(Onze heures douze minutes)
Le Président (M. Ouimet): Je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 54, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.
Alors, Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dion (Saint-Hyacinthe) remplace M. Deslières (Beauharnois); Mme Lemieux (Bourget) remplace Mme Maltais (Taschereau); et M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) remplace M. Pagé (Labelle).
Le Président (M. Ouimet): Alors, aujourd'hui, nous allons entendre l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière; par la suite, l'Institut national de la santé publique du Québec; en après-midi, la Fédération québécoise des municipalités; la Commission de protection du territoire agricole du Québec; et nous allons terminer autour de 17 heures avec l'Union des producteurs agricoles du Québec.
Alors, je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, et je demande également aux représentants de l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière de bien vouloir prendre place à la table des témoins pour que nous puissions débuter nos travaux.
Auditions (suite)
Alors, M. Lacroix, Yvan Lacroix, vous êtes directeur général de l'association. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les gens qui vous accompagnent? Et je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les parlementaires.
Association québécoise des industries
de nutrition animale et céréalière (AQINAC)
M. Lacroix (Yvan): Merci beaucoup pour la disponibilité que vous nous donnez. Bon, à mes côtés, j'ai M. Jean-François Aubin, qui est coprésident de la firme de consultation Forget Aubin, et j'ai aussi l'autre coprésident, qui est M. Mathieu Forget, de Forget Aubin, et ces deux personnes-là travaillent avec nous sur l'aspect de l'environnement, la cohabitation sociale, depuis les deux dernières années.
Le Président (M. Ouimet): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire; par la suite, un échange suivra avec les parlementaires.
M. Lacroix (Yvan): Est-ce que tous ont la copie du mémoire, des réflexions?
Le Président (M. Ouimet): Je pense que les parlementaires l'ont aussi.
M. Lacroix (Yvan): Vous l'avez?
Le Président (M. Ouimet): Oui.
M. Lacroix (Yvan): Ça va?
Le Président (M. Ouimet): Alors, procédez.
M. Lacroix (Yvan): Merci. L'AQINAC, dont la fondation remonte à 1961, représente aujourd'hui l'ensemble de l'industrie de nutrition animale et céréalière du Québec. Nous sommes 200 membres actifs et associés; ce sont des fabricants d'aliments, des négociants en céréales, et il y a aussi... vous retrouvez des fournisseurs d'intrants, de biens et de services qui desservent nos membres actifs et/ou associés.
L'AQINAC et ses membres desservent l'ensemble des fermes autonomes, peu importe le type de production animale et peu importe le modèle et la taille. Donc, il faut bien comprendre que l'AQINAC... les membres de l'AQINAC produisent des aliments et donnent un service nutrition-santé à l'ensemble des productions animales du Québec, que ce soit dans le porc, la volaille, le secteur laitier, etc.
Les membres de l'association sont impliqués directement dans l'élevage de porcs, volailles, oeufs, oeufs de consommation, oeufs d'incubation. L'AQINAC rassemble également une multitude de services-conseils: nutritionnistes, vétérinaires, agronomes, technologues, spécialistes en environnement et autres. Quand on dit l'AQINAC, ce sont les employés de nos membres qui ont ce genre... ce côté professionnel.
Comme association représentative, l'AQINAC s'est donnée les missions suivantes: de répondre aux exigences des consommateurs et de la société civile en matière de sécurité alimentaire, d'environnement, de qualité, de conditions d'élevage et de retombées économiques, et de contribuer par son dynamisme au développement de sa clientèle-producteur, de ses productions, de ses technologies et à l'économie, ce, en harmonie avec les principes de cohabitation.
Bon, pour bien saisir, nous avons 200 membres actifs, mais nous avons aussi... membres actifs et associés, mais nous avons une vingtaine d'entreprises qui sont impliquées au niveau de l'élevage. Donc, ils sont soit associés avec des producteurs ou l'élevage leur appartient. Disons qu'ils ont en même temps une expertise au niveau de la production animale et en ce qui concerne aussi qu'est-ce qu'il faut respecter comme conditions environnementales. Donc: défendre aussi les intérêts de ses membres, de promouvoir l'industrie agroalimentaire moderne et travailler en synergie, en complémentarité avec les principaux intervenants de la chaîne agroalimentaire.
Le document de réflexion déposé à la Commission de l'aménagement du territoire. Nous parlons... c'est un document de réflexion, parce que, avec le peu de temps que nous avons eu, je n'ai pas eu la chance de retourner vers mes membres et de discuter davantage ces réflexions-là.
L'AQINAC et ses membres ont participé activement aux travaux de la commission sur le développement durable de la production porcine au Québec. L'association travaille même à l'interne et avec d'autres partenaires à développer des outils concrets permettant de favoriser une production porcine répondant aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux. Étant donné le bref délai de convocation et de préparation à cette consultation sur le projet de loi n° 54, les éléments avancés par l'AQINAC doivent être considérés davantage comme des points de réflexion et d'interrogation, puisque l'ensemble des membres impliqués n'ont pas eu l'opportunité d'être consultés de façon formelle et régulière.
Dispositions particulières aux élevages porcins retenant l'attention de l'AQINAC. Les dispositions inscrites à l'article 5 du projet de loi n° 54 introduisent des modifications importantes au processus actuel d'autorisation des projets porcins à l'échelle municipale, soit: la consultation publique préalable à la délivrance d'un permis; introduction de conditions liées à la délivrance du permis de construction; et conciliation.
Déjà, dans son mémoire déposé au BAPE sur la production porcine le 3 avril 2003, l'AQINAC reconnaissait l'importance d'une plus grande transparence, d'une meilleure information et d'une forme de participation du public dans le processus d'implantation locale. L'AQINAC constate aujourd'hui que le gouvernement du Québec, par le biais des dispositions incluses au projet de loi n° 54, fait sensiblement la même lecture de la problématique.
Premier point. Consultation publique préalable à la délivrance du permis de construction. Au niveau de la consultation publique obligatoire préalable à la délivrance d'un permis de construction relatif à l'établissement ou à l'agrandissement d'une entreprise, l'AQINAC s'est déjà positionnée dans le cadre d'une étude exploratoire déposée au BAPE en soutenant qu'une consultation publique devrait avoir lieu pour les nouveaux établissements d'élevage porcin. Cette procédure de consultation devrait avoir lieu au niveau municipal et devrait impliquer également des représentants de ministères comme personnes-ressources pour répondre aux questions des citoyens relevant de leur compétence, pour éviter de placer le producteur comme seul défenseur des normes applicables au projet.
Une inquiétude de l'AQINAC face au processus de consultation municipale tel qu'avancé aux dispositions de l'article 5 concernait la participation citoyenne à l'assemblée de consultation. En effet, pour éviter que ces assemblées ne deviennent le lieu de débats politiques entre organismes divers, nous croyons que la participation publique devrait impliquer les citoyens de la municipalité touchée par le projet.
Introduction de conditions liées à la délivrance du permis de construction. L'idée d'assujettir les projets porcins à la délivrance du permis de construction municipal... au respect de certaines conditions a été également discutée dans le cadre de l'étude exploratoire de l'AQINAC. Pour l'AQINAC, il est concevable qu'une municipalité puisse intervenir au niveau des mesures d'atténuation des odeurs pour tenir en compte la cohabitation sociale du projet, en autant que cela soit bien défini par le gouvernement, bien encadré et en y limitant les interprétations possibles.
Parmi les cinq conditions proposées dans le projet de loi n° 54, l'AQINAC se questionne plus particulièrement sur les items 2°, 3° et 5°. Au niveau de l'item 2°, c'est-à-dire les épandages doivent se faire de manière à assurer, chaque fois qu'il est possible de le faire sans nuire aux cultures, l'incorporation des déjections au sol, nous croyons que l'interprétation de l'expression «chaque fois qu'il est possible de le faire sans nuire aux cultures» est bien large et pourrait susciter davantage de conflits que de permettre d'en résoudre.
Aussi, il faudrait préciser si l'incorporation des déjections animales au sol correspond à des techniques d'injection directe et/ou d'enfouissement suivant l'épandage par rampe basse dans un délai prescrit. Donc, pour nous, c'est très important qu'il y ait des balises bien claires par rapport à cette partie-là.
Donc, en ce qui concerne l'épandage, mais... est-ce qu'on en fait les jours fériés? Est-ce qu'on le fait durant les vacances de la construction? Est-ce qu'on le fait les fins de semaine? L'enfouissement, est-ce que c'est trois heures à 24 heures après? Ce sont les recommandations que nous faisons. Donc, on veut que, si ce genre de balises là se font par rapport à l'épandage, bien, qu'elles soient précises, donc elles risquent de diminuer l'émergence de crises.
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(11 h 20)
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Au niveau de l'item 3°, le respect des distances séparatrices différentes de celles prévues par un règlement adopté dans le but de protéger le protéger les voisins, il faudra définir précisément la marge de manoeuvre disponible pour la municipalité et si elle s'applique uniquement aux bâtiments ou à l'épandage des déjections. C'est une précision qu'on aimerait connaître. Je ne sais pas si Jean-François pourrait ajouter des éléments sur ça?
M. Aubin (Jean-François): Bien, à ce niveau-là, c'est tout simplement que... comme l'AQINAC le propose au tout début, c'est qu'on est... comme organisation, les membres sont prêts à ce qu'il y ait une certaine latitude d'accordée. Mais ce qu'il faut s'assurer quand on est dans un processus au niveau local pour favoriser la cohabitation, c'est que ces normes-là ne deviennent pas sujettes, le plus possible, à des interprétations diverses. Ce qui va faire en sorte qu'en bout de ligne on va se retrouver avec beaucoup trop de dossiers en termes de conciliation; on va avoir beaucoup plus de problématiques que présentement on peut en vivre sur le territoire. Donc, ça va être important quand on parle de distances, quand on parle de techniques, peu importent lesquelles: plus le détail va être fin, bien, plus à ce moment-là on aura un processus qui pourra être efficace, qui répondra aux enjeux.
M. Lacroix (Yvan): Au niveau de l'item 5°, l'entreprise qui doit être munie d'équipements destinés à favoriser l'économie de l'eau: il faudra également préciser quels sont les équipements qui peuvent être exigés pour réduire l'émergence de litige. De plus, il nous apparaît à première vue que ceci semble outrepasser les compétences de la municipalité. Nous croyons plus que ce doit être plutôt sur le côté technique agricole qui intervienne au niveau de ce dossier-là, parce que ce sont des techniques d'élevage, de régie; donc, pour nous, ça outrepasse les compétences d'une municipalité.
Également, bien que nous ne souhaitons pas l'abolition de l'extrait de la loi mentionnant que «l'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité», nous anticipons qu'une définition imprécise des conditions imposables au projet ? items 1° à 5° ? conjuguée à l'extrait cité précédemment sera davantage un élément de confrontation au niveau local qu'un élément de solution à la cohabitation sociale.
Donc, ici, si on parle d'enfouissement puis on parle de rampes d'épandage, puis le producteur n'est pas en mesure, au point de vue de rentabilité, d'appliquer cette technique-là, bien c'est quelles sont les conditions dans lesquelles on se ramasse, puis, si ce n'est pas clair, c'est large comme balises. Donc, s'il y a une question de rentabilité, est-ce qu'il y a un problème à ce niveau-là? Est-ce que les municipalités pourraient dire: Bien, tu l'appliques pareil, cette rampe d'épandage là, tu l'achètes. Donc, ce n'est pas évident, il va falloir mettre les conditions imposables plus claires et précises au niveau de ce genre de commentaires par rapport à la rentabilité du producteur.
Finalement, nous pensons qu'il serait opportun de développer un outil d'accompagnement municipal de l'évaluation d'un projet porcin, puisque plusieurs conditions potentielles à la délivrance d'un permis de construction font référence à des connaissances en agronomie, en ingénierie et autres qui peuvent échapper à certaines municipalités. Cette grille d'appréciation sociale du projet, standardisée au niveau provincial, pourrait permettre à chaque milieu local de mieux évaluer le projet.
Je pense que le texte le définit très bien, c'est d'avoir une espèce de grille d'analyse d'appréciation qui pourrait s'assurer que le dossier reste technique et que ce soit clairement défini sur une grille où le citoyen ou la municipalité, les élus, même le promoteur... mais que ce soit bien défini face à ces gens-là par rapport à certains critères. Et cette grille d'analyse là devient, en tout cas pour nous, essentielle.
Processus de conciliation. Dans le cas où le demandeur ne serait pas satisfait des conditions demandées par la municipalité, le projet de loi n° 54 prévoit un recours à la conciliation. Cette procédure de conciliation n'est pas sans soulever des interrogations importantes pour l'association. Premièrement, quel sera le pouvoir réel du conciliateur et l'impact du rapport de conciliation sur la décision finale de la municipalité? Ensuite, il n'est pas précisé qui devra assumer les frais de la conciliation. De plus, tel que développé dans le projet de loi, la conciliation peut amener un délai pouvant aller jusqu'à 90 jours avant la décision finale du conseil municipal. Il s'agit d'un délai non négligeable, surtout si la procédure de conciliation n'a pas un poids significatif dans la prise de décision des conditions exigées en finalité par la municipalité.
Pour l'AQINAC, la procédure de conciliation devrait plutôt devenir un processus d'arbitrage à l'intérieur duquel des professionnels externes pourraient être mis à contribution pour évaluer, par exemple, si l'incorporation des déjections animales au sol peut se faire sans nuire aux cultures. Le processus d'arbitrage semble d'autant plus préférable à la conciliation dans le cas où les marges de manoeuvre accordées aux municipalités comme conditions imposables aux projets porcins restent énoncées de façon assez large, comme c'est le cas actuellement. Évidemment, la mécanique d'un tel processus d'arbitrage reste à être développée, mais, aux yeux de l'AQINAC, sa pertinence ne fait aucun doute. Une procédure d'arbitrage peut également permettre de faciliter l'émergence d'ententes préalablement à la décision d'arbitrage entre les parties en raison du caractère exécutoire de la décision rendue et de son application pour les parties. Enfin, nous croyons qu'un arbitrage favorisera une réflexion et un échange entre les parties reposant davantage sur des considérations techniques plutôt qu'un débat davantage politique et idéologique.
Quand on soulève que la procédure d'arbitrage peut également permettre de faciliter l'émergence d'ententes préalablement à la décision d'arbitrage entre les parties... d'application entre les parties, c'est que c'est sûr qu'il pourrait arriver que les parties, un peu comme votre processus de conciliation pourrait faire ? ou de médiation ? pourrait faire que les deux intervenants qui veulent se présenter au niveau du comité d'arbitrage ne puissent réussir à s'entendre au préalable aussi. C'est une chose qui n'est pas impensable, ça se pratique couramment avant même d'arriver à un arbitrage.
Synthèse des réflexions de l'AQINAC. D'une façon générale, l'AQINAC reconnaît la pertinence d'une consultation publique et le recours à l'émission de permis de construction municipal assujetti au respect des conditions prédéfinies dans la loi provinciale. Par contre, dans sa compréhension des problématiques d'implantation, un processus d'arbitrage est davantage à privilégier qu'un processus de conciliation tel qu'inscrit actuellement dans le projet de loi.
Bien que l'AQINAC conçoit les idées de consultation municipale de permis de construction conditionnel, l'association ne donne pas un chèque en blanc au gouvernement ni aux municipalités. C'est pourquoi des réponses complètes et précises devront être apportées aux différentes questions et inquiétudes soulevées dans ce document de réflexion avant que l'AQINAC ne puisse se positionner définitivement sur le processus d'implantation locale. L'enjeu de la conciliation et de l'arbitrage est pour l'instant crucial, qui fait également référence au niveau de précision des pouvoirs municipaux élaborés dans le projet de loi.
Finalement, l'AQINAC croit que d'autres outils outre le processus d'implantation peuvent être développés pour favoriser un développement durable et une cohabitation sociale. C'est pourquoi l'association croit notamment au développement d'une norme de performance environnementale simple et efficace, au support bonifié au producteur gestionnaire de qualité qui dépasse les normes de production minimales ? nous avons, entre parenthèses, l'agriconditionnalité, je vais y revenir tantôt ?de même qu'au développement à l'échelle d'un territoire d'un plan de développement raisonné de la production.
Donc, pour nous, le processus de cohabitation, ou un processus d'implantation est important. La consultation ou la conciliation, tout ça est très important, mais tout ça doit être accompagné de normes environnementales inspirées des meilleures pratiques environnementales pour s'assurer que le dossier complet de la partie environnementale et sociale soit complété, soit bien fermé, parce que, faire un processus de consultation, ça va, pour diminuer la pression sociale, pour bien expliquer le projet, ça va, mais, tout ça, il faut que ce soit accompagné.
Donc, pour nous, l'aspect de l'agriconditionnalité, c'est un concept qu'on développe. Ça prendra le nom qu'il faudra plus tard, mais on veut s'assurer que le producteur, demain matin, qui est un bon gestionnaire puisse bien gérer l'environnement, la cohabitation, des bonnes pratiques d'élevage. Donc, c'est un tout, en ce qui concerne cette approche-là. Mais, pour l'instant, on se limite à la loi n° 54, mais il faut tenir compte de la partie environnementale. C'est tout.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Lacroix, ça complète votre présentation. Vous êtes parfaitement à l'intérieur des délais, ce qui va nous laisser un peu plus de temps pour les échanges. Et je vais ouvrir dès maintenant cette période d'échange en cédant la parole à la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. À vous la parole.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, M. Lacroix, messieurs, bienvenue. Tout d'abord, merci, merci de participer à nos travaux et merci d'avoir préparé un mémoire à l'intention... à notre intention effectivement, pour nous aider dans notre réflexion afin de faire en sorte de lever le moratoire sur l'industrie porcine le plus rapidement possible. Je le répète, l'intention de notre gouvernement est de faire en sorte que la levée du moratoire puisse se faire le 15 décembre prochain. Parce que, pour nous, un moratoire dans l'industrie porcine est un constat d'échec, et on pense qu'effectivement il y a place à l'expansion de cette industrie-là sur le territoire du Québec.
J'ai pris acte de vos représentations dans le mémoire. J'ai quand même une préoccupation par rapport aux demandes de précisions plus techniques que vous recherchez, qui devraient être inscrites dans le projet de loi, particulièrement aux règles d'épandage, au respect des distances séparatrices, et évidemment le bâtiment... et l'alinéa 5°, là, de l'article 145.35.1.
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(11 h 30)
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Je me pose certaines questions, parce que je rencontre différents producteurs qui me disent souvent, quand je suis dans le Bas-Saint-Laurent, que les règles, les règlements d'environnement au niveau des périodes d'épandage devraient être différents d'une région à l'autre. Tout le monde convient effectivement qu'il y a des régions plus nordiques où les périodes d'épandage devraient être décalées dans le temps. Je fais référence à ma région, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, manifestement on ne peut pas épandre au mois de mai, en tout cas ce n'était pas possible depuis les trois dernières années parce qu'il faisait plus froid et qu'effectivement il y avait encore de la neige dans les champs. Alors, ce que les producteurs dans les régions nous disent, c'est qu'ils ont un peu de difficultés avec des normes, des normes qui sont non flexibles, qui sont applicables indistinctement d'une région à l'autre.
Alors, nous, notre préoccupation dans les conditions supplémentaires à l'émission de permis que nous avons proposées faisait en sorte qu'on puisse respecter, respecter chacune des spécificités des régions, voire même des municipalités. Parce que, quand on parle, par exemple, d'épandage de déjections animales, à l'alinéa 2°, il y a effectivement des réalités de terrain qui sont différentes d'une région à l'autre, voire même d'une municipalité à l'autre.
Alors, ne craignez-vous pas effectivement que, s'il fallait qu'on émette des mesures techniques blindées, là, qui seraient applicables indistinctement quelle que soit la région dans laquelle on serait, on puisse arriver à un résultat regrettable, là, dans l'efficacité, là, qu'on recherche?
M. Lacroix (Yvan): Je suis complètement d'accord avec vous, Mme Gauthier. L'esprit de notre commentaire sur ce qu'on soulève par rapport à la loi... Mais, si les spécificités, les disparités régionales ou les conditions régionales ou municipales font en sorte qu'il faut avoir des méthodes ou des journées d'épandage ou des mois d'épandage différents, il faut que ce soit connu, O.K., d'avance, il faut que ce soit connu et reconnu d'avance dans une région donnée et puis tenir compte de ces discussions-là avec les producteurs locaux et des conditions agricoles du coin.
On est ouverts à cette... Je ne pense pas que ce soient des conditions mur à mur qu'on demande, mais c'est parce que ce n'est pas précisé où qu'on veut en venir avec ça au niveau des lois. Est-ce qu'il faut apporter cette condition-là de spécificité à l'intérieur de la loi? Mais je suis complètement d'accord avec vous qu'il va falloir tenir compte des disparités régionales à ce niveau-là, oui. Avais-tu quelque chose?
M. Forget (Mathieu): Oui, si je peux rajouter? La conclusion de la section 2.2 de notre document de réflexion, on dit: Finalement, nous pensons qu'il serait opportun de développer un outil d'accompagnement municipal, et c'est à ce niveau-là que je vous dirais qu'il est possible de développer justement des outils qui sont encadrés et qui peuvent être... mais, aussi, flexibles en fonction de la réalité de la municipalité ou de la région. Donc, c'est vraiment à ce niveau-là qu'on peut vous donner la meilleure réponse.
Et donc, on le dit aussi, là, il faut qu'il y ait avec ça des agronomes, des ingénieurs ou toutes autres personnes qui ont la compétence pour accompagner la municipalité dans l'évaluation du projet. Mais l'idée, c'est d'avoir une grille qui encadre de façon provinciale une appréciation d'un projet porcin, mais qu'on puisse l'appliquer à la réalité du milieu.
Mme Gauthier: Je ne suis pas certaine d'avoir bien saisi la nuance que vous venez de faire. Vous voulez... en même temps, vous me parlez d'une grille à l'échelle provinciale mais qui serait applicable... mais avec des outils d'accompagnement municipal. Est-ce qu'il vous serait possible de préciser davantage?
M. Forget (Mathieu): Dans le sens où l'idée, c'est qu'il faut avoir un outil d'évaluation qui est comparable d'une municipalité à une autre mais qui permet d'apprécier les particularités de chaque milieu, et donc, avec les spécialistes, de déterminer le niveau parmi les cinq éléments, là, qu'une municipalité va pouvoir utiliser comme usage conditionnel, la façon dont on va pouvoir l'appliquer en fonction de la réalité du terrain. Et ce qu'il faut, c'est d'avoir un outil qui nous permet, une méthodologie qui nous permet d'apprécier... une méthode d'appréciation d'un projet qui soit uniforme, puis par la suite qu'on puisse justement, à travers cette méthodologie-là, apporter la bonne technologie adaptée à la réalité du milieu.
Mme Gauthier: Je voudrais vous entendre aussi sur le dernier alinéa de l'article 145.35.1, in fine, qui se lit comme suit: «L'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité.» L'objectif que nous recherchons, l'objectif avoué, c'est faire en sorte effectivement que des conditions, qui seraient pour certains des conditions acceptables, telles, par exemple, exiger une toiture sur une fosse à purin, pourraient être exagérées dans d'autres circonstances. C'est l'objectif recherché dans le dernier alinéa de l'article 145.35.1.
On a entendu plusieurs intervenants hier en soirée, et tous ont demandé effectivement quelque chose de différent comme alinéa, mais on recherche effectivement l'objectif visé. L'Ordre des agronomes aurait même souhaité ou parlé qu'on mette un pourcentage, qu'on définisse un pourcentage de ce qui serait, par exemple, un impact substantiel pour sa rentabilité; on a même quantifié en pourcentage ce que ça pourrait représenter. Vous, vous voyez quoi comme précisions qu'on pourrait apporter?
M. Lacroix (Yvan): Bien franchement, je n'ai pas fait cette réflexion-là encore. C'est sûr que, nous, on est plus sur la base du principe actuellement de s'assurer que le producteur, comme vous avez soulevé tantôt, s'il a des pratiques... vous parlez d'un toit sur les fosses puis le... ce n'est peut-être pas nécessairement justifié, mais... donc il va falloir en tenir compte dans une discussion sérieuse, plus tard, probablement par un processus d'arbitrage. On n'a pas fait cet exercice-là, Mme Gauthier, pour savoir, O.K.? s'il y a un pourcentage puis...
Par contre, ce qu'on aimerait faire, l'exercice, c'est de voir ce que ça peut rapporter, par contre, un projet dans une municipalité, dans une région. Ça, c'est sûr qu'on va le faire, cet exercice-là, ce que ça peut rapporter au point de vue de l'impact économique. Ça, c'est sûr qu'on va faire cet exercice-là. De là à ce qu'on va pouvoir pousser plus loin le commentaire que vous nous soulevez, comme, style, l'Ordre des agronomes vous a soulevé, on le fera, mais, pour l'instant, c'est sûr que, nous, on a une préoccupation de regarder l'impact économique d'un projet dans une région. Ça fait que, pour l'instant, on n'a pas fait l'exercice.
Mme Gauthier: Si on revient au principe de la consultation, vous avez dit ? et vous en avez témoigné devant la commission du BAPE ? vous avez dit qu'effectivement il serait important d'avoir une meilleure discussion avec les populations locales dans lesquelles municipalités aurait lieu un nouveau projet. Vous avez aussi dit qu'il faut réagir avec transparence. Mais l'inquiétude que vous soumettez, c'est qu'effectivement on devrait... je ne sais pas comment on pourrait le faire, mais on devrait limiter cette consultation à la population locale seulement.
M. Lacroix (Yvan): Oui. Ce qu'on soulève, c'est par rapport à si le projet est local et la population est locale, lorsque le tout va s'exercer, exactement ? parce qu'il y a des avis publics qui vont se faire, donc on risque d'avoir plus que la population locale ? mais c'est un paramètre qui pourrait s'appliquer pour éviter, à mon avis, bien franchement, inutilement à des groupes de pression de l'extérieur qui ne sont pas nécessairement directement liés à ce genre de projet là, ils sont à 50 milles ou 100 milles du projet, ou 100 km. Ça fait que c'était surtout s'assurer que le débat ait lieu sur une base locale, avec les gens concernés, O.K.? localement. C'était juste dans cet esprit-là. Et puis la transparence est là. Le principe de transparence va rester, mais que le débat se limite au niveau local pour éviter des groupes de pression inutiles. Ça reste l'objectif technique et bien encadré.
Mme Gauthier: M. Lacroix, ne diriez-vous pas que des résidents de localités voisines de la municipalité concernée pourraient effectivement avoir intérêt à venir à cette consultation publique, parce qu'ils peuvent être effectivement...
M. Lacroix (Yvan): ...au niveau local.
Mme Gauthier: O.K., «local», vous ne voulez pas dire seulement la municipalité, ça peut être le territoire de la MRC?
M. Forget (Mathieu): Il faut être logique, là. Si... Tout dépendant où est-ce que le projet se fait dans la municipalité. S'il est à la frontière d'une autre municipalité puis qu'il y a des terres dans l'autre municipalité... Quand on parle «local», c'est la localisation du projet. Donc, si le projet touche par ses impacts à deux municipalités, trois ou une, ce qu'on dit, c'est que l'AQINAC espère que ce sera la population visée qui aura le pavé pour débattre lors de la consultation et non pas des groupes vraiment externes qui n'ont pas de lien direct au projet. Donc, c'est vraiment... Il faut se servir de la logique: c'est vraiment par rapport à la localisation du projet.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, Mme la ministre, je reviendrai. Je vais aller du côté de l'opposition. Mais puis-je vous demander une petite faveur, Mme la ministre?
Mme Gauthier: Oui.
Le Président (M. Ouimet): De parler un peu plus près du micro pour que nous puissions bien vous entendre, surtout pour les gens qui doivent transcrire nos débats. Je vous en remercie. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Je veux vous saluer et vous remercier pour venir nous aider à voir clair dans tout cela, dans le projet de loi et les conséquences qu'il risque d'avoir sur le terrain.
n(11 h 40)n Évidemment, il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit et dans votre document. Mais, dans un premier temps, je voudrais m'attarder à une chose à laquelle vous vous êtes beaucoup attardés, c'est-à-dire toute la question de l'arbitrage plutôt que la conciliation.
Alors, vous y voyez un mécanisme plus réaliste, plus efficace. Évidemment, c'est une tout autre chose, faire une conciliation sans avoir la possibilité d'imposer une décision ou de prendre une décision définitive et faire un arbitrage qui conduit à une décision d'un arbitre qui elle est exécutoire. Alors, évidemment, le mécanisme va fonctionner différemment, parce qu'on sait que l'échéance va être différente.
Alors, à ce moment-là, la question que je me pose est la suivante: Les producteurs agricoles du milieu qui vont vouloir développer une porcherie, ou bien les entrepreneurs ou les intégrateurs qui vont vouloir développer une porcherie dans un village, dans une paroisse, vont avoir à faire face à un certain nombre de pressions, probablement dans le contexte actuel où la production porcine est beaucoup décriée, souvent mal comprise aussi.
Alors, est-ce que vraiment dans le contexte actuel les municipalités ont... elles n'ont pas toutes 3 000 habitants, là, certaines en ont 600 ou 300 ou 1 000, donc c'est une population relativement restreinte souvent. Est-ce que la municipalité, dans ce contexte-là, est le lieu vraiment pour gérer l'ensemble des pressions contradictoires qui vont s'instaurer et le gérer de façon... avec les équipements qu'il faut, ou si ? bien, je voudrais compléter ma question, ça va simplifier la chose ? ou si la MRC ne serait pas plus un endroit plus... qui par son envergure permettrait un traitement plus serein de la question?
Le Président (M. Ouimet): M. Lacroix.
M. Lacroix (Yvan): Je vais demander à mon consultant.
M. Aubin (Jean-François): Il y a un élément à l'intérieur de ça qui est important justement, qui est soulevé, c'est la... au niveau de la consultation publique, O.K., il apparaît dans le processus qu'elle est faite au niveau municipal, puis, à ce niveau-là, il n'y a pas... on ne perçoit pas vraiment de problématique à ce niveau-là. Le projet va toucher en premier lieu une municipalité, avec des intervenants qui résident sur ce territoire-là. Donc, que cette procédure-là se déroule au niveau municipal, ça se conçoit très bien.
Par contre, par la suite, là, quand on arrive à la deuxième question, au niveau de l'arbitrage, à partir de ce moment-là, c'est sûr que l'arbitrage, lui, va devoir ? s'il y en a une, procédure ? va devoir être défini: comment est-ce qu'on procède? Et là il y aura peut-être possibilité de regarder si on peut ressortir la procédure d'arbitrage du cadre de la municipalité. Mais là où il faut arriver à concevoir, c'est qu'on veut rechercher le maximum d'ententes au niveau local pour préserver la cohabitation.
La compréhension que l'AQINAC jusqu'à maintenant en a à la suite de la lecture du projet de loi n° 54, quand on parle de la procédure de conciliation, étant donné que c'est une conciliation, on risque beaucoup plus d'encore susciter davantage le débat que d'en arriver avec des ententes.
Là où on peut venir compléter à ce niveau-là, c'est qu'à l'intérieur d'une procédure d'arbitrage il faut... tout le monde est conscient que là les parties prenantes sont aux prises, puis ils vont devoir avoir une décision exécutoire sur un point précis ou deux. Mais, à partir de ce moment-là, si les intervenants locaux se questionnent, puis, O.K., là, il va y avoir une décision de rendue sur: est-ce qu'on incorpore le lisier au sol ou est-ce qu'on n'incorpore pas? bien peut-être que là les parties vont se dire: Bien, on est peut-être mieux finalement de ne pas attendre cette décision-là puis de voir s'il n'y a pas d'autres solutions qu'on peut travailler pour s'entendre, pour éviter d'avoir une décision arbitraire sur ce dossier-là, alors que si on a seulement une conciliation, avec un rapport de conciliation, bien les parties peuvent se dire: Bien, de toute façon, le cadre ne change pas, puis on arrive finalement à susciter davantage de débats, de conflits au niveau local qu'on pourrait en régler. Donc, c'est dans cette logique-là que l'AQINAC perçoit l'utilité, l'importance, là, d'un arbitrage.
Le Président (M. Ouimet): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: C'est très intéressant. Alors, vous verriez dans un premier temps qu'on procéderait par consultation au niveau municipal, le mécanisme d'arbitrage étant là en réserve et pouvant servir, d'une certaine façon, au niveau de la consultation, comme d'une pression. Si vous ne voulez pas une décision imposée par arbitre, aussi bien de s'entendre. Un peu, c'est ce que vous avez voulu dire, je pense. C'est ce que j'ai compris, et, à ce moment-là, l'arbitrage pourrait peut-être fonctionner mieux au niveau de la MRC que de la municipalité. C'est ce que j'ai compris que vous avez dit, sans avoir une position définitive là-dessus.
M. Lacroix (Yvan): C'est ça.
M. Dion: Maintenant, si on va vers un système comme ça, la question qui se pose, c'est: Comment on fonctionnerait pour la nomination de l'arbitre? Qui nommerait l'arbitre? Ou est-ce que ce serait un bassin d'arbitres, national ou régional, ou par MRC? Qui constituerait le bassin d'arbitres? Qui choisirait l'arbitre parmi ça? Avez-vous réfléchi à ça, puisque vous avez quand même réfléchi beaucoup à toute l'importance de l'arbitrage?
M. Lacroix (Yvan): Non, on n'a pas nécessairement pris de réflexion à ce niveau-là encore, non; bien franchement, non.
M. Dion: Vous n'avez pas réfléchi à ça.
M. Lacroix (Yvan): Parce que le processus d'arbitrage était plus présent dans nos réflexions durant le BAPE, mais on ne s'est pas arrêté encore comment la nomination des arbitres se faisait, là, donc ce qui vient au niveau régional, provincial ou... Non, on n'est pas là encore.
M. Dion: Alors, je vous remercie beaucoup. Maintenant, on a pris le problème par son plus petit bout, hein, par la question... un point particulier dans la loi qui est la consultation, avec la possibilité d'arbitrage, qui a été soulevé de façon assez importante par la Fédération des producteurs de porcs en particulier.
Maintenant, la problématique reste entière. La question qui se pose est: Est-ce que, avec des mécanismes comme ceux qui sont prévus à la loi, on est en bonne voiture pour nous conduire, au 14 décembre, à une décision de lever le moratoire, donc d'ouvrir les vannes et de laisser passer les demandes, et ça, sans avoir de plus grands problèmes?
Parce que votre rapport porte surtout sur les mécaniques du projet de loi. Mais, s'il y a des mécaniques, s'il y a un projet de loi, il doit y avoir un problème. Et le problème, il est à la fois double: il est à la fois une réalité objective de pollution qui existe dans l'environnement, qui ne dépend pas uniquement du porc, qui dépend de toutes sortes d'autres choses, des activités industrielles, des activités domestiques, et tout; donc, c'est une réalité. Et je pense bien que notre rôle, c'est de dépasser la mécanique pour essayer de voir si cette mécanique-là va servir à quelque chose par rapport au problème qu'on veut résoudre.
Donc, il y a la question environnementale qui est la question de fond et une question qui est importante mais à laquelle s'attarde beaucoup la loi, qui est la question de l'acceptabilité sociale. Mais l'un ne va pas sans l'autre; si on ne règle pas la question de fond ? l'acceptabilité sociale ? je ne pense pas qu'on va faire un long chemin là-dessus. Alors, la question que je me pose est la suivante: Est-ce que, avec un projet de loi comme celui qu'on a là, avec les cinq conditions que vous avez là, avec... ? bon, enfin, je n'irai pas trop dans le détail pour le moment, mais on y reviendra ? est-ce que vous pensez qu'on a vraiment ce qu'il faut pour que, en levant le moratoire ? admettons que c'est le 15 décembre ? ça aille mieux après que ça allait avant?
M. Lacroix (Yvan): Je vais laisser mon confrère répondre et je reviendrai si nécessaire.
M. Forget (Mathieu): Vous comprendrez qu'on a eu un laps de temps très court, là, pour réfléchir et mettre en place un document à vous proposer, et on s'est concentré sur les éléments, là, les plus importants à notre avis, bien que les autres le soient aussi, mais on avait une problématique de temps en termes de production et de consultation des membres.
Mais, par contre, ce qu'on peut vous dire au niveau de l'AQINAC, la façon dont elle conçoit l'aspect de l'acceptabilité sociale du développement durable de la production porcine, le tout se situe sur trois niveaux: il faut un encadrement provincial intelligent, qui ait un degré de flexibilité. Par la suite, il faut un niveau d'aménagement au niveau régional qui soit performant, où est-ce qu'on a de bonnes connaissances du territoire ? donc, l'aspect régional-MRC est capital; et, par la suite, ce qu'il faut, c'est un bon processus d'implantation, ce qu'on a discuté aujourd'hui, et, la boucle de rétroaction, bien sûr, c'est un suivi cohérent.
n(11 h 50)n Donc, pour nous, ce sont ces quatre éléments-là qui sont la clé d'un développement durable. Mais, comme l'objet de la commission, c'est principalement le projet de loi n° 54, on s'est concentré là-dessus. Mais vous comprendrez que, pour nous, ce qui est préoccupant, c'est le cadre provincial, l'aménagement du territoire qui tienne compte des particularités, qui a des bonnes connaissances, qui oriente bien les règlements municipaux; par la suite, une bonne consultation municipale transparente, et un suivi rigoureux par la suite. Et, comme au niveau du suivi, ce qu'on préconise bien sûr, c'est l'application rigoureuse du REA. J'imagine que le gouvernement va travailler également sur les bassins versants, de l'information qui est actuellement manquante. Donc, là-dessus, c'est vraiment la façon générale comme on imagine un bon développement de la production porcine.
Maintenant, peut-être plus au niveau environnemental, je pourrais céder la parole pour ce qui est de nos normes de performance avec les conditionnalités.
M. Lacroix (Yvan): Je l'ai soulevé tantôt, je soulevais qu'on pouvait avoir un processus d'implantation, un processus de consultation et d'arbitrage, mais il faut que ce soit accompagné de bonnes pratiques environnementales, de normes. Nous, on parle beaucoup de normes, de normes... ce qui va donner une forme de validation que le producteur aura à appliquer chez lui. Des normes qui vont toucher à la gestion des odeurs, des normes qui vont toucher à la gestion du phosphore, de normes qui vont toucher au contrôle... ou un contrôle de qualité qui peut avoir lieu au niveau des fosses.
Donc, ce sont des choses... des éléments que nous avons présentés lors du BAPE qui accompagnaient un processus de consultation et d'implantation. Donc, ça va être très important que les deux vont de front, et puis qu'est-ce que Jean... Mathieu a soulevé, ça va être très important au préalable aussi, avant d'arriver en consultation au niveau de la municipalité, que les balises soient claires aussi, pour que ça ne devienne pas des discussions inutiles, là, que ce soit...
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, moi, je dois aller du côté ministériel. Je reviendrai à l'opposition et je céderai la parole au député de Beauce-Nord qui me l'a demandée depuis un bout de temps. Alors, Mme la ministre de l'Agriculture, à vous la parole.
Mme Gauthier: Merci. À la question posée par le député de Saint-Hyacinthe, je lisais, M. Lacroix, que... votre communiqué de presse, là, annonce effectivement de la politique gouvernementale, là, que nous avons faite avec mes trois autres collègues et où je lisais que l'AQINAC se réjouissait de la décision du gouvernement et où vous attendiez avec espoir effectivement la levée du moratoire, et on en a pris bon acte. Et je comprends aussi que vous avez certaines préoccupations, entre autres au niveau de la procédure d'arbitrage.
Simplement, j'aimerais voir avec vous comment... au niveau... au moment où on se parle, avant la levée du moratoire, qu'est-ce qui arrivait, qu'elle était la situation juridique? C'était qu'un promoteur qui avait un projet allait voir l'Environnement et faisait valider... il demandait un certificat d'autorisation pour savoir si effectivement son projet était conforme à l'environnement. Après cela, il allait à la municipalité évidemment pour demander un permis de construction. Ainsi, il remplissait... s'il était conforme à la réglementation municipale, il y avait effectivement émission de permis.
Cependant, nous, ce qu'on a ajouté, c'est qu'on s'est rendu compte, et vous en convenez aussi, vous en avez témoigné devant le BAPE et vous en témoignez encore ce matin... Ce qu'on s'est rendu compte, c'est que la population avait une perception négative de l'industrie du porc et ce qui a fait en sorte que dans certaines municipalités, même là où il n'y avait même pas d'industrie porcine, entre autres au Saguenay?Lac-Saint-Jean, à chaque fois qu'arrivait un promoteur avec un projet d'établissement en industrie porcine, il y avait une levée de la population qui voulait interdire toute industrie porcine sur son territoire, ce que, nous, on veut atténuer.
C'est que, nous, on pense que la consultation qui sera faite avec les gens de la municipalité, les gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, les gens du ministère de l'Environnement, en lien avec le promoteur évidemment, va faire en sorte d'expliquer davantage qu'est-ce que c'est que l'industrie porcine et particulièrement, précisément, quel est le projet dont on parle et qu'est-ce qui serait, comme normes supplémentaires, acceptable, là, pour la population qui devra vivre comme voisin, là, de la nouvelle industrie. Nous, on pense effectivement que cette consultation-là ? et vous en convenez aussi ? était quelque chose d'important qui... c'est un passage obligé pour l'acceptation sociale.
Maintenant, on prévoit effectivement, lorsque la municipalité émettra son permis avec des conditions supplémentaires, qu'il y ait un processus de consultation... de conciliation, pardon. Vous, vous soumettez que ce serait davantage un processus d'arbitrage.
En termes... en termes de... en termes de frais, en termes de répercussions économiques, ne croyez-vous pas effectivement que le processus... la procédure d'arbitrage pourrait être une procédure fort onéreuse pour les parties?
M. Lacroix (Yvan): Pour les municipalités?
Mme Gauthier: Pour les parties.
M. Lacroix (Yvan): Ah! pour les parties.
Mme Gauthier: Pour le promoteur et les municipalités.
M. Lacroix (Yvan): Souvent, ils se ramassaient... quand il n'y avait pas de procédure d'arbitrage ou de procédure tout court de consultation ou de conciliation, les gens se ramassaient souvent en cour, les frais étaient très élevés, O.K.? Puis, avec juste un processus de conciliation, on risque, je crois, de faire la même chose si les recommandations du processus de conciliation... du comité de conciliation ne sont pas acceptées par les municipalités et que le tollé de réactions qui viennent, peu importe d'où, des municipalités, du promoteur ou des citoyens, on pense qu'on risque aussi de se ramasser en cour possiblement avec des dossiers. Ça fait que, nous, ce qu'on croit, s'il y a un comité d'arbitrage, c'est un peu une forme de tribune... de tribunal administratif, mais le dossier... Puis on croit qu'il risque peut-être d'avoir 5 % à 10 %, dans le temps, des projets qui vont se ramasser là, dans le temps, O.K.? Ça fait que...
M. Forget (Mathieu): Tout à fait. Il y a un élément qu'il faut retenir, là: que ce soit de la conciliation ou de l'arbitrage, l'étape, là, laquelle on discute, si au plus 10 % des projets qui utilisent cette étape-là dans un temps donné, s'il y en a plus que ça, ça va être possiblement un échec du mécanisme, là. Donc, il faut s'imaginer le mécanisme d'arbitrage comme étant un mécanisme de dernier recours qui à notre avis devrait être utilisé de façon... de 5 % à 10 % des cas, pas plus. Sans ça, là, il y a un problème en amont, qui est au niveau du mécanisme d'implantation.
M. Lacroix (Yvan): Puis... Est-ce que je peux... Vous avez soulevé, Mme Gauthier, que dans le processus de consultation il y aurait... il pourrait y avoir le ministère de l'Environnement, de l'Agriculture...
Mme Gauthier: ...de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, des gens de la municipalité évidemment pour...
M. Lacroix (Yvan): O.K. Parce qu'on ne le voyait pas comme ça, nous autres, dans la lecture de la loi. À date, ce qu'on retrouvait, on retrouvait surtout le demandeur et la municipalité et les citoyens. Ça fait que c'est pour ça, dans notre demande, nous, on demande d'avoir la présence du ministère de l'Environnement et du ministère de l'Agriculture présents pour être en mesure d'expliquer techniquement le certificat d'autorisation, ou peu importe, là, O.K., les techniques. Ça fait que, pour nous, c'est environnement d'abord, clair et précis, si je comprends bien tout le processus, et, après ça, il y avait la partie municipalité. Puis la consultation, bien elle ne soulève pas que les ministères vont être présents autour de la table, à moins que je me trompe, à moins qu'on veut m'éclaircir la situation, mais c'est ce que nous lisons.
Mme Gauthier: Effectivement, notre intention, c'est de faire en sorte que, lorsqu'il y aura des consultations, les gens des ministères concernés puissent accompagner et la municipalité, le promoteur, pour une meilleure transmission...
M. Lacroix (Yvan): On est heureux de l'apprendre. O.K.
Mme Gauthier: ...d'information à la population concernée. Je comprends que cela, c'est une de vos demandes.
M. Lacroix (Yvan): C'est sur. C'est ça, exactement. Il faut s'assurer que le producteur ne soit pas seul à expliquer tout l'ensemble de ce dossier mais que techniquement parlant il y a des gens des ministères qui sont en mesure aussi de venir expliquer certains éléments du dossier.
Mme Gauthier: O.K. Hier, on a entendu l'Ordre des agronomes qui suggérait que, avant la levée du moratoire, le gouvernement, peut-être les associations aussi, fassent une meilleure... informent la population du secteur sur qu'est-ce que c'est, le secteur porcin, informent la population effectivement de l'avancement des technologies.
Quelle serait la position de l'AQINAC par rapport à un processus de consultation ou d'information générale qui pourrait être fait avant effectivement le 15 décembre?
M. Lacroix (Yvan): C'est un bon point, parce que c'est complexe, la technicalité, la production porcine. À ce jour, nous, c'est sûr que, la journée... parce qu'on rencontre prochainement, nous, les membres de l'AQINAC impliqués dans l'élevage porcin et on va leur expliquer les conditions de levée du moratoire, puis j'imagine que d'ici... là, on les rencontre le 22 juin, en espérant que le tout va être clair et précis d'ici ce temps-là. Et ces gens-là vont être en mesure d'expliquer ça à leurs membres aussi en même temps ou à leurs producteurs.
Au niveau de la population comme telle, nous, ce qu'on cherche à faire, c'est de développer un centre de documentation générale qui peut servir à l'ensemble des producteurs. Nous sommes en train de bâtir un site Web qui va permettre d'expliquer l'évolution de certains dossiers ou faire comprendre davantage la production porcine, la vulgariser. Ce sont des éléments qu'on veut mettre en place. Ça fait que nous sommes dans ce processus-là. Est-ce que tout ça va se faire avant le 14, le 15? Mais, ensemble, nous sommes en train de bâtir un site Web pour arriver à un centre de documentation qui va servir autant les membres que la population. Et, par la suite... bien c'est à peu près tout ce qu'on peut réussir à faire pour l'instant, là, pour informer.
Est-ce que, maintenant... est-ce qu'il y a possibilité que des fédérations, des associations, des ordres, on puisse se mettre ensemble pour davantage informer la population? Nous autres, on est ouverts à ce genre de discussion. À date, on a travaillé sur notre côté, mais qu'on se réunisse ensemble, c'est encore préférable.
n(12 heures)nMme Gauthier: Dites-moi, à la page 5 de votre mémoire, dans votre conclusion, vous parlez d'un concept qui est «agriconditionnalité». Voulez-vous préciser davantage les tenants et aboutissants de ce concept?
M. Lacroix (Yvan): Pardon?
Mme Gauthier: Voulez-vous en préciser davantage les tenants et aboutissants du concept, parce qu'on parle beaucoup d'écoconditionnalité...
M. Lacroix (Yvan): O.K. Nous autres, c'est parce qu'on avait un peu... C'est parce que nous autres...
Le Président (M. Ouimet): En 30 secondes. M. Lacroix, il vous reste 30 secondes.
M. Lacroix (Yvan): Parce qu'il existe l'écoconditionnalité, puis... Nous, l'agriconditionnalité, c'est un concept de normes qui va s'appliquer dans des pratiques environnementales, dans un processus de cohabitation, que nous avions en tête, là, avant que tout ça sorte, des pratiques d'élevage et de la qualité du produit. Ça fait que ce sont tous des paramètres qui ont été soulevés lors du BAPE. Ça fait que là je dis: Il faut que le producteur devienne dans une agriculture moderne, mais pourquoi qu'il ne serait pas en mesure d'appliquer ces quatre concepts-là en conséquence?
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. Lacroix. Je vais maintenant du côté de l'opposition officielle... non, plutôt de l'opposition, et je cède la parole à M. le député de Beauce-Nord.
M. Grondin: Merci, M. le Président. J'ai combien de temps, pour le fun?
Le Président (M. Ouimet): Vous avez les minutes qu'il vous faut, là.
M. Grondin: O.K. C'est beau. Alors, moi, j'ai... Bonjour à vous tous. Je trouvais que votre introduction, l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière... puis vous... C'est une idée de même, là, il me semble que vous vous préoccupez beaucoup de ce qui sort en arrière du porc, mais votre intérêt premier devrait être ce qui rentre en avant. Est-ce que, dans les céréales, dans les méthodes de nutrition des porcs, est-ce qu'il n'y a pas des choses qu'on ne pourrait pas améliorer pour diminuer les rejets, comme le phosphore, le nitrate, dans l'environnement?
M. Lacroix (Yvan): Oui. Donc, on a établi, à travers les années, des phases d'alimentation. Quand on parle ? on a une approche nutrition, santé et régie ? l'objectif, c'est de faire croître le porc dans un statut santé, O.K.? le mieux placé. Donc, vous avez des pratiques alimentaires et des pratiques de santé qui s'appliquent au niveau d'une production, que ce soit dans le porc ou la volaille. Donc, vous avez des phases d'alimentation. Les gens ont ajouté ce qu'ils appellent de la phytase depuis les 10 dernières années, qui est un contrôle aussi par rapport au phosphore. Donc, tout ça... vous avez les trémies, O.K., d'abreuvoirs, que nous parlons, ce sont des économisateurs d'eau. Ce sont des exemples où l'industrie a appliqué puis a réduit la quantité d'aliments mangés par l'animal. Ça fait que plus que l'animal est mieux placé au point de vue statut sanitaire, mieux son alimentation se fait, et vous avez une conversion alimentaire qui s'améliore. Donc, cette partie-là, elle a contribué par rapport à l'alimentation.
Mais on va plus loin que ça, nous, c'est que en même temps nos gens se déplacent, ils font aussi de la pratique environnementale avec les producteurs, et puis on touche à tous les aspects qu'on vient de vous soulever tantôt par rapport à notre programme. Donc, oui, la phase alimentaire est là.
M. Grondin: Parce qu'on sait tous que les... moi, je suis un ancien producteur, là, je n'étais pas dans le domaine porcin, mais on sait très bien que dans tout ce qu'on parle qui est le problème, c'est le fameux purin, puis il est composé de 90 % eau, puis qu'est-ce qui est le problème, c'est l'eau et la senteur. Puis il y a plein de nouvelles technologies aujourd'hui que les gens peuvent... qu'ils essaient sur leurs fermes pour diminuer tout ça, puis il y en a beaucoup qui fonctionnent. Mais, pour être approuvés soit par l'Environnement, il faut qu'ils passent sur des... il faut qu'ils passent, je pense, pendant un an de temps sur des plateformes d'essai, je pense, pour qu'ils soient approuvés. Mais on le sait très bien, même au niveau de la senteur, présentement il y a des producteurs qui ont trouvé des méthodes, ils ont trouvé des choses qui... ça diminue la senteur énormément. Puis pour diminuer l'eau, ce n'est toujours bien pas compliqué, ils peuvent couper en deux l'eau, puis... Mais c'est le coût que ça coûte pour aller sur une plateforme d'essai un an de temps, c'est des coûts de 100 000 $, 150 000 $ puis 200 000 $. Alors, il y en a plusieurs qui ne le font pas, ne se rendent pas là. Mais il y a plusieurs technologies qui pourraient régler une grosse partie du problème à l'heure actuelle qui sont en marche.
Moi, écoutez, ça me pose beaucoup de questions, parce que vous demandez les compétences, là, vous arrivez en disant qu'il va falloir mettre un autre inspecteur dans le champ avec les agriculteurs pour les contrôler. Je trouve ça très drôle, parce que, écoutez, quand on a vécu dans ce domaine-là... on a déjà, avec un nouveau règlement qui a passé dernièrement ? bien ça fait quelques années: les PAF. Alors, l'agriculteur se promène dans le champ pour étendre son purin ou son fumier, il y a un inspecteur de l'Environnement qui est avec lui, puis là il va y en avoir un autre pour l'encadrer. Ça va faire toute une belle image dans un champ, ça, deux inspecteurs pour regarder un cultivateur étendre son fumier! J'ai un peu de misère à vivre avec ça, moi, là, là. À un moment donné...
M. Lacroix (Yvan): Je ne me rappelle pas que j'aie parlé d'inspecteur.
M. Grondin: Hein?
M. Lacroix (Yvan): Je ne me rappelle pas ce que j'ai soulevé comme inspecteur.
M. Grondin: Non, non, mais vous parlez de quelqu'un qui va aller encadrer les agriculteurs dans...
M. Lacroix (Yvan): Donc, actuellement dans l'AQINAC il existe 800 personnes, représentants techniques, qui font deux fois cet exercice-là sur une base régulière avec les producteurs pour les faire évoluer... Ce qu'on dit, nous autres: si quelqu'un applique correctement des normes, et sont connues et reconnues, et sont bien validées, comme il existe sur le programme HACCP et comme il pourrait exister sous d'autres programmes, par rapport à la traçabilité... Mais tout ça, c'est quelque chose qui devrait se développer ensemble. Ce n'est pas un autre inspecteur qu'on ajoute. C'est qu'il y a déjà toute une équipe technique qui fait ce travail-là, et en plus ont dit: S'il peut y avoir des normes pour que la production animale soit connue rapidement et correctement, pour l'exportation du produit, pour la mise en marché du produit, bien ça va accélérer à mon avis le processus d'application d'une bonne pratique.
M. Grondin: Moi, ce que je veux en venir, c'est qu'il y a beaucoup de pression sur le milieu agricole à l'heure actuelle. C'est réglementé. Moi, d'après moi, là, les règlements, là, il ne faudrait pas en mettre plus, là. Il faudrait faire confiance un peu aux agriculteurs et aux citoyens. Moi, je ne pense pas qu'on peut arriver puis aller dire à un agriculteur comment ça va fonctionner chez eux. Il y a des règlements à suivre. Il est assez intelligent, il les lit, il est capable de les suivre. Il y aussi... On parle des porcs, mais dites-vous que depuis les 15, 20 dernières années tout le milieu urbain n'avait pas des... des assainissements des eaux, il n'y avait rien de tout ça. Aujourd'hui, ils ont ça. Et où ils étendent leur... ils l'étendent dans le milieu agricole. Alors, c'est encore une autre de pression qui s'en va dans le milieu agricole, qu'il faut que les terres l'absorbent.
Moi, je trouve qu'il va falloir les lâcher un peu de temps en temps. Puis c'est surtout les règlements. Moi, là, il y a des règlements, là, il me semble, là... Il me semble que c'est assez. On devrait... J'aime beaucoup l'approche quand vous dites, dans d'autres lois, que vous dites: Il va falloir faire confiance aux citoyens. Mais, moi, je pense, à un moment donné, il va falloir arrêter de vouloir encadrer tout le monde, puis de faire un peu confiance. Dans mon comté, les villes et les agriculteurs, ils se sont fait des ententes. Quand il arrive la période estivale, le temps des vacances, des fins de semaine de trois jours, ils ont pris des ententes avec les agriculteurs: S'il vous plaît, donnez-nous une chance de faire nos festivals, nos activités, dans cette période-là. N'étendez pas de purin. Puis ça fait quelques années que ça fonctionne et ça fonctionne très bien. Puis ce n'est pas un contrat qu'ils ont signé avec personne, là, ils ont fait des ententes entre eux autres. Puis, moi, je pense que, si vous allez faire une visite dans la Beauce, ça marche beaucoup, les ententes comme ça. On n'a pas toujours besoin de signer; quand on dit: on va respecter une affaire, on la respecte.
Alors, moi, je trouve qu'on devrait, au lieu de regarder pour encore réglementer, peut-être penser de faire des ententes, que les citoyens s'assoient ensemble et s'organisent. Puis je pense que c'est la meilleure entente puis c'est elle qui dure le plus longtemps. Alors, c'est tout.
Le Président (M. Ouimet): Il reste 45 secondes. Peut-être M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Bon. Bien, je vais prendre ça simplement pour remercier nos représentants de l'AQINAC, là, d'être venus nous rencontrer, nous exposer son point de vue. Je pense que ce qu'a dit mon collègue est tout à fait pertinent. Or, avec le projet de loi qu'on a là, on s'en va vers plus de règlements. Mais mon problème, c'est que je ne suis pas sûr que ça donne les résultats qu'on veut. Et alors je crains fort que ça n'en donne pas du tout, de résultats, ou très peu. Et à ce moment-là bien évidemment on aura mis plus de règlements, mais pas pour plus de résultats.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, MM. Lacroix, Forget et Aubin, je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission parlementaire.
Et j'invite les représentants, maintenant, de l'Institut national de la santé publique du Québec à bien vouloir s'approcher et à prendre place à la table des témoins.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Ouimet): Alors, juste avant de débuter, compte tenu qu'il est 12 h 10 et que l'ordre de la Chambre requiert une pause à 13 heures, j'ai besoin d'un consentement des parlementaires pour excéder de 10 minutes le temps. Alors, j'ai le consentement. Bien.
n(12 h 10)n Alors, Dr Marc Dionne, vous êtes le directeur scientifique de la Direction des risques biologiques, environnementaux et occupationnels à l'Institut national de la santé publique du Québec, je vous souhaite la bienvenue. Et auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne?
Institut national de santé
publique du Québec (INSPQ)
M. Dionne (Marc): Oui, absolument. Je suis avec le Dr Benoit Gingras, qui est médecin-conseil à l'Institut de la santé publique et aussi à la Direction de la santé publique Chaudière-Appalaches et qui est notre spécialiste des questions santé reliées aux activités agricoles.
Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue. Et vous avez 20 minutes pour nous exposer votre point de vue.
M. Dionne (Marc): D'accord. M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames de la commission, nous vous remercions de nous donner la chance de présenter nos préoccupations sur les éléments du projet de loi qui concernent la production porcine.
Je voudrais d'abord prendre quelques minutes pour vous présenter d'une façon générale qui on est et quelle approche on a par rapport à ces problèmes-là. Donc, l'Institut de santé publique est un organisme gouvernemental nouvellement créé qui regroupe au niveau provincial des équipes spécialistes de santé publique. Nous sommes là pour assister le ministre de la Santé et les responsables régionaux de santé publique à assumer leurs responsabilités.
Le projet de loi, que nous avons rapidement examiné ? et nous vous demandons de nous excuser de ne pas déposer de mémoire, compte tenu du peu de temps que nous avons eu pour nous préparer ? répond à plusieurs de nos préoccupations, à plusieurs des préoccupations qui ont été exprimées par les intervenants de santé publique, particulièrement lors des audiences du BAPE, et qui ont été reprises dans les orientations gouvernementales qui viennent d'être déposées.
Permettez-moi de rappeler que nous situons nos interventions vis-à-vis la pollution agricole et plus spécifiquement celle reliée à la production porcine dans une vision large de la santé publique qui vise non seulement à prévenir les maladies évitables, mais aussi à offrir aux citoyens les conditions d'un meilleur état de santé possible pour tous les membres de la société en agissant sur les déterminants de la santé et pas uniquement sur les causes des maladies. Et en ce sens-là la qualité du milieu de vie nous apparaît un de ces déterminants indispensables justement à une santé optimale. Et nous cherchons dans nos travaux à mettre en balance des approches préventives et des principes de précaution qui vont reconnaître et favoriser la capacité des individus et des communautés à agir en regard des éléments qui les concernent.
Le rôle de l'Institut de santé publique et des responsables de santé publique au niveau régional en matière d'évaluation des risques à la santé et des mesures à prendre pour prévenir, éliminer ou contrôler ces risques va nous emmener à identifier ces problèmes, à caractériser leur impact sur la santé, à en mesurer l'ampleur, identifier les facteurs de risque ou de vulnérabilité, les mesures à prendre pour prévenir les problèmes, atténuer les effets, évaluer l'impact de ces mesures de prévention ou de contrôle. Et à cet égard nous avons de l'expérience sur plusieurs de ces risques. On pense aux risques d'actualité que sont le virus du Nil occidental, les champs électromagnétiques, le radon, les terrains contaminés, les OGM, le béryllium, et j'en passe.
Chacun de ces risques a des caractéristiques particulières, a des mesures d'intervention, d'atténuation ou de prévention particulières. Mais il existe aussi des approches communes en matière de gestion de risques, et nous avons, à l'Institut de santé publique, cherché à mettre à profit nos expériences et celles des responsables de santé publique dans d'autres pays et d'autres communautés pour justement proposer ou développer une approche de gestion de risques en santé publique qui fait une large place à l'information et à la consultation des communautés qui sont concernées par ces risques que les autorités gouvernementales doivent gérer.
En ce sens, les dispositions du projet de loi actuellement présenté vont dans la bonne direction, puisqu'elles identifient spécifiquement plusieurs des aspects problématiques de la production porcine qui présentent un risque potentiel d'atteinte directe à la santé. Ils identifient aussi ceux qui présentent un risque qui va amener à diminuer la qualité de la vie et le contrôle des citoyens sur leur environnement.
Nous trouvons aussi dans le projet de loi des éléments qui favorisent cette participation des citoyens dans le processus de consultation qui serait mis en place par les municipalités pour informer adéquatement... les informer adéquatement et les impliquer dans le processus de décision.
Par contre, certaines dispositions du projet de loi nous apparaissent questionnables à la fois en termes de capacité à mettre en place les mesures d'atténuation du risque ? et le Dr Gingras va vous les développer un peu davantage ? à la fois dans des éléments d'imprécision sur les risques et particulièrement sur les mesures à mettre en place. Et particulièrement à cet égard la dernière phrase de l'article 145.35.1 nous laisse craindre que la prépondérance de la rentabilité économique du projet prévale sur les préoccupations de santé publique. Et lorsque nous nous référons à nos principes de gestion de risques en santé publique, c'est sûr que pour nous la santé publique doit être prépondérante.
Nous trouvons aussi que les approches de gestion de risque qui semblent se dessiner à travers ce projet de loi ne nous apparaissent pas aussi globales que souhaitables ? et là aussi le Dr Gingras va vous identifier de façon plus spécifique ces éléments, là, de globalité de gestion que nous souhaiterions voir davantage développés sinon dans le projet de loi, du moins dans l'approche gouvernementale générale.
Le Président (M. Ouimet): Alors, Dr Gingras.
M. Gingras (Benoit): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, et membres de la commission. Le réseau de la santé publique, et l'institut en particulier, d'abord a fait, a présenté au Bureau d'audiences publiques dans le cadre de ses audiences l'ensemble de la question qui concerne ce qu'on juge les risques à la santé reliés aux activités de production animale et plus spécifiquement de la production porcine, et les risques qui concernent d'abord les questions reliées à l'eau potable, les eaux récréatives aussi, les questions de la contamination de l'air. Et on a insisté peut-être davantage sur cet aspect-là, qui était peut-être moins développé, et élargi aussi notre compréhension de la question des risques reliés à la santé aux aspects psychosociaux en soulignant, entre autres, les problèmes reliés aux conflits vécus en milieu rural, et même en incluant les questions à dimensions socioéconomiques.
Nous avons fait des représentations et des recommandations spécifiques au BAPE en insistant, entre autres, sur l'importance d'un rôle accru du milieu municipal et des citoyens dans les décisions, là, qui sont relatives au développement de la production porcine au Québec et de l'ensemble des activités agricoles, d'ailleurs. Le Bureau d'audiences publiques... ou le rapport du BAPE sur le développement de la production porcine a repris l'ensemble des recommandations santé qu'on lui a fait, et qu'on a retrouvé d'ailleurs récemment, lorsque les orientations gouvernementales visant à préciser un plan d'action sur le développement durable de la production porcine ont été déposées et rendues publiques, en mai 2004. Ces orientations, vous le savez, contiennent principalement... c'est-à-dire essentiellement sept orientations, dont une porte spécifiquement sur la protection de la santé publique. Mais plusieurs autres orientations contiennent des aspects qui concernent aussi les questions de santé publique dans leur application. Et les orientations s'entendaient d'abord... reconnaissaient le principe d'une approche globale en ce qui concerne le développement durable de la production porcine, avec une implication accrue ? et je pense que c'était un élément vraiment central ? une implication accrue du milieu municipal en ce qui concerne les décisions.
n(12 h 20)n Le projet de loi actuel présente principalement un processus de consultation qui était... que nous avions souhaité, là, dans nos recommandations qu'on avait faites au Bureau d'audiences publiques, qui ont été reprises dans les orientations... donc précise le processus de consultation et des mesures de mitigation que le milieu municipal peut demander lorsque le producteur ou un promoteur a reçu, si on comprend bien, là, son certificat d'autorisation de la part du ministère de l'Environnement. Mais, dans le présent projet de loi, on trouve aussi que plusieurs éléments qu'on souhaitait pouvoir être abordés par le milieu municipal et aussi par les citoyens ne sont pas abordés. Le projet de loi n'inclut pas ces différents aspects là, donc ce qui pouvait permettre, ce qui aurait dû permettre l'établissement d'un cadre de cohabitation harmonieuse, là, dans la planification du développement de l'agriculture à l'échelle des territoires des MRC, des municipalités, et qu'on aurait pu retrouver concrètement dans les schémas d'aménagement ou encore les règlements de contrôle intérimaire, notamment une question de zonage de production et des dispositions visant, entre autres, à éviter les concentrations d'élevage.
On ne retrouve pas non plus la possibilité pour le milieu municipal d'agir sur la capacité d'accueil du milieu, la capacité d'accueil, là, de façon générale, qui inclut, bon, la notion de capacité de support agronomique bien sûr sur un territoire ? donc qui fait un lien avec toutes les questions de surplus de fertilisants sur des territoires ? mais aussi l'acceptabilité. Oui, il y a consultation, mais plusieurs autres dispositions nous apparaissent manquantes, entre autres la possibilité donc du milieu municipal à agir sur cette question des surplus, là, de fumier sur son territoire, de limiter les concentrations des élevages sur un territoire, son rôle dans la gestion par bassin versant, mais relié aux activités agricoles. Et, jusqu'à maintenant, il ne semble pas qu'il y ait d'arrimage ? en tout cas ce n'est pas évident ? entre les dispositions qui relèvent... qui sont contenues dans le règlement sur les exploitations agricoles et les pouvoirs du milieu municipal et des citoyens à agir sur le développement de l'agriculture sur leur territoire.
Les orientations précisent aussi nommément la capacité ou l'importance pour le milieu municipal d'agir en ce qui concerne la protection des sources d'eau potable, bon, qui jusqu'à maintenant bien sûr relève uniquement ou était réservée au ministère de l'Environnement. Mais les orientations... Et c'était un souhait aussi du BAPE que le milieu municipal soit plus près un peu des décisions en ce qui concerne cet aspect des répercussions sur l'environnement et qui touche directement, pour nous, là, des questions de santé publique. Actuellement, on ne prévoit d'ailleurs uniquement... ou le règlement sur les exploitations agricoles se limite à une approche ferme par ferme en ce qui concerne les risques sur un territoire qu'il pourrait y avoir sur l'approvisionnement en eau potable, et on se serait peut-être attendus à voir dans le présent projet de loi... à voir apparaître le rôle du milieu municipal et l'influence des citoyens en ce qui concerne une meilleure protection de leur milieu de vie et notamment ce qui les touche directement, les questions d'eau potable, là, auxquelles tous les gens sont particulièrement sensibles.
Les orientations prévoient aussi que des citoyens puissent, par exemple, déposer des plaintes en ce qui concerne les problèmes reliés aux poussières, aux odeurs, au bruit, où sans doute le milieu municipal aurait aussi un rôle à jouer, et ça ne semble pas apparaître dans le présent projet de loi.
Donc, le présent projet de loi semble limité à certaines dispositions qui concernent une consultation, mais qui somme toute semble assez limitée. C'est-à-dire, l'influence des citoyens qui seraient consultés semble se limiter à demander certaines mesures de mitigation... est limitée aux impacts dus aux odeurs... qui, on le reconnaît et on l'avait fait valoir, pour nous est importante, mais l'approche globale de la question du développement des productions animales sur un territoire, et spécifiquement la production porcine, aurait selon nous dû inclure des dispositions, là, qui permettent une plus grande influence des citoyens via le milieu municipal en ce qui concerne les différentes dispositions qui gèrent le développement durable de la production porcine.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ça termine votre présentation, Dr Dionne et Dr Gingras, je vous en remercie. Je vais maintenant ouvrir la période d'échange en cédant la parole au ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir. M. le ministre.
M. Fournier: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous. Je vais prendre à la volée... j'avais d'autres éléments pour commencer, mais je vais prendre à la volée le dernier bout sur lequel vous vous arrêtez, où vous auriez souhaité qu'il y ait un rôle citoyen plus grand à l'égard de l'ensemble de la chose. Et comme on sait, vous et nous, que tout ce qu'on recherche, en tout cas à l'égard de cette consultation-là, c'est l'acceptabilité sociale des projets, il faut aussi... de projets porcins, bien il faut aussi qu'un projet de loi comme celui-ci atteigne un certain niveau d'acceptabilité de ceux qui sont dedans: agriculteurs, monde municipal, citoyens. Il y a donc une question d'équilibre. Et, pour un côté qui en demanderait un petit peu plus, ça se peut que l'autre côté trouve qu'il y en a déjà pas mal dedans.
Alors, si l'exercice de la consultation qui est prévue par ce projet de loi dans un territoire donné à l'implantation vise l'acceptabilité, nous sommes dans le même genre d'exercice en ce moment; nous sommes en train de définir une procédure équilibrée, acceptable pour des parties qui parfois sont opposées, tout au moins au départ, et qu'on cherche à rapprocher dans une mesure où on concilie des usages différents sur un territoire. Et c'est pour ça que, pour un certain point de vue, on pourrait peut-être trouver qu'il manque des éléments. Sachez que, pour un autre point de vue, il est possible qu'il y ait déjà trop d'éléments. Alors ça, c'est peut-être un des éléments qu'on doit avoir à l'oeil lorsqu'on fait une consultation comme celle que nous avons.
Je prends bonne note des éléments que vous trouvez dans le projet de loi. Et d'ailleurs à juste titre vous notez bien que le projet de loi est un élément parmi l'ensemble des mesures qui doivent être mises de l'avant. Les projets de loi et les règlements ne sont pas les seuls moyens de s'exprimer pour un gouvernement, et il y a donc d'autres gestes qui peuvent être posés et qui seront posés à cet égard-là. Donc, il s'agit ici d'un des aspects de l'ensemble de la solution à la question.
J'ai... parmi les questions que j'ai, il y a celles-ci qui sont les derniers propos que vous avez tenus avant de passer la parole à votre collègue, lorsque vous avez dit craindre que la prépondérance de rentabilité... qu'il y ait une prépondérance de la rentabilité de l'industrie ou de l'établissement à s'établir sur la santé publique. Or, on sait bien et on voit bien que la façon dont c'est amené, c'est une question de rentabilité à l'égard des conditions supplémentaires par rapport à des règlements déjà établis qui n'ont pas rapport avec la santé publique. Alors, on va essayer juste de faire un petit échange ensemble pour voir si je vous ai bien compris.
D'abord, l'Environnement est là et a à donner les certificats d'autorisation si tout est conforme. Puis là ce n'est pas... la rentabilité, là, n'est pas tenue compte là-dedans. Si ce n'est pas conforme à la... si ce n'est pas bon pour la santé publique, là, que ce soit rentable ou que ce ne soit pas rentable, il n'y en aura pas. Mais alors la question de rentabilité n'intervient pas à l'égard de l'environnement, elle n'intervient pas non plus à l'égard de la réglementation générale de la municipalité, qui, elle, continue de s'appliquer avec toute sa force. Elle intervient ici à l'égard des conditions supplémentaires qui sont identifiées suite à la consultation qui tente de développer le critère de l'acceptabilité sociale. C'est vraiment à ça que ça se rattache.
Et en ce sens-là, puisque, moi, c'est ma compréhension, c'est certainement l'intention que nous avons, vous ayant entendus, voulez-vous réagir à ce que je dis? Il est possible que des mots que nous ayons choisis continuent légalement de vous faire craindre cela? Sachez que l'intention, ce n'est pas de soumettre que... parce qu'il n'y aurait pas de consultation qui tiendrait, entre vous et moi. S'il y avait une consultation des citoyens, puis le premier mot que le citoyen dirait, c'est: Qu'est-ce que ça donne? Si à la fin vous vous demandez: Si ce n'est pas rentable, ils vont mettre en péril la santé publique? C'est bien clair que ce n'est pas ça qui est l'intention.
Alors, je voudrais vous entendre un peu plus là-dessus, parce que vraiment l'objectif, ce n'était pas de soumettre la santé publique à la rentabilité de l'entreprise, absolument pas. Alors, je veux juste vous entendre un peu là-dessus.
n(12 h 30)nM. Dionne (Marc): Non, mais il est certain, M. le ministre, que, si vous situez cette phrase dans l'ensemble plus large des réglementations, entre autres celles du ministère de l'Environnement, on peut faire cette démonstration-là et la faire comprendre. Mais ce serait important que vous puissiez justement expliquer non seulement à nous mais aussi aux citoyens que les autres dispositions vont assurer que la rentabilité économique qu'on recherche à ce moment-ci, elle est acceptable une fois qu'on a rempli toutes les autres conditions d'acceptabilité sociale et de protection de la santé publique. Donc, en le situant dans l'ensemble, je pense que vous nous réassurez, et vous allez probablement être capable de réassurer les citoyens, là.
M. Fournier: Dans le projet de loi, il les situe, suffisamment encadrés pour bien comprendre que c'est par rapport à l'article en question. Et cet article en question, c'est les conditions supplémentaires associées au permis de construction. Alors à cet égard-là, à mon avis, là, il est suffisamment clair, mais, comme dans tout cas, il n'y a pas eu beaucoup de temps, là, depuis le début, alors je pense que ça vaut la peine peut-être de préciser. Incidemment, vous avez soulevé des questions sur les contingentements de production; j'ai eu l'occasion de le dire, on l'a dit aussi en conférence de presse, mais il y a certains libellés, là, qui vont s'ajouter avec des papillons, dont celui-là, là, pour assurer qu'il y ait aussi des mesures à cet égard-là. Je viens sur cette question incidemment. Vous avez parlé de l'importance d'associer, si j'ai bien compris, là, le monde municipal puis les citoyens aussi peut-être... à être impliqués plus dans la question environnementale, participer à... que la consultation vise même des questions qui ont rapport avec la santé publique ou l'environnement, donc pas une consultation qui porte sur les conditions supplémentaires associées au permis de construction, qui sont des «comment faire l'aménagement»... Parce que d'abord la consultation, elle vient à une époque où on se dit: Bon, il y a une possibilité d'avoir de l'implantation. Comment on va la faire? C'est ça, la consultation. Vous semblez dire qu'il faudrait qu'il y ait une consultation, une implication municipale plus grande, non seulement dans le «comment on va la faire», mais dans: Est-ce qu'on va pouvoir implanter?
Est-ce que je vous ai bien compris quand vous me dites finalement que les méthodes actuelles, notamment le certificat d'autorisation de l'Environnement, ne sont pas suffisantes pour assurer le respect notamment des questions de santé publique, pour autoriser l'implantation?
M. Gingras (Benoit): M. le ministre, effectivement, c'est ce que d'abord nous avons fait valoir au Bureau d'audiences publiques. Il nous semble que le BAPE ait repris ce constat-là aussi que les dispositions actuelles contenues dans le Règlement sur les exploitations agricoles n'étaient pas suffisantes pour protéger la santé publique ? c'est ce qu'on a compris des dispositions ? et il nous semble aussi que les orientations qui ont été déposées et qui ont été le résultat, là, d'un travail interministériel ont aussi reconnu qu'il y avait des dispositions supplémentaires au Règlement sur les exploitations agricoles qui devaient être rajoutées.
Lorsque, tout à l'heure, vous faisiez référence à des conditions supplémentaires, bien c'est justement ce que le BAPE est venu dire au gouvernement, c'est qu'il reconnaissait qu'il était nécessaire d'ajouter des conditions supplémentaires à celles qui prévalent actuellement dans le Règlement sur les exploitations agricoles. Et, nous, pour des raisons de santé publique, on considère que les citoyens devraient être plus près des décisions qui concernent les activités agricoles sur leur territoire, parce que justement on considère que celles qui prévalent actuellement ne sont pas suffisantes.
M. Fournier: Bon. Vous me dites que le citoyen doit avoir une prise ? et une prise, une capacité même de décision, peut-être par le conseil municipal ? non seulement sur le «comment on va aménager», mais sur le «est-ce qu'on va aménager», est-ce que ça répond à la santé publique? Plutôt que d'avoir d'autres instances qui revoient, par exemple, leurs critères, qui les solidifient, qui les améliorent, qui vont établir cela pour vous, le niveau municipal devrait pouvoir décréter par lui-même si c'est valable pour la santé publique ou non?
M. Gingras (Benoit): Bien, écoutez, probablement pas. Certainement pas seul, et je pense qu'il n'est pas nécessairement souhaitable que ce soit le municipal qui ait tout le pouvoir en ce sens-là ? parce que, bon, le milieu agricole a aussi à faire valoir ses prétentions et ses droits aux activités agricoles en milieu agricole, ça ne se fera pas ailleurs qu'en milieu rural, c'est certain ? mais que, oui, le milieu municipal pourrait avoir la possibilité d'intervenir davantage en consultant notamment, par exemple, les directions régionales de santé publique, qui dans chaque région sont aussi près de leurs citoyens, des préoccupations des citoyens. Et, dans une approche générale de gestion du risque, en tout cas nous, on... le réseau de la santé publique reconnaît l'importance que les citoyens soient davantage impliqués dans les décisions qui concernent leur milieu indirectement.
Le Président (M. Ouimet): Dr Dionne, et puis par la suite je devrai aller du côté de l'opposition officielle.
M. Dionne (Marc): Juste pour compléter. C'est sûr que l'intervention des citoyens dans le cadre des discussions municipales ne porterait pas, dans notre avis, uniquement sur des questions de santé publique, là. Donc, elle porterait sur l'ensemble des autres conditions. Donc, on ne voyait pas faire reposer sur les citoyens au niveau d'une municipalité tout le poids de l'évaluation de l'impact sur la santé publique.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, on reviendra, M. le ministre, merci. Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean et porte-parole pour l'opposition officielle en matière d'environnement.
M. Tremblay: Oui. Merci. Alors, bienvenue à cette commission. Pour l'opposition officielle, il est clair que nous aurions souhaité que ce projet de loi soit scindé en deux pour que nous puissions traiter de l'industrie porcine dans un bloc. Et je crois que c'est un peu ce que nous faisons aujourd'hui, mais n'empêche que, pour s'assurer que la levée du moratoire se fasse en ayant une certitude que tout se fera en respectant l'environnement et la santé des populations, mais aussi la volonté des agriculteurs, il nous manque des pièces du puzzle, qui sont à venir finalement à l'automne prochain.
Mais, puisque vous êtes des spécialistes de santé publique, j'aimerais vous poser des questions pas nécessairement sur le projet de loi... sur les articles du projet de loi actuel, mais bien plus sur ce qui justement manque au plan d'action pour la levée du moratoire. Notamment, bon, on avait, l'ancien gouvernement avait fait la demande de l'étude de caractérisation de sept bassins versants, les sept bassins versants les plus contaminés. Je ne sais pas si c'est vous, le maître d'oeuvre de cette étude, et je ne sais pas si vous accepterez de nous en parler, d'une part. D'autre part, il y avait une étude épidémiologique qui devait être aussi connue publiquement. Si vous ne pouvez pas parler du résultat de ces études, est-ce que vous pouvez nous dire, nous donner une échéance, à savoir où est-ce que c'en est rendu?
Le Président (M. Ouimet): Dr Dionne.
M. Dionne (Marc): Je vais vous en parler un peu. En fait, on a confié à l'Institut de santé publique la responsabilité de faire les volets santé de cette étude sur les sept bassins versants, là, on a fait ces études-là avec le ministère de l'Environnement, et, je crois, le ministère de l'Agriculture qui y a contribué un peu. Donc, chez nous, c'est le Dr Patrick Levallois, qui est notre spécialiste des questions reliées à l'eau potable, qui est un médecin spécialiste en santé communautaire, épidémiologiste, qui a mené ces études, avec une grande contribution, là, d'une équipe à laquelle le Dr Benoit Gingras a participé.
Nous, nos travaux, nos conclusions, les études ont été déposées un peu avant Noël, et elles sont actuellement dans les mains du ministère de l'Environnement pour être diffusées, là, de ce que j'en comprends, l'ensemble des études à être diffusées en même temps. Puis je pense que c'est raisonnable, compte tenu que c'était un programme d'ensemble, de déposer ces études-là dans un ensemble.
J'ai parlé ce matin avec le Dr Levallois, là, on a fait rapidement une révision des conclusions. J'ai vu les études, on en a discuté à l'interne, on en a discuté aussi avec nos collègues du ministère de l'Environnement. Donc à ce moment-ci il est probable que les études que nous avons menées ne montrent pas un impact significatif de la production agricole dans les milieux où on l'a étudiée; avec les méthodes qu'on a utilisées, on ne semble pas mesurer un impact significatif sur la santé des populations dû à la pollution agricole reliée à l'eau.
Donc, on comprend bien que c'étaient des études qui portaient sur la contamination de l'eau, qui ont des limites, donc on ne peut pas conclure définitivement qu'il n'y aura pas d'impact, mais ces études qu'on a menées dans sept versants avec des méthodologies, là, au moins deux méthodologies: une d'observer les gastroentérites en relation avec la contamination observée depuis, et l'autre, mesurer des hospitalisations dans les milieux des versants où on a fait l'étude comparés à d'autres milieux, il ne semble pas y avoir d'impact ou de problème majeur à ce moment-ci. Mais avec les limites que j'amène... et on sera certainement plus confortables, lorsque les études seront rendues publiques, de les commenter plus en détail.
n(12 h 40)nM. Gingras (Benoit): Et si je peux rajouter, Dr Dionne, M. le Président, il y a un volet des études qui est une étude écologique, là, donc sur territoire, qui montre qu'il est possible qu'il y ait une fréquence accrue de certains problèmes de santé qui pourraient être reliés à l'eau, mais le lien direct, de cause à effet, ne peut pas être établi par cette étude-là. Et c'est ce qui... Dans les orientations, aussi, encore une fois, il était prévu d'améliorer nos connaissances sur l'impact. Donc, on prévoit mener des études à des échelles un petit peu plus locales pour essayer de préciser les éléments qui sont sortis dans le cadre des études épidémiologiques qui ont été menées, là.
M. Tremblay: J'essaie de comprendre. En fait, les recherches que vous avez faites, c'est, par exemple, celles d'aller percevoir de l'eau dans les nappes phréatiques, de regarder leur taux de contamination phosphorique, ou je ne sais pas trop quel autre contaminant qu'il pourrait y avoir, et d'analyser si les particules par millions, par exemple, de contaminants dans cette eau peuvent avoir un effet sur l'humain. Si je comprends bien, vous me corrigerez, d'une part. Et, d'autre part, est-ce que... Actuellement, ce que vous testez est une étude du présent, dans le sens que mon inquiétude, bien en fait l'inquiétude que plusieurs me transmettent comme porte-parole de l'environnement est le fait de savoir qu'il y a une accumulation de phosphore dans les terres qui sont en surplus, et cette accumulation-là, si... puisqu'on connaît mal dans combien d'années elle pourra atteindre les nappes phréatiques, donc nous avons une connaissance actuelle de la contamination des nappes phréatiques, mais est-ce que dans 10 et dans 20 ans, d'autant plus dans une perspective où on continuera de faire de la production, est-ce que ces nappes phréatiques seront atteintes?
Et là je ne le sais pas si c'est à votre niveau, parce que la vitesse d'atteinte des bassins d'eau par le phosphore, ce n'est peut-être pas de votre ressort de calculer ça, mais... Oui, voilà, j'espère que vous comprenez ce que je veux dire à l'égard du présent et du futur en termes de contamination?
M. Gingras (Benoit): Les études ont porté spécifiquement sur la contamination microbiologique et chimique, mais spécifiquement en ce qui concerne la présence de nitrates, les concentrations de nitrates dans des puits privés, à l'échelle de sept bassins versants au Québec, la contamination donc microbiologique qui pourrait amener la présence d'indicateurs de contamination dans ces puits-là.
Alors, c'est... donc une étude de la qualité de puits individuels et non pas de la nappe phréatique comme telle, parce qu'il y a beaucoup de paramètres qui peuvent influencer la qualité de l'eau des puits individuels. Et les résultats globaux en ce qui concerne la contamination microbiologique sont plutôt rassurants. Donc... mais il s'agit d'un portrait à un moment donné, hein, d'une photographie à un moment donné. Ça ne peut pas présumer de l'évolution, mais actuellement on peut considérer que le portrait est plutôt rassurant, quoique, bon, en tout cas il y a toutes sortes d'éléments, là, il est possible qu'à d'autres périodes de l'année la situation puisse être différente.
En ce qui concerne les nitrates, encore là les concentrations ne sont pas très élevées. Donc, le portrait, encore là, est plutôt rassurant, quoique on a identifié certains secteurs où les concentrations de nitrates pourraient être à même de présenter des risques, mais probablement d'importance relativement faible. Encore là, une fois, actuellement il s'agit d'un portrait précis.
En ce qui concerne le phosphore, il s'agit d'une autre problématique, là. Le phosphore en soi ne constitue pas un élément qui peut présenter des risques à la santé immédiatement. Le problème du phosphore est que lorsqu'il se retrouve en concentration élevée dans les eaux de surface, qui éventuellement pourraient servir d'approvisionnement en eau potable, il complique le traitement de l'eau et peut perturber aussi les analyses microbiologiques qu'on peut y faire, et à ce moment-là non pas le phosphore comme tel, mais les conséquences, présence de matières organiques, etc., peuvent amener des municipalités, là, à avoir de la difficulté à traiter en vidant les... Ce qu'on constate d'autre part, c'est qu'il y a beaucoup de petits réseaux en milieu rural qui ont de la difficulté... enfin qui se retrouvent souvent dans des situations hors norme, là, mais sans que ce ne soit toujours bien sûr, là, relié à la concentration de phosphore dans les eaux de surface.
Donc, les études épidémiologiques ont fait aussi... bon, ça, il s'agit de la caractérisation de l'eau, mais on a regardé: Est-ce que ces contaminations-là, lorsqu'il y en avait, pouvaient amener des risques à la santé, et encore-là le portrait global, là, actuellement est plutôt rassurant.
Le Président (M. Ouimet): Alors, je reviendrai à vous, M. le député du Lac-Saint-Jean. Je retourne maintenant du côté ministériel. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Fournier: Oui, je vais revenir sur ce qu'on discutait tantôt, assez brièvement. Ce qu'on cherche ? en le disant comme ça, vous allez comprendre où je m'en vais ? quand on parle d'acceptabilité sociale, donc la consultation qui est visée ici, ce qu'on veut faire, c'est, je dirais, acceptable pour la vie en société. C'est ce qu'on cherche: déterminer les conditions qui rendent l'implantation acceptable pour la vie en société; c'est là-dessus que porte la consultation. Quand vous me soulevez une consultation sur les questions de santé publique, j'ai l'intention de vous dire que «acceptable pour la vie», pas la vie en société, acceptable pour la vie, donc pour la santé, ce n'est pas une discussion ? en tout cas je peux bien être convaincu si on me donne les arguments ? que je veux soumettre à une discussion pour une négociation pour trouver des façons de faire. Si l'implantation n'est pas acceptable pour la vie, pas acceptable pour la santé, il n'y a pas de consultation, il n'y a pas d'implantation. Il n'y a pas lieu donc à une consultation, il n'y a pas lieu à des conditions.
Si je soumets... si j'embarque dans une consultation où on va se demander, à cette consultation... parce que, moi, où je diffère d'opinion, vous me dites: On ne parlera pas juste de santé publique, à cette consultation-là, on va parler d'autres aménagements; moi, je pense que, si la discussion porte là et que localement on se demande si ici ça correspond à la santé, puis, 3 km plus loin, un autre conseil municipal a aussi un choix, puis lui dit non ? c'est des spécialistes qui peuvent évaluer si c'est acceptable pour la santé ? comment cette consultation-là, pour vous, devient un endroit où on détermine l'acceptabilité pour la santé? Comment cette consultation qui le fait... Que les gens soulignent des éléments, cela va de soi, mais qu'il y ait des gens sur place, des experts sur place qui sont là pour déterminer comment ils en sont arrivés à établir que c'était correct au point de vue de la santé. Et donc ce qui reste, c'est d'aménager l'acceptabilité ou... la vie en société, ça, c'est un autre élément.
M. Dionne (Marc): Je pense qu'on est tout à fait d'accord, là, M. le ministre. Pour moi, la consultation, elle doit porter sur l'acceptabilité de la vie en société. Les dimensions santé publique sur la vie, l'impact sur la vie, sur l'être biologique, on peut les documenter, mais ça restera toujours à mettre en balance avec d'autres situations. C'est sûr qu'on a amené un des principes de gestion de risques: priorité à la santé publique, mais ce n'est pas le seul. Donc, il y a des situations où le risque peut être hypothétique, ou des situations où le risque à la santé... le dommage peut être grandement mis en contrepartie à des bénéfices.
Donc, pour moi, la consultation, elle doit porter sur l'acceptabilité de la vie en société, alimentée par des données sur l'impact santé, l'impact sanitaire que les experts de la santé vont apporter, et notions aussi de perception. Mais finalement que les citoyens sentent qu'on les a bien informés et qu'on ne leur a pas caché rien, d'information sur le plan de la santé.
M. Fournier: On se comprend alors, parce que je pense effectivement que la consultation permet de donner de l'information sur l'acceptabilité par rapport à la vie elle-même. Je pense que c'est une bonne chose, parce que évidemment les gens se posent... sans aucune transparence, sans aucune information, ils se posent justement la question, cherchant en vain des réponses, et donc, quand tu n'en as pas, tu développes le critère... le principe d'avoir peur d'avoir peur finalement, là.
M. Dionne (Marc): On se retrouve souvent à gérer des situations où on a l'impression parfois que les gens voudraient, souhaiteraient un risque zéro. Donc, ce qu'on amène, dans la santé, c'est que le risque zéro, ça n'existe pas. Qu'on parle d'instruments en milieu hospitalier qui peuvent être contaminés, qu'on parle de potentiel de transmission de risques... Même actuellement, si on regarde le système de sang au Québec, il est parfaitement sécuritaire, mais il peut y avoir encore des problèmes.
n(12 h 50)n Donc, il n'y a aucun des mécanismes qu'on a mis en place pour limiter le risque qui peuvent à ce moment-ci garantir aux gens qu'il y aura un risque zéro. Et c'est des choses qu'on doit aussi expliquer à la population, aux gens. Ça fait qu'on fait du mieux qu'on peut, mais on ne pourra pas leur garantir un risque zéro. On essaie de comprendre les risques, on essaie d'identifier les meilleures mesures pour s'en protéger, mais il y aura toujours des risques qu'on ne connaîtra pas assez bien, il y aura toujours des mesures qui ne seront pas complètement efficaces. Et, si on regarde un des problèmes avec lequel on vit actuellement, la problématique du virus du Nil occidental, on met en place les meilleures mesures qu'on pense mettre, mais on est certain qu'il y aura des gens cette année qui seront encore infectés par le virus occidental, et il est probable qu'il y aura des gens qui auront des impacts négatifs sur la santé, mais on leur explique ça, donc les gens comprennent quel est le programme gouvernemental actuellement qu'on met en place pour la prévention de ce risque. Et je pense que la société peut accepter que à un certain moment donné toutes les ressources de la société ne peuvent pas être utilisées pour obtenir une réduction marginale d'un risque qui reste là.
M. Gingras (Benoit): Et, si je peux me permettre pour compléter, M. le ministre, M. le Président, lorsque vous parlez, M. le ministre, de l'acceptabilité, bien il faut comprendre aussi que la perception du risque par les gens est un élément de l'acceptabilité. Qu'il y ait objectivement, même si c'est souvent difficile à préciser, présence ou pas d'un risque, la perception de la présence ou pas d'un risque par les citoyens est un élément fondamental dont on doit tenir compte dans un concept d'acceptabilité d'un projet quelconque sur un territoire.
M. Fournier: Tout à fait d'accord avec vous. C'est pour ça que la consultation doit aussi servir non pas juste à entendre, mais à donner de l'information, à dire voilà ce qui en est. Puis je pense que, s'il n'y avait pas ça, il n'y aurait pas beaucoup d'acceptabilité sociale, parce que dans le fond l'objectif de la consultation, c'est de dire: Bien, on a un portrait général de la situation... risque zéro, si on voulait tout faire pour qu'il n'y ait jamais de risque, vous ne seriez peut-être pas assis à cette table puis moi non plus, on serait tous chacun chez nous puis on ne bougerait pas jamais. Vivre en société, ça comporte ses risques.
Mais il faut la donner, l'information. Je pense que c'est pour ça que l'objectif, c'est d'avoir un forum, une consultation où c'est transparent, où on donne de l'information. Il y a des perceptions initiales. Moi, je pense que la gageure là-dedans, c'est qu'au départ les gens ont des perceptions. On donne l'information, ça peut moduler, ça peut influencer les perceptions. Ça ne veut pas dire que ça va changer l'opinion de tout le monde, là. Mais ça, il faut... On vit dans une société démocratique. Il faut respecter que, tous, nous n'ayons pas les mêmes opinions. Ça nous arrive ici, des deux côtés de la table, des fois de ne pas avoir la même opinion, puis, moi, je trouve ça tout à fait correct. Même si on veut généraliser le cas où on peut s'entendre, il reste que c'est souhaitable qu'on ne s'entende pas, dans une démocratie.
Je veux m'arrêter sur une autre question que vous avez soulevée tantôt, que je n'ai pas saisie. Vous dites: Il n'y a pas de place pour le citoyen de faire des plaintes, notamment sur les odeurs. Je ne sais pas si vous vouliez dire: c'est une fois qu'il y a l'implantation, ou une fois que c'est fait, ou... j'essayais de comprendre ce que vous nous disiez. Parce qu'évidemment une consultation, c'est pour que les citoyens soient entendus, mais peut-être que vous vous adressiez à autre chose que la consultation initiale qui permet l'implantation?
M. Gingras (Benoit): J'essaie de retrouver dans les orientations qui ont été rendues publiques, les orientations gouvernementales, où on y fait spécifiquement allusion. Donc, c'était dans l'orientation 3.3 où on parle d'un développement de la production porcine respectant le milieu de vie. Et, en dernier élément, il est mentionné, toujours conformément aux recommandations de la commission, donc que le gouvernement mettra en place un organisme décisionnel spécialisé chargé d'intervenir à la suite d'une plainte en raison de poussières, des bruits et des odeurs qui résultent de certaines activités agricoles, et la mise en place d'«un processus de conciliation obligatoire ou, en cas d'échec de la conciliation, d'imposer une décision arbitrale». Cet organisme pourrait arbitrer les plaintes entre des citoyens et un producteur agricole.
Mais, évidemment, ce phénomène-là qui se passerait à l'échelle d'un territoire où on verrait probablement, là, la municipalité ou des gens... soit de la municipalité ou de la MRC pouvoir avoir un rôle en consultation, par exemple, avec les organismes régionaux ou de santé publique pour alimenter les réflexions autour d'une plainte concernant les poussières, les bruits et les odeurs... Parce que, évidemment, s'il y a une plainte, c'est que les gens estiment que leur santé ou leur bien-être peut être atteint, là, en raison de la présence de trop grandes concentrations de poussières, de bruits et d'odeurs.
M. Fournier: On se comprend, ce n'est pas par rapport à l'implantation ou l'agrandissement, c'est par rapport à la poursuite de l'entreprise, au développement de l'entreprise au jour le jour, là. Ces plaintes-là dont vous parlez sont des plaintes... parce que le projet de loi ici, c'est un projet de loi qui vise à permettre la levée d'un moratoire, donc à faire en sorte de trouver une manière de permettre qu'il y ait effectivement la mise en place ou l'exercice du droit de produire, dans son implantation. Donc, il y a une mécanique qui permet cela.
Ce dont vous me parlez, ce n'est pas à l'égard de nouvelles installations ou d'agrandissement d'installations, c'est à l'égard, c'est à l'égard de la vie de tous les... c'est d'autre chose que ce qui est envisagé par le projet de loi.
M. Gingras (Benoit): Oui, oui. C'est exact. Mais ce qu'on mentionne, c'est que dans le présent projet de loi on ne voit pas apparaître de rôle éventuellement de la municipalité à cet égard.
M. Fournier: Et de fait je vous... Je termine...
Le Président (M. Ouimet): Vous terminez.
M. Fournier: ...juste pour dire que le projet de loi vise quelque chose de bien particulier par rapport au grand ensemble, et ça, c'est d'autres choses, là.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Ça va. Alors, merci, M. le ministre. Je reviens maintenant au député de Lac-Saint-Jean. Il vous reste 10 min 40 s.
M. Tremblay: O.K. Oui. Vous nous avez confirmé tout à l'heure que les nitrates... Et là je vais faire un petit peu de pédagogie pour moi et pour la population qui nous écoute peut-être: les nitrates sont l'élément chimique qui descend dans la terre et atteint les nappes phréatiques, grosso modo, et le phosphore reste davantage en surface et s'agrippe plus aux éléments de surface. Est-ce que vous pourriez nous faire un petit résumé de... est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire?
M. Gingras (Benoit): Bien, écoutez, il s'agit ? là ce que vous décrivez ? plus de notions d'agronomie, dont je ne suis pas bien sûr spécialiste. Maintenant, ce que je peux mentionner c'est que les nitrates, compte tenu de leur grande solubilité, migrent facilement à travers le sol pour rejoindre les nappes phréatiques, alors que le phosphore est une substance qui a plutôt tendance à être adsorbée, là, accolée à des particules, et c'est pour ça qu'il a plus tendance à rester en surface. Mais on pourrait retrouver la présence de phosphore dans des eaux souterraines aussi. Mais j'arrête là l'explication, mes connaissances de nature agronomique sont quand même relativement limitées. Mais c'est à cause de leur solubilité, grande solubilité que ce sont plutôt les nitrates qui tendent à migrer progressivement et à se retrouver au niveau des nappes souterraines.
M. Tremblay: C'est clair, M. le Président, que, lorsque le ministre ou les ministres vont déposer les études qui ont été déposées par l'Institut de santé au mois de décembre dernier, c'est clair que ce serait intéressant que la commission puisse prendre connaissance de cette étude et qu'ensuite nous puissions poser des questions. Parce que, moi, je ne veux pas faire ça pour chercher des poux où est-ce qu'il n'y en a pas mais bien plus m'assurer que la santé publique n'est pas en danger et, de ce fait, nous donner l'assurance que, lorsqu'on lève le moratoire, on peut le faire avec une certitude qu'il n'y a pas de problèmes avec la santé. Et je le répète, je suis en faveur de la levée du moratoire, si ce n'est que pour mes agriculteurs chez nous qui le souhaitent, mais que ça se fasse justement dans un consensus social. Donc, je veux juste m'assurer, là, que les députés de l'autre côté soient certains que je ne cherche pas des poux où est-ce qu'il n'y en a pas.
Le Président (M. Ouimet): M. le député, je vous invite à transmettre votre suggestion au leader de votre formation politique, et puis, s'il y a une décision dans ce sens, avec un ordre de la Chambre, on pourra siéger à nouveau.
M. Tremblay: Parfait. Alors, ma question sera à l'égard de la recommandation 17, au fait que «la commission du BAPE recommandait de faire des études sur les taux d'exposition des populations aux contaminants atmosphériques dans les milieux à forte concentration de production porcine». Et dans la même veine la commission recommandait de faire des études sur les travailleurs de l'industrie porcine qui sont exposés fortement en fait aux particules dans l'air ou aux odeurs. J'aimerais que vous puissiez nous dire... parce que, moi, je m'inquiète davantage de la contamination de l'eau que de l'air, mais ce que je vois dans le rapport du BAPE c'est qu'il y a des préoccupations à l'égard de la qualité de l'air.
M. Dionne (Marc): On a déjà reçu à l'institut, là, il y a quelques semaines, un mandat et un financement pour mener à bien des études. Donc, on est en train d'identifier actuellement qui sera ce que j'appelle notre responsable scientifique, on est déjà en train de constituer une équipe pour justement pouvoir mener, à travers ce mandat et ce financement qu'on vient de recevoir du ministère de la Santé, je pense, dans le cadre de la foulée des orientations du gouvernement... Donc, déjà il y a eu une décision de prise de nous donner un mandat et du financement, et on devrait être en mesure, là, dans les prochaines semaines, évidemment l'été arrive, mais, je crois, en septembre, d'avoir des protocoles qui vont nous permettre justement de mesurer ou d'améliorer nos connaissances sur des éléments qui sont peu connus, entre autres sur cette question, là, de contamination de l'air et sur les problèmes de santé présentés par les travailleurs.
Donc, le Dr Gingras sera certainement impliqué dans cette équipe scientifique, et peut-être qu'il pourra nous donner un peu un preview de ce qu'il aurait le goût de faire avec les budgets dont on dispose maintenant.
Le Président (M. Ouimet): Je ne veux pas vous interrompre, mais j'ai la députée de Bourget, porte-parole au niveau des affaires municipales, qui souhaite, elle aussi, intervenir dans le débat. Alors, avec votre... je vais lui céder la parole.
n(13 heures)nMme Lemieux: Merci, M. le Président. Je ne suis pas du tout une spécialiste de ces questions, mais je veux bien comprendre. Est-ce que, par exemple, en ce qui a trait à la dernière question qui a été abordée par le député de Lac-Saint-Jean, je comprends que la question de la qualité de l'air et les problèmes de santé publique, à part le fait, là, que ça peut être désagréable à certains moments, là ? on est dans un autre domaine ? au niveau de la qualité de l'air, on n'a pas mesuré jusqu'à maintenant les effets négatifs sur la santé publique quant à une production porcine mal gérée sur l'aspect de la qualité de l'air. C'est ce que je comprends?
M. Gingras (Benoit): Non, ce n'est pas tout à fait ça, Mme la députée. Au Québec, on n'a pas réalisé d'études sur les effets sur la santé des citoyens qui habitent dans des régions à forte densité de production porcine. Ça a été fait dans d'autres pays. Il y a plusieurs groupes de travail, aussi, scientifiques qui se sont penchés sur cette question-là, parce que c'est une question très sensible dans plusieurs pays producteurs de porc, et ils ont constaté, d'une part, bon, des effets de nature psychologique. Certaines études ont constaté des effets de nature psychologique dans des populations habitant ces voisinages-là, comparativement à des populations comparables où il n'y a pas de production animale. Mais on a aussi... quelques études ont aussi démontré des effets d'autre nature, même sur... de type irritation des voies respiratoires, alors que, lorsqu'on fait des dosages, des concentrations des molécules dans l'air ou des substances ou des gaz à une certaine distance, ça ne semble pas, ces concentrations-là, très élevé. On sait qu'il peut y avoir des particules, des poussières, des pathogènes qui peuvent être transportés, mais ce n'est pas nécessairement sur de longues distances. Mais, malgré ça, ces études-là ont montré au moins des symptômes plus fréquents, si ce n'est que des pathologies, au moins des symptômes...
Mme Lemieux: ...dans des cas où il y avait une production ? je le sais que je n'aurai pas la bonne expression, là ? mais disons une production porcine mal gérée, démesurée, en nombre trop important, ou dans des cas optimaux de production porcine.
M. Gingras (Benoit): Plutôt là où il y a des concentrations importantes de production porcine. Et je pense qu'on ne pouvait pas les qualifier de mal gérées, parce que les études ont été faites... et «mal gérées» en sens réglementaire du terme, parce que les études ont été faites dans des secteurs où il y avait des productions ou des concentrations de production qui généralement respectaient les différentes dispositions réglementaires.
Mme Lemieux: Alors, je comprends que l'élément clé qui fait que les problèmes peuvent se présenter, l'élément qui fait que ça bascule, c'est lorsqu'il y a une concentration trop forte.
M. Gingras (Benoit): On pourrait sans doute aussi retrouver le même effet si on avait des concentrations qui sont moins fortes mais où les distances d'habitations, par exemple, seraient très rapprochées. Et c'est pour ça qu'on a d'ailleurs fait valoir qu'on devrait revoir les paramètres qui déterminent les distances séparatrices. Et, encore une fois, les orientations qui ont été déposées prévoient la révision de ces paramètres-là pour une meilleure protection de la santé de la population.
Mme Lemieux: À votre point de vue, avec l'état des connaissances que nous avons, est-ce que le problème de santé le plus important concerne l'eau? Probablement l'eau?
M. Gingras (Benoit): Assurément. Mais la question reliée, ou les effets reliés à la contamination de l'air ? il faut parler de contamination possible de l'air ? sont... restent quand même mal connus, de sorte qu'il est difficile de la quantifier. Mais pour l'instant on a quand même, on reconnaît généralement que ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les risques reliés à la contamination de l'eau.
Mme Lemieux: Comment se fait-il... on a quand même une capacité de recherche au Québec, on a des instituts de toutes sortes, on a des connaissances dans toutes sortes de domaines, comment se fait-il que nous n'ayons pas collectivement une pensée aussi claire, dont on aurait besoin à ce moment-ci, sur les effets sur la santé publique de la production porcine?
M. Gingras (Benoit): L'expérience en recherche actuellement est relativement neuve, en santé publique, au Québec. Ce sont des études qui peuvent prendre plusieurs années pour amener et pour arriver à des résultats. Et jusqu'à maintenant des choix ont fait qu'on ne s'est pas penché de façon prioritaire sur ce type de risque là. Je ne sais pas si Dr Dionne...
Mme Lemieux: Ça va. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Ça va? Alors, est-ce que j'ai d'autres demandes d'intervention? Sinon, je vous remercie, Dr Dionne et Dr Gingras, de votre participation à nos travaux. À vous entendre parler, vous en auriez sûrement davantage à dire, mais malheureusement notre temps est écoulé. Alors, je donne rendez-vous aux parlementaires à 15 heures et d'ici là je suspends les travaux.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 15 h 2)
Le Président (M. Ouimet): Alors, je constate que nous avons quorum, et la Commission de l'aménagement du territoire reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 54, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.
Je demande aux personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et j'invite les représentants de la Fédération québécoise des municipalités à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Je reconnais et je salue M. Belzil, qui en est le président, et je vous demande, M. Belzil, de présenter les gens qui vous accompagnent.
Fédération québécoise
des municipalités (FQM)
M. Belzil (Michel): Alors, je suis accompagné de Me Isabelle Chouinard, directrice des affaires juridiques et institutionnelles à la Fédération québécoise des municipalités, et également de M. Denis Bergeron, conseiller en recherche et politique, responsable des dossiers de l'environnement et de l'aménagement du territoire.
Le Président (M. Ouimet): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez 20 minutes pour nous exposer votre point de vue.
M. Belzil (Michel): Alors, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission parlementaire, Commission de l'aménagement du territoire, ça me fait plaisir de vous livrer le mémoire de la fédération sur le projet de loi n° 54.
La pièce de résistance de ce projet de loi est sans conteste l'introduction dans la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme des dispositions particulières aux élevages porcins. En tant que représentante de quelque 85 MRC et 915 municipalités présentes sur 85 % du territoire québécois, la FQM évidemment est interpellée au premier chef par ce projet de loi. Ce sont les quelque 7 000 élus municipaux que nous représentons qui auront la tâche pour le moins délicate de gérer les mesures proposées.
D'emblée, mentionnons que les élus locaux épousent la cause du développement durable et sont les artisans de la cohabitation harmonieuse des usages sur l'ensemble du territoire. En ce sens, la FQM reçoit favorablement la possibilité pour les conseils municipaux d'imposer des conditions supplémentaires à l'établissement et à l'agrandissement des entreprises d'élevage porcin. Néanmoins, d'importants amendements sont requis pour rendre la tâche possible aux élus locaux, et le présent mémoire en fera état.
La FQM réitérera, en deuxième lieu, l'importance qu'elle accorde à la marge discrétionnaire dévolue par la loi aux élus municipaux en matière d'aménagement du territoire et son opposition à la possibilité d'ajouter des règles par voie réglementaire relativement au contenu des schémas d'aménagement ou des règlements de contrôle intérimaire.
Troisièmement, la FQM commentera l'indexation de la rémunération minimale des élus municipaux.
Mentionnons qu'étant donné le temps qui nous est imparti le mémoire de la FQM ne commente que les dispositions faisant l'objet de demandes d'amendements, passant généralement sous silence l'ensemble des mesures avec lesquelles nous sommes en accord.
D'abord, dispositions particulières aux élevages porcins. C'est avec beaucoup d'intérêt que la Fédération québécoise des municipalités a pris connaissance de l'annonce faite par le gouvernement du Québec du plan d'action gouvernemental destiné à mettre en place les conditions de la levée du moratoire sur la production porcine. L'ensemble des mesures qu'il contient doivent être rapidement mises en oeuvre, et le présent projet de loi n'est manifestement que l'annonce de ce plan d'action. La FQM partage l'objectif de permettre la participation et l'implication des citoyens dans la gestion de leur territoire. C'est d'ailleurs un des fondements de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
La FQM accueille favorablement la possibilité pour les municipalités d'imposer des mesures de mitigation à l'implantation ou à l'agrandissement de porcheries qui pourront aller au-delà de la réglementation municipale en vigueur. Le processus de consultation proposé favorisera l'acceptation sociale des projets dans le respect des populations et du développement durable, pour autant que les élus aient une capacité réelle de répondre aux préoccupations exprimées par les citoyens. À cette fin, d'importants amendements sont requis aux dispositions proposées.
D'abord, l'aménagement: une responsabilité politique. Il est utile de rappeler que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a été adoptée dans le contexte de la décentralisation de l'aménagement du territoire vers les municipalités et les MRC. Elle a été établie sur des principes fondamentaux clairement énoncés dans le troisième fascicule du livre vert sur la décentralisation, de 1977. Le premier de ces principes est à l'effet que l'aménagement est d'abord une responsabilité politique qui relève des élus. Les dispositions du projet de loi à l'étude vont diamétralement à l'encontre de ce principe. En effet, les élus auront à produire des justifications étayées de leur décision, qui sera soumise tant à l'appréciation d'un conciliateur qu'à celle des tribunaux, sur la base du dernier alinéa de l'article 145.35.1 à l'effet que «l'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité». Avec des critères soumis à autant de subjectivité, aussi bien dire que les tribunaux auront l'ultime pouvoir de décider au-dessus du pouvoir politique.
Qui plus est, la décision du conseil sera rendue à même un rapport de consultation qui devra faire état, en plus des commentaires verbaux et écrits dans le cadre de la consultation, «des inconvénients inhérents à l'établissement ou à l'agrandissement de l'entreprise», ce qui implique de toute évidence qu'ils devront procéder à une évaluation des impacts allant au-delà de ce que les citoyens appréhendent.
Les élus municipaux sont bien prêts à servir la cause du développement durable, à tenir les consultations publiques et à répondre aux craintes raisonnables exprimées par la collectivité au moyen de l'imposition des conditions additionnelles aux élevages porcins, conditions que le législateur aurait pu imposer directement d'ailleurs, comme le recommandait le rapport du BAPE, mais le législateur doit reconnaître que les décisions qui seront ainsi prises par les conseils municipaux sont des décisions de nature politique, dont les élus auront l'entière discrétion, donc sans nécessité de justification autre qu'une appréciation de la raisonnabilité des points de vue exprimés par les citoyens. Elles ne devront pas être soumises à la conciliation ni à l'appréciation des tribunaux sur la base d'un critère que la FQM estime inacceptable et au surplus inapplicable par les municipalités, soit celui figurant au dernier alinéa de l'article 145.35.1.
La FQM considère en effet que le dernier alinéa de l'article 145.35.1 rend caduc le fondement même de la démarche de la municipalité en ce qui a trait aux conditions auxquelles un conseil municipal peut assujettir la délivrance d'un permis. Maintenir cette disposition laissera la porte ouverte à une contestation systématique des conditions qui découleront de la consultation menée par la municipalité, ce qui discréditera l'ensemble du processus de consultation. Et ce sont les élus municipaux qui porteront l'odieux de la démarche.
De même, les dispositions prévoyant un processus de conciliation doivent être retirées. Le législateur municipal doit être soumis à la consultation mais pas à la négociation. Nous en revenons aux prérogatives des élus quant aux décisions d'opportunités politiques liées à la cohabitation des usages. Maintenir ces dispositions laissera la porte ouverte à une contestation systématique à des conditions qui découleront de la consultation menée par la municipalité.
n(15 h 10)n Donc, trois recommandations: retirer le dernier alinéa de l'article 145.35.1; modifier l'article 145.35.6 afin que le rapport de consultation fasse état des principaux commentaires verbaux et écrits reçus et que les inconvénients qu'ils doivent décrire ne soient limités qu'à ceux exprimés dans ces commentaires, sans nécessiter l'analyse d'impact de la part des municipalités; et finalement retirer les articles 145.35.8 à 145.35.12.
L'éclairage requis pour décider. Nous comprenons que la consultation publique se tiendra après l'émission du certificat d'autorisation du ministre de l'Environnement pour l'établissement de la porcherie ou son agrandissement. Les préoccupations environnementales et celles relatives à la santé publique seront inévitablement exprimées lors des consultations publiques. Elles devraient trouver des réponses auprès des représentants des ministères concernés. En ce sens, la FQM demande que la loi soit modifiée pour prévoir la présence et l'accompagnement des différents acteurs gouvernementaux dans la démarche de consultation. Les aspects environnementaux et de santé publique nécessitent un support technique des ministères afin d'informer adéquatement la population des enjeux reliés à ces deux aspects.
Par ailleurs, au plan de la documentation disponible, l'article 145.35.4 précise que «l'avis doit, en utilisant autant que possible le nom des voies de circulation, indiquer l'emplacement visé par la demande de permis et l'illustrer par ? un ? croquis». Cela semble être la seule exigence en matière d'information sur le projet pour la tenue d'une consultation publique. Évidemment, d'autres informations sont nécessaires afin que la population soit adéquatement informée de la nature exacte du projet soumis pour consultation, notamment le nombre d'unités animales impliquées, la dimension exacte des bâtiments, le plan agroenvironnemental de fertilisation du producteur ainsi que les ententes d'épandage en lien avec ce projet.
Ce commentaire rejoint la recommandation 8 du rapport du BAPE sur le développement durable de la production porcine au Québec à l'effet qu'une version simplifiée et vulgarisée du plan agroenvironnemental de fertilisation soit préparée pour le rendre accessible au public ainsi qu'aux instances municipales, ce qui leur permettrait de mener à bien leur mandat d'aménagement de la zone agricole.
Alors, quatrième et cinquième recommandations: prévoir dans la loi l'accompagnement et la présence des ministères de l'Environnement et de la Santé et des Services sociaux lors des consultations publiques.
Cinquièmement, modifier la loi pour prévoir que le promoteur doit fournir à la municipalité les principaux renseignements produits au soutien de sa demande de certificat d'autorisation au MENVIQ, dont le plan agroenvironnemental de fertilisation et les ententes d'épandage.
1.3. Préserver les pouvoirs existants des municipalités. Il y a lieu de craindre que ces nouvelles dispositions particulières à l'élevage porcin ne viennent anéantir le pouvoir des municipalités d'imposer autrement par règlement de telles conditions à l'implantation ou à l'agrandissement de porcheries. Or, un jugement de la Cour d'appel rendu le 5 novembre 2003 dans l'affaire Laverlochère c. la Ferme Geléry inc., a conclu à la validité d'un règlement sur les plans d'implantation et d'intégration architecturale par le biais duquel la municipalité imposait à l'établissement des élevages porcins des conditions similaires à celles prévues à l'article 145.35.1. La Cour suprême a tout récemment refusé d'entendre le pourvoi de ce jugement, de telle sorte qu'il fait aujourd'hui jurisprudence.
Il y aurait lieu de s'assurer que l'on n'en affecte pas les effets, en prévoyant une réserve à l'article 145.35.1.
Recommandation: introduire au début de l'article 145.35.1 une réserve à l'effet que ces dispositions s'appliquent si la municipalité n'a pas autrement imposé ces conditions par règlement.
Notons que le processus réglementaire en matière d'urbanisme doit être privilégié, puisqu'il est de la plus grande transparence, qu'il permet aux promoteurs de connaître l'encadrement applicable a priori et qu'il implique non seulement la consultation, mais également l'approbation des citoyens. C'est pourquoi incidemment la FQM privilégiait, dans son mémoire devant la commission du BAPE sur le développement durable de la production porcine, l'élargissement de la portée des article 145.31 et suivants de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, relativement aux usages conditionnels, pour les rendre applicables aux activités agricoles en zone agricole.
Autres suites à donner au plan d'action gouvernemental et aux recommandations du BAPE. En regard des responsabilités du ministère de l'Environnement en ce qui a trait à l'évaluation de la situation de la gestion des fumiers et des lisiers à partir des bilans de phosphore et des visites d'inspection, il est de première importance que ce ministère fasse diligence dans l'identification des régions où les sols sont saturés, de façon à éviter l'aggravation de la situation. Également, la FQM souhaite une application rigoureuse des réglementations encadrant la production porcine, ce qui pourra éviter dans une bonne mesure certains conflits qui touchent les populations rurales du Québec.
La FQM tient également à rappeler certaines recommandations et avis à la commission du BAPE chargée de la consultation sur le développement durable de la production porcine au Québec qui interpellent le monde municipal et dont nous attendons le suivi. Alors, je vous fais grâce ici de la lecture de ces recommandations que vous trouvez, là, à la suite des deux pages suivantes.
Toutefois, la FQM recommande que le gouvernement entreprenne sans tarder les travaux visant à donner suite à l'ensemble des recommandations du BAPE qui concernent le milieu municipal, notamment celles prévues dans le plan d'action gouvernemental. Et une précision dès à présent: dès le présent projet de loi, donner suite à la recommandation permettant aux municipalités de contingenter les élevages porcins sur leur territoire.
Deuxièmement, pouvoir d'édicter des règles complémentaires relatives au contenu des documents d'urbanisme. Parmi les principes fondamentaux de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il est énoncé que le partage des pouvoirs doit respecter le domaine propre d'intervention de chaque palier de gouvernement concerné en impliquant une concertation des choix et des actions. Cependant, une concertation des choix et des actions ne signifie pas une hiérarchisation des décisions, mais leur harmonisation. Il n'est pas question que le gouvernement dicte ses volontés aux comtés, ni ceux-ci aux municipalités.
Nous rappelons ce fondement, parce que le gouvernement tend depuis plusieurs années à réévaluer l'opportunité politique des décisions qui relèvent des élus locaux en exigeant des justifications de plus en plus élaborées à leurs décisions. Dans les faits, ce sont les fonctionnaires qui apprécient et décident ultimement. Ainsi, de responsabilité politique décentralisée, l'administration du territoire tend à devenir une responsabilité technique décentralisée... centralisée, je m'excuse.
En ce sens, le pouvoir réglementaire introduit en 2003 à l'article 226.1 de la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme et qu'on propose d'élargir à l'article 7 du présent projet de loi est un véritable cheval de Troie, puisqu'il permettra au gouvernement d'adopter un règlement pour exiger notamment les justifications que les MRC devront produire au soutien d'une modification ou d'une révision du schéma ou d'un règlement complémentaire.
La FQM réitère son objection à la possibilité d'ajouter par règlement des exigences à celles déjà prévues dans la loi relativement au contenu des documents d'aménagement. Toute modification à l'équilibre des rôles en matière d'aménagement doit faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale.
Qui plus est, en édictant de telles règles, on permet de judiciariser un processus qui actuellement est réglé par le biais d'un mécanisme de conformité politique et souple. En effet, actuellement, les justifications exigées sont prévues aux orientations gouvernementales, dont le gouvernement a l'unique responsabilité d'apprécier la conformité. Une fois que cette conformité est attestée, le débat est clos et un tiers ne peut invoquer devant un tribunal la non-conformité du document aux orientations gouvernementales. Il pourrait le faire par contre si les exigences des orientations sont plutôt transposées dans un règlement.
Alors, la recommandation: limiter la portée de l'article 226.1 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme aux prescriptions relatives à la forme des documents d'aménagement.
Et finalement un mot sur l'indexation de la rémunération minimale des élus municipaux. La FQM est heureuse de constater que le gouvernement entend mettre un terme à la stagnation de la rémunération annuelle minimale des élus municipaux. La perte de pouvoir d'achat engendrée par la non-indexation est une situation qu'il fallait corriger, d'autant qu'elle persistait depuis 1998.
n(15 h 20)n Néanmoins, il est indéniable que cette mise à niveau n'est pas suffisante. La rémunération minimale est nettement trop basse et devrait faire l'objet d'une véritable révision. La FQM tient d'ailleurs à annoncer qu'elle publiera une importante étude sur l'état de la situation de la rémunération des élus municipaux lors de son prochain congrès, à l'automne 2004, laquelle mettra inévitablement en évidence le caractère quasi bénévole du travail des élus qui se dévouent pour nos petites collectivités.
Bien que les municipalités aient théoriquement le pouvoir de fixer un traitement supérieur au plancher prévu par la Loi sur le traitement des élus municipaux, le fardeau politique d'une telle décision au niveau des petites municipalités locales constitue un véritable frein à une mise à niveau adéquate. Afin de réajuster leur rémunération et pour mieux refléter leur contribution à la vie publique, les membres de la FQM réunis en assemblée générale lors du congrès 2003 ont réclamé que les premiers 10 000 $ de rémunération soient exemptés d'impôt. Malheureusement, le présent projet de loi ne retient pas cette proposition. Alors, une recommandation: il est donc recommandé d'augmenter l'exemption fiscale aux premiers 10 000 $ de rémunération des élus municipaux.
C'est tout. Alors, je suis disponible ainsi que mes collègues pour vos questions et les demandes de précisions.
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Belzil, pour la présentation de votre mémoire, de votre point de vue. Je vais maintenant ouvrir la période d'échange avec vous en cédant la parole au ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir.
M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Belzil...
Le Président (M. Ouimet): ...
M. Fournier: Pardon?
Le Président (M. Ouimet): ...et je le fais.
M. Fournier: Oui, et j'apprécie. Merci. M. Belzil, madame, monsieur, merci d'être avec nous pour discuter de ce projet de loi. Je vais d'abord aborder les dimensions porcines du projet de loi; à la fin, peut-être à l'autre bloc, j'embarquerai sur l'autre sujet.
D'abord, je veux attirer... un élément de discussion qui se retrouve à la page 3 du mémoire, qui est important... enfin il y a deux idées. Il y en a une que je veux d'abord vous dire qu'on réfléchit aussi à la reformulation; et l'autre, je vais vous demander que vous m'aidiez à la reformulation, si on doit se rendre à la reformulation.
Au deuxième paragraphe de la page 3, vous nous dites: «La décision du conseil sera rendue à même un rapport de consultation qui devra faire état, en plus des commentaires verbaux et écrits [...] "des inconvénients inhérents à l'établissement ou à l'agrandissement de l'entreprise" ? et vous dites ? ce qui implique, de toute évidence, qu'ils devront procéder à une évaluation des impacts allant au-delà de ce que les citoyens appréhendent.» On jongle avec une formule, et je veux savoir comment vous y réagiriez si, plutôt que de rendre compte aussi dans le rapport des inconvénients, plutôt que de dire «des inconvénients inhérents», mettre «des inconvénients appréhendés à l'établissement», et ta, ta, ta.
M. Belzil (Michel): Écoutez, moi, je pense que c'est déjà une amélioration du texte, hein, «inconvénients appréhendés». Mais, nous, ce qu'on veut dire par là, c'est que, s'il faut se donner une batterie d'experts pour faire tout le travail en prévision de la consultation publique et de traiter de tous ces inconvénients-là, vous savez que ça peut vouloir dire beaucoup, beaucoup de travail. Et ce qu'on dit là-dedans, c'est qu'on fait la consultation publique auprès de la population, et on veut entendre la population, qu'est-ce qu'elle a à nous dire, puis aussi le promoteur du projet qui va venir expliquer son dossier. Alors, si on se met, nous, à nous engager à faire toute l'analyse des inconvénients, on n'en finira plus. Et la décision doit être basée sur ce qu'on entend lors de la consultation et non pas sur un paquet de calculs techniques qu'on devrait faire si on doit faire tout ça.
Alors, nous, ce qu'on veut dire, notre jugement, c'est un jugement politique raisonnable qui apprécie les éléments de la population et les éléments du promoteur. On dit: C'est là-dessus que le rapport devrait insister plutôt que d'autres éléments, là, de nature, là, plus, comment je dirais ça, là, plus technique, là, et plus complexe.
M. Fournier: La page qui précède... le paragraphe qui précède en fait, c'est le coeur du mémoire, c'est le coeur de plusieurs réflexions et de questions qui sont posées, c'est le dernier alinéa, là, qui précise: «L'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité.» D'abord, vous exprimez que l'objectif, l'intention ici, c'est de dire: On cherche... Je parlais tantôt avec l'Institut de santé publique et on parlait de l'acceptabilité sociale, qui est l'objectif visé par la consultation, et que le projet de loi vise lui aussi à atteindre un certain niveau d'acceptabilité de la part des parties à l'égard de ce qui est prévu. Puis, comme vous le savez, bien il y a comme deux parties au moins qui sont impliquées là-dedans. Et, si on impose des conditions supplémentaires pour que ce soit acceptable, je pense qu'on a très bien compris le signal du monde agricole, qu'il ne faut pas non plus que ce soit prohibitif. On est dans le cadre où l'implantation est possible. Elle répond aux normes environnementales, répond à la réglementation normale, habituelle. Et là on est plus dans l'ordre des conditions supplémentaires qu'on ajoute pour rendre le tout acceptable.
Et, quand on est rendu à cette limite-là, le milieu agricole dit: Bien là, moi, je ne veux pas que ça devienne des conditions qui constituent ni plus ni moins qu'une interdiction. Et on tente de trouver une formulation qui signifie une certaine mesure, un certain dosage. Et il y a des gens qui sont venus nous dire, là, entre autres pour la rentabilité, que ça pouvait poser des problèmes.
Je comprends le point de vue que vous amenez. Mais avez-vous une façon, avez-vous réfléchi... puis ce n'est pas grave si vous ne l'avez pas fait, on va continuer de réfléchir, on réfléchit à ça, on réfléchit déjà. Mais, si... on a une consultation, si vous avez déjà des propositions sur une façon de dire cette chose-là qui est l'intention ? puis je sais que vous comprenez l'intention qu'on vise, là ? comment on pourrait dire ça?
M. Belzil (Michel): Bien, c'est parce qu'il faut comprendre, là, qu'actuellement au Québec il y a un moratoire, hein, l'industrie porcine ne peut pas se développer. Alors, vous avez annoncé un plan d'action, que j'ai ici sous la main et dont je parle dans mon mémoire, qu'il y a des choses qui vont beaucoup plus loin que le projet de loi, et on insiste pour que ça se concrétise, bien sûr.
Mais là on dit: Pour régler tout ce qui se passe sur le territoire du Québec... avant le moratoire, c'était quand même très complexe dans certaines municipalités, puis c'était la foire puis les empoignes, etc. Alors, on institue un processus de consultation avec... Il n'y a pas de possibilité de refuser un projet, là. On voit l'ouverture quand même puis la limite, qui est quand même importante, une limite à cinq mesures de mitigation. Je ne les énumérerai pas, mais, ces cinq mesures, je pense que la société québécoise et beaucoup d'agriculteurs sont comme... sont comme d'accord avec l'ensemble de ces mesures-là, elles pourraient quasiment être exigées, là, dès la pensée d'un projet, hein: enfouir immédiatement le lisier, une fosse sur l'endroit de lisier, une toiture, ce n'est peut-être pas évident partout, parce que, si le projet, c'est à 3 km des habitations, je pense qu'il faut être raisonnable. Mais l'ensemble de ces dispositions-là, une meilleure situation géographique, un abrivent, puis l'autre mesure, c'est un système d'alimentation en eau particulier, ça pourrait être des mesures qui auraient déjà été édictées, puis selon les propos du BAPE, le rapport du BAPE, sans plus.
Alors, nous, on se dit: Bien, c'est la possibilité, suite à la consultation, qu'aura la municipalité. Il n'y a pas de possibilité non plus d'aller, là... comme j'ai dit tantôt, de proscrire le projet, etc. Alors, je vous dis: Dans tous les cas où on instaure une telle mesure, il y a un coût financier, petit peut-être puis peut-être aussi plus important, mais c'est le prix à payer pour la cohabitation harmonieuse, d'après moi.
Et, si on regarde l'introduction de cette disposition-là qui donne une porte ? grande ouverte comme ça, hein ? à de la discussion aussitôt, mettons que ça l'a un coût de 2 000 $, de 5 000 $ ou de 10 000 $, dépendant de la perception qu'on a de l'évaluation qu'on veut en faire, un peut dire que c'est un coût prohibitif, on peut dire que ça nuit à la rentabilité, on peut alléguer tout ça.
Alors, moi, je me dis: Le gouvernement veut faire confiance aux élus municipaux. C'est fortement encadré, ce dont on a pris connaissance, là, les cinq mesures, et on veut faire la consultation de façon raisonnable et de bonne façon. Je me dis: Aller, en plus, donner une opportunité d'aller en conciliation, je ne veux pas présumer, mais je pense qu'il y a une grande ouverture là. Puis, par la suite, donner une possibilité d'accès devant les tribunaux sur des éléments comme ceux-là qui pourraient être acceptables d'une façon presque automatique, alors je me dis: On va beaucoup trop loin, d'après moi. Et, si on se limite à dire: Consultations, monde municipal, possibilité de cinq mesures, et on arrête là, je pense que les... De toute façon, dans bien des cas, qu'on impose deux, trois ou quatre de ces mesures-là, c'est du domaine du raisonnable pour la population puis pour le monde agricole en général.
n(15 h 30)n Une toiture sur une fosse à fumier, comme j'ai dit tantôt, si ce n'est pas la fosse nécessairement qui émet des odeurs, s'il n'y a pas de résidence à proximité, il n'y a personne qui va exiger une toiture, là. On sait qu'est-ce qui se passe dans nos milieux. Mais, d'enfouir le lisier aussitôt étendu, bien je pense que c'est tout à fait normal pour la cohabitation harmonieuse.
Alors, c'est un peu ça qu'est la raison pour laquelle j'insiste tant là-dessus, pour ne pas créer d'ouverture et qu'on soit en conflit constamment.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. le ministre, je vais aller du côté de l'opposition cette fois-ci, en cédant la parole à Mme la députée de Bourget qui est porte parole pour l'opposition officielle en matière d'affaires municipales.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. Belzil, monsieur, madame, bienvenue à l'Assemblée nationale. Votre mémoire est troublant, c'est le seul mot que j'ai pu trouver. Parce qu'en fait je crois que votre propos se démarque un petit peu de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Je ne porte pas de jugement, mais ça se démarque.
En fait, ce que vous dites, c'est: On est d'accord avec les conditions, la possibilité pour les municipalités d'établir un permis à partir d'un certain nombre de conditions, mais, la conciliation, oubliez ça. C'est ça que vous nous dites, là.
Vous dites: La municipalité, elle a un pouvoir, nous acceptons, et, même, c'est un bon appui que de pouvoir émettre le permis à partir des conditions qui sont énumérées au projet de loi. La municipalité fera son travail, comme elle a l'habitude de le faire lorsqu'elle a à prendre des décisions, elle a des paramètres qui sont une loi, mais embarquez-nous pas dans des affaires de conciliation. C'est ça que vous nous dites. Est-ce que je comprends bien?
M. Belzil (Michel): Tout à fait. Sur la base d'une disposition qui dit: Aussitôt que les mesures et les conditions exigées ont un impact financier sur la rentabilité ou ont un certain impact financier, on ouvre la voie à la conciliation.
Je me dis: Dans tous les cas où on met une condition, que ce soit en agriculture ou ailleurs, il y a un coût financier, et sur la base de cette disposition-là on va se retrouver en conciliation. Conciliation veut dire tentatives de rapprochement, alors imaginez comment ça va devenir compliqué! Après la conciliation, on revient. La municipalité, elle peut changer de point de vue, mais elle peut aller de l'avant, elle n'est pas soumise à une décision, il n'y a pas de décision en conciliation. Mais, après ça, on donne l'ouverture aux tribunaux, en plus.
Alors, je trouve que la possibilité... et l'étendue est très grande en fonction, là, de, comment je dirais ça, d'un encadrement très strict: cinq mesures. Et, ceux qui s'y connaissent, comme moi et bien d'autres, ces mesures-là, là, ne sont pas les mesures extrêmes et extrémistes, c'est des mesures, là, généralement acceptées socialement. Alors, c'est un peu ça qui est l'objet, là, de notre difficulté là-dedans. Puis n'oubliez pas que c'est le monde municipal qui va avoir à gérer tout ça. On est prêt à accepter des responsabilités, mais on ne veut pas non plus, là, se lancer dans des batailles juridiques. Alors, on nous donne un pouvoir, mais on aimerait que ça soit un pouvoir réel.
Et je ne pense pas que mes propos sont si surprenants. Écoutez, on a étudié la question comme il faut. On sait ce qui se passe dans le milieu rural, puis on ne voudrait pas, là... Et même, le président de l'UPA, aussitôt que le plan d'action a été annoncé, la première réaction de M. le président, ça a été: Ça va être une foire aux tribunaux et à la contestation. Alors, moi, je pense qu'il faut éviter ça.
Mme Lemieux: M. Belzil, je présume que l'intention du gouvernement en prévoyant un certain nombre de dispositions concernant la conciliation était d'appuyer les municipalités, était de dire: On va donner les outils supplémentaires aux municipalités pour pouvoir les aider à gérer cette cohabitation-là le plus correctement possible. Mais là, ce que je comprends que vous nous dites, c'est: Malgré cette intention noble, ça va nous mettre dans le trouble. C'est ça que je comprends, là, au sujet de la conciliation.
M. Belzil (Michel): Moi, ce que je veux dire, c'est que je pense que c'est aux municipalités à gérer la cohabitation harmonieuse dans leur milieu, hein? Et je pense que de se tourner vers la municipalité pour, comment dirais-je, faire la consultation puis essayer de concilier les intérêts des uns et des autres, je pense que c'est sage, plutôt que d'aller, là... de tenir ça à un niveau national. Chaque municipalité connaît ses particularités.
Mais le monde municipal est prêt à donner un coup de main, parce qu'il le sait, comment ça détruit les populations puis comment ça met des difficultés dans leur milieu. On est prêt à le faire, mais, comment je dirais ça, si on ne réussit pas à le faire correctement... N'oublions pas que ça peut être le gouvernement qui va reprendre l'ensemble du dossier tantôt. Si, là, ça ne porte pas des fruits, ça n'apporte pas des bons résultats, là, on va revenir avant le moratoire, puis les municipalités vont dire: Écoutez, là, ce n'est pas vrai qu'on va faire tout ce processus-là, hein, pour le bien commun, hein! On travaille pour le bien commun, puis que là, là, finalement, dans la moitié des cas on se ramasse en cour, puis les décisions qu'on a prises d'une façon, là, très sérieuse, sont modifiées par des tribunaux. Je trouve que ce n'est pas sorcier, moi, là, les cinq conditions, là. Je trouve que ce n'est pas très, très compliqué. Sinon, on va revenir, puis c'est le gouvernement...
Nous, là, on vient en soutien à un dossier gouvernemental, n'oublions pas ça. On est prêts à accepter la tâche. Il y a certaines tâches, dans les dernières années, qu'on n'était pas prêts à accepter, qu'on nous a données, mais, celle-là, on est prêts à l'accepter parce qu'on sait comment c'est difficile dans nos milieux, puis on pense qu'on est les meilleurs pour la juger, cette question-là. Mais qu'on le juge, nous, et qu'on ne soit pas soumis, là, à des modifications, parce que ça ne tiendra pas la route s'il faut qu'on fasse appel à la conciliation, aux tribunaux; ça va devenir trop complexe.
Mme Lemieux: M. Belzil, certains ont dit à haute voix ou alors entre les lignes ? on a déduit ça ? que l'instance municipale la plus appropriée pour notamment aborder la question de la consultation serait peut-être la MRC plutôt que la municipalité.
Deux motifs sont invoqués: le fait qu'une municipalité serait peut-être un peu coincée dans un rôle de juge et de partie, et l'avantage, nous laisse-t-on entendre, que ce soit géré au niveau de la MRC, c'est une vue d'ensemble peut-être un petit peu plus large, là, sur les équilibres qu'il faut avoir quant à des nouveaux projets d'élevage porcin.
Qu'est-ce que vous en pensez, que la consultation soit gérée au niveau de la MRC? Mais je sais qu'il y a un problème technique, parce que c'est quand même la municipalité qui émet le permis, là. Mais, au-delà de ça, que ce soit géré peut-être à une instance un petit peu plus large que la municipalité, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Belzil (Michel): Bien, moi, je pense qu'il y a beaucoup d'éléments qui doivent être gérés par la MRC, hein, quand on parle d'aménagement du territoire, quand on parle des règles qu'on veut édicter sur un territoire pour avoir de l'équité pour l'ensemble des citoyens, l'ensemble des producteurs agricoles. Alors, toute la question, là, de schéma d'aménagement, toute la question de prévoir des zones... du zonage de productions, etc., bien sûr que ça peut être fait au niveau de la MRC et au niveau de la municipalité.
Par contre, je m'interroge... vous m'interrogez, moi, je m'interroge sur la consultation qui serait menée par la MRC. Je ne suis pas certain que ce serait efficace dans tous les cas. J'essaie de voir, rapidement sur l'ensemble du territoire, là, puis... c'est souvent la municipalité qui est... pas souvent, c'est la municipalité qui est le niveau, là, institutionnel et politique qui est le plus près des citoyens puis qui connaît bien coins et racoins.
La MRC pourrait être mise à contribution d'une certaine façon, mais je ne peux pas vous répondre aujourd'hui, pas du tout, que ça devrait relever de la MRC. Je pense que dans bien des cas, c'est la municipalité et c'est le pouvoir municipal, là, qui doit être préservé.
Mme Lemieux: Une dernière question dans ce bloc, M. Belzil. Vous avez dit tout à l'heure... en fait je reprends en substance vos mots: On est en train de rendre service au gouvernement, ou quelque chose du genre, là.
Vous savez que le ministre répond... a dit à plusieurs reprises qu'il s'engageait à éviter de transférer des responsabilités sans transférer les ressources financières. C'est difficile d'évaluer à ce moment-ci ce que coûtera en énergies, en ressources humaines et en ressources financières la gestion de tout ce processus. Avez-vous l'impression que vous avez ce qu'il faut et que le ministre tient parole? Je ne veux pas vous prendre à partie, là, mais est-ce que vous avez ce qu'il faut pour assumer ces nouvelles, entre guillemets, responsabilités?
n(15 h 40)nM. Belzil (Michel): C'est certain que ça va demander des énergies supplémentaires. Comme j'ai dit tantôt d'entrée de jeu, je pense, à la première question, s'il faut qu'on fasse des analyses sur les inconvénients, là, et tout ça, c'est des frais supplémentaires. Si, comme j'ai dit dans mon mémoire, les différents ministères ne nous accompagnent pas pour faire la présentation, là, de leurs constatations lors de la consultation, ça aussi, c'est des frais supplémentaires. Mais, imaginez, si on s'en va devant les tribunaux, en plus, là, ça va faire des frais importants supplémentaires.
Alors, moi, je me dis: Dans la mesure où on s'en tient à une consultation à caractère politique, les citoyens, on a le soutien des ministères ? Santé publique, etc. ? je pense qu'on est prêts à accepter une responsabilité à ces coûts-là, les moindres possible, et sans se compliquer la vie, non plus. Mais, si on va dans tous ces dédales-là, à un moment donné, là...
Moi, là, je représente 915 municipalités rurales, là. C'est sur ces territoires-là que vont se faire les grandes discussions, là, et je ne voudrais pas, moi, qu'on rajoute à une liste, là, depuis plusieurs années, là, de responsabilités qu'on a eues. Mais, celle-là, on est prêts à la prendre ? et je le dis très clairement ? mais dans la mesure où elle ne nous crée pas d'exigences, là, comme celles que j'ai dites tantôt.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme la députée. Je retourne du côté ministériel. M. le ministre, à vous la parole.
M. Fournier: C'est une excellente question de ma collègue de Bourget qui s'inquiète du regard que je lui porte. Je pense que vous avez d'ailleurs très bien répondu. Effectivement, suite aux nombreuses responsabilités sans ressources, là, du passé, il faut s'assurer qu'il n'y en ait pas trop à l'avenir, et on a bien porté attention à l'accompagnement, que vous avez mentionné. D'ailleurs, on l'a dit dans la conférence de presse et on l'a redit encore aujourd'hui, là, que bien sûr lors de la consultation il y aura de l'accompagnement qui sera fait. Je pense que c'est nécessaire.
Pour ce qui est du «inhérents», là, qui peut amener à faire des études un peu trop poussées, on devra regarder des libellés, et pour le reste on va essayer de prendre nos responsabilités avec les ressources qu'on a. Je pense qu'on est capables d'y arriver avec la manière dont... puis le projet va se finaliser, il y a encore des libellés à regarder.
Je voudrais vous amener à la page 5, sur la consultation elle-même. Alors, j'ai donc déjà dit, là, à la question que vous vous posiez: Est-ce qu'il y aurait un accompagnement? la réponse, c'est: Oui, il y aurait un accompagnement.
Vous posez aussi des questions sur les autres informations qui doivent apparaître, là, à part le croquis puis le nom de la rue, là. Les éléments que vous mentionnez vont aussi se retrouver dans des papillons qui seront déposés, pour qu'on puisse avoir un portrait plus correct, pour que la consultation ait de l'allure. Il faut qu'il y ait un minimum d'information pour que la consultation se tienne; vous avez tout à fait raison, et on s'y rend.
Je voudrais discuter avec vous de la question de l'émission du certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement. Je le souligne, parce qu'il y a eu une discussion avec l'UMQ, puis je dois avouer que je continue de réfléchir. On s'en va à une consultation... L'UMQ dit à peu près ceci: Il faudrait que la consultation ait lieu avant que le certificat d'autorisation soit émis.
En jasant avec eux, on s'aperçoit qu'il faut que l'Environnement ait à peu près étudié tout, soit en mesure d'être là, à la consultation, puisse donner le portrait de son étude, de son opinion, mais qu'elle n'ait pas encore émis le certificat, de manière à ce qu'elle puisse puiser à même la consultation des éléments supplémentaires qui pourraient l'amener à peut-être refuser d'émettre son certificat. Je ne suis pas convaincu qu'il y a, d'une part, ce pouvoir-là, là, à l'égard du ministère de l'Environnement, mais, peu importe, c'est la façon dont ils voient la chose.
Moi, j'avais plutôt l'idée suivante. C'est que, si les citoyens viennent à la consultation une fois qu'il est établi que ? et on avait la Santé publique ce matin, c'est un peu la même chose ? une fois qu'il est établi que, par rapport à l'Environnement et par rapport à la Santé, il y a une lumière verte, on peut aller de l'avant, on n'est pas dans «est-ce qu'on doit implanter?», c'est «il peut s'implanter», on est dans le «comment l'implanter?», ce qui est une chose bien différente, à mon avis, si on n'a pas cette possibilité de donner cette information-là de façon assez assurée, j'ai l'impression que le débat ne sera pas sur le comment, le débat qui va se tenir va être sur: Ce n'est pas bon, pas bon pour moi, puis c'est non, c'est «pas du tout d'implantation».
Mais là on a un problème, c'est qu'on essaie justement de régler ici une conciliation entre le droit de produire et comment le produire pour que ce soit acceptable, il ne faut pas que ça devienne une conciliation de rien, finalement, qui veut dire: plus de droit de produire. L'objectif, c'est de concilier. On veut reconnaître le droit de produire, on veut que ce soit vrai; il faut l'aménager. Et, si on fait une consultation où on ne parle plus de l'aménagement, mais on parle de droit de vie ou de mort sur la capacité, en respect de l'environnement et de la santé, de tenir le projet, bien là c'est une autre «ball game».
Et je comprends que vous avez vu ? qui était un peu notre opinion ? vous avez vu qu'il y avait un certificat d'autorisation d'émis, puis la consultation arrive. Comment vous réagissez ? du monde municipal aussi, là ? comment vous réagissez à ça?
L'UMQ disait: Ça va être bidon, ta consultation, si le monde ne peut pas parler de l'environnement. Ils peuvent parler de tout, là. Moi, je n'ai pas de problème, mais comment vous réagissez à leur proposition, si tant est que je vous l'ai exprimée correctement?
M. Belzil (Michel): Bien, écoutez, moi, je vous dirais que effectivement... et quand on parcourt le document, là, ledit plan d'action gouvernemental ? je ne veux pas m'attacher trop au libellé ? mais on parle de consultation puis de transparence, hein, de tous les éléments. Qu'on parle de transparence pas juste au niveau de la décision politique d'une municipalité, on parle de transparence dans les études du ministère de l'Environnement, etc., une plus grande transparence. Alors, c'est bien sûr que, si le permis est délivré puis qu'on procède en consultations suite au permis qui est délivré, bien ce n'est pas évident, là, que cette transparence-là est respectée, là, selon le document.
Moi, j'aurais tendance à être assez ouvert aux propos que vous tenez, en ce sens que bien sûr il ne faut pas que... il faut que le projet soit valable au niveau du ministère de l'Environnement, de Santé publique, hein, il faut qu'il y ait eu une analyse, je dirais, préliminaire assez avancée, hein, du dossier, pour pas qu'on aille en consultations constamment, là, pour un dossier qui ne serait pas acceptable, là, au niveau du ministère de l'Environnement; ça n'a aucun sens.
Par contre, que nos citoyens... c'est vrai que les citoyens en consultations vont vouloir parler particulièrement des éléments de santé publique puis des éléments d'environnement, hein? Alors, ça pourrait donner lieu aussi à un échange entre les ministères, hein, qui feraient partie un peu plus de la consultation plutôt que de venir juste dire des choses puis se retirer de la discussion. Moi, je trouve que c'est une avenue qui pourrait être intéressante à ce niveau-là.
M. Fournier: Mais mon questionnement est le suivant. Lorsqu'on s'en va devant des gens puis on leur dit: On a fait l'étude, on ne leur pas émis le certificat, les gens écoutent ça, ils disent: Ils ne l'ont pas émis, ce qui veut dire que ce n'est pas encore correct; mais j'ai tout étudié, puis c'est correct. Il me semble qu'il va y avoir une espèce d'incompréhension de la part du citoyen qui se rend à la consultation, alors que l'Environnement lui dit...
Parce que, bon, si on tient la consultation, c'est parce qu'on pense que c'est possible. Si ce n'est pas possible, il n'y en a pas, de consultation, sur le comment, c'est rien. Il n'y a pas de comment, on n'en fait pas, c'est interdiction, bon.
Alors, ça veut dire qu'on veut l'ouvrir, on est prêt à l'accepter. Et, si on ouvre la consultation en disant: On a tout étudié, on pense que c'est correct, mais on n'est pas sûr encore, je vais vous dire de quoi: Ça va être difficile de faire une pédagogie, de donner une information qui veut être claire de part et d'autre.
M. Belzil (Michel): Je ne suis pas certain, hein, je ne suis pas certain, M. le ministre, que ce n'est pas évident. Vous le voyez de cet oeil-là, mais ça peut se voir aussi en disant: Écoutez, on a fait l'analyse et, quant à nous, c'est un projet acceptable, O.K.? Maintenant, on veut savoir ce que vous avez à nous dire là-dessus avant d'émettre le permis officiellement. Alors, ça répond aux objectifs de transparence aussi au niveau du respect des normes environnementales.
Parce qu'il faut bien savoir que tous ces dossiers-là, quand ils arrivent au niveau municipal, c'est une question pour nous, qu'on traite, nous, le monde municipal: c'est la cohabitation harmonieuse, c'est la gestion des odeurs. Mais, les populations, oui, elles sont interpellées par la question des odeurs, mais il y a une bonne partie de la population, la protection des cours d'eau, les capacités de support des sols, les ci, les ça, c'est là qu'il va y avoir beaucoup de questions. Puis, il y a des gens qui s'y connaissent, dans nos milieux, là. Alors, ça peut se voir aussi de cette façon-là, sans le voir d'une façon négative.
M. Fournier: Est-ce que ça signifierait que, lorsque le ministère de l'Environnement arrive à la table, il dit: Moi, je considère ça environnementalement acceptable, mais je viens pour vous écouter au cas où il y ait un angle que je n'aie pas analysé... Parce que, si c'est au cas où que vous ayez une opinion contraire à la mienne sur l'angle que j'ai déjà analysé, là, on se ramasse à être en appel de ce qui a déjà été fait, puis là on commence à avoir pas mal des délais, là, parce qu'il y a déjà du monde qui nous ont parlé des délais, là; ça commence à être long longtemps.
Alors, si je comprends que ce serait plus sous l'angle de nous assurer, parmi vos questions que vous posez, qu'on a bien fait le tour du propriétaire puis qu'on a fait le tour des questions, là, peut-être qu'on a quelque chose qui vient nous réunir, là. C'est cet angle-là.
n(15 h 50)nM. Belzil (Michel): Bien, moi, c'est le sens que j'y donne, là. Parce que les citoyens, ils veulent aussi être entendus sur ces questions-là. Et, moi, je pense, l'ouverture que vous faites, là...écoutez, je vous réponds, là, comme je le pense cet après-midi, là. Je pense que c'est intéressant, je me mets dans la peau des citoyens, là, et c'est intéressant. Puis, comme j'ai dit tantôt, le ministère de l'Environnement prend sa décision... mais on fait une grosse consultation publique, mais la décision est prise. C'est sûr qu'il faut qu'elle soit fortement avancée ou presque prise pour que, nous, on fasse une consultation, comme j'ai dit tantôt, mais je pense que les citoyens apprécieraient.
M. Fournier: O.K. Une dernière question, sur un autre ordre de sujet, la page 9, les règles complémentaires relatives au contenu des documents d'urbanisme. Je ne veux pas revenir sur le caractère tatillon ou non de ce qui peut avoir l'air, dans les échanges que nous avons de part et d'autre lorsqu'il est question des schémas, mais je retiens l'attention surtout sur l'avant-dernier paragraphe, où vous nous dites que vous réitérez «l'objection à la possibilité d'ajouter, par règlement, des exigences à celles déjà prévues dans la loi relativement au contenu des documents d'aménagement. Toute modification à l'équilibre des rôles en matière d'aménagement doit faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale».
Est-ce que je dois comprendre que ce que vous nous dites, c'est que vous trouvez non approprié que ces éléments additionnels soient faits par règlement et que, s'il doit y avoir des éléments additionnels, vous souhaitez que cela soit fait par loi plutôt que par règlement?
Le Président (M. Ouimet): En moins de 20 secondes, M. Belzil.
M. Belzil (Michel): M. le ministre, je laisserais Me Chouinard répondre parce que c'est assez précis, aussi.
Le Président (M. Ouimet): En 15 secondes, Me Chouinard.
Mme Chouinard (Isabelle): En 15 secondes. On préférerait que ce soit fait par loi, évidemment, mais on préférerait encore plus que ce soit inclus dans les orientations gouvernementales, parce que c'est appliqué avec plus de souplesse, et ça vous permet, M. le ministre, d'apprécier politiquement ce que la MRC justifie, et ça évite qu'on puisse contester judiciairement après sur la base d'un texte légal.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je dois vous interrompre là-dessus. Je retourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame, messieurs. Vous avez un document qui porte à réflexion, c'est le moins qu'on puisse dire, et c'est très important parce que c'est vous qui êtes dans le concret.
Vous parlez que vous avez 900 municipalités; il y en a qui ont 3 000, 4 000, 5 000 et même plus, mais il y en a aussi qui ont 200 puis 300 personnes, alors... et le développement de la production porcine ne se fera pas nécessairement dans la municipalité la plus grosse, hein? Alors, nécessairement vous avez à gérer ces perceptions-là. Et il faut admettre, quand on considère les levées de boucliers qu'il y a eu dans plusieurs régions du Québec par rapport à l'élevage porcin, qu'il y a un problème important. Certains disent que c'est un problème de perception, mais de toute façon le problème est là.
À la page 3 de votre document, vous prenez une position assez ferme quand vous dites que «le législateur doit reconnaître que les décisions qui seront ainsi prises par les conseils municipaux sont des décisions de nature politique, dont les élus auront l'entière discrétion, donc sans nécessiter de justification autre qu'une appréciation de la raisonnabilité des points de vue exprimés par les citoyens. Elles ne devront pas être soumises à la conciliation ni à l'appréciation des tribunaux...» Or, c'est une position qui est assez claire, on ne peut pas dire que c'est ambigu.
Et, face à ça, je voudrais rappeler ce qu'a dit hier un représentant de l'Association québécoise pour la conservation de la nature, qui a dit: Dans le contexte dans lequel on est, étant donné les levées de boucliers qu'il y a et la perception qu'il y a par rapport à l'élevage porcin, bien c'est bien simple, il n'y en aura pas, de projets qui vont aboutir, parce que évidemment les gens n'accepteront jamais ça, les gens vont avoir de telles exigences que les municipalités n'auront pas d'autre choix.
Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce qu'on s'en va vraiment vers une situation où il n'y en aura pas, en fait, de développement de production porcine?
M. Belzil (Michel): Moi, je pense qu'il n'y en aura peut-être pas partout. Le développement de l'industrie porcine, il y a des endroits où c'est déjà à saturation. Mais je sais, des membres chez nous qui m'ont interpellé, il y a des endroits au Québec qui sont intéressés, hein, à ce que l'industrie porcine s'oriente chez elles puis se développe, puis il y a des grands territoires. Ma municipalité ? une petite municipalité, moi ? n'est pas en surplus de lisier, et je sais qu'il y a un projet, là, qui est en attente, là, de levée du moratoire.
Alors, je pense qu'il y a une place pour l'évolution puis le développement de l'industrie porcine, mais, maintenant, je pense qu'il faut faire le débat avec les populations, puis que les endroits qui seront à privilégier ou à choisir, bien la population sera dans le coup et sera d'accord avec tout ça.
Moi, je pense que, oui, il y a de la place pour le développement de l'industrie porcine, puis il va y en avoir, des demandes. Mais il y a aussi des... je n'ai pas abordé le sujet beaucoup, là, mais il y a des zones en surplus de lisier, hein, il y a tout ça, et c'est là qu'était concentrée normalement l'industrie.
Alors, dans quelle mesure les gens vont vouloir s'en aller en Abitibi-Témiscamingue, ou tout ça, moi, je pense que c'est un peu ça qu'est le pari, hein? Je pense qu'il faut arrêter de se concentrer à des endroits, pour cette industrie-là, et se répartir sur l'ensemble du territoire. Le lisier de porc a une valeur importante pour les agriculteurs en termes de fertilisant, mais je pense qu'on est allé très loin dans certaines régions.
Donc, le message à l'industrie porcine, c'est: Oui, développez-vous. Développez-vous aux endroits où il n'y a pas de surplus de lisier et aux endroits où c'est acceptable, puis on va travailler là-dessus.
M. Dion: Alors, ça nous amène au point suivant, c'est-à-dire que vous dites: Allez vous établir là où il y a de... allez vous établir en Abitibi. Évidemment, c'est une caricature...
M. Belzil (Michel): Non, non, non, non, non, non!
M. Dion: ...mais c'est une façon de dire: Allez vous établir là où il y a de la place. Bon.
Pour quelqu'un qui développe des porcheries en quantité, il peut choisir l'endroit où il va les mettre. Mais les propriétaires de leurs terres qui veulent développer une porcherie sur leurs terres ? les entreprises familiales ? c'est une autre histoire, ils ne déménageront pas demain. Alors, s'ils ne sont pas en surplus mais que les gens autour, ils n'aiment pas ça, alors qu'est-ce que vous allez faire comme conseil municipal? Vous allez être un peu mal pris.
M. Belzil (Michel): Bien, je vous dirais là-dessus... et c'est une réflexion que, moi, je fais personnellement depuis beaucoup d'années, et j'ai tendance même à privilégier beaucoup, beaucoup le monde agricole et particulièrement les producteurs agricoles qui sont déjà implantés dans nos milieux... Je suis très proche du monde agricole et je pense qu'en termes d'acceptabilité sociale les producteurs qui sont déjà établis dans une région, hein, et qui participent à la société en général, je pense, par expérience, qu'ils vont recevoir l'assentiment de leurs concitoyens en général, dans la mesure bien sûr où tout est fait correctement, et, comme on dit, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus que ceux qu'on appelle les intégrateurs.
Et je sais très bien aussi que les intégrateurs ? je ne veux pas me faufiler, mais ? ils sont prêts, eux, là, à la levée du moratoire, là. Ils sont prêts à dépenser des sous pour la couverture sur la fosse à fumier, là. Ils sont prêts à tout ça. Ils sont prêts à aller un peu loin, là, dans des coins plus éloignés. Ils sont prêts à tout ça.
Mais j'ai vraiment une interrogation, moi, avec les gens de l'UPA chez nous, puis ils me disent: Ça va être difficile pour la ferme familiale, etc. Mais, pour ce qui est de l'acceptation sociale des producteurs existants dans nos milieux, je pense, au contraire, on aura une tendance à les favoriser, j'en suis convaincu.
M. Dion: Alors, vous parlez de la Fédération des producteurs, et tout ça, enfin de l'UPA, en général, là. Alors, je reprends la situation où elle était au point de départ, c'est-à-dire votre position, qui est très claire, et la position exprimée par la Fédération des producteurs de porcs est à l'effet que la conciliation, ça ne règle pas le problème, parce que la conciliation, de toute façon, ça va conduire à une situation possiblement où on va contester, soit d'un côté ou de l'autre, soit que les conditions sont trop sévères ou soit qu'elles ne sont pas assez sévères, et qu'on va se retrouver devant les tribunaux. Ce qui fait que les petits producteurs n'iront pas devant les tribunaux, puis les gros producteurs, eux autres, vont avoir les moyens d'y aller. Donc, ça ne règle pas bien, bien... Alors, ce qu'ils disent: Ça nous prendrait plutôt un arbitrage, une décision exécutoire. Alors, évidemment l'impression que j'ai, c'est une collision frontale avec la position de la Fédération des municipalités.
M. Belzil (Michel): Tout à fait, une collision, et le mur est très, très proche, je vous dirais. Ah non! On ne peut pas accepter, nous, de l'arbitrage. On n'accepte même pas la conciliation. On... Comment je...
C'est certain que je vais me répéter, mais ce dont on parle, là, c'est de cinq conditions qui étaient dans le rapport du Bureau d'audiences publiques en environnement, et dans ce rapport-là on disait: Ces conditions-là devraient être faites automatiquement à tout projet qui veut s'implanter ou s'agrandir.
n(16 heures)n Alors là, le législateur nous dit: Au lieu de les exiger d'une façon automatique, on va mener une consultation par le biais des municipalités, etc., et il y aura possibilité d'en choisir parmi celles-là. Alors, c'est ça qu'il dit. Alors, moi, je réitère mon propos: c'est des conditions qui sont presque usuelles, à mon point de vue, et des conditions, là, pour l'implantation aujourd'hui des porcheries, ça devrait être presque toutes ces conditions-là dans presque tous les cas. Puis je ne suis pas exigeant, là, puis je ne veux pas nuire à la rentabilité des promoteurs et des producteurs agricoles, là.
Mais en même temps on a la cohabitation sociale, l'acceptation des citoyens à gérer, dans tout ça, là. Alors, je réitère mon propos: S'il faut rajouter de l'arbitrage à tout ça, bien je pense que le monde municipal ne sera tout simplement plus là. Puis je vais vous réécrire mon mémoire, puis il va avoir une page, puis on ne sera pas d'accord.
Une voix: Puis il va être clair.
Le Président (M. Ouimet): Il vous reste moins d'une minute, M. le député.
M. Dion: Moins d'une minute?
Le Président (M. Ouimet): Moins d'une minute.
M. Dion: Alors, je vous remercie beaucoup. Je pense que votre position est très claire. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Alors, à mon tour de vous remercier, Me Belzil, Me... M. Belzil, Me Chouinard et M. Bergeron, pour votre contribution à nos travaux.
Et je demande aux représentants de la Commission de protection du territoire agricole du Québec de bien vouloir s'approcher à la table des témoins.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Ouimet): Alors, Me Roger Lefebvre, vous êtes le président de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, récemment nommé à ce poste, et je vous en félicite. Vous êtes un habitué de cette salle, de nos travaux. Je vous demanderais de bien vouloir nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Commission de protection du territoire
agricole du Québec (CPTAQ)
M. Lefebvre (Roger): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné, à ma droite, de Me Serge Cardinal, responsable des services juridiques à la Commission de protection du territoire agricole; et Me Michel Blais, à ma gauche, qui est un avocat à la Commission de protection, également.
Le Président (M. Ouimet): Alors, je vous cède la parole pour une période de 20 minutes.
M. Lefebvre (Roger): Merci. Alors, merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. À la demande, M. le Président, de votre commission, il nous fait plaisir de formuler des représentations à l'égard de certaines des dispositions du projet de loi n° 54.
Comme chacun d'entre vous le sait déjà, la Commission de protection du territoire agricole du Québec a été créée et mise en place en 1978 avec l'adoption de ce qui s'appelait alors la Loi sur la protection du territoire agricole, devenue depuis la Loi sur la protection du territoire agricole et des activités agricoles, avec pour mission de garantir pour les générations futures un territoire propice à l'exercice et au développement des activités agricoles.
M. le Président, la commission assure la protection du territoire agricole dans l'ensemble de la zone agricole, qui couvre une superficie de plus de 63 000 km² répartie dans plus de 948 municipalités et 87 MRC ou territoires équivalents. En 2002, selon le document Profil sectoriel de l'industrie bioalimentaire du Québec, publié en janvier 2004, la zone agricole du Québec supportait quelque 28 930 exploitations agricoles, dont les recettes monétaires s'établissaient à 5,5 milliards de dollars. Alors que 62 400 emplois étaient directement reliés à la production agricole, l'industrie bioalimentaire dans son ensemble procurait de l'emploi au Québec à près de 438 000 personnes.
M. le Président, sur l'ensemble de cet immense territoire, la commission régit, sous réserve des droits prévus à la loi, certaines interventions qui ont une incidence sur les limites ou à l'intérieur de la zone agricole. C'est ainsi, M. le Président, qu'elle dispose de demandes d'inclusion ou d'exclusion à la zone agricole avec comme perspective de maintenir une base territoriale pour la pratique et le développement des activités et des entreprises agricoles en conciliant les objectifs de protection avec les besoins de développement des collectivités.
Au regard des juridictions que le législateur lui a confiées à l'intérieur de la zone agricole, soit l'examen de l'implantation ou de l'agrandissement d'usage autre qu'agricole, de morcellement de terres et de l'exploitation de certaines ressources agricoles protégées ? coupes d'érables dans une érablière, enlèvement de sol arable ? la commission exerce ses fonctions dans le but de contribuer au maintien d'un contexte favorable à l'exercice et au développement des activités des entreprises agricoles en pondérant les critères applicables prévus dans la loi.
Projet de loi n° 54. M. le Président, à la lecture de ce projet de loi dans la perspective de notre mission, deux séries de dispositions ont plus particulièrement retenu notre attention, reprises dans l'ordre où elles apparaissent au projet de loi. Il s'agit d'abord des dispositions introduites sous une nouvelle section, X.1, à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, introduite par l'article 5 du projet de loi, intitulé: Dispositions particulières aux élevages porcins. Ces dispositions ont trait tant aux conditions liées à la délivrance du permis de construction relatif à l'établissement ou à l'agrandissement d'une entreprise d'élevage porcin qu'aux modalités de la consultation publique que doit tenir une municipalité, et finalement au mécanisme de conciliation qui entre en jeu au besoin avant que le conseil de la municipalité détermine des conditions auxquelles le permis de construction serait délivré.
M. le Président, la commission est d'avis que toutes les conditions envisagées auxquelles le conseil municipal peut assujettir la délivrance du permis: recouvrement d'une structure d'entreposage du lisier; obligation d'incorporer les déjections au sol au moment de l'épandage; établissement de distances séparatrices; implantation d'un écran brise-odeurs; ou les équipements devant être implantés dans un bâtiment dans le but de favoriser l'économie de l'eau, toutes ces mesures constituent... toutes ces conditions constituent des mesures de mitigation de la pratique agricole, ce qui ne relève pas de la mission et du mandat de la commission quant à son approbation ou sa surveillance.
n(16 h 10)n L'ensemble de ces mesures de mitigation, qui sont d'autant de modalités d'exercice de la pratique agricole, n'empiètent pas sur la juridiction de la commission, dont le mandat est essentiellement d'évaluer les impacts sur la protection du territoire et des activités agricoles d'un projet autre qu'agricole qu'un citoyen ou une compagnie ou un corps public veut implanter en zone agricole. Puisque l'exercice de la pratique agricole n'est pas réglementée par la Commission de protection du territoire, les conditions prévues dans le projet de loi n° 54 n'interfèrent pas avec notre juridiction. Pour les mêmes raisons, M. le Président, le principe ? important ? de primauté de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles sur toute disposition incompatible d'une loi générale ou spéciale applicable à une municipalité ou sur toute disposition incompatible d'un schéma d'aménagement, d'un plan directeur ou d'un règlement d'urbanisme, principe inscrit à l'article 98 de notre loi, est respecté. En l'occurrence, c'est le troisième alinéa de l'article 98 qui reçoit son application usuelle lorsque la municipalité prescrit des conditions avant d'émettre son permis de construction dans la zone agricole ou en dehors de la zone agricole.
M. le Président, la commission n'a pas de commentaire sur le mécanisme de consultation publique qui est prévu aux articles 145.35.2 à 145.35.7, qui sont introduits par l'article 5 du projet de loi. Quant au mécanisme de conciliation prévu avant la délivrance du permis, il s'inscrit dans le prolongement des recommandations de la commission du BAPE chargée d'enquêter sur le développement durable de la production porcine au Québec. Nous n'avons pas, sur ce point-là également, M. le Président, de commentaire quant à ce mécanisme envisagé, ni non plus sur le mode de nomination du conciliateur.
Municipalité de la Baie-James et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Seconde série de dispositions, dans le projet de loi n° 54, qui a attiré notre attention. Ce sont les articles 40.1 et 40.2, introduits par l'article 121 du projet de loi, où nommément, au second alinéa de l'article 40.1, on introduit une exception au régime d'interdiction générale prévu par la loi d'ordre public qu'est la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Voici ce qu'on lit, M. le Président, à 40.1: «Les articles 28 et 29 de cette loi ne s'appliquent pas à un acte auquel est partie la municipalité lorsque celle-ci se prévaut du pouvoir prévu au premier alinéa.» M. le Président, la municipalité de la Baie-James a effectivement une partie de son territoire en zone agricole, au sud du 50e parallèle. La zone agricole de la Jamésie couvre ainsi 23 377 ha; sur cette superficie, sept exploitations agricoles enregistrées au MAPAQ occupent 1 758 ha.
Les interventions de la commission à l'égard de ce territoire ont été ? on le comprendra ? peu nombreuses au cours des années. À titre d'exemple, pour la période couverte pour le dernier exercice financier de la commission, 1er avril 2003 au 31 mars 2004, six demandes ont été logées à la commission. Trois demandes visaient l'implantation d'un nouvel usage autre qu'agricole, de nature institutionnelle, récréotouristique ou résidentielle, rattachée à une terre dans chacun des cas. Deux visaient l'agrandissement d'un usage existant. Et la sixième demande projetait un morcellement de ferme. Chacune de ces six demandes ont été autorisées par la commission.
M. le Président, bien que la commission reconnaisse d'emblée les particularités de la zone agricole située dans la municipalité de la Baie-James, il n'en demeure pas moins que l'exception qu'on veut introduire par l'article 121 du projet de loi constitue un précédent qui, s'il annonçait le début d'une tendance, inquiéterait la commission au point de recommander au législateur de ne pas s'aventurer dans cette direction.
M. le Président, la commission s'inquiète de cette dispense en faveur de la municipalité concernée, alors que par l'article 2 de la Loi sur la protection, le gouvernement, ses ministères et organismes sont assujettis à ces articles 28 et 29 dont on voudrait faire... pour lesquels on voudrait faire une exception quant au territoire de la Baie-James.
M. le Président, s'il est vrai de dire que différentes législations... par exemple, depuis 1995, on retrouve, à l'article 17.17 de la Loi sur le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, une telle exception, ou encore à l'article 9.1 de la Loi sur les terres agricoles du domaine de l'État, depuis 1987, qui prévoit, dans les deux cas, que ces mêmes articles 28 et 29 ne s'appliquent pas au moment du transfert d'une terre propriété du domaine public provincial à une municipalité ou à une MRC, ce serait la première fois qu'une exception du même genre s'appliquerait pour dispenser une municipalité de requérir l'autorisation de la commission pour morceler une terre au profit d'un tiers, soit la société d'économie mixte, régie par la Loi sur les coopératives, comme l'envisage l'article 40.2 introduit par l'article 121.
M. le Président, dans tous les autres cas où de telles exceptions à la Loi sur la protection du territoire sont permises, entre autres pour favoriser le remembrement de superficies dans le but d'y pratiquer l'agriculture, la municipalité est dispensée de faire une demande à la commission au moment où elle veut échanger des lots avec un de ses contribuables dans l'atteinte de cet objectif. Mais la commission a cependant un autre moment où elle exercera sa juridiction, soit lorsqu'elle doit donner un avis au ministre des Ressources naturelles lors de la constitution du nouveau lot créé par le remembrement des petites superficies.
Ce mécanisme a été nommément convenu avec les membres de la Commission permanente sur l'agriculture, pêcheries et alimentation à l'occasion des projets de loi d'intérêt privé, comme, entre autres, celui de Saint-Basile-le-Grand. D'autres projets de loi d'intérêt privé de même nature sont actuellement devant l'Assemblée nationale, par exemple le projet de loi privé concernant la municipalité de Chatham-Brownsburg et Lachute, où le même mécanisme a été reproduit.
M. le Président, par opposition, l'article 121 du présent projet de loi n° 54 prévoit une dispense complète sans droit de regard de la commission. Alors, en terminant, nous réitérons que, même dans le cas particulier de la municipalité de la Baie-James, il s'agit d'une exception à une disposition publique qui s'applique à tous. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet): Alors, M. le président de la commission, je vous remercie de cette présentation. Vous exercez des fonctions quasi judiciaires, n'est-ce pas?
M. Lefebvre (Roger): Oui et non. Dans certains cas, c'est quasi judiciaire, lorsque la commission, M. le Président, a à s'assurer du respect des ordonnances qu'elle a rendues, mais en général c'est des décisions quasi administratives que l'on rend, plutôt que quasi judiciaires.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je voulais juste attirer les membres de la commission sur une certaine prudence, là, mais je peux compter sur vous pour veiller au grain, j'en suis convaincu.
Alors, je vais céder la parole au ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir pour débuter cet... Ah! pardon, c'est par habitude.
M. Fournier: ...passer la parole simplement pour saluer les gens de la commission et son président que je retrouve avec plaisir.
M. Lefebvre (Roger): Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, Mme la ministre de l'Agriculture, à vous la parole.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, M. le président, je voudrais vous saluer à mon tour et aussi, je pense, faire remarquer à cette commission que M. Lefebvre en est à sa première présence à titre de président de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec... à venir siéger à nos travaux. Alors, je veux vous féliciter pour votre nomination, M. Lefebvre. Et je pense que le mandat que vous allez occuper va demander beaucoup d'énergie de votre part, parce qu'on questionne beaucoup effectivement la Loi sur la protection du territoire agricole et des activités agricoles, vous en conviendrez. Et je sais de par vos propos, et je vous ai entendu aussi, que vous avez comme la préoccupation première la protection du territoire agricole sur le territoire du Québec. Je veux aussi saluer les personnes qui vous accompagnent et aussi vous remercier de vous être rendu disponible cet après-midi pour nous assister dans nos travaux.
Je vous dirais, M. Lefebvre, qu'il y a des intervenants qui sont venus ici, ils nous ont fait valoir la possibilité... ou encore l'avantage qu'on pourrait retrouver, qu'en zone verte on pourrait effectivement faire un certain zonage de la zone verte, c'est-à-dire faire en sorte que dans des municipalités, même sur le territoire vert, où là on pourrait... on aurait une espèce de cartographie, là, des sols, une cartographie des sols récepteurs effectivement, et d'avoir une certaine... un zonage d'activités agricoles, là, dans les municipalités. Je trouve, puis peut-être que l'idée pourrait être... en tout cas on aurait intérêt à en discuter... Et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
n(16 h 20)nM. Lefebvre (Roger): Évidemment, tout est perfectible. La Commission de protection, au moment où on se parle, rend des décisions sur du cas par cas. Il y a une réflexion ? et j'ai pu m'en rendre compte dès mon arrivée à la commission ? il y a une réflexion qui se fait à la commission depuis un certain nombre d'années sur comment la commission pourrait évaluer de façon globale le territoire agricole du Québec. Il y a eu, Mme la ministre, des échanges à l'intérieur de la commission, il y a de la réflexion, comme je viens de vous l'indiquer, il y a aussi d'autres acteurs qui sont interpellés dans ce grand débat public. Mais ce qui doit en tout temps et constamment guider les responsables, ceux et celles qui ont la responsabilité d'appliquer la Loi sur la protection ? ça comprend le président de la commission avec l'ensemble des commissaires, avec ceux et celles qui nous éclairent à l'intérieur ? c'est d'abord et strictement et seulement la protection du territoire.
Il y a des grands équilibres sur lesquels il faut réfléchir. D'ailleurs, la Loi sur la protection du territoire agricole est une loi qui appelle à des grands équilibres. Les grands espaces, comme ceux que l'on retrouve dans la grande région de Montréal, que l'on retrouve sur l'immense territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, font l'objet depuis un certain nombre d'années et de plus en plus font l'objet de pressions absolument énormes pour qu'il y ait du dézonage. On se trouve, dans ce territoire-là, dans une partie du Québec où l'on retrouve les terres peut-être les plus riches, sans exclure d'autres très belles terres au Québec. Alors, il faut absolument que la commission et ses dirigeants, Mme la ministre, et aussi évidemment le gouvernement puis le ministère de l'Agriculture soient extrêmement vigilants face à ces pressions qui sont faites sur ces territoires-là.
Je voudrais, si vous le permettez, M. le Président, permettre à Me Cardinal, qui m'accompagne, de compléter ou d'y aller un petit peu plus loin sur la réflexion à laquelle j'ai fait référence, sans évidemment aller plus loin que de vous dire que c'est à l'état réflexion, et réflexion seulement, M. le Président, et Mme la ministre. Alors, je vais demander à Me Cardinal, si vous le permettez, M. le Président, de continuer, d'ajouter d'autres commentaires.
Le Président (M. Ouimet): Alors, Me Cardinal.
M. Cardinal (Serge): Merci, M. le Président, merci, M. Lefebvre. Rapidement, je pense qu'on peut dire au législateur qu'il trouvera toujours auprès de la commission un allié naturel pour promouvoir les vues d'ensemble de la zone agricole. On a mis beaucoup d'énergie à introduire dans la loi en 1996, puis on a, si vous voulez, parfait le processus, complété la mécanique en 2001... on a donc introduit en 1996 une disposition ? et là je fais référence à l'article 59 de la loi ? qui précisément prévoit que, par exemple dans des secteurs identifiés au schéma d'aménagement, il soit possible de procéder avec la MRC comme demanderesse, donc dans le contexte d'une vue d'ensemble de son schéma et de la zone agricole, de procéder, dis-je, par la MRC à, nous, ce qu'on appelle, une demande à portée collective, pour voir à quelles conditions et dans quel contexte on pourrait, par exemple, ajouter des résidences ? parce que c'est de ça dont traite l'article 59 ? dans certains secteurs, par exemple, plus dévitalisés ou moins dynamiques de la zone agricole. Alors, oui, on pense que l'avenir est dans la vue d'ensemble dans la zone agricole.
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci. M. le député de Frontenac.
M. Lessard: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue aux membres de la commission à cette partie importante de nos travaux. Je veux saluer le président en fonction, l'ancien député de Frontenac.
Alors donc, dans la question qui est soulevée par la modification qui est prévue à l'article 121 du projet de loi n° 54, sur la modification de la Loi sur le développement et l'organisation municipale de la région de la Baie James, vous introduisez donc cette réserve quant à l'ouverture d'une mesure d'exception. Toutefois, quand je regardais aussi l'ensemble du projet qui est déposé, et quand on lit l'article de loi qui dit que la municipalité peut donc, sur une partie de son territoire, exercer toute activité agricole mentionnée à l'article 1... donc elle s'assujettit à la loi, et, pour ce faire, elle le ferait par une coopérative régie par les coopératives... une société d'économie mixte, alors, quand on regarde le projet d'ensemble en vertu de la loi, parce que vous avez eu à protéger aussi l'ensemble du territoire, favoriser le développement des activités agricoles, etc., dans votre réflexion, à l'article 12, vous tiendrez compte des particularités régionales, à l'article 59, des demandes à portée collective, donc dans une municipalité qui voit à son développement, donc éviter la répétition et voir un plan d'ensemble, comme vous le mentionnez, à l'article 62: dans les conditions de lotissement, ou etc., on tiendra compte aussi des conditions socioéconomiques nécessaires à la viabilité d'une collectivité... alors lorsque la faible densité d'occupation du territoire le justifie... Quand je regarde le projet de la Baie James versus...
Donc, c'est un projet d'ensemble, parce qu'ils ont analysé l'ensemble du profil socioéconomique du territoire, ils en conviennent que, un, il y a des... bon, il y a des manques de vision, mais ils en font un projet de société, une espèce de partenariat public-communauté où est-ce que deux secteurs, de Valcanton et Villebois, présentent un projet de société en fonction de son développement pour l'occupation dynamique de son territoire, à l'intérieur aussi, soit pour les lots épars et pour la zone agricole, donc dans les réserves... Alors, quand je regarde donc le projet de société qui est proposé, est-ce que, en fonction de ce que vous nous avez dit, qu'il y a eu six demandes qui ont été autorisées, six demandes de particuliers, alors que là on a quelque chose à portée collective ? collective ? c'est-à-dire que, oui, le développement économique, mais l'ensemble des activités d'une communauté. Un peu comme une ville, on décide de faire un parc industriel, d'emmener des industriels à faire un développement pour la création d'emplois, pour que les gens restent chez nous, pour qu'ils occupent nos écoles, pour qu'ils... créer la masse critique pour créer la dynamique.
Alors, est-ce que vous ne pensez pas que c'est comme un volet très différent?
M. Lefebvre (Roger): M. le Président, la question de M. le député de Frontenac, elle est extrêmement large, extrêmement vaste. Puis votre question en est une essentiellement de développement économique dans une région très, très, très particulière, je l'ai dit d'ailleurs dans mon intervention.
J'ai aussi rappelé pour que ce soit bien compris de quelle façon la commission, dans ses décisions ponctuelles, évalue les dossiers qui sont soumis à son attention pour fins d'autorisation. Sur six dossiers, la commission a autorisé les projets qui étaient soumis à son attention.
Ceci étant dit, la mise en garde que fait la Commission de protection, au-delà du mérite que pourrait avoir le projet, et là-dessus la commission ne se prononcera pas, la mise en garde que la commission fait, c'est de rappeler à l'attention des parlementaires que l'article 2 prescrit l'obligation pour le gouvernement, pour ses ministères et pour les organismes du gouvernement de se soumettre aux prescriptions contenues aux paragraphes 28 et 29 de notre loi, à savoir requérir l'autorisation de la commission. Ça nous agace un peu de réaliser que, le gouvernement provincial étant soumis à l'autorisation puis à la surveillance de la commission, un gouvernement municipal, tout exceptionnel qu'il soit quant à son territoire, la Baie-James, ne soit pas soumis à cette surveillance de la commission. C'est ça qui chicote un peu pas mal la commission.
Et aussi, on l'a dit dans le texte, M. le Président, on tient compte du fait, dans notre intervention d'aujourd'hui, qu'on est dans un territoire particulier. Puis on indique aussi qu'on souhaite que ce ne soit pas une tendance, que le précédent ne se répète pas.
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. le député de Frontenac. Je vais du côté de l'opposition officielle maintenant et je reconnais le député de Saint-Hyacinthe.
n(16 h 30)nM. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. le président, Me Cardinal, Me Blais, bienvenue parmi nous et merci de venir nous éclairer de votre expérience. C'est très intéressant de vous entendre parler de tout cela, d'autant plus qu'on sait que ce que vous apportez se fonde sur une expérience quotidienne de gens qui vont vous voir pour toutes sortes de choses, y compris... bien peut-être même principalement en termes de temps, pour bâtir des maisons ou faire tout autre chose que l'activité agricole en milieu agricole. Et la commission traditionnellement a été très jalouse de protéger le territoire dans la mesure... dans une mesure... dans toute la mesure possible. Et je revois un tas de décisions qui ont passé devant la commission et qui vont, par exemple dans la motivation d'une décision négative, apporter l'argument que ça risque... l'implantation d'une résidence risque de créer des contraintes supplémentaires pour le développement de l'agriculture, de l'élevage, et ainsi de suite. Alors, je pense que c'est... Aussi longtemps qu'on va dans ce sens-là, ça va bien. Je pense qu'on s'entend. Les chemins sont bien tracés et ça semble bien aller.
Mais quand je vois la position de la Fédération des municipalités du Québec, ce matin, qui nous dit: Laissez-nous décider, et puis pas de... même pas de consultations, à peu près ? disons, je caricature, mais c'est à peu près ça ? et puis que je compare ça avec l'opinion qui a été dite en public ? parce qu'on l'a entendue en privé, mais ce qui a été dit en public hier ? par le représentant de l'Association pour la conservation de la nature, qui a dit: Bien, dans le contexte actuel, étant donné la levée de boucliers qu'il y a, nécessairement il n'y en aura plus, de projets de développement en agriculture, parce que les municipalités n'en autoriseront pas, les gens n'en voudront pas.
Alors, est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'on assiste à un retour du boomerang et qu'il y a une espèce de difficulté de vivre ce phénomène-là? Et vous êtes au coeur de ce phénomène-là. Ça doit être assez... Ce n'est pas difficile à vivre pour la commission?
M. Lefebvre (Roger): De quel phénomène particulièrement, là...
M. Dion: C'est-à-dire que, là, la commission protège le territoire, mais là ce qui se passe, c'est que les municipalités se protègent contre la production agricole, les résidents.
M. Lefebvre (Roger): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous faites référence à un débat qui interpelle plein d'autres acteurs que la commission elle-même. La Commission de protection, dans la responsabilité qu'elle a de rendre des décisions à caractère, comme je l'ai dit tout à l'heure, quasi judiciaire, des décisions administratives, des avis qu'elle donne, doit, tout en utilisant les barèmes de pondération, hein, qui existent autant dans la loi qu'au niveau de la jurisprudence, depuis 25 ans... Il y a des précédents, une jurisprudence abondante; on a fait tout le tour du Québec, dans les décisions qui ont été rendues par la commission. Mais la Commission de protection, dans la mission qu'elle a de protéger le territoire pour les générations futures, doit être assez froide dans son évaluation des décisions qui lui sont soumises. Elle doit s'en tenir à la législation telle qu'elle est écrite, elle doit l'appliquer de la façon la plus correcte et la plus intelligente possible sur la base d'avis qui lui sont donnés à l'interne.
Moi, je suis là depuis un mois et demi, mais j'ai eu le temps très rapidement de constater à quel point il y a de l'expertise, de la compétence, de la connaissance, à la Commission de la protection du territoire, puis il n'y a pas un organisme au Québec qui comprend mieux la loi qu'on a la responsabilité de gérer. Il y a des commissaires également, 15 commissaires, qui sont aussi d'une compétence dédiée à leur mission à tous les jours.
La Commission de protection observe ces grands débats. Me Cardinal tout à l'heure a fait référence à l'article 59. C'est une disposition de la loi relativement jeune. Et, les projets à caractère collectif, on a eu une expérience plus ou moins heureuse dans la grande région de Magog; l'article 59 a été testé dans la grande région autour du lac Memphrémagog. Bon, ça n'a pas donné les résultats qu'on aurait souhaités, parce que ça requiert, l'application de l'article 59, une volonté évidemment de la commission de bien surveiller le processus, mais également de d'autres acteurs. Cependant, l'expérience de Memphrémagog, en partant de l'article 59, même si elle n'a pas abouti comme on l'aurait souhaité, a quand même permis à la commission de faire un inventaire extrêmement correct, intelligent et qui va servir pour les années à venir pour ce grand territoire de Memphrémagog. Et on pense ? Me Cardinal y a fait référence tout à l'heure ? on pense qu'il faut répéter l'expérience. Ce qui s'est passé dans les Cantons-de-l'Est, j'en suis convaincu, va nous permettre ? on le souhaite bien ? d'arriver à une conclusion peut-être plus définitive avec un prochain dossier semblable à celui de Memphrémagog.
M. Dion: Je vous remercie beaucoup, M. le président. D'ailleurs, je suis très conscient que la commission a joué un rôle absolument irremplaçable au Québec. Si la commission n'avait pas été fondée il y a plus de 20 ans, 25 ans maintenant, je pense que le territoire agricole serait dans un piteux état.
Mais évidemment ma préoccupation était à l'effet que: est-ce que vraiment la société a vraiment intégré toute la problématique de la protection du territoire agricole...
M. Lefebvre (Roger): Non, je ne crois pas. Je ne crois pas.
M. Dion: ...et la problématique du droit de produire, hein, qui... Même si ce n'est pas votre préoccupation principale, c'est quand même en filigrane, parce que... à cause de certaines dispositions de l'article 62.
M. Lefebvre (Roger): Non. Ça, là-dessus, je pense, M. le député de Saint-Hyacinthe, que... je vous donne raison là-dessus. Il y a plein d'éducation qui doit être faite au Québec pour comment concilier les besoins de cette activité agricole avec en même temps le respect et les droits de ceux et celles qui côtoient l'activité, particulièrement en région urbaine, en région périphérique.
Il y a évidemment de l'information, il y a de l'éducation qui doit être transmise à la population en général. Le débat auquel les parlementaires sont conviés à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 54 quant à nous est une sacrée belle occasion d'éclairer la population, qui ne demande rien qu'à avoir de l'information sur ces grands enjeux: Comment concilier l'activité agricole assez difficile à gérer, l'élevage du porc au Québec, avec les droits qu'ont les urbains également, ceux et celles qui vivent en région urbaine, à avoir une qualité de vie correcte? C'est un grand débat.
La Commission de protection n'a pas, je pense, la responsabilité de s'impliquer dans le débat public en regard des enjeux auxquels je viens de faire référence. Il ne faut pas quand même... Vous savez, on a examiné le mécanisme de conciliation qui est prévu dans la loi. Et il semble qu'il y en ait qui auraient pensé que la Commission de protection aurait pu faire l'arbitrage entre la municipalité qui est à évaluer si elle doit ou non, en partant des conditions qui apparaissent dans la loi ? si elle était adoptée ? émettre le permis, que la commission aurait pu aller arbitrer le débat entre le promoteur, la municipalité puis les citoyens. C'est impensable.
Il faut comprendre que la commission aurait pu, pourrait dans certaines circonstances autoriser l'installation d'une porcherie sans évaluer le mérite du projet. La commission, elle, décide, autorise des actes juridiques tout en évaluant de façon sommaire l'usage qu'on veut faire du territoire qu'on souhaite morceler. Alors, ce serait impensable que la commission, ayant autorisé un morcellement de lot, se retrouve subséquemment en situation d'arbitrer le projet.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais retourner du côté ministériel et je reviendrai vers vous tantôt et, s'il reste un peu de temps, vers le député de Beauce-Nord. Alors, Mme la ministre de l'Agriculture.
Mme Gauthier: Oui. Je voudrais revenir, Me Cardinal, à la réponse que vous m'avez faite tantôt concernant l'article 59 de la loi, qui permet effectivement, dans une vision d'ensemble, de permettre certaines activités autres qu'agricoles sur un territoire.
n(16 h 40)n Mais l'objet de mon questionnement, ce n'est pas celui-là. C'est... L'objet de mon questionnement est de voir si ? et j'aimerais connaître votre position ? voir comment on pourrait effectivement dans une MRC... sur un territoire de MRC réglementer les activités agricoles. Je m'explique. C'est donc dire que sur un territoire de MRC on pourrait effectivement dire que dans telle municipalité il n'y aurait pas de production... d'élevage porcin sur cette municipalité-là, pour toutes sortes de raisons: parce que le sol n'est pas en mesure de recevoir le phosphore qui va émaner de l'élevage ou, dans une autre... eu égard à la qualité du sol, on devrait peut-être permettre telle activité agricole aux dépens de certaines autres activités. J'aurais souhaité vous entendre sur cet aspect-là, de réglementer des activités agricoles.
M. Cardinal (Serge): Merci, Mme la ministre. M. le Président, vous me permettrez, madame, de vous donner une opinion personnelle qui n'engage que son auteur. La question m'est destinée personnellement, c'est comme ça que je le prends, je ne voudrais pas nécessairement engager M. Lefebvre sur ce que je vais vous dire. Mais je vous disais tantôt: On pense que l'avenir est à la vue d'ensemble. Prenez le projet que vous avez sous les yeux. Et je ne veux d'aucune espèce de façon discuter de l'opportunité du mécanisme de conciliation et de consultation publique, là, qui est prévu dans le projet de loi n° 54, on vous a dit d'entrée de jeu que ce n'était pas quelque chose qui concernait la commission. Il reste qu'on peut penser que c'est peut-être un passage obligé, là, pour lever le moratoire. Ça, je peux comprendre ça, facilement. Est-ce que c'est l'aboutissement final d'un processus d'aménagement du territoire? Je n'en suis pas certain, personnellement.
Si vous transposez ça en domaine urbain, si je veux faire ? je ne sais pas, moi ? une résidence, un commerce ou même une industrie lourde, là, des choses qui sont susceptibles d'avoir des répercussions sur l'environnement, si je veux donc implanter une industrie lourde, si je suis dans un parc industriel où cette industrie-là est permise, je n'ai qu'à respecter bien sûr les normes environnementales et bien sûr les normes relatives au permis de construction, mais je n'ai pas à me soumettre à une consultation publique ou à une quelconque conciliation par la suite ou à un quelconque arbitrage, hein. C'est automatique, j'ai droit à mon permis et, si je satisfais aux conditions, je l'obtiens.
Pourquoi, on ne peut pas transposer ça en zone agricole ? parce que je pense qu'on ne peut pas le faire maintenant, au moment où on se parle. Pourquoi on ne peut pas transposer ça en zone agricole? Parce qu'il nous manque la vue d'ensemble de la zone agricole. Parce que c'est vrai qu'il faut passer, je pense, par des étapes de caractérisation de la zone agricole, par des étapes peut-être de zonage de productions. Et là, là, je ne voudrais pas qu'on me prête des intentions malveillantes, je pense que même les producteurs seraient les premiers à penser que ce n'est peut-être pas une idée géniale, s'ils ont le choix, d'aller implanter une porcherie le plus près possible d'un périmètre d'urbanisation, hein. Ça s'appelle s'acheter des problèmes, s'acheter des conflits de voisinage.
Alors donc, je reviens à ma perspective d'ensemble. Si, un jour, le législateur pensait que la commission peut jouer un rôle dans ce contexte-là de vue d'ensemble, par opposition à un projet particulier, je pense qu'il faudrait examiner la question sérieusement.
Mme Gauthier: Merci. M. le président, vous avez parlé effectivement tantôt ? votre dernier commentaire, là ? de la possibilité, en tout cas de l'éventualité qui avait été proposée par certains intervenants à ce que la commission agisse comme tribunal d'arbitrage, eu égard au fait que, lorsqu'un permis est demandé, après une période de consultation, après même une période de médiation, on pourrait effectivement en cas de désaccord aller devant la Commission de protection du territoire agricole, et vous avez dit que ce n'est pas le rôle de la commission. On en prend acte. Cependant, est-ce que, pour vous, ça aurait été possible effectivement que notre liste d'arbitres émane de votre liste de commissaires, que ce ne soit pas la commission qui arbitre mais qu'un commissaire nous soit prêté pour agir à titre d'arbitre?
M. Lefebvre (Roger): Je pense, Mme la ministre, que, si la commission, comme entité, ne peut pas apparaître comme étant éventuellement arbitre dans un débat du genre, débat auquel on fait référence, ni non plus ses membres individuellement ne pourraient apparaître d'une façon ou de l'autre, soit seuls ou à l'intérieur d'une équipe. Parce qu'il faut bien comprendre que les commissaires à tous les jours sont appelés à décider des demandes qui leur sont soumises; les commissaires ne savent pas à l'avance non plus ce qu'ils auront à décider au cours des prochaines semaines ou des prochains mois. Alors, il faut imaginer, Mme la ministre, dans quelle situation on pourrait placer un de nos commissaires; on pourrait le rendre incapable d'agir pour presque une région complète, une MRC complète. Ça deviendrait... un, je pense, de façon très claire, que c'est une situation de conflit d'intérêts, être juge et arbitre, rendre une décision. Les commissaires travaillent en collégialité, également, hein? Ils se parlent entre eux, ils évaluent les tendances, ils discutent entre eux de la jurisprudence, d'autant plus, Mme la ministre ? vous le savez sûrement, hein ? la moitié des commissaires siègent à Québec, l'autre moitié des commissaire siègent à Longueuil, alors il y a des échanges.
Pas plus tard que la semaine dernière, on a eu une assemblée des membres, ça a duré presque deux jours. Les commissaires entendent des commentaires, des réflexions qui leur sont faites par les avocats de la commission, c'est une récapitulation de la jurisprudence récente, également des grands principes qu'on retrouve dans la loi, il y a des nouveaux commissaires qui nous arrivent aussi. Alors, ça m'apparaîtrait impensable ni que la commission elle-même puisse arbitrer ni non plus, M. le Président, qu'un des membres de la commission agisse seul ou à l'intérieur d'une équipe d'arbitres.
Mme Gauthier: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme la ministre. Je vais aller du côté de l'opposition et je vais céder la parole au député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Juste un mot pour féliciter le président de la commission, qui vient d'entrer en fonction, et, considérant l'importance de cette commission-là pour le Québec, je vais lui offrir mes meilleurs voeux de même qu'à tous les gens qui l'accompagnent et qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui. Je pense que votre dévouement à la cause de la production agricole et du territoire agricole surtout est bien connu. Félicitations!
M. Lefebvre (Roger): Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député. Alors, M. le député de Beauce-Nord, à vous la parole.
M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous. Moi, j'entends ça, la Commission de protection du territoire agricole, ça fait longtemps qu'on en entend parler... Je pense, M. Lefebvre, on a déjà travaillé sur des projets qu'on était avec des problèmes... avec la Commission de protection du territoire agricole, là, dans le cas de Magnola, dans les belles années.
M. Lefebvre (Roger): Dans une autre vie.
M. Grondin: Dans une autre vie. Moi, je pense que, écoutez, c'est une réflexion. La commission, ça fait quand même 25 ans, ça a été en 1978, 1980.
M. Lefebvre (Roger): 1978.
M. Grondin: C'est sûr que dans le temps ça répondait... c'était, je pense, nécessaire, mais aujourd'hui, là, 25 ans plus tard, on vit des problèmes, l'agriculture, ça a changé beaucoup, hein? Si je prends, moi, dans ma municipalité à moi, il y avait des agriculteurs à toutes... on prenait un rang complet, il pouvait y avoir 20 agriculteurs. Aujourd'hui, on se retrouve... les fermes ont grossi, on se retrouve parfois... dans une municipalité, il y a un rang complet puis il y a un agriculteur.
Alors, si on veut être comme législateur et responsable, il faut quand même regarder en avant, qu'est-ce qui va se passer dans peut-être les 15, 20 prochaines années. Comment est-ce que les municipalités, les petites municipalités en région vont... ils commencent déjà à vivre le problème. Comment est-ce qu'ils vont faire pour répondre à toutes les responsabilités qui arrivent? Même si la population baisse, il y a un ou deux agriculteurs par rang, ils ont la même responsabilité de payer les taxes sur la sécurité publique, la Sûreté du Québec, le monde... pour l'eau, le traitement de l'eau, puis tout ça. Mais la population baisse. Vous allez me dire que l'évaluation reste la même parce que les terres... ils paient quand même leurs taxes, mais les écoles s'en vont, il y a beaucoup de choses que quand il n'y a pas de population, ça diminue.
Et puis là il y a quelques années on est allé mettre une loi, la loi n° 184. Avant, un agriculteur pouvait quand même se permettre de construire son garçon, sa fille sur sa ferme, dans son droit acquis. Là, avec la loi n° 184, on a enlevé ça. Si tu n'as pas de lien avec l'agriculture, tu ne peux pas te construire, il faut que tu aies un lien avec l'agriculture. Et puis je suis persuadé que tous les députés ici, là, ils doivent avoir à peu près la même chose que moi, là. Je ne sais pas s'il y a une semaine qu'on n'a pas trois ou quatre téléphones pour des gens qui nous demandent s'il ne pourrait pas y avoir une modification à la loi pour permettre... pour se construire, dans des petits villages ou...
Des fois, des villages, c'est sûr que où il y a des zones blanches il n'y a pas problème. Mais, les zones blanches, on sait qu'elles sont très restreintes. Et puis on commence à vivre ça dans nos municipalités, là. Il y a des places, il y a des villages où on pourrait très bien construire des maisons, mais c'est zoné vert. Puis on sait très bien qu'il n'y aura jamais d'agriculture là, parce que l'agriculture aujourd'hui, ça ne se fait plus avec des chevaux puis avec un petit tracteur, ça se fait avec des gros tracteurs puis il faut qu'ils soient capables de fonctionner. Il y a beaucoup de fermes ou des endroits qui ne sont pas propices à l'agriculture, mais ils sont protégés parce qu'ils sont en zone verte, et puis on ne donne pas le droit aux agriculteurs de se construire... aux agriculteurs, aux gens de se construire.
n(16 h 50)n Moi, je pense que, quand même, on pourrait... je ne suis pas contre la protection du territoire agricole, au contraire, protéger les belles terres agricoles, je suis 100 % d'accord avec ça, et il faut le faire. Mais là où on sait qu'il y en n'a pas, de possibilité, et ce ne sera jamais cultivé, pourquoi qu'on n'est pas un petit peu plus permissif? Parce que, moi, aujourd'hui les gens, là... Même, je vous dirais, hier au soir j'ai eu un téléphone d'une personne qui me demandait voir s'il ne pouvait pas se construire une maison en milieu agricole. Je lui ai dit: Perds même pas ton temps, là. Ne dépense pas 200 $ pour ouvrir un dossier à la commission, tu vas perdre ton 200 $.
Ça fait qu'on est rendu... Moi, je pense qu'on pourrait quand même, dans une vue, là, pour les 25, 30 prochaines années, regarder qu'est-ce qui va se passer en avant de nous un peu puis essayer de trouver une solution. Je ne sais pas qu'est-ce que vous pensez de mon attitude, là, mais...
M. Lefebvre (Roger): Bien, c'est-à-dire, c'est évident, M. le député, que ceux et celles qui vont communiquer avec vous, c'est ceux et celles qui ont essuyé un refus. Ceux et celles qui se sont adressés à la commission, qui ont déposé une demande d'autorisation pour implanter un commerce quelconque en zone agricole, qui requièrent ce qu'on appelle communément un dézonage, il y a quand même pas mal de demandes qui sont autorisées par la commission. Maintenant, chaque cas est un cas d'espèce, chaque cas est évalué par les commissaires après que le dossier ait été expertisé par les professionnels de la commission.
Maintenant, vous prendrez... prenez le temps, M. le député, de lire le rapport annuel de l'an dernier. Le rapport annuel de la commission, qui est un document extrêmement bien fait, c'est presque un document de référence ? on est à finaliser le rapport annuel de cette année, il y a là-dedans tous les renseignements, toutes les questions auxquelles vous faites référence ? vous allez constater à quel point ce que vous mentionnez, à savoir: Est-ce qu'on ne doit pas tenir compte de certaines particularités, si c'est le cas, la commission le fait, puis elle le fait sur la base de la loi elle-même. C'est l'article 12 de la loi, qui dit ceci: Pour protéger sa compétence, la commission tient compte de l'intérêt général ? c'est d'abord ce qui doit guider les commissaires dans la décision qu'ils prennent, l'intérêt général ? à savoir protéger le territoire agricole dans son ensemble. C'est celui et celle qui s'adressent à la commission pour avoir une autorisation d'usage autre que l'agriculture dans un territoire agricole, c'est celui-là, c'est le demandeur qui a le fardeau de la preuve, puis c'est bien que ce soit comme ça, à cause de la mission première de la commission qui est de protéger le territoire. Alors: «Pour exercer sa compétence, la commission tient compte de l'intérêt général de protéger le territoire et les activités agricoles.»
À cette fin, la commission, M. le député, prend en considération le contexte des particularités régionales; c'est exactement ce à quoi vous faites référence. Et je peux vous dire que les commissaires, dans leurs décisions, ils prennent en compte les particularités régionales. Ça, là... Évidemment, à chaque fois que quelqu'un ou un demandeur voit sa demande refusée, règle générale il est déçu. Bien, son premier réflexe, c'est d'appeler son député. Son député lui dit: Je ne peux pas parler aux commissaires, parce que la décision a été rendue puis, moi, il faut que je respecte le processus. Je suis convaincu que c'est ce que vous faites. J'ai eu, moi aussi, des demandes dans ce sens-là puis je comprenais que les commissaires rendent des décisions objectives ? objectives ? sur la base des renseignements qu'ils ont, sur la vue d'ensemble qui leur est soumise.
Puis ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des décisions à l'occasion qui pourraient être différentes, mais soyez assuré d'une chose, M. le Président ? je suis convaincu que M. le député de Beauce-Nord le comprend ? les commissaires, avant de rendre une décision, réfléchissent; ce n'est pas de l'automatisme. Chaque cas est un cas d'espèce, et on prend en compte les particularités régionales. Non seulement on le fait, on doit le faire, c'est prévu dans la loi.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, sur ces paroles, Me Lefebvre, M. le président, je vous remercie, ainsi que Me Cardinal et Me Blais, de votre contribution à nos travaux et je vous dis à bientôt.
Et j'invite maintenant les représentants de l'Union des producteurs agricoles du Québec à bien vouloir s'approcher à la table des témoins.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Ouimet): L'UPA sera reçue dans à peu près trois à quatre minutes. Alors, je vais suspendre les travaux pour cinq minutes, et nous serons de retour à 17 heures.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 17 h 14)
Le Président (M. Ouimet): La commission va reprendre ses travaux. J'inviterais les représentants de l'Union des producteurs agricoles du Québec à bien vouloir prendre place.
Alors, M. Lacasse, vous en êtes le premier vice-président, c'est ça? Alors, je vous souhaite la bienvenue. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne? Alors, voilà.
Alors, M. Pellerin, je vous souhaite la bienvenue. M. Lacasse, il s'est déjà présenté, il vous reste à nous présenter la personne qui est à votre gauche.
Mme Thiboutot (Marlène): Marlène Thiboutot.
M. Pellerin (Laurent): C'est fait.
Le Président (M. Ouimet): Alors, voilà. Bienvenue. Merci. Alors, nous sommes prêts à vous entendre pour une période d'environ 15 minutes, et puis par la suite nous aurons un échange entre parlementaires. Alors, à vous la parole.
Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Pellerin (Laurent): Je voudrais d'abord vous remercier de nous donner l'opportunité de venir faire nos commentaires sur ces quelques éléments du projet de loi, éléments qui touchent le secteur agricole.
D'abord, pour les commentaires généraux. Où est l'agriculture dans toutes ces préoccupations de la levée du moratoire dans le secteur porcin?
Les recommandations du BAPE avaient, je pense, tracé un éventail assez large. Ça fait déjà plusieurs mois que ces recommandations ont été déposées, alors on attendait avec un certain empressement les recommandations ou les choix que le gouvernement ferait suite à ces recommandations-là. Malheureusement, on ne trouve pas notre compte, pour le secteur agricole, pour ce qu'on voit actuellement dans ce qui est sur la table. Il nous semble que de façon générale le gouvernement semble plus préoccupé à transférer des pouvoirs ou à accroître le pouvoir des municipalités qu'à trouver une véritable solution à la situation ou à la problématique de la cohabitation dans la zone verte. On pense que l'approche qui est mise de l'avant va plus contribuer à judiciariser les démarches ou les relations entre les groupes de citoyens et les producteurs agricoles qu'à vraiment conclure des ententes harmonieuses.
Il est fort surprenant dans le fond qu'on veuille transférer aux municipalités des pouvoirs supplémentaires, alors qu'elles ont abondamment fait la démonstration dans les dernières années qu'elles étaient incapables de gérer la situation conflictuelle dans laquelle on était. Alors, comment, d'une part, tout le monde reconnaît, tout le monde peut reconnaître, tout le monde, d'une part, que les municipalités étaient déjà dans l'incapacité de gérer la situation qui prévalait au printemps il y a... deux ans ? 2001 ? trois ans bientôt, et que tout d'un coup les municipalités seraient investies de nouveaux pouvoirs pour régler la situation de cohabitation entre les citoyens et le monde agricole? Nous, en tout cas, on ne comprend pas ces choix-là.
Vous savez, le monde municipal, les maires, les échevins, c'est tout du bien bon monde, mais, par définition, un maire, quand ça a un groupe de citoyens qui pousse, ça a juste une direction: ça recule. Alors, c'était ça, la situation dans chacun de nos milieux, dans les 1 200 municipalités agricoles du Québec.
Alors là vous leur mettez plus de pouvoirs dans les mains, vous ouvrez la porte à des audiences publiques. En soi, on n'a pas d'opposition à la question des audiences publiques. On aurait aimé ça qu'elles soient quand même plus encadrées, ces audiences publiques là, dans le sens qu'on a écrit en quelque part: Toute personne peut venir faire des commentaires. Alors, on pourrait avoir encore un groupe de citoyens du plateau XYZ qui va se promener à la grandeur du Québec puis qui va aller faire les mêmes revendications ou brandir les mêmes épouvantails à moineaux qu'il se faisait il y a deux, trois ans. Bien expliquée sur Internet, la recette était facile: première étape, vous dénoncez publiquement; deuxième étape, vous demandez une enquête du BAPE; troisième étape... C'était comme ça. Et ça, ça ne changera pas. Si, à tout le moins, vous aviez encadré les audiences municipales... aux gens intéressés dans cette municipalité-là de venir faire leur présentation, on pense qu'il y aurait probablement eu plus de sérieux à la démarche. Déjà que c'est un fardeau énorme pour des producteurs, individus, d'aller étayer sur la place publique leurs projets d'entreprise, leurs projets de famille dans certains cas, au vu et au su de tout le voisinage, avec les calculs économiques qui supporteront ce projet-là. En plus, s'il faut que ce ne soit pas juste aux citoyens et aux consoeurs et confrères de la municipalité, mais que c'est à la grandeur du Québec dans le fond qu'on va présenter nos demandes, ça fait un peu lourd comme processus.
n(17 h 20)n Ce processus-là, s'il avait été ? et je pense qu'on rejoint des préoccupations qui ont été mentionnées par la Fédération des producteurs de porcs ? si ce processus-là avait été décisionnel, si ça avait été un arbitre qui décide, mais ce n'est pas le cas, c'est un processus de conciliation. S'il n'y a pas entente au bout de la conciliation, on se retrouve dans la même situation où on était il y a trois ans, avant l'imposition d'un temps d'arrêt en production porcine. La seule voie qui restera s'il n'y a pas consensus, ce sera la voie des tribunaux.
C'est déjà très long d'obtenir un permis du ministère de l'Environnement ? on parle de délais qui jouent autour de six mois, ça peut être plus long dans certains cas ? puis là on vient d'ajouter cinq mois, cinq mois et demi supplémentaires dans la démarche pour l'obtention d'un permis. Je vous rappelle que ce n'est pas une usine nucléaire, ce n'est pas une fabrique d'explosifs, ce n'est pas rien de tout ça, là, pour lequel on demande un permis, c'est un permis d'exploitation d'un bâtiment pour des fins de production animale. Et on est dans des délais qui vont avoisiner, des délais qui vont virer autour d'un an avant de pouvoir procéder à la construction, à l'agrandissement de certains bâtiments de production.
Vous comprendrez très, très facilement qu'en plus d'avoir le fardeau d'aller présenter ses choses en public, ce qui n'est pas évident... Mettez-vous juste dans la tête que vous avez un permis pour la construction d'une piscine chez vous, aller expliquer à votre entourage puis à la municipalité que ça prend de l'eau, puis c'est compliqué, ça, c'est dangereux pour tous ceux qui se promènent autour de la piscine, vous avez à expliquer ça, là, tu sais, puis il y a quelqu'un d'autre qui va vous juger là-dessus. Bien, on est à peu près dans la même situation, le producteur devra aller expliquer son projet, le justifier, l'argumenter économiquement; un an de délai, les coûts, ça ne se fera pas sans coûts; je veux dire, on n'arrivera pas pour démontrer que telle ou telle mesure n'a pas d'impact sur l'entreprise avec un papier, là, un calcul au brouillon, ça va prendre quelque chose de plus substantiel que ça. On a vu dans certains projets des préparations qui ont été dans les milliers, les dizaines de milliers de dollars, dans certains cas. Et déjà, ça, il n'y a personne qui faisait la reconnaissance que c'étaient des coûts excessifs, c'était admissible. Et là on rajoute ces coûts-là en plus. Nous, on pense que ça va décourager les petites, les moyennes entreprises de tout simplement même présenter leurs projets. Des gens qui ont des entreprises plus grandes, ceux qui font de la production à contrat, vont probablement avoir les moyens, eux, de se dégager quelqu'un à temps plein qui va ne travailler que sur cette paperasse-là.
J'imagine que ça faisait longtemps parmi le monde municipal, parmi les pousseux de crayon un peu partout, qu'on rêvait du jour où on réussirait à fonctionnariser les producteurs agricoles. Bien, à force d'en ajouter, avec toutes ces demandes de permis là, ces demandes d'autorisation, ces commissions d'enquête publique, et tout ça, on va finir par fonctionnariser le métier de producteur agricole.
Il est surprenant que vous accordiez des pouvoirs supplémentaires aux municipalités, d'autant plus que la loi n° 23 et la loi n° 184 n'ont pas encore trouvé leur pleine application. C'est comme si vous tassiez du revers de la main les résultats des consensus des dernières années entre le monde agricole puis le monde municipal puis que vous disiez: Bien, regarde, ça n'a pas donné les résultats escomptés, on va faire autre chose. Ça ne peut pas avoir donné les résultats escomptés! Vous aviez mis, le législateur avait mis comme condition, avant que les municipalités puissent décider de d'autres choses, qu'ils modifient leurs schémas d'aménagement en MRC et qu'ils abandonnent les règlements qui étaient abusifs à l'endroit de l'agriculture. Je vous rappelle qu'il n'y a que 30 MRC qui ont révisé leurs schémas d'aménagement ou... et adopté des RCI...
Une voix: Avec les RCI.
M. Pellerin (Laurent): ...avec les RCI... ont modifié leurs schémas d'aménagement avec des RCI pour se rendre conformes à la loi n° 184, loi n° 184 qui traduisait les orientations gouvernementales pour bien mettre en application la protection des activités agricoles dans la zone verte.
Alors, sans que ce soit rendu à l'échéance, sans que vous ayez eu les moyens de mettre en application ce qui avait été... ou de faire mettre en application par les municipalités récalcitrantes ce qu'elles ne voulaient pas mettre en application, vous leur transférez des pouvoirs supplémentaires. Elles étaient déjà incapables ? et le mot n'est pas trop lourd ? d'administrer ce qu'elles avaient dans les mains, vous leur en remettez encore plus. C'est un peu odieux, je vous dirais que c'est même beaucoup odieux pour le monde agricole.
À la page 5 du mémoire, on aborde la question, aussi... Parce qu'à chaque fois que vous avez fait, d'un gouvernement à l'autre, d'un parti à l'autre, à chaque fois que vous avez fait des affirmations, dans les dernières années, sur l'agriculture, vous les avez faites en utilisant un vocabulaire pompeux sur l'accompagnement financier. Cette fois-ci, vous avez dit: Ce n'est pas grave, les amis, ce sera accompagné d'un «soutien financier stimulant». Je fais le tour du Québec, je rencontre les producteurs agricoles, et vous savez où se classent les politiciens dans la catégorie de la reconnaissance des métiers? Ce n'est pas très, très haut, la cote, hein?
Le Président (M. Ouimet): M. Pellerin, je vous inviterais à la prudence par rapport à certains des propos que vous utilisez. Je comprends votre mécontentement possiblement à l'endroit du projet de loi. Je suis convaincu que vous êtes en mesure de transmettre le message en utilisant des mots qui sont appropriés.
M. Pellerin (Laurent): Alors, à la page 6, je vais vous présenter le tableau, le tableau qui est là. De 1988 à 1996, on devait appliquer un programme de soutien financier pour l'agriculture. Ce programme-là devait investir 388 millions. C'est un gouvernement que vous connaissez qui était à la tête du Québec à ce moment-là. Il y en a 126 millions qui ont été versés; il y en a 262 millions qui n'ont jamais été versés. De 1997 à 2003, on a annoncé 400 millions pour accompagner toutes ces démarches agroenvironnementales là des producteurs. Il y en a 203 millions qui ont été investis; 194 millions dont on n'a jamais vu la couleur. En 2002-2005, il a été annoncé 257 millions sur trois ans, il n'y a rien de ça qui a été investi. Et, dans le programme du Parti libéral 2003-2005, il était prévu 239 millions de dollars sur cinq ans, il y en a 15 millions qui ont été investis l'an passé et 28 millions cette année. Il en reste 195 millions et il reste un an.
Une voix: Trois ans.
M. Pellerin (Laurent): Trois ans.
Vous avez, au bas de la page 6, plusieurs citations de tous ceux qui ont tenu... plusieurs qu'ont tenues les ministres de l'Agriculture dans les dernières années. 1,5 milliard qui ont été annoncés dans les huit dernières années au Québec pour accompagner les producteurs agricoles, 220 millions qui ont été versés. Alors, je pense que c'est extrêmement difficile de convaincre les producteurs agricoles que l'accompagnement a été adéquat, qu'il a été à la hauteur des engagements qui avaient été pris.
Alors que les producteurs agricoles sont aux prises avec la pire crise du revenu agricole depuis le début du siècle, pas des 10 dernières années, depuis la crise des années 1929-1930, cette année, Statistique Canada, Agriculture Canada a publié vendredi passé les chiffres officiels du revenu net pour 2003. Le revenu net agricole canadien, pour les 250 000 fermes du Canada, il est négatif, et vous demandez des investissements supplémentaires par la loi qui est sur la table, et quelqu'un aura à juger si ça a un impact sur la viabilité des entreprises agricoles! Et le président de la FQM dit lui-même que, s'il faut que cette clause-là reste... sur l'impact financier que ça pourra avoir sur les fermes, qu'il ne se satisfera pas de cette clause-là.
Alors, vous voyez où on est au niveau financier. On est dans une situation assez difficile. Les mesures environnementales qui sont demandées aux producteurs agricoles du Québec sont parmi les plus sévères en Amérique du Nord. On a toujours été supporteurs de ces mesures-là, et les mesures de cohabitation que vous ajoutez aujourd'hui viennent en remettre sur le tas, et on nous dit qu'on reviendra un petit peu plus tard dans l'année pour d'autres mesures pour l'ensemble du secteur agricole québécois, et on pense que, nous, la cour est pleine. On en a assez. On ne sera pas capables d'aller plus loin pour rester en production si ces mesures-là restent toutes en place puis s'il n'y a pas un petit peu plus d'ouverture, de flexibilité qui est faite à l'endroit du monde agricole.
Ce sont peut-être des propos sévères, mais ils sont, je vous dirais, par rapport à la tournée que je fais des producteurs agricoles du Québec, que j'ai faite ce printemps et que je poursuis, je vous dirais qu'ils sont très, très tamisés, ces propos-là, parce que les mots des producteurs agricoles sont beaucoup plus durs que n'importe lesquels que je pourrais employer ici.
Alors, ça fait essentiellement le tour des commentaires que je voulais vous transmettre. Il y a plusieurs points techniques qu'on pourra aborder dans les questions, il y a plusieurs suggestions qu'on est prêts à vous faire pour améliorer ces éléments du projet de loi là, pour qu'il soit un petit peu plus vivable pour les producteurs et les productrices agricoles. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vous remercie, M. Pellerin. Je vais ouvrir l'échange avec vous en cédant la parole à la ministre de l'Agriculture. Mme la ministre.
n(17 h 30)nMme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, M. Pellerin, bonjour, bon retour au Québec. Alors, je salue vos collègues, M. Lacasse, Mme Thiboutot, bonjour, merci, merci d'être à la commission cet après-midi... eu égard à votre agenda, particulièrement M. Pellerin. J'en prends bonne note.
J'ai effectivement trouvé vos propos sévères. Simplement vous rappeler, M. Pellerin, et ce n'est pas la première fois que je vous le dis, c'est que vous avez mal lu notre plateforme électorale. Notre engagement est sur cinq ans, à partir de 2004, M. Pellerin. Il me reste encore quatre ans pour pouvoir respecter mon engagement, et j'entends bien m'y consacrer. Mais cela, ça passe, M. Pellerin, vous le savez très bien, par la réorganisation de certains programmes ? et on aura plus l'occasion de vous en parler par après ? mais effectivement on a un travail à faire ensemble, là, pour voir comment on peut réaménager certains postes.
M. Pellerin, vous avez dit que la consultation était quelque chose qui devrait être mieux encadré, même si vous êtes conscient aussi que cette consultation-là est comme devenue nécessaire. Vous le savez, le moratoire existe, le moratoire est là. Il faut trouver des mesures pour essayer de lever ce moratoire, parce que dans ma vision des choses à moi, lorsqu'il y a un moratoire sur un secteur particulier, dans ce cas-ci c'est le secteur porcin, ce n'est pas une réussite, à mon avis c'est un constat d'échec. Alors, il faut faire en sorte de lever ce moratoire-là pour permettre au secteur de pouvoir grandir et de pouvoir prendre de l'expansion dans les régions du Québec.
Vous conviendrez avec moi aussi que, avec ce qui s'est passé, avec la croissance assez rapide du secteur porcin dans les années... fin des années quatre-vingt-dix, 2000, il y a eu un tollé de protestations. Chaque fois qu'une nouvelle entreprise voulait s'installer dans une région, même une région déficitaire en termes de phosphore, comme la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, par exemple, où il y avait effectivement un tollé de protestations de la population qui ne voulait rien savoir de l'industrie porcine. Or, manifestement, M. Pellerin, vous conviendrez avec moi que c'est important qu'on puisse réconcilier et les producteurs agricoles, particulièrement tous ceux dans le secteur porcin, et effectivement les résidents et résidentes des milieux, là, agricoles, les milieux dans nos villages et municipalités rurales. La période où on prévoit dans le projet de loi une consultation publique, je vous le dis, M. Pellerin, elle sera... là où il y aura une consultation, elle sera accompagnée. Elle sera accompagnée avec les gens du ministère de l'Environnement, elle sera accompagnée avec les gens du ministère de l'Agriculture, Pêcheries et Alimentation pour faire en sorte de mieux faire connaître les tenants et aboutissants du projet.
M. Pellerin, j'ai vu dans votre mémoire que pour vous il est primordial effectivement qu'avant la tenue de la consultation publique... ? je dis «primordial», peut-être que j'exagère un peu vos propos, là ? mais vous avez écrit que c'était important, à tout le moins, que le certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement soit émis avant la consultation publique. Cependant, on a entendu hier d'autres intervenants qui, eux, nous ont dit qu'ils seraient inconfortables avec cette disposition-là parce que ce serait comme insultant pour la population parce qu'ils se verraient comme devant un fait accompli et que pour eux en définitive ça pourrait devenir une consultation bidon. Vos commentaires.
M. Pellerin (Laurent): Bien, je pense que ça fait partie des imbroglios qui se sont promenés à travers le Québec dans les dernières années et que personne n'a osé corriger, je pense, personne d'influence n'a été capable ou n'a osé corriger. Mais on n'a jamais voulu mêler, à l'UPA, les questions environnementales, les questions de santé avec les questions de cohabitation. Pour nous, il n'a fait aucun doute... et on a souscrit à toutes les mesures environnementales, que ce soit la question des bilans phosphore et n'importe quelle autre des autres méthodes qui ont été mises sur la table. On souscrit à ça. Donc, on veut que les projets de construction, de production agricole, que ce soit la production animale ou autres, soient tout à fait conformes à toutes les règles environnementales que le Québec s'est données. Là-dessus, on n'a jamais fait de compromis. C'est pour ça qu'on continue à le dire et répéter: Les producteurs qui veulent bâtir des bâtiments de production devront être en règle avec toutes les règles environnementales du Québec. Il me semble que c'est un message, ça, qui devrait en soi créer un mouvement de sympathie à l'endroit des producteurs agricoles et qui devrait être repris par la classe politique aussi pour le répéter le plus souvent et le plus fermement possible.
L'autre question qui reste après ça, l'agriculture en zone verte, tout à fait conforme à l'environnement, peut arriver à l'occasion à causer des problèmes de cohabitation, soit par des inconvénients d'odeurs, de poussières, de bruit, etc., et c'est cette partie-là qu'encore une fois on est d'accord pour soumettre aux commentaires de nos concitoyens, malgré toute la lourdeur dont je vous ai parlé tantôt. S'il y avait moyen de l'alléger, de s'assurer que ce n'est pas juste les producteurs qui peuvent en faire les frais...
Vous savez, on a vécu le BAPE, Mme Gauthier. C'est vrai qu'il y a du monde qui se sont fait entendre partout à travers le Québec, des centaines de producteurs agricoles, et je dirais plutôt des dizaines, là, de citoyens, toujours les mêmes partout à travers le Québec. Alors ça, on en a un peu ras-le-bol. Ce n'est pas des milliers de citoyens qui se sont fait entendre... Les audiences publiques du BAPE! Ce n'est pas des milliers de citoyens qui se sont fait entendre à travers le Québec, sur le 7 millions, ce sont quelques dizaines, toujours les mêmes. Alors ça, on en a un peu soupé, et on veut malgré tout que dans un village, dans un milieu, dans une communauté où il y aura un projet, que les gens qui potentiellement pourraient être affectés par des inconvénients de ce projet-là puissent venir porter leurs commentaires, s'il est possible de faire des améliorations au projet, faire attention que le fardeau ne soit pas non plus juste à la charge des producteurs agricoles. On a vécu un exemple ? que vous m'avez cité ? encore il n'y a pas longtemps, en Mauricie, avec l'Auberge du Baluchon, qui a défrayé les équipements supplémentaires pour le producteur; dans ce cas-là, ce n'était pas juste à la charge du producteur, tout le monde semble heureux. C'est vrai qu'il y en a, des belles histoires, mais il y en a de plus nombreuses difficiles à vivre, difficiles pour les familles, difficiles pour les individus qui soumettent ou vivent ces projets-là.
Alors, pour nous autres, c'est sûr qu'on ne reviendra pas en arrière pour dire qu'il faudrait que les certificats d'autorisation du ministère de l'Environnement fassent l'objet d'auditions publiques. Il y a toujours une limite, là! On est conformes à l'environnement, avec toutes les règles que ça comporte, ou on ne l'est pas. Ceux qui ne le sont pas, ils retournent chez eux, et quand même qu'ils se présentent à l'UPA, dans n'importe lequel de nos 350 syndicats affiliés, la réponse est fort, fort simple: C'est pas conforme à l'environnement, on ne le supporte pas. Si c'est conforme à l'environnement, on passe à la deuxième étape, on est d'accord pour la faire, mais, je vous le répète, essayez de l'alléger où c'est possible, essayez de l'encadrer encore mieux qu'elle est encadrée actuellement. Et, s'il y a une commission parlementaire, j'imagine que c'est pour ça que vous voulez nous voir, avoir des commentaires pour la faire encore la plus efficace possible. Et je vous répète: Si, à tout le moins, vous étiez capable d'encadrer la partie des citoyens qui vont venir dire quelque chose sur un projet, que ce ne soit pas Pierre, Jean, Jacques, de n'importe où à travers le Québec, qui va venir parler d'un projet à Saint-Éphrem. Si la communauté de Saint-Éphrem a quelque chose à dire, les voisins de ce producteur-là ont quelque chose à dire, bravo!
Deuxième encadrement: sur le plan financier. De ne pas laisser l'impression, dans le projet de loi, que toute la charge des contraintes supplémentaires que vous mettez sera uniquement à la charge du producteur agricole, de ne pas laisser l'impression que la démonstration sera aussi tout le temps à la charge du producteur agricole. Je vous le dis, avec les revenus qu'il y a en agriculture, là, avec les heures que le monde fait en agriculture, de rajouter 5 000 $, 10 000 $, 25 000 $, ce n'est pas mince. Dans certains cas, ça va même décourager les gens d'y aller. Alors, moi, je pense que c'est ça qu'on vous demande aujourd'hui.
Je ne sais pas si Christian a d'autres choses à rajouter là-dessus?
Le Président (M. Ouimet): Oui.
n(17 h 40)nM. Lacasse (Christian): Merci. Si vous me permettez, je reviendrais sur quelques éléments, un peu pour renchérir, suite au questionnement de Mme Gauthier. Des commentaires qui vous apparaissent probablement sévères, parce que, nous, on considère que c'est un retour en arrière important. Mais il ne faudrait pas interpréter par là qu'on n'est pas sensibilisés ou qu'on est contre un développement harmonieux de l'agriculture, là. Ce n'est pas ça du tout, ça fait des années qu'on y travaille, des années, depuis le début des années quatre-vingt-dix qu'on travaille avec acharnement pour améliorer la cohabitation, faire en sorte que l'agriculture et le milieu rural, le milieu municipal vont pouvoir s'harmoniser.
Sauf que... regardez la petite histoire des dernières années, où on s'est retrouvés... Moi, je me souviens d'avoir assisté mon président, ici, à des commissions comme celle-là où on est arrivés avec une liste, à chaque fois, de municipalités qui... avec les pouvoirs qu'elles avaient à l'époque, avec toute une liste de municipalités qui avaient des règlements abusifs, des règlements tellement contraignants pour l'agriculture que ça faisait... ça avait pour effet de bloquer de façon systématique tout projet agricole. On en a déposé des listes comme ceux-là. Le régime sur lequel on a travaillé depuis les dernières années, avec la loi n° 23, avec la loi n° 184, les orientations gouvernementales de 2001 ont permis... ont permis, selon moi... Je pense que ça nous a mis dans la bonne voie, de façon à ce qu'on balise mieux le pouvoir municipal. Parce que c'était ça.
Autant on trouve important de réglementer pour éviter les abus que certains producteurs pourraient faire au niveau environnemental, c'est tout aussi important de baliser le pouvoir municipal, parce qu'on en a la preuve: il y a des municipalités qui ont abusé de ce pouvoir-là au cours des dernières années. Et je vous dis: À partir des orientations gouvernementales 2001, on était en mesure, avec des balises beaucoup plus précises, de faire en sorte que les municipalités devaient justifier davantage lorsqu'ils avaient à réglementer. On était dans la bonne direction.
Aujourd'hui, on fait table rase de ça et là on arrive avec un mécanisme. Moi, je ne suis pas contre le mécanisme, sauf qu'il va y en avoir, des conflits, il va y en avoir encore, des conflits, c'est évident. C'est sûr. Il suffit qu'il y ait un, deux, trois citoyens qui vont faire suffisamment de pressions pour faire en sorte que le conseil municipal va imposer des contraintes importantes aux agriculteurs. Nous, là... Moi, là, où j'ai un sérieux problème, c'est que la conciliation, dans un mode comme celui-là que vous avez inscrit, pour moi ça ne veut rien dire pour l'agriculteur.
Vous savez, pour une conciliation, là, une vraie conciliation, il y a une condition: il faut que les parties soient sur un pied d'égalité. Mais c'est bien de valeur, mais, tant et aussi longtemps que la municipalité a le pouvoir d'imposer ces contraintes-là et que le producteur sait très bien que en bout de piste il peut se les faire imposer, je m'excuse, là, mais ça ne sert à rien de penser qu'on va avoir de la conciliation qui va donner des résultats, parce que les deux parties ne sont pas sur un pied d'égalité.
Alors, pour ça, si on veut... Puis on n'est pas contre la conciliation, mais il faut qu'il y ait un arbitrage au bout, et c'est ça qui crée le pied d'égalité, parce que chacune des parties n'est pas en mesure d'imposer ce qu'elle pense à l'autre. Il y a un arbitrage, et c'est aussi à ce moment-là qu'on aurait pu s'attendre à ce que les prérogatives, les impératifs de l'agriculture, puis en particulier de l'agriculteur concerné, c'est là qu'ils peuvent être pris en considération de façon... davantage, avec un arbitre qui aurait des connaissance et qui pourrait faire appel à une expertise agricole pour être en mesure de prendre la réalité aussi de l'agriculture.
C'est des éléments comme ceux-là qui manquent et qui vont faire en sorte que ce nouveau régime là, c'est un recul majeur par rapport aux avancements. Il n'est pas parfait, le régime, on le sait très bien. Mais, moi, par expérience je sais que l'équilibre... pour arriver à un développement harmonieux, ça prend un équilibre, puis, pour l'équilibre, ça ferait comme du mécontentement de chaque côté.
C'est pas vrai, là, le jour où... S'il y a des gens qui pensent qu'un développement harmonieux, ça va être le jour où il va n'y avoir aucun citoyen qui va se plaindre d'un projet agricole, moi, je pense qu'à ce moment-là on ne parlera plus de développement. Il n'y en aura plus, de développement, ça va être juste une cohabitation.
Le Président (M. Ouimet): Il reste une minute et demie, Mme la ministre.
Mme Gauthier: M. Lacasse, je vous avoue que vous nous surprenez quand vous dites que ce projet de loi est un recul. Parce qu'il y a moratoire au moment où on se parle, il y a un secteur de l'agriculture qui est ? pour prendre une expression ? jammé. Alors, quand on pense qu'on veut travailler pour faire lever le moratoire, moi, je ne pense pas qu'on recule. En fait, je pense qu'on veut avancer.
Et j'ai entendu en commission parlementaire des groupes qui sont venus témoigner. Il y a votre camarade, M. Bouchard, qui est venu témoigner hier. M. Bouchard, Roméo, lui, souhaite effectivement qu'on laisse le moratoire pour faire en sorte d'avoir une meilleure vision des pratiques...
M. Pellerin (Laurent): ...notre camarade, surtout, là.
Mme Gauthier: ...des pratiques agricoles.
Des voix: ...
M. Pellerin (Laurent): Si le président peut m'arrêter sur certains propos, Mme Gauthier, appelez-le pas camarade, là, parce que ça ne va pas du tout, du tout, du tout. On n'est pas de la même école, puis je ne veux aucune comparaison avec ce genre d'individus là qui ne sont que des plaies dans une société.
Le Président (M. Ouimet): Non, non, non. Je vous invite à la prudence, là. Même s'il n'est pas ici, un respect pour tous les citoyens. Mme la ministre, il reste à peine 30 secondes.
Mme Gauthier: En fait, en fait, qu'est-ce que vous souhaitez? Qu'on laisse encore le moratoire pendant plusieurs mois, voire plusieurs... encore des années?
M. Pellerin (Laurent): Sur la question du recul, Mme Gauthier, quand ces éléments-là seront adoptés, par rapport aux éléments qui sont en place actuellement dans 184 puis qui n'ont pas pris leur application, c'est là qu'il y a recul.
Sur la question du moratoire, on ne vous argumentera pas..
Le Président (M. Ouimet): S'il vous plaît!M. Pellerin (Laurent): ...nous autres qui a été mis en place de façon...
Le Président (M. Ouimet): Je dois vous arrêter là-dessus, M. Pellerin, il ne reste plus de temps à l'enveloppe ministérielle. Je vais du côté de l'opposition et je cède la parole à Mme la députée de Bourget qui est porte-parole pour l'opposition officielle en matière d'affaires municipales.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. Pellerin, monsieur, madame. M. Pellerin, je dois le dire, vous avez fait une présentation extrêmement sentie, qui soulève plusieurs questions. Vous avez dit dès le départ: Les municipalités ont été incapables de gérer adéquatement. J'aimerais comprendre, parce que, si votre constat est aussi clair ? les municipalités ont été incapables de gérer adéquatement ? vous avez bien réalisé que l'hypothèse de ce projet de loi qui est amené par le gouvernement, c'est de faire porter des responsabilités accrues aux municipalités. Alors, si vous dites... si votre diagnostic est à l'effet d'une certaine incapacité pour les municipalités de gérer, on est pas mal dans le trouble, là. Mais je veux comprendre. En quoi vous dites que les municipalités ont été incapables?
M. Pellerin (Laurent): On a eu par le précédent gouvernement la mise en place de ce temps d'arrêt là en production porcine. La raison pour laquelle il a été mis en place, ce temps d'arrêt là, c'est parce que dans plusieurs municipalités du Québec il y avait situation conflictuelle entre le monde municipal, quelques groupes de citoyens et les agriculteurs. Alors, le constat, il vient de là. Le monde municipal n'a pas été capable de gérer la situation avec les règles qu'il avait à sa disposition à ce moment-là. C'est un constat qui est plate à faire, mais il est là, le constat.
Mais aujourd'hui on revient à la charge en disant: Bien, regarde bien, ces gens-là n'ont pas été capables de le faire, on va leur donner des outils supplémentaires pour le faire. Et les outils supplémentaires, c'est des contraintes supplémentaires sur le dos des producteurs et des productrices agricoles. Minimalement, je referais une suggestion supplémentaire, qui est dans notre mémoire: À tout le moins, avant de donner ou avant que les municipalités puissent exercer ces pouvoirs supplémentaires là, on peut-u au moins leur demander de mettre en place le RCI et les éléments qui sont dans la loi n° 184? C'est une loi gouvernementale, ça; ils ne les ont même pas respectés encore, puis vous leur en redonner plus, des pouvoirs. À ça, nous autres, on dit: Écoutez, ne redonnez pas à celui qui est incapable d'administrer des pouvoirs supplémentaires, il n'a pas été capable d'administrer. Ils ont refusé de modifier leur RCI dans certains cas.
Alors, s'ils veulent jouir de ces pouvoirs supplémentaires là, nous, ce qu'on dit dans notre document: Au moins, ajoutez la contrainte qu'ils devront mettre en place tout ce qu'il y avait dans 184 avant de passer à la prochaine étape. Et je vous dis que ça pourrait, en plusieurs cas, être un peu plus vivable. Mettre tout ce qu'il y a dans 184 en place, ça veut dire, entre autres, les règlements dont M. Lacasse parlait tantôt. Les règlements abusifs, c'est tout à la poubelle, ça, là. Les municipalités qui ont passé des règlements, là, qu'il n'y aura pas de construction de bâtiments de production porcine à moins de 2 km de toute voie publique, cherchez ça dans certaines municipalités un terrain à 2 km de toute voie publique, c'est pas mal loin, ça, tu sais.
Mme Lemieux: M. Pellerin, en supposant, là, que le gouvernement met tout en branle pour que 184 soit vraiment... atterrisse puis que tout le monde assume les responsabilités et les devoirs qui étaient prévus, à supposer que l'argent est là pour soutenir l'industrie dans les transformations que ça implique, dans ses pratiques, dans tout ce que vous voulez, à supposer que tout ça est fait, il restera toujours une petite zone, là. La cohabitation, il faut la gérer, là, hein, ou il faut que le monde se parle puis il faut que le producteur...
Le président de la Fédération des producteurs de porcs, hier, nous disait: Moi, je vis dans une petite ville, si je fais les choses croche, mes voisins vont m'haïr, tu sais. Alors, il faut quelquefois un lieu autre pour faciliter ce point de contact. Bon, bien, alors il est où et il s'articule comment?
n(17 h 50)nM. Pellerin (Laurent): Oui, il y a un point autre, et, depuis les derniers mois, depuis le rapport du BAPE, on a fait à plusieurs occasions cette même argumentation-là à Mme Gauthier, à savoir que... et à d'autres ministres, à savoir que ce qu'on trouvait qui serait important, nous autres, c'est... La conciliation locale, il y en a peut-être un bout qui peut se faire là, mais, s'il y avait un organisme extérieur, tierce partie neutre... Et on parlait, dans, nous autres, ce qu'on connaît comme outil qui peut faire la job, qui aurait pu faire la job et qui peut encore faire la job, quelque chose comme la Commission de protection du territoire agricole, qui aurait pu être cet arbitre que M. Lacasse parlait tantôt, dans le cas de situations conflictuelles, dans sa partie protection des activités agricoles, d'entendre des parties. Il y a déjà des commissaires qui sont là, je pense qu'ils connaissent bien l'agriculture, ils connaissent bien les contraintes puis ils sont capables d'êtres sensibles à la préoccupation des citoyens. Puis, s'il faut en ajouter une autre série de monde qui sont plus sensibles aux préoccupations des citoyens, on n'a pas de problème avec ça, mais d'avoir un organisme qui n'est pas un organisme sur le terrain.
Dans le fond, il y a un conflit: le maire se fait pousser par une gang de citoyens, puis de l'autre côté il y a une gang de producteurs qui poussent. Le monde municipal, le conseil municipal, il est dans une situation intenable, il faut lui donner un mur sur lequel il est capable de s'accoter pour dire: Woups! Regarde, c'est là, la ligne, je ne peux pas aller plus loin que ça. S'il y a un conflit, s'il y a une mauvaise entente, bien il y a une partie ici qui va vous entendre puis qui va trancher.
Mme Lemieux: Et vous pensez vraiment...
M. Pellerin (Laurent): Et je pense qu'à ce moment-là on mettrait le monde municipal dans une situation beaucoup plus agréable et constructive, puis peut-être que tous les dossiers ne se rendraient pas là, non plus, parce que, sachant qu'il y a un arbitre qui peut décider, une partie comme l'autre, à ce moment-là bien ils sont plus prudents dans le genre de choses qui peuvent exiger, parce que ce n'est pas sûr qu'ils vont avoir raison.
Tandis que là ? ce que Christian disait tantôt, c'est tout à fait vrai ? tandis que là, bien, pauvre producteur, il va faire sa démonstration, mais, s'il y a un groupe de citoyens qui poussent assez, de toute façon ils vont lui imposer toutes les contraintes que vous avez évoquées là, puis il aura le fardeau de faire la démonstration que ça n'a pas d'impact financier sur son entreprise.
Mme Lemieux: Donc, vous pensez que ça vaut vraiment la peine d'explorer la possibilité d'accorder certains pouvoirs à un organisme déjà existant?
M. Pellerin (Laurent): Ça a été notre suggestion.
Mme Lemieux: C'était votre suggestion. Dernière question, là, parce que mon collègue de Saint-Hyacinthe aimerait bien intervenir. Sur la judiciarisation, je vois bien que vous avez beaucoup d'inquiétudes. Je ne sais pas qu'est-ce que vous pouvez ajouter de plus que ce que vous avez identifié jusqu'à maintenant, mais en général la judiciarisation... un excès de judiciarisation, ce n'est pas toujours un progrès, là, quoiqu'on en a besoin à certains moments. Mais je voudrais juste vous entendre, comprendre pourquoi vous craignez une judiciarisation importante.
M. Pellerin (Laurent): Regardez bien, là. Mettez-vous dans la peau du producteur agricole qui l'aura fait, l'exercice de démonstration jusqu'au bout de la ligne et qui aura fait la démonstration, avec des gens qu'il aura engagés, que ça peut avoir un impact financier sur son entreprise, puis malgré ça le conseil municipal, le monde municipal lui impose des conditions. Le producteur n'acceptera pas ça. Ou bien la municipalité n'émettra pas le permis, puis là le producteur va se retrouver devant les tribunaux pour aller le chercher, son permis. On a déjà supporté des producteurs qui ont été obligés d'aller devant les tribunaux, parce qu'ils répondaient à toutes les normes municipales, toutes les normes environnementales, la cour leur a émis le permis. À chaque fois, c'est une bataille rangée, c'est des dizaines de milliers de dollars de frais d'avocat, et c'est là-dedans qu'on ne veut pas embarquer. C'est pour ça que l'arbitre nous apparaissait comme une instance moins coûteuse, plus exécutive. Parce qu'il y a une question de délais, aussi, quand on s'en va devant les tribunaux; le projet, il est sur la glace pour six mois, un an, deux ans. Vous savez c'est quoi, les délais des tribunaux là, ce n'est pas moi qui les invente. C'est dans ce dédale-là qu'on ne veut pas tomber, non plus.
Mme Lemieux: Je veux juste vous indiquer que le ministre a dit quand même, le ministre des Affaires municipales, que l'arbitrage était exclu. Alors, il va falloir qu'on trouve une solution, là, et je pense que ça, ça a été campé de la part du gouvernement.
Une voix: Oui.
M. Pellerin (Laurent): J'imagine que, si le gouvernement a convoqué une commission parlementaire, c'est pour écouter des suggestions, puis, moi, je suis toujours... je pense toujours que ces gens-là, tous les gens qui décident puis qui nous représentent pour l'administration quotidienne des affaires publiques, si le bon sens prend le dessus de la soupe un bon matin, j'imagine que ça va faire que le projet de loi peut être modifié encore. J'ai encore confiance.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme la députée de Bourget. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame, messieurs, merci de venir nous aider à voir clair dans tout ça. J'ai envie d'aller directement à une question un peu globale, parce que vous avez donné beaucoup de choses. Je pense que le moins qu'on puisse dire, c'est que votre document et votre présentation sont très éclairants sur votre position.
Qu'est-ce qu'il faudrait faire? Prenons l'hypothèse, parce que c'est toujours avec cette hypothèse-là qu'on travaille: le projet de loi est présenté, préparé avec la meilleure foi possible puis avec la meilleure intention possible de faire un pas en avant pour relancer le développement de l'élevage porcin. Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que ce projet de loi là puisse aboutir à quelque chose? Est-ce qu'il faut tout simplement le retirer ou si... Grosse question!
M. Pellerin (Laurent): Bien, notre document, il est assez clair là-dessus dans le fond, puis je vais répéter ce que j'ai dit tantôt. Nous, on est plus de l'école... Au moment où on se parle ? parce qu'on est rendus déjà en juin ? ça fait trois ans maintenant que le temps d'arrêt est en place, il n'y aura pas de construction encore à l'été 2004, aucune construction. Il y a un abattoir important qui vient de fermer au Québec, des centaines d'emplois; il y a parmi de nos meilleurs experts dans cette production-là qui sont partis à l'extérieur du Québec, alors il y a quelque chose qui ne se reproduira plus. Le premier fabricant, exportateur et vendeur d'équipement de porcherie au Québec a fait faillite. On est dans cette situation-là, alors c'est sûr que ça ne peut pas durer éternellement.
Je vais répéter ce que j'ai dit tantôt: Pour l'élément... qu'on va procéder à des audiences avec les concitoyens après qu'on aura un certificat d'autorisation environnementale, on supporte cette idée-là. Pour l'idée de donner des pouvoirs supplémentaires aux municipalités, c'est le choix du gouvernement. On est prêts à vivre avec, mais ce qu'on dit: Encadrez-les encore mieux que ce qu'il y a dans le projet de loi. D'abord, encadrez-les sur... avant d'abord qu'ils soient capables d'exercer ces nouveaux pouvoirs là, qu'ils remplissent déjà les obligations qui étaient déjà là dans 184. Il me semble que ce n'est pas vraiment compliqué, ça, là, il est déjà adopté, 184, il n'y a pas de modifications législatives à faire, sauf de rajouter un lien là-dedans: «By the way», il faut faire ça en même temps.
Deuxièmement, les audiences publiques, moi, je dis: Faites attention, faisons attention, tout le monde ensemble, à quelques éléments là-dedans. Faisons attention pour ne pas que des groupes de promoteurs ? nous autres, l'UPA, organisation, union provinciale, on ne fait pas le tour des conseils municipaux quand il y a des projets locaux pour aller crinquer notre producteur puis le supporter, là. Il y a d'autres groupes qui ont fait ça dans les dernières... puis qui ont suscité le remous puis l'excitation sociale. Alors, essayons d'encadrer ça. S'il y a des gens d'un milieu qui ont quelque chose à dire sur un projet, qu'ils le disent, qu'ils soient entendus. Si ça leur prend de l'expertise extérieure ? Mme Gauthier a dit que l'expertise sera fournie par le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Agriculture ? ce sera ça, l'expertise. Disponible autant pour les producteurs que pour les citoyens. Mais attention aux citoyens qui viendront de n'importe où ailleurs que dans cette municipalité-là. Puis, la confédération de l'UPA, on n'y va pas, dans ces municipalités-là. Le producteur, il fera sa job chez eux avec ses confrères et ses consoeurs agriculteurs, comme les citoyens peuvent faire avec leurs consoeurs et leurs confrères citoyens.
Encadrons le deuxième aspect qui sont les coûts. Parce que là, comme je le lis, moi, actuellement, la charge semble être uniquement sur le dos du producteur agricole. Si les concitoyens veulent des contraintes supplémentaires pour les producteurs agricoles puis ils veulent avoir un milieu de vie qui fait plus leur affaire, c'est quoi qu'ils sont prêts à faire, eux autres? Puis essayons d'avoir un processus qui est décisionnel. Je pense que ça fait trois beaux éléments, là, pour renforcer ce bout-là, là.
Puis, qu'est-ce que tu veux, on vivra avec l'exercice, nous autres, là, de cinq mois supplémentaires de démarches puis de toute la pression que ça peut mettre sur la famille, sur les enfants. Vous savez, dans certains milieux, dans ma propre municipalité, Bécancour, là, il y a des enfants qui vont s'en aller en dehors de la municipalité, à cause des deux derniers conflits qu'il y a eu dans la municipalité, puis que le maire, lui, s'est branché bien comme il faut d'un bord, sur le bord du temps d'arrêt puis des conditions supplémentaires, puis... Il y a des jeunes qui vont aller faire leur avenir en dehors de cette municipalité-là, dans ma municipalité, chez nous. Puis c'est comme ça à plusieurs endroits au Québec. Alors, ça laisse des séquelles, ça, là, là.
Alors, ayons un processus qui essaye de mettre les gens émotivement, là, dans une certaine protection. Puis, nous autres, on pense que la tierce partie extérieure est un bon moyen pour ça.
Le Président (M. Ouimet): Il vous reste une minute et demie.
M. Dion: Bien, je vais aller à une question un peu difficile. On a eu de la part de la Fédération des municipalités du Québec une position assez ferme à l'effet que, eux, ils veulent être décisionnels. Les municipalités doivent être décisionnelles là-dedans. Donc, ils s'opposent à la consultation, mais pas pour les mêmes raisons que vous. Alors, j'ai l'impression qu'on s'oriente vers une collision frontale. Qu'est-ce que vous en pensez?
n(18 heures)nM. Pellerin (Laurent): Écoutez, il y a moins de 2 % du territoire québécois qui est propice à l'agriculture, qui est zoné vert. Moins de 2 % du territoire québécois. On ne leur ôte pas le Québec, là. Notre souhait ultime, idéal ? mais on rêve en couleurs: ce serait de le soustraire de l'administration municipale, parce que ça a été problématique avec l'administration municipale. Mais on est capables de vivre pareil avec eux autres quand on fait consensus. Christian l'a dit: On a travaillé pendant des années pour arriver à des consensus avec la FQM. L'UMQ, je pense que c'est un autre propos, parce que ça concerne moins l'agriculture, à notre point de vue, c'est plus les grandes municipalités puis c'est moins à propos. Mais, avec la FQM, je pense qu'on avait établi des modes de vie qui auraient procuré, je pense, un certain résultat si tout le monde s'en était tenu à ses responsabilités puis à ses engagements, ce qui n'a pas été le cas. C'est pour ça que je revenais tantôt avec la 184. Mais, 2 % du territoire agricole québécois, moi, ça ne m'apparaît pas être les priver de tous leurs moyens.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Pellerin, M. Lacasse, Mme Thiboutot, ça met un terme à nos échanges. Je vous remercie de votre participation, du ton également que vous avez employé. Je savais que vous étiez en mesure de passer vos messages dans un ton qui était tout à fait correct, et je vous en remercie.
Mémoires déposés
Je dépose maintenant les mémoires de l'Association des aménagistes régionaux du Québec et l'avis ou les commentaires transmis par le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec. Ces documents sont déposés.
La commission ayant terminé ses travaux, j'ajourne les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 18 h 1)