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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente des communications commence
ses travaux, ce matin. Le mandat de la commission est d'étudier la
réorganisation de la structure corporative de Bell Canada et ses projets
de développement au Québec.
Les membres de la commission aujourd'hui sont: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Bertrand (Vanier), M. Blais
(Terrebonne), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French (Westmount), M. LeMay
(Gaspé), remplacé par M. Vaugeois (Trois-Rivières); M.
Maciocia (Viger); M. O'Gallagher (Robert Baldwin) remplacé par M.
Fortier (Outremont); M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplacé par M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean).
Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Charbonneau (Verchères),
M. Dean (Prévost), M. Gratton (Gatineau), M. Kehoe (Chapleau), M.
Rodrigue (Vimont), M. Sirros (Laurier).
Messieurs, est-ce que vous voulez nommer un rapporteur?
M. Bertrand: M. Payne, député de Vachon.
Le Président (M. Champagne): Cela va aller?
Des voix: Cela va.
Le Président (M. Champagne): D'accord. M. Payne sera le
rapporteur. Voici l'ordre du jour du mercredi, 20 avril 1983: nous entendons,
ce matin, Bell Canada, représentée par M. Albert-Jean de
Grandpré, président du conseil d'administration de Bell Canada;
M. Léonce Montambault, vice-président exécutif pour la
région de Québec: M. Claude Duhamel, M. André Boutin et M.
James Thackray.
M. Payne: Je voudrais qu'on remplace le député de
Lac-Saint-Jean par le député d'Iberville.
Le Président (M. Champagne): Le député de
Lac-Saint-Jean, M. Brassard, sera remplacé par le député
Beauséjour (Iberville).
Cela va?
Peut-être des remarques préliminaires de la part du
ministre, avant de commencer.
M. Bertrand: Une simple question de procédure, M. le
Président. Pour faciliter le travail des représentants de Bell
Canada qui sont avec nous, ce matin, et pour manifester concrètement une
forme de rapprochement entre les parlementaires de l'Assemblée nationale
du Québec et les représentants de cette importante entreprise
canadienne, j'aimerais que M. de Grandpré, M. Montambault et les
personnes qui l'accompagnent qui ont l'intention de prendre la parole au cours
de cette commission parlementaire puissent s'asseoir au bout de la table ici
même et ainsi être plus près des tableaux qu'ils ont
apportés. Je crois que cela faciliterait probablement nos
communications.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, l'Opposition n'a,
évidemment, pas d'objection à enregistrer face à cette
proposition, bien que nous ne sentions pas, non plus, le besoin de nous
rapprocher davantage de Bell Canada. Nous sommes déjà très
rapprochés de Bell Canada.
M. Fortier: Par téléphone. M. French: C'est
cela.
Le Président (M. Champagne): Alors, messieurs, il y a un
consentement. Si vous voulez bien vous approcher ici autour de cette table.
M. Fortier: C'est une faveur qu'on ne fait même pas
à Hydro-Québec.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Westmount, une question de procédure?
M. French: M. le Président, j'avais demandé hier
à l'Assemblée nationale, avec l'indulgence du leader
parlementaire du gouvernement quant à la procédure, si
c'était possible de siéger ce soir et ce, aux fins de simplifier
la tâche de nos invités et non pas de simplifier la tâche de
l'Opposition. Le
ministre a pris note de la question. Je présume qu'il a
maintenant une réponse, à savoir si on peut siéger de 20
heures à 22 heures ce soir.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Je suis tout à
fait d'accord avec cette proposition qui m'est faite par l'Opposition et je
sais que cela répond, d'ailleurs, aux désirs des
représentants de Bell Canada. Tout en prenant tout le temps
nécessaire pour que les parlementaires puissent poser les questions, je
crois qu'ils préféreraient que nous prenions les deux heures et
demie ou trois heures prévues vendredi matin et que nous les
transportions ce soir. Alors, nous sommes tout à fait d'accord avec
cette proposition.
Le Président (M. Champagne): Est-ce que vous siégez
demain matin?
M. Bertrand: Oui, nous siégeons demain matin.
Le Président (M. Champagne): Demain matin, nous
siégeons quand même?
M. Bertrand: Mais nous ne siégerions pas vendredi
matin.
Le Président (M. Champagne): Vendredi matin. Alors, cela
irait? Il y a un consentement à ce sujet?
M. French: Cela va.
Le Président (M. Champagne): Alors M. le ministre, des
remarques préliminaires, peut-être, de votre part?
Remarques préliminaires M. Jean-François
Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, j'essaierai de faire des
remarques préliminaires qui soient les plus brèves possible parce
que nous ne disposerons même pas de dix heures pour discuter avec les
dirigeants de Bell Canada, mais il m'apparaît tout de même
important de situer cette commission parlementaire dans son contexte.
D'abord, je voudrais dire que c'est avec énormément de
plaisir que je souhaite la plus cordiale des bienvenues aux dirigeants de Bell
Canada, qui ont bien voulu venir participer aux travaux de cette commission
parlementaire qui portera plus spécifiquement sur la
réorganisation corporative projetée par la compagnie et aussi sur
ses projets de développement au Québec.
Le 12 août 1982, quelque deux semaines après l'annonce du
projet de réorganisation de la compagnie Bell Canada, j'ai reçu
une lettre qui s'adressait au leader parlementaire du gouvernement dans
laquelle les dirigeants de la compagnie demandaient à rencontrer les
représentants de la population afin de discuter des activités de
l'entreprise. C'est avec grand intérêt que j'ai accueilli cette
ouverture des dirigeants et c'est sur cette lancée que, le 7 octobre
dernier, lors d'une conférence de presse, je les invitais à venir
discuter publiquement de leurs activités dans une commission
parlementaire qui leur serait entièrement consacrée.
Je suis très heureux d'avoir misé sur cette ouverture des
dirigeants de la compagnie, ouverture qui, je l'espère, apportera des
engagements concrets de Bell Canada face à son développement au
Québec. Il importe, avant d'entamer les travaux de cette commission, de
présenter très rapidement le développement de la
téléphonie sur le territoire québécois. En effet,
combien de gens savent que le Québec a déjà compté
plus de 250 compagnies de téléphone sur son territoire au milieu
du siècle dernier? Combien sauraient dire qu'on n'en dénombre
plus aujourd'hui que 19 qui, d'ailleurs, sont d'importance fort inégale?
C'est bien là pourtant la réalité.
Ainsi, le développement de la téléphonie sur le
territoire québécois s'est fait par un nombre très
important de petites entreprises. Au fil des ans, plusieurs de ces entreprises
furent achetées par des entreprises de taille supérieure. Ces
transactions passées ont irrémédiablement
façonné la réalité d'aujourd'hui qui se
caractérise par le fait que la quasi-totalité des immobilisations
dans le secteur de la téléphonie sont maintenant
accaparées par trois grandes entreprises: Bell Canada: 88%,
Québec-Téléphone: 7%, et Télébec, filiale
entière de Bell Canada: 4%. À la lumière de ces
données, nous sommes à même de constater que Bell Canada
fut la compagnie qui réalisa le plus grand nombre d'acquisitions au
cours de ces années. La résultante de ces transactions
corporatives, en termes juridiques, fut d'éroder progressivement la
juridiction provinciale sur ce secteur en faveur du gouvernement
fédéral, puisque Bell Canada relève de cette
juridiction.
La situation serait sans doute encore pire aujourd'hui si, face à
cette évolution et devant l'importance grandissante que revêtaient
les communications dans notre organisation sociale et économique, le
gouvernement, au milieu des années soixante, n'était intervenu en
refusant que les entreprises sous sa juridiction ne soient acquises par Bell
Canada. Ce geste du gouvernement fut suivi - faut-il le dire - par une
réflexion en profondeur sur le rôle et l'état des
communications au Québec. Cette réflexion fut l'amorce d'une
volonté du gouvernement, depuis lors jamais éteinte, d'être
le responsable du développement des
communications au Québec.
La publication, en 1973, du livre Québec, maître d'oeuvre
de la politique des communications sur son territoire articula cette
volonté du Québec d'exercer, dans le secteur de la
téléphonie, sa juridiction globale et entière. Cet
énoncé de politique fut repris dans le livre blanc sur le
développement culturel et, de nouveau, le gouvernement
réitéra sa volonté d'exercer sa juridiction sur les moyens
de communication afin de maximiser ainsi l'épanouissement de sa
collectivité, en particulier, bien sûr, sur le plan
économique.
Quant à moi, je veux être clair et dissiper tout doute
possible. Un éventuel transfert de la compétence de cette
société d'Ottawa à Québec, si une telle
hypothèse devait se réaliser, pourrait recevoir mon appui.
Toutefois, cette hypothèse devra contribuer au développement du
Québec sur les plans social, culturel et économique.
L'abonné du service téléphonique, ainsi que toute la
collectivité québécoise devront y trouver profit
directement ou indirectement.
L'année qui vient est particulièrement propice au
déroulement de ce débat. En effet, de plus en plus, les
spécialistes reconnaissent l'importance croissante des communications
comme secteur économique. Les prospectivistes nous prédisent que
ce secteur d'activité, en particulier dans le secteur des
télécommunications, aura un effet structurant majeur sur le reste
de l'économie dans l'avenir. Certains nous disent même que nous
sommes au seuil d'une troisième révolution industrielle qui aura
une ampleur sans précédent. Cette révolution s'articulera
précisément autour du secteur des communications et des nouvelles
technologies qui s'y rattachent.
L'importance du changement en cours, le gouvernement l'a clairement
saisie. En effet, différents documents sont venus camper la
problématique et les vastes objectifs que le gouvernement du
Québec devrait poursuivre. Pensons ici à l'énoncé
de politique économique 1982-1986, intitulé Le virage
technologique, pensons au document produit pour le ministère des
Communications intitulé Bâtir l'avenir qui dresse le portrait de
la recherche et du développement dans le secteur des communications au
Québec.
De plus, en cette Année mondiale des communications, le
ministère, en vue d'échafauder une politique nationale des
communications, mènera une vaste consultation auprès de
différents intervenants du milieu pendant tout l'année. Le point
de convergence de cette consultation sera un sommet économique sur les
communications qui se tiendra l'automne prochain. Je tiens, d'ailleurs,
à signaler la présence active de Bell Canada à la
préparation de ce sommet sur les communications.
Comme nous le constatons, cette année sera riche en
échanges de toutes sortes. Sans vouloir présumer du
résultat de ces échanges, il ne fait aucun doute dans mon esprit
que tous reconnaîtront le rôle majeur qu'ont joué et que
joueront les télécommunications dans le développement
économique et, plus particulièrement, dans
l'épanouissement d'activités diverses, telles la recherche et le
développement, ainsi que la fabrication.
Au Québec, compte tenu de la place relative qu'elle occupe dans
le secteur des télécommunications, c'est la compagnie Bell Canada
qui a principalement assumé ce rôle de développement. Le
groupe de Bell Canada, qui rassemble plus de 80 entreprises, représente
le quatrième groupe en importance au Canada, avec des actifs de plus de
12 000 000 000 $. Les revenus de 7 400 000 000 $ réalisés en 1981
le situaient au 7e rang canadien, tandis que les bénéfices nets
de 550 000 000 $ le plaçaient au 2e rang. L'entreprise est à la
fois le plus important fournisseur de services d'équipement de
télécommunication au Canada. Ce niveau d'activité
découle d'un groupe industriel qui a réalisé une
intégration verticale de ces activités - d'ailleurs,
acceptée par la Commission fédérale sur les pratiques -
tout en diversifiant progressivement ses activités au cours des ans avec
comme résultat une croissance remarquable au niveau du
développement de cette entreprise.
Les activités des entreprises du groupe Bell se
répartissent essentiellement en quatre grands secteurs
d'activité, plus ou moins reliés au monde des communications.
Premièrement, la fourniture de services de
télécommunication; deuxièmement, la fabrication
d'équipements de télécommunication et de bureautique;
troisièmement, la recherche et le développement;
quatrièmement, les autres activités qui incluent, entre autres,
les services d'experts-conseils, la vente et l'impression des annuaires et la
vente d'équipements terminaux.
Les services de télécommunication sont principalement le
fait de la société mère, soit Bell Canada, qui dessert 95%
des téléphones du Québec et de l'Ontario, en plus d'offrir
ses services dans les Territoires du Nord-Ouest. Le domaine de la fabrication
relève de Northern Telecom qui appartient présentement à
55,1% à Bell Canada. Cette entreprise, avec des ventes de 2 531 000 000
$ en 1981, occupait le deuxième rang des fabricants
nord-américains. À ce duo, on peut ajouter la
société les Recherches Bell-Northern appartenant en
copropriété à Bell Canada et à Northern Telecom
Limitée, qui représente le plus grand organisme de recherche et
de développement au Canada.
Le groupe Bell Canada exploite 10 000 000 de téléphones,
soit approxi-
mativement 60% des appareils en service au pays. Cette activité a
engendré plus de 4 000 000 000 $ de revenus en 1981.
Le territoire du Québec apporte une contribution importante aux
revenus de Bell Canada dans le domaine des télécommunications,
puisqu'il compte pour 35% de ceux-ci. En fait, Bell exploite près de 90%
des terminaux du Québec et ce, sur 52% du territoire organisé.
Ainsi, Bell est une entreprise choyée dans le secteur des
télécommunications au Québec, dans la mesure où
elle dessert presque exclusivement les régions urbaines, donc les plus
lucratives. Par exemple, dans 43 municipalités de plus de 15 000
téléphones, Bell en revendiquait 41 en 1980.
Concernant le siège social, on remarque un déplacement de
certaines de ses activités qui sont passées de Montréal
à la région Hull-Ottawa, notamment la réglementation, le
groupe de communications informatiques et les activités reliées
au réseau téléphonique transcanadien.
Les activités de fabrication du groupe relèvent de
Northern Telecom. Parmi les produits fabriqués et vendus par cette
dernière, se retrouve la gamme complète d'équipements de
télécommunication auxquels s'ajoutent depuis quelques
années des équipements électroniques de bureau. On
évalue à 70% environ la part du marché canadien et
québécois des équipements de
télécommunication qu'accapare Northern Telecom. D'une entreprise
concentrée au Canada au début des années soixante,
Northern Telecom est devenue une multinationale qui exploite 42 usines de
fabrication répartie dans six pays différents, mais
concentrées surtout au Canada et aux États-Unis qui sont ses
principaux marchés. Elle a vu ses revenus d'exploitation se multiplier
par plus de quatre de 1970 à 1981.
Parmi les principales filiales de Northern Telecom, signalons Northern
Telecom Canada, responsable des activités canadiennes, Northern Telecom
Inc., pour ses activités aux États-Unis et Northern Telecom
International, pour ses activités à l'extérieur de
l'Amérique du Nord, sans oublier les Recherches Bell-Northern.
Face à l'histoire à succès que constitue Northern
Telecom, on ne peut passer sous silence l'apport considérable
joué par Bell Canada, donc par le marché québécois
dans une moindre mesure, dans cette croissance spectaculaire.
Môme si proportionnellement les achats de Bell Canada
auprès de Northern Telecom ont décru, il demeure le client le
plus important. En effet, de 57% qu'il était en 1960, le ratio des
achats de Bell auprès de Northern est passé à 33%. Une
autre façon de faire ressortir le niveau élevé
d'intégration verticale entre les deux entreprises est d'analyser la
part des achats de Bell Canada en biens d'équipements de
télécommunication qui va à Northern Telecom Ltée.
Ce ratio est passé de 86% à 81% en 1981.
Présentement, Northern Telecom exploite six usines de fabrication
au Québec j'ai eu le privilège d'en visiter une récemment
- en plus de maintenir un atelier de réparation, ce qui en fait le
neuvième plus important employeur dans le secteur manufacturier au
Québec. Malgré ces faits, il faut noter que l'expansion de
l'entreprise s'est accompagnée d'une dispersion des activités de
fabrication en faveur d'autres régions.
En termes d'emplois, cela signifie qu'au début des années
soixante le Québec accaparait la majorité des emplois de Northern
Telecom, alors qu'en 1980 il n'en obtenait plus que 20%. À la
décharge de la compagnie, il faut signaler que si, en 1971, le
Québec représentait 26% des ventes de la compagnie, en 1981, ce
pourcentage n'était plus de 13,3%.
En terminant, on peut signaler que le siège social de la
compagnie, qui était localisé à Montréal, a
été progressivement déplacé vers l'Ontario au cours
des dernières années.
Le groupe Bell Canada a accordé depuis quelques années une
attention prioritaire - je les comprends - à la recherche et au
développement, faisant passer les dépenses du groupe pour cette
activité de 27 000 000 $ en 1966 à 256 300 000 $ en 1981. Cette
importance accordée à la recherche explique l'existence d'une
filiale, les Recherches Bell-Northern, dédiée à cette
activité. RBN effectue de la recherche à la fois pour Bell Canada
et pour Northern Telecom qui en sont les propriétaires à 30% et
70% respectivement. Ce sont ces entreprises qui fournissent à Recherches
Bell-Northern la quasi-totalité de ses revenus d'exploitation à
même leur budget de recherche et développement qui n'est pas
dépensé à l'intérieur de ces entreprises.
L'efficacité des Recherches Bell-Northern est une des raisons qui
expliquent la croissance remarquable de Northern Telecom au cours des
dernières années, car elle lui a permis d'introduire
continuellement de nouveaux produits. À titre d'exemple, en 1970, les
produits de sa propre conception ne comptaient que pour 10% de sa fabrication;
en 1980, ce ratio se situait à 82%.
Le Québec a toujours fait figure de parent pauvre dans les
activités de recherche et de développement du groupe Bell Canada.
De 1970 à 1981 le nombre d'employés du groupe Bell Canada
oeuvrant dans le domaine de la recherche au Québec est passé de
250 à 570, soit à peine le double, alors que le budget de
dépenses totales du groupe, lui, passait de 38 000 000 $ à 256
000 000 $,
soit presque sept fois plus.
Dans le cas plus spécifique des Recherches Bell-Northern, le
Québec ne pouvait revendiquer en 1978 qu'environ 5% des activités
canadiennes de Recherches Bell-Northern mesurées en termes de budget ou
d'employés. Ainsi, en août 1981, on comptait 2840 employés
au Canada. Ottawa récoltait la plus grosse part du gâteau avec
2084 personnes contre 106 pour Montréal. Depuis lors, on a construit un
nouveau laboratoire à Edmonton dont la surface de plancher est de plus
d'une fois et demie celle de Montréal, environ 60 000 pieds
carrés contre 38 000, et surtout on a annoncé la construction
pour 1984 d'un nouveau laboratoire à Ottawa dont la superficie serait de
375 000 pieds carrés. Ces ajouts laisseront la part du Québec
à un peu plus de 3% du total canadien.
Ainsi, le Québec se retrouve dans une situation
particulière face à Bell Canada. Premièrement, le
Québec n'a pas la juridiction sur l'ensemble du secteur de la
téléphonie sur son territoire et doit se contenter de
réglementer 12% des téléphones en service.
Deuxièmement, les retombées économiques de
l'activité du groupe Bell qui profitent au Québec ont connu un
glissement progressif en faveur d'autres régions, notamment l'Ontario,
tant pour les sièges sociaux que pour les activités de
fabrication ou de recherche et développement. À cette
problématique, il faut ajouter le projet de réorganisation
corporative du groupe Bell Canada qui vise à créer une nouvelle
société mère appelée Entreprises Bell Canada.
Rappelons que, selon le projet de Bell, cette nouvelle entreprise est
essentiellement une société de portefeuille qui
contrôlerait l'ensemble du groupe, dont le nouveau Bell Canada
amputé de la majeure partie de son portefeuille en faveur de la nouvelle
société mère. Ce sera donc, d'après ce projet,
Entreprises Bell Canada qui deviendra la charnière entre les
actionnaires et le groupe Bell.
Les travaux de cette commission parlementaire devraient nous amener
à obtenir des éclaircissements sur deux ordres de questions.
Premièrement, nous devrions être en mesure de cerner toute la
complexité de la réorganisation projetée et, surtout, d'en
mesurer les effets sur les abonnés et sur l'économie
québécoise en général. Deuxièmement, nous
chercherons à évaluer jusqu'à quel point la
présence de Bell au Québec a été, est et
continuera, je l'espère, d'être bénéfique pour
l'économie du Québec et ses citoyens.
J'ose espérer, M. le Président, que les travaux de cette
commission se dérouleront sous le sceau de la
sérénité la plus complète. En effet, l'importance
des questions à l'étude commande un climat calme, sérieux
et objectif qui privilégiera, j'en suis sûr, des échanges
fructueux avec les dirigeants de Bell Canada, que je remercie, d'ailleurs,
à l'avance pour la collaboration dont ils sauront faire preuve.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Westmount, vous avez des commentaires?
M. Richard French
M. French: Merci, M. le Président. L'Opposition est
extrêmement heureuse également d'avoir l'occasion d'accueillir la
compagnie Bell Canada et le président de son conseil de direction M.
Jean de Grandpré. Ce n'est que rarement que nous avons l'occasion
d'avoir parmi nous des gens aussi expérimentés en affaires et
surtout aussi expérimentés dans un secteur clé des
technologies de pointe. Nous espérons donc profiter de l'occasion pour
en apprendre autant que possible sur les défis économiques et
technologiques des années quatre-vingt. (10 h 30)
L'opération qui s'est amorcée avec l'échange entre
le ministre et Bell Canada ii y a quelques mois et qui a abouti à la
séance d'aujourd'hui nous semble soulever trois questions.
Premièrement, bien sûr, la compétence
québécoise sur les services téléphoniques à
l'intérieur des frontières provinciales est-elle souhaitable? Je
me doute fort que nous allons en discuter en détail. Il faudrait, quand
même, reconnaître que, sous-jacente à la présence de
Bell Canada ici, il y a sûrement cette question de fond. Voilà une
question qui, comme le ministre ne se lasse pas de le répéter,
fait l'unanimité à l'Assemblée nationale et cela, depuis
des années. Effectivement, il s'agit d'un des éléments de
la prise de position traditionnelle de tous les gouvernements récents
dans le domaine des communications et le Parti libéral du Québec
a affirmé dans son livre beige sur la réforme constitutionnelle
qu'il croit toujours que les provinces doivent avoir ces compétences.
Mais le Parti libéral n'est pas, pour autant, obligé d'endosser
les tactiques souvent infructueuses du gouvernement actuel dans la poursuite
des juridictions qu'il revendique.
D'ailleurs, le ministère nous a dit, aussi récemment que
lors de l'étude des crédits qui a eu lieu dans cette salle-ci
hier, que sa tactique est l'"occupation du terrain" en ce qui a trait aux
revendications d'ordre constitutionnel. Mais, encore faut-il, M. le
Président, que le gouvernement choisisse le bon terrain à
occuper. Il ne faudrait pas que l'indécision et l'incompétence
manifestées dans le dossier de la télévision payante au
Québec se répètent. Cet exercice s'est soldé par un
gouvernement québécois, maintenant maître suprême
d'un espace vide, alors que la vraie action dans le dossier se poursuit
entièrement sur un autre terrain.
Pour ce qui est de la réorganisation corporative de Bell Canada
et compte tenu de la décision rendue cette semaine par le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, c'est
à se demander si le gouvernement du Québec ne s'apprête pas
à nous livrer un autre coup de théâtre encore
lamentablement à côté des vrais enjeux. On verra.
C'est sûrement le ministère des Communications du
Québec, dans un document que lui-même s'apprête à
rendre public la semaine prochaine et qui a fait le sujet d'une fuite, qui
résume le mieux la situation: "C'est le débat sur l'architecture
conflictuelle des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement qui a pris le
haut du pavé au cours des dix dernières années. C'est la
partie la plus visible, la plus spectaculaire et peut-être aussi la plus
stérile du vaste dossier des communications dont l'aspect contentieux a
fait les manchettes." Et on ne peut qu'espérer, contre toute attente
d'ailleurs, que le gouvernement comprenne le mot "stérile", puisqu'il
résume parfaitement sa stragégie de négociation
constitutionnelle.
Passons à la deuxième question importante: La
compétence québécoise sur les services
téléphoniques à l'intérieur de la province est-elle
faisable, compte tenu des développements économiques et
technologiques des années quatre-vingt? J'ai fort apprécié
que le ministre, dans ses remarques préliminaires, ait fait état
de ses préoccupations quant à toute une gamme de
considérations qui doivent peser dans la balance alors qu'on prend une
telle décision. Le constat no 1 dans ce dossier est que, comme le dirait
notre ministre des Finances, qui nous est si cher à ce temps-ci de
l'année, les Québécois ne se battent pas dans les autobus
à savoir lequel de leurs gouvernements va réglementer leur
service téléphonique.
Il s'agit donc d'évaluer de façon très
serrée le coût aux abonnés d'un transfert de juridiction,
ainsi que toutes les autres implications. Là-dessus, l'étude
Tamec que le ministre a, quelque peu tardivement aux yeux de l'Opposition,
décidé de rendre publique récemment est assez claire. Les
tarifs monteraient, semble-t-il, de façon significative dans une
éventuelle compagnie québécoise de service
téléphonique. Force nous est de constater qu'il y a là un
défi de taille pour n'importe quel gouvernement. Il semble exister
actuellement, à toutes fins utiles, une subvention informelle
Ontario-Québec qui joue nettement en faveur des Québécois.
Ce serait curieux qu'un gouvernement, qui se plaît à trouver
toutes les structures nationales qui jouent, semble-t-il, contre le
Québec, veuille bousculer radicalement une structure qui semble jouer
pour le bénéfice des Québécois aussi nettement que
le rapport Tamec semble le faire ressortir. Le fardeau de la preuve repose sur
celui qui veut changer cet état de choses.
La troisième question - M. le Président, je vous avoue
qu'elle est, pour l'Opposition, la plus importante et de loin - n'a strictement
rien à faire avec la revendication des compétences ou la
tarification des abonnés, strictement rien à faire avec
l'amour-propre du ministre, avec l'orgueil du gouvernement, avec les
revendications continuelles contre le fédéralisme et le
système actuel de partage de juridictions. La question clé est la
suivante: Comment se fait-il que les entreprises de secteurs de pointe ne
veulent pas investir au Québec? Comment se fait-il que les entreprises
de secteurs de pointe ne choisissent pas d'établir leurs laboratoires,
leurs installations de recherche et de développement au
Québec?
D'aucuns pourraient imaginer qu'aujourd'hui c'est la compagnie Bell
Canada qui se trouve, en quelque sorte, sur la sellette, mais ce serait mal
comprendre les vrais enjeux du développement technologique
d'aujourd'hui. Ce qui est en cause, aujourd'hui, c'est la compréhension
de la prise de décision au sein des corporations à haut
degré technologique. C'est la reconnaissance que le développement
économique ne saurait se faire par règlements et par
revendications. Encore une fois, à moins qu'il ne fasse attention, le
gouvernement du Québec risque d'occuper le mauvais terrain. C'est donc
la totalité de son approche face aux industries technologiques qui est
en cause aujourd'hui. Tamec résume bien cette situation à la page
72 de son rapport sommaire lorsqu'on dit: La réglementation n'a pas
perdu tout son pouvoir, "mais le bâton dont dispose l'État et
l'organisme de réglementation a été réduit à
des proportions qui sont, à notre avis, déjà modestes et
qui continueront de décroître." Ceci a été
écrit avant le succès quelque peu mitigé d'une
réglementation québécoise dans le domaine de la
télévision payante.
La question qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante: Le
gouvernement du Québec va-t-il continuer à faire face à la
problématique économique et technologique des années
quatre-vingt avec une mentalité vétuste issue des années
soixante-dix?
Le Président (M. Champagne): Merci. Maintenant, la parole
est à nos invités, la compagnie Bell Canada. Je demanderais au
président du conseil d'administration de Bell Canada, M. Albert-Jean de
Grandpré, de présenter les personnes qui l'accompagnent et,
ensuite, de faire lecture de son mémoire.
M. de Grandpré.
Audition des représentants de Bell
Canada
M. de Grandpré (Albert-Jean): Merci, M. le
Président.
M. le Président et MM. les membres de la commission, qu'il me
soit permis, d'abord, de présenter ceux qui sont avec moi. M.
Léonce Montambault, vice-présicent exécutif pour la
région du Québec, et M. Claude Beauregard qui verra à ce
nous ayons les bons documents au bon moment. A l'arrière, M. Claude
Duhamel qui est un des vice-présidents de la compagnie, M. Claude
Saint-Onge qui est en charge du réseau, M. Jean Monty qui est en charge
du service des abonnés. Je voudrais également noter la
présence de M. Paul Hurtubise, qui est le président de
Télébec. Il y a, évidemment, d'autres employés de
la compagnie qui sont ici, mais ceux-ci sont les principaux collaborateurs qui
sont avec moi aujourd'hui.
Mon exposé sera peut-être un peu répétitif
après ce que le ministre a dit, mais je voudrais le replacer dans un
contexte de 1982 plutôt que dans un contexte de 1981 ou d'auparavant.
Avant de commencer, je voudrais vous remercier de l'invitation qui m'a
été faite. Je l'ai acceptée avec plaisir quand elle m'a
été transmise avec les délais que le ministre a
notés, délais qui ont été le résultat de
toute une série de circonstances, puisqu'il était difficile pour
nous d'être à la fois devant la Cour supérieure, devant la
Cour d'appel, devant la commission de la radio et de la
télévision et devant votre commission à peu près au
même moment. Comme la Cour d'appel a rendu sa décision en notre
faveur, comme le CRTC a également publié son rapport lundi
dernier, je pense que la chronologie des événements nous a
donné raison d'attendre à aujourd'hui, puisque le dialogue sera
beaucoup plus facile.
Avant de parler de la réorganisation, je voudrais faire un tour
d'horizon sur la présence québécoise du groupe Bell Canada
en 1982 et indiquer que les revenus d'exploitation sont de l'ordre de 2 100 000
000 $ au Québec, que nous avons 30 045 employés ici au
Québec et que les salaires payés à ces employés et
à tout le personnel sont de l'ordre de 835 000 000 $. En 1982, comme
vous le voyez, nous avons acheté ici 800 000 000 $ d'équipement
ou d'accessoires ou d'immeubles et achats de toutes sortes. Nous avons
également payé en taxes et impôts 375 000 000 $, ce qui
comprend à la fois les taxes fédérales, provinciales et
municipales. Comme vous le voyez la présence du groupe au titre du
personnel, soit 30 045 employés en 1982 nous place au premier rang comme
employeur après l'État. Si vous vouliez détailler les
achats de 800 000 000 $, vous verriez qu'il y a 353 000 000 $ d'achats par Bell
chez Northern, il y a 206 000 000 $ d'achats par Bell chez d'autres
fournisseurs que Northern et environ 123 000 000 $ de Northern chez divers
fournisseurs à travers la province.
Maintenant, si on rétrécit notre champ de vision et qu'au
lieu de regarder la présence québécoise du groupe Bell
Canada, groupe qui, comme l'a fait remarquer le ministre tantôt,
représente la compagnie de télécommunication, la compagnie
de fabrication, les recherches et la fabrication, distribution et compilation
de livres de téléphone, nous regardons seulement la
présence de Bell Canada, nous nous rendons compte qu'au point de vue des
revenus d'exploitation le Québec représente 34% des revenus
globaux de Bell Canada qui sont de l'ordre de 4 400 000 000 $. Cela veut dire
que nous recevons du Québec en termes de revenus à peu
près 1 490 000 000 $. Quant aux achats de Bell Canada, sur un total de 1
400 000 000 $, nous en achetons 559 000 000 $ au Québec, soit 40%. (10 h
45)
Je voudrais vous faire remarquer tout de suite que le pourcentage qui
doit être, à mon avis, retenu comme point de repère pour
évaluer si la présence de Bell au Québec est
représentative par rapport aux revenus qui sont reçus du
Québec par Bell, c'est 34%. Donc, les achats étant de 40%, ils
dépassent d'une façon importante le pourcentage des revenus
d'exploitation. Quant aux dépenses en capitalisation qui, en 1982, se
sont chiffrées à 1 400 000 000 $, nous en avons
dépensé 567 000 000 $ au Québec, à savoir, encore
une fois, 40%, soit six points de pourcentage de plus que la base des
revenus.
Maintenant, si nous regardons le personnel, nous avions, en 1982, 55 761
employés à Bell Canada et le Québec représentait
39% de ce groupe, soit 21 675 employés.
Au point de vue fiscal, nous avons payé en taxes et en
impôts, en 1982, un total de 800 000 000 $ et le Québec en a
reçu 38%, soit 300 000 000 $. J'ai exclu des taxes de 300 000 000 $ les
114 000 000 $ de taxes que nous percevons par le truchement de la compagnie,
mais comme percepteur d'impôt, si vous voulez, pour le gouvernement en ce
qui a trait à la taxe sur les télécommunications; un
montant de 114 000 000 $.
Les achats qui s'élevaient, comme je l'ai noté
tantôt, à 559 000 000 $, représentent 350 000 000 $ chez
Northern.
Maintenant laissant de côté Bell Canada, mais concentrant
notre attention sur Northern Telecom, nous voyons que le chiffre d'affaires de
Northern Telecom Canada - je parle de Northern Telecom Canada et non pas de
Northern Telecom sur une base consolidée et ce sont les chiffres de 1982
-était de 1 200 000 000 $ et que le chiffre d'affaires de Northern
Telecom Canada, au Québec, était de 380 000 000 $, soit
environ
32% du chiffre d'affaires de Northern au Canada.
La valeur commerciale de la production était de 1 159 000 000 $
et cette valeur commerciale, pour le Québec, représentait environ
50%, soit 578 000 000 $. Lorsque vous regardez sur la carte, si vous voulez, de
droite qui réfère aux achats de 473 000 000 $, vous voyez un
total de 123 000 000 $ représentant les achats de Northern au
Québec, soit 26% seulement de ses activités totales. La raison de
cette différence en 1982, c'est que nous avons eu à subir une
grève d'un de nos fournisseurs en cuivre. Si le fournisseur en cuivre
n'avait pas été en grève à ce moment, le
pourcentage d'achats au Québec aurait été d'environ 35%,
soit légèrement supérieur de 32% au chiffre d'affaires
dans le Québec.
Quant au personnel, sur un total de 15 369 employés de Northern
Telecom Canada toujours, nous en avons 38% au Québec, soit 5800; et, sur
les 5800 qui travaillent au Québec, vous voyez qu'il y a un
astérisque qui indique qu'environ 2000 de ces employés sont
impliqués dans des activités d'exportation, soit l'exportation de
composantes ou de produits finis.
Regardant maintenant la partie inférieure du tableau, quant aux
taxes et impôts, Northern a payé 150 000 000 $ d'impôts au
total: 55 000 000 $ au Québec, soit environ 37% du montant global
d'impôts payé par Northern au Canada. Ce montant est
réparti à 22% pour le fédéral et à 15% pour
les taxes provinciales et municipales. Maintenant, laissant de
côté Northern Telecom Canada, mais me plaçant surtout sur
le plan de Northern Telecom International et Northern Telecom
États-Unis, à savoir les trois grandes divisions de Northern
Telecom, le chiffre d'affaires total en 1982 était d'environ 3 000 000
000 $, soit 2 986 000 000 $ pour être exact. La part du Québec,
380 000 000 $, qu'on retrouve dans la partie supérieure de la carte. Si,
au lieu de faire la relation entre Northern Telecom Canada, on fait
plutôt la relation entre Northern Telecom Ltée., et la compagnie
consolidée, on se rend compte que le chiffre d'affaires au Québec
est d'environ 12,7%.
Quant à la recherche et au développement, nous avons au
Québec 134 employés à l'île des Soeurs, dont 46
employés qui sont à l'INRS-Télécom-munications.
Nous avons également un total de 525 employés qui s'occupent de
recherche et de développement au Québec au cours de
l'année 1982, et de ce total de la recherche de 340 000 000 $ environ,
nous en dépensons 37 000 000 $ au Québec, soit 11% par rapport
à 12,7% qui est le montant global des affaires de Northern Telecom. Je
veux souligner ceci parce qu'à mon sens il est d'importance capitale de
retenir que le pourcentage général du Québec par rapport
au total des activités de Northern Telecom est de 12,7% et que, quand on
regarde la recherche, nous sommes à 11%, ce qui ne nous place pas sur
une base tellement déficitaire.
Ayant maintenant regardé quelle était la présence
et l'importance du groupe Bell, de Bell Canada et de Northern, je voudrais dire
quelques mots seulement sur l'importance de la capitalisation de Bell et sur
l'importance du nombre d'actionnaires que Bell représente au pays. Nous
avons environ 300 000 actionnaires qui détiennent à peu
près 190 000 000 $ d'actions et le pourcentage du Québec est
d'environ 15% sur la capitalisation totale de l'entreprise. Le pourcentage
varie d'année en année et se maintient toujours à environ
7% à 8% pour les actionnaires qui désirent recevoir les rapports
et les communications de la compagnie en langue française, ce qui me
laisse croire que cela représente à peu près le chiffre de
7% à 8% qui seraient des actionnaires d'expression française.
Maintenant, l'an dernier, à peu près à ce
moment-ci, j'annonçais à l'assemblée annuelle de la
compagnie que Bell Canada avait été prorogée en vertu de
la Loi sur les entreprises canadiennes, premier pas dans une restructuration
dont nous ferons le tracé ensemble, si vous le voulez bien. Le 23 juin
1982, nous annoncions une restructuration qui créait les Entreprises
Bell Canada et qui faisait de Bell Canada une filiale à part
entière des Entreprises Bell Canada.
Les raisons qui nous avaient poussés, à ce moment,
à restructurer l'entreprise étaient de trois ordres.
Premièrement, nous devions faire face à une concurrence qui
allait grandissante puisque la commission de la radio et de
télévision nous avait imposé ou avait ordonné, si
vous le voulez, qu'une concurrence ait lieu dans le domaine des terminaux, que
ce soit les standards téléphoniques ou que ce soit les
téléphones ordinaires, ce qui nous amenait, évidemment,
à être en concurrence avec les géants du monde sur notre
propre terrain. Et quand je parle de géants mondiaux, je parle de
Western Electric, de Siemens, en Allemagne, de Ericsson en Suède, de
Nippon Electric au Japon, et de AT&T aux Etats-Unis. Nous faisions face
à une concurrence internationale qui n'avait pas les restrictions et les
contraintes auxquelles nous devions faire face puisque la compagnie qui
était la compagnie mère et qui était à la fois la
compagnie de télécommunications était
réglementée par le CRTC.
La deuxième raison pour laquelle nous voulions faire cette
restructuration, c'est qu'à notre bureau - je parle des gestionnaires
principaux de l'entreprise, de mes collaborateurs immédiats, le
président et les vice-présidents exécutifs qui sont, sans
qu'on
les appelle comme cela, le bureau du président du conseil - nous
avions à faire face non seulement à des décisions qui nous
appelaient à exploiter notre système de
télécommunications d'une façon aussi efficace que
possible, mais nous devions également et plus particulièrement
à ce niveau prendre des décisions qui avaient des implications
sur l'entreprise générale, à savoir sur toutes les
composantes auxquelles je ferai allusion un peu plus tard, à telle
enseigne que, pendant une période d'environ deux ans et demi, de 1980
à 1982, j'étais à la fois le président du conseil
et le chef de la direction de Bell Canada, mais j'étais également
président du conseil de Northern Telecom. C'est, évidemment, un
fardeau que je ne pouvais continuer à assumer d'une façon
indéfinie. L'an dernier, M. Light est devenu président du conseil
et chef de la direction et M. Fitzgerald est devenu président de
Northern Telecom et je suis revenu à mes anciennes fonctions, qui
étaient celles d'être le chef de la direction à la fois de
l'entreprise d'exploitation et de l'entreprise de portefeuille qu'était
Bell Canada. Dans notre perspective, cela nous donnait un meilleur
contrôle sur les exploitations de télécommunications qui
vont après la réorganisation être exclusivement la
responsabilité de Bell Canada, alors que toute la coordination de
l'entreprise en général reposera sur les épaules des
Entreprises Bell Canada.
Le troisième volet est que la réglementation était
devenue très complexe, puisque tous les investissements étaient
faits par l'entreprise réglementée. Cela voulait dire que Bell
Canada était l'investisseur dans une foule d'entreprises d'exploitation
qui n'avaient rien à voir du tout avec l'offre de services de
télécommunications dans le Québec, l'Ontario et dans les
Territoires du Nord-Ouest. Par exemple, nous avions le contrat pour publier,
distribuer et coordonner les annuaires téléphoniques au New
Jersey, nous avions le contrat pour faire la même chose sur à peu
près 40% du territoire de l'Australie, nous avions également le
contrat en Arabie Saoudite, je ne parle pas du contrat principal, mais du
contrat pour les annuaires téléphoniques. (11 heures)
Tout ceci se faisait par des investissements qui étaient
filtrés par Bell Canada et cela rendait la charge de la commission de
réglementation très difficile, avec le résultat qu'on
était souvent obligé d'interposer toutes sortes de
théories pour isoler les abonnés des risques additionnels que
nous avions nécessairement pris lorsque nous nous étions rendus
sur les territoires étrangers, soit comme consultants, comme fabricants,
ou comme producteurs de bottins téléphoniques ou, par exemple,
quand nous étions impliqués dans du "packaging" pour des
compagnies qui offrent des produits de consommation.
Pour tenter de rationaliser leurs positions, les offices de
réglementation ont pris des attitudes telles qu'on imputait, dès
la première année, un rendement qui devait être
supérieur au rendement sur le capital-actions de l'entreprise de
télécommunications, un taux de rendement qui était de 1
point de plus que le rendement sur les activités
réglementées. Le résultat de cela, c'est que, par exemple,
lorsque nous avions investi 100 000 000 $ dans Northern Telecom dans les
années quatre-vingt, nous étions présumés avoir
gagné au comptant 15 1/2% sur notre investissement de Northern. Je ne
sache pas qu'il y ait un seul investissement qui puisse vous donner un
rendement de 15 1/2% comptant, la première année; le rendement
peut être de 15 1/2%, mais vous ne le recevrez pas en dividendes la
première année. Alors, cela créait toute une série
de complications au point de vue de la réglementation et c'est ce qui
nous a amenés à présenter cette restructuration des
Entreprises Bell Canada.
Comment regardions-nous la structuration actuelle? Aujourd'hui, les
actionnaires de Bell Canada détiennent les actions de Bell Canada et
Bell Canada détient 55,2% des actions de Northern Telecom avant
l'éparpillement qui résultera de certaines actions ou de
certaines débentures qui comprennent une convertibilité. Si les
actions étaient toutes converties, le pourcentage de Bell Canada serait
d'environ 51%.
Northern Telecom contrôle 70% des recherches de Bell-Northern et
Bell Canada contrôle 30% du centre de recherches de Bell-Northern. C'est
la partie fabrication et recherches. À côté de cela, vous
avez les compagnies de téléphone réglementées par
un organisme provincial et, vous avez, à l'intérieur de ce groupe
d'entreprises, Télébec, Northern Telecom, New Brunswick
Telephone, Newfoundland Telephone, Maritime Telephone and Telegraph et Island
Telephone. Les pourcentages que nous détenons dans ces entreprises sous
réglementation provinciale varient de 38% à 70%. Nous avons
environ 38% dans les compagnies des provinces maritimes et environ 70% dans la
compagnie de Terre-Neuve, 100% dans Télébec et presque 100% dans
Northern Telephone, quelque chose comme 99,8% ou 99,9%, simplement des
actionnaires qui n'ont pas présenté leurs actions lorsque nous
avons fait l'acquisition de Northern Telephone.
Les Entreprises Bell Canada, c'est tout le groupe qui était
auparavant connu sous le nom de Télé Direct. Le changement de nom
a eu lieu pour nous permettre de faire la transposition subséquente
d'appeler Bell Canada les Entreprises Bell Canada et de
faire sauter les Entreprises Bell Canada en haut plutôt que
là au centre du tableau. À l'intérieur de cela, vous avez
Ronalds Federated, la compagnie d'impression, vous avez la publication des
annuaires dans le Québec et l'Ontario et vous avez également
certaines autres publications qui sont tout de même au Canada. Nous les
avons laissées sous le nom de Télé-Direct Publications et
vous verrez pourquoi dans un instant. Toutes les autres entreprises qui ne sont
pas de la publication dans l'Ontario et le Québec et au Canada sont
maintenant logées dans les Entreprises Bell Canada Inc. Les Entreprises
Bell Canada Inc. contrôlaient également Télé-Direct
Canada - je veux parler de Télé-Direct Publications - et les
Systèmes de communication Bell, une filiale que nous avons formée
lorsque le CRTC nous a imposé un choix pour les abonnés, à
savoir que nous devions concurrencer directement toutes les compagnies
internationales et canadiennes qui voulaient vendre leurs terminaux aux
abonnés. La Société internationale de gestion, c'est la
compagnie qui est présente dans une quarantaine de pays. Nous avons eu,
comme vous le savez, le contrat pour regarder le système de
télécommunications de l'OTAN. Nous avons eu également, par
le truchement de Bell Canada, mais par l'entremise de la Société
internationale de gestion, le contrat en Arabie Saoudite, qui était au
nom de Bell Canada en 1978, mais les démarches avaient été
faites par la Société internationale de gestion. Finalement, vous
avez Télésat Canada, qui est une compagnie de la couronne dans
laquelle nous avons 24,6% des actions, les autres actions étant
détenues par les autres transporteurs canadiens et 49% des actions
étant détenues par le gouvernement fédéral.
Vous pouvez peut-être laisser le tableau sur une des chaises pour
qu'on puisse voir l'évolution. Après la restructuration, les
anciens actionnaires de Bell Canada deviennent les actionnaires des Entreprises
Bell Canada Inc., et vous voyez que Bell Canada, je dirais purifiée,
libérée de tous les investissements qu'on voyait sur le premier
tableau, ne s'occupe que de la production de services et de la livraison de
services à ses abonnés dans son territoire. Comme vous le voyez,
il ne lui reste que des investissements dans Télésat Canada et
dans Télé-Direct Publications et voici pourquoi. Nous avons
gardé les 24,6% de nos intérêts dans Télésat
parce que, en vertu de la loi, c'était Bell Canada qui était
mentionnée en annexe comme étant l'actionnaire autorisé de
Télésat Canada et il ne nous était pas possible,
évidemment, de faire la restructuration et de mettre cela de
côté, d'autant plus que cela fait partie intégrante des
opérations de Bell Canada au Canada.
Nous avons également laissé les 30% dans les Recherches
Bell-Northern pour une excellente raison à notre avis, c'est que nous
voulions, tout au moins au départ, garder l'intégration qui nous
avait si bien servis depuis fort longtemps. Nous ne voulions pas créer
l'impression que les recherches étaient quelque chose qui n'était
plus partie intégrante, si vous voulez, de Bell Canada.
Finalement, nous avons mis les publications de Télé-Direct
comme filiale directe de Bell Canada parce que le CRTC, dans sa décision
de 1981, avait décidé que les publications
Télé-Direct étaient partie intégrante de Bell
Canada et qu'il était nécessaire pour les abonnés d'avoir
accès à des bottins téléphoniques. Pour cette
raison-là, nous avons préféré laisser la structure
que vous voyez avec Télé-Direct Publications, filiale à
part entière de Bell Canada.
On pourrait discuter longtemps à savoir si c'est une position qui
est défendable puisqu'il est fort possible que Bell Canada offre les
mêmes services de télécommunications et qu'au lieu de faire
publier ses annuaires par Télé-Direct elle les fasse publier par
une autre entreprise. À mon sens, ce n'est pas partie intégrante,
mais, comme le CRTC l'avait déjà décidé, je n'ai
pas voulu m'engager dans une autre bataille avec le CRTC pour voir si
c'était ou si ce n'était pas partie intégrante de la
livraison du service téléphonique. Northern Telecom devient donc
filiale d'Entreprises Bell Canada et vous voyez que Télé-Direct
Canada, qui s'occupe de toute la publication, l'impression, le "packaging", qui
n'a rien à faire avec la livraison de services de
télécommunications, devient une filiale d'Entreprises Bell
Canada; la même chose pour les Sytèmes de communication qui, eux,
vendent des systèmes de communication aux abonnés directement; la
Société internationale de gestion, également, puisque, de
par sa définition même, elle gère des entreprises de
télécommunications, comme ce qui se passe à Trinidad,
à Tobago et dans plusieurs autres pays que je pourrai nommer plus tard
si la commission le désire.
Quel sera l'impact des Entreprises Bell Canada sur l'activité
économique du groupe Bell? Cela ne peut être que positif parce
que, si nous atteignons nos objectifs, notre capacité concurrentielle
sera augmentée, nous extrairons le maximum de toutes nos ressources et,
puisque nous grandirons, il nous sera possible de créer plus d'emplois.
Le siège social des Entreprises Bell Canada étant au
Québec, il est difficile de prévoir dans quelle mesure on peut
quantifier l'impact que la restructuration aura, mais je pense que ce qu'il est
important de garder en tête, c'est que, si la restructuration n'avait pas
eu lieu, il y aurait eu une perte importante pour le Québec puisque nous
aurions été forcés de limiter nos investissements dans
Northern Telecom à
l'avenir.
Ceci, je pense, résume notre position sur la restructuration. Si
nous avons pu faire ces percées dont je parlais tantôt, c'est
parce que nous avions acquis une réputation comme, premièrement,
fournisseur de services de télécommunication chez Bell et
fabricant d'équipement de télécommunication de très
haute qualité chez Northern. Les Recherches Bell-Northern
représentent, comme on l'a indiqué tantôt, le plus grand
centre privé de recherche au pays. Il ne se passe pas une semaine,
j'allais dire une journée, sans que des autorités
gouvernementales étrangères visitent les laboratoires, que ce
soit à Ottawa, que ce soit sur place dans les usines ou que ce soit ici
au Québec. Nous avons réussi à acquérir cette
réputation parce que nous avions une relation intime avec le fabricant
et avec le centre de recherche et nous ne voulons pas perdre cette
intégration, mais nous voulons acquérir une plus grande
flexibilité. C'est la raison pour laquelle je disais tantôt que le
centre de recherche demeure une filiale, indirectement si vous le voulez, des
Entreprises Bell Canada par le truchement de Northern Telecom, mais les 30%
demeurent chez Bell Canada.
Ayant fait ce tour d'horizon, si les membres de la commission ont
quelques questions ou qu'ils désireraient avoir quelques clarifications,
mes collègues et moi-même serons heureux de tenter d'y apporter
des réponses. Merci. (11 h 15)
Le Président (M. Champagne): Merci, M. de Grandpré.
Maintenant, il faudrait peut-être s'entendre sur la procédure
à suivre. Je ne sais pas si on devrait accepter qu'il y ait des
remarques de part et d'autre dans un premier temps, ensuite, M. le
député de Vachon m'a demandé le droit de parole. Est-ce
que vous avez quelque chose à proposer? M. le député
d'Outremont... M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires?
Période de questions
M. Bertrand: Les remarques préliminaires ont
été faites. Je veux d'abord remercier M. de Grandpré pour
cet exposé-synthèse des activités. Doit-on dire de Bell
Canada ou d'Entreprises Bell Canada? Nous verrons quels sont maintenant les
délais que se sont fixés les dirigeants de Bell Canada pour
procéder à la conversion, mais, de toute façon, je
voudrais les remercier de nous livrer ces informations, ce matin, et faire en
sorte que nous puissions aborder le débat dans une perspective
dynamique. En d'autres mots, je voudrais rassurer le député de
Westmount immédiatement sur la question qui terminait son exposé
préliminaire et qu'il formulait de la façon suivante - et je suis
tout à fait d'accord pour la formuler dans les mêmes termes - la
question qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante: Le gouvernement
- dans le fond on dit le gouvernement, mais on devrait dire l'État
québécois, nous tous ensemble - allons-nous continuer à
envisager la problématique économique et technologique des
années quatre-vingt avec une mentalité vétuste des
années soixante-dix?"
Je tiens à le féliciter pour l'absence de partisanerie
dans la question posée puisque, effectivement, la mentalité
vétuste des années soixante-dix, cela veut dire, dans le fond, la
mentalité qui a toujours animé l'ensemble des gouvernements
depuis que le ministère des Communications existe. Mais nous
étions loin - là-dessus, je veux démontrer jusqu'à
quel point je ne fais de reproches à personne - d'imaginer - je pense
que même les gens de Bell Canada étaient loin d'imaginer - en 1965
ou en 1970 ou en 1972, l'essor phénoménal qu'allait
connaître le développement des télécommunications
dans les années quatre-vingt dans un contexte nouveau. Un contexte
nouveau d'ailleurs qui, si je le comprends bien, d'après l'exposé
de M. de Grandpré, les amène aujourd'hui à concevoir la
structuration de leur entreprise d'une autre façon.
On a parlé du contexte de concurrence, on a parlé de cette
notion de compétitivité, on a parlé de cette
nécessité de déréglementation pour faciliter
à l'entreprise sa position de compétiteur dans un marché
extrêmement concurrentiel. Ce sont tous des concepts qui, bien sûr,
existaient dans les années soixante-dix, mais qui prennent toute leur
signification dans les années quatre-vingt, étant donné
les développements technologiques très importants auxquels nous
assistons. Je voudrais tout de même, et là-dessus, je veux qu'on
me comprenne très bien, le député de Westmount a
cité seulement un extrait, il n'a pas cité l'ensemble des
paragraphes qui font état de ces querelles constitutionnelles que nous
avons eues au cours des quinze dernières années avec le
gouvernement fédéral, que ce soit un gouvernement de l'Union
Nationale, un gouvernement libéral ou un gouvernement du Parti
québécois, finalement, cela a toujours été un
dossier sur lequel on s'est continuellement buté à une fin de
non-recevoir de la part du gouvernement fédéral sur ce qu'on
pourrait appeler une redistribution des pouvoirs.
Mais ceci étant dit, je voudrais demander au président de
Bell Canada, et justement dans cette perspective nouvelle de
réorganisation corporative, dans la perspective qu'il annonce pour le
développement de son entreprise au cours des années quatre-vingt,
si le type de discours qu'il tenait devant l'assemblée des
actionnaires, à Toronto, le 17 avril 1980, si ma mémoire
est bonne, demeure encore valable aujourd'hui, à la lumière des
faits nouveaux. Je lis à la page 12 du document présenté
par M. de Grandpré: "Ces remaniements structurels suggèrent une
hypothèse de solution au problème que pose la redistribution des
pouvoirs fédéraux et provinciaux en matière de
télécommunication. Premièrement, l'autorité
fédérale pourrait s'exercer sur des questions comme l'attribution
des fréquences, sur la gestion du spectre et la définition de
standards techniques nationaux. Deuxièmement, toutes les questions ayant
trait aux tarifs, à la qualité du service et aux activités
de nature locale ou intraprovinciale seraient du ressort exclusif de la
province. Troisièmement, les questions de nature interprovinciale comme
les tarifs et le partage des revenus pour l'échange des trafics seraient
du ressort d'un comité interprovincial qui pourrait être
composé de régulateurs provinciaux représentant les cinq
régions du Canada avec ou sans représentation du niveau
fédéral."
J'aimerais savoir - première question -du président du
conseil d'administration de Bell Canada si les propos qu'il tenait en 1980,
dans son esprit, aujourd'hui, trois ans plus tard, en 1983, demeurent
pertinents. Si oui, est-ce que le projet de réorganisation corporative
de Bell Canada va dans le sens du maintien de ce type de discours, je dirais
même, dans le sens de l'accentuation de ce type de discours? J'aurai par
la suite d'autres questions dépendant, bien sûr, des
réponses de M. de Grandpré.
M. de Grandpré: Dans la première question que vous
me posez, j'ai dit, à ce moment-là, ce que je pensais et je pense
encore que c'est la façon peut-être de régler un
problème politique. Mais il ne m'appartient pas de régler le
problème politique. Je dis que si une approche doit être faite par
les divers niveaux de gouvernement, cela me semble en être une qui nous
permettrait d'évoluer dans le sens que j'ai mentionné dans mes
remarques. Je ne savais pas, à ce moment-là, quelle était
l'ampleur de l'impact qu'une telle restructuration pourrait avoir sur les
abonnés parce que nous n'avions pas fait d'étude précise.
Je dois vous dire que j'ai pris connaissance du rapport Tamec, la semaine
dernière. J'ai été surpris de voir l'ampleur de l'impact
que cela aurait sur les abonnés québécois. Je me demande
si, nonobstant toutes les discussions du niveau politique dans lesquelles je ne
veux pas me faire entraîner, je me demande si cela jouerait tellement
à l'avantage des Québécois puisqu'il y aurait une
surcharge qui irait de 85 000 000 $ à 190 000 000 $, je n'ai pas les
chiffres exactement, mais je peux les trouver facilement.
M. Bertrand: 90 000 000 $ à 180 000 000 $.
M. de Grandpré: 90 000 000 $ à 180 000 000 $. Si
c'était le chiffre qu'on devait retenir - et je n'ai aucune raison de
croire que ce n'est pas le chiffre à retenir -je pense que cela jouerait
à l'encontre du développement économique du Québec
parce que les télécommunications, comme vous l'avez
mentionné au début, prennent une part de plus en plus importante
dans des activités économiques et que cela représente une
tête de chapitre au budget des entreprises qui devient très
importante. À cause de cela, si ce fardeau devenait excessif, je pense
que les gens regarderaient, avant de s'établir, l'ampleur de leurs
dépenses en télécommunication et hésiteraient
peut-être à venir s'établir au Québec. Ceci
étant dit, les principes que j'ai énoncés ont trait
exclusivement - et je ne me dédis pas - à une redistribution des
pouvoirs qui permettrait d'avoir un contrôle unique sur la santé
financière de l'entreprise. Comme je l'ai dit à vos
prédécesseurs et comme je l'ai dit à M. Lesage, à
M. Johnson, à M. Bourassa - je les vois tous ici - à votre
père...
M. Bertrand: II ne m'en a pas parlé!
M. de Grandpré: Vous étiez trop jeune à ce
moment-là.
J'ai toujours souligné qu'il y avait un impact d'une importance
quelconque que je n'avais pas évaluée et c'est ce qui avait
toujours, à la suite de ces entretiens, mis une douche d'eau froide sur
les désirs qu'il pouvait avoir, à ce moment-là, de faire
des efforts additionnels pour renvendiquer d'une façon plus agressive la
juridiction sur le domaine des télécommunications.
Cela étant dit, la réorganisation n'a aucun impact sur les
principes que j'ai énoncés. Elle est absolument neutre, puisque,
Bell Canada, demeurant la compagnie de télécommunication sous
juridiction fédérale, si on devait la faire passer sous
juridiction provinciale avec une compagnie et Bell Canada avec deux filiales,
Bell Québec et Bell Ontario, il ne serait évidemment pas question
de liquider l'entreprise qui s'appelle Bell Canada, mais il s'agirait
plutôt de créer deux compagnies de gestion qui pourraient
s'appeler Bell Ontario et Bell Québec, compagnies de gestion qui
loueraient de Bell Canada les équipements qui sont en place. Autrement,
on ferait une liquidation de Bell Canada qui s'avérerait
extrêmement coûteuse pour les abonnés et pour le pays en
général.
La seule solution, si on devait s'orienter de ce côté, ce
serait de garder Bell Canada et de faire deux compagnies de gestion qui
loueraient les actifs.
M. Bertrand: M. le Président, comme je n'ai pas
l'intention quant à moi - je l'ai indiqué dans mes propos - de
faire de la question du partage des juridictions l'essentiel des débats
que nous aurions avec les dirigeants de Bell Canada puisque, effectivement, il
y a un certain nombre de contraintes politiques qui ne sont pas du ressort des
dirigeants de Bell Canada, mais qui sont du ressort des gouvernements
fédéral et provincial, ce sont des questions que nous pourrons
discuter à un autre niveau, dans la mesure où ce sera
évidemment possible de le faire.
Je voudrais davantage m'attarder au projet de restructuration
corporative de Bell Canada, dans un premier temps. On nous dit, c'est à
la page 18 de votre exposé, M. de Grandpré: "C'est un fait que
Bell Canada, compagnie de télécommunications, ne retirera plus,
après la restructuration, les revenus qu'elle est actuellement
réputée retirer de ses opérations autres que ses
opérations de télécommunications, mais cette perte de
revenus pourra être compensée par un rendement moindre que celui
qui, lui, est actuellement autorisé par le CRTC, réduisant les
revenus requis."
Plus loin, vous indiquez: "C'est que les risques plus
élevés inhérents aux opérations non
réglementées étant reportés au niveau d'Entreprises
Bell Canada, on pourra réduire le taux de rendement autorisé,
peut-être de quelque 1/4 à 1/2%, ce qui, encore une fois,
compensera à peu près exactement les revenus qui ne reviendront
plus à la compagnie de télécommunications qui se sera
départie de plusieurs de ses investissements."
Il est évident qu'à partir du moment où la
réorganisation s'effectue et que le CRTC n'a plus un pouvoir aussi
étendu en termes de réglementation ou, en tout cas, voudrait voir
ce pouvoir redéfini - c'est la demande qu'ii a transmise au gouvernement
fédéral -dans un contexte qui lui permettrait tout de même
de bénéficier du maximum d'information et de connaître les
projets d'interfinancement entre les différentes filiales d'Entreprises
Bell Canada, à partir de ce moment, le dossier réglementé
directement par le CRTC se résume exclusivement à l'exploitation
du service téléphonique, c'est-à-dire aux activités
de Bell Canada conçue dans la nouvelle structure.
M. de Grandpré: Je voudrais tout d'abord corriger une
déclaration que vous venez de faire, à savoir que le CRTC
réglemente Bell Canada. Le CRTC ne réglemente pas Bell Canada. La
seule juridiction que le CRTC a, c'est une juridiction sur les taux que nous
facturons...
M. Bertrand: La facturation.
M. de Grandpré: C'est la seule juridiction du CRTC. C'est
pourquoi, lorsque le CRTC ou d'autres personnes disent que la commission a
juridiction sur la compagnie, je pense que c'est donner un prolongement
à la loi que la loi n'a pas donnée. J'ai dit devant la
commission, lors de ma comparution au début du mois de février,
que le CRTC gardait une juridiction complète et entière sur Bell
Canada, après la réorganisation, et que le CRTC gardait
juridiction entière sur les tarifs sur lesquels elle devait se
prononcer. (11 h 30)
Comme les relations entre Bell Canada, post-réorganisations, la
nouvelle entreprise purifiée de Bell Canada, comme les tarifs doivent
être déterminés en prenant en considération les
dépenses capitales, les dépenses courantes, les revenus et toutes
les activités financières de Bell Canada, j'ai dit, et je le
répète aujourd'hui: Le CRTC aura entière juridiction pour
regarder les contrats, les ententes qui interviendront entre Bell Canada et les
compagnies avec lesquelles elle fait affaires, que ce soit des compagnies
à l'intérieur du groupe ou des compagnies à
l'extérieur du groupe, parce que ces ententes, ces contrats peuvent
avoir une conséquence sur les tarifs.
Je ne sache pas que la juridiction du CRTC aille au-delà de cela
et que si, par exemple, Northern Telecom vend des produits en Arabie Saoudite,
aux États-Unis, en Iraq, en Australie, pourquoi le CRTC aurait-il
accès à cette information qui n'a rien à voir avec les
contrats existant entre Northern Telecom et Bell Canada. Si Northern Telecom
vend des produits à Bell Canada, Northern Telecom doit les vendre selon
un contrat qui est devant la commission à un prix égal ou
inférieur à toute vente faite par Northern Telecom à
d'autres acheteurs, compte tenu des circonstances. C'est à cause de cela
que le CRTC peut avoir un droit de regard sur Bell Canada dans ses relations
avec toutes les entreprises du groupe lorsque ces relations peuvent avoir un
effet sur les tarifs. Lorsque les relations n'ont rien à voir avec les
tarifs, je vous suggère bien respectueusement que le CRTC, pas plus
qu'un autre système de réglementation, ne doit avoir accès
à cette information de nature confidentielle parce que
concurrentielle.
M. Bertrand: En d'autres mots, si je comprends bien, quand je lis
le communiqué émis par le CRTC, ces derniers jours, au niveau des
recommandations du CRTC on y lit: Au chapitre de l'accès à
l'information, le conseil a conclu qu'il doit être investi du pouvoir
d'accès et aux contrats intervenus entre des tierces parties et
Entreprises Bell Canada ou ses filiales dans les circonstances où ces
contrats sont pertinents aux
transactions entre Bell Canada et ses filiales. Le conseil est convaincu
que, faute de ce pouvoir, sa capacité actuelle de déceler des cas
d'interfinancement sera affaiblie et qu'il pourrait en résulter des
majorations des tarifs pour les abonnés. Vous endossez cet
énoncé?
M. de Grandpré: Dans la mesure où le pouvoir
d'enquête a trait à l'impact que cela pouvait avoir sur les
abonnés, je suis parfaitement d'accord avec cette conclusion. Seulement
dans cette mesure.
M. Bertrand: Ce n'est pas à vous, évidemment, vous
n'avez pas à dresser d'hypothèses ou à faire de
procès d'intentions relativement aux demandes qui seront
acheminées par le CRTC ou le gouvernement fédéral...
M. de Grandpré: Le rapport dit ce qu'il dit et le
gouvernement prendra ses décisions et moi je prendrai les miennes.
M. Bertrand: Vous comprenez, de la recommandation faite par le
CRTC, qu'à partir des lignes que je viens de vous lire, Bell Canada, au
niveau de ce qu'on pourrait appeler le caractère réglementaire
quant à la tarification, sera placée dans une situation où
le CRTC aura toutes les informations pertinentes quant aux décisions les
plus appropriées à prendre pour s'assurer que les abonnés
ne seraient pas perdants à l'activité que constitue cette
réorganisation.
M. de Grandpré: Vous avez parfaitement raison.
M. Bertrand: II y a un certain nombre de phrases aussi que je
voudrais voir expliciter davantage par M. de Grandpré. À la page
18, relativement à la restructuration et à l'impact sur
l'économie. Le président de Bell Canada indique: "Je dirai enfin,
en réponse à la deuxième préoccupation du ministre,
que la restructuration du groupe Bell n'aura aucun impact négatif sur
l'activité économique du groupe au Québec." Il ajoute:
"Elle aura plutôt un impact positif dans la mesure où elle
permettra d'atteindre les objectifs visés par la réorganisation,
notamment l'amélioration de notre capacité concurrentielle ainsi
que l'optimisation de toutes nos ressources. La présence du groupe Bell,
avec ses compagnies de haute technologie, continuera donc d'être
d'emblée à l'avantage du Québec." Et un peu plus loin -
quand je dis un peu plus loin, je veux dire un peu plus avant, je m'excuse -
vous ajoutez, et pour moi, c'est très important parce que,
effectivement... À la page 10: "Nous avons de plus - c'est le
troisième paragraphe - l'intention d'accélérer le
développement du laboratoire de l'île des Soeurs. Il nous faudra
cependant surmonter certains obstacles, dont une pénurie de chercheurs
qualifiés, détenteurs de doctorat dans certains domaines. Nous
pourrions employer à nous seuls plus de diplômés à
ce niveau qu'il ne s'en prépare actuellement dans les universités
québécoises." À la page 11: "II faudra, avec la
collaboration du gouvernement, créer un climat et des conditions de
nature à attirer ici des chercheurs et à retenir ceux qui s'y
trouvent déjà."
Ces phrases m'apparaissent très importantes dans la mesure
où effectivement le Québec se pose des questions quant à
l'impact qu'aura le projet de réorganisation corporative sur le
développement de Entreprises Bell Canada sur le territoire
québécois et, en particulier, dans le secteur de la recherche et
du développement, mais aussi dans le secteur manufacturier, cela va de
soi. Mais vous définissez ici un certain nombre de conditions qui
doivent être rencontrées après avoir discuté avec
des gens de Northern Telecom et de Recherches Bell-Northern, on m'a
effectivement sensibilisé au problème d'une pénurie de
chercheurs qualifiés, au problème de la formation de nos
diplômés dans nos universités québécoises.
Vous engagez le plus souvent - enfin, je dirai la plupart du temps - des gens
qui ont des formations de deuxième et de troisième cycles; en
tout cas, vous encouragez très fortement les jeunes qui se dirigent du
côté des technologies de pointe, en particulier dans le secteur
des télécommunications, à poursuivre leurs études
au niveau du deuxième et du troisième cycle et vous nous invitez
à créer un climat, des conditions de nature à attirer ici
des chercheurs et à retenir ceux qui s'y trouvent déjà. Je
voudrais vous entendre là-dessus, M. de Grandpré, avec toute la
franchise dont je vous sais capable.
M. Fortier: On vous donne trois heures.
M. Bertrand: Voyez, je pose même les questions que
l'Opposition aurait souhaité poser à ma place.
M. de Grandpré: Ne voulant pas prendre les trois heures
qui m'ont été accordées, je pense que le rapport Tamec
donne la réponse aux questions que vous posez et qui sont
soulevées dans ma présentation aux pages 64 et suivantes et, plus
particulièrement, au bas de la page 65 où on parle des variables
indépendantes sur lesquelles le Québec exerce un certain
contrôle, c'est le sous-paragraphe 4.2.4. Je note en particulier que le
rapport qui a été fait pour le ministère des
Communications par les experts retenus par le ministère indique la
fiscalité des entreprises, la fiscalité des individus, les
politiques linguistiques et les autres
politiques. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les experts qui sont
retenus par le ministère et qui font un peu écho à ce que
j'ai dit à plusieurs reprises dans le passé. C'est ce climat
général qui nous permettra d'attirer des chercheurs ici.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que même si, par
décret ou par édit, le conseil d'administration ou moi-même
ou mes collègues, nous décidions d'autorité d'agrandir le
cadre de nos recherches au Québec, nous ne pourrions attirer les
chercheurs que dans la mesure où s'améliorerait le climat
général, climat qui est constitué des quatre variantes
dont le rapport Tamec fait mention.
M. Bertrand: J'ai ici devant moi une étude qui a
été menée par le directeur adjoint du Centre de recherche
en rémunération du Conference Board du Canada relativement
à la fiscalité au niveau des individus et des familles. Cette
étude, qui a été réalisée en 1982, conclut
à la position intéressante de Montréal sur le plan de la
fiscalité. Les tableaux qui sont présentés dans cette
étude - je pourrais en remettre une copie aux parlementaires ainsi
qu'aux dirigeants de Bell Canada, peut-être en ont-ils déjà
pris connaissance - font une comparaison entre les villes de Saint-Jean,
à Terre-Neuve, de Montréal, de Toronto, de Calgary et de
Vancouver. On analyse, pour chacune de ces villes et pour un individu qui gagne
40 000 $ par année et dont la famille, puisqu'il s'agit d'une personne
mariée, comprend trois enfants, les dépenses de consommation
d'une telle famille dans certaines villes canadiennes; il y a un tableau
où, après avoir fait le calcul de l'ensemble des dépenses
totales de la famille, incluant l'habitation, les taxes, la nourriture, le
transport, l'habillement, les fournitures pour la maison et autres, on situe
Montréal au deuxième rang parmi les villes au Canada où,
après avoir fait, dis-je, le calcul de l'ensemble des dépenses
reliées à la consommation, y compris les taxes, le revenu
disponible demeure le plus élevé.
Effectivement, quand on fait la comparaison, on arrive à moins
670 $ à Toronto, à plus 2542 $ à Montréal. Est-ce
que ce sont des données dont vous avez déjà eu l'occasion
de prendre connaissance, M. de Grandpré? Est-ce que vos analyses au
point de vue de la fiscalité des individus, des familles vous
amènent à considérer - j'ai l'impression que ce doit
être, en tout cas, un facteur important - que la présence de Bell
au Québec demeure intéressante, en tout cas, en ce qui a trait
à la fiscalité au niveau des individus?
M. de Grandpré: Vous partez d'une base bien
différente. Vous partez du revenu net de l'individu. Moi, je pars du
revenu brut de l'individu et je vous dis qu'à 40 000 $, l'impôt
total en Ontario est de 13 446 $, soit 44,4% du revenu, alors que le montant
total dans le Québec est de 16 750 $. Je prends ces chiffres dans un
aide-mémoire produit par Raymond Chabot, et le Conseil du patronat a
également soumis des données identiques dans un mémoire du
mois de mars 1983. Je pense que c'est se leurrer que de croire que le taux
d'imposition au Québec est inférieur aux taux d'imposition dans
les autres provinces, les chiffres démentent cela. (11 h 45)
M. Bertrand: Je veux bien que nous discutions du taux
d'imposition, M. de Grandpré, mais je considère que quel que soit
le point de départ: revenu brut, revenu net et incluant la taxation, il
faut aussi, quand on fait l'analyse des conditions dans lesquelles travaillent
des gens, dans quelque province que ce soit, dans quelque ville que ce soit,
tenir compte des dépenses reliées à la consommation. Il
est évident qu'on peut tenir compte du facteur taxation mais aussi des
facteurs reliés à la consommation. Ces facteurs m'apparaissent
devoir être appréciés lorsque vient le temps de prendre une
décision quant à des investissements qui permettraient, comme
vous le dites dans votre texte, de retenir ici ou d'amener ici des chercheurs
ou des gens qui oeuvrent dans le secteur manufacturier ou autre.
M. de Grandpré: Peu importe le jeu des statistiques, M. le
ministre, il reste un fait précis. Quand vous désirez ramener
quelqu'un ici que vous avez déjà envoyé à
l'extérieur pour travailler, c'est extrêmement difficile pour ne
pas dire impossible de le ramener ici. De la même façon, si vous
envoyez quelqu'un aux États-Unis pour y travailler, c'est
extrêmement difficile de le ramener ici. Je ne vous dis pas que c'est un
phénomène qui est exclusivement québécois, je vous
dis que le phénomène existe dans tout le Canada et il existe au
surplus partout au Québec. C'est la perception de tous les gens qui ont
travaillé à l'extérieur. Ils en arrivent à la
conclusion que cela coûte plus cher ici qu'ailleurs, quand vous regardez
le revenu brut et ce qui vous reste à dépenser. C'est le cash
flow de l'individu qui est important. Même quand vous prenez le
régime d'investissement dans les actions, ça donne un
crédit d'impôt, mais cela n'augmente pas le cash flow de
l'individu. L'individu est obligé d'investir à même son
revenu pour pouvoir bénéficier d'un dégrèvement
fiscal. C'est cette conjoncture générale qui fait que c'est
extrêmement difficile, sinon impossible de ramener les gens ici.
M. Bertrand: Je suis convaincu qu'en tenant ces propos, M. de
Grandpré, vous ne dissuadez pas le gouvernement de poursuivre
ce programme d'épargne-actions, d'autant plus que le
ministre...
M. de Grandpré: Je vais écrire au ministre des
Finances, je vais l'inciter à le continuer, parce que autrement ce
serait pire.
M. Bertrand: Et le ministre fédéral des Finances,
hier soir, dans son budget, vient d'introduire à peu près le
même concept, si j'ai bien compris les informations qui me sont
transmises.
M. de Grandpré: Je rentre de New York, ce matin; j'ai tout
simplement lu un article très bref dans le Wall Street Journal à
bord de l'avion. Alors, je ne peux pas vous dire ce qu'il y a dans le budget,
je n'en ai aucune idée. Je ne sais pas si je suis plus riche ou plus
pauvre ce matin.
M. Fortier: Sûrement plus pauvre.
M. Bertrand: Bien non, la Presse titre en disant qu'on remet
davantage aux sociétés en prenant davantage dans la poche des
individus, mais il ne s'agit que d'un titre de journal.
M. French: M. de Grandpré a parlé à titre
d'individu.
M. Bertrand: C'est un titre de journal. Je voudrais mesurer
l'ampleur de la déclaration que vous faites lorsque vous dites à
la page 10 de votre document, M. de Grandpré: "Nous avons de plus
l'intention d'accélérer le développement du laboratoire de
l'île des Soeurs."
M. de Grandpré: Oui, je voudrais me reporter à ce
que nous avons fait dans le passé et vous indiquer l'historique du
développement de nos recherches qui ont commencé d'une
façon globale, à Ottawa. Le 25 mars dernier, un expert nous
mettait en garde contre la prolifération des centres de recherches. Il
s'agissait de M. Doyle, le président de Doyletech Corporation d'Ottawa.
Nous avons également le même problème, parce que ce que
vous désirez pour le Québec, ce n'est pas quelque chose qui est
absent des préoccupations de M. Lougheed en Alberta, de M. Devine en
Saskatchewan ou de M. Buchanan dans les Maritimes. C'est une
préoccupation qui est toujours présente chez les gens qui ont la
responsabilité d'attirer des investisseurs dans leur province.
Nous devons faire attention de ne pas balkaniser nos recherches à
tel point que la qualité de la recherche s'en ressente. C'est ce que M.
Doyle disait dans ce communiqué remis à la presse le 25 mars ou
la veille, le 24 mars, et le seul texte que j'ai, c'est le texte anglais
où on dit ceci: "While the development of technology continues in
various parts of Canada, the pioneering Ottawa-Carleton region has warned the
Federal Government not to spread its resources too thinly over the rest of the
country. While various governments and the media have portrayed the Ottawa
Valley technology industry as a type of economic saviour, the private sector is
concerned that the issue has been overplayed. Compared with the real Silicone
Valley in California, the Ottawa Valley industry is fragile and the federal aid
should not be distributed across the country just for political reasons. Canada
now has a 9 000 000 000 $ trade deficit in technology products including 2 000
000 000 $ in computers and office products and more than 5 000 000 000 $ in
electronics, said Mr Doyle, president of Doyletech Corporation. "By comparison,
he says, the Ottawa Valley is responsible for only hundreds of millions of
dollars in annual revenue. Further, the Silicone Valley appellation is
considered a misnomer since the valley consists mostly of companies that use
rather than make chips for various applications in software and
communications." C'est un rapport qui était dans le Globe and Mail du 25
mars.
Ce que nous avons fait. Nous avons concentré nos recherches au
départ à Ottawa parce que, à ce moment-là,
c'était le centre de recherche par excellence, étant donné
la présence importante du Centre national de recherche. Il y avait
également un centre de recherche en télécommunications et
nous avons été au coeur de ce centre de recherche. Nous avons
créé de toutes pièces notre centre de recherche, mais nous
avons créé par diffusion 26 ou 28 autres entreprises qui ont
été fondées soit par des employés de Bell, soit par
des employés des laboratoires de recherche ou des employés de
Northern Telecom qui nous ont laissés pour partir leurs entreprises.
Mitel, dont tout le monde parle aujourd'hui, est une entreprise qui a
été fondée par deux anciens employés de Northern.
La liste est longue de 26 ou 28 noms. C'est ce qui a fait la force du centre de
recherche.
Maintenant que nous avons établi le coeur du centre de recherche,
nous avons atteint le maximum de la concentration que nous voulions
établir à Ottawa. Maintenant que nous avons ce maximum de
concentration et ce maximum de productivité au point de vue de la
recherche, nous nous dirigeons vers des laboratoires satellites. Comme le
laboratoire de Montréal est le plus grand des laboratoires satellites
que nous ayons, il est clair que la distribution des satellites va se faire
là où nous avons des centres d'excellence dans la mesure
où, je le dis encore une fois, le climat sera tel qu'on pourra attirer
les chercheurs ici pour faire de l'expansion à l'île des Soeurs.
C'est vous
qui avez la réponse, ce sont vos collègues qui ont la
réponse. Comment va-t-on traiter les gens qui viendront travailler ici
au point de vue fiscal, au point de vue des services dans leur langue, au point
de vue de l'enseignement, toutes choses qui font que le climat va favoriser
l'épanouissement dans le Québec d'un centre de recherche qui va
vous permettre d'atteindre les objectifs que vous avez signalés dans
votre document qui s'appelle Le virage technologique?
M. Bertrand: Si je comprends bien, M. de Grandpré,
l'investissement de 35 000 000 $ qui a été annoncé, si ma
mémoire est bonne...
M. de Grandpré: À Ottawa?
M. Bertrand: ...à Ottawa, pour une superficie d'environ
350 000 pieds carrés...
M. de Grandpré: II s'agit d'une restructuration. Nous
avions des gens dans des locaux loués...
M. Bertrand: On a regroupé l'ensemble des...
M. de Grandpré: C'est ça, mais on n'augmentera pas
le nombre d'employés.
M. Bertrand: II y a un investissement...
M. de Grandpré: II y a un investissement pour relocaliser
les gens. Au lieu de le payer en loyer, on va le payer en taxes et en rendement
sur le capital.
M. Bertrand: Très bien. Vous dites: À partir de ce
moment-là, nous pensons que nous aurons atteint un plafond, un seuil,
au-delà duquel il nous apparaîtrait inutile d'amplifier notre
présence dans ce petit Silicone Valley, maintenant constitué
autour d'Ottawa. Donc, vous auriez des projets qui pourraient permettre, par
exemple, au laboratoire de l'île des Soeurs, qui développe
certains secteurs d'excellence, dont j'ai eu l'occasion de prendre connaissance
trop rapidement, malheureussement, il y a quelques semaines, de faire en sorte
qu'il puisse y avoir une accélération du
développement.
Que peut signifier, tout en retenant les messages que vous nous passez
et que, de toute façon, la firme Tamec nous passait et qu'on se passera
entre nous, que l'Opposition nous passera, quelle est l'ampleur? cela peut
être difficile à évaluer à ce moment-ci, mais...
M. de Grandpré: II m'est difficile de vous donner des
chiffres, parce que je pourrais vous induire en erreur, soit en étant
trop bas ou trop haut. Je n'ai aucune idée de l'ampleur, mais je peux
vous dire que la première partie de votre constat est juste, à
savoir que nous avons atteint à Ottawa à peu près le
maximum de ce que nous voulons avoir comme concentration dans un seul endroit,
le restant de la recherche au Canada se fera dans les laboratoires qui sont
déjà en place de façon à éviter la
balkanisation dont M. Doyle faisait mention dans son communiqué du 25
mars.
M. Bertrand: Bien. Comme ce n'est pas ma commission
parlementaire, M. le Président, j'ai d'autres questions à poser
à M. de Grandpré, mais je crois qu'il serait normal que je laisse
à M. French le soin de poser certaines questions.
Le Président (M. Champagne):
Considérant que le député d'Outremont ne sera pas
ici cet après-midi, on m'a demandé de lui céder la
parole.
M. Fortier: Je vous remercie, M. le Président, et je
remercie mon collègue de Westmount. J'ai demandé d'être
membre de la commission parce que c'est un sujet qui est hautement
d'intérêt pour plusieurs raisons pour quiconque s'intéresse
au développement économique du Québec. D'ailleurs, je vois
que - peut-être un peu sur le tard, mais enfin! - le gouvernement
s'intéresse davantage à cette question-là.
D'ailleurs, tous les politiciens semblent maintenant se
préoccuper de la création d'emplois et du climat qu'on devrait
créer pour assurer ce développement. À ce sujet, j'avais
préparé un petit commentaire puisque, il y a quelques
années, je crois que les gouvernements, celui du Québec et
peut-être celui du Canada, entretenaient une certaine agressivité
vis-à-vis de sociétés comme Bell, qui ont assuré
une grande partie du développement économique du Québec.
Je me souviens en particulier, et c'est là qu'on voyait la contradiction
du gouvernement du Québec, que, vis-à-vis de Bell Canada, on
allait jusqu'à engager des procureurs, à s'assurer que les
demandes devant le CRTC, en ce qui concerne la tarification, soient
étayées par des procureurs et des avocats qui faisaient valoir le
point de vue des consommateurs alors que, vis-à-vis d'une
société d'État comme celle d'Hydro Québec, des
augmentations encore plus importantes étaient passées en douce
dans les commissions parlementaires où il est à peu près
impossible d'étudier tous les tenants et les aboutissants d'une
situation très complexe.
Je me suis toujours demandé, à ce sujet, ce qu'on essayait
de prouver en ayant deux attitudes tout à fait contraires, l'une
vis-à-vis d'une société d'État où,
j'imagine, parce qu'on croyait que nous étions actionnaires de cette
société d'État, on était
plutôt libéral face aux augmentations qu'elle demandait,
tout en ayant une attitude très agressive vis-à-vis d'une
société comme Bell Canada qui, comme nous le démontre son
président, par les statistiques qu'on nous donne, a peut-être une
importance aussi grande ou plus grande, puisque vous avez 30 000
employés au Québec et qu'Hydro-Québec n'en a que 18 000,
je crois. En ce qui concerne le volume de la taxation qui va au gouvernement,
si je ne me trompe, je crois que vous parlez de 335 000 000 $ plus la taxation
de 9% ou 10% sur les comptes, soit 115 000 000 $. Donc, je crois qu'on va
chercher un volume de taxation qui est payé au gouvernement du
Québec supérieur à ce qu'Hydro-Québec rapporte.
Est-ce que je fais erreur là-dessus?
M. Bertrand: En taxes provinciales et municipales.
M. Fortier: Néanmoins, il est certain que, pour le
Québec, Bell Canada a été un facteur de
développement économique important. Je crois que les commentaires
que le président de Bell Canada nous a faits ce matin devraient nous
conduire à avoir des attitudes - les gouvernements, le gouvernement du
Québec, et, j'espère, le gouvernement qui nous dirige - plus
responsables et à appuyer les démarches d'une
société qui, nous en sommes tous convaincus maintenant - pour les
sociétés, le secteur privé ou une société
comme Bell Canada - est en mesure d'apporter un développement
économique. (12 heures)
J'avais plusieurs questions qui avaient trait justement aux conditions
qu'il fallait créer au Québec pour avoir une plus grande part
à la recherche et au développement technologiques. Tout à
l'heure, vous nous avez donné une statistique, M. de Grandpré,
à savoir qu'au Québec, il se fait, au total, 11% de la recherche
et du développement alors que le pourcentage du chiffre d'affaires, dans
l'ensemble du réseau Bell Northern, était à peu
près du même ordre de grandeur. Je crois que c'était de
bonne guerre de votre part de mentionner ce pourcentage, mais tout le monde
devrait savoir que, normalement, lorsque le siège social est
situé dans une province, la part de la recherche et du
développement qui échoit à ce centre, à la ville
où se trouve le siège social, devrait être plus
importante.
Mais le ministre a posé plusieurs questions et je crois que cela
confirme, pour ma part, les préoccupations que j'avais, à savoir
que la balle, en ce qui a trait à la création d'emplois et au
développement technologique, se trouve davantage dans le camp du
gouvernement que dans le camp de la Compagnie Bell Canada proprement dite. Les
commentaires dont vous venez de faire état - M. Doyle, je ne sais pas
quel organisme il représente...
M. de Grandpré: M. Doyle est président de Doyletech
Corporation, de Kanata.
M. Fortier: Cela rejoint d'ailleurs une analyse publiée
récemment dans la revue Business Week du 25 mars où, justement,
on disait que le développement de la haute technologie aux
États-Unis ne se ferait pas dans le sens où chacun des
États des États-Unis, chacune des villes des États-Unis
aura son centre de recherche et un centre de développement de
très haute technologie. Si c'est vrai pour les 50 États
américains - je crois que vous avez vous-même fait état du
fait qu'il y avait une concurrence au Canada même - c'est donc dire que
tout le développement de haute technologie va se faire en concurrence
entre les 50 États américains et les dix provinces canadiennes.
Il faut arrêter de se leurrer pour tâcher de nous convaincre que
ceci va se faire ici à moins que nous n'apportions des modifications
considérables.
Le ministre a déjà posé les questions que je
voulais poser à M. de Grandpré sur les conditions qui
favoriseraient un plus grand développement économique, un plus
grand développement de la technologie au Québec. Je crois que le
message passé par Tamec elle-même sur les conditions qui doivent
être créées au Québec sont des remarques
extrêmement importantes et, même si on ne peut pas mesurer la
différence de taxation qu'on devrait apporter pour assurer ce
développement, je crois qu'une indication du gouvernement dans le
prochain budget, qui irait dans ce sens-là, serait déjà
une possibilité, une ouverture, qui permettrait justement aux chercheurs
ou à Bell Canada d'aller plus loin. C'est la seule question que
j'aimerais poser à M. de Grandpré: Même s'il n'y avait pas
de correctifs d'apportés, d'une façon immédiate et
brutale, qui ne soit pas dans la mesure des possibilités du ministre des
Finances à ce moment-ci, est-ce qu'une déclaration du ministre
des Finances ou un correctif mineur, mais avec une politique
s'échelonnant sur cinq ou dix ans nous permettant, dans cinq ou six ans,
de se rapprocher de la taxation de l'Ontario, est-ce qu'une politique
très claire du gouvernement du Québec allant dans ce
sens-là, quitte à y apporter des correctifs mineurs, mais
progressifs, est-ce qu'une telle déclaration de principe nous
permettrait, au Québec, d'atteindre les objectifs que, je crois, les
deux côtés de la Chambre et vous-même recherchez?
M. de Grandpré: Cela tiendrait compte, évidemment,
d'un des facteurs mentionnés par Tamec, mais il y en a encore trois ou
quatre autres qui ne peuvent pas être laissés
de côté dans l'analyse de ce climat nécessaire pour
attirer les chercheurs ici.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Je vais changer ma question parce que j'ai une autre
question qui touche ce qu'on appelle les contraintes linguistigues ou fiscales.
On a eu l'occasion de se rencontrer, en 1978, aux HEC, lorsque vous avez
rencontré Pierre Laurin, et c'était justement le moment où
on discutait des contraintes possibles par n'importe quelle loi sur la langue
au Québec. On avait révisé la loi 22. On était en
train de préparer le chemin pour la loi 101. On était aussi en
train de discuter les modalités d'exception pour ceux qui venaient en
séjour temporaire au Québec. À ce moment, vous avez fait
un certain nombre de propos d'ouverture, mais aussi des propos très
intéressants en ce qui concerne les dangers possibles ou les
difficultés inhérentes avec toute loi à incidence
linguistique. Ma question sera la suivante: Quelles sont vos démarches
dans les cinq dernières années, touchant vos besoins en
matière de chercheurs, en matière de doctorats auprès du
gouvernement et auprès des instances éducatives au Québec
pour expliquer les contraintes auxquelles vous, particulièrement, avez
fait face?
J'ajouterais, en concluant, quelques discussions très
intéressantes qu'on avait avec Pratt & Whitney qui exposait
justement le même genre de contrainte, le même genre de
difficulté de recruter. Dans leur cas, la tradition voulait que beaucoup
de leurs chercheurs, de leurs ingénieurs viennent de l'Angleterre, par
exemple; il y avait quasiment un pool de recrutement là. Maintenant, nos
discussions avec M. Henri, dernièrement, et d'autres discussions, parce
qu'une partie de leurs activités se trouve dans mon comté, me
montraient qu'ils ont fait beaucoup de chemin en ce qui concerne la formation
de chercheurs chez nous. Ce qui a aussi beaucoup d'effet sur la
stabilité de la coopération. Elle est très nouvelle parce
que la tradition veut que père et fils, souvent, partagent les
mêmes préoccupations professionnelles, la même occupation
professionnelle. Pouvez-vous nous dresser un bref bilan, à savoir
comment vous avez attaqué positivement ces contraintes
linguistiques?
M. de Grandpré: J'ai fait des représentations
à plusieurs reprises au niveau gouvernemental, soit directement, soit
indirectement. J'ai eu des contacts avec les gens du ministère. J'ai
fait des déclarations publiques qui m'ont attiré le qualificatif
de franc-parleur, tantôt. Ce n'est pas la première fois que je
soulève cette question. La situation de Bell et de Northern est bien
différente de celle de Canadian Pratt & Whitney parce que nous avons
d'autres centres de recherche tandis que Canadian Pratt & Whitney n'a que
ce seul centre de recherche ici à Longueuil.
M. Payne: Aux États-Unis.
M. de Grandpré: Aux États-Unis, oui, d'accord,
mais, au Canada, c'est le seul centre de recherche qu'ils ont. Les gens qui
veulent venir en Amérique et qui veulent venir ici n'ont pas le choix.
S'ils veulent venir au Canada, ils ne veulent pas venir aux États-Unis,
s'ils veulent travailler, ils n'ont aucun choix tandis qu'ici, par la nature de
nos activités et par la redistribution de nos recherches au Canada, les
gens ont cette flexibilité ou ce choix qu'ils n'ont pas quand ils vont
chez Canadian Pratt & Whitney. Je sais pertinemment que des gens de
Canadair se sont posé des questions pendant longtemps pour savoir s'ils
étaient capables d'attirer, ici, le genre de chercheurs dont ils avaient
besoin en aéronautique. Il ne faut pas oublier que vous avez ici un
centre d'aéronautique. Vous avez Canadair et vous avez Canadian Pratt
& Whitney. Le Centre de recherche en communication s'est
développé à Ottawa parce que le gouvernement, à ce
moment, avait lancé son Centre national de recherche et son Centre de
recherche en télécommunications. Les deux facteurs sont venus
jouer pour attirer les chercheurs du côté d'Ottawa.
M. Payne: J'aimerais être plus explicite. Je suis
très au courant de vos demandes, de vos revendications, de vos
affirmations, mais qu'est-ce que c'est votre programme de formation
auprès, par exemple, des universités, quels sont vos besoins pour
les cinq prochaines années, au niveau des chercheurs, des doctorats que
vous avez mentionnés dans votre mémoire. Pour notre part, comme
gouvernement, on avait explicité dans nos règlements, dans les
dernières années, une série de mesures qui pourraient
inciter ou faciliter l'accueil au Québec de ceux dont la langue
maternelle n'était pas le français. Vous êtes au courant du
règlement touchant les séjours renouvelables aux trois ans, ce
qu'on appelle le "grandfather clause" pour ceux qui sont déjà
ici. On l'a élargi aussi dans les cas spéciaux pour ceux qui
viennent ici temporairement.
Quelles sont vos démarches directes auprès des
universités, justement, pour former ici votre main-d'oeuvre? Avez-vous
un volet...
M. de Grandpré: Notre association avec l'Université
du Québec et l'INRS démontre
clairement un effort positif dans cette direction, un effort qui ne se
retrouve nulle part ailleurs au Québec. C'est la seule entreprise que je
connaisse au Québec qui ait une association aussi étroite avec
l'université. À mon sens, notre recrutement sur les campus et
notre participation active avec l'INRS sont deux exemples tangibles de nos
efforts pour attirer des chercheurs ici. M. Montambault voudrait-il ajouter
quelque chose?
M. Montambault (Léonce): II n'y a pas de doute que le
genre de compétences que doivent attirer les laboratoires de recherche
de Bell-Northern se situent à un niveau très élevé
dans la hiérarchie universitaire. Pour vous donner simplement une
idée de ce que nous avons à RBN - je parle du Canada -nous avons
à notre emploi quelque 180 détenteurs de doctorat, 630
détenteurs de maîtrise. Tout cela pour dire qu'au départ,
ce ne sont pas des gens que vous pouvez entraîner sur les lieux
mêmes. Ils doivent acquérir une compétence universitaire.
Je pense que vous le réalisez.
M. Payne: Je m'excuse, je n'ai jamais fait
référence aux lieux mêmes. Je parle de la formation...
M. Montambault: D'accord. J'en viens à cela. À
travers l'INRS, comme le dit le président, c'est à ma
connaissance, la seule approche d'importance qu'il y a présentement
entre un laboratoire pratique et une université. Nous avons quelque 46
personnes de l'INRS qui, effectivement, font de la recherche,
s'entraînent et passent à travers les deuxième et
troisième cycles par des expériences pratiques.
Au Québec présentement, mes sources d'information
m'indiquent que nous produisons, si vous me permettez le mot, quelque chose
comme quatre ou cinq détenteurs de doctorat par année. Il est
bien évident que si, par exemple, nous avions comme objectif - cela
pourrait être un objectif, mais cela va dépendre de ce qui peut
survenir - simplement de doubler les effectifs que nous avons à
l'île des Soeurs, il faudrait à ce moment pratiquement tripler le
nombre de docteurs en sciences que la province de Québec produit
présentement. Je pense que votre question est la suivante:
Jusqu'à quel point avez-vous mis les universités au courant de
ces demandes? C'est le sens de votre question? Il y a eu de nombreux contacts
faits dans le passé, à la fois par Bell Canada, autant que par
les gens de Northern Telecom et aussi les gens de Recherches Bell-Northern.
Vous avez dans la salle, en arrière de moi, quelqu'un que la plupart
d'entre vous connaissez, qui est M. Charles Perreault, qui travaille depuis
longtemps dans ce secteur. Lui comme moi et comme bien d'autres, nous avons eu
l'occasion dans le passé de faire ce genre de commentaires aux milieux
universitaires. Il y a évidemment - je ne tiens pas à prendre
leur défense ou à les blâmer - des contraintes
financières, du moins, c'est ce qu'on nous dit dans les
universités. Il y a aussi, bien sûr, sans essayer de faire la
psychanalyse de ce qui se passe au Québec, l'éveil vers les
sciences qui ne date pas chez nous de quelque 50 ans.
J'ai l'impression qu'avec la génération qui monte, cela va
s'améliorer, mais, aujourd'hui, si je me fie à ce que me disent
les différents recteurs d'université, l'infrastructure, de
même que le nombre de professeurs que nous avons dans nos
universités, ne semblent pas, pour le moment, justifier ou permettre
l'espoir que nos détenteurs de troisième ou de deuxième
cycle vont s'améliorer considérablement. Je ne sais pas si
ça répond à votre question. (12 h 15)
M. Payne: Est-ce que je pourrais suggérer que vous nous
fassiez part - je ne puis pas engager le gouvernement, mais je suis certain que
ce serait intéressant pour lui - dans un mémoire de vos besoins
et de vos objectifs à cet égard.
M. Montambault: Je dois vous dire que...
M. Payne: Pour appuyer mon argument, je peux faire
référence à un mémoire que je lisais
dernièrement touchant les activités de Northern-Telecom. Cela
pourrait intéresser aussi l'Opposition, puisque c'est un problème
qui existe depuis dix ans, treize ans maintenant, touchant les emplois, par
exemple dans l'ensemble des activités de Northern-Telecom. Je comprends
que la plupart de vos activités en recherche et en développement
se retrouvent dans ce secteur. En 1970, au Québec, on comptait 14 000
employés; en 1975, c'est 8500 et, en 1980, c'est 6400. Le total...
M. de Grandpré: C'est le total des employés de
Northern.
M. Payne: Oui.
M. de Grandpré: Pas seulement des centres de
recherche.
M. Payne: Non. Est-ce qu'on peut avoir une certaine idée
du nombre de chercheurs qu'on retrouve là-dedans? Je vais juste donner
un chiffre approximatif. Il n'y a que 20% du total qui se trouvent au
Québec, quoiqu'on y ait 40% d'abonnés. Cela, c'est pour
Northern-Telecom. Cela a donc diminué de 56% depuis 1970, de 35% depuis
1975 et de 20% en 1980. Lorsqu'on va plus directement vers le RBN, on constate
que,
de 1970 à 1981, le nombre d'employés du groupe Bell Canada
oeuvrant dans le domaine de la recherche au Québec est passé de
250 à 570, soit à peine le double, alors que le budget total de
dépenses du groupe passait de 38 000 000 $ à 256 000 000 $.
À partir de là, on peut évidemment conclure que le
Québec a une très faible partie du gâteau.
M. Montambault: Si vous me permettez encore une intervention, si
on se compare au marché mondial dans la recherche, il faut bien
comprendre, quand on parle de recherche chez nous, qu'on ne doit pas simplement
s'attaquer au secteur de Recherches Bell-Northern. Comme on l'a dit
précédemment, il y a de la recherche faite par les laboratoires,
le RBN, il y a de la recherche faite par Bell Canada et il y a aussi de la
recherche faite par Northern. Je pense qu'il est important, à ce
moment-là, de considérer le total de la recherche faite au Canada
et aussi au Québec en relation avec ces trois entreprises.
M. Payne: C'est de là que viennent vos 11%? C'est
ça?
M. Montambault: Oui, c'est ça, c'est là où
j'en suis. Présentement, ce facteur est de l'ordre de 11%, alors que le
chiffre d'affaires au Québec est de 12,7% et les employés du
secteur représentent 17%. Cela implique, comme l'a dit le
président tout à l'heure, qu'il y a nécessairement lieu
à amélioration de ce côté-là, si vous voulez,
bien qu'à l'heure actuelle, entre 11% et 12%, on pourrait discuter
longtemps à savoir si la différence est importante.
Ce qu'il faut comprendre - je reviens là-dessus, je m'en excuse -
c'est qu'un laboratoire de recherche ou une série de laboratoires de
recherche ou le travail de recherche, cela ne doit pas être
considéré comme un travail de fabrication. Il faut établir
une masse critique, comme on l'a dit tout à l'heure, et il arrive que la
masse critique, en raison de la présence d'autres laboratoires dans les
années 1970 et 1971, a été établie à Ottawa.
Il est évident qu'une fois que vous admettez ce principe, c'est
sûr que l'augmentation de volume entre 1970 et 1980 de la somme
allouée à la recherche, c'est sûr que, la masse critique
étant à Ottawa, la plus grande partie de cette recherche a
été faite à Ottawa jusqu'à ce que nous atteignions
ce que nous considérons aujourd'hui une vitesse de croisière qui
nous permet une masse critique décente de ce
côté-là. Le moment est venu de voir l'expansion se faire
dans les satellites, comme on en parlait tantôt. C'est pour cela que,
pour ma part, je vois la possibilité, comme l'a dit le président,
d'une expansion dans les laboratoires de recherche de l'île des Soeurs.
Dans la mesure où nous pourrons, évidemment, d'une part, obtenir
des compétences venant du Québec, et, en même temps,
d'autres venant de l'extérieur.
M. Payne: Lorsque vous parlez d'une masse critique, vous voulez
dire une espèce de phénomène d'agglomération?
M. Montambault: C'est cela.
M. Payne: Mais le président a parlé, dans son
exposé, de l'île des Soeurs et du satellite de Montréal,
avec les intentions et les objectifs formels...
M. Montambault: Oui.
M. Payne: ...d'accroître le volume de la recherche à
ces endroits. Quel est le plan de développement de ces satellites?
M. Montambault: Comme l'a dit le président, dans ce
secteur-là, il est bien difficile de dire que nous allons doubler ou
tripler en dedans de cinq ans, de huit ans ou trois ans. Ce qu'il faut dire,
c'est qu'il faut réaliser, et je regrette de revenir encore
là-dessus, que nous faisons affaires avec de la matière grise,
une matière grise qui est extrêmement volatile, extrêmement
mobile. Ce que nous disons, c'est que, dans la mesure où nous pourrons
attirer chez nous les cerveaux nécessaires et, en même temps, en
former dans nos universités québécoises, il est sûr
qu'à ce moment-là l'expansion que pourraient prendre les
opérations de l'île des Soeurs sera grandement en fonction de cet
afflux de compétences. Qui dit recherche dit justement cet afflux
d'intelligences qu'on ne peut pas fabriquer du jour au lendemain. Autrement
dit, ce n'est pas comme implanter une usine et y embaucher des techniciens
demain matin.
M. Payne: Je vais conclure ici. On établit que vous
développerez les satellites ou la masse critique au Québec.
M. Montambault: La masse critique, on pense qu'on l'a
établie présentement à
Ottawa. C'est le temps de faire de l'expansion ailleurs.
M. Payne: Oui, mais vous avez établi également que
vous engagerez du développement au Québec. En plus, vous avez
souligné les contraintes linguistiques et fiscales. En réponse
à cela, on vous a signalé l'étude du Conference Board of
Canada par le directeur adjoint Mark Daniel. En ce qui me concerne, je viens de
vous rappeler les dispositions d'exception énoncées dans les
règlements de la loi 101, qui, à mon avis, trouvent un certain
équilibre nécessaire. D'ailleurs, cela a été fait
en négociation avec beaucoup de personnes chez vous et vos
collègues du monde des affaires.
Au niveau politique, évidemment, cela fera toujours l'objet d'une
discussion virile et viscérale. Cela concerne l'effort du gouvernement
du Québec, mais je reviens à ma préoccupation que vous
vous engagiez à expliciter davantage quels sont vos besoins en termes de
formation ici. Je pense que cela devrait être un objectif formel, un
engagement de votre part de former autant que possible votre main-d'oeuvre ici,
pas "on the side, on the work side", sur les lieux nécessairement, comme
vous avez dit, parce que c'est trop hautement spécialisé, mais
c'est un objectif à long terme qui est réalisable, je pense. Avec
les chiffres que l'on vient de voir en ce qui concerne les investissements
possibles pour l'avenir concernant le RBN, c'est quelque chose de
nécessaire socialement et économiquement pour le
développement du Québec.
M. Montambault: Oui. D'ailleurs, M. le Président, si vous
me permettez une dernière intervention là-dessus...
Le Président (M. Champagne): Oui.
M. Montambault: ...je suis d'accord avec vous. Dans le sillage de
l'étude qui se fait du virage technologique, je pense que
différents comités ont été formés pour
essayer de donner suite et de trouver des voies de réalisation à
ces principes qui ont été exprimés. Nous participons d'une
façon très intime à un certain nombre de ces
comités. Je pense par exemple au Conseil de la recherche scientifique -
je ne suis pas sûr du nom. Il n'y a aucun doute que, faisant suite
à votre propre suggestion, nous avons exprimé un certain nombre
de suggestions pour, d'une part, rendre beaucoup plus étroits les
contacts entre le monde universitaire et le monde de la recherche scientifique,
le monde des affaires, et, en même temps, nous avons aussi
suggéré certaines choses aux différents paliers de
gouvernement pour aider cette formation que nous venons de mentionner.
Si vous le jugez à propos, c'est cela finalement le sens de votre
question, il nous fera toujours plaisir d'indiquer aux autorités
compétentes certaines pistes encore plus spécifiques que dans le
domaine de la formation scolaire.
M. Payne: Je suis sensible à la différence entre
deux autres technologies. Elles ne se ressemblent point ou difficilement,
souvent, mais je peux dire que, dans le domaine de l'aéronautique, je
pense que ce centre d'intenses activités est situé sur la rive
sud de Montréal. Nous avons justement essayé d'établir -
maintenant, je peux ajouter quelque chose à mon jargon - la "masse
critique", avec beaucoup de négociations avec Pratt & Whitney. On
revendique maintenant les retombées politiques promises du F-18. Mais
nous essayons de consolider nos efforts avec la collaboration, par exemple, des
chambres de commerce, de la Société pour le progrès de la
rive sud. Nous faisons face régulièrement aux contraintes
auxquelles vous faites allusion. Je pense que c'est seulement dans une optique
de collaboration qu'on peut passer à travers.
M. Montambault: Exactement.
M. Payne: Comme citoyen corporatif, je pense que Bell est bien
placée pour collaborer avec le gouvernement et avec vos partenaires.
M. Montambault: C'est exactement notre position aussi.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Westmount.
M. French: Merci, M. le Président. Je regrette de briser
le rythme des questions du gouvernement, car j'ai trouvé les
réponses intéressantes. Au risque de tracer un peu le même
terrain, je voudrais quand même aborder certains problèmes qui me
semblent se dessiner comme étant centraux et critiques, à cette
commission parlementaire.
Bell Canada, et plus particulièrement Bell Northern et Northern
Telecom, se trouvent en concurrence dans le domaine des ressources humaines
d'une extrême rareté, sur une échelle au moins continentale
sinon mondiale, avec des compagnies extrêmement sophistiquées
pouvant offrir au moins autant que Montréal et Ottawa peuvent offrir sur
le plan de style de vie, de la rémunération, des conditions
culturelles, etc. On n'a qu'à penser à Boston et sa route 128,
à la Californie et au complexe au sud de San Francisco, entre San
Francisco et Stanford, au sud de Stanford également, dans la
vallée de San Jose. On n'a qu'à penser à l'Arizona et au
complexe en banlieue de Dallas et de Houston. Voilà au moins quatre
endroits où une personne qualifiée pour travailler à Bell
Northern pourrait, si elle choisissait et si elle était
compétente, facilement aller et pourrait facilement trouver des emplois
très intéressants.
J'imagine que, dans un tel contexte, cette personne se trouve dans ce
qu'on appelle en anglais, pour ce qui est du marché du travail, un
"seller's market", c'est-à-dire une situation où elle peut
elle-même faire une espèce d'encan de ses propres services pour
des compagnies dont ce marché est extrêmement concurrentiel.
Lorsqu'on aborde la question, à savoir quelles sont les
conditions et les qualités qu'un personne comme celle-là cherche
dans
son emploi, quels sont les critères qu'elle utilise pour choisir
entre emplois possibles, j'imagine qu'il devrait y avoir toute une série
de problèmes qui sont, ultimement, d'ordre psychologique et non pas
d'ordre strictement rationnel et que l'évaluation du
coût/bénéfice se fait souvent par instinct ou au pif
plutôt que par une analyse détaillée et une lecture des
rapports du Conference Board quant à tous et chacun de ces endroits
possibles d'emplois.
Pour ce qui est de la fiscalité, je dois présumer
qu'ultimement il n'y a pas de grand mystère, à savoir pourquoi le
rapport du Conference Board ne fait pas en sorte que les gens voudraient venir
ici puisque le revenu dont ils disposent à la fin de la journée
est supérieur ou au moins égal à celui de Montréal.
C'est que les gens, d'habitude - c'est une réalité psychologique
-veulent disposer de leur propre argent et non pas qu'on dispose de leur argent
par l'intermédiaire de leur gouvernement. (12 h 30)
Je regrette, par exemple, que ce soit le cas, puisque je trouve que
Montréal a beaucoup à offrir sur tous les plans. Malheureusement,
il faut le constater, il me semble que c'est ce genre de constat que Bell
Canada nous offre aujourd'hui en tant que sommaire de son expérience en
tentant d'attirer la main-d'oeuvre hautement qualifiée dans ces domaines
de pointe dans lesquels il oeuvre à Montréal. On a fait
état également sur le plan linguistique d'un certain nombre
d'exceptions possibles à la loi ayant des incidences linguistiques.
C'est la première question que je pose aux dirigeants de Bell Canada sur
cette question linguistique. Quelle est la langue d'enseignement et quelle est
la langue internationale des sciences qui vous préoccupent le plus?
C'est évidemment l'anglais. N'y a-t-il pas une communauté - et je
pose la question innocemment intellectuelle à l'intérieur des
sciences qui vous préoccupent qui transige scientifiquement en
français?
M. de Grandpré: Que je sache, non. Nous avons, dans les
laboratoires de recherche et à l'intérieur du travail de
recherche et de développement, une communauté qui est
internationale et quand vous regardez le pays d'origine des chercheurs, vous
vous rendez compte rapidement qu'ils viennent soit des États-Unis, soit
d'Angleterre, soit de la Chine, soit de la Hongrie ou de la
Tchécoslovaquie ou de l'Inde, ils nous viennent de partout. Ces gens
n'ont que deux points d'attrait communs. La technologie des
télécommunications ou de ce qu'on appelle la technologie des
circuits miniaturisés, toute cette nouvelle technologie de pointe, cela
est leur centre d'intérêt, c'est leur spécialité,
c'est là où ils ont pris leur doctorat, leur maîtrise et
toute la documentation est presque exclusivement de langue anglaise; leur
communication entre eux est en langue anglaise non seulement au Canada, mais
partout. J'ai eu l'occasion, en 1977, de faire une présentation devant
la chambre de commerce où je disais que j'arrivais de Stockholm
où j'avais assisté à un symposium international en
communication pour célébrer le centenaire de L.M. Ericsson.
Toutes les présentations furent faites en langue anglaise par les
Français, les Brésiliens, les Américains et les
Suédois.
Je n'ai rien inventé quand je dis cela aujourd'hui. Je l'ai dit
en 1977. C'est un axiome économique scientifique actuel. Est-ce que ce
sera la même chose dans 50 ans? Je l'ignore. Mais aujourd'hui, c'est le
deuxième lien qui unit tous ces gens. Le premier, c'est
évidemment la technologie et leur moyen de communication, c'est la
langue anglaise dans leur milieu de travail et, souvent, ces chercheurs
retournent dans leur milieu ethnique, si vous voulez, dès leur sortie du
travail et on ne les revoit pas tellement dans le milieu général
anglophone qu'on retrouve à Ottawa ou ailleurs. Ils retournent dans leur
milieu. C'est ce qui m'avait amené à dire qu'il nous faut
nécessairement avoir des accommodements quant à la langue
d'éducation, la langue d'instruction et ne pas traiter sur le même
pied les "immigrants" - et je mets le mot immigrant entre guillemets - à
qui, à toutes fins utiles, on offre l'hospitalité parce que, chez
eux, les difficultés économiques sont telles qu'ils veulent en
sortir, et cet autre groupe d'immigrants qui sont des immigrants qu'on veut
aller chercher pour les amener chez nous.
J'ai fait des représentations lors de l'étude de la loi 1,
ici, devant la commission parlementaire. J'ai eu l'occasion de me prononcer
à plusieurs reprises sur cette question. Je pense que c'est une erreur
fondamentale de traiter ainsi ces deux groupes de personnes. Je ne veux pas que
mes remarques soient interprétées d'une façon
péjorative. C'est tout simplement que, dans un cas, vous offrez
l'hospitalité chez vous pour toutes sortes de raisons, alors que, dans
l'autre cas, ce n'est pas l'hospitalité, c'est presque une invitation
à venir travailler chez vous et dans un milieu où le bonhomme
peut aller n'importe où, comme vous le disiez tantôt. Il peut
aller se loger aux États-Unis, il peut aller en Californie, il peut
aller au Texas, il peut aller en Arizona, il peut aller à Nashville,
Tennessee, où est notre siège social. Ce qui m'amène
à faire une remarque additionnelle, parce qu'on a dit tantôt que,
parce que le siège social de Northern-Telecom et de Bell était
à Montréal, cela devait nécessairement dire que le centre
principal de recherche devrait
être à Montréal. Ce n'est pas le cas, quant à
nous, à Northern-Telecom. Notre siège social américain est
à Nashville, au Tennessee. Nos principaux centres de recherche ne sont
pas à Nashville, au Tennessee, mais on les retrouve à Silicone
Valley, parce que c'est là qu'ils sont, c'est là qu'ils se
trouvent, c'est là qu'ils veulent travailler.
M. Montambault: Un commentaire, M. le Président,
concernant la langue. À titre d'exemple, nous avons à RBN quelque
26 nationalités de représentées. Il ne fait aucun doute
que la langue commune quant aux activités techniques se situe autour de
l'anglais. Là-dessus, je dois dire que nous n'avons pas de
problème avec l'Office de la langue française concernant les
activités. Nous avons eu effectivement des accommodements qui permettent
justement de fonctionner avec ces chercheurs qui proviennent de toutes les
parties du monde, à toutes fins utiles, en grande partie en langue
anglaise, dans le domaine technique, et en français du côté
administratif.
Là où je perçois un problème - c'est un
argument d'appoint à ce que vient de dire le président du conseil
- quand je parle aux gens qui sont dans le milieu, cela vient de la perception
que les chercheurs qui seraient susceptibles de venir chez nous ont de cette
langue d'enseignement. Vous avez mentionné tout à l'heure, avec
raison, qu'il y a possibilité de faire des exceptions et de donner des
permis spéciaux. Ce qu'il faut réaliser, c'est que les gens qui
ont justement cette valeur marchande qui est leur cerveau, qui ont tellement de
possibilités de venir ici, ailleurs ou dans d'autres pays, ne sont pas
intéressés à même se soumettre à quelque
contrôle que ce soit, à avoir à obtenir des permissions,
par exemple. C'est ce qu'il faut réaliser. Ce sont des gens qui sont
extrêmement mobiles, comme on l'a dit tout à l'heure. Pour notre
part, c'est à ce niveau qu'il y aurait lieu de faire des accommodements,
de façon à enlever cette contrainte qui ne vient finalement que
nuire à cet influx de personnes qui autrement viendraient
peut-être.
C'est simplement une contrainte supplémentaire. Nous avons
parlé de fiscalité tout à l'heure. Il ne s'agit pas de
renier tout ce qu'on a fait sur la langue. Il s'agit simplement de faire
certains accommodements tels que perçus, c'est important, qu'ils aient
raison ou qu'ils n'aient pas raison. Si ces gens perçoivent qu'ils ont
des contraintes et décident d'aller ailleurs, c'est finalement la
communauté québécoise qui en souffre. C'est à ce
niveau que mon intervention voudrait être sentie.
M. French: Donc, le Québec a plus besoin de ses chercheurs
que les chercheurs ont besoin du Québec. C'est au Québec...
M. Bertrand: La réponse est clairement oui.
M. French: Je pose la question maintenant. La réponse est
clairement oui. En érigeant des barrières telles que les
règlements de la loi 101 en ce qui concerne l'accès à
l'enseignement en anglais, telles que la fiscalité personnelle, le
gouvernement du Québec se trouve en quelque sorte à maintenir ou
à créer des embûches à son propre projet, à
créer des problèmes face à son virage technologique. Dans
la mesure où le gouvernement du Québec est sérieux, qu'il
veut poursuivre le virage technologique, je dois présumer que, parmi les
conditions de base, devrait se trouver un réaménagement de ces
politiques caractérisées comme des politiques ou les facteurs
indépendants dans le rapport Tembec.
M. Payne: Si vous me permettez...
M. French: Oui, je vous le permettrai tout de suite, M. le
député de Vachon.
M. Payne: Quelles sont les contraintes linguistiques pour les
chercheurs qui viennent ici?
M. French: Je suis obligé de vous rappeler ce que M.
Montambault vient de dire.
M. Payne: II parle de perception, mais je parle de la
réalité. Je ne veux pas couper la ligne, mais c'est un dialogue
assez important.
M. French: Le député de Vachon parle de
réalités, mais les perceptions ne deviennent pas réelles,
à ce moment-là.
M. de Grandpré: II y a une réalité
importante qu'il ne faut pas négliger. Nous avons dit que ces gens
venaient de tous les pays, qu'ils n'avaient que leur spécialisation et
leur langue de travail jusqu'à ce moment-là. Quand vous les
approchez et qu'ils ont des enfants d'un an ou deux ans, ils peuvent
s'accommoder d'envoyer leurs enfants dans un milieu francophone pour leur
éducation. Mais, règle générale, ce n'est pas
à ce moment-là que vous allez les chercher. Ils ont des enfants
de 10, 12, 14 ou 15 ans et ces enfants ne sont pas protégés par
les exceptions de la loi et vous leur dites: Vous allez être
obligés de faire éduquer vos enfants dans un milieu francophone
de vous vous séparez d'eux.
Si vous ne voulez pas que ce soit le cas, vous allez tomber dans le cas
d'exception des trois ans. Ceci étant, les gens disent: Je n'ai aucune
idée si je veux
rester ici pendant trois ans ou si je veux rester ici pendant six ans,
ils ne le savent pas au moment où ils viennent. Vous leur demandez de
signer une formule qu'ils ne se sentent pas moralement autorisés
à signer parce qu'ils ne savent pas dans quelle mesure... Ce sont des
gens extrêmement mobiles. Ils peuvent rester ici pendant un an, cinq ans,
sept ans, ils ne le savent pas au moment où ils arrivent, et c'est
à cause de ça que la contrainte de l'exception est quelque chose
dont ils ne veulent pas tenir compte. Ils disent: Si la fiscalité est
supérieure, s'il y a des contraintes au point de vue de l'enseignement
des enfants, et si, en plus de ça, le climat général est
perçu, par eux, à tort ou à raison, comme étant non
réceptif, à ce moment-là, étant donné que
leurs talents sont à l'enchère sur le marché
technologique, vous vous imaginez quelle est leur réponse.
C'est le problème pratique auquel nous faisons face. Vous en avez
la preuve avec ce qui s'est passé dans l'industrie pharmaceutique.
Combien de compagnies ont laissé, depuis deux ans, la recherche
pharmaceutique? Ce n'est pas parce qu'ils voulaient s'en aller parce que, dans
bien des cas, ils étaient heureux d'être ici, mais ils ont
été obligés de s'en aller parce qu'ils avaient de la
difficulté à recruter leur personnel.
M. French: M. le Président, une question de
curiosité. Je crois, de surcroît -j'invite les
représentants de Bell Canada à me contredire s'ils sont au
courant - que les aptitudes des ingénieurs et des chercheurs en sciences
naturelles, en physique, par exemple, en chimie, en génie physique, pour
apprendre une deuxième ou une troisième langue, les aptitudes
linguistiques de ces gens ne sont pas très élevées,
règle générale. Cela veut dire que si on est doué
pour les mathématiques... Les psychométriciens ont fait des
études qui démontrent que les aptitudes ne sont peut-être
pas aussi élevées à apprendre une deuxième langue
et, dans bien des cas, une troisième langue. Je ne sais pas si c'est
vrai, j'aimerais bien être démenti si c'est le cas.
M. de Grandpré: M. le Président, étant
moi-même ingénieur, j'hésite à répondre
à cette question.
M. French: Donc, vous n'avez pas de renseignements. Vous avez
évoqué tantôt le climat général. On a
parlé de fiscalité personnelle, on a parlé des contraintes
linguistiques, peut-on parler du climat général? Quelles sont les
raisons évoquées par les gens que vous voudriez attirer au
Québec quant au climat général? Y a-t-il d'autres
problèmes qui, d'après le député de Vachon, ne sont
pas réels, mais dont on a néanmoins des perceptions importantes
qui jouent dans tout ça? (12 h 45)
M. de Grandpré: Je pense que Tamec a fait connaître
dans une grande mesure les points de repère qui délimitaient, si
vous voulez, ce fameux climat dont tout le monde parle. Tant et aussi longtemps
que tous les éléments n'auront pas été
corrigés, vous resterez dans un climat d'appréhension.
Vous ne savez pas jusqu'à quel point il y a un dommage
considérable fait dans le recrutement lorsque vous présentez le
problème de l'hôpital St. Mary's. Je ne veux pas le
déterrer ici, mais de là à savoir si on doit mourir en
français ou mourir en anglais... Quand vous essayez d'expliquer cela
à des gens en dehors du Québec, je vous défie d'obtenir
une attitude rationnelle. Cela devient tellement émotif que ce n'est
plus possible d'étayer les raisons qui pourraient les amener ici.
M. French: M. le Président, au sujet de la
fiscalité des entreprises. On a assisté à une
espèce de réforme ou révolution, si vous voulez, dans la
fiscalité des entreprises qui fait en sorte que les charges, les
ponctions fiscales de Québec sur les entreprises se font de plus en plus
par des ponctions sur la masse salariale, sur le capital souscrit, etc, ce qui
a eu une conséquence extrêmement importante: le gouvernement ne
partage plus les risques de la conjoncture avec l'entreprise puisque, bon an
mal an, l'entreprise se trouve dans la nécessité de payer les
taxes qui sont, dans d'autres provinces et d'autres juridictions,
basées, en quelque sorte, primordialement sur la rentabilité des
entreprises qui se situent dans ces autres juridictions.
Je serais très intéressé de savoir, du
président de Bell Canada, si cet aspect de la fiscalité des
entreprises a quelque chose à voir dans toute cette problématique
dont le rapport Tamec a fait état et qu'il a jusqu'ici largement
confirmée.
M. de Grandpré: Là encore, je pense que je ne peux
ajouter quoi que ce soit aux commentaires que vous retrouvez au mémoire
préparé pour le Conseil du patronat par MM. Laliberté et
Lanctôt, associés chez Coopers & Lybrand en date de mars 1983,
à la page 1.1, Impôt sur les sociétés. On n'a pas
encore fait mention de l'impôt sur les successions, mais le drainage et
l'exode des gens à haut revenu, aussitôt que leur situation
personnelle le permet, est sûrement une confirmation de ce que j'ai dit
tantôt, que l'aspect fiscal du climat économique est tel que les
gens qui ont gagné leur vie ici, qui sont nés ici, aussitôt
que leur retraite arrive, vont vivre ailleurs. Pas nécessairement en
Floride. Les exemples abondent.
M. French: Comme député de Westmount, j'en sais
quelque chose.
M. le Président, une dernière question pour le
président de Bell Canada. S'il était invité, comme il est
effectivement invité par le ministre, aujourd'hui, à laisser deux
ou trois idées dans l'esprit du législateur, dans l'esprit de la
population du Québec, quant au défi auquel fait face le
Québec aujourd'hui de rester concurrentiel dans un monde où,
d'une part, les coûts de main-d'oeuvre dans l'Asie du Sud-Est et dans
d'autres pays sous-développés créent de gros
problèmes de compétitivité pour certaines de nos
entreprises, et, d'autre part, la montée des produits de haut contenu
technologique se fait de plus en plus importante dans le contexte
d'aujourd'hui, quelle pensée aurait-il à laisser pour un
gouvernement qui aurait à faire face à ce défi? Y a-t-il
quelques idées clés dans toute cette problématique de la
haute technologie des années quatre-vingt qu'il pourrait nous
laisser?
M. de Grandpré: Vous me demandez presque un programme
législatif dans ma réponse. Permettez-moi de vous indiquer quatre
ou cinq points majeurs qui, à mon avis, permettraient au Québec
de participer à l'évolution de la haute technologie qui se
dessine dans le monde.
Nous avons parlé de la fiscalité des entreprises sur la
masse salariale. Nous avons parlé de l'impôt sur les successions.
Nous avons parlé de l'impôt sur les individus et de la
différence importante qu'il y a entre les niveaux de taxation de
l'Ontario et du Québec, parce que, pour les fins de la discussion, je
pense que c'est plus facile de parler seulement de deux provinces. Si on se
réfère à l'Alberta, c'est encore pire. Il y a la
fiscalité personnelle, le milieu dans lequel les gens qu'on veut attirer
ici devront faire éduquer leurs enfants, avec toutes les modifications
dont on peut parler, et je ne peux pas en faire l'analyse en détail,
mais je peux vous dire que la perception est telle qu'il y a des changements
à apporter: remédier à un groupe de tracasseries des
offices de réglementation qui concernent l'application de la loi et, en
termes généraux, ne pas être perçus comme des gens
qui sont contre ce qui peut être fait par d'autres milieux.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vachon.
M. Payne: J'aimerais faire le point sur la perception des choses,
sur ce dont le député de Westmount a parlé tout à
l'heure, les embûches du gouvernement. On a bien constaté, avec M.
Montambault, tout à l'heure, qu'il y a toujours les contraintes qui
touchent la perception des choses. Je ne voudrais pas ici entrer dans une
discussion de phénomènes comme, par exemple, la manière
dont le Québec est perçu par ceux qui viennent de
l'extérieur du Québec. Je pourrai simplement mentionner le fait
que pour la plupart des pays et des nations anglophones, aux États-Unis,
de Boston à Chicago, et aussi à Londres, et ailleurs chez les
anglophones, la perception des choses vient des milieux qui ne sont pas
politiquement trop favorables aux intérêts du Québec.
D'autre part, souvent, pour ceux qui viennent au Québec comme
chercheurs, je connais très bien les règlements de l'office, ils
sont très flexibles et je mets au défi n'importe quel
président de dire qu'il y ait vraiment des difficultés
administratives à se prévaloir des dispositions de la loi no 101.
La perception peut être différente, mais, comme
législateurs, on devrait y être sensibles. Mais ce n'est pas le
gouvernement du Québec qui crée des embûches à ceux
qui viennent de l'extérieur et qui ont l'obligation de vivre dans un
milieu francophone. Ce ne sont pas les contraintes linguistiques qui font en
sorte qu'on a 80% de francophones au Québec. Les législateurs
peuvent faire et ils doivent faire, à mon avis, tous les efforts pour
accueillir avec les assouplissements nécessaires - je ne veux pas vous
lire tout cela ou vous expliquer comment ils fonctionnent - soit ceux qui
viennent travailler dans les forces militaires, soit les enfants de diplomates,
soit les chercheurs. Mais ils ont toute la liberté de fréquenter
tout un système de réseaux d'écoles anglaises avec tous
les avantages que cela comporte.
Donc, je conteste un peu ce que le président a appelé tout
à l'heure la tracasserie des règlements de la loi. Cela n'existe
pas, à mon avis. D'ailleurs, on parle de la perception des choses. J'ai
souvent entendu le président parler de trois ans. En
réalité, c'est six ans. Avec votre promotion, avec votre
réflexion sur la réalité au Québec, je pense qu'on
pourrait améliorer davantage le climat. Mais chaque
société a ses contraintes. Chaque gouvernement, tout en
respectant le voeu de la majorité, devrait être sensible à
ce problème que vous soulevez ce matin. C'est un vieux problème
et il ne sera pas résolu aujourd'hui, c'est sûr. Mais je pense
qu'on devrait faire une nette distinction entre la perception des choses et les
contraintes du législateur en ce qui concerne cette perception.
M. Montambault: Je ne suis sûrement pas en désaccord
avec vous là-dessus, mais, encore une fois, j'aimerais ramener tout cela
dans une optique appropriée. Nous parlons d'une denrée rare et
très mobile, d'une part, je refais un peu le syllogisme. D'autre part,
de ces contraintes dont nous parlions tantôt, il ne faudrait pas dire que
c'est seulement la langue ou que c'est seulement la fiscalité. C'est
tout un domaine de contraintes qui fait
que des gens viennent ou ne viennent pas chez nous ou ailleurs. Le fait
demeure que ce n'est pas tellement ce que nous, au Québec, pensons de
ces choses qui compte si on veut attirer ces gens et, quoi qu'on en dise, ce
n'est pas seulement un sujet de perception. Il y a, effectivement, certaines
contraintes comme celle d'obtenir, par exemple, dans ce cas particulier, un
certificat provisoire, une permission spéciale. Ce que les gens de
l'extérieur me demandent, c'est: Pourquoi est-ce que je n'ai pas
à passer à travers ce phénomène si je demeure en
Ontario ou au Manitoba qui, en plus de cela, a des avantages fiscaux et on
pourrait discuter longtemps à savoir quelle est la différence? Je
me souviens très bien, ayant participé au dernier sommet
économique au Québec, que même les représentants du
gouvernement, de concert avec le milieu des affaires, nous étions
d'accord pour dire qu'il y a un écart fiscal, quel qu'il soit, que ce
soit 12% ou 20%, ce n'est pas tellement cela qui importe. Ce que je vous dis
pour ramener ce problème dans son ensemble, c'est que, cette
denrée rare que nous désirons, si elle a la possibilité
d'aller ailleurs sans subir ce genre de contrainte réelle ou
perçue, elle est plus réservée à venir chez nous.
C'est le sens de mon intervention.
M. Bertrand: Si je peux ajouter à la question du
député de Vachon, l'érosion qu'on a sentie au cours des
années, par exemple, au niveau du secteur manufacturier Northern
Telecom, n'a pas commencé en 1980, n'a pas commencé en 1978, ni
même en 1976, elle a commencé bien avant. Si on regarde
l'évolution de Northern Telecom depuis une vingtaine d'années et
on peut remonter à 1970, à ce moment, c'était la loi 63
qui s'appliquait. Ensuite, il y a eu la loi 22 et la loi 101. Après
discussion avec les représentants des entreprises, des assouplissements,
des améliorations ont été apportés. Je pense,
d'ailleurs, que le milieu du patronat a reconnu que des assouplissements et des
améliorations avaient été apportés, en particulier,
en ce qui concerne les sièges sociaux et d'autres secteurs. Est-ce que,
dans ce contexte, vous ne trouvez pas - je ne dis pas que c'est ce que vous
faites en ce moment - que vous essayez d'expliquer l'érosion subie au
niveau des emplois, par exemple, dans le secteur manufacturier, uniquement par
ce type de question. J'imagine qu'il a dû y avoir aussi des
décisions d'entreprises qui n'ont rien à voir avec des
critères fiscaux ou linguistiques qui ont été prises au
cours des dix dernières années et qui expliquent, en partie,
l'érosion vécue au Québec en termes d'emplois, en
particulier, dans le secteur manufacturier.
M. Montambault: Là-dessus, M. le ministre, je voudrais
faire un commentaire sur ce que vous appelez l'érosion. C'est un fait
que - on parle de Northern Telecom - le nombre d'emplois ou le nombre
d'employés de Northern Telecom, au Québec, a diminué.
Prenons, par exemple, la période de 1970 à 1982: Aucun doute
là-dessus; en 1970, nous avions 13 400 employés au Québec
et nous en avons présentement 5934. Je vous signale que le même
phénomène s'est produit au niveau de Northern Telecom tout court
ou au global où, en 1970, nous avions 22 600 employés et, en
1982, nous en avons 15 369. Je vous dis cela pour vous expliquer pourquoi il y
a eu cette diminution. Cette diminution est venue, d'abord et avant tout, par
un virage technologique que Northern Telecom a pris. Je dois le dire avec
fierté, la plupart du temps avant d'autres. C'est ce qui a fait, par
exemple, qu'en dépit de ce que vous appelez cette érosion, ou
appelons-le cette diminution d'employés au Québec, le pourcentage
de la production québécoise, de la production totale de Northern
qui était, en 1970, avec le nombre d'employés dont on faisait
allusion tout à l'heure, de 37% et véritablement, en 1982, ce
pourcentage a augmenté à 50%. (13 heures)
Que s'est-il produit? Ce qui s'est produit, c'est qu'avec une diminution
d'employés, par une orientation de Northern vers le secteur de la haute
technologie - si on veut en discuter tout à l'heure, on sera en mesure
de le faire - Northern a réussi à accroître la part de sa
production totale au Québec. C'est ainsi, par exemple, que, comme
résultat net de tout cela, alors que les ventes au Québec en
1982, comme on l'a dit ce matin, étaient de l'ordre de 380 000 000 $, si
ma mémoire est bonne, la production de Northern au Québec est de
l'ordre de 578 000 000 $, ce qui a fait qu'en dépit de cette diminution
d'employés, nous avons réussi à créer au
Québec l'équivalent de 2000 emplois qui sont là
strictement à cause de l'exportation, c'est-à-dire du surplus de
production de Northern comparativement aux besoins de la province de
Québec.
Ce qui paraît être aujourd'hui une érosion voulue ou
non voulue de Northern, une disparition graduelle de la province de
Québec n'est en fait - je vous le soumets humblement - que le
résultat d'une technologie de pointe qui s'est appliquée de plus
en plus chez Northern, mais qui a eu exactement l'effet contraire,
c'est-à-dire que non seulement cela n'a pas diminué au
Québec en termes de production, mais que cela a augmenté et a
créé des emplois additionnels.
C'est tout le problème finalement du virage technologique.
J'avais l'occasion, samedi dernier, au congrès des MBA de la province de
Québec, de leur parler justement
de la technologie nouvelle et de son impact sur les emplois. Ce n'est
pas un facteur nouveau, ce n'est pas un problème nouveau. Il n'y a pas
de doute que le Québec, comme d'autres, n'a véritablement pas le
choix dans ce domaine. À l'occasion, cela va vouloir dire une diminution
d'emplois, bien sûr, qui pourra être compensée dans d'autres
secteurs par des emplois différents. La question qu'il faut se poser est
la suivante: Si Northern n'avait pas fait cela en 1970 - cela n'a pas
été le fait du hasard - si nous n'avions pas planifié ce
virage technologique, ce n'est probablement plus 5000 emplois que nous aurions
au Québec, mais peut-être serions-nous disparus de la carte
entièrement, parce que d'autres ailleurs auraient pris la relève.
Le virage technologique, on le sait, est quelque chose auquel on est tous
exposés. C'est un problème mondial. Malheureusement, à
l'occasion, il y a eu cette diminution d'emplois non seulement au
Québec, mais aussi dans l'ensemble de la nation. C'est finalement un mal
pour un bien.
Le Président (M. Champagne): Je remercie les membres de la
commission. La commission élue permanente des communications ajourne ses
travaux sine die.
M. Bertrand: Non, elle reprendra ses travaux après la
période des questions cet après-midi.
Le Président (M. Champagne): Vous allez l'appeler
peut-être?
M. Bertrand: Pour l'information de nos invités, je veux
simplement signaler que ce sera probablement vers 16 heures, 16 h 15 ou 16 h
30. Cela dépend toujours de l'attitude que l'Opposition adopte à
l'Assemblée à l'occasion des questions posées en vertu de
l'article 34.
Le Président (M. Champagne): On se retrouvera donc vers
cette heure-là.
(Suspension de la séance à 13 h 03)
(Reprise de la séance à 16 h 30)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des communications poursuit ses
travaux pour étudier la réorganisation de la structure
corporative de Bell Canada et ses projets de développement au
Québec.
Le ministre délégué à la Science et à
la Technologie, M. Gilbert Paquette, remplace M. Yves Blais (Terrebonne). Vous
n'avez pas d'objection? Cela va. Il n'y a pas d'autres changements?
M. French: Pas que je sache. Je ne sais pas s'il y a d'autres
poids lourds qu'on peut attendre cet après-midi, M. le
Président.
Le Président (M. Champagne): Des gens compétents
ou... Enfin!
M. Paquette: C'est un compliment inattendul
Le Président (M. Champagne): C'est ça. À qui
la parole? Un instant, M. le député d'Iberville, vous avez une
question à poser?
M. French: La consultation, M. le Président.
M. Paquette: Si mon collègue est d'accord... Je m'excuse
infiniment, j'aurais aimé assister aux travaux de la commission, parce
que le groupe Bell-Northern est extrêmement important dans le
système scientifique et technologique canadien et pourrait le devenir
davantage dans le système scientifique et technologique
québécois. Je pense qu'il y a une prise de conscience assez
extraordinaire qui se fait au Québec depuis quelque temps,
particulièrement dans le domaine des télécommunications,
de la télématique, de l'informatique. Mon collègue, le
ministre des Communications, est dans ce dossier depuis plusieurs mois. Il y a
un sommet des communications qui s'en vient.
Je vais être obligé de vous quitter dans quelques minutes
parce que j'ai à présider un nouveau comité
ministériel qui regroupe sept collègues, y inclus mon
collègue des Communications qui, lui, devra rester ici. Ce comité
vise à préparer une table de concertation qui aura un certain
caractère récurrent destiné à prendre en compte
l'ensemble du phénomène de l'informatisation de notre
société, autant le développement de l'industrie que la
pénétration des technologies informatiques dans tous les secteurs
industriels, les programmes de formation, les questions d'éducation, de
main-d'oeuvre et même certaines questions culturelles, également,
qui peuvent intéresser les Québécois.
Vous n'êtes pas, non plus, sans savoir que le gouvernement du
Québec a décidé récemment de poser des gestes
d'importance, je pense, qui auront un effet d'entraînement important,
notamment l'introduction de 43 000 micro-ordinateurs dans les écoles au
cours des cinq prochaines années et la mise sur pied de centres de
recherche appliquée, le premier étant destiné aux
technologies de conception et de fabrication assistées par ordinateur.
Le gouvernement prépare une politique de bureautique en collaboration
avec trois ministères. Il est certain que, dans tout ce
développement de l'informatique et de la télématique au
Québec, le groupe Bell-
Northern est extrêmement important.
J'ai été à même de constater récemment
tout l'impact que peuvent avoir l'implantation et la concentration
d'activités de recherche et de développement sur le
développement économique. Je suis allé visiter en
hélicoptère la région de Hull-Ottawa et j'ai
regardé les deux côtés des rives; d'un côté,
les parcs industriels sont vides, de l'autre côté, autour
notamment de l'excellent centre de recherche du groupe Bell-Northern, se sont
installées plusieurs entreprises de pointe. Je m'explique mal le fait
que, dès 1978... On peut difficilement invoquer des questions
linguistiques ou de taxation, à moins de se mettre à remonter aux
gouvernements qui nous ont précédés et à les
blâmer. Le mouvement a été amorcé
précédemment, avant 1976, de sorte que, en 1978, on se retrouvait
avec seulement 5%, dans le cas de Recherches Bell-Northern, des
activités canadiennes qui se font au Québec.
Première question, est-ce dans les intentions du groupe
Bell-Northern, dans ses plans d'avenir, d'accroître ses installations de
recherche au Québec? Si oui, à quel rythme?
M. French: On a passé à travers tout ce terrain ce
matin, très précisément, en long et en large. Des
questions précises ont été posées, des
réponses précises ont été données. Je ne
vois pas pourquoi on devrait répéter cela.
M. Bertrand: Je ne pense pas que des réponses
précises aient été données.
M. French: Ah bon! Si le ministre pense que les réponses
n'étaient pas suffisamment précises, pourquoi n'a-t-il pas
posé la question au moment où il a reçu les
réponses supposément imprécises à ce
sujet-là? Pourquoi, cet après-midi, tout à coup, par
inspiration divine, a-t-il décidé que les réponses
étaient insuffisamment précises?
M. Bertrand: Je ne sais pas quelle mouche a piqué le
député de Westmount, je le sens comme cela depuis quelques heures
aujourd'hui. Je veux simplement dire ceci: Ce matin, j'ai pris connaissance,
à la lecture du document de M. le président de Bell Canada, qu'il
était fait état de leur volonté d'accélérer
le développement de la recherche, en particulier à l'île
des Soeurs. Je me suis tourné vers le président de Bell Canada et
je lui ai demandé comment on pouvait définir ce type
d'accélération, comment cela pouvait se concrétiser au
cours des prochaines années. M. de Grandpré m'a répondu
qu'il n'était pas en mesure, à ce stade-ci, de m'apporter des
éléments précis relativement à cette question. Le
ministre délégué à la Science et à la
Technologie a bien le droit de revenir et de demander au président ce
que veut dire, exactement et concrètement, cette manifestation de bonne
volonté exprimée dans son texte. C'est tout.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Rosemont, vous voulez poser une question?
M. Paquette: Oui, M. le Président, parce que, si le
député est aussi à pic, on sera obligé de se
remettre à renoter le nombre de fois où les députés
libéraux posent sans cesse les mêmes questions. Je m'excuse
infiniment de ne pas avoir été présent ce matin. C'est une
première question. Si on y a déjà répondu ce matin,
je demanderais aux gens de Bell-Northern d'être brefs dans leur
réponse parce que j'en ai d'autres par la suite.
Le Président (M. Champagne): La question est
posée.
M. de Grandpré.
M. de Grandpré: M. le Président, je me permettrai
de référer à la carte no 4 que nous avons
déposée ce matin devant le comité, pour rappeler qu'en
1982, au Québec, le nombre total de personnel affecté à la
recherche et au développement était de 525; que la part du
Québec était de 37 000 000 $ sur un total de 340 000 000 $, ce
qui représentait à peu près 11% du volume total des sommes
consacrées à la recherche et au développement sur un
marché mondial total de 12,7% représentant la part du
Québec.
Nous avons indiqué qu'il y avait peut-être là un
rattrapage à faire, mais ce n'était sûrement pas un
rattrapage de l'importance mentionnée dans la question du ministre et
qu'au surplus, à l'île des Soeurs, nous avions 134 employés
avec un budget total de 9 700 000 $ et que 46 employés travaillaient de
concert avec l'INRS-Télécommunications.
Quant à la question posée par le ministre des
Communications, ce matin, me demandant si je pouvais faire une projection du
montant de recherches qui seraient faites dans le Québec, je lui ai dit
qu'à ce moment-ci il ne m'était pas possible de faire des
prédictions à ce sujet mais que, comme l'a indiqué M.
Montambault, le passé était sûrement garant de l'avenir
parce que la position de Bell et de Northern dans le Québec
dépassait, sauf pour ce petit écart minime au Québec, la
contribution que les mathématiques pourraient nous amener à
déterminer. Ce matin, nous avons établi que 34% des revenus de
Bell étaient reçus de la province de Québec et que les
dépenses totales étaient toujours de l'ordre de 35% à
40%.
M. Paquette: En fait, je pense qu'on est d'accord que, sur le
plan des activités de fabrication, l'équilibre est assez bien
maintenu entre les ressources financières que tire Bell-Northern du
Québec et ses dépenses. Au niveau de la recherche et du
développement, on s'entend sur le fait qu'il y a un rattrapage à
faire. Ce qui m'intéresse, ce sont les possibilités de
coopération et de collaboration. Le gouvernement du Québec, par
sa politique scientifique de 1980, mais encore plus par sa politique
économique publiée l'année dernière, qui s'appelle,
comme vous le savez, Le virage technologique, a décidé de mettre
un accent vigoureux sur le développement de la recherche, perçu,
tel qu'indiqué dans le dernier discours inaugural, comme un des deux
pôles de notre développement économique au Québec.
En ce sens-là, cela va de soi qu'une entreprise ou plutôt un
ensemble d'entreprises de la taille, de l'importance du groupe Bell-Northern,
peut avoir un impact considérable sur le redressement qu'il y a à
faire dans le domaine de notre industrie électronique et
informatique.
J'aimerais savoir si le groupe Bell-Northern est réceptif
à une collaboration avec le gouvernement du Québec qui pourrait
prendre diverses formes, évidemment. Il y a plusieurs projets à
l'étude pour stimuler la recherche et le développement. Il y en a
qui sont à l'étude relativement au prochain discours sur le
budget, mais il y a également la possibilité de financer
conjointement des recherches, d'établir, autrement dit, des conditions
qui soient favorables à l'accroissement le plus rapide possible des
activités de recherche et de développement de Bell-Northern au
Québec.
M. de Grandpré: II est clair, M. le Président, que
Bell et Northern et les laboratoires de Recherches Bell-Northern sont
continuellement réceptifs à tout rapprochement qui pourrait faire
du Québec un centre de recherche plus recherché, si je peux
employer le mot, que ce qu'on retrouve aujourd'hui. Toutes les approches,
toutes les possibilités qui seront offertes au groupe pour agrandir son
centre de recherche ou son centre de fabrication seront, évidemment,
examinées, pesées et si les avantages sont importants, il ne fait
aucun doute que nous ferons, comme nous l'avons toujours fait, un effort
particulier pour coopérer avec le gouvernement de la province quel qu'il
soit et à quelque moment que ce soit de l'histoire.
M. Montambault: D'ailleurs, je dois dire qu'à cet effet
nous avons déjà accepté, comme vous le savez, M. le
ministre, de participer à toutes les délibérations qui
entourent ce document qu'est Le virage technologique. Nous avons aussi, comme
le disait le ministre des Communications ce matin, accepté de participer
à 100% au prochain sommet sur les communications. Il n'y a aucun doute
que, de la part de l'organisme Bell-Northern, les RBN, notre collaboration vous
est acquise parce que je pense qu'il est de l'intérêt de tout le
monde que nous puissions créer au Québec une situation qui soit
plus favorable non seulement à former chez nous des cerveaux qui vont
pouvoir faire progresser la recherche, mais en même temps à
établir des conditions qui nous permettront d'en amener d'autres. Je
pense que, sur ce terrain-là, vous pouvez compter à 100% sur
notre collaboration.
M. Paquette: J'ai eu l'occasion de visiter une des usines de
Northern Telecom, récemment, et j'ai eu l'occasion de rencontrer
plusieurs personnes qui travaillent également au centre de recherche de
l'île des Soeurs. Pour ce qui est de la formation du personnel de
recherche, est-ce que la compagnie utilise actuellement certaines
facilités de formation qui lui sont propres? Quel est le pourcentage des
personnes qui travaillent, par exemple, à l'île des Soeurs, qui
sont des "produits" des universités du Québec? Quelle est votre
opinion sur cette dimension du problème?
M. Montambault: Sur cette question-là, en termes de
pourcentage, il m'est difficile de vous répondre. Je peux vous dire
qu'à l'heure actuelle à l'île des Soeurs, si on inclut
l'INRS, soit quelque 26 détenteurs de doctorat et environ 44
détenteurs de maîtrise, je serais porté à croire que
la majorité de ces gens-là vient de l'extérieur, compte
tenu que ce que j'appelle - entre guillemets, si vous me permettez encore
l'expression - "la production de nos universités
québécoises" est assez restreinte de ce
côté-là. Je vous donne un chiffre. En termes de
détenteurs de diplômes de troisième cycle, il se "produit"
au Québec, actuellement, dans ce genre de science, environ deux ou trois
docteurs par année. (16 h 45)
C'est évident qu'à ce moment-là nos
Québécois forment encore, j'en ai l'impression, une
minorité, mais une minorité qui va s'accroître si on prend
les mesures pour accélérer le développement de telles
compétences, parce que, comme je le disais ce matin, contrairement
à une industrie de fabrication où on peut entraîner chez
soi des techniciens qui deviennent ensuite un peu plus efficaces au niveau de
la haute technologie, dans ce domaine de la recherche, il faut d'abord puiser,
dans les universités, des gens qui ont acquis, au point de vue scolaire,
une certaine excellence de deuxième ou de troisième cycle. Au
départ,
le Québec, à ce moment-ci et pour toutes sortes de
raisons, a du rattrapage à faire.
M. Paquette: D'accord, M. le Président. C'étaient
les quelques questions que j'avais à poser, simplement pour vous
témoigner l'importance que l'ensemble de mes collègues,
moi-même et particulièrement le ministre des Communications
accordons au développement des activités de recherche. Je note
avec plaisir l'ouverture de M. de Grandpré à établir une
collaboration avec le gouvernement du Québec. Pour reprendre ses termes,
j'ose espérer qu'on n'aura pas à attendre qu'il y ait un autre
gouvernement, qu'on pourra amorcer cela dans les jours et les semaines qui
viennent.
Le Président (M. Champagne): M. le député
d'Iberville.
M. Beauséjour: Dans la matinée, il a
été question de la fiscalité des individus, entre autres.
À un moment donné, vous avez donné une comparaison en
parlant des chercheurs à la retraite ou des travailleurs
spécialisés qui, une fois à leur retraite et compte tenu
de la fiscalité en vigueur au Québec, préféraient
aller vivre à l'extérieur.
M. de Grandpré: Si vous me le permettez, je n'ai pas fait
allusion aux chercheurs à ce moment, mais je faisais allusion aux chefs
d'entreprise qui avaient passé la majeure partie de leur vie au
Québec, qui avaient été éduqués ici, qui
avaient travaillé ici et qui devaient avoir leur domicile ici pendant
leur période active et qui, une fois la retraite arrivée, pour
des raisons de fiscalité, non seulement la fiscalité au niveau du
revenu, mais au niveau de l'impôt sur les successions, se disaient qu'ils
n'avaient les moyens ni de vivre, ni de mourir au Québec.
M. Beauséjour: Maintenant, sur ces chefs d'entreprise,
est-ce que vous évaluez qu'il peut y avoir un certain pourcentage de
gens de langue française qui cherchent un endroit où c'est plus
facile au point de vue fiscal?
M. de Grandpré: Je ne peux pas vous dire s'il y a des gens
de langue française ou de langue anglaise. Je peux vous dire qu'une
quantité importante d'anciens chefs d'entreprise ont changé de
domicile le jour de leur retraite. C'est ce que je constate. Que voulez-vous
que j'y fasse? Cela n'a rien à voir, je pense, avec la langue, sauf que,
dans certains cas, comme les enfants sont plus attirés vers le
Québec parce qu'ils sont des enfants francophones, il est bien plus
difficile pour les parents de partir du Québec alors que leurs enfants
et leurs petits-enfants sont ici. Mais quand vous avez un milieu beaucoup plus
mobile que le milieu francophone québécois et que les familles
sont déjà dispersées, le coup de pouce est plus facile
pour le père, ou le grand-père et la grand-mère de dire:
À ce stade-ci, je passerai ma retraite ailleurs qu'au Québec en
raison de la fiscalité dont j'ai fait mention ce matin.
M. Beauséjour: C'est pour cela que je voulais avoir cette
précision parce que, des propos que vous avez tenus dans la
matinée, j'avais conclu que ce qu'il y a de plus important, que la loi
101, c'est d'abord de voir l'aspect de la fiscalité parce que, s'il y a
des mesures fiscales qui sont attirantes, que ce soit pour le Québec ou
une autre région, à ce moment, probablement que c'est
peut-être le critère premier qui peut attirer plus de gens.
M. de Grandpré: Cela dépend. Si vous parlez de gens
à leur retraite, évidemment, la fiscalité est probablement
le point principal qu'eux considèrent. Si vous parlez des gens qui sont
actifs, mais qui ne sont pas installés au Québec, mais qu'on veut
attirer au Québec parce qu'on en a besoin, soit pour de la fabrication
ou de la recherche ou pour toute autre raison d'administration, à ce
moment, la fiscalité est un aspect et les autres aspects que j'ai
mentionnés ce matin deviennent des facteurs importants.
Le Président (M. Champagne): Y a-t-il d'autres
interventions, des questions? M. le ministre.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Je voudrais continuer
notre échange sur cette question de recherche et de
développement. Je voudrais qu'on essaie de faire un certain nombre de
calculs. Je voudrais vérifier si les chiffres que j'avance sont exacts
à partir des renseignements que vous nous avez livrés ce matin ou
qui figurent au rapport annuel dans les états financiers de Bell Canada.
D'abord, je peux indiquer comme prémisse à ce que je vais
établir comme démonstration, dans la mesure où je vais
tenter de réussir à établir quelque chose -
j'espère ne pas trop me tromper, vous allez me corriger, j'en suis
convaincu, si je suis dans l'erreur - que les activités en recherche et
développement dans le groupe Bell se financent, si j'ai bien compris
essentiellement à même les revenus d'exploitation et aussi
à même les revenus de fabrication du groupe Bell Canada.
M. de Grandpré: Non, ce n'est pas tout à fait
exact, parce que nous avons, évidemment, toujours financé nos
projets de recherche à même nos dépenses courantes. Nous
n'avons jamais capitalisé nos dépenses de recherche comme
d'autres entreprises ont
pu le faire. Cependant, nous avons également
développé, pour des raisons de fiscalité, ce qu'on a
appelé des fonds de développement et de recherche qui sont
sensiblement semblables à ce qu'on a fait pour l'exploration du
Grand-Nord, par exemple, pour l'énergie.
Vous vous souvenez que - je ne parle pas du dernier budget - dans les
budgets antérieurs, un des critères qui étaient importants
pour déterminer le degré des crédits de fiscalité
était l'augmentation par rapport aux trois années
antérieures. C'était la moyenne des trois années
antérieures qui déterminait quelle était l'augmentation de
vos dépenses de recherche. Or, c'était, à notre avis, la
plus mauvaise façon pour le gouvernement fédéral d'inciter
à la recherche parce que cela voulait dire que, si vous augmentiez
considérablement votre recherche pendant une année et que vous la
laissiez tomber le lendemain ou l'année suivante, dans l'année
qui suivait, vous aviez réduit votre moyenne des trois dernières
années et, par conséquent, vous aviez un avantage fiscal.
J'ai toujours prétendu que c'était ce que j'appelais du
yo-yo au point de vue du crédit fiscal et que c'était une
mauvaise façon d'appuyer la recherche parce que la recherche doit se
faire d'une façon constante et doit être déterminée
par le degré de vos ventes, la proportion que vous voulez consacrer
à la recherche, proportion qui veut varier entre 7%, 8%, 9% de vos
ventes selon les périodes. Nous avons toujours cru qu'il fallait que la
pente soit une pente ascendante, mais qu'elle ne comporte pas de ces
fluctuations graves uniquement pour des raisons fiscales.
De façon à contourner cette difficulté, nous avons
créé des fonds de recherche que nous avons vendus comme les
compagnies qui faisaient de l'exploration dans le domaine
énergétique. Nous avons vendu des proportions de dépenses
de recherche à des entreprises qui ne faisaient pas de recherche, avec
le résultat que, si vous aviez une compagnie X, Y, Z qui ne
dépensait absolument rien en recherche pour des raisons bien faciles
à comprendre et qui avait un immense "cash flow", elle partait du point
zéro et avait le maximum des avantages fiscaux en participant à
nos fonds de recherche. Nous avons fait cela, ce qu'on appelait dans notre
langage, des SRIC, des fonds de recherche; je ne me souviens pas au juste, mais
cela s'appelait des SRIC. Ces fonds de recherche nous ont permis d'obtenir des
avantages fiscaux supérieurs. Par conséquent, nous avons pu faire
notre recherche non seulement en utilisant nos revenus et en les portant
à nos dépenses, mais également en nous servant de ce
système de fiscalité qui nous avantageait. Je pense qu'il faut
ajouter ceci à la question que vous aviez posée.
M. Bertrand: Bon! Alors, en d'autres mots, au-delà du
SRIC... Je ne sais pas comment cela va être écrit.
M. de Grandpré: C'est SRIC. Oui, ça, c'est la
version française?
M. Bertrand: C'est pour le journal des Débats. Je me
demande comment les gens vont écrire le mot au journal des
Débats. On trouvera les lettres exactes pour la correction.
M. de Grandpré: C'est SRIC en anglais, mais en
français, je ne sais pas comment cela s'écrit. Ce sont des fonds
de recherche, en tout cas, qu'on vendait et qui permettaient aux entreprises
d'avoir le maximum d'avantages au point de vue fiscal. C'est cela, oui.
Une voix: On a compris FRIC!
M. Bertrand: Cela rapporte du fric aussi. L'un ne va pas sans
l'autre. Donc, M. le Président, la réponse à la question,
c'est que, effectivement, vos activités de recherche et de
développement ne se financent donc pas uniquement à même
les revenus d'exploitation et à même les revenus de fabrication.
Il y a d'autres méthodes utilisées, d'autres sources de revenus
utilisées pour financer les activités de recherche et de
développement.
Ce matin, par les tableaux que vous nous avez présentés
autant que par la lecture de votre rapport, on apprend, effectivement - c'est
vous qui l'avez souligné - que les chiffres de 1982 sont
différents de ceux que nous avions et qui étaient calculés
sur la base de l'année 1981, que Bell Canada avait en 1982
dépensé 95 900 000 $ en recherche et en développement,
à partir des revenus d'exploitation. Vous avez aussi indiqué que
le Québec représente, quant à l'exploitation, 34% de ce
secteur. Si je fais un calcul rapide, s'il est vrai que le Québec
représente 34% de ce secteur, c'est-à-dire le secteur de
l'exploitation, et que 95 900 000 $ ont été pris à
même le service d'exploitation pour être investis dans la recherche
et le développement, la contribution du Québec aurait
été de 32 600 000 $ en recherche et en développement. Je
fais un calcul.
M. de Grandpré: Sauf que vous passez de Northern Telecom
Canada à Northern Telecom Limitée sans faire les distinctions qui
s'imposent. Ce qu'on vous a dit ce matin, c'est que la recherche est une
entreprise globale et qu'on doit regarder le total de la recherche sur le plan
mondial. C'est sur le plan mondial que nous avons
dépensé 340 000 000 $ et 340 000 000 $, comparé
à 37 000 000 $ au Québec, cela représentait 11%. Les 34%,
c'est la proportion de Northern Telecom Canada par rapport au
Québec.
M. Montambault: Je pense que ce à quoi le ministre des
Communications fait allusion, c'est au montant qui, effectivement, est
déboursé par Bell Canada dans ce montant global de 340 000 000 $,
soit 95 000 000 $. Il faut regarder ce montant-là comme étant
divisé, d'abord, 50-50 entre Bell Canada et Northern,
c'est-à-dire que 50% du montant de recherche que défraie Bell
Canada est effectivement dépensé par les laboratoires RBN.
D'accord? Cela fait en sorte que - si je saisis votre question - le montant
global de recherche dépensé par Bell Canada, d'une façon
interne à Bell Canada -c'est bien ce dont on parle, M. le ministre -est
d'environ 45 000 000 $ à 47 000 000 $.
Il reste, quand même, que le point que vous soulignez est
véridique, en ce sens que le pourcentage de Bell Canada au Québec
devrait être de l'ordre du tiers, donc on parle de 15 000 000 $, alors
qu'effectivement il est de 9 000 000 $ à 10 000 000 $. Il y a quand
même une légère différence qui s'explique par le
fait que le même principe que nous avons expliqué ce matin, en ce
qui concerne la masse critique que nous avons établie à Ottawa au
niveau des laboratoires RBN a aussi, évidemment, son pendant du
côté de Bell Canada. C'est ainsi que la plus grande partie, la
partie la plus importante de nos recherches internes à Bell Canada, se
fait effectivement à Ottawa, de concert avec les laboratoires RBN qui
sont là en majorité, comme on l'a dit ce matin. Il est donc
normal que, de ces 45 000 000 $ de dépenses en recherche et
développement que fait Bell Canada d'une façon interne, il y ait
une partie plus importante qui se dépense à Ottawa plutôt
qu'à Québec ou à Toronto ou à Edmonton. (17
heures)
Cela dit, il reste quand même que, compte tenu de la masse
critique qui a été atteinte du côté RBN, nous avons
aussi l'intention d'augmenter, dans les années qui viennent, la part qui
sera dépensée au Québec, de façon au moins à
combler l'écart de 4 000 000 $ à 5 000 000 $ qui existe
aujourd'hui et probablement à l'amplifier.
M. Bertrand: Je vous remercie, M. Montambault, de m'amener
à situer plus précisément ces 95 900 000 $
dépensés en recherche et développement à partir de
l'exploitation du service téléphonique. Toujours pour nous amener
ensemble à préciser davantage ce qui est investi en recherche et
développement, je veux aussi tenter d'évaluer le raisonnement de
la compagnie quant à l'étape de la fabrication.
Quant à la fabrication, on nous a dit que 8% des ventes sont
investis en recherche et développement. Au Québec, en 1982, on a
eu les chiffres. Les ventes de fabrication ont totalisé 384 000 000 $.
Il y aurait donc un apport en recherche et développement, sur la base
des 8% des ventes dont on vient de parler, de l'ordre de 30 700 000 $, selon la
logique dans laquelle vous nous avez introduits ce matin. Si je fais le calcul
de ces 30 700 000 $ qui, normalement, seraient investis en recherche et
développement au Québec à partir des 8% des ventes en
fabrication en plus de ces quelque 15 000 000 $ dont vous avez parlé
relativement à l'exploitation du service téléphonique,
j'arrive à un montant d'environ 45 000 000 $.
Or, les chiffres que vous nous avez donnés ce matin
révèlent que ce serait environ 37 000 000 $ qui seraient
dépensés en recherche et développement au Québec.
Il y a donc une différence que vous attribuez, pour l'instant, à
ce que vous appelez le besoin de vous conformer à cet objectif de masse
critique minimale - qui, je l'espère, deviendra maximale, un jour -
quant à la concentration de la recherche et du développement,
afin d'éviter ce que M. de Grandpré a appelé la
balkanisation de la recherche et du développement. Mais les gens de Bell
Canada sont conscients, tout en prenant en considération la
première réponse que m'a donnée M. de Grandpré
quant aux activités de recherche et de développement non
financées uniquement à partir des revenus d'exploitation et de
fabrication, en prenant aussi en considération les données que
vous venez de me fournir quant aux pourcentages affectés à la
recherche et au développement à partir de l'exploitation du
service téléphonique, ainsi qu'à partir de la fabrication,
qu'il y aurait donc ce qu'on pourrait appeler une forme de plan de rattrapage
sur lequel on pourrait travailler conjointement, Bell Canada et le
ministère québécois des Communications, pour voir comment
on pourrait arriver, tenant compte des objectifs de Bell Canada, mais aussi du
potentiel existant au Québec pour répondre aux besoins de Bell
Canada, à combler ce manque à gagner, si je peux le qualifier
ainsi.
M. Montambault: D'ailleurs, M. le ministre, c'est pour cela qu'on
disait, ce matin, qu'on ne peut pas vous donner un ordre de grandeur du temps
que cela pourrait prendre pour combler cet écart si on veut le combler,
compte tenu que ce même écart va être comblé par la
matière grise. Dans la mesure où on pourra, d'une part, former au
Québec une certaine partie des gens qui pourront nous aider à
combler cet écart et, d'autre part, attirer des gens de
l'extérieur -enfin, tous les principes qu'on expliquait ce
matin - le temps que cela pourra prendre pour combler l'écart en
question pourra être plus ou moins long.
M. Bertrand: Maintenant, relativement à cette
matière grise à laquelle vous faites allusion, M. Montambault, en
visitant les laboratoires de recherche à l'île des Soeurs -tout en
me réjouissant, par ailleurs, de la présence fort originale et
active de l'INRS qui se joint à votre groupe dans des projets assez
particuliers, ce qui est effectivement un fait unique dans le secteur de la
recherche et du développement au Québec -j'ai été
à même de constater, en posant un certain nombre de questions, que
vous avez de la difficulté à trouver au Québec ce genre de
personnes. Ce matin, le député de Vachon vous a tendu une perche
en vous demandant de nous définir, du point de vue de Bell Canada, bien
sûr, les besoins qui pouvaient exister à partir des
priorités de développement que vous avez. Parce qu'il y a quelque
chose qui caractérise Recherches Bell-Northern et Northern Telecom au
niveau de la recherche qui est effectuée. C'est que vos activités
de recherche sont très directement liées à vos projets de
fabrication et il ne s'effectue pas ce qu'on pourrait appeler - très peu
ou pas du tout; vous pourriez répondre à ma question - dans le
groupe Recherches Bell-Northern de la recherche fondamentale.
M. Montambault: 10% à peu près.
M. Bertrand: À peu près 10%, mais 90% vont à
la recherche appliquée.
M. Montambault: Appliquée, c'est cela.
M. Bertrand: D'où l'importance que vous attachez,
d'ailleurs, dans chacune des succursales de Northern Telecom à la partie
recherche et développement. Je pense qu'il n'y a pas une entreprise qui
n'a pas son secteur de la recherche et du développement attaché
directement au secteur de fabrication de l'entreprise. Partant de là, ce
matin, le député de Vachon vous a demandé quelle genre de
besoins existaient. Comme nous voudrions fonctionner dans des délais
relativement rapides, êtes-vous en mesure d'indiquer aux membres de la
commission quelle sorte de carences vous notez au plan de la formation
d'universitaires chez nous ou de techniciens spécialisés, quel
type de carences sentez-vous? En d'autres mots, quel genre d'efforts
souhaiteriez-vous voir s'accomplir pour répondre aux besoin d'une
entreprise comme Bell Canada?
M. Montambault: M. le ministre, je crois que vous allez
reconnaître que, n'étant pas un spécialiste de la question,
c'est évidemment difficile pour moi de vous dire que cela nous prend
cinq docteurs en physique nucléaire ou d'autres domaines.
M. Bertrand: Est-ce que M. Terreault peut répondre
à ces questions?
M. Montambault: J'allais vous dire ce sont des choses que l'on
peut sûrement mettre sur papier de façon à vous donner un
aperçu un peu plus spécifique de ce qui pourrait correspondre
à nos besoins. Si vous le permettez, je voudrais simplement rajouter que
le problème auquel nous faisions allusion n'en est pas un simplement de
télécommunications. Je crois qu'il existe au Québec un
problème au niveau des sciences tout court, que ce soit les sciences de
la biologie, les sciences de la biotechnique ou les sciences de la robotique;
nous avons besoin de former un plus grand nombre de docteurs et de
maîtres en sciences naturelles. À moins que M. Charles Terreault
ne puisse répondre immédiatement à votre question,
j'accepte volontiers de vous soumettre une idée de ce dont nous aurions
besoin dans les années à venir, vu qu'à ce moment cela ne
sera que du secteur des télécommunications qu'on parle et vu que
le problème est beaucoup plus vaste que cela.
M. Bertrand: Si M. Terreault...
M. Montambault: Si vous le permettez, est-ce que je peux demander
à M. Charles Terreault s'il y a des commentaires sur cela?
M. Bertrand: S'il veut s'approcher de la table, lui ou quelque
autre personne, M. de Grandpré, que vous désirez faire
entendre.
M. de Grandpré: Dans toute cette question, je crois que M.
Terreault est sûrement celui qui est le plus au fait parmi ceux qui sont
ici.
M. Bertrand: On remercie M. Terreault de l'excellente
collaboration qu'il apporte, d'ailleurs, au ministère des Communications
pour ce qui est de la définition et de la compréhension d'un
certain nombre de problèmes en télécommunications.
M. Terreault (Charles): Merci. Pour ce qui est de l'apport en
chercheurs scientifiques, je crois qu'il faut distinguer les différents
niveaux de formation universitaire. Au niveau des techniciens, des
technologues, au niveau des ingénieurs de premier cycle, il n'y a pas de
problème pour obtenir les ressources quantitatives nécessaires.
On trouve d'excellentes gens à ce niveau. Où cela devient
beaucoup plus difficile, c'est au deuxième cycle et surtout au
troisième cycle. Oui, nous avons établi certains modèles
de développement, parce qu'on voulait justement avoir une idée.
Par
exemple, si on doublait le nombre de chercheurs à RBN, en
supposant, évidemment, qu'on ne fait pas de la recherche pour faire de
la recherche, qu'il y ait des besoins spécifiques dans tel ou tel
domaine, qu'est-ce que cela représenterait, en tenant compte aussi des
départs qui se font pour diverses raisons? C'est un facteur important
parce qu'on constate que, dans des entreprises comme Northern et même
dans certains cas à Bell Canada, une des principales sources de cadres
supérieurs, que ce soit dans le marketing ou dans l'entreprise, ce sont
des gens qui viennent de la recherche. Si on regarde, par exemple, du
côté des dirigeants de Northern, le nombre de gens qui sont venus
de la recherche est complètement disproportionné si on le compare
au nombre de gens des autres secteurs. Donc, il y a un apport continuel qui
doit se faire des services de recherche.
Au niveau de la maîtrise, pour reprendre mon exemple de
départ, si on voulait doubler pour une période de cinq ans, il
faudrait engager tous les diplômés au niveau du deuxième
cycle en télécommunications et dans les domaines se rapprochant
des télécommunications. Je pense qu'il n'y a que
l'INRS-télécommunications qui donne une maîtrise
spécifiquement en ingénierie des
télécommunications. Par contre, d'autres universités
québécoises donnent des maîtrises dans des domaines
connexes où les gens peuvent être utilisés, ce qui,
évidemment, ne laisse personne pour toute autre entreprise, que ce soit
Marconi, Spar, etc., comme ressources.
Au niveau du doctorat, c'est encore beaucoup plus complexe. On estime,
d'après ce qu'on a pu obtenir des universités et du
ministère de l'Éducation - cela peut paraître curieux, mais
c'est très difficile d'obtenir ces chiffres - qu'il y a environ cinq
doctorats en télécommunications et en informatique dont, nous
dit-on, à peu près un ou deux par année au niveau des
télécommunications ou touchant de près ou de loin au
domaine des télécommunications. Il en faudrait quatre à
cinq fois plus par année pour combler les besoins. Cela, je pense que
c'est vraiment un problème extrêmement important. Seulement dans
un modèle, je dis qu'il faudrait doubler en quelques années, en
tenant compte aussi qu'on continue à engager un certain nombre de gens
de l'extérieur, parce que je pense que c'est essentiel pour une
activité de recherche que tous ne proviennent pas du même milieu
universitaire parce que, à ce moment-là, on perd toute la
synergie qui vient du brassage d'idées venant de formations
extrêmement différentes.
Donc, dans notre modèle, nous supposions qu'on devrait en
recruter au moins 25% à l'extérieur du Québec. Mais, dans
mes chiffres, je disais qu'au niveau de la maîtrise on engageait tous
ceux qui avaient un diplôme. En pratique, on ne les engagerait pas tous
parce qu'il ne suffit pas d'avoir une maîtrise pour être
nécessairement un génie. Il y en a certains auxquels, de toute
façon, on ne serait certainement pas intéressé. Au niveau
du doctorat, on était de très loin à court.
Donc, je pense que c'est une des actions que le gouvernement peut
prendre. Je pense que vous pourriez passer le message à votre
confrère de l'Éducation qu'il y a un besoin extrêmement
grand du côté des études avancées du
deuxième, et du troisième cycle. M. Paquette était
là, tout à l'heure; si on veut assurer ce virage technologique,
c'est, à mon sens, la condition nécessaire, pas une condition
suffisante, mais c'est certainement une condition nécessaire. Ce qui
nous rend la définition de nos plans de développement tellement
difficile, c'est qu'on regarde la production actuelle et on se dit: On voudrait
bien doubler, mais les gens ne viennent pas. C'est pour cela qu'on a eu
beaucoup de discussions internes. Est-ce qu'on peut ou non donner des chiffres?
On a conclu qu'on ne peut pas parce que, si on fait des promesses et qu'ensuite
on ne peut pas obtenir les gens, c'est se moquer du monde. Par contre, au
niveau de la maîtrise - cela, je pense qu'on l'a fait - j'ai dit le
nombre actuel de gens avec des maîtrises. Il y a quelques années,
il y en avait beaucoup moins de disponibles. C'est la raison principale pour
laquelle on a collaboré avec l'INRS. D'ailleurs, je veux rendre hommage
à l'ouverture d'esprit qu'on a trouvée auprès de l'INRS
pour établir ce programme de formation qui, à toutes fins utiles,
a probablement doublé la production québécoise, dans les
trois dernières années, de gens au niveau de la maîtrise
dans le domaine spécifique des télécommunications. Cela ne
veut pas dire qu'ils viendront tous chez nous; en fait, c'est évident,
mais c'est une des mesures qu'on a voulu prendre pour collaborer a
résoudre ce problème extrêmement fondamental de ressources
humaines. (17 h 15)
M. Bertrand: Je crois que le député de Vachon a
quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Ce matin, je pense qu'on a dégagé un
consensus sur les besoins de ressources humaines et les lacunes, en ce domaine
tout en prenant en considération les contraintes conjoncturelles ou la
perception de la réalité. Deuxièmement,
particulièrement avec vos suggestions et les répliques et les
questions du ministre des Communications, on a aussi spécifié
quels domaines aborder, avec M. Terreault, tout à l'heure. Le ministre
Paquette a également
souligné la disponibilité du gouvernement. Il s'agit,
à mon avis, d'explorer les moyens de combler ces lacunes. Le ministre
vient de vous demander si vous avez des suggestions quant aux moyens. Est-ce
que l'idée d'une table de concertation très concrète avec
des objectifs réalistes serait à considérer?
Vous avez mentionné tout à l'heure que le ministre de
l'Éducation et le ministre délégué à la
Science et à la Technologie viennent d'offrir leur collaboration. Ces
deux ministres viennent de visiter vos entreprises de l'île des Soeurs.
De quelle manière, pratiquement, à court terme, envisagez-vous
cela?
M. Montambault: Remarquez que je n'ai rien contre les tables de
concertation, mais je ne suis pas sûr que cela produise
nécessairement des résultats. De toute façon, si jamais il
y en avait, on n'aurait aucune objection à y participer. Le
problème - je pense qu'on vient de l'expliciter d'une façon
très nette - est qu'il y a trop peu de diplômés aux
deuxième et troisième cycles en sciences au Québec. Je
pense que c'est une question de fait. Quant à savoir s'il devrait y en
avoir cinquante ou dix, je pense qu'on peut quand même discuter
là-dessus, mais le problème est qu'il faudrait augmenter le
nombre de Québécois qui atteignent ce niveau d'études. Je
pense que ce n'est pas en déclarant d'une façon
péremptoire - ce n'est pas cela qu'on veut faire, évidemment -
que cela nous en prend dix ou quinze que, nécessairement, il y en aura
dix ou quinze l'année prochaine ou dans deux ans. Il y a toute une
promotion à faire auprès de notre jeunesse. Il y a des
professeurs à former. Il y a, évidemment, des aménagements
physiques à installer. Dans la mesure où vous souhaitez, si tel
est votre voeu, que l'organisation Bell-Northern aide à préciser
ce genre de besoins, j'en suis. Mais, finalement, je pense qu'il ne faudrait
pas s'attendre que l'industrie, par elle-même, va résoudre ces
problèmes. L'industrie ne peut pas faire autre chose que dire: Voici nos
besoins. Voici de quelle façon on peut collaborer, notamment par des
contacts plus étroits avec l'université, s'il y a lieu. Ce
processus, à mon sens, a déjà démarré. Cela
existe déjà dans un certain nombre de comités, dont celui
de M. Major, chez nous, et celui de M. Terreault. Nous avons déjà
un certain nombre de personnes qui ont commencé à discuter de ces
choses avec les milieux gouvernementaux, avec d'autres industries...
M. Payne: Des comités maisons. M. Bertrand:
Internes. M. Payne: Oui, internes.
M. Montambault: Ce sont des comités qui découlent,
par exemple, des organisations que vous avez autour d'un document comme Le
virage technologique, des comités qui ont quelque chose à voir
avec le prochain sommet des communications. Il y aussi un Conseil de la
science, quelque chose comme cela.
M. Bertrand: Le Conseil de la politique scientifique.
M. Montambault: Oui, le Conseil de la politique scientifique.
Donc, ces discussions sont déjà entreprises. C'est cela que je
voudrais que le comité réalise. Ce n'est pas simplement
aujourd'hui qu'il tombe une pierre qui dit qu'on manque de
diplômés de deuxième et de troisième cycle au
Québec. C'est un problème qui est déjà connu: un
problème qui est non seulement connu, mais réalisé aussi
par les autorités universitaires elles-mêmes qui nous disent,
à nous de l'industrie: On n'a pas les moyens, entre autres, de
répondre à ces besoins. Ce n'est pas un refus de collaboration,
comprenez-moi. On veut bien continuer, mais il va falloir que cela
débloque quelque part si on veut faire quelque chose.
M. Payne: Une des raisons de la commission est, justement, de se
renseigner que les mécanismes de concertation. Vous venez
d'explicité que vous avez effectivement plusieurs comités qui
découlent en partie, par exemple, du virage technologique. C'est cela
que vous venez d'affirmer. C'est quelque chose de très concret,
très pratique à partir de vos propres expériences, et de
la concertation établie dans nos propres politiques.
M. Montambault: M. le Président, me permettez-vous de
faire un énoncé simplement pour les fins du journal des
Débats? J'ai obtenu la traduction française du SRIC dont faisait
mention le président. Il s'agit effectivement, en français, de ce
qu'on appelle CIRS, c'est-à-dire les contrats d'investissements en
recherche scientifique. J'ai pensé aider nos traducteurs en vous donnant
cela.
M. Terreault: D'ailleurs, il y a une excellente description de ce
concept dans un mémoire que le Conseil de la politique scientifique a
soumis pour consultations et qui sera bientôt transmis au ministre
Paquette, au mois de mai. Le document fait déjà l'objet de
consultations publiques.
M. Bertrand: Très bien. Merci beaucoup. M. le
président de Grandpré, relativement au siège social de
l'entreprise qu'on appellera dorénavant Entreprises Bell Canada Inc.,
vous avez bien indiqué, évidemment, qu'il sera à
Montréal. Il m'arrive fréquemment de passer devant
l'immeuble où je vous ai rencontré dans les premières
semaines qui ont suivi ma nomination au poste de ministre des Communications.
Nous avons eu l'occasion de discuter du problème des travailleurs de
Bell Canada en Arabie Saoudite qui s'est réglé, je pense,
à la satisfaction des gens de Bell Canada. Qu'arrive-t-il, par ailleurs,
dans le contexte de cette réorganisation corporative, à ce qu'on
pourrait appeler les autres sièges sociaux des filiales d'Entreprises
Bell Canada Inc.?
M. de Grandpré: Franchement M. le Président, le
nouvel immeuble que nous avons lancé, alors que la construction
était à un point mort au Québec - nous avons, je pense,
donné le coup de pouce qui était nécessaire pour
démontrer la confiance que nous avions dans le Québec -
représente des investissements de l'ordre d'à peu près 240
000 000 $ pour les deux tours qui sont immédiatement au sud de
l'immeuble qui était connu auparavant comme l'immeuble de Bell. Quant
à la tour Bell, il ne s'agit là que d'une relocalisation de nos
employés qui étaient épars dans quatorze ou quinze
immeubles que nous louions à travers la ville. Il s'agit là d'une
rationalisation de nos opérations. Nous n'ajoutons pas d'une
façon importante d'espace supplémentaire à l'espace que
nous avions auparavant. Les immeubles qui étaient loués vont,
évidemment, revenir sur le marché.
Quant aux Entreprises Bell Canada Inc., la seule personne qui a
été indiquée comme passant de Bell aux Entreprises Bell
Canada Inc., c'est le président du conseil. La circulaire d'information
déclare spécifiquement que je laisserai Bell Canada le jour
où les Entreprises Bell Canada Inc. seront fondées. À ce
moment-là, je sortirai de l'immeuble où je suis et le bureau
où vous m'avez rencontré deviendra le bureau de mon successeur
à Bell Canada. J'irai aussi loin que possible de Bell Canada pour ne pas
me faire accuser par qui que ce soit que les gens m'abritent aux dépens
des abonnés, de façon à éviter toute critique que
d'une façon quelconque les abonnés, que ce soit des
abonnés du Québec, de l'Ontario ou des Territoires du Nord-Ouest,
ont payé une partie de mes dépenses. De façon à
n'éviter toute cette critique, je ne serai même pas sous le
même toit que Bell Canada. La décision est irrévocable de
ce côté.
M. Bertrand: Je ne pense pas que cette décision de votre
part ait pour autant -comment dirais-je - annulé les craintes qu'ont les
abonnés face au projet de réorganisation corporative de Bell
Canada.
M. de Grandpré: Je ne vois pas pourquoi les abonnés
ont des craintes. Depuis le 23 juin 1982, je dis à qui veut bien
l'entendre que la réorganisation n'ajoutera pas un sou au compte des
abonnés. Cette analyse a été faite par le CRTC alors que,
pendant cinq ou six jours, j'ai été interrogé par une
quinzaine d'avocats. Le rapport du CRTC démontre, à mon avis,
d'une façon très péremptoire que la réorganisation
en elle-même n'affectera en aucune façon le compte de
téléphone des abonnés.
M. Bertrand: Relativement au développement de Northern
Telecom - dans le rapport annuel 1982 de Northern Telecom, aux pages six et
sept du rapport, on parle de nouvelles usines à San Diego, à
Saskatoon, à Calgary, Winnipeg, Northern Grove aux États-Unis,
Santa Clara - est-ce que, dans les projets de développement ou
d'implantation d'usines nouvelles, au-delà des six usines existantes au
Québec, il y a des projets à plus ou moins long terme dans les
plans de développement des Entreprises Bell Canada Inc.?
M. de Grandpré: Non, les usines que nous avons au
Québec sont situées à Aylmer, à Lachine, à
Lasalle, à Montréal, à Montréal-Nord et nous en
avons deux à Saint-Laurent pour un total de sept. Nous n'avons pas
l'intention, pour le moment, d'implanter d'autres usines dans la province de
Québec.
M. Bertrand: Étant donné que vous n'avez pas
l'intention pour le moment d'implanter d'autres usines au Québec, dans
le secteur plus spécifique de la fabrication, entrevoyez-vous de
nouveaux mouvements de main-d'oeuvre? J'entends par là, bien sûr,
un mouvement de main-d'oeuvre décroissant, étant donné le
virage technologique dont vous nous avez parlé, M. Montambault, qui
remonterait au sein de votre entreprise, puisque vous étiez à
l'avant-garde, à 1975 et qui a fait que les emplois sont passés
de 14 000 à 5900 entre 1970 et 1982. Est-ce que vous entrevoyez des
mouvements de main-d'oeuvre additionnels et importants au cours des cinq
prochaines années?
M. de Grandpré: Des mouvements de main-d'oeuvre, nous n'en
entrevoyons pas qui soient des mouvements que nous déciderions parce que
nous abandonnerions telle ou telle usine de fabrication au Québec. S'il
y a des mouvements de main-d'oeuvre, ce seront des mouvements qui
résulteront de la concurrence, de moyens additionnels pour
protéger les coûts et remplacer la main-d'oeuvre par des robots ou
autre chose pour maintenir notre position concurrentielle sur les
marchés internationaux; ces mouvements, on les retrouvera
généralement dans l'entreprise non pas parce que cela s'adonne
à être au Québec, mais plutôt parce que
c'est l'évolution normale de la fabrication d'un produit ou d'une
pièce d'équipement.
Pour revenir à ce fameux concept de la recherche et du
développement, il y a plusieurs échelons dans la recherche et le
développement. Comme M. Montambault l'indiquait, il y a la recherche
pure qui représente quelque 10% de nos dépenses. Mais, il y a le
développement d'un produit, le développement des
procédés pour la fabrication d'un produit. Il y a des
développements pour réduire les coûts de fabrication,
changer la méthode de façon à réduire le nombre de
composantes et, par conséquent, à réduire les inventaires
et à augmenter le "management" de nos ressources en liquidité.
Tout cela pour vous dire que, si on trouve une meilleure façon de
fabriquer tel ou tel produit, il pourra y avoir des mouvements dans la
main-d'oeuvre que nous employons. Ce ne sera pas parce que c'est
implanté au Québec, mais plutôt parce que c'est la
résultante de l'évolution normale des procédés de
fabrication. (17 h 30)
M. Bertrand: J'ai effectivement pris connaissance de visu de
l'implantation de la robotique, lorsque je suis allé visiter une de ces
usines de Northern Telecom dans l'ouest de Montréal, pour me rendre
compte que, effectivement, il y a certainement deux, trois, quatre ou cinq
personnes qui, auparavant, menaient les mêmes opérations et qui,
aujourd'hui, sont remplacées par un appareil très
sophistiqué, qui semble bien faire son travail d'ailleurs.
J'espère qu'il est bien payé.
M. de Grandpré: Les coûts sont fixes. M.
Bertrand: Les coûts sont fixes, oui.
M. Montambault: II est surtout bien huilé.
M. Bertrand: Vous n'avez pas de problème de
négociation de convention collective avec lui.
M. de Grandpré: Pas avec celui-là, en tout cas.
M. Bertrand: Oui. Donc, si je comprends bien le sens de votre
réponse, c'est que, dans la mesure effectivement où la compagnie
voudrait augmenter sa productivité - ce qui est en soi un objectif
louable - et que cela devait impliquer des choix relativement à la
conversion de main-d'oeuvre humaine en main-d'oeuvre "robotique", il pourrait y
avoir des mouvements d'emploi qui continuent d'aller dans le sens de la
décroissance au cours des prochaines années à Northern
Telecom.
M. Montambault: J'ajouterais peut-être un
élément, si vous le permettez, à celui de
l'économie. Le niveau des employés de Northern au Québec,
comme d'ailleurs dans le reste du Canada, est un peu et beaucoup en fonction de
l'économie non seulement au Canada mais aussi aux États-Unis et
ailleurs. Mais, dans la mesure où on pourrait espérer en une
économie qui va reprendre son essor, à ce moment-là, cela
pourrait venir compenser, à tout le moins, les pertes d'emplois que
pourrait générer une technologie plus avancée dans
l'avenir. Il est difficile de faire des projections, à ce moment-ci,
pour savoir combien d'employés Northern aura à l'avenir, mais il
n'y a aucun doute dans mon esprit que Northern n'a pas le choix. Comme on l'a
dit - et c'est, d'ailleurs, le cas de toutes les industries -nous devrons
suivre et même devancer la technologie. Il y a une nouvelle technologie
qui fait fureur dans le moment et où Northern, entre autres, est
pionnière; c'est ce qu'on appelle en français, le CAOFAO, la
conception aidée par ordinateur et la fabrication aidée par
ordinateur ou, en anglais, le CATCAM. Northern, de même que les
laboratoires Bell, sont certainement à l'avant-garde au Canada à
ce sujet. Je pense qu'on devrait s'enorgueillir de cela, mais cela veut dire en
même temps, évidemment, que d'autres opérations qui
étaient autrefois manuelles seront de plus en plus faites par un
ordinateur qui à son tour va devenir de plus en plus intelligent.
En même temps que je dis cela, il y a aussi, et il faut le
reconnaître, le fait que l'économie actuelle a sérieusement
entamé la fabrication ou le volume de la fabrication dont Northern est
capable, au Québec, en Ontario et ailleurs. Dans la mesure où on
pourra prévoir une relance, à ce moment-là, Northern sera
en mesure d'embaucher des employés additionnels. Mais il est difficile,
comme cela, de vous dire, cinq ans à l'avance, quel sera
l'équilibre entre les deux, compte tenu que la technologie se
développe à un rythme tellement
accéléré.
M. de Grandpré: II y a un autre facteur, qui n'a pas
encore été mentionné, mais qu'on doit souligner devant la
commission, c'est que la croissance des ventes de Northern en dehors du Canada
est de beaucoup supérieure à la croissance des ventes au Canada,
pour toutes sortes de raisons. L'économie américaine étant
ce qu'elle est, nous sommes partis du point zéro ou à peu
près zéro, il y a dix ans, aux États-Unis et, cette
année, nous allons avoir des ventes dépassant 1 500 000 000 $ aux
États-Unis, tout cela dans une période de dix ans. Quand vous
regardez ce que nous avons au Canada, c'est à peu près 1 200 000
000 $ de ventes. Donc, on a dépassé de beaucoup le point de
parfait équilibre, si vous voulez, entre les ventes
canadiennes et les ventes à l'extérieur du pays. Devant
cette ascension, et quand on regarde les projections, on se rend compte que le
Canada, à brève échéance, n'absorbera plus que 20%
ou 25% du total des ventes de Northern. Si on replace cela dans le contexte
global de Northern Telecom Canada, on se rend compte que la proportion, de
façon générale, de la fabrication au Québec sera
évidemment réduite, non pas en nombre absolu, mais en nombre
relatif, à cause de la croissance extraordinaire aux Etats-Unis.
M. Terreault: Je pense qu'il y a un autre facteur qu'il faut
considérer, c'est que la nature des emplois au cours des années a
changé de façon considérable. Lorsqu'on compare avec les
années soixante-dix, à ce moment il y avait probablement un
travailleur intellectuel pour dix travailleurs manuels dans une usine.
Autrement dit, pour un ingénieur ou un vendeur ou un cadre, il y avait
dix personnes qui assemblaient, qui vissaient, qui reliaient des fils ensemble.
Aujourd'hui, dans plusieurs des usines de Northern, c'est en train quasiment de
devenir la norme, le rapport est rendu de un à trois. Autrement dit, il
y a un cadre, un programmeur, un gérant de produit dans le marketing, un
vendeur. Là encore, un vendeur; on parle de gens qui font des ventes de
5 000 000 $; quand il s'agit d'un commutateur à telle ou telle
entreprise, donc ce n'est pas juste de vendre des balais. Donc, ce type
d'emploi a changé considérablement. Par exemple, quand on compare
les quelque 5000 employés qu'il y a au Québec, sur cela il y a
une proportion extrêmement grande, plus grande que dans le passé,
de gens avec une formation universitaire ou autre, beaucoup plus poussée
que ce ne l'était auparavant. Cela nous indique par un autre
éclairage le même problème de ressources humaines.
Justement, M. de Grandpré a donné une ou deux conférences
sur le sujet où il indiquait les besoins en formation - ce que Drucker a
appelé les "knowledge workers", les travailleurs intellectuels -
infiniment plus grands pour l'entreprise, même pour une entreprise de
fabrication.
M. Bertrand: À partir des réponses que vous venez
de donner à certaines des questions que je vous ai posées, il y
en a une d'ordre général qui déborde Bell Canada, mais que
je veux poser à des gens qui dirigent une entreprise qui, comme la
vôtre, a vécu le virage technologique et vécu très
intensément ces mouvements de main-d'oeuvre, en remplaçant des
gens dans certains cas par des robots, mais aussi en faisant en sorte qu'on
puisse, comme vous le disiez vous-même tout à l'heure,
établir un rapport nouveau entre le travailleur intellectuel et le
travailleur manuel: de un à dix, vous êtes passés de un
à trois. Il y a des gens qui nous font des représentations sur
l'introduction des technologies nouvelles, sur le virage technologique et qui
développent thèse et antithèse, la thèse
étant: les technologies nouvelles vont créer un chômage
technologique important et l'antithèse: les technologies nouvelles vont
créer des emplois d'avenir. Quand on met l'un face à l'autre, on
peut penser qu'en bout de ligne il sera possible de créer davantage
d'emplois qu'on n'en perdra. Si je comprends bien le développement de
Northern Telecom, je voudrais savoir, si c'est un peu la rélexion qui se
fait chez vous pour l'ensemble du groupe Bell Canada, qui a raison.
M. Montambault: Je pense qu'un peu tout le monde a raison,
finalement. Il faut, tout de même, faire certaines différences
selon le type d'industries. Si l'on prend l'exemple de Bell Canada comme tel -
je parlerai de Northern Telecom tout à l'heure - je pense qu'on peut
dire sans crainte de se tromper que nous avons réussi à amalgamer
à ce jour, à introduire les développements technologiques
sans pour cela congédier des employés. Il y a des choses qu'il a
été possible de planifier de façon que la réduction
d'employés qui a été amenée par ces changements
technologiques - je pense, par exemple, à ce qu'on appelle TOPS, le
nouveau service de téléphonistes où véritablement
les résultats ont été de réduire à peu
près de 40% le nombre de téléphonistes que nous avions il
y a cinq ans - s'est faite sans heurt majeur chez nous. Nous avons
été en mesure, en la planifiant sur une base de quatre ans, de
pouvoir embaucher des gens d'une façon temporaire et de les laisser
aller plus tard, protègent ainsi l'emploi de nos employés
permanents. Cela a demandé, par exemple - et c'est vrai dans tous les
autres domaines - une volonté de la part des employés, soit de se
recycler, soit d'être plus mobiles qu'ils ou qu'elles ne l'étaient
auparavant. Malheureusement, dans certains cas, je dois le dire - c'est,
d'ailleurs, public - il a fallu, pour un petit nombre d'employés, mais
quand même, se résoudre à des mises à la retraite
anticipée, mais, dans l'ensemble, il n'y a pas eu de congédiement
massif.
Par contre, si vous prenez une industrie comme Northern Telecom qui,
à l'occasion, emploie des ouvriers payés à l'heure, comme
on dit, et qui font fonctionner des machines, lorsque vous faites
l'introduction presque instantanée d'une nouvelle méthodologie
comme celle de la production assistée par ordinateur, par exemple, qui
fait que les dessinateurs industriels de Northern font leurs propres dessins de
circuits micro-électroniques sur un écran de
télévision et simplement par la pression d'un bouton, que
l'opérateur peut transmettre ces dessins à toutes les
manufactures réparties à travers le continent, là
où on a un robot qui les imprime directement sur la plaquette de
fabrication, c'est bien évident qu'au moment où vous introduisez
cette technologie, une des plus avancées au monde à l'heure
actuelle - je pense que Québec devrait s'enorgueillir d'avoir ce genre
de choses chez Northern Telecom - cela crée des vacances. Le
problème devient un problème de société, à
savoir: qu'est-ce qu'on fait avec les employés qui ne sont plus
nécessaires dans l'emploi qu'ils avaient auparavant? Je pense que
l'industrie a le devoir d'essayer de les recycler, mais, finalement, il ne faut
pas se le cacher, la technologie s'accélère de plus en plus.
L'introduction de toute nouveauté ne consiste pas en un choix
pour nous. Si on ne le fait pas, d'autres vont le faire ailleurs, les Japonais
en particulier, les Américains et les Français. Je pense qu'il
faut se dire: Si on ne le faisait pas, dans quatre ou cinq ans d'ici, notre
compétitivité ne serait plus ce qu'elle est présentement.
À ce moment-là, on se trouverait à générer
beaucoup plus de chômage que celui que l'on crée lorsqu'on
introduit ces développements technologiques. Ceci étant dit, cela
ne règle pas le problème de ceux et de celles qui perdent leur
emploi par suite des changements technologiques, que ce soit chez Northern
Telecom ou ailleurs. Je pense que cela devient de plus en plus un
problème qu'il faudra discuter entre intervenants de la
société et pour lequel je n'ai vraiment pas de solution à
vous offrir, moi non plus.
M. Bertrand: Je vous remercie. Avez-vous quelque chose à
ajouter, M. Terreault?
Le Président (M. Champagne): M.
Terreault a-t-il quelque chose à ajouter?
M. Terreault: Non, je faisais une remarque à M.
Montambault.
M. Montambault: Charles me faisait remarquer que les 40% auxquels
je faisais allusion quant à TOPS, c'était par rapport à la
croissance; ce n'était pas nécessairement par rapport au statu
quo, ce qui est une nuance quand même importante. Je le remercie. Mais le
fait demeure qu'on n'a pas créé de chômage à la
suite de cela. Autrement dit, il y a des façons d'introduire à
l'occasion des technologies sans créer du chômage, mais en
réduisant finalement le nombre d'employés que l'on aurait
éventuellement, puis il y a d'autres façons où on ne peut
pas l'éviter et c'est particulièrement vrai dans l'entreprise de
fabrication.
M. Bertrand: Permettez-moi de revenir sur l'exploitation du
service téléphonique. Je vais tenter une affirmation et je vais
voir comment vous allez réagir. Je pense que la meilleure façon;
c'est d'aller à la pêche. Est-ce que je peux comprendre que la
réorganisation de la structure corporative de Bell Canada,
réalisée, acceptée, sera complétée,
j'imagine, d'ici quelques mois ou quelques semaines?
M. de Grandpré: La réaction à vos "quelques
mois", cela sera moins que cela, quant à moi.
M. Bertrand: Quelques semaines? Je comprends que cela fait
longtemps que vous attendez. Vous aviez promis aux actionnaires que cela se
réaliserait avant la fin de l'année 1982; vous avez eu quelques
petites difficultés de parcours.
M. de Grandpré: L'homme propose et le gouvernement
dispose. (17 h 45)
M. Bertrand: Cette réorganisation de la structure
corporative isole Bell Canada et le CRTC devra prendre des décisions
relativement à la tarification, mais en isolant Bell Canada à
l'intérieur, bien sûr, de ce groupe des entreprises de Bell
Canada. Dois-je comprendre que cette réorganisation de la structure
corporative est une forme de réponse qui correspond aux
intérêts de votre groupe, alors que, il y a quelques année,
peut-être n'ayant pas encore à l'esprit ce type de projet de
réorganisation de la structure corporative, vous vous disiez:
Peut-être qu'en plaçant l'exploitation du service
téléphonique sous juridiction provinciale on arriverait à
atteindre quelques-uns des objectifs qu'on se trouve à atteindre
aujourd'hui avec la réorganisation de la structure corporative?
M. de Grandpré: Je dirais que les deux sont totalement
indépendants. Ce qui m'a amené à penser à une
réorganisation du groupe Bell, c'était la place de plus en plus
importante que prenaient, dans le groupe Bell, les activités de
non-télécommunications pures. Lorsque vous constatez que, il y a
quelques années, par exemple, quand on regarde les données en
1972, 1973, 1974, les ventes de Northern étaient d'environ 500 000 000
$, 600 000 000 $ ou 700 000 000 $, on se rend compte que, dans une
période très courte, il y a eu une augmentation de 500% ou 600%
des ventes de Northern.
Lorsque, au surplus, vous considérez que
Télé-Direct était une affaire d'environ 75 000 000 $
lorsque nous l'avons fondée en 1973 - si mon souvenir est exact - et
que, aujourd'hui, Télé-Direct représente des ventes qui
dépasseront 500 000 000 $, vous réalisez immédiatement
que, indépendamment du
développement de nos activités internationales à
l'intérieur de Bell Canada pour nos contrats, vous aviez une explosion
de revenus qui étaient complètement indépendants des
revenus dans le Québec et dans l'Ontario. Si vous superposez à
cette explosion de Northern et de Télé-Direct le fait que nous
avons été cherché sur les marchés internationaux
depuis cinq ou six ans des contrats de consultation d'environ 2 000 000 000 $,
vous vous rendez compte immédiatement que la réglementation de
Bell Canada avec toutes ses tentacules tentacules qui font que nous avons
à peu près 80 différentes entreprises à
l'intérieur du groupe Bell Canada, filiales de filiales, filiales de
financement, etc. - devenait, à mon sens, un cauchemar.
C'est en réponse à cette difficulté que nous avons
cru que la création des Entreprises Bell Canada était une
réponse adéquate aux difficultés de réglementation
qui auraient pu, peut-être, être évitées si on avait
accepté de réglementer Bell sur la base de ses actifs nets.
Étant donné que, pour des raisons que j'ignore, on n'a jamais
accepté de réglementer Bell sur ses actifs nets, nous avons
été obligés de procéder à une
réorganisation qui, à mon sens, sera meilleure que la
réglementation sur les actifs nets, mais qui aurait pu, temporairement
au moins, nous permettre de passer à travers cette période
d'explosion de revenus.
Il faut bien l'avouer, je pense que le CRTC est le seul office de
réglementation que je connaisse qui réglemente les entreprises de
télécommunication sur la base du rendement sur le capital de
risque au lieu de fixer les taux sur la base des actifs nets.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Bertrand: Personnellement, j'épouse ce type de
raisonnement! Connaissant la situation dans laquelle vous êtes
placé et connaissant les projets de développement de Bell, ce que
vous avez voulu dire en clair au CRTC, on peut le comprendre. Quant à
moi, je comprends qu'un organisme qui fonctionne en situation monopolistique au
niveau de la distribution d'un service public soit tout de même
forcé à comparaître devant un organisme de
réglementation pour ce qui est de la tarification aux abonnés.
Pour ce qui est des autres opérations de l'entreprise, là
où vous êtes placé en situation de concurrence, il vous
apparaît difficilement admissible qu'un organisme de
réglementation ne tienne pas compte du fait que vous êtes en
situation de concurrence. Donc, vous avez voulu indiquer au CRTC que, là
où il y a service public, là où il y a distribution d'un
service aux abonnés, là où, en d'autres mots, il y a une
notion d'intérêt public qui est en cause, une entreprise
privée comme la vôtre, distribuant un service public, se doit de
soumettre cette partie de ses activités à la
réglementation et qu'au-delà de cela, dans un contexte de
concurrence et de compétition, l'organisme de réglementation doit
libérer l'entreprise d'entraves réglementaires qui
l'empêchent d'atteindre ses objectifs.
M. de Grandpré: Pour faire une paraphrase, M. le ministre,
vous m'avez compris.
M. Bertrand: J'en ai déjà entendu une comme
celle-là.
C'est une des représentations qui ont été faites
par des groupes d'abonnés, entre autres, des associations de
consommateurs, relativement au dédommagement qui devrait être
consenti aux abonnés, étant donné ce projet de
réorganisation de votre structure corporative. Je lis un des paragraphes
de la décision rendue par le CRTC et je veux que vous m'expliquiez, que
vous me vulgarisiez ce que ce paragraphe veut dire en clair pour les
abonnés. Parce que, effectivement même si je vous comprends pour
un certain nombre de choses, M. le président...
M. de Grandpré: Je ne comprends qu'une chose.
M. Bertrand: ...vous comprendrez que j'ai reçu, entre
autres, un mémoire des Associations coopératives
d'économie familiale, les ACEF, dont je pourrais vous lire ne serait-ce
que la conclusion: "Si la restructuration de Bell Canada s'effectue, Bell
deviendra une filiale des Entreprises Bell Canada Inc. Cette dernière
recevra la totalité des profits des entreprises appartenant
présentement à Bell Canada. Bell perdra alors une bonne part de
ses revenus et présentera inévitablement un bilan financier moins
intéressant. Elle pourra alors présenter des demandes
d'augmentations tarifaires encore plus substantielles que le CRTC acceptera
probablement de la même façon qu'il a accepté les
dernières. Le résultat en sera que les actionnaires du groupe
Bell verront leurs dividendes augmenter au détriment des consommateurs
qui, eux, paieront la note. L'exemple de Télébec démontre
ce qui peut se passer quand une compagnie n'a aucun compte à rendre
autre que sur ses propres activités. Si Bell devient une filiale
autonome, il est à craindre qu'elle agisse de la même façon
que sa filiale actuelle Télébec et qu'elle réserve une
très désagréable surprise à ses abonnés."
C'est la conclusion, cela résume l'essentiel du mémoire transmis
au ministre fédéral des Communications, M. Francis Fox, en date
du 6 avril 1983 et qui provenait des Associations coopératives
d'économie familiale.
M. de Grandpré: Ils n'ont rien compris.
M. Bertrand: Je vous lis aussi le paragraphe de la
décision rendue par le CRTC. J'essaie de la relier à cette prise
de position d'un groupe de gens qui veulent défendre les
intérêts des abonnés. C'est à la page cinq du
document d'information transmis par le CRTC à la presse qui dit ceci:
"Outre ces recommandations portant sur la nécessité de
modifications législatives - on verra lesquelles - le conseil en est
venu aux conclusions suivantes: Relativement au projet de transfert des
placements de Bell Canada aux Entreprises Bell Canada Inc. - c'est à la
page cinq, M. de Grandpré - le conseil a jugé que les
abonnés n'ont droit ni à une partie du gain en capital ni
à un dédommagement en guise du règlement de frais
d'administration passés relativement à ces placements. En outre,
le conseil estime que les tarifs aux abonnés ne seront pas
majorés par suite du transfert de ces placements pourvu qu'il y ait
rajustement à la baisse du coût du capital propre autorisé
à Bell Canada à des fins de réglementation lors de
décisions éventuelles concernant des tarifs."
Voulez-vous, comme président de Bell Canada, expliquer cela au
commun des mortels?
M. de Grandpré: Je comprends que vous ayez de la
difficulté à comprendre cela. Ce n'est pas - je dois le dire en
toute humilité - je pense, la partie la plus claire de leur sommaire. Le
jugement est plus clair que le sommaire. Voici, ils ont, à mon sens,
tâché de télescoper deux concepts dans un même
paragraphe et c'est ce qui rend le paragraphe très difficile à
comprendre. Le premier problème qui se posait, c'est le problème
qui est posé dans le mémoire que vous avez cité
tantôt, à savoir que, si Bell Canada, une fois la restructuration
complétée, ne reçoit plus les dividendes des multiples
filiales dont on a vu la composition ce matin au tableau, il doit y avoir un
manque à gagner qui pourrait peut-être être de l'ordre de 50
000 000 $, parce que nous recevons de Northern 1,20 $ par action. Nous avons
environ 20 000 000 d'actions et nous recevons des dividendes de
Télébec, du Nouveau-Brunswick, de tous nos investissements, avec
le résultat qu'il y a un manque à gagner parce que Bell Canada ne
recevra plus ces dividendes.
Mais ce que les groupes de consommateurs n'ont pas saisi, c'est que,
depuis que Bell Canada était à la fois une entreprise
opérant dans un semi-monopole à l'intérieur du
Québec et de l'Ontario et à la fois dans un milieu concurrentiel
dans la fabrication, la distribution, le packaging, etc., il y avait dans la
détermination du rendement sur le capital de risque, deux
éléments qui entraient en ligne de compte,
l'élément réglementation pure et le règlement
risque additionnel. Lorsque le CRTC déterminait quel était le
pourcentage de rendement que le capital de risque devait produire pour les
actionnaires, il disait en substance: Vous avez droit - pour prendre des
chiffres qui sont les chiffres avec lesquels on vit depuis deux ans - à
un rendement de 14% sur votre capital de risque et vous avez droit à
0,5% supplémentaire pour le risque supplémentaire que vous avez,
parce que vous êtes dans des entreprises qui ne sont pas aussi
protégées, si vous voulez, par le fait qu'elles sont dans un
milieu très concurrentiel. Lorsque vous appliquez 14% sur la base totale
du capital de risque, 4 500 000 000 $ en chiffres ronds, vous avez ce qu'on
appelle une demande de revenu, une exigence de revenu qui atteint un certain
chiffre. Si vous ajoutez 0,5% sur l'ensemble du capital, vous avez à ce
moment-là quelque chose de l'ordre de 40 000 000 $ à 50 000 000 $
de plus qui est ajouté à votre rendement de base.
En éliminant le risque, parce qu'on élimine, on purifie,
si vous voulez, Bell Canada à la suite de la réorganisation - ce
0,25% à 0,5%, mais, pour les fins de la discussion, disons 0,5% - ce
0,5% n'existera plus. Alors, si, aujourd'hui, le CRTC devait regarder le
rendement requis sur le capital de risque, une fois la réorganisation
complétée, il dirait: C'est 14% et non 14,5%. À ce
moment-là, les abonnés verraient nos exigences de revenu baisser
d'une façon correspondante de 0,5% et cela viendrait contrebalancer
à peu près mathématiquement la perte de dividendes que
Bell Canada recevait avant la réorganisation, avant sa purification, si
vous voulez, de toutes les filiales. Cela, c'est le premier point. C'est le
point qui est mentionné dans le rapport lui-même au bas de la page
22, le dernier paragraphe: "De l'avis du conseil, cette méthode
protégerait les abonnés contre toute augmentation tarifaire
résultant de la disposition de ces placements par Bell. Toutefois, la
réduction précise en pourcentage pourrait, selon le conseil,
être supérieure à l'estimation de 0,25% à 0,5%
mentionnée par la compagnie." (18 heures)
Là, évidemment, cela devient une question d'experts. Mais,
historiquement, si on regarde les décisions antérieures et la
preuve qui a été faite devant le CRTC et devant le CTC depuis
plusieurs années, c'était toujours 0,25% à 0,5% qui
était le pourcentage accru, en raison des risques additionnels.
L'établisssement de ce pourcentage ne peut se faire qu'en raison des
éléments de preuve, etc. Cela, c'est la première partie de
ma réponse.
La deuxième: Qui doit participer aux
gains en capital lors du transfert des actifs qui vont passer de Bell
Canada aux Entreprises Bell Canada? Il y avait un groupe d'intervenants qui ont
prétendu que, s'il y avait un gain de capital, il y avait une partie de
ce gain de capital qui devait profiter aux abonnés. Le CRTC, dans sa
décision, a accepté notre raisonnement et il est arrivé
à la conclusion que ce gain de capital était déjà
quelque chose dont les offices de réglementation, au cours des
années, avaient tenu compte et que ce gain de capital était la
propriété des actionnaires et non la propriété des
abonnés. Cela n'a rien à voir avec le manque à gagner par
le retrait des dividendes. Ce sont deux problèmes totalement
différents.
Le Président (M. Champagne): M. de Grandpré, je
dois avoir le consentement des deux côtés de la table pour pouvoir
poursuivre au-delà de dix-huit heures. Est-ce que cela irait?
M. French: M. le Président, je dois faire des excuses aux
dirigeants de Bell Canada puisque, à dix-huit heures, j'ai une rencontre
de la commission d'étude du contrôle parlementaire de la
législation déléguée. Mais je pense que mon
collègue de Vaudreuil-Soulanges serait en mesure de porter le ballon
pour l'Opposition comme nous l'avons fait avec tant de présence
jusqu'ici, et je remercie beaucoup les dirigeants d'être venus.
Le Président (M. Champagne): Alors, vous acceptez quand
même de poursuivre les travaux? Est-ce qu'on peut se donner une limite de
temps? Par exemple pour une demi-heure? Il y a consentement? Alors, nous
poursuivons encore pour une demi-heure. M. le ministre. M. de Grandpré,
vous aviez terminé? M. le ministre.
M. Bertrand: Je vous avoue que je suis obligé d'essayer de
comprendre, comme bien d'autres, la complexité de...
M. de Grandpré: C'est complexe. Il n'y a pas d'erreur.
C'est complexe.
M. Bertrand: Et je comprends les abonnés d'avoir de la
difficulté à comprendre et d'être sceptiques et craintifs.
Je saisis très bien que vous voulez indiquer aux abonnés que
cette réorganisation qui va, bien sûr, avoir un impact sur le type
de fonctionnement qu'aura dorénavant
Entreprises Bell Canada et donc, Bell Canada à l'intérieur
d'Entreprises Bell Canada, ce n'est pas sans avoir, non plus, un certain impact
sur les façons de fonctionner du CRTC quant aux représentations
que Bell fera lors de ses comparutions pour demande d'augmentation de tarifs.
Mais la dynamique, comme vous la précisez, sera nouvelle et ce sera au
CRTC d'évaluer, dans le cadre de cette nouvelle dynamique, comment il
doit maintenant évaluer, par exemple, la notion du taux de rendement
à partir des activités que vous exercez dans les autres filiales
d'Entreprises Bell Canada.
Il y a une chose sur laquelle je voudrais... On continue, M. de
Grandpré, et je vous explique pourquoi: on essaie de voir s'il ne serait
pas possible de...
M. de Grandpré: Est-ce qu'on pourrait finir avant le
dîner?
M. Bertrand: Je pense que cela vous accommoderait beaucoup. Vous
m'avez souligné...
M. de Grandpré: Je suis flexible, mais cela
m'accommoderait.
M. Bertrand: Vous aimeriez travailler aussi alors?
Je voudrais vous entendre parler un peu de ce réseau
planétaire pour lequel vous consentiriez des investissements d'environ 1
200 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Est-ce que le
Québec est sur la planète?
M. de Grandpré: II y a sûrement des aspects de la
recherche pour créer le réseau planétaire qui auront des
retombées sur le Québec puisqu'il y a, dans le réseau des
entreprises de Northern au Québec, des pièces, des composantes et
même des systèmes qui sont fabriqués ici.
M. Bertrand: Mais vous n'avez pas, à ce stade-ci, ce que
je pourrais appeler un "critical top method", un cheminement critique qui vous
permet d'évaluer où, dans quelles entreprises, pour quels types
de produits on aura besoin de recourir aux entreprises
québécoises.
M. Montambault: Si vous le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): M.
Montambault.
M. Montambault: Je pense d'abord qu'il faut dire que le
réseau planétaire auquel vous faites allusion est avant tout un
concept plutôt qu'un produit comme tel. Je m'explique en disant que de
plus en plus nous allons voir le mariage de plusieurs technologies et de
plusieurs besoins, par exemple entre la bureautique, entre la
télématique, les communications et l'informatique. Ce que
Northern veut accomplir par son concept de réseau planétaire,
c'est d'être en mesure de produire des réseaux, des appareils qui
soient
compatibles avec toutes ces fonctions, que ce soit avec celles de la
bureautique, celles de la télécommunication encore une fois ou de
l'informatique tout court. À mon sens, toutes les usines de Northern
seront ensemble ou à tour de rôle touchées par ce concept.
Par exemple, étant donné qu'au Québec nous avons des
usines à haute teneur technologique, telle que la transmission
numérique par exemple, le multiplexage, enfin je vous fais grâce
de tous les termes techniques, il n'y a aucun doute que ce concept va avoir une
application autant au Québec qu'en d'autres usines qui elles, à
ce moment-là, produisent des appareils de standard, ce qu'on appelle les
PBX à l'occasion, ou d'autres appareils qui vont faire office de
bureautique, soit les machines de traitement qui vont être reliées
entre elles par ordinateur. Alors la réponse à votre question,
c'est effectivement oui. Le Québec va participer et participer de plein
fouet à ce développement du concept qu'est le réseau
planétaire, parce que nous allons agencer les produits et la technologie
qui émanent de Québec dans ce concept, de façon qu'ils
soient compatibles avec le reste des morceaux du casse-tête.
M. Terreault: Un exemple très concret: les travaux de
recherches qui font partie des travaux de recherches plus fondamentales, du 10%
dont a parlé M. Montambault et qui sont consacrés à
l'analyse de la parole, donc autrement dit, de permettre à des
ordinateurs quand même petits de convertir la parole parlée en
texte écrit. Ce qui par exemple, pour tout ce qui est messagerie
électronique, traitement de texte, etc. pourrait donner des
résultats extrêmement intéressants. Ces travaux de base
fondamentaux se font présentement à même le 10% de
recherches fondamentales qui ont lieu au Québec. Je pense que c'est un
exemple très concret d'un des domaines qui vont probablement être
les plus importants dans les sept ou huit prochaines années.
Le Président (M. Champagne): Le député de
Vachon.
M. Payne: Une question qui est fondamentale. Aux
États-Unis, les AT & T ont décidé de séparer
complètement les entités, lors de leur propre restructuration.
Dans un de vos communiqués à vos actionnaires, vous avez dit que
c'était plutôt une séparation, une illusion effectivement:
la vraie séparation. Je cite Hudson Janisch, du Financial Post, qui fait
référence à une de vos "information circulars to
shareholders": Bell has frankly acknowledged the illusionary nature of the
separationist proposes.
M. de Grandpré: C'est une interprétation, ce n'est
pas moi qui l'ai dit.
M. Payne: Cela aurait pu être quelqu'un d'autre,
peut-être.
M. de Grandpré: Non, j'ai compris que vous aviez mis ces
paroles-là dans ma bouche.
M. Payne: Non, pas moi, lui.
M. de Grandpré: Je n'ai jamais dit cela. Je n'ai pas
l'intention de le dire aujourd'hui non plus.
M. Payne: Avec l'école de pensée...
Évidemment, il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet, au
cours des derniers mois. Il y a particulièrement une école de
pensée, disant que les abonnés sont les "risk takers" dans une
certaine mesure, mais pas sur le même statut que les actionnaires. Quels
seront les effets directs de la réorganisation, premièrement, sur
la productivité? On constate d'abord que vous allez séparer ce
qu'on appelle en anglais les "regulated services from the unregulated services"
les services qui sont réglementés et ceux qui ne sont pas
réglementés. C'est un effet direct, je pense qu'on s'entend
là-dessus. Quels en sont les effets sur la productivité, par
exemple, s'il y en a, en général?
M. de Grandpré: Lorsque vous dites que nous allons
séparer ce qui est monopolistique et ce qui est subordonné
à la concurrence, ce n'est pas tout à fait exact non plus. Parce
que nous avons sur pied, à l'intérieur de Bell Canada, à
l'intérieur de l'entreprise réglementée, un secteur
d'activités qui est en concurrence directe avec même une filiale
de Bell Canada qui s'appelle les Entreprises...
M. Terreault: Le système de
télécommunications.
M. de Grandpré: ...le système de
télécommunications Bell. Nous avons également à
l'intérieur de Bell Canada tout le secteur de la vente ou de la location
des appareils de téléphone alors que nous concurrençons
tous ceux qui sont sur le marché, comme Eaton, La Baie, Sears, Simpsons,
Radio-Shack, qui vendent des appareils. Alors, il y a une combinaison à
la fois de services de monopole et de services de concurrence à
l'intérieur de Bell Canada. Pour le moment du moins, nous avons
l'intention de continuer parce que nous avons déjà en place une
base telle que nous ne pouvons pas l'abandonner du jour au lendemain.
M. Payne: L"interfinancing" est-il tout à fait impossible
dans la structure telle que proposée?
M. de Grandpré: Ce sera précisément
l'obligation du CRTC de s'assurer qu'il n'y a pas de contribution faite par les
abonnés au profit des entreprises non réglementées.
M. Payne: Je me fais le porte-parole d'un certain nombre
d'abonnés québécois, 40% à peu près, qui,
par le biais des médias d'information, s'inquiètent beaucoup de
ce phénomène d'"interfinancing", là où le champ de
la réglementation est loin d'être suffisamment
étoffé à cette étape-ci de la technologie. Je pense
que vous seriez d'accord avec cela.
M. de Grandpré: Non, je ne suis pas d'accord avec cela
parce que, tant et aussi longtemps que Bell Canada, à la suite de sa
réorganisation, utilisera son personnel, ses actifs et ses ressources
pour offrir le service à ses abonnés, et tant et aussi longtemps
qu'il n'y a pas de transfert de Bell Canada à une autre entreprise, que
ce soit à l'intérieur du groupe ou que ce soit ailleurs
qu'à l'intérieur du groupe, l'abonné ne paiera que pour le
service qu'il a reçu et il appartiendra au CRTC...
M. Payne: M. de Grandpré, je disais que la
réglementation s'en vient pour ce qu'on appelle maintenant les services
qui ne sont pas réglementés; avec l'exclusion de Bell et la
restructuration de Bell Canada, il y aura présumément beaucoup
d'autres points de réglementation qui viendraient par la suite.
M. de Grandpré: Je ne comprends pas exactement le sens de
votre question.
M. Payne: J'ai dit qu'avec la séparation de Bell Canada,
pour les abonnés, dans la restructuration, il y a toute une gamme de
services autres que ceux de votre propre organigramme qui ne sont pas
actuellement couverts par le règlement du CRTC.
M. de Grandpré: Des services qui sont offerts par Bell
Canada?
M. Payne: Pas les services de Bell Canada, mais la recherche. On
a discuté ce matin de vos activités qui ne sont pas
réglementées par le CRTC.
M. de Grandpré: C'est sûr. Les activités qui
n'ont rien à voir avec l'offre des services de
télécommunications au Québec ne tombent pas sous la
juridiction du CRTC. Rien ne va changer au sujet de la... Le contrôle du
CRTC demeure intégral après la réorganisation. (18 h
15)
M. Payne: Le point que je voulais amener est cette attente
d'autres règlements qui vont, par exemple, empêcher ou limiter
toute activité "interfinancing" entre les différentes parties de
l'entreprise.
M. de Grandpré: Je regrette, mais j'ai de la
difficulté à suivre votre question. Je ne la comprends pas.
M. Montambault: Vous dites que, dans la nouvelle
réorganisation, les filiales étant complètement
séparées de Bell Canada, il serait plus facile de s'assurer qu'il
n'y aurait pas d'interfinancement.
M. Payne: Je peux le dire en anglais? If you want to give a
subsidy to another part of the company, you can have a great number of control
practices in terms of a monopoly which appear possible. Only anti-monopoly
regulations can counter affect that phenomenon.
M. de Grandpré: That is the situation today and it will
continue to be exactly the same way after the reorganization.
M. Payne: That is what I am saying, that regulations in a
developing technology will, in fact, have to be developed.
M. de Grandpré: Sure, they will have to learn to live with
a new situation and they will have to determine whether the assets and the
employees are used for the provisioning of telecommunication services in
Ontario and Québec.
M. Payne: To give a very practical example, if you decide to
inject ficticiously 200 000 000 $ into Northern Telecom for the fabrication,
for the manufacturing of potsor whatever which would directly compete against
Nippon, against Siemens, ITT and other equipment in different parts of the
world, obviously, you have a business monopoly problem which has to be directed
or regulated...
M. de Grandpré: The investments will not be made by Bell
Canada...
M. Payne: Pardon me?
M. de Grandpré: The investments will not be made by Bell
Canada post reorganization, it will be made by Bell Canada Enterprises. Bell
Canada will not invest in anything but telecommunication services in Ontario
and Québec and the North-West Territories. It is so insignificant in the
overall scheme of things that I always forget it.
M. Payne: Québec is insignificant?
M. de Grandpré: No, the Northwest Territories, in terms of
revenues, not in
terms of people, but in terms of revenues.
M. Payne: C'est de combien? 2%? M. de Grandpré: 2%
à 3%, oui.
M. Montambault: Ce que je me rappelle toujours en ce qui concerne
les Territoires du Nord-Ouest, c'est que je perds 12 000 000 $ par année
à fonctionner là-dedans.
M. Payne: What could I say? Subscribers to monopoly services
should not have to subsidize entry to competitive markets. I think that there
is a non-going discussion to reconcile what we have discussed this morning, the
essential service of telecommunications, which means that it has to be
therefore considered as a public utility and therefore has to be regulated in
itself. But, there are other filiated aspects of, in this case, the Bell Empire
and we have discussed the activities of Northern Telecom, for example, in terms
of manufacturing. It will have to apply obviously to the same rules as any
other company with respect to anti-monopoly practices, but...
Des voix: Oh sure!
M. Payne: But my point is that because it is a fastly developing
technology, it seems to me that the CRTC has a lot of back regulation to make
up to keep up with the technology. It seems to me that you are ahead of the
game almost.
M. Montambault: The CRTC has nothing to do with the operations of
Northern Telecom.
M. Payne: I agree, that is what I am saying I am not talking
about the regulations as they now fall under the mandate of the CRTC, but
regulations, governmental regulations.
M. Montambault: I see what you mean.
M. de Grandpré: The combine legislation, orders and
regulations will still be controlling the operations of the Bell group of
companies after the reorganization. There is no doubt about that.
M. Montambault: By reorganizing, we are still subject to all the
laws of the country whether these laws applied to Bell Canada in terms of the
regulatory aspect of rates, quality of service, etc. That is a matter which
falls under the jurisdiction of the CRTC before or after the reorganization.
The monopolistic aspect of Northern and Bell which has been the subject of 16
years or 17 years in investigation will still be there and we will still have
to abide by whatever laws are inacted or whatever laws are now in place
today.
M. Payne: Since we started in English I might as well continue
for few minutes.
The second question concerns the effects on productivity.
M. Bertrand: Vous voyez que la loi 101 n'a pas changé
grand-chose aux débats à l'Assemblée nationale, M. de
Grandpré.
M. de Grandpré: Cela me fait bien sourire.
M. Payne: To what extent will the reorganization affect
productivity?
M. Montambault: No effect whatsoever. The new organization will
have nothing to do whether Bell Canada is more productive or less productive
than under the present organization. As we said before, it is completely
neutral in terms of Bell Canada per se.
M. de Grandpré: If there is a tilt, it is in favour of
increased concentration on telecommunication problems by the senior management
of the company. These managers are not being obliged to look at what I call the
consolidated aspect of the operation as they are obliged to do it today. For
instance, I have to be mindful all the time of the Bell Canada bottom line as a
telecommunication operation but also the Bell Canada bottom line as a holding
company having billions of dollars invested in Northern Telecom. This is a dual
role that I have now, and the dual role that I have now will be totally
eliminated as far as my successor is concerned in Bell Canada, because he will
not have to concern himself with the financial performance or the economic
performance of all the subsidiaries. That will be my responsibility as head of
Bell Canada Enterprises. So to that extent, there is a greater effort to
concentrate on Bell Canada's activities.
M. Payne: Mr. Montambault, come back a little bit to what
interested me, the way in which you are tackling the ongoing technological
revolution in terms of manpower and turnover of employees, long-term job
security and what else. I think that society, in different aspects, has a lot
to learn. I was interested in some of your experiences. We have had problems in
the Government with respect to the phenomenon of job security, recycling. In
the last collective agreements or decrees, we have had, for example, thirteen
different measures of relocation of employees, of recycling of
expertise, of increasing mobility and so on, giving sabbaticals,
time-sharing projects.
I had the opportunity recently, while making comparative studies with
propositions which had been made by Air Canada, to see in more careful detail
this problem of how to affect what is effectively a surplus in manpower. Do you
have any tangible projects with respect to how your operation tackled the
problem of - comment dit-on cela en anglais - "redressement" or pruning down
the system to face the actual recession? How have your mechanisms of
discussion, dialogue and negotiation with your employees developed? Will the
new reorganization, in any way, departmentalize positively these problems of
job security and continued positive approach to the technological revolution?
You said you have had great success.
M. Montambault: Well, I do not think I said that in that respect.
I said we have had a great success in minimizing the number of lay offs that
were necessary because of the introduction of new technology. I think you are
raising another problem and that is: what do you do or what did you do when you
found out that the economy was not as good as you were expected? I guess that
is...
M. Payne: That is exactly...
M. Montambault: All right. The first part is that indeed we were
successfull because we were able to foresee the need for introducing that
technology and develop a program over a number of years. In fact, we were able
to react in terms of a number of people we were hiring or not hiring and
therefore introducing the technology as we could accommodate the surplus of
employees. To do so, we put forward a number of measures which centered around
the need for a fair number of these employees to become mobile and therefore
accept the job somewhere else within a certain radius of their homes. In other
aspect, when it was impossible for these employees to move -and this was a
minority of them - we also worked out with the union series of financial
compensations which permitted them to either retire earlier or do something
else in the meantime. Now, that deals with the introduction of the technology
as we know it in Bell. And so far, I can say very proudly that we have been by
a large very successfull in introducing those technologies without creating lay
off. Now on the other end, we were faced, as you know, in 1982 with an economy
which was going down and that was particulary true in the Province of
Québec, I must sadly say. Fortunately, we were able to foresee some of
it in 1981 and for that reason, we stop hiring in 1981 thus minimizing the
surplus of employees we had in 1982. In spite of that, the economy went down so
much, as you know, that we were face with a surplus of employees and then we
modified that surplus. We entered into discussions with the unions offering the
various unions we have a plan for job sharing. I must say initially that
suggestion was not accepted by the unions and therefore we had to resort to
some lay off, and we had in the fall of 1982 something like 200 employees which
were laid off in the Province of Québec, because of the fact that the
volume of work was no longer there.
Once we went through that first phase, and that was to be only the first
phase, the employees and the unions came back to us and said: We would like to
reconsider your offer about part timing or sharing of work. And we said: Fine,
that is what we want to do with you. We finally concluded early in the year an
agreement with both unions to the fact that for a certain number of people they
have lost one day out of seven weeks of work which is very minor, I think, for
the whole year. We are talking about a financial loss of around 400 $ to 500 $.
For another group of employees, the loss was one day in five weeks. Doing so,
we have been able to manage our surplus of employees without putting on the
shoulders of the customers the burden of carrying those employees who had
nothing to do. That is the way we work on both fronts.
M. Payne: Were they 35 000 employees in Québec?
M. Montambault: No, we are talking about Bell Canada right now. I
have about 17 000 employees.
M. Payne: In Bell Canada?
M. Montambault: In Bell Canada, let us say in the Québec
region. We are talking about 22 000 employees on the average if we include the
headquarters and the national sales group. They are all subjected to that
treatment.
Le Président (M. Champagne): Thank you.
M. Montambault: You are welcome. (18 h 30)
Le Président (M. Champagne): Avez-vous d'autres questions,
M. le ministre?
Conclusions M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, les gens trouveront
peut-être qu'on a la conclusion rapide, mais des paroles verbales je
voudrais
passer aux gestes concrets. Je lisais un article de Michel Nadeau dans
le Devoir de lundi, dont je vous cite quelques lignes: "Le ministre des
Communications doit chercher à établir de nouveaux liens avec la
direction de Bell pour voir comment elle assumera sa responsabilité
sociale dans une collectivité qui a assuré sa croissance durant
un siècle. Quelles seront les retombées de la mise en place des
"Entreprises Bell Canada?" Un peu plus loin, il écrivait: "M. Bertrand
ferait une erreur en abordant cette réorganisation sous l'angle des
tarifs. Le débat a eu lieu à Ottawa - vous en savez quelque
chose, M. de Grandpré, pour avoir passé cinq jours sur le gril -
II vaudrait mieux, continue M. Nadeau, s'enquérir des intentions de la
compagnie au Québec, particulièrement au chapitre de l'emploi et
des investissements futurs. Il terminait en disant: "Beaucoup plus que de
tirades juridico-politiques, c'est ce genre d'échanges à
caractère économique que M. Bertrand doit ouvrir avec Bell
Canada." Permettez-moi, à ce moment-ci, puisque le temps nous y oblige,
de tirer un certain nombre de conclusions et d'essayer de voir si les
conclusions que je tire collent aux attentes du groupe Bell Canada. En tout
cas, les conclusions que je tire collent quant à moi aux attentes du
Québec.
Premièrement, quant aux juridictions en matière de
télécommunications, le Québec continue de
réfléchir à ce dossier. L'étude TAMEC est un des
éléments qui nous amènent à réfléchir
à ce dossier. Le projet de réorganisation de la structure
corporative de Bell Canada est un des éléments qui nous
amènent à réfléchir à ce dossier. Vos
propres déclarations, M. le Président, nous ont amenés au
cours des dernières années à réfléchir
à ce dossier, mais vous savez que, depuis que le ministère des
Communications existe, tous les ministres des Communications ont
réfléchi à ce dossier. Personne n'a encore tiré la
conclusion finale. Je crois que, comment dirais-je? de toute façon
à cause du contexte politico-constitutionnel qui existe en ce moment, il
m'apparaîtrait assez difficile de convaincre mon homologue
fédéral, M. Fox, d'éliminer sa loi fédérale
relativement à Bell Canada, qui a été
déclarée d'intérêt général,
d'intérêt canadien et qui, par ce fait, se trouve maintenant
assujettie à un organisme de réglementation
fédéral.
Il y a donc encore, je pense, matière à réflexion.
Il y a encore un certain temps de la coupe aux lèvres pour ce qui est du
projet de Bell Québec. Encore faudra-t-il savoir de quelle Bell
Québec il s'agirait si, éventuellement, cette hypothèse
devait être retenue autant, bien sûr, pour satisfaire aux
intérêts des actionnaires de Bell Canada ou de l'entreprise Bell
Canada qu'aux intérêts des Québécois et des
Québécoises, premièrement.
Deuxièmement, quant à la tarification, je n'ai pas besoin
de vous dire qu'ayant indiqué ce que je pense du dossier des
juridictions en matière des télécommunications, de la
répartition des pouvoirs en matière de
télécommunications, comme le CRTC va continuer, pour un certain
temps encore, il semble que ce soit pour quelques années tout au moins,
d'avoir la responsabilité de prendre des décisions quant à
la tarification, je crois que je vais retenir le conseil de M. Nadeau de ne pas
m'étendre plus longtemps sur l'impact de la réorganisation sous
l'angle des tarifs puisque vous avez tenu ce débat à Ottawa et
que, de toute façon, c'est au CRTC qu'il appartient de prendre des
décisions quant à cet élément plus particulier du
dossier au cours des prochaines années. Nous n'avons pas encore, comme
Régie des services publics du Québec, d'autorisation
constitutionnelle, juridique, légale, d'intervenir au niveau de la
tarification de l'entreprise Bell Canada, au niveau de l'exploitation de son
service téléphonique. Encore sommes-nous heureux tout de
même de pouvoir avoir un certain droit de regard sur l'une de ses
filiales, Télébec.
Troisièmement, relativement au secteur manufacturier, j'ai pris
bonne note des informations claires qui m'ont été transmises par
M. de Grandpré et par M. Montambault quant à ce que j'appelle
l'érosion - que vous appelez la diminution - des emplois dans le secteur
manufacturier au Québec au cours des dix ou quinze dernières
années en particulier. Je veux bien évaluer ce dossier avec vous
à la lumière de ce que vous avez appelé le virage
technologique. Mais vous comprendrez très bien que, me
préoccupant de développement économique dans le secteur
des communications, je m'intéresse au projet de développement que
pourrait avoir - et qu'aura, j'espère - Entreprises Bell Canada et, en
particulier, Northern Télécom dans le secteur manufacturier
québécois. Mais je tiens à vous remercier pour les
informations que vous nous avez transmises à ce sujet et qui
m'apparaissent claires.
Quatrièmement, dans le dossier de la recherche et du
développement, je crois que nous avons réussi à nous
entendre sur un certain nombre de chiffres, que nous pourrons d'ailleurs
peut-être même davantage préciser dans un proche avenir, sur
ce qui pourrait être appelé le manque à gagner du
Québec en matière de recherche et de développement,
étant donné les revenus que retirent Entreprises Bell Canada ou
Bell Canada - je ne sais pas exactement à quelle date je pourrai
utiliser la bonne expression -étant donné les revenus que retire
Bell Canada au niveau de l'exploitation de son service
téléphonique, au niveau de la fabrication et aussi au niveau de
cet autre secteur auxquel a fait allusion M. de
Grandpré... Je ne me rappelle plus exactement du nom assez
particulier que vous lui avez donné: Qu'est-ce que c'était
déjà, M. Montambault?
M. Montambault: CIRS. M. Bertrand: CIRS.
M. Montambault: Contrats en investissement en recherche
scientifique.
M. Bertrand: Merci beaucoup. Je l'aurai certainement sur le bout
de la langue continuellement.
Dans ce dossier de la recherche et du développement, je retiens,
comme message que vous désirez transmettre au gouvernement du
Québec, un effort majeur qui doit être déployé du
côté de la formation, du côté des ressources
humaines. Je suis depuis fort longtemps d'ailleurs -quand je dis fort
longtemps, j'entends depuis que je suis le ministre des Communications -vendu
à cette idée qu'il nous faut absolument orienter les
générations montantes vers les technologies de pointe, vers le
grand secteur de la science et de la technologie et nous assurer que les jeunes
iront cueillir ces emplois d'avenir, comme on les appelle. On ne doit pas
préparer des générations qui passeront complètement
à côté de la révolution des communications qui est
en cours. Celle-ci est prometteuse dans la mesure évidemment où
nos milieux d'éducation offrent à nos jeunes toutes les
possibilités de formation qui leur permettent de se diriger dans ces
différents secteurs et à condition aussi, bien sûr, que la
jeunesse québécoise - et encouragée en cela
j'espère, non seulement par le gouvernement, mais par les entreprises -
comprenne que des études techniques qui ne dépasseraient pas le
secteur collégial ne sont certainement plus ce que j'appellerais - et ce
que vous avez retenu comme expression - le produit qu'on recherche aujourd'hui
dans les entreprises en développement. On recherche davantage des jeunes
qui auront le courage, la patience de se rendre jusqu'aux deuxième et
troisième cycles. C'est ainsi que les générations
montantes pourront occuper au Québec -Québécois
francophones, anglophones, de quelque groupe qu'ils soient - toute la place qui
leur revient dans le secteur de la recherche et du développement.
Cinquièmement, donc pour tenter d'apporter un
élément concret à ces quelques réflexions que j'ai
voulu vous faire relativement au partage des pouvoirs, aux questions de
juridiction, aux questions de tarification, au développement industriel,
développement dans le secteur manufacturier et aussi à la
recherche qui est fondamentale pour le développement du secteur des
télécommunications, je me demande si, au terme de ces quelques
échanges que nous avons eus aujourd'hui, il ne serait pas souhaitable,
je dirais même tout à fait désirable, autant pour
l'entreprise Bell Canada que pour le ministère des Communications et,
partant, pour la société québécoise, d'instituer
d'une façon assez formelle, avec à l'esprit l'atteinte
d'objectifs qui soient le plus précis possible, autant d'ailleurs pour
votre entreprise que pour le gouvernement du Québec, ce que je pourrais
appeler - puisqu'il nous faut maintenant sortir des sentiers battus des
comités d'étude ou des groupes de travail - un groupe
d'intervention et de développement, en particulier dans le secteur de la
recherche et dans le secteur manufacturier. S'étant donc
préoccupé de ces aspects qui, quant à moi, sont
prioritaires, voir s'il n'y a pas lieu d'effectuer ensemble un bout de chemin
dans la recherche d'un certain nombre de solutions qui pourraient permettre au
Québec de retirer le maximum de bénéfices de la
présence de Bell Canada.
Vous êtes conscients, à titre de citoyen corporatif, que
vous avez des responsabilités sociales face à la
société québécoise. Vous êtes présents
ici depuis fort longtemps. De 250 entreprises en téléphonie que
nous avions quelque part il y a longtemps, bien avant que je naisse, nous
sommes aujourd'hui autour d'une vingtaine, il n'est pas dit que ce nombre ne
sera pas réduit au cours des prochaines années. Je crois que nous
avons intérêt, pour ce que j'appellerais un développement,
pour assurer un développement intégré des
télécommunications au Québec, à resserrer les liens
entre Bell Canada et le gouvernement du Québec dans le respect des
objectifs que nous poursuivons de part et d'autre. Mais je suis convaincu qu'il
existe davantage de points de convergence que de points de divergence et qu'il
y a probablement un certain nombre de difficultés qui se posent sur
votre passage que nous pourrions contribuer à aplanir dans la mesure
où ces difficultés peuvent être aplanies et dans la mesure
où les solutions de rechange qu'on trouverait seraient à la
satisfaction, à la fois de l'entreprise et du gouvernement du
Québec.
Je suggère donc très humblement une façon
constructive à ces partenaires de l'entreprise privée qui offrent
un service public à la population québécoise d'oeuvrer de
façon active dans la mesure où elle considère que ce
serait pour elle un beau geste à poser au sein d'un groupe
d'intervention et de développement qui, à partir de cette
commission parlementaire, pourrait donner des suites concrètes à
ce que j'ai cru sentir ici aujourd'hui, c'est-à-dire une volonté
de votre part de continuer à contribuer au développement des
télécommunications au Québec, de faire en sorte que le
Québec puisse avoir sa juste part dans le secteur de la
recherche-développement et,
dans la mesure où l'avenir n'est pas bloqué, à
faire en sorte que le Québec puisse aussi profiter au maximum du
développement d'une entreprise de l'importance de Northern Telecom. (18
h 45)
Pour le reste, ce qui est de la tarification et des batailles qu'on
qualifie très souvent de stériles au niveau de la
répartition des pouvoirs et des juridictions en matière de
télécommunications, je vous donnerai mon avis très
naïf, candide mais franc, à ce sujet. Tant et aussi longtemps que
l'actuel gouvernement qui est en place à Ottawa sera là, je
n'entretiens pas beaucoup d'espoir pour ce qui pourrait s'appeler la passation
d'un certain nombre de pouvoirs du fédéral vers le provincial
dans le secteur des communications. Bien que les gouvernements qui se sont
succédé - vous les avez connus, M. de Grandpré, vous avez
fait allusion à quelqu'un que j'ai bien connu ce matin -qu'ils aient
porté le nom d'Union Nationale, de Parti libéral ou de Parti
québécois, aient toujours tenu un discours constant et consistant
en la matière, il y a une continuité dans les revendications du
Québec en matière de communications qui indique une
volonté politique bien claire et bien nette et qui continue de
s'exprimer d'ailleurs à l'Assemblée nationale du Québec,
tant il est vrai que le Parti libéral du Québec et le Parti
québécois, sur cette question plus précise des
communications, arrivent à s'entendre assez bien. Je crois
qu'au-delà de toutes ces questions, nous pourrions probablement, de
façon très concrète, sur la base d'échanges
à caractère économique auxquels nous invitait un
éditorialiste du Devoir, passer maintenant peut-être à du
travail plus concret et à faire en sorte que nos relations
s'intensifient et que nous le fassions, si possible, si tel est votre souhait,
d'une façon un peu plus formelle.
C'est l'invitation que je vous lance. Je la lance de bonne foi,
considérant que le gouvernement du Québec n'a pas l'intention -je
parle de notre gouvernement - ni à court ni à moyen terme, de
procéder à la nationalisation de Bell Canada, et que, dans la
mesure où nous allons dans le sens de nos énoncés de
politique contenus dans Le virage technologique, le devoir de l'État
québécois en ce moment est de collaborer au maximum avec
l'entreprise privée à trouver des solutions qui nous permettent
de prendre ensemble le virage technologique.
Parce que vous êtes l'entreprise que vous êtes, et que vous
occupez la place que vous occupez, je désirerais très
sincèrement que nous puissions, au cours des prochains jours, des
prochaines semaines et des prochains mois, travailler activement à des
dossiers concrets en matière de recherche et de développement et
en matière de développement industriel.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Au nom de l'Opposition, j'aimerais remercier les gens de Bell Canada de
s'être livrés à cet exercice auquel ils ont
été convoqués par le gouvernement et pas par nous. Cela
explique en partie notre discrétion dans ces débats. Nous avons
assuré une présence ici qui a eu l'air, à certains
moments, d'une chaise musicale, mais, quand on est à peu près 40
au lieu d'à peu près 80, cela impose ces mouvements de foule. On
peut souhaiter que la recherche fondamentale à laquelle vous vous livrez
permettra un jour de matérialiser littéralement les
députés en plus d'un endroit afin qu'ils remplissent leur
rôle de la façon la plus complète possible.
On a eu droit à une supervisite industrielle à mon sens.
Heureusement, comme le ministre l'a souligné, on n'a pas passé
notre temps à parler de juridiction constitutionnelle et de ces
choses-là. On a passé très peu de temps sur le
problème de la tarification, heureusement aussi. On a eu droit, comme je
l'ai dit, à une super-visite industrielle, à la
réaffirmation de réalités extrêmement
concrètes que certains d'entre nous connaissent pour l'avoir
vécue, que d'autres soupçonnent et que d'autres ignorent, c'est
entendu.
Les deux éléments que j'aimerais isoler se retrouvent
parmi les éléments de la conclusion du ministre, en l'occurrence
la part que le Québec peut attendre des activités de Bell ici,
étant donné que son siège social y est situé, et,
par ailleurs, de façon plus précise quant à la recherche
et au développement, la juste part, là aussi, du
Québec.
En réponse aux questions qui vous ont été
posées, vous avez souligné des choses importantes qu'il ne faut
jamais perdre de vue. Je le dis à l'intention de ceux qui veulent bien
écouter. On ne peut pas être un siège social situé
au Québec avec l'ambition, pour les gens qui y travaillent, de prendre
des décisions multinationales et de concentrer les activités ici.
Si on est une multinationale dont le siège social est situé
où que ce soit dans le monde, il est entendu que les retombées
économiques de fabrication, d'activités de toutes sortes devront
se répercuter dans le grand marché mondial que vous occupez. Par
ailleurs, quant aux activités de recherche et de développement,
il est évident qu'il y a un manque d'appariement entre l'offre et la
demande sur le marché strictement du Québec. Il est entendu, par
ailleurs, qu'il ne faut pas négliger le fait que pour atteindre des
sommets d'excellence en quelque lieu que
ce soit, il faut absolument s'alimenter également à
l'étranger où que ce soit, que les gens qui constituent les
laboratoires de recherche se trouvent aussi bien à Stockholm ou à
Brisbane. Personne n'en doute, on ne peut pas en arriver, quoi qu'on dise ou
quoi qu'on souhaite, à une situation où 100% des effectifs de la
recherche et du développement de quelque entreprise que ce soit
pourraient se retrouver et se recruter localement.
Cela m'apparaît faire partie d'une nature même des choses,
une réalité qu'on ne peut pas ignorer lorsque vous nous avez
rappelé les obstacles. On parle de perception, on parle de
réalité qui sont ceux qu'affrontent les gens, que vous aimeriez
retirer au Québec, je pense que vous dites encore ce que d'autres ont
dit avant vous et continueront à répéter tant que des
changements fondamentaux de perception, de comportement et d'attitude de la
part des Québécois et des Canadiens aussi, dans certains cas,
n'auront pas eu lieu.
En terminant, je vous remercie encore une fois au nom de mes
collègues de l'Opposition en général d'avoir bien voulu
vous prêter, comme je le disais, à cet exercice
intéressant, par ailleurs. Merci.
M. Bertrand: Une dernière remarque, M. le
Président, peut-être que M. de Grandpré voudrait aussi
apporter ses éléments de conclusion. Je souscris
entièrement à ce que vient de dire le député de
Vaudreuil-Soulanges relativement au fait que Bell Canada est une multinationale
maintenant et qu'à mon avis, de toute façon, cela n'a jamais fait
partie de mon raisonnement que de vouloir indiquer à Bell Canada ou
à l'entreprise Bell Canada que parce qu'elle a son siège social
à Montréal elle doive s'isoler, cloisonner ses activités
à l'intérieur d'un territoire qui, géographiquement, soit
celui du Québec et même du Canada. Je pense qu'une
société qui poursuit des objectifs d'excellence se doit
d'être une société qui est présente sur toute la
planète et que dans le fond, sachant que les premières assises de
Bell Canada se sont produites ici au Québec, c'est un objet de
fierté pour le Québec de voir qu'une entreprise, qui a pris ses
racines chez nous, puisse avoir développé l'excellence et l'avoir
exportée sur plusieurs marchés internationaux.
En terminant, M. de Grandpré, vous qui avez vécu un peu,
vous devez être un peu amusé de constater qui ont
été les deux derniers intervenants à cette commission
parlementaire; si cela peut faire figure de symbole, cela vous permet
peut-être de sentir qu'il y a, à travers ce consensus qui se
dégage autour de cette commission parlementaire, une forme de
continuité dans l'histoire du Québec.
Le Président (M. Champagne): Un dernier mot.
M. Bertrand: M. de Grandpré. M. Albert-Jean de
Grandpré
M. de Grandpré: Dans la même veine de vos
dernières remarques, cela me rappelle également que la
dernière fois que j'ai comparu dans cette salle, c'était avec Guy
Favreau alors que nous tentions de mettre fin à une bataille qui durait
depuis fort longtemps entre les architectes et les ingénieurs. Je ne
sais pas si les architectes et les ingénieurs s'entendent mieux
maintenant, mais ce fut une longue et difficile montée, presque une
montée de Calvaire, mais tout de même on l'a résolue
à la barre, justement là. Cela me rappelait cet agréable
souvenir. En même temps, je me souvenais de ces jours avec un peu de
nostalgie pour des raisons faciles à comprendre.
Notre présence, ici, aujourd'hui, M. le Président, qui
n'est pas une présence uniquement symbolique - vous avez vu
jusqu'à quel point les gestionnaires principaux de l'entreprise au
niveau du siège social, gestionnaires au niveau de la région du
Québec, se sont empressés de répondre à votre
invitation avec certains délais qui ont été
expliqués au début, mais qui n'avaient rien de négatif
dans notre attitude - souligne et corrobore notre attitude
générale à l'endroit de tous les gouvernements avec
lesquels j'ai transigé depuis 1966 que je suis dans la compagnie, une
attitude de collaboration, une attitude qui nous permette de cerner les
problèmes, d'y trouver des solutions, problèmes qui ne sont pas
faciles. On a parlé de juridiction, on a parlé de la
continuité de l'attitude des gouvernements. La pierre d'achoppement a
toujours été la même. Elle a été
soulignée aujourd'hui un peu par ricochet, mais c'était toujours
sur une question très pratique, une question de dollars et de cents
à la fin, que le projet était remis à une date
ultérieure. Je ne dis pas que cela continuera dans le même sens,
mais cela devient extrêmement difficile de prendre une décision
qui peut affecter l'avenir de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises au point de vue de la tarification.
Quant à la fabrication, je pense que nous n'avons aucune raison
de changer notre attitude. Elle nous a bien servis dans le passé, je
pense qu'elle a bien servi le Québec. Nous avons tenté de
maintenir, compte tenu de la diversification de nos entreprises et de la
transition d'entreprises nationales à la dimension d'entreprises
multinationales qui a été soulignée par M. Johnson et par
vous-même, cet équilibre qui est nécessaire pour que la
perception - qui
est tellement importante - de nos activités dans le Québec
soit positive et soit regardée et considérée par la
population en général comme représentant sa juste part de
l'activité générale des entreprises.
Quant à la recherche et au développement, je pense que
nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a un problème qu'il nous
faut régler, un problème de recrutement, un problème de
développement de chercheurs, un problème probablement financier
au niveau des universités et des centres de formation de chercheurs
indépendamment des universités. Lorsque nous nous pencherons tous
sur le problème, le gouvernement, le centre de recherches, Northern,
Bell, etc., je suis convaincu qu'avec la collaboration dont vous avez fait
preuve dans le passé et dont nous faisons preuve continuellement, cela
nous indiquera les voies à suivre. Vous pouvez compter sur notre
entière collaboration aujourd'hui comme hier.
Le Président (M. Champagne): Merci, M. de Grandpré.
Au nom des membres de la commission, je veux remercier M. Beauregard, M.
Montambault, M. Terreault et M. de Grandpré, ainsi que les nombreux
représentants de la compagnie Bell Canada de s'être
présentés à cette commission parlementaire, à
l'invitation de l'Assemblée nationale.
Pour ma part, je voudrais aussi remercier mes collègues de chaque
côté de cette table pour leur collaboration. Je demande au
rapporteur, le député de Vachon, de faire rapport à
l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais possible.
La commission élue permanente des communications ajourne ses
travaux sine die, parce que la commission a accompli le mandat qui lui avait
été confié. Merci, bonsoir.
(Fin de la séance à 18 h 59)