous
sommes encore la seule société au monde vouée au
développement, par des voies financières, d'infrastructures
industrielles dans le domaine de la culture et de la communication. On ne peut
pas se baser sur d'autres modèles en Europe. En Europe, il s'en
développe actuellement, mais ils ne sont même pas encore sur pied
et ces gens sont venus nous voir.
Donc, nous devions aller chercher l'expertise qu'il nous fallait. Si
vous avez des curriculum vitae en main, vous allez voir que la majorité
de nos gens, enfin ceux qui sont à l'opération, ont une formation
financière d'abord. Et ce n'était pas facile, au tout
début, d'aller chercher des gens qui étaient en mesure de faire
une analyse financière et, en même temps, de porter des jugements,
non pas sur des projets, parce qu'on y allait quand même avec l'expertise
du ministère, mais sur des valeurs financières adaptées au
secteur culturel.
C'est pour cela que, à certaines reprises, on s'est
carrément mis le doigt dans l'oeil dans l'évaluation de certaines
de nos garanties. Prenez un stock de livres chez un éditeur; on a eu de
très désagréables surprises quand on en a pris possession
et qu'on est venu pour les liquider. On pensait obtenir 0, 30 $ ou 0, 40 $ par
dollar et on en a eu 0, 06 $ ou 0, 07 $. On a dit: Oui, on ne connaît pas
cela, on n'a pas l'expertise. C'est le premier point que je voulais
développer. Il y a beaucoup qui tient à l'originalité de
la formule.
L'autre point que je voulais développer, c'est l'effort qu'on a
mis, et qu'on continue à mettre et même à accentuer, sur la
formation des gens chez nous, la formation du personnel. Dans notre langage, on
parle d'analyse micro et d'analyse macro. On peut analyser micro un dossier,
d'une façon ponctuelle, mais toujours le replacer par rapport à
son secteur et avoir une connaissance macrosectorielle. Cette année, on
s'est voté un budget fixe pour la formation et l'information de notre
personnel qui est au feu, le personnel qui est à l'analyse comme telle,
pour lui développer de plus en plus une expertise dans chacun des
secteurs dans lesquels on a à travailler.
Le Président (M. French): Je vous remercie de ces
réponses très intéressantes. Je voudrais revenir, donc,
sur le MAC et la SODICC. Clarifions donc cela. Je vous avoue que je ne suis pas
satisfait de la réponse comme telle: Subventions, c'est le
ministère; investissements, c'est la SODICC. Je pense qu'il y a deux
raisons. La première et peut-être la plus facile, c'est que, d'une
part, la SODICC a décidé d'aider des potiers, des
céramistes, des luthiers et toute une série d'artisans et que,
d'autre part, vous avez investi dans l'édition d'un livre, vous avez
investi dans une pièce de théâtre.
Je dois vous dire - et je ne sais pas si c'est toujours possible de
faire ce genre de choses à l'intérieur des nouveaux
barèmes -que, pour ma part, c'est trop petit pour vous, pour ma part
c'est à peu près impossible que cela ait du bon sens sur le plan
"business", régulièrement, "consistently" comme on le dirait en
anglais, de pouvoir continuellement faire cela. D'autre part, il me semble que
non seulement l'expertise se trouve au ministère, mais arriver dans un
cas par cas vis-à-vis d'un entrepreneur qui est assez "bright" pour
aller vous voir, par rapport à une série d'autres qui ne sont
peut-être pas aussi avertis sur le plan "business", mais peut-être
artistiquement même supérieurs à celui qui est
entrepreneur, me semble très dangereux. Il me semble que ce n'est pas
votre place. Ce n'est pas, d'ailleurs, une grande réussite si on se fie
au document. Je ne vous invite pas à vous prononcer sur l'histoire, mais
je vous demande si c'est encore possible qu'un éditeur arrive chez vous,
et dise: J'ai un manuscrit qui est rentable, je viens vous voir; s'il n'est pas
rentable je vais voir le ministère des Affaires culturelles.
M. Deschênes: Non. Écoutez, M. le Président,
nous n'intervenons pas sur des projets, sur des dossiers. Par exemple, un
éditeur ne vient pas nous voir, pour donner un exemple du passé
qui est connu maintenant, pour publier Le Matou. Nous investissons au niveau
d'un industriel qui est un éditeur et qui, lui, édite un certain
nombre de titres, 20, 30, 40, cela dépend de la grosseur de l'industriel
et de l'éditeur en
particulier dans ce cas. De la même façon, nous
n'investissons pas dans une pièce de théâtre; nous
investissons dans une société qui produit des pièces de
théâtre. Par exemple, notre présence au TNM, ce n'est pas
parce qu'ils produisent, à un moment donné, une pièce
donnée qui peut être de n'importe quel auteur
québécois, français ou autre; c'est parce que le TNM est
une industrie et que nous considérons intéressant pour le secteur
industriel en cause, au sens macroscopique et au sens microscopique pour
l'industrie plus particulièrement qu'est le TNM, d'investir et de voir
à ce que cette industrie continue à vivre et à progresser
au Québec.
Maintenant, je peux vous dire aussi qu'au niveau de cette
séparation des rôles du MAC et de la SODICC - et peut-être
que la réponse que je viens de vous donner en est un premier indice -
nos investissements vont sur les structures industrielles, sur les industries.
Et c'est sûr qu'à partir d'une intervention sur l'industrie on
peut, jusqu'à un certain point, modifier ou, du moins, façonner
à notre manière la culture au Québec. La culture au
Québec, c'est d'abord le rôle du ministère des Affaires
culturelles. Par les avis d'opportunité que nous obtenons, c'est lui
qui, finalement, est le premier intervenant pour toucher à cette
problématique culturelle, s'il y a lieu.
Le Président (M. French): Alors, c'est clair qu'il n'y
aura plus de financement d'édition de livres comme il y a eu dans le
passé, il n'y aura plus de financement d'une pièce de
théâtre comme on a eu dans le passé?
M. Deschênes: C'est-à-dire que vous allez avoir des
financements d'éditeurs probablement dans l'avenir et le financement de
groupes de théâtre aussi, des financements individuels, je ne
pourrais pas vous les exclure ex cathedra. Je vous ai mentionné ce matin
le cas du disque, où nous avons été dans la situation de
modifier la direction, l'orientation que nous avons prise pour,
dorénavant, compte tenu de la problématique industrielle
actuelle, intervenir sur des projets parce que les projets sont une industrie.
C'est une industrie qui est limitée à un projet alors
qu'auparavant nous disions: Une industrie ne peut être un projet, il faut
que ce soit plus qu'un projet.
Comme nous avons été obligés de modifier notre
orientation en fonction des circonstances sur le disque, je ne voudrais pas
m'engager à éviter de faire de même si les circonstances
nous y obligeaient dans l'avenir pour le livre, le théâtre ou tout
autre secteur.
Le Président (M. French): Ce que je voudrais dire
là-dessus, c'est que, pour ma part, j'espère que, dans la mesure
du possible, vous pourrez l'éviter puisqu'il me semble que cela a
été une grande dépense d'énergies de votre part
pour très peu de retombées. Vous êtes dans un autre
"business". C'est plus grand et plus fondamentalement lié, comme vous le
dites, à l'infrastructure industrielle et commerciale et non pas
à un produit ou à projet particulier. Je voudrais émettre
le souhait que vous ne répétiez pas ces expériences.
Peut-on également présumer que l'époque où
le potier arrivait et disait: Je veux un nouvel atelier est révolue?
M. Deschênes: C'est plus difficile parce que, lorsque vous
parlez d'artisanat et de structure industrielle dans le domaine de l'artisanat,
au Québec, c'est du PE - pour petite entreprise. Quand on en parle, dans
notre jargon, c'est plus du TPE que du PE, soit de la toute petite
entreprise.
Si des potiers, des luthiers - vous les mentionnez tantôt fort
à propos - arrivaient chez nous et que l'aide que nous pourrions leur
consentir leur permettrait de se développer, nous accepterions de mettre
beaucoup plus d'efforts pour le dossier que nous n'en mettrions dans un autre
secteur, par exemple, le patrimoine, comme on l'a déjà
mentionné, et le développement du Petit-Champlain qui
s'avèrent fort lucratifs. Mais, pour développer des entreprises,
un secteur, il faut souvent y mettre beaucoup d'efforts.
Je vous mentionne un dossier que j'identifiais ce matin et qui est celui
de la commercialisation des métiers d'art. Nous avons, dans notre
problématique, identifié que la plus grande difficulté
était là. Nous nous y sommes donc attaqués. Lorsque nous
serons au niveau de la commercialisation, peut-être en viendrons-nous
à convaincre les artisans de produire d'une façon qu'on peut
appeler plus industrielle, sans être péjoratifs sur le terme. Dans
certains cas, ces personnes ont une certaine réticence à utiliser
le mot industriel parce que cela modifie la création de leurs produits.
En tout cas, je peux vous dire que c'est le genre de discussions et de
difficultés que nous vivons dans ce secteur.
Le Président (M. French): Pour ce qui est de la
commercialisation, si vous pouvez le faire et que cela entre dans les
critères financiers de la SODICC, c'est une tout autre chose. Lorsqu'on
parle des équipements de production, dans une situation où c'est
uniquement un seul artisan, je voudrais émettre le même souhait
que pour le livre ou la pièce de théâtre.
M. d'Astous.
M. d'Astous: Concernant les métiers d'art, dans le plan de
développement, on
disait bien que la SODICC ne voulait pas aider à la production
pour l'année, que l'accent allait être mis sur la diffusion ou la
distribution. Il faut voir aussi que, dans les métiers d'art, la plupart
des artisans sont admissibles à des programmes qui existent à la
SDI ou ailleurs, qui correspondent mieux à leurs besoins.
Le Président (M. French): Je voudrais revenir à
subventions et investissements parce que je crois que c'est une question
importante. Le deuxième problème que j'ai avec cette distinction,
c'est que je veux bien que vous n'ayez pas le droit de verser des subventions,
mais, dans les faits, vous en avez versé un bon nombre. Malheureusement,
elles n'ont pas toujours rapporté ce que vous auriez voulu. Encore une
fois, nous ne sommes pas ici pour pointer du doigt, mais -je ne veux pas
épuiser cette question dès maintenant; je voudrais
peut-être l'amener lorsque nous serons sur le point de terminer - je vous
dis tout simplement qu'à ce moment-ci, avec votre politique quasi
commerciale, d'une part, avec vos instruments juridiques dont on n'a pas
parlé et la préoccupation de la sécurité qui,
encore une fois, entre dans le même cheminement de pensée; d'autre
part, avec votre volonté importante et, d'ailleurs, fondamentale d'aider
à bâtir une culture sur un marché de taille trop petite,
mais, néanmoins, une volonté absolument essentielle, qui est la
raison d'être de votre société, la raison d'être de
notre préoccupation pour la société, je ne suis pas
convaincu encore, quitte à ce qu'on discute vos nouvelles politiques,
que nous avons trouvé la formule qui sera réellement prometteuse.
(17 h 15)
Autrement dit - cela peut paraître un peu drôle venant du
député de Westmount -je ne suis pas sûr que vous ne devrez
pas utiliser des formes de subventions. Je ne suis pas sûr, par exemple,
que vous ne deviez pas prévoir qu'une subvention d'une proportion des
taux d'intérêt que vous facturez soit contribuée par le
gouvernement pour que, justement, l'entreprise ne voie pas le jour où
vous serez obligés de vendre les livres ou les billets non vendus, ou je
ne sais pas trop quoi que vous allez identifier comme sécurités.
En tout cas, c'est une considération qui m'a passé par l'esprit
lorsque je voyais cette triste conséquence des décisions prises
en 1981-1982 deux ou trois ans plus tard. Je ne pense pas que nous soyons en
mesure, pour le moment, de vraiment aller au fond de cette question. Je vous le
mentionne, pour le moment.
Je ne sais pas s'il y a d'autres députés qui voudraient
enchaîner. Je suis prêt, mais je pense que c'est peut-être
l'occasion pour quelqu'un d'autre de commencer. M. le député de
Mille-Îles.
Mise en marché de l'art
québécois
M. Champagne: Oui, sans vouloir peut-être revenir sur
certains points, je voudrais parler de votre présentation; à la
page 7, vous parliez de SOMART, entre autres.
Voici, on a certainement une préoccupation de faire en sorte que
le produit culturel québécois, que ce soit la sculpture, la
peinture ou les oeuvres d'art comme telles, ait la plus grande diffusion
possible. La semaine dernière, par hasard, je me promenais dans le
Vieux-Québec, aux alentours ici. Il y avait des magasins de souvenirs.
Hélas, souvent, dans ces magasins de souvenirs, on vend de l'art
esquimau, de l'art indien. On essaie de trouver de l'art
québécois. Hélas, on a de la difficulté à en
trouver, sinon qu'on peut trouver un magasin où on va vendre de la belle
poterie, des produits d'ici, quand même. On peut quand même le
déplorer et on se dit: Dans le Vieux-Québec, les
Américains et les étrangers viennent. Qu'est-ce qu'on fait pour
aider le petit commerçant à diffuser, à vendre l'art du
Québec? Je sais bien qu'on fait des efforts. Entre autres, nous avons le
Salon des métiers d'art, que ce soit à Québec ou à
Montréal, où on donne une chance de commercialiser et de vendre
les produits des artistes.
Et puis, vous dites: "Notre intervention vise, dans ce cas, la
rationalisation de la mise en marché, sur une base industrielle, des
produits de métiers d'art. " Je veux demander ceci: Quels sont les
objectifs ou les moyens que la SODICC a l'intention de mettre sur table pour
faire en sorte qu'il y ait une rationalisation de la mise en marché des
produits artistiques québécois?
M. Deschênes: C'est une intervention qui est toujours en
cours, mais dont les modalités sont à peu près convenues.
D'ailleurs, l'initiative ne vient pas de nous, cela vient des corporations; je
pense qu'on y a participé de façon assez active. Mais il y a la
Corporation des artisans de Québec et la Corporation des artisans de
Montréal qui travaillent, chacune de son côté, à
développer les marchés pour les membres que sont les artisans,
dans un cas, de la région de Québec et, dans l'autre cas, de la
région de Montréal.
Maintenant, comme vous le savez, ces corporations travaillaient sur les
salons et ainsi de suite, de sorte qu'elles avaient beaucoup de pain sur la
planche. Souventefois, leur dernier petit souci, c'était celui de la
commercialisation, de sorte que, ensemble, on a convenu qu'il fallait mettre
une structure spéciale, qui ne s'occuperait que de cela, qui ferait en
sorte que les produits de leurs membres pourraient être
distribués sur les marchés locaux, bien sûr, mais
sur les marchés étrangers aussi.
Je vous dirai, de toute façon, que nous avons convenu avec elles
et nous leur avons fait comprendre que, d'abord, il s'agissait de prendre le
marché québécois avant de s'étendre à
l'extérieur, qu'il ne fallait pas en prendre trop grand. L'exemple que
vous avez vécu, M. le député de Mille-Îles, je suis
sûr qu'on l'a tous vécu dans différentes boutiques qui
existent: cette difficulté de la présence et du coût de
l'artisanat québécois.
Cette société comprend, donc, la Corporation des artisans
de Québec et la Corporation des artisans de Montréal qui, elles,
ont investi chacune 40% du capital-actions et notre société a
accepté d'y investir les 20% additionnels. Je dois vous dire que, dans
ce cas, nous avons insisté pour que notre participation
financière soit, en partie, sous forme de capital. Connaissant ces deux
corporations, vous savez comment elles fonctionnent: c'est un ensemble de
membres qui fait que la société existe. Je pense qu'en toute
bonne foi chaque membre pense que son ou ses produits sont les meilleurs et
qu'ils devraient être commercialisés avant ceux du voisin. Nous
avons donc un rôle que nous leur avons fait comprendre, celui, dans
certains cas, d'être un arbitre et de faire en sorte que les meilleures
méthodes de mise en marché et de distribution soient
déterminées, que les meilleurs moyens soient pris afin, dans
certains cas, que les meilleurs produits soient identifiés et
déterminés. Cela veut dire, quand vous prenez les meilleurs
produits, que des artisans vont être choisis de préférence
à d'autres.
Il faut aussi faire reconnaître aux artisans, à travers
cette société, qu'ils doivent prendre des engagements de
production. Je vous donne un exemple. Vous savez qu'actuellement, en vue de la
période des fêtes, les produits sont à l'étalage de
sorte que vous ne pouvez pas accepter que des artisans conviennent avec vous
qu'une production particulière soit disponible pour le 1er octobre et
qu'on arrive au 15 novembre et qu'elle ne soit pas encore là. À
ce moment-là, la période des fêtes est complètement
manquée, elle est complètement loupée et cela fait mal aux
produits de l'artisanat québécois.
C'est à ce genre de problèmes que nous nous attaquons avec
SOMART et cela, de deux façons: d'abord, comme je vous le disais, en
étant membres du conseil d'administration, en intervenant. Nous sommes
minoritaires de toute façon, nous n'avons que 20% des actions. Mais il
faut dire que notre voix est très écoutée puisque nous ne
sommes pas là pour favoriser l'une ou l'autre des deux corporations ou
l'un ou l'autre des membres qui sont à l'origine des deux corporations.
La deuxième façon, c'est en aidant au financement de l'entreprise
elle-même, c'est-à-dire à son fonds de roulement et
à l'argent nécessaire pour la mettre en marche et, souventefois,
en assumant les inventaires qui doivent être distribués et dont
l'argent ne revient qu'une fois les produits vendus.
M. Champagne: Mais lorsque vous siégez avec SOMART, est-ce
que vous analysez la faiblesse du marché, entre autres, que ce soit chez
les dépanneurs, dans des magasins de souvenirs ou dans des grands
magasins? Est-ce que vous faites des études de marché, est-ce que
vous avez des moyens de distribution, des moyens de marketing? C'est ma
préoccupation. J'espère bien et je suppose que vous en parlez. A
ce moment-là, quels sont les moyens que SOMART est prête à
prendre pour faire en sorte que la distribution soit faite pour que le produit
d'art québécois soit sur les étalages des magasins de
Québec, de Montréal et d'ailleurs?
M. Deschênes: SOMART - je l'indiquais peut-être un
peu trop subtilement tantôt -n'est pas encore en état de
fonctionnement. Les mandats de cette société sont presque
définis, les membres du conseil d'administration seront nommés
sous peu, de sorte que je ne peux pas vous dire, au niveau du conseil, l'action
effective ou efficace que nous avons prise ou que nous envisageons de prendre.
Mais je peux vous dire que l'objectif de SOMART - et son nom le dit - c'est de
commercialiser; on veut vendre. Et aussi intéressant ou négatif
que puisse être ce mot, c'est cela. On veut vendre des produits des
artisans du Québec. Vendre des produits, cela veut d'abord dire les
rendre sur les étagères, les offrir. Si tout le monde s'entend
pour dire qu'on va vendre, il faut donc prendre les moyens pour vendre. Cela
veut dire étudier son marché, déterminer les points de
vente les meilleurs et faire en sorte qu'au moment approprié, à
une période donnée, tels produits soient disponibles et
accessibles.
Par exemple, si vous parlez de la ville de Québec, il faut que,
lors de la période touristique qui est l'été, les produits
soient là. S'ils arrivent au mois de novembre, on a manqué la
période de l'été, on va peut-être avoir la
période des fêtes. Il y a donc une mise en marché à
développer, il y a la connaissance des produits à distribuer sur
l'ensemble du territoire et il y a les points de vente à bien identifier
pour faire en sorte que ce soit une activité industrielle. Et quand on
parle d'une activité industrielle rentable, il faut que cela tourne, il
faut que cela marche, il fait qu'il y ait des ventes, des entrées et,
évidemment, il faut qu'il y ait des produits.
M. Champagne: Je ne sais pas si monsieur voulait ajouter quelque
chose.
Le Président (M. French): Voulez-vous ajouter quelque
chose?
M. Laliberté: Je veux simplement ajouter que, si le
député de Mille-Îles veut oublier un peu sa mauvaise
expérience de visite de postes de vente dans certains endroits du
Vieux-Québec, il n'a qu'à venir sur la rue Petit-Champlain. Plus
sérieusement, je vous dirai que, si la SODICC est intervenue dans le
Petit-Champlain avec la compagnie RDP, c'était, bien sûr, en
visant des retombées au plan de l'architecture et de la restauration
d'un milieu urbain qui était très détérioré.
On visait aussi une rentabilité financière de l'opération.
Mais on visait également une rentabilité au plan de la diffusion
de l'artisanat. Dites-vous bien que, dans le Petit-Champlain, on retrouve
actuellement -ce n'est pas de la commandite, mais je le souligne quand
même - 40 postes de vente de produits artisanaux québécois.
C'est un endroit qui est visité; je crois que c'est le regroupement
commercial le plus visité à Québec pendant l'année.
Je pense qu'il faut rappeler assez souvent qu'au plan de la diffusion de
l'artisanat c'est une réussite, tout au moins à ce
plan-là.
M. Champagne: J'avais, durant mon périple, passé au
Petit-Champlain. C'est vrai qu'il y avait beaucoup d'oeuvres
québécoises et certaines oeuvres québécoises dans
différents domaines. Mais c'était piteux dans d'autres,
justement. Peut-être que c'est une mauvaise expérience et que je
suis allé aux mauvais endroits.
Le Président (M. French): Est-ce que c'est toujours sur le
même sujet?
M. Champagne: Oui, c'est toujours sur le même sujet et
c'est peut-être difficile de répondre à cette question.
Est-ce que vous avez déjà évalué, au point de vue
économique, l'importance du produit d'art québécois?
Est-ce que vous vous apercevez que, d'année en année, le produit
d'art québécois devient de plus en plus important au point de vue
économique? C'est peut-être difficile à juger. Ce n'est pas
une colle que je vous pose...
M. d'Astous: Non, non.
M. Champagne:... c'est simplement pour savoir si vous êtes
capable de l'évaluer globalement.
M. d'Astous: Non, le ministère des Affaires culturelles a
produit, dernièrement, un ouvrage qui quantifie l'importance des
produits des métiers d'art, qui est toujours en progression. Mais on
sent un certain essoufflement des formules de salons, par exemple, qui
fonctionnent beaucoup moins bien que par les années passées. Si
on calcule la part du marché québécois dans l'ensemble des
marchés institutionnels ou des cadeaux, elle est stable. Elle ne
s'améliore pas de façon très nette. La production globale
augmente, mais, comme l'offre globale augmente, la part du marché reste
stable, si elle ne diminue pas.
Si vous voulez d'autres informations, je pourrais vous obtenir
l'étude d'une façon plus détaillée.
M. Champagne: D'accord.
M. Deschênes: On peut dire, sauf erreur, et vous me
corrigerez, M. d'Astous, si je fais erreur, que le produit
québécois en artisanat n'occupe que 15% du marché local,
de sorte que, à partir de ces données, nous savons qu'il y a un
marché local considérable à aller chercher. On ne peut pas
se tromper; à 15%, c'est loin d'être proche du sommet.
M. Bouthillier: C'est très aléatoire, d'autre part,
d'essayer d'établir un raisonnement sur des bases statistiques
précises pour deux raisons: d'abord, parce qu'il se fait
énormément, dans ce secteur, de travail au noir, de travail non
déclaré, de toutes sortes de façons; deuxièmement,
à cause de difficultés de sémantique purement et
simplement. Qu'est-ce qu'un produit d'artisanat et à quel moment
devient-il industriel? J'aime toujours citer cet exemple:
l'ébéniste d'art, c'est celui qui fait une armoire; l'artisan,
c'est celui qui en fait 50; si on en fait 300, cela devient une industrie, on
s'en va au MIC. Cela ne peut pas toujours se trancher au couteau, ce qu'est un
produit d'art, un produit d'artisanat. Alors, il y a une difficulté
sémantique aussi qui fait que toute statistique est un peu
aléatoire. (17 h 30)
M. Champagne: D'accord. Je comprends bien. C'était
plutôt pour montrer l'importance du produit artistique
québécois. Je suis d'accord avec vous. Il me semble que cela va
en progression. On connaît quand même une statistique de 15%. Il
s'agit peut-être d'aller plus loin.
M. le Président, j'aurais peut-être un autre sujet, mais
j'y reviendrai.
Le Président (M. French): C'est un commentaire que je vous
adresse personnellement. Je suis convaincu que vous ne l'avez pas fait
exprès, mais il ne faudrait pas oublier que les lnuits et les Indiens
pourraient bien être des Québécois également. Leur
art pourrait être caractérisé comme
québécois.
M. Champagne: En parlant d'Indiens, ce pourrait être
également les arts venant de l'extérieur du Québec
à ce moment-là. Je parle bien des Indiens. Que ce soit même
égyptien - j'ai même vu de l'art égyptien -ce n'est pas que
je sois contre l'art égyptien mais, lorsque dans la ville de
Québec, à un moment donné, on en voit sur des tablettes de
certaines boutiques! C'est bien sûr qu'il peut y avoir des
spécialités. Je suis pour l'art esquimau que j'aime beaucoup. Je
suis déjà allé à Frobisher Bay où il y avait
une coopérative de production d'art que j'ai visitée avec
beaucoup d'intérêt. Je suis pour cet art. Je pense qu'ici, au
Québec, nous avons quelque chose de très particulier que ce soit
dans la sculpture de Saint-Jean-Port-Joli ou d'ailleurs.
Le Président (M. French): Vous êtes un cas
désespéré.
M. Champagne: Est-ce que vous aviez l'intention de donner la
parole à une autre personne?
Le Président (M. French): D'accord.
M. Champagne: Je voudrais aborder un autre sujet. Il y a eu des
négociations dernièrement, je pense, entre la France et le
Québec. Le ministre délégué à la Culture, M.
Lang, a rencontré des personnalités québécoises. Il
a été question de financement d'industries de la culture. Je
pense que le Québec est ouvert sur le monde et qu'une
société comme la SODICC peut avoir des objectifs de
développement locaux, mais on peut également penser à des
accords internationaux.
Je voudrais savoir, de la part de M. le président, si dans ses
accords, lors de ses rencontres en Belgique ou en France, il y a des choses,
des ententes réciproques qui s'en viennent. Y a-t-il des projets
d'exportation des produits québécois dans ces pays
francophones?
M. Deschênes: M. le Président, les efforts que nous
développons, pour exporter les produits culturels
québécois, nous amènent effectivement à travailler
avec certains gouvernements et plus particulièrement avec les
gouvernements francophones. C'est notamment le cas de la France et de la
Belgique.
M. Bouthillier a mentionné plus tôt que notre
société était unique au monde et qu'on venait de
l'extérieur - de la France et de la Belgique, par exemple - pour
analyser notre fonctionnement, le type de résultats que nous obtenions,
les difficultés que nous avions, etc. Dans le cas de la Belgique, ils
ont mis sur pied, et sont au point où ils vont présenter leur
projet à leur Assemblée nationale, une société qui
est à peu près une copie conforme de la SODICC. Cette
société s'appelle la SPIC ou Société de promotion
des industries culturelles pour la Belgique. Dans ce projet, ils ont
suggéré, et nous en avons discuté avec eux, la
possibilité d'un échange de capitaux. Nous investirions, nous la
SODICC, dans leur SPIC et leur SPIC investirait des capitaux, dans notre
société. Les montants seraient identiques de sorte que, si vous
me permettez l'expression, il n'y aurait pas de fuite de capitaux, soit de leur
part ou soit de notre part, l'objectif étant, pour la Belgique, d'avoir
un point d'observation au Québec sur les industries qui les
représentent, de connaître le marché
québécois et possiblement d'identifier les meilleurs
créneaux pour leurs produits et inversement pour nous aussi, d'avoir un
siège d'observation là-bas, tout à fait approprié
et exceptionnel - un siège au conseil d'administration de la SPIC - et
de pouvoir identifier quels sont les meilleurs produits culturels
québécois pour le marché de la Belgique. La discussion que
nous avons eue est à ce point. Nous avons formellement proposé,
dans un document écrit présenté aux responsables belges,
d'investir dans un croisement, d'avoir un croisement d'investissements entre
leur société et la nôtre, et cette proposition est sur leur
table, compte tenu qu'avant d'y donner suite, c'est une suite qu'elles ont
déjà identifiée comme positive. Ils ont passé une
loi qui va créer leur société de développement des
industries culturelles, leur SDIC. Cela, c'est pour la Belgique.
Au niveau de la France, il y a eu, si vous vous rappelez les
événements de mai et juin de cette année, une rencontre
qui s'est appelée rencontre franco-québécoise sur la
culture, à Québec et à Montréal; quelques jours
à Québec et quelques jours à Montréal. À
cette occasion, nous avons fait avancer de façon beaucoup plus rapide
que nous ne l'aurions fait par l'échange de correspondance les
négociations que nous avions avec deux institutions françaises:
l'une l'IFClC, qui veut dire l'Institut de financement du cinéma et des
industries culturelles et une autre société qui s'appelle OCTET,
je suis incapable de vous donner ce que veut dire le sigle OCTET, qui est
là pour le développement dans les industries de pointe ou dans
les nouvelles technologies.
Dans le cas de l'IFCIC, nous avons convenu d'une entente, d'un protocole
qui est à peu près le protocole suivant: il s'agit du financement
de coproductions, et comme dans le nom IFCIC il y a le cinéma et les
industries culturelles ce protocole sera signé - parce qu'il reste
à être signé en France -il sera signé au
Québec par la Société générale du
cinéma et par la SODICC et en France ce sera signé par l'IFCIC.
Cela dit essentiellement aux entreprises françaises et aux entreprises
québécoises ou à leurs
promoteurs: "Si vous voulez faire des coproductions ensemble, si vous
avez de bonnes idées, de bons projets, nous, la SODICC et la SGC au
Québec et l'IFCIC en France, vous assurons que tout bon projet de
financement sera garanti, c'est-à-dire qu'on va, nous, se charger, les
trois sociétés que je vous ai nommées, de faire en sorte
que le financement soit trouvé". Occupez-vous d'avoir de bons projets,
évidemment avec les caractéristiques de rentabilité et de
développement économique que je vous mentionnais tantôt, et
le financement on va s'en occuper pour vous. Donc, créez, produisez et
nous, on va s'occuper du financement.
Donc, c'est l'accord avec l'IFCIC. Le second avec l'OCTET est à
un stade moins avancé pour une raison technique, l'OCTET souhaitant
qu'on forme une société, une corporation nouvelle très
légère qui serait le groupe France-Québec pour le
développement de nouvelles technologies, quelque chose comme cela, et
nous, à la SODICC, ne favorisant pas la mise sur pied d'une nouvelle
corporation, estimant que la SODICC a la souplesse nécessaire pour mener
à bien de tels projets, de telles associations. C'est ce que
j'appellerais une petite difficulté technique qui empêche la
réalisation de ce faire. Je pense que si on avait l'occasion, l'OCTET et
nous, de nous rencontrer c'est probablement une difficulté qui serait
levée assez rapidement.
Dans le cas de l'entente avec l'IFCIC et la Société
générale du cinéma et nous, c'est une entente à
laquelle messieurs Lang et Richard ont fait publiquement état lors de
leurs discussions avec la presse au mois de juin, à la suite de la
rencontre franco-québécoise sur la culture.
Maintenant, nous participons, en fonction de notre expertise aussi,
à un ensemble d'autres travaux. Ce sont des travaux, qui sont dans
certains cas gouvernementaux dans certains cas privés, pour favoriser
l'exportation de produits culturels. Vous avez sûrement entendu parler
aussi d'une émission semestrielle de variétés qui serait
diffusée simultanément - il faut prendre "simultanément"
entre guillemets à cause du décalage horaire - en France et au
Québec. On verrait des vidéoclips, on verrait un artiste
français et un artiste québécois, et on essaierait
à travers cela de stimuler, au Québec, les produits
français et en France les produits québécois. Quand je dis
semestriel, ce serait un projet qui s'étalerait sur plusieurs
années, qui progresse et qui, je crois, arrivera à un
dénouement heureux dans quelques mois. D'ailleurs, s'il y en avait une
première, ce serait au printemps.
M. Champagne: Merci beaucoup pour vos explications.
Le Président (M. French): J'ai une question assez
brève qui pourrait peut-être être réglée,
parce que j'avais oublié tantôt. Toujours dans le cadre, du MAC
d'une part et de la SODICC d'autre part, il y avait des artisans; il y avait
des productions de livres et de pièces de théâtre; on a
réglé cela. Il y a un autre problème: il s'agit du "bridge
financing" qui est fait ou qui a été fait. Est-ce que cela
continue, le financement de pont entre subventions? Je ne comprends pas
pourquoi vous êtes là-dedans.
M. Deschênes: Je dois vous dire que nous partageons
entièrement votre point de vue à cet égard. Le
financement, le "bridging" de subventions, pour reprendre un terme du
métier, c'est une participation financière qui a un effet
à peu près nul dans le sens que c'est un financement que nous
acceptons de faire pour une subvention ou des participations gouvernementales
autres qui viendraient à un moment donné et qui sont
assurées. Il s'agit seulement, dans ces cas, de ce que j'appellerais la
difficulté, et probablement aussi la lourdeur de l'appareil
étatique de la fonction publique, à verser les subventions dans
des périodes plus courtes et plus opportunes également. Par
exemple, les verser dès que l'année financière est
commencée plutôt qu'au milieu de l'été, alors qu'une
partie de l'année des industries culturelles est passée. À
cet égard, nous avons fait plusieurs représentations
auprès du ministère des Affaires culturelles et de son ministre
et je dois vous dire en passant que le conseil d'administration de notre
société rencontre les deux ministres, le ministre des
Communications et le ministre des Affaires culturelles, au moins une fois par
année, de façon formelle. Le conseil identifie à l'avance
un certain nombre de préoccupations dont le ministre vient discuter avec
les membres du conseil.
On fait la même chose avec le ministre des Communications. C'est
une préoccupation que nous avons portée à la connaissance
du ministre et du ministère. Sans nous en donner le crédit, des
améliorations ont été apportées. On en fait moins
qu'on en faisait et cela diminue. Nous serons heureux quand ce sera
complètement disparu.
Pour être honnête, je vous dirai que nous en faisons
également pour des organismes subventionnés par le gouvernement
fédéral. Évidemment, quand nous intervenons, c'est parce
que nous estimons que l'entreprise, compte tenu des fonctions publiques en
cause, requiert une telle aide, un tel fonds de roulement à un moment
précis, que les subventions ne peuvent être reçues à
ce moment-là et c'est pourquoi nous acceptons de le faire. Mais c'est
toujours une intervention que nous n'apprécions pas et que nous essayons
de réduire le plus possible.
Le Président (M. French): Je voudrais tout simplement
dire, de la part de mes collègues, que le plus rapidement vous vous
débarrasserez de cette fonction, le mieux ce sera. M. le
député de Louis-Hébert.
La câblodistribution
M. Doyon: Merci, M. le Président. Dans le document que
vous avez préparé concernant le plan de développement de
la SODICC, vous faites l'état de la situation en ce qui concerne la
câblodistribution. Dans les orientations, vous faites une
appréciation de la situation actuelle et vous indiquez qu'il serait
possible pour certaines entreprises québécoises d'explorer de
nouveaux marchés et d'exporter leur expertise et leurs connaissances
dans ce domaine. Vous indiquez aussi que la SODICC entend, à titre
d'orientation, répondre favorablement à certaines demandes qui
pourraient lui être faites dans ce sens. Quels sont les contacts et quels
sont les efforts qui sont faits conjointement avec le ministère des
Communications dans ce domaine? Est-ce que vous agissez d'une façon
concordante avec le ministère des Communications? On sait que le
ministère des Communications est impliqué dans ce dossier
d'exportation du "know-how" québécois en matière de
câblodistribution. On sait que des efforts ont été faits.
On sait qu'actuellement, pour des raisons qui semblent hors de notre
contrôle, le dossier de ces négociations piétine. Est-ce
qu'il y a de nouveaux développements? De quelle façon vous
organisez-vous pour que tout cela se fasse sans qu'il y ait dédoublement
d'efforts de votre côté avec le ministère des
Communications? Le problème revient un peu aussi à celui que
soulevait mon collègue de Westmount tout à l'heure,
c'est-à-dire éviter que, d'un côté, il y ait des
actions qui proviennent du ministère des Communications et qu'il y en
ait un certain nombre d'autres qui proviennent de la SODICC, les deux risquant
de s'annuler en fin de course. (17 h 45)
M. Deschênes: Je dois présumer que les
difficultés auxquelles vous faites allusion sont celles du territoire
français...
M. Doyon: Oui.
M. Deschênes:... en matière de
câblodistribution. Bien.
En ce qui concerne la SODICC et le ministère, je dois vous dire,
dans un premier temps, que notre collaboration est à peu près
totale; je dis à peu près parce que je pense qu'il y a toujours
des améliorations qu'on peut y apporter. Mais c'est une collaboration
qui est, effectivement, de tous les instants dans ce dossier.
Je dois vous dire, dans un second temps, que nous avons, à la
SODICC, avec beaucoup de difficultés - je ne vous cache pas qu'on a
été près du désespoir, à deux reprises on
laissait tomber le dossier - mis ensemble plusieurs entreprises qui sont
intéressées à l'exportation de biens et services en
matière de câblodistribution, avec la prémisse que l'une ou
l'autre de ces entreprises n'était pas dans une position d'aller
conquérir seule les marchés étrangers. Je pense que
l'exemple de la France en est un cas frappant. Vous avez notre plus grosse
entreprise, la plus importante entreprise de câblodistribution au
Québec, Câblevision Vidéotron, qui a participé
pendant cinq ans à de nombreux efforts de séjour là-bas,
à des rencontres avec des intervenants français pour essayer de
vendre son expertise, ses biens et ses services, avec les difficultés
auxquelles vous avez fait allusion indirectement, qui sont effectivement des
difficultés très présentes.
Maintenant, ces entreprises ont toutes reconnu la difficulté d'y
aller isolément. La majorité de ces entreprises aussi y allait en
particulier au niveau des foires sur les marchés extérieurs pour
essayer de vendre leurs services. Ce que nous leur avons proposé, ce qui
est dans notre plan de développement, c'est de s'associer ensemble. Au
moment où on se parle, sans dévoiler de secret - je le dis parce
qu'un des intervenants à ce futur consortium y a fait allusion
publiquement au niveau des médias, de sorte que je ne me sens pas
lié par le secret puisque c'est maintenant rendu public - à moins
de difficultés de dernière heure, il y aura un consortium qui
sera créé en matière de câblodistribution pour
l'exportation de biens et services de nature québécoise sur les
marchés étrangers. Ce consortium réunit des entreprises
qui ne sont à peu près pas concurrentielles, mais qui sont les
plus importantes au Québec. Il est difficile en matière de
services et de biens de câblodistribution d'obtenir des entreprises qui
auraient des équipements, des biens et des services absolument
indépendants les uns des autres. C'est une difficulté que chacun
des participants a reconnue, qu'on va essayer de vivre ensemble, qu'on va
essayer de vivre au jour le jour et éviter que cela puisse contrecarrer
nos objectifs de développement sur les marchés
extérieurs.
Maintenant, une de ces entreprises, puisque c'est celle-là qui a
rendu publics les efforts du groupe, c'est Vidéotron. Et
Vidéotron ayant, comme je le disais tantôt, arpenté et je
dirais même labouré le territoire français pendant cinq
ans, nous a demandé comme condition - c'était une condition sine
qua non - d'exclure le territoire français, la France, des
marchés que prospecterait le consortium. Évidemment, comme
c'était une condition sine qua non, les partenaires en cause ont
accepté. C'est un consortium auquel nous, à la SODICC,
croyons avec beaucoup d'espoir, et nous en attendons des
résultats.
De toute façon, l'expertise que nous avons au Québec en
cette matière, c'est une expertise qu'il faut vendre maintenant parce
que les pays qui sont en voie de se développer le font maintenant aussi.
Si on attend quelques années, ce sera trop tard puisque ces pays auront
déjà commencé à se développer. Je pense que
les pays les plus identifiés actuellement sont l'Allemagne et la
Grande-Bretagne.
M. Doyon: Ce consortium dont vous parlez, il serait
composé d'entreprises qui fonctionnent maintenant au Québec,
j'imagine, qui ont pignon sur rue ici au Québec et font des affaires au
Québec; est-ce cela?
M. Deschênes: C'est cela. Ce sont strictement des
entreprises commerciales et industrielles du Québec qui font partie de
ce consortium. Je dois vous dire aussi, pour votre information, qu'il y a un
consortium de même objectif qui se forme en Ontario.
M. Doyon: Oui. Est-ce que les noms de ces compagnies sont connus,
actuellement? Est-ce que c'est public?
M. Deschênes: C'est-à-dire que ce n'est pas connu
publiquement. C'est évidemment connu de nous puisqu'on transige avec
elles de façon constante. On a des rencontres régulières.
D'ailleurs, pour être encore plus précis, il y a un protocole
d'entente en développement que nous, à la SODICC, compte tenu de
notre présence que j'appellerais plus impartiale que les autres, puisque
nous n'avons pas de biens et services à vendre... C'est nous qui sommes
un peu ce que j'appelle le secrétariat du projet de consortium puisque
c'est toujours un projet. Nous avons rédigé un protocole qui est
actuellement dans les mains des partenaires éventuels pour leur
réflexion et, évidemment, leur signature éventuelle s'ils
sont tous d'accord.
M. Doyon: La mise de fonds qui est envisagée par la SODICC
est-elle déterminée à l'heure actuelle?
M. Deschênes: La mise de fonds est déterminée
au niveau du capital. C'est une mise de 20 000 $ qui nous donnera 20% du
capital-actions. Donc, c'est un capital-actions de 100 000 $. C'est facile
à déterminer. D'ailleurs, pour être encore plus
précis, je peux vous dire qu'il y a cinq partenaires dans ce consortium
éventuel dont la SODICC et il y a une règle que nous avons
établie -je dirais peut-être même un principe - à
savoir que, pour avoir 50% des actions, il faut qu'il y ait au moins trois
partenaires, de sorte qu'on ne peut avoir un partenaire qui a 35% et l'autre
25% car l'ensemble des deux portefeuilles aurait amené plus de 50% et
aurait pu contrôler la société. On dit donc que cela prend
trois des cinq pour pouvoir contrôler et c'est un des deux
critères utilisés pour déterminer combien d'actions aurait
chacun des participants.
M. Doyon: La SODICC s'intéresse également à
l'informatique et à tout ce qui en découle. Vous parlez de la
conception du conseil, du traitement de l'équipement et vous indiquez,
dans les orientations que vous entendez prendre, que vous allez, d'une certaine
façon, privilégier la croissance en ce qui concerne les logiciels
dans le domaine didactique et tout cela. Ce que j'ai de la difficulté
à situer, c'est le rôle que vous allez être appelés
à jouer quant aux actions que prend actuellement, qu'a
déjà prises ou qu'a l'intention de prendre le ministère de
l'Éducation. On connaît tout le débat sur les
micro-ordinateurs. On sait quel cafouillis il y a eu. Je ne veux pas entrer
dans ce sujet.
Du fait que, du côté gouvernemental, on soit dans
l'incertitude en ce qui concerne le genre d'ordinateurs qui seront
implantés dans les écoles du Québec, comment voyez-vous
votre intervention et est-ce que celle-ci est freinée par le fait que
les utilisateurs de ces didacticiels ne peuvent pas se brancher tant et aussi
longtemps qu'il n'y a pas une décision ferme, et acceptée surtout
par le milieu, qui est prise?
M. Deschênes: Je dois vous dire, M. le député
de Louis-Hébert, que les propos que vous avez, dans le plan de
développement 1984-1985, étaient basés sur la
prémisse que la décision gouvernementale concernant les
micro-ordinateurs serait prise et qu'en conséquence il y aurait un
besoin, un besoin au niveau de la population, des écoliers, des
étudiants, assez important de contenu pour mettre, dans ces
micro-ordinateurs, ce qu'on appelle des didacticiels et qui sont strictement
des livres, des documents écrits électroniques, des manuels
scolaires électroniques. Vous l'avez mentionné. Cette
décision est arrivée plus tardivement que nous le croyions de
sorte que les entreprises qui attendent pour développer les didacticiels
ne se sont pas mises à l'oeuvre aussi tôt que nous, on le croyait.
Cela a donc modifié notre plan de développement, mais cela n'a
pas modifié nos objectifs au niveau du didacticiel.
Cela signifie que, lorsque les décisions gouvernementales seront
prises, la SODICC sera toujours là pour aider les entreprises
intéressées dans ce secteur à se développer et
peut-être à venir chez nous pour obtenir du financement de
développement. Ce qui est arrivé et ce qui est
intéressant, c'est qu'en cours d'année, si vous regardez à
la dernière
page du plan de développement, vous avez les montants que nous
estimions être consentis au niveau des logiciels et identifiés
à la page 46 comme étant l'informatique. Nous estimions, nous,
que si les didacticiels démarraient nous serions en mesure d'investir 2
500 000 $ dont 2 000 000 $ en vertu de la priorité que nous accordions
aux logiciels et plus particulièrement aux didacticiels.
Dans les faits, à ce jour, sans avoir investi de façon
aussi intense qu'on l'aurait cru ou qu'on l'aurait voulu pour les raisons que
vous avez identifiées vous-même, nous avons investi autant que
nous aurions fait si nous avions été dans le didacticiel. Ce qui
veut dire que le marché des logiciels et des progiciels est plus
important que ce que nous avions estimé et qu'en ne mettant pas notre
argent au niveau des didacticiels, ont été identifiés des
besoins en matière de logiciels et de progiciels que nous avons
acceptés et pour lesquels nous avons consenti des aides
financières qui sont aussi importantes, en tout cas au prorata du temps
passé jusqu'à maintenant, que les montants qui sont
indiqués là-bas.
On mentionne dans les différents dossiers que vous avez qu'il y a
les logiciels de masse mais il y a ce qu'on peut appeler aussi des logiciels
particuliers au niveau de l'assurance, de la santé, du municipal, ainsi
de suite.
M. Doyon: Est-ce qu'il nous reste un peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M. French): Il vous reste quatre minutes, M.
le député.
M. Doyon: Est-ce que ce retard du gouvernement en ce qui concerne
les micro-ordinateurs n'aura pas pour effet, en ce qui vous concerne vous
autres, de vous obliger en quelque sorte à engager pour l'année
1985-1986 un montant supérieur à ce que vous auriez normalement
consacré au domaine des didacticiels ou de l'informatique, compte tenu
du fait que le besoin que vous aviez identifié pour l'année
présente ne se manifestera pas aussi tôt que vous l'aviez
prévu?
M. Deschênes: Je suis incapable de répondre à
cette question de façon précise maintenant. Je le mentionnais au
début de la journée, nous travaillons actuellement à notre
plan de développement 1985-1986; on aura une première discussion
avec notre conseil d'administration la semaine prochaine de sorte que je suis
incapable de répondre d'une façon ou d'une autre.
C'est certainement l'intention - et je ne pense pas me compromettre trop
de ce côté - du conseil d'administration d'y consacrer les sommes
nécessaires pour que les manuels scolaires électroniques soient
autant que possible québécois. On souhaite que les personnes
à l'origine de ces manuels, qui sont les professeurs, puissent avoir une
structure industrielle capable de prendre leurs projets, de les
développer, de les commercialiser sur notre marché d'abord et
ensuite sur les marchés extérieurs.
Il faut dire aussi que, dans ce cadre, la collaboration avec d'autres
pays - on pense à la Belgique et la France pour ce cas - est
souhaitée et, jusqu'à un certain point, recherchée.
M. Doyon: J'aurais d'autres sujets, M. le Président, sauf
que je pense qu'il est 18 heures maintenant.
Le Président (M. French): C'est cela. La commission
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
M. Doyon: Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. French): La parole était au
député de Louis-Hébert qui m'a prié de l'excuser
parce qu'il va être de retour dans une demi-heure ou trois quarts
d'heure. Il ne pouvait être ici à 20 heures. J'ai pensé
que, peut-être, le président lui-même pourrait intervenir,
avec la permission de ses collègues.
Nouvelle politique de régionalisation
Je voudrais revenir au moment où on était en train de
discuter de la nouvelle politique et du virage qu'entreprend la SODICC. Il y a
trois thèmes qu'on pourrait évaluer. On sait que c'est à
la suite d'une expérience qui n'a pas été très
heureuse au cours des deux ou trois premières années d'existence
de la SODICC. Il a été question de la transition de banques de
risques vers des catalyseurs de développement, d'une attitude
d'attentisme devenue une attitude d'interventionnisme et, enfin, d'un autre mot
que le président a utilisé dans sa tournée provinciale, la
régionalisation. Cela semble, à lire le document et à
regarder aller le président, quelques thèmes qui valent la peine
d'être examinés de plus près si on veut comprendre quelle
est cette bête, la nouvelle SODICC ou ce que je prétends que
devrait être la nouvelle SODICC.
Cependant, je dois dire que, si on lit bien le rapport annuel et la
politique financière, on voit ce qui semble être une
volonté de faire ce qu'on a déjà fait et le faire mieux,
c'est-à-dire qu'on va analyser de
façon plus serrée, on va avoir plus de critères, on
va avoir un encadrement plus poussé. Mais il est difficile, à
part les cinq priorités mentionnées, de voir en quoi ce virage
consiste. Je voudrais donc inviter le président et ses collègues
à essayer de mettre un peu plus de chair sur l'os dans ce contexte.
M. Deschênes: Si vous me le permettez, M. le
Président, je pourrais peut-être commencer en vous donnant la
réponse à la question du député de Chauveau cet
après-midi, question que nous avions prise en
délibéré et qui nécessitait quelques calculs
mathématiques de notre part, ce que nous avons fait. Si vous me le
permettez, je vais vous donner cette réponse.
Le Président (M. French): Je regrette d'avoir
oublié qu'on devait revenir là-dessus.
M. Deschênes: Cela nous fait plaisir de vous souligner
qu'on a fait nos devoirs. Au 31 mars 1984, concernant les provisions, il s'agit
de 3 378 469 $; concernant les radiations, c'est 187 150 $, pour un total, si
on inclut les pertes et les radiations, de 3 565 519 $. Les prêts, les
sommes déboursées en prêts, cumulent un montant de 20 497
642 $. Donc, on a un ratio de 16, 9%, ce qu'on savait, cet après-midi,
être un chiffre correct et raisonnable et qu'on avait de la
difficulté à déterminer dans ses origines, soit les
chiffres que je viens de vous donner.
Je passe donc aux commentaires sur les propos que vous venez de
soulever, M. le Président, pour essayer d'abord de corriger une
perception que vous nous colportez, à savoir que nous voudrions changer
ce qui a été fait dans le passé. Nous voulons
effectivement changer ce qui a été fait dans le passé, non
parce que c'était mauvais. On en tire un certain nombre d'enseignements
d'une part, et d'autre part, en vertu des risques élevés que nous
prenions, au rythme où on s'en allait, on risquait, à un moment
donné, de se retrouver avec un capital tellement amoché qu'on
n'aurait plus été capables de faire les choses qu'il fallait
à l'intérieur d'une année. Donc, nous ne sommes pas
critiques au point de renier le passé. Au contraire, nous estimons que
celui-ci est source d'enseignement. Nous en avons d'ailleurs tiré un
certain nombre de leçons et cela nous a amenés aux
éléments que vous avez identifiés tantôt: une
nouvelle politique financière, des risques moins élevés,
un plan de développement, la transparence et ainsi de suite.
Cela fait qu'on en arrive à la conclusion que vous avez
énoncée tantôt et qui semblait être
problématique dans votre esprit, M. le Président. On veut
effectivement faire ce qu'on a déjà fait, mais mieux. Faire ce
qu'on a déjà fait veut dire que, pour les éléments
qui étaient négatifs ou moins susceptibles de succès, on
doit essayer de mieux les identifier, les laisser de côté, de
mieux reconnaître les succès, les dossiers pouvant être
très positifs pour l'industrie et y aller plus fortement, de sorte que,
quand vous regardez les éléments que vous avez mentionnés
au niveau des trois termes, jusqu'à cette phase deux, il était
effectivement vrai que la SODICC était plus attentiste
qu'interventionniste, c'est-à-dire que la SODICC attendait que les
industries viennent la voir, viennent lui poser leurs problèmes, leur
diagnostic et leurs projets de solution à ces problèmes. Alors
que maintenant nous sommes aussi attentistes, nous accueillons les industries
qui viennent chez nous, les promoteurs qui souhaitent avoir une participation
financière de notre part, mais nous allons aussi, dans certains cas,
stimuler un certain développement.
Je vous rappelle d'ailleurs le dossier qu'a soulevé le
député de Louis-Hébert sur la câblodistribution;
c'est un dossier qui a commencé chez nous, qui a été
difficile. Je vous ai mentionné que nous avions, à deux reprises,
passé près d'abandonner en disant: On ne sera jamais capable de
mettre des éléments industriels qui semblaient s'opposer et qu'on
estimait, à ce moment, qu'ils s'opposaient, pour en faire des forces
concurrentes. C'est nous qui sommes à l'origine de cela.
Dans certains autres cas aussi, on est à l'origine de
démarches: celui des métiers d'art, Somart, nous y avons
été fortement présents, mais c'est à partir des
expériences que nous avons vécues. On sait, par exemple, que,
dans les statistiques de pertes, chez nous, dans le cas des métiers
d'art, au début de la SODICC, pour chaque dollar investi, on a perdu
à peu près 0, 50 $. Évidemment, au niveau des
métiers d'art, ce n'est pas aussi impressionnant que les dossiers qu'on
a mentionnés comme Kébec-Spec et Civicom; on ne parle pas de
dossiers qui sont de l'ordre de 300 000 $ ou 400 000 $. Mais il reste qu'au
total, pour chaque dollar investi dans l'artisanat, on a perdu 0, 50 $. On se
pose une question: 0, 50 $, c'est beaucoup par rapport au dollar, même si
le volume des montants investis en matière d'artisanat ne cumule pas un
montant impressionnant. Il y a des enseignements qu'on a tirés de cela
et, dans l'artisanat, c'est, effectivement, la commercialisation qui nous est
apparue le maillon le plus faible.
Évidemment, si vous corrigez la commercialisation, vous allez
probablement corriger la production aussi, les mécanismes de production,
les délais de livraison, ainsi de suite. Donc, nous sommes toujours
attentistes, nous sommes toujours interventionnistes, c'est-à-dire que
nous sommes maintenant interventionnistes pour
les priorités que nous identifions et pour lesquelles nous
estimons que, pour toutes sortes de raisons, si nous n'allons pas
réveiller chez les industriels cet élément de solution que
nous estimons intéressant, il ne viendra pas. On prend la liberté
d'y aller et de voir, avec les industriels, si c'est le cas.
Même chose au niveau du volet du financement par rapport au volet
du développement, ce que vous avez appelé banquier de risques par
rapport au rôle de catalyseur. À notre avis, les enseignements du
passé nous incitaient à développer ce volet dans nos
interventions de catalyseur. Je dois vous dire que ces deux volets,
interventionniste et catalyseur, exigent beaucoup d'efforts - je parle
d'efforts humains - alors que si vous êtes assis à votre bureau et
que vous attendez, c'est certainement moins difficile et cela prend moins de
personnel. Mais nous estimons que les responsabilités que nous avons et
la mission qui nous a été donnée seraient moins bien
remplies si on continuait à faire ainsi.
Concernant le troisième volet, soit la régionalisation,
j'ai quelques statistiques que je vais vous résumer. Dans les
premières années d'existence de la SODICC, ce sont principalement
des industries montréalaises qui sont venues demander à la SODICC
une forme d'assistance ou de participation financière. Cela s'explique
aussi. Montréal, évidemment, est l'endroit où on retrouve
le plus d'industries culturelles et maintenant qu'on a des industries de
services en communication, c'est également vrai dans ce secteur. Cela ne
veut pas dire que, dans les régions, il n'y a pas d'industrie culturelle
et qu'il y a aussi une absence d'industries de services de communication. Dans
les statistiques que nous avions, qui étaient subséquentes
à la phase un, nous avions aussi un nombre qui n'était pas
impressionnant mais qui était convenable, compte tenu des efforts qui
avaient été faits, pour la région de Québec... Il y
avait à peu près une quarantaine de dossiers qui avaient
été analysés dont 20 avaient reçu une
réponse positive.
Si on regardait dans les autres régions, c'était à
peu près inexistant. C'était comme une ombre qui partait de
Montréal et, si on exclut Québec, qui allait un peu à
Trois-Rivières, un peu en Estrie, un peu dans l'Outaouais. En Abitibi,
il n'y en avait plus, ni dans les régions du Bas-du-Fleuve, ni dans la
région du Saguenay, sinon des dossiers qui provenaient de
Montréal et des dossiers qui avaient une envergure nationale dans
certains cas, ce qui faisait qu'il y avait des répercussions
régionales en vertu de l'intervention faite à
Montréal.
Grosso modo, excluant Québec, l'intervention régionale de
la SODICC était absente. Nous avons convenu d'aller indiquer aux
régions que la SODICC existait, quelle était sa mission et
qu'elle était là pour elles aussi.
Nous avons, cependant, dans le cas des régions, identifié
un élément additionnel aux trois critères que nous vous
avons mentionnés - c'est-à-dire la rentabilité de
l'entreprise, le développement économique et la participation des
promoteurs - qui était le suivant: Nous demandions aux régions et
aux industries qui voulaient faire affaires avec nous d'avoir une industrie qui
était susceptible de se développer en une industrie
interrégionale et en une industrie nationale par la suite, une industrie
qui pourrait exporter ses produits. Donc, on leur demandait d'avoir une
industrie qui ne serait pas limitée à leur région, qui
pourrait se développer et aller au-delà des frontières
régionales.
Cela nous a amené quelques dossiers -cette visite de la
région s'est faite au début de l'année 1984, janvier,
février et mars -qui, pour presque la moitié d'entre eux, n'ont
pas été agréés parce que c'étaient des
dossiers qui ne correspondaient pas aux interventions de la SODICC. Nous avons
tout de même identifié à l'intérieur de la
région des points de contact pour les industries qui voudraient faire
affaires avec nous, qui sont les bureaux régionaux du ministère
des Affaires culturelles. Nous avons convenu d'un genre de protocole avec le
ministère des Affaires culturelles pour éviter que la SODICC ait
à avoir un pied-à-terre dans toutes les régions,
multiplier ses coûts pour finalement des résultats qui, à
notre avis, ne méritaient pas un investissement aussi
élevé.
Le ministère des Affaires culturelles a accepté
très positivement de nous représenter. Je ne peux pas vous dire
si dans les mois ou les années qui viendront on aura plus de
présence régionale au niveau des investissements. Ce que je peux
vous dire jusqu'à maintenant - et c'est un regard qui n'est pas
suffisamment critique pour en tirer une conclusion - c'est que, de la
tournée régionale que nous avons faite, les résultats que
nous avons obtenus au sens d'une présence de la SODICC sont nettement
insatisfaisants et, jusqu'à un certain point, décevants.
Je vous donne rapidement les statistiques. En Abitibi, nous n'avons
aucune intervention, sinon une intervention qui est actuellement à
l'étude. Le Bas-du-Fleuve-Gaspésie, nous avons une intervention
actuellement; nous en avons deux qui ont été
étudiées par le passé, une a été
refusée et l'autre n'a pas eu de suite de la part de l'industrie en
cause. Mais l'intervention que nous avons dans le Bas-du-Fleuve, c'est en vertu
d'une intervention nationale en matière de disques. Dans la
région de l'Estrie, nous avons plusieurs dossiers qui ont
été étudiés mais nous n'en avons que trois qui ont
finalement été agréés. Au niveau de
Lanaudière-Joliette et Laurentides, nous en
avons trois qui ont été agréés. Au niveau de
l'Outaouais, nous en avons quatre. Au niveau de Québec, nous en avons
vingt-deux. Donc -c'est un peu ce que je vous disais tantôt
-l'explication que nous donnons, évidemment c'est la présence du
siège du gouvernement. Par ses parlementaires et ses institutions, la
SODICC est mieux connue des gens de cette région.
Au niveau du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous n'avons qu'une seule
intervention et au niveau de la région de la Mauricie, deux seulement.
Des statistiques éloquentes sur une présence régionale de
la SODICC qui est certainement faible.
Le Président (M. French): Pour terminer sur la
régionalisation, la SODICC se veut sensible aux besoins des
régions. Elle a entrepris des efforts pour se rendre visible dans les
régions. Ces efforts ont porté des fruits, mais des fruits qui
restent encore insatisfaisants du point de vue de la SODICC.
M. Deschênes: C'est exact.
Le Président (M. French): La SODICC reste très
intéressée à avoir d'autres propositions régionales
bien qu'elle n'ait pas l'intention de s'établir elle-même en
région comme telle, étant heureuse d'être capable de
travailler par l'entremise des représentants régionaux du
ministère des Affaires culturelles.
M. Deschênes: C'est exact.
Le Président (M. French): Est-ce qu'on pourrait essayer de
focaliser davantage sur la question des banques de risques? Ce que cela veut
dire dans le passé, dans l'avenir. La transition des banques de risques,
catalyseurs de développement, n'implique pas de changement sur le plan
formel des relations financières. Ce changement implique plutôt un
changement d'attitude et de stratégie de la part de la SODICC.
M. Deschênes: C'est exact. Quand on parle d'un organisme,
d'une société de financement comme étant un des volets de
notre mission, nous avons parlé cet après-midi - M. Bouthillier
en a parlé assez longuement - des expériences qu'on avait
tirées du passé, et du fait que, quand la SODICC a
été créée, au niveau de ses premières
interventions, ses premiers mois, ses premières années, de
l'expérience qu'avait le personnel de la SODICC, qui était
surtout composé de gens de formation de type financier face à
l'industrie culturelle, la connaissance de cette industrie était assez
minime pour ne pas dire peu importante, de sorte que le risque que la SODICC
prenait, compte tenu des connaissances qu'elle avait de l'industrie,
était certainement plus élevé qu'il l'est maintenant...
Nous sommes mieux en mesure, aujourd'hui, de porter un jugement sur
l'opportunité d'une présence de la SODICC dans une situation qui
peut être dans l'un ou l'autre des volets qui sont nôtres. Cette
expérience que nous avons aujourd'hui est non seulement dans les avis
que nous recevons des ministères, mais elle est également chez
nous. Le secteur de la planification, que représente M. d'Astous
maintenant, commence de plus en plus à avoir de statistiques, de
relevés, de données qui nous permettent de porter un jugement
qui, dans certains cas, peut être différent de celui du
ministère et qui nous permet d'affronter nos connaissances, notre
jugement, notre évaluation d'un secteur avec celui des
ministères. Dans certains cas, il nous permet même d'éviter
d'aller au ministère, connaissant bien la situation et sachant que celle
du ministère correspond à celle que nous avons
évaluée. De sorte que nous sommes toujours un banquier de
risques, une institution de financement, mais cela va de soi, nous semble-t-il,
qu'après cinq ans et demi d'existence l'expérience que nous avons
permet d'avoir dans des interventions un risque tout aussi important, au niveau
de l'aspect financier dans une entreprise. Mais, au niveau de l'ensemble des
interventions, le risque est moins élevé parce que la
connaissance est meilleure et que l'on sait mieux comment accepter un dossier
ou comment le refuser, comment intervenir dans une industrie ou comment ne pas
intervenir. C'est certainement un des éléments qui font que,
aujourd'hui, on commence à réduire nos pertes, nos provisions
pour mauvaises créances éventuelles.
Il y a aussi le fait - je vous l'ai mentionné aujourd'hui - que
la politique financière a été resserrée
considérablement. Pour vous donner un exemple, dans les cas qui
étaient classés prioritaires par le passé, avant la
politique financière de 1984-1985, nous acceptions d'y aller à un
taux d'intérêt qui était le taux préférentiel
divisé par deux. On ne fait plus cela. Maintenant, c'est le taux
préférentiel moins deux. Et si vous prenez le taux
préférentiel actuel, qui est de 13%, une industrie qui serait
venue chez nous, qui aurait été prioritaire, on lui aurait
consenti un taux d'intérêt de 6, 5% alors qu'avec la nouvelle
politique financière c'est 11%. (20 h 30)
Si vous pensez un peu à l'incidence du taux
d'intérêt sur le succès ou l'échec d'une industrie -
cela vient de nos administrateurs, ce genre de propos - les frais
d'intérêt sont très rarement la cause de l'échec
d'une industrie. Quand vous parlez d'une industrie qui a quelques millions
d'actifs, qui a quelques millions d'investis, ce n'est pas 2% sur un prêt
de 200 000 $, 300 000 $ ou
100 000 $ par année qui va faire que cela est un échec ou
un succès. Évidemment, cela s'ajoute, mais c'est
réellement une goutte quand on pense que l'échec d'une industrie
peut avoir été causé par un taux d'intérêt
trop élevé.
Quoi qu'il en soit, les taux d'intérêt que nous consentons
actuellement sont inférieurs, cela va de soi, à ceux des
institutions financières conventionnelles quand elles acceptent d'y
aller. Souventefois maintenant, les institutions financières acceptent
d'y aller avec des industries sur la base d'interventions que nous faisons
auprès de banques, auprès d'institutions financières et,
dans certains cas, auprès d'interventions conjointes. La banque
intervient, nous intervenons. Dans certains cas, nous garantissons la marge de
crédit que consent une banque. Dans d'autres cas, nous nous partageons
le risque, ainsi de suite. Aussi -je voulais utiliser un terme un peu fort, je
vais l'utiliser - on réussit à former un peu le personnel des
institutions financières à un meilleur accueil des industries
culturelles que c'était le cas par le passé.
Le Président (M. French): Je pense que vous avez
vous-même fait la distinction entre le choix de l'investissement comme
tel, de la situation comme telle et, d'autre part, l'instrument. Prenons les
l'un après l'autre.
Le choix du lieu d'investissement. Est-ce que les critères
financiers ont changé grandement dans la nouvelle politique ou dans la
SODICC phase deux? Je vous avoue que, lorsque j'ai lu la liste ici, je voyais
à peu près les mêmes critères - j'aurai des
questions à poser en détail - qui ont été
traditionnels dans les rapports annuels précédents. Ce n'est pas
une critique que je vous fais, c'est une demande d'information.
M. Deschênes: Peut-être que M. Bouthillier voudra
émettre son avis sur cela. Je vous dirais, moi, que les critères
sont restés les mêmes. Dans leur application, nous avons
été plus rigoureux.
Le Président (M. French): Est-ce cela, l'essentiel de la
phase deux?
Normes plus sévères
M. Deschênes: C'est cela. En plus, au niveau des garanties,
nous sommes non seulement plus rigoureux, mais plus sévères dans
leur application. Je vous ai mentionné, aujourd'hui, que, depuis
quelques mois, nous avons mis sur pied un comité de recouvrement interne
pour essayer de récupérer le plus possible auprès des
industries qui avaient demandé une participation financière chez
nous, qui l'avaient obtenue et qui, pour toutes sortes de raisons, se
trouvaient en difficulté financière et qui n'honoraient pas leurs
obligations. Cela a amené des résultats qu'on peut appeler
quantitatifs; je ne veux pas entrer sur l'élément qualitatif de
nos interventions en cette matière, mais cela a amené, quand
même, des sommes assez importantes chez nous.
Auparavant, il y avait peut-être, chez nos industriels de la
culture, face à la SODICC, considérant que la SODICC est une
société d'État, ce genre d'évaluation, de
sentiment: Bien, écoutez, quand vous avez une dette avec la SODICC,
c'est une dette avec le gouvernement et une dette avec le gouvernement, c'est
la dernière affaire qu'on paie, quand on la paie. Je peux vous donner un
exemple: on a déjà eu un entrepreneur qui est venu chez nous et
puis on lui a dit: Comment ça va? et l'entrepreneur a dit: Cela va
très bien, toutes mes dettes sont claires. On lui a dit: Mais il reste
au moins la nôtre; il avait oublié la nôtre. Il a dit: La
SODICC, ce n'est pas une dette. C'est là un élément qu'il
faut corriger chez nos partenaires, qui se corrigent, cela s'en vient et c'est
certainement positif pour eux même si, dans l'immédiat, ils ont
à honorer un certain nombre d'obligations qu'ils ont prises à
notre égard. Je ne sais pas si M. Bouthillier veut ajouter quelques
commentaires sur ce propos.
M. Bouthillier: En fait, la révision s'est effectivement
basée sur les mêmes critères fondamentaux: c'est toujours
l'évaluation financière de la compagnie, sa solvabilité,
l'évaluation du projet, l'évaluation du capital humain. On tourne
toujours autour des mêmes critères, forcément; mais c'est
beaucoup plus dans l'application, effectivement, qu'il y a eu des changements.
En fait, l'objectif qu'on avait: améliorer la rentabilité. On
s'est posé la question: Comment peut-on faire cela? La réponse a
été de deux ordres: augmenter les revenus et diminuer les
pertes.
Comment procède-t-on pour augmenter les revenus? M.
Deschênes en a parlé rapidement tantôt. D'abord, en
augmentant notre grille tarifaire au niveau des prêts qu'on consentait et
également en procédant à appeler dorénavant un
chat, un chat. C'est-à-dire que, même si ce n'est pas du
capital-actions, lorsqu'on fait du capital de risque, lorsqu'on fait un
prêt qui est non garanti ou un prêt qui est sur des garanties
très lointaines et qu'on veut le faire pour des objectifs industriels,
quand on fait ce genre d'interventions à haut risque, dotons-nous des
moyens pour obtenir un rendement à la mesure du risque qu'on encourt. On
a donc, en conséquence, développé une technique qui
s'appelle le prêt participant, de telle sorte que, lorsque c'est un
prêt, mais qu'en fait c'est du capital de risque, même si
juridiquement c'est sous la robe d'un prêt, on
va attacher notre rendement à des proportions de revenu ou de
profit net de l'entreprise. C'est pour nous une autre façon de
participer dans les cas de succès à la mesure du risque qu'on
prend: donc, deuxième grande façon d'améliorer nos
revenus.
L'autre volet: diminuer les pertes. Là aussi, M. Deschênes
a énuméré un certain nombre de moyens d'y arriver.
D'abord, éliminer les risques inutiles. Si on se reporte à notre
politique financière, il y a des cas de A, de B et de C. On a fait une
proportion beaucoup plus élevée, dans les premières
années, de cas de A, pour différentes raisons peut-être.
L'une des raisons que je donne, et c'est une évaluation personnelle que
je fais: lorsque la société a été
créée, il y avait un certain nombre d'attentes qui étaient
latentes dans le milieu. Il y avait un certain nombre de sauvetages à
faire. On a élaboré tantôt sur le cas de Kébec-Spec.
La première fois que ceux-ci sont venus nous voir, ils arrivaient avec
un bilan de pertes accumulées assez importantes. Ils traînaient ce
boulet. C'est ce qui a toujours empêché l'entreprise de vraiment
tenter un redémarrage. Ces pertes accumulées dataient de
nombreuses années. Il y avait, dans le milieu, un certain nombre
d'interventions qu'il a fallu faire, mais qui étaient latentes.
Ces attentes étant maintenant épurées, des cas de
sauvetage ou des cas de restructuration financière, au prorata des gens
qui nous arrivent à la porte, il y en a beaucoup moins. On peut beaucoup
plus s'en aller vers des cas de développement et des cas de C, des cas
majeurs qui sont généralement à risques un petit peu moins
élevés. Deuxième façon d'éliminer les
risques: ne plus aller sur les risques inutiles.
L'autre point, c'est vraiment de forcer la récupération.
Forcer la récupération, c'est exécuter nos garanties avec
le plus de rigueur possible. Quelquefois, ça grinche, c'est
douloureux.
Le Président (M. French): Justement, là-dessus, je
voudrais revenir sur la question: Quelle situation choisir sur le plan macro
dont vous parlez? J'aimerais parler de l'instrument juridique que vous
utilisez, également de la façon dont vous l'utilisez. Il y a une
préoccupation naturelle chez la SODICC qui est de ne pas se faire
prendre, surtout lorsque vous avez commencé avec cette série de
cas A qui ont été très difficiles et qui, par rapport aux
critères de rentabilité financière passée et
future, n'ont pas si bien réussi. Vous cherchez la
sécurité et vous êtes plus intelligents maintenant. Vous
savez ne pas prendre des livres non vendus. J'en sais quelque chose. J'en ai un
paquet, dans mon histoire personnelle, dans des entrepôts de maisons
d'édition aux États-
Unis et au Canada.
La réaction que nous avons du milieu va un peu dans ce sens:
c'est que vous êtes tellement préoccupés de ne pas vous
faire prendre que les instruments que vous proposez aux entrepreneurs sont
extrêmement exigeants, voire même aussi exigeants que cela aurait
été si une banque avait pu être convaincue d'aller aussi
loin que de proposer un instrument et une forme de sécurité.
Deuxièmement, lorsque vous évoquez ces instruments, vous laissez
pour compte complètement les autres créanciers des entreprises
qui se trouvent, malheureusement, en faillite ou dans une situation où
il y a d'autres créanciers. Troisièmement, vous avez tendance
trop rapidement à paniquer; c'est le mot qui a été
utilisé par deux ou trois personnes.
Je n'accepte aucune de ces trois propositions, nécessairement.
Mais je pense qu'elles sont importantes. C'est un son de cloche. Je voudrais
les prendre une par une, si vous le permettez. D'abord, la question de la
rigueur de l'instrument que vous proposez, le genre de sécurité
que vous exigez; quelle est votre réaction face à cela? Autrement
dit, est-ce que l'on doit comprendre que cela va tout à fait avec le
désir d'augmenter les revenus et de réduire les pertes? C'est
logique dans ce contexte. Je dois comprendre que l'argument des gens du milieu
- je comprends bien que c'est leur intérêt, n'est-ce pas? - irait
dans le sens suivant: Oui, mais ce n'est pas cela, faire la promotion de la
culture québécoise, ce n'est pas cela, faire la promotion des
industries culturelles; c'est faire la promotion de la SODICC dans une optique
très étroite. Peut-être que la SODICC essaie de faire
quelque chose. C'est peut-être une stratégie soit dans la loi ou
soit de la SODICC, mais probablement, dans la loi, la prémisse n'est pas
la bonne.
M. Deschênes: Je ferais deux commentaires sur cet
élément, un premier qui pourrait être concordant avec cette
évaluation que vous font certaines entreprises et c'est de dire que nos
outils juridiques, les contrats et tout cela, sont effectivement complexes.
Le Président (M. French): Des outils plus ou moins?
M. Deschênes: Complexes. On a des contrats avec les
entreprises qui, dans certains cas, sont volumineux, ils ont beaucoup de
clauses. Si vous me permettez une blague, cela ressemble à un contrat
d'assurance, c'est-à-dire que, pour un contrat d'assurance, la blague
qui court c'est que, lorsque vous avez un accident, il y a toujours une clause
qui permet à la compagnie de ne pas vous payer. C'est évidemment
une blague. Nous sommes
préoccupés par cette situation et nous sommes à
réviser les instruments, les papiers juridiques que nous demandons aux
entreprises de convenir avec nous. Nous essayons de rendre ces choses le plus
simples possible, le plus souples possible, tout en conservant quand même
une efficacité. L'objectif, c'est, évidemment, de ne pas faire
disparaître nos garanties parce que, si on les fait disparaître, on
va se retrouver, un jour, dans une situation que vous allez être les
premiers à nous reprocher et vous allez avoir raison.
Donc, premier élément, je dis que ces commentaires ont une
certaine valeur et trouvent un écho très sympathique chez nous
sur ces mécanismes qui sont des outils de papier que nous avons et qui
nous semblent, à l'analyse, complexes. Nous y travaillons et on
espère arriver à des choses plus simples, plus
légères que celles que nous avons actuellement.
Maintenant, le deuxième élément que je donnerais
à votre préoccupation, c'est de dire que les obligations doivent,
quand même, être présentes. On peut bien analyser un dossier
et dire à une entreprise: Écoutez, on est d'accord pour
participer avec vous, à condition que vous nous soumettiez des
garanties, que vous soyez capables de nous prouver que vous avez des comptes
recevables, que vous avez un inventaire et ainsi de suite. Mais il ne faut pas
que ce ne soient que des mots, il faut que cela se réalise. Il faut que
ces gens-là, ces entrepreneurs, ces entreprises puissent savoir aussi
qu'ils ont contracté à notre égard des obligations qu'ils
vont devoir un jour respecter. (20 h 45)
Je peux vous dire que, dans ce milieu, le bouche-à-oreille est
probablement le média le plus facile et le plus rapide aussi. Ce n'est
pas le téléjournal qui fait que les gens savent comment la SODICC
réagit à une situation ou à une autre. La nouvelle se
répand très rapidement et, de toute façon, on n'a pas
d'objection à cela, on n'est pas négatif à cet
élément, non plus. Il reste que, quand nous avons commencé
à dire oui, mais à la condition que..., cela s'est
répandu. Je peux vous dire que, personnellement, je reçois, de la
part de membres de l'Assemblée nationale, des commentaires disant qu'on
devient trop rigoureux, que les entreprises ne se sentent pas aussi à
l'aise chez nous qu'elles l'étaient, qu'on devient plus
intéressé à faire de l'argent qu'à
développer l'industrie et ainsi de suite. Ce sont des commentaires qui
nous arrivent.
Je dois vous dire que ces commentaires nous arrivent, évidemment,
presque toujours d'entreprises qui ont des difficultés et qui voudraient
essayer de s'en sortir plus facilement qu'elles peuvent s'en sortir quand nous
demandons que les conditions qui ont été signées soient
respectées. Ce n'est pas, non plus, pour se faire des galons à
nos épaulettes, mais il reste que des entreprises avec lesquelles il y a
des succès, et il y en a, ce n'est pas le genre de plaintes qu'on
entend.
Le Président (M. French): Bon. Alors, vous êtes
d'accord que l'instrument est un peu lourd, un peu complexe. Vous n'avez pas
dit catégoriquement: Un peu trop exigeant, mais, en tout cas, vous vous
devez, d'après vous, de préserver votre crédibilité
comme institution qui veut avoir des relations d'affaires et, sans un
instrument qui a des exigences au moins de base, vous ne pouvez pas faire
cela.
Deuxièmement, dans ce même ordre de pensée, ce
même thème, le créancier qui embarque avec une institution,
un organisme, une compagnie à la suite d'un investissement de la SODICC,
croit que cela doit être quelque chose de sérieux. Bang! Un an
plus tard, 14 mois plus tard ou même huit mois plus tard, comme cela
s'est produit, vous et la banque, vous et le prêteur sur
hypothèque, vous avez le haut du pavé. Les petits
créanciers se trouvent parfois balancés dans tout cela; ils se
trouvent avec le petit bout du bâton. Est-ce que c'est un
problème?
M. Deschênes: C'est un problème. C'est effectivement
un problème à deux niveaux. D'abord, je vous disais tantôt
que nous étions identifiés un peu comme le gouvernement et le
gouvernement n'abandonne jamais personne. Il y a toujours des fonds au
gouvernement pour faire en sorte qu'un désastre n'arrive pas. De sorte
que, quand des entreprises ont une participation financière de notre
part, les créanciers peuvent supposer, penser que, dans
l'éventualité de difficultés de l'entreprise avec laquelle
ils acceptent de transiger, ces difficultés, un jour, vont
disparaître de toute façon puisque la SODICC (gouvernement) est
liée, que les fonds seront toujours là, qu'on les versera et
qu'à perpétuité nous subviendrons aux besoins financiers
d'une entreprise, ce qui n'est évidemment pas le cas. Cela aussi, c'est
un enseignement que les entreprises apprennent. C'est une chose à
connaître de la part des créanciers qui, malheureusement,
s'apprend "sur le tas" -entre guilletmets - et qui, dans certains cas, cause
des difficultés.
Donc, pour le premier point, il y a effectivement cette question qu'il
faut enlever du paysage, si vous vouiez, que la SODICC, ce n'est pas le
gouvernement et que, même si c'était le gouvernement, elle n'est
pas là pour verser à perpétuité des fonds dans une
entreprise qui, de toute façon, a des difficultés telles qu'il
vaut mieux pour elle fermer que continuer à fonctionner.
Maintenant, dans les cas qu'on peut appeler de fin d'opération
d'entreprise, de faillite ou de choses semblables, c'est certain que, quand
nous prenons des obligations, par exemple si nous prenons une première
ou une deuxième hypothèque sur un édifice ou que nous
prenons un pourcentage sur les recevables, cela serait difficilement acceptable
administrativement qu'on laisse aller la valeur de notre créance au
profit d'autres créanciers qui sont souvent de petites entreprises qui y
sont allées en toute bonne foi.
Encore là, l'entreprise a pris avec nous des obligations et je ne
vois pas comment on pourrait atténuer notre rang au niveau de la
récupération de la créance pour dire: Écoutez, il y
a telle autre entreprise qui est quand même une petite entreprise, cela
la met en difficulté et, pour toutes sortes de raisons que j'appellerais
humanitaires, ça leur permettrait d'être en meilleure posture une
fois les difficultés financières sur la table. Je pense bien
qu'encore là, comme administrateurs, on peut difficilement accepter un
raisonnement semblable. C'est aussi une chose qu'il faut que les entreprises,
les créanciers et les fournisseurs d'entreprises culturelles apprennent,
c'est que, lorsqu'on fait affaires en matière d'industries culturelles,
comme le dit notre brochure - cela va être ma commandite -c'est une
question d'affaires. On ne fait pas cela en disant: Si cela ne marche pas, on
va quand même être mieux parce que la SODICC a une créance
de 400 000 $ et elle va se payer la dernière.
Le Président (M. French): C'est ma dernière
question, parce que je suis convaincu qu'il y a des collègues qui
voudraient intervenir. La troisième question: Est-ce que vous paniquez?
Est-ce que vous tirez le bouchon trop rapidement dans certains cas? Est-ce que
cela s'est produit dans le passé? Je ne vous demande pas d'exemples. Je
serais satisfait d'une réponse en termes généraux et, si
cette réponse est positive, je ne chercherai pas à avoir des
exemples ou quoi que ce soit.
M. Deschênes: Je peux vous dire que nous sommes plus
nerveux que nous ne l'étions dans le passé sur les participations
financières que nous acceptons, dans les cas où nous estimons que
cela commence à aller mal. On n'attend pas que la faillite que nous
prévoyons arrive.
Le Président (M. French): C'est l'interventionnisme qui
joue.
M. Deschênes: C'est l'interventionnisme qui joue, d'une
part, et, d'autre part, c'est de l'interventionnisme puisque, maintenant, non
seulement nous acceptons, mais nous souhaitons et nous exigeons d'être
partie aux décisions dans le cas d'entreprises plus sérieusement
en difficulté ou qui ont des mandats que nous estimons plus difficiles
à réaliser. Nous exigeons d'être soit au comité de
gestion, soit au conseil d'administration, pour pouvoir suivre le dossier d'une
façon plus systématique et aussi pour les faire profiter de
l'expertise et de l'expérience que nous avons. Il ne faut pas oublier
que, dans un certain nombre d'entreprises, l'expertise que nous leur
fournissons, en étant membre de ces comités de gestion, en leur
donnant toutes sortes de conseils sur la gestion de leur entreprise, c'est
quand même une expertise qu'elles ont gratuitement, il n'y a pas de frais
à cela. La participation que nous avons dans nos dossiers, c'est une
participation dont les frais sont pris à même le budget
d'exploitation de notre société.
Le fait que nous soyons présents systématiquement dans
certains dossiers, et ce sont généralement les dossiers qui sont
les plus délicats, peut amener les entrepreneurs à dire qu'on est
"achalants" et, jusqu'à un certain point, un peu trop critiques et, dans
certains cas aussi, peut-être un peu trop rapides dans notre
intervention.
Généralement aussi, on essaie de leur donner toute la
chance possible. Je comprends que, de leur point de vue, toutes les fois que
l'on tire le bouchon, comme vous dites, ils estiment qu'on n'aurait pas
dû le tirer, qu'on aurait dû leur donner une dernière
chance. Je peux vous dire tout de même qu'à part quelques
exceptions j'essaie de les avoir en mémoire - on n'a pas tiré le
bouchon souvent. Dans certains cas, on est même intervenu auprès
d'institutions financières qui voulaient, elles, tirer le bouchon, ce
qui nous a amenés, dans certains cas - je peux vous donner un cas sans
le citer - au sommet de la pyramide d'une banque. À la Banque Nationale,
par exemple, on est allé jusqu'au premier vice-président pour lui
dire qu'elle exagérait dans la mesure qu'elle entendait prendre et on a
réussi à la convaincre. Il reste que c'est une entreprise
aujourd'hui qui a encore ses difficultés, mais qui va mieux qu'elle
n'allait. Quand on est intervenu auprès de la banque, la banque tirait
le bouchon, c'était fini.
Le Président (M. French): Je vous remercie. J'aurais
aimé continuer, mais j'ai le député de Louis-Hébert
et le député de Chauveau. Sur le même sujet, M. le
député?
M. Brouillet: Oui, justement sur ce sujet. Votre intervention
dans la gestion des entreprises, je voulais justement intervenir sur cette
question et vous venez de l'aborder. Quels sont les moyens, finalement, dont
vous disposez pour vous permettre d'intervenir dans la gestion? On sait qu'une
des faiblesses qui avaient été identifiées en
1978 comme étant une des causes de la faillite de plusieurs
entreprises était, entre autres, la mauvaise gestion qui pouvait exister
au sein de plusieurs d'entre elles.
Dans les documents que vous nous avez remis, vous mentionnez que, de
plus en plus, quand cela s'avère nécessaire, vous essayez
d'intervenir au niveau de la gestion comme support. Alors, je reviens un peu
aux différents types d'aide à l'investissement. Vous avez le
prêt, le capital-actions, ainsi que la garantie de prêt, et vous
avez parlé tantôt de prêt participant. Quand vous
privilégiez le capital-actions, automatiquement, vous vous assurez une
présence au conseil d'administration par le choix de cette
modalité.
Quand c'est sous forme de prêt, peut-il y avoir dans l'entente,
des dispositions selon lesquelles vous exigez une présence au
comité de gestion et ainsi de suite?
M. Deschênes: II pourrait y avoir ce genre d'intervention
et là, M. Bouthillier pourrait peut-être puiser dans sa
mémoire pour voir s'il y en a effectivement. Mais, normalement, quand
nous y allons sous forme de prêt, à moins que ce ne soient des
prêts participants où le risque est plus élevé, nous
n'intervenons pas au comité de gestion. Par exemple, j'ai des cas qui
sont de grands événements où nous y allons effectivement
sous forme de prêt et où on demande d'avoir un oeil. Ce n'est pas
nécessairement être partie au comité de gestion, mais c'est
tout comme, avoir un oeil sur le développement des engagements que prend
une entreprise, de même que sur les revenus qu'elle génère
et qu'elle estimait devoir générer. En d'autres mots,
jusqu'à quel point elle réalise son plan de développement,
par rapport à ce qui nous avait été soumis.
Donc, il y a cet élément que nous utilisons, mais il y a,
dans les dossiers que nous analysons, des lacunes que nous pouvons percevoir.
Vous avez mentionné celui de la gestion, c'est certainement le cas dans
plusieurs dossiers que nous avons évalués et nous le notons. Non
seulement nous le notons, mais dans certains cas nous exigeons des correctifs
avant d'intervenir. Mais quand nous exigeons des correctifs, cela ne veut pas
nécessairement dire que nous allons y être, avec le personnel de
la société, pour voir à ce que l'entreprise se
développe le mieux possible et progresse selon ses prévisions et
ainsi de suite. Par exemple, cela peut être dans un support administratif
dont on lui demande de se doter, dans l'engagement de conseillers à
temps partiel pour faire en sorte que certaines lacunes soient corrigées
et ainsi de suite. Généralement, ces choses-là sont bien
perçues par les entreprises.
Je vais donner la parole à M. Bouthillier. Je ne sais pas s'il y
a des cas où il peut...
M. Bouthillier: C'est arrivé très rarement que,
sous la forme de prêt, nous ayons exigé une présence
physique au niveau des conseils d'administration ou des comités de
direction. D'autre part, je voudrais seulement soulever une constatation que
l'on a faite au cours de nos expériences sur le danger d'être trop
présent. Lorsque les conseils qu'on peut donner ne sont pas suivis ou
qu'ils s'avèrent ne pas être les bons conseils et que cela tourne
mal, on dit: C'est le gouvernement qui nous a amenés là; ce n'est
pas le conseiller. Vous étiez présent; vous m'avez
conseillé de faire telle chose et regardez où j'en suis
aujourd'hui. De fil en aiguille, c'est l'État qui est responsable de
l'échec. Alors, c'est très délicat d'être une
présence. On devient une espèce de caution morale à tout
ce qui peut se passer dans l'entreprise par la suite. Vous étiez au
conseil d'administration, alors vous voyiez ce qui se passait. Donc, c'est
très délicat.
M. Brouillet: Pour revenir encore sur un point, le
capital-actions vous assure une présence à ce moment-là.
Quelle est la proportion des montants d'argent sous forme de prêts
à l'investissement et sous forme de capital-actions? Est-ce à
peut près moitié-moitié? Je crois qu'il y a beaucoup plus
de prêts. La proportion sous forme de prêts, est beaucoup plus
considérable que celle sous forme de capital-actions. (21 heures)
M. Bouthillier: On va vous donner les chiffres, mais c'est une
statistique qui est forcément imprécise justement, comme je le
disais tantôt, parce que, très longtemps, on n'appelait pas les
choses par leur nom. On faisait des prêts non garantis qui auraient
dû être du capital-actions ou qui procédaient du capital de
risque, mais on les appelait des prêts de telle sorte que toute
statistique là-dessus est forcément imprécise.
M. Brouillet: Actuellement, quels sont les critères qui
vous font opter pour la forme capital-actions plutôt que prêt dans
telle entreprise? Est-ce qu'il y a des critères qui vous guident?
M. Bouthillier: La formule juridique capital-actions, des actions
ordinaires, c'est très rare qu'on va en faire. On va en faire dans des
projets vraiment prioritaires où on est là avec une participation
massive, avec d'autres partenaires, et généralement ça se
fait au début d'un projet, au début d'une
société.
M. Brouillet: Comme le consortium pour le câble.
M. Bouthillier: Oui, ce serait un cas.
M. Deschênes: Généralement, les cas où
vous avez besoin de liquidités pour lesquelles vous ne voulez pas avoir
un retour immédiat; par exemple, au niveau du consortium que vous citez,
il est certain que la première année - pour ne pas dire que c'est
une certitude absolue - vous n'aurez pas de revenu. Vous allez investir, vous
allez prospecter le marché, vous allez peut-être obtenir des
contrats, mais, avant d'en avoir réalisé une partie et d'obtenir
les honoraires auxquels vous avez droit, il se passe un certain temps. Il faut
donc que vous financiez cet élément. Vous pouvez le financer
à partir des liquidités que vous y consentez, du capital-actions,
à partir d'une marge de crédit que vous obtenez, à partir
d'une garantie de prêt et à partir de prêts.
Mais, normalement, vous voulez avoir un capital relativement raisonnable
pour vous assurer d'une base correcte au niveau de l'équité de la
société. On a parlé du spectacle de Jean Lapointe
aujourd'hui, aussi; nous savions - et on le sait toujours, ça s'est
confirmé - que c'est un investissement à long terme. Cela aurait
été bizarre de dire au producteur et à la compagnie en
cause: Écoutez, au lieu d'investir 100 000 $, on va vous prêter
100 000 $ et ça va vous coûter 13%, 14%, 12%, peu importe. Ils
auraient été obligés de puiser à même les
revenus qui sont insuffisants la première année pour nous
rembourser, donc hypothéquer leur entreprise. Donc, on dit: C'est un
risque, c'est une priorité chez nous, on y va ensemble.
Un autre exemple que je vous donne, c'est celui de la
télévision payante. Dans ce cas, c'est un prêt convertible
que nous avons à l'intérieur. Le prêt convertible nous
permet, parce qu'on l'a exigé, tous les privilèges qu'aurait une
participation en capital-actions. Donc, on est membre du comité de
direction, du comité exécutif, on est membre du conseil
d'administration. Nous avions le droit de veto sur l'engagement du
président-directeur général, c'est-à-dire qu'il
fallait que les parties soient unanimes pour l'engagement du
président-directeur général, nous sommes membres du
comité de programmation. Enfin, tous les privilèges qui sont
associés à du capital-actions, nous les avions en vertu d'un
prêt convertible.
Ce montant de 3 000 000 $ n'apparaît pas dans les statistiques
puisque c'est un prêt. Je vous donne les statistiques. Au niveau des
prêts, il y en a pour 30 000 000 $ à ce jour. Au niveau des
garanties de prêt, il y en a pour 3 500 000 $. Au niveau des
investissements, il y en a pour 1 230 000 $, pour un total d'environ 34 820 000
$.
Je reviens sur un exemple, celui du consortium et celui de SOMAR - c'est
quand même des investissements en capital-actions de 20 000 $. Ce n'est
pas énorme. De sorte qu'au niveau du capital-actions, normalement, ce ne
sont pas des montants élevés. Je comprends que 100 000 $ - il
faut s'entendre - c'est quand même un montant substantiel dans le cas de
la compagnie de Jean Lapointe, mais il reste que ce sont des investissements
qui arrivent très rarement alors qu'au niveau des prêts tes
prêts de 100 000 $ aux industries culturelles ne sont pas rares. Les
prêts en dessous de 100 000 $ sont plutôt rares.
M. Brouillet: Très bien, merci.
Le Président (M. French): M. le député de
Louis-Hébert.
Privatisation de Radio-Québec
M. Doyon: Merci, M. le Président. J'aimerais qu'on regarde
un peu les interventions que la SODICC envisage de faire dans le domaine de la
télévision. Actuellement, il y a un débat qui s'amorce et
qui est rendu à un certain niveau, c'est-à-dire le débat
qui concerne la privatisation de Radio-Québec. J'ai eu l'occasion
d'interroger le ministre des Communications qui est ici afin d'obtenir certains
renseignements. On apprend, aujourd'hui, par le journal, que la création
d'une deuxième chaîne privée de télévision de
langue française est discutée; il y a eu un comité
technique qui s'est penché là-dessus. On apprend assez
curieusement, dans le même article, que des fonctionnaires - je le dis
pour situer le débat - du ministère des Communications
étaient à ce comité technique, qui était
normalement le comité technique de Radio-Québec visant à
informer le ministre des Communications de la situation et d'un certain nombre
d'hypothèses qui pouvaient être retenues ou pas. Dans ce que vous
écrivez à ce sujet, vous dites que vous envisagez, vous examinez
la possibilité de développement au Québec d'une
chaîne québécoise, etc.
Est-ce que vous pouvez situer une intervention possible de la SODICC,
advenant que la privatisation de Radio-Québec se fasse, par le moyen du
capital-actions de nature privée? Est-ce que vous pourriez, selon votre
loi, être impliqués de cette façon ou encore qu'une telle
privatisation puisse prendre la forme de coproduction avec l'entreprise
privée ou quelque chose du genre? Est-ce que vous avez examiné
ces possibilités pour voir comment une intervention de la SODICC
pourrait s'insérer dans une telle opération?
M. Deschênes: Dans un premier temps, je vous dirai que la
SODICC n'est pas associée au comité technique auquel vous avez
fait référence, lequel étudie la privatisation de
Radio-Québec. D'autre part, les consultations, les échanges de
propos que nous avons avec le ministère des
Communications et ses officiers sont suffisamment fréquents, je
dirais suffisamment informels et de bon aloi pour nous permettre de savoir
comment ce dossier évolue au niveau de la pensée du
ministère des Communications. Donc, sans être au fait du
détail de la privatisation ou des éléments qui pourraient
amener le gouvernement du Québec à suggérer, ou à
ne pas suggérer, que Radio-Québec se privatise, nous savons
l'évolution de la pensée du ministère des Communications
à cet égard.
Maintenant, quand nous avons identifié l'intérêt
d'une quatrième chaîne au niveau d'une participation de la SODICC,
c'était en vertu de l'intention du CRTC de demander des soumissions, des
demandes de licences pour octroyer effectivement une telle licence à des
entrepreneurs au niveau du Canada francophone et plus particulièrement
du Québec.
À ce moment-là, il y a eu des contacts qui se sont faits
entre des producteurs privés; enfin, je pense qu'on peut les nommer, ce
sont toujours les mêmes qu'on mentionne, Télémédia,
CFCF, Cogéco...
Une voix: La Presse.
M. Deschênes:... et La Presse. Alors, ce sont les quatre
intervenants qui regardaient à un moment donné, directement ou
indirectement, avec un intérêt plus élevé à
certains moments qu'à d'autres, la possibilité,
éventuellement, de soumettre au CRTC une demande pour cette
quatrième chaîne. On sait, aujourd'hui, que Cogéco a
effectivement soumis une demande d'octroi d'une licence pour une
quatrième chaîne.
Nos échanges de propos avec ces promoteurs ne sont jamais
allés plus loin que cela, sinon pour leur dire que nous étions
prêts à analyser une participation de la SODICC dans une
quatrième chaîne, à condition que les
éléments du dossier nous permettent de croire, toujours avec les
mêmes critères, à la rentabilité de l'entreprise.
Évidemment, nous voulions être assurés que, dans
l'éventualité où il y ait une demande, la quatrième
chaîne va nécessairement vivre ou, en tout cas, qu'elle a des
chances de survie raisonnables, qu'elle va aussi - cela est indiqué dans
notre plan de développement - participer au développement de nos
artistes, de notre production et de nos industries et que les produits
audiovisuels, qui sont susceptibles d'être générés
pour cette chaîne, soient des produits qui, en bonne partie, vont
provenir du Québec. Il est clair que, s'il y avait une demande qui
était telle que les produits seraient des produits achetés, qui
viendraient d'un peu partout dans le monde sauf du Québec, notre
intérêt serait non seulement réduit, mais absent.
Donc, à ce niveau, l'intérêt de la
SODICC est présent, il n'y a pas de démarches qu'on peut
appeler formelles qui ont été faites et, même s'il y avait
des demandes formelles qui nous avaient été faites, quand il
s'agit d'un permis d'un organisme comme le CRTC, nous identifions seulement un
intérêt à regarder, à analyser le dossier, mais une
fois que le permis aura été accordé par le CRTC. De sorte
que, pour reprendre l'exemple des quatre promoteurs qu'on mentionnait
tantôt, ils pourraient tous les quatre venir chez nous aujourd'hui nous
demander une lettre manifestant notre intérêt; ils auraient tous
les quatre une lettre disant: Oui, effectivement, à la condition qu'un
certain nombre de critères soient respectés, à la
condition qu'un certain nombre d'objectifs soient réalisés, nous
accepterions d'analyser avec beaucoup de plaisir un dossier pour une
quatrième chaîne au Québec.
M. Doyon: Est-ce que l'arrivée de Radio-Québec dans
le décor, d'une façon ou d'une autre, peut modifier l'approche ou
la réception qui serait faite par votre organisme à des demandes
d'entrepreneurs privés intéressés à obtenir du CRTC
un permis de diffusion pour une chaîne supplémentaire au
Québec? Est-ce que la présence de Radio-Québec ne change
pas fondamentalement votre intervention? Ce qui me paraît un petit peu
spécial là-dedans, c'est que votre organisme est un organisme
public, bien sûr contrôlé par l'État, avec des fonds
publics, etc., et il viendrait possiblement - vous me direz si je me trompe -
épauler indirectement, vous allez me dire, des tentatives de
Radio-Québec d'obtenir un permis du CRTC pour prendre le créneau,
justement, qui semble être destiné à une chaîne
supplémentaire de télévision.
Il y aurait une espèce - je ne sais pas comment appeler cela -
d'intervention double de l'État au niveau de Radio-Québec et au
niveau de l'organisme qui est la SODICC qui interviendrait, j'imagine, par le
biais des capitaux privés ou des producteurs privés en même
temps que Radio-Québec modifierait en quelque sorte sa vocation
première qui est éducative et culturelle pour élargir son
éventail, possiblement en tout cas.
M. Deschênes: Ce que je pourrais vous dire sur cette
question, M. le député de Louis-Hébert, ce sont
essentiellement deux choses: d'une part, la SODICC n'est, jusqu'à
maintenant et j'y vais de mémoire, qu'une seule fois intervenue, et
c'était dans des circonstances exceptionnelles et pour une
période très limitée, auprès d'une
société d'État du gouvernement du Québec.
Ce n'est pas notre habitude d'intervenir auprès d'une
société et, à moins de circonstances exceptionnelles - je
n'exclus donc rien - nous n'investirions pas dans une
société d'État puisque, effectivement, comme vous
le dites fort bien, ce sont peut-être des capitaux qui sont
utilisés pour une société d'État alors que cette
société d'État, normalement, de par son mandat, si on
prend Radio-Québec dans son statut actuel en tout cas, reçoit son
budget du gouvernement à travers les mécanismes que vous
connaissez qui sont habituellement, pour la majeure partie, une subvention et
il y a les commandites, ainsi de suite, auxquelles Radio-Québec peut
recourir pour compléter son budget.
Donc, sur Radio-Québec tel qu'elle est actuellement, il est peu
probable que nous ayons à intervenir et que nous ayons même une
demande d'intervention. Je précise toujours: à moins de
circonstances exceptionnelles ou sauf dans des circonstances exceptionnelles,
ces circonstances pouvant nous amener à modifier notre position, mais
cela serait vraiment exceptionnel.
Maintenant, si on parle de Radio-Québec comme il en est question
aujourd'hui, c'est-à-dire, pour bien s'entendre, d'une chaîne qui
deviendrait en partie une chaîne éducative au sens plus
académique qu'éducation des adultes, d'une part, et, d'autre
part, pour la seconde partie, une chaîne qui serait mi-publique,
mi-privée, à ce moment, c'est certain que notre position serait
évaluée en fonction de la participation privée qui y
serait. (21 h 15)
Je peux vous dire que, dans ce cas qui a déjà fait l'objet
de réflexions chez nous, qui a déjà fait l'objet
d'échanges aussi avec des promoteurs privés, avec des gens du
ministère des Communications, on n'a jamais été
réticents à regarder cette chose et à l'évaluer en
temps opportun. J'insiste pour vous dire qu'à la SODICC nous n'avons pas
actuellement d'échanges sérieux, de demandes formelles en ce sens
et que, si cette chose se réalise ou se réalisait, cela se ferait
avec une participation de notre société. Mais il reste que, dans
le cas d'une quatrième chaîne privée, je dois
reconnaître que, lorsque nous avons écrit notre plan de
développement, quand nous l'avons soumis à la consultation, la
quatrième chaîne, qui était en discussion à ce
moment, était une quatrième chaîne entièrement
privée au sens de la propriété. Ce n'est qu'après
quelques mois de discussions, d'évaluation des coûts, etc., que
s'est développée l'hypothèse que Radio-Québec
pourrait être cette quatrième chaîne et que l'industrie
privée, que les promoteurs privés ne trouvaient pas suffisamment
de rentabilité à court terme dans une chaîne semblable pour
y investir à ce moment-là, c'est-à-dire que les chances de
succès étant à ce point faibles, l'industrie privée
hésitait. Maintenant, cela ne veut pas dire que l'industrie
privée n'ira pas, demain, demander une chaîne qui sera
effectivement totalement privée ou à peu près.
M. Doyon: Quand vous dites que l'industrie privée
hésite et considère que la rentabilité d'une chaîne
supplémentaire de télévision est incertaine, il faudrait
voir à la mettre dans une situation à savoir si elle est
prête à faire cette demande. Il faudrait que la situation de
Radio-Québec soit connue le plus tôt possible, de façon que
les intervenants privés sachent à quoi s'en tenir. La situation
est tellement floue, actuellement, que personne ne sait trop sur quel pied
danser.
Pour continuer un peu dans la même veine, avec la permission du
président, j'aimerais vous demander si la SODICC est impliquée
dans ce que fait Radio-Québec actuellement avec la nouvelle
émission des Variétés Michel Jasmin. Est-ce qu'elle
pourrait l'être en finançant ou en garantissant des prêts,
ou en prêtant de l'argent au producteur de cette émission qui la
fait retransmettre par Radio-Québec? Est-ce là le genre
d'interventions possibles par la SODICC avec sa loi actuelle? Est-ce que cela
se produit actuellement ou est-ce qu'il y a des projets en ce sens, de
façon à alimenter, par le biais de coproductions privées,
Radio-Québec en tant que diffuseur et émetteur?
M. Deschênes: Pour être précis, nous n'avons
pas, actuellement, d'intervention avec le producteur qui est à l'origine
des Variétés Michel Jasmin. Au niveau du principe, toutefois,
nous n'avons aucune objection à intervenir auprès d'un producteur
qui voudrait réaliser des émissions qui seraient diffusées
à l'une ou l'autre des chaînes, quoique notre intervention,
à ce moment, se ferait en étroite consultation avec la
Société générale du cinéma qui, elle,
investit sur des projets. Comme je le disais plus tôt aujourd'hui, notre
intervention se ferait beaucoup plus au niveau d'une entreprise qu'au niveau
d'un projet. Mais là, il faut faire attention, la ligne est plus
difficile à faire entre des sociétés de production
audiovisuelles qu'elle ne l'est dans des sociétés de production
de biens, comme des éditeurs ou d'autres produits culturels, qu'on
pourrait nommer, des spectacles, etc.. Mais, effectivement, il y a des
producteurs qui pourraient être intéressés à faire
des séries. Il y en a qui en font et qui ne vendent leurs droits qu'une
fois, ce qu'on appelle une émission pilote réalisée. C'est
généralement là où le risque est le plus grand et
ce n'est certainement pas exclu, de par notre loi ou de par nos
règlements ou nos pratiques, que nous puissions intervenir dans une
industrie semblable.
Le Groupe Musique Experts
M. Doyon: Quelques questions supplémentaires, M. le
Président, qui concernent un certain nombre de dossiers que vous avez eu
l'occasion d'étudier et d'approuver ou de refuser. J'en ai touché
quelques-uns avant le souper.
J'aimerais référer aux dossiers portant les nos 153-1,
153-2, 153-3, 153-B, de même que 153-C, 153-D et 153-E qui concernent
tous le Groupe Musique Experts où, d'après ce que je peux voir,
il y a eu un premier prêt consenti de 700 000 $ en 1981. Il existe au 31
juillet 1984 des arrérages de capital de 103 500 $ et on indique que ce
prêt était destiné à participer à la
création d'une maison intégrée de production
jusqu'à la vente au détail dans le secteur du disque.
Voici la question que je veux vous poser. Je m'aperçois qu'il y a
des arrérages sur ce prêt de 700 000 $, qu'il y a eu après
coup plusieurs autres prêts de différentes natures et que certains
d'entre eux ont des arrérages d'intérêt ou de capital.
J'aimerais que vous m'expliquiez quelle est la façon dont vous
procédez. Est-ce qu'un groupe tel que le Groupe Musique Experts à
qui vous consentez un prêt selon certaines conditions et qui, donc,
s'engage à faire des remboursements selon un échéancier
précis, connu et accepté, peut revenir devant vous et obtenir de
nouveaux prêts, étant en défaut sur son premier prêt
pour une raison ou pour une autre, sans avoir été capable de
respecter ses engagements au préalable? J'ai de la difficulté
à comprendre si on n'a pas respecté les premiers engagements
qu'on avait accepté de respecter, qu'après l'on revienne et l'on
puisse vous convaincre de réinvestir et de prêter 250 000 $
à plusieurs reprises, en ayant ces arrérages en souffrance.
M. Deschênes: Le cas du Groupe Musique Experts, c'est un
dossier complexe qui date d'un certain nombre d'années maintenant et qui
était basé sur un objectif qui est le suivant: pour l'industrie
du disque québécois, la promotion ou la stimulation de la
production doit se faire non seulement au niveau de la production
elle-même, mais au niveau de la présence des produits du disque
québécois dans les points de vente dans les magasins. Il a
été pensé à ce moment-là qu'il serait
souhaitable d'avoir une entreprise intégrée qui produit des
disques - ici, cela s'appelle Kébec Disques - et qui distribue des
disques - cela s'appelle Diskade Inc - et au niveau des points de vente, cette
entreprise en a à Québec et aussi ailleurs qui s'appellent le
Groupe Musique Experts. L'intégration de tout cela s'appelle le Groupe
Musique Experts.
Alors, quand ce concept a été reconnu comme étant
intéressant et que la SODICC a accepté d'y investir, il y a eu
des années que j'appellerais de réussite assez exceptionnelle. On
était dans les bonnes années du disque. Ce qui n'avait pas
été prévu par le Groupe Musique Experts et qui n'avait
été prévu par personne d'ailleurs au niveau de
l'industrie, c'est ce que j'appellerais la baisse de la demande au niveau du
disque en général et au niveau de la demande du disque
québécois plus particulièrement, de sorte que ce concept a
toujours conservé son intérêt, mais que sa
rentabilité au niveau de l'entreprise qu'est le Groupe Musique Experts a
été mise en sérieuse difficulté. C'est une
intervention que nous avons faite et que nous avons continué de faire
avec une institution financière qui est, d'ailleurs, dans ce dossier,
où vous voyez dans certains cas que c'est une garantie de prêt que
nous consentons auprès d'une banque et qui n'est pas pour la
totalité du prêt consenti auprès de la banque, mais pour
une partie seulement. De sorte que, en général, nous n'avons pas
de réticence à revoir chez nous des entreprises qui ont des
difficultés et qui requerraient, pour les régler convenablement,
une nouvelle participation de notre part ou une participation financière
supérieure à celle qui a été
considérée.
Dans le cas du Groupe Musique Experts, nous sommes effectivement
intervenus à plusieurs reprises de façon différente dans
certains cas. Nous y sommes maintenant au niveau du capital-actions pour un
montant de 600 000 $, comme l'indique le dossier, ce qui nous donne 49% des
actions.
Maintenant, le montant consenti au niveau du capital-actions a un double
objectif. D'une part, ça met là un montant en liquidités
sur lequel l'entreprise n'a pas à payer d'intérêt, puisque
c'est du capital-actions qui, normalement, avec la valeur de l'entreprise,
devrait croître; avec les années, on verra à obtenir un
rendement sur le capital-actions investi. Donc, ça libère
l'entreprise d'un certain fardeau financier immédiat, mais non pas
à long terme.
D'autre part, au niveau des autres prêts qui sont là, soit
des prêts sous une forme conventionnelle ou des garanties de prêt,
nous acceptons de retarder le paiement de certains montants
d'intérêt face à certains objectifs que nous essayons de
réaliser avec eux. C'est un cas où nous sommes présents au
niveau du comité de gestion compte tenu de la fragilité de ce
dossier. Il y a aussi la banque qui est avec nous là-dedans.
Tout ça pour vous dire que, dans le domaine du disque au
Québec, le point le plus délicat, c'est au niveau de la
production. Les coûts de production sont élevés. Si vous
n'êtes pas capable de générer suffisamment de demande ou de
faire en sorte que le produit soit suffisamment demandé, vous avez des
problèmes. Comme le disque québécois, sa demande
actuellement
n'est pas à son plus haut niveau, n'est pas ce qu'elle a
été auparavant, si vous n'intervenez pas au niveau de la
distribution et au niveau de la vente, ça peut nuire à la
production de disques québécois.
Je peux vous dire, par exemple, que statistiquement, dans les magasins
contrôlés par Musique Experts et qui affichent d'une façon
supérieure aux magasins conventionnels - on peut penser à Sherman
ou à d'autres de cet ordre - le disque québécois dans
leurs vitrines, au niveau des étagères, ainsi de suite, le taux
de vente par rapport à l'ensemble des ventes de ces magasins est de 20%
de disques québécois, alors que, dans les magasins
conventionnels, c'est de 15%. De 15% à 20%, c'est quand même
suffisamment important pour croire que cette initiative a du mérite. Je
ne peux tout de même pas vous garantir que ce sera un succès, mais
nous avons bon espoir que les difficultés principales ont
été absorbées, que l'avenir est meilleur, que la demande
va croître - on le sent déjà - et que la rentabilité
va être atteinte.
Maintenant, nous sommes prêts à attendre dans le cas de
dossiers si l'entreprise en cause peut nous laisser entrevoir une chance
qu'elle va sortir de ses difficultés, et c'est le cas ici. Donc, pour
être encore plus précis sur votre question, nous avons revu avec
cette entreprise à plusieurs reprises ses dossiers, nous l'avons fait
dans certains cas avec la banque, nous l'avons fait aussi avec des conseillers
externes, qui étaient externes à la banque, externes à la
SODICC et externes à l'entreprise, pour nous donner un
élément de réflexion, un élément qui nous
aiderait à mieux prendre position dans ce dossier. Cela donne
l'élément que vous connaissez maintenant, c'est-à-dire le
dossier tel qu'il vous est présenté dans les fiches.
M. Doyon: Merci. Je souhaite avec vous que la situation
s'améliore de façon que les montants qui sont investis là
soient préservés. Si je comprends bien, il n'y a pas eu de
provisions pour perte.
M. Deschênes: Oui.
M. Doyon: Il y a eu des provisions pour perte, quand
même.
M. Deschênes: C'est-à-dire que la provision
consentie au 31 mars pour le bilan que vous avez, elle était de 600 000
$. C'est un dossier qui est jugé délicat. Évidemment,
quand vous avez des arrérages dans les paiements, quand vous êtes
obligé de prendre les mesures que nous avons prises, la conversion de
prêts en capital-actions et tout ça, le vérificateur juge
que ce sont toutes des mesures qui identifient la précarité du
dossier et, en conséquence, il lève le montant de la
provision.
Le Président (M. French): Là-dessus, très
brièvement, M. le président, pouvez-vous nous dire - je ne vous
en tiens pas rigueur -compte tenu que le vérificateur a
été tellement exigeant, qu'il n'y a pas d'autres mauvaises
surprises dans la boîte? Est-ce qu'on peut le savoir?
M. Deschênes: Dans ce dossier?
Le Président (M. French): Pas dans ce dossier, dans la
gamme, l'éventail des investissements. Il semble bien que le
vérificateur est très exigeant. (21 h 30)
M. Deschênes: Oui.
Le Président (M. French): Vous avez, d'une part, quelques
projets qui n'ont pas abouti, mais pour lesquels vous avez bon espoir qu'ils
vont aboutir de façon positive, soit quelques investissements dans le
patrimoine. D'autre part, vous avez même certains espoirs face aux
dossiers plus ou moins douteux, pour lesquels le vérificateur
était prêt à insister sur les provisions pour perte.
M. Deschênes: Nous avons effectivement un certain nombre de
dossiers que j'appellerais plus préoccupants que d'autres. On les a
identifiés, je ne sais pas si Guy en a une liste à l'esprit.
Le Président (M. French): Vous avez ceux pour lesquels il
n'y a pas de provisions pour perte, mais qui pourraient quand même
créer des problèmes dans l'avenir.
M. Deschênes: II n'y a pas de dossiers qu'on appellerait
délicats qui n'ont pas de provisions. Tous les dossiers délicats,
c'est la nature même de la provision, nous amènent à y
mettre une provision. Quand on parle du vérificateur, évidemment,
c'est le
Vérificateur général qui vient une fois par
année.
Le Président (M. French): Tout ce que je vous dis, c'est
que vous m'avez rassuré beaucoup avec cela, en m'expliquant, par rapport
à un certain nombre de cas, comment le Vérificateur
général est exigeant. Mais je vous avoue qu'on a vu certains
vérificateurs - ce n'étaient pas les vérificateurs
généraux, ni du fédéral, ni du provincial -
d'organismes publics qui se sont montrés complaisants. Je ne citerai pas
de cas. Vous êtes en train de me rassurer. Je pense que, dans la
situation qui nous préoccupe, les 16% sont très légitimes.
Ce n'est pas du tout 16% sur lesquels on doit dire: Bien, est-ce 20% ou 25%.
C'est vraiment 16%. Pour le mettre de façon très
grossière, c'est sur cela que j'essaie d'avoir votre
réaction.
M. Bouthillier: Sans entrer dans les détails, le
vérificateur applique ses règles d'une façon assez
inhumaine, je dirais, dans le sens qu'il ne veut avoir aucune explication, il y
va d'une façon tout à fait automatique en fonction de
règles; le dossier a tant de retard, je le provisionne à tant
pour cent; les explications, il ne veut pas les connaître, il y va d'une
façon tout à fait automatique et très conservatrice. Donc,
il n'y a pas de marge d'erreur, en tout cas, je ne pense pas qu'il y en ait
à la hausse; s'il y en a, cela va être à la baisse.
Le Président (M. French): C'est cela que je voulais savoir
et, pour ma part, c'est très rassurant. Je m'excuse, M. le
député, je ne voulais pas...
M. Deschênes: Ce que je pourrais peut-être vous dire
sur cela, c'est que, actuellement, la provision identifiée pour le
dossier du Groupe Musique Experts est de 723 859 $. Maintenant, la personne qui
est chargée de l'administration chez nous, Mme Parent, qui
malheureusement, n'est pas avec nous aujourd'hui parce qu'elle est à
l'extérieur du Québec et du Canada, applique l'esprit du
Vérificateur général pour que, lorsque celui-ci arrive, ce
qu'elle a comme données corresponde à ce que le
Vérificateur général attend. Sinon, le Véricateur
général dirait: Vous avez un problème de gestion chez
vous. De sorte que si le Vérificateur général vient au 31
mars 1985, et il viendra, normalement, les chiffres que notre directrice de
l'administration lui donnera devraient correspondre à peu près
à ce que le Vérificateur général va
déterminer. Sinon, on a un problème de compatibilité entre
nous et le Vérificateur général.
Quand je vous parlais des données statistiques à ce jour,
tout au cours de la journée, c'était basé,
évidemment, sur des méthodes comptables qui correspondent
à celles du Vérificateur général.
Le Président (M. French): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Bouthillier: Je pourrais peut-être rajouter quelque
chose...
Le Président (M. French): Excusez-moi, M. Bouthillier.
M. Bouthillier:... sur le dossier du Groupe Musique Experts, qui
ne ressort pas des fiches qui vous ont été remises. Lorsque nous
avons décidé de convertir 600 000 $ de créances en
capital-actions de façon à alléger les ratios financiers
et ainsi de suite, on a exigé que nous soient transférés
49% du capital-actions. En plus, on a exigé d'avoir une clause dans la
convention entre actionnaires à savoir que, sur demande, on peut
convertir, pour 1$, 2% additionnels de capital-actions; donc, sur demande, on
peut prendre le contrôle.
C'est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de
la tête des dirigeants. C'était à la suite, enfin, de
certaines mauvaises budgétisations et de certains mauvais
résultats. Cela a, cependant, comme résultat que, somme toute,
dans nos interventions potentielles ou dans les mécanismes qu'on a
à notre disposition pour appliquer notre plan ou appliquer un plan
quelconque dans l'industrie du disque, cela peut devenir le cheval de bataille
pour y arriver, l'outil d'intervention. On ne peut pas considérer ce
dossier, maintenant, seulement comme étant un intervenant parmi
d'autres, un bénéficiaire parmi d'autres de nos
interventions.
M. Deschênes: Toute cette question du disque au
Québec fait l'objet de sérieuses réflexions non seulement
de la part de la SODICC, mais de la part de la majorité des industriels
qui sont dans ce domaine actuellement et qui, dans certains cas,
réfléchissent avec nous. On a eu des échanges avec ce
qu'on peut appeler d'autres intervenants qui sont, jusqu'à un certain
point, des compétiteurs de Musique Experts. Ces réflexions
pourraient amener une conclusion qui serait un peu une rationalisation de
l'industrie du disque au Québec. On n'en est pas là encore, mais,
quand on réfléchit ensemble, les intéressés au
disque au Québec, à l'industrie du disque au Québec, on
pense toujours dans l'esprit d'une rationalisation qui amènerait une
meilleure présence du disque québécois dans les points de
vente et qui amènerait une meilleure production aussi.
Actuellement, je l'ai mentionné au cours de la journée et
je le redis, les coûts de production sont tellement élevés,
le nombre d'exemplaires vendus par disque nécessite en
conséquence d'être aussi tellement élevé que la
relève s'identifie difficilement. Les producteurs ont de moins en moins
tendance à prendre des risques avec des jeunes talents prometteurs, de
jeunes artistes qu'ils pourraient détecter et pour lesquels ils
accepteraient de prendre un risque en vertu d'une carrière qui pourrait
s'avérer intéressante.
Le Président (M. French): Vous me permettrez, M. le
député. Cela rejoint les préoccupations que le
député de Mille-Îles a soulevées ce matin. J'ai deux
réflexions; ce qui me fascine dans tout cela, c'est la relation entre
les affaires, la culture et la situation québécoise; c'est
très intéressant. Les jeunes musiciens francophones n'ont-ils pas
maintenant un peu tendance à s'identifier
davantage qu'ils ne le faisaient il y a dix ou quinze ans au
marché nord-américain ou au marché anglophone? N'est-il
pas vrai que c'est le problème de la relève que, dans une
certaine mesure, ils sont amenés à commencer à jouer,
comme ils disent - parce que je les connais, j'ai de la parenté dans le
domaine - des "tounes" américaines, donc chantées en anglais, et
qu'ils sont donc pris dans cette forte pression culturelle qui existe, qui
domine le marché non seulement nord-américain, mais mondial?
M. Deschênes: C'est une constatation que nous faisons
aussi. Je pense que chacun d'entre nous, individuellement, constate que les
jeunes groupes surtout ont tendance à chanter en anglais, à
créer des chansons, des "tounes", comme vous le dites et comme on le dit
aussi, anglophones et à suivre un peu le style américain.
Maintenant, c'est peut-être plus vrai aujourd'hui que cela ne
l'était auparavant, quoique cela ait toujours été une
tendance des jeunes chez nous de suivre, disons, l'orientation mondiale qui
venait, dans certains cas, de la Grande-Bretagne quand on parle des Beatles, ou
qui venait des États-Unis, dans d'autres cas. On a mentionné Boy
George, Culture Club et Michael Jackson aujourd'hui. C'est certain qu'il y a un
attrait considérable de la part des groupes d'une part. D'autre part,
ils souhaitent percer et, pour percer, pensent-ils, pour obtenir une
réputation, il faut aller sur le marché anglophone, il faut aller
aux États-Unis et conquérir le marché
américain.
Maintenant, il y a des Québécois, des Canadiens qui ont
réussi, qui réussissent. On a mentionné Men Without Hats
aujourd'hui qui a, d'ailleurs, reçu pour une deuxième
année consécutive un Félix au gala de l'ADlSQ dimanche
dernier.
Le Président (M. French): Ce sont des anglophones, je
pense.
M. d'Astous: Le compositeur est francophone et les
interprètes sont anglophones.
Le Président (M. French): C'est très
intéressant.
M. Deschênes: C'est un groupe québécois.
Le Président (M. French): Cela, je le sais.
M. Deschênes: C'est vrai que le problème que vous
mentionnez ou la situation à laquelle vous faisiez allusion,
c'était évidemment celle de francophones qui chantent maintenant
en anglais.
Le Président (M. French): Mais nous n'avons qu'à
penser à ce qu'on aurait perdu si Michel Rivard et Pierre Bertrand
avaient commencé à chanter en anglais. Cela aurait
été une tragédie. Pour moi, en tout cas, cela aurait
été littéralement une tragédie. Si les Michel
Rivard, les Pierre Bertrand, les Pierre Huot et les Robert Léger de
l'avenir allaient commencer en anglais, ce serait extrêmement triste.
Pour moi, cela changerait fondamentalement ma perception, nos espoirs
d'être différents et d'avoir une culture populaire qui parle
réellement aux gens.
Dans cette situation et s'attardant là-dessus parce que... Vous
avez dit au début, M. le président, cela m'a frappé, que
c'étaient non seulement les disques québécois qui
connaissaient des problèmes mais aussi tout le produit culturel
québécois. J'ai très bien saisi ce que vous vouliez dire
à ce moment-là. Mais dans votre dernière intervention,
vous avez peut-être rejoint davantage mon optique, à savoir que
l'industrie du disque a plus de difficultés que la plupart des autres
industries culturelles québécoises. Je ne sais pas si j'ai raison
ou non. Je vous pose la question...
M. Deschênes: Je serais porté...
Le Président (M. French):... de façon brutale
mais...
M. Deschênes:... à partager votre avis. Mais
j'insiste pour dire que nous avons maintenant des signes qui indiquent qu'il y
a une reprise et que celle-ci pourrait être très
bénéfique pour l'industrie du disque. Cela ne veut pas dire que
nous ne sentons pas une reprise dans le produit culturel en
général mais je suis, en tout cas personnellement, tenté
de partager, pour ne pas dire que je partage, votre opinion sur le fait que,
dans les produits culturels, celui qui est le plus sérieusement en
danger, c'est celui du disque, particulièrement au niveau de la
création et de la relève.
Le Président (M. French): Si c'est le cas, quel genre de
facteurs pourrait-on identifier? On peut identifier la baisse du disque
nord-américain ou la baisse du disque, point, pas le disque
québécois. J'ai dit au vice-président que, lorsque vous
avez parlé de la baisse du disque, je me suis rendu compte que je
n'achetais plus de disque. J'achète un disque par année alors que
j'en achetais 30 ou 40 avant 1980. Peut-être que je vieillis, mais je
remarque que je ne vieillis pas tout seul! J'étais peut-être de la
génération du début du "baby-boom", qui commence à
sortir de l'époque où ils achetaient les disques et cela se voit
dans le marché. C'est peut-être le lien qui s'est fait entre le
vidéo et le disque et l'impact du
câble à la grandeur de la province et non seulement dans la
région métropolitaine. Cela est une autre hypothèse qui
est peut-être valable. C'est réglé?
M. Deschênes: Le problème, à mon avis, M. le
Président, est complexe. Je pense que vous faites allusion à un
ensemble de paramètres qui, effectivement, font ressortir la
complexité de ce secteur industriel qu'est le disque. Je peux vous dire
que nous estimons que les locomotives que nous avions au Québec, jadis,
n'existent plus ou à peu près plus. Nous avons connu au
Québec, à un certain moment, des émissions de
télévision, qui étaient à Radio-Canada ou à
Télé-Métropole, peu importe, qui faisaient ressortir, qui
montraient les artistes y inclus les artistes de la relève, les nouveaux
talents qui étaient découverts, lesquels étaient
présentés au public québécois qui pouvait
réagir et les apprécier. Si ce public les appréciait,
éventuellement la demande pour ces artistes croissait et il y avait les
disques, les émissions et ainsi de suite. Nous n'avons que peu de
locomotives de cet ordre aujourd'hui.
Le Président (M. French): Il y a peu d'émissions
comme cela.
M. Deschênes: Il y a peu d'émissions comme cela, et
il y a peu de locomotives d'autres sortes aussi.
Le Président (M. French): Oui.
M. Deschênes: On vous a dit, aujourd'hui, que la
comédie musicale, à notre avis, pouvait être une de ces
locomotives. Nous y croyons sincèrement à cette locomotive. Mais
ce n'est pas une locomotive qui va devoir fonctionner seule, il va falloir
qu'elle le fasse avec la télévision, avec le disque, avec la
relève, avec les artistes qui sont bien établis, ainsi de suite.
Il va falloir que les artistes bien établis acceptent d'être un
peu la locomotive. Peut-être des gens qui vont s'associer de jeunes
talents qui sont inconnus et qui vont devenir un jour plus connus, qui vont
prendre la place des artistes bien connus aujourd'hui. Il y a un ensemble de
mécanismes qui font qu'à un moment donné, les artistes
sont connus, l'industrie va et quand cela commence à tourner, c'est un
engrenage qui va très rapidement.
Mais nous n'avons pas, aujourd'hui, cet ensemble de base qui nous permet
de mettre en orbite notre industrie du spectacle, du disque, nos artistes
eux-mêmes.
(21 h 45)
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Vous avez mentionné le fait qu'il y a
beaucoup moins d'émissions de télévision qui permettent la
promotion des nouveaux talents, et tout. Est-ce que vous voyez une vraie cause
à cela? Comment cela se fait-il? Est-ce que ce n'est plus suffisamment
rentable ou quoi?
M. Deschênes: Je pense que la rentabilité est le
gros point, le point majeur, le point le plus important qu'invoquent les
télédiffuseurs. Effectivement, ces derniers disent:
Écoutez, nous vivons avec la cote d'écoute, la cote
d'écoute, c'est la publicité et la publicité, c'est ce qui
nous permet de faire des émissions. Si on fait des émissions - je
caricature un peu - avec des artistes québécois et que
l'émission n'est pas vue, la cote d'écoute descend, la
publicité qu'on paie pour cette émission, les commanditaires qui
apparaissent à cette émission paient moins, on a donc moins de
revenus; moins de revenus, moins d'émissions. C'est un peu un cercle
vicieux qui fait que les télédiffuseurs veulent aller avec des
artistes relativement sûrs, et ce sont souvent des vidéoclips
qu'ils obtiennent des États-Unis et aussi des artistes américains
qu'ils font passer sur leur réseau.
M. d'Astous: Ce qui explique peut-être l'absence
d'émissions de variétés à la télé, ce
sont deux autres facteurs, l'émission clé d'une programmation
télé, maintenant, ce sont les téléromans et le
sport. Le variété occupe une place de plus en plus restreinte
entre ces deux géants. Il y a eu aussi une certaine latitude par rapport
aux émissions de variétés des anciennes formules des
années soixante-dix. Les cotes d'écoute de ces émissions
baissaient d'une façon constante.
Il y a un autre facteur aussi. Il faut dire que la télé
est devenue le diffuseur de spectacles faits par d'autres. C'est-à-dire
que Radio-Canada achète le spectacle de Beau Dommage, mais Radio-Canada
ne produit pas le spectacle original avec Beau Dommage. C'est la même
chose avec beaucoup de spectacles.
Le Président (M. French): Radio-Canada n'a pas
l'incitation de développer de nouveaux artistes. Elle laisse le
marché produire les artistes et achète...
M. d'Astous: Radio-Canada, Télé-Métropole,
l'ensemble des diffuseurs québécois sont dans la même
situation.
M. Bouthillier: Il y a deux autres points qu'on pourrait
peut-être ajouter à votre première question, puisqu'on a
dévié un peu, ce sont les causes de la baisse des ventes du
disque sur le plan mondial ou nord-américain. Ce que les auteurs nous
disent là-dessus - en fait, ils donnent deux raisons sociologiques
-c'est la spécialisation quasi continentale des
postes de radio. De plus en plus, les postes de radio sont
spécialisés dans des créneaux de musique bien
particuliers. Le consommateur de musique qui est plus jeune que nous tous ici,
le gros consommateur de musique, le jeune entre 15 et 20 ans, se branche sur
des postes de radio d'une façon bien particulière et a une gamme
bien spécialisée qui correspond exactement à ses
goûts. L'autre explication sociologique, c'est le développement
des moyens techniques permettant le piratage.
Le Président (M. French): La piraterie.
M. Bouthillier: Le piratage.
M. Champagne: Expliquez-nous donc, par exemple, je ne comprends
pas.
M. Bouthillier: C'est que vous pouvez vous procurer maintenant de
petites radio-cassettes enregistreuses, vous avez d'immenses radios que vous
voyez, maintenant elles sont construites avec deux cassettes. Vous pouvez en
faire jouer une d'un côté et enregistrer l'autre. Vous donnez
ça à votre petite amie... On en vend de très bonnes
cassettes, d'une très bonne qualité.
Le Président (M. French):...
M. Bouthillier: Vous pouvez en reproduire six ou sept, comme
ça, en l'espace d'une heure ou deux. Cela fait chuter les ventes.
Le Président (M. French): Ce qu'on devrait faire, c'est
qu'on devrait taxer les cassettes vierges et donner les revenus aux artistes
québécois via la SODICC.
M. Champagne: Voici, le député de
Louis-Hébert est contre la taxation des cassettes.
M. Doyon: On ne parle pas de la même cassette, vous
n'étiez même pas au courant du moyen technique auquel on se
référait.
Le Président (M. French): Je voudrais poser une
dernière question à nos invités.
M. Doyon: Je suis contre toutes les taxes, de toute façon.
Ce n'est pas compliqué.
Le Président (M. French): C'est une anarchie... Le
changement de valeur global qu'a connu la société
québécoise depuis dix ou quinze ans, qui est devenu très
clair depuis deux ou trois ans, est-ce aussi un facteur dans le changement de
consommation des produits culturels québécois?
M. d'Astous: C'est vrai que les produits québécois
à saveur nationaliste ou d'identité nationale ne sont plus ce
qu'ils étaient et ne reçoivent pas la même faveur
aujourd'hui. On parle maintenant de courants mondiaux, que ce soit de musique
punk, etc., qui abolissent complètement les frontières. Donc,
c'est vrai que pour l'ensemble le label québécois sur un produit
culturel n'est pas suffisant pour le faire vendre maintenant. Il faut qu'il
soit concurrentiel, et il faut qu'il se compare à la qualité d'un
produit "made in America", ou peu importe. Maintenant ce n'est pas la
provenance d'un produit qui fait que l'acheteur se présente dans un
magasin pour acheter un disque ou même n'importe quel autre produit. Le
cinéma en est un autre bel exemple.
M. Champagne: La solution c'est de créer davantage
l'esprit d'appartenance et de fierté.
Le Président (M. French): Est-ce à dire qu'on n'a
pas essayé de faire cela depuis quinze ans?
M. Champagne: Enfin, je pose la question et peut-être que
c'est la réponse.
Le Président (M. French): Je dois protéger nos
invités de ce genre de questions. Je n'aurais pas dû poser la
première, puis je dois arrêter l'interrogation. C'est un
débat que nous pouvons avoir. Avez-vous un autre question, M. le
député?
M. Champagne: Oui, j'aurais une autre question.
M. Doyon: Je n'ai même pas fini les miennes.
Le Président (M. French): Excusez-moi. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Je pense que j'ai fait preuve d'une certaine
compréhension...
Le Président (M. French): D'une grande patience oui, d'une
très grande compréhension.
M. Doyon: Mais les limites ont des bornes, comme dirait
l'autre.
Le Président (M. French): On s'excuse auprès de
vous.
M. Champagne:... ce soir, c'est bien cela.
Bécaud à la Baie James
M. Doyon: Vous ne me connaissez pas très bien, c'est pour
cela. Nous allons revenir à des préoccupations un peu plus
terre à terre. Je comprends qu'il est important qu'on discute de
ces choses. Je me réfère à ce que le
président-directeur général disait dans le sens que les
interventions de la SODICC s'adressaient à des entreprises et non
à des activités comme telles et que c'était l'approche
générale que préconisait et que privilégiait son
organisme. Je me réfère au dossier 193-B qui a accordé un
prêt de 90 000 $ à Télé-Music-Hall Inc. Je signale
aussi qu'il y a des arrérages, sur un prêt de 90 000 $, de 76 000
$ en capital et de 6700 $ en intérêts. On voit que le prêt
était destiné à produire un spectacle qui s'appelle
"Bécaud à la Baie James" et on indique que les coûts du
projet ont dépassé les prévisions et que les ventes
estimées ne se sont pas toutes matérialisées. Le solde du
prêt est remboursé par d'autres opérations de
l'entreprise.
Est-ce que c'est une exception à la règle que vous
édictiez tout à l'heure? Il me semble évidemment que le
prêt fait à l'entreprise Télé-Music-Hall Inc. semble
être fait dans un but bien spécifique, c'est-à-dire pour
produire une émission donnée, un spectacle donné, qui
était la venue de Gilbert Bécaud à la Baie James alors
qu'on a inauguré je ne sais quelle centrale à grands frais et
avec beaucoup de tapage publicitaire auquel on est un petit peu
habitués. Là, qu'on ait fait venir Bécaud, on peut avoir
certaines idées sur le fait qu'on a peut-être manqué une
belle occasion de mettre en valeur ces artistes québécois qui,
justement, on pense, ne se produisent pas assez et n'ont pas assez
"d'exposure"; le manque de demandes provient justement de cette lacune, en ce
sens qu'on ne les voit pas suffisamment. L'intervention de la SODICC dans cela
est peut-être justifiée, mais je me demande dans quel contexte
elle se situe. Est-ce qu'on a subventionné une entreprise ou si on a
subventionné un spectacle donné? Est-ce que cela s'est fait
à titre d'exception par rapport à la règle
générale? Est-ce qu'on a d'autres explications à nous
fournir sur cela?
M. Bouthillier: On peut peut-être parler d'une
demi-exception dans le sens que, puisqu'on parle de 193-B, c'est qu'il y avait
eu 193-A avant; donc, cela s'inscrivait dans une suite logique. Nous soutenions
l'entreprise, nous l'avions soutenue préalablement au niveau d'autres
productions, et les deux aides ont été concurrentes pendant une
certaine période.
D'autre part, sur le choix, il faut comprendre la dimension du produit
qui était véhiculé en la personne de Gilbert
Bécaud. Notre objectif était de soutenir une entreprise oeuvrant
dans la matière vidéo. On ne parle pas de spectacle, on
n'était pas là en termes de production de spectacle ou de
production d'un disque, on était là en termes de production d'un
document audiovisuel. Alors, on ne se préoccupait pas du contenu, mais
bel et bien de l'opération comme telle.
D'autre part, le contenu qui était dans l'opération nous
permettait d'envisager - et c'est ce qui nous intéressait à ce
moment-là - des ventes non seulement au Québec, mais à
l'étranger. C'est un produit qui, par définition, au niveau de
son contenu, était exportable dans toute la francophonie et c'est ce qui
nous intéressait au niveau de l'entreprise.
M. Doyon: Alors, je comprends dans quel esprit cela a
été fait. Je continue de penser que la SODICC, pour avoir toute
la crédibilité à laquelle cet organisme a droit et dont il
a besoin, doit avoir des actions conséquentes avec une certaine
approche. On signalait tout à l'heure, le député de
Mille-Îles disait qu'on devait à ce titre développer une
fierté et une appartenance québécoises. On connaît
le refrain ainsi que les couplets à ce sujet, sauf que vous êtes
là pour témoigner que c'est plus vite dit que fait quand il
s'agit de vendre des produits et de faire payer le monde pour cela. Quand on
veut que les gens achètent des disques et qu'on les vend 8 $, 9 $, 10 $
ou 11 $, ils doivent être de qualité égale et se comparer
sur un marché hautement compétitif. Ce n'est pas en disant qu'il
faut faire oeuvre de nationalisme en achetant des disques
québécois parce qu'on est Québécois et qu'il y a
une fleur de lys ou qu'il est bleu. Le député de Mille-Îles
confond tout. Il ne sait pas comment fonctionne le marché du
disque...
M. Champagne: Une minute, M. le Président, question de
privilège.
M. Doyon: Non, M. le Président, pas de question de
privilège.
M. Champagne: Un instant!
M. Doyon: II n'y a pas de question de privilège...
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles, je dois vous dire qu'il n'y a pas de question de
privilège.
M. Doyon: Alors, j'ai la parole, M. le Président, je vais
continuer ce que j'ai à dire. Le député de
Mille-Îles parlera après.
M. Champagne: J'ai mon voyage!
M. Doyon: Ce gargarisme qui est bien connu, à savoir que
c'est en étant suffisamment fier et suffisamment "nationaleux" qu'on va
encourager nos disques, cela montre, et les témoins invités
sont ici pour en faire la preuve, que ce n'est pas de cette façon
que nos artistes québécois, qu'ils soient musiciens, acteurs ou
producteurs, de quelque nature que ce soit, vont pénétrer d'une
façon stable et permanente le marché québécois;
c'est en produisant et en ayant sur le marché, grâce à des
interventions bien pensées et bien évaluées de la part de
la SODICC, entre autres, qu'on pourra avoir un produit comparable et
compétitif avec ce qui se fait ailleurs.
Je dois m'élever en faux contre ces tentatives de
récupération du député de Mille-Îles en
laissant entendre...
Le Président (M. French): M. le député,
c'est quand même moi qui ai ouvert la porte, ce n'est pas le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Oui, un instant!
M. Doyon: M. le Président, pour revenir à ce que je
disais, n'est-il pas désirable que, dans le but de créer ce que
vous déplorez ne pas voir suffisamment, ce que vous appelez des
locomotives ou des engins qui vont entraîner à leur suite sur les
rails de la prospérité des artistes québécois, en
même temps que vous évaluez les risques financiers, de
succès financier, etc., et que, dans un cas comme celui-ci - il nous
sert tout simplement d'exemple; cela pourrait être autre chose - on
puisse se dire... Auriez-vous pu faire une condition de votre prêt qu'au
lieu d'avoir un artiste français qui n'a pas besoin de la Baie James
pour se faire valoir, ce soit quelqu'un de Québec qui, en ayant une
valeur et tout le potentiel nécessaire, ait pu profiter de ce
créneau qui lui était offert? Est-ce que ce sont des dimensions
considérées par la SODICC quand elle fait l'évaluation
d'un dossier ou si on ne le fait pas, règle générale, en
tout cas?
M. Deschênes: M. le député de
Louis-Hébert, c'est une dimension qui n'est pas
considérée. La SODICC n'intervient pas au niveau du contenu de
produits ou d'industries qui interviennent auprès d'elle, de sorte que
le choix, par exemple, des émissions, des produits, le disque ou tout
autre produit, n'est absolument pas discuté au niveau de la SODICC. Ce
sont les entrepreneurs, les créateurs, les producteurs qui
déterminent ce qu'ils veulent avoir au niveau du thème, des
artistes qu'ils choisissent, ainsi de suite, et nous, nous jugeons le produit
è partir des éléments qu'eux-mêmes ont
définis.
Je pense qu'à la limite, si on voulait être honnête,
on pourrait effectivement intervenir dans cet ordre. Il n'y a rien qui nous
empêche de le faire, mais c'est une direction que nous avons
refusé de prendre jusqu'à maintenant et, à moins que vous
ne nous indiquiez que cela serait quelque chose de souhaitable, ce n'est pas
une direction dans laquelle nous envisageons d'aller non plus.
M. Champagne: M. le Président, il est dix heures...
Une voix: Je suis heureux de vous entendre dire cela, M. le
président.
Le Président (M. French): Je constate qu'il est 10 heures,
M. le député. J'ajourne donc les travaux de la commission
jusqu'à 10 heures demain matin. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 2)