(Onze heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, je suis obéissante, M. le ministre, si vous saviez à quel point.
Alors, après
avoir constaté le quorum, nous allons donc débuter, déclarer la séance, d'abord,
de la Commission de l'aménagement du
territoire ouverte. Alors, je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie, ce matin, afin de procéder aux consultations particulières et aux
auditions publiques sur le projet de loi n° 27, Loi sur l'économie
sociale.
Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Carrière (Chapleau) sera remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Champagne) :
Merci. Alors, ce matin, nous recevons la Fédération des coopératives de développement régional du Québec, suivie du
Réseau de la coopération du travail du Québec. Et nous entendrons, cet
après-midi, pour votre information, à partir de 15 heures, la
Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la
Centrale des syndicats démocratiques ainsi que le Centre interdisciplinaire
de recherche et d'information sur les entreprises collectives. Nous terminerons
avec la Chaire de recherche du Canada en économie sociale. Et nous ajournerons
les travaux vers 18 heures, Mmes et MM. les parlementaires, pour vous
permettre de retourner dans vos comtés.
Alors, je
vais inviter le premier groupe à se présenter pour une période d'échange.
10 minutes vous est accordé, et le reste du temps va être réparti
entre le gouvernement et les deux oppositions. Alors, la parole est à vous.
Fédération des coopératives de développement
régional du Québec (FCDRQ)
Mme Ferland (Francine) : Alors,
bonjour, mesdames messieurs, merci de tenir d'abord cette commission
parlementaire et de nous accueillir ici ce matin.
Je me
présente, Francine Ferland, je suis la présidente de la Fédération des
coopératives de développement régional, qu'on appellera tout le long de
la présentation les CDR. Alors, vous allez souvent entendre cet acronyme-là. Je
suis accompagnée, ce matin, de Janvier
Cliche, qui est le directeur général de la CDR Estrie, et de Martin Gagnon, qui
est le directeur général de la CDR Bas-Saint-Laurent—Côte-Nord.
Je suis une
élue, je suis une personne qui siège dans des conseils d'administration de
coopératives depuis plus de 25 ans, d'abord
dans le milieu agricole pendant 14 ans, à ma coopérative régionale, mais
également huit ans à La Coop fédérée, et j'ai été impliquée, je dirais,
dans de multiples conseils d'administration de coopératives dans le secteur alimentaire. Je suis présentement chez Desjardins
et je siège au niveau du développement régional depuis 13 ans, dont huit
ans à la présidence de la CDR Québec—Chaudière-Appalaches — donc
on a deux régions — et
ça fait presque quatre ans que je suis
présidente de la Fédération des CDR. Je me permets de vous nommer cela parce qu'étant
une élue j'ai été... je ne suis pas
nommée, je ne suis pas rémunérée, mais je suis vraiment élue par mes pairs,
donc je suis légitimée, je dirais, d'être devant vous ce matin.
La Fédération des CDR, c'est quoi? C'est un
réseau, un acteur incontournable pour le développement des coopératives au Québec. On regroupe et on
représente l'ensemble du réseau des coopératives de développement
régional, c'est-à-dire il y en a 11. Et nous
accueillons favorablement le projet de loi-cadre sur l'économie sociale. Par
contre, on désire s'assurer que tous les acteurs vont y être respectés
et que le modèle d'affaires coopératif et mutualiste y soit vraiment reconnu.
On adhère aussi à toutes les recommandations que le conseil de la coopération
et de la mutualité va vous présenter, je pense que c'est la semaine prochaine.
Les CDR, vous
savez, c'est un réseau qui provient du milieu. Ce n'est pas une organisation
qui a été mise sur pied par quelques
personnes, c'est vraiment le milieu qui a organisé le développement coopératif
sur chacun des territoires. Ça a débuté, ce travail-là, au début des
années 70 et ça s'est poursuivi, par la suite, dans toutes les régions. Et
ensuite les CDR se sont regroupés en fédération comme on la connaît aujourd'hui.
On a actuellement 15 ans, mais il y avait un regroupement
qui était là depuis, je pense, une dizaine d'années avant la fédération comme
on la connaît aujourd'hui.
Comme
je vous l'ai dit, les CDR couvrent l'ensemble des régions administratives du
Québec. Il y a des CDR qui ont deux régions, d'autres en ont une
seulement. Et on fait du développement coopératif, alors on fait la promotion, oui, de la formule, mais on fait aussi la
concertation des coopératives de notre territoire. Et le coeur, le noyau de
notre action est vraiment dans la mise sur pied de nouvelles entreprises
coopératives. Et on accompagne également après la création, c'est ce qui explique que notre taux
de survie est du double de l'entreprise traditionnelle. Et on a vraiment
des... on permet... On peut mesurer très bien l'action coopérative, là, sur le
territoire. On est la référence en matière de création
et de coopérative et on est reconnu comme un leader par nos partenaires pour
tout ce qui est le développement coopératif également.
Les coopératives,
vous savez, ce n'est pas une structure juridique, c'est d'abord et avant tout
une entreprise économique, une entreprise qui crée des emplois, une entreprise
qui est ancrée dans son territoire, qui travaille en partenariat avec le milieu. D'ailleurs, le gouvernement du Québec
reconnaît le réseau des CDR parce qu'on a des ententes de financement
entre le Conseil de la coopération et le gouvernement du Québec. Il y a quatre
ententes de partenariat depuis 2005, là, qui nous supportent dans le
développement des coopératives.
On a les statistiques
depuis 19 ans — vous
les avez dans le document — c'est
plus de 1 627 coopératives qui ont été mises sur pied depuis 19 ans. C'est
5,7 millions de revenus globalement et des actifs d'environ
6 millions. Il y a environ 95, 100 nouvelles coopératives qui sont mises
sur pied à chaque année, et les CDR créent 90 % de ces coopératives-là. Alors, les CDR, ce sont vraiment
les entités qui mettent sur pied les nouvelles coopératives et qui
créent des emplois, au Québec, dans le milieu coopératif. Et je vous dirais
que, pour votre information, les coopératives du Québec représentent 65 % des coopératives de tout le Canada. Alors,
ce n'est pas pour rien, il y a vraiment des structures extrêmement bien organisées et structurées qui s'appellent
les CDR dans les régions, qui font du développement coopératif. Et cette structure-là, elle fonctionne très, très
bien. Vous voyez le nombre d'emplois créés et le nombre de coopératives
et d'organismes du réseau qui sont membres chez nous.
Alors,
comme je vous le disais, on travaille en partenariat avec les acteurs
socioéconomiques. On est fortement implantés
et profondément enracinés dans nos milieux et on travaille avec tous les
acteurs socioéconomiques. Que ce soient les MRC, les CLD, les SADC, tous
les acteurs gravitent autour de nous. Et on est reconnus pour faire le
développement coopératif.
On
a des souhaits, évidemment, on a des attentes envers cette loi-cadre-là. On
veut que la table des partenaires provinciale, elle soit représentative
de la réalité. Notre réalité, c'est que les coopératives et les mutuelles
représentent à peu près 80 % de l'économie sociale au Québec. Alors, on ne
peut pas penser que ça va être : les associations, les coopératives et les
mutuelles, un pour un. Alors, nous, notre demande, c'est de créer cette table
de partenaires là au niveau provincial, mais qu'elle soit représentative du
poids économique, du poids social et du poids politique des coopératives, de par les membres qu'elles
regroupent et le nombre d'emplois qui sont créés, le chiffre d'affaires, et
tout ça. Alors, ça représente à peu près 80 % de l'ensemble de l'économie
sociale au Québec.
• (11 h 40) •
On
souhaite également que la loi-cadre… le nom de la loi-cadre soit représentative
des acteurs qui la composent. Bon,
certains vont dire : C'est un caprice de s'attarder sur le nom de la loi.
Pour nous, ce n'est pas un caprice, c'est une nécessité, de par la reconnaissance qui nous est... En tout cas, nous, on
dit : Cette reconnaissance-là, on l'a gagnée, elle nous est un peu
due. Et on se perd un peu quand on nomme l'économie sociale dans son sens
large. Ce terme général là, il y a une
organisation qui le porte, et nous, on ne se reconnaît pas. Et, quand je dis
«nous», ce ne sont pas que les CDR. Les
CDR sont composés… leur conseil d'administration est composé de coopératives,
de membres élus par leurs coopératives de tous secteurs confondus.
Et
tout le milieu coopératif ne se reconnaît pas dans le nom d'une loi qui porte
le nom de loi-cadre en économie sociale. Quand on tape sur Internet
«économie sociale», ce n'est pas le milieu coopératif qui apparaît; alors, c'est
significatif. Et les coopératives et les mutuelles, ce sont des entreprises qui
existent et qui enrichissent le Québec depuis
plus de 100 ans. Les mutuelles sont là depuis 161 ans exactement, alors on ne
peut pas penser qu'on va les assimiler dans un terme général où elles ne
se reconnaissent pas. Pour nous, c'est prioritaire.
On
est aussi, les CDR, la porte d'entrée de l'innovation en développement
coopératif… Parce que, vous le savez comment c'est organisé, il y a des
secteurs coopératifs qui font du développement dans leur secteur, les
coopératives forestières font du développement dans le milieu forestier, les
coopératives funéraires font du développement dans le milieu funéraire. Nous, on est sur le terrain pour répondre aux besoins
des groupes promoteurs. Alors, on voit arriver des groupes qui ont une idée mais que ça ne s'est pas
encore fait en milieu coopératif. Alors, il y a du développement qui se fait dans différents secteurs, que ce soit le
tourisme, le milieu culturel, la relève d'entreprises par la formule
coopérative. C'est nous, les CDR, qui
portons cette responsabilité-là d'accompagner ces groupes de promoteurs là et
de mettre sur pied, je dirais, de nouvelles voies pour le modèle
coopératif.
La Présidente (Mme
Champagne) : En terminant, Mme Ferland.
Mme Ferland (Francine) : Oui. Je termine en disant que la spécificité
coopérative au Québec, elle est portée par les CDR. C'est nous, les spécialistes, ce sont nous, les leaders du
développement coopératif, on veut le demeurer, on veut même faire du
développement dans d'autres voies où on n'aurait pas encore oeuvré. Et je
dirais que notre dernière attente, c'est qu'on
soit reconnus à notre juste valeur, particulièrement quand il s'agit de donner
des avis sectoriels sur des projets qui pourraient être financés dans le
cadre de… N'importe quel programme en économie sociale, on veut que ce soient
les CDR qui aient un avis sectoriel à donner parce que ce sont nous, les
spécialistes.
Et on souhaite
évidemment qu'il y ait une table... Je vous ai parlé de la table… de la
composition de la table provinciale. Mais on souhaite qu'il y ait une table de
concertation régionale qui soit mise sur pied mais avec la même composition que
la table provinciale, c'est-à-dire représentative du milieu coopératif et
mutualiste.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, merci beaucoup, Mme Ferland, de cette belle présentation. Alors, nous
allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre des Affaires
municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, la parole est à vous pour environ
13 minutes, 13 min 30 s, du fait qu'on a
malheureusement commencé légèrement en retard. Mais on va être succincts puis
on va y arriver. Alors, la parole est à vous.
M.
Gaudreault : Merci, Mme
Ferland, merci, M. Cliche, merci, M. Gagnon, d'être ici avec nous
aujourd'hui, mais merci beaucoup pour le travail que vous avez fait en vous
préparant pour cette commission parlementaire. Je suis très heureux de
constater votre appui au principe et à cette initiative du gouvernement de
faire une loi-cadre sur l'économie sociale.
Je le constate, et je le salue, et je veux surtout constater et saluer les très
grands bénéfices de vos actions dans
toutes les régions du Québec. Évidemment, vous me permettrez d'être un peu
chauvin et de vous dire que je connais bien
la CDR du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
qui a des bureaux voisins du mien ou presque, là, dans mon comté. Alors…
Mme Ferland (Francine) : Nous en
sommes très heureux.
M.
Gaudreault : Alors, c'est
des gens que je connais. Puis je regardais aussi dans votre mémoire, à la page
4, là, le nombre de coopératives créées depuis 19 ans, plus de 1 627
coopératives, des actifs consolidés en une seule année, de 6 millions, les coops créées en 2012‑2013, 95 — on pourra en reparler tout à l'heure. Le
nombre d'emplois créés et maintenus — je
pense que ça, ça parle à tout le monde, comme on dit, là — en
2012‑2013, 332 emplois environ. Donc, c'est
vraiment un réseau important. Puis, très franchement, moi, je me fais toujours
un honneur de dire à des représentants étrangers, par exemple, qu'on a
un modèle spécifique au Québec qui est très coloré par cette réalité des
coopératives. Alors, je voulais profiter de l'occasion que vous êtes ici pour
vous signaler cela.
Maintenant, j'aimerais aller un petit peu plus
loin par rapport à votre présentation. Et j'ai eu l'occasion de le dire hier ou
avant-hier, là… On fait beaucoup de consultations, là, on vient qu'on ne sait
plus quel jour qu'on est, Mme la Présidente, là…
La Présidente (Mme Champagne) : Nous
sommes jeudi.
M. Gaudreault : O.K., bon. En tout
cas, jour trois…
Des voix : …
M.
Gaudreault : Jour
impair, donc. Alors, excusez, on a des «insides» de parlementaires. Je ne veux
pas que vous en souffriez. Je veux… Il s'en va. Je veux…
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Gaudreault : Je veux
surtout… Je veux surtout, c'est ça, prendre un peu de temps pour échanger avec
vous sur le mémoire. Et j'aimerais ça que vous me disiez si vous vous
reconnaissez, comme coopératives, dans à la fois le préambule de la loi et particulièrement à l'article 3. Parce que ce que
je vous disais, c'est que, quelques jours ou quelques heures, on a
rencontré d'autres groupes qui semblaient inquiets, là, de la présence et de la
reconnaissance du milieu coopératif, mutualiste au sein de la loi. Et moi, je veux
dire, je fais tout, là, pour dire que, pour nous, il n'y a pas de
hiérarchisation dans la loi entre, par exemple, les OSBL, les coopératives, les
mutuelles.
Et, si on regarde, par exemple, dans le
préambule, le quatrième considérant, dites-moi si ça vous rejoint :
«Considérant
que ces entreprises sont fondées sur des valeurs collectives qui se traduisent
de manières variées dans leur
structure et [dans] leur mode de fonctionnement et qu'elles permettent une
forme d'économie solidaire et durable.»
Le
considérant suivant : «…la plupart de ces entreprises se sont regroupées
au sein de deux grandes organisations, à savoir le Chantier de l'économie
sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité,
lesquelles sont appuyées par des réseaux sectoriels et régionaux», comme les
vôtres.
Et, à l'article
3, on donne la définition de l'économie sociale, vous l'avez sûrement lu. Je
veux… Très techniquement, là, dans
ces textes dont je viens de vous parler, là, les considérants et l'article 3,
qu'est-ce qui ne vous rejoint pas là-dedans?
Mme Ferland (Francine) : Je vous
dirais que le libellé est probablement... il est correct, là, sûrement, là. Par
contre, je vous l'ai dit tantôt, quand on
tape «économie sociale» sur Internet, sur Google, les coopératives ne
sont pas là. Alors, il y a une
confusion, au Québec. L'économie sociale ailleurs dans le monde, elle est
portée par les coopératives. Ici, au Québec, il y a une problématique
qui est née quelque part autour des années 1996, là, et on s'est approprié un
nom de… le terme, le vocable «économie
sociale», et il y a une organisation qui porte ce nom-là. Alors, la confusion,
elle est réelle et on la vit tous les
jours sur le terrain. Et les gens... C'est pour ça que les coopératives ne se
reconnaissent pas même dans le nom de la loi. On peut peut-être se
reconnaître dans les articles, mais qui va lire les articles quand on n'a pas d'intérêt
dans le nom principal? Alors, ça, c'est une chose.
Il y a aussi le Chantier de l'économie sociale,
il relève de votre ministère, M. le ministre, du MAMROT, et il y a,
régionalement, les pôles régionaux d'économie sociale. Le Conseil de la
coopération, il relève du ministère des Finances et de l'Économie, et les CDR
et toutes les fédérations sectorielles, Desjardins, la Coop fédérée, Agropur comprises, relèvent du ministère des Finances.
Alors, il y a comme deux voies parallèles qui essaient de se regrouper
sous un seul chapeau, et ce chapeau-là
serait l'économie sociale. Mais, comme je vous dis, il y a un côté qui porte ce
nom-là, alors que l'autre ne le porte pas. C'est
pour ça que, si on ne nomme pas quelque part les coopératives, les mutuelles de
façon explicite et claire, c'est là qu'il y a confusion.
M. Gaudreault :
Et, par rapport au ministère de tutelle, là — on va l'appeler comme ça — moi,
je constate qu'il y a quand même une grande
variété. C'est sûr que la Loi sur les coopératives relève du ministre des
Finances et de l'Économie, c'est lui
qui est le porteur de ça, puis ça, ça ne change pas. La Loi sur les
coopératives comme la Loi sur les compagnies, d'ailleurs, demeurent sous
la tutelle du ministre des Finances et de l'Économie. Ça, il n'est pas de notre
intention de changer cela.
• (11 h 50) •
Mais, si je
regarde, par exemple... disons, vous avez vous-même parlé des coopératives dans
le milieu agricole, Coop fédérée,
bon, bien, le statut juridique de la compagnie... la structure juridique de l'organisation
de la Coop, ça relève de la Loi sur
les coopératives, mais, dans son secteur, c'est en lien avec le ministère de l'Agriculture.
Si on prend les coops forestières, par exemple, c'est un peu la même
chose, le statut juridique de la coop est sous l'égide de la Loi sur les
coopératives, mais elle se réfère, cette coop forestière, au ministère des Ressources
naturelles.
Puis on
pourrait multiplier ces exemples-là, les coops en santé, par exemple, les coops
funéraires, la Loi sur les... toute
la question des thanatologues, par exemple, ça relève du ministère de la Santé,
mais pourtant leur statut juridique est déterminé par une loi qui est
portée par le ministre des Finances et de l'Économie. Il n'est pas de notre
intention de changer cela. Même chose pour
un OBNL qui est enregistré ou incorporé selon la partie III de la Loi sur les
compagnies, ça relève du ministre des Finances mais...
Et je vois, là, justement, quand je
disais «332 emplois, 1 627 coopératives», je vous ai parlé de la CDR
du Saguenay—Lac-Saint-Jean, l'enjeu qui est devant nous, c'est
aussi un enjeu d'occupation du territoire, de développement régional, vous l'avez même dans votre nom, là,
alors, et ça, bien, il y a un ministère qui est un peu plus
transversal — sans
nuire ou sans diminuer les autres ministères sectoriels — et ce
ministère transversal, c'est le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Alors, c'est
dans ce sens-là. Mais il n'est pas de notre intention de retirer du
ministère des Finances des coopératives, par exemple, la responsabilité des
coopératives.
Mme Ferland (Francine) : Non, ça, ce
bout-là, je comprends. Il y a peut-être un élément, par contre, qui me revient dans la définition même de l'économie
sociale où on n'a pas de notion de viabilité ou de rentabilité
économique. Un organisme à but non lucratif,
c'est différent d'une coopérative et d'une mutuelle à ce point-là. Une
coopérative se doit d'avoir une
viabilité économique et une rentabilité, c'est obligatoire, c'est dans sa
mission même. Et, dans la définition même de l'économie sociale, on ne
retrouve pas cet élément-là qui, pour nous, encore là, nous distingue, je
dirais, de l'économie sociale en général, au sens où on l'entend. Je vais
laisser peut-être mes collègues répondre également, là. Alors, Martin puis,
peut-être ensuite, Janvier.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. Gagnon, la parole est à vous.
M. Gagnon
(Martin) : Oui. Alors, M. le
ministre, je suis entièrement d'accord avec vous. Dans le préambule,
vous définissez bien qu'il y a deux structures, qu'il y a deux organisations,
mais il y a quelque chose de particulier dans ça. Quand on vous dit qu'on a une
bonne partie… Parce qu'on est des structures démocratiques, donc c'est des coopératives
qui nous composent, et il y a un malaise à se faire intégrer dans ce vocable-là
uniquement d'«économie sociale» par une bonne partie de nos membres. Eux, ils
disent : Oui, on serait prêts à participer dans la mesure où notre spécificité, qui est là depuis plus de 100
ans, le travail qu'on fait, la distinction au plan économique que l'on a
de la question de la rentabilité sociale
soient reconnus, y compris sur l'étiquette du pot, pas juste à l'intérieur du
pot, à savoir que, dans le nom, le terme «coopératif» soit là.
La fierté qu'on
a au Québec présentement… Parce que j'ai fait le tour du Canada parce qu'ils
veulent qu'on crée des CDR partout,
ils sont... On l'a vu l'an passé, lors du sommet, qu'on a fait ici,
international sur les coops, on est, au Québec, en avance sur beaucoup
de gens. On a une loi, on a une stratégie de développement des coopératives. Ça
fait depuis les années 40 qu'on a un conseil de la coopération. Et les gens
disaient : La mecque des coopératives, c'est le Québec. Et ça, on va en Afrique, on va en Europe — pour
avoir voyagé beaucoup parce que j'ai travaillé en coopération
internationale longtemps — je
peux vous dire que c'est une spécificité.
Et, pour
nous, de mettre cette spécificité-là dans la loi-cadre, c'est important. Donc,
c'est pour ça qu'on se dit : Est-ce
que ça dérange à ce point qu'on reconnaisse les 100 et 160 ans d'existence du
réseau des coopératives et du réseau des
mutuelles dans cette loi-là? Parce que ça crée déjà une forme de désagrément
par rapport à beaucoup de nos membres. Qu'est-ce
que ça dérange d'ajouter ces deux vocables-là au bout de «l'économie sociale»?
Ça démontrera la spécificité québécoise dans tous les enjeux d'économie
sociale dans le monde.
Pour avoir participé au sommet de l'économie
sociale qui se fait au Mont-Blanc il y a quelques années, on voyait très bien… même que nos collègues des
banques coopératives et puis des réseaux coopératifs agricoles de l'Europe
étaient plus ou moins à l'aise aussi de se
faire englober dans ça. Ça fait que, nous, ce qu'on vous dit : Soyons
innovateurs au Québec et permettons à ces
gens-là de se sentir reconnus à travers un nom de loi qui les reconnaît aussi.
Comme dans le préambule on fait déjà la distinction, on se dit :
Pourquoi la loi ne porterait pas aussi un nom comme ça, si ça ne porte pas de
préjudice aux autres?
La Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. Gagnon. M. le ministre, dans une minute.
M. Gaudreault : Oui. Bien, dans
une minute, parce que je reprends votre exemple, là. Là, je suis sur Google,
sur le iPad, «économie sociale», sur Google, et là je clique sur le
premier lien qui est là, qui me mène à la définition d'économie sociale
sur Wikipédia, et on dit : «L'économie sociale ou économie sociale
et solidaire regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, syndicats et
fondations, fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de solidarité entre membres et d'indépendance
économique…» Alors là, bon, l'expression continue. Mais, moi, quand je tape «économie sociale» sur Google,
première chose qu'il me dit, c'est que ça regroupe les coopératives, les
mutuelles.
Mme Ferland (Francine) : Vous êtes
sur le site de qui, M. Gaudreault?
M. Gaudreault : Bien, c'est la
première… c'est la première définition. Vous m'avez dit : Quand on tape
«économie sociale», la première chose...
Mme Ferland (Francine) : Oui, et c'est
le site du chantier.
M. Gaudreault : Non, c'est le…Wikipédia.
Mme
Ferland (Francine) :
Wikipédia?
Bien, allez sur le deuxième, sur le troisième, sur le quatrième. et c'est...
M.
Gaudreault : Non, non, mais
c'est parce que je... Je ne veux pas qu'on fasse un débat ici, d'Internet, là
puis…
Mme Ferland (Francine) : Non, non,
non. C'est ça. Non, non.
M. Gaudreault : Woups! Je suis rendu
sur MétéoMédia.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Gaudreault : Oui! Il
fait-u beau aujourd'hui? Je veux aller faire du vélo, moi. Non? Bon.
La Présidente (Mme Champagne) :
M. le ministre… M. le ministre, si vous permettez?
M. Gaudreault : C'est fini?
La Présidente (Mme Champagne) : Dans
30 secondes, M. le ministre. Je vous donne 30 secondes.
M.
Gaudreault :
30 secondes? Non. Bien, c'est ça, j'aurais eu beaucoup d'autres questions.
Puis je ne veux pas qu'on en fasse un
débat, mais moi, ce que je vous dis, c'est qu'au-delà du titre c'est le contenu
de la loi. Moi, je ne veux pas qu'on
perde toute notre énergie là-dessus. Puis je pense que la définition et le
préambule est extrêmement inclusif. Et, en plus des institutions que
nous créons en ciblant… et ça, c'est très innovateur, Mme la Présidente, en
ciblant pour une première fois dans une
loi — puis il
a fallu qu'on bataille là-dessus — des interlocuteurs privilégiés qui sont le
CQCM et le chantier, et la table des partenaires aussi, une institution qu'on
crée puis sur laquelle on fait beaucoup de réflexion à l'heure actuelle… Merci.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. le ministre. Alors, je suis convaincue que cette question-là
va être soulevée par nos collègues de l'opposition
officielle. Alors, je vais immédiatement céder la parole à Mme la
députée de Notre-Dame-de-Grâce pour environ
évidemment le même temps. Et vous aurez probablement la chance de
prendre le temps de la deuxième opposition, qui, pour des raisons importantes,
a dû s'absenter. Alors, je vous le souligne et je vous laisse entre les mains
de Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour échanger avec nos invités.
Mme
Weil : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Alors, bienvenue à vous, Mme Ferland, M. Cliche, M.
Gagnon. Et, oui, en effet, je vais poursuivre là où le ministre, donc, a
complété ses remarques ou ses questions, parce qu'on a vraiment deux points de vue, et ça va être difficile, parce que vous
exprimez vraiment bien et clairement votre préoccupation, je dois vous dire, c'est difficile pour moi de
vous demander d'être plus clairs que ce que vous avez été : que vous ne
vous reconnaissez pas là-dedans. En même temps… Donc, avant peut-être de passer
trop de temps sur le titre, on pourra revenir,
mais j'ai quand même entendu le ministre, lorsqu'il a fait sa petite recherche
Google, «solidaire», je ne sais pas si...
M. Gaudreault : …«sociale»…
Mme Weil : Hein? Il y a avait
«sociale et solidaire». Est-ce que le mot «solidaire» peut rajouter cette
notion qu'il y en a d'autres qui sont dans ce mouvement?
Mais
peut-être qu'on pourrait commencer par les considérants, parce que, là, si je
comprends bien, vous vous voyez dans les... c'est-à-dire dans la
première partie… La définition, les considérants, avant d'arriver au titre, là,
juste être sûre, avec vos recommandations,
qu'on a bien des considérants et une définition qui est inclusive et après ça
on pourra peut-être revenir sur votre titre. Donc, la définition... Bon,
les considérants, est-ce que vous, vous aviez des rajouts aux considérants?
• (12 heures) •
Mme Ferland (Francine) : Aux
considérants qui sont dans la loi? Votre question?
Mme Weil :
Vous êtes satisfaits...
Mme Ferland (Francine) : Non. On n'a
pas de spécificités par rapport aux considérants qui sont dans la loi.
Mme Weil : Donc, le premier
considérant, tel que c'est écrit, que «depuis le milieu du XIXe siècle, les
entreprises d'économie sociale, exploitées par des coopératives [et] des
mutuelles — vous
êtes vraiment là, tout de suite, le premier
considérant — et,
plus récemment, des organismes à but non lucratif»… On aura des... Je pense que
c'est la Chaire de recherche du Canada en
économie sociale qui va venir faire des recommandations par rapport à ça, mais
ça ne vous affecte pas. Donc, vous, vous vous sentez bien inclus dans ce
considérant.
Mme
Ferland (Francine) : Oui, si
on veut. Nous, les préoccupations qu'on porte, elles sont beaucoup
ramenées dans les régions. Parce qu'on a à
travailler avec l'ensemble des partenaires régionaux qui gravitent autour de
nous. On est un organisme de deuxième
ligne, et les... On travaille avec les CLD, on travaille avec les MRC, on
travaille avec les CRE, on travaille
avec tout le monde qui sont les acteurs du terrain. Mais on est et on demeure
les spécialistes du développement coopératif. Alors, c'est cette
reconnaissance-là, cette... et qui est souvent galvaudée. Et, des fois, ça
provient d'une perception ou d'une
interprétation d'éléments, de la façon dont c'est libellé dans un programme qui
fait qu'on est assimilés, des fois, à un OBNL, alors qu'on n'est pas un
OBNL.
Il y aurait peut-être Janvier qui pourrait
peut-être intervenir sur... Parce que, tantôt, ça a été comme un peu...
M. Cliche (Janvier) : Simplement
compléter en disant...
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Cliche, oui.
M. Cliche
(Janvier) : ...que je ne
voudrais pas qu'on interprète que la position de la fédération est à l'effet
d'être un peu opposée à avoir une définition
très large. Au contraire, je pense qu'il faut applaudir à ça et surtout le fait
que… Et je vais revenir sur la
question qui était posée par M. le ministre. C'est que les objectifs de la loi
quant à l'harmonisation avec le MAMROT comme responsable, ça m'apparaît
incontournable. C'est tout à fait important pour nous que ce le soit ainsi en tenant compte des nuances que vous avez
établies, là. Chacun des réseaux doit continuer à exister et à agir. Mais il faut qu'il y ait une certaine
harmonisation. Et nous, sur le terrain, dans chacun des dossiers, on se
rend compte parfois qu'on est bloqués parce que tel programme dans tel
ministère ne tient pas compte de la spécificité coopérative. Donc, on est obligés de faire des batailles pour être
reconnus comme... Bon, alors, je pense que la loi-cadre pourrait nous
permettre justement d'amadouer ces questions-là et de faire en sorte qu'on
tienne davantage compte des spécificités que nous avons.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bien, là, c'est ça, vous
allez sur le fond de la chose. D'ailleurs on a évoqué, hier, ce problème, qu'il
y avait peut-être en dessous de ça pas nécessairement un clivage, mais ils ne
veulent pas créer de confrontation entre l'économie
sociale et le mouvement coopératif, comme vous, et mutualiste que vous
décrivez. Moi, je pense que... C'est pour ça que je voudrais vraiment
regarder, donc, définition, les considérants, les structures qu'on propose,
plan d'action, c'est vraiment, là... la
transversalité puis de s'assurer que, dans le projet de loi, par la table de
concertation… On ira là-dessus. Évidemment, ça va être là, l'importance. Et
peut-être que la résonnance d'économie sociale, même le mot, le nom, avec le
temps, avec ces actions, vont faire en sorte que tout le monde va se
reconnaître là-dedans.
Je mets ça
sur la table parce qu'il va falloir qu'on réfléchisse à ça. Il y en a plusieurs
qui proposent le changement que vous proposez. On a posé la question à
M. Béland et on a, je pense, c'est dans le courrier... bien oui, non. Ce qu'il dit, donc, lui... On a posé la question très
directement s'il était d'accord pour changer le nom, et il n'était pas
pour ça. Mais il y a une citation, je pense,
dans Le Courrier parlementaire aujourd'hui, parce que moi, je n'ai pas…
pris toutes sortes de notes. Mais il
était vraiment contre le changement. Il voulait lui aussi — pourtant
c'est quelqu'un qui connaît bien le mouvement coopératif — pour
une définition large parce qu'il voyait là-dedans justement l'idée de
créativité, d'évolution qu'on pourrait voir et qui ne voudrait pas avoir quelque
chose qui...
Parce qu'en loi, vous le savez, en loi, en droit
et en législation, dès qu'on commence à nommer, il y a cette présomption que les autres sont exclus. Ça, c'est
toujours... Le législateur est toujours sensible à cette question-là. Et
donc un titre de loi doit être très inclusif dans sa portée, mais c'est
évidemment lorsqu'on arrive dans la déclinaison d'une loi qu'on incorpore, on
inclut tout le monde et, dans les règlements, évidemment, les plans d'action,
tout ce qui va découler de la loi.
Alors, bon, merci. Bon. C'est un peu fort, là,
il parle du loup dans la bergerie, ce n'est peut-être pas tout à fait ça, mais on vient... Alors, lorsqu'on lui a
posé cette question, il dit : «…[on] viens de faire entrer le loup dans la
bergerie, la cupidité va jouer […] là on est dans une pente dangereuse. Bon. Il
y va peut-être un peu fort, là, mais... hein? Mais l'idée, je pense que… Moi, ce que je me souviens surtout quand je lui ai
posé la question, c'est d'avoir une vision et un titre — ne
portez pas plus d'attention que ça au titre — mais que ça devait avoir une
portée large.
Tout ça pour dire vous, vous avez très bien
répondu à la question. J'ai très bien compris, très bien compris votre
préoccupation. Et c'est sûr qu'on est sensibles à ça et on a carrément deux
points de vue. Mais, peut-être comme le
ministre, je dirais, peut-être, pour l'instant, on va profiter du temps que
vous êtes là pour aller vraiment sur le contenu. Vous avez parlé de
rendre...
La
Présidente (Mme Champagne) : Mme Ferland.
Mme Ferland
(Francine) : Je ne sais pas si je pourrais faire une petite
proposition. Quand on parle d'entrepreneuriat collectif, on rejoint beaucoup
plus tout le monde, on se reconnaît beaucoup plus que quand on parle d'économie sociale à cause de la confusion que ça
crée partout. Alors, c'est un petit message du commanditaire en passant.
La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme Ferland. Alors, Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Oui. Et là vous voudriez... cette notion de rentabilité, on en a parlé hier
aussi, ça, c'est très important pour
plusieurs qui l'ont mentionné, hier, l'expression qui était utilisée...
autonomie financière, qui est une autre façon d'en parler, d'autres parlent de rentabilité. Ça, vous
voudriez qu'on le voie dans la définition, qu'on trouve une façon de l'exprimer.
Mme Ferland (Francine) : C'est important pour nous parce que c'est
vraiment ce qui distingue les entreprises coopératives et mutuelles. Parce que, quand on parle d'économie sociale
dans son sens large, on parle aussi ducommunautaire.
Et pourtant le communautaire n'est pas visé par la loi, je crois. On parle des
associations marchandes, on parle des
coopératives et des mutuelles, mais, quand on parle d'économie sociale, le
communautaire est également inclus dans
le communautaire. Mais le communautaire, on le sait, n'a pas de... Un cercle de
fermières, une association de Chevaliers de Colomb, ça n'a pas
nécessairement des objectifs de rentabilité. Alors, c'est vraiment un pan
distinct de l'économie sociale, et c'est ce qui vraiment nous...
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, oui.
Mme Weil :
Je pense qu'on en a discuté hier. Il y a une partie qui peut être rentable, il
y a une partie qui relève… Par
exemple, on pense, dans le domaine de la santé, ils reçoivent évidemment de l'argent
public pour le travail, le service de santé
qu'ils rendent, mais le modèle a une partie qui inclut la rentabilité, cette
notion de revenu. Donc, on en a discuté hier, il y a une mixité dans
leur cas, hein, il y a une mixité.
Cohérence...
Bien on va en venir peut-être à la table. Parce que, là, nous, on a beaucoup
parlé... le mandat. Je ne sais pas si
vous avez suivi le mandat qui a été... qui est dans le... le Chantier de l'économie
sociale qui propose un mandat très clair. Est-ce que vous avez suivi les
débats là-dessus? Moi, j'ai posé la question à beaucoup de groupes, je vous
dirais qu'à peu près tout le monde est d'accord avec le mandat qui est décrit.
Est-ce que ça vous dit quelque chose?
Mme Ferland
(Francine) : Je n'ai pas pris connaissance du mandat...
Mme Weil :
Mais ça serait peut-être important...
Mme Ferland (Francine) : ...énoncé par le Chantier de l'économie sociale,
malheureusement. Je sais ce que le Conseil de la coopération demande,
mais...
Mme Weil :
Vous, le mandat que vous demandez... parce que nous, ce qu'on... Moi, la
question que je pose : Voulez-vous que le mandat soit décrit dans la loi?
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Ferland.
Mme Ferland (Francine) : Bien, que le mandat soit écrit dans la loi,
effectivement, ça serait une bonne chose, mais c'est surtout la
composition de la table qui devrait être écrite dans la loi, parce que c'est là
aussi où il y a une problématique. On pense
que c'est un d'un côté, un de l'autre, alors que le poids économique, le poids
social, le poids politique n'est pas le même.
L'ancienneté
du mouvement coopératif, du mouvement mutualiste doit être reconnue pour ce qu'elle
est, et on vient de mettre à côté,
sur un pied d'égalité un autre groupe. Alors, c'est dans la composition, et
cette composition-là devrait être écrite dans la loi, prévue dans la
loi. Et la composition de la table régionale devrait être également annoncée
dans la loi pour qu'elle puisse se mettre
sur pied, parce que ça, c'est primordial pour nous. On doit absolument avoir un
lieu neutre au niveau régional, où
tous les acteurs vont se regrouper et se concerter pour faire le développement
ensemble, et non pas être en opposition ou assimilés l'un par-dessus l'autre,
là. Là, Janvier...
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme la députée... M. Cliche.
M. Cliche
(Janvier) : Je voudrais simplement compléter. J'ai vu la présentation
du chantier et la réponse lorsque vous avez
posé cette question-là quant au mandat, et effectivement il y a des choses qui,
dans la loi… Quand on met un mandat
aussi précis, ça devient parfois des contraintes. D'ailleurs, la réponse était
à l'effet que certains éléments étaient plus d'actualité et d'autres
moins. Donc, ça m'indiquait déjà, au départ, que la façon d'écrire, de décrire
un mandat de façon aussi précise dans la
loi-cadre, c'est peut-être plus un danger qu'autre chose. Je préférerais qu'on
s'en tienne à une définition ou à une
orientation plus large et que, dans le plan d'action, les acteurs puissent
évoluer, placer les mandats et les préciser au fur et à mesure et en
tenant compte de la conjoncture, bien sûr.
La
Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.
Mme Weil :
Oui, je comprends très bien votre propos. Je vais peut-être...
Quatre éléments. C'est parce que c'est vrai qu'il y a beaucoup, beaucoup de détails dans l'un d'eux quand ils
parlent d'assurer une synergie, mais, globalement, il y avait quatre
éléments.
«Conseiller le
gouvernement». Parce que, dans le projet de loi, ce n'est pas conseiller le
gouvernement, le mandat. C'est le ministre
qui, de temps en temps, peut consulter la table pour des avis. Ici, la manière
que c'est inscrit, c'est conseiller
le gouvernement, donc ce qui veut dire d'autres ministères, évidemment, le
gouvernement dans sa globalité. Êtes-vous d'accord avec cet élément-là?
Ça, c'est général, quand même, comme mandat. Ça, ça serait un.
L'autre, c'est :
«Assurer une synergie dans les actions menées par les différents partenaires
sur le plan…» L'autre élément qu'ils
ont mis, c'est : «Procéder à l'évaluation et la mise en oeuvre de la
loi-cadre et de son plan d'action.» Et l'autre, c'est : «Voir à l'application
de la loi-cadre dans le temps.» Ça, c'est quand même des orientations assez générales.
Et,
parce que vous introduisez cette notion d'une table nationale et d'une table
régionale, ça serait important de vous entendre,
parce qu'avant de parler de la composition de la table moi, je pense qu'il faut
parler du mandat, parce que ça va nous
aider ou ça va aider le gouvernement, le ministre et nous, comme
parlementaires, de circonscrire un peu la composition de la table,
surtout si on veut être précis dans le projet de loi. Peut-être généralement
les...
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, M. Gagnon, la parole est à vous.
M. Gagnon (Martin) : La pertinence… Puis, comme on travaille déjà sur le terrain avec
beaucoup d'acteurs, on est dans le processus, présentement, de la
stratégie de l'entrepreneuriat au Québec, et puis je peux vous dire qu'il y a
beaucoup de gens autour de la table. Et, en région, bien, des fois, ça se
surmultiplie parce qu'il y a des organismes locaux
et régionaux. Et la concertation est fondamentale, y compris, dans ça parce
que, vous savez, l'économie sociale, on vient... et le coopératisme, on vient souvient palier, on vient
intervenir dans l'occupation du territoire, dans les services de base que le privé ne veut pas offrir. On est
obligés de réinventer des manières de faire, même où est-ce que l'État a
des limitations pour pouvoir intervenir.
Vous voyez tout le développement des coops de soins à domicile, des
coopératives de santé, il y a des
coopératives... on est dans les loisirs, on est dans les services
multiactivités dans chacun des villages. Et souvent le malheur, c'est qu'on nous appelle pour intervenir beaucoup
trop tard. Comme on n'est pas concertés, il n'y a pas de structure de concertation locale de déterminée,
bien c'est sûr que, pour nous, ça complexifie les choses dans le
travail.
On
est, en plus, nous, un organisme de développement. Donc, on fait du
développement de projets en plus de la concertation.
Ça fait que c'est important qu'au départ — excusez l'expression — les organismes ne se pilent pas sur
les pieds pendant qu'on travaille. Et, vous
savez, c'est du temps de professionnels. Quand on arrive trois, quatre
professionnels, soit subventionnés ou qui travaillent payés par l'État, pour
aller intervenir dans des dossiers, dans des communautés, bien, s'il n'y a pas de concertation, je vous le
dis, c'est l'État en général qui perd des sous, qui perd de l'efficacité
puis de l'efficience dans le travail.
Donc, c'est pour ça
qu'on vous dit : On a besoin d'une table. Et souvent elles sont
facultatives. Ça dépend du dynamisme des régions. Dans certaines, il y en a.
Moi, je siège... On en a une, une table économique, sur la Côte-Nord — mais
là c'est large, c'est l'économie large, là — où on est réunis. Il y a aussi un pôle, mais les
intervenants ne sont pas tous autour
du pôle d'économie sociale. Donc, nous, ce qu'on trouve qu'il manque, c'est un
lieu de concertation de ceux qui
travaillent dans ce domaine-là pour qu'on puisse se partager des tâches, parce
que la tâche, elle est monstrueuse. On
a, nous, à nous seuls, 40 %, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, des
municipalités dévitalisées. C'est un travail de tous les instants pour pouvoir essayer de trouver des
solutions d'occupation du territoire, pour développer les communautés,
et tout ça. Et là, si on n'est pas concertés avec les autres organismes, on n'a
pas de structure pour se concerter, je vous le dis, on perd facilement
20 % à 30 % de nos énergies faute de concertation.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, dans une dernière petite minute, Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Oui. Vous avez parlé de l'occupation du territoire. Il y a la Loi pour assurer
l'occupation et la vitalité des territoires.
Il y a peut-être des éléments qui sont inspirants là-dedans. On parle de
stratégies. Pour l'instant, c'est un
plan d'action qui, j'imagine, est un plan d'action national. Mais, s'il y a des
tables de concertation régionales, on pourrait imaginer des stratégies
régionales, et c'est là... puis ça pourrait... on pourrait y avoir une
concordance, en fait, avec cette loi-là. Vous pensez un peu dans ce sens-là.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme la députée, je vais devoir vous remercier et
remercier également Mme Ferland, M. Cliche
et M. Gagnon, tout en convenant que la discussion ne fait... nous n'en sommes
qu'en le début, ne fait que
commencer, alors ça va nous permettre de réfléchir à tout ça. Merci beaucoup de
votre présence. Nos excuses encore pour le retard, mais on saura
reprendre le temps par d'autres moyens.
Alors, nous allons
suspendre quelques minutes, le temps de faire venir le Réseau de la coopération
du travail du Québec.
(Suspension de la séance à 12
h 16)
(Reprise
à 12 h 17)
La Présidente (Mme Champagne) : Alors, nous allons reprendre les travaux avec le
Réseau de la coopération du travail
du Québec. Et nous avons la présence de M. Pierre Charette, vice-président de
ce réseau. Alors, M. Charette, la parole est à vous pour 10 minutes,
suivi d'un échange avec le gouvernement et l'opposition officielle. Alors, je
vous cède la parole.
Réseau de la coopération du
travail du
Québec, coopérative de solidarité
M. Charette
(Pierre) : Merci beaucoup. Merci à la commission de nous avoir invités
ici. Donc, je suis seul, mon président, étant administrateur bénévole, a été
retenu par des contraintes professionnelles, il vous salue, Mme la Présidente,
M. le ministre, mesdames messieurs.
Donc,
nous, on est un réseau qui est issu d'une fusion de deux organisations :
de la Fédération québécoise des coopératives de travail, qui est née en
1985, et du RQCT, le Regroupement québécois de la coopération du travail,
anciennement des coopérateurs et coopératrices du travail, qui est né en 1980.
Donc, suite à des états généraux de la coopération
du travail en 2004, il y a eu une volonté commune du milieu de la coopération
du travail de regrouper les forces.
Il y a eu, donc, des discussions qui ont amené, en 2007, à la fusion de ces
deux organisations là pour créer le Réseau de la coopération du travail.
Donc, le réseau a fusionné, donc, les deux missions, qui en étaient une
essentiellement fédérative et de services
aux membres et l'autre de développement des coopérateurs et coopératrices, l'ancien
RQCCT, pour développer des promoteurs-coopérateurs et favoriser l'éducation à
la coopération. Parce qu'on sait que la coopération du travail n'est pas tout à
fait ancrée dans notre culture économique habituelle, c'est donc beaucoup d'éducation
à faire pour développer ce modèle-là.
Donc,
je suis, moi-même, impliqué depuis près de 20 ans dans le milieu coopératif,
depuis environ 1998, dans le milieu
de l'économie sociale également à titre professionnel. J'ai fondé une
coopérative de travail à l'époque. Donc, dans le modèle coopérative de travail, il y a du rationnel, mais aussi
beaucoup de... j'ai beaucoup de racines là-dedans, donc c'est pour ça
que je suis très heureux de pouvoir faire... présenter nos arguments ici.
• (12 h 20) •
Donc,
on a choisi de présenter un mémoire orienté sur deux axes, donc, le premier axe
étant la reconnaissance de la coopération
du travail dans l'économie sociale en général et, le second, la favorisation — si
je peux m'exprimer ainsi — du rachat
par les employés des entreprises sous forme de coopératives, donc les
entreprises à vendre, pour que les employés puissent racheter leurs
entreprises sous forme de coopératives.
Donc, bien entendu,
cette loi-là, on était heureux de voir qu'il y avait une loi en économie
sociale qui était présentée. On salue d'ailleurs
plusieurs éléments, notamment la reconnaissance de l'économie sociale comme un
acteur de l'économie en général, la reconnaissance des deux entités porteuses
de l'économie sociale au Québec, qui sont le CQCM
et le Chantier de l'économie sociale, sur le C.A. desquels nous siégeons, aux
deux endroits. On trouve ça important de travailler autant avec le
chantier qu'avec le CQCM.
Donc, aussi, la
définition nous plaît beaucoup. C'est très inclusif. Ça croise, selon nous...
il y a une belle convergence entre la définition que vous proposez dans la loi,
les principes de l'Alliance coopérative internationale et les principes, les six points du chantier… les cinq points du
chantier qu'on appelle… les cinq points que le Chantier d'économie
sociale a développés en 1996.
Donc, évidemment, la
transversalité de cette loi-là nous plaît beaucoup parce que c'est très
difficile d'aller toujours d'un ministère à
l'autre selon les programmes. Donc, de pouvoir avoir une meilleure
concertation, tout ça, ça serait... c'est quelque chose qu'on salue avec
plaisir.
Donc, l'économie
sociale et les coops de travail, c'est souvent une histoire amour-haine, du
fait qu'il y a une confusion qui existe
entre les... souvent, dans le milieu, sur la coopérative de travail, on l'assimile
à une entreprise à but lucratif et l'OBNL
à une entreprise à but non lucratif. La coop, en général, est souvent
considérée à but lucratif d'emblée, à moins
qu'elle s'interdise l'attribution de ristournes et les intérêts sur les parts.
Selon nous, ça dénature grandement l'esprit de la coopérative parce qu'une
ristourne on s'entend que ce n'est pas un partage aux profits, c'est une
réaffectation d'excédents qui, suite à une
gestion prudente, ont été accumulés durant l'année et qui sont redistribués aux
membres au prorata de l'usage. Dans le cas d'une coopérative de
travailleurs, c'est en fonction du travail qu'ils ont effectué ou du nombre d'heures; c'est la coop qui décide. Donc,
on bonifie le service aux membres a posteriori parce qu'on a été prudents
dans l'année pour ne pas en donner trop aux membres pour s'assurer la viabilité
financière. Et évidemment que, ces excédents-là, il y a une partie qui est mise
en réserve pour la capitalisation et la pérennité de la coopérative.
L'autre élément, les
intérêts sur les parts, qui sont aussi un autre élément qu'on tente d'enlever…
qu'on doit enlever pour être considérés à
but non lucratif. C'est un incitatif à la capitalisation interne, ce n'est pas
un rendement sur le capital. Donc, il
y a comme un vice de concept où on essaie d'assimiler la coopérative dans cette
façon de faire là, pour la considérer à but non lucratif, à une
entreprise à capital-actions qui, elle, se doit de rémunérer son capital et de
verser des dividendes; c'est normal, c'est leur mission. La coopérative, c'est
envers les membres.
Donc,
ça, c'est quelque chose qu'on déplore parce que, par exemple, dans des centres
locaux de développement, j'ai vu des conditions différentes. Souvent,
bon, professionnellement, je travaille dans le financement d'entreprises d'économie sociale et de coopérative évidemment.
Donc, il y a des fonds qui sont octroyés à taux d'intérêt préférentiels
si la coopérative ne se verse pas de ristourne. C'est, selon nous, une
aberration.
Il y a aussi, par
exemple, un programme qui relève de votre ministère, monsieur, le PIEC, le
Programme d'infrastructures en
entrepreneuriat collectif, n'est-ce pas, à investissement. Donc, ce
programme-là n'est pas admissible, à ma
connaissance, aux entreprises coopératives qui se versent des ristournes. Donc,
c'est, selon nous, quelque chose qui discrimine des coopératives qui veulent
finalement bonifier le service à leurs membres. Ça, c'est un élément.
Autre élément
qui nous... qu'on trouve qui discrimine, c'est au niveau de la fonction sociale
de l'entreprise, de la coopérative de travail. On la limite souvent à sa
création d'emplois. Or, une entreprise d'insertion, par exemple, avec son programme d'Emploi-Québec, va donner, en plus
des emplois, une formation et une habilitation à travers les emplois,
puis son autre extrant, qui n'est pas social, qui est purement commercial, lui,
est fait pour financer l'entreprise d'insertion.
La coopérative de travail, elle ne donne pas le même type d'habilitation, mais
ce n'est pas négligeable non plus, hein? On crée des emplois, mais
surtout on crée des emplois qui fournissent en quelque sorte une éducation à la
citoyenneté parce qu'on mobilise les
employés, les membres dans la coopérative pour en faire des décideurs à
certains niveaux, bien sûr, selon la
structure, l'organigramme de l'entreprise. Donc, il y a vraiment une façon
différente et très habilitante de
créer des emplois. Et, selon nous, de ne pas reconnaître ça, c'est comme de...
il y a une discrimination là-dedans.
On aimerait, donc, que les entreprises
coopératives de travail, de la coopération du travail en général soient d'emblée reconnues dans l'économie sociale et que
ça soit écrit, «plan d'action» ou «loi», on laisse ça à votre
discrétion, mais il faudrait que les programmes soient accessibles autant aux
coopératives de travail qu'aux OBNL puisque les coopératives de travail, selon
nous, sont des entreprises d'économie sociale.
Le deuxième
élément, c'est le droit préférentiel pour le rachat d'entreprise par les
membres. On considère que... Bon, on sait qu'il
y a beaucoup d'actions qui se font présentement : Groupe Relève Coop
parrainé par le CQCM, il y a un fonds avec
Desjardins qui vient d'être créé, il y a beaucoup d'outils. On est comme en
mobilisation pour le rachat... pour favoriser
le rachat des entreprises par des coops. Le rachat d'une entreprise par une
coop de travail, c'est, selon nous, le meilleur moyen d'ancrer cette
entreprise-là dans sa communauté, d'éviter un démantèlement éventuel ou un
rachat pour la fermer.
Donc, il peut
y avoir des pratiques, par des entreprises multinationales, qui ne seraient
pas... qui ne favoriseraient pas le
développement régional, mais bien uniquement leur mission qui est de maximiser
le capital de leurs actionnaires. Donc,
il faudrait, selon nous, qu'il y ait des mesures concrètes pour favoriser le
rachat et des ressources... une coordination surtout des ressources par des... Des ressources, il y en a, des
spécialistes il y en a sur le marché, mais il faut que ces gens-là puissent se concerter et aient les moyens
de faire un accompagnement. Parce qu'accompagner une coopérative dans un transfert d'entreprise ce n'est pas
seulement d'évaluer la valeur de l'entreprise puis la revendre à la
coopérative, il faut former ces gens-là.
Je pense à un travail que j'avais fait à l'université
sur une coopérative St-Hubert Bar-B-Q. Bien, ces gens-là, ils partaient d'employés
syndiqués à petits salaires à entrepreneurs collectifs. C'est un changement de
culture, ça prend des ressources pour amener
ces gens-là à en faire des entrepreneurs collectifs. Donc, on considère qu'il y
a besoin de ressources. Évidemment, le réseau en est une, mais il faut
surtout les coordonner, parce qu'il y a plusieurs contextes. Ça peut être un entrepreneur qui décide de céder progressivement,
à travers une coopérative de travailleurs actionnaires, son entreprise à ses travailleurs. Cette coopérative
de travailleurs actionnaires là devrait être reconnue dans l'économie
sociale si elle s'engage dans une accession
à la majorité des actions, et éventuellement la totalité va devenir une coop de
travail.
Il y a d'autres
cas aussi. Ça peut être la communauté qui décide de se mobiliser pour acheter
une entreprise, ça peut être aussi le syndicat, ça peut être les
travailleurs eux-mêmes. Puis, dans ce cas-là, il y a plusieurs contextes dans lesquels différents acteurs doivent se
coordonner pour faire vraiment un rachat efficace qui va s'assurer de la
pérennité, pas qu'on achète une coopérative, qu'on achète une entreprise
collectivement, puis qu'on fasse faillite deux mois... deux ans après, et qu'on
porte un grand préjudice, évidemment, au modèle coopératif. Parce que,
malheureusement, les modèles collectifs ont la mauvaise presse facile comparé,
proportionnellement, aux entreprises privées.
Donc, ça serait notre recommandation, qu'il y
ait vraiment une... que ça soit dans la loi, qu'il y ait un droit prioritaire
inscrit dans la loi. On pense, en France, ce qui est en train de se négocier, c'est
un temps… un trois mois, je crois, qui est sur
la table, dans leur avant-projet présentement, pour donner le temps aux
employés de monter une offre d'achat
et évidemment de coordonner les ressources à travers le plan d'action ou la loi
pour s'assurer qu'on puisse le faire.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. Charette. Votre temps est écoulé. J'ai même laissé filer
devant l'intérêt de votre propos. Alors, je
vais demander à M. le ministre des Affaires municipales, des Régions et de
l'Occupation du territoire de commencer l'échange avec vous pour une période d'environ
13 min 30 s.
• (12 h 30) •
M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup,
M. Charrette. Effectivement, c'est très, très, très intéressant de vous
entendre. Et votre mémoire aussi est très, très, très complet. Première
remarque. Je constate que, dans vos propos, vous
dites souvent que vous faites de l'économie sociale, vous êtes dans l'économie
sociale. Alors, par rapport à tout ce débat, là, sur, entre autres, le
titre du projet de loi, vous vous situez comment?
M.
Charette (Pierre) : Comme je
disais, nous, dès... Bon, ça fait depuis environ 1996 que je suis au
RQCCT, qui nous avait aidés à démarrer notre coopérative à l'époque, et donc j'ai
vu le vocable arriver, les principes, et, dès le début, on s'est reconnus là-dedans autant que dans le mouvement
coopératif. Donc, comme je vous disais, on siège sur les deux conseils d'administration.
Le Chantier de l'économie sociale a des objectifs spécifiques pour promouvoir
la coopération du travail et aussi le
transfert aux employés. Donc, nous, on a choisi de ne pas se positionner
là-dessus, ce n'était pas un enjeu qui était essentiel pour nous. On
aime mieux aller sur les intérêts de la coopération du travail plus spécifiquement. On travaille avec tous les
acteurs du terrain, autant les CRD que les CLD, que des caisses
Desjardins, que tous les acteurs, finalement, les pôles régionaux. On essaie de
se concerter pour le développement de la coopération du travail.
La Présidente (Mme
Champagne) : M. le ministre.
M.
Gaudreault : Merci. Votre
non-positionnement ne nous aide pas beaucoup, mais bon... D'autres
appelleraient ça de la non-ingérence, non-indifférence. C'est ce que je
comprends, mais bon...
Une voix : ...
M. Gaudreault : La coexistence
pacifique. Alors, je veux vous entendre plus encore sur — comment
je pourrais dire ça? — les
blocages ou les pénalités que vous avez quant à l'accès aux programmes
gouvernementaux parce que vous êtes
des coopératives de travail. J'aimerais ça vous entendre plus là-dessus, que
vous me cibliez des programmes particuliers ou des difficultés
particulières et en quoi la loi, pour vous... la loi-cadre peut envoyer un
signal à l'effet qu'il faut que ça change à cet égard.
M.
Charette (Pierre) : Bon, des
exemples précis, on va les retrouver souvent quand les coops de travail vont
aller appliquer à des programmes dans les
CLD, par exemple, ou les CDEC. Bon, étant basé à Montréal… et je fais aussi
du financement à la grandeur du Québec avec
le Réseau d'investissement social du Québec, et on voit souvent des
montages qui sont pour des coops de travail dont le financement est refusé,
notamment au fonds d'investissement en économie sociale, et il y en a… Mais en
même temps il y a une autonomie des CLD puis des CDEC. Donc, ils ont chacun
leurs règlements d'investissement, ce qui fait que certains, ils vont accepter
la coopérative de travail au cas par cas selon l'extrant social commercial, d'autres vont l'accepter d'emblée et d'autres
vont la refuser d'emblée. Donc, c'est une question de dynamique locale. Ça dépend de leur conseil d'administration,
ça dépend de la composition de la dynamique locale, etc., peut-être
aussi de la concurrence entre les différentes entreprises. Parce qu'il ne faut
quand même pas oublier qu'une politique d'investissement
local n'est pas une reconnaissance de l'économie sociale, ce n'est qu'un moyen
de financement pour l'économie sociale. Ça, on l'a vu.
Les fonds
locaux d'investissement sont maintenant… La plupart des CLD et des CDEC ont un
fonds... acceptent l'économie sociale. Certains ne l'acceptent pas
encore dans leurs fonds locaux d'investissement, mais, comme ils ont deux portes d'entrée… Il y en a une, par exemple — j'ai
eu cette donnée-là dernièrement — elle
est à 4 % d'intérêt pour l'entreprise
d'économie sociale… j'ai même vu 2 % d'intérêt ou taux préférentiel plus
2 %, alors que l'entreprise privée va avoir une évaluation du risque selon le modèle développé par SOLIDEQ
et ces différents acteurs là, donc une évaluation au risque, ce qui peut aller jusqu'à 8 %,
9 %, 10 %, selon le risque de l'entreprise, ce qui fait qu'on a donc
des entreprises, des coops de travail
qui ne seront pas reconnues dans l'économie sociale avoir un taux d'intérêt
plus élevé sur l'emprunt qu'elles vont faire au CLD. Puis, comme je l'ai
dit tantôt aussi, il y a le programme d'investissement en entreprises
collectives, qui ne reconnaît pas les coopératives qui se versent des
ristournes. Donc, il y a ça.
Comment la
loi peut contribuer à ça? Je crois qu'il... C'est difficile à dire parce qu'on
est dans du spécifique de coopérative. La ristourne comme telle,
peut-être qu'il y aurait une formulation, peut-être même dans l'article 3,
de préciser d'une façon ou d'une autre que la ristourne ne constitue pas un...
Je vais
revenir à l'article 3, d'ailleurs. Ça, c'est, dans le quatrième paragraphe
de l'article 3 : «[Ils] interdisent la distribution des surplus
générés par ses activités ou prévoient une [redistribution] de ceux-ci aux
membres au prorata des opérations
effectuées...» Est-ce qu'il n'y a pas moyen de clarifier cet article-là pour
aller un peu plus loin et de lier les programmes
peut-être, là — là, je
vais un peu loin — dans le
plan de l'application de la loi, peut-être lier ces programmes-là à l'article 4,
qui serait peut-être précisé — je vous avoue que je n'ai pas voulu faire
votre travail, là, j'ai plus été dans les
directions — pour
qu'on constate que la distribution des excédents soit vraiment équitable et ne
soit pas considérée comme but lucratif et non lucratif?
De ça, peut-être qu'il y aurait peut-être aussi
des contacts à faire avec le MFE, avec Revenu Québec, notamment, parce qu'en
même temps, au niveau fiscal, il y a peut-être des choses qui pourront découler
de ça, du fait que la ristourne... Parce que
la ristourne est imposable et les excédents aussi. Il y a des choses... c'est
un champ à ouvrir qui est un peu un terrain assez vaste, je dirais.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
le ministre.
M. Gaudreault : Oui. Bien, écoutez,
je reçois, avec beaucoup d'ouverture votre proposition. Je suis un peu comme vous, là, je ne prends pas position à ce
stade-ci, mais nous allons examiner différents scénarios pour voir...
Parce que je trouve ça préoccupant, là, ce
que vous dites, effectivement. Je trouve ça préoccupant. On va voir ce qu'on
peut faire. Mais, en même temps, je
veux juste vous dire, à l'article 6, on dit que «le ministre élabore et
propose au gouvernement, conjointement avec le ministre des Finances et
de l'Économie, après consultation du Chantier [...] et du CQCM, des politiques
en vue de favoriser le développement de l'économie sociale au Québec».
Alors, on amène quand même une obligation de se
parler dans laquelle on pourra… — quand je dis «de se parler», je veux
dire, MAMROT et MFE —
dans laquelle on pourra justement solutionner ces questions-là. Il y a
certainement, si ce n'est pas une réponse immédiate au bogue que vous vivez
comme coopérative de travail, il y a certainement,
en tout cas, inscrit noir sur blanc dans la loi, des portes de sortie pour
régler ces questions-là. Et, considérant que vous êtes membre à la fois
du C.A. du chantier et du CQCM — vous êtes bicéphales — et
que les deux sont les interlocuteurs privilégiés, bien, je pense, en tout cas,
on amène des pistes de solution par la loi, là. Mais, plus que ça, on va regarder, pour l'alinéa 4°, là,
de l'article 3, là, ce dont vous attirez notre attention. Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente ?
La Présidente (Mme
Champagne) : Il vous reste environ cinq minutes.
M.
Gaudreault : Ah oui? O.K. Je
veux vous entendre plus sur le rachat d'entreprise. Vous allez assez loin
en faisant référence, entre autres, au
modèle qui est présentement à l'étude en France, sur la priorité envers les
travailleurs qui souhaiteraient, par
exemple, racheter des entreprises. J'aimerais ça vous entendre un petit peu
plus sur la réalité québécoise, par
exemple la relève entrepreneuriale, les entreprises familiales, même les
entreprises industrielles. Et dites-moi quels moyens concrets on pourrait envisager, par exemple. Est-ce que c'est par
des congés fiscaux, une meilleure équité dans le traitement fiscal,
etc.? Voilà.
• (12 h 40) •
M.
Charette (Pierre) :
Définitivement par le volet fiscal. En fait, l'objectif, c'est de faciliter que
ça coule bien, de graisser un peu l'engrenage parce que présentement c'est
une course effrénée pour les travailleurs qui veulent racheter une entreprise. S'ils l'apprennent d'avance et que, par
exemple, l'employeur… On pense à Promo-Plastik, qu'on nommait dans nos
exemples, c'est l'employeur qui a invité les employés à racheter son
entreprise. Ça fait qu'ils ont pris le
temps, ils ont été probablement... Je ne connais pas la petite histoire. Ils
ont travaillé avec la CDR locale, ils ont travaillé avec le milieu pour
monter un projet, et éventuellement la capitaliser, et racheter. Ça, c'est un
cas.
Dans le cas d'une
entreprise qui serait vendue plus rapidement, là c'est qu'on a deux défis.
Contrairement à un acheteur, un entrepreneur individuel ou deux ou trois
personnes qui sont déjà en affaires depuis longtemps, qui ont donc la culture entrepreneuriale bien implantée, c'est
qu'ils peuvent se revirer de bord très vite, ils ont peut-être accès à des
capitaux plus rapidement, donc ça enlève des chances aux travailleurs. Et cette
entreprise-là, si elle est acquise uniquement
dans un objectif pécuniaire, ce qui est correct aussi, ils vont payer de l'impôt,
ils vont faire leur contribution à l'économie,
mais leur ancrage est moins solide qu'une entreprise coopérative — «coopérative»,
toutes les coopératives confondues, une épicerie peut aussi être achetée
en coopérative d'usagers aussi. Nous, c'est les coops de travail plus
spécifiquement. Et cette équipe de travailleurs là n'a pas les ressources. C'est
surtout à ce niveau-là, des ressources. Il y a les incitatifs fiscaux, j'y
reviens, mais les ressources, ils ne les ont pas.
On a vu des histoires... Bon, j'ai travaillé
avec le président du syndicat chez Tricofil. Je ne sais pas s'il y en a certains que... C'est ancré dans la culture du
Québec, Tricofil. Mais ça a été… ils ont été obligés d'occuper leur
usine. Ils ont occupé leur usine, ils ont
ensuite fait une levée de fonds publique. C'est énorme comme effort, c'est une
mobilisation incroyable. Ce qu'on voudrait, c'est qu'on n'ait plus à imposer
cet effort-là à des travailleurs qui veulent prendre le contrôle de leur
destinée professionnelle, en quelque sorte, donc trouver des moyens que... Par
exemple, si on peut coordonner le syndicat
qui veut faire une réappropriation, qu'il n'ait pas à rentrer en confrontation
avec l'entrepreneur, qui, lui, par exemple avec le Groupe Relève,
travaille de son côté, et d'autres ressources, puis tout le monde travaille en
concertation. C'est vraiment la concertation de ces ressources-là qui est très
importante, puis évidemment des moyens. Il faut s'assurer que tous les
programmes nécessaires vont être accessibles pour donner des moyens à ces
organisations-là, donc des nouveaux moyens, de l'eau au moulin, si je puis me
permettre.
Au niveau fiscal, bien, aux États-Unis, par
exemple, il y a des congés fiscaux sur le gain en capital, par exemple. L'entrepreneur
va être plus intéressé à vendre à ses employés parce qu'il a un gain. Mais en
même temps il faut faire attention — puis
c'est tout interrelié — parce
que l'entrepreneur, c'est son bébé, des fois, qu'il vend. Une PME, il a passé sa vie à la monter, il ne veut pas la
laisser aller dans les mains de n'importe qui. Ça fait que, si, de un, il a
un incitatif fiscal et, de deux, il sait que la coopérative est entre bonnes
mains puis qu'elle va faire perdurer son projet, ça donne quand même un
incitatif. Puis on sait que, bon, dans les régions du Québec, c'est les PME qui
font vivre les régions en grande partie.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Alors, merci, M. Charette. Cela met fin à l'échange avec la partie
ministérielle. Je répète, vous avez toujours le droit de profiter de d'autres
tribunes pour faire vos échanges s'il vous manque du temps. Alors, nous allons
passer à l'opposition officielle, avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
pour un gros 14 minutes.
Mme
Weil : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue, M. Charette. J'ai eu l'occasion de voir le vidéo
sur l'économie sociale, et votre
présentation était très, très claire. C'est là que j'ai été sensibilisée à la
préoccupation dont vous parlez aujourd'hui. Mais c'est intéressant parce
que vous allez plus loin. Donc, dès qu'on prévoit des ristournes, c'est perçu
comme un profit, et donc on est pénalisé.
Il y a un
groupe qui vient aujourd'hui, je crois bien, c'est la Chaire de recherche du
Canada en économie sociale. Ils vont
faire une recommandation, dans l'article 3 de la loi, qu'on enlève le
mot... Bien, je vais vous dire : «On entend par "économie
sociale" — donc,
dans la définition — l'ensemble
des activités économiques dont la finalité n'est pas centrée sur le profit...»
Attendez, ce n'est pas ça, c'est le «sociale». Attendez, je vais regarder la
loi.
Donc, c'est :
«…à des fins…» Dans la loi, tel que le projet de loi est écrit, «l'ensemble des
activités économiques réalisées à des fins sociales», eux, ils disent qu'il
faudrait enlever «fins sociales» parce que ça crée de la confusion. Nous y revenons. Donc, ils disent : «Afin d'en
clarifier la formulation, nous suggérons d'enlever de ce paragraphe les mots "à des fins sociales" et d'ajouter
"dont la finalité n'est pas centrée sur le profit, mais sur le service aux
membres ou à la collectivité".» Donc, eux… Je pense que ça rejoint
ce que vous disiez. Donc, ça va être quelque part dans... On aura l'occasion de
leur poser des questions. Parce qu'évidemment, en tant que légistes, il faut
trouver...
Le ministre s'est
dit très, très, très ouvert à ce que vous dites. Puis moi aussi, quand j'ai
entendu vos explications en regardant,
premièrement, votre vidéo, j'ai tout à fait compris. Donc, peut-être parce qu'on
a tellement mis l'accent sur le social,
et tout le monde comprend ça comme étant… bien, la confusion, tel que vous l'avez
expliqué. Ça va être quelque part dans la définition et peut-être dans d'autres
aspects. Donc, je vous demanderais de bien regarder, on pourra vous
donner une copie de leur présentation. Puis nous, on pourra leur poser la
question, quand ils vont venir, avec exactement les préoccupations que vous
avez soulevées pour voir si, selon eux, ça pourrait résoudre le problème. Parce
qu'ils disent, dans leur texte : «Le
terme "fins sociales" est flou et pourrait être confondu avec la
"responsabilité sociale" des entreprises traditionnelles. Il
paraît plus clair de préciser qu'il s'agit des activités économiques "dont
la finalité n'est pas centrée sur le profit,
mais [...] le service aux membres ou à la collectivité". Les autres
dimensions de ce qui est sous-entendu par "fins sociales" sont
déclinées dans "les principes de l'économie sociale"...»
Donc, je
pense qu'on est tous, il semblerait, sur la même longueur d'onde. Il s'agira
tout simplement peut-être de trouver, dans un premier temps, les mots.
Puis éventuellement, comme le ministre, je pense, évoque, c'est un travail plus de fond avec les différents ministères avec
qui vous avez affaire pour voir s'il y a des corrections. Et tout ça est
dans, justement, ce projet de loi cadre. Et c'est important que nous, on mette
les bonnes définitions. Les pistes de solution, tant dans la façon que les différents ministères vont fonctionner
ensemble lorsqu'on va faire les plans... bien, ou le plan d'action, peut-être qu'il y aura aussi des
stratégies régionales qui vont découler d'un plan d'action, la table, la table
et qui va constituer la table. Et donc le groupe avant vous a proposé des
tables régionales aussi. Donc, si les représentants, tels vous, siègent à ces différentes tables, donc, éventuellement, une
bonne compréhension de ce que vous dites, et de votre vécu, puis votre vision, éventuellement, j'imagine,
avec... bien, j'imagine… C'est important que, dans le projet de loi, on
puisse donner ces pistes, ces voies de solution. Alors donc, je voulais
mentionner ça.
Ensuite...
Oui, je vais revenir, comme le ministre, sur cette question de droit
prioritaire de rachat. Le Chantier de l'économie
sociale, ce qu'il proposait — puis
on a eu différents points de vue là-dessus : «À l'instar de la loi-cadre
en préparation en France, celle du Québec
devrait formaliser un droit prioritaire de rachat d'entreprises par les
travailleurs et travailleuses ou encore par
les collectivités dans le cadre de cessions ou de fermetures d'entreprise et
mettre en place des mesures et des programmes pour assurer l'exercice
réel de ce droit.»
Avec le
groupe, hier, on a beaucoup parlé de ça, l'ACLQ, donc, l'Association des
centres locaux... l'ACDLQ, oui. Eux, ils ont dit : Faites
attention, pas de droit de premier refus, mais peut-être, au moins, encourager
et donner des outils. Je pense que, ça aussi, ça rejoint ce que vous disiez.
Donc, il y a peut-être quelque chose entre les deux, c'est-à-dire de s'assurer que, dans le cas de travailleurs qui seraient
intéressés à reprendre ces... et même en prévention, c'est-à-dire qu'alors
que... si l'entreprise est dans le trouble, que l'entreprise au moins ait... il
y ait quelque chose qui guide l'entreprise
ou le propriétaire, aller chercher de l'appui, de l'aide lorsqu'il va préparer
cette... Je sais que, des fois, c'est brutal, c'est brutal, et il n'y a
pas de préavis. Et puis là les gouvernements sont obligés de rapidement essayer
de sauver les meubles. Mais, si on était
capables de changer cette mentalité par un accompagnement et des outils,
etc. Donc, là aussi, ça pourrait être quelque
chose comme ça. C'est ce que j'ai compris. Ce que vous disiez, c'est un
accompagnement avec des outils pour ces travailleurs, pour ne pas que tout le
monde soit à la dernière minute, être obligés de rapidement trouver des
solutions.
La Présidente (Mme Champagne) :
M. Charette.
• (12 h 50) •
M. Charette (Pierre) : Oui.
Évidemment, c'est l'accompagnement, mais là je vous... on n'a pas à statuer sur
le... Je vais vous donner mon avis personnel
là-dessus : je crois que la loi devrait avoir une balise. J'aime bien le
trois mois français. Trois mois, c'est un délai raisonnable, et autant
pour un privé que pour un collectif, mais d'au moins donner la chance au coureur de monter son offre pour être
en concurrence loyale avec les autres acheteurs. Moi, je crois qu'il y a
un... Le délai, moi, j'aime bien cette idée dans l'avant-projet français.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la ministre.
Mme
Weil : Bien, merci. Oui,
vous parlez aussi de cette notion de lucratif, rentabilité, donc d'avoir cette
notion de rentabilité dans la loi. Bien, vous
n'en faites pas une... nécessairement, mais il y en a d'autres qui ont fait une
recommandation que ça soit même, je pense, dans la définition, au moins dans
les considérants. Il y a plusieurs groupes, juste hier et aujourd'hui, qui ont
parlé de ça.
Dans votre recommandation 1, dans votre
premier paragraphe : «Nous désirons que la version finale de la loi
propose une définition qui ne posera aucune ambiguïté quant à l'appartenance à
l'économie sociale des coopératives [et] de
la coopération du travail qui respecteront la définition proposée à l'article 3...»
Est-ce que vous avez une recommandation précise par rapport à ça? Est-ce
que vous voyez actuellement de l'ambiguïté?
M.
Charette (Pierre) : C'est
comme je disais tantôt, c'est dans le paragraphe... En fait, c'est une
définition qui ramène à l'article 3,
dans lequel le paragraphe est… donc vous excuserez le petit rond, mais c'est
vraiment à l'article 4°, selon moi, qu'il y aurait une précision à
apporter, mais on n'a pas un libellé, comme tel, à vous proposer.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la ministre… Mme la ministre! Mme la députée.
Mme Weil : Oui, donc, oui, je
comprends, 4°, qui se lit : «Les règles applicables à l'entreprise
interdisent la distribution des surplus…» Oui, je comprends bien. Et d'ailleurs
je pense qu'on le touche aussi, avec la chaire, là. Quand ils vont venir, donc, on pourra leur poser des questions, là...
ces questions-là, donc ils pourront nous aider. Donc, ils disent... Eux,
ce qu'ils ont, là, comme recommandation, ils rajoutent, donc — puis
on va voir si ça peut régler le problème — ils rajoutent au libellé qui
est actuellement là : «Les règles prévoient également qu'en cas de
fermeture, les membres ne peuvent se répartir l'actif
net, qui doit conserver durablement son caractère collectif et ce, à moins qu'il
existe des dispositions contraires dans la législation ou les règlements qui
régissent spécifiquement certaines entreprises d'économie sociale.»
M.
Charette (Pierre) : C'est
les éléments de la loi. C'est dans la Loi des coopératives et dans la
partie III de la Loi des compagnies.
Donc, c'est des éléments qui, selon moi, tombent sous le sens. Et, à moins
de... comme les... ils parlent de règles particulières comme la réserve
de valorisation d'une coopérative, ça peut être un moyen, mais, encore là, il y
a toujours une partie qui va être non partageable. Ça, c'est, selon nous, un
principe essentiel.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme
Weil : Très bien. Merci, Mme
la Présidente. Vous dites aussi, dans ce deuxième paragraphe, larecommandation 1 : «Nous désirons
également que le plan d'action de la loi favorise la bonification des
ressources mises à la disposition des acteurs de première ligne
impliqués dans le soutien et le développement des coopératives de la
coopération du travail.» Quel type de ressources particulièrement? Financières,
humaines, mais...
M. Charette (Pierre) : Là-dessus, c'est
un peu à l'entente de partenariat entre le CQCM et le MFE, qui est extrêmement basé sur le nombre de coopératives, le
nombre d'emplois, les projets. C'est un système qui a une… Puis je
comprends que ça vient du MFE, c'est... Mais en même temps, lors des
discussions ultérieures, il y aura peut-être des éléments à dire. C'est qu'il y
a peu de financement pour le structurant, donc les accompagnements à long terme.
Une coopérative, des fois, va revenir quatre fois sur deux ans avant d'être
vraiment sûre. C'est un projet long terme — en démarrage particulièrement, là on ne parle pas de transfert d'entreprise — c'est quelque chose qui se fait à très long
terme. Il n'y a pratiquement aucune
ressource, ça fait que — permettez-moi l'expression — on le fait sur le bras, tout
simplement. On fait de l'accompagnement sur
le bras, puis il y a peu de... En fait, le financement est à la pièce. C'est du
financement presque exclusivement par
projet, les volets 2, 3 et 4, volet 1 étant réservé aux CDR. Donc, c'est
une entente qui aurait, selon moi, intérêt à être peut-être repensée, ou
rajouter un volet, ou je ne le sais pas, mais... Puis je suis convaincu que les
gens des CDR aussi seraient d'accord avec nous. Il y a vraiment une grosse
reddition de comptes et peu de financement structurant là-dedans. Donc, pour
vraiment aller faire de la… ce que je dirais, de la job de fond, vous
comprenez, là, de...
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme Weil : Il reste combien de...
La Présidente (Mme Champagne) :
1 min 30 s.
Mme Weil : Vous êtes membre du
chantier. C'est ça?
M. Charette (Pierre) : Oui, on est
sur le conseil du chantier.
Mme
Weil : Donc, vous êtes d'accord,
évidemment, avec le fait d'inclure le mandat dans le projet de loi? C'est
une recommandation du chantier.
M. Charette (Pierre) : Le mandat?
Mme Weil : Le mandat — excusez-moi — de la
table.
M.
Charette (Pierre) : De la table.
Encore une fois, comme je vous disais tantôt, on a été spécifiquement là-dessus.
Notre organisation n'a pas statué là-dessus. Mais je ne crois pas que ce serait
négatif de le mettre. Ça dépend à quel point qu'il est serré. Il ne faut pas s'attacher
les mains non plus, il faut un mandat qui puisse être flexible. Ça, c'est...
Mme
Weil : C'est ça. D'ailleurs,
c'est le commentaire du groupe juste avant vous. C'est que, oui, mais en
même temps pas trop, trop détaillé. Mais les grands éléments du mandat, donc,
la composition, là-dessus, vous n'avez pas statué non plus?
M.
Charette (Pierre) : On n'a
pas statué. C'est des zones qui sont très sensibles, vous avez sûrement
compris.
Mme Weil : Oui. Très bien. Mais,
merci beaucoup pour votre présentation. Merci beaucoup.
M. Charette (Pierre) : Merci.
La Présidente (Mme Champagne) :
Merci, Mme la députée. Alors, nous allons passer maintenant, avec peu de temps, avec la députée de Gouin, pour un
2 min 30 s, max trois minutes, là, ce qu'il reste comme temps
devant la répartition obligatoire à laquelle je suis confrontée. Alors, Mme la
députée de Gouin.
Mme David : Merci. Mais, O.K., c'est correct. Merci, Mme la
Présidente. Une couple de questions rapides. Si j'ai bien compris — moi,
j'ai appris beaucoup de choses ce matin — les membres d'une coopérative
de travail, par définition, sont les travailleuses et les travailleurs de la
coopérative?
M. Charette (Pierre) : Oui. Pas nécessairement tous, mais au moins
50 % du salaire doit être versé à des membres. C'est la règle, mais
habituellement on vise évidemment 100 %.
Mme David :
O.K. Et, si, mettons, dans une entreprise, une coopérative de travail, il y a
55 %, disons, des membres qui sont les travailleuses ou travailleurs de l'entreprise,
qui sont les autres?
M. Charette (Pierre) : Des employés de la coopérative, comme on peut
avoir des employés d'une coopérative financière.
C'est des employés non membres, souvent temporaires. Parce qu'habituellement un
employé qui entre dans une coopérative
entre dans un processus d'admission à un membership, sauf s'ils sont
temporaires évidemment, là, comme…
Mme David :
Et donc, quand vous parlez d'une ristourne aux membres en fin d'année, on parle
essentiellement d'une ristourne, donc, aux gens qui travaillent dans la
coopérative de travail?
M. Charette
(Pierre) : Absolument, absolument.
Mme David :
C'est une sorte de bonus de Noël, là?
M. Charette
(Pierre) : Non.
Mme David :
Un petit peu?
M. Charette
(Pierre) : J'aime...
Mme David :
Non, vous n'aimez pas ça, hein?
M. Charette (Pierre) : Non, je n'aime pas ça. J'aime mieux dire un
ajustement du service qu'ils ont rendu à la coop durant l'année précédente.
Mme David :
O.K. C'est pour ça que vous parlez de prudence en matière de gestion.
M. Charette
(Pierre) : Oui.
Mme David :
Vous vous êtes dit : On est capables de payer tel niveau de salaires,
puis, à la fin de l'année, si ça va bien, il y a une...
M. Charette
(Pierre) : On va se redistribuer au prorata. D'ailleurs...
Mme David :
Des heures travaillées.
M. Charette
(Pierre) : Oui. Donc…
Mme David :
Ça, j'ai compris, O.K. Ma deuxième et dernière question va porter sur le
fonctionnement. Parce que, ça, je comprends que, là, vous vouliez
discuter du projet de loi, mais, moi, ça m'intéresse de savoir, au niveau du
fonctionnement des coopératives de travail. Est-ce qu'il y a un modèle,
plusieurs modèles? Quel type de modèle de fonctionnement démocratique avez-vous
dans une coopérative de travail?
M. Charette (Pierre) : Au Québec, on a des coopératives qui partent de
trois membres, le minimum légal, jusqu'à 250 membres, où les forestières... Ça répond un peu à la question. Ce n'est
jamais pareil. La loi, en haut de 20 membres, impose un conseil d'administration, En bas, ils peuvent fonctionner sans
conseil d'administration en étant en assemblée générale, mais, à 20, c'est
un peu dur. Mais chacun a son organigramme. J'en ai vu des très horizontaux et
des très hiérarchiques. J'en ai vu de toutes
les sortes. C'est vraiment... Je ne peux pas vraiment aller plus loin, là,
surtout qu'on n'a pas gros de temps.
Mme David :
Donc, il n'y a pas... Mettons, pour être membre de votre réseau, il n'y a pas
de règle minimale, disons, sinon ce que la
loi oblige à faire, là, pour dire : On va accepter comme membres des gens
qui auront un minimum, disons, telle ou telle règle de fonctionnement
démocratique.
M. Charette
(Pierre) : Non. On veut que ce soient des coopératives et on donne l'accompagnement
pour s'assurer qu'elles sont démocratiques. Ça fait partie de notre programme
de formation, là.
La Présidente (Mme
Champagne) : Merci, Mme la députée. Merci, M. Charette. C'est tout
le temps que nous avons.
Alors, compte
tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à
15 heures cet après-midi, au même endroit, si je ne me trompe. Même
heure, même poste. Alors, bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 6)
La
Présidente (Mme Champagne) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses
travaux.
Et je vous rappelle que la commission est réunie
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions sur le projet
de loi n° 27, Loi sur l'économie sociale.
Alors, je vais inviter, donc, le premier groupe
à se présenter afin que, pour fins d'enregistrement, on puisse avoir vos noms,
bien sûr. Alors, la parole est à vous pour un bon 10 minutes. Alors, tout
d'abord, s'il vous plaît, vous présenter et, madame, si vous êtes celle qui
présentez, identifier également les personnes qui vous accompagnent. Alors, je
vous laisse la parole.
Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
et Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
Mme
Boucher (Denise) : Alors,
merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres, députés. Alors, j'ai
François Vaudreuil, qui est à ma droite, qui est président de la CSD, et...
Une voix : …
Mme Boucher (Denise) : …Daniel
Boyer, excusez-moi, qui est secrétaire général à la FTQ, et moi-même, Denise
Boucher, qui est vice-présidente à la Confédération des syndicats nationaux.
Alors, tout à
l'heure, quand on est entrés, on nous a dit : Ah! vous faites front
commun. Mais on ne fait pas un front commun, on fait un mémoire commun,
mais ça, c'est mieux encore parce que c'est rare qu'on fait ça, être les trois ensembles. Mais, si nous sommes les trois
ensemble, c'est qu'on considère que ce qui est sur la table, c'est
novateur et c'est porteur, et c'est pour ça que nous avons décidé de le faire
tous les trois ensemble.
Alors,
peut-être aussi indiquer que, pour nous et la CSN, et la FTQ, nous sommes au
Chantier de l'économie sociale depuis sa naissance et que et le Fonds de
solidarité et le Fondaction de la CSN, on est des partenaires importants de la
Fiducie du Chantier d'économie sociale, que la CSN et la FTQ, nous participons
aussi au conseil sectoriel de main-d'oeuvre de l'économie sociale.
À l'automne
dernier, la CSD, la CSN et la FTQ, nous avons fait un séminaire commun qui
avait comme objectif la question des coopératives en milieu de travail
et nous avons aussi collaboré avec le Chantier d'économie sociale. D'ailleurs, nous nous voyons comme étant des gens
impliqués régulièrement dans les dossiers de coopératives souvent liés à des fermetures d'entreprise. Nous essayons de
faire en sorte que les gens puissent poursuivre dans leur emploi en
étant aussi des porteurs du dossier d'économie sociale.
On a aussi participé, les trois organisations
syndicales, à un forum international de l'économie sociale qui a eu lieu en
octobre 2011 et pour lequel aussi nous avons convenu d'une déclaration qui
affirme que le mouvement syndical et celui
de l'économie sociale sont habités par des valeurs communes de justice, de
solidarité et de démocratie. Nous
voulons aussi signifier l'importance de l'économie sociale, mais on veut aussi
vous indiquer — et
Daniel pourra développer un peu plus tard — que l'économie sociale
ne doit pas se développer au détriment des services publics existants ou en
substitution de ceux-ci et que ça devienne le prétexte d'un désengagement de l'État.
Dans le
préambule qui a été mis dans le projet de loi, on considère qu'il y a deux
éléments qui auraient dû être ajoutés. Nous aurions aimé, entre autres,
voir souligner dans les considérants que les entreprises d'économie sociale se démarquent de l'entreprise privée en ce sens qu'elles
ne sont pas assujetties uniquement à la logique du profit ou du
rendement des actionnaires et à la question de l'appréciation de sa
rentabilité. Elles reposent cependant sur des considérations sociales plus qu'économiques.
Dans l'autre
élément que nous aurions aimé voir, c'est qu'on reconnaisse l'appui des
mouvements sociaux dans le
développement de l'économie sociale, dans le développement, je dirais, des
coopératives d'épargne et de crédit, aussi dans le domaine agricole. On
peut penser aussi à tout le volet des services de garde, hein, qui est un beau
fleuron du Québec et aussi aux personnes et
rajouter aussi que tout le volet... Et, si on connaît le Chantier de l'économie
sociale tel qu'on le connaît maintenant, c'est beaucoup aussi à la suite de la
marche des femmes Du pain et des roses, donc du mouvement des
femmes. Alors, pour le volet des objets d'application, ça va être Daniel.
• (15 h 10) •
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Merci. Ce qui est au coeur de ce projet de loi, c'est la reconnaissance
de l'économie sociale dans le développement socioéconomique du Québec,
et on mentionne «dans tous ses secteurs», on pense qu'il faudrait également mentionner «dans toutes ses
régions». Le développement socioéconomique du Québec ne peut pas se faire sans le développement socioéconomique de ses
régions, et on pense que ce serait important d'ajouter cet élément-là.
Des
entreprises d'économie sociale dont les «activités économiques sont réalisées à
des fins sociales», on énonce une
série de principes, dont le premier principe est de «répondre aux besoins des
membres de la collectivité». Denise vient de le mentionner, on est d'accord
avec ce principe-là, mais ça ne doit pas se faire... ça ne doit pas se
substituer aux services et aux emplois
publics. D'ailleurs, ça faisait partie des conclusions du Sommet sur l'économie
et l'emploi, à l'automne 1996. Donc,
on pense que c'est important, qu'on devrait le mentionner afin d'éviter toute
ambiguïté. Donc, on devrait voir dans la loi, là, une inscription de cette
disposition-là.
Il y a d'autres
principes avec lesquels on est d'accord. On n'entrera pas dans le détail,
mais : l'autonomie, le processus démocratique, les règles de distribution.
On est d'accord également avec la finalité, qui est le bien-être des membres de
la collectivité puis de la création d'emplois.
Par contre, le projet
de loi ne fait aucune mention des conditions de travail des salariés qui
oeuvrent dans le secteur de l'économie
sociale, et on pense que c'est une lacune majeure, d'autant plus que ces
entreprises d'économie sociale
contribuent fortement à l'intégration à l'emploi des personnes qui sont plus
éloignées du marché du travail puis qu'une telle prise en compte des
conditions de travail de ces salariés, bien ça s'intégrerait tout à fait dans
les plans gouvernementaux de lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale. Donc, on pense que ce serait important qu'il y
ait des mentions concernant les conditions de travail des salariés dans
le secteur de l'économie sociale.
Par
conditions de travail, il faut également entendre une formation adéquate des
personnes qui travaillent dans ce secteur-là.
On peut souligner, là, le travail qui est fait par le Comité sectoriel de
main-d'oeuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire, qui contribue,
là, par son offre de formation, au perfectionnement de la main-d'oeuvre en économie sociale. Et on pense qu'il faudrait, dans
la loi, mentionner que c'est un élément important, autant les conditions
de travail, autant la formation, une formation adéquate des salariés.
Au niveau du rôle du
gouvernement, on appuie, bien sûr, l'article 7, qui reconnaît l'économie
sociale comme une «partie intégrante de la
structure socioéconomique du Québec». Donc, c'est l'affaire de tous les
ministères, et ça, on est d'accord
avec ça. Il faut que le gouvernement intègre ces intentions-là dans son
prochain plan d'action dans le but de renforcer, là, ainsi l'appui des
politiques publiques destinées aux entreprises d'économie sociale.
Et
je terminerais en mentionnant que le gouvernement devrait s'engager dans une
politique d'achat responsable dans laquelle les entreprises d'économie
sociale auront toutes leurs parts.
La Présidente (Mme
Champagne) : Merci, M. Boyer. Maintenant, la parole est à M.
Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François) : Oui. Alors, Mme la Présidente, j'aimerais vous
entretenir, à ce moment-ci, de toute la question de la table des partenaires. Alors, comme il est spécifié dans
le projet de loi, c'est le ministre qui va déterminer la composition de
cette table de partenaires. Alors, on peut aussi, à la lecture, comprendre que
ce sont deux organismes, soit le Chantier de
l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la
mutualité, qui seront les principaux participants de cette table des
partenaires, ce que nous appuyons d'ailleurs.
Mais
d'autres partenaires sont aussi engagés dans l'économie sociale et sont
susceptibles d'être appelés à siéger à cette table de consultation. Bon,
par exemple, il y a le Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'économie sociale
et de l'action communautaire, dont Daniel a
parlé précédemment, qui, selon nous, devrait être considéré parmi ces
partenaires.
Mais
cette table-là devrait aussi s'ouvrir à une représentation des mouvements
sociaux qui appuient le développement de l'économie sociale. Et le
mouvement syndical fait partie de ces mouvements sociaux, d'autant plus qu'il y a des fonds de travailleurs qui sont
directement engagés auprès des acteurs de l'économie sociale. Alors,
selon nous, une représentation des mouvements sociaux à cette table des
partenaires, sans être prépondérante, favoriserait à la fois le dialogue social
autour des politiques et mesures en matière d'économie sociale ainsi que la
mobilisation sur ces questions.
Alors,
à titre de conclusion, je vous dirais, que ce soit la FTQ, la CSN et la CSD,
nous saluons ce projet de loi cadre
sur l'économie sociale qui vient d'être déposé devant l'Assemblée nationale.
Avec cette initiative, le gouvernement du
Québec suit l'exemple de d'autres pays qui ont déjà adopté un projet de loi
similaire ou qui s'apprêtent à le faire. Ainsi, de plus en plus, l'économie
sociale apparaît comme un choix pour favoriser l'émergence d'un autre modèle de
développement, un modèle centré sur la réponse à des impératifs sociaux et
démocratiques.
Cependant,
de notre point de vue, ce n'est pas le seul choix nécessaire. Afin de favoriser
un autre développement, il est aussi
nécessaire que les stratégies se déploient à plusieurs niveaux, par
exemple : par l'action des salariés et leurs syndicats sur les
lieux de travail afin d'améliorer les conditions de travail et d'influer sur la
prise en charge par les entreprises de leurs responsabilités sociales; par la
valorisation des métiers et des emplois du secteur de l'économie sociale; par
la mobilisation des collectivités dans les localités et les régions afin que
soient mises en oeuvre des politiques et des
mesures favorisant leur développement; par la vigilance et la pression de la
société civile afin de contrer le désengagement de l'État et que
celui-ci assume adéquatement ses fonctions de régulation de l'activité
économique et de redistribution équitable de la richesse. De plus, avec la
globalisation des marchés, il est aussi nécessaire que des solidarités se
construisent à l'échelle internationale afin qu'émergent des alternatives à l'actuelle
mondialisation.
C'est
dans ce cadre stratégique élargi que se situe toute la pertinence de l'économie
sociale, non comme panacée, mais
comme contribution essentielle au développement social et à l'élargissement des
espaces démocratiques. Alors, voilà.
La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Vaudreuil. Merci Mme Boucher. Merci, M.
Boyer. Alors, nous en sommes à la période d'échange avec le côté
ministériel. Alors, M. le ministre des Affaires municipales, des Régions et de
l'Occupation du territoire, la parole est à vous pour près de 20 minutes.
M. Gaudreault :
Oui. Alors, merci beaucoup, Mme Boucher, M. Boyer et M. Vaudreuil, de votre
présence et du travail que vous faites en collectif — je
pense que c'est préférable de parler comme ça — et je pense que ça dénote bien l'importance que revêt l'économie
sociale pour les forces syndicales au Québec. Et je comprends
effectivement que les syndicats ont toujours
été en appui à différents mouvements de travailleurs, par exemple, ou de prise
en charge des communautés locales via des projets d'économie sociale.
D'ailleurs, écoutez, une question bien simple et
naïve à la fois, là, pour commencer. Quand vous dites, à la page 1 de votre mémoire, l'avant-dernier
paragraphe, à la fin, là : «D'ailleurs, la CSD, la CSN et la FTQ ont été
impliquées concrètement, à des degrés
divers, dans des expériences de coopératives en milieu de travail», j'aimerais
ça vous entendre un peu plus là-dessus
parce que... Qu'est-ce qui se passe quand des travailleurs syndiqués se
transforment en coopérative de travail,
deviennent des membres de la coopérative, des patrons, d'une certaine manière?
Alors, comment vous gérez les conditions
de travail, les conventions collectives? Est-ce que les employés d'une
coopérative, qui ne sont pas membres de la coopérative...
Tout à l'heure, votre prédécesseur du Réseau de
la coopération du travail du Québec nous disait que ça prend un minimum de
50 %, disons, des coopérateurs dans une coopérative de travail, donc les
autres travailleurs... 50 % des
travailleurs qui sont membres de la coop. Alors, est-ce qu'il y a des
conventions collectives? Comment ça se gère, ça, concrètement sur le
terrain?
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Boucher.
Mme
Boucher (Denise) : ...dans
un premier temps, puis on va essayer d'y répondre, les trois. Dans un
premier temps, quand il y a une annonce de
fermeture, notre première préoccupation, c'est que les emplois puissent
demeurer. Et, si c'est possible pour nous de
faire en sorte de transformer cette entreprise-là en coopérative, on se donne
cette responsabilité-là. Donc, soit qu'on passe par des analyses
financières, MCE Conseils ou d'autres, et on essaie de voir comment on peut les aider. Même le Fonds de solidarité,
Fondaction, autrement, peuvent même voir comment on va y investir.
Alors, souvent on a l'impression que c'est
diamétralement opposé d'être syndiqué et aussi d'être membre de la coopérative,
mais, selon nous, ce n'est pas le cas. Alors, un des deux peut répondre, soit
Daniel ou...
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Boyer.
• (15 h 20) •
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
simplement, il faut distinguer des objectifs des coopérants des objectifs des
travailleurs syndiqués. Ce n'est pas toujours évident, je vous l'avoue bien
humblement, de changer de chapeau à l'occasion,
mais là je vous dirais aussi que c'est à géométrie variable. Dépendant si la
coopérative est formée en totalité par les salariés ou en partie par les
salariés, il y a des jeux qui peuvent se jouer. Mais on est relativement
capables de faire des relations de travail qui ont du bon sens avec les membres
de coops qui sont aussi des travailleurs syndiqués de nos syndicats.
Je ne vous dis pas que ça ne pose pas de
problème de temps en temps. Des fois, ça nous en pose. Mais on pourrait se
poser également la même question quand nos fonds de travailleurs investissent
dans des entreprises où il y a une présence syndicale. Effectivement, on joue
des fois sur deux tableaux, mais je pense qu'on est capables de distinguer les
deux choses, puis ça nous permet de faire des relations de travail différentes
de ce qu'on ferait dans des entreprises plus classiques. On fait des relations
de travail différentes, on fait des relations différentes parce qu'on joue
également le rôle de l'employeur à l'occasion.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Vaudreuil.
M.
Vaudreuil (François) : Bon,
excellente question. Avant d'aller directement à la question, premier
élément, je pense que ce qu'il est important
de considérer — puis
on va probablement, cet après-midi, abattre un préjugé — c'est qu'au
Québec le syndicalisme, les syndicats qui oeuvrent notamment dans le secteur
privé, ne se limitent plus... ils ont
abandonné la contestation systématique, mais on ne se limite plus à négocier
des conditions de travail, parce qu'en raison
de l'évolution de la conjoncture économique depuis la mondialisation, l'emploi
est devenu aussi important dans le secteur privé que les conditions de
travail.
Alors, ça s'inscrit
dans une stratégie plus globale de préservation, de maintien de l'emploi,
alors, une stratégie de pérennité,
une stratégie de long terme, et surtout dans le secteur manufacturier, où on a
eu à subir des choix politiques qui n'ont pas favorisé le développement
de l'industrie, comme par exemple, en Allemagne, où on se retrouve confrontés
très souvent à des fermetures d'entreprise. Alors, quand advient une fermeture
d'entreprise, comme Denise vous le spécifiait
tantôt, la première démarche qu'on fait, c'est une étude de faisabilité pour
voir si on peut maintenir les emplois. Et la façon de maintenir les
emplois, c'est la poursuite des activités de l'entreprise.
Et nous sommes aussi dans une conjoncture d'innovation.
Le mouvement syndical québécois, il faut le dire, innove. On innove sur le terrain. Et la façon d'innover, c'est aussi par
l'innovation sociale. On change les rapports sociaux. Un très bel
instrument, c'est l'existence des coopératives de travailleurs actionnaires où,
dans la majorité des cas, la coopérative ne détient pas la majorité des
actions, mais la coopérative, à ce moment-là, pour le syndicat qui est à l'origine
de la démarche pour le maintien de l'emploi, la coopérative devient un moyen,
devient un outil stratégique.
Et on a
développé des expertises qui sont très grandes. Par exemple, on est très
préoccupés par la gouvernance de ces
entreprises-là. Là où il y a des coopératives de travailleurs actionnaires,
aujourd'hui, on peut vous dire que la qualité des conseils d'administration,
par exemple, est excessivement grande parce que la coopérative se charge d'avoir
un conseil d'administration qui est équilibré, fait en
sorte que les orientations stratégiques qui vont être définies dans l'entreprise vont assurer la pérennité des
emplois, la pérennité de la poursuite des opérations de l'entreprise. Donc,
on est rendus avec une expertise très grande.
Les syndicats jouent un rôle de premier ordre
pour conserver les emplois. Et, à cet égard-là, moi, je considère qu'une des
faiblesses qu'on au Québec… Malgré les réussites qu'on a, on a aussi des échecs
parce qu'on est dans l'univers de l'innovation
puis, quand dit qu'on s'inscrit dans l'univers de l'innovation, il y a des
essais, il y a des erreurs, mais somme toute, globalement, quand on
regarde ça, ça a permis de conserver des milliers d'emplois. Mais une des difficultés que moi, je trouve, personnellement,
qu'on a au Québec, c'est que l'entrepreneuriat collectif, à cet égard-là…
Et on joue un rôle d'une importance. Denise vous parlait du séminaire qu'on
a tenu sur les coopératives en milieu de travail. On est en train de
produire un document pour faire de la pédagogie auprès de nos membres, parce qu'une
des richesses qu'il nous faut développer, et
les succès ont été très grands, c'est l'entrepreneuriat collectif. On parle
beaucoup, au Québec, d'entrepreneuriat, mais
on met de côté toute cette dimension, tout le potentiel qui est rattaché à
l'entrepreneuriat collectif. Et, au niveau
syndical, on a des réussites excessivement importantes. Et moi,
personnellement, je ne connais pas de
pays… puis j'ai fait des relations internationales puis j'en fais
encore, et je ne connais pas de pays où les syndicats interviennent
de façon aussi innovatrice et avec des résultats aussi probants pour le
développement économique. Ça fait que de là tout notre attachement aux valeurs
qui sont reliées à l'économie sociale.
Et le fait
que nous sommes excessivement satisfaits de ce projet de loi là, mais qu'en
même temps, comme je vous disais, on veut être partenaires, tous les
trois, de la table pour apporter notre contribution à partir des expériences terrain qu'on a… Puis il y a d'autres éléments qu'on
pourra discuter plus tard, là, mais il y a des enjeux pour lesquels les
gouvernements n'ont pas donné suite et, entre autres, toute la dimension de la
promotion de l'entrepreneuriat collectif,
qui, à notre avis, est un enjeu très important pour le développement économique
du Québec parce qu'il permet un
développement qui est plus respectueux de la personne et qui va à l'encontre de
la financiarisation de l'économie, où on a une gouvernance dans les
entreprises privées, où on vise le profit à court terme, puis, au nom du profit
à court terme, on fait n'importe quoi puis on considère les gens comme des
biens jetables.
La Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. Vaudreuil. Alors, M. le ministre.
M. Gaudreault : Oui. Êtes-vous
membres du Chantier de l'économie sociale ou du CQCM?
M.
Vaudreuil (François) : À la
CSD? Non. Non, mais on a des relations... La CSN, la CSD, le sont. Nous,
nous ne le sommes pas, mais on a des relations étroites.
M. Gaudreault : …FTQ?
Mme Boucher (Denise) : Oui, oui.
M. Gaudreault : Vous êtes membre des
deux ou du chantier?
Mme Boucher (Denise) : Du chantier
puis du comité sectoriel.
M. Gaudreault : O.K. Et le nom, au
niveau de la loi, le titre, qu'est-ce que vous pensez du titre de la loi?
Mme Boucher (Denise) : Ah! Oui,
parce que ça, c'est un... Nous, ça nous convient très bien. La Loi sur l'économie
sociale, ça nous convient très bien. Si ça ne nous avait pas convenu, on aurait
probablement demandé de l'amender. On n'a pas de problème avec celui-là.
M. Gaudreault : Parfait.
M. Boyer (Daniel) : On pense qu'il
est très inclusif.
Mme Boucher (Denise) : Il est très
inclusif.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors là, prenons garde, parce que la personne qui enregistre peut y perdre un
peu son latin. Alors, M. le ministre.
M. Gaudreault : Il parle très bien
latin, la personne qui enregistre. Il n'y a pas de problème.
La Présidente (Mme Champagne) : C'est
bien.
M.
Gaudreault : Bon. Évidemment, j'aurai beaucoup, beaucoup de questions
puis je serais vraiment curieux de continuer d'échanger. On pourra peut-être le
faire sur d'autres forums. Mais, en tout cas, sur la relation entre un
travailleur qui est à la fois coopérateur et membre d'un syndicat, est-ce qu'il
n'y a pas un conflit, là? En tout cas, je comprends très bien l'innovation,
puis il n'y a pas de problème, là, mais… En tout cas, j'aimerais ça qu'on
puisse aller plus loin. Mais on aura peut-être d'autres occasions, via la
politique. Parce que, là, la loi, vous comprenez qu'on est
plus dans les principes. C'est une loi-cadre, hein, ça le dit. Et la
politique... le plan d'action, plutôt, découlera de la loi, là.
Mais
je voulais vous entendre davantage sur la table, justement, la fameuse table
des partenaires. Écoutez, le risque, c'est que ce soit une très grande
table, là. Et c'est une table-conseil sur demande du ministre, là. Si vous
lisez comme il faut l'article 11, là : «La table des partenaires en
économie sociale conseille le ministre sur toute question qu'il lui soumet en matière d'économie sociale.» Est-ce que
ça ne pourrait pas être une table variable, tout dépendant des enjeux?
Si, par exemple, comme ministre, j'ai besoin d'un avis sur des enjeux reliés à
des coopératives de travail ou d'une usine qui
doit se transformer en coopérative de travailleurs, bien là, woups! il y aurait
un volet de la table qui comprendrait plus les acteurs de ce milieu-là, alors que si, par exemple, c'est plus un avis
que j'ai besoin sur une coopérative en matière de santé, bien là, c'est d'autres intervenants. Mais je vous
avoue que, depuis les débuts de nos travaux, là, la liste est longue,
là, des membres de la table. Alors, il faut se garder une certaine souplesse.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, Mme Boucher.
• (15 h 30) •
Mme Boucher (Denise) : Nous, vous savez, hein, quand il y a des choses
nouvelles, on veut voir comment ça va fonctionner.
Ça nous emballe, alors… Mais juste vous dire, il existe ce qu'on appelle la
Commission des partenaires du marché
du travail. Je trouve qu'il y a là un modèle. Il y a beaucoup de monde qui sont
là et ils savent exactement ce qu'ils ont
à faire. Il y a des comités de travail qui sont mis en place sur des
préoccupations ad hoc où il y a des gens qui ytravaillent. Donc, je ne veux pas que ça représente ça, mais c'est
possible de travailler en partenariat avec beaucoup de monde et c'est...
La commission donne aussi des avis auprès du ministre et/ou de la ministre.
Donc, ça peut être un modèle. Je suis
convaincue qu'il y a des possibilités de trouver des forums. On ne dit pas que
nous trois, on doit yaller, mais il
y a peut-être une façon de voir comment on pourrait travailler, par alternance
ou des trucs de cet ordre, dans les nominations. Ça se fait aussi.
Mais je reviens à
votre question première, celle... Parce que ça a l'air à vous préoccuper. Vous
dites : Dans le plan d'action, je
regarderai ça. Les gens qui décident de rester membres d'un syndicat, ils le
font, on n'attache pas le monde. Le
monde, ils décident de rester avec une organisation. Mais je vous dirai que,
même quand ils se composent en coopérative, il arrive que ce n'est pas
juste eux. Des fois, ça peut être du monde qui sont extérieurs qui deviennent membres de la coopérative et qui peuvent être les
administrateurs. Et ils peuvent, après... pas avoir, disons, une certaine…
je ne sais pas, connaissance du milieu du
travail. Et les gens restant syndiqués, ça les sécurise parce qu'ils savent
qu'ils sont capables de négocier.
Puis
en même temps, quand on négocie — puis il le disait très bien, Daniel — quand on négocie, on ne négocie pas
de la même façon que dans le privé, on négocie différemment, parce que les
gens, ils savent. Quand on demande à une
entreprise privée de nous mettre sur la table les livres pour qu'on puisse voir
si effectivement ils ont des difficultés financières, quand tu es membre de la coopérative, tu le vois, ça. Donc,
tu peux demander à un de tes... à ton... soit la FTQ ou même à la CSN de t'aider à peut-être te sortir,
à trouver des mécanismes, à innover pour faire en sorte que l'entreprise
puisse vivre.
Donc, c'est curieux
qu'à chaque fois les gens, on soulève toujours cette question-là comme si ce n'était
pas possible. Pourtant, ça doit être
possible, parce qu'on en a, des coopératives qui sont restées syndiquées, et
même leur conseil d'administration,
ce n'est même pas nécessairement... il y a un représentant de travailleurs sur
le conseil d'administration, mais il
n'y a pas nécessairement... ce n'est pas... Je pense qu'il faut qu'on fasse
attention. J'ose espérer que, dans votre plan de travail, vous n'êtes
pas après réfléchir à faire en sorte que c'est diamétralement opposé, les deux,
parce qu'à mon avis c'est de faire fausse route.
M. Gaudreault : Non, non, soyez rassurée. Puis je ne veux pas qu'on passe trop de temps
non plus là-dessus, parce que je
comprends très bien. Mais je comprends qu'il y a une dimension de travailleurs
puis il y a une dimension coopérateurs, je dirais, d'une certaine
manière, puis que les deux ne sont pas nécessairement...
Une voix :
…
M.
Gaudreault :
Coopérants plus que coopérateurs, là. Alors, il n'y a pas de problème. Je
voudrais intervenir sur un autre volet. Hier, on a eu des
représentations de l'Association des CLD du Québec, l'ACLDQ, qui nous amené un
critère qu'ils ne retrouvaient pas nécessairement dans les définitions à l'article
3 ou même dans le préambule de la loi, là,
avec les considérants, c'est le critère de l'autonomie financière, donc la
recherche de l'autonomie financière des organisations en économie
sociale, comme de quoi un critère déterminant, là, qui définit ce qu'est une
entreprise d'économie sociale. Avez-vous une réflexion là-dessus?
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Boucher? M. Boyer.
Mme Boucher
(Denise) : Je vais vous dire, parce que je comprends mal le sens...
M. Boyer (Daniel) : Mais on pense que ça devrait être un critère, de
toute façon, l'autonomie financière. Vous savez...
M.
Gaudreault : ...peut-être juste une seconde, là. La quête de l'autonomie
financière. Autrement dit, il ne faut pas
que ça soit préexistant à la qualification, je dirais, de l'entreprise d'économie
sociale, mais qu'elle ait comme objectif de chercher l'autonomie
financière de sa propre organisation. Je veux être bien clair, là.
Mme Boucher (Denise) : Oui, parce que, de toute façon, il y a souvent
des... Au départ, quand on a commencé à réfléchir, au Chantier de l'économie sociale, dans les premières années…
Pour partir, des fois on a besoin d'un soutien et d'une aide, pour partir. Hein, on disait : Si
le gouvernement pouvait mettre... D'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a un
fonds qui a été organisé, auquel on
participe, hein, la fiducie du chantier, c'est justement pour permettre de
partir. Si la coopérative ou si l'organisme fait en sorte qu'il est
capable de devenir autonome, on est bien contents. Tout le monde va être
content de ça. Mais, des fois, ça prend un
petit coup de pouce dans leur cas parce qu'ils n'ont pas nécessairement de
capital. Hein, ça ne fonctionne pas comme dans le privé, d'aller à la
banque puis dire : Voici, moi, j'aimerais ça partir un petit truc d'économie sociale. Il faut que ça émerge de la
base, et ça, ça devient important, mais, si… Moi, pour les CLD, je suis
contente de voir qu'ils apportent ça, mais, en même temps, il faudrait
peut-être que, dans le plan, on ramène certains CLD à l'ordre parce qu'il y en a qui ne veulent plus faire de
développement d'économie sociale dans certaines régions. Et ça, à notre
avis, c'est une perte d'expertise qui s'est perdue.
La Présidente (Mme
Champagne) : M. le ministre.
M.
Gaudreault : Oui. Il y a aussi le comité sectoriel de main-d'oeuvre
dans le secteur de l'économie sociale qui nous disait d'apporter la notion d'emploi
durable et, entre autres, faisait la suggestion qu'à la fin du deuxième paragraphe de l'article 3, après les quatre
alinéas, là, on arrive : «Pour l'application du premier alinéa, la
finalité sociale s'apprécie notamment en fonction de la contribution de
l'entreprise à l'amélioration du bien-être de ses membres ou de la collectivité et à la création d'emplois
[durables].» Vous, vous plaidez beaucoup pour tout l'aspect des
conditions de travail, qu'on en tienne
compte davantage dans la loi. Est-ce que c'est quelque chose qui peut vous
rallier, qui pourrait être un terrain d'entente?
La Présidente (Mme
Champagne) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, évidemment, hein? Quand on se parle de conditions de travail, on
se parle de l'ensemble des conditions de travail qui sont aussi des
emplois durables. On souhaite, quand une entreprise d'économie sociale est mise
en place, on souhaite, bien sûr, que ce ne soit pas temporaire et que ce soient
des emplois de qualité, des emplois durables. On est bien d'accord avec cet
objectif-là.
La Présidente (Mme
Champagne) : Dans une minute, M. le ministre.
M. Vaudreuil
(François) : Peut-être en complément, M. le ministre.
M.
Gaudreault : Oui. Rapidement, s'il vous plaît.
M. Vaudreuil (François) : Oui, rapidement. Dans notre document, on parle de
travail décent, et le travail décent inclut l'emploi durable. C'est un
concept très large, là, qui est reconnu par l'OIT puis par toutes les
organisations internationales.
M.
Gaudreault : Parfait.
M. Vaudreuil
(François) : C'est pour ça qu'on a utilisé le mot «travail décent».
M.
Gaudreault : Nous retiendrons...
La Présidente (Mme
Champagne) : Une dernière.
M. Gaudreault : Nous retiendrons ça. Oui, une petite dernière question. Quelques
mots — je sais
que c'est cruel, là, avec le temps qu'il nous reste — sur
la politique d'achat public sur laquelle vous intervenez, là. Alors, est-ce que
vous pouvez me donner quelques pistes de ça? Est-ce qu'il faut que ça soit
nécessairement dans la loi ou le plan d'action peut couvrir ce secteur-là?
La Présidente (Mme
Champagne) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, peut-être que le plan d'action peut couvrir ça, là. Nous, tout ce
qu'on mentionne, c'est que, dans une politique... Le gouvernement
devrait se doter d'une politique d'achat responsable. Et, dans sa politique d'achat
responsable, bien, faire affaire le plus souvent possible avec des entreprises
d'économie sociale.
M.
Gaudreault : O.K.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, merci. Nous allons donc passer à l'opposition
officielle avec la porte-parole, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, pour un
20 minutes.
Mme Weil :
Bien, écoutez, j'ai perdu mon papier avec les noms, mais je vous salue tous. Je
vous souhaite la bienvenue. Je vais peut-être aller un peu avec vos
recommandations, un par un. Vous faites des recommandations pour des modifications au projet de loi. Et
peut-être juste dans un premier temps, il y a une crainte que vous
exprimez à la page 2, et on le sent un peu, on le sent, ça transpire dans votre
mémoire. Il y a le secteur public, secteur privé, puis on parle souvent de l'économie sociale comme étant
une troisième voie, hein? D'ailleurs, la chaire... les chercheurs
parlent d'une troisième voie. Vous, vous
exprimez souvent une crainte au niveau de préservation du secteur public quand
vous parlez d'emplois. Et vous exprimez cette crainte à la page 2 aussi :
«…des préoccupations doivent être exprimées d'entrée
de jeu : l'économie sociale ne doit pas se développer au détriment des
services publics existant [et] désengagement de l'État.»
Je pense que
ce serait intéressant de vous entendre parler, parce que vous êtes vraiment les
premiers à exprimer ça. Généralement,
lorsque les gens parlent d'économie sociale, c'est plus en termes d'un peu
cette forme d'entrepreneuriat collectif.
C'est quelque chose qui émane de la collectivité. Il y a cette même énergie qu'on
peut trouver dans l'entrepreneuriat privé, mais c'est collectif, avec
des valeurs sociales différentes évidemment. Le bénéfice, c'est la collectivité. Mais il y a un parallèle dans le
fonctionnement. Contrairement au secteur public… Je pense que, quand on voit«secteur public», dans la tête des gens, c'est
autre chose. Le secteur public, c'est la responsabilité gouvernementale — une assiette fiscale, le gouvernement est là pour
prendre les recettes — et
une responsabilité qui est vraiment presque au-dessus de tout, dans le sens d'égaliser les choses dans
une société, de faire fonctionner la société. Et donc c'est intéressant de
voir…
Parce que l'économie
sociale existe depuis déjà, bon, certains disent depuis plus de 100 ans, mais
le nom économie sociale puis la
compréhension des gens, donc, il y a vraiment une évolution importante depuis
15, 20 ans. Et donc peut-être vous
entendre là-dessus, cette crainte… Est-ce que vous parlez d'au fur et à mesure
des départs à la retraite, qu'au lieu de remplacer les personnes qui
quittent… Parce qu'on le sait, hein, tous ceux qui ont été au gouvernement,
ceux qui ont été ministres, c'est une préoccupation qui est exprimée souvent
par les fonctionnaires, ils le disent. Et puis là ils voient les gens quitter, et là, bon, il y a cette... on ne peut pas
remplacer, l'État se rétrécit ou la fonction publique. Est-ce que c'est
dans ce sens-là? Mais j'aimerais vous entendre là-dessus.
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Boucher. Alors, M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien oui, c'est
un peu dans ce sens-là. Je vous dirais que ce qui peut illustrer le mieux notre
préoccupation, c'est, entre autres, dans les services à domicile au niveau de
la santé, je vous avoue que ça, ça nous
préoccupe… dans toute la fonction publique, mais ça, ça nous préoccupe
grandement. On sait que, depuis le sommet économique de l'automne 1996, ont poussé des entreprises d'économie
sociale dans des services domestiques et on sait que ce n'est pas juste des services domestiques, c'est également des
services de soins puis de services, on ne se fera pas de cachettes, là, c'est également des entreprises
de cette nature-là. Pourquoi sont nées ces entreprises d'économie
sociale là? Le désengagement de l'État dans le secteur de la santé a fait en
sorte que la collectivité s'est prise en main et a donné les services aux citoyens, dont les citoyens avaient
besoin, là, entre autres les personnes âgées. Ça fait en sorte que des
emplois qui étaient présents dans le secteur
public puis des services qui étaient donnés par le secteur public de santé à
l'époque, bien ils sont dorénavant donnés
par des entreprises d'économie sociale. Donc, il ne faudrait pas que le
désengagement de l'État se poursuive dans le but, justement, qu'il se
crée des jobs, du «cheap labor» dans l'économie sociale et qu'on donne
davantage de services de santé via les entreprises d'économie sociale.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme Weil : Merci, Mme la Présidente.
Parce que c'est subtil, puis c'est au fur et à mesure du temps, puis... Comment se prémunir contre ça? Puis est-ce qu'il y
a quelque chose dans le préambule ou dans le langage de ce projet de loi qui pourrait sécuriser dans ce sens-là? Je
comprends tout à fait ce que vous dites, je l'ai vu émaner. Mais, en
même temps, évidemment, c'est quand même intéressant de voir le développement
de ce réseau d'économie sociale, parce que c'est
dynamique, ça donne des emplois à des gens. Mais je comprends ce que vous
dites. Peut-être… Et puis il y avait… à
l'époque on parlait aussi de cette question d'expertise, hein, et de
développement. Dans un cas, l'expertise est là, hein, dans la fonction
publique et dans les services publics; dans l'autre cas, il se développe. Et
est-ce qu'il y a un transfert d'expertise? Bon. Comment on trouve la
conciliation de ces deux secteurs?
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez,
tant et aussi longtemps que l'État va continuer de se désengager — entre autres, je parle dans les
services de santé, là — c'est
sûr qu'on va voir des services parallèles qui vont continuer à naître puis qui vont se donner, bien évidemment. Nous, ce
qu'on dénonce, on dénonce le désengagement de l'État, on ne veut pas ça.
Puis, vous l'avez mentionné, je l'ai dit
tantôt aussi, il y a du «cheap labor», il y a des gens... Il n'y a pas de
transfert de connaissances entre les employés des services publics, du
secteur public, qui donnent ces soins, ces services-là et les entreprises d'économie
sociale.
Oui, il s'en crée, il se crée de la compétence
au fil du temps, mais je vous avoue qu'avec les conditions de travail qu'on offre à ces femmes-là — parce
que la plupart sont des femmes — avec
les conditions de travail qu'on donne à
ces femmes-là, à partir du moment où elles ont acquis une certaine expérience,
une certaine compétence puis qu'elles sont
capables de se placer dans le secteur public, elles vont travailler dans le
secteur public. Donc, il y a un roulement de personnel dans ces
entreprises d'économie sociale là qui fait en sorte que la qualité des services
qui sont offerts à nos personnes âgées, pour la plupart, ou des personnes
handicapées n'est pas à la hauteur de ce qu'on serait en mesure de leur offrir
dans le secteur public.
Mme Boucher
(Denise) : Et je tiens à rappeler, si vous me permettez, Mme la
Présidente, je tiens à rappeler que le
Chantier d'économie sociale a aussi signé avec nous cet engagement qu'il n'y
ait pas de substitution d'emplois. Alors,
ça, c'est un engagement qu'on a pris dès la naissance du Chantier d'économie
sociale parce qu'il y avait, et on ne se le cachera pas, des coopératives qui voulaient faire un certain profit
en regard de cela, et ça, ça allait à l'encontre de ce qu'on pouvait s'attendre de la question d'économie
sociale. Alors, on le met parce que, pour nous, ça demeure important. Mais, Daniel a tout à fait raison, le gouvernement
ne peut pas se désengager puis laisser aller des pans importants. Et on
pense aux personnes âgées, aux soins de santé, c'est quand même important puis
c'est quand même sécuritaire aussi. Alors, il faut qu'on puisse porter une
attention particulière.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme Weil : Oui. Alors, je vois votre
proposition, et vous parlez d'amender l'article 3 : «…préciser, dans le
premier principe, que l'entreprise d'économie sociale a pour but de répondre
aux besoins de ses membres ou de la collectivité, et ce, sans se substituer aux
services ou aux emplois du secteur public.» Donc, pour vous, ça traduit bien la
finalité de ce que vous cherchez?
Mme Boucher (Denise) : Tout à fait.
Mme
Weil : Ensuite… Donc, votre
autre... «Ajouter un principe spécifiant que l'entreprise d'économie
sociale doit favoriser la mise en oeuvre de
conditions de travail décentes...» Mais ça, c'est tout à fait relié, hein, c'est
tout à fait relié. Donc, d'ailleurs,
l'un est peut-être précédant à l'autre. C'est que, si on a des conditions de
travail favorables, ça va égaliser les
choses et peut-être que le développement d'un réseau ne serait pas aux dépens
de l'autre parce que les conditions seraient plus ou moins kif-kif ou avantageuses dans un cas ou dans l'autre. Donc,
le choix, ça serait basé sur autre chose que sur la nécessité. C'est-à-dire
que, parce qu'il y a eu contraction dans un cas, des gens qui cherchent un
emploi, donc c'est l'économie sociale qui vient combler un manque. Mais, si les
conditions de travail sont... Ils sont très interreliés, ces deux... Vous êtes vraiment... On a parlé de
conditions de travail avant, mais je dirais que vous êtes les premiers à
vraiment le mettre sur la table aussi clairement que ce que vous faites là.
Donc, le 4...
quatrième... «…[et] non discriminatoires ainsi que l'accès à des mesures de
formation…» Ça, on en a beaucoup parlé, donc c'était il y a deux jours,
le groupe…
Une voix : CSMO.
Mme Weil : CSMO, qui beaucoup
parlé de l'importance de la formation...
«Dans le
cadre du plan d'action gouvernemental prévu à l'article 8, prévoir de
renforcer l'appui des politiques publiques destinées aux entreprises d'économie
sociale, notamment par l'adoption d'une politique d'achat — bien
oui, le ministre nous en a parlé — dans certaines circonstances, seront
privilégiées...»
«Ouvrir la
Table des partenaires en économie sociale [...] à une représentation du
mouvement syndical.» Vous êtes déjà
membres de… vous dites des deux… le Chantier de l'économie sociale? Et vous
êtes présents un peu partout déjà. C'est
ça? Mais vous voudriez... On a parlé d'une table nationale et on a parlé aussi,
ce matin, de tables régionales, qu'il pourrait y avoir des tables
régionales.
Le mandat de la table, on s'est penchés beaucoup
là-dessus, sur quel devrait être le mandat, le Chantier de l'économie sociale a
proposé un mandat qui est quand même assez détaillé. Est-ce que vous avez pris
position sur l'importance ou non d'inscrire
un mandat dans le projet de loi? Je vous dirais que je pose souvent la
question, je lis le mandat. La
plupart des gens, je vous dirais presque tous, disent oui, ils sont d'accord
avec ça, surtout de l'inscrire dans la loi. Il y en a qui ne se sont pas
penchés sur cette question. Est-ce que vous avez regardé cette question-là?
La Présidente (Mme Champagne) :
Mme Boucher?
Mme
Boucher (Denise) : Bien, je
vous dirais que, si le chantier vous a parlé de questions de mandat puis
qu'on est membres du chantier, on doit être d'accord.
Mme Weil : Sauf qu'il y a un groupe
qui, parce qu'ils étaient membres d'un autre groupe, ne pouvait pas se
prononcer, mais ils étaient membres du chantier. Bon, très bien. Et qu'on
pourrait le mettre dans la loi. Parce que le mandat va déterminer aussi les
membres de la table, pourrait...
Mme Boucher (Denise) : Tout à fait.
Mme Weil : ...rendre ça plus utile,
vu qu'ils seraient membres de la table.
La Présidente (Mme Champagne) : Oui,
M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil
(François) : J'aurais peut-être un commentaire sur votre dernière
intervention. Denise en a parlé
précédemment. Pour nous, cette table-là, elle est d'une importance capitale,
là, pour le développement de l'économie sociale et du rôle qu'elle peut
jouer dans l'économie de façon... de façon plus générale. Et il est très
important, je pense, d'associer le plus grand nombre de
personnes possible pour être capable de développer, d'une part, une vision commune sur... de développer une vision commune
sur ces enjeux puis... pour être capable de créer une synergie qui va
faire en sorte qu'on va améliorer la situation du développement de l'économie
sociale.
Mme Weil :
Il y a juste une clarification que j'aimerais quand même… parce qu'il y a...
Dans la loi, on parle que la table
conseille le ministre, à la demande du ministre, sur les enjeux. Mais ce n'est
pas très spécifique. Mais ce que le chantier recommande, c'est que le
mandat de la table soit de :
«Conseiller
le gouvernement du Québec — donc
dans toutes ses instances, dans sa transversalité.» Parle aussi, donc,
de «conseiller le gouvernement [...] dans la mise en oeuvre de la loi-cadre».
«Assurer
une synergie — justement,
vous parlez de synergie, c'est leur deuxième point — dans les actions menées par les
différents partenaires sur le plan…» Puis là il y a 11 éléments,
dont : formation relative à l'économie sociale, développement d'emplois de qualité — ça fait partie des préoccupations que vous
aviez — développement
de la main-d'oeuvre. C'est
long, beaucoup d'autres éléments. Ensuite : «Procéder à l'évaluation de la
mise en oeuvre de la loi-cadre et de
son plan d'action. [Et] voir à l'application de la loi-cadre dans le temps.»
Êtes-vous d'accord, donc, que le mandat de la table soit de conseiller
le gouvernement du Québec?
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Boucher.
Mme Boucher
(Denise) : Bien, je vous dirais que je comprends pourquoi le chantier
le marque, parce que la question de l'économie sociale, ce n'est pas juste...
M. Boyer
(Daniel) : L'affaire d'un ministère.
Mme Boucher (Denise) : Ça touche tous les ministères. Il y a de l'économie
sociale dans tous les ministères. Il s'en
fait. Hein, on pourrait donner des exemples. Foresterie, hein, il y a des
coopératives forestières. On peut penser au réseau de la santé et des services sociaux. Il y a des coopératives.
Éducation, il y a de l'économie sociale par des organismes communautaires
qui font de l'éducation populaire. Ça touche tous les ministères. Alors, il
faut être capable de faire en sorte que ça puisse effectivement s'étendre et
faire en sorte que tous les ministères se sentent concernés.
Alors, moi, sur la
proposition du chantier, je suis tout à fait l'aise. Et c'est dans le plan. Ça
peut être un plan ministériel, ça peut
être... Puis, pour des éléments spécifiques, ça peut conseiller le ministre,
mais je pense que «gouvernemental», c'est plus large... L'économie sociale,
c'est transversal, ça touche à tous les ministères.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme la députée.
Mme Weil :
Ça complète mes questions. Alors, merci. Donc, c'est Mme Boucher, M. Boyer
et M. Vaudreuil, merci beaucoup pour
votre présentation — je
tenais à retrouver ma feuille — merci
beaucoup pour votre participation aujourd'hui. Très apprécié.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée. Alors, nous allons
passer au deuxième groupe d'opposition avec le député de Drummond—Bois-Francs.
Et, comme tout le temps de la deuxième opposition
n'a pas été pris, ça va vous donner, je pense, un gros cinq minutes de plus, ce
qui nous donnerait 10 minutes. Est-ce que je suis dans les... Je suis
tout à fait dans les temps. Alors, 10 minutes à vous, cher monsieur.
M.
Schneeberger : C'est bon.
La Présidente (Mme
Champagne) : La parole est à vous.
M. Schneeberger : Bien, merci. Bonjour à vous trois. Bonjour à tous. Tout à l'heure, dans
votre mémoire, vous signifiiez que vous auriez une crainte que les
entreprises d'économie sociale ne devraient pas substituer ou remplacer des
emplois du domaine public. Premièrement, je voudrais vous entendre sur quelle
est votre crainte là-dessus, à ce niveau-là,
sous quelle forme que... Parce que, moi, ce que je vois, si, admettons, je
prends, mettons, exemple, Emploi-Québec qui fait des programmes pour la
réinsertion à l'emploi, et autres, souvent, bien, ça pourrait très bien être
jumelé avec certaines entreprises d'économie sociale.
Alors,
c'est sûr que, si on est capables de faire mieux puis des fois avec moins… Je
veux dire, est-ce que vous avez une crainte là-dessus? Moi, je voudrais
vous entendre là-dessus, quelle serait la raison… la crainte que vous
mentionnez dans votre mémoire.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Boucher.
Mme Boucher
(Denise) : Alors, pour répéter, d'une certaine façon, ce que Daniel a
dit tout à l'heure, hein, il existait
antérieurement du soin à domicile qui était fait à partir des CLSC, à partir de
membres qui étaient dans la fonction publique.
On a décidé, à un certain moment donné, de faire en sorte qu'on n'ouvrait plus
de postes, et donc on n'affichait plus de postes. Et c'est sûr que la
population a senti le besoin d'avoir des soins à domicile, je ne parle pas des
soins de... soins à domicile, et là la population s'est dit : On n'en a
plus parce que le CLSC ne nous en donne plus. Alors, il s'est créé, hein, des
entreprises d'économie sociale pour donner ces services-là.
Nous,
ce qu'on dit : Ça, c'est de la substitution d'emplois parce que, dans ce
cas-là, précisément, on a fait en sorte de se désengager, de faire en sorte qu'on ne faisait plus d'affichage de
postes. Mais le besoin était là, alors... Et, ça, ça se fait souvent dans
des conditions qui sont moindres. Il y a un roulement de personnel, la
formation n'est pas là. Bon, maintenant, on y travaille, là, mais... Alors, ça,
c'est un des volets.
Ça pourrait
être un autre exemple. Dans un des ministères, on décide… je ne sais pas, moi,
Transports, hein, on décide… — je ne sais pas pourquoi, là,
c'est un exemple, là, on prend Transports — on décide qu'on ne fait plus
la tournée de ce qui se fait sur les
autoroutes, ce n'est plus fait par le ministère, ce n'est plus par le personnel
qui est là. Donc, il y a un besoin,
il y a un besoin de ramasser bien des affaires sur le chemin, et là on donne ça
à une entreprise d'économie sociale dans de mauvaises conditions, pas
nécessairement avec le bon matériel, pas... C'est dans ce sens-là que nous le
disons. Alors, nos craintes, elles sont là.
En même temps, au bout de tout cet exercice-là,
les gens, ils vont vouloir avoir de meilleures conditions et ils vont faire appel inévitablement à la formation,
mais aussi à être reconnus. Alors, on va recommencer ce qu'on a déjà
fait il y a plusieurs années. Probablement qu'ils vont frapper à une de nos
portes. On va les syndiquer, puis on va aller frapper à la porte du
gouvernement, puis on va faire le chemin de peut-être qu'elles soient... ces
personnes-là soient reconnues et
que... Et là on part toute une mécanique. Alors, pourquoi ne pas déjà les
laisser en place, ces emplois-là? L'État
ne peut pas se désengager de responsabilités qui touchent, entre autres, les
personnes, la question de la sécurité, et j'en passe.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Pour ce...
dans ce cas-là, je comprends votre point. Moi, je n'ai pas d'exemple. Dans
mon comté, j'ai une belle entreprise d'économie sociale qui est un dépanneur, à
Notre-Dame-de-Ham. Il n'y avait plus de services au niveau du village. Je veux
dire, pas de caisse, pas de station-service, pas de dépanneur. Et, justement, avec l'aide au niveau des différents fonds, au
niveau du ministère, au niveau municipal, le MAMROT, bien, ça fait en sorte que c'est... ils ont été capables de partir
une coopérative, là, tu sais? Mais, c'est sûr que c'est parti avec des
fonds publics. Maintenant, une fois que c'est
parti, si elle est viable, c'est correct, mais sauf qu'on sait toujours que le
privé, habituellement, quelqu'un qui est d'affaires, s'il voit une opportunité
d'affaires qui est rentable, bien il va embarquer puis, bon, il va travailler…
Et sauf que,
moi, ce que ça fait en sorte… l'approche est faite que moi, je crois ça... Moi,
je viens du domaine agricole. Je suis
né sur une ferme laitière et j'ai grandi là-dedans. Bon, c'est sûr que le
système coopératif, je suis totalement d'accord avec ça, je crois à
plein. Mais souvent je trouve qu'on a trop mis les entreprises d'économie
sociale comme une économie qui est un peu
aux mamelles de l'État. Tu sais, il faut toujours soutenir ça, puis... Alors
que moi, je trouve que l'approche d'économie
sociale, justement, doit être une approche où c'est les gens du secteur qui
croient à leurs choses, alors qui
croient à leur dépanneur… dans ce cas-ci, à leur dépanneur. Et c'est pour ça,
moi, c'est sûr que, quand on part ça, les conditions de travail et puis
tout le monde je voudrais... moi, je suis le premier à vouloir que tout le
monde ait un bon salaire, mais c'est sûr qu'on
n'est pas capable de donner le gros salaire avec le fonds de pension, et tout.
Et puis je comprends que vous dites qu'il ne faut pas que ce soit du
«cheap labor», mais la réalité fait en sorte qu'à un moment donné, tu sais, c'est...
Il n'y a pas de miracle à faire là-dedans.
Alors, c'est
pour ça que, moi, je veux que l'économie sociale soit reconnue pleinement, mais
aussi que ce ne soit pas juste vu comme une espèce d'économie qui
est : Oui, tu sais, c'est correct pour ça, ça fait la job, ça donne du
service puis, tu sais... Je veux que ce soit vraiment de quoi qui est sur pied.
Alors, moi,
ma question est : Vous, êtes-vous prêts à travailler, en tant que
syndicat, pour dire : Regardez, si on n'est pas capables de... nos conditions de travail, il faut... Tu sais,
il faut faire un juste milieu là-dedans. Tantôt, vous disiez que vous êtes capables de venir en aide avec
les... pour des gens qui voudraient partir une entreprise d'économie
sociale, mais il y a quand même déjà des
organismes qui le font actuellement. Alors, vous, comment vous vous placez là-dedans,
là, à ce... Comment vous pouvez dire : Bien, regardez, je pense que...
admettons que vous partez une... des personnes qui se rassemblent. Et puis
comment vous allez être prêts à négocier ça avec les employés puis, en tout
cas, les gens de cette entreprise?
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Boucher.
Mme Boucher (Denise) : Je vais
répondre à...
M. Schneeberger : C'est un peu long,
là.
• (16 heures) •
Mme
Boucher (Denise) : Oui. Mais
je vais prendre deux éléments. C'est drôle que, quand l'État met de l'argent
pour les activités d'économie sociale, on crie au scandale. Pourtant, on en
donne pour les entreprises privées, pour qu'elles
puissent... hein? Il y a des crédits d'impôt, toutes sortes de choses. On les
aide, les entreprises privées, pas de trouble. Là, là, ça, c'est super.
Pour votre dépanneur, il y en a un dépanneur actuellement dans le privé, il s'appelle
Couche-Tard. On cherche à le syndiquer. Si
vous le connaissez, M. Bouchard, dites-lui donc, là, qu'on travaille
justement pour améliorer les conditions de travail. Et ça, ça, c'est un des
éléments.
Alors, les gens de l'économie sociale, un petit
dépanneur qui a organisé… puis c'est une coop, s'il nous appelle puis il a besoin d'aide, on sera là, pas d'inquiétude.
Mais, en même temps, moi, je nous fais collectivement attention parce
que, parce qu'on met de l'argent de l'État pour aider puis supporter une
entreprise qui veut partir… Puis il y a des fonds à travers ça, hein, il y a la fiducie du
chantier. Mais qu'on se scandalise parce qu'il y a de l'argent de l'État
quand on ne se scandalise pas quand on met de l'argent dans des entreprises
privées pour qu'elles vivent puis qu'elles créent
de l'emploi. On supporte peut-être, dans votre village, quatre, cinq petites
jobs. Puis ça, ça peut être superimportant. Puis c'est peut-être plus important d'en soutenir quatre, cinq dans
votre petit village que souvent... Puis on en soutient 100, 200 à
Montréal, parce que ça a la même valeur 100, 200 à Montréal que quatre, cinq
dans un village.
Alors, je nous fais cette mise en garde là, puis
je vous rappelle que, même dans des dépanneurs privés, multinationales actuellement, il y a du monde qui ont des petites
conditions de travail puis ils cherchent justement à se syndiquer pour
améliorer leur sort et surtout leur sécurité la nuit.
La Présidente (Mme Champagne) :
Merci, Mme Boucher. Alors, il reste 1 min 30 s, M. le député de
Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger : Ça va. Je n'avais
pas d'autre question…
La Présidente (Mme Champagne) : Ça
va comme ça?
M.
Schneeberger : Oui.
Une voix : …
La Présidente (Mme Champagne) :
Oui, M. Boyer?
M. Boyer (Daniel) : ...ajouter un
petit bout à la question ou à l'interrogation.
La Présidente (Mme Champagne) : Oui.
M. Boyer
(Daniel) : Vous savez, on y
croit tellement à cette économie sociale, là. On l'a dit, on est des
partenaires de la fiducie, mais, au Fonds de
solidarité, on est également des partenaires des CLD dans plusieurs des projets
qui sont mis sur pied par les CLD,
par les fonds locaux de solidarité puis nos fonds régionaux également. Donc, on
y croit tellement que, oui, on met
des sous dans ces entreprises-là puis, oui, on souhaite qu'ils acquièrent une
certaine autonomie à un moment donné. Mais on y croit. On y croit. On
fait du démarrage de ces entreprises-là, au grand dam de M. Bernier, qui pense
qu'on ne fait pas de démarrage au Québec puis qu'on est...
La
Présidente (Mme Champagne) :
Je vous remercie beaucoup, M. Boyer. M. Vaudreuil et Mme Boucher, merci
de votre présentation.
Alors, nous
allons suspendre quelques instants, le temps de permettre à l'autre groupe de
se présenter à la table.
(Suspension de la séance à 16 h 2)
(Reprise à 16 h 3)
La
Présidente (Mme Champagne) :
Alors, nous allons reprendre les travaux avec les personnes qui sont
ici, qui représentent le Centre
interdisciplinaire de recherche et d'information sur les entreprises
collectives. Alors, je vais vous demander de vous présenter et vous
allez... je vais vous accorder avec grand plaisir un 10 minutes de
présentation, suivi d'un échange avec les parlementaires de part et d'autre de
cette table. Alors, la parole est à vous.
Centre interdisciplinaire de recherche et d'information
sur les entreprises collectives (CIRIEC-Canada)
M.
Beaulieu (Léopold) : Alors,
merci beaucoup, Mme la Présidente, de nous avoir invités à cette
commission parlementaire. Deux mots
peut-être... D'abord, vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Il y a
Marie Bouchard, Marie Bouchard est
professeure à l'UQAM, elle est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en
économie sociale. Claude Carbonneau,
Claude Carbonneau a été vice-président à Investissement Québec durant toute une
période de temps, vice-président aux coopératives et autres entreprises
d'économie sociale, il est maintenant à la direction du bureau de Québec de MCE
Conseils. Mon nom, c'est Léopold Beaulieu, je suis président du CIRIEC-Canada
et du CIRIEC International et puis je gagne ma vie à Fondaction comme P.D.G.
Luc Bernier, il est professeur à l'ENAP, il a été directeur de la recherche et des études à l'ENAP, il est toujours
professeur à l'ENAP et il est aussi coprésident du CERGO, qui est un
centre de recherche dont il pourra nous parler, si vous le souhaitez, dans le
secteur des sociétés d'État.
Alors, le
CIRIEC-Canada, c'est une association qui rassemble à la fois des membres
collectifs ou institutionnels comme
des entreprises, des sociétés d'État, les coopératives, les mutuelles,
associations, fonds de travailleurs, syndicats, centres de recherche universitaire, instituts de formation ainsi que des
personnes, des membres individuels qui sont soit des praticiens, des
dirigeants d'entreprises collectives, que ce soient des sociétés d'État ou d'entreprises
d'économie sociale, ou qui sont aussi des universitaires, des chercheurs, des
étudiants.
Alors,
le CIRIEC constitue l'une des 13 sections nationales du CIRIEC International,
qui est une association dont le siège
est à Liège, dont la revue est plus que centenaire et dont l'existence de l'association
avec des sections nationales existe depuis les années 40. Et, quant au
CIRIEC, il existe depuis la deuxième moitié des années 60.
Je tenais à faire cette présentation parce que,
bon, ce n'est... pour illustrer, je pense, notre pertinence sur la question d'une
loi-cadre en matière d'économie sociale. Bon. Alors, on contribue à la
reconnaissance de l'entreprise collective en faisant la promotion des intérêts
qui sont reliés à l'intérêt général. C'est un carrefour de réflexion, et de recherche, et de transfert de connaissances avec
une approche partenariale de ses membres. Ça contribue à l'avancement
des pratiques. On prend part à des activités. Il y a des instances
internationales de réflexion et de recherche sur les entreprises collectives,
le sens d'entreprise collective étant à la fois composante de l'économie
sociale et société publique, ou municipale, ou d'État. Donc, voilà, c'est un
carrefour à cet égard-là.
On a un certain nombre de recommandations.
Compte tenu du fait que j'ai 10 minutes au total pour faire la
présentation, je vais vous lister les propositions, puis ensuite, s'il y a des
questions, bien ça nous fera plaisir de tenter d'y répondre.
Alors, d'abord
dire que nous, nous sommes tout à fait d'accord sur la pertinence de l'engagement
de l'État en matière de développement de l'économie sociale à travers
une loi-cadre. Ça nous semble pertinent, souhaitable, à l'instar du Brésil, de
l'Espagne, du Mexique, du Portugal, et même la France, où il y a devant l'Assemblée
nationale présentement un projet de loi.
Les
recommandations que nous voulons vous faire, c'est sur la reconnaissance du
fait historique de l'économie sociale.
On voulait juste vous indiquer que les premières législations, ça date
peut-être autour de la moitié du XIXe siècle et puis que, dans le plus
récemment — il
ne semblerait peut-être pas requis de parler de «plus récemment» pour les OBNL — nous
aimerions mieux aussi parler d'associations, parce que, derrière la troisième
partie de la Loi des compagnies, on peut
être une personne avec un OBNL et puis là, bon... alors que c'est le caractère
associatif qui, dans l'histoire, a marqué cette distinction d'économie
sociale à l'époque, que ce soit derrière les sociétés, les associations ou les
sociétés de prévoyance. Donc, ça, c'est notre première recommandation.
La deuxième,
c'est qu'on mentionne le rayonnement de l'économie… au plan international du
fait québécois en matière d'économie sociale. Ça nous semble important
que ce soit pris en compte parce qu'à l'international c'est quelquefois plus pris en compte que peut-être à
différents moments, mais pas... Je ne parle pas de la position dugouvernement là-dessus, je trouve qu'elle est
claire. Et, depuis quelques années, les gouvernements qui se sont
succédé ont marqué le pas en faveur de la reconnaissance de l'économie sociale.
Donc,
considérant que le développement puis la croissance et le dynamisme de l'économie
sociale au Québec sont partagés sur de nombreuses tribunes et sont
reconnus internationalement, on souhaiterait qu'il y ait cette mention dans l'alinéa
qui pourrait être placé, là, à l'avant-dernier rang du préambule.
Concernant la définition, évidemment il faut
permettre de couvrir adéquatement l'ensemble de ce qu'on veut décrire et puis aussi ne pas semer de confusion
par rapport à ce qu'on ne souhaite pas que ça incluse. Hein, je parlais
tantôt d'un OBNL avec une personne, bon.
Alors, à l'article 3, nous avons… Avant le premier paragraphe de l'article 3,
nous souhaiterions qu'on puisse dire qu'«on
entend par "économie sociale" l'ensemble des activités économiques
réalisées dans le cadre d'entreprises dont
la finalité n'est pas centrée sur le profit, mais sur le service aux membres ou
à la collectivité, et qui sont
exploitées — alors,
on sait, au sens juridique, ce que ça veut dire que d'exploiter une
entreprise — conformément aux principes suivants». Et
ça, c'est à décrire.
• (16 h 10) •
L'alinéa 3. La loi pourrait vouloir préciser que
le processus de prise de décision démocratique, c'est le droit des membres de
participer à la gouvernance. Alors, on souhaiterait que ça puisse être
lu : «Les règles applicables à l'entreprise
prévoient un processus de décision démocratique par les membres et respectueux
de la primauté des personnes sur le
capital.» Parce que les entreprises d'économie sociale, ça fait partie du
secteur privé, mais ça a ceci de particulier que c'est la primauté des
personnes sur le capital qui la distingue de l'entreprise à capital-actions. Ça
nous semble fondamental de préciser ça.
À l'alinéa 4, pour ce qui est d'assurer la
protection du capital collectif, nous souhaiterions que ça se lise comme suit : «Les règles applicables à l'entreprise
interdisent la distribution des surplus générés par ses activités — comme
des OBNL ou certaines coops — ou prévoient leur distribution aux membres
au prorata des opérations effectuées entre chacun d'eux et l'entreprise — coopératives.
«À moins de dispositions contraires dans la
législation qui régit spécifiquement certaines organisations, les règles prévoient également qu'en cas de fermeture,
les membres ne peuvent se répartir l'actif net, lequel devant conserver
durablement son caractère collectif.»
On souhaiterait aussi un paragraphe additionnel,
parce que certaines entreprises font partie de l'économie sociale même si elles ne correspondent pas à
100 % des éléments de la définition déclinée et, à cet égard-là, on
souhaiterait qu'un paragraphe soit ajouté et qui se lirait comme suit :
«On entend aussi par "économie sociale", les activités économiques réalisées dans le cadre d'entreprises
dont la propriété est collective et qui, en vertu de leurs règles
statutaires, sont exploitées conformément à
une majorité des principes» qui décrivent… qui sont mentionnés dans le projet
de loi.
Concernant l'achat public, on sait que, dans le
plan d'action gouvernemental et d'entrepreneuriat collectif, l'ancien
gouvernement avait identifié l'achat public auprès des entreprises collectives
comme un objectif et l'actuel gouvernement parle de favoriser l'essor des
territoires et parle aussi de l'achat collectif. Donc, pour nous, l'article 7 pourrait se lire : «Dans l'exercice de ses
pouvoirs et de ses responsabilités, tout ministre doit, dans ses interventions
à l'égard de tout organisme visé à l'article
4 et dont il a la responsabilité, reconnaître l'économie sociale comme partie
intégrante de la structure économique du Québec…» Ça, c'est déjà dans la
formulation. Et on continuerait en disant : «…en prenant
en considération l'économie sociale dans les mesures et les programmes
existants, dans leur mise à jour ainsi que
dans l'élaboration de nouveaux outils destinés à l'économie sociale, notamment — notamment — le
développement de l'achat public auprès des entreprises visées à l'article 3.»
Concernant
les statistiques, démontrer l'étendue du secteur économique, la nature de ses
diverses composantes, ses retombées
réelles pour la société québécoise, c'est important, et il nous semble
essentiel que la loi prévoie un dispositif à cet égard — suffisamment
général parce qu'on est dans un projet de loi, mais tout de même introduit — qui
dise qu'on se dote «d'une capacité
institutionnelle de collecte de données pertinentes sur l'économie sociale et s'assurer
de la publication périodique d'un état du développement de l'économie
sociale du Québec basé sur des statistiques rigoureuses suivant les normes des instituts nationaux de
statistiques». Il nous semble que c'est une déficience, c'est une carence que
le projet de loi, en termes d'engagement
gouvernemental — puisque
c'est ça, le sens d'une loi-cadre sur l'économie sociale — devrait
pouvoir introduire.
Concernant
justement la responsabilité gouvernementale, bien sûr on voit bien que c'est le
MAMROT qui est le responsable.
Cependant, il nous semble... nous voulons insister sur le fait que, oui, le
ministère des Finances doit y être associé. Il y a déjà une mention dans
le projet de loi, nous la considérons minimale. Il ne faudrait pas aller en
dessous de ça parce que, s'il est essentiel
de reconnaître que… que les entreprises d'économie sociale soient reconnues
pour leur nature particulière, bien il est tout aussi essentiel qu'elles
soient aussi incluses dans les stratégies gouvernementales de développement. Et on sait que le rôle du
ministère des Finances à cet égard… notamment aussi que le noyau dur de l'économie sociale, dont on parle souvent, que
sont les coopératives, eh bien, elles relèvent du ministère des
Finances. Alors, il nous semble qu'il y a là une... il doit y avoir là une
volonté de maintien de ça.
Il me reste
une minute? Ça va assez bien. Merci beaucoup. Le droit de premier refus
dans le cas...
La Présidente (Mme Champagne) : Je m'excuse, M. Beaulieu. M. le ministre, vous
permettez que M. Beaulieu continue?
M.
Gaudreault : Bien sûr.
La Présidente (Mme
Champagne) : O.K. Parfait. Alors, une minute sur notre temps.
M. Beaulieu
(Léopold) : O.K. Merci. Alors, le droit de premier refus lors de
délocalisation ou de fermeture d'entreprises
saines. Alors, à cet égard-là, on sait qu'il y a autour de 55 000
entreprises qui vont changer de main au cours des prochaines années. On ne sait même pas, pour 25 000 à
30 000 d'entre elles, où est-ce qu'elles vont aller. Alors, il nous
semble qu'il y a là une opportunité importante de faire en sorte de lutter
contre ça avec une réglementation qui permette
d'«encourager les propriétaires à transmettre […] à leurs salariés en leur
donnant [du] temps et les conditions nécessaires pour formaliser une
offre d'achat». Ces choses-là pourront être réglementées par la suite dans le
respect, bien sûr, des autres législations et des autres lois.
Le CIRIEC est un
carrefour et il nous semble que c'est un interlocuteur qui devrait être
considéré comme un interlocuteur privilégié.
Ça représente l'ensemble des structures et composantes des économies
associatives, communautaires, coopératives, mutuelles et parapubliques
qui sont présentes à nous. Son existence n'est pas tributaire d'une fin de
programme ni non plus de subventions publiques. Et le CIRIEC a de nombreuses
contributions et au plan national et au plan international.
Parmi
ses membres, le CIRIEC-Canada accueille 10 chaires, au centre universitaire
québécois, qui s'intéressent à l'économie sociale ou à l'économie
publique, qui leur permet en plus d'être reliées à 13 sections nationales et au
CIRIEC International. Ce que je voulais
profiter de... Je voudrais profiter de l'occasion pour préciser que Luc
Bernier est aussi le président du Conseil
scientifique international du CIRIEC International. Alors, il y a une pertinence,
il me semble, à ce que le CIRIEC soit
considéré comme un partenaire privilégié, compte tenu qu'il pourrait être un
élément positif pour servir les objectifs de la Loi sur l'économie
sociale avec une préoccupation de rejoindre l'intérêt public, de rejoindre l'intérêt
général. Donc, notre recommandation, c'est celle-là…
La Présidente (Mme
Champagne) : M. Beaulieu…
M. Beaulieu
(Léopold) : Et avec un considérant qui se lit comme ça, et c'est le
dernier.
La Présidente (Mme
Champagne) : Oui.
M.
Beaulieu (Léopold) : Donc, la recommandation, c'est d'ajouter le
CIRIEC et de mettre un considérant qui dirait :
«Considérant que la plupart de ces entreprises se sont regroupées au sein de
deux grandes organisations —c'est déjà
écrit comme ça — à
savoir le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la
coopération et de la mutualité, lesquelles
sont appuyées par des réseaux sectoriels et régionaux, et qu'elles partagent
avec le secteur public, notamment à travers le CIRIEC-Canada, des
préoccupations d'intérêt général.» Et, si j'avais eu le temps de vous
remercier, je l'aurais fait.
La Présidente (Mme
Champagne) : C'est déjà fait. Merci. Alors, M. Beaulieu, nous allons
commencer l'échange avec le parti ministériel pour un petit peu plus de
16 minutes. M. le ministre.
M.
Gaudreault : Oui. Alors,
merci, M. Beaulieu. Mme Bouchard, MM. Bernier et Carbonneau, merci
beaucoup de votre présentation et de la
rédaction de votre mémoire. J'ai évidemment plusieurs questions, comme c'est toujours
le cas, mais peu de temps, comme c'est toujours le cas également.
Je dirais
que, sur la définition des entreprises d'économie sociale, vous nous amenez
ailleurs par rapport à ce qu'on a
entendu jusqu'ici. Alors, c'est bien, mais j'ai besoin d'en savoir un petit peu
plus. Par exemple, quand vous dites — c'est une de vos
recommandations, là, que vous formulez à la page 10 de votre mémoire, dans le
premier encadré en haut de la page :
«On entend aussi par "économie sociale", les activités économiques
réalisées dans le cadre d'entreprises dont la propriété est collective
et qui, en vertu de leurs règles statutaires, sont exploitées conformément à
une majorité des principes précédemment
mentionnés», alors «une majorité», c'est quoi, ça, une majorité? Bien, moi, je
sais c'est quoi, là, une majorité, puis je souhaite une majorité...
M. Beaulieu (Léopold) : Marie
Bouchard pourrait parler de majorité.
M.
Gaudreault : ...d'un
gouvernement, je souhaite une majorité d'un oui, je souhaite des grosses majorités
partout, mais, en économie sociale, je veux que vous m'expliquiez un peu c'est
quoi, une majorité.
Puis je ne
sais pas si vous avez écouté la présentation de M. Béland, Claude
Béland, qui lui, a plaidé fortement pour que la loi
soit la gardienne de l'orthodoxie des entreprises d'économie sociale pour ne
pas que ça ouvre la porte à d'autres types d'entreprises qui se diraient d'économie
sociale mais par la porte d'en arrière, si vous me permettez l'expression.
Alors, est-ce que, si on met un critère de majorité, ça n'ouvre pas... est-ce
qu'il n'y a pas un risque de voir apparaître un peu n'importe quoi sauf de l'économie
sociale?
• (16 h 20) •
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, qui répond à cela? Mme Bouchard? Alors, Mme Bouchard, la parole est à
vous.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Oui.
Vous retrouverez, d'ailleurs, ces mêmes éléments, là, dans le mémoire
suivant. Donc, on aura l'occasion deux fois d'en parler, ça nous donnera un peu
plus de temps.
Cette
recommandation-là sur la loi vient de l'observation que nous avons pu faire,
notamment au CIRIEC mais également dans l'étude que nous avons menée en
2011 pour l'Institut de la statistique du Québec, que, lorsqu'on demandait aux acteurs de l'économie sociale, aux
acteurs gouvernementaux des agences gouvernementales ce qu'était l'économie sociale, on nous donnait les prototypes
de l'économie sociale, mais on nous donnait aussi des exceptions, en disant : Mais oui, Centraide du Grand
Montréal, c'est une fondation, c'est un organisme philanthropique, mais, de
son fonctionnement, on voit qu'elle
participe de l'économie sociale; les accorderies font partie de l'économie
sociale mais elles n'ont pas d'échange monétaire.
Alors, il y a une série, que vous pouvez lire
dans le mémoire, d'exceptions comme ça, qui sont reconnues d'économie sociale
mais ne correspondent pas précisément au statut juridique, n'ont pas
nécessairement des ventes à la clé de leur
équilibre économique, n'ont pas nécessairement une foule de gens qui
participent à une grande assemblée démocratique mais qui, pour autant,
correspondent, dans la tête des gens, à l'économie sociale.
Donc, pour éviter de ne pas reconnaître ces
acteurs-là, on s'est dit qu'il pouvait être utile, dans toute règle, de considérer qu'il y avait des exceptions qui
confirment la règle. D'ailleurs, plusieurs de ces exceptions sont
nommément des coopératives. On pense aux
coopératives agricoles, qui ont le droit de partager les actifs entre les
membres en cas de fermeture.
Certaines sont, comme je le disais, promues par l'économie sociale, comme les
accorderies, et donc l'idée, c'était de
les reconnaître à partir d'une majorité de principes... de correspondance aux
principes plutôt que la totalité des principes.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
le ministre.
M.
Gaudreault : Je comprends
que votre objectif est de ne pas échapper d'organisations qui, dans la tête des
gens, comme vous dites, sont des entreprises
d'économie sociale, mais l'inverse peut être vrai aussi. Est-ce que ça ne peut
pas ouvrir la porte à des entreprises qui
voudraient avoir accès à des programmes comme le PIEC, par exemple, ou d'autres
programmes auxquels ils ne peuvent pas avoir accès dans une forme
traditionnelle de l'économie marchande?
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Ces
questions-là sur les programmes, j'ai une opinion, que je ne sais pas si elle
est partagée avec l'ensemble des gens ici.
Je crois qu'une loi-cadre doit être assez générale pour permettre de
reconnaître ce qui est distinct, ce qui est caractéristique de la loi-cadre, et
les programmes ont probablement pour tâche, par la suite, d'identifier, parmi cet ensemble, les ensembles
qui sont visés. Il y a suffisamment déjà de diversité dans l'économie
sociale, hormis ces exceptions, que ces exceptions ne viennent pas
nécessairement ajouter à la diversité de l'économie sociale tant que ça.
Et, je crois,
les programmes ont à cibler des organismes d'économie sociale en fonction de d'autres
critères que leur correspondance à un nom. C'est l'opinion que je
nourris personnellement.
Lorsque l'on regarde
l'autre mention dans notre proposition, c'est que ces principes doivent être
enchâssés dans des règles constitutives des organisations. Et donc trois sur
quatre, c'est quand même mieux que zéro. D'avoir une règle qui oblige de consulter ses membres, d'avoir une règle qui
limite la distribution des profits, d'avoir une règle qui ancre les
activités dans les besoins des collectivités ou des membres et que cette règle
soit enchâssée dans un règlement interne, encore mieux
dans un règlement ou une loi, on a là des conditions qui permettent, je pense,
à un programme de s'appliquer à des entreprises qui seraient de ce type.
La Présidente (Mme
Champagne) : M. le ministre.
M. Gaudreault : Oui. Toujours dans le sens de la définition d'une entreprise d'économie
sociale, quand vous mentionnez l'importance d'avoir une gouvernance de l'entreprise
démocratique, je voudrais vous entendre là-dessus. C'est quoi, ça, une gouvernance de l'entreprise démocratique? Qu'est-ce
que vous voulez éviter? Quel piège vous voulez faire éviter à la loi? Est-ce qu'il y a des entreprises d'économie
sociale ou qu'on a tendance à qualifier d'économie sociale qui ne le seraient pas vraiment pour des raisons
de gouvernance de l'entreprise sur une base démocratique? Je veux bien
comprendre ce que vous voulez dire par ce critère.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, qui répond à la question? Mme Bouchard.
Mme Bouchard
(Marie J.) : Oui. Juste pour préciser, c'est dans le projet de loi en
ce moment : «Les règles applicables à l'entreprise prévoient un processus
de prise de décision démocratique.»
M. Gaudreault :
Oui.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Voilà. Alors, ce que nous avons rajouté, c'est
une prise de décision démocratique fondée
sur la primauté… ou respectueuse de la primauté des personnes sur le capital,
étant entendu que la démocratie, ça peut
être une action, une voix, ça peut être considéré comme une forme de
démocratie. Dans l'histoire de l'entreprise, ça a été une forme de démocratisation de l'accès à la propriété de l'entreprise.
Et donc on trouvait qu'il pouvait être utile de préciser que, dans le cas d'une coopérative ou d'une entreprise d'économie
sociale, cette prise de décision démocratique était fondée sur la primauté des personnes sur le capital et non pas une
autre règle que celle-ci puisque c'est ce qu'elles ont en commun et de
distinctif des entreprises qu'on dirait classiques ou traditionnelles.
M.
Gaudreault : Est-ce que Desjardins se qualifie?
M. Carbonneau
(Claude) : Toutes les coopératives. C'est dans la Loi sur les
coopératives déjà.
La Présidente (Mme
Champagne) : M. Carbonneau.
M. Carbonneau (Claude) : Excusez-moi. Toutes les coopératives, dans la loi
propre sur les coopératives, parce que leur prise de décision
démocratique est basée sur une voix par membre. Donc, effectivement, ça se
qualifie.
La Présidente (Mme
Champagne) : M. le ministre.
M. Gaudreault : Merci. Par ailleurs, vous parlez de remplacer «OBNL» par «association».
Je suis toujours dans la définition.
C'est pour ça que je vous dis que vous nous avez amenés sur une nouvelle
planète, là, en ce qui concerne les définitions.
Alors, j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus. Parce que, vous
savez, dans une loi… On dit souvent : Le législateur ne parle pas
pour rien dire. Il suffit d'assister à la période des questions pour voir que
ce n'est pas toujours vrai.
Mais
est-ce qu'on ne doit pas faire attention dans le choix des mots — là, on fait une loi quand même, là — alors, pour dire que… Un OBNL ça a un caractère
juridique, une association... Je ne sais pas, moi, la fin de semaine, je
peux me réunir avec des amis, puis on fait une association sans être
nécessairement avec un caractère juridique reconnu par la Loi sur les
entreprises, par exemple, ou sur les compagnies. Alors, moi, je veux bien
comprendre, là, ce que vous voulez dire par «association», parce que je suis un
législateur qui ne parle pas pour ne rien dire.
La Présidente (Mme
Champagne) : Monsieur... Lequel? M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Léopold) : Oui. Bien, dans ma présentation tout à l'heure, j'ai
tenté de préciser que la troisième partie de la Loi des compagnies
permet justement à un club de joueurs de cartes de s'incorporer en OBNL. Puis
là est-ce que c'est ça? Ou à une personne qui place un héritage dans une
organisation sans but lucratif dont elle est le gestionnaire? Vous savez, on ne parle pas de ça, là. On parle du
caractère collectif. On parle du caractère démocratique.
Alors, la définition
d'une coopérative, par exemple, c'est : une association de personnes qui
se donnent une entreprise. Là, on parle d'association
au sens de ce qui a... au sens des premières législations reconnaissant les
mutuelles, reconnaissant les sociétés d'entraide. Voyez-vous? Alors, on est sur
ce registre-là. Si, avec l'expertise du ministère, vous êtes en mesure d'y
ajouter une connotation qui serait distinctive de cette intention, qui
permettrait de faire ça... Peut-être que ça anticipe aussi sur éventuellement
une loi sur les associations qui est demandée par le milieu depuis longtemps. Alors, il me semble qu'il y aurait lieu
de savoir distinguer quelque chose d'autre que tout ce qui est dans la
troisième partie de la Loi des compagnies parce que la troisième partie de la
Loi des compagnies est plus ample que ce que vient viser une entreprise
collective, une association de personnes.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
le ministre.
M. Gaudreault :
Oui. Bien, je vous dirais, là-dessus, je comprends très bien ce que vous voulez
dire. Là, autrement dit, l'association de… — je
ne sais plus quel exemple que vous… — de
joueurs de cartes, en tout respect pour les joueurs de cartes, là, je comprends qu'il ne faut pas qu'elle se
qualifie directement comme entreprise d'économie sociale. Mais il faut aussi comprendre que les critères que
nous mettons dans la loi sont... Ce n'est pas un seul critère qui
détermine si on est une entreprise d'économie
sociale ou non, là, c'est une accumulation ou une succession de critères.
Alors, ça, ça m'apparaît important.
Bon, la question qui tue, on est rendus
là : Le titre de la loi, vous en pensez quoi, vous?
• (16 h 30) •
La Présidente (Mme Champagne) : Le
titre.
M. Gaudreault : Le titre.
M. Beaulieu (Léopold) : Ah! Sur le
titre de la loi, nous, on n'a pas fait de recommandation.
M. Gaudreault : Donc, vous êtes d'accord
avec…
M. Beaulieu (Léopold) : C'est une
loi qui... vous pouvez mettre des sous-titres que vous voudrez aussi, mais ça
va vous amener à détailler, hein?
M. Gaudreault : Des sous-titres, c'est
plus rare.
M. Beaulieu (Léopold) : Ça va vous
amener à réaffirmer les composantes de l'économie sociale. Puis vous pouvez ajouter «solidaire», puis ça ne va pas
scandaliser grand monde, je ne crois pas. Mais les sociologues vont vous
dire que toute entreprise est solidaire.
Par rapport à nos associations de tout à l'heure,
rappelons-nous qu'on parle, ailleurs, que c'est... on parle d'entreprises. Donc, il me semble qu'une
entreprise qui est opérante, voilà quelque chose qui est un morceau de
distinction à l'égard d'une association qui vient justement la distinguer de l'association
de joueurs de cartes. Donc, au sens de l'association, c'est une association de
personnes opérant une entreprise.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
le ministre.
M. Beaulieu (Léopold) : Parce qu'on
parle d'entreprises d'économie sociale.
M.
Gaudreault : Ce n'est pas
rien. Vous plaidez pour être reconnu comme interlocuteur privilégié. On était
plutôt habitués à entendre ici des gens qui
voulaient être sur la table. Alors, vous demandez d'être reconnu comme
interlocuteur privilégié. Et j'ai beaucoup, beaucoup de respect et d'estime
pour ce que vous faites, mais je voudrais que vous m'expliquiez vraiment l'élément supplémentaire que vous ajouteriez au
CQCM et au Chantier de l'économie sociale, qui sont déjà reconnus par le
projet de loi qui est ici. Et soyez assurés que je ne le dis pas parce que je
sous-estime votre travail, là, mais je veux être sûr de bien comprendre
pourquoi vous nous revendiquez ça.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. Beaulieu, en deux minutes.
M.
Beaulieu (Léopold) : Parce
que... d'abord, pour sa mission même qui est celle de rejoindre l'intérêt
général, l'intérêt public, par sa composition croisée de chercheurs et de
praticiens des différentes composantes de l'économie sociale et de sociétés
publiques, voici un carrefour unique qui n'a pas d'autre comparable et qui
associe — je
vous le disais tout à l'heure — bon, une dizaine d'instituts, de chaires,
bon, qui existe depuis les années 60 et qui, lorsque des moments importants concernant l'économie sociale,
les OBNL ou les coopératives… a su soutenir une recherche, des réflexions de la société québécoise sur ces
questions-là, et qui participe, contribue de manière importante au
rayonnement international du Québec à l'égard de ses engagements en matière d'économie
sociale, que ce soit aux rencontres du Mont-Blanc, que ce soit... Mais là je
déborderais mon deux minutes si je vous faisais l'énumération.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Alors, merci beaucoup, M. Beaulieu. Nous allons donc maintenant passer à
l'opposition officielle pour une période de 20 minutes. Alors, Mme la députée
de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.
Mme
Weil : Merci. À mon tour de
vous souhaiter, donc, la bienvenue, M. Beaulieu, Mme Bouchard, M.
Bernier, M. Carbonneau et… pas de Mme
Vézina. Merci d'être là parce que, je vous dirais, c'est très... Puis d'ailleurs
on aura aussi tantôt l'occasion de... Bien, c'est lundi… c'est mardi, je
pense, Mme Bouchard, ou c'est cet après-midi?
M. Beaulieu (Léopold) : C'est tout à
l'heure.
Mme
Weil : C'est tout à l'heure.
Parce que je vous dirais qu'on a eu beaucoup de questions et parfois on
aurait eu vraiment envie de poser la question à des académiques, à des gens qui
réfléchissent à ça, parce que les gens sont dans des champs de pratique.
Évidemment, ils sont très connaissants, etc., mais il y a différents points de
vue sur certaines choses
et, quand on est législateur, il faut qu'il y ait une logique à tout ça, une
logique qui est basée sur, bon, évidemment, le droit et les lois tel qu'ils se sont développés au fil des années,
les réalités, puis aussi où est-ce qu'on s'en va avec ça, puis de s'assurer qu'on ne se trompe pas dans les
amendements qu'on pourrait amener, dans les mots qu'on va utiliser.
Alors, je
vais commencer avec le titre, juste pour vous dire... Parce qu'il y a vraiment
deux points de vue, hein? Et c'est
assez tranché, les points de vue. Donc, le point de vue du Chantier de l'économie
sociale et beaucoup, beaucoup de groupes :
Gardez ça général. C'est une loi-cadre sur l'économie sociale, c'est inclusif,
tout le monde est compris là-dedans. Ça va permettre aussi une
certaine évolution, avec le temps, qui va... Parce que c'est la nature un peu
de l'économie sociale. M. Béland a beaucoup parlé de ça. C'est qu'il y a un
dynamisme dans ce monde-là, puis on ne peut
pas vraiment prévoir, dans 20 ans, dans 10 ans, d'autres formes d'association
qu'on pourrait voir dans l'économie.
Mais ensuite
il y a... et c'est vraiment là qu'on a commencé cette discussion, c'est la
Caisse d'économie solidaire Desjardins,
qui ne sont pas venus, mais j'avais lu leurs recommandations, j'avais posé la
question. Et c'est ce matin qu'on a vraiment eu — je
pense que c'est ce matin ou hier, moi aussi, comme le ministre, je perds le fil
des jours — leur
recommandation : loi sur l'économie
sociale soutenant l'entrepreneuriat coopératif, associatif et mutualiste. Et la
Fédération des coopératives de développement
régional du Québec qui nous a dit : Pour nous, c'est vraiment important
parce qu'on ne se reconnaît pas
nécessairement dans la nomenclature «économie sociale». Vous dites que c'est
ouvert et généreux, mais
malheureusement il y a comme deux voies qui se sont développées au fil des
années, puis on s'identifie à l'un ou l'autre,
et nous, on se sent exclus quand vous parlez d'économie sociale. Alors, on leur
dit : Oui, mais, dans les considérants… c'est peut-être plus
important dans les considérants et dans la définition, c'est là qu'on pourrait
s'assurer d'avoir toutes ces formes.
Mais j'aimerais
peut-être voir si vous pourriez... s'il y avait... Bon, votre opinion, c'est qu'on
peut garder ça large. Vous êtes tout à fait à l'aise. Ça pourrait être
le titre français aussi, donc on rajouterait le mot «solidaire». J'ai posé la
question pour voir si ça, ça pouvait les rassurer un peu plus. Qu'est-ce que
vous dites par rapport à ça? Et eux, ils disent que ce mouvement-là associatif existe
depuis très, très, très longtemps, plus de 100 ans.
M. Beaulieu (Léopold) : Il y aurait
un piège là-dedans...
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Beaulieu.
M.
Beaulieu (Léopold) : Il y
aurait un piège là-dedans, ce serait de confondre la notion d'entreprise
collective. C'en sont, ce sont des
entreprises collectives, mais il y a aussi les sociétés d'État qui en sont.
Alors, si on parled'entrepreneuriat
collectif, là ça va parce qu'on est en train de mettre en place une entreprise
d'économie sociale. Et les définitions
ou les composantes de l'économie sociale d'aujourd'hui, vous en avez fait une
énumération tout à l'heure. Bon, c'est un choix.
Nous n'avons
pas cru nécessaire de proposer de modification au titre, mais, dans la mesure
où… Et c'est ce que je mentionnais
tout à l'heure, ça va nécessiter, en sous-titre, une description
complète qui devra demeurer complète et qui parlera d'entrepreneuriat collectif, mais non pas d'entreprise
collective parce que, là, on est sur autre chose que l'économie sociale,
c'est plus inclusif et c'est plus large que l'économie sociale.
Ce serait
notre commentaire par rapport à cette question qu'on ne trouve pas du tout...
On apprécie. Si vous n'êtes pas plus sévères que ça pour vos questions
qui tuent, c'est agréable.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, Mme la députée, continuons dans le même côté agréable.
Mme
Weil : Et j'ai bien compris
le sens de votre recommandation. Et là vous allez être deux, deux présentateurs
à avoir cette même recommandation, donc ce ne sera pas juste un. À la fin de la
journée, il y en aura deux sur le
considérant que, depuis la fin du XIXe siècle, les entreprises d'économie
sociale exploitées par des associations… Donc, c'est là cette notion d'association.
Et là peut-être que c'est tantôt que je pourrais
poser la question, parce que j'ai lu l'histoire de ça, là, qui a donné
naissance et que ça remonte à très loin, ces associations charitables,
philanthropiques et de prévoyance. Bon, on y viendra tantôt.
Bon, là, ce n'est pas pareil, ce n'est pas les
mêmes recommandations dans les deux... «Considérant que le développement, la croissance et le dynamisme de l'économie
sociale au Québec sont partagés sur de nombreuses tribunes et reconnus internationalement.» Dans les préambules
d'une loi, c'est surtout quelque chose, les considérants, qui va nous amener quelque part dans la loi. C'est sûr qu'on
est fiers du fait qu'il y a des échanges au niveau international et qu'on
s'en inspire, mais quel serait l'objectif
plus précisément législatif d'inclure cette notion d'échange et de
reconnaissance au niveau international, au-delà du fait qu'on en est fiers?
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Beaulieu.
M. Beaulieu (Léopold) : Je vous
dirais que ça s'additionne à une énumération déjà présente. Ça s'additionne à
une énumération déjà présente pour appuyer la grande pertinence pour le Québec
de se donner une loi-cadre sur l'économie
sociale. On ne parle pas ici de désirs, de projets qui seraient passionnants et
intéressants. Oui, il y en a, mais il y a des réalisations et une
histoire, comme vous le mentionniez.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. Beaulieu. Mme la députée.
Mme
Weil : Dans le sens de...
bien, crédibilité, peut-être, dans un sens, peut-être aussi dans le sens
d'encourager le gouvernement, au fil des
années, à continuer à échanger dans des forums internationaux pour améliorer
parce qu'il y aura un développement
extraordinaire, j'imagine, dans ce champ. O.K. Donc, là, je comprends. Parce
que vous êtes les seuls à proposer ça. Donc, c'était important qu'on
vous entende là-dessus.
Très
intéressant : «Les règles applicables à l'entreprise prévoient un
processus de décision démocratique par les membres…» Donc là, vous
changez… Il y a une cohérence par rapport à l'explication qui est donnée à ça.
On pourrait
peut-être aller sur, donc, la définition, donc l'article 3. Donc, vous… Dans le
troisième paragraphe… le troisième
alinéa — je vais
sortir ma loi : «Les règles applicables à l'entreprise — bon,
de la manière que la loi est écrite… bon, le projet de loi — prévoient
un processus de prise de décision démocratique.» Vous, c'est : «…un
processus de décision démocratique par les membres et respectueux de la
primauté des personnes sur le capital.» Pourriez-vous revenir là-dessus un peu,
sur la modification, le sens de votre modification?
M. Beaulieu (Léopold) : Est-ce que
Marie pourrait compléter ce qu'elle a dit tout à l'heure?
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Bouchard ou M. Carbonneau?
Mme Weil : …la gouvernance, si je…
M. Carbonneau (Claude) : C'est ça, c'est
tout simplement pour...
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. Carbonneau.
M.
Carbonneau (Claude) : Dans
le fond, c'est tout simplement pour ajouter une précision qui, je pense, va
avoir beaucoup de poids éventuellement dans
certaines situations, c'est-à-dire que le principe démocratique, on peut
l'interpréter de façon différente. Des compagnies vont prétendre qu'elles ont
un processus démocratique puisque chaque membre, chaque propriétaire, chaque
copropriétaire a un droit de participer aux décisions. Or, la précision qu'on
introduit, c'est tout simplement pour renforcer la définition ou le concept de
la démocratie qui dit : Oui, c'est une forme de démocratie, et elle s'exerce par les membres et non pas par le capital
qu'ils détiennent. Alors, c'est tout simplement une précision qui a pour
effet de renforcer cette définition-là.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme
Weil : Oui. L'article 6,
beaucoup, beaucoup de présentateurs ont parlé de l'importance d'avoir des
données, la recherche des données. Et c'était
assez impressionnant, c'est la première fois, de tous les projets de loi que j'ai
pilotés, que j'ai vu autant de personnes dire : On a besoin de ça.
J'aimerais
vous entendre parler, parce que je veux en profiter, vous êtes des gens qui
réfléchissez à ces choses-là, vous
êtes dans le milieu universitaire. Est-ce que c'est parce que c'est un domaine
qui est appelé à être en évolution? Est-ce que c'est parce qu'il y a des risques aussi, pas de dérapage
nécessairement, mais qu'il faut s'assurer de toujours préserver le cadre — comment
dire? — social
et économique, là, cette... bien, pas nécessairement social, mais une finalité,
là, sociale? Comment, vous, vous voyez l'importance de garder ces... d'avoir
des statistiques et de l'inclure dans la loi?
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, Mme Bouchard?
Mme
Bouchard (Marie J.) : Oui. D'abord,
cette demande-là, elle est faite depuis très longtemps par les acteurs
de l'économie sociale. Elle faisait partie du plan d'action et elle a été
soutenue par l'ensemble des acteurs lorsque nous avons... on les avait rencontrés, en 2011, sur cette question. Je
rappelle, là, que je les avais rencontrés dans le cadre d'une étude
faite pour l'Institut de la statistique du Québec et que cet exercice s'était
fait concomitamment à un groupe de travail du MAMROT qui lui-même travaillait à
développer un portrait statistique ou un cadre pour développer un portrait statistique pour l'économie sociale au
Québec. Donc, ce n'est pas pour rien que vous voyez réapparaître souvent
cette recommandation.
Il y a,
depuis peu, des efforts pour la production de statistiques sur l'économie
sociale au Québec et ailleurs dans le monde.
Donc, il y a quand même des portraits, émanant de comptes satellites du secteur
sans but lucratif, qui ont déjà été développés. Le Canada est quand même
un des pays qui mènent cet exercice. Lorsqu'on cherche à avoir des données désagrégées pour le Québec, on se rend compte d'abord
que c'est très difficile d'y avoir accès et qu'en plus la définition que
nous en avons, de l'économie sociale au
Québec, n'est pas exactement la même, puisqu'on considère l'économie
sociale sans but lucratif productrice de biens et de services, on ne considère
pas l'ensemble de la société civile, comme vous l'avez vu et déjà décrit dans
la loi-cadre. Donc, déjà, on a une difficulté d'accès à ces données.
On a
également des efforts qui sont produits ailleurs dans le monde pour un compte
satellite de l'économie sociale marchande, qui ont été justement
produits dans le cadre d'un appel à projet à la Commission européenne, et c'est
une cellule du CIRIEC International qui
avait accepté de produire ce manuel de compte satellite. Donc, il existe des
efforts méthodologiques pour y arriver à produire ces statistiques.
Alors, pourquoi a-t-on besoin de statistiques
sur l'économie sociale? C'est ça, votre question. Est-ce qu'il est raisonnable…
Je vous renvoie la question : Est-ce qu'il est raisonnable de faire des
politiques sur une entité ou un phénomène qu'on connaît mal et pour lequel on a
très peu d'information? Alors, on a quand même, au Québec, la chance d'avoir de l'information très pertinente sur les
coopératives, entre autres grâce au fait que les coopératives doivent soumettre leurs états financiers vérifiés
au ministre. Et ce n'est pas le cas pour les OBNL. Alors, est-ce qu'il
est possible de penser que le gouvernement
se dote d'une capacité institutionnelle d'aller chercher cette information sur
les OBNL d'économie sociale de sorte à ce qu'on puisse compléter le portrait qu'on
a de l'économie sociale au Québec? On verrait probablement beaucoup mieux l'articulation
des politiques publiques qu'on adresse à l'économie sociale et les réactions,
les impacts de ces politiques sur un secteur qui est quand même appelé à
prendre de l'importance.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme Weil : Combien de minutes?
La Présidente (Mme Champagne) : Oui.
Il vous reste encore sept minutes.
Mme Weil : O.K. Alors, je vais...
La Présidente (Mme Champagne) : Pas
tout à fait. 6 min 30 s.
Mme Weil : Je vais revenir sur l'article
3 parce que c'est quand même un article important où on définit l'économie
sociale. Donc, l'amendement que vous proposez : on enlèverait «réalisées à
des fins sociales» pour le remplacer...
Donc, ça se lirait : On entend par «économie sociale» l'ensemble des activités
économiques réalisées dans le cadre
des entreprises dont la finalité n'est pas centrée sur le profit. Et on
enlèverait aussi «dont les activités consistent notamment en la vente ou l'échange de biens ou de services et qui sont»,
puis vous rajoutez «exploités conformément aux principes suivants».
Donc, il y a des modifications. Puis je pense
que c'est très important, cet article-là. Vous êtes, je pense, un de deux qui
vont là-dessus. Bien important de bien comprendre. Donc, j'aimerais vous
entendre là-dessus, qu'il y a une confusion autour de «social». Je pense que c'est
un peu ça, hein?
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. Carbonneau.
M. Carbonneau (Claude) : Bien, si
vous permettez, c'est-à-dire, dans les activités qui étaient les miennes autrefois,
c'est-à-dire le mandat de financer les entreprises de l'économie sociale, on
rencontrait sur le terrain des intervenants
et souvent des mandataires gouvernementaux qui avaient des définitions de l'économie
sociale qui étaient très variées. Or,
nous, on avait à discriminer là-dedans. Sauf que les termes «finalité sociale»,
un, ça s'interprète. Alors, qu'est-ce
qui est une entreprise à finalité sociale? Ramasser le lait des agriculteurs
pour le mettre en marché, est-ce que c'est une finalité sociale? On peut dire oui, on peut dire non, et c'est pour
ça qu'il faut, à notre avis, limiter au maximum ce qui peut être interprété. Alors, la façon... le
libellé qu'on vous propose élimine ce genre de chose là, et fait référence
davantage aux éléments de base, et va
éviter, par exemple, que, d'un CLD à l'autre, on interprète ce qui est une
finalité sociale et ce qui n'en est pas. C'est une façon de le voir.
L'autre aspect... Je m'excuse, il y avait un
autre élément.
Mme Weil : L'autre qui est
intéressant, c'est votre précision, mais, bon... qui n'est pas centrée sur le
profit, mais sur le service aux membres ou à
la collectivité. On parlait de ristourne, dans le cas de coopératives de
travail, ce matin. Je ne sais pas si vous avez suivi ça. Et donc ils sont
souvent pénalisés alors qu'ils font partie de l'économie sociale. Il y a
beaucoup de programmes gouvernementaux où ils ne peuvent pas appliquer parce qu'il
y a cette question de ristourne. Ils
disent : Ce n'est pas une question de profit. Ils l'ont expliqué. J'ai lu
votre définition, je leur ai demandé si ça... Parce qu'ils revenaient toujours sur cette question de retour, si on
veut, là, sur le service aux membres ou à la collectivité et ils pensaient... Parce que lui, il n'avait pas
pensé à une formulation. Quand j'ai lu ça, il a dit : Oui, ça pourrait
peut-être régler notre problème. Évidemment, donc, le ministre était à l'écoute
aussi. Je ne sais pas si vous avez pensé à ça. Mais peut-être d'expliciter un
peu pourquoi vous avez rajouté cette précision.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Carbonneau.
• (16 h 50) •
M.
Carbonneau (Claude) : Ça va
dans le sens de ce que je vous mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire
chaque élément qui peut être interprété par des intervenants sur le terrain est
susceptible de discriminer. Or, je sais que M. le ministre, tout à l'heure, souhaitait que la définition permette
justement de discriminer, mais qui ne soit pas une définition qui
permette d'introduire n'importe quoi là-dedans. Alors, c'est pour ça que, dans
le fond, ce qu'on suggère, c'est plus général
et ça va... ça peut moins facilement être interprété par des intervenants. Le
mot «social»... il y a économie sociale pour fins sociales, etc. Ça
ouvre beaucoup de possibilités.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme Weil : Oui. Maintenant, sur la
question...
Mme Bouchard (Marie J.) : ...ajouter
quelque chose, si je peux me permettre.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Merci. Le
fait d'installer cette partie-là dans l'article 3, au premier paragraphe,
c'est aussi la possibilité de montrer, par cet article, que l'économie sociale
ne couvre pas nécessairement toutes les activités
économiques des entreprises d'économie sociale. Il y a des entreprises d'économie
sociale qui peuvent exploiter des
entreprises à finalité de profit pour leurs actionnaires, et, dans certains
cas, la notion d'économie sociale pourrait exclure ces activités-là et
dire : Bien, finalement, elles ne sont pas...
Je pense à
mon dragon qui a des entreprises productives ailleurs que dans le Pays basque
espagnol, dans lesquelles on pourrait
juger que ces activités-là de mon dragon ne sont pas de l'économie sociale.
Alors, c'est une possibilité, en introduisant
ça dans le premier paragraphe, de pouvoir faire cette distinction et, ensuite
de ça, de... puisque l'économie sociale,
telle que définie dans cette loi, c'est d'abord des activités mises en oeuvre
par des entreprises. Alors, s'il y a des entreprises qui mettent en oeuvre des activités qui n'ont pas pour
finalité le service aux membres ou à la collectivité mais l'enrichissement
de l'actionnaire, elles pourraient ne pas faire partie de l'économie sociale,
pourraient ne pas être considérées comme en faisant partie.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, une toute petite dernière, Mme la députée?
Mme
Weil : Oui. Puis on aura l'occasion
de revenir sur ce mot, «social», parce que c'est une grande question, grande question, juste «l'économie sociale», le
mot est là. Mais là, quand on décortique, on voit que le mot est trop
vaste, trop grand lorsqu'on a l'application...
lorsque vient le temps d'appliquer. Donc, il faudra voir ce qu'il y a ailleurs,
qu'il faut mettre ce concept de social. Mais j'y reviendrai.
La question
de transfert d'entreprise, on en a beaucoup parlé. Il y a la loi française qui
parle d'un trois mois pour permettre
aux travailleurs de proposer, présenter une offre d'achat. Il y a certains,
peut-être un groupe ou deux groupes, qui ont parlé de droits de premier
refus, d'autres qui ont dit : Non, il ne faudrait pas trop limiter, mais
au moins leur donner... donner la chance au coureur, l'accompagnement, etc.
Peut-être vous entendre... Vous, vous allez un peu dans ce sens-là, le modèle
français… ou, c'est-à-dire, la proposition française, un délai d'un certain
temps avec de l'accompagnement aussi peut-être?
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, 30 secondes pour la réponse.
M. Beaulieu (Léopold) : Oui, c'est
ce que nous souhaitons, que ce soit précisé. Bon, dans la réglementation, il
pourra y avoir les modalités. Mais il nous semble qu'avec l'enjeu de relève d'entreprise
que nous rencontrons, que nous connaissons au Québec, il y a une pertinence
pour longtemps encore à bien camper ça.
Et je vous soumettrais respectueusement que ce n'est
pas une loi-cadre sur les entreprises sociales, c'est sur l'économie sociale. Et le mot «sociale» est
accompagné du mot «économie». Donc, on vient préciser et décrire. Et
cette description, qui circonscrit aux fins
de l'intention de la loi, n'a pas la prétention de tout englober ce qui est
social dans notre société. Ça, ce
serait prétentieux. Mais ce n'est pas le cas du projet de loi ni non plus des
précisions que nous recommandons. Je crois que, ça, c'est utile.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. Beaulieu. Merci, Mme la députée. Alors, nous en sommes au
dernier groupe, la deuxième opposition, le député de Drummond—Bois-Francs
pour un cinq minutes.
M.
Schneeberger : Bonjour à
vous. Premièrement, je voudrais préciser… Ça, ça m'a vraiment frappé l'esprit.
Tantôt, vous mentionniez que, dans l'avenir,
il y aurait beaucoup d'entreprises, justement, qui sont privées aujourd'hui,
qui pourraient être éventuellement transmises aux mains d'une coopérative de
travailleurs, ou peu importe. Est-ce que vous
avez des chiffres là-dessus, là, les... c'est quoi, le volume ou le... au
niveau soit en dollars ou le nombre d'entreprises, admettons, si je
parle au niveau du Québec, qui pourraient mises comme ça dans ce contexte-là?
M.
Beaulieu (Léopold) : On
parle de propriétaires uniques d'entreprise, donc on pense aux PME. Les
statistiques déjà énoncées par le gouvernement actuel et le précédent, là — ces
chiffres-là n'ont pas changé — on nous parle d'à peu près 55 000 entreprises qui vont changer de mains au cours
des prochaines années, dont les propriétaires font partie de la population québécoise, une population qui
vieillit, de telle sorte qu'il y a aussi, dans les opportunités qui sont
en émergence et qui sont de plus en plus
intéressantes, il y a la possibilité pour les salariés de s'associer et de
prendre soit une partie de la propriété de l'entreprise. C'est la
coopérative de travailleurs actionnaire. Et je vous précise qu'il n'y a pas de s à «actionnaire». C'est la coopérative qui
est actionnaire, dont les employés sont les membres, qui peuvent… Et,
lorsqu'elle devient entièrement
propriétaire, c'est une coopérative de travail. Et donc il y a différentes
modalités, différentes formes,
différentes possibilités qui peuvent être intéressantes, envisagées, puis
porteuses pour éviter soit carrément de la disparition, ou du transfert,
ou de la concentration à des... bon, une entreprise internationale ou des
choses comme ça.
Et je
rappelle que vous m'avez parlé d'entreprises qui étaient des entreprises
privées, comme si elles ne le seraient pas
demeurées, mais le fait d'être une coopérative ne change pas le fait d'être une
entreprise privée. C'est une entreprise à propriété collective, où la primauté des personnes sur le capital prime,
mais ça ne devient pas une société d'État, une coopérative, ou un OBNL,
ou une association.
La Présidente (Mme Champagne) : M.
le député de Drummond.
M.
Schneeberger : À l'alinéa 4,
là : «En cas de liquidation, les actifs nets devraient demeurer un capital
collectif et non être répartis entre les membres.» Alors, mettons, si,
justement, on revient avec une entreprise qui a été achetée par une coopérative des travailleurs, si, disons,
cette entreprise-là est vendue, qu'est que vous voulez dire par là, «un
capital collectif» et «les membres»? Parce que, moi, dans ma tête à moi, ça
serait justement tous les travailleurs actionnaires qui ont acheté l'entreprise.
Si elle est vendue, il me semble que ça devrait retourner à eux. C'est quoi que
vous faites la différence entre «capital collectif» et «les membres»?
La Présidente (Mme Champagne) : M.
Carbonneau.
M. Carbonneau (Claude) : Ce qui se
produit, c'est qu'actuellement, si on donne l'exemple, la Loi sur les coopératives, sauf exception, qui est une loi
particulière… Je pense aux coopératives agricoles, qui ont dans leur
chapitre la possibilité de se partager l'actif
net en cas de liquidation. Mais toutes les coopératives, sauf cette
exception-là, ne peuvent pas, en cas
de liquidation, se partager l'actif net, l'actif net étant évidemment, une fois
que la coopérative a remboursé ses dettes,
a retourné le capital à ses membres et, s'il reste un solde, le solde, dans le
cas d'une coopérative, doit être acheminé vers vraisemblablement une
autre coopérative, sur décision du ministre responsable.
Or, ce n'est
pas le cas pour les OBNL. Même, le jour où j'ai appris ça, j'ai été très
étonné, mais une entreprise, une compagnie
sans but lucratif, il reste trois membres après 50 ans d'existence, avec un
capital intéressant, les trois membres partent avec chacun un tiers du
capital. Et c'est un peu ça qu'on souligne, c'est-à-dire je pense que quand on
parle d'entreprise d'économie sociale,
entreprise collective qui a, au cours des années, accumulé un patrimoine, ce
patrimoine-là devrait rester un patrimoine collectif. Or, c'est un peu ça qu'on
veut mentionner là-dedans, c'est-à-dire qu'en cas de liquidation, à moins que
ça ne soit précisé dans une loi particulière ou dans un élément réglementaire
spécifique, le patrimoine doit demeurer un patrimoine collectif.
M.
Beaulieu (Léopold) : Les
participants, les membres de la coopérative, si on parle d'une coopérative,
retirent leur part, ça leur appartient. C'est
ce qui a été accumulé dans la réserve générale, dans l'avoir de la coop. Mais,
vous savez, quand on parle d'entreprise collective, c'est fondamental,
ce que Claude vient de préciser, notamment... et c'est très confusant dans l'esprit.
Vous savez,
entre un dividende et puis une ristourne, il y a toute une différence qu'il ne
faut pas confondre. La ristourne, c'est
un trop-perçu après avoir assumé ses obligations, la coopérative, au prorata
non pas du nombre de parts détenues, mais au prorata des affaires que le
membre fait avec sa coop, que sa ristourne lui est versée. Le dividende, ce
sera sur le capital que vous avez investi dans votre entreprise, dans votre
compagnie.
Alors, quand on arrive ensuite au patrimoine
constitué, alors il est prévu qu'il est transféré à une association coopérative, à un organisme équivalent, soit qui
soutient le développement de coops ou à une autre coop, comme disait
Claude, et ça, c'est sur décision du ministre.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Merci, M. Beaulieu. Merci, M. Bernier, M. Carbonneau et Mme Bouchard.
Nous allons suspendre quelques instants. Et j'invite
le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 3)
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, nous allons reprendre les travaux pour un dernier groupe en cet
après-midi pas vraiment ensoleillé, en passant. Alors, je pense que le groupe
va être représenté par une seule dame, Mme
Bouchard, que nous avons eu la chance de rencontrer il y a quelques minutes. Et
madame représente la Chaire de recherche
du Canada en économie sociale. Alors, Mme Bouchard, la parole est à vous pour
10 minutes, suivies d'échange, bien évidemment, avec les parlementaires.
Chaire de recherche du Canada en économie sociale
Mme Bouchard (Marie J.) : Merci, Mme
la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, d'abord, merci de m'accueillir
pour donner mes commentaires au sujet de ce projet de loi. Je suis la représentante de la chaire... je suis la titulaire
de la Chaire de recherche du Canada en économie sociale qui a été créée
en 2003 à l'Université du Québec à Montréal, où j'enseigne depuis un certain
nombre d'années. Cette chaire a été créée dans
le cadre du programme des chaires du Canada, et son financement est attribué
par un jury formé de pairs par le Conseil de recherche en sciences
humaines du Canada.
La chaire dédie ses travaux à l'étude de l'innovation
produite en économie sociale afin de mieux comprendre le rôle de l'économie
sociale dans les transformations de la société. Nos travaux s'articulent autour
de trois thèmes principaux : le
premier, celui de la gouvernance, pour mieux comprendre comment la gouvernance
démocratique et les partenariats en
économie sociale favorisent la prise en compte d'objectifs qui relèvent à la
fois du marché, mais aussi de l'intérêt
général; le deuxième thème est celui des modes de développement et de
financement dans un monde de l'économie sociale où faire des profits sur le capital n'est pas l'objectif
premier; le troisième thème est celui des méthodes d'évaluation qui sont
spécifiques à une double mission, économique et sociale. À terme, nous
cherchons à comprendre ce qui fait cohérence dans la contribution de l'économie
sociale au renouvellement et à la démocratisation des modèles de
développement.
Comme je le
mentionnais tout à l'heure, en 2011, nous avons produit, à la chaire, un
rapport, un cadre conceptuel pour
définir la population statistique de l'économie sociale du Québec. Ce rapport avait
fait l'objet d'une consultation auprès
des ministères, agences gouvernementales et acteurs de l'économie sociale du
Québec par le biais du groupe de travail
sur le portrait statistique de l'économie sociale au Québec coordonné par le
MAMROT. Ce même cadre conceptuel avait déjà permis de dresser avant, en
2008, un portrait statistique systématique et détaillé de l'économie sociale de
la région administrative de Montréal. C'est principalement sur ces études que
se basent les commentaires présentés aujourd'hui et qui ont été développés dans
le mémoire qui a été soumis à la commission.
En premier
lieu, je félicite, comme beaucoup d'autres, l'initiative du gouvernement de
présenter un projet de loi sur l'économie
sociale pour le Québec. L'économie sociale n'est pas un phénomène nouveau au
Québec, et sa reconnaissance juridique par une loi-cadre est maintenant
devenue nécessaire pour pérenniser cette reconnaissance auprès de tous les acteurs publics et privés. Cette loi est d'autant
plus pertinente que la crise financière internationale de 2008 a révélé les limites et même la fragilité d'un
système économique exclusivement orienté sur la recherche de profits.
Dans le cadre de mon travail, je constate, ainsi
que d'autres universitaires, l'intérêt croissant pour l'économie sociale par les administrations publiques d'autres
pays, d'autres pays qui, eux aussi, sont inquiets devant le constat d'échec
des modèles suivis jusqu'ici. Le modèle
québécois est souvent cité en exemple. Du côté de l'enseignement… Je
mentionne que je dirige les programmes d'études en gestion des entreprises
collectives de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM. Certains de mes
étudiants ont d'ailleurs présenté devant cette commission… mes anciens
étudiants. Mon expérience d'enseignement
me montre aussi qu'il est grand temps que l'économie sociale prenne sa place
dans le corpus d'enseignement et que les disciplines scientifiques
intègrent cette réalité, au risque parfois, ces disciplines, d'être dérangées
par le fait qu'il existe des entreprises pas exactement comme les autres.
L'histoire du
Québec est riche d'initiatives qui montrent qu'une troisième voie existe. La
troisième voie, ce n'est pas nécessairement la voie de garage, ce n'est
pas non plus nécessairement la plus lente sur l'autoroute. Bien que variées, les initiatives d'économie sociale
démontrent des traits communs : elles émergent en dehors d'un cadre
capitaliste et elles demeurent indépendantes
de l'État, elles favorisent explicitement la personne et la collectivité plutôt
que le profit. Ça ne les empêche pas
d'avoir une longévité plus grande que les entreprises classiques ou
traditionnelles. L'économie sociale, en somme, elle répond à des besoins
non satisfaits par l'État ou par le marché, mais surtout elle propose de
nouvelles manières de le faire.
L'économie sociale est un champ dont l'étude est
difficile, entre autres, parce qu'il est relativement nouveau et que son objet est composite, un peu comme les
PME avant qu'on en parle comme d'une réalité qui fasse sens de façon commune pour l'ensemble des gens qui en parlent.
Les coopératives sont déjà bien différentes entre elles selon qu'il s'agisse
de coopératives de travailleurs, de
consommateurs, de producteurs ou encore de coopératives de solidarité. Les
mutuelles sont aussi bien différentes en se dédiant à la prévoyance et à l'assurance.
Il existe aussi une très grande variété d'OBNL.
Il y en a dont les activités marchandes sont développées en complément d'une activité non marchande, comme
dans le cas d'une cuisine collective qui développe un service de
traiteur. Dans d'autres cas, des OBNL mais
aussi certaines coopératives le font, développent des activités qui combinent
un objectif d'intérêt général — comme
la formation, la lutte contre les inégalités — à la production, comme une entreprise d'insertion
ou des services d'aide à domicile. On voit aussi des OBNL qui conduisent des
activités économiques, économiques, c'est-à-dire
centrées sur la fourniture de biens et de services, mais sans transactions
monétaires correspondantes, telles que
les banques de temps ou les systèmes d'échanges locaux. Enfin, il y a des
organisations qui, sans avoir aucun des statuts juridiques de coopérative, d'OBNL ou de mutuelle, sont actuellement
reconnues par l'ensemble des acteurs de l'économie sociale comme faisant
partie du champ. On en a parlé tout à l'heure, et je pourrai y revenir tout à l'heure
encore.
En somme, l'économie
sociale est à même de jouer différents rôles dans l'économie. Il me semble
important qu'on examine ceci et qu'on
l'ait en tête lorsqu'on parle d'un projet de loi. L'économie sociale, d'abord,
peut servir à développer pour ses membres ce qu'on appelle un
contrepouvoir de marché, c'est-à-dire une capacité de regrouper la demande, comme dans les coopératives de consommateurs ou
les mutuelles, ou de regrouper l'offre, comme dans les coopératives de
travailleurs ou de producteurs, de sorte à renforcer la position de leurs
membres sur les marchés, ceci sans enrichir l'actionnaire,
mais en redistribuant aux membres le fruit de ses transactions. Un deuxième
rôle que joue l'économie sociale, c'est
de produire des biens ou des services de proximité. Il s'agit souvent de
services pour lesquels une relation de confiance avec le producteur mérite d'être établie, comme dans le cas des services
de garde ou des services d'aide domestique. Un troisième rôle de l'économie sociale est de développer des services
complémentaires — et,
comme on l'a vu tout à l'heure avec les centrales syndicales, qui ne se
substituent pas — complémentaires
à ceux de l'État, entre autres parce que l'économie sociale est à même de fournir une réponse rapide à de
nouveaux besoins, mais aussi parce que l'économie sociale partage avec l'acteur public un trait de
caractère, elle est collective, elle vise l'intérêt des personnes et des
communautés.
• (17 h 10) •
Ces trois
rôles sont assumés, au Québec, par les différentes entreprises d'économie
sociale. Toutes ces entreprises ont
des traits communs. En premier, elles sont engagées dans la production de biens
et services. On trouve l'économie sociale
dans presque tous les secteurs de l'économie. Et, deuxièmement, ces entreprises
répondent aux mêmes principes de base :
adhésion libre et volontaire, autonomie et indépendance, gouvernance
démocratique, distribution limitée ou interdite des bénéfices,
constitution d'un actif inaliénable. C'est donc à cause de cette variété
parfois déconcertante qu'une loi-cadre aura le mérite d'officialiser l'appartenance
de ces différentes entreprises à une même référence légale.
La loi sur l'économie
sociale devrait, entre autres, permettre de stabiliser le concept et d'en
assurer la distinction avec le reste de l'économie. Une partie de nos
commentaires vise ceci. Nos autres recommandations concernent le développement et le
transfert de connaissances en matière d'économie sociale. On a donc regroupé
nos recommandations en deux points, et vous en avez la liste dans le
mémoire. Mme la Présidente, il me reste...
La Présidente (Mme Champagne) : Il
vous reste 1 min 30 s.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Donc,
je vais sauter les recommandations que vous avez déjà vues dans le cadre
du mémoire du CIRIEC, auquel vous avez probablement déjà compris que j'avais
participé, et je vais me rendre à ma deuxième série de commentaires qui
concernent les connaissances.
Nous croyons qu'il est important de promouvoir
la recherche, la formation et le transfert de connaissances en économie sociale
et que la loi-cadre devrait en rendre compte. C'est, je le disais tout à l'heure,
un champ encore plus développé et encore peu
enseigné. La recherche est importante et essentielle non seulement pour
répondre à des questions ou à des
problèmes courants, mais aussi à comprendre et expliquer des phénomènes et à en
tirer des enseignements qui seraient applicables pour d'autres
situations. Le transfert et la formation sont essentiels pour que les
connaissances nouvelles se diffusent dans un monde rapide et en changement.
On suggère
donc, au-delà de la recommandation sur les statistiques, une recommandation qui
est à la page 14 de mon mémoire, que
la table des partenaires… — M. le ministre pourra rallonger encore d'une chaise — que la table des partenaires en
économie sociale comprenne au moins deux experts qui enseignent dans une
université ou un collège possédant une
expertise en économie sociale. La formulation a été empruntée et adaptée du
décret sur l'économie sociale de
Wallonie, en Belgique, depuis 2008, qui a déjà installé cette présence des
universitaires à leur table. Il me fera plaisir de répondre à des
questions concernant l'une ou l'autre des recommandations.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Merci, Mme Bouchard. Alors, vous êtes dans les temps, mais tout à fait. Bravo. Félicitations. Alors, nous allons permettre
à M. le ministre, maintenant, d'échanger avec vous pour une période de
19 minutes.
M.
Gaudreault : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Bouchard. Alors, on sent, à plusieurs
égards, une convergence entre votre mémoire
et celui qui vous a précédée, où il y avait votre soeur jumelle qui était
présentée dans le mémoire, alors je tiens à
vous en informer. Je vous remercie pour votre contribution. Vous nous amenez
aussi, à votre manière, des éléments nouveaux qui sont éclairants pour la
commission et pour notre travail.
Mais j'aimerais vous entendre plus précisément
sur ce qu'amène de nouveau… — vous allez trouver que c'est drôle que c'est moi qui pose la question
alors que je suis le parrain de la loi, là, mais je me fais l'avocat du
diable, là — ce qu'amène de nouveau le projet de
loi n° 27. Parce que vous avez dit, dans votre présentation, qu'une
loi-cadre sur l'économie sociale
permettrait de pérenniser l'existence de l'économie sociale, permettrait
également de reconnaître ce secteur essentiel comme outil de croissance
économique dans une période de crise financière, surtout les dernières années, là, qui ont été graves et qui ont permis
de démontrer que souvent les entreprises issues de l'économie sociale
sont celles qui s'en sont tirées le mieux
ou, en tout cas, qui ont permis de passer au travers certains pans de crise.
Mais, une fois qu'on dit ça, c'est des principes, là. Ça n'empêche pas
que l'économie sociale existe depuis des dizaines d'années au Québec.
Justement, on a été capables de mieux résister, par les entreprises d'économie
sociale, à la crise financière. Alors, pourquoi une loi?
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : C'est en
effet étonnant que ça soit vous qui posiez la question, mais je peux essayer d'y répondre. Cette loi va certainement
aider à ce qu'on puisse parler d'économie sociale de façon plus
cohérente, à la fois à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, puisque, comme
je le mentionnais, lorsque nous avons fait cette consultation, nous nous sommes
promenés un peu dans l'appareil gouvernemental pour demander aux différents ministères — il y
en a de nombreux qui travaillent sur l'économie sociale — ce
que c'était, et les définitions allaient vraiment
un peu dans différentes directions… Pour les acteurs, il y a… on l'a vu avec
les témoignages des CLD et d'autres, que
la définition n'est pas stabilisée au Québec. Alors, la loi, elle aura cet effet,
ce premier effet qui est de donner une existence, une réalité concrète
dans les représentations et dans l'imaginaire des Québécois.
Elle a aussi,
je crois, comme avantage... elle va donner l'avantage de reconnaître la
diversité des composantes de l'économie
sociale. Et reconnaître la diversité, c'est important, mais aussi reconnaître
le caractère parfaitement distinctif de l'économie sociale d'avec l'économie
publique et d'avec le reste de l'économie. Alors, je crois que c'est envoyer un
signal au gouvernement et envoyer un signal à la population.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. le ministre, vous vous êtes envoyé un signal.
M. Gaudreault : Oui, c'est ça.
La Présidente (Mme Champagne) :
Oui, c'est ça.
M. Gaudreault : Et je pense
qu'il est bien reçu de façon générale, et je pense qu'effectivement le signal
est important. Et j'ajouterais à vos
arguments, Mme Bouchard, qu'il ne faut pas négliger quand même le plan d'action
qui suivra la loi. C'est que nous pérennisons dans une loi le plan d'action.
Alors, c'est beaucoup plus difficile pour un gouvernement
futur de ne pas faire de plan d'action s'il est prévu dans une loi. Et
forcément le plan d'action devra plus que s'inspirer,
il devra être collé aux valeurs de la loi. Mais tout ce que vous dites,
finalement, renforce notre conviction qu'il faut qu'on trouve les bonnes
définitions, la bonne définition de l'économie sociale.
Dans votre
mémoire, vous amenez toute une réflexion, là, dans l'introduction, à la page 4,
sur les organismes à but non lucratif
qui offrent des biens et des services : «Dans d'autres cas, des OBNL ou
des coopératives développent des activités
qui combinent un objectif d'intérêt général — comme la formation ou la lutte contre les
inégalités, etc.» Bon, je vous cite,
là : «On voit aussi des OBNL qui conduisent des activités économiques, c'est-à-dire
centrées sur la fourniture de biens
ou de services, mais sans transactions monétaires[...]. Il existe enfin des
organisations qui, sans avoir l'un de ces trois statuts juridiques, sont
actuellement reconnues comme faisant partie de l'économie sociale, comme les
fonds de développement, et d'autres qui pourraient [...] être reconnus au vu de
leur correspondance aux missions typiques de l'économie sociale...»
Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur
tout ce volet-là. Donc, c'est quand même important, là, parce qu'on parle de... Je le mentionnais tout à l'heure,
là, il faut qu'on soit clairs quand on fait une loi, qu'on ait les
bonnes expressions. Alors, c'est quoi, les
différences que vous apportez entre les associations avec personnalité
juridique, sans personnalité juridique? Est-ce que certains n'ont pas de
personnalité juridique comme telle mais qu'ils sont reconnus comme
organismes... entreprises plutôt d'économie sociale? J'aimerais ça vous
entendre davantage là-dessus.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Sur la
question des associations?
M. Gaudreault : Oui.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Donc,
pourquoi est-ce que nous suggérons d'utiliser le terme «associations»
dans notre mémoire. Je crois que le ministre
doit savoir qu'il y a eu quand même, à quelques itérations, un projet de loi
sur les associations au Québec et pour
lesquelles différents acteurs avaient commis des mémoires également, et je
pense que ce projet de loi devrait
aboutir éventuellement. Dans le premier paragraphe du projet de loi, je crois
qu'on peut se permettre de dire «associations» puisque c'est le terme
qui est employé de façon générale et générique depuis un bon nombre d'années
dans...
M.
Gaudreault : …pardon, je
veux juste être sûr de bien vous suivre. Vous êtes dans le préambule, le
premier considérant, ou... Vous êtes dans le projet de loi n° 27, là.
Mme Bouchard (Marie J.) : Je suis
dans le projet de loi n° 27, oui.
M. Gaudreault : Oui, c'est ça, O.K.
Mais vous dites dans le premier paragraphe...
Mme Bouchard (Marie J.) : Vous me
demandez pourquoi j'utilise le terme «associations», donc...
M. Gaudreault : Oui, c'est ça. Mais je veux juste vous suivre,
là. Vous faites référence à un article, vous faites référence à l'article
3?
• (17 h 20) •
Mme Bouchard (Marie J.) : Mais
puisque ce terme, nous l'employons, les associations, les coopératives, les mutuelles, nous l'avons proposé également dans
la modification, donc dans mon mémoire, à la page 6, un peu comme le
CIRIEC-Canada, d'utiliser, plutôt qu'OBNL, «exploitées par des associations,
des coopératives et des mutuelles». Donc, c'était pour rester concrète
vis-à-vis du projet de loi.
Alors,
pourquoi employer le terme «associations»? D'abord, parce qu'il est employé de
façon récurrente lorsqu'on parle d'économie sociale, à la fois pour les
OBNL… Comme on l'a mentionné tout à l'heure, les OBNL ne sont pas toutes les
OBNL, ce sont celles qui sont constituées par un groupe de personnes. Les
coopératives également sont constituées par un groupe de personnes. Donc, le
terme «associations» est fréquemment utilisé. Est-ce qu'il sera traduit dans un
cadre juridique et comment? Je pense que la réponse sera donnée par une autre
loi.
Dans le
contexte ici, le caractère... On a dit, tout à l'heure, que l'économie sociale
au Québec était bien reconnue à travers
le monde, mais le monde aussi est bien reconnu à travers l'économie sociale du
Québec. Et donc, d'employer des termes
qui sont cohérents et congruents d'un espace administratif à l'autre, le
Québec, la France, l'Espagne, la Belgique, on pense que c'est une bonne
idée. Alors, c'est pour ça qu'on emploie le terme «associations». Mais votre
question était plus vaste, était sur la variété des associations. Et la
question était à savoir qu'est-ce que cette variété-là illustre.
M.
Gaudreault : Oui. Bien, oui,
oui. Et puis moi, je veux savoir : Est-ce qu'il y a des entreprises
d'économie sociale qui ne sont pas
nécessairement... Autrement dit, est-ce qu'il y a des entreprises d'économie
sociale qui ne sont pas nécessairement des associations au sens où vous
l'entendez?
Mme Bouchard (Marie J.) : Qui ne
seraient pas constituées...
M. Gaudreault : Oui.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Pardon. Qui ne seraient pas constituées de
groupes de personnes?
M.
Gaudreault : Oui.
Mme Bouchard
(Marie J.) : Je n'en connais pas.
M.
Gaudreault : O.K.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, M. le ministre.
M. Gaudreault : Oui. Alors, je voudrais poursuivre sur un autre élément, Mme la
Présidente. Évidemment, vous êtes une chaire de recherche associée à une
université, et vous plaidez évidemment fortement pour la formation, la recherche, le transfert, et vous dites que ce n'est
pas dans la loi, et vous souhaiteriez le voir apparaître dans la loi.
Est-ce que vous avez un... J'aimerais ça vous entendre un petit plus là-dessus.
Et est-ce que vous trouvez que le Québec, par rapport
à ce volet-là de l'économie sociale… Parce que je comprends que vous nous dites
que le Québec, évidemment, est reconnu sur le plan international en
matière d'économie sociale, mais, sur le volet formation, recherche, qu'en
est-il? Est-ce qu'on est en retard, en avance? Et est-ce que vous croyez...
Bien, je comprends que vous souhaitez que la loi reconnaisse cela également et
que ce n'est pas suffisamment fait dans le projet de loi n° 27.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Oui. Merci de la question. Il y en a deux, en
fait. Pourquoi, d'abord, le reconnaître dans la loi? Depuis la première formulation des principes coopératifs,
on parle d'éducation coopérative. Non seulement il y a un besoin de rehausser la prégnance des
connaissances d'un secteur qui est méconnu, notamment auprès de l'appareil
public, il est nécessaire de le comprendre.
Et je pense que les travaux de la commission sont éclairants sur le fait
qu'on est dans la définition, on est dans la
tentative de comprendre, de mieux connaître cette réalité-là. Et, comme je le
disais tout à l'heure, cette
conception d'un tiers secteur est peut-être le plus grand péril qui menace le
secteur de l'économie sociale, c'est d'être
vu comme un troisième qui arriverait seulement lorsque... en pompier, en
quelque sorte, lorsque les deux autres grands secteurs ne fonctionnent
pas bien.
Or,
on doit dépasser cette vision et on doit voir le rôle de l'économie sociale
comme un acteur de plain-pied dans une économie plurielle, dans une
économie aussi qui est en profonde transformation. On ne sait pas où on s'en va
exactement, mais on sait qu'on bouge à toute
vitesse dans une économie, une société, dans nos sociétés contemporaines,
et on pense bien que l'économie sociale doit faire partie de l'écologie... de l'économie
de l'avenir. Il est donc utile de préciser dans la loi que la recherche, la
formation et les transferts sont importants.
Il est aussi utile de
préciser qu'on ne peut pas en rester là des connaissances qu'on a sur l'économie
sociale. D'abord, elles sont encore éparses, elles sont peu codifiées. Il y a
quand même beaucoup de choses qui se font. Et je réponds par là même à votre question. Oui, le Québec est bien reconnu — mais je ne veux pas trop nous vanter,
parce que je suis chercheure — mais, oui, nous sommes reconnus à travers
le monde. Nous arrivons de Chine et de Cuba où on présente nos travaux sur l'économie
sociale. Mais la recherche doit être poursuivie puisqu'on ne sait pas de quoi
sera fait l'avenir de notre économie. Et, si l'économie sociale a un rôle à
jouer, il est important d'enclencher des chantiers de recherche sur ce sujet.
La Présidente (Mme
Champagne) : M. le ministre.
M. Gaudreault : Et évidemment vous souhaitez qu'on reconnaisse cet aspect dans la loi.
On pourrait... Est-ce que vous seriez
d'accord pour une mention — c'est
plus dans le préambule — ou...
J'essaie de retrouver votre recommandation précise, là, sur...
Mme Bouchard
(Marie J.) : Donc, à la page 11 et 12, vous voyez les premières
recommandations?
M.
Gaudreault : «Améliorer les connaissances en matière d'économie
sociale...
Mme Bouchard (Marie J.) : …notamment par la recherche, la formation et le
transfert de connaissances.» Donc, de préciser que, pour l'amélioration
des connaissances, il y a une recette qui s'appelle la recherche, la formation
et le transfert de connaissances.
M.
Gaudreault : Et vous souhaitez le voir vraiment apparaître dans les
rôle et fonctions du ministre, donc en soutien
à la recherche, la formation et le transfert de connaissances. Parce que vous l'amenez
dans l'article 6, là, du projet de loi. C'est ça que je comprends?
Mme Bouchard (Marie J.) : Le ministre a également, je pense, si je ne me
trompe, un mandat de coordination intergouvernementale, et donc je crois
que ça sera aussi dans cet aspect-là que le ministre pourra agir.
M.
Gaudreault : Parfait. Maintenant, je veux revenir sur un autre élément
sur lequel on a échangé également tout à l'heure avec le groupe, l'autre groupe
avant vous, sur l'aspect de la prédominance de l'humain sur le poids du capital. Vous insistez beaucoup là-dessus. Je sens que ce n'est
pas évident à définir, ça, et il y a beaucoup de risques d'interprétation. Des gens plus à gauche
pourraient dire : C'est terrible, il y a vraiment beaucoup de poids du
capital sur l'humain à telle place. D'autres diraient que non.
Alors,
comment on peut juger cela? Moi, je suis dans un univers où j'essaie d'avoir
des normes qui nous permettent d'éviter,
des fois, trop d'interprétations qui nous conduiraient à des situations
malheureuses. Par exemple, une organisation peut avoir — une coopérative,
disons — un
membre, un vote, mais c'est une entreprise où il y a beaucoup de capital ou de richesse créée, mais il y a quand même un
membre, un vote. Donc là, la dimension humaine est forte, est présente.
Alors, j'aimerais ça vous entendre plus là-dessus.
• (17 h 30) •
Mme Bouchard
(Marie J.) : Bien, je crois que vous avez une partie de la réponse
puisque c'est à ça que ça correspond. Dans beaucoup d'autres définitions de l'économie
sociale, qu'on pense à la définition en France ou celle qui a cours en Europe
sur Social Economy Europe, c'est une personne, un vote, une personne pouvant
être morale ou physique, un individu ou une
entreprise. Le fait de le rédiger comme ceci vise, comme je l'ai mentionné dans
une note de bas de page du mémoire, à
reprendre les termes qui sont employés dans la définition que s'est donnée le
groupe de travail sur l'économie sociale en 1996 et qui exprime les
choses plus en valeurs qu'en règles. Donc, c'est la première raison.
La
deuxième raison, c'est qu'il y a, et c'est mentionné plus loin sur les
exceptions… il y a des exceptions. On a parlé des coopératives agricoles dans lesquelles... dans les
fédérations, je pense... Vous me corrigerez, M. le député qui avez une expérience des coopératives agricoles,
mais je pense qu'il est possible qu'une coopérative, au sein de sa
fédération, ait plus qu'un droit de vote,
dépendant du volume d'activités qu'elle peut signifier à l'intérieur d'une
fédération ou d'un grossiste. Alors,
pour éviter déjà à ce principe-là de montrer des évolutions — et ces évolutions-là sont dans les
grands secteurs coopératifs, très
souvent — en
mettant... en choisissant ces termes-là, on réussit deux choses, on correspond
aux termes qui ont fait l'objet d'un
consensus en 1996, consensus dont j'ai pu vérifier la durée et la permanence en
2011, puisqu'en faisant notre tournée nous avons aussi interrogé les
acteurs sur la définition de 1996… Elle était encore l'objet de consensus.
Donc, en ce sens-là, c'était le compromis de termes pour arriver à correspondre
à ces deux réalités-là.
La Présidente (Mme
Champagne) : Deux minutes, M. le ministre.
M. Gaudreault : Deux minutes. Bon, évidemment, en deux minutes… On parle de la table
des partenaires. Alors là, écoutez, c'est notre autre gros enjeu, là, qu'on
a ici. Bien, on a plusieurs gros enjeux, mais celui-ci en est un, alors... La table des partenaires, j'aimerais vous
entendre un peu plus. Je comprends que vous, vous souhaitez qu'il y ait
plus des... la présence d'experts ou de chercheurs, forcément, là, sur cette
table.
Et,
tout à l'heure, je me suis avancé un peu en parlant — comment je pourrais dire? — d'une forme de modèle adaptable au besoin d'avis sur le fond, là,
recherché par le ministre, alors d'avoir plusieurs partenaires qui peuvent
agir de façon ad hoc, alors... Vous savez,
la liste est longue, là, de gens qui veulent devenir membres de la table, là.
Je disais hier ou ce matin, là, je ne sais plus, là, que ça ne pourrait
pas être une table bistro, là, ça va être trop petit, ça, c'est sûr, là.
La Présidente (Mme
Champagne) : Alors, Mme Bouchard, en 40 secondes.
Mme Bouchard
(Marie J.) : Je crois que les chercheurs doivent être interpellés. Et
je ne prêche pas pour ma paroisse, puisque
la chaire du Canada va terminer son mandat cette année, donc à la fin de l'année. C'est
dans la mesure où il se fait de la
recherche partenariale, il se fait de la recherche-action, il se fait de la
recherche qui vise à répondre à des problématiques bien précises. Il se
fait également de la recherche en continuation de ces projets partenariaux, de
la recherche plus fondamentale. Et le fait d'inscrire à la table, ici, des
universitaires, ça permettra de pouvoir obtenir et partager les fruits de
recherches plus fondamentales et indépendantes qui seraient menées sur l'économie
sociale.
La Présidente (Mme Champagne) : Merci beaucoup, Mme Bouchard. Alors, ça
termine l'échange avec le
gouvernement. Nous allons maintenant passer au deuxième groupe d'opposition
avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour 19 minutes et
quelques secondes.
Mme Weil :
Merci, Mme la Présidente. Rebonjour, Mme Bouchard. Juste par curiosité, au
tout début, j'ai remarqué, vous avez parlé
des fondations communautaires comme éventuellement pouvant faire partie de ce
mouvement. J'étais bien curieuse. Je suis la présidente-directrice fondatrice
de La Fondation du Grand Montréal, j'ai été dans ce mouvement pendant longtemps, pendant huit ans. Et donc c'est des
organismes de bienfaisance, carrément de bienfaisance, donc leur
structure et leur logique est très différente, hein, c'est des...
Et
donc je me demandais... Juste parce que ça va me permettre de comprendre. Parce
que vous parlez... Lorsque vous
parlez d'associations... ensuite, vous allez dans l'historique aussi des
associations, les précurseurs, finalement, lorsque vous parlez des associations philanthropiques et
de bienfaisance. Très rapidement — parce
qu'ensuite je vais vouloir aller sur le fond des choses — quel
est l'aspect où éventuellement on pourrait reconnaître que ça... une partie de
leurs activités ferait partie de l'économie sociale?
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Bouchard?
Mme Bouchard
(Marie J.) : Merci. Lorsque nous avons fait notre enquête, en 2011,
pour un cadre conceptuel pour des
statistiques, on nous avait pointé Centraide du Grand Montréal, entre autres,
comme une fondation qui avait les allures, si on veut, de l'économie sociale en appliquant
certains principes de l'économie sociale à l'intérieur de ses modes de fonctionnement, donc, publics,
communautaires, qui mobilisent des personnes dans les milieux pour
la collecte. La collecte, les donateurs sont
le public. L'attribution des dons se fait à travers des bénévoles. Les
bénévoles sont des gens de la communauté. Et
donc on avait... Et Centraide se donne des objectifs d'effets structurants sur
les collectivités à travers notamment les tables de concertation.
Et
donc on a une évolution. Et je crois que ça, c'est une des caractéristiques que
peut-être M. Béland — je
ne l'ai pas entendu — avait
bien décrite : c'est que les organisations naissent et se transforment.
Et, en se transformant, souvent elles vont prendre des caractéristiques
qui vont les amener à ressembler beaucoup à l'économie sociale. Et donc, lorsqu'elles
les ont, ces caractéristiques-là, les acteurs de l'économie sociale tendent à
les amener dans leur famille, en disant : Mais oui, vous nous ressemblez
trop, vous en êtes.
Mme Weil :
Bien, je trouve ça vraiment intéressant, puis ce sera pour une prochaine
conversation entre nous. Parce que
les fondations communautaires du Canada, vous savez qu'ils ont amassé beaucoup,
beaucoup d'argent. La fondation de Vancouver,
c'est dans le milliard, là, qu'ils sont rendus au fil des années. La fondation
communautaire de Winnipeg a reçu un don de 100 millions, et ils ont
mis ça carrément dédié à la communauté, le donateur, là… et surtout les
autochtones. Alors...
Et Centraide est un
des fondateurs de la Fondation du Grand Montréal. Et un des enjeux — puis
c'est intéressant — eux,
ils voulaient en savoir plus sur l'économie sociale. Ils sont venus au Québec,
ils ont fait une consultation parce
que toutes les fondations communautaires au Canada étaient très intéressées à
ça pour intéresser des donateurs. Donc, ce serait peut-être une piste éventuellement pour voir parce que l'important,
c'était... Et Centraide du Grand Montréal a réussi à préserver cette
mission collective parce que le fonds qu'ils ont, c'est un fonds généralisé, ce
n'est pas les donateurs qui ciblent. et ça,
c'est un élément très distinctif. C'est le seul Centraide en Amérique du Nord
qui a pu préserver un fonds non dédié. Et ils ont choisi, donc… je pense
que c'est la pauvreté, etc. Et les fondations communautaires, évidemment, aussi
ne veulent pas virer vers des... ce qu'ils appellent des dons transactionnels.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Bouchard.
Mme Bouchard
(Marie J.) : Je tiens, si je peux, à préciser que cette opinion que
Centraide ou que d'autres fondations puissent être de l'économie sociale n'est
pas encore… c'est pour ça que je dis «pourraient faire partie de l'économie
sociale».
Mme Weil :
Évidemment, j'ai bien compris le «pourraient», parce que la logique est quand
même, à la base très, très
différente; c'est de la bienfaisance et puis, dans la fiscalité, c'est très
différent. Donc, j'aimerais aller sur votre premier considérant parce que, c'est important, vous
amenez des précisions. Vous enlevez «les territoires», tandis que le
groupe avant vous a préservé «territoires». Mais, pour le reste, c'était très
semblable. Et donc j'aimerais vous entendre sur… et plusieurs ont parlé des
régions, de garder cette notion de «régions», vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme
Champagne) : Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Je trouve les régions très importantes, les
territoires très importants. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas
importants que je les ai... j'ai suggéré de les soutirer, c'est que je trouvais
que le Québec... la vitalité socioéconomique du Québec dépassait la somme de
ses territoires. La contribution de l'économie sociale à sa vitalité dépasse
ses contributions additionnées sur le territoire, notamment sur le plan de la
création d'institutions importantes, comme il a été mentionné dans le
mémoire : Investissement Québec, qui est une suite de la Société de développement des coopératives , la Coopérative
fédérée, le Mouvement Desjardins. Et donc c'est plus que la somme des
territoires, ça, ce sont des institutions à l'échelle du Québec. Donc, c'est la
seule raison de suggérer de donner une ampleur plus grande à cette affirmation.
Mme Weil :
Oui, oui. Non, je comprends très bien. Mais c'est important de poser la
question. La réponse me semblait évidente, de voir le Québec dans sa globalité.
Il y a aussi une recommandation qu'on a eue dans l'article 1, c'est de rajouter «et dans toutes les régions». Il
y a peut-être d'autres façons, dans le projet de loi, d'identifier les
régions.
L'autre,
c'est lorsque vous dites d'enlever le «plus récemment, des organismes à but non
lucratif». Ça, c'est quand même une
modification substantielle que vous faites. Vous donnez l'explication qui est
quand même assez historique. Est-ce que c'est important? Donc, vous, ce
que vous dites, c'est que ce n'est pas vraiment le reflet de la réalité.
Mme Bouchard
(Marie J.) : Il y a deux raisons, si je peux me permettre, Mme la
Présidente.
Mme Weil :
Oui, oui, absolument.
La Présidente (Mme
Champagne) : Oui, allez-y, Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Pour deux raisons. La première, c'est qu'effectivement...
et je n'étais pas là, hein, je suis née plus tard, mais, à la fin du
XIXe, ça aurait été les premières émergences selon les historiens…
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
Bouchard (Marie J.) : Selon
les historiens, les associations… Il y a une nébuleuse associative. Et ce
n'est pas qu'ici, c'est la même histoire qui
se reproduit ailleurs dans les pays où le capitalisme marchand se répend. Les
premières manifestations, ce sont des
associations, ce sont des gens qui se regroupent et puis qui se disent :
Bien, bon Dieu! qu'est-ce qu'on fait?
parce que, là, ça va mal. Et puis progressivement ils vont inventer la forme
coopérative. Ils vont garder la forme associative
dans bien des cas. Ils vont inventer aussi la forme syndicale. Ils vont
inventer des formes qui vont s'adresser à une même problématique, qui est la généralisation du capitalisme
marchand et les transformations sociales et économiques qu'elle entraîne. Et donc cette histoire, elle est
quand même bien documentée. Alors, c'était pour ça qu'on jugeait que c'était
peut-être préférable de les regrouper.
La deuxième
raison, c'est — là, c'est
la sociologue de l'économie qui parle — la vitalité socioéconomique, ce n'est
pas que la contribution en chiffre d'affaires à une économie. L'économie, elle
est plurielle, elle est composite, et une économie sans association, c'est une
économie qui va mal. On l'a vu en 2008, Joe Stiglitz disait que ce qui restait de l'économie aux États-Unis, au milieu de
la crise, c'était l'économie sociale. Donc, la vitalité socioéconomique
d'un territoire, c'est beaucoup plus que l'économie en chiffres d'affaires.
• (17 h 40) •
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme Weil : Oui. Il reste combien de
temps?
La Présidente (Mme Champagne) : Il
vous reste 10 minutes, même un peu plus.
Mme
Weil : Ah! Bien, c'est bon
parce que, vraiment, je veux rentrer dans l'article 3 et je voudrais que
vous ayez le temps d'expliquer vos modifications. Parce que ce que j'entends
dans votre message... votre message, un peu… Comment
dire? Il y a de l'éducation à faire, il y a de la promotion à faire, de l'économie
sociale. Et ça a bien commencé, mais ça commence un peu avec cette
loi-cadre. C'est l'occasion de partir du bon pied.
Donc, il y a certaines de vos recommandations,
je sens, qui sont très importantes. Et, à la fin de ça, une fois qu'on aura décortiqué l'article 3 — puis
vous allez expliquer vos modifications — ce
serait peut-être d'avoir un sens de votre
part de qu'est-ce qui serait très important pour partir du bon pied, qu'on ait
les bonnes définitions et surtout qu'on ait pas un langage qui pourrait
créer de la confusion. Parce qu'on n'a pas tellement... On a des experts, comme
je l'ai dit précédemment, là, quand on avait la présentation de l'autre groupe.
Vous êtes deux groupes d'experts, des gens qui réfléchissent à ces choses-là. Donc, je voudrais bénéficier de ce temps
que vous êtes là pour avoir votre opinion là-dessus.
La Présidente (Mme Champagne) :
Mme Bouchard. Oui?
Mme
Weil : Donc, l'article 3,
peut-être de commencer... comme vous voulez, là, chacun des alinéas, puis
vous en rajoutez aussi. Les fins sociales,
on en a quand même beaucoup parlé, je ne sais pas s'il y a des éléments que
vous voulez rajouter à ça. Vous dites que ce n'est pas exact de parler
de fins sociales.
La Présidente (Mme Champagne) :
Mme Bouchard.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Mme la Présidente, ce que nous disions, c'est que c'est surtout flou, qu'on trouve
qu'il ne faut pas diaboliser les autres
acteurs de l'économie puis dire que l'économie sociale, ça a une finalité
sociale puis les autres acteurs de l'économie,
qui créent de l'emploi, qui créent de la richesse, qui créent du développement
du territoire, eux, bien, ils ne
seraient pas fins socialement. Alors, il y a... Et on a aussi le courant de la
responsabilité sociale d'entreprise, qui fait que, lorsqu'on va montrer
des bilans de responsabilité sociale d'entreprise, on va dire : Bien,
finalement, qu'est-ce que vous appelez «fins
sociales»? Donc, c'était vraiment pour éviter la confusion plutôt que pour en
rajouter.
On a trouvé
aussi que la finalité sociale se déclinait dans les principes et que, donc, c'était
un souci de parcimonie dans les
termes, c'est de dire : Bien, chaque paragraphe dit une chose. Dans un
cas, ça dit que c'est une entreprise; dans un autre cas, ça dit que ça respecte ces principes-là. Et ça explique aussi
ce que je disais tout à l'heure. C'est que la finalité sociale, si on reprend ces termes, de l'économie
sociale, c'est beaucoup plus que ses clients, ses marchés, ses produits,
ses services, c'est également son mode de production, qui est de gouvernance
collective et une distribution collective
des bénéfices, et c'est également son rôle dans l'économie, elle a un rôle de
régulation. Et donc en mettant la finalité
sociale, on a l'impression qu'on réduit la finalité sociale ou la dimension
sociale de l'économie sociale à son output.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme
Weil : Ensuite, bon, vous
rajoutez, donc, le premier alinéa : de répondre aux aspirations et besoins
collectifs. Ça, c'est intéressant, tout à fait, c'est une précision importante.
Parce que sinon, c'est les besoins de chaque individu, puis jamais on ne
pourrait répondre aux besoins de... C'est un peu ça, hein, c'est les besoins collectifs.
C'est une précision importante où des deux... Donc, moi, je comprends bien ce
que vous avez fait là.
Le 3°, troisième alinéa, dans votre
recommandation, je pense qu'il y a un petit mot qui manque : «Les règles applicables à l'entreprise prévoient un processus — puis
là il y a un mot qui manque — une
gouvernance démocratique par les membres…»
Mme Bouchard (Marie J.) : De
gouvernance démocratique.
Mme
Weil : «De», donc, de
remplacer, oui, «une» par «de», «de gouvernance démocratique». On en a parlé,
mais je ne sais pas si vous avez quelque chose à rajouter là.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Bien,
c'est... J'emploie, moi, le terme «gouvernance» pour bien... Vous avez
parlé de processus décisionnel dans le
projet de loi, où le législateur avait écrit «processus décisionnel», mais je
crois que c'est également des droits et des responsabilités, et ça, ça s'appelle
la gouvernance. Il ne faut pas avoir peur des mots.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme
la députée.
Mme
Weil : Ensuite, quatrième
alinéa... Bon, je ne sais pas si vous avez des choses à rajouter, des
précisions, des éléments, l'importance de cette recommandation.
Mme Bouchard (Marie J.) : C'est...
si je peux me permettre.
La Présidente (Mme Champagne) :
Allez-y, Mme Bouchard.
Mme Weil : Oui, non, allez-y, sur ce
qui est fondamental...
Mme Bouchard (Marie J.) : C'est
assez fondamental...
Mme
Weil : ...ce qui l'est
moins, c'est important qu'on l'entende. C'est maintenant votre chance d'influencer…
Et je pense que ça vous tient à coeur, donc, ce projet de loi, alors c'est
important de marquer les points, là.
Mme
Bouchard (Marie J.) : À
moins qu'il n'existe des dispositions contraires dans des législations ou des
lois applicables à certaines des entreprises
d'économie sociale, comme c'est le cas dans des grandes coopératives
agricoles, par exemple, et comme ce serait
le cas si une entreprise d'économie sociale décidait de changer cette règle-là,
de dire : Bon, finalement, la réserve est partageable entre les
membres. Ce que ça signifie, on l'a mentionné tout à l'heure, c'est-à-dire que, pendant 30 ans,
40 ans, 100 ans, tous ceux qui collaborent à cette entreprise-là, qui
en sont les bénévoles, qui en sont
les partenaires, qui en sont les participants, qui en sont les membres, qui en
sont les clients s'imaginent que c'est pour l'intérêt collectif, et puis
un jour il y en a trois, quatre qui se partagent la cagnotte.
Le
CIRIEC-Canada — je
reviens en arrière — était
déjà intervenu sur la Loi des coopératives à un moment où on voulait... Il y avait un projet qui voulait rendre
la réserve partageable, et on se rendait compte que les acteurs n'avaient
pas une réaction très ferme à ce sujet. Et on avait vu, par ailleurs, ce qui s'était
passé en Europe, là où les législations avaient
été changées, il y avait eu énormément de démutualisation. Et donc c'est
important — c'est
pour ça qu'on parle de règles et de
lois — que
ces principes-là soient enchâssés dans des règles et dans des lois de sorte à
ce que les intentions des acteurs qui s'engagent dans l'économie sociale
soient respectées à long terme et au-delà de leur propre participation.
Mme Weil : Très bien. Je pense qu'on
a... par rapport à l'importance d'inclure dans la loi d'améliorer les connaissances en matière d'économie sociale,
notamment par la recherche, la formation, le transfert de connaissances,
on a bien compris, je pense, que ce seraient
les mêmes... C'est vous, d'ailleurs, qui êtes intervenue précédemment, là.
Donc, je pense que moi, j'ai bien saisi l'importance. La capacité
institutionnelle, aussi, de collecte de données, voyez-vous un rôle pour l'Institut
de la statistique du Québec aussi dans ça?
La Présidente (Mme Champagne) :
Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Oui, dans
le sens où j'ai... Je me suis fait des tendinites à essayer de faire des portraits statistiques. J'étais accompagnée très
gentiment, à ce moment-là, par celui qui était le directeur des
statistiques économiques et sociales de l'Institut
de la statistique du Québec, M. Camille Courchesne. Il nous a regardés
aller et il nous a dit : Vous
employez des termes que vous n'avez pas le droit d'employer, comme
«recensement» — parce
qu'on recensait les entreprises d'économie
sociale — il
disait qu'il n'y a que les instituts nationaux de statistiques qui peuvent
faire ça. Je lui ai dit : Bien,
faites-le donc. Et effectivement, si un institut statistique peut s'emparer… ou
recevoir le mandat… Parce qu'on sait que les instituts statistiques ont
besoin de mandats de la part des gouvernements. Donc, on pense qu'il est important que l'institut national de statistique
ait le mandat d'accompagner, voire de produire des portraits
statistiques. Il n'y a pas que les instituts nationaux de statistique qui
peuvent en produire, mais ils sont très bien équipés.
La Présidente (Mme Champagne) :
Voilà. Mme la députée, trois minutes.
Mme
Weil : Oui. Bon, juste parce
qu'on parle de statistiques et éventuellement peut-être de Statistique
Canada, est-ce qu'il y a du travail qui est fait à l'échelle nationale du
Canada sur l'économie sociale, des recherches? Est-ce que Statistique Canada se
penche là-dessus ou... C'est vraiment ici, au Québec.
La Présidente (Mme Champagne) : Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie J.) : Je pense
que Statistique Canada ne prend plus de nouveaux mandats.
Mme
Weil : J'allais dire :
L'ancienne mouture de Statistique Canada. C'est délicat comme sujet, je
comprends.
Mme Bouchard (Marie J.) : Oui. Un
travail qui avait été fait et qui va dans le sens de renforcer peut-être les propos du mémoire qu'on a soumis. À l'époque où
nous faisions... il y avait des réseaux régionaux de recherche
partenariale en économie sociale un peu partout au Canada, dont un au Québec,
il y en avait dans les six... Ils avaient divisé le Canada en six régions, et il y a un regroupement national. Je
participais au regroupement national, et les Canadiens disaient :
Il faudrait s'entendre sur la définition de l'économie sociale, il faudrait
savoir ce que c'est. Déjà que le traduire en anglais, c'était nouveau pour eux.
À l'époque,
Statistique Canada... quelqu'un avait convaincu Statistique Canada de faire une
étude pour savoir quel était le poids
de l'économie sociale dans l'économie canadienne. Et la première question que
Statistique Canada voulait tenter d'éclairer avant de soumettre un
projet, c'était : Est-ce qu'elle existe de façon bien distinctive du reste
de l'économie? Et donc, à partir des critères que nous avions élaborés pour
produire nos statistiques sur Montréal et qui sont devenues celles du cadre
conceptuel de l'ISQ, Statistique Canada a fait un questionnaire qu'il a
administré à un échantillon de la base de données des entreprises du Canada,
excluant les coopératives, excluant les OBNL, excluant les fondations, donc les entreprises traditionnelles classiques. Ils
leur ont posé la question, les mêmes principes qu'on a là, là, mais tel que je suggère de les... Est-ce que
vous êtes comme ça? Est-ce que vous le faites durablement? Avez-vous une
règle qui vous oblige à être comme ça?
Ils avaient
trouvé, dans l'ensemble des entreprises canadiennes, ce qu'on appellerait des
traces, un peu comme des traces d'arachides
dans un... Voilà. Et ce qu'ils avaient trouvé, c'étaient des entreprises
autochtones. Et ça fait longtemps que les autochtones nous disent :
Vous n'avez pas inventé l'économie sociale, on en faisait bien avant. Ils
avaient trouvé autre chose aussi, des
organisations qui... Mais, voilà, c'était la preuve que l'économie sociale
était bien distinctive des
entreprises traditionnelles. Malheureusement, les gouvernements changent, les
priorités changent, et il ne s'est pas fait de portrait statistique à l'échelle
canadienne.
• (17 h 50) •
Mme
Weil : Une autre question,
rapidement : Le mandat, est-ce qu'il devrait être inclus dans la loi, le
mandat de la table, la table des partenaires qui va conseiller le gouvernement
ou le ministre, dépendant des groupes qui viennent devant nous? Est-ce qu'on
devrait décrire le mandat de cette table?
Mme Bouchard (Marie J.) : Je n'ai
pas fait de recommandation à cet effet.
Mme
Weil : D'accord. L'autre
question, les syndicats, puis ça, c'est... la question est complexe. Mais les
syndicats, vous les avez entendus, ils ont
toujours cette inquiétude que l'économie sociale est là comme du «cheap labor».
Donc, cette frontière entre les deux, cette
inquiétude, est-ce que vous saisissez cette inquiétude? Est-ce qu'elle est
légitime? Est-ce qu'elle est réelle?
La Présidente (Mme Champagne) : En
quelques secondes, Mme Bouchard.
Mme Weil : Oui ou non? Peut-être?
Mme Bouchard (Marie J.) : Bien, je
crois qu'il faudrait être aveugle pour ne pas penser qu'il y a un risque.
Mme Weil : D'accord. Ça répond très
bien.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, c'est une courte réponse significative. Merci beaucoup, Mme la députée.
Alors, nous allons passer au dernier bloc de cette journée avec le député de
Drummond—Bois-Francs,
pour un cinq minutes. M. le député.
M. Schneeberger : O.K. Mme Bouchard, je veux revenir un peu à
tout à l'heure, quand vous aviez votre autre chapeau, au niveau de la définition. Puis peut-être que le ministre me
reprendra si j'erre, mais le but, je pense, de cette loi, c'est vraiment pour reconnaître les organismes, en
tout cas, peu importe comment que... sous forme de coopératives ou autres, pour vraiment se donner des services, des
leviers dans des communautés pour combler des besoins ou reconnaître
vraiment l'actif des gens, l'apport à la société.
Et puis, à ce
niveau-là, on parle aussi des coopératives. Maintenant, les coopératives, elles
peuvent être très petites, elles
peuvent être très grandes. Si je parle au niveau agricole, on a la Coopérative
fédérée du Québec, des choses comme ça. Et, toujours dans le but de se donner un service de proximité ou de...
peu importe, c'est qu'à un moment donné je vois que la définition de l'économie
sociale est très large et à différents niveaux, dans le sens qu'elle peut être
très locale, mais aussi provinciale ou...
Donc, moi, où
je vois un certain problème de la définition, ce que je pense que le ministre
veut amener au niveau de sa loi, c'est
qu'admettons que je prends un cas comme la Coopérative fédérée, qui a des
quincailleries, admettons, pour donner,
justement, un service qui, dans le fond, à la base, était vraiment un
regroupement d'achats pour les agriculteurs, à la base. Maintenant, aujourd'hui, bien, c'est rendu
tellement grand que ça arrive souvent qu'il y a des... par places…
Mettons, je crois, dans mon comté, à
Warwick, la quincaillerie a fermé. Maintenant, si on demanderait aux membres de
la place, bien, c'est sûr qu'ils ne
veulent pas ça. Mais la compagnie a décidé... en tout cas, la coopérative a
décidé qu'on ferme la place. Alors, dans le fond, les membres locaux ne
bénéficient plus de ce service qu'ils s'étaient donné, de... C'est pour ça que moi, je trouve que, là, ça devient très large et je me
dis : Bien, je pense qu'il faudrait peut-être plus cadrer, là, dépendamment de ce qu'on veut voir comme ce qu'on
appelle une économie sociale. J'aimerais vous entendre là-dessus,
comment la définition, vous, vous voyez ça ou comment qu'on pourrait encadrer
certains niveaux, là, de... donc, si je parle des coopératives, admettons.
La Présidente (Mme Champagne) :
Mme Bouchard.
Mme
Bouchard (Marie J.) : Merci
de la question, je pense qu'elle est importante. Il est important qu'on
soit capables d'y répondre si quelqu'un nous la pose. Mais je pourrais y
répondre en posant deux autres questions. Si je vous dis «entreprise privée», si je vous dis «entreprise publique» ou
«économie publique»… «Économie publique», vous avez Hydro-Québec d'un côté, vous avez RECYC-QUÉBEC, vous avez même des
administrations publiques. Pourtant, ça
correspond bel et bien à quelque chose dans votre tête quand on dit «publique»
et ça correspond bel et bien à quelque chose dans votre tête si je dis
«PME», surtout, du coin où vous êtes, des PME, alors on les voit.
Alors, ces
notions-là sont assez distinctes pour faire l'objet de réalités, pour faire l'objet
de politiques publiques, pour faire l'objet de règlements précis. Alors,
je pense que l'économie sociale... Donc, je vous réponds par des questions. Je pense que l'économie sociale est
assez distinctive pour faire l'objet d'une loi-cadre et d'une définition
précise. Et je pense que les recommandations à l'effet que les critères soient
bien distinctifs des critères qui définissent une entreprise privée ou qui
définissent une administration, une entreprise publique vont dans ce sens-là.
Alors, bien sûr, une quincaillerie qui ferme une
coopérative... Une coopérative qui ferme une quincaillerie à Warwick, ça fait mal à Warwick, mais en même temps
on a dit que c'étaient des entreprises puis qu'elles devaient être
viables. Alors, il faudra voir dans quelle mesure ça a contribué à la décision
de fermer une coopérative. On a vu des coopératives
qui apparaissent dans des villages, et c'est la pagaille parce que c'est le
magasin qui se demande comment il va survivre.
Alors, je pense que ce sont des entreprises et, de ce point de vue là, elles
fonctionnent dans le même système économique que les autres.
La
Présidente (Mme Champagne) :
Alors, M. le député, il ne reste que 30 secondes. Est-ce que vous avez
une autre courte, courte, courte question?
M.
Schneeberger : Bien, c'était
juste pour vous dire… vous comprenez mon questionnement à savoir où se
situe vraiment notre loi que le ministre
veut amener. Tu sais, je pense que, justement, nous, c'est vraiment pour
reconnaître l'apport qui est fait dans les
milieux, dans les régions. Et là ça vient... c'est très large, là. C'est pour
ça que… tu sais, je pense qu'il faut vraiment se concentrer vraiment sur
ce qu'on veut amener au niveau de la loi et non s'élargir énormément comme pour venir à des cas, justement, tu sais,
admettons, la... des grosses coopératives qui n'ont plus la même
approche, là, même si, au niveau juridique, c'est la même chose.
La Présidente (Mme Champagne) :
Alors, merci, M. le député. Madame...
M. Schneeberger : En tout cas, je ne
sais pas si vous comprenez ce que je dis...
La
Présidente (Mme Champagne) :
Mme Bouchard, on aura l'occasion d'en discuter dès mardi matin,
parce qu'on termine mardi pour les auditions. Et ensuite, dans l'étude
détaillée article par article, le député de Drummond aura la chance également
de requestionner là-dessus. Alors, merci à vous de votre participation à cette
commission.
Et, compte tenu
de l'heure, je lève la séance de la commission, qui ajourne ses travaux jusqu'au
mardi 28 mai, à 10 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-La Fontaine.
Bonne fin de soirée et bon retour chez vous pour
ceux qui retournent à la maison.
(Fin de la séance à 17 h 58)