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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, May 23, 1996 - Vol. 35 N° 8

Poursuite du débat sur le discours sur le budget


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

La Présidente (Mme Barbeau): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration est réunie afin de poursuivre le débat sur le discours du budget. Alors, à la fin des travaux mercredi, hier, il restait 3 h 10 min à faire au débat.

Oh! J'ai oublié un point, excusez. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Baril (Berthier) va remplacer M. Bertrand (Charlevoix); M. Williams (Nelligan) remplace M. LeSage (Hull); et M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace M. Maciocia (Viger).

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup. Alors, comme je le disais, il restait 3 h 10 min à faire au débat, et c'était le député de Verdun qui avait la parole. Alors, on peut...

M. Bourbeau: Il m'a transféré son droit de parole hier soir.

La Présidente (Mme Barbeau): Allez-y, M. le député de Laporte, j'accepte.


Discussion générale (suite)


Vente du Mont-Sainte-Anne

M. Bourbeau: Merci, madame. On a discuté, bien sûr, au cours des derniers jours, de moult sujets. J'aimerais aborder ce matin, en début de séance, un sujet tout à fait différent. En fait, j'aimerais, Mme la Présidente, venir à la défense du ministère des Finances. Le ministère des Finances a été très attaqué au cours des derniers mois dans un dossier, et personne, semble-t-il, sur le plan politique, n'a jugé bon de défendre l'intégrité du ministère des Finances. Alors, j'aimerais, ce matin, porter l'attention du ministre des Finances sur un dossier, un dossier qui concerne une société dont il est l'actionnaire, donc qui le concerne au premier chef, la société s'appelle la SEPAQ, la Société des établissements de plein air du Québec.

La SEPAQ avait eu, il y a trois ans, quatre ans, le mandat de disposer d'un actif qu'on appelle le Mont-Sainte-Anne. Après deux années de recherche, certains acheteurs se sont manifestés. Le ministère des Finances, par l'intermédiaire d'un consultant qu'on nomme KPMG Peat, Marwick – en fait, je ne me souviens pas du nom, je ne pourrais pas donner le nom exact, je sais que c'est la société Peat, Marwick – avait trouvé un certain nombre d'acheteurs. Finalement, la discussion a eu lieu, et la SEPAQ a reçu les instructions de procéder à la vente du Mont-Sainte-Anne.

Subséquemment au changement de gouvernement, le nouveau gouvernement a décidé de faire faire une étude par deux consultants: d'une part, un bureau de comptables, Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrand, une société internationale assez connue, et, d'autre part, un bureau d'avocats également de grande renommée, Lavery, de Billy, etc. Dans le rapport qui a été fourni par ces consultants – ça portait sur un certain nombre de privatisations – on traite, bien sûr, de la privatisation du Mont-Sainte-Anne. Dans ce rapport-là, à plusieurs reprises, les experts font état d'un différend important entre le ministère des Finances et la Société des établissements de plein air du Québec. Excusez-moi, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Barbeau): Avez-vous fini votre intervention?

M. Bourbeau: ...je vais laisser le temps au ministre de terminer sa discussion.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K.

(10 h 10)

M. Bourbeau: Alors, dans le rapport en question, à plusieurs endroits, on fait état d'une divergence de vues entre la SEPAQ et le ministère des Finances. Je vais vous citer quelques extraits. En page 33, les experts disent: «Nous avons été informés que le ministère des Finances conteste présentement cette réévaluation et qu'un cabinet d'experts a été mandaté pour faire rapport sur ce différend.» Donc, on a engagé des experts pour arbitrer un différend. En page 36, il est dit: «Vu les circonstances, le comité est d'avis qu'il ne peut déterminer la contrepartie à recevoir par la SEPAQ pour les terrains et, qui plus est, cette détermination fait présentement l'objet d'un débat entre la SEPAQ et le ministère des Finances.» En page 58, également, on dit: «D'autre part, les divergences de vues entre la SEPAQ et le ministère des Finances ont certainement nui à une conclusion harmonieuse et sereine de cette transaction.» Plus loin, en page 60, on dit: «Qui plus est, cette détermination fait présentement l'objet d'un débat entre la SEPAQ et le ministère des Finances.» Alors, il faut dire que les consultants, à plusieurs reprises, sont revenus là-dessus. Et, finalement, à la fin de tout, en page 62: «Il est difficile de mesurer l'incidence de la transaction sur le déficit annuel du gouvernement et sur ses besoins financiers. À cet égard, la SEPAQ et le ministère des Finances divergent fortement d'opinions.» Dans la même phrase, on dit: «Toutefois, le gouvernement n'aura pas à supporter des investissements importants qui pourraient être requis par le Mont-Sainte-Anne, ces coûts étant maintenant à la charge des acquéreurs.»

Dans toute cette affaire-là, Mme la Présidente, ce qui ressort, c'est que – et je vais, tout à l'heure, poser une question... Oh! Je vois qu'il y a...

Le Président (M. Lachance): Il y a eu changement de la présidence.

M. Bourbeau: ...un changement de la garde. Ha, ha, ha! Oui, oui. C'est que ça paraît bien évident, là, puisque, à cinq reprises, les consultants font état d'une divergence de vues fondamentale entre le ministère des Finances et la SEPAQ, qu'il y avait un problème, et probablement qu'il y a encore un problème, d'ailleurs. Le problème porte sur le fait que, lors de la transaction, ceux qui étaient un peu près de ça ont réalisé que la SEPAQ refusait systématiquement de donner suite à l'intention ou à la décision du gouvernement de procéder à la vente du Mont-Sainte-Anne et faisait ce qu'on appelle une bataille d'arrière-garde pour tenter de bloquer la transaction ou de la retarder. Finalement, bon, elle a eu lieu.

Dans un dossier comme celui-là – le ministre des Finances le sait sûrement autant que moi – la négociation se fait entre les acquéreurs éventuels et, en général, un consultant qu'on met comme «buffer» ou, si vous voulez, comme écran entre le gouvernement et les acheteurs potentiels. Et, en plus du consultant, qui est, en général, une firme renommée, il y a les officiers du ministère des Finances, il y a une équipe spécialisée – enfin, il y avait, je ne sais pas si elle y est encore – au ministère des Finances qui s'occupe des privatisations – ou qui s'en occupait – et qui négocie pour le gouvernement avec le consultant, enfin donne les instructions au consultant. Bref, le niveau politique, lui, se situe derrière à deux niveaux, si vous voulez: derrière les officiers du ministère des Finances et derrière le consultant qui, lui, négocie avec les acheteurs.

Or, à la suite de la transaction, les vérificateurs de la SEPAQ ont émis un document, enfin les états financiers, dans lequel il semble, à première vue, que la SEPAQ a subi une perte énorme, ce qui faisait d'ailleurs les délices du député de Montmorency, à l'époque, votre ex-collègue, M. le Président, et qui semblait indiquer que la SEPAQ, enfin le gouvernement et le ministre des Finances, en tant qu'actionnaire, avait subi une perte énorme d'au-delà de 40 000 000 $ dans la transaction. Or, cette perte-là, présumée d'après les vérificateurs de la SEPAQ, bien sûr, proviendrait essentiellement d'une dévaluation, mais très importante dévaluation de la valeur des terrains. Alors, on tentait de prétendre que, parce que le Mont-Sainte-Anne avait été vendu, les terrains qui restent avaient perdu toute leur valeur. Bref, je crois que c'est passé de 30 000 000 $ à 6 000 000 $, enfin à peu près comme ça, là, en l'espace de trois mois.

M. Landry (Verchères): 26 000 000 $ à 6 000 000 $.

M. Bourbeau: 26 000 000 $ à 6 000 000 $. Bon, alors 26 000 000 $ à 6 000 000 $, 20 000 000 $ de perte d'un seul coup. Les terrains ont perdu de leur valeur parce qu'un acheteur de grande qualité, semble-t-il, une société internationale, a acquis le Mont-Sainte-Anne et, présumément, va éventuellement faire des investissements qui devraient relancer la valeur marchande des terrains. Donc, c'est assez difficile de penser que le fait qu'un acteur de qualité s'occupe du Mont-Sainte-Anne, ça va faire perdre de la valeur à long terme à des terrains.

Le ministère des Finances, à ce que j'en sais, ce que nous en savons, contestait cette dévaluation et, finalement, des consultants nouveaux ont été nommés à la suite de... Je crois que le gouvernement ou enfin la SEPAQ a fait appel à l'Ordre des comptables agréés, qui a désigné une firme qui est Raymond, Chabot, Martin, Paré qui a fait un premier rapport au mois d'octobre 1994. Subséquemment, bon, on le voit à la page 33, le ministère des Finances avait demandé un complément de rapport, semble-t-il, et ce complément de rapport là a été produit en décembre 1994. Nous avons demandé, l'opposition a demandé de rendre publics ces documents-là. Le ministère des Finances, avant le ministre présent, a refusé de nous donner communication de ces documents-là. J'ai donc fait appel à la Commission d'accès à l'information. C'est d'ailleurs la raison de mon absence hier, je dois dire. J'ai été convoqué devant la Commission d'accès à l'information pour défendre ce dossier-là. Je dois dire que j'ai trouvé très pénible d'avoir à plaider pendant une heure de temps devant des avocats du gouvernement qui, eux, bien sûr, étaient en travail commandé et qui tentaient de convaincre la présidence que le document était d'une importance telle pour la sécurité de l'État qu'il ne pouvait pas être rendu public.

Moi, je trouve que, sur le plan de la transparence... Je fais appel au ministre des Finances, maintenant, qui n'est pas celui qui avait pris la décision, pour lui demander de rendre publics ces deux rapports, les deux rapports de Raymond, Chabot, Martin, Paré qu'on a refusé de rendre publics jusqu'à maintenant. Je ne sais pas ce que décidera la Commission d'accès à l'information, j'aimerais même qu'on ne lui laisse pas le loisir de décider, mais que ce soit décidé de gré à gré. Mais ce rapport-là, selon moi, s'il avait confirmé la thèse voulant que le gouvernement avait perdu des sommes importantes, on l'aurait sans doute rendu public très rapidement.

Si on a refusé de le rendre public, c'est probablement parce que ce document-là – et je suppose, je n'ai pas la certitude – vient en fait corriger un peu l'impression que le gouvernement a perdu beaucoup d'argent dans cette transaction-là, ce qui faisait les délices, comme je le disais tantôt, du député de Montmorency. Par contre, je dois dire que le gouvernement du Parti québécois, manifestement, ne s'est pas très solidarisé avec le député de Montmorency. Lorsque le rapport que j'ai devant moi ici a été rendu public ici, aucun des ministres du gouvernement du Parti québécois n'a participé à la conférence de presse. Le député de Montmorency, seul, s'est présenté devant la presse avec le rapport, avec un attaché politique, et a prétendu, en le rendant public, que le gouvernement n'avait pas obtenu un prix juste et raisonnable pour la vente, ce qui était assez loin de la vérité parce que, quand on regarde le rapport – et là il faut vraiment comprendre un peu la dynamique de ce genre de chose là pour apprécier – le rapport dit deux choses. Il dit que le prêt obtenu par le gouvernement... Dans un premier paragraphe, il dit que le prix payé par l'acheteur est juste et raisonnable. Mme la Présidente, j'attire votre attention sur le rapport, c'est très important. Dans un premier paragraphe, le comité est d'avis que, s'il considère uniquement la valeur actualisée du prix offert pour les éléments d'actif, le prix payé est juste et raisonnable dans les circonstances. Alors, voilà...

La Présidente (Mme Barbeau): Une minute.

M. Landry (Verchères): Consentement, surtout que j'en apprends. Moi, ce n'est pas ma spécialité, cette affaire-là.

M. Bourbeau: Je n'ai pas abusé au cours des derniers jours.

M. Landry (Verchères): Non, non, non.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K. C'est beau, si personne ne s'objecte.

(10 h 20)

M. Bourbeau: C'est un bijou, ce rapport, Mme la Présidente. Je sais que le ministre des Finances va apprécier la subtilité des conclusions. On voulait savoir si le prix était juste et raisonnable. Alors, les experts ont dit deux choses: Si on considère l'acheteur, le prix est juste et raisonnable, mais, si on considère le point de vue du vendeur, le prix n'est pas juste et raisonnable. Alors, forcément, avec une conclusion semblable – Salomon n'aurait pas fait mieux – on rendait tout le monde très heureux. Le prix payé par l'acheteur est juste et raisonnable. Il se situe dans la fourchette qui avait été indiquée. Mais, pour le vendeur, étant donné que le vendeur avait, lui, des charges... Par exemple, moi, je vends ma résidence au ministre, disons, 50 000 $, c'est le prix juste et raisonnable. Donc, le ministre a payé un prix juste et raisonnable. Mais, comme, moi, j'ai une hypothèque de 20 000 $ sur ma maison et qu'il ne me reste que 30 000 $, ce n'est donc pas le prix que j'aurais voulu avoir, c'est 20 000 $ de moins que le ministre. Donc, je n'ai pas eu un prix juste et raisonnable parce que je n'ai pas reçu le même montant que le ministre. C'est un peu le genre d'argument qu'on fait.

C'est bien évident que, si le prix est juste et raisonnable pour l'acheteur, bien, le vendeur, ce n'est pas de la faute de personne s'il a des frais additionnels, ou des coûts, ou des dettes. Quand on pousse le raisonnement un peu plus loin, pour que le prix devienne ainsi... Si on poussait ce raisonnement-là plus loin, pour qu'il devienne raisonnable pour le vendeur, il faudrait augmenter le prix pour l'acheteur, un prix qui est déjà juste et raisonnable d'après les experts. Donc, il faudrait que vous demandiez un prix qui est au-delà de ce qui est juste et raisonnable pour l'acheteur pour satisfaire le vendeur.

Donc, il est bien évident qu'on peut dire n'importe quoi, sauf que ça a permis à certains de faire des gorges chaudes à une certaine époque. Moi, M. le Président, c'est de l'histoire ancienne, sauf que j'estime quand même que les rapports dont on parle, ce n'est pas correct qu'ils demeurent secrets, parce que tout le reste a été rendu public. Le gouvernement a rendu public le rapport ici. Ce rapport-là nous dit que le débat qui existe entre le ministère des Finances et la SEPAQ n'est pas terminé, mais que des compléments de rapport sont demandés. J'aimerais, quant à moi, que le ministre fasse la lumière totale dans ce dossier et qu'on puisse savoir si, en fin de compte, le ministère des Finances a eu raison, enfin si le point de vue du ministère des Finances a prévalu auprès des consultants en ce sens que: Est-ce que, oui ou non, on avait raison de prétendre que la SEPAQ a perdu 40 000 000 $ ou je ne sais pas quoi dans la transaction? Je sais qu'il y a plusieurs officiers du ministère des Finances qui digèrent assez mal que, dans l'opinion publique, on les ait fait passer pour des mauvais négociateurs, et évidemment l'ancien ministre des Finances aussi. Ce serait intéressant de savoir si le ministre des Finances voudrait mettre fin à la guérilla judiciaire qui a cours devant la Commission d'accès à l'information et demander à ses fonctionnaires de remettre le dossier, enfin l'expertise sur la place publique.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Mme la Présidente, le député de Laporte a évoqué le jugement de Salomon. Souvent, on évoque ça à la légère, parce que, si le jugement avait été exécuté, ça aurait fini très mal, cette aventure de jugement de Salomon. Alors, je ne me sens pas du tout dans sa position, mais je comprends le point de vue du député, par ailleurs, qui veut défendre, au fond, son administration, et puis c'est normal. Personne dans la vie publique n'aime à avoir fait des choses qui ne seraient pas dans l'intérêt public. Alors, s'il y a quelqu'un qui connaît ça, c'est moi, j'ai occupé des fonctions ministérielles longtemps.

Par conséquent, je serais plutôt, moi, favorable à la transparence globale, et en admettant que je ne connais guère ce dossier. J'en ai appris plus dans le court exposé du député de Laporte, peut-être, que dans tout ce que j'en avais su antérieurement, puisque que mon information venait largement d'une polémique de campagne électorale, en autant que je me souvienne, à laquelle le député de Montmorency avait participé joyeusement. Le député de Montmorency qui voyait des divergences, d'ailleurs, est lui-même un homme qui illustre que la divergence en politique peut être une chose importante, puisqu'il a divergé à ce point qu'il n'est plus membre de notre caucus.

Cependant, sans vouloir frustrer le député de Laporte, je crois que la procédure qu'il a commencée devrait être terminée. Ça ferait de la jurisprudence, d'abord, ça nous permettrait de savoir si certaines positions du ministère sont pertinentes ou ne le sont pas. On peut admettre humblement qu'elles pourraient ne pas l'être. Laissons décider la Commission, et ça me laisse toute la liberté, après, pour rendre public le rapport si je veux le faire. Si la Commission dit qu'il le faut, bien, le débat vient de se terminer. Si la Commission dit qu'il ne le faut pas, le débat n'est pas terminé parce que je suis en faveur de la transparence, puis je suis en faveur de donner la possibilité à l'ancien ministre comme aux fonctionnaires des Finances d'utiliser toutes les informations disponibles pour que l'on puisse juger de leurs gestes antérieurs. Alors, il n'y aura aucune mesquinerie dans ce dossier, je vous le garantis.

Ça ne me surprend pas que divers segments de l'administration se bagarrent les uns contre les autres, c'est ce que Montesquieu appelait les forces créatrices.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): C'est vrai, l'un dit blanc, puis l'autre dit noir, et puis...

M. Bourbeau: Ce n'est pas plutôt Sénèque, ça?

M. Landry (Verchères): Ah non! C'est Montesquieu, je suis formel. Dans l'esprit des lois, il appelait ça les forces créatrices du droit. Alors, on verra. La Commission doit rendre son jugement assez rapidement?

M. Bourbeau: Je l'ignore, Mme la Présidente. Je voudrais ajouter quand même ceci, c'est que, dans une transaction comme celle-là, le montage financier est proposé au gouvernement, bien sûr, par une équipe de négociateurs. Dans le fond, la recommandation, elle est venue des fonctionnaires du ministère des Finances. La décision de vendre, bien sûr, vient du gouvernement, mais, tout le reste, c'est fait par les fonctionnaires qui préparent le montage financier, qui le négocient. Alors, dans le fond, c'est autant sinon plus l'intégrité des fonctionnaires qui est mise en cause que l'ancienne administration. La décision politique, ça, c'est le gouvernement.

M. Landry (Verchères): Intégrité, c'est peut-être un peu fort, c'est plutôt le bien-fondé de leur appréciation. Probablement que l'intégrité de personne n'est en cause là-dedans.

M. Bourbeau: Quand vous dites que le gouvernement, dans une transaction, aurait perdu 40 000 000 $, on commence à mettre en cause un peu l'intégrité...

M. Landry (Verchères): Je pense que la nuance est importante. S'il avait perdu 40 000 000 $ pour le mettre dans sa poche ou le mettre dans la poche de quelqu'un, voilà une question d'intégrité, mais, évidemment, c'est une question d'appréciation.

M. Bourbeau: Bien, si je fais une transaction, moi, puis que je subis une perte de 40 000 000 $, ce n'est pas la même chose que si je ne subis aucune perte.

M. Landry (Verchères): Non, mais moi...

M. Bourbeau: Et, si la perte vient de jeu comptable...

M. Landry (Verchères): À toutes fins pratiques, je n'aimerais pas être traité ni de l'un ni de l'autre, mais j'aimerais mieux être traité d'incompétent que de voleur.

M. Bourbeau: Bien, moi, je préfère n'être traité ni d'incompétent ni de voleur. Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Bien, moi aussi, c'est ce que j'ai dit. Non, mais vous reprenez mes paroles.

M. Bourbeau: Non, je ne pense pas, là.

M. Landry (Verchères): Je ne voudrais pas, moi non plus, être traité ni de l'un ni de l'autre, c'est ce que j'ai commencé par dire, mais, si j'avais à choisir théoriquement, l'intégrité, ça, c'est une chose majeure, et je ne pense pas qu'elle soit en cause. Deuxièmement, la présidente sait que je suis un admirateur de la compétence des fonctionnaires du ministère des Finances. Nous avons commencé – vous étiez retenu ailleurs, on sait bien pourquoi, maintenant, et c'était une excuse tout à fait légitime – cette commission, justement, sur ces paroles d'admiration à l'endroit des fonctionnaires des Finances qui m'ont aidé, pendant les 100 jours que je viens de passer, à préparer le budget que l'on sait.

Je redis au député de Laporte que, selon moi, la sagesse, ce serait d'attendre le jugement puis, après ça, d'exercer le libre arbitre. Et il sera fait dans le sens de la transparence, dans la mesure du possible, si aucun intérêt n'est lésé, et il donnera au député de Laporte toutes les raisons de justifier ses choix antérieurs – il les croyait bons, il les croit encore bons – toute l'information sera sur la table dans la mesure où aucun intérêt ne serait lésé. Je pense que c'est une réponse satisfaisante pour ce matin, Mme la Présidente.

M. Bourbeau: Peut-être des susceptibilités peuvent être lésées, comme peuvent peut-être celles de certains députés, mais disons que, quant à moi, intégrité ou compétence, je n'aimerais pas avoir à choisir entre les deux, comme le ministre dit...

M. Landry (Verchères): Moi non plus.

M. Bourbeau: ...et j'aime autant la phrase d'André Gide qui disait: «La nécessité de l'option me fut toujours intolérable». Alors, c'est aussi mon point de vue aussi.

M. Landry (Verchères): Il l'incarnait dans sa vie personnelle, d'ailleurs.

M. Bourbeau: Absolument. Bon, alors, est-ce que j'ai terminé mon 20 minutes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Barbeau): C'est 10 minutes, mais on vous a laissé aller. J'ai une demande du député de Bellechasse. M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Merci, Mme la Présidente. Pour répliquer, un personnage historique célèbre a déjà dit que «quiconque est mal informé ne peut s'empêcher de mal raisonner», ce qui est très sage. Ce personnage a régné pendant, je crois, une soixantaine d'années, il s'agit de Louis XIV. Mme la Présidente...

M. Landry (Verchères): Il fut notre roi.


Croisement des fichiers informatiques des ministères et organismes gouvernementaux

M. Lachance: Eh oui! N'en déplaise à certains individus de l'autre côté de la table.

Mme le Présidente, à la page 11 du discours du budget – puisque je comprends, là, maintenant, qu'on peut aller sur des questions pointues – il y a, dans le dernier paragraphe, un élément qui m'est apparu extrêmement pertinent et je voudrais l'évoquer ici pour non seulement inciter, mais convaincre avec force le ministre des Finances et les personnes concernées d'aller le plus loin possible là-dedans, il s'agit de l'émission des cartes d'assurance-maladie du Québec.

(10 h 30)

Il y a eu des progrès immenses qui ont été réalisés lorsqu'on a décidé de mettre la photographie, d'obliger les gens à se présenter avec photo à l'appui pour se faire émettre une carte d'assurance-maladie. Cependant, et ça, ça m'a très surpris, il y a encore des mailles du filet qui sont trop grosses, il y a encore des individus qui passent à travers les mailles du filet. On m'a rapporté un cas – j'imagine que, si on me l'a rapporté, c'est qu'il y en a plusieurs autres dans un comté comme Bellechasse qui, à mon avis, n'est pas le comté le plus propice à ce genre d'activité – où on peut facilement se faire émettre une carte, alors qu'on ne devrait pas l'émettre. Dans une municipalité que je ne nommerai pas, il y a un certain nombre de personnes qui ont de la parenté aux États-Unis, passablement de parenté. Vous savez que le comté de Bellechasse est contigu à la frontière du Maine. Le cas qui m'a été rapporté est le suivant. Une personne se présente à un endroit où on peut prendre la photo et attester qu'il s'agit bel et bien d'un citoyen québécois résidant à telle adresse. La personne en question obtient facilement sa carte sans trop de vérifications, la photo est prise, et on m'a rapporté que, dans ce cas précis, il s'agissait d'une opération chirurgicale qui peut être assez coûteuse.

Alors, est-ce que le ministre peut nous assurer qu'on pourra faire comme ça existe, par exemple, pour les policiers de la Sûreté du Québec qui, au moment de faire une vérification même de routine avec leur ordinateur à l'intérieur du véhicule, peuvent vérifier certaines choses rapidement, de façon à ce que, entre autres, on puisse vérifier si, à cette adresse, Mme Unetelle réside bien là ou si cette madame en question ou ce monsieur a produit une déclaration de revenus, de façon à confronter les informations pour éviter ce genre de problème là? Parce que, vous savez, on peut facilement déboucher sur des fraudes qui totalisent des dizaines de millions de dollars. Alors, à partir de ce cas-là, moi, j'ai trouvé très pertinent de la part du ministre de nous indiquer dans son discours du budget qu'il se préoccupait de la question, mais j'aimerais peut-être savoir jusqu'où ça va aller, puis à quel moment on va prendre les mesures pour éviter que ces choses-là ne se reproduisent à de multiples exemplaires.

M. Landry (Verchères): Je pense que, Mme la Présidente, le député de Bellechasse a raison de nous ramener à une chose aussi pragmatique, mais importante en même temps, surtout que, dans les localités frontalières, mais bien au-delà, le cas peut être fréquent. On dit qu'il y a plus de descendants de Québécois et de Québécoises aux États-Unis qu'il y en a au Québec. Dans certains États américains comme le New Hampshire, on est près de la moitié de la population, et les annuaires téléphoniques ressemblent à celui du comté de Bellechasse parce qu'on retrouve des Lachance à pleines pages. Donc, la tentation était grande.

Le gouvernement qui nous a précédés, en introduisant la photo, a fait un pas en avant, je le crois, mais ça peut rester assez aléatoire, surtout quand il s'agit de gens plus ou moins apparentés. Alors, ce que l'on propose là, avec un appui d'ailleurs unanime de la commission parlementaire qui s'est penchée sur cette question, c'est de croiser les fichiers. Le cas que vous présentez ne devrait plus se produire et au moins être débusqué et les mesures être prises, parce qu'on ne peut pas être résident et non-résident en même temps sur le plan fiscal et sur le plan de la santé. Alors, c'est l'exemple que je donne dans le discours du budget. Celui qui vient nous dire, le lundi: Je ne suis pas résident, je ne fais pas le rapport d'impôts, et qui se présente à l'hôpital Notre-Dame, le mardi, avec la carte-soleil s'expose à se faire poser des questions, tout ça sous l'oeil, d'ailleurs, de la Commission d'accès à l'information. Je pense que c'est tout à fait normal.

Je sais qu'il y a toute une thèse qui a été bien exprimée, d'ailleurs, par Michel Venne, dans Le Devoir , et qui incite à la prudence, et la prudence est nécessaire, c'est tout ce qu'on appelle le «Big Brotherism», là, et tout le contrôle de l'État sur la vie des citoyens. Ces philosophies étaient plus pertinentes au siècle dernier qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, on ne peut pas demander à «Big Brother» de nous tenir la main du berceau à la tombe par ses filets de sécurité sociale et ses protections et, à chaque fois qu'il pose une question, le renvoyer à ses devoirs. Mais il y a une question d'équilibre et de se servir du bon sens. Je pense que, si on demandait à l'ensemble de la population du Québec ce qu'ils pensent du croisement des fichiers de l'assurance-maladie et des déclarations d'impôts pour savoir si les gens sont résidents ou pas, ça serait près de 100 % qui diraient: C'est le bon sens même. Alors, je pense que ce cas non seulement ne se produira plus, mais peut être débusqué avec les nouvelles méthodes que nous allons appliquer judicieusement.

M. Lachance: Est-ce que, M. le ministre, on peut croire que ces mesures pour resserrer les mailles du filet vont être prises assez rapidement au cours de l'exercice financier en cours? Dans le cas que je vous ai cité, ce qui est encore particulièrement choquant, c'est que la personne ne se gêne pas pour décrier le prix élevé de l'essence au Québec, pour dire que les taxes et les impôts, c'est quelque chose qui n'a pas de bon sens. Alors, on vient chercher les avantages, puis les inconvénients reliés aux avantages, bien, ça, on n'en parle pas, là. On se permet même de démolir le système qui existe au Québec. Alors, c'est doublement choquant, et je pense qu'on doit resserrer ça au plus sacrant.

M. Landry (Verchères): Oui, je pense qu'il faut une certaine cohérence. Le député de Hull, qui était parmi nous hier et qui a bien participé, d'ailleurs, aux travaux, avait fait lui-même ce petit glissement et s'était extasié devant le taux de chômage de 5 % aux États-Unis. Mais tu ne peux pas prendre un pays par morceaux, dire: J'aime bien votre taux de chômage, mais je n'aime pas votre assurance-hospitalisation. Ha, ha, ha! Il faut tout prendre.

Mais, en pratique, je crois qu'on est en mesure d'être opérationnel rapidement avec ces croisements, surtout que nos discussions avec la Commission d'accès à l'information durent depuis des mois. Je ne sais pas s'il faut des modifications législatives ou réglementaires pour ce cas précis. Oui? Alors, on aura des lois à présenter à l'Assemblée. On aura, j'imagine, sur ces points, la coopération de l'opposition.

M. Bourbeau: On verra le texte.

M. Landry (Verchères): C'est la prudence même.

M. Lachance: Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, merci. C'est plus ou moins sur la même question. Je vais commencer dans la même page du discours, à la page 11. Effectivement, je pense, tous les députés de l'Assemblée nationale, malgré leur parti, veulent s'assurer que le gouvernement puisse collecter les sommes dues, on veut empêcher le travail au noir. L'exemple qui était cité sur le régime d'assurance-maladie est un bon exemple, sauf que ma question va essayer de vous pousser un peu plus loin dans la prudence, d'explorer un peu plus. Parce que, après le budget, nous avons vu le projet de loi n° 32. Nous avons aussi, dans le budget, à l'annexe A, plusieurs exemples sur le fait que le ministère, par la loi, cherche à avoir de l'information assez pertinente et confidentielle des municipalités et certainement de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, du ministère des Affaires municipales, du ministère de l'Éducation et de la Régie des rentes du Québec. Avec ça, on peut collecter une vaste somme, un vaste niveau d'informations sur la vie privée des citoyens, des Québécoises et Québécois. Et je voudrais... Certainement que le ministre, pendant son discours, a gardé deux petits...

M. Landry (Verchères): Allez-y. Oui, c'est parce qu'on prépare une réponse.

M. Williams: Bon, bon, parfait, c'est ça que j'ai pensé. Il y a deux petits paragraphes à la page 12, à la suite des exemples de la page 11 déjà cités, sur la protection de la vie privée. Mais, quand vous voyez l'annexe, vous trouvez plusieurs pages, plusieurs exemples du pouvoir accru que le ministère cherche, et aussi le pouvoir de faire l'échange d'informations confidentielles, ce qui peut mettre en risque la vie privée des citoyens québécois.

Je ne mets pas en doute le but de s'assurer qu'on puisse collecter les impôts, les taxes nécessaires que le gouvernement doit collecter, mais ma question est: À quel prix? Jusqu'à quel point, vous, M. le ministre, dites que c'est aussi important qu'on puisse maintenant créer un système qui peut avoir l'information qui touche, selon ma compréhension de l'annexe du budget, les questions sur vos taxes municipales, les prêts et bourses de votre famille, votre régime d'assurance-maladie, pour nommer quelques exemples, il y a aussi le Régime de rentes? Avec ça, il me semble que ce n'est pas juste un échange d'informations, de vérifier: Est-ce qu'il est un résident du Québec un jour et un résident de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick un autre jour?

On commence à avoir une base de données tellement importante et dangereuse, dangereuse dans le sens que, si nous n'avons pas bel et bien protégé la confidentialité de cette information, on peut avoir des fuites, on peut avoir des problèmes d'échange de ce type d'information. Effectivement, vous-même avez mentionné le concept de «Big Brother». Je ne sais pas s'il y a une bonne traduction de ça en français, mais je pense que le sens est pas mal connu de tout le monde. J'ai peur de ça, comme démocrate, comme politicien.

(10 h 40)

M. Landry (Verchères): C'est de George Orwell, je pense.

M. Williams: Je voudrais souligner – et, après ça, je vais vous laisser la chance de répondre – que je ne suis pas contre le concept de s'assurer que l'État puisse collecter les sommes nécessaires, mais, quand j'ai vu l'annexe de votre budget et quand j'ai vu, quelques jours après, les projets de loi, j'ai commencé à avoir des inquiétudes parce que c'est un pouvoir accru. J'ai peur que nous ayons trop d'informations accessibles dans la même place et pas assez de contrôle assurant que la confidentialité de la vie privée des populations québécoises est bel et bien protégée.

Je vous laisse la chance de répondre à ma question et peut-être qu'on peut avoir la chance de nous assurer que nous n'avons pas juste la bonne volonté de protéger la confidentialité de cette information, parce que je ne mets pas ça en doute non plus. Mais, une fois qu'on commence à collecter l'information sur le Régime de rentes, le ministère de l'Éducation, les Affaires municipales, la Régie de l'assurance-maladie, nous avons de l'information en masse. Avec la bonne volonté, ce n'est pas assez. Nous avons besoin d'un système «ironclad» pour protéger la vie privée des populations québécoises. Je vous laisse le temps de répondre, M. le ministre.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Bon. Mme la Présidente, je crois que nous partageons, des deux côtés de cette table, les mêmes objectifs et les mêmes inquiétudes. Il faut que l'État, comme le Vérificateur général l'a dit à moult reprises, au nom de l'efficacité financière et économique, mais aussi au nom de l'équité, perçoive ces taxes. Pourquoi les uns en paieraient-ils et les autres n'en paieraient pas par des moyens illégaux et des évasions? Une fois ces principes établis, il faut une pratique respectueuse de la liberté des droits et de la confidentialité. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a pris et prend ces précautions.

L'État, donc, continuera généralement à se soumettre à la loi de l'accès à l'information. Les mesures législatives proposées dans la Loi sur l'administration financière, en particulier, soustraient le Contrôleur des finances et le ministère du Revenu à quelques dispositions spécifiques de cette loi, de façon à permettre désormais l'échange d'informations nécessaires pour effectuer la compensation ou la perception. Les deux phénomènes, là, doivent être distingués. La compensation, c'est la vieille notion qui se retrouve dans le Code civil comme dans la «common law» que, si A doit à B et que B doit à A, on fait des ajustements qui s'appellent la compensation. Ça s'applique entre individus, entre corporations, ça s'applique aussi aux gouvernements. Tandis que la perception, c'est la ponction fiscale habituelle.

Dans le cadre de la préparation du budget, le président de la Commission d'accès à l'information a été consulté le 19 avril dernier sur les modifications à la Loi sur l'administration financière concernant la compensation, et d'autres échanges ont eu lieu avec le personnel de la Commission. Les mesures prévues dans le budget à l'égard de la compensation et dans le projet de loi sur l'administration financière tiennent compte des principales préoccupations qui nous ont été présentées. Ainsi, le mécanisme de la compensation mis en place respectera les principales règles visant la protection des renseignements personnels et le respect de la vie privée des citoyens. Tout débiteur sera informé que sa dette à l'égard d'un ministère ou d'un organisme sera soumis à la compensation des créances gouvernementales, c'est-à-dire qu'un paiement qui lui sera dû sera retenu pour rembourser sa dette.

Donc, la connaissance du phénomène et du mécanisme de compensation. La compensation ne jouera pas en l'absence de connaissance de celui qui risque d'être compensé. Le débiteur sera informé du mode d'identification qui sera utilisé pour retracer le paiement qu'on a l'intention de retenir. Exemple, numéro d'assurance sociale. On se sert du numéro d'assurance sociale au cas où il y aurait une erreur, disons, une malheureuse erreur. S'il est informé du numéro, il dit: Non, ce n'est pas mon numéro, ce n'est pas moi. Pour éviter toute injustice liée à une erreur informatique, la compensation ne sera exercée que si l'information sur la créance et le paiement est corroborée par le mode d'appariement, c'est-à-dire le mode d'identification, et au moins une autre information recueillie par le Contrôleur des finances. Donc, on ne se basera pas uniquement sur un croisement informatique, mécanique et électronique, on exigera une corroboration, ce qui double, au moins, le niveau de sécurité.

Il n'y a pas eu d'avis formel de la Commission jusqu'à maintenant, étant donné le caractère confidentiel entourant la préparation du discours du budget. On ne peut pas dire à la Commission d'avance tout ce qui est dans le discours du budget, bien entendu. Mais j'ai l'intention de demander sous peu à la Commission un avis formel à l'égard des modifications à la Loi sur l'administration financière touchant la compensation des créances. Les mesures du budget et du projet de loi sur l'administration financière ont été adaptées pour y intégrer les dispositions du projet de loi du ministère du Revenu concernant les échanges d'information, lesquelles ont déjà obtenu l'avis favorable de la Commission quant aux modalités d'application. Alors, pour la compensation, l'avis formel est à venir. On s'entend? Pour les échanges, nous avons déjà obtenu l'avis de la Commission d'accès à l'information sur les modalités d'application. Cette méthode de compensation gouvernementale, pour y revenir, permettra de réduire les coûts administratifs de récupération des créances, particulièrement lorsqu'il s'agit de petits montants.

M. Williams: M. le ministre...

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Williams: Pouvez-vous déposer cet avis?

M. Landry (Verchères): C'est la Commission. Ah oui! L'avis formel doit être disponible. C'est un document officiel, ça.

M. Williams: On peut l'avoir, s'il vous plaît?

M. Landry (Verchères): Très certainement. Oui.

M. Williams: Merci.

M. Landry (Verchères): Maintenant, je vais aller, de façon plus spécifique, avec les croisements informatiques de fichiers. L'utilisation de certains renseignements fournis par les organismes gouvernementaux, telles RAMQ, SAAQ et SAQ, permettront de mieux cibler les efforts de vérification et de valider l'information obtenue des contribuables. On procédera, par exemple, à des appariements de fichiers afin de détecter des individus qui, avec les moyens conventionnels du ministère du Revenu, échapperaient à tout contrôle, quant au respect des lois fiscales.

Je donne quelques exemples. Les informations provenant de la Régie de l'assurance-maladie du Québec peuvent permettre de retracer les individus adultes qui sont inscrits à la Régie, mais qui ne remplissent aucune déclaration de revenus. C'est le cas qu'avait mentionné le député de Bellechasse. C'est bien de ça qu'il s'agit? Les adultes non résidents. Donc, c'est le cas que vous donniez: village frontalier, bon, un Lachance américain et un Lachance québécois, et le Lachance américain vient se faire soigner à l'hôpital de Montmagny avec une carte d'assurance-maladie du Québec.

M. Lachance: C'est un nom fictif, disons.

M. Landry (Verchères): Parfaitement, mais je sais que, des Lachance, il y en a plein dans ce coin-là. Il y en a plein, des Lachance, et ils viennent de l'île au Canot.

M. Bourbeau: Et la chance de se faire soigner gratuitement, oui.

M. Landry (Verchères): C'est une famille de navigateurs.

M. Bourbeau: Oui, je sais, je les connais.

M. Landry (Verchères): Alors, le premier cas. Autre exemple, les fichiers de la Société de l'assurance automobile permettront de vérifier s'il y a un lien entre les revenus déclarés et le niveau de vie d'un individu. Par exemple, des individus qui possèdent des véhicules de luxe et qui ne paient pas d'impôts. On peut toujours dire: On va y aller «at large», mais on perd du temps, on perd de l'argent, on perd des millions de dollars, et ça scandalise la population. Il y a eu un cas dans les journaux, dernièrement.

M. Williams: Oui.

M. Landry (Verchères): Vous l'avez vu? Un cas qui était de criminalité présumée, puisqu'il y a eu des accusations de portées. Je ne sais pas comment le journaliste très astucieux a eu ces renseignements, mais il les a eus. Déclaration d'impôts récurrente à 7 000 $ et Rolls-Royce et deux Mercedes ou quelque chose du genre – si ce n'est pas des Mercedes, c'est des BMW. Ça scandalise la population, ça. Quand on sait que le revenu moyen au Québec est de 23 000 $ par année, savoir que quelqu'un à 7 000 $ peut rouler carrosse, c'est le cas de le dire, c'est difficile à soutenir.

M. Williams: Certainement que ça scandalise la population, mais l'autre côté de la médaille scandalise la population aussi, quand la vie privée de la grande majorité de la population québécoise, qui est honnête, est questionnée.

M. Landry (Verchères): Admis. Mais...

(10 h 50)

M. Williams: Ce n'est pas un débat de fond, on cherche les limites, ici. Avec ça, il n'y a aucun doute, c'est facile de trouver des exemples de problèmes. Ma question est actuellement sur l'autre côté de la médaille, avec le pouvoir que vous êtes en train de demander, en mettant votre discours en place, c'est incroyable.

Je peux juste citer un exemple. Encore une fois, nous allons avoir le temps, je ne fais pas article par article de la loi n° 32, mais je vais juste en citer un: «Communiquer à une personne un renseignement confidentiel qu'il est raisonnable de considérer comme nécessaire à l'application ou à l'exécution d'une loi fiscale à son égard.» M. le ministre, ça, c'est large. La cloche que je sonne aujourd'hui n'est pas sur le fond d'essayer de collecter les fonds nécessaires pour la province de Québec, mais on doit trouver le bon niveau d'intervention, et on ne peut pas traiter toute la population québécoise comme coupable, comme fraudeuse. Vous avez raison, la population se scandalise avec votre exemple, mais l'autre exemple, la population se scandalise quand elle entend les exemples que la population est traitée comme coupable avant d'avoir eu une chance de plaider devant le ministère du Revenu.

Mon point est juste de mentionner un autre article, M. le ministre, juste savoir... Je suis convaincu que vous avez la volonté d'assurer la confidentialité, mais l'article 6 de la loi dit: «Aux fins des articles 69.1 et 71, une entente peut – pas doit, peut – le cas échéant, être conclue avec un organisme pour préciser notamment les renseignements transmis, les moyens mis en oeuvre pour en assurer la confidentialité, ainsi que les mesures de sécurité.» «Peut», M. le ministre, pas «doit».

M. Landry (Verchères): Est-ce que l'organisme, c'est la Commission d'accès à l'information?

M. Williams: On a tout le projet de loi, et il me semble que... Pour moi, quand on parle d'information aussi confidentielle que ça, le fait qu'une entente peut être établie, je pense qu'on doit se questionner. On ne fait pas de débat sur chaque article de la loi, mais mon message aujourd'hui est qu'on doit être prudent.

M. Landry (Verchères): D'accord. Ça dépend du renseignement. Les renseignements, tu sais, vraiment nominatifs, personnels, les dossiers médicaux, toutes ces choses-là, évidemment, sont totalement à l'abri de cette affaire-là. Mais vérifier si on a une carte-soleil ou si on n'en a pas, ce n'est pas le dossier médical, ça. Le dossier médical est dans un autre niveau de profondeur de secret et il est intangible. Le fait de posséder une Rolls-Royce, ce n'est pas précisément la façon de passer inaperçu, parce que c'est très voyant.

M. Bourbeau: Pas très prudent non plus.

M. Landry (Verchères): Ça, je n'ose même pas me poser la question. Ce dilemme, comme celui évoqué par André Gide et cité par le député de Laporte, ne m'échoira jamais, j'y ai renoncé.

M. Williams: Nous sommes tous d'accord avec ça.

M. Bourbeau: C'est parce que vous n'êtes pas gémeau comme moi, c'est pour ça.

M. Williams: Mais c'est la chasse aux sorcières.

M. Landry (Verchères): Peut-être. Moi, j'ai passé ma vie dans le secteur public, c'est-à-dire que j'ai résolu de n'être jamais pauvre en acceptant d'avance de n'être jamais riche. C'est ça, le secteur public.

M. Williams: Vous avez l'unanimité sur votre exemple, mais on doit s'assurer que nous n'avons pas donné le pouvoir que le ministère, pas le ministre, mais le ministère peut commencer à faire la chasse aux sorcières. Nous avons tous des exemples de ça aussi. Je ne les nommerai pas aujourd'hui, mais nous avons tous des exemples comme ça. Je pense que, avec l'importance de ce dossier, on doit arrêter les exemples que vous avez utilisés, mais on doit s'assurer qu'on ne traite pas la population comme coupable avant de commencer.

M. Landry (Verchères): Bon. Nous partageons totalement cet objectif. Je dois vous dire que la clé, c'est le contrôle vigilant de la Commission d'accès à l'information, je pense. Et, quand nous nous reverrons... D'abord, la Loi sur le ministère du Revenu assure déjà la caractère confidentiel des renseignements transmis au ministère du Revenu, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Elle prévoit également que les renseignements fiscaux qui sont transmis à d'autres ministères ou organismes ne peuvent être divulgués à qui que ce soit. Alors, le système était étanche et reste étanche, sauf qu'il est élargi.

M. Williams: Le «sauf» est un «sauf» assez important.

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Williams: Nous allons avoir bientôt...

M. Landry (Verchères): Les risques augmentent, disons. Si on élargit, les risques augmentent.

M. Williams: Oui, oui. Parce que nous allons avoir toute l'information à une même place, selon mon information. Là, on doit peut-être augmenter la protection à cause de ça.

M. Landry (Verchères): Oui. Si c'est dans le même endroit, c'est déjà mieux. C'est comme le confinement des centrales nucléaires: moins il est vaste, plus il est...

M. Williams: Je ne sais pas, là. Excusez mon cynisme.

M. Landry (Verchères): Non? D'abord, c'est votre responsabilité, pas d'être cynique, mais au moins d'être critique. Et puis vous avez dit que vous apporteriez des exemples. Quand on va se revoir en commission parlementaire pour l'étude article par article de la loi, ce serait très utile que la commission prenne connaissance des exemples et qu'on essaie de rendre la chose la plus hermétique possible tout en permettant d'atteindre nos fins.

M. Williams: Et toujours protéger la vie privée de la population.

M. Landry (Verchères): Tout à fait.

M. Williams: Merci.

M. Lachance: Sur le même sujet, si vous me permettez, juste quelques secondes.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député.

M. Lachance: J'ai vécu une expérience récemment – je pense que tout le monde peut la vivre – et j'ai été très étonné de constater jusqu'à quel point certaines firmes privées sont bien informées sur notre situation personnelle. J'ai eu à faire la location d'un véhicule automobile. Évidemment, à ce moment-là, on vérifie notre situation. Pour ne pas la nommer, la firme Équifax possède beaucoup d'informations sur les citoyens et les citoyennes au Québec. Cependant, on a l'avantage de pouvoir consulter notre dossier. Alors, je partage les préoccupations du député de Nelligan. Mais, avec la quantité de cartes que nous avons, très souvent, dans notre portefeuille, de cartes de crédit et de cartes de toutes sortes, il y a des gens qui ne font pas beaucoup de publicité là-dessus, mais qui sont capables de regrouper des informations sur notre situation personnelle qui sont très importantes et très détaillées. C'est étonnant. Ça vaut la peine de vérifier ça.

M. Williams: Effectivement, on doit vérifier ça. Mais l'État ne peut pas augmenter ce risque non plus. Votre point est peut-être bon, mais je ne veux pas ajouter à ce risque que vous avez déjà mentionné dans le secteur privé.

M. Lachance: Cependant, on doit quand même...

M. Landry (Verchères): Les gens de notre formation politique sont très sensibilisés à cette préoccupation, parce que vous vous souvenez peut-être, sur le plan historique, que nous avons été victimes, nous, comme parti politique, d'une intrusion par infraction dans nos locaux, d'un piratage de nos bandes informatiques par la Gendarmerie royale du Canada. C'était pire que le Watergate, en fait, parce que le Watergate, ce n'était pas les renseignements nominatifs sur tous les membres du Parti démocrate, c'était tout simplement une invasion destinée à connaître les moyens financiers de l'adversaire. Pourtant, le président des États-Unis a dû, vous vous souvenez, démissionner – c'est la triste affaire Nixon – sous menace d'impeachment. Alors, nous sommes très sensibles à ces questions de respect des bandes informatiques et des renseignements nominatifs.

Moi, je suis tout à fait fier d'être membre du Parti québécois, non pas depuis la fondation, je suis arrivé un peu après parce que j'étais dans la fonction publique et que mon devoir de réserve me l'interdisait. Mais je n'étais pas fier quand j'ai su qu'une police payée par mes taxes avait utilisé des moyens inqualifiables pour avoir les listes de membres. Si jamais ça arrivait au Parti libéral, je serais sur la brèche pour défendre le Parti libéral comme j'étais sur la brèche pour défendre le Parti québécois.

M. Williams: On espère. La seule chose, sans entrer dans un débat partisan dans ça, comme j'ai toujours dit au Parti québécois: Les bons mots, c'est une chose, mais je vais vérifier que la viande est dans le projet de loi, que cette protection de la vie privée de la population québécoise, ce n'est pas juste un bon échange entre vous et moi aujourd'hui. Je voudrais insister sur le fait que, avec aucun doute, dans le projet de loi, nous ayons la protection de la vie privée. Jusqu'à maintenant, selon ma lecture de votre budget et le projet de loi qui a été déposé, j'ai des doutes.

M. Landry (Verchères): C'est des doutes qui peuvent être féconds et qui pourront nous aider, quand on étudiera article par article, à assurer les fins poursuivies par le projet de loi et la protection de la population du Québec contre toute intrusion dans sa vie privée.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Bourbeau... pardon, le député de Laporte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Pas encore.

La Présidente (Mme Barbeau): On fait souvent les...

M. Bourbeau: Je suis le député de Laporte et je serai...

Une voix: Des croisements.

La Présidente (Mme Barbeau): On fait des croisements de fichiers.

M. Bourbeau: ...le député de M. Laporte après l'élection dans Outremont, oui, bien sûr.

M. Landry (Verchères): Le député de Bourbeau, ça, ça supposerait qu'il...

M. Bourbeau: Qu'il soit décédé.

M. Landry (Verchères): ...devienne premier ministre, parce que, en général, maintenant, on donne le nom des comtés à des premiers ministres.

M. Bourbeau: Oui, oui. C'est ça.

M. Landry (Verchères): Alors, c'est une hypothèse éloignée.

M. Bourbeau: Oui, très éloignée.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Ça ne sera toujours qu'une hypothèse, je peux vous l'assurer, contrairement au ministre des Finances qui, lui, a des ambitions sûrement plus fortes que les miennes.

(11 heures)

M. Landry (Verchères): J'ai déjà dit infinitésimale, alors infinitésimale et éloignée sont deux choses qui se ressemblent.


Non-harmonisation des déductions pour dons de charité avec le gouvernement fédéral

M. Bourbeau: Moi, Mme la Présidente, je dois dire que j'aime trop la vie pour postuler à un poste comme celui-là.

Il y a un objet ou un sujet qui n'est pas dans le budget, mais je vais quand même questionner le ministre des Finances. On sait qu'en général le ministre des Finances aime bien, enfin a tendance à s'harmoniser avec le gouvernement fédéral. Lorsque des mesures apparaissent dans le budget fédéral, très souvent, le gouvernement du Québec, éventuellement, décrète des mesures semblables, ne serait-ce que pour simplifier la vie des contribuables qui n'ont pas, à ce moment-là, deux régimes différents. On tente, dans la mesure du possible, de simplifier les choses. D'ailleurs, le ministre des Finances l'a fait pour un certain nombre de sujets dont, par exemple, les pensions alimentaires, où on s'est harmonisé un peu avec la décision du gouvernement fédéral. Mais il y a un domaine où il ne semble pas y avoir eu d'harmonisation, c'est les modifications qu'avait apportées le ministre des Finances du Canada relativement aux déductions pour dons de charité. Là, il ne semble pas y avoir eu d'harmonisation dans le budget du gouvernement du Québec. Je veux demander au ministre des Finances: Pourquoi on a choisi de ne pas s'harmoniser? Est-ce qu'il y a des raisons spéciales?

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): C'est un choix de politique fiscale. On a décidé de ne pas suivre. On est à 20, ils sont à 50. Parce qu'on était dans une opération d'émondage et de resserrement de différentes dépenses fiscales, on a pensé que ça aurait été un mouvement antinomique si, pour s'harmoniser, on faisait le contraire de ce qu'on préconisait ailleurs. C'est aussi simple que ça. Harmonie, oui, mais autonomie fiscale sacrée du gouvernement du Québec par rapport au gouvernement du Canada, oui. J'imagine que l'ancien ministre des Finances partage les deux propositions.

M. Bourbeau: Oui, absolument, absolument. Disons qu'il reste quand même qu'on m'a fait valoir un point de vue qui n'est pas sans intérêt, c'est que moins le gouvernement du Québec – et du Canada, bien sûr – dispose de ressources financières, moins il peut venir à la rescousse des plus démunis de notre société. Et il y a, dans la société, des organismes charitables qui oeuvrent au bien-être de la population et qui prennent parfois la relève du gouvernement. Heureusement, d'ailleurs, qu'on les a parce que, si ce n'était pas de ce bénévolat dont font preuve un grand nombre de nos citoyens, l'État n'aurait pas les moyens de se permettre un appareil semblable. Souvent, ces organismes charitables bénéficient, pour leur subsistance, pour leur fonctionnement, de dons provenant de certains citoyens plus à l'aise, ce qui, bon, d'une certaine façon, peut priver le trésor public de certains revenus, mais qui, d'autre part, peut permettre aussi au trésor public d'être allégé de certaines subventions qu'il n'aurait pas à donner puisque la charité publique, la charité de certains individus peut compenser.

Alors, ce point de vue là m'a été exprimé par certains organismes qui craignent, justement, que leur source de fonds provenant de dons de charité soit tarie. Je voulais simplement en saisir le ministre des Finances tout en lui soulignant que l'harmonisation, du point de vue des contribuables, c'est toujours plus facile d'avoir deux rapports d'impôts qui ont les mêmes règles que des systèmes fiscaux qui ont des règles différentes.

M. Landry (Verchères): Oui. Je pense que la suggestion du député de Laporte pourrait très bien être véhiculée à la Commission sur la fiscalité. On va avoir une commission qui va examiner ces choses de fond en comble dans les mois qui viennent. Ça serait une bonne chose de le faire. Je lui fais quand même remarquer que le gouvernement du Canada n'a peut-être pas toujours agi avec une extrême prudence en ces matières. Le Conseil pour l'unité canadienne est un organisme de charité. Ce n'est peut-être pas ce qu'ils ont fait de mieux et de plus équitable, en tout cas. S'il y avait un effet miroir absolu, peut-être... S'ils avaient donné, par exemple, au Conseil de la souveraineté exactement le même privilège, je ne peux pas dire que ça aurait été bon en soi, mais ça aurait été plus équitable.

Il faut faire attention. La plupart des organisations de charité, surtout les grandes, les plus connues, les plus transparentes, sont impeccables, mais il y en a d'autres qui ont des frais d'administration élevés, il faut regarder ça de près. J'ai un de mes amis, qui s'appelle Pierre-Patrick Kaltenback, qui a écrit un ouvrage dont le titre est «Associations llucratives sans but». Alors, ça arrive, ça, des fois, qu'on veut bien faire et les frais d'administration sont plus élevés que la bonne oeuvre. La Commission sur la fiscalité devrait regarder ça, je crois.


Délai de prescription des créances fiscales

M. Bourbeau: Il y avait un autre point, Mme la Présidente. Est-ce que le ministre anticipe de prolonger la période de prescription en ce qui concerne les réclamations pour l'impôt sur le revenu?

M. Landry (Verchères): Oui. On a eu un questionnement là-dessus. Je pense qu'on a choisi cinq ans.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il pourrait m'indiquer...

M. Landry (Verchères): Avant ça, quand on a fait notre droit, vous vous souvenez...

Une voix: C'est 10 ans.

M. Landry (Verchères): C'est 10 ans. On ne prescrit pas contre la couronne. Vous vous souvenez de ça? Là, ça n'a plus tellement cours, et il faut quand même que les livres soient éclaircis de temps en temps, alors on a 10 ans. Au fédéral, je pense qu'ils sont encore...

Une voix: Ils n'ont pas de limite.

M. Landry (Verchères): Ils sont encore à l'ancien axiome, on ne prescrit pas contre la couronne.

M. Bourbeau: À quel endroit est-ce qu'on retrouve ça? On peut continuer, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Barbeau): Je vais vous le dire quand...

M. Landry (Verchères): C'est probablement plus payant d'avoir une prescription que de traîner des dossiers pendant des siècles.

M. Bourbeau: Il reste quand même que le ministère du Revenu, lui, n'a pas la possibilité d'aller au-delà de trois ans, si je me souviens bien, sauf fraude, je crois.

M. Landry (Verchères): Je vais vous lire la page 111.

M. Bourbeau: À quel endroit êtes-vous, déjà?

M. Landry (Verchères): Je suis à l'annexe A, page 111: «Généralement, les droits et les autres montants dont un contribuable est redevable en vertu d'une loi fiscale se prescrivent par trois ans, à moins que la dette ne soit garantie par une hypothèque immobilière ou qu'un jugement n'ait été rendu par le contribuable concerné.

«Une modification sera apportée à la Loi sur le ministère du Revenu afin que la prescription de telles dettes ne puisse s'accomplir à l'encontre du ministère du Revenu avant l'expiration d'un délai qui, ajouté à celui déjà prévu par le Code civil du Québec et par les dispositions d'entrée en vigueur de ce code prévues par la Loi sur l'application de la réforme du Code civil, n'excède pas 10 ans au total.»

Trois ans, c'était trop court, on a mis... C'est vrai que trois ans, c'était trop court, parce qu'on est en système d'autocotisation.

M. Bourbeau: Donc, ça veut dire qu'un contribuable devra conserver ses documents pendant 10 ans plutôt que trois ans.

M. Landry (Verchères): Ce serait préférable, oui. C'est ça. Oui.

M. Bourbeau: Ça vaut pour une entreprise autant que pour un individu?

M. Landry (Verchères): Oui. Mais, avant ça – je ne suis pas un expert en fiscalité – dans l'ancien régime, trois ans, ce n'était pas un absolu, de toute façon. C'est parce que le Code civil a été modifié.

M. Bourbeau: Les lois fiscales, c'est de trois ans.

M. Landry (Verchères): Le Code civil a ramené la prescription à trois ans et, pour le ministère du Revenu, c'est trop court. C'est trop court parce qu'on est en autocotisation. Il faut «processer» tous ces rapports-là.


Ouverture d'une délégation du Québec au Viêt-nam

M. Bourbeau: Je voudrais changer de sujet complètement.

M. Landry (Verchères): Avec l'arrivée du renfort, peut-être que ça va se prêter à ça.

M. Bourbeau: Oui, effectivement. J'ai appelé au secours.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Le ministre, hier, c'est hier ou avant-hier dans ses nombreuses allocutions, a fait état de la fermeture de certaines maisons du Québec et délégations à l'étranger et à l'ouverture éventuelle ou imminente d'une délégation au Viêt-nam, je crois que c'est au Viêt-nam du Nord, conjointement avec la Caisse de dépôt et placement du Québec.

M. Landry (Verchères): Exact.

M. Bourbeau: Or, lors de la comparution du président de la Caisse de dépôt et placement du Québec récemment, le président nous a déclaré qu'il n'y avait aucun investissement au Viêt-nam. Il n'y avait rien au Viêt-nam. Alors, ça me semble un peu en contradiction avec ce que le président nous a déclaré. Est-ce que le ministre pourrait nous donner un peu plus d'éclairage?

M. Landry (Verchères): Au contraire, c'est dans un marché où on a rien et où on veut avoir quelque chose qu'on envoie un émissaire. Il n'y a aucune espèce de contradiction.

M. Bourbeau: Non, mais, ce que je veux savoir: Est-ce que la Caisse de dépôt...

M. Landry (Verchères): S'il n'y a rien, c'est pour en avoir.

M. Bourbeau: Vous avez l'intention d'ouvrir quelque chose?

M. Landry (Verchères): Bien, là, je ne veux pas parler pour le président de la Caisse. Vous savez que je ne suis pas son ministre de tutelle. Vous le savez, vous avez déjà été dans cette situation-là. Vous déposez le rapport à l'Assemblée nationale, vous l'avez fait et je le ferai. Mais je présume, en toute logique, que la Caisse veut accroître ses activités dans cette partie du monde, et on va partager avec la Caisse les frais d'une représentation. C'est d'autant plus pertinent que le prochain Sommet de la francophonie aura lieu au Viêt-nam et que le Viêt-nam est un membre de plus en plus actif de la francophonie. Alors, ça va servir des fins à la fois commerciales et diplomatiques.

M. Bourbeau: Viêt-nam du Nord ou Viêt-nam du Sud?

M. Landry (Verchères): La distinction ne se pose plus. La réunification est faite, et il n'y a plus qu'un Viêt-nam. La capitale s'appelle Hô Chi Minh-Ville, ce qui ne doit pas déplaire à votre renfort...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...qui, à une époque...

M. Bourbeau: Donc, en Viêt-nam, si je comprends bien...

M. Landry (Verchères): Je ne vous en fais pas le reproche, d'ailleurs, d'aucune façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Non, ne voyez rien, M. le député... Mme la Présidente, il n'y a rien de péjoratif à l'endroit du député, parce que ceux qui avaient choisi cette voie, en général, le faisaient avec une grande noblesse. Les intellectuels occidentaux au complet ont défendu l'action d'Hô Chi Minh contre l'occupant français en particulier, parce que c'était le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce n'est pas du tout un reproche que je fais, sauf que les temps ont changé. Et une journaliste française demandait justement à Hô Chi Minh, après la libération: Vous êtes content, M. le Président? Il dit: En politique, on n'est jamais absolument content. Je voulais un Viêt-nam, j'en ai deux. Mais les forces historiques ont fait que la réunification a fini par aboutir après des sacrifices inouïs pour la population du lieu.

(11 h 10)

M. Bourbeau: Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce que la Caisse de dépôt a l'intention de faire au Viêt-nam, exactement?

M. Landry (Verchères): Exactement, je ne peux pas le dire. Je peux m'informer. Mais, exactement, je ne peux pas le dire. Je présume que c'est de l'immobilier.


Autonomie de la Caisse de dépôt et placement du Québec

M. Bourbeau: Ça, ça crée un problème, Mme la Présidente, parce que le ministre des Finances nous dit qu'il n'est pas le ministre de tutelle de la Caisse de dépôt. Bon, la loi, effectivement, ne dit pas qu'il est le ministre de tutelle, mais, quand même, la Caisse... Est-ce que ça veut dire, ça, que la Caisse de dépôt n'est redevable devant personne de ses agissements, par exemple? Est-ce que l'Assemblée nationale peut se poser des questions sur les gestes de la Caisse de dépôt et demander à ce qu'on lui rende compte des agissements de la Caisse de dépôt à même le fonds de pension des Québécois?

M. Landry (Verchères): La Caisse de dépôt a été conçue au cours des années soixante. C'est Jean Lesage lui-même qui en a proposé la loi. Elle n'a guère été modifiée depuis. Ce qu'on a voulu faire surtout, c'est de donner à un conseil d'administration la responsabilité de gérer la Caisse à distance. Je pense que l'idée de base est la bonne. Mais, au cours de l'histoire de la Caisse, je ne me souviens pas que quelqu'un se soit plaint d'un manque de transparence. En fait, ils viennent m'accompagner, vous le savez, à la commission parlementaire. Vous avez questionné le président tant que vous avez voulu. Il a répondu comme il a voulu aussi, parce que c'est ça que Jean Lesage a voulu et que la loi a établi, qu'il n'est pas dans les mains du gouvernement. C'est un organisme public qui gère nos pensions. Les gens de la Régie des rentes sont représentés, plusieurs autres grandes organisations publiques, à toutes fins pratiques, ex officio, et d'autres membres sont nommés par le gouvernement. Je pense que c'est un assez bon système. On n'a pas intérêt à les mettre dans la main du gouvernement.

M. Bourbeau: Quand même, il y a quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas bien. Quand, par exemple, la Caisse de dépôt fait l'objet d'attaques virulentes sur la place publique pour des décisions qu'elle pose, il me semble que quelqu'un doit être en mesure de répondre devant la Chambre, par exemple, que ce soit la commission, ici, ou devant l'Assemblée nationale. Si, par exemple, je pose une question au ministre sur des décisions de la Caisse qui semblent être des décisions malencontreuses et qui sont de nature à appauvrir le fonds de pension des Québécois, il me semble que je verrais mal le gouvernement répondre qu'il s'en lave les mains et qu'il n'a rien à voir avec l'administration de la Caisse. Il faut que quelqu'un soit capable de répondre devant la commission, devant l'Assemblée nationale de décisions que la Caisse peut prendre.

M. Landry (Verchères): Bien, vous avez, je crois, été même jusqu'à... Ou c'est vous ou c'est nous, mais l'un des deux l'a fait, rendre presque inamovible le poste de président de la Caisse. C'est un mandat de longue durée. C'est vous, je pense, qui avez fait ça.

M. Bourbeau: Mais vous aussi.

M. Landry (Verchères): Bien, on n'a pas changé la loi. Alors, j'imagine que l'esprit...

M. Bourbeau: Bien, vous avez changé la loi.

M. Landry (Verchères): Hein!

M. Lachance: Effectivement. Pour la durée, non.

M. Bourbeau: C'est-à-dire que la loi a été changée quant au poste, là, mais le délai est demeuré le même, le mandat est le même.

M. Landry (Verchères): Bon, alors j'imagine que le législateur a voulu donner la liberté au président, faire de lui une espèce de magistrat. Donc, s'il a des mésaventures immobilières... Vous en avez largement discuté, puis le président n'a pas nié, d'ailleurs, qu'il en avait eu, comme les frères Reichmann et comme bien d'autres, l'immobilier s'est effondré en Occident et la Caisse a vécu un mauvais quart d'heure, ce qui n'a pas empêché ses rendements, en particulier cette année, d'être exemplaires.

Alors, on fait confiance au conseil d'administration, à un président-directeur général nommé pour 10 ans et, si le système n'est pas satisfaisant, on pourrait le revoir. Mais, moi, je le trouve plutôt satisfaisant. Je ne voudrais pas être celui qui serait dans la position d'arbitrer les placements hypothécaires de la Caisse de dépôt et placement. Parce que, si c'est la responsabilité ministérielle, c'est ça, vous allez pouvoir me questionner sur la pertinence de tel ou tel placement. Je ne pense pas que l'intérêt public serait bien servi. Mais vous pouvez, à tous les ans et plus fréquemment s'il y a lieu, questionner publiquement les autorités de la Caisse. Ça, je pense que c'est bien. Il y aurait une grosse côte à remonter avant de me persuader de changer le système.

M. Bourbeau: Ce n'est pas... Bon, questionner les autorités de la Caisse, j'ai remarqué que l'occasion ne se présente pas très souvent, ça se présente une fois par année lors de l'étude des crédits. Ce qui ne serait pas correct, c'est que le gouvernement refuse de répondre à des questions concernant des décisions de la Caisse qui auraient des répercussions très néfastes sous prétexte que la Caisse, semble-t-il, jouit d'un statut spécial. Et ce n'est pas parce que le président est nommé pour 10 ans qu'il a une immunité plus grande que s'il était nommé pour trois ans ou pour cinq ans. Le délai, dans le fond, n'a pas tellement d'importance.

M. Landry (Verchères): Ah non, non, non! Là, je diverge totalement d'avis.

M. Bourbeau: Ce qui compte, c'est que...

M. Landry (Verchères): Quelqu'un qui est nommé pour 10 ans, c'est qu'on veut solennellement reconnaître sa liberté d'action.

M. Bourbeau: Bien, cinq ans...

M. Landry (Verchères): Autrement, il se ferait menacer d'être viré au jour le jour.

M. Bourbeau: Bien, remarquez qu'on a vu dans le passé des gens qui ont été virés quand même. Même s'ils ont une liberté d'action, rien n'empêche le gouvernement de...

M. Landry (Verchères): Dans les cas graves, vous avez raison.

M. Bourbeau: ...virer quelqu'un. On l'a fait dans le passé.

M. Landry (Verchères): Dans les cas graves, vous avez parfaitement raison. C'est un peu comme les autorités de la Banque du Canada. On a...

M. Bourbeau: Vous l'avez fait vous-même à l'égard de l'ancien président de la Caisse.

M. Landry (Verchères): On a parlé de la situation de la Banque du Canada – je ne sais pas si vous étiez là ou n'y étiez pas – il faut qu'il y ait une distance entre l'autorité monétaire et le gouvernement et il faut qu'il y ait une distance entre l'autorité financière d'une organisation qui gère 60 000 000 000 $ et le gouvernement. Si je me glorifiais, comme ministre des Finances, des bons coups de la Caisse de dépôt, vous seriez le premier à me le reprocher, parce que ce n'est pas moi, c'est eux. Mais les mauvais coups, c'est la même chose. Si l'opposition croit que le système, conçu par elle-même, d'ailleurs, à l'époque où elle était au pouvoir, doit être changé, qu'elle développe une doctrine à cet effet et on la regardera. Mais, pour l'instant, je ne crois pas qu'il y ait lieu de bouleverser nos rapports avec la Caisse de dépôt.

M. Bourbeau: Mon but n'est pas de changer les rapports, M. le Président, mais seulement de souligner qu'il m'apparaît incongru qu'un organisme qui administre des fonds publics – ce sont des fonds publics payés par les Québécois – ne soit pas redevable devant personne de ses agissements. Je verrais très mal le ministre des Finances, par exemple, refuser de répondre à une question en Chambre au sujet de la Caisse de dépôt parce qu'il n'est pas le ministre de tutelle. À ce moment-là, il va falloir que quelqu'un dise qui... C'est le gouvernement, à ce moment-là, qui est de tutelle.

M. Landry (Verchères): Vous ne pouvez pas me considérer comme le ministre de tutelle, c'est la loi. Vous avez été 10 ans au pouvoir. Si vous vouliez la changer, c'était de le faire.

M. Bourbeau: Mais j'ai répondu aux questions sur la Caisse de dépôt.

M. Landry (Verchères): Oui, parce que vous êtes celui qui dépose le rapport à l'Assemblée nationale et qui répond à l'Assemblée nationale, mais vous ne pouvez pas être tenu responsable, vous ne pouviez pas l'être...

M. Bourbeau: Non, très bien.

M. Landry (Verchères): ...des agissements de la Caisse. Vous avez, me dites-vous, donné l'exemple de la transparence quand vous étiez ministre des Finances face à la Caisse de dépôt?

M. Bourbeau: Oui.

M. Landry (Verchères): Je vais suivre votre exemple.

M. Bourbeau: Excellent.

M. Landry (Verchères): Je m'engage à faire comme vous.

M. Bourbeau: Très bien.

M. Landry (Verchères): Qu'est-ce que vous voulez de plus?

M. Bourbeau: Très bien.

M. Landry (Verchères): Au moins dans ce que vous avez fait de bien.

M. Bourbeau: Très bien. Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Est-ce que...

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste un petit peu de temps, je pense. Deux minutes? Une minute.


Capitalisation des dépenses pour l'entretien du réseau routier

M. Bourbeau: Il y avait un autre point dont je voulais entretenir le ministre, c'est la question du fonds d'asphalte. Alors, là, j'en ai traité un peu lors de l'allocution sur l'adoption de principe, le gouvernement semble changer ici de technique relativement à ses dépenses considérables sur le réseau routier québécois en décidant tout à coup de ne plus payer sur une base annuelle, sur une base «pay as you go» – vous me passerez l'expression – ...

Une voix: Pay as you drive.

M. Bourbeau: ...«pay as you pave»...

Une voix: As you drive.

M. Bourbeau: ...oui, les dépenses pour l'asphalte, mais en capitalisant sur cinq ans les dépenses pour l'entretien du réseau routier. À l'extrême rigueur, je comprendrais qu'on puisse amortir sur une période de temps la construction des autoroutes...

M. Landry (Verchères): C'est ça qu'on fait aussi.

M. Bourbeau: ...mais on va beaucoup plus loin que ça, là. On dit qu'on va amortir sur cinq ans non seulement la construction, mais également la réparation, le pavage d'entretien des routes québécoises.

Ça veut dire, ça, si je comprends bien, que le gouvernement va paver aujourd'hui et va payer sur cinq ans le coût de ces pavages-là. Ça m'apparaît être carrément, pour la partie entretien, des dépenses d'épicerie. Bon, si le ministre des Finances estime que je me trompe, tant mieux, mais ça m'apparaît être des dépenses d'épicerie parce que ce sont des réparations d'usage. À chaque année, à cause de la température que nous devons subir, le réseau québécois subit des détériorations et on doit régulièrement apporter des traitements de pavage pour entretenir le réseau routier. C'est une nouvelle technique que semble vouloir adopter le gouvernement, de faire des travaux maintenant et de payer sur une période de cinq ans ou plus longue selon le type de travaux.

(11 h 20)

Ça permettra, bien sûr, de faire beaucoup plus de travaux la première année et de payer peu la première année. Par contre, on doit réaliser que, ça, c'est une technique qui, rapidement, va s'avérer extrêmement onéreuse parce que, la deuxième année, on va payer peu aussi, on va aussi amortir sur cinq ans, mais là on devra prendre le paiement de l'année précédente. La troisième année, on devra payer les paiements des deux premières années, et, finalement, au bout de cinq ans, on fera un certain montant de pavage et le versement qu'on aura à payer sera aussi important que si on avait payé comptant, parce qu'on traînera les coûts des quatre premières années. Finalement, au bout d'un certain nombre d'années, on ne fera pas plus de pavage qu'aujourd'hui, puis on paiera deux fois plus cher parce qu'on devra traîner tout le bagage de l'ancien pavage, le financement de l'ancien pavage, en plus de payer les coûts d'une proportion du pavage de l'année courante.

Ça ne m'apparaît pas être une décision qui est de nature, là, à rassurer les Québécois quant à la solidité des finances publiques, parce qu'on se trouve à reporter dans le temps, à mon avis, des dépenses courantes quand on parle de l'entretien du réseau routier. Alors, est-ce que le ministre pourrait nous donner quelques renseignements là-dessus ou nous rassurer, en tout cas, sur sa volonté de ne pas reporter sur les années suivantes les dépenses qu'on appelle communément les dépenses d'épicerie?

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): Oui. M. le Président, je pense que le député de Laporte sera rassuré quand il aura vraiment compris le système, y compris les normes du système. Premièrement, ce fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier est tout ce qu'il y a de plus régulier et conventionnel sur le plan comptable. Le fonds est créé dans le but d'améliorer la méthode de comptabilisation des dépenses d'immobilisations reliées au réseau. Les normes comptables généralement reconnues et édictées par l'Institut canadien des comptables agréés permettent de porter à l'actif des dépenses de conservation et d'amélioration du réseau routier. Les municipalités, en particulier, portent elles aussi à leur actif leurs travaux de conservation et d'amélioration de leur propre réseau routier. Le gouvernement le fait dans nombre d'autres aspects de la gestion du secteur public. Les hôpitaux, les collèges, les universités sont toujours considérés comme des actifs à vie utile dépassant l'année d'exercice.

Dans le cadre budgétaire actuel, le gouvernement doit absorber dans l'année où ils sont engagés tous les coûts de ces investissements sur le réseau routier, quelle que soit leur vie utile. Qu'il s'agisse d'un gros pont ou qu'il s'agisse d'une chaîne de trottoir, tout est comptabilisé dans l'année où la dépense est faite. Ce n'est pas absolument rationnel ni conforme à ce qui se fait dans le secteur privé. En capitalisant la valeur des travaux au moment de leur réalisation, en les amortissant à chaque année par la suite, on se trouve à faire coïncider le moment où se réalisent les bénéfices et le moment où les dépenses sont inscrites dans les comptes. Une telle pratique favorise une meilleure gestion et de meilleurs choix. Vous auriez probablement dû considérer la chose. Puisque vous le faisiez déjà pour tous les autres équipements publics, pourquoi pas ceux-là?

La période d'amortissement utilisée, par ailleurs – et là le député de Laporte sera rassuré, je l'espère – correspondra à la période la plus courte de l'intervalle de durée de vie d'un actif. Si on nous dit, si les ingénieurs et les techniciens nous disent: Cet actif a une durée de vie, disons, de cinq à huit ans, on ne met pas huit, on met cinq. On prend toujours l'hypothèse la plus prudente. On prend toujours le bas de la fourchette. Le principe de capitalisation est le même qui est utilisé pour les écoles et les hôpitaux, et vous n'avez jamais trouvé rien à redire là-dessus. Alors, c'est la même chose pour les équipements de circulation routière qui ont aussi une vie qui déborde cinq exercices. Il n'y a rien en bas de cinq ans là-dedans. Et, si c'est entre cinq et 25, on prend toujours cinq. On prend toujours l'hypothèse la plus prudente.

Il s'agit d'une première étape d'un plan d'investissement visant à doter le Québec d'un réseau routier de la qualité requise pour favoriser le commerce, le déplacement des personnes et la vie économique du Québec en général. Par ailleurs, les autres dépenses relatives au réseau routier, les dépenses d'entretien du réseau, les subventions aux municipalités, les dépenses de fonctionnement des ateliers de mécanique, la signalisation et le soutien administratif, qui totalisent 516 000 000 $ pour l'exercice, ne feront pas l'objet de capitalisation et d'amortissement. Seuls, vraiment, les vrais actifs fixes à durée de plus de cinq ans sont compris dans cet amortissement et vont se refléter à tous les exercices de la vie utile la plus courte présumée de cet équipement.

Je pense que c'est une bonne façon de faire les choses, surtout que l'État est très impécunieux, on le sait. On sait pourquoi, d'ailleurs. On sait quelle est la longue série de négligences qui nous ont conduits dans l'état où nous sommes. Est-ce que nous allons, en plus, prendre des risques avec la sécurité des voyageurs sur notre réseau routier, laisser se dégrader notre infrastructure parce que le gouvernement n'a pas comprimé ses dépenses assez vite, pendant que le Canada entier le faisait, ou a laissé galoper des déficits sur lesquels on a déjà eu plusieurs discussions? Alors, je pense que c'est une façon rationnelle, acceptée par les comptables, acceptée par l'ancien gouvernement dans plusieurs autres aspects de la gestion. Pourquoi pas celui-là? Est-ce qu'il y a une bonne raison?

M. Bourbeau: Mme la Présidente, est-ce que le ministre pourrait nous dire exactement ce qu'on entend par les mots «conservation des chaussées»? Quelle différence est-ce qu'il y a entre «conservation des chaussées» et «entretien»?

M. Landry (Verchères): Attendez un peu, je ne suis pas ingénieur moi-même, là, je vais être obligé de...

M. Bourbeau: Mais vous en parlez d'abondance.

M. Landry (Verchères): On ne peut pas avoir tous les métiers. Vous n'êtes pas ingénieur vous non plus, à ce que je sache, on est deux juristes, surtout.

M. Bourbeau: Non, mais je...

M. Landry (Verchères): Conservation des chaussées: remplacement de la couche d'usure, réfection et renforcement de l'assise routière. La période de vie utile d'une couche d'usure, c'est de cinq à huit, on l'amortit en cinq.

M. Bourbeau: Bon. Alors, voilà exactement, Mme la Présidente, où j'en ai.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte, je vous ai laissé aller, mais là j'ai deux demandes, ça fait que vous pourrez revenir...

M. Bourbeau: Bien, j'aimerais quand même terminer sur ce sujet-là, ça serait un peu étonnant...

M. Laprise: C'est un autre sujet.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est un autre sujet? O.K. On va vous laisser encore un peu de temps.

M. Laprise: C'est un autre sujet, j'aime autant qu'il finisse.

M. Bourbeau: Je laisserai après ça mes collègues...

La Présidente (Mme Barbeau): O.K., s'il y a consentement.

M. Bourbeau: Regardez, M. le ministre, tantôt, quand j'ai fait mon intervention, j'ai parlé de l'état de la conservation de la chaussée, je n'ai pas parlé du développement du réseau. D'ailleurs, j'ai spécifiquement dit que je comprenais bien que, quand on construit une autoroute, ça peut s'amortir sur une période d'années. J'ai parlé de la conservation des chaussées, j'ai parlé de couche d'usure, etc. Pour moi, c'est de l'entretien, une couche d'usure, c'est de l'entretien.

Le ministre a fait une diversion en parlant des municalités qui capitalisent sur une période de temps leurs travaux routiers. Erreur. Les municipalités vont capitaliser, oui, les travaux d'infrastructure, les trottoirs, la construction des routes, mais, lorsque les municipalités font des travaux d'entretien de pavage pour la conservation des routes, d'une façon générale, les municipalités ne capitalisent pas ça et ne vont pas emprunter sur une période de cinq ans ou 10 ans pour refaire le pavage sur une rue dans une municipalité, ce n'est pas dans les coutumes municipales que de faire un emprunt. Je sais qu'il y a d'anciens maires ici, autour de la table, et je ne vois pas l'ancien maire de Saint-Félicien demander à ses contribuables de faire un emprunt de 1 000 000 $ pour simplement refaire une couche d'usure sur des pavages dans la ville de Saint-Félicien. Je pense qu'il aurait eu de la difficulté à faire passer son règlement et, encore plus, le référendum qui s'en serait suivi.

Alors, je comprends que le gouvernement veuille étirer le plus longtemps possible les factures – surtout avec la loi antidéficit qui s'en vient, ça va être un peu contraignant – mais je crois qu'à l'égard de la conservation de la chaussée, là, on étire un peu trop long l'élastique. Il n'y a pas de coutume au Québec nulle part, à ma connaissance en tous les cas, qui justifie que l'on capitalise sur une période d'années, ne serait-ce que cinq ans, l'entretien des pavages, la réparation des pavages. On parle quand même d'une somme importante, là, on parle, pour la conservation des chaussées, de 645 000 000 $ additionnels. Donc, on prétend qu'on va faire 645 000 000 $ de plus par année. C'est quand même des sommes importantes dont le paiement va être reporté sur une certaine période de temps. Comme je le disais tout à l'heure, 645 000 000 $ par année de plus, ça veut dire que, si on l'amortit sur cinq ans, il va y avoir à peu près 500 000 000 $ qui vont être décalés dans le temps à chaque année. On va bâtir, avec ça – excusez – une balloune de 2 000 000 000 $, à peu près, qui va toujours être là au-dessus de nos têtes et qui va faire en sorte que, dans quatre ans, cinq ans, six ans, on paiera encore pour des pavages faits cette année et l'an prochain, etc.

Alors, bien, écoutez, à moins que j'aie mal compris, le ministre, tantôt, a bien parlé de la conservation des chaussées amortie sur une période de cinq ans. Il nous a dit subséquemment qu'on parlait de pavage d'usure. Alors, je ne vois pas, là, comment mes propos peuvent être erronés. Alors, M. le ministre peut peut-être clarifier encore la situation.

(11 h 30)

M. Landry (Verchères): Alors, vous semblez confondre ce qu'on appelait, dans la politique folklorique québécoise, autrefois, le «patchage». Mais, ça, le «patchage», on ne l'amortit pas, c'est les nids de poule, c'est de l'entretien courant, ça. Mais, tout ce qui a une vie utile, comme une couche d'usure sur une autoroute, de cinq à huit sera amorti sur cinq ans. Alors, il n'est pas question de balloune, d'aucune façon. Dans cinq ans, ça va être à zéro aux livres, ça va être amorti par tranches égales annuelles et la dette servie. Alors, où est le problème? Celui qui...

M. Bourbeau: Écoutez, il est évident, le problème.

M. Landry (Verchères): Non, mais n'importe quel contribuable, là, qui pourrait nous écouter, ou qui lirait le Journal des débats , ou n'importe quel étudiant en administration, dans n'importe quel cégep, sait bien que, dans un immeuble, si on fait des réparations qui touchent, disons, une rampe de galerie qui va durer 15 ans, on ne va pas, d'ailleurs le fisc ne l'acceptera pas, prendre ça en une seule année. Le percepteur de l'impôt ne voudra jamais qu'une telle chose ne survienne. Il va dire: C'est de l'investissement. Bien, c'est la même chose pour les pavages.

M. Bourbeau: Là, je regrette.

M. Landry (Verchères): Et, dans les municipalités, ce n'est pas la même chose. Quelle municipalité entretient des chaussées qui ressemblent à celles de l'autoroute 20? Aucune. Les rues de Saint-Félicien ne sont pas, sur le plan technique, conçues et entretenues comme l'autoroute 20.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, là je dois dire que je diverge totalement d'opinions avec le ministre. Le ministre, peut-être dans les cégeps, là, a raison, mais, sur le plancher des vaches, là, il n'y a pas un vérificateur au Québec qui va capitaliser la réparation d'une rampe de galerie, je regrette.

M. Landry (Verchères): Non, non, je n'ai pas dit la rampe, j'ai dit la galerie au complet, refaire la galerie, un investissement majeur sur la maison.

M. Bourbeau: De toute façon, j'ai entendu tantôt une rampe de galerie. C'est bien évident que, quand on fait des réparations, c'est toujours des dépenses courantes, ça ne peut pas être capitalisé, là.

M. Landry (Verchères): Réparations courantes, mais réparations majeures, capitalisées. C'est ça qu'on vous dit aujourd'hui.

M. Bourbeau: Oui, ça peut être capitalisé si c'est vraiment majeur, là, mais le ministre ne viendra faire croire à personne ici qu'une couche d'usure c'est une réparation majeure.

M. Landry (Verchères): Est-ce que ça dure cinq ans? Oui. Non. Si ça dure cinq ans, c'est un actif fixe.

M. Bourbeau: Non, la question n'est pas là, la question n'est pas là du tout. Vous faites une réparation à votre rampe de galerie, qui est une dépense courante, et ça va durer cinq ans, c'est évident, au moins j'espère, peut-être 10 ans, même, mais vous ne pourrez pas la capitaliser, l'impôt ne me le permettrait certainement pas. Et c'est la même chose pour...

M. Landry (Verchères): Écoutez, tous les comptables font la distinction que l'on fait dans notre budget entre les investissements à longue durée et les réparations courantes. Les investissements à longue durée sont capitalisés, dans le privé comme dans le public.

M. Bourbeau: Non, je regrette.

M. Landry (Verchères): Si l'hôpital Notre-Dame bâtit un pavillon, le paie-t-il cette année? Réponse: non, ils l'amortissent. Vous-même, vous étiez ministre des Finances et vous leur avez donné les moyens de cette pratique comptable. Si vous l'avez accepté pour ça, pourquoi est-ce que vous ne l'acceptez pas pour un équipement qui s'amortit sur huit ans, mais on le met à cinq pour être plus sûr?

M. Bourbeau: Je soumets, Mme la Présidente, que la durée n'a rien à voir. Si on fait une réparation, si je fais une réparation, ça peut être une réparation tout à fait d'entretien, et la durée de cette réparation-là, la vie utile peut être de cinq ans, 10 ans, 15 ans. Ça n'a rien à voir, absolument rien à voir...

M. Landry (Verchères): Si ça n'a rien à voir, d'où vient la notion d'amortissement si répandue en comptabilité?

M. Bourbeau: ...c'est le type de travail qui est fait. Si c'est une dépense capitale, à ce moment-là, on peut la capitaliser. Si c'est une dépense d'entretien, à ce moment-là, c'est une dépense, même si la vie utile de l'entretien peut être de 10 ans, cinq ans, huit ans, ça peut être 20 ans. On peut faire une réparation d'entretien qui va durer 20 ans, mais elle n'est pas capitalisable, on doit la passer aux dépenses courantes.

Alors, dans le cas d'une chaussée, une couche d'usure sur une chaussée, il n'y a personne au Québec, enfin il n'y a pas un comptable au Québec qui va prétendre qu'on peut la capitaliser, que c'est une dépense capitale que de réparer une chaussée. On sait ce que c'est que de réparer une chaussée. Vous avez une chaussée – bon, les nids de poule, c'est peut-être fort un peu – un pavage qui est usé, avec des crevasses, des trous, etc., à un moment donné, on décide qu'il y en a assez, il faut remettre une couche d'asphalte. Ça, ce n'est pas une dépense capitale, c'est de l'entretien. C'est une couche d'usure et ce n'est pas capitalisable.

M. Landry (Verchères): Si vous aviez raison, pourquoi, quand vous étiez ministre des Finances, dans vos dépenses excédant le compte courant, vous l'avez toujours mise, ladite couche d'usure? Qu'est-ce que c'est que ça? Pourquoi, ce matin, vous défendez des thèses ayant pratiqué le contraire tout le temps que vous avez été ministre? Quand on fait le compte d'exploitation du gouvernement, on soustrait les dépenses capitales. Ces couches d'usure, vous les avez toujours soustraites pour établir l'équilibre entre le compte courant et les dépenses globales. Si vous le faisiez, mais n'aviez pas eu la précaution de l'amortir, pourquoi venez-vous nous dire aujourd'hui que la durée de l'actif n'a aucune espèce d'importance?

M. Bourbeau: Alors, le ministre des Finances, dans son propre document sur le budget, en page 126, nous dit ceci: «Dans le cadre budgétaire actuel, le gouvernement doit absorber dans l'année où ils sont engagés tous les coûts de ses investissements sur le réseau routier, alors que les bénéfices en découlant s'échelonnent sur plusieurs années».

M. Landry (Verchères): Vous avez vu le mot «investissements», là?

M. Bourbeau: Oui, oui, absolument.

M. Landry (Verchères): Bien, c'est ça, le cadre budgétaire.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui?

La Présidente (Mme Barbeau): C'est parce qu'il y a eu consentement pour vous laisser encore plus de temps, mais là j'ai eu des signes que les députés voudraient poser des questions.

M. Bourbeau: D'impatience?

La Présidente (Mme Barbeau): Ça fait que vous pourrez revenir après le prochain député ministériel. Alors, je donne la parole au député de Roberval.

M. Laprise: C'est un autre sujet, Mme la Présidente, c'est concernant les crédits. On parlait tout à l'heure de l'assurance-maladie. Maintenant, on sait que l'assurance-médicaments va arriver bientôt. On met une déduction de base aux personnes âgées de 26 000 $ pour payer ou non payer la prime ou encore au niveau des franchises. Est-ce que, à ce moment-là, c'est pour tout le monde pareil ou bien si c'est seulement pour les personnes âgées, cette déduction de 26 000 $? Parce qu'on a vu des tableaux hier, et on voyait, pour des individus, 10 400 $, et entre 10 000 $ et 11 000 $ pour certains individus. Alors, je voudrais savoir si c'est pour la franchise ou si c'est pour la prime, la base du 26 000 $.

M. Landry (Verchères): Le 26 000 $, Mme la Présidente, il ne touche que les dimensions fiscales du présent budget. Vous vous souvenez que les députés de notre caucus ministériel, en particulier, avaient insisté lourdement, et avec raison, pour que les moins bien nantis ne soient pas touchés par les mesures fiscales du budget. Nous avons suivi cette demande. Tout ce qui est dit dans ce budget en matière fiscale laisse à l'écart ceux qui gagnent moins de 26 000 $ net, mais toute la question de l'assurance-médicaments est une autre chose.

M. Laprise: C'est une autre chose, O.K.

M. Landry (Verchères): Si on l'avait annoncé dans le budget, bien, là il aurait fallu que je modifie mes phrases.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. le député de Laporte, c'est à vous encore. Il y en aurait peut-être un autre, mais, si on y va par alternance, c'est à vous.

M. Bourbeau: Allez-y.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K. M. le député de Crémazie.


Dette directe du gouvernement

M. Campeau: Merci, Mme la Présidente. J'en suis à l'annexe C, à la page 19, où il est question de la dette directe du gouvernement du Québec. J'ai une question en trois volets, Mme la Présidente. Ma première question. Au premier paragraphe, je vois que la dette à taux fixe du gouvernement est de 58,7 %, disons 59 %, contre une dette à taux variable de 39 %. Est-ce que le ministre a l'intention d'augmenter la dette à taux fixe et de diminuer sa dette à taux variable? Parce que le fait d'avoir la dette à taux variable rend le gouvernement vulnérable quand il y a une hausse des taux d'intérêt. Le sous-ministre a dit hier que 1 % à la hausse ou à la baisse est équivalent à 150 000 000 $. Alors, compte tenu de l'économie, compte tenu des taux d'intérêt, est-ce qu'il ne serait pas approprié, cette année, d'augmenter la dette à taux fixe, de la fixer pour plusieurs années, plutôt que de jouer sur une dette à taux variable, qui est quand même très significative à 39 %, qui peut occasionner des coûts pour les prochaines années, des coûts importants, et qui empêche une prévision exacte de se faire dans les dépenses d'intérêt? C'est le premier volet de ma remarque, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous avez 10 minutes, vous pouvez avoir plusieurs volets, si vous voulez.

M. Campeau: Alors, j'y vais pour un deuxième: l'échéance moyenne. Je vois que l'échéance moyenne est maintenant de 8,3 ans, au 31 mars 1996. Est-ce qu'il n'y a pas lieu, encore ici, compte tenu des marchés favorables, d'augmenter l'échéance moyenne, d'augmenter la durée ou, s'il y a lieu, s'il y a des raisons importantes pour la tenir à ce niveau-là ou même la réduire, l'échéance moyenne? C'est quand même un facteur important dans l'établissement de la dette, dans la cédule des dettes ou dans un tableau de dettes, si vous voulez.

Mon troisième volet, c'est quand je regarde le tableau C.9, Dette directe du gouvernement incluant l'effet des transactions d'échange de devises. Est-ce qu'on peut savoir, avant les transactions d'échange de devises, où se situent les différentes monnaies, dollar canadien et dollar américain? Là, on voit, en dollars canadiens, 34 000 000 000 $ après l'effet des transactions d'échange de devises. Avant les transactions d'échange de devises, est-ce qu'on peut voir où on se situe pour les autres monnaies? C'est les trois volets de la question, Mme la Présidente.

(11 h 40)

La Présidente (Mme Barbeau): Ce ne sera pas tellement long, M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Non, est-ce que je peux revenir?

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, oui. Vous avez droit à 10 minutes, mais vous pouvez les prendre en une ou plusieurs interventions.

M. Campeau: Ça va. Je reviendrai après certaines réponses.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre, est-ce que vous êtes prêt à répondre?

M. Landry (Verchères): D'abord, je remercie le député de Crémazie de poser des questions, au fond, largement pour que le public et l'opposition soient informés, parce qu'il connaît les réponses aussi bien que moi, sinon mieux.

Sur la question des taux fixes et des taux variables, l'appareil de gestion de la dette du ministère des Finances du Québec est à ce point développé et sophistiqué – on l'a dit antérieurement dans cette commission – qu'on joue le marché au jour le jour et d'heure en heure. Un taux fixe n'est pas particulièrement avantageux s'il nous conduit à payer des taux plus élevés que ce qu'on pourrait avoir au jour le jour en travaillant sur les marchés. Alors, il n'y a pas un absolu de préférence du taux fixe au taux variable. On joue au mieux, et on pense qu'avec ça on économise des centaines de millions de dollars.

Quant à l'échéance moyenne, elle est actuellement de 8,3 ans, et nous avons comme objectif de l'étirer plutôt vers 10 ans. Nos refinancements réguliers nous permettent d'aller vers cet objectif sans faire de concession au marché, par ailleurs; pas payer plus cher pour changer nos moyennes.

Sur la dernière partie de la question, sur les questions monétaires, et sur les swaps, et sur les techniques de «edging», si vous me passez l'anglicisme que nous utilisons, je vais passer la parole à un spécialiste plus pointu que je ne le suis. C'est le sous-ministre qui pourrait parler de ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Monsieur, juste vous identifier pour commencer.

M. Rhéaume (Alain): Alain Rhéaume, pour le ministre des Finances.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K.

M. Rhéaume (Alain): La question était à savoir si, comparativement à la structure de dette après swaps ou après transactions d'échange de devises qui est présentée dans le discours sur le budget, on pouvait donner de l'information sur la structure avant. Il y a moyen de reconstruire cette information, mais ce serait un travail assez fastidieux de le faire. On utilise à chaque jour toute la panoplie des instruments dérivés qui sont disponibles pour restructurer notre dette, autant en termes de taux d'intérêt qu'en devises, de sorte que nous avons toujours un portrait très à date de où se situent les engagements du gouvernement en termes de dette, quelle est la structure de ces engagements-là, mais, à chaque instant, nous n'avons pas une lecture historique d'où elle se serait située si on n'avait jamais travaillé sur sa structure avec les instruments de protection qu'on utilise. De sorte que ça pourrait être reconstruit pour une date donnée, mais, je veux dire, ce n'est pas quelque chose qui est disponible sur une base régulière.

Par ailleurs, on peut apporter aussi une nuance additionnelle concernant la vulnérabilité ou la variabilité du service de la dette qui est associée soit aux mouvements du taux de l'intérêt ou aux mouvements du taux de change. Il doit être noté qu'on utilise aussi l'ensemble des produits dérivés pour gérer non seulement la structure de dette à un moment donné, mais aussi pour gérer le coût du service de la dette. Par exemple, en cours d'année, on utilise certains instruments pour geler le service de la dette ou la valeur qu'une monnaie prendra à un moment donné durant l'année, de sorte que, même si l'indice de variabilité est que, pour un point de pourcentage de taux d'intérêt, ça représente 150 000 000 $ en plus ou en moins sur le coût du service de la dette, il est possible que notre position dans le temps fasse en sorte que, dans l'année où le mouvement se produit, le coût ou le bénéfice ne soit pas du tout de 150 000 000 $, puisque le service de la dette aurait pu être gelé pour trois, quatre, cinq ou six mois d'avance.

M. Campeau: Vous permettez, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Ma question était... C'est que, dans nos livres, on doit avoir exactement aujourd'hui les emprunts contractés en différentes monnaies, il doit y avoir des chiffres qui existent. Là, vous mettez les chiffres d'exposition après les transactions d'échange de devises. Et c'est deux transactions: une transaction, c'est un emprunt, et l'autre, c'est l'échange. Alors, ce que je demandais, il faut qu'il existe et qu'il soit simple à trouver, sans ça vous ne pouvez pas opérer. Peut-être que j'ai mal formulé ma question.

M. Rhéaume (Alain): Comme je disais, à une date donnée, il y a des transactions d'échange de devises qui touchent, je veux dire, le panier de monnaies et qui ne touchent pas un emprunt en particulier. Il y a plusieurs années, on faisait des transactions d'échange de devises rattachées à chacun des emprunts. Aujourd'hui, on fait des transactions d'échange de devises qui portent sur la devise et, donc, sur le panier d'emprunts. Donc, chaque emprunt n'est pas suivi comme tel à savoir si l'emprunt contracté en livres sterling a, lui, été l'objet d'une transaction d'échange de devises pour convertir cet emprunt-là en dollars canadiens ou en dollars américains, par exemple. L'ensemble de la dette contractée en livres sterling peut avoir fait l'objet, en tout ou en partie, de la transaction d'échange de devises. C'est pour ça que je disais que chaque emprunt n'est pas nécessairement identifié avec une transaction d'échange de devises qui se rapporte directement à cet emprunt-là.

Cependant, pour les dates de fin d'exercice, il est possible de reconstruire, disons à partir de l'exposition qui est indiquée dans le discours sur le budget – l'exposition étant indiquée parce que c'est ce qui est pertinent pour juger effectivement de la vulnérabilité ou, disons, du coût du service de la dette – donc il est possible de rebâtir, à partir de cette exposition-là, par panier de monnaies, dire comment l'ensemble de la dette a été contracté à l'origine. C'est une information que je n'ai pas ici, mais c'est possible de le faire.

M. Campeau: Mais, si on faisait un emprunt aux États-Unis demain matin, dans le prospectus, on mettrait la liste de tous nos emprunts avec les échéances selon la monnaie empruntée. On l'aurait, là. Peut-être que je me fais mal comprendre. Moi, je dis: Est-ce que ça existe, la liste de tous les emprunts du gouvernement avant les transactions d'échange de devises, pour qu'on puisse trouver le total en monnaie canadienne, le total sur les différents marchés? Et, si on additionne tout ça, on va le trouver facilement. Il y a un document qui existe à quelque part qui n'est pas là.

M. Rhéaume (Alain): Vous avez raison, c'est ce que je viens de dire. C'est-à-dire qu'on présente dans le budget l'exposition finale, mais il existe un compte, disons un relevé des emprunts effectués originalement.

M. Landry (Verchères): Est-ce qu'il serait utile de présenter ça? Est-ce que le public pourrait utiliser à bon escient une telle information? Je pense que c'est ça, la question.

M. Rhéaume (Alain): Oui...

M. Landry (Verchères): Si oui et si elle est disponible, pourquoi ne pas la publier?

M. Rhéaume (Alain): Voici la raison pour laquelle ce n'est pas publié directement, c'est parce que les emprunts contractés dans leur monnaie d'origine, je veux dire, ont vu leur monnaie d'origine évoluer selon les taux de change avec le temps. Donc, de présenter la liste des emprunts effectués initialement ne correspond pas à présenter la valeur de ces emprunts à une date donnée.

M. Landry (Verchères): Ça aurait un intérêt historique.

M. Campeau: Non.

M. Rhéaume (Alain): Ça aurait un intérêt historique, oui.

M. Campeau: On ne se comprend pas. Pourquoi? Si on fait un emprunt demain matin aux États-Unis, il nous faut fournir dans un prospectus la liste de toute notre dette détaillée, tous nos emprunts et les échéances. C'est ça que je disais.

M. Landry (Verchères): Mais celui qui lirait cette liste, disons qu'il y a un emprunt en deutsche Mark qui a été fait il y a cinq ans, il est obligé de corriger parce que ça n'a aucune pertinence aujourd'hui, la valeur du deutsche Mark a énormément évolué par rapport au dollar US et au dollar canadien.

M. Campeau: Tout à fait.

M. Landry (Verchères): Alors, ou l'utilisateur du tableau fait sa conversion ou on la fait pour lui. Je pense que c'est ça, la question.

M. Campeau: Parfait.

M. Landry (Verchères): Avec les moyens de calcul d'aujourd'hui, ça ne doit pas poser de grands problèmes d'actualiser un deutsche Mark.

M. Campeau: Mais c'est encore plus compliqué de présenter le tableau qui est là que ce dont je parle.

M. Landry (Verchères): Alors, je pense que c'est une suggestion pertinente qu'on pourrait étudier, pour voir comment on pourrait donner une vue plus transparente de nos mouvements en devises.

M. Campeau: Ça va. Ça va, madame, merci.

(11 h 50)

La Présidente (Mme Barbeau): Vous avez terminé? M. le député Westmount–Saint-Louis.


Indice de confiance des consommateurs

M. Chagnon: Mme la Présidente, hier, j'ai mentionné longuement les effets nocifs de la hausse du chômage prévue dans les années à venir sur les revenus éventuels escomptés par le ministre des Finances, pour faire en sorte qu'il arrive à un objectif, que conjointement, et communément, et consensuellement nous approuvons, c'est-à-dire de ramener non seulement le déficit des opérations courantes, mais le déficit budgétaire à zéro. Hier, évidemment, j'ai épilogué longuement sur la question du chômage et de scénarios dommageables, je pense, pour notre économie, puisqu'il va aller s'accroissant, selon les perspectives et les prévisions même conservatrices du ministre.

Un autre tableau dans le budget du ministre qui m'affecte beaucoup et qui affecte aussi le ministre parce que ç'a un effet direct sur ses revenus, c'est le tableau qu'on retrouve à la page D-4, si je me rappelle bien, et qui concerne – c'est ça – l'indice de confiance des consommateurs. Le ministre n'a pas pu regarder ce tableau avec... sûrement avec consternation. Et Canada-Québec, c'est la même chose. Sauf que le ministre, il a raison, ça change...

M. Landry (Verchères): Pour Québec, il est un peu plus haut.

M. Chagnon: Oui, mais puisque c'est vous, le ministre des Finances que j'ai devant moi, au moment où on se parle, s'il y en avait deux, si le ministre Paul Martin était là, j'aurais le même discours. Quand l'indice de confiance des consommateurs est à ce point bas, le plus bas depuis probablement 15 ans, le tableau statistique nous remonte jusqu'à 1984...

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Chagnon: ...c'est donc qu'il... On n'a pas le tableau statistique de 1981-1982, période de récession. Il aurait été intéressant de pouvoir constater comment, même en période de récession sévère comme celle qu'a connue le Québec en 1982-1983, on se retrouvait là-dedans. En récession en 1991 et en croissance économique en 1995, on se retrouve dans des situations où le moral des troupes, là, le moral des consommateurs est au plus bas. Ça implique, ça, qu'on ne peut pas estimer avoir des revenus extrêmement importants de la taxe de vente, par exemple, ou de la TPS. La taxe de vente du Québec ou la TPS, conglomérées, ces taxes-là ne rapporteront pas les fruits estimés.

Suite à l'harmonisation de la taxe de vente et de la TPS, depuis 1992, je pense, il y a eu, à la suite...

M. Landry (Verchères): 1991.

M. Chagnon: 1991? Merci.

M. Landry (Verchères): Négociée à l'été 1990, harmonisée en 1991.

M. Chagnon: O.K. Alors, il y a eu, en 1991-1992, 1992-1993, une augmentation de la valeur du produit de ces taxes-là. Si je me rappelle bien, depuis deux ou trois ans, il y a une déflation ou, du moins, diminution du produit du revenu de ces taxes-là. Évidemment, c'est assez évident qu'avec un indice de confiance des consommateurs comme celui qu'on voit dans le tableau de la page D-4 le ministre des Finances ne peut escompter, à court ou moyen terme, d'avoir des revenus supplémentaires qui vont lui venir d'une augmentation du produit de ces taxes. Et, moi, c'est le tableau qui m'achalerait le plus, après celui concernant l'augmentation prévisible du taux de chômage ou du déficit d'emplois, comme je disais hier, qui va faire souffrir l'économie du Québec le plus et qui va faire souffrir davantage, je dirais, l'économie du Québec. De la part du ministre, qu'est-ce qu'il peut faire pour enrayer ce manque, cette crise? C'est carrément un état de crise, une crise de confiance des consommateurs dans notre économie.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je pense que tous les ministres des Finances doivent aborder cette question avec une certaine modestie, parce qu'elle est une résultante de l'histoire contemporaine. Nous nous sommes habitués, pendant les années qu'on a appelées les trente glorieuses, les «thirty glorious years», qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, à des expectatives de croissance fondées sur la réalité des taux de croissance de 5 %, 7 %, 8 %. Je l'ai dit, en Italie, on a eu des croissances nettes d'inflation de 10 % pendant un certain nombre d'années. On s'est tous et toutes habitués à ça. Et puis, en même temps, les gouvernements, celui d'Ottawa surtout, durant les années Trudeau, Chrétien, Lalonde, ont développé une espèce de sentiment d'invulnérabilité – très futile, on le voit bien aujourd'hui – pensant que la dotation en richesses naturelles, les succès antérieurs feraient qu'une petite baisse des revenus, puis une petite baisse de confiance des consommateurs passagère et qui nous ramènerait au statu quo ante devaient tout simplement être compensées par une dépense publique plus grande. C'est ça qu'on a fait. On a anesthésié le signe de la crise qui était la douleur par la dépense publique.

Mais on s'est rendu compte que c'était un changement structurel qui était survenu et que les années de grande prospérité étaient terminées. Les consommateurs ont suivi le signal de l'État, ils ont fait comme lui, ils se sont endettés. La courbe d'endettement de l'État a fini par se répercuter dans la courbe d'endettement des ménages et l'épargne est devenue négative. Alors, là, autant les ministres des Finances sont apeurés par la dette, autant les ministres des Finances se rendent compte qu'il faut rapidement apurer les comptes, autant les consommateurs réagissent de la même façon et ils ne dépensent plus guère. Ça, c'est une partie de l'explication.

Je crois – mais là on entre plutôt dans les théories, il y a beaucoup d'ouvrages disponibles sur la question – qu'il y a aussi des changements d'attitude face à la possession des biens matériels. Le député n'a pas tout à fait mon âge, mais il a peut-être des enfants, en tout cas ceux qui ont des enfants, ceux qui ont mon âge...

M. Chagnon: Qui souhaite bien l'avoir un jour.

M. Landry (Verchères): Bon. Bien, bravo, puis je lui souhaite cette béatitude qui comporte des petits bouts difficiles, par ailleurs, des fois.

Ces jeunes-là n'ont plus la même attitude que leurs devanciers par rapport à la possession des biens matériels. Ils ne veulent pas la même chose. Ils ne veulent pas une Camaro rouge s'ils ont à choisir entre ça puis un ordinateur pour se brancher à Internet. D'ailleurs, quand ils sont sur Internet, ils ne peuvent pas être dans la Camaro en même temps, de toute façon. Ils ont changé de mentalité. Les ménages ont changé de mentalité. Ça peut être une tendance de fond lourde et durable. On peut se consoler en disant que, si les comptes s'apurent et si le désendettement public et privé se fait et que l'épargne se reconstitue, le niveau de confiance va repartir vers le haut. Mais, même s'il repartait vers le haut, les modèles de consommation ne seront probablement plus jamais les mêmes.

On a compté aussi sur la globalisation des marchés pour compenser le phénomène. Peut-être que ça viendra, mais ce n'est pas fait encore. Où sont les taux de croissance que nous avions, ici, il y a 15 ans? Ils sont en Asie aujourd'hui. Ce qu'on voyait ici, on le voit chez eux, sauf qu'ils partent de très, très, très loin. Le revenu per capita, en Chine, ne doit pas dépasser aujourd'hui 600 $ ou 700 $, même en pouvoir d'achat compensé, par année, par tête. On est à 20 000 $ et plus au Québec. Alors, ils ont beaucoup de marge. Pendant que cette marge va se combler, bien, c'est ceux qui vont vendre dans leur marché qui vont annexer à leurs profits une partie de leur croissance. Mais la croissance de la Chine, elle va surtout servir aux Chinois et aux Chinoises, bien entendu. Dès qu'ils peuvent développer une capacité de production, ils l'emploient, une capacité technologique, ils l'emploient, puis, en attendant, ils comblent par les importations de technologies, ou de biens, ou de services, ce qu'ils ne peuvent pas produire eux-mêmes.

Donc, je ne suis pas absolument optimiste sur la façon de régler facilement la problématique qu'a bien exposée le député, mais je ne suis pas non plus désespéré. D'abord, quand on se compare, on se console, pour employer le vieil axiome. Je disais hier que j'ai été enseignant dans le tiers-monde. Peut-être que d'autres dans cette salle ont eu ce privilège. Je pense qu'on apprend plus dans le tiers-monde qu'on n'enseigne au tiers-monde, en fait. Quand on compare les écarts... Je sais que le député de Bourassa connaît bien ces questions, puisqu'il a présidé des conseils d'aide au développement du tiers-monde. On s'est déjà rencontrés dans ces circonstances. D'ailleurs, il était au conseil d'administration de l'une de ces grandes organisations humanitaires. On peut se plaindre de la confiance des consommateurs, mais, à Kigali et à Bujumbura, ils se plaignent de choses pas mal plus graves, puis à Beijing aussi. Alors, je comprends qu'on déborde un peu dans la philosophie, mais la question du député me fait déborder forcément dans la philosophie, parce que des réponses immédiates, pointues, claires et directes, je n'en ai pas.

M. Chagnon: Évidemment, j'imagine que le ministre ne veut pas, d'un coup de baguette magique, nous amener à Bujumbura et faire en sorte que notre situation ressemble à celle de Bujumbura, mais...

(12 heures)

M. Landry (Verchères): Ça, ce serait l'ultime. Et l'inverse non plus, malheureusement, n'est pas vrai. On ne peut pas, d'un coup de baguette magique, monter le tiers-monde à notre niveau.

M. Chagnon: Mais, pour l'instant, lorsque notre économie stagne, ou parfois décroît, ou qu'elle croisse à un niveau si faible, il n'est pas surprenant de voir non pas des changements de mentalités et de comportements chez les jeunes générations, mais tout simplement un changement de moyens qui crée un changement de comportements chez ces générations-là. Les jeunes qui n'ont pas de possibilités de travail, qui ont un endettement plus important que le vôtre ou le mien lorsque nous avons fini nos études, qui ont, en plus – et c'est peut-être ça qui est le plus grave – une espèce de voile noir en ce qui concerne l'avenir, qui ont une incapacité de comprendre comment ils vont s'en sortir, bien, c'est des jeunes qui, non seulement, M. le ministre, ont moins, évidemment, d'aspirations pour des goûts matériels comme ceux que vous suggériez en prenant le cliché, si je comprends bien, de la Camaro rouge, mais c'est ceux aussi qui ont moins d'enfants parce qu'ils se disent qu'avant d'avoir des enfants on voudrait avoir une certaine sécurité financière. Pour avoir une certaine sécurité financière, ça prend un emploi.

Le budget que vous nous amenez – et je ne veux pas vous torturer – amène des perspectives sombres sur le marché de l'emploi pour les années à venir. Je vous dis tout simplement que ces perspectives sombres pour le marché de l'emploi pour l'avenir sont en corrélation avec cette crise de confiance que les consommateurs ont à l'heure actuelle. Je sais pertinemment bien que les consommateurs ont aussi, effectivement, comme leur État, fait en sorte d'accumuler un niveau de dettes extrêmement élevé qu'ils sont en train de digérer, au moment où on se parle. Les gens digèrent leur niveau de dettes, digèrent leur hypothèque, digèrent l'achat de leur auto il y a quatre ans, digèrent l'achat de certains biens durables. Ils digèrent, ils voyagent moins, mais tout ça est dans un contexte d'affaiblissement de notre économie.

Quelques années avant moi, comme le disait le ministre, lorsqu'il a terminé ses études ici et en Europe et qu'il est revenu, bien, le marché était ouvert, il y avait plusieurs firmes d'avocats qui recherchaient les qualités du ministre. Il a travaillé dans des cabinets politiques. Il s'est fait une expérience éclectique qui lui a apporté une expertise qui était profitable, qui lui a été profitable dans les circonstances, et il a su, évidemment, se développer dans le cadre d'un État qui était économiquement sain et qui bougeait. Les jeunes qui sont à Santiago de Chili et que le ministre connaît regardent l'avenir avec beaucoup plus de confiance que les jeunes qui sont à Québec, Montréal ou Verchères. Pourquoi? Parce qu'ils se retrouvent dans une situation où l'économie est émergente, l'économie bouge, l'économie, depuis plusieurs années, avance. Ils n'ont pas une moyenne de revenus à Santiago de Chili du même niveau que nous, mais ils savent qu'ils vont nous rejoindre, et rapidement, et ils consomment.

Dans le fond, le ministre des Finances aurait pu, me semble-t-il, compte tenu de la situation particulière qu'on a ici, élargir des moyens pour permettre aux individus de se créer des fonds – des fonds pour étudier, des fonds pour s'acheter un logement, des fonds pour rénover – mettre de l'argent de côté, créer de l'épargne et améliorer les fonds déjà existants pour permettre, sur une base fiscale, aux gens de se créer de l'épargne comme ils se créent de l'épargne au niveau de leur régime de retraite. D'ailleurs, le régime de retraite lui-même, par le budget, en harmonisation avec le budget fédéral, nous dira le ministre, voit restreindre son application du Régime d'épargne-retraite, en harmonisation avec le fédéral, j'en conviens, je n'en disconviens pas. Mais, finalement, le ministre des Finances se joue un tour à lui-même en faisant en sorte de s'enlever des outils qui lui permettront de relancer l'avenir. Peut-être ai-je été trop long? Je m'excuse.

M. Landry (Verchères): Non, non, non. Je pense que le coeur de ce budget, tout le monde l'a compris, c'est la lutte à l'endettement de l'État et la lutte au déficit. Et je crois que le coeur de l'angoisse des jeunes, c'est l'endettement de l'État et des ménages qui ralentit la croissance, qui assombrit toutes les perspectives.

D'ailleurs, je fais une parenthèse, c'est un peu moi qui l'ai amenée, mais le député la reprend, la comparaison avec certains pays soit sous-développés, soit en voie de développement. Il faut que nous rappelions à nos jeunes chaque jour que les biens matériels dont ils disposent sont, en général, quatre fois, cinq fois plus élevés que ceux non pas des pays de détresse comme la Guinée et Conakry, mais que le Mexique, qui est un pays qui se développe, ou que le Chili, qui est un pays qui se développe. Mais, quand on est à quatre et qu'on en voit un autre qui est à un et qui a l'espoir de se développer plus, il faut quand même se souvenir qu'on est à quatre, parce que, autrement, on va faire des enfants gâtés et puis ils vont geindre sur leur sort en disant: Nous, on a 20 000 $ par année de revenus; à Santiago de Chili, ils en ont juste 5 000 $, mais, eux autres, ils ont l'espoir de monter. C'est un jeu qui peut devenir très, très vite déprimant. Il faut prendre acte de ce qu'on a.

Deuxièmement, il faut prendre acte du fait que les choses s'améliorent légèrement, même ces années-ci, en termes d'emploi. De 1995 à 1998, création d'emplois: 42 000 par année au Québec. C'est plus que ce qui a été observé de 1986 à 1994: 31 000. Donc, là, les choses évoluent dans une direction intéressante et favorable. Les problèmes ne sont pas réglés, mais...

M. Chagnon: Non. Ce que je veux dire, c'est que, toutefois, vos statistiques appréhendées, anticipées démontrent qu'il y aura une augmentation du taux de chômage, même s'il y a création de 42 000 emplois par année.

M. Landry (Verchères): Attendez! Le premier ministre du Canada, hier, a été d'un pessimisme noir en disant que le taux de chômage était là puis qu'il fallait s'habituer à vivre avec. Vous avez entendu ça? C'est le discours de Winnipeg, je pense. Bon. Ce n'est pas ce que nous disons ici. Nous avons fait des prévisions économiques qui sont la moyenne du secteur privé, pris à la branche inférieure moins 0,1 %. C'est ça qu'on a fait, un taux de croissance de 1 % que nous cherchons par tous les moyens à faire mentir à la hausse. On ne préconise pas un taux de croissance de 1 %. Suivant les indicateurs habituels – et l'économie n'est pas une science exacte, mais, en tout cas, essaie de se rapprocher de ça – on prévoit 1 %. On ne veut pas 1 %, et on va tout faire.

C'est pour ça qu'il y a deux grands axes à ce budget: diminuer l'angoisse en diminuant la dette et en assurant l'avenir. Moi, j'aurais honte d'être arrivé dans ma vie active à une époque où l'endettement des gouvernements était une chose virtuelle. J'ai commencé à m'intéresser à la politique québécoise quand c'était un certain Maurice Le Noblet Duplessis qui venait dans cette salle, qui devait être la salle des comptes publics, aussi, qu'ils appelaient dans le temps, et la dette de l'État québécois était virtuelle. C'était une comptabilité de caisse, à toutes fins pratiques. Et je l'ai vue monter dans des proportions acceptables à l'occasion de la Révolution tranquille. On savait pourquoi. C'était pour nous doter de réseaux d'éducation, d'hôpitaux, etc., qui avaient déjà été commencés, d'ailleurs. Quand on juge l'oeuvre sociale de Maurice Duplessis, souvent, on est très sévère, puis on juge ça à l'aune d'aujourd'hui, mais c'était un constructeur d'écoles et un homme de construction d'hôpitaux, etc. On a les chiffres, ils sont vraiment impressionnants si on regarde l'effort comparatif.

M. Chagnon: Il n'y avait rien qu'un plan.

(12 h 10)

M. Landry (Verchères): Oui, il n'y avait rien qu'un plan. Mais, avec la Révolution tranquille, tout ça a explosé. Là, des fois, il y a eu trop de plans, parce qu'il y a eu une diversité de plans. Mais tout ça restait sous contrôle par rapport au PNB. Mais, à un moment donné, là, la pente est devenue insupportable. Là, on a vu la dette totale, qui, en 1985-1986, était encore à 30 % du produit national brut, passer à 44,7 %, puis une légère désescalade, 1995-1996, 1997-1998, 43,3 %, et un inversement de la direction de la pente. Tout ça pour dire que je serais assez humilié si je disais à mes enfants qui sont dans la trentaine: J'ai consommé, vous allez payer.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement, cette année et l'an dernier, a amorcé la désescalade. Ce ne sera pas facile. Si j'amorce la désescalade, je suis parfaitement... Le député, il voudrait que je fasse plus pour la création d'emplois. Il n'a pas de dessin à me faire. Je n'assume pas non plus qu'il prend un malin plaisir à le faire. Mais ce que je lui réponds, c'est qu'il n'est pas possible de relancer l'économie par la dépense publique massive, nous n'en avons plus les moyens. Nous ne voulons pas augmenter les impôts et taxes. Nous ne voulons pas augmenter l'endettement des générations futures. Alors, il faut être parcimonieux dans nos interventions. C'est ce que j'ai appelé la dose homéopathique et ciblée. C'est 41 000 000 $. Le Japon a mis des centaines et des centaines de millions pour essayer de relancer son économie pourtant dynamique et ç'a été un échec lamentable, ç'a été un coup d'épée dans l'eau, c'est comme s'il avait jeté son argent à la mer. Il y a eu trois ans de croissance plate, électroencéphalogramme plat pendant trois ans de suite après des injections massives. Le patient ne réagissait plus. Et c'est ce qui arriverait ici également.

Alors, on attaque. De ce point de vue là, nous sommes des fondamentalistes. C'est s'attaquer au fondement des choses. Puis le fondement des choses, c'est l'endettement public. C'est le 6 000 000 000 $ de stérilisé par année. Au lieu de le donner en services, de le donner en équipements, on le donne à nos créanciers. Nos créanciers, en plus, ils froncent les sourcils, prétendant qu'on n'a plus de crédibilité. C'est vrai que les prévisions du gouvernement, en termes de déficit, ont été ratées à tellement d'occasions que, là, on est à se rebâtir une crédibilité. Le député de Crémazie a posé la première pierre l'an passé. Il a dit que le déficit sera à 3 900 000 000 $, et il a été à 3 900 000 000 $. Je bâtis sur cette crédibilité, cette année, en disant: Le déficit sera à 3 200 000 000 $, et il sera à 3 200 000 000 $. Comme certains Québécois, dans leur vie personnelle, un jour à la fois, ont réussi à reprendre le contrôle d'eux-mêmes, l'État québécois, un an à la fois, va essayer de reprendre le contrôle de lui-même. Mais ce serait fondé sur des mirages que d'aller dire en pleine face aux jeunes: On va continuer à s'endetter pour relancer l'économie. Ils ne l'accepteraient pas, et ce n'est pas notre philosophie non plus.

Si le député de Westmount veut nous suggérer des moyens de création d'emplois qui sont à la portée de nos moyens, qui nous permettent de vivre selon nos moyens, qu'il nous les suggère. Il a fait allusion à certaines capacités supplémentaires d'épargne, mais les régimes d'épargne-retraite, c'est extrêmement généreux, ça, déjà; les régimes d'épargne-logement, ça existe; le système de prêts et bourses, qui, il est vrai, a contribué à endetter les étudiants, est extrêmement généreux. Savez-vous ce que je faisais, moi, à l'âge de mes enfants? Je réclamais de Paul Gérin-Lajoie, à la tête de manifestations étudiantes énormes, la création d'un système de prêts et de bourses. Il y a une différence entre être endetté parce qu'on a utilisé un système de prêts-bourses et se battre pour en avoir un. C'était ça, notre génération.

Si on veut faire des comparaisons interpays, on peut aussi faire des comparaisons intergénérations. On parle beaucoup de nous, on parle beaucoup de nos enfants, ce qui est normal, on a toujours l'horizon le plus facilement perceptible. Est-ce qu'on pense aux générations de la crise, qui a duré de 1929 jusqu'à 1939, aux espoirs ruinés, au manque de moyens matériels au point où la santé physique était menacée, où des gens mangeaient à répétition des nourritures peu soutenantes et médiocres parce qu'ils n'avaient pas d'argent pour s'en acheter? Bien, ça, c'est la génération de nos parents. Alors, quand on parle à nos jeunes, il faut quand même garder les choses en perspective, autrement, vous avez parlé d'un voile noir, ou d'un écran noir, ou d'une chape de plomb, bien, c'est sûr que, si on leur présente les choses uniquement sous l'angle de leurs propres malheurs d'aujourd'hui, et ici, hic et nunc, comme on dit, bien, on va les assombrir davantage. Il faut garder une perspective d'avenir et un espoir sans promettre un jardin de roses. Ce que le budget dit: Deux années relativement difficiles et, après ça, des eaux plus calmes parce que tout ce qu'on aura à faire, c'est geler les dépenses et non plus les couper et les comprimer.

En termes d'agenda, Mme la Présidente, il est 12 h 15, et notre séance doit se terminer à 12 h 30. Si l'opposition le voulait bien, nous allongerions de 15 minutes, ça nous mènerait à 12 h 45, ça veut dire qu'il nous resterait juste 33 minutes à liquider cet après-midi, ce qui, on en a convenu hier, en tout cas ceux qui étaient là hier, ferait l'affaire du gouvernement, parce que nous devons aller à Montréal célébrer le 175e anniversaire de la Banque d'Épargne. Ça veut dire que, si on faisait juste 33 minutes cet après-midi, ça nous permettrait de faire ça. Je pense que l'opposition, hier, semblait trouver que c'était une bonne idée.

La Présidente (Mme Barbeau): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Chagnon: Il n'y a aucun problème pour limiter les déplacements du ministre en soirée. Maintenant, je sais que, nous autres, on est en caucus, là, depuis midi. Donc, plus on s'éloigne de la demi-heure... On peut essayer de faire 15 minutes, on peut bien le faire.

M. Campeau: On pourrait continuer sans vous autres.

M. Chagnon: Oui, ça ne me surprendrait pas, M. le député de Crémazie.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je conviens qu'il y a consentement. C'est ça?

M. Chagnon: Oui, oui.

La Présidente (Mme Barbeau): Même si ça vous étire un peu? O.K. Il y a consentement pour continuer jusqu'à 12 h 45.

M. Landry (Verchères): On remercie l'opposition de sa collaboration, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, est-ce que vous aviez terminé, M. le député de Westmount?

M. Chagnon: Ce que j'ajouterais...

M. Gendron: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, M. le député.

M. Gendron: Oui, rapidement, je pense qu'il y a un consentement double, parce que c'est jumelé aux nécessaires, là, 30 minutes cet après-midi, c'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que, si on va jusqu'à 12 h 45...

La Présidente (Mme Barbeau): La balance du temps, là.

M. Gendron: ...c'est ça, c'est parce qu'on convient qu'on ne fera pas plus que 30 minutes après la période des questions.

La Présidente (Mme Barbeau): On ne peut pas parce qu'il reste 48 minutes, ce qui fait que, si on en fait 15 là, il en reste 33.

M. Gendron: Excellent.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est 33, c'est trois de plus que 30.

Une voix: Ça convient à tout le monde?

M. Gendron: Trente, c'est assez. Adopté.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K. Alors, on continue. M. le député de Westmount–Saint-Louis, est-ce que vous aviez terminé?

M. Chagnon: On ne termine jamais ici, il semble que ce soit toujours l'éternel recommencement.

La Présidente (Mme Barbeau): Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Le ministre semble hésiter et prétendre que les régimes d'épargne-retraite, par exemple, sont déjà généreux. Pardon?

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste 30 secondes. Excusez, là, j'aurais dû vous le dire avant.

M. Chagnon: Évidemment, ça limite un peu le temps.

M. Landry (Verchères): Pas le temps de bâtir un REER dans ce temps-là.

M. Chagnon: Je vais juste changer l'approche. Avec raison, le ministre dit que, pour l'avenir, là, le fait de diminuer nos niveaux d'endettement comme État risque de faire en sorte que les jeunes soient moins pris face à un problème moral, c'est-à-dire d'avoir à vivre, à financer ou à rembourser des dettes faites généralement pour des dépenses d'opération de leurs parents. Le ministre, là-dessus, j'en conviens, a tout à fait raison. Maintenant, le problème, c'est que, nos enfants qui ont 30 ans aujourd'hui, ils ont peut-être une mentalité qui les aide à voir venir l'avenir davantage de façon plus rassurante. Généralement, ils ont un emploi, ils sont organisés. Mais ceux qui ont, comme les miens, entre 16 ans et 20 ans, sont un peu moins sécures, je peux vous dire ça, M. le ministre. Ils n'ont pas l'impression que c'est leurs parents, dans mon cas, qui ont joué dans le système et qui sont partis avec la caisse, d'une part, puis ils ont l'impression que, la caisse, il n'y en aura tout simplement rien que plus pour eux autres. Alors, je vous prie de me croire que la génération de ceux qui ont 16 à 25 ans aujourd'hui n'a peut-être pas exactement la même conception de l'avenir que celle qui a 30 ans et plus. Puis, même dans ceux qui ont 30 ans et plus, il y en a un joyeux paquet qui n'ont pas encore réussi à se trouver un emploi dans le secteur où ils ont étudié pendant des années, 17, 18, 20 ans parfois, puis qui cherchent encore. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Il y a peut-être de mes collègues qui sont stimulés par ce genre de débat, qui est un débat de société extrêmement sérieux, ça, il n'y a pas le moindre doute.

(12 h 20)

La Présidente (Mme Barbeau): Oui. Alors, je donne la parole au député de La Peltrie.


Mesures visant à favoriser l'industrie navale du Québec

M. Côté: Moi, c'est dans un autre ordre d'idées. Je voudrais vous ramener, M. le ministre, à l'annexe A, page 55, c'est afin de favoriser, là, l'industrie navale du Québec. Vous avez, dans votre budget, quatre nouvelles mesures qui sont mises en place: alors, nouveau crédit d'impôt remboursable pour les constructeurs, un programme de garantie financière pour la construction navale, une réduction de la taxe sur le capital pour l'acquisition de navires, puis un congé fiscal aux marins québécois.

Alors, moi, j'aimerais que... Lorsqu'on parle, surtout, là, en matière de navire admissible, bon, on dit qu'il devra s'agir d'un navire prototype pour qu'il soit admissible à ce genre de programme là. Ou, encore, lorsqu'on parle aussi de marin admissible, bien, on parle d'une période d'au moins 30 jours consécutifs, mais, par contre, est-ce qu'il y a un maximum? J'aimerais qu'on explicite davantage, peut-être, ces quatre mesures-là, puis l'impact que ça peut avoir en matière de développement économique puis aussi sur l'emploi, également.

M. Landry (Verchères): Oui. D'abord, vous savez de quoi procède cette mesure, de raisons historiques et de raisons tout à fait contemporaines. Les raisons historiques. J'ai vu un chroniqueur du journal La Gazette qui parlait de ça avec un certain mépris en disant que notre tradition maritime, c'est de construire des canots, des canots d'écorce, là. Un instant! Marine industrie, Davie Shipbuilding ont été, pendant des décennies et à l'occasion des guerres, en particulier, des chantiers extrêmement actifs, puis il y a des milliers d'unités de grande taille qui ont été produites, des milliers d'unités civiles aussi. Il y a eu la Canadian Vickers à Montréal. Ici, à l'Anse au Foulon, il y a deux siècles et demi, on construisait des bateaux pour les besoins de la colonie et on les réexportait aussi dans les mères patries, avant la conquête et après. Alors, c'est tout à fait méprisant, ce que j'ai lu dans La Gazette : Il n'y a pas de tradition maritime, puis là on veut faire... Pardon?

M. Lachance: Plateforme de forage.

M. Landry (Verchères): Plateforme de forage. Bon. Alors, on veut renouer avec cette tradition. On a un très grand fleuve, un cours d'eau navigable qui peut remonter au coeur du continent à des milliers de kilomètres de la mer. Ça influence la vie du peuple qui vit sur ses rives. Tout au cours de notre histoire, on a été des constructeurs maritimes importants, sans parler des goélettes et des unités plus petites qui ont été faites au cours des années pour le cabotage. On parlait de la famille Lachance de l'île au Canot, là. Bien, la famille Lachance de l'île au Canot, elle a construit un magnifique bateau qui, de Montmagny à Grosse-Île et aux îles du Saint-Laurent, va faire la navette encore tout l'été, là. C'est un navire contemporain qui a été construit par eux et qui sert d'équipement touristique sur le Saint-Laurent.

Alors, on renoue avec cette tradition. Nos prémisses sont que la désuétude de la flotte internationale et le resserrement des normes de la navigation permettent de présager une importante demande à l'échelle internationale. On veut que notre industrie soit prête pour faire face à cette demande. On anticipe le coup en particulier. Les experts prétendent, selon l'hypothèse pessimiste, que 13 670 navires devront être construits d'ici l'an 2001 – c'est demain, ça, en termes de construction maritime; ça ne se construit pas en trois jours, un navire de grande taille – toutes catégories confondues. La conjoncture est donc nettement plus favorable que celle des dernières années, et il est impératif de se positionner de manière adéquate pour pouvoir répondre aux besoins du marché.

D'autre part, plus près de nous, les navires qui composent la flotte des Grands Lacs, ces «grands laquiers», là, qu'on voit, céréaliers ou minéraliers, défiler à Québec et ailleurs – devant ma maison, moi, j'habite à Verchères, je les vois passer sous mes yeux – pour qu'ils puissent être maintenus au niveau minimal requis, les armateurs soutiennent qu'en moyenne 6,5 navires de ce type seulement, là, devraient être construits annuellement pour les 10 prochaines années, 6,5 par année. Ça veut dire que simplement la demande intérieure pour servir la voie maritime est source de contrats plantureux.

Plusieurs pays européens ont toujours des programmes d'aide à la construction de navires. Par ailleurs, les États-Unis – et ça, ça nous a préoccupé – à chaque fois qu'on donne un avantage, les Américains regardent pour voir si c'est conforme au GATT, au traité du libre-échange, et on sait qu'ils nous ont traînés dans des panels pour le bois d'oeuvre, les plantes, les deux-par-quatre, les porcs, il n'y a rien qu'ils ne nous ont pas fait. Alors, là, on a pris soin de bien calqué notre politique sur celle des Américains. Alors, ils n'auront pas l'audace de nous reprocher de faire comme eux. Alors, ce faisant, on pense qu'on va être parfaitement compétitif au niveau international et qu'on va pouvoir, en particulier, tourner le dos peu à peu aux chantiers militaires. Les dernières grandes unités construites à Lévis–Lauzon, ça a été des frégates. L'avenir n'est pas là, on le sait bien.

Alors, voici en pratique ce que ça va donner. Le crédit d'impôt à la construction navale. Une entreprise constituée en société qui a un établissement au Québec et y exploite une entreprise de construction navale aurait droit à un crédit d'impôt entièrement remboursable égal à 40 % des dépenses salariales – des dépenses de salaires – directement engagées à l'égard de la construction d'un navire prototype qui aura fait l'objet d'un visa préalable du ministère, sans excéder 20 % du coût de la construction du navire. Donc, en supposant qu'un chantier maritime québécois veuille se positionner pour les plantureuses commandes dont j'ai parlé, le premier de la série va être fortement soutenu par la dépense fiscale québécoise. Après ça, bien, ils amortiront sur le reste, là, c'est leur stratégie, ils se débrouilleront.

Maintenant, exemption de la taxe pour l'acquisition des navires et garantie financière. Le gouvernement confiera à la SDI le mandat d'administrer un nouveau programme de garantie financière pour les acquéreurs d'un navire construit sur un chantier maritime québécois. C'est une espère de crédit-acheteur, pour l'acheteur étranger comme pour l'acheteur local. L'aide financière est accordée à une entreprise canadienne pour l'acquisition d'un navire d'une jauge brute d'au moins 100 tonneaux construit au Québec. Donc, on parle d'unités assez considérables. L'aide financière prendra la forme d'une garantie pouvant couvrir jusqu'à 80 % de la perte nette subie sur un prêt consenti par une institution financière accréditée. Donc, on appuie les institutions financières qui financent les navires. L'institution financière devra détenir une hypothèque maritime de premier rang sur le bateau. Dans certains cas, une caution supplémentaire pourra être exigée. La SDI chargera à l'acquéreur des honoraires de gestion d'au moins 1 % du montant de la garantie et la SDI chargera des honoraires annuels se situant entre 1 % et 3 % du montant garanti. Ces honoraires seront fonction du niveau de risque tel qu'évalué par la SDI. Ça, c'est un système un peu copié sur la SEE. La SEE, déjà, fait ce genre de crédit-acheteur. Alors, voilà en gros.

Pour les marins, maintenant. Ça aussi, on s'est inspiré de politiques en usage dans plusieurs pays, dont les pays nordiques, là, la Scandinavie, le Danemark, la Norvège, qui aident leurs armateurs et leurs marins par une déduction fiscale importante. Alors, on combine le matériel, le personnel, les chantiers, les armateurs, et, avec ça, on pense qu'on devrait être prêt à faire face à la demande.

M. Côté: En plus de ces mesures-là, est-ce que vous pensez que ça va pouvoir inciter davantage, au niveau du transport maritime sur le Saint-Laurent, en ce qui a trait, par exemple... Si, par exemple, une entreprise avait le projet de construire un bateau pour transporter des camions-remorques, puis, plutôt que de passer par la route de Québec à Sept-Îles, donc elle y allait par le fleuve Saint-Laurent, est-ce que, à ce moment-là, ça serait admissible, ce genre de transporteur là?

M. Landry (Verchères): D'abord, si c'est un prototype, aucun doute. Si on est vraiment en face, là, d'une innovation technologique, qu'il y a une espèce de «roll-on, roll-off» conçu spécialement pour, disons départ du port de Montréal, chargement à Trois-Rivières, à Québec, et Sept-Îles, dernière destination, oui.

Pour le reste, taxe sur le capital, non seulement on encourage le prototype par un crédit d'impôt remboursable, mais on donne un congé de taxe sur le capital quand ils vont à l'international.

M. Côté: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est terminé? Alors...

M. Lachance: Sur le même sujet, Mme la Présidente, est-ce que c'est possible de...

La Présidente (Mme Barbeau): J'ai juste... Pour régler l'alternance, là, le député de Bourassa, qui n'est ni membre ni remplaçant, a demandé s'il pouvait poser une question. Alors, s'il y a consentement, je vais le lui donner.

M. Landry (Verchères): Consentement.

(12 h 30)

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Bourassa.


Incidences de la lutte au déficit

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, Mme la Présidente. J'écoutais les propos du ministre sur les problèmes de société et les problèmes que connaissent, à notre avis, les jeunes et ce qui les préoccupe. Il semble, depuis ce que j'ai entendu depuis une heure, que c'est de bon ton de parler de ses enfants aussi. Moi, j'en ai trois qui ont de 28 à 34 ans. Leur première préoccupation, ce n'est pas vraiment la dette, c'est l'emploi. Ce sont des gens qui ont de hautes formations, qui ont passé entre 10 et 15 ans dans les universités du Québec tous les trois et qui sont en route vers des doctorats. Et c'est l'emploi.

C'est mon devoir, c'est notre devoir également de rappeler qu'il y a une dette qui est dans les 75 000 000 000 $ à 80 000 000 000 $ plus des engagements substantiels. Si on regarde la dette canadienne, c'est dans les 600 000 000 000 $ bientôt. C'est notre devoir de rappeler tout cela. Mais, moi, je soutiens que cela est assez immatériel pour un jeune qui ne gagne même pas 10 000 $ par année. C'est assez immatériel qu'on lui parle de milliards de dollars. C'est quelque chose qu'il n'est pas facile d'appréhender pour quelqu'un qui n'a pas de sous, qui n'a pas de travail. On peut évidemment ramener ça à des dettes per capita et lui dire: Écoutez, ça fait des dizaines de milliers de dollars, et tout le reste. Mais qui imagine, qui peut soutenir une discussion en faisant semblant qu'on est en train de mettre des politiques en place pour rembourser le capital, pour rembourser des dettes? Tout ce qu'on fait, c'est pour essayer de diminuer les déficits, actuellement. Et ça va prendre encore plusieurs années, selon le programme du ministre, pour arriver à un déficit zéro, et on aura augmenté tout de même la dette de quelques milliards encore. On sera probablement rendu à 90 000 000 000 $ malgré tout au lieu de 75 000 000 000 $, 76 000 000 000 $, le temps de ralentir la machine et de l'amener à l'immobilisation. Et il y aura un fardeau de la dette encore de 5 000 000 000 $ ou 6 000 000 000 $, selon les taux d'intérêt à l'époque, dans quatre ans.

Donc, à mon avis, cessons, en toute responsabilité, d'agiter la dette comme telle. Ce n'est pas à cela qu'on s'attaque encore. À mon avis, on avive le conflit intergénérationnel aussi. J'ai écouté le ministre avec attention non seulement ici, mais dans certaines déclarations hors Chambre où il a dit, selon les questions qui lui étaient posées, des entrevues, etc.: Nous avons bouffé, nous avons été – un peu comme s'il voulait dire – un peu irresponsables. Nous avons – en voulant dire – pataugé dans l'abondance, nous nous sommes servis, nous nous sommes empiffrés et, maintenant, les autres n'ont plus rien. Je l'ai entendu dire des propos, à quelques mots près, semblables à ceux-là, et ça me semble important de se dire qu'on avive inutilement, à mon avis, la tension intergénérationnelle qui est déjà très grande et qui est fondée. Mais ce n'est pas nécessaire de l'alimenter par des propos comme ceux-là.

Moi, j'ai travaillé 35 ans, depuis 1961 jusqu'à maintenant, et j'ai vu toutes les mêmes étapes que le ministre. On a quelques années de décalage, mais c'est à une nuance près. Vu la hauteur des siècles, deux, trois ou quatre ans, ce n'est rien. J'ai vu tout ça et je ne vois pas où on s'est empiffrés. Je n'ai pas vu ma famille non plus, les gens autour de moi, où on s'est mis de l'argent tout le tour, etc. Je n'ai pas vu ça. Je n'ai pas vécu la même vie, en tout cas, que celle-là. On a travaillé dur, on a travaillé très fort. Bien sûr, on avait plus de possibilités d'emplois, mais il n'y a pas là matière à se culpabiliser, matière à s'excuser et à dire: Maintenant, il faut... Il me semble que ce n'est pas nécessaire d'aborder ces problèmes-là de cette manière-là. Chaque étape, chaque génération a ses problèmes. Nous travaillions dur l'été pour gagner nos études. Nous ne nous sommes pas endettés, mais nous avons travaillé dur. Les gens n'ont pas la possibilité de travailler aujourd'hui, c'est un autre phénomène, et c'est dur aussi.

Je voudrais attirer l'attention du ministre là-dessus, parce que je ne crois pas que ce soit très, très constructif, finalement, que de toujours mettre un peu d'essence sur le feu. Il existe, le feu. Il suffit de réunir 10 jeunes, 15 jeunes, comme je l'ai fait à trois occasions dans les six derniers mois, des jeunes, des amis de mes enfants, et, quand on soulève ces questions-là, tout de suite, il y a une polarisation, le ton durcit. C'est vrai, ce que nous disons. Il y a une tension, mais il me semble qu'il y a des manières de regarder ça aussi.

Je ne suis pas d'accord, moi, que c'est le déficit et la dette qui sont le cauchemar de nos jeunes la nuit; c'est le manque de travail qui est leur cauchemar le jour. Tout le monde sait que, s'ils pouvaient travailler, si la croissance reprenait, s'il y avait des mesures qui permettaient à l'économie de rouler, ces questions de déficit trouveraient leurs solutions à travers la possibilité de prélèvements de l'État qui seraient accrus, sur les entreprises et sur les individus. Il me semble qu'on ne fait pas assez ce lien et qu'on fait plutôt souvent le lien inverse.

J'ai assisté et j'ai participé à la conférence socioéconomique de mars aussi. Dans certains documents du gouvernement, on dit: Le déficit, le fardeau de la dette nuit à l'économie, etc. Moi, je veux bien y voir un aspect marginal, mais l'inverse est beaucoup plus vrai, à mon avis. L'anémie de l'économie est la cause de l'incapacité de l'État à continuer à accorder les financements qu'il faut dans les services publics qu'il nous faut aussi. Je ne vois pas, moi, ce qu'on est en train de construire au Québec quand on est obligé de rogner dans les frais de garderie, dans les subventions aux parents qui ont besoin de garderie en milieu scolaire. Je ne vois pas ce qu'on est en train de gagner à rogner partout comme on le fait dans nos écoles, à compliquer les situations déjà pas faciles. Je ne vois pas ce qu'on est en train de construire. Je ne vois pas le projet de société derrière ça, et je ne suis pas le seul. Je regardais non pas les propos des adversaires du gouvernement, mais les propos de ses alliés, ses alliés sociaux et syndicaux. J'ai passé ça...

M. Landry (Verchères): Qui sont généralement vos adversaires.

M. Charbonneau (Bourassa): Moi, je ne les considère pas mes adversaires.

M. Landry (Verchères): Non. Mais eux vous considèrent comme un adversaire.

M. Charbonneau (Bourassa): On verra ça dans quelque temps...

M. Landry (Verchères): Quand voulez-vous?

M. Charbonneau (Bourassa): ...les adversaires de qui ils seront. Je ne parle pas toujours en termes d'élection. Je regardais les propos de M. Godbout, président de la FTQ, près de 500 000 membres – on aime ça se référer à la conférence de mars – M. Godbout rappelait qu'il y avait trois consensus liés et majeurs. Il y avait un paquet, il y avait un bouquet, comme on dit. Trois éléments liés: relance de l'emploi, protection des programmes sociaux et réduction graduelle des déficits qui faisaient l'objet du pacte. M. Godbout, il dit qu'il a le sentiment d'être floué. Le budget ne comporte pas vraiment de mesures significatives de relance de l'emploi. Le budget mine dangereusement le consensus établi en mars dernier et augure très mal pour le succès du prochain sommet. Le budget remet en question ce consensus, nous n'avons d'autre choix que de le déplorer amèrement.

Je regardais les propos d'autres personnes, d'autres dirigeants d'organismes, que ce soit de la CSN, que ce soit de la CEQ. La présidente dit, à propos du budget: Il s'agit essentiellement d'une série de mesures éparses dont l'unique objectif est d'atteindre des cibles budgétaires, mais dont les perspectives d'amélioration de l'équité fiscale et de création d'emplois sont totalement absentes. Je regardais les propos de la présidente de l'UMRCQ qui reproche aussi au gouvernement son absence de certains dossiers, notamment de promotion du développement régional. Je regardais le point de vue de la présidente de la Fédération des femmes du Québec qui reconnaît qu'à l'avenir elle devra dénoncer plus durement les coupures, parce que ces coupures-là s'abattent sur les femmes.

J'ai une question à travers tout ça, une préoccupation, c'est: Pendant combien de temps le gouvernement pense-t-il qu'il va maintenir son alliance avec les éléments qui se qualifient ou qui sont qualifiés d'éléments de promotion du progrès social avec des budgets comme ceux-là? Pourquoi le ministre n'a-t-il pas eu une approche plus équilibrée? Je l'entendais dire, tout à l'heure, ici, je ne pouvais pas tomber mieux: Notre obsession, ça a été le déficit. Si on veut définir ce budget, c'est la lutte au déficit. Pourquoi le ministre, je dirais, ne saute-t-il que sur une jambe? La solution au déficit, c'est du côté de l'économie. Il le sait bien. Il peut nous l'expliquer mieux que nous ne pouvons soulever nous-mêmes la question. Il le sait bien. C'est dans la capacité de prélever sur des revenus d'entreprises qui fonctionnent et qui font des profits...

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste une minute, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): ...et sur des revenus d'individus qui ont des emplois assurés et des emplois rémunérateurs. C'est sur cette capacité-là que repose la possibilité de s'en sortir en définitive. Alors, j'aimerais entendre le ministre là-dessus. Il me semble qu'on s'en va vers un horizon de plus en plus bouché, non pas du point de vue des libéraux – nous autres, nous sommes, dans l'opposition, des opposants professionnels, par définition du jeu parlementaire – mais c'est aussi le point de vue d'alliés très précieux du gouvernement dans sa stratégie jusqu'à maintenant.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

(12 h 40)

M. Landry (Verchères): D'abord, oui, vous êtes des opposants professionnels, institutionnels...

M. Charbonneau (Bourassa): Institutionnels, c'est la meilleure question.

M. Landry (Verchères): ...si vous aimez mieux, mais vous avez été, vous, au sens partisan du terme, gouvernants professionnels pendant 10 ans. Vous nous avez acculés, par cette négligence invraisemblable... Vous n'avez pas participé à toute la commission, mais, moi, je me demande encore, autant sur le plan intellectuel que sur le plan pratique, comment un parti de droite qui est arrivé au pouvoir en claironnant qu'il allait gérer l'État comme une business et qu'il allait remplacer l'État-providence par l'État-Provigo a pu rater tous les signaux et tous les clignotants rouges sur tous les tableaux de bord des gens sérieux, au Canada comme ailleurs, qu'il était temps de réduire les dépenses? Toutes les provinces du Canada réduisent les dépenses à partir du début des années quatre-vingt-dix et même avant. Le gouvernement libéral en place fait le lit dans lequel nous avons à coucher aujourd'hui, là, en négligeant totalement de baisser les dépenses et en continuant comme si rien n'était. Beau fixe. La dernière année, pour des raisons purement électorales – vous avez fait une allusion aux élections – ils ont baissé les impôts de 800 000 000 $ après les avoir élevés, il est vrai, de plusieurs milliards au cours des années antérieures. Mais ils ont, d'une certaine manière, scellé notre sort.

Qui nous a acculés à l'obsession de combattre le déficit? Ceux qui ne s'en sont pas occupé avant. Toutes les provinces du Canada sauf l'Ontario, qui a eu un gouvernement socialiste qui a pris des décisions calamiteuses qui ont monté le déficit de l'Ontario à 12 000 000 000 $ en une seule année... Qui, à part l'Ontario et le Québec des libéraux, n'a pas pris les précautions qu'il fallait pour réduire le déficit? Les conservateurs sont venus en Ontario et ont enfin inversé le mouvement. Les conservateurs du Québec, c'est-à-dire les libéraux, auraient pu au moins en faire autant. Non. On a été obligés, nous, les progressistes et les sociaux-démocrates, d'appliquer des mesures pour que la dépense publique au Québec baisse l'an dernier pour la première fois en un quart de siècle. Et, si le député a des moyens à me suggérer pour ne pas monter les taxes, pour diminuer le déficit et augmenter la dépense créatrice d'emplois, on a 33 minutes cet après-midi, je suis prêt à lui laisser les 33 minutes au complet pour qu'il me fasse la démonstration de la quadrature du cercle. Il faut être réaliste, quand même.

Je voudrais insister lourdement sur le fait que ce n'est pas la dette pour la dette que je combats dans ce budget, ce n'est pas le déficit pour le déficit. Il a dit que ses enfants ne se posaient pas la question du déficit ni de la dette, mais celle de l'emploi. Mais, s'ils sont au niveau du doctorat, ils n'ont pas de difficulté à comprendre le rapport entre les deux, même à des niveaux beaucoup plus bas, là, un 101 des cégeps suffirait, et même avant. Le député est un ancien pédagogue, comme moi d'ailleurs. Je vais lui suggérer six petites phrases qui vont faire comprendre à ses enfants très rapidement que ce n'est pas la dette pour la dette, c'est la dette pour l'emploi, c'est la dette pour l'économie.

Mais je reviens, juste avant de lui parler de mes six propositions, sur les 75 000 000 000 $ de dette accumulée. Moi, j'en parle toujours avec nuance, contrairement à ce qu'il a laissé entendre. Je divise toujours le 75 000 000 000 $ en deux, parce qu'il y en a la moitié qui était à l'équipement, ce qui est tout à fait acceptable. Construire des écoles, des universités, des autoroutes, très bien. Mais il y en a la moitié qui a été prise pour payer l'épicerie, et c'est là que nous avons surconsommé. Ça ne sert à rien de l'admettre? Regardons nos enfants en face. Commençons par leur parler franchement, c'est la meilleure façon d'établir un rapport de confiance. Sur le 75 000 000 000 $, il y a 35 000 000 000 $ qui est intouchable en termes d'éthique, parce que vous pourrez vous en servir. L'hôpital Notre-Dame est là, le cégep de Jonquière aussi, et pour longtemps. Mais l'autre 35 000 000 000 $, c'est parce qu'on a soit pas assez payé d'impôts, soit trop collecté quand on était dans le secteur public et qu'on émargeait aux fonds publics d'une manière ou d'une autre.

Je n'exclus pas le député, je ne m'exclus pas moi-même. J'ai été professeur d'université pendant 10 ans. Il est arrivé quelque chose, là, pour qu'on dépense dans l'épicerie. Une dette accumulée de 35 000 000 000 $. Pourquoi s'en cacher? Pourquoi s'en cacher? Est-ce que j'aime mieux enrager mes enfants en leur mentant en pleine face ou les attrister, peut-être, mais susciter leur confiance en leur disant la vérité? C'est ça, l'esprit du présent budget.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre, malheureusement, je vais être obligée d'ajourner parce que c'est ce qu'on avait convenu, mais vous pourrez continuer cet après-midi.

M. Landry (Verchères): Oui, on pourra partager 33 minutes cet après-midi.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, j'ajourne les travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux afin d'écouler les 10 heures qui nous étaient accordées pour les discussions sur le budget. À la suspension des travaux, on m'informe que c'est le ministre qui était en train de compléter une réponse au député de Bourassa.

M. Landry (Verchères): C'est tout à fait ça, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je ne sais pas si elle était complète ou si...

M. Landry (Verchères): Non, je disais au député de...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Et, si vous permettez, M. le ministre, il nous resterait environ 33 minutes pour écouler les 10 heures que nous avons à notre disposition.

M. Landry (Verchères): Oui, c'est ce qu'on nous a dit, oui. Alors, le député de Bourassa nous avait dit, donnant l'exemple de ses enfants – mais il aurait pu donner l'exemple des miens – en disant d'ailleurs qu'il avait des étudiants au doctorat – très bien, c'est mon cas aussi – que les jeunes ne voyaient pas le rapport entre la lutte au déficit et que ce qui les intéressait, c'est la création d'emplois. Je me suis montré sceptique. Surtout, des jeunes qui ont comme discipline de l'esprit de faire des rapports logiques, même à partir du cégep, peuvent facilement comprendre que ce déficit accumulé, cette dette accumulée et ce déficit annuel sont une chape de plomb pour l'économie, sont une chape de plomb pour la création d'emplois. L'argumentation mécanique est facile à suivre, et là ce n'est pas nécessaire d'avoir un doctorat en économie pour savoir ça. J'avais dit au député de Bourassa que je luis donnerais une demi-douzaine d'arguments que je lui prie de bien vouloir répéter à ses enfants.

D'abord, les principaux bénéfices de l'élimination du déficit consistent à éviter la hausse du service de la dette qui gruge une portion croissante des revenus pour payer des services passés chaque année. C'est 6 000 000 000 $, six fois 1 000 millions – ça fait des montagnes d'argent, ça – qui, au lieu de servir à ses enfants, et aux miens, et à l'ensemble de la population du Québec, s'en vont à des créanciers qui nous ont prêté de l'argent et dont certains travaillent en devises étrangères, d'autres en monnaie interne, certains sont de l'étranger, certains sont de l'interne. Mais ce n'est pas la meilleure façon d'utiliser l'argent au service du public que de collecter des impôts et des taxes pour payer des intérêts. Premier point, facile à comprendre.

(15 h 30)

Deuxième point, pour les jeunes, plus facile à comprendre encore. Nous luttons contre le déficit pour ne plus transférer aux générations futures le fardeau de payer pour les services dont nous bénéficions aujourd'hui. Il me semble que, ça aussi, c'est limpide. Il n'est pas question d'établir de blâme ou de culpabiliser les uns ou les autres, mais il est question de regarder les choses en face et de façon réaliste. Si, pour la moitié du 75 000 000 000 $, nous avons consommé en dépenses courantes, c'est que nous n'avons pas versé suffisamment au trésor public pour qu'il équilibre ses besoins avec ses ressources.

On peut faire le tour de la question, essayer de blâmer les autres, essayer d'avoir des attitudes partisanes, ce n'est pas le sens de mon propos, c'est simplement pour dire que ce passé ne doit pas retrouver son écho dans l'avenir. On ne peut plus continuer comme ça. Ça ne serait pas convenable de laisser aller, parce que, là, on s'en irait, à un moment donné, vers 12 000 000 000 $, j'imagine, de service de la dette annuel. Ça veut dire le budget du ministère de l'Éducation au complet; au lieu de faire de l'éducation, on fait de la dette. Là, la moitié, à peu près, du budget de l'Éducation, en équivalent, se retrouve chez les créanciers plutôt qu'au service du peuple qui paie des impôts et des taxes pour ça.

Troisième élément de mon argumentation, récupérer la marge de manoeuvre financière permettant au gouvernement de mieux rencontrer les besoins de la population, par exemple, en réduisant les impôts et les taxes ou en augmentant les dépenses dans des domaines prioritaires. Cette année, il était question de faire ni l'un ni l'autre. L'Ontario, on le sait, a choisi un chemin extrêmement risqué, de diminuer les impôts et taxes avant d'avoir réglé son problème de déficit. Ça veut dire que, pour diminuer ses impôts et taxes, l'Ontario va s'endetter encore d'une vingtaine de milliards de dollars, en gros. C'est une entreprise scabreuse. Elle est scabreuse pour l'Ontario. Imaginez ce que ce serait pour nous, alors que notre dette est de 25 % plus élevée par tête. La dette du Québec, c'est 10 200 $ par tête, hommes, femmes et petits-enfants, puis celle de l'Ontario, c'est 8 000 $.

Alors, si on veut répondre aux attentes du député de Bourassa et utiliser des fonds publics abondants et excédentaires au service de la dette et aux dépenses passives pour instaurer des actions nouvelles, il faut une marge de manoeuvre. Il n'y a pas d'autre façon de s'en sortir. Nous n'avons pas cette marge de manoeuvre, et nous voulons la récupérer pour redonner un sens à la démocratie économique et financière et à l'action de l'État.

Notre parti a un passé et un présent social-démocrate. Il a fait allusion, ce matin, le député de Bourassa, à nos amitiés. C'est vrai que nous sommes fiers des amitiés que nous avons dans les milieux du travail organisé, dans les milieux populaires, dans les milieux agricoles, mais tout ça devient un discours creux si la social-démocratie... Il m'exhibe le fait que nos amis nous critiquent. Bien sûr, j'aime mieux qu'ils nous critiquent et qu'ils soient nos amis que l'inverse! Comprenez-vous? Bien, j'aime mieux qu'ils nous critiquent, nous, et qu'ils vous combattent, vous, ce qu'ils font joyeusement, d'ailleurs.

Si nos amis ont émis quelques critiques aussi, c'est sur un point où vous devriez établir la cohérence entre le député de Bourassa et le député de Laporte. Nous avons effectivement, comme le député de Laporte le préconise, harmonisé nos politiques, quant au Fonds des travailleurs, à celle du ministre des Finances, comme il avait suggéré que nous devions le faire au salon rouge lors de notre dernière rencontre. Alors, si la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, avec l'approbation du député de Bourassa, critique cette mesure, elle critique, en même temps, une attitude du critique de l'opposition officielle en matière budgétaire. Alors, c'était le troisième point, récupérer la marge de manoeuvre financière.

Le quatrième, plus macroéconomique, celui-là, et aussi facile à comprendre que les trois premiers. Les emprunts du gouvernement baissant, il y aura plus d'épargne disponible. Et, s'il y a plus d'épargne disponible, bien, d'abord, simplement en quantité, l'économie, l'économie libre, et privée, et d'entrepreneurship sera mieux approvisionnée en épargne, en termes de quantité, mais le prix de l'argent, qui est fonction des quantités disponibles et de la demande, aura tendance à baisser. Quand les taux d'intérêt baissent, on y trouve là un des plus puissants stimulants à la croissance économique, notamment dans le domaine du logement, notamment dans le domaine de la confiance des consommateurs dont on a parlé abondamment ce matin. Les consommateurs sont disposés à acheter à crédit. Ce n'est pas une faute, dans une économie comme la nôtre, d'acheter à crédit, à condition que les taux de crédit soient supportables et que la limite d'endettement elle-même ne soit pas insupportable. Alors, épargne plus abondante, taux d'intérêt moins élevé.

Et, enfin, une raison qui résume toutes les autres, trop d'impôts...

M. Bourbeau: Tue l'impôt.

M. Landry (Verchères): ...tue l'impôt. Enfin, il commence à me comprendre.

M. Bourbeau: Bien oui! La pédagogie donne ses résultats. Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Il commence à comprendre. Ah bien! Alors, si nous pouvions mettre en commun ce leitmotiv, «Trop d'impôts tue l'impôt», et l'addition que je lui ai faite...

M. Bourbeau: Mais, moi, je les ai baissés, les impôts.

M. Landry (Verchères): Répétez après moi...

M. Bourbeau: Moi, je les ai... Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Là, vous avez compris «Trop d'impôts tue l'impôt». Vous avez compris ça. Répétez après moi, maintenant: Trop d'impôts tue l'impôt, trop d'impôts tue l'emploi. Tue l'emploi.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On va recommencer à réciter des litanies, hein? Anciennement...

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Bourbeau: M. le Président, moi, je suis le seul ministre des Finances qui a baissé les impôts. Alors, je suis parfaitement d'accord.

M. Landry (Verchères): Oui, il les a baissés l'année où il nous a conduits vers un déficit de 5 700 000 000 $. C'est un des gestes les plus spectaculairement...

M. Bourbeau: Votre déficit.

M. Landry (Verchères): ...irresponsables de l'histoire du Québec.

M. Bourbeau: Votre déficit. Notre budget et votre déficit.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. À l'ordre! À l'ordre, à l'ordre!

M. Landry (Verchères): Je vais demander encore au député de Crémazie de venir en renfort, lui qui est le meilleur expert sur la question.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Il nous a épargné le désastre. On s'en allait, si j'ai bien compris, vers 6 100 000 000 $...

Des voix: Et plus.

M. Landry (Verchères): ...et plus, on est allé à 5 700 000 000 $, ce qui était déjà le record historique.

M. Bourbeau: Ce n'est pas vrai, c'est faux. Le record historique, c'est M. Parizeau qui l'a, en 1982. Demandez au sous-ministre des Finances qui a...

M. Landry (Verchères): Le sous-ministre des Finances, qui a été recruté d'ailleurs en cette fonction par M. Parizeau, sait très bien qu'entre-temps les méthodes comptables ont été changées à quelques reprises, au moins deux fois.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Au moins deux fois. D'ailleurs, la contribution aux fonds de pension, c'est bien M. Parizeau qui a... La capitalisation des fonds de pension que vous avez été obligés de continuer de mauvaise grâce, c'est justement Jacques Parizeau qui l'a faite.

M. Bourbeau: Il n'a pas fait que des mauvais coups.

M. Landry (Verchères): Il a surtout fait des bons coups. Un des seuls mauvais, ça a été de s'en aller.

M. Bourbeau: Non. Le meilleur, ça a été de s'en aller. Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Alors, je pense que vous avez bien compris mon argumentation, elle est facile. Le député de Bourassa avait amené ce sujet en parlant de ses jeunes. Bien, moi, c'est en parlant ce langage aux jeunes du Québec que je fais appel à leur sens des responsabilités. Je crois, si on regarde les réactions générales au budget, que ces appels à la raison ont été parfaitement entendus.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le ministre, mais on m'informe que votre 10 minutes était écoulé, M. le ministre, également. Donc, pour respecter l'alternance, ce serait le député de Crémazie, qui m'a demandé la parole, le député de Roberval, le député de l'Acadie et le député de Bourassa, et il reste 20 minutes. Ha, ha, ha! Mais je ne veux pas... Je ne dis pas ça, M. le député de Bourassa, pour vous...

M. Charbonneau (Bourassa): Il faut que je m'en aille à Montréal pour 19 heures, ça fait que ça tombe bien.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, c'est bien.

M. Landry (Verchères): Si on peut vous accommoder de quelque manière, M. le député de Bourassa.

Une voix: Bon voyage.

M. Charbonneau (Bourassa): Une limousine?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça fait que, M. le député de Crémazie, c'est à vous la parole.

M. Campeau: Moi, écoutez, je suis prêt à attendre si, vraiment, ça lui sauve un... Bon, bien, il est parti.

M. Gendron: Non. Laisse-lui son plaisir, il veut...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est à vous, M. le député de Crémazie.


Transferts financiers fédéraux en proportion des revenus budgétaires

M. Campeau: Bien, moi, quand je regarde cette année, est-ce qu'on fait vraiment la bonne explication des transferts financiers fédéraux, qui sont à peu près chaque année coupés et descendus, et les rapports de pourcentages, là, par rapport aux revenus budgétaires? Est-ce qu'on pense qu'on va s'en tirer ou bien est-ce qu'on estime que, dans les années qui viennent, les fédéraux vont encore nous frapper et qu'ils vont encore oublier qu'on leur envoie 29 000 000 000 $ par année en impôts et en taxes et qu'ils ne nous retourneront pas ce qui nous est dû et que, finalement, on va arriver à zéro, qu'il n'y a aucun transfert fédéral qui va venir au Québec?

(15 h 40)

M. Landry (Verchères): Il est sûr que les transferts tendent vers zéro. Il y a une courbe vertigineuse qui est reproduite dans divers documents. Dans le document budgétaire, je ne sais pas si on la retrouve, là, mais c'est la fameuse courbe qu'on appelle Résultats préliminaires 1995-1996 et prévisions pour les années suivantes, transferts financiers fédéraux en proportion des revenus budgétaires. On était, en 1979-1980 – ça ne fait pas si longtemps que ça, René Lévesque était premier ministre du Québec – à 30 % en proportion de nos revenus budgétaires. On est, en 1997-1998, à 15 %. Déjà, en pourcentage, on a coupé par deux, et la courbe plonge, on s'en va vers 13,2 % en 1999-2000. Alors, effectivement, elle tend vers zéro. Elle pourrait même devenir négative. Au point où ils en sont, ils pourraient nous demander de contribuer au-delà, une espèce de contre-transfert, parce que, eux, ils sont écrasés de 600 000 000 000 $ de dette.

J'ai déjà dit que ce n'est pas parce qu'on voulait échapper à nos obligations que l'on proteste contre ces coupures, c'est parce qu'elles sont uniques sur le plan constitutionnel. Elles tournent le dos à la parole donnée et aux engagements pris. Est-ce que, honnêtement, Jean-Jacques Bertrand ou Robert Bourassa, qui ont accepté de participer à des programmes 50-50, seraient aujourd'hui heureux de voir qu'ils sont obligés d'en payer 70 %? Poser la question, c'est y répondre. On s'est fait embarquer.

M. Bourbeau: La posez-vous à moi?

M. Landry (Verchères): J'ai dit que poser la question, c'était y répondre. Alors, pourquoi est-ce que vous répondriez à une chose à laquelle j'ai déjà répondu?

M. Bourbeau: Bien, c'est ça que je considère. Le ministre répond lui-même, il ne veut pas donner la chance aux autres de répondre. Si le ministre veut me donner la parole, je pourrais lui répondre.

M. Landry (Verchères): D'abord, ce n'est pas le ministre qui donne la parole, M. le Président, c'est vous.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est ça. C'est ça que j'allais dire.

M. Landry (Verchères): Puis, deuxièmement...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vais inscrire le député de Laporte sur la liste, là.

M. Landry (Verchères): C'est ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il reste 15 minutes.

M. Landry (Verchères): Oui. Et j'ai peur...

M. Bourbeau: Je m'attends bien avoir mon droit de parole.


Départ du sous-ministre en titre du ministère des Finances

M. Landry (Verchères): Je vais dire une chose. Le député de Laporte va y souscrire et tout le monde ici, dans cette salle, va y souscrire, parce que je veux faire une parenthèse. Je ne veux pas être coincé par le temps pour faire ce que j'ai à faire maintenant.

Ce que j'ai à faire maintenant, c'est d'annoncer, à cette Assemblée nationale, qu'un serviteur de l'État de première force, le sous-ministre en titre des Finances, M. Alain Rhéaume, va quitter ses fonctions. Oui, effectivement, c'est tout à fait triste. Ce n'est pas une date étoilée. Mais, d'abord, avec un mouvement de loyauté sans précédent – cette décision et les horizons qui l'attendent auraient pu se matérialiser le 1er janvier passé – il a tenu à rester, il a tenu le coup pour le grand exercice budgétaire. Le député de Laporte et le député de Crémazie, deux de mes prédécesseurs, savent ce que cela veut dire. Ce n'est pas n'importe qui qui est capable, à pied levé, de prendre cette responsabilité. Alors, Alain Rhéaume a tenu le fort. Il a mené ce navire à bon port avec un nouveau ministre qui avait beaucoup de choses à apprendre. Préparer le budget dans 100 jours, ça veut dire que les fonctionnaires en ont mis plus que d'habitude pour suppléer au fait que leur ministre avait beaucoup de choses à apprendre en même temps qu'à décider.

C'est heureux que j'aie l'occasion de faire cette annonce à notre commission parlementaire, parce que ça lui donne un peu plus de solennité, puis ça donne une première occasion de rendre hommage à ce brillant serviteur de l'État qui, dans des conditions, comme on sait, qui sont loin d'être celles du marché, et c'est le cas de la plupart de nos sous-ministres et sous-ministres adjoints, a fait son devoir, d'abord et avant tout. Il l'a fait longuement, il l'a fait longtemps, et il l'a fait jusqu'à la dernière seconde. Je tiens à lui rendre hommage au nom du gouvernement et au nom de ceux et celles qui aiment le service public bien fait et bien rendu, exemple qu'il nous a donné durant toute sa carrière dans la fonction publique du Québec.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que la commission me donnerait l'occasion de dire un mot sur ce dont vient de parler le ministre des Finances? Je ne voudrais pas prendre le droit de parole de quelqu'un d'autre, mais c'est peut-être la seule façon que...

M. Campeau: Tu peux revenir après.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui. Allez, allez, allez tout de suite.

M. Bourbeau: ...j'ai d'enchaîner avec ce que vient de dire le ministre des Finances. Le sous-ministre Alain Rhéaume a eu l'occasion d'entraîner quatre nouveaux ministres des Finances en l'espace de un an et demi, je crois, puisqu'il y a eu beaucoup de changements à cette fonction-là depuis le décès de notre collègue Gérard-D. Levesque. Je dois dire qu'il a beaucoup de mérite, parce que ce n'est pas nécessairement si facile que d'avoir à reprendre les dossiers un par un. Avec certains, c'est plus difficile qu'avec d'autres, mais, enfin, disons que ce n'est quand même pas si facile que ça, là, comme travail, pour lui et son équipe. J'ai été un peu dans la même position que le ministre des Finances, je suis entré en fonction après Noël aussi. Alors, dans mon cas, ça a aussi été accéléré comme formation.

Je dois dire que c'est un homme extrêmement disponible, extrêmement compétent et qui a l'art de vulgariser les choses aussi, qui est vraiment ancré dans la réalité. Ses connaissances sont variées, sont importantes aussi dans ce domaine-là, puisqu'il a grandi dans ce ministère-là à partir des fonctions les plus humbles, enfin jusqu'au sommet. En plus d'être un individu qui connaît très bien son dossier, c'est aussi un excellent meneur d'hommes. Alors, il sait diriger une équipe, c'est un bon gestionnaire. Il sait motiver une équipe, aussi. Il faut avoir mis les pieds dans ce ministère-là pour voir l'esprit, j'oserais même dire l'esprit de clocher qui habite ce ministère-là, où tout le monde fait partie d'une grande famille, et où n'y entre pas qui veut, et ni si facilement que ça, et, si j'en crois les dernières nouvelles, n'en sort pas qui veut non plus, n'est-ce pas? M. St-Gelais, dont la rumeur voulait qu'il devait changer de ministère, on me dit maintenant qu'il doit rester au même ministère. Alors, semble-t-il que le ministère ne rend pas facilement ses meilleurs éléments.

Je voudrais simplement souhaiter à Alain Rhéaume une carrière brillante. Je sais que, de toute façon, là où il va, on le saura peut-être bientôt maintenant, ce ne sera que pour le plus grand bien de ses nouveaux employeurs ou peut-être de ses nouveaux associés. Je suis convaincu que l'expérience qu'il a acquise au ministère des Finances saura lui profiter dans ses nouvelles fonctions. Je lui souhaite, au nom de ma formation politique, tout le succès qu'il mérite.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Laporte. M. le député de Crémazie, la parole vous revient.

M. Landry (Verchères): Juste avant...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): ...que mon collègue de Crémazie parle, j'aimerais rajouter que M. Rhéaume est quand même avec nous jusqu'à la fête nationale. La transition se terminera à la fête nationale.

M. Campeau: Bien, il a choisi une belle date.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Oui, ça va. Bien, moi, je me joins à mes deux collègues pour souhaiter bonne chance à Alain Rhéaume que j'ai bien apprécié. Je tiens à souligner aux autres sous-ministres adjoints, bien, que le fardeau va leur revenir, puis ça serait mieux qu'il ne parte pas tout de suite.

Bon. On va continuer les questions, si vous voulez, monsieur. Alors, qu'est-ce qu'on pense des transferts financiers fédéraux? Je voudrais y revenir, M. le Président, si vous le permettez. Par exemple, Paul Martin, à la sortie du budget du ministre Landry, l'a félicité tout de suite en disant que c'est un bon budget. Pensez-vous qu'il avait quelque chose en tête? Est-ce que vous pensez qu'il veut vous couper encore, puis qu'il veut que vous preniez la pilule un peu mieux?

M. Landry (Verchères): Oh, j'ai l'impression qu'il cherchait à se féliciter lui-même, en ce sens qu'il dit, et il le fait d'ailleurs, qu'il poursuit une politique de réduction du déficit. On sait à quel prix, il repousse son déficit dans notre cour. Mais il se sent cautionné quand le Québec, qui représente 25 % de la population du Canada, suit une voie qui, sur le plan de la philosophie des finances publiques, ressemble à la sienne, c'est-à-dire lutte au déficit par compression des dépenses, sauf que, lui, ses dépenses, il les comprime sur notre dos. C'est ça qui fait la grande différence.

M. Bourbeau: Et vous sur le dos des commissions scolaires et des municipalités. C'est la même chose.

M. Landry (Verchères): Oui. Le sous-ministre me fait remarquer qu'il ne désarme pas, pas une fraction de seconde, qu'il espérait peut-être qu'on ne lui demande pas une compensation sur la taxe de vente Nouveau-Brunswick et Maritimes.

M. Campeau: Bon. C'était, si vous me permettez, M. le Président, mon autre sujet. Est-ce qu'on a une stratégie pour aller récupérer l'argent sur l'harmonisation de la taxe de vente, sur le travail qu'on a fait, ou bien non si on fait juste un communiqué dans les journaux et qu'on est forcé d'attendre le fédéral? Est-ce qu'on a une stratégie là-dessus pour aller chercher ce qui nous est dû?

M. Landry (Verchères): Oui, mais la question de la récupération comme telle va relever de notre collègue chargé des Affaires intergouvernementales canadiennes, et j'aime mieux le laisser répondre lui-même. Ce que le ministère des Finances a fait dans cette affaire, c'est établir la base de la réclamation en termes d'équité, en termes juridiques, en termes financiers, voir la méthode appliquée aux Maritimes, en appliquer le résultat au Québec, et établir les chiffres. On aurait pu prendre une méthode simpliste à 425 $ par tête, ce qui nous aurait portés à 3 000 000 000 $ et plus, on a choisi d'être en terrain un peu plus solide. Mais, quant à la stratégie et au procédé de récupération, j'aime mieux ne pas m'avancer sur le terrain de mon collègue.

(15 h 50)

M. Campeau: Ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de l'Acadie.


Vente illégale de vin et de bière de fabrication domestique

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder juste un point particulier du budget suite à certaines interventions qui ont été faites de la part de concitoyens et pour avoir plus d'informations. Dans le communiqué de presse que vous avez émis, M. le ministre, en date du 9 mai, relativement au discours du budget, vous faites référence au fait que, et je cite, «des mesures seront prises pour enrayer la vente illégale de vin et de bière de fabrication domestique. Les grossistes et les détaillants de produits et d'équipements destinés à la fabrication domestique de vin ou de bière devront obtenir un permis de la Régie des alcools, des courses et des jeux qui pourra ainsi exercer un contrôle sur la distribution de ces produits. Également, la TVQ s'appliquera dorénavant sur les produits destinés à la fabrication domestique de vin et de bière».

En fait, je voulais juste peut-être d'abord savoir: Quelle est l'ampleur de ce problème-là actuellement au niveau de la vente illégale de vin ou de bière qui serait faite par le biais de ce point-là? Je vais vous énumérer une série de points, et peut-être que vous pourrez... L'ampleur du problème et combien de types de commerces, actuellement, seraient touchés par, éventuellement, le permis auquel on fait référence? Quel serait le coût du permis? Quelle serait sa date d'entrée en vigueur? Et, actuellement, au niveau de la TVQ, quels sont, si c'est le cas, les éléments qui sont déjà sujets actuellement à la TVQ? Je pense, par exemple, à la distinction entre, peut-être, les appareils qui servent à la fabrication du vin et les moûts comme tels. Alors, est-ce qu'il y a une différence au niveau de la TVQ présentement et éventuellement?

M. Landry (Verchères): Bon, l'ampleur du phénomène. Durant les consultations prébudgétaires, nous avons reçu des représentations d'à peu près tous les secteurs de la production des alcools, des plus concentrés jusqu'à ceux qui le sont moins. De la part des syndicats et des patrons dans le domaine de l'alcool dans le sens traditionnel du terme, les scotch, whisky, gin, etc., on parle de niveau de ventes illégales qui irait autour de 50 %, d'après ces gens-là, des ventes. Pour les vins, les représentations qu'on a eues aussi, c'était qu'une énorme portion du marché, y compris celui de la restauration, échappait aux lois et échappait à tout contrôle. On vous cherche des chiffres plus précis pendant que je parle. Pour les vins, on perdrait une trentaine de millions de dollars en revenus de taxation.

Alors, ce qu'on a décidé de faire... Le fait qu'on applique la TVQ sur les moûts, par exemple, ce n'est pas pour ce que ça peut nous rapporter, c'est pour comptabiliser et faire en sorte que ces raisins vinifiables – ça ne s'applique pas au raisin de table, celui qu'on mange – ce qui vient de vitis vinifera – tous les gens du milieu connaissent ce que ça veut dire – eux, soient assujettis à la taxe. Pour l'équipement, il n'y a rien de changé. Comme avant. Ça rapporte 2 000 000 $, mais ça nous permet de tenir une comptabilité des volumes et de savoir à qui c'est vendu.

M. Bordeleau: Au niveau des moûts?

M. Landry (Verchères): C'est ça. Alors, ce n'est pas pour l'argent, encore une fois, vous le voyez bien. Il ne faut pas cracher dans l'argent, 2 000 000 $, c'est 2 000 000 $, mais ce n'est pas ça qui nous a attirés là, c'est les récriminations des producteurs légaux.

M. Bordeleau: O.K. Maintenant, je reviens à l'autre question que j'avais signalée, la question des permis, les coûts. Et, d'ailleurs, dans votre communiqué, vous dites: «Devront obtenir un permis, ce qui pourra nous permettre d'exercer un contrôle sur la distribution de ces produits.» Alors, vous avez fait référence au contrôle que vous donnerait, par exemple, la taxation des moûts. Le permis va vous donner d'autres contrôles. Est-ce que vous pourriez être plus précis à ce niveau-là et aussi nous donner les coûts?

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Le prix du permis, c'est un peu trop pointu pour aujourd'hui. On ne peut pas vous le dire.

M. Bordeleau: Ce n'est pas déterminé. La date d'entrée en vigueur?

M. Landry (Verchères): La date d'entrée en vigueur, ça prend des lois, des règlements de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Le plus tôt possible, avant les vendanges, avant le 15 septembre.

M. Bordeleau: Alors, le prix, actuellement, n'est pas déterminé, et ça entrerait en vigueur le plus tôt possible.

M. Landry (Verchères): Non. Vous, c'est de vos électeurs, peut-être, qui vous ont parlé de ça. Moi aussi. Il y en a quelques-uns qui fabriquent leur vin eux-mêmes, et ils m'ont parlé de quelques sous la bouteille, pas plus.

M. Bordeleau: Non, c'est parce que... Est-ce que vous savez il y a combien de commerces, de ce type de commerce là, au Québec, qui vendent les équipements et les moûts?

M. Landry (Verchères): On n'a pas ça avec nous, on pourrait toujours faire la recherche. Si le sujet vous intéresse, ça va nous faire grand plaisir de vous renseigner, mais on vous enverra ça à votre bureau.

M. Bordeleau: Oui, oui. O.K. Quand vous pensez au contrôle que va vous permettre les permis, c'est quel type de contrôle, à ce moment-là, que vous allez effectivement exercer pour savoir exactement quelle est l'ampleur des produits vendus et des...

M. Landry (Verchères): C'est surtout connaître le lieu géographique des points de vente et, ensuite, poursuivre les volumes, la taxe. Alors, si on voit une augmentation prodigieuse de volume dans une localité, ça va évidemment attirer la curiosité des enquêteurs. Il se peut très bien que ce soit en tout bien tout honneur et puis que tout le monde ait décidé de faire son vin dans la ville en question, mais ça peut très bien être quelqu'un qui a décidé de prendre le circuit noir.

M. Bordeleau: O.K. Parfait.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui. M. le Président, habitant une région où il y a un certain nombre de viticulteurs, je ne voudrais pas que le ministre s'imagine que je suis un papillon qui volage un peu trop, mais je voudrais quand même arriver sur un sujet un peu différent – le ministre aura saisi l'allusion. Est-ce que le ministre pourrait nous dire comment va fonctionner l'amendement, dans le budget ici, qui va permettre à des viticulteurs de pouvoir vendre leur vin non plus seulement au château ou à la résidence, comme maintenant, mais aussi dans des restaurants de la région? Quelles sont les limites de cette région auxquelles seront assujetti...

M. Landry (Verchères): C'est la région touristique.

M. Bourbeau: C'est la région touristique.

M. Landry (Verchères): Alors, ça veut dire que le battement des ailes d'un papillon à Ormstown peut déclencher une tornade à Sorel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Ah! bon, bon, je comprends. Alors, on va pouvoir papillonner dans plusieurs villages autour, si je comprends bien. Très bien, M. le ministre, je vous remercie.

M. Landry (Verchères): C'est la région touristique, les événements touristiques. Ce n'est pas dans ma circonscription, c'est dans le lieu où est votre résidence secondaire. Je crois qu'il y a des vignobles de ce genre, vous en avez plusieurs, et des gros.

M. Bourbeau: M. le Président, pas secondaire, ma résidence. M. le Président, je n'ai pas les moyens d'avoir plus qu'une résidence, je vous le dis.

M. Landry (Verchères): Mais il y en a dont la résidence secondaire devient la dépense principale.

M. Bourbeau: Exactement. C'est la dépense principale et c'est ma résidence, je l'ai dit d'ailleurs dans mon introduction, tout à l'heure, le lieu où je réside la plupart du temps.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, puisqu'il reste seulement quelques minutes, pour ne pas dire une minute, au débat, j'aimerais, comme président de cette commission, remercier tout le travail, moi aussi, que M. Rhéaume a fait. La commission était anxieuse de l'entendre en mandat d'imputabilité, que nous avons dû retarder à quelques reprises pour convenir à vos fonctions de préparation du budget, on s'y est soumis. Maintenant, on devra entendre un autre sous-ministre que vous. Mais je tiens à vous souhaiter tout le succès que vous espérez sans doute, que vous recherchez sans doute dans vos nouvelles fonctions.

Sur ça, puisque la commission a accompli son mandat, a rempli les 10 heures que l'Assemblée nationale lui avait allouées pour échanger sur le budget, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 15 h 59)


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