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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Tuesday, October 15, 2002 - Vol. 37 N° 53

Consultations particulières sur le document de consultation sur le logement social et abordable


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quatre minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission de l'aménagement du territoire entreprend ses travaux. Je demanderais à toute personne qui aurait en sa possession un téléphone cellulaire de bien vouloir le désactiver. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative qu'elle s'est donné concernant le logement social et abordable.

Je demanderais à ce moment-ci au secrétaire de la commission s'il y a des changements qui sont à annoncer au niveau des membres.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Cholette (Hull) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière) pour la durée du mandat.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je vous remercie.

Alors, avant de céder la parole à mes collègues, je voudrais simplement vous indiquer que nous avons aujourd'hui une séance qui est très chargée. Nous recevrions, dans l'ordre, la Société d'habitation du Québec, la Régie du logement, le Fonds québécois d'habitation communautaire, la Communauté métropolitaine de Montréal et, en après-midi, le Regroupement des offices municipaux du Québec, de même que la ville de Gatineau. Alors, ça va nous demander une certaine discipline, compte tenu du peu de temps qui est alloué pour l'ensemble des organismes que nous devons rencontrer. La commission siégera donc aujourd'hui et également les 16, 17 et 18 octobre.

Je voudrais également vous indiquer que c'est avec beaucoup d'ouverture que l'ensemble des membres de cette commission se sont donné ce mandat dans le but de jeter vraiment une réflexion prospective et générer un véritable débat d'idées sur nos pratiques actuelles en matière de logement social et abordable. Et nous aurons certainement l'occasion également, comme suite à ces travaux, de nous rencontrer en séance de travail afin, nous l'espérons, de pouvoir conclure nos travaux par le biais d'un dépôt à l'Assemblée nationale d'un rapport de la commission, dans toute la mesure du possible, avant la période des fêtes.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, nous avons convenu qu'il y aurait des remarques préliminaires qui pourraient être faites de part et d'autre, des remarques préliminaires d'une durée maximale de 15 minutes. Alors, je débuterai donc à ma droite les remarques préliminaires et, par la suite, à ma gauche. Alors, je demanderais donc à Mme la vice-présidente de la commission et députée de Matapédia de débuter.

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, ça va être court, mais je tenais à faire quelques remarques. Parce que, vous savez, il y a de ces moments dans la vie d'un parlementaire qui m'apparaissent extrêmement intéressants, et le travail en commission, surtout sur un mandat d'initiative, comme nous en avons déjà fait un, auquel vous aviez participé, M. le Président, sur la violence au hockey, et nous avions fait des recommandations... et, aujourd'hui, nous commençons le même exercice. Et, pour moi, cet exercice que nous allons faire cette semaine, pendant quatre journées, et nous avons cru bon de rajouter du temps parce que plusieurs organismes voulaient se faire entendre, c'est un exercice où les parlementaires peuvent faire oeuvre utile, quand nous ? comment je dirais ça? ? quand nous sommes de bonne volonté, et je crois que, pour ce mandat d'initiative, nous le sommes.

Alors, le document qui a été déposé, nous y avons travaillé, monsieur... notre recherchiste y a travaillé, et il est déposé pour fins de discussion. Et, suite à tout ce que nous allons entendre cette semaine, nous allons effectivement faire part de nos recommandations. Et, pour moi, c'est avec une ouverture d'esprit que nous entamons cette semaine d'écoute, et je nous souhaite bonne chance, parce que nous allons entendre, dans le fond, tout ce qui bouge au niveau du logement social, et nous avons tenu à ajouter le mot «social», et abordable.

Et le gouvernement du Québec est un acteur majeur, nous avons des actions qui ont été prises, nous avons été dans les... au-delà des partis politiques, nous avons été interventionnistes, et je pense que c'est une des caractéristiques du Québec de ne pas laisser les choses aller, surtout pour des catégories de citoyens qui ne sont pas nécessairement les plus... en situation financière intéressante en tout cas, ou avoir la capacité de se loger convenablement dans quelque coin du Québec que ce soit. Pour nous, ça nous apparaît extrêmement important. Et c'est avec une grande ouverture d'esprit que je m'engage dans ces quatre journées-là. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, nous allons maintenant du côté de Mme la députée de La Pinière, mais, avant de lui laisser la parole, je veux simplement indiquer que, pour ce qui est des gens qui ne seraient pas reçus par la commission et qui auraient par ailleurs l'intention de nous faire parvenir des mémoires, je pense que je les invite tous à le faire, ces groupes-là, puisque les membres de la commission pourront quand même tenir compte de ce qui sera intégré dans leurs mémoires en vue de la rédaction finale de notre rapport. Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, chers collègues, mesdames et messieurs, c'est avec un grand intérêt que je prends la parole devant cette commission à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'habitation et que je participe à cette consultation sur la crise du logement social et abordable dans le cadre du mandat d'initiative que nous entreprenons aujourd'hui et pour les trois prochains jours.

n (9 h 10) n

Mes premiers mots sont pour vous remercier, M. le Président, pour avoir conduit nos travaux préparatoires de main de maître. En effet, j'ai eu l'occasion de participer activement aux différentes séances de travail de la commission de l'aménagement du territoire depuis l'élaboration du mandat d'initiative jusqu'à la revue du texte devant servir de base de discussion à cette consultation. J'ai pu donc constater que nos travaux se sont déroulés dans un climat constructif où mes collègues du parti ministériel et moi-même avons fait preuve, au-delà de nos allégeances politiques respectives, d'un esprit de coopération qui nous a menés à la consultation d'aujourd'hui. Je formule le souhait que nous poursuivrons nos travaux dans cet esprit car le sujet que nous abordons aujourd'hui est d'une extrême importance. Il s'agit de la crise du logement social et abordable, un problème qui affecte des milliers de familles au Québec.

Je voudrais également remercier nos collaborateurs, particulièrement notre secrétaire de la commission, ainsi que M. Guillot, de la Direction des études documentaires, qui nous a préparé un certain nombre de documents fort utiles, ainsi que Me Archambault, du Service de recherche de l'aile parlementaire libérale, qui est mon collaborateur immédiat dans ce dossier.

M. le Président, je tiens à préciser, pour le bénéfice des groupes qui se sont présentés devant nous ou qui vont se présenter devant nous et pour le public qui suit nos travaux, que le document de consultation, le document de consultation que la commission a fait préparer en prévision de cette consultation, n'est pas un document final et que les propositions qui y sont formulées le sont à titre indicatif dans le but de susciter les débats. D'ailleurs, M. le Président, j'ai insisté, lors de notre séance de travail, pour que les pistes de solution proposées dans ce document soient formulées sous forme interrogative de façon à susciter la réflexion et provoquer les réactions. Ce rapport, je le rappelle, est un document de travail et ne représente pas la position définitive de la commission car la consultation publique que nous entamons aujourd'hui vise justement à écouter les différents points de vue et à en dégager, le cas échéant, des consensus. Ce n'est qu'après avoir entendu les différents organismes durant les quatre jours de consultation que la commission fera connaître son positionnement. Je tenais, M. le Président, à apporter cette précision pour rassurer les groupes que la commission n'a pas tiré ses conclusions avant même de les entendre.

Le débat que nous entamons aujourd'hui dans cette commission est d'une importance capitale. À titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'habitation, j'ai eu l'occasion d'intervenir sur ce dossier à plusieurs reprises devant cette Assemblée, soit en période de questions, en débat de fin de séance, à l'étude des crédits, des engagements financiers, en interpellation du vendredi, en motion du mercredi, en consultation publique sur deux projets de loi et à l'étude article par article en commission parlementaire. Auparavant, j'ai entrepris une tournée des organismes institutionnels, communautaires, coopératifs et privés qui oeuvrent sur le terrain et soumis un rapport à mon caucus pour délibération. Je voudrais d'ailleurs remercier tous les partenaires du dossier de l'habitation tant au niveau national que régional et local qui m'ont généreusement fait part de leurs préoccupations et de leurs suggestions. J'ose espérer qu'ils accueilleront favorablement les engagements que prendra le Parti libéral du Québec dans ce dossier. Je remercie également tous les groupes et organismes institutionnels qui ont accepté d'apporter leur éclairage aux travaux de cette commission.

La crise du logement au-delà des chiffres est une crise à visage humain. Derrière les statistiques froides, ce sont 274 000 ménages locataires qui paient plus de la moitié de leurs revenus pour se loger au Québec. Avec des taux d'inoccupation qui frisent les 0 % dans certains quartiers de Montréal, il est quasiment impossible pour des familles dont la capacité de payer est limitée d'accéder à un logement le moindrement potable. La situation est encore plus critique pour les familles avec enfants et pour les minorités visibles. Les ménages qui ont des besoins impérieux de logement, c'est-à-dire qui paient plus que 30 % de leurs revenus pour se loger, ne cessent malheureusement de croître.

Par ailleurs, la qualité du parc locatif s'est détériorée au fil des ans de sorte que les ménages à faibles revenus sont contraints parfois d'habiter dans des taudis à défaut d'avoir accès à un logement. Les listes d'attente, évaluées à quelque 26 000 ménages, sont une indication de cette crise, et le chiffre est très conservateur, ce n'est que le sommet de l'iceberg. Plusieurs personnes dans le besoin ne se donnent même plus la peine de s'inscrire sur ces listes, sachant qu'elles auraient le temps de mourir avant d'avoir accès à un logement. Non seulement la pénurie de logements laisse-t-elle sur le carreau des centaines de ménages à faibles revenus, mais c'est très préoccupant que s'est dessiné depuis les dernières années... c'est que la pénurie de logements abordables a commencé à affecter également les familles de la classe moyenne.

C'est pourquoi nous devons envisager parmi la panoplie de solutions un appui aux familles désireuses d'accéder à la propriété, un point de vue que l'opposition officielle a exprimé en juillet dernier au plus fort de la crise, une crise qui nous ramène chaque fois à la réalité, celle de considérer l'habitation non seulement comme une préoccupation sociale dont la responsabilité première relève de l'État, mais aussi comme un secteur économique qui a besoin d'être dynamisé et stimulé afin de permettre au marché d'atteindre l'équilibre et répondre ainsi adéquatement aux besoins des différentes clientèles. En effet, si l'État doit venir en aide aux plus démunis, soit en construisant de nouvelles unités de logement à dimension humaine, soit en accordant un supplément au loyer aux familles à faibles revenus là où le logement est disponible, il y a également une place à occuper pour le secteur privé, qui est composé en très grande majorité de petits propriétaires. En effet, selon une étude de la Société d'habitation du Québec, 88 % des 277 000 propriétaires de logements locatifs au Québec possèdent moins de six logements. Bien souvent, M. le Président, ce sont des travailleurs qui ont investi une partie de leurs économies dans un immeuble à revenus afin d'assurer leur retraite.

Le mandat d'initiative que nous entreprenons aujourd'hui porte sur le logement social et sur le logement abordable. Mais il faut apporter les nuances qui s'imposent. Le logement social et le logement abordable sont deux concepts qui renvoient à des réalités différentes et à des clientèles différentes en termes de revenus et de conditions sociales. Il y a donc une distinction entre le logement social et le logement abordable dans la mesure où, dans le premier cas, on réfère aux plus démunis et, dans le second cas, on parle de classe moyenne. Fait significatif à noter, contrairement au dossier de la santé ou de l'éducation, en matière d'habitation ce n'est pas l'argent qui manque. Dans ce domaine, l'opposition officielle, consciente de l'urgence d'agir, a appuyé le gouvernement du Québec lors des négociations du Programme de logement abordable. Je suis intervenue moi-même à quelques reprises auprès d'Ottawa pour m'assurer qu'on ne s'embourbera pas dans les dédales bureaucratiques et que le Québec aura non seulement la part des budgets qui lui revient, mais aussi la flexibilité nécessaire pour mettre en oeuvre l'entente fédérale-provinciale survenue en novembre 2001.

La balle est maintenant dans le camp du ministère des Affaires municipales. Il faut livrer la marchandise, et ça presse, car un 1er juillet n'attend pas l'autre. L'argent est là, il est confirmé dans l'énoncé budgétaire de novembre 2001 et dans la pluie d'annonces qui s'est abattue sur le Québec depuis. En effet, le budget de novembre 2001 indique: 485 millions de dollars sur un calendrier de deux ans, incluant une contribution de la Société d'habitation de 105 millions de dollars; majoration de 7 millions de dollars du programme AccèsLogis pour l'année 2001-2002; 50 millions de dollars par année pour les cinq prochaines années dans le programme AccèsLogis; 57 millions de dollars par année sur deux ans pour le programme Revitalisation des vieux quartiers; 5 millions pour 2002-2003, 7 millions pour 2003-2004 et 4 millions en 2004-2005 pour le programme RénoVillage; 75 millions de dollars du gouvernement du Québec et 75 millions de dollars des municipalités pour un total de 150 millions de dollars d'ici 2003-2004 pour le Programme-cadre de renouveau urbain pour les quartiers dévitalisés du Québec. Globalement, le budget mentionne la construction de 13 000 nouveaux logements à prix abordable avec le nouveau Programme de logement abordable et la reconduction du programme AccèsLogis ainsi que la rénovation de 27 000 logements pour des ménages à revenus modestes.

n (9 h 20) n

L'ancienne ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation, Louise Harel, avait déclaré par voie de communiqué le 6 novembre 2001 qu'il y avait 1,8 milliard de dollars pour l'ensemble du Québec en matière d'habitation. M. le Président, ces annonces ont été reconduites par différents ministres, notamment les deux derniers ministres qui ont succédé à la députée de d'Hochelaga-Maisonneuve au portefeuille de l'habitation.

Alors, comment expliquer que, malgré ces investissements majeurs et ceux qui ont été annoncés dans les années précédentes, on n'arrive pas à juguler la crise? Poser la question, c'est y répondre. Le gouvernement du Québec a fait des choix. Ainsi, en 1999-2000, alors que les pronostics annonçaient que la crise s'aggravait, la Société d'habitation du Québec a retourné 50 millions de dollars au Conseil du trésor, de l'argent qui, s'il avait été dépensé tel que prévu, aurait certainement permis de mettre de nouvelles unités de logement sur le marché ou soutenu des familles via le supplément au loyer. 50 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent quand on sait que, généralement, ces montants sont multipliés par deux grâce au partenariat avec les municipalités et les organismes du milieu. 50 millions de dollars, c'est le budget du programme AccèsLogis pour une année.

Et ce n'est pas tout. La Société d'habitation du Québec n'a pas livré toutes les unités de logement annoncées et budgétées dans le cadre du programme AccèsLogis, entre 1997 et 2002. La Société d'habitation et la ministre, les ministres qui se sont succédés avaient promis 6 600 nouvelles unités de logement. Il s'en est budgété 4 752; il manque 2 000 unités, M. le Président, qui n'ont pas été réalisées. Il y a fort à craindre que la crise du logement social s'installe comme un fait récurrent. Encore le mois dernier, La Presse rapportait qu'il manquait entre 17 000 et 25 000 logements abordables au Québec.

Au cours des prochains jours, nous aborderons plusieurs solutions et tenterons de répondre à un certain nombre de questions: L'État a-t-il les moyens de construire 8 000 logements sociaux par année afin de répondre à cette crise? Est-ce encore aujourd'hui une solution réaliste et réalisable pour contrer le manque de logements au Québec? Est-il exact que la construction d'une unité de logement social par le gouvernement engendre des coûts de gestion et de construction supérieurs aux coûts assumés par le secteur privé? Est-ce que la solution ne résiderait pas dans la lutte à la pauvreté des locataires afin d'augmenter leur niveau de vie pour l'aide directe à la personne? Comment favoriser la synergie entre les différents paliers de gouvernement, le secteur communautaire, le secteur coopératif, le secteur privé et les organisations sans but lucratif? Est-ce que l'État doit adopter des mesures fiscales pour inciter le privé à intervenir dans le logement social et abordable et, si oui, lesquelles? Autant de questions auxquelles nous tenterons de trouver collectivement des réponses. Et des réponses, il en faut, car, selon les dernières statistiques, les dépenses de logement viennent en tête de liste de toutes les dépenses des ménages québécois. En reportant la résolution de cette crise, on ne fait que complexifier le problème et appauvrir la classe moyenne.

M. le Président, c'est avec grand intérêt que je participerai à cette commission, et je suis à l'écoute de ce que les groupes vont nous dire et je les remercie d'avance. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme la députée de La Pinière. Est-ce que, à ma droite, il y a d'autres demandes d'intervention en remarques préliminaires? Ça va comme ça?

Auditions

Alors, ceci étant dit et fait, je demanderais au premier groupe à se présenter, qui est la Société d'habitation du Québec, à bien vouloir prendre place. Et pendant qu'on prend place, je dois aussi vous indiquer que la répartition du temps dont on a convenu, c'est qu'il y aurait 15 minutes de présentation par l'organisme et, ensuite, 30 minutes d'échange avec les membres de la commission.

Alors, voilà, je pense que c'est M. Gariépy qui s'est installé. Alors, M. Gariépy, en nous indiquant les gens qui vous accompagnent.

Société d'habitation du Québec (SHQ)

M. Gariépy (Jacques): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs. Je vous présente, à ma droite, M. Claudel Toussaint, qui est vice-président aux politiques et à la planification à la Société d'habitation du Québec, et, à ma gauche, René Dionne, qui est vice-président à la gestion des programmes. Mon nom est Jacques Gariépy, je suis président-directeur général.

Distingués membres de la commission, M. le Président, mesdames et messieurs. C'est avec enthousiasme que la Société d'habitation du Québec a appris que la commission de l'aménagement du territoire a initié cette consultation portant sur la question du logement social et abordable. Les prochains jours constitueront pour la SHQ un autre temps fort de l'année 2002, la plupart des intervenants en habitation, les forces vives du milieu, étant appelés à se prononcer lors d'un même forum et à partager leur vision du marché actuel de l'habitation.

La SHQ a à coeur de s'enrichir d'idées nouvelles aussi audacieuses soient-elles. Aussi, des membres du personnel de la SHQ assisteront-ils à l'ensemble des travaux de cette commission et analyseront en détail tous les mémoires présentés. Cette consultation se tient à un moment particulièrement opportun, puisque la SHQ prépare actuellement un plan d'action en habitation pour la période 2003-2008.

Pour sa part, le mémoire de la SHQ entend fournir l'éclairage le plus complet possible sur le contexte actuel de l'habitation au Québec et évoque des perspectives à court et à moyen terme.

La grande majorité des ménages québécois sont bien logés. Cette situation résulte des efforts continus du secteur privé, communautaire et public visant à assurer le développement du logement. La société québécoise s'est également dotée d'institutions et de mécanismes visant à assurer le bon fonctionnement du marché de l'habitation ainsi que la protection et la sécurité d'occupation des ménages.

Longtemps, les Québécois ont été perçus comme un peuple de locataires. Pourtant, la proportion des ménages propriétaires de leur logement ne cesse d'augmenter. Elle est notamment passée de 50,4 % en 1976 à 56,5 % en 1996. Pendant cette période, de nouvelles formes de propriété se sont développées pour mieux s'adapter au milieu urbain, dont la copropriété et les coopératives d'habitation. La croissance de ce taux n'est sûrement pas étrangère au fait que les ménages ont accès sans interruption depuis 1974 à divers programmes d'accession à la propriété. En 1996, le Québec comptait 436 175 ménages propriétaires de plus qu'en 1981 comparativement à 209 900 ménages locataires de plus. La vigueur de l'industrie de la construction résidentielle laisse penser que cette tendance se poursuit.

Ce portrait général ne doit cependant pas laisser croire que le marché privé de la construction et de la location répond à tous les besoins. Depuis les années 1960, le gouvernement est intervenu pour favoriser la réalisation de logements à loyer modique destinés aux ménages à faibles revenus qui ne peuvent se loger au prix du marché sans y consacrer une part trop importante de leurs revenus. Actuellement, près de 85 000 ménages habitent des logements dont le loyer est fixé à 25 % de leurs revenus. Mais l'offre de logement public ne suffit pas à la demande. À ce nombre, il faut ajouter environ 40 000 logements sociaux subventionnés directement par la Société canadienne d'hypothèques et de logement. En 1996, près de 275 000 ménages locataires consacraient plus de la moitié de leurs revenus pour se loger. Pour 22,5 % de l'ensemble des ménages locataires, payer le loyer constitue donc un véritable casse-tête.

Le problème de l'accessibilité financière ne constitue pas la seule barrière à un logement adéquat. Certains citoyens ont de la difficulté à trouver un logement correspondant à leurs besoins pour des raisons qui sont plutôt liées à leur condition physique ou sociale. Il peut s'agir de personnes vivant des problématiques particulières, des sans-abri, toxicomanes, femmes victimes de violence ou des victimes de discrimination. Les obstacles que doivent franchir ces personnes pour trouver à se loger convenablement se sont amplifiés avec l'apparition brutale et difficilement prévisible d'une pénurie de logements locatifs. Les événements de juillet 2001 et 2002 ont mis en évidence des modifications majeures et rapides dans le marché locatif.

n(9 h 30)n

Au Québec, les locataires ont longtemps eu accès à une offre de logements abondante. Depuis quelques années, une croissance soutenue du PIB et la création d'emplois stables ont favorisé la formation de nouveaux ménages. Alors que, de 1991 à 1997, les taux d'inoccupation dans les centres urbains se sont tenus entre 6 et 7,5 %, ces taux ont chuté de façon brutale de 1997 à 2001, passant de 6 % à 1,2 % dans les centres urbains. Des faits vérifiables montrent que le secteur locatif n'est pas plus dynamique chez nos voisins ontariens. Les taux d'inoccupation observés en octobre 2001 à Hamilton, London, Ottawa et Toronto sont tous inférieurs à 1,6 %.

Par ailleurs, alors qu'il s'est créé plus de 15 300 logements locatifs et coopératifs au Québec entre 1996 et 2000, seulement 7 072 logements locatifs ont été mis en chantier pendant la même période en Ontario. Enfin, il se produit peu de logements locatifs parce que peu de locataires ont les moyens de payer des loyers offrant une rentabilité acceptable aux investisseurs. Ainsi, le nombre de ménages locataires devant consacrer plus de la moitié de ses revenus en loyer est passé de 194 000 en 1991 à 273 000 en 1996. Il s'agit respectivement de 17 et de 22 % des ménages locataires. Les coûts de construction ont parallèlement rapidement augmenté et le loyer mensuel que devrait exiger un propriétaire privé pour un logement neuf serait supérieur à 800 $. Or, seule une minorité de locataires peuvent payer cette somme et ceux-ci ont la capacité financière d'accéder à la propriété.

Un autre facteur vient contribuer à expliquer la pénurie de logements locatifs: le désengagement unilatéral du gouvernement fédéral de tout nouveau développement de logement social en 1974. En effet, pendant les années quatre-vingt, plus de 45 000 logements sociaux ont été réalisés au Québec. Malgré le fait que le Québec ait réinvesti rapidement dans la mesure de ses capacités financières dans le logement social et communautaire, il n'a pu compenser l'impact du retrait fédéral. En résumé, la pénurie actuelle de logements locatifs s'explique par l'amélioration de la situation économique qui accélère la formation de nouveaux ménages, alliée à l'appauvrissement des locataires déjà moins fortunés et à une forte diminution, depuis le début de la décennie quatre-vingt-dix, tant de la production privée de logements pour des raisons de non-rentabilité que de la production publique, en raison du désengagement fédéral et des compressions budgétaires.

La Société d'habitation du Québec intervient essentiellement pour supporter les ménages auxquels le marché privé ne peut fournir un logement convenant à leurs besoins et à leur capacité de payer. Pour favoriser dans un esprit d'intersectorialité, c'est-à-dire en concertation avec les autres acteurs du secteur, le développement des milieux de vie sains et agréables sur l'ensemble du territoire québécois, pour apporter des solutions à des problèmes conjoncturels, la SHQ intervient plus spécifiquement dans quatre secteurs, soit l'aide au logement social et communautaire, le support aux organismes communautaires, l'amélioration de l'habitat et le soutien de l'industrie. Les programmes d'aide au logement social et communautaire accaparent environ 90 % du budget des programmes de la SHQ.

D'une façon très sommaire, les programmes de logements sociaux de la SHQ se répartissent en trois grandes catégories: les programmes de logements à loyer modique incluant le supplément au loyer; les programmes de réalisation de logements coopératifs et communautaires; et l'allocation-logement. Ces trois catégories de programmes, bien que très différentes les unes des autres, sont complémentaires et visent une offre cohérente de programmes d'aide au logement pour les ménages moins favorisés de notre société. Plus de 250 000 ménages reçoivent donc une aide directe de la SHQ, soit environ un ménage locataire sur cinq.

En matière de support aux organismes communautaires, la SHQ supporte les organismes communautaires qui oeuvrent en habitation et qui partagent les objectifs de la mission gouvernementale en ce domaine.

La SHQ a également pour mission de promouvoir l'amélioration de l'habitat. Nos programmes d'amélioration de l'habitat peuvent être regroupés en deux grandes catégories: la première est destinée à des ménages et vise à corriger des déficiences majeures de leur logement alors que d'autres programmes supportent les municipalités dans la mise en place et le financement des interventions adaptées à leur situation. D'autres programmes financent en tout ou en partie les coûts d'adaptation de domiciles pour les personnes handicapées, les personnes âgées en perte d'autonomie ou pour résoudre des problématiques particulières, par exemple: la pyrite. Depuis 1997, la SHQ intervient aussi auprès de l'industrie québécoise de l'habitation afin de soutenir sa croissance, favoriser la qualité de l'habitat et assurer une présence accrue des entreprises du secteur sur les marchés extérieurs.

Bien que l'habitat constitue la mission première de la SHQ, aucune de ses interventions ne se fait en vase clos. L'intersectorialité constitue, depuis longtemps, un moyen privilégié par la SHQ pour atteindre les objectifs de ses programmes. Depuis quelques années, la Société tend à harmoniser ses interventions avec celles d'autres intervenants, notamment avec le réseau de la santé et des services sociaux. Ce réseau est en effet directement interpellé par les besoins spécifiques des personnes âgées en perte d'autonomie et les clientèles connaissant des problématiques particulières. La SHQ entend donc intensifier son partenariat avec tous les organismes du secteur de la santé et des services sociaux, qu'ils soient publics, parapublics ou communautaires.

Enfin, la SHQ est impliquée dans la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté. Les principales modalités de gestion et de financement des programmes de logement social, partagés entre le gouvernement du Québec et du Canada sont inscrites dans trois ententes signées respectivement en 1971, 1979 et 1986. Cette dernière entente identifie le Québec comme unique agent de livraison des programmes de logement sur son territoire, à l'exception des réserves indiennes. Ces ententes obligent le Québec à moduler son intervention en fonction des priorités et des objectifs établis par le gouvernement fédéral et se traduisent souvent par des lourdeurs administratives et des clauses inefficaces.

À l'occasion du discours du budget fédéral en mars 1996, le gouvernement du Canada proposait aux provinces et territoires d'assumer la gestion des ressources existantes pour le logement social et offrait au Québec une compensation financière de 289 millions de dollars pour la première année, soit environ 18,5 % des fonds fédéraux. Du point de vue du Québec, cette offre ne tient pas compte ni de notre poids démographique ni des besoins de notre population. Elle est inéquitable et représente un manque à gagner annuel d'environ 100 millions de dollars. Le transfert complet vers le Québec des responsabilités fédérales dans le secteur du logement social est donc l'objectif à atteindre alors que l'obtention d'une compensation financière équitable demeure une condition essentielle à toute entente.

Les perspectives. La situation actuelle comporte quelques facteurs fondamentaux susceptibles d'éclairer les perspectives dans lesquelles devrait s'inscrire l'intervention publique, notamment: une croissance économique favorable à la création d'emplois et à la demande de logements; une démographie qui laisse entrevoir un ralentissement de la croissance de la population et des ménages à moyen terme et, par conséquent, le risque d'un retour, d'ici quelques années, à une situation de taux d'inoccupation élevé; des conditions favorables à l'accession à la propriété des ménages qui en ont les moyens, notamment au niveau d'une offre soutenue de taux d'intérêt très bas, mais ne permettant pas de combler l'écart par rapport aux taux de propriété enregistrés ailleurs au Canada; des producteurs de logements dont les exigences sont plus grandes en termes de rendement; une industrie de la construction en surchauffe où commencent à poindre des problèmes de pénurie de main-d'oeuvre et de capacité de production des matériaux de construction; une offre de logements locatifs qui se resserre dans certaines régions, entraînant une forte concurrence des demandeurs, des hausses de loyer et des incidences sociales indésirables.

Les laissés-pour-compte de cette conjoncture sont très précisément les ménages à revenus faibles et modestes des grands centres urbains, qui doivent affronter la concurrence des ménages plus favorisés dans l'accès aux logements disponibles. Dans le but d'éviter de créer des déséquilibres qui ne feraient que déplacer les problèmes dans le temps et dans l'espace, toute intervention devrait donc s'adresser en priorité à ces ménages. Au premier chef, il est essentiel de poursuivre les interventions en cours. Toute diminution de l'offre de services publics en matière de logement ne ferait qu'augmenter le nombre de ménages qui ne pourraient se loger convenablement, dans le contexte actuel de forte pénurie de logements.

La SHQ entend aussi poursuivre ses efforts d'intégration de ses interventions. Nous avons déjà mentionné la complémentarité des programmes de logements sociaux avec ceux de l'amélioration de l'habitat. L'implication de la SHQ dans la lutte contre la pauvreté a aussi été évoquée. La Société entend garantir que ses interventions se fassent en synergie avec les diverses politiques et orientations gouvernementales, qu'il s'agisse de la politique de la ruralité, de l'exercice de la citoyenneté, du souci du développement durable ou de toute autre décision gouvernementale. Bien que les ministères et organismes disposent déjà des cadres de gestion qui leur permettent de garantir cette cohérence, la SHQ portera une attention constante et particulière à cette préoccupation.

La SHQ souhaite enfin reprendre les négociations avec la SCHL dans le cadre du rapatriement vers le Québec de l'ensemble de ses compétences en habitation en contrepartie d'une contribution financière équitable. À court et à moyen terme, la SHQ entend maintenir tous les efforts requis pour mettre en chantier et livrer, aussi rapidement que possible, toutes les unités de logement prévues au programme AccèsLogis Québec et Logement abordable Québec. Ces 13 000 unités de logement ne permettront pas, à eux seuls, de ramener le taux d'inoccupation à un taux reconnu d'équilibre de 3 %. Toutefois, ils apporteront une réponse permanente aux besoins de logements autant des ménages à revenus faibles que ceux à revenus moyens.

La SHQ se penche aussi sur toute mesure qui pourrait accroître la production de logements. À cet égard, l'élaboration d'un programme d'accession à la propriété à l'intention des ménages à revenus modestes est souvent réclamée par des intervenants du monde de l'habitation. On sait que le taux de propriétaires est en constante croissance au Québec. Cela s'explique en partie par le fait que des programmes d'accession à la propriété existent de façon continue au Québec depuis au moins 1974. La SHQ évalue des hypothèses et proposera ses recommandations au gouvernement en temps opportun. La SHQ étudiera également avec attention les moyens qui pourraient s'offrir pour optimiser ses programmes afin d'offrir une aide plus équitable à un plus grand nombre de ménages qui connaissent des problèmes de logement, plus particulièrement en ce qui concerne l'accessibilité financière et l'offre de support communautaire.

n(9 h 40)n

Les programmes d'amélioration de l'habitat doivent, pour leur part, continuer à faire partie des interventions visant à assurer un nombre suffisant de logements abordables destinés à une clientèle à faible revenu et à revenu modeste. Ces programmes continueront à permettre aux municipalités d'adapter à leur situation particulière les interventions requises en habitation pour avoir un impact significatif dans leur milieu. De plus, dans le cas des municipalités de grande taille, ils s'intégreront dans des contrats de ville privilégiant des actions intersectorielles prenant en compte diverses problématiques vécues par les municipalités et par les ménages.

En conclusion, c'est dans un esprit d'ouverture et de collaboration que la Société d'habitation du Québec participe aux travaux de cette commission parlementaire. À titre de conseiller principal du gouvernement en matière d'habitation, elle entend enrichir sa réflexion en étudiant attentivement la position de chacune des personnes et de chacun des organismes invités à se présenter devant cette commission. Les travaux de cette commission constituent pour la SHQ un exercice démocratique extrêmement positif dont les retombées devraient être tout aussi significatives, d'autant plus que la Société prépare actuellement un plan d'action en habitation pour la période 2003-2008. Je tiens à réaffirmer la volonté de la SHQ de continuer de travailler sans relâche au mieux-être des Québécois et des Québécoises et de se mettre au service de la population. Je souhaite un bon succès à la commission. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Gariépy. Évidemment, on aura l'occasion, dans les minutes qui vont suivre, d'essayer de connaître votre point de vue sur les propositions qui sont contenues dans le mémoire qui a été présenté... le document de consultation qui a été présenté par la commission. Alors, sans plus tarder, je vais passer la parole à la Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, je vous amènerais à la page 26 du document que vous avez présenté. Vous dites que: «La SHQ se penchera aussi sur toute autre mesure qui pourrait accroître la production de logement. À cet égard, on peut penser à deux types de mesures souvent réclamées par des intervenants du monde de l'habitation, soit l'adoption de mesures fiscales pour relancer le secteur locatif de même que l'élaboration d'un programme d'accession à la propriété à l'intention des ménages à revenu modeste.» Et là vous dites que «la SHQ considère que toute mesure visant à accroître l'offre de logement devrait être ciblée vers le logement à coût abordable et garantir un logement attractif pour les ménages à revenu modeste. À notre avis, toute nouvelle mesure ne devrait pas avoir pour effet de stimuler la construction locative de logements de haut de gamme, même au nom d'un effet de percolation ascendante qui pourrait n'être que théorique.»

J'aimerais ça que vous m'expliquiez davantage ce que vous voulez dire par là. Et puis, dans le document qui a été présenté, on parle d'un fonds d'investissement à logement social et abordable, puis j'aimerais ça que... assorti d'allégements fiscaux. Puis qu'est-ce que vous pensez de cette idée d'un fonds d'investissement et toute l'idée d'incitatifs fiscaux pour atténuer l'actuelle pénurie de logements locatifs? Parce que, ce qui est ressorti aussi dans le document, c'est que, compte tenu de la meilleure santé économique qu'on a actuellement au Québec avec les taux de chômage qu'on a puis le phénomène des nids vides, par exemple, où les baby-boomers qui étaient installés en banlieue, leurs jeunes, qui restaient chez eux des fois jusqu'à 20, 23, 24 ans, maintenant peuvent avoir des emplois et quitter le foyer familial et s'installer. Ça fait un jeu de dominos qui fait en sorte qu'on a de moins en moins de logements abordables qui sont corrects, pour qu'ils deviennent accessibles pour les gens à faible revenu ou à moyen... des revenus plus bas, qui ont besoin d'avoir des logements. Alors, moi, ce serait ça que j'aurais à vous demander.

Le Président (M. Vallières): M. Gariépy.

M. Gariépy (Jacques): Oui. Évidemment, toute mesure d'aide au logement constitue pour l'État un coût, et la réflexion concernant les différents programmes qui pourraient être mis en place, qui devraient favoriser les gens les plus démunis, c'est que la crise du logement touche avant toute chose les gens démunis, c'est-à-dire les locataires au Québec qui consacrent plus de 50 % pour se loger. Rien que pour vous donner une idée, de 1981 à 1996 au Québec, les locataires se sont appauvris en dollars constants de 28 % alors que les loyers ont augmenté de 13 %. Si on compare cette situation-là aux propriétaires, bien, c'est une situation où les propriétaires se sont appauvris, sur la même période, de 4,5 % et le coût de logement a augmenté seulement de 1 %. Donc, on pourrait parler d'un statu quo au niveau des propriétaires et d'un appauvrissement très marqué au niveau des locataires.

Donc, les locataires actuellement vivent une situation où ils ont de plus en plus de difficulté à trouver des logements et surtout payer les loyers qui sont exigés par le marché. Comme nous sommes en période de pénurie, les loyers augmentent également plus vite que l'inflation. Selon les chiffres de la SCHL, en 2001, les loyers à Montréal ont augmenté de 4,2 %, et de 3,8 % à Québec, et de 6 % dans la région de Gatineau?Hull. Dans ce contexte-là, les gens qui ont des revenus fixes ont énormément de difficultés, de plus en plus de difficultés à se loger convenablement. Donc, comme toute stratégie gouvernementale implique des coûts, bien, il nous paraissait évident que ces actions devraient être ciblées avant tout vers les gens démunis.

Aussi, il y a un autre facteur, c'est que le marché répond très bien aux besoins des personnes à revenus plus élevés. Si on regarde les statistiques d'augmentation des mises en chantier au Québec, durant la dernière année, bien, l'augmentation est supérieure à 50 % et on s'enligne vers un nombre de mises en chantier qui va se situer autour de 36 à 38 000 unités de logement durant la prochaine année. Le gros de ces logements-là, ce sont des logements non locatifs. Quand on regarde le logement locatif, le nombre a également augmenté encore plus. On va passer probablement de 4 000 unités de logement à quelque chose comme 8 000. Mais ces logements qui seront livrés seront généralement des logements à loyer plus élevé. Donc, je pense que, compte tenu des moyens limités de l'État, il faut cibler les gens les plus pauvres.

En ce qui concerne les mesures fiscales, a priori, la Société n'a pas d'objection à ce qu'on mette en oeuvre des mesures fiscales pour favoriser une croissance du marché de l'habitation. Mais, comme le marché répond bien, règle générale, bien, on croit que ces mesures fiscales là devraient être ciblées encore une fois pour produire des logements à loyer abordable, puisque c'est là que le bât blesse, c'est là qu'il y a des problèmes.

Il y a plusieurs organismes, au Québec, vous le savez, qui ont déposé des mémoires très bien étayés, très bien faits, sur diverses propositions de mesures fiscales ou de mesures d'accession à la propriété. Nous sommes actuellement à analyser ces divers documents en collaboration avec d'autres ministères à vocation économique. Et le gouvernement sera appelé dans les prochains mois à se prononcer sur diverses orientations possibles.

Mme Doyer: Oui. Merci, M. Gariépy. J'aurais une question, ce serait plus une question d'information parce que le document, moi, je trouve que, au niveau informatif des constats, tout ça, c'est extrêmement intéressant, mais il manque quelque chose en lien avec les taux d'intérêt. Est-ce que vous seriez capables de produire, pour les membres de la commission, un graphique ou en tout cas... où est-ce qu'on pourrait voir l'évolution des taux d'intérêt et des mises en chantier sur une perspective de plusieurs années? Il me semble que ça pourrait nous aider à voir... Bien, probablement qu'il va y avoir une corrélation assez forte, mais j'aimerais ça qu'on puisse voir le type, aussi, de mises en chantier relativement aux taux d'intérêt, pour les peut-être 20 ou... en tout cas si vous pouviez, pour les 30 ou 20 dernières années.

M. Gariépy (Jacques): Oui. Il n'y a pas de problème, on pourra vous produire ça. Rien que pour fin de référence ou peut-être pour une partie de réponse à votre question, c'est une étude économique du Mouvement Desjardins du mois d'octobre 2002, donc qui est tout à fait récente, où on présente un tableau sur les mises en chantier au Québec depuis 1970. Donc, 1970, avec une prévision jusqu'en 2003. Et c'est un cycle, effectivement, qui suit d'assez près l'évolution des taux d'intérêt.

Par exemple, les mises en chantier les plus importantes ont eu lieu en 1987, avec environ 75 000 mises en chantier. La moyenne, dans les années quatre-vingt-dix, on a eu environ 30 000 ou 31 000 mises en chantier, avec des nombres plus élevés au début de la décennie, à peu près, je dirais, 25 000 mises en chantier ? ça, c'est au Québec ? à la fin de la décennie. Et dans la décennie précédente, de 1970 à 1990, on parlait plutôt de 50 000 mises en chantier au Québec. Donc, on a connu des périodes très fastes, et la décennie quatre-vingt-dix a été plutôt faible, comme mises en chantier, et actuellement, on connaît une croissance quand même importante, qui dépasse 50 % pour la dernière année. Donc, on rentre dans une période où pendant encore un an ou deux on connaîtra des mises en chantier assez importantes.

Donc, actuellement, on estime, à la Société d'habitation du Québec, que le nombre de mises en chantier au Québec correspond environ au nombre de nouveaux ménages qui se forment au Québec. Ce qui signifie que probablement, pour les prochaines années, le taux d'inoccupation va demeurer très bas, puisqu'on ne rattrape pas les unités manquantes qui se sont accumulées dans les dernières années. Donc, on devrait, selon nos prévisions, rester assez bas pour les, je dirais, prochains deux ans.

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Gariépy, est-ce que vous allez nous produire le document ou nous envoyer celui de Desjardins?

n(9 h 50)n

M. Gariépy (Jacques): On va produire un document, puis on aura un extrait également du document de Desjardins.

Mme Doyer: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Très bien, vous êtes bien aimable. Oui, j'ai d'autres demandes d'intervention. J'ai d'abord du côté de Mme la députée de La Pinière pour ensuite revenir auprès du député de Roberval.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Gariépy, M. Toussaint et M. Dionne, soyez les bienvenus à notre commission. La dernière fois que je vous ai rendu visite, je vous ai parlé, justement, de ce mandat d'initiative en préparation, et je suis contente que vous ayez accepté de venir apporter votre éclairage aux parlementaires. C'est un mandat d'initiative. Donc, on essaie d'aller au fond des choses, ce que nous ne pouvons pas faire généralement dans nos travaux qui sont souvent très chronométrés.

Alors, M. Gariépy, vous avez parlé de votre plan d'action 2003-2008. Un plan d'action, en principe, il suit une politique, il vient en fait mettre en place les moyens de réalisation d'une politique. Or, il se trouve que les groupes, qu'ils soient du secteur privé ou du secteur communautaire ou coopératif, réclament depuis déjà un certain temps une politique de l'habitation. Bien, je suis ravie de voir que, vous, vous préparez un plan d'action, mais où est la politique d'habitation du gouvernement du Québec?

M. Gariépy (Jacques): Oui. Bon, une politique, c'est un peu... Enfin, le Robert définit une politique comme une manière concertée d'agir, de conduire les affaires de l'État. Ce sont des stratégies. Bon. Depuis 1997, la Société agit en fonction de ce qu'on a appelé le plan d'action 1997-2002 en habitation, qui était le fruit d'une réflexion poussée en habitation, en consultation avec les organismes partenaires de la Société qui est allée plus loin qu'une politique, qui a finalement défini des moyens d'action et des pistes d'action, compte tenu du contexte à l'époque. On peut dire qu'il n'y a pas formellement de politiques en habitation, mais je pense que le plan d'action 1997-2002 tenait lieu de politique en habitation.

Actuellement, depuis maintenant janvier 2001, à la Société, on réfléchit sur les suites de ce plan d'action puisqu'il prend fin. On a engagé toute une série de consultations avec nos partenaires du Fonds québécois d'habitation communautaire, avec nos partenaires municipaux et d'autres ministères, pour établir les bases de ce que sera le plan d'action 2003-2008 en habitation. Donc, en principe, la Société n'a rien contre une politique en habitation; c'est peut-être plus un problème de sémantique qu'un problème de contenu.

Mme Houda-Pepin: Alors, parlant de sémantique, c'est la première fois, M. Gariépy, que j'entends un gestionnaire de haut niveau nous dire qu'une politique, c'est l'équivalent d'un plan d'action. Mais c'est au-delà de la sémantique. Je pense que ce n'est pas pour rien que les gouvernements se donnent des politiques: c'est pour, justement, se donner des orientations bien précises. Et, dans un plan d'action, on met les moyens, on met un échéancier de réalisation, on est d'ores dans le comment, alors que vous me dites: C'est la même chose, que vous avez fait des consultations. Je ne doute pas que vous êtes en consultation avec les groupes ? là n'est pas la question ? mais je ne comprends pas pourquoi la Société d'habitation du Québec refuse de s'engager dans une véritable politique d'habitation. Je vais vous dire pourquoi. Là, je ne vous parle pas comme libérale, je vous parle comme citoyenne qui est concernée par le problème, et je veux qu'on trouve des solutions.

C'est vrai qu'il y a un certain nombre de mesures qui ont été mises de l'avant et par le gouvernement libéral et par le gouvernement du Parti québécois. Il est temps maintenant que l'on puisse réellement évaluer tout ça de façon, je dirais, très constructive, très efficace et même très professionnelle. Par exemple, est-ce que les programmes de la Société d'habitation sont évalués par des experts externes? Est-ce qu'on sait qu'est-ce qui fonctionne et qui ne fonctionne pas dans ces programmes? Vous l'avez dit vous-même: La démographie au Québec est en plein changement. Donc, il y a des besoins nouveaux qui se créent. Vous l'avez dit vous-même: Il y a des causes, justement, des causes nouvelles qui nous amènent à cette crise du logement. Alors, comment est-ce qu'on peut savoir tout ça si on n'a pas vraiment une politique d'habitation à laquelle on peut accrocher un cadre ou un plan d'action pour dire: Bien, on va réaliser ? dans l'échéancier 2003-2008 ? on va atteindre tel ou tel objectif? Je veux savoir pourquoi est-ce qu'on s'obstine. Je sais, j'ai déjà posé la question à la ministre responsable de l'Habitation, et elle m'a dit qu'il n'était pas question de faire une politique. Mais, aujourd'hui, là, vous avez peut-être mûri, vous avez réfléchi, vous avez écouté les groupes. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire que le travail que vous allez faire pour la préparation du plan d'action va s'inscrire dans une véritable politique d'habitation au Québec?

Le Président (M. Vallières): M. Gariépy.

M. Gariépy (Jacques): O.K. La Société n'a rien contre l'idée d'avoir une politique d'habitation au Québec. Ce que je dis, c'est qu'on n'en a pas eue dans les dernières années, mais que ce qu'on a produit en 1997, le plan d'action, tenait lieu de politique ? c'est-à-dire, c'était le fruit d'une réflexion ? et d'orientation gouvernementale qui passait le stade d'orientation de principe, mais allait au niveau de l'action et d'investissements en termes budgétaires. Donc, si le gouvernement décide ou nous demande de faire une politique, on va se faire un plaisir de la rédiger. D'ailleurs, ce serait relativement simple, puisque tous les éléments de réflexion sont en place. C'est plus une question de mise en forme, en ce qui me concerne.

Mme Houda-Pepin: Là, il y a lieu, peut-être, de s'attendre à avoir une politique gouvernementale d'habitation puisque, finalement, vous avez les éléments. Tout ce qui manque, c'est la volonté politique d'aller dans cette direction-là. C'est bien ce que je comprends?

M. Gariépy (Jacques): Il faudrait poser la question au ministre de l'Habitation.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Très bien. Qu'est-ce que vous pensez des mesures fiscales qui sont réclamées pour encourager le secteur de l'habitation? J'imagine que vous en avez évalué quelques-unes. Est-ce que votre réflexion est arrêtée là-dessus? Est-ce que vous croyez que les mesures fiscales ? et puis vous allez me dire lesquelles vous privilégiez davantage ? sont un instrument efficace pour juguler la crise du logement?

M. Gariépy (Jacques): Notre réflexion n'est pas terminée sur les mesures fiscales, on a un chantier avec d'autres ministères actuellement qui oeuvre sur l'examen des mémoires qui ont été déposés sur cette question-là, notamment le mémoire de la CMM, qui était très étayé, et d'autres groupes également, et plusieurs questions se posent. On n'a pas encore de réponses, on est toujours au niveau de l'analyse.

La première question qui se pose, c'est: S'il devait y avoir des mesures fiscales, devraient-elles être ciblées territorialement ou sur certains types de logement, notamment le logement abordable par opposition à tous les logements? L'autre question qu'on doit résoudre, c'est: Est-ce que des mesures fiscales contribueraient réellement à résorber la crise du logement pour les ménages les plus démunis? Est-ce que ça aurait un impact sur le volume de production de logements locatifs dans l'abordable? C'est ces questions-là pour lesquelles on n'a pas encore de réponses qui sont deux questions fondamentales, et, comme je vous dis, nos experts travaillent très activement sur le dossier actuellement et ils devraient avoir une réponse à soumettre au gouvernement, on l'espère, avant le mois de novembre ou, disons, avant la fin du mois actuellement.

Mme Houda-Pepin: Quelle est la qualité du parc locatif? On sait qu'il y a un problème de ce côté-là. Je sais que vous avez des budgets pour la rénovation. En fonction de quoi est-ce que ces budgets-là sont établis? Est-ce que vous avez des indicateurs qui vous disent que, chaque année, il faut investir tant d'argent dans la rénovation pour maintenir le parc dans un état relativement stable? Sur quelles bases est-ce que vous vous basez pour définir les montants pour la rénovation et qu'est-ce qui entre là-dedans?

M. Gariépy (Jacques): O.K. L'action de la Société, depuis maintenant 10 ans, depuis 1994, je dirais, depuis le retrait du fédéral, et de la Société également, de la construction de nouveaux logements, est basée sur un très grand partenariat avec les municipalités et une, je dirais, dévolution accrue de ses programmes aux municipalités. Donc, l'action de la Société vise de plus en plus à répondre aux demandes et aux besoins des municipalités, qui sont collées sur le terrain et qui connaissent mieux que la Société, juge-t-on, les besoins sur le terrain, les besoins de rénovation.

n(10 heures)n

Suite aux besoins municipaux, aux demandes municipales, lors du dernier budget, les budgets consacrés à la rénovation résidentielle, notamment le programme de Rénovation Québec, qui s'appelait anciennement programme de Revitalisation des vieux quartiers, a été quasiment triplé, à la hauteur de 92 millions pour les deux prochaines années. C'est un programme à frais partagés où les municipalités sont appelées à investir un montant égal au Québec. Donc, ces budgets-là ont été augmentés et surtout élargis à toutes les municipalités au Québec justement pour permettre aux municipalités de s'attaquer à la rénovation des zones problématiques. Je pense que le meilleur exemple qu'on a au Québec, c'est la rénovation du quartier Saint-Roch ici, à Québec, qui a commencé il y a à peu près 10 ans et qui a complètement changé le visage de ce quartier-là.

Bon. L'intervention de la Société, c'est de mettre à la disposition des municipalités les sommes nécessaires pour entreprendre des programmes de ce type-là, et c'est des programmes qui sont très souples. Ce sont les municipalités qui adoptent leur programme à l'intérieur d'un cadre très, très large et qui déterminent les priorités d'utilisation des sommes. Donc, chaque municipalité est appelée à faire un diagnostic sur son territoire et d'y investir les sommes qui sont mises à la disposition par le Québec. On pense actuellement que la somme en jeu est suffisante pour répondre à la capacité d'agir des municipalités dans ce domaine.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Est-ce que, justement, parce que c'est les municipalités qui font valoir leurs besoins, la Société d'habitation du Québec a un portrait exact de la qualité du parc locatif au Québec?

M. Gariépy (Jacques): Non.

Mme Houda-Pepin: Alors, est-ce qu'il y a un moyen de le faire? Parce qu'on nous dit qu'il y a un pourcentage assez significatif d'unités de logement qui sont dans un état de délabrement tel qu'elles sont inapropres à l'habitation. Et alors la Société, elle fait quoi par rapport à ça? Est-ce qu'elle se fie aux municipalités, si elles veulent bien s'engager dans la rénovation, ou est-ce qu'elle peut être proactive et regarder la vue d'ensemble et pas seulement chaque municipalité prise séparément?

M. Gariépy (Jacques): O.K. On est condamnés, je dirais, à se fier aux municipalités. Au Québec, il y a 1 200 000 logements locatifs. À titre d'exemple, au cours de la dernière année, on a été appelés à faire un diagnostic de l'état du parc coopératif fédéral au Québec, dans la perspective d'un transfert au Québec, et ce fut une opération relativement majeure, d'évaluer l'état du parc de 40 000 unités. Donc, imaginez qu'on puisse, à même les ressources dont dispose la Société, faire une diagnostic sur l'état de 1 200 000 logements, ce serait pratiquement hors de coût. Et on croit qu'il est plus sage d'investir ces argents-là à aider les ménages démunis.

Par contre, on a des indications indirectes sur l'état du parc au moyen du recensement de Statistique Canada où il y a des questions qui sont posées sur l'état du parc, donc l'état des logements que les gens habitent. Et ces données-là, qui sont disponibles, bon, au moins deux ans à trois ans après chacun des sondages, nous permettent d'avoir quand même un état du parc.

Une voix: ...

M. Gariépy (Jacques): Le dernier sondage qui a eu lieu, c'est en 1996... le dernier recensement, pardon, en 1996, montrait que 8 %, si je me souviens bien, des logements avaient besoin de réparations majeures. Maintenant, les données du recensement de 2001 ne sont pas encore disponibles, probablement qu'elles le seront d'ici un an.

Mme Houda-Pepin: La raison pourquoi je vous pose cette question-là, c'est parce que je sais que la qualité du parc est pour quelque chose dans la crise du logement et aussi parce que, bon, il y a des montants d'argent que vous mettez là-dedans en partenariat avec les municipalités. Mais j'ai constaté aussi qu'un certain nombre de municipalités qui s'engagent dans la rénovation se retirent en cours de route. Par exemple, juste à titre d'exemple, si je prends 2001-2002, vous avez les municipalités d'Alma, Cowansville, Dolbeau-Mistassini, Drummondville, La Tuque, Laval, Magog, Matane, Rimouski, Rouyn-Noranda, Saint-Georges, Saint-Léonard, Thetford Mines, Val-d'Or et Victoriaville qui se sont retirées du programme Revitalisation des vieux quartiers. Est-ce que vous regardez pourquoi, est-ce que vous allez voir comment ça se fait que ces programmes-là ne sont pas si efficaces que ça, ne donnent pas les résultats escomptés ou vous laissez ça aux municipalités qui s'engagent ou se désengagent?

M. Gariépy (Jacques): Bien, c'est un choix politique et, je dirais, de philosophie politique des municipalités. Certaines s'engagent, il y a des nouvelles municipalités qui s'inscrivent au programme, il y en a d'autres qui quittent ou qui interviennent pendant quelques années sur un quartier particulier et, une fois que le programme est réalisé, cessent d'investir. Il faut bien comprendre que c'est des programmes à frais partagés. Généralement, il y a des modalités, là, mais, règle générale, c'est que les coûts de rénovation sont partagés en trois: le propriétaire doit en assumer le tiers, la municipalité, le tiers, et le gouvernement du Québec, via la SHQ, l'autre tiers. Donc, c'est coûteux pour les municipalités. Nous, on prétend que ça a des impacts très positifs. Je pense que c'est évident à certains endroits, par exemple Trois-Rivières, qui a eu un très grand succès avec son programme mais qui s'attaque, dans une nouvelle phase, dans ses quartiers les plus délabrés. Bon. C'est un choix politique, je dirais.

Le Président (M. Vallières): Alors, ça termine... Le 15 minutes d'échange est déjà complété à ma gauche. Alors, ça nous amène au député de Roberval.

Mme Houda-Pepin: Ça va vite, M. le Président.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Bien, tout simplement, on laisse entrevoir, on est portés à croire, du moins, à première vue, que l'aide au logement est beaucoup moins dispendieuse que la construction de HLM alors que, dans votre mémoire, vous dites le contraire. J'aimerais avoir des précisions de votre pensée là-dessus.

M. Gariépy (Jacques): Le premier point, c'est qu'on pourrait imaginer que tous les programmes d'habitation au Québec soient des programmes d'allocation-logement ou de supplément au loyer, mais on se retrouverait dans une situation où la pénurie serait encore plus sévère parce qu'il y a 120 000 ménages au Québec qui habitent des logements sociaux: 85 000 au Québec, financés par le Québec, et 40 000 par les coops et OSBL, les anciens programmes financés par le fédéral. Donc, c'est 120 000 ménages qui seraient dans une situation dramatique si l'État n'était pas intervenu.

Partout au Canada, on est intervenu pour créer du logement social. L'Ontario a, per capita, plus de logements sociaux que le Québec. C'est une solution pour résoudre les problématiques les plus dramatiques, mais il faut nuancer les choses. Que 275 000 ménages consacrent plus de 50 % de leurs revenus pour se loger, c'est dramatique en soi mais, parmi ces ménages-là, il y a des ménages qui sont en plus grande difficulté, des ménages qui ont des revenus du niveau de l'aide sociale, des ménages qui ont des familles qui doivent assumer la nourriture, qui doivent assumer les vêtements de la famille.

Les statistiques montrent que, finalement, le pourcentage des revenus que les gens consacrent au logement varie selon la dimension de la famille. Plus la famille est élevée, plus le pourcentage est bas. Une personne seule consacre ? et ça tombe sur le sens ? toutes proportions gardées, un plus grand pourcentage de ses revenus pour se loger. C'est pourquoi c'est plus dramatique pour les familles puis c'est pourquoi il y a une place pour un parc de logements sociaux, parce que ça permet de résoudre ces problèmes les plus dramatiques là. Puis les règles d'attribution des logements sociaux permettent d'attribuer les logements aux gens qui sont dans des situations les plus précaires, les plus difficiles, qui consacrent un pourcentage le plus élevé de leurs revenus pour se loger.

Ceci étant dit, c'est certain qu'une allocation-logement ou un supplément au loyer permet à quelqu'un de se loger à bon prix, donc à résoudre cette problématique-là. Mais en situation de pénurie de logements, c'est moins vrai, parce que, en situation de pénurie de logements, les logements, par nature, sont rares. Donc, les propriétaires qui ont des logements disponibles pour recevoir des gens avec supplément au loyer sont moins empressés de recevoir ces gens-là. Et le phénomène qu'on trouve, c'est qu'il y a de moins en moins de propriétaires qui acceptent de recevoir des gens démunis avec supplément au loyer, alors que, quand les taux d'inoccupation sont 8 %, ils sont très contents de recevoir des gens avec supplément au loyer. Donc, c'est une solution qui est imparfaite puis qui a un effet pervers d'être moins efficace quand on en a le plus besoin.

Donc, c'est faux de dire qu'il faudrait tout investir dans des suppléments au loyer ou de l'allocation-logement. C'est une partie de la solution. Ça permet de résoudre des problématiques très spécifiques, mais c'est loin de résoudre la vraie pénurie de logements puis de résoudre le problème qu'ont les gens les plus pauvres de se loger. Parce que la crise du logement, avant tout, c'est une crise de pauvreté, puis les logements coopératifs, les logements sociaux, les logements par les OSBL, c'est une solution qui permet de résoudre des vrais problèmes. On ne les résout pas tous mais c'est quand même des nombres quand même importants. On a 120 000 ménages au Québec qui ne seraient pas logés convenablement sans ces mesures-là. Et c'est important d'en faire chaque année parce que, au fil des ans, le nombre du parc disponible augmente.

Aussi, au fil des ans, les premières unités qu'on a construites au début coûtent de moins en moins cher. Vous savez que, dans notre parc de logements sociaux au Québec, on a des unités qui sont rentables, c'est-à-dire qui ne coûtent absolument rien à l'État, parce que la construction en 1970 coûtait si peu cher puis les hypothèques viennent à terme, donc il n'y a plus d'hypothèque à payer, puis les revenus à 25 % du revenu suffisent à payer les logements sociaux. Donc, c'est faux de dire que tous les logements sociaux coûtent très cher et que c'est une solution la plus coûteuse. Au contraire.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Roberval.

n(10 h 10)n

M. Laprise: Oui. M. le Président, merci beaucoup. M. le président, je voudrais savoir, vous dites travailler avec les organismes à caractère social, le ministère de la Santé, le ministère des Affaires sociales également, est-ce qu'on a pensé, est-ce qu'on a fait un «move» de ce côté-là, à savoir que, lorsque dans une grande ville comme Montréal par exemple, il y a des gens qui vivent vraiment dans des taudis, est-ce qu'on a offert à ces gens-là peut-être de les orienter, étant donné qu'il n'y a pas de logements à Montréal, de les orienter vers des petits milieux ruraux, aux alentours peut-être, pas tellement loin mais dans des régions, quitte à leur payer leurs déplacements?

On paie des gens de chez nous pour aller ramasser des tomates en Ontario, on pourrait peut-être payer des gens pour les déplacer vers des milieux ruraux où la qualité de vie serait meilleure, l'encadrement humain serait meilleur pour les enfants; il serait peut-être possible pour eux autres de se réintégrer plus facilement dans une société active. Au niveau des jeunes ménages, par exemple.

Le Président (M. Vallières): M. Gariépy.

M. Gariépy (Jacques): Bon. Socialement, c'est très difficile de déraciner des personnes de leur milieu. Des gens qui sont natifs de Montréal ou qui vivent même dans des quartiers défavorisés de Montréal sont très hésitants à quitter leur milieu, quoique ce n'est pas impossible. Lors de la crise du logement de juillet 2002 où on avait des suppléments au loyer de disponibles et il y avait une très grande rareté de logements à Montréal, on a effectivement offert à des personnes qui était donc détenteurs de ce bon de supplément au loyer là des logements en périphérie de Montréal, dans des HLM qui étaient effectivement vacants, et certains ont accepté, mais c'était, je dirais, la faible minorité. Mais il y a eu des cas, effectivement. Mais ce n'est pas une solution qu'on peut envisager à grande échelle. Parce que les gens sont vraiment attachés à leur milieu, leur milieu familial et leur milieu social.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, ça complète ce bloc d'échange. Il y avait le député de Duplessis qui avait demandé la parole; il y a également le député de Saint-Maurice. Il y a le président aussi qui aurait aimé ça vous questionner parce que vous n'avez pas donné votre point de vue, là, sur toute la question d'un programme d'accès à la copropriété qui est suggéré dans le mémoire que nous avons préparé, dans le document. Alors, il aurait été intéressant de connaître, compte tenu de votre expertise, votre point de vue là-dessus, mais on est limités dans le temps. Peut-être pourrons-nous le faire à un autre moment au cours de nos séances de travail.

Alors, je vous remercie de votre présentation. Et je demanderais aux membres de la commission, parce que l'horaire est très serré... D'habitude, on va toujours serrer la main des gens qui quittent puis ceux qui arrivent. Je pense qu'on ne pourra pas se le permettre si on veut rester dans l'horaire.

Une voix: On peut le permettre juste une fois...

Le Président (M. Vallières): C'est bien. On va se le permettre une fois. Et je vais demander aux gens de la Régie du logement de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Alors, prenez pour acquis qu'on aimerait tous aller vous saluer, vous remercier, mais c'est toujours un cinq ou six minutes, là, qui est pris sur l'horaire. Alors, on va essayer de se discipliner de ce côté-là.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Vallières): Alors, je pense que Mme Desjardins agit à titre de présidente et pourrait nous présenter aussi les personnes qui l'accompagnent.

Régie du logement

Mme Desjardins (France): Je vous remercie, M. le Président. Alors, mon nom est France Desjardins, je suis présidente de la Régie du logement. Et j'aimerais vous présenter, à ma droite, M. Pierre H. Cadieux, vice-président aux activités du tribunal, et, à ma gauche, Mme Lise Hamel, directrice du développement et de la planification stratégique.

Le Président (M. Vallières): Alors, Mme Desjardins, en 15 minutes.

Mme Desjardins (France): Absolument, oui. Alors, M. le président, merci, Mmes et MM. membres de la commission. La Régie du logement salue l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire de convier à la réflexion tous les intervenants dans le domaine du logement. Nous ne pouvons que nous réjouir que ces consultations fournissent un forum qui favorise l'écoute des uns et des autres alors même que le contexte est plus propice à justifier des positions rigides, voire même irréconciliables. C'est donc avec fierté que la Régie du logement y participe.

Sans prétendre faire autorité en matière de logement social et abordable, compétence qui est davantage du ressort de la Société d'habitation du Québec, mais forte de plus de 20 ans d'expérience en matière de droit relatif au logement locatif, la Régie du logement tentera d'apporter un éclairage utile aux travaux de la commission, tant sur le rôle de la Régie que sur les propos des différents groupes ou associations oeuvrant dans ce domaine.

La Régie du logement est un tribunal spécialisé chargé d'appliquer une législation dont la majorité des dispositions relèvent de l'ordre public dans le domaine du logement locatif. En tant que tribunal, la Régie décide en première instance, à l'exclusion de tout autre ? pardon, j'ai une mauvaise grippe ? de tout autre tribunal, des litiges qui lui sont soumis par une partie au bail d'un local d'habitation, incluant les baux des logements publics, d'une chambre, d'une maison mobile et d'un terrain destiné à l'installation d'une maison mobile. La somme demandée, la valeur de la chose réclamée ou l'intérêt du demandeur ne doit pas dépasser le montant pour lequel la Cour du Québec a compétence, c'est-à-dire 70 000 $. Dans les cas de reconduction d'un bail, de fixation du loyer, de reprise, de subdivision, de changement d'affectation ou d'agrandissement substantiel d'un logement et en présence d'un bail de logement à loyer modique, la Régie a compétence quel que soit le montant en jeu. En cette qualité, la Régie applique un large éventail des dispositions du Code civil du Québec, tant en matière de louage, de contrat, d'obligation, de prescription qu'en matière de preuve, ainsi que les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.

En matière de fixation de loyer, la Régie peut réviser ses décisions sur demande d'une partie. Ses décisions sont finales et sans appel en matière du recouvrement d'une petite créance et de conservation du stock de logements. Les autres décisions sont appelables sur permission d'un juge de la Cour du Québec lorsque la question est jugée sérieuse, nouvelle ou d'intérêt général. En 1999, la Cour supérieure décrivait la Régie en ces termes: «La Régie du logement est donc un tribunal administratif pas comme les autres, puisqu'elle est en quelque sorte un tribunal de droit commun.»

La Régie assure enfin la publication des décisions d'intérêt qu'elle a rendues afin de faire connaître la jurisprudence du tribunal.

En tant qu'organisme de surveillance, dans la réalisation de son mandat d'assurer la protection des locataires en veillant à la conservation du parc de logements locatifs, la Régie est chargée, en tenant compte des intérêts économiques des propriétaires, quel que soit le montant en jeu, de décider des demandes relatives à la démolition d'un logement situé dans une municipalité où aucun règlement n'est adopté à cet effet; l'aliénation d'un immeuble situé dans un ensemble immobilier; la conversion d'un immeuble locatif en copropriété divise. La Régie exerce également une fonction en matière de contrôle des loyers sur les cas qui lui sont soumis et, par conséquent, sur l'ensemble du marché locatif.

En tant qu'organisme administratif, la Régie a pour mandat de favoriser la conciliation entre locataires et locateurs, de les renseigner sur leurs droits et obligations résultant du bail d'un logement et de faire des études sur la situation du logement. Présente à l'échelle du Québec, la Régie dispose d'un réseau de 25 bureaux répartis en quatre directions territoriales. Les membres de la commission pourront trouver un historique du rôle et des pouvoirs de la Régie à la page 2 jusqu'à la page 4. Je vous laisse le soin d'en prendre connaissance.

Vous me permettrez cependant, à la page 4, de préciser ce que le livre blanc indiquait quant au mandat qui a été donné à la Régie du logement à la suite du livre blanc sur les relations locateurs-locataires déposé en 1977. «Le premier rôle de cet organisme consistera à arbitrer les litiges qui naissent d'un contrat de bail entre les particuliers, comme le font les tribunaux civils ordinaires. Il importe que l'administration de la loi concernant les relations locateurs-locataires soit unifiée afin d'éviter la multiplicité des recours et la complexité des démarches visant à assurer la solution des litiges. C'est pourquoi il est souhaitable que l'organisme possède une juridiction en matière de bail résidentiel qui soit exclusive de celle des tribunaux civils, y compris de la Cour provinciale, division des Petites créances. Il semble en effet anormal qu'un justiciable, par exemple, ne puisse greffer à une action en diminution de loyer une réclamation en dommages et intérêts ou, à une action en résiliation de bail, une réclamation pour loyer lorsque ces demandes naissent d'une même cause d'action.»

Antérieurement, on se rappellera que la compétence était partagée entre la Cour supérieure, la Cour provinciale, devenue ensuite la Cour du Québec, et la Commission des loyers.

n(10 h 20)n

Les pouvoirs et mandats de la Régie sont de trois ordres. Tout d'abord, en matière de droit civil, le régime juridique qui prévaut au Québec s'articule autour du droit au maintien dans les lieux du locataire, par opposition au droit de propriété absolu. Le Code civil du Québec, la Charte des droits et libertés et la Loi sur la Régie du logement édictent les droits et obligations qui incombent aux parties en la matière et leurs recours en cas de non-respect.

Trois ordres de recours en matière de droit civil:

Les recours bien sûr en cas de faute du défendeur relativement aux obligations naissant du bail et qui peut donner lieu à un recours en résiliation du bail, en ordonnance d'exécution en nature des obligations, en dommages et intérêts matériels, moraux et punitifs ? et les locataires, quant à eux, peuvent de plus exercer des recours en diminution de loyer, en autorisation de déposer le loyer;

Les recours pour faire déclarer un logement impropre à l'habitation ? et la Régie peut d'ailleurs elle-même, à l'occasion de tout litige relatif au bail, déclarer même d'office qu'un logement est impropre à l'habitation;

Également, des recours opposant le droit de propriété et le droit au maintien dans les lieux ? on pense ici à la reprise de logement ou l'éviction du locataire pour les motifs qui sont prévus à la loi: subdivision, agrandissement, changement d'affectation du logement ou évacuation temporaire pour travaux majeurs.

Dans ces matières, la Régie peut imposer les conditions qu'elle estime justes et raisonnables, dont une indemnité. Sa crédibilité est donc intimement liée à la raisonnabilité des conditions d'éviction ou des indemnités qu'elle impose, tout en respectant l'exercice du droit de propriété conformément à la loi.

Des recours spécifiques, toujours en matière civile, aux logements à loyer modique, ensuite des recours réguliers de droit civil. Des recours particuliers sont prévus pour sanctionner le non-respect du régime propre aux logements à loyer modique. Dans ce domaine, la Régie pourrait être saisie d'un litige qui portera sur la résiliation du bail ou la modification de certaines conditions d'un bail attribué, par exemple, à la suite d'une fausse déclaration du locataire dans un HLM.

En matière de conservation du stock de logements, la Régie exerce sa compétence, quel que soit le montant ou la valeur que représente la demande, les enjeux sur la protection du droit au maintien dans les lieux et les intérêts économiques des propriétaires.

En matière de contrôle des loyers, le droit au maintien dans les lieux reconnu par le Code civil ne peut être exercé, en pratique, sans une forme de contrôle de loyer. La raison d'être du contrôle est donc de protéger le locataire contre une augmentation abusive qui aurait pour effet de l'évincer. Le régime mis en place vise à atteindre ce résultat tout en favorisant le maintien et l'amélioration du parc de logements locatifs. La portée de l'intervention de la Régie dépasse largement les quelques milliers de cas de fixation qui lui sont soumis annuellement, puisque, par l'information qu'elle diffuse, la Régie appuie les propriétaires et les locataires dans leur recherche d'une augmentation de loyer raisonnable et librement négociée.

En matière de conciliation, pour la Régie du logement, la conciliation constitue un moyen privilégié d'harmoniser les relations des parties à long terme et de les responsabiliser en regard de la compréhension et du respect des droits et des obligations qui découlent de toute relation contractuelle.

En matière d'information, la loi impose l'obligation à la Régie de faire connaître la loi qu'elle administre et de renseigner les locateurs et les locataires sur leurs droits et obligations. La Régie s'acquitte de son mandat au moyen de deux types d'information: celle qui s'adresse au public en général et celle qui répond à la demande par un citoyen. Les préposés aux renseignements donnent de l'information au comptoir ou par téléphone et, conformément à l'obligation que leur impose la loi, assistent les citoyens dans la rédaction des demandes. Un système téléphonique automatisé accessible en tout temps, 24 heures par jour, à Montréal et à Québec assure également une information de base sur les questions les plus couramment posées. En 2001-2002, la Régie a répondu à plus de 900 000 demandes d'information de citoyens, soit 780 000 par téléphone et 170 000 au comptoir.

La Régie évidemment, comme plusieurs intervenants dans le domaine de l'habitation, travaille dans un environnement complexe. Depuis l'institution de la Régie du logement, effectivement, il y a plus de 20 ans, l'évolution socioéconomique et démographique, la manifestation de besoins nouveaux et la diversification des clientèles en matière de logement locatif ont modifié considérablement l'environnement dans lequel la Régie évolue. Malgré un rythme de croissance moins rapide ces dernières années, il n'en demeure pas moins qu'entre 1981 et 1996 le nombre de ménages locataires s'est accru de 21 %. Il représentait, en 1996, 43 % de l'ensemble des ménages, une proportion supérieure de 7 % à celle observée à l'échelle canadienne.

La forte croissance de ménages de personnes seules et de familles monoparentales ? dont le chef de famille est une femme dans 86 % des cas ? qui consacrent, dans une large proportion, plus de 30 % de leurs revenus au loyer, et la présence plus importante de la colocation ont fait apparaître de nouvelles donnes dans les relations locateurs-locataires dont, faut-il se rappeler, des difficultés accrues de certains locataires à payer leur loyer. Bon an, mal an, plus de 35 000 demandes de résiliation de bail pour non-paiement de loyer sont déposées à la Régie en sus des demandes reliées au déguerpissement du locataire. Dans une enquête récente menée à partir d'un sondage scientifique réalisé en 2000-2001 auprès des locataires et de leurs propriétaires, les pertes attribuées à des loyers impayés ont été évaluées à 1,2 %, représentant 74 millions sur des revenus annuels potentiels de plus de 6 milliards de dollars.

Dans un marché où 88 % des propriétaires possèdent six logements et moins; près de la moitié des logements locatifs sont situés dans des immeubles comportant moins de six logements; les duplex et triplex constituent 28 % du parc locatif; 27 % des logements locatifs sont dans des immeubles où le propriétaire a établi sa résidence; près de 45 % des locataires voisinent avec leur propriétaire dans les immeubles de moins de six logements; plus de 55 % des propriétaires déclarent avoir acquis des logements locatifs pour un motif d'ordre financier; seulement 10 % des logements ont fait l'objet d'un changement de propriétaire au cours des deux dernières années, on imagine donc, dans un tel contexte, facilement l'importance que revêt le choix d'un locataire pour le propriétaire et le risque, au quotidien, que des différends naissent dans l'interprétation des droits et obligations de chacun.

Par contre, pour les propriétaires d'immeubles de 20 logements et plus, la réalité est différente. Si la relation avec les locataires est plus impersonnelle, c'est plutôt par le rappel collectif de ses obligations par ses locataires que le propriétaire pourrait être incité à encadrer rigoureusement son processus de location. Qui plus est, le phénomène de la copropriété a pris de l'ampleur dans les années quatre-vingt. Bien qu'à l'origine l'usage de ce type de logements fût destiné aux propriétaires occupants, avec le temps, il est entré dans le marché locatif. Le nombre de logements en copropriété est estimé à 132 000 à l'échelle du Québec dont quelque 47 000 unités seraient louées. Si la vie en copropriété apporte déjà son lot de problèmes quant au respect des règles de vie imposées ? une minute? ? la mise en location de plusieurs unités ne les atténue certainement pas.

Alors, que dire de la désinstitutionnalisation, qui pose un certain nombre de problèmes et qui mérite qu'on s'y attarde en termes de solutions?

Les orientations qui prévalaient en 1980, donc, visaient l'équilibre des forces en présence tout en assurant une meilleure protection au locataire. L'évolution de la société en général et du marché locatif en particulier milite en faveur du maintien des grands principes qui ont caractérisé la législation actuelle. Non seulement toutes les parties au contrat ont des obligations et possèdent des droits, mais elles doivent pouvoir compter sur des moyens efficaces pour les faire respecter.

En conclusion, M. le Président, puisque le temps nous manque, nous espérons que cette courte présentation aura permis aux membres de la commission de mieux comprendre le rôle de la Régie du logement et la portée de ses interventions. Si la neutralité qu'exigent les mandats dont est chargée la Régie ne nous autorise pas à prendre clairement position sur les problématiques énoncées, nous espérons avoir fourni un éclairage utile à l'examen et l'évaluation des impacts des solutions préconisées par les divers intervenants. Comme nous l'avons exposé, l'environnement est complexe, la conjoncture est extrême. C'est dans un tel contexte que la recherche de l'équilibre des forces en présence et de l'harmonie dans les relations entre locateurs et locataires prend toute sa signification. C'est, entre autres, l'objectif que le législateur visait en instituant la Régie pour faciliter l'accès à la justice dans le domaine du logement.

n(10 h 30)n

Certaines problématiques sociales interpellent plusieurs intervenants à divers niveaux en faveur d'une concertation dans les actions. Elles dépassent la seule compétence du tribunal, mais la Régie du logement continuera de répondre présente lorsqu'il s'agira d'explorer des solutions équilibrées où les droits des uns n'entrent pas en conflit avec les obligations des autres, où toutes pratiques abusives sont dénoncées.

D'ici là, c'est avec grand intérêt que nous suivrons les travaux de la commission et continuerons de tabler sur la compétence de nos ressources pour la réalisation de notre mission avec efficacité afin de limiter l'aggravation des dommages en cas de différend et de favoriser des relations harmonieuses entre locataires et propriétaires. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Desjardins. Alors, Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui. Moi, ce qui m'intéresse ? j'ai trouvé que votre mémoire est intéressant à bien des égards ? mais c'est toute la question de la déréglementation des loyers dont vous parlez, principalement aux pages 27 et 28.

Vous dites: «La tentation est forte d'imputer au contrôle des loyers la responsabilité du manque de logements qui sévit en ce moment.» Parce qu'on dit: C'est ce fait-là qui fait en sorte de, à un moment donné, ne pas rendre intéressant de construire des logements, particulièrement pour les personnes les plus démunies de notre société.

Et là vous dites: «Ces règles ont d'ailleurs fait leurs preuves, puisqu'elles n'ont pas empêché les investisseurs de produire plus de 10 000 unités locatives par année, de 1984 à 1987, au moment où le taux d'inoccupation se situait entre 2 % et 3 %.» Alors, souvent, on se rabat là-dessus pour dire: Bien, le marché ne donne pas, ne répond pas à une demande qui pourtant est là quelque part.

Alors, moi j'aimerais que vous me parliez de ça, particulièrement par rapport à la méthode de fixation des loyers puis toute la question de rentabilité puis... Dans le fond, pourquoi l'État est obligé de prendre des mesures pour répondre à ce besoin des personnes les plus démunies, que ce soit l'aide à la personne ou l'aide à la pierre? Vous, vous avez aussi un rôle de régulateur pour ces personnes-là. Ça fait que moi, c'est un petit peu de ça dont j'aimerais que vous nous parliez.

Le Président (M. Vallières): Mme Desjardins.

Mme Desjardins (France): Oui. En fait, la méthode de fixation des loyers effectivement, a été longtemps décriée, examinée, regardée à la loupe. Nous avons nous-mêmes fait faire de nombreuses études, nous avons déjà déposé un document de consultation en 1994-1995.

Elle est simple, notre méthode de fixation, et, contrairement à d'autres systèmes qui ont été étudiés et particulièrement au Canada, dans une étude récente effectuée par un consultant externe pour le compte de la Régie et de la Société d'habitation du Québec qui démontre que le système ou le régime de contrôle des loyers au Québec a été plus efficace pour permettre finalement aux locataires d'avoir accès à des logements abordables, de qualité, et permettre également aux propriétaires de disposer d'un immeuble qui est rentable ou de travailler dans un marché qui soit rentable sans toutefois être spéculatif...

Alors, l'étude de M. Thibodeau évidemment fait état de la législation dans l'ensemble des provinces canadiennes, mais plus particulièrement compare celle de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec. Pourquoi? Parce qu'évidemment on est souvent, les intervenants sont souvent fort tentés de regarder ce qui se passe chez notre plus proche voisin, c'est-à-dire l'Ontario, qui a un régime de contrôle des loyers avec taux fixe d'augmentation qui est publié à chaque année indépendamment de la qualité des interventions que peut faire le propriétaire pour maintenir le logement en bon état et pour faire des dépenses d'immobilisation.

Et pourquoi la Colombie-Britannique? C'est parce que la Colombie-Britannique, après avoir aboli son système de contrôle des loyers en 1983, a décidé, en 1993, de le remettre sur pied et est venue à ce moment-là consulter la Régie du logement du Québec et, à toutes fins pratiques, a adopté à peu près le même régime de contrôle des loyers que le Québec.

La particularité du régime québécois, par rapport aux autres régimes ? je pense que c'est peut-être ce qui intéresse davantage les membres de la commission ? c'est que le régime québécois tient compte, vise deux objectifs, pardon: d'une part, éviter que le locataire soit poussé à quitter son logement en raison d'une hausse de loyer abusive ? c'est le premier objectif; le deuxième objectif: inciter le propriétaire à gérer son immeuble de manière à en maintenir et à en améliorer la qualité.

Alors, s'il n'y avait que le premier objectif, un gel des loyers serait la meilleure solution; s'il n'y avait que le deuxième objectif, c'est l'absence de contrôle qui serait la meilleure solution. Alors, le fait de poursuivre conjointement ces deux objectifs exige une intervention plus nuancée qu'en Ontario, et c'est pourquoi la méthode n'impose pas un taux fixe. Dans la méthode de fixation des loyers, en Ontario, le taux fixe qui est publié annuellement et qu'il est permis au propriétaire de demander inclut les dépenses... inclut une prévision, finalement, pour des réparations majeures, sans égard au fait que le propriétaire les ait effectuées ou pas.

Alors, je ne sais pas si je réponds...

Mme Doyer: Ça va. Merci.

Mme Desjardins (France): Mes collègues ont peut-être d'autres choses à ajouter.

Le Président (M. Vallières): Ça va? Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Desjardins, Me Cadieux et Me Hamel, merci pour votre présentation. Votre mémoire est bien fouillé, il fait le tour de toute la question. On reconnaît le professionnalisme avec lequel vous travaillez et, aujourd'hui, donc, à cette consultation sur le mandat d'initiative, votre point de vue nous est particulièrement édifiant.

D'abord, je voudrais savoir si la Régie a compétence en matière de litige relativement au logement abordable. On sait que, pour le logement social, c'est un peu votre niche, mais pour le logement abordable, est-ce que c'est une compétence qui s'étend aussi pour vous?

Mme Desjardins (France): En fait, si je peux me permettre, Mme la députée, je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous dites que le logement social est un peu notre niche, mais la Régie du logement intervient particulièrement dans le secteur privé, finalement, au niveau des litiges qui sont soumis devant elle. C'est la minorité des litiges qui sont soumis devant la Régie qui concernent des logements dits publics, c'est-à-dire des logements qui appartiennent, qui sont détenus ou administrés par la Société d'habitation du Québec. C'est du moins la définition qu'en donne le Code civil. Alors, notre créneau d'intervention, particulièrement en matière civile, bien sûr, c'est davantage le secteur privé.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Puisque vous êtes dans ce trafic à l'année longue de la crise du logement, est-ce que vous avez fait une réflexion à la Régie pour savoir c'est quoi, les causes de cette crise?

Mme Desjardins (France): Disons que nous faisons une réflexion, évidemment, comme nous sommes à la fin du processus, finalement, la Régie du logement intervient une fois que le mal est fait, si je peux employer l'expression, donc, pour régler des différends. Donc, nos constats sont peut-être postérieurs, un peu, à ce que vous recherchez dans les circonstances. Quoique vous aurez constaté dans le mémoire que nous avons fait une assez bonne description des dispositions qui s'appliquent à l'égard de certains éléments d'intervention qui seraient souhaités par divers groupes.

Ceci dit... Ceci dit... J'ai perdu le fil. La question était?

Mme Houda-Pepin: Les causes de la crise.

Mme Desjardins (France): Pardon! Alors donc, les constats que nous faisons, c'est particulièrement... Définitivement, comme nous recevons et traitons au moins 35 000 demandes de résiliation de bail pour non-paiement de loyer, on ne peut que constater que la capacité de payer des locataires québécois semble être atteinte. Il est vrai que 35 000 demandes de résiliation de bail pour non-paiement de loyer sur 1 300 000 logements locatifs, c'est peu, mais ça représente tout de même au moins 35 000 personnes qui, soit ont des difficultés à rencontrer leurs obligations financières, faute de revenus suffisants, ou soit ont des problématiques sociales, des problèmes sociaux ? si je peux plus précisément m'exprimer ? des problèmes sociaux qui les empêchent de gérer adéquatement les revenus dont elles disposent.

n(10 h 40)n

Mme Houda-Pepin: D'accord. Chaque année, la Régie soulève un débat lorsqu'elle fait connaître ses recommandations sur les augmentations de loyer et, sur ce point, vous savez qu'il n'y a pas unanimité, loin de là. Je sais que votre mandat, c'est d'être un tribunal. Donc, vous arbitrez des conflits, vous jugez des dossiers. Mais votre responsabilité, c'est aussi de maintenir une certaine harmonie dans les rapports entre les propriétaires et les locataires. Et d'ailleurs, vous le dites vous-même, dans le contexte qui situe votre mémoire, lorsque vous parlez de la première loi. Au début, on parlait des relations harmonieuses entre les propriétaires et les locataires. Moi, je trouve que cette idée-là est centrale, c'est très important parce que, en fin de compte, dans la plupart des cas, il n'y a pas de problèmes entre les propriétaires et les locataires, même que les relations sont très bonnes. Ce dont on parle avec la Régie, c'est dans les cas où il y a des problèmes. Alors finalement, ça nous fait oublier que, dans la très vaste majorité des rapports, les relations sont bonnes. Mais parce que vous avez aussi cette dimension d'harmoniser les relations, est-ce qu'il y a un moyen, est-ce que vous avez réfléchi à un moyen qui, tout en vous permettant de garder vos prérogatives de tribunal... de voir à ce que vous puissiez trouver un équilibre entre ce que demandent les propriétaires et ce que demandent les locataires?

Mme Desjardins (France): C'est notre mandat au quotidien, Mme la députée, comme vous le savez probablement. Évidemment, je suis d'accord avec vous que, lorsque nous publions les taux, les prévisions finalement de taux d'augmentation de loyer pour la prochaine année, à chaque année ça crée une problématique, d'une part, parce que toutes les nuances que nous faisons dans notre communiqué de presse pour publier les taux, les nuances qui indiquent que ces taux ne tiennent pas compte de la variation des taxes, s'il y en avait, ne tiennent pas compte des dépenses d'immobilisation ou réparations majeures, s'il y en avait, et, malheureusement, c'est repris par les médias ? et c'est tout à fait compréhensible ? c'est repris avec: La Régie annonce un maximum de 1 % ou 1,5 % cette année. Alors, nous sommes effectivement à considérer l'intérêt, pour l'ensemble des contribuables, de la publication de ces taux, dans la mesure où ils sont peut-être mal interprétés.

Par contre ? c'est là toute la problématique de chercher l'équilibre ? par contre, si la Régie ne procède pas à cette publication, y aura-t-il ? et c'est le pari que nous pouvons faire ? y aura-t-il finalement exagération de la part des propriétaires dans les augmentations qui pourront être demandées et où se situeront les locataires qui, somme toute, n'ont pas toujours la possibilité de communiquer avec nous, d'une part, et, d'autre part, souvent, c'est le bouche à oreille, là, qui va leur permettre peut-être d'être au fait des annonces de la Régie. Ce ne sont pas des annonces, je tiens à le spécifier une autre fois.

Mme Houda-Pepin: Me Desjardins, vous comprendrez que ma question ne reposait pas seulement sur des manchettes de presse, de journaux. Moi, je vous parle, pour quelqu'un qui connaît ce dossier-là un peu, je vous parle vraiment d'un fossé, là. Et il existe, ce fossé-là, entre les propriétaires et les représentants des locataires qui ont des approches diamétralement opposées. Et, comme on est là pour réfléchir, pour dire: Où est-ce qu'il est, le juste milieu? Comment non seulement on va protéger les locataires, parce que c'est une condition essentielle pour nous, parlementaires, mais, en même temps, comment on va créer un climat qui va permettre au secteur privé et aux petits investisseurs de trouver le secteur de l'immobilier de logements locatifs, niveau social, parce qu'on parle d'une gamme où les investissements ne se rendent pas, comment est-ce qu'on peut les inciter pour investir là-dedans? Et donc, ces gens-là aussi ne regardent pas les manchettes de presse, là, ils regardent surtout vos critères, les critères sur lesquels vous vous basez pour établir justement vos normes. Et je me dis: Est-ce que vous avez fait des efforts pour essayer de voir ce qu'on peut faire pour rapprocher les différents points de vue?

Mme Desjardins (France): Nous avons fait des efforts au niveau de l'élaboration de modifications législatives pour favoriser la conciliation, mais je pense que ce n'est pas de ça que vous voulez... ce n'est pas l'objet de votre question, non plus. Ce que vous me demandez: est-ce que le régime de contrôle des loyers... ? et vous me corrigerez si je fais erreur ? est-ce que le régime de contrôle des loyers au Québec est rentable pour les propriétaires et les investisseurs et est-ce qu'il... Alors, ce que je vous répondrai, c'est que, selon les constats et nos observations des 20 dernières années, le régime de contrôle des loyers est rentable pour qui ne veut pas spéculer, d'une part, et c'est confirmé par... Enfin, c'est confirmé; nous avons fait faire l'étude parce que les interventions qui nous sont faites depuis de nombreuses années nous ont amenés, nous aussi, à faire faire une étude de comparaison entre les résultats de la législation québécoise par rapport aux autres.

D'autre part, dans un article publié en 1999, M. Joel Starkes, agent de la trésorerie, marché des capitaux, a fait état du rendement des appartements. Et je pourrai déposer, pour les besoins de la commission, ce petit article des appartements locatifs existants qui demeure intéressant et il fait une comparaison intéressante entre rendement à Montréal, Halifax, Toronto, Winnipeg. Pour les logements existants, le rendement, en termes d'encaisses dans le domaine...

Mme Houda-Pepin: Je m'excuse, Me Desjardins...

Mme Desjardins (France): Excusez-moi.

Mme Houda-Pepin: ...vous faites allusion à des données en rapport avec les unités existantes. Moi, je vous parlais de la suite des choses, comment est-ce qu'on peut inciter les investisseurs à aller dans l'immobilier. Mais on va s'arrêter là parce qu'on me signale que le temps court. Je vais vous poser trois questions puis je vous demanderais des réponses, s'il vous plaît.

À la page 24 de votre mémoire, Contrer la discrimination à l'égard du candidat locataire, vous dites, entre autres, que plusieurs éléments sont couverts par les législations déjà en vigueur et dont la responsabilité est confiée à d'autres organismes, tels la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. On fait ici allusion à la protection des locataires avant la signature d'un bail. O.K.? Vous savez que nous avons un projet de loi n° 26 qui a fait couler beaucoup d'encre, qui a été retiré, qui est sur la tablette; il est question qu'il revienne. Je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que vous jugez toujours opportun que l'on puisse revenir avec une législation?

Deuxième question. Je voudrais avoir votre point de vue sur la déconcentration des baux au 1er juillet. C'est une question que vous soulevez. Est-ce que vous trouvez que c'est une façon de régler la crise, est-ce que ça peut avoir un effet réel?

Et troisième élément. Sur les 35 000 demandes de résiliation de bail pour non-paiement de loyer et aussi pour toute l'interaction que vous avez avec les propriétaires et les locataires, je veux savoir quels sont vos clients principaux. Est-ce que ce sont les propriétaires qui viennent le plus vers vous ou les locataires? Merci.

Le Président (M. Vallières): Bien, alors, il reste deux minutes.

Mme Desjardins (France): Alors, en moins de deux minutes...

Le Président (M. Vallières): Aux trois questions posées.

n(10 h 50)n

Mme Desjardins (France): ...en ce qui concerne la cueillette de renseignements personnels auprès d'un candidat locataire, vous avez fait référence au projet de loi n° 26, nous avons, comme tous les intervenants, bien écouté les consultations qui ont été menées en novembre 2001. Nous avons pris bonne note des commentaires de chacun des intervenants et, bien sûr, nous avons proposé au ministre de l'Habitation des solutions en regard... qui devraient permettre à chacune des parties, en faisant ce contrat de bail, de mieux s'harmoniser.

En ce qui concerne la déconcentration des baux au 1er juillet, vous me permettrez de rappeler qu'effectivement il n'y a pas d'obligation légale que les baux terminent au 30 juin de chaque année; c'est une pratique. Il pourrait y avoir des solutions effectivement. Nous pensons que ce serait à l'avantage de tous, en termes de coûts, et tant pour les investisseurs que pour les locataires. Et il pourrait y avoir des solutions qui méritent cependant qu'on s'y attarde davantage pour voir les impacts à long terme, mais des solutions qui pourraient faire en sorte que les logements seraient peut-être moins à terme fixe.

Finalement, est-ce que ce sont les propriétaires ou les locataires qui utilisent davantage les services de la Régie? À plus de 80 %, ce sont les propriétaires.

Le Président (M. Vallières): Merci beaucoup. Mme la députée d'Anjou, tantôt, je vais peut-être commencer avec vous pour une question. Alors, ça m'amène à M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Alors, M. le Président, madame. Je lisais votre rapport où on mentionne, dans le rapport, que, bon an, mal an, il y a environ 35 000 demandes qui sont adressées à la Régie pour un non-paiement de loyer. Et en plus, vous avez des demandes qui sont reliées au déguerpissement.

Mme Desjardins (France): À peu près 2 500...

M. Pinard: Bon. Alors, vous me livrez le chiffre qui est de 2 500.

Mme Desjardins (France): Approximativement. Je peux vous donner le chiffre exact, M. le député.

M. Pinard: Bon. Alors, 2 500 déguerpissements, ça veut dire 37 500 sur environ 1 360 000. Bon.

Mme Desjardins (France): Oui, si je peux vous donner... En fait, bon an, mal an, 35 000. L'année dernière, plus précisément, 2001-2002: demandes de recouvrement résiliation, 36 258 très exactement et demandes reliées au déguerpissement, 2 540.

M. Pinard: Est-ce que vous considérez que les pertes qui sont attribuées aux loyers impayés... vous mentionnez que ça représente 74 millions, sur des revenus annuels potentiels de 6 milliards de dollars, ce qui fait approximativement 1,2 %. Est-ce que c'est comparatif ou en deçà ou en sus de pertes, par exemple, que vous pouvez constater dans d'autres législations canadiennes? Ma première question.

Ma seconde question: Souvent nos associations de propriétaires nous rencontrent et nous affirment qu'il est excessivement difficile pour eux de récupérer l'investissement lorsqu'ils transforment ou lorsqu'ils améliorent leurs logements en faveur des locataires. Ils nous disent que régulièrement ils ne peuvent récupérer avant une vingtaine d'années. Est-ce à dire que, lorsque vous avez à fixer le nouveau loyer qui sera payé par le locataire, vous vous basez sur une table d'amortissement de 20 ans? Aux deux questions, s'il vous plaît, madame.

Mme Desjardins (France): Alors, je réponds à votre première question. Alors, nous n'avons pas malheureusement de données sur les pertes attribuées au non-paiement de loyers dans les autres provinces, de données spécifiques. Je vous dirai cependant que, comme nous sommes en relation constante avec notre homologue ontarien, le Tribunal du logement de l'Ontario, qui a à toutes fins pratiques la même compétence que nous, qui exerce la même compétence que nous, alors, nous échangeons régulièrement avec eux et ils entendent et décident annuellement d'au moins, au moins, sinon plus, de demandes en matière de non-paiement que nous, que le Québec.

Alors, leur volume est approximativement de 65 000 demandes, tout comme nous. Et comme ils avaient jusqu'à juin dernier une compétence un petit peu moins étendue que la nôtre, on peut prétendre que c'est plus que 50 000 demandes qui touchaient le non-paiement de loyer en Ontario.

Ce qui m'amène à votre deuxième question, M. le député. Alors, c'est exact que souvent on nous reproche de ne pas... on reproche au régime de contrôle des loyers au Québec de donner des ajustements symboliques. Les dépenses de réparations majeures qui sont considérées par les propriétaires comme étant de l'amortissement ne sont pas sujettes effectivement, dans le régime de contrôle des loyers, à une récupération sous forme d'amortissement. Nous croyons qu'une telle approche aurait pour effet d'augmenter substantiellement le loyer pendant la période de récupération de la dépense, après quoi le loyer, si on voulait être logique, devrait être rétabli à son niveau normal une fois que le propriétaire serait remboursé. Alors, ça reviendrait, quant à nous, à assumer par les locataires toutes les réparations majeures en supplément du niveau de loyer qu'ils ont déjà négocié au départ.

Je ne vous dirai pas que ces dernières années, et particulièrement la dernière année, puisque ? comme vous le savez peut-être ? le pourcentage ou l'indice qui est utilisé pour les réparations pour allouer un pourcentage dans le loyer au niveau des réparations majeures ou dépenses d'immobilisation, est celui qui est en vigueur pour un placement de cinq ans, majoré de 1 % comme incitatif. Alors, cette année malheureusement... Il fut des années où les taux étaient assez élevés, comme vous le savez, les rendements étaient intéressants au niveau des placements. Alors, la Régie a déjà accordé 17, 18 % là-dessus, et, cette année, il est particulièrement bas, de l'ordre de 5 %. Alors, je pense... et je ne voudrais pas que nos experts m'en veuillent, mais je pense que c'est un niveau historique au plus bas. Alors, peut-être y aurait-il...

Nous sommes ici, tout comme vous, pour analyser la situation et nous ne sommes plus seuls à le faire, donc nous allons suivre avec intérêt les travaux de la commission, mais, tout comme certains intervenants effectivement, le seuil... peut-être pourrait-il y avoir un seuil minimal qui pourrait être considéré lorsque le taux descend à un niveau très, très bas, comme c'est le cas cette année. Alors, il y a des solutions que nous sommes prêts à regarder, que nous sommes prêts à écouter également, sans bien sûr qu'elles ne soient endossées sans une analyse préalable des impacts à long terme sur le marché.

Le Président (M. Vallières): Merci.

M. Pinard: M. le Président, serait-il possible que la Régie vérifie avec... même la présidente vérifier avec son homologue ontarien pour connaître par exemple quelles sont les pertes que la Régie de l'Ontario, que les propriétaires d'immeubles de l'Ontario peuvent assumer par rapport à ceux du Québec? On sait que nous, c'est d'environ 1,2 % de l'enveloppe globale. Alors, j'apprécierais énormément recevoir ces...

M. Desjardins (France): Avec plaisir.

M. Pinard: Merci, madame.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Duplessis.

n(11 heures)n

M. Duguay: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, très rapidement. Bienvenue, Mme la présidente, et toute votre équipe. C'est sûr que quand on parle de crise du logement, ce n'est pas la même chose dans nos régions. Cependant, il y a une question fondamentale, moi, que j'apprécierais beaucoup de votre part en ce qui concerne les objectifs que vous avez soulevés, soit aux pages 20, 21, aller jusqu'à 29, notamment dans un contrôle absolu, soit la Régie des loyers, l'interdiction de convertir en copropriété, un moratoire sur la reprise de logements, contrer la discrimination à l'égard des candidats locataires, un contrôle universel des loyers, également sur la déréglementation, soit la concentration des baux. Donc, vous avez répondu un peu à notre collègue la députée de La Pinière, la déréglementation des loyers et aussi réviser les méthodes de fixation. Si on mettait en application ces orientations-là, est-ce que ça favorise plus le locataire ou les propriétaires?

Mme Desjardins (France): Là, vous m'avez fait la lecture de l'ensemble. Alors, il y a deux catégories, hein. Les solutions préconisées par les intervenants. Alors, il y a un premier chapitre qui s'appelle Vers un contrôle absolu. Vous comprendrez que c'est souvent davantage les locataires qui vont demander ou réclamer un contrôle absolu. Alors, c'est pourquoi ils demandent qu'un registre des loyers soit établi, qu'il y ait interdiction de convertir en copropriété, qu'il y ait un moratoire sur les reprises de logements, et réclament évidemment de contrer la discrimination à l'égard du candidat locataire. Alors, nous avons fait une analyse et avons surtout rapporté les éléments objectifs en regard de chacune de ces revendications.

Et il y a un autre groupe, généralement représenté davantage par des associations de propriétaires, qui va réclamer davantage la déréglementation par la déconcentration des baux au 1er juillet ? évidemment, ça, ce n'est peut-être pas relié à la déréglementation ? la déréglementation des loyers pure et simple ? certains l'ont réclamée ? et la révision de la méthode de fixation.

Donc, le rôle de la Régie du logement, et du législateur dans les circonstances, c'est de trouver... chercher, mais pas seulement chercher, trouver un juste équilibre dans l'ensemble de ces revendications-là qui sont, soit dit en passant et comme je le disais au début, souvent diamétralement opposées. Alors, ce n'est pas simple. C'est un défi de tous les jours.

Le Président (M. Vallières): Bien. Merci. Ça met fin à cette période d'échange. Merci, Mme Desjardins, et les gens qui vous accompagnent, pour votre présentation.

Je demanderais maintenant au Fonds québécois d'habitation communautaire de bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, je demanderais aux gens qui présentent le mémoire de bien vouloir s'identifier et de procéder dans les 15 prochaines minutes.

Fonds québécois
d'habitation communautaire

M. Dionne (René): Oui, M. le Président, merci. Alors, mon nom est René Dionne. Je suis président du Fonds québécois d'habitation communautaire et aussi à la Société d'habitation du Québec. À ma droite, je vous présente Andrée Richard, qui est coordonnatrice au fonds et aussi secrétaire du Fonds québécois d'habitation communautaire, et, à ma gauche, Benoit Caron, qui est directeur général de la Confédération québécoise des coopératives d'habitation, administrateur au fonds et membre de l'exécutif aussi.

Vous comprendrez que je ne ferai pas seul toute la présentation; étant donné mon double statut, ça m'apparaissait un peu délicat. Je vous rappelle simplement, au départ, que le Fonds québécois d'habitation communautaire est issu du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996, où la Confédération québécoise des coopératives d'habitation avait proposé la constitution d'un fonds d'habitation communautaire comme tel. Alors, dans cette foulée-là, le fonds a été créé. Sa mission: mettre en commun les efforts de tous les acteurs du monde de l'habitation, notamment les pouvoirs publics, les organismes du milieu et l'entreprise privée, afin de favoriser la réalisation de logements communautaires de qualité et à coût abordable.

Le fonds veut en priorité promouvoir l'habitation de type coopératif et sans but lucratif dans une perspective de développement social et économique des communautés. Les clientèles visées: les ménages à revenus faibles ou modestes, les personnes âgées, spécialement celles en légère perte d'autonomie, ainsi que les personnes dont les besoins de logement sont particuliers, entre autres, les sans-abri, les personnes ayant une déficience intellectuelle, les jeunes en difficulté ou les femmes victimes de violence.

Le fonds participe, de concert avec la Société d'habitation du Québec, à l'élaboration des orientations des programmes d'aide au logement communautaire et social. C'est ainsi que la reconduction du programme AccèsLogis, devenu AccèsLogis Québec, qui constitue un enjeu majeur dans le domaine de l'habitation sociale et communautaire, et la mise en oeuvre du programme Logement abordable Québec, volet social et communautaire, a monopolisé une grande partie des énergies du fonds au cours de la dernière année.

Le conseil d'administration du fonds constitue un lieu de rencontres privilégié et de discussions sur la question du logement social et communautaire pour des représentants de divers milieux. Ainsi, y sont représentés ? et ça m'apparaît important de le mentionner ? le milieu communautaire bien sûr, avec l'Association des groupes de ressources techniques du Québec, la Confédération québécoise des coopératives d'habitation, le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le Réseau québécois des OSBL en habitation, le Chantier d'économie sociale, la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, les HLM. Du milieu municipal aussi, il y a le Regroupement des offices d'habitation du Québec, anciennement connu comme l'Association des offices municipaux d'habitation du Québec, la Fédération des municipalités du Québec, l'Union des municipalités du Québec, les villes de Montréal et de Québec. Il y a aussi le milieu financier représenté par la Banque Nationale du Canada et le Mouvement des caisses Desjardins, qui sont les deux organismes accrédités aussi pour le financement des projets, et, du milieu gouvernemental, bien sûr, la Société d'habitation du Québec.

Je céderais maintenant la parole à Benoit Caron.

Le Président (M. Vallières): M. Caron.

M. Caron (J. Benoit): Bonjour. Alors, au Fonds québécois, le logement est un facteur déterminant dans la santé et le bien-être. Dans l'avant-propos du document de consultation préparé à l'intention de la commission de l'aménagement du territoire, on y présente les motifs ayant amené la tenue du mandat d'initiative sur le logement social et abordable. On y dit: «Outre une volonté de suggérer des avenues de solution durables au phénomène de la rareté de logements, tel qu'il s'est manifesté au cours des mois de juillet 2001 et 2002, la commission souhaite également amorcer une réflexion collective et générer un débat d'idées sur nos pratiques actuelles en matière de logement, et ce, dans une perspective de moyen et long terme.»

Alors, le fonds ne peut que se réjouir d'une telle volonté. En effet, il s'agit pour nous d'une opportunité privilégiée d'aborder la question du logement en la repositionnant au coeur des préoccupations collectives, puisque le logement constitue un déterminant majeur de la santé et du bien-être des individus. Ce fait, bien que connu, demeure peu reconnu. Le logement, tel que l'énonçait dès 1992 le gouvernement du Québec dans sa politique de la santé et du bien-être, constitue, avec l'emploi et l'éducation, l'un des trois déterminants majeurs de l'état de santé et de bien-être des individus et des familles.

Au Canada, les constats vont dans le même sens: «...la santé et le bien-être sont liés à la présence de liens de soutien, aux occasions de participation valable, à l'emprise sur les conditions qui influent sur sa propre vie et à la capacité de demeurer dans une collectivité stable. Ces facteurs sont étroitement liés au cadre d'habitation.» À cet égard, le Forum national sur la santé, à la lumière des conclusions des meilleures recherches internationales et canadiennes, réaffirmait dans son rapport final en 1997 l'importance de prendre en considération les déterminants sociaux et non médicaux de l'état de santé et de bien-être des personnes.

C'est ainsi que nous considérons que les mesures visant à l'amélioration des conditions de logement de l'ensemble des ménages dans une perspective de développement durable, que souhaite examiner la commission, doivent tenir compte de la variété des besoins des ménages, qu'ils soient à revenus faibles ou modestes, et, en conséquence, proposer un ensemble d'interventions diversifiées. De plus, nous sommes profondément convaincus que cette réflexion doit se faire en considérant la nécessité de maintenir une politique sociale qui inclut la composante logement en vue d'assurer la santé et le bien-être des individus, des familles et des collectivités.

n(11 h 10)n

Le Fonds québécois d'habitation communautaire, une autre dimension au logement. Dans le débat sur le logement, plusieurs considèrent que la crise actuelle se manifeste plus par un problème d'abordabilité que par un problème d'offre de logements. Ce constat se jumelle souvent avec une volonté à l'effet qu'il ne serait plus nécessaire de consacrer autant de fonds publics que par le passé à la réalisation d'unités de logement social et communautaire, puisque la construction de nouveaux logements locatifs et l'accès à la propriété privée d'une partie de la population à revenus modestes permettraient de retrouver l'équilibre.

Par ailleurs, on doit se rendre à l'évidence, le problème du logement concerne non seulement la demande, mais également l'offre. À ce titre, il ne faut pas oublier que les taux d'inoccupation, notamment dans les grands centres urbains, sont particulièrement bas, que le besoin de logement offrant des services de soutien communautaire à la clientèle desservie est en pleine croissance et que le marché privé ne peut, et même ne veut, intervenir dans certains secteurs et auprès de certaines clientèles.

Le logement social et communautaire dont le Fonds québécois d'habitation communautaire fait la promotion et tel qu'il s'est développé au Québec ne s'inscrit pas dans une logique de profit au même titre que le logement privé à but lucratif. L'ensemble de ces projets de logement social et communautaire, sans être de propriété publique comme le sont les HLM administrés par les offices d'habitation, sont, lorsqu'il s'agit des coopératives et des OSBL, de propriété collective et demeurent administrés par des acteurs issus de la société civile. De plus, leur préoccupation va au-delà de la simple fourniture d'un toit à une clientèle de locataires.

Dans le cas des projets de type HLM, si le rôle des gestionnaires de ces projets s'est déjà limité à la gestion d'immeubles permettant à des ménages à faibles revenus de trouver un logement correspondant à leurs besoins à un coût proportionnel à leurs revenus, les dernières années ont vu ce rôle évoluer vers la nécessité de se préoccuper du soutien aux clientèles et à l'action communautaire.

Dans le cas des coopératives d'habitation, dès le départ, cette formule originale a proposé l'accessibilité à un habitat de qualité, la sécurité d'occupation et une prise en charge du milieu de vie par les résidents eux-mêmes. Elles avaient une mission d'intégration et d'habilitation sociale, les définissant en ce sens comme des organismes d'insertion sociale. Privilégiant la mixité socioéconomique des membres, les coopératives répondent à des besoins non comblés par le marché ou par le secteur public en fournissant, en plus d'un logement, un espace de sociabilisation et de prise en charge du milieu de vie par les membres eux-mêmes.

Pour leur part, les OSBL d'habitation présentent un portrait qui, au cours des années, a évolué. Alors que les premières générations d'organismes souhaitaient répondre exclusivement, ou presque, à des besoins de logement, la grande majorité des projets réalisés depuis la fin des années quatre-vingt se caractérisent par le développement de pratiques de support communautaire. En effet, ces projets ont connu un essor particulier en lien avec la transformation de l'État providence, notamment dans le domaine de la santé et du bien-être.

Ainsi, au-delà de l'offre d'un logement à une clientèle éprouvant des difficultés financières à se trouver un logement, la préoccupation des organismes d'habitation sociale et communautaire est celle de permettre la réalisation de projets qui se distinguent par l'implication et le contrôle des collectivités locales et/ou des résidents dans la propriété et la gestion des immeubles. Leur volonté est de tenir compte tant du logement que de son environnement physique, social et culturel.

L'ensemble des acteurs demeurent convaincus que les différents modes de tenure: HLM publics, coopératives ou OSBL, peuvent coexister au même titre que tous conviennent que l'une ou l'autre des formules ne peut répondre à tous les besoins. Par ailleurs, dans une période où la réalisation de projets devient accessible au secteur public, il importe de réaffirmer la nécessité de maintenir le développement du secteur communautaire.

Mme Richard (Andrée): Alors, nous ne commenterons pas en détail le rapport de consultation. Cependant, nous avons été surpris à la lecture de la partie décrivant le logement social et communautaire dans laquelle certains éléments reflètent à notre avis une mauvaise compréhension des programmes et dont les coûts indiqués nous surprennent. Notamment, nous considérions que de comparer des coûts de programmes dont la majorité des projets ont été réalisés au cours des années soixante-dix et quatre-vingt était un peu difficile lorsqu'on les comparait avec des projets réalisés au cours des dernières années. De comparer la composante d'aide à la pierre et d'aide à la personne dans certains programmes avec des programmes qui ne privilégient que l'aide à la personne nous apparaissait incorrect. De plus, au niveau du financement des programmes, les choix gouvernementaux pour le financement de ces programmes pouvaient influencer directement sur les coûts de chacun des programmes, les coûts annuels de chacun des programmes.

La préoccupation indiquée dans le rapport de consultation à l'effet que les mesures à mettre en place pour répondre aux problèmes de la crise du logement qui sévit dans les grands centres s'inscrivent dans une perspective de développement durable qui tiendrait compte non seulement de la durabilité en matière d'aménagement et d'urbanisme, mais aussi de la durabilité des pratiques et des interventions nous satisfait.

Nous allons prendre chacune des propositions et faire un commentaire sur chacune de ces propositions.

La première est celle qui se trouve à la page 87 et qui traite de la question d'abordabilité que l'on devrait solutionner en élargissant le programme d'allocation d'aide à la personne. À notre avis, les problèmes d'abordabilité ne constituent qu'une composante du problème. La capacité d'avoir accès à des logements de qualité et répondant aux besoins des ménages ne doit pas être oubliée. En ce sens, nous considérons que l'offre ne correspond pas à la demande et que la réalisation de nouvelles unités nous apparaît encore justifiée.

Il faut rappeler que, dans plusieurs secteurs des grands centres urbains, la réalisation de projets de logement social et communautaire s'inscrit souvent dans une intervention plus large de revitalisation des quartiers et les municipalités font le choix effectivement de maintenir dans leur quartier d'origine des populations et d'exercer un frein sur la hausse des coûts de loyer par l'implantation de ces programmes. Les projets de type rénovation ou transformation-recyclage peuvent contribuer effectivement à améliorer la qualité du stock immobilier dans certains secteurs. En fonction de la conjoncture, les municipalités peuvent choisir aussi de favoriser la réalisation de nouveaux projets pour générer de nouvelles unités. Nous considérons que les municipalités devraient pouvoir maintenir ce choix, de choisir l'une ou l'autre des alternatives.

La seule aide à l'abordabilité sur la base du coût unitaire moins élevé ne tient pas compte de la constitution d'un patrimoine collectif et de la possibilité à moyen terme de stabiliser les coûts du loyer. Ainsi, dans un contexte où l'offre de logement public, communautaire et privé ne suffit pas à la demande et, dans plusieurs cas, ne peut correspondre à la demande, l'aide à la personne sans aucune autre mesure d'appui ne peut solutionner le problème pour une part importante de la clientèle visée par de tels programmes.

Deuxième proposition, celle de la page 88, qui traite de la sélection des locataires et de l'abolition notamment du volet I d'AccèsLogis, et de l'accent à mettre sur le volet communautaire. Tous les logements sociaux sont soumis au Règlement sur l'attribution des logements à loyer modique. Actuellement, une révision de ce règlement est en cours et nous considérons que l'autonomie dans la sélection de la clientèle, souvent motivée par la présence de services de soutien particuliers ou liée à la spécificité du projet collectif lui-même, doit être prise en compte.

Quant à la responsabilité accrue des producteurs de logements sociaux actuellement reconnus, le gouvernement du Québec faisait le choix au début de la présente année de permettre aux offices d'habitation de pouvoir développer des projets dont ils seront également propriétaires. Le fonds considère cependant essentiel que l'expertise de développement du logement communautaire constituée au fil des années par le réseau des GRT puisse être préservée.

Sur la proposition d'abandonner graduellement le volet I du programme AccèsLogis, nous ne pouvons que manifester notre désaccord, tenant compte de la nécessité exprimée précédemment de permettre la réalisation de nouvelles unités de logement pour les familles, pour les clientèles à la recherche d'un logement correspondant à leurs besoins.

Troisième proposition, celle qui traite du transfert du parc HLM vers les GRT et les OSBL et qui propose une réévaluation du mouvement coop. Il nous semble important de réaffirmer ici le fait que, dans bien des cas, les différents modes de tenure reflètent le choix des individus, pour ce qui est d'adhérer ou de vivre dans l'un ou l'autre type de projets, et celui des collectivités, pour ce qui est du type de projets à réaliser dans une communauté. Par ailleurs, nous ne pouvons que manifester notre profond désaccord sur le deuxième énoncé portant sur les coopératives. Nous nous expliquons mal ce que suppose la réappropriation possible des unités par le milieu. La formule coop, telle qu'elle a été développée en lien avec les programmes de financement, correspond à un mode de tenure privilégié par le milieu lui-même et s'inscrit dans la nécessaire diversité de la réponse aux besoins.

La proposition qui traite du Fonds d'investissement. Cette piste de solution favorisant une autonomie du développement de l'habitation sociale et communautaire nous apparaît non seulement intéressante, mais encore plus, souhaitable et nécessaire. Elle permettrait effectivement de créer un véritable partenariat avec l'État dans une perspective de développement et de prise en charge du mouvement communautaire sur son avenir, tel que le faisait la création ou tel que le supposait la création du Fonds québécois d'habitation communautaire. L'existence d'un tel levier permet effectivement de mieux cerner les voies de développement de l'un et l'autre secteur et de maintenir une diversité reflétant le choix des collectivités.

n(11 h 20)n

Pour ce qui est de la proposition qui touche ou qui traite de l'accession à la propriété en logements multiples sous la forme de copropriété. Pour ce qui est de la mesure générale, nous rappelons que la plupart des municipalités utilisent l'allégement de l'impôt foncier ou une mesure apparentée au moment où elles souhaitent favoriser la création de nouveaux logements sur leur territoire. Dans ce contexte, il nous apparaît judicieux de laisser les pouvoirs locaux identifier les mesures qu'ils jugent les plus appropriées.

Par ailleurs, il nous apparaît toujours étonnant de constater les vertus miraculeuses que l'on accorde à la propriété privée. Nous sommes d'accord avec certaines de ces vertus, mais nous ne pensons pas qu'elles sont universelles et applicables à tous. Le mirage de l'accession à la propriété au même coût que la location est régulièrement dénoncé par des organismes qui interviennent auprès des ménages à revenus modestes, notamment les associations coopératives d'économie familiale. L'accession à la propriété dans le cas d'un ménage dont les revenus sont modestes comporte plusieurs contraintes qui commandent de considérer cette avenue avec circonspection.

La capacité des ménages de disposer d'un montant correspondant à la mise de fonds pose souvent une contrainte majeure. Il faut aussi considérer que cette marge de manoeuvre là... la marge de manoeuvre dans le budget de ces familles-là ne permet pas toujours l'accumulation du capital et que ce capital-là doit dans tous les cas être réel et non pas virtuel. Il faut aussi ajouter à ce capital initial la nécessité de disposer de certaines liquidités pour acquitter un ensemble de frais liés à l'accession à la propriété. Et on considère que la formule de copropriété telle qu'elle est définie actuellement par la loi ne permet pas de donner suffisamment de mesures. C'est fini? Alors, voilà.

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, on vous remercie. Le temps coule très rapidement. On vous remercie de vos commentaires. On aura certainement l'occasion, dans le questionnement, de rejoindre d'autres points de vue que vous avez émis par rapport au document que la commission a proposé.

Alors, j'irai immédiatement à Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui, merci, M. le Président. À la page 12 de votre mémoire, vous parlez de... «L'importance de ce patrimoine qui pourrait constituer un levier important... financier intéressant afin de générer un autodéveloppement de ce secteur est souvent sous-estimée.» Vous dites: «La fragmentation de ce patrimoine entre un nombre important d'organismes propriétaires peut poser des contraintes à son utilisation, cependant des avenues pourraient être explorées, notamment dans le cadre du transfert du parc de logement social et communautaire financé par le gouvernement fédéral, afin de permettre l'utilisation à des fins de développement de l'équité acquise sur ce parc immobilier.»

Elle me semble un petit peu paradoxale, votre opinion, par rapport à ça, alors que vous nous dites qu'il n'y a quasiment pas possibilité pour certaines personnes de se ramasser un capital suffisamment pour devenir propriétaires. Et pour moi, ça apparaît quand même intéressant, parce qu'il y a des fois des gens qui habitent leur logement pendant 10, 20, 30, 35 années et qui pourraient effectivement devenir propriétaires, dépendamment bien sûr de certaines conditions et d'aide que pourrait peut-être apporter l'État ? j'ouvre... je mets un point d'interrogation.

Alors, pour moi, je voudrais que vous nous répondiez: Comment est utilisé ce patrimoine de plusieurs millions de dollars pour favoriser le développement du mouvement? Dans des cas particuliers, y aurait-il avantage à transférer une partie de stocks entre les mains d'un petit nombre d'organismes communautaires en habitation afin de se servir de ce levier financier? Et, dans le document qui nous a été déposé par les gens qui ont fait la recherche, on nous dit que dans certains pays ça existe où est-ce qu'à un moment donné il y a la capacité pour ceux qui habitent des logements ou une coopérative de devenir propriétaires de ce parc immobilier et même de l'utiliser pour en faire d'autres.

Alors, moi, c'est avec un grand esprit d'ouverture... Et, dans le fond, votre organisme, c'est le Fonds québécois d'habitation communautaire, vous êtes aussi dans ce genre de domaine. Voilà.

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, M. Dionne...

Une voix: ...

M. Caron (J. Benoit): Sans vouloir parler pour l'ensemble des tenures, hein, parce que, au Fonds québécois, naturellement, il y a plusieurs tenures, puis sans vouloir anticiper ce que je vous dirai demain dans une autre présentation, je peux...

Mme Doyer: Oui, parce que dépendamment des chapeaux, des fois, hein...

M. Caron (J. Benoit): Oui. Aujourd'hui, je suis au Fonds québécois; demain, je serai à la Confédération québécoise des coopératives d'habitation.

Mme Doyer: Oui, comme monsieur, là, tantôt.

M. Caron (J. Benoit): Et ce que je peux vous préciser cependant, c'est que, dans le domaine de la coopération, on explore différentes alternatives qui pourraient atteindre l'objectif qu'on a sur la table, c'est-à-dire de favoriser une certaine forme d'accès à la propriété ou du moins, ou du moins... si ce n'est pas l'accès à la propriété, ce serait au moins de faire en sorte que les équités positives, la partie «capital», des actifs d'une coopérative d'habitation, servent à faire du logement et à générer d'autres logements. On y travaille intensément.

Mme Doyer: Parce que c'est ça... Et pour ce qui est de votre paradoxe...

M. Caron (J. Benoit): Pardon?

Mme Doyer: ...que, moi, je constate. Peut-être que je me trompe, dites-moi-le. Dans ce que vous voulez récupérer au niveau du fédéral et que... c'est comme si vous ne le vouliez pas quand ça concerne... Je ne sais pas. Est-ce que je me trompe?

M. Caron (J. Benoit): Bien, pas pour le fonds nécessairement, mais il demeure que, au niveau du fédéral, il y a un transfert qui, peut-être... qui peut être anticipable dans les prochains mois, sinon les prochaines années, et, à ce moment-là, il y a beaucoup d'organismes d'habitations qui étaient initiés par des programmes fédéraux... Dans le cadre d'un transfert, naturellement, il y aurait toute une gymnastique à orchestrer pour déployer ou utiliser ces actifs-là.

Mme Doyer: D'accord. Oui, M. Dionne.

M. Dionne (René): Fondamentalement, quand ces programmes ont été lancés il y a 30 ans, 35 ans, on n'avait pas prévu, à l'intérieur de ça, de mécanique pour retirer le capital. Par contre, les programmes comme AccèsLogis et Logement abordable Québec, après 10 ans, il est prévu un refinancement du projet pour une période... Au départ, il est financé pour 25 ans; après 10 ans, il serait refinancé pour 25 ans, et l'équité dégagée permettrait de constituer un fonds pour redévelopper des nouveaux projets. On a estimé rapidement que c'est autour de 6 millions de dollars qui, à partir de 2008, pourraient devenir disponibles de cette façon-là.

Mme Doyer: Alors, l'idée de constituer un fonds avec différents partenaires et avec des allégements fiscaux, et tout, vous n'êtes pas contre ça? Au contraire.

M. Dionne (René): Pas du tout. Au contraire, on pense que c'est une façon de faire.

Mme Doyer: D'accord. Je vous remercie.

M. Caron (J. Benoit): En ce qui me concerne, j'aurai l'occasion de vous en parler également demain après-midi.

Mme Doyer: Merci.

Le Président (M. Vallières): Bien. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme et MM. les représentants du Fonds québécois d'habitation communautaire, c'est intéressant de vous lire. Vous êtes un organisme assez spécial parce que vous êtes un organisme de concertation qui travaille finalement au niveau de la solution des problèmes de la crise du logement et, en plus de ça, vous êtes bien équipés parce que vous avez des banques avec vous. Alors, ces gens-là, ils doivent avoir un sens de la responsabilité sociale et pas seulement de réalisation des profits.

Pourquoi est-ce qu'on n'arrive pas à livrer les unités de logement qui sont financées par le public? Par exemple, dans AccèsLogis, de 1997 à 2001, il y a 2 000 unités de logement qui ont été annoncées mais qui n'ont pas été concrétisées. Est-ce que vous avez fait une évaluation des programmes? Est-ce que vous avez identifié les raisons pourquoi ce qui est mis, non pas en chantier, mais mis sur la place publique, ne se livre pas? Est-ce qu'il y a des problèmes particuliers? Est-ce que c'est un manque d'argent? Parce que le montage financier n'a pas été attaché? Est-ce que c'est parce qu'il y a des problèmes sur le terrain? C'est quoi, à votre avis, la raison pourquoi on n'est pas capable de livrer ce qu'on a annoncé?

Le Président (M. Vallières): M. Dionne.

M. Dionne (René): Bien, en fait, il y a plusieurs raisons, et je dois dire que ça fait l'objet de nombreux et âpres débats souvent au Fonds québécois. Effectivement, il y a une question de coûts de réalisation, c'est certain. On a modifié les paramètres. On a lancé le programme en 1997; déjà, en 1999, on a majoré les coûts de réalisation. On l'a refait au lancement des nouvelles programmations annoncées en novembre, mais c'est au mois de février qu'on l'a fait, et encore, il faudra probablement procéder à certains ajustements.

Donc, dans ce contexte-là, il y a des projets plus complexes, plus onéreux que d'autres qui ont toujours bloqué dans la machine parce que, bon, il y a des projets encore de 1998-1999 qui ne connaissent pas encore d'aboutissement comme tel. Certains de ces projets-là, maintenant qu'on va indexer les coûts, qu'on va reconnaître des coûts plus élevés, vont possiblement se réaliser. D'autres, ça peut être différents problèmes: contribution du milieu qui ne vient pas, résistance du milieu à faire un projet de cette nature, etc.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que vous avez évalué vous-mêmes ou est-ce que vous trouvez que la Société d'habitation du Québec devrait faire une évaluation externe des programmes pour savoir qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne pas et comment est-ce qu'on peut apporter les correctifs appropriés? Parce que, finalement, c'est des deniers publics qui sont engagés dans ces projets-là.

M. Dionne (René): Je pourrais aussi laisser mes collègues, étant donné mes deux chapeaux...

Mme Houda-Pepin: Oui, je sais que, vous, vous êtes de la Société d'habitation du Québec.

n(11 h 30)n

M. Dionne (René): Ha, ha, ha! Mais, d'une façon générale, je dois dire que la constitution du fonds lui-même, là, des membres, et tout ça, fait en sorte qu'on a le pouls du terrain continuellement. Je prends juste l'exemple des GRT, par exemple, qui sont les gens qui réalisent des projets sur le terrain, ils nous viennent avec tous ces problèmes-là aussi.

Mme Richard (Andrée): Je peux peut-être préciser. L'an dernier, dans la perspective d'une éventuelle reconduction d'AccèsLogis, si on se replace à l'été 2001 ? on en était à la dernière programmation d'AccèsLogis ? en juillet 2001, le fonds avait organisé une consultation auprès de l'ensemble des partenaires du Fonds québécois et des comités de travail qui sont constitués au fonds sur un ensemble de paramètres. Il y avait, je dirais, 39 éléments sur lesquels on a consulté l'ensemble des partenaires. Certains sont allés, dans les réponses qu'ils nous ont fournies, dans un niveau de détail, je dirais, plus fin: par exemple, au niveau des GRT, ceux qui sont près de la livraison, alors que d'autres organismes qui ne livrent pas avaient des réponses plus générales sur certains éléments de problématique. Mais on est allé, comme ça, quand même recueillir, je dirais, vraiment l'heure assez juste auprès de l'ensemble des partenaires.

C'est ce qui nous a permis, en septembre 2001, après la tenue de deux journées d'étude, de formuler un certain nombre de recommandations qui visaient entre autres des paramètres au niveau des coûts de réalisation des projets, la contribution du milieu. Il y a vraiment un ensemble de paramètres. Certains ont été retenus, je dirais, dans la révision qui s'est faite en février dernier, avec parfois certaines nuances, notamment au niveau des coûts de réalisation maximums admissibles, puis je dirais qu'on vient tout juste, là, d'obtenir du ministre Boisclair un accord à l'effet que les coûts vont être réévalués au niveau de ce qu'on avait proposé l'an dernier. Alors, on a quand même une certaine évaluation.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Ça prend combien de temps en moyenne pour concrétiser une unité de logement financée par le gouvernement? En moyenne.

M. Dionne (René): C'est aux environs de 18 mois...

Mme Houda-Pepin: 18 mois entre...

M. Dionne (René): ...entre le moment où un groupe s'intéresse à la réalisation d'un projet et... pour que le projet soit habitable.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Dernière petite question, pour laisser du temps à ma collègue. Dans votre mémoire, vous n'êtes pas allés de main morte concernant le rapport qu'on vous a soumis pour consultation. Je ne sais pas si vous étiez là quand j'ai fait mes remarques préliminaires; j'ai quand même tenu à apporter les nuances, que c'est un document pour susciter la réflexion, pour vous faire réagir, mais que ce n'est pas un document que la commission endosse dans sa facture actuelle puisqu'on veut d'abord vous écouter, puis c'est votre point de vue qui compte pour nous. Puis après, on va faire un peu le tri dans tout ça puis voir où sont les consensus qui se dégagent. Je vois que vous posez les bonnes questions par rapport à ce qui vous est proposé et je trouve que c'est intéressant que vous nous apportiez cet éclairage-là. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, d'autres demandes d'intervention? Mme la députée d'Anjou.

Mme Thériault: Oui. Moi, je serais intéressée à savoir... Quand on regarde dans votre mémoire, à la page 15, vous mentionnez ? on débute à la page 14 dans le bas ? que certains ménages... Bougez pas. «À ce titre, bien que nous croyions que la propriété privée ne peut être une avenue pour certains ménages et que la constitution d'un patrimoine financier ne comporte aucun avantage...» J'aimerais savoir si vous avez des pourcentages sur ce que vous entendez par «certains ménages». Est-ce que c'est 20 % des gens qui sont locataires, est-ce que c'est 50, est-ce que c'est 80? Première question.

Par la suite, aussi, ce que j'aimerais savoir... Concernant l'accès à la propriété, quand vous dites que ça ne comporte aucun avantage, moi, j'aimerais ça que vous m'expliquiez pourquoi le fait de devenir propriétaire, ce n'est pas avantageux pour un ménage. Il me semble qu'on a tous intérêt à se bâtir un capital personnel; et j'aimerais ça aussi que vous m'expliquiez en quoi il est plus avantageux pour un ménage d'accéder à la propriété collective communautaire plutôt qu'à la propriété individuelle.

Le Président (M. Vallières): Voilà. M. Dionne.

M. Dionne (René): Puis je laisserai, après, mes collègues compléter. Premier élément, le choix gouvernemental a été de dire: Quand on met des subventions importantes, c'est parce que c'est à une collectivité, à un groupe qu'on verse les subventions et non pas à un individu. C'est pour ça. Si on regarde l'exemple d'AccèsLogis ou de Logement abordable, les subventions, je dirais, des pouvoirs publics, que ce soit fédéral, provincial ou municipal, ça va de 65 à 75 % des coûts de réalisation. Ce serait embêtant de subventionner un individu qui en retirerait un profit personnel par la suite à des niveaux aussi élevés. Donc, pour les clientèles... locataires actuellement qui ont des revenus faibles ou modestes, là ? on pense toujours, nous, à un ménage à 20 000, 25 000 $ par année ? il est difficile pour cette personne-là d'accéder à la propriété, on disait, de constituer d'abord la mise de fonds nécessaire puis, après ça, être capable d'assumer les coûts d'opération de ce logement-là, sans compter le remboursement de l'hypothèque. Alors, c'est une des raisons premières qui nous... de dire que c'est plus de l'appropriation collective du logement qui est intéressante pour ces groupes-là, là.

Mme Thériault: Mais de là, ma première question, votre pourcentage, il est lequel? Parce que, bon, c'est sûr que les mesures qui existent présentement sont les personnes ou les familles à plus modestes revenus qui en bénéficient. Par contre, il me semble qu'il y a un effet domino sur le principe que les familles de la classe moyenne ou celles qui sont un peu mieux nanties que les familles modestes, si eux ont accès à la propriété, ça permet quand même de libérer des logements locatifs sur le marché et à ce moment-là il me semble qu'on peut avoir une autre avenue de solution. Non?

M. Dionne (René): C'est quand même vrai, oui, tout à fait. Mais, en même temps, nous, ce qu'on pense c'est que les programmes, en fait, pour l'accession à la propriété, bien, oui, pour les ménages à 30 000 $ ou des choses comme ça, ou 30, 35 000, dépendant évidemment de la taille du ménage aussi, l'accession à la propriété est une bonne formule et l'effet de percolation pas nécessairement toujours ciblé aux bonnes places, là, il faudrait voir, mais ferait en sorte que, effectivement, ça pourrait libérer des logements. C'est certain aussi.

Mme Thériault: Et par rapport avec la propriété collective communautaire?

M. Caron (J. Benoit): Pour la propriété collective communautaire, je pense qu'on n'a pas nécessairement à faire des preuves, hein! Il y a les 25, 30 dernières années qui ont démontré la capacité et les aspects bénéfiques de la propriété collective, c'est-à-dire ? je parlerai pour les coopératives, je pourrais parler pour les OSBL aussi ? c'est une mobilisation de milieux, c'est une mobilisation d'intervenants et d'individus qui ensemble se regroupent pour satisfaire un besoin. Je pense qu'on n'a pas à faire la preuve des aspects positifs de la propriété collective ou des organismes communautaires.

Cependant, effectivement, l'accès à la propriété peut être un plus ou une amélioration de la qualité de vie d'une catégorie de personnes, particulièrement ceux dans la tranche, là, revenu un peu plus élevé que modeste. Par contre, en tout cas, à mon sens, ça ne constitue pas une solution ou une autre bonne tranche qui trouve satisfaction actuellement dans le logement communautaire qui répond très bien, hein. Il faut comprendre que, dans le cadre du logement communautaire ? et naturellement je suis plus habile de parler de coopération que d'autres tenures, là ? mais la coopération est une propriété collective, alors c'est une forme d'accès à la propriété, si on veut. Et ce qui est à retenir, par rapport à l'habitation communautaire, c'est qu'elle permet de, comme on en a parlé tantôt, suite à une question de Mme Doyer, on peut mobiliser l'actif résultant de 20 ou 25 ans à des mêmes fins, alors que, dans le cadre de l'accès à la propriété, on constitue un patrimoine individuel, pas un patrimoine collectif.

Le Président (M. Vallières): Très bien. D'autres demandes d'intervention? Il me reste deux minutes de ce côté. Oui, M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Vous ne semblez pas favorables à la propriété privée, la propriété individuelle dans votre démarche.

Mme Richard (Andrée): En fait, je voudrais juste... je vais profiter de votre intervention pour préciser...

M. Laprise: À l'accès, là, pour un individu d'avoir sa propre propriété, son propre logement lui-même, il est propriétaire de son logement, vous ne semblez pas favorables.

Mme Richard (Andrée): Je voudrais juste préciser. Tout à l'heure, madame a fait une intervention en disant que dans notre mémoire on semblait dire qu'il n'y avait aucun avantage à la propriété privée. En tout cas, si c'est ce qu'on a écrit, ce n'est pas ce qu'on voulait dire. Ce qu'on disait, c'est que nous ne croyons pas qu'il n'y ait aucun avantage à la propriété privée. Ce que nous pensons, c'est que, pour certains, la propriété privée est tout à fait indiquée, sauf que ce qu'on considère, c'est que ce n'est pas la panacée universelle et qu'elle n'est pas... en tout cas, elle n'a pas toutes les mêmes vertus pour tout le monde. Un ménage à faibles revenus ou à modestes revenus, qui a beaucoup de difficultés à contrôler déjà son budget mensuel, l'accès à la propriété privée peut effectivement devenir un gouffre sans fond et un gouffre financier. L'avantage de l'accession dans la propriété collective, il y a, règle générale, une forme, je dirais, de filet de sécurité pour l'individu dans l'accès à une propriété collective. Que ce soit au niveau de l'entretien, que ce soit au niveau de la gestion, des assurances, il y a un filet de sécurité dans le collectif qu'on n'a pas dans la propriété privée et qu'on n'a surtout pas dans la propriété privée individuelle mais, dans d'autres formes de propriété comme, par exemple, le condominium. On ne pense pas qu'un individu à faibles revenus ou à modestes revenus a l'ensemble des éléments qui lui permettent de contrôler son budget. Alors, on ne pense pas que c'est quelque chose qui est mauvais et qui ne convient pas, mais ça ne convient pas à tout le monde.

n(11 h 40)n

M. Laprise: Est-ce que, dans nos programmes, on pourrait... que le libre-choix soit possible, que le couple ou la famille qui veut, par exemple, qui aurait vraiment le goût d'avoir sa propriété, qu'elle ait l'opportunité d'avoir accès à cette propriété-là en ayant de l'aide, c'est bien sûr, comme la même aide qu'elle pourrait avoir dans un logement subventionné?

Mme Richard (Andrée): Mais je pense que les gouvernements au cours des années ont eu des programmes d'aide à l'accession à la propriété. On se souviendra d'un programme comme Corvée-Habitation au début des années quatre-vingt qui a relancé la construction domiciliaire, comme le disait son nom d'ailleurs. à l'époque. Ça a été un programme d'accession à la propriété. Il y a eu des programmes comme Aide à la mise de fonds, Mon taux, mon toit qui sont des programmes qui ont permis à des ménages d'accéder à la propriété, parfois en leur permettant de devancer un achat prévu, parfois en constituant une bonification à un capital qu'ils avaient déjà. Mais ce n'est pas évident à notre avis que ça a permis à des ménages qui étaient déjà serrés à la gorge de pouvoir avoir accès à une propriété individuelle.

M. Caron (J. Benoit): Juste pour compléter, on demeure convaincus, puis d'ailleurs on le dit dans la page 9 du mémoire où on dit que l'ensemble des acteurs demeurent convaincus qu'il n'y a pas une solution, il y a un ensemble de solutions. L'accès à la propriété est sûrement l'une des solutions, mais ne doit pas, d'aucune façon, je crois, devenir l'une des principales solutions. Et dans un monde idéal, tout le monde voudrait être propriétaire.

Le Président (M. Vallières): Bien. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président. Alors, justement, sur ces solutions multiples, quand on parle de la crise du logement, on parle de réalités très différentes selon les clientèles auxquelles on s'adresse, selon qu'il s'agisse de familles avec enfants, de familles monoparentales, de minorités visibles, de personnes âgées, de jeunes, etc. Et quelles sont, selon vous, les tendances pour les cinq, six prochaines années? S'il fallait que vous fassiez une priorisation dans votre fonds, pour dire: Il faut investir davantage et prioritairement dans telle ou telle clientèle, ce serait laquelle? Et deuxième question ? je vous les lance comme ça, vous aurez le mot de la fin ? vous avez dit dans votre mémoire que vous sollicitez, vous administrez des dons, des legs, et autres fonds en plus de la contribution du gouvernement. Je veux savoir: Qu'est-ce que ça représente actuellement, ces fonds-là qui sont des fonds qui viennent du privé ou de la société civile en général? Ça représente quel pourcentage dans l'enveloppe totale que vous gérez ou que vous administrez?

Le Président (M. Vallières): Bien. M. Dionne.

M. Dionne (René): D'accord. Les clientèles prioritaires, c'est difficile de répondre à ça comme tel parce que, pour nous, on vise déjà trois types de clientèles: les familles, dans le fond, les ménages; les personnes âgées en légère perte d'autonomie; puis les clientèles particulières. On a une énorme pression pour les clientèles particulières présentement, mais il faut voir la disproportion dans le nombre d'unités disponibles aussi. Une programmation traditionnelle d'AccèsLogis des années passées, c'était 850 à peu près pour familles alors qu'il y en avait 90 ou 100 pour les clientèles particulières. Donc, on avait une pression à la hausse là-dessus. Mais donc, en ce sens-là, j'ai l'impression que toutes les clientèles demeurent privilégiées puis, dans le fond, je pourrais peut-être ajouter à ça que, dans le fond, ce qu'il faut viser, c'est du logement permanent d'une façon générale pour faire en sorte que les gens puissent s'organiser après ça et élire domicile quelque part en étant propriétaires collectivement.

Sur le deuxième point, sur les fonds constitués, ils sont très minces hélas pour l'instant. Il faut dire que, au moment où on réfléchissait sur des façons de collecter nos propres fonds pour appliquer dans les programmes, on sollicitait beaucoup les milieux pour contribuer aussi aux réalisations de projets. C'était quand même de l'ordre de 10 à 20 % des coûts de réalisation des projets. Ça glanait déjà beaucoup de fonds. Tout ce qu'on a comme revenus présentement, c'est du programme Achat-Réno des années 1995, 1996, où on collecte, par logement réalisé, 10 $ logement-mois pour constituer des fonds, ce qui représente à peu près 135 000 $ par année ? c'est ça ? et on a à peu près 300 000 $ et quelques d'accumulés dans ce fonds pour l'instant qui sert à payer la permanence du Fonds québécois, d'une part, et l'autre chose, on a réalisé qu'il fallait, pour les nouvelles programmations, avoir constitué un fonds d'acquisition de terrains. Les gens, quand ils pensent à faire un projet, c'est très long avant qu'ils en voient l'aboutissement; quand il s'agit d'acheter d'un promoteur privé, son terrain, lui, il est pressé d'avoir son argent. Donc, ce serait une façon d'accélérer les choses et le fonds a décidé d'y mettre une bonne part des maigres budgets qu'on a dans ces activités.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, nous vous remercions de votre présentation.

Je demanderais maintenant à la Communauté métropolitaine de Montréal de bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, cordiale bienvenue parmi nous. Alors, je vous demanderais de vous identifier et de procéder dans les 15 prochaines minutes.

Communauté métropolitaine
de Montréal (CMM)

M. Prescott (Michel): Alors, M. le Président, mon nom est Michel Prescott, je suis vice-président du comité exécutif à la ville de Montréal, et je suis accompagné du président de la commission du logement social de la Communauté métropolitaine de Montréal, M. Réjean Boyer; de M. Massimo Iezzoni, qui est le directeur général de la Communauté métropolitaine; et de M. Yves Lafortune, qui... qu'est-ce qu'il fait dans la vie, déjà, lui, Ha, ha, ha!?

Une voix: Chef de division... à la Communauté.

M. Prescott (Michel): Chef de division, voilà.

M. Boyer (Réjean): Si vous nous le permettez, nous allons entamer tout de suite la présentation non pas du mémoire ? vous en avez une copie, j'espère ? mais de notre présentation. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, c'est avec beaucoup d'intérêt que la Communauté métropolitaine de Montréal répond à l'invitation de la commission de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale du Québec qui a entrepris l'étude des enjeux reliés à la rareté des logements sociaux et abordables.

En place depuis le 1er janvier 2001, la Communauté métropolitaine de Montréal a la responsabilité de planifier l'aménagement et le développement d'un territoire qui regroupe 63 municipalités où résident plus de 3,4 millions d'habitants. Parmi ses compétences, la Communauté métropolitaine doit élaborer la vision stratégique du développement économique, social et environnemental, ce que nous avons fait lors des assises de la semaine dernière, le schéma d'aménagement et de développement et le plan des grands enjeux de développement économique de la région métropolitaine de Montréal. En outre, la Communauté métropolitaine doit coordonner certaines compétences et participer au financement des équipements, infrastructures et services à caractère métropolitain dont le logement social.

La présentation d'aujourd'hui discutera successivement, en premier lieu, de l'intervention de la Communauté en matière de logement social; en deuxième lieu, de la pénurie de logements locatifs sur le territoire de la Communauté; en troisième lieu, des causes de la pénurie; des solutions à apporter, en quatrième recours; et en cinquième, du recours des mesures fiscales; et sixièmement et enfin, de l'impact de cette avenue en vue de corriger le déséquilibre observé entre l'offre et la demande sur le marché. En conclusion, nous vous formulerons un ensemble de recommandations qui s'inscrit dans le souci de la Communauté de mettre en place un ensemble de mesures diversifiées complémentaires afin de solutionner les enjeux auxquels la Communauté métropolitaine est actuellement confrontée en matière de logements locatifs et abordables.

Voyons tout d'abord comment la Communauté métropolitaine intervient en matière de logement social. La Communauté métropolitaine, c'est d'abord un nouveau joueur, un nouveau gouvernement qui est en place depuis deux ans. Alors, la création de cette Communauté marque un changement important au niveau du financement du logement social dans la région métropolitaine de Montréal. Le principal changement concerne la contribution municipale aux programmes d'habitation à loyer modique, du supplément au loyer, AccèsLogis et logement abordable. Ainsi, toutes les municipalités membres de la Communauté métropolitaine participent désormais au financement de la contribution municipale en matière de logement social par le biais des quote-parts calculées sur la base de leur potentiel fiscal respectif, qu'elles aient ou non des unités de logements sur leur territoire.

n(11 h 50)n

Bien que la compétence de la Communauté métropolitaine contribue à renforcer la solidarité au niveau du financement du logement social dans la région métropolitaine de Montréal, certains problèmes ne sont pas résolus pour autant. Ainsi, entre 2002 et 2007 inclusivement, la Communauté métropolitaine contribuera pour plus de 175 millions de dollars au financement de différents programmes d'habitation. Or, la planification, le développement et le contrôle de ces divers programmes échappent totalement à la Communauté métropolitaine. Un nouveau mode de collaboration entre la CMM, les municipalités et la SHQ devrait donc être envisagé afin de favoriser la prise en compte des intérêts de l'ensemble de la communauté métropolitaine lors de l'élaboration de nouveaux programmes d'habitations sociales et de leurs effets sur les différentes parties du territoire au moment de leur implantation.

Vous aurez donc compris que la Communauté métropolitaine considère que son rôle ne peut se restreindre à celui d'une chambre de compensation. Dans la mesure où elle apporte une contribution financière importante aux différents programmes de logements sociaux, il va de soi que la Communauté métropolitaine s'intéresse à la problématique d'ensemble du logement dans la région métropolitaine et qu'elle entend devenir un partenaire actif dans ce domaine.

La pénurie de logements locatifs et sa problématique particulièrement dans la Communauté métropolitaine de Montréal. Alors, revenons à la question plus spécifique de la pénurie de logements locatifs et abordables. La préoccupation de la Communauté métropolitaine à ce sujet dépasse la seule question financière. En effet, l'offre suffisante de logements locatifs et abordables fait partie des conditions nécessaires pour assurer la qualité de vie et, donc, le succès du développement économique de la métropole du Québec. Aussi la Communauté métropolitaine situe sa réflexion sur la pénurie dans une perspective à moyen et à long termes. Elle souhaite ainsi éclairer les causes structurelles de la pénurie pour mettre en place des solutions qui permettront de rétablir de façon durable l'équilibre entre l'offre et la demande de logements locatifs et abordables.

Il importe de préciser que la Communauté métropolitaine de Montréal reconnaît l'importance d'une intervention publique pour favoriser le maintien d'un parc de logements sociaux et abordables. Il faut ici y insister. L'intervention de la Communauté ne vise donc pas à remettre en cause des réinvestissements qui sont effectués, depuis quelques années, par les différents paliers de gouvernements. Elle vise plutôt à interroger les raisons qui expliquent le retrait des consultants privés du marché de la construction des logements locatifs, afin de mettre en place les conditions qui favoriseront un retour de ces investisseurs dans le secteur d'activité.

Le partenariat des secteurs public et privé nous apparaît comme une condition essentielle pour atteindre l'objectif de corriger, à moyen et long termes, l'offre insuffisante observée sur le marché. Les données sur la pénurie sont désormais bien connues. Vous en aviez déjà pris connaissance. En octobre 2001, le marché du logement locatif de la région métropolitaine de Montréal affichait un taux d'inoccupation extrêmement bas de 0,6 %. Selon les dernières estimations réalisées par la Communauté métropolitaine, le marché devrait disposer d'environ 22 400 unités de libres pour se situer au point d'équilibre de 3 %. Or, en octobre 2001, la région métropolitaine de recensement de Montréal ne disposait que de 4 345 unités de logements locatifs. Le manque de logements était donc d'un peu plus de 18 000 unités à cette date. Malgré les interventions publiques annoncées de plus de 500 millions dans la région métropolitaine de Montréal, les projections démontrent qu'il manquera toujours près de 16 700 unités de logements locatifs en 2006 et que le marché continuera d'être en déséquilibre sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal au tournant de la prochaine décennie, si rien d'autre n'est fait.

La persistance de la pénurie jusqu'en 2006 et au-delà. Elle vise donc d'en rechercher les causes, afin de déterminer les solutions qui permettront de rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande.

Les causes de la pénurie. La hausse de la demande, constatée ces dernières années, aurait normalement dû s'accompagner d'une hausse de l'offre mais plusieurs investisseurs ont abandonné ce créneau puisque les loyers ne permettent pas d'assurer une rentabilité suffisante. Ce problème s'exprime par l'écart qui existe actuellement entre, d'une part, le loyer économiquement rentable, c'est-à-dire le loyer qui permet à un propriétaire de justifier son investissement dans le développement d'une propriété et d'attirer les investisseurs dans cette entreprise et, d'autre part, le loyer du marché, c'est-à-dire le revenu locatif qu'un immeuble produirait probablement sur le marché libre à la lumière des loyers demandés et versés pour des espaces locatifs comparables. Pour 2002, il a ainsi été constaté que l'écart entre le loyer marchand et le loyer économique se situe entre 185 et 551 $ mensuellement, selon la localisation des projets. Dans ces conditions, les projets de gamme intermédiaire ne se concrétisent pas puisqu'ils ne peuvent générer de revenus suffisants pour assurer un profit. Précisons par ailleurs que des simulations effectuées sur une période de 25 ans démontrent que ce manque à gagner ne se résorbe pas. Le détail des estimations et des simulations apparaît dans le mémoire déposé par la commission.

Face à ce constat, quelles sont les solutions à privilégier? Je vais demander à mon confrère et collègue M. Prescott de continuer, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Doyer): M. Prescott.

M. Prescott (Michel): Alors, les solutions. À la pénurie de recours aux mesures fiscales pour la Communauté métropolitaine de Montréal, la solution pour accroître l'offre de logements locatifs et abordables passe par le recours à de nouvelles mesures complémentaires aux programmes actuellement financés par les gouvernements fédéral, provincial et municipaux. Il ne s'agit pas ici, et j'insiste, de remettre en cause la nécessité d'investissements publics en matière de logement pour certaines clientèles, mais plutôt de diversifier des approches d'intervention afin notamment de favoriser le retour des investisseurs privés dans le domaine du logement locatif.

Pour ce faire, le recours aux mesures fiscales est proposé. Ces mesures ont à toutes fins utiles été abandonnées depuis le début des années quatre-vingt-dix. Or, à la lumière de l'évolution des cycles de l'offre et de la demande de logements depuis la fin des années quarante, les investisseurs sont peu enclins à construire du logement locatif en l'absence de mesures fiscales, en particulier dans un contexte de faible inflation. En fait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements ont eu fréquemment recours à des mesures ciblées en vue de favoriser une offre suffisante de logements abordables. Ces mesures ont toujours permis de rétablir l'équilibre au sein du marché. Le moment est venu d'avoir de nouveau recours à des incitatifs pour stimuler la construction de logements locatifs par des investisseurs privés.

La Communauté métropolitaine a procédé à l'analyse d'un ensemble de mesures susceptibles de favoriser la construction de logements locatifs par le secteur privé. Ces mesures ont été évaluées en fonction de leur délai d'impact sur les mises en chantier, de leur impact sur la réduction de l'écart entre le loyer économique et le loyer marchand, des coûts qu'elles impliquent pour les gouvernements supérieurs ainsi que de leurs effets pervers et de leur efficacité. Les mesures ayant reçu la meilleure évaluation sont, par ordre d'importance:

1° la majoration des taux permis de remboursement des taxes sur les intrants, les RTI, à la hauteur de 100 %, applicables à la TPS et à la TVQ pour les coûts de construction de logements locatifs neufs;

2° la majoration à 10 % de la déduction permise pour l'amortissement des immeubles constitués à logements locatifs, assortie de la possibilité d'imputer cette déduction contre des pertes fiscales, par exemple, par rapport au montant nécessaire pour réduire à zéro le revenu imposable;

3° l'introduction d'une déduction supplémentaire de l'amortissement en fonction d'un certain pourcentage des coûts de construction de logements locatifs neufs; par exemple, le 30 % qui serait applicable au cours de l'année d'acquisition de l'immeuble est exonéré d'impôts lors de la disposition de l'immeuble;

4° la déduction des coûts afférents ou des coûts accessoires contre d'autres revenus pour les promoteurs de logements locatifs neufs;

5° le report de la récupération de la déduction pour amortissement et de l'impôt sur les gains de capital au moment de la vente d'un immeuble, par la mise en commun des immeubles, à l'achat d'un autre immeuble locatif et la possibilité de transférer ce report à la succession du promoteur visé.

L'impact du recours aux mesures fiscales. Les mesures fiscales présentent l'avantage de favoriser un accroissement de l'offre de logements locatifs tout en libérant des unités existantes abordables ? c'est ce qu'on appelle l'effet de percolation vers le haut ? à un coût raisonnable pour les gouvernements supérieurs. Pour mieux saisir l'effet de percolation qui est attendu, il faut se rappeler que, depuis 1998, la pénurie a eu pour effet de déplacer une partie de la clientèle susceptible de pouvoir s'offrir un logement moyen ou haut de gamme vers des logements bas de gamme.

La Communauté a ainsi estimé qu'approximativement 7 200 unités de logement abordable seraient libérées par un ajout de 11 000 logements au parc locatif de la région métropolitaine, résultant de l'implantation des mesures fiscales incitatives pour les années 2004 à 2006 inclusivement. Les coûts fiscaux qui devraient être assumés par les deux ordres de gouvernement pour la région métropolitaine de Montréal sont estimés à près de 40 millions de dollars par année à leur rythme de croisière, et cela, jusqu'à la fin de la période d'application des mesures implantées.

La Présidente (Mme Doyer): M. Prescott, je vous fais remarquer qu'il vous reste deux minutes.

n(12 heures)n

M. Prescott (Michel): Bon. Alors, écoutez, je vous ai donné la liste des mesures qui sont envisagées. Je peux m'arrêter là. Pour ce qui est du reste, ce sont des commentaires incidents, pourrait-on dire. Alors, je m'arrête là, madame.

La Présidente (Mme Doyer): Ça va. Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. J'aurais aimé que vous puissiez terminer. Vous aviez quand même deux minutes, et, si vous voulez le reprendre, ou quelqu'un d'autre, prendre le deux minutes pour peut-être déjà aller sur les mesures elles-mêmes, peut-être les expliquer davantage. J'aimerais que vous repreniez vos deux minutes.

M. Prescott (Michel): Bien, écoutez, je vais conclure. Dans le cadre de l'aménagement des villes de la région métropolitaine de Montréal qu'il rendait public en 2001, le gouvernement du Québec invite la Communauté à assurer le maintien des logements abordables sur son territoire. La Communauté partage cette préoccupation, puisqu'un marché de logements locatifs abordables et équilibrés est nécessaire afin d'assurer la qualité de vie de la population.

La stratégie d'intervention préconisée par la Communauté métropolitaine fait appel aux actions suivantes: les mesures fiscales, dont je viens de faire l'énumération, des mesures pour favoriser l'accès à la propriété. Alors, parmi les moyens complémentaires qui pourraient permettre de résoudre plus efficacement la pénurie de logements locatifs, la Communauté propose de mettre en place des mesures favorisant l'accession à la propriété pour les ménages locataires. Elles s'ajouteraient à celles offertes par les municipalités et dont le financement serait assuré par le bénéfice net du plan de relance proposé.

Ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est que les coûts des mesures fiscales sont de 40 millions, mais les revenus incidents à la production des logements locatifs privés seraient de 55 millions, pour, donc, à toutes fins pratiques un gain net pour les gouvernements supérieurs de 15 millions. Alors, c'est ce 15 millions qui pourrait servir à financer, si on veut, des mesures favorisant l'accès à la propriété.

Nous pensons également qu'un fonds d'investissement donc pourrait participer... La Communauté pourrait, par exemple, participer à un fonds d'investissement qui permettrait de financer la rénovation d'unités de logement locatif existantes qui seraient destinées à du logement abordable.

Je pense que d'autres intervenants devant la commission ont fait état de la nécessité pour le gouvernement du Québec de majorer les coûts de réalisation maximums des projets d'AccèsLogis, des projets de Logement abordable. Alors, on en fait état également dans notre mémoire. C'est une mesure qui est absolument nécessaire si on veut réaliser le plan assez ambitieux, notamment dans la région, de réalisation, à Montréal seulement, de 5 000 logements sociaux et abordables. À l'intérieur de la communauté, c'est plus large, c'est plus grand que ça. Je ne sais pas, c'est 6 000 au moins, je pense bien. Il faudra donc que le Conseil du trésor accepte enfin de majorer les coûts maximums.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Boyer, M. Prescott, M. Iezzoni et M. Lafortune, bienvenus à la commission, merci pour la présentation de votre mémoire. En fait, ce que vous avez fait dans votre mémoire, c'est que, d'abord, vous avez situez un peu la crise du logement sur votre territoire. Et puis vous nous avez dit: Le gouvernement doit continuer à investir parce que c'est utile et nécessaire, mais, en fait, pour revenir à l'équilibre et faire fonctionner le marché avec un niveau de taux d'inoccupation raisonnable, il faut absolument que l'on puisse prendre les grands moyens et les grands moyens, c'est les mesures fiscales. C'est bien ça, finalement, votre analyse, résumée sommairement? Évidemment, vous en avez dit beaucoup mais, dans le mémoire, je vais y revenir.

M. Prescott (Michel): Les mesures fiscales dont on parle sont des mesures complémentaires aux mesures existantes qui permettent la création de logements sociaux.

Mme Houda-Pepin: C'est exactement ce que j'ai dit, ce que j'ai compris. Je voudrais savoir si, à l'intérieur de la CMM, vous disposez d'une banque de terrains disponibles pour la construction résidentielle.

M. Prescott (Michel): Je peux parler pour Montréal, peut-être le président peut parler pour la CMM. Allez-y.

M. Boyer (Réjean): C'est que la Communauté métropolitaine a comme mandat d'identifier les territoires d'affectation, mais l'objectif n'est pas de cibler des sites, des terrains, des banques, l'objectif est de faire en sorte que le citoyen, la citoyenne qui est déjà dans un logement social n'ait pas à se déplacer de façon démesurée, autrement dit qu'on respecte son milieu de vie. Donc, on n'a pas ce mandat à la Communauté métropolitaine de créer des banques. Je rappelle qu'il se produit ? et on en a un peu parlé légèrement ? un phénomène qui est assez spécial mais qui est comme ça, c'est que c'est la SHQ qui présentement négocie directement avec les municipalités, décide, ou les GRT, du besoin, et la Communauté métropolitaine reçoit la facture mais n'est pas partie prenante. Alors, je ne sais pas si je m'exprime bien, M. Prescott, c'est bien ça? Ça va?

Mme Houda-Pepin: Alors, ma question étant très précise, je vais peut-être laisser à M. Prescott le soin de répondre pour la ville de Montréal. Ça va nous donner un éclairage. Vous avez une banque de données de terrains, une banque de terrains propres à la construction domiciliaire.

M. Prescott (Michel): Oui. Je vais tout de suite vous informer que la ville de Montréal présentera un mémoire vendredi. Alors, je vais être de retour avec un autre chapeau. Donc, je ne voudrais pas trop, trop focusser sur la réalité montréalaise, là, davantage focusser sur la réalité de la région. Mais, oui, à Montréal ? et j'imagine que d'autres municipalités intéressées à réaliser du logement social et abordable doivent le faire ? à Montréal, on avait, on a encore une banque de terrains. Maintenant, la banque de terrains va largement être utilisée dans la réalisation de ce qu'on appelle Solidarité 5 000 logements, et on a cette préoccupation de se reconstituer une banque de terrains.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que ces terrains-là on été évalués en ce qui a trait à la capacité justement de construire? Je fais ici allusion à une manchette que j'avais lue l'année dernière qui disait que près de 60 % des terrains destinés à la construction domiciliaire étaient contaminés. Alors, encore aujourd'hui, on en parle. Et, dans ce cas précis, qui est responsable pour la décontamination, parce qu'on ne peut pas construire sur un site qui est contaminé? C'est des coûts qui sont assez significatifs. Ça peut être une barrière assez importante à la réalisation des objectifs de logements qu'on s'est donnés, là, qui ont été annoncés et par la ville et par le gouvernement.

Donc, ce problème, il représente quoi pour vous? La ville de Montréal, c'est quand même un gros morceau dans la CMM. Comment est-ce que vous allez le résoudre? Où se situe le niveau de responsabilité? C'est la ville qui est responsable de la décontamination? C'est le gouvernement du Québec? C'est le promoteur? Où se situe le niveau de responsabilité?

M. Prescott (Michel): Bon. La plupart des terrains ? vous dites 60 %, dans le domaine du logement social, c'est peut-être même plus que 60 % ? les terrains sont souvent contaminés à Montréal. Je n'ai pas le portrait pour l'ensemble de la Communauté métropolitaine, mais, pour Montréal, très souvent les terrains sont contaminés. Ce sont les GRT, des promoteurs, qui achètent le terrain qui, finalement, vont faire le suivi pour ce qui est de la décontamination. On profite heureusement du programme Revi-Sols: 50 % des coûts de décontamination sont assumés à toutes fins pratiques par le gouvernement du Québec. Sans quoi, finalement, il n'y a pas beaucoup de projets qui... enfin, les projets seraient ralentis, même dans le privé, hein? Le programme Revi-Sols est très utile.

Alors, effectivement, ça ajoute au coût. Très souvent, ça fait partie des considérants qui nous amènent, à Montréal, mais qui amènent également la Communauté métropolitaine, à demander au gouvernement du Québec de hausser les coûts maximums permis dans la réalisation de projets parce que, autrement, on n'y arrive pas. À Montréal, à la rigueur, on la petite possibilité de faire appel au PRQC, donc à d'autres budgets, pour venir compléter un montage financier, mais c'est une procédure qui est lourde, qui demande des délais. Et ce que l'on souhaite, c'est de réaliser les 5 000 logements auxquels on s'est engagés d'ici la fin de 2004, en débordant très, très peu sur 2005.

Mme Houda-Pepin: Donc, vous êtes confiant que c'est un problème qui peut être géré et que cela ne retardera pas les échéanciers de réalisation des unités de logement qui sont déjà annoncées soit dans le logement social, soit dans le logement abordable. Je parle pour le secteur privé, pardon, public. Le privé...

M. Prescott (Michel): Si le gouvernement du Québec accepte de hausser les coûts maximums, j'ai confiance. Si, par hypothèse, il ne semble pas qu'on s'en aille vers cette hypothèse-là, mais, si, par hypothèse, le gouvernement refusait de hausser les coûts maximums, je serais beaucoup moins confiant, je serais même très pessimiste.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Et quand vous parlez de la hausse, on parle de quoi, là, ça signifie quoi, cette hausse-là?

M. Prescott (Michel): C'est 15 % pour AccèsLogis... De mémoire, c'est 15 % pour AccèsLogis et 25 % pour Logement abordable, je crois.

Mme Houda-Pepin: Le coût inhérent seulement à la décontamination?

M. Prescott (Michel): Non, non, non, l'ensemble du projet.

n(12 h 10)n

Mme Houda-Pepin: L'ensemble du projet, d'accord. Pour revenir à la CMM, à la page 4, vous parlez que... vous nous donnez le portrait, vous dites que, finalement, il manquait 16 700 unités de logement en 2006, il manquerait 16 700 unités de logement; il en manquait, en 2001, 18 000. Donc, on est à peu près dans la même, je dirais, au même niveau de manque, là, 18 000 versus 16 700, malgré les investissements qui vont se faire d'ici 2006, finalement. Et vous dites que la CMM devra verser plus de 70 millions de dollars supplémentaires, et les deux ordres de gouvernement 273 millions de dollars. Est-ce que la CMM a les moyens financiers pour pouvoir répondre à ces besoins-là en termes des investissements qui sont estimés ici?

M. Prescott (Michel): On pourrait peut-être demander au directeur général de répondre, mais je vous dirais que l'argent vient des municipalités.

La Présidente (Mme Doyer): M. Iezzoni.

M. Iezzoni (Massimo): Oui. Il faut rappeler que le financement de tous les programmes de logement mentionnés tout à l'heure est évidemment perçu par des revenus provenant des quotes-parts des municipalités. Le budget sur cinq ans que nous avons projeté est évidemment basé sur les données de la SHQ qui nous ont été transmises, selon les programmes sociaux qu'on a reçus. Nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a projeté des données que vous avez avec un taux en équilibre à 3 %, et on a analysé le manque à gagner de logements qu'on devrait avoir pour atteindre le 3 %, et en plus on a identifié le programme privé, donc les mesures fiscales pour arriver à l'équilibre de 3 %. Donc, les chiffres que vous avez, je vais quand même refaire le calcul parce que c'est important, c'est de là que ça part, nous, finalement, notre proposition. Je ne sais pas si vous avez ce rapport-là, sur les mesures fiscales, qu'on vous avait déjà transmis, mais essentiellement c'est de là que la Communauté métropolitaine propose des mesures fiscales.

Ce qu'on sait, finalement, c'est que même si les mesures proposées par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada, et avec une contribution de la CMM, dans les Programme de logement abordable et AccèsLogis... il va manquer 10 000 logements. Si on ajoute ces 10 000 logements là de plus, vous arrivez à votre chiffre additionnel: 70 millions. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut accélérer les investissements avec des mesures complémentaires. Autrement dit, c'est un panier de mesures pour arriver le plus rapidement possible à avoir du logement dans le territoire de la région métropolitaine.

Pour arriver à faire ça, on pense que revenir aux mesures fiscales, c'est probablement l'une des meilleures possibilités parce que ça permet non seulement d'accélérer les mesures sociales, mais en même temps d'introduire le privé à nouveau dans ce marché-là. Quand on fait ça, ce que ça permet de faire, c'est que ça génère des revenus additionnels au gouvernement, le fameux 50 millions dont on parlait, ça nous permet en même temps de ne pas introduire un 24 millions qu'on aurait dû de toute façon introduire pour continuer les logements abordables, et on a une économie de 15 millions qui permet de payer les mesures fiscales dans le privé. Si on ne fait pas ça, si on ne fait pas ça, la conclusion, c'est que ça nous coûte plus cher pour...

Mme Houda-Pepin: Vous permettez? Mais tout ça repose sur une hypothèse, n'est-ce pas?

M. Iezzoni (Massimo): Bien, absolument. Mais c'est une hypothèse, par contre, qu'on peut valider quand on regarde notre rapport dans les années quatre-vingt-dix, où on s'aperçoit que, quand il y a eu des mesures fiscales au Canada, vous avez eu une augmentation du nombre de logements locatifs privés dans ces années-là, et, quand ces mesures fiscales là n'ont pas été mises de l'avant, vous vous apercevez que le logement a dégringolé en dessous des coûts normalement d'équilibre de 3 %.

Mme Houda-Pepin: Je voudrais, sur cette même lancée, là, des mesures fiscales, vous entendre sur l'effet de percolation. Ça, c'est lorsque l'on soutient, par exemple, l'accès à la propriété et qu'on soutient ? je vais vous expliquer dans le sens le plus large, pas nécessairement par rapport à votre mémoire ? et que, finalement, on libère des logements pour la classe la plus défavorisée.

Il y a des groupes qui contestent cette analyse et qui disent qu'il n'y a pas transfert automatique entre un logement qui se libère et qui est loué à 700 $ et une famille démunie, qui est démunie de toute façon, et qui n'a pas les moyens de payer 300 $. Donc, ce logement, même s'il est disponible, les gens qui sont dans le besoin ne pourront pas y accéder. Autrement dit, il n'y a pas d'automatisme. Ce n'est pas parce qu'il y a des unités de logement qui vont se libérer à un niveau de loyer de classe moyenne que, finalement, on va résoudre le problème de la crise du logement au niveau des plus démunis.

M. Boyer (Réjean): Alors, je vais demander à M. Lafortune de vous répondre, parce qu'il a fait...

Mme Houda-Pepin: Il a un nom complètement prédestiné pour répondre à cette question.

M. Boyer (Réjean): Il pourrait s'appeler Boisé ou...

La Présidente (Mme Doyer): M. Lafortune.

M. Lafortune (Yves): Écoutez, essentiellement, ce qui... L'effet de percolation dans sa forme la plus générale, au-delà de l'accès à la propriété, qui libère effectivement des unités de logement, lorsqu'on ajoute, dans le parc de logements locatifs, des unités additionnelles, donc que ce soit dans le moyen de gamme et même au-dessus, dans le haut de gamme, le fait que le marché soit tellement contraint actuellement, avec un faible taux d'inoccupation à 0,6, fait en sorte que tout le monde est coincé. Et des gens qui seraient prêts à passer à du logement de plus haute gamme, soit de moyen de gamme, actuellement qui occupent un logement de basse gamme mais qui seraient prêts, qui auraient les moyens financiers pour accéder à un marché de moyen de gamme, et également les gens qui sont dans du moyen de gamme mais qui seraient prêts financièrement à accéder à du haut de gamme sont contraints. Et, si on ajoute ces unités-là, ces gens-là vont se glisser, il va y avoir donc un effet de percolation vers le haut, vont se glisser vers ce haut de gamme et ce moyen de gamme là, libérant le bas de gamme. Et le bas de gamme, ce sont les gens qui... C'est du loyer dont on parle entre 350 et 500 $. Donc, pour contrer un peu le discours qui dit que ces gens-là ne peuvent pas se payer ça, c'est les logements qui sont... les coûts du loyer qui sont visés dans le cadre de programmes Logement abordable et AccèsLogis.

Donc, c'est véritablement le bas de gamme qui va être libéré. Parce que, là, on a contraint tous les segments du marché, et, en ajoutant différentes facettes du marché, par les mesures publiques pour le bas de gamme, par les mesures privées où on ajoute au moyen et haut de gamme, on fait un effet de percolation nette qui est plus important pour le bas de gamme. Et là on vient ajouter à l'effort public tout simplement.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Mais vous savez que c'est une théorie qui est contestée. Je voulais juste vous donner la chance de vous expliquer là-dessus. Et, étant donné qu'on est dans la CMM, donc dans la grande région de Montréal ? on sait que la crise du logement est plus aiguë là à cause de la concentration des différentes problématiques: les personnes âgées, pauvreté, nouveaux arrivants, discrimination pour les minorités visibles, etc. ? est-ce que vous estimez que le portrait actuel, sur lequel on se base pour définir vos besoins, c'est le même dans cinq ans ou est-ce qu'il y a des choses ou des tendances qui vont changer à Montréal ou dans la grande région de Montréal?

M. Boyer (Réjean): En toute logique, ça devrait changer, puisque l'objectif premier de la Communauté métropolitaine de Montréal, c'est de revitaliser Montréal et c'est de la rendre conviviale dans tous les beaux sens... le plus beau sens du terme. Et, déjà, on sent un retour vers Montréal, admis par les gens de Montréal. Donc, il y a un élément que je n'ai pas mentionné tantôt, c'est le retour vers Montréal de personnes âgées, de personnes d'âge moyen et même de jeunes qui choisissent de vivre dans ce milieu de vie que l'on veut, au fil des années, rendre encore plus agréable au niveau de leur sécurité, de la qualité de vie et de tout ce qui s'ensuit. Parce que c'est un des grands objectifs de la Communauté métropolitaine de Montréal. Enfin, c'est un moyen plutôt qu'un objectif. Donc, je suis convaincu, pour répondre finalement à votre question, que la demande sera de plus en plus forte et que nos chiffres sont peut-être conservateurs.

La Présidente (Mme Doyer): M. Prescott.

M. Prescott (Michel): Le grand changement... Si je peux ajouter, le grand changement, ce sera que la nouvelle demande va se continuer. Donc, la construction, si les choses en restaient à ce qu'elles sont comme prévision, là, 5 000 logements ou 6 000 logements, on le dit dans notre mémoire, il y aura un manque de logements de 16 000 ou autour de 18 000.

Mme Houda-Pepin: 16 700.

M. Prescott (Michel): 7 700?

Mme Houda-Pepin: 16 700.

M. Prescott (Michel): 16 000, oui, c'est ça. Mais, sur le fond, les gestes posés aujourd'hui vont être des gestes qui vont porter et qui seront tout à fait adéquats dans cinq, six ans, pour donner ce champ-là. C'est-à-dire qu'il y aura encore beaucoup de logements qui seront formés d'un seul individu, beaucoup de logements de monoparentales, effectivement, puis la réalité démographique de Montréal, de lieu d'accueil de la nouvelle immigration, tout ça restera vrai. En d'autres mots, ce qu'on essaie de réaliser aujourd'hui, on pense que ça va répondre... ça ne répondra pas en nombre suffisant, mais ça va répondre quand même à des besoins qui vont être encore très présents dans un délai de cinq ans et plus.

n(12 h 20)n

Mme Houda-Pepin: Je présume que vous allez maintenir l'équilibre entre le nord et le sud, la Rive-Nord, la Rive-Sud pour les nouvelles constructions, n'est-ce pas? Parce que les besoins sont là aussi.

M. Prescott (Michel): Bien, oui. Bien, effectivement, le souhait, je pense, qui est partagé par tout le monde, c'est que chacun ? un peu l'avantage du fonds du logement social qui est créé maintenant ? toutes les municipalités, on l'a dit tout à l'heure, de la Communauté métropolitaine participent au financement du logement social. Et, comme Montréalais, je peux vous dire que je ne demande pas mieux que chacun prenne ses responsabilités et réalise du logement social sur son territoire, pas seulement à Montréal.

Mme Houda-Pepin: Merci.

La Présidente (Mme Doyer): Ça va, M. Prescott. Merci. Merci, Mme la députée. M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Merci. Alors, M. Prescott, M. le vice-président, je voudrais revenir sur le point que vous nous avez élaboré tout à l'heure. Vous nous avez mentionné que, pour la région métropolitaine, il y aurait un manque de 16 700 unités de logement, et ce, au plus tard pour 2006. Ce qui veut dire que vous devez très rapidement mettre en action un plan de construction. Et, pour ce faire, vous avez déjà ciblé des bandes de terrain qui, selon vos propos, sont contaminées au moment où on se parle, donc qui vont devoir être caractérisées probablement, si ce n'est déjà fait, et qui vont devoir obtenir un consensus entre le ministère de l'Environnement et la ville de Montréal, pour procéder à cette décontamination-là.

Ma question est la suivante: À quelle étape en êtes-vous actuellement, et ce, avant même de penser au dossier de 16 700 logements, à quelle étape en êtes-vous actuellement entre l'exécutif de la ville de Montréal et le ministère de l'Environnement, pour traiter particulièrement de ces bandes de terrain là? Et quel est le coût, si vous en êtes rendus à l'étude des coûts, quel est le coût approximatif que ça va représenter, cette dépense-là? Parce que les terrains contaminés, la ville de Montréal va devoir les ramener au niveau A, c'est-à-dire pour fins de vie communautaire, vie sociale et construction de résidences et d'habitations. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Doyer): M. Prescott.

M. Prescott (Michel): Écoutez, je n'ai pas les proportions, peut-être que M. Iezzoni ou Lafortune pourraient l'avoir, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'à Montréal les entrepreneurs, quels qu'ils soient, qu'ils soient dans le domaine du logement social ou dans le domaine de la production d'unités privées, les constructeurs, les promoteurs à Montréal sont habitués de se retrouver devant des terrains qui sont contaminés. Pour eux, là, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Ça fait un bout de temps déjà qu'on développe des terrains qui sont contaminés. Il y a du déplacement, des manufactures qui ferment, des industries qui se déplacent.

Alors, d'une certaine manière, je vous dirais, c'est «business as usual». Sauf que, effectivement, ça implique des coûts additionnels, et, effectivement, l'aide du gouvernement du Québec, notamment pour partager ces coûts-là, est absolument nécessaire pour rentabiliser, viabiliser un projet de développement.

Je ne sais pas si Yves ou le directeur général a des... Quant à la proportion, là, je n'oserais pas m'avancer trop, trop là-dessus.

M. Lafortune (Yves): Juste un complément d'information. C'est que la proportion est inégale sur l'ensemble du territoire de la Communauté métropolitaine. Il y a une concentration de terrains contaminés sur Montréal, un peu sur ville de Laval et ville de Longueuil; ensuite de ça, la situation est beaucoup moins dramatique. Sur Montréal, sur les terrains qui ont été répertoriés jusqu'à maintenant, c'est une proportion qui est assez forte, de l'ordre de entre 55 et 60 %, ce que me disaient les gens du service d'habitation de la ville. Mais, malgré tout, dans le processus ? M. Dionne tantôt, du Fonds québécois, parlait de 18 mois ? dans le processus, en moyenne, entre le moment où on identifie un projet et sa réalisation, dans le processus, c'est à peu près un délai de deux mois seulement, quand le processus... Et on peut... Mais il faut avoir les moyens financiers pour procéder. Mais on rallonge la période d'à peu près deux mois, en moyenne, quand on a à faire faire et à traiter cette décontamination-là. Donc, de 18, on passerait peut-être à 20 mois. Mais le processus peut tenir compte de tout ça et on peut aller de l'avant, mais il faut avoir les moyens financiers, d'où la remarque d'un rehaussement des seuils maximaux admissibles dans le cadre de Logement abordable et AccèsLogis.

M. Pinard: Est-ce que les démarches sont entreprises avec le ministère de l'Environnement au moment où on se parle?

M. Prescott (Michel): Il y a des discussions. D'abord, les normes du gouvernement du Québec ont été modifiées. À partir du 1er janvier 2002, sauf erreur, ça coûte un peu plus cher. Pour ce qui est de Montréal, en tout cas, c'est Alan Desousa qui travaille sur ces dossiers-là.

La Présidente (Mme Doyer): Ça va, M. le député de Saint-Maurice? Alors, je me donnerais la parole pour deux questions. Dans le document de consultation, on a proposé de maintenir certains acquis législatifs dont la Loi sur l'aménagement du territoire, aussi de modifier certaines pratiques des intervenants municipaux, puis on s'étonne qu'à titre de communauté métropolitaine vous ne vous prononciez pas sur ces propositions. Parce que, en gros, la teneur de votre mémoire, c'est sur les mesures fiscales. Ça, c'est la première. Pourquoi vous ne l'avez pas fait? Je nous réfère aux pages 82 et 83 précisément du document qui a été déposé.

Aussi, vous parlez d'incitatifs fiscaux. Mais ma question, c'est: N'est-il pas plus coûteux et plus risqué d'avoir recours à des incitatifs fiscaux, parce qu'on va stimuler l'offre de façon artificielle et peut-être qu'on va se ramasser avec un surplus, à un moment donné, plutôt qu'à un programme d'accession à la propriété, d'autant plus que la formule de copropriété proposée risque de donner une meilleure valeur foncière que des immeubles à logements locatifs?

M. Prescott (Michel): Bien, d'abord, je vous dirais que... Comment dire? On a parlé tout à l'heure de panier de mesures. Alors, on ne privilégie pas une mesure au détriment des autres. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut un certain nombre de mesures, notamment des mesures fiscales. Je vous signale, en passant, que, au fond, dans la vraie vie, ça ne coûtera rien au gouvernement parce qu'il ne s'en fait pas, de construction, il s'en fait très peu, de construction en logements locatifs à prix abordable. Il s'en fait un peu haut de gamme et il s'en fait pour les personnes âgées, mais sinon il ne s'en fait pas Donc, le gouvernement n'y perdra pas grand-chose. Au contraire, ce que l'on pense, c'est que les retours fiscaux qui vont s'ensuivre, construction, salaires, etc., vont être supérieurs à ce que ça pourrait coûter en termes de mesures fiscales ou supposément de perte de revenus. Et ça ne nous empêche pas ni à la Communauté métropolitaine ni à la ville de Montréal d'envisager des mesures d'accès à la propriété. Encore une fois, le besoin est considérable.

Pour ce qui est du risque de trop réaliser d'unités, moi, je vous dirais qu'il y a peut-être des dangers de trop réaliser d'unités bifamiliales, par exemple, d'une certain type d'unités de logement. C'est là où il faudra faire attention de produire des unités qui, dans 20 ans d'ici, seront encore en demande, si on veut. Mais le nombre d'unités, lui, dans 20 ans, il sera toujours là, je parle d'unités nouvelles.

La Présidente (Mme Doyer): D'accord. M. Boyer.

M. Boyer (Réjean): Bien. Pour compléter, le surplus nous inquiète peu, puisque les mesures fiscales que nous vous suggérons peuvent très bien être, comme elles l'ont été au fil des années soixante-dix à quatre-vingt, non pas temporaires mais, en tout cas, bien campées dans le temps. Et c'est très rajustable, ce n'est pas très compliqué. Et, deuxièmement, on faisait, dans notre lecture, rapport de l'accession à la propriété. C'est toujours un débat difficile. Il faut s'occuper des gens qui sont vraiment dans le besoin, c'est notre première fonction. Le principe de la percolation ou des vases communicants tantôt est une bonne méthodologie qui va faire en sorte qu'on va rendre disponible. Et finalement l'accession à la propriété est aussi pour Montréal ? c'est peut-être M. Prescott plus que moi qui devrait continuer la phrase ? en se disant... On s'est interrogé d'ailleurs aux commissions et à nos rencontres de façon à se dire: Est-ce que c'est une bonne façon ? on le disait tantôt ? de rendre plus valables les investissements? Possiblement. Mais je suis certain qu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord, pas vous, mais il y a des gens qui ne sont pas d'accord. Alors, c'est peut-être une question de dosage finalement plus qu'autre chose.

La Présidente (Mme Doyer): Puis sur votre non-position ou peu de prise de position sur la question des rôles des différents intervenants municipaux. Vous n'êtes pas intervenu, pourquoi?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Doyer): Mais pas beaucoup, pas beaucoup.

M. Prescott (Michel): Dans notre mémoire, ce que l'on dit, c'est que ? puis c'est un peu inspiré par notre président de la Commission sur le logement social qui, sur le plan de la Communauté métropolitaine, par exemple, a des contacts plus réguliers, si on veut, avec la SHQ ? pour l'instant, ce sont les municipalités. Alors, ce que je peux vous dire, c'est que ça fait partie... La Communauté métropolitaine est une créature nouvelle, c'est jeune, là, un an, un an et demi. Alors, il y aura, pour ce qui est de la Communauté, des ajustements dans le temps et, comme Montréalais, ça ne m'inquiète pas, dans la mesure où la ville de Montréal garde une capacité de définir des projets qui correspondent à sa réalité, qui sont différents, ne serait-ce que par sa masse critique, si on veut.

La Présidente (Mme Doyer): Ça veut dire que la situation actuelle, vous satisfait? Voilà.

M. Boyer (Réjean): En aménagement, je vais vous suggérer de relire les comptes rendus des assises métropolitaines. Peut-être que là, vous allez y retrouver plus d'éléments. Massimo.

La Présidente (Mme Doyer): Oui, M. Iezzoni.

M. Iezzoni (Massimo): Oui. En fait, peut-être pour mieux situer la Communauté métropolitaine. Très brièvement, on a parlé du rôle de la Communauté comme le rôle de planification, de coordination, de financement. Les municipalités, il y a deux ans, comme maintenant encore, sont les principales responsables de l'application des programmes. Je ne pense pas que ça va changer au cours des années. La grande différence aujourd'hui, c'est que le financement se fait à l'intérieur de la Communauté métropolitaine par une répartition des quotes-parts de l'ensemble des municipalités, donc une redistribution de la richesse dans ce sens-là vers les programmes de logements sociaux et vers les villes qui en font. Donc, ça, c'est nouveau.

n(12 h 30)n

Maintenant, la question qui est pertinente pour la Communauté métropolitaine, c'est: Comment on fait pour accélérer le logement social et le logement abordable et le logement tout confondu dans la région? Alors, ça, c'est très important, puisque, la fin de semaine dernière, on a eu un exercice de vision stratégique, qui est d'ailleurs une compétence prévue par la loi, puis on s'aperçoit qu'il y a un vieillissement de la population, on s'aperçoit aussi que le nombre de ménages va augmenter, comme l'a mentionné M. Prescott, on s'aperçoit aussi qu'au niveau de l'aménagement les choses vont changer, en termes de périmètre urbain. Donc, la réflexion sur le logement est capitale.

Mais la question qu'on se pose aussi en termes de financement, c'est: Si on veut du logement abordable et suffisant, quelles sont les autres mesures qu'on doit apporter dans la région? Et c'est pour ça que je suis un petit peu inquiet. On a l'impression de dire, bien, qu'on parle uniquement des mesures fiscales pour l'entreprise privée. Au contraire, c'est le panier complet qu'on propose pour la région, non seulement les mesures fiscales des programmes sociaux que la Communauté paie déjà. Cette année, au budget 2002, c'est 23 millions dans le budget de la Communauté métropolitaine. On parle d'un maximum de 110 millions sur cinq ans. Mais il va en manquer. Nous, on prétend que, selon les chiffres d'ailleurs confirmés par les différents ministères et la SHQ, qu'il va en manquer, des logements. Alors, comment on peut faire pour accélérer? Une des mesures, c'est de retourner au privé.

Vous parlez d'aménagement du territoire. Bien, compte tenu que la compétence, ça va être un schéma d'aménagement, au niveau de la Communauté métropolitaine, c'est des grandes orientations beaucoup plus qu'un plan d'urbanisme, puis des mesures qui sont beaucoup plus liées à l'application dans une municipalité, ça va être au niveau des orientations. Mais je ne voudrais surtout pas que vous ayez l'impression qu'on délaisse les programmes pour parler des mesures du privé. Au contraire, on pense que ça va de soi ensemble.

La Présidente (Mme Doyer): C'est beau. Merci, M. Iezzoni, de votre précision. Juste, peut-être, une petite question courte de mon collègue de Roberval pour terminer.

M. Laprise: Très courte. Suite à une information que le monsieur nous a donnée concernant la sorte de logement qui serait priorisée pour garder, par exemple, un certain équilibre, à ce moment-là, est-ce que les logements à caractère plus familial, par exemple pour les familles qui ont deux, trois enfants ? on voit ça aujourd'hui de temps à autre... À ce moment-là, moi, c'est une déclaration qui m'inquiète, ce que vous avez dit tout à l'heure.

M. Prescott (Michel): Dans la réalisation de ces logements-là... D'abord, dans le privé, par exemple, s'il y a des mesures fiscales qui sont amenées, effectivement, le privé va... le promoteur va vouloir répondre à un besoin, là. O.K. Maintenant, on peut s'ajuster si on... Et ça fait partie de nos préoccupations. J'ai parlé des maisons unifamiliales. Ce n'est peut-être pas seulement les maisons unifamiliales ou c'est peut-être... Il y a d'autres considérants là, mais on a également ça en tête, de ne pas se retrouver dans, «whatever», disons dans 10 ans, avec un surplus d'un tel type d'unité d'habitation, sachant cependant que la réalité, c'est que les bâtiments s'adaptent à des nouvelles réalités. Il y a des...

À l'inverse, par exemple, dans le Montréal bâti, il y a de grands logements qui étaient des logements familiaux à l'époque où les familles, effectivement, avaient beaucoup d'enfants puis aujourd'hui vous trouvez facilement dans ces immeubles-là un couple sans enfant, sinon même un seul individu qui a défoncé les murs puis qui s'est fait un logement beaucoup plus... avec beaucoup d'espace et... Alors, il faut avoir ça aussi en tête, qu'un type de construction ou d'habitation si, par hypothèse, dans 20 ans ne répondait plus aux besoins, il n'est pas dit que ce type d'habitation là ne puisse pas être transformé pour répondre à de nouveaux besoins ou à de nouvelles façons de vivre ou...

La Présidente (Mme Doyer): Alors, je vous remercie, M. Prescott, M. Boyer, M. Lafortune, M. Iezzoni, mesdames, messieurs.

Alors, je vais suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, vers 16 h 30, alors que la commission poursuivra ces auditions publiques, dans le cadre des consultations particulières sur le mandat d'initiative concernant le logement social et abordable. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

 

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission de l'aménagement du territoire continue ses travaux. Vous me permettrez de souhaiter la bienvenue à deux nouveaux collègues qui font partie de cette commission: le député de Saguenay de même que le député de Lac-Saint-Jean. Alors, la famille s'agrandit.

Organisation des travaux

Ce qui va nous permettre également de convenir, en ce début de séance, de la façon dont on pourra organiser nos travaux en termes de répartition du temps. Déjà, tantôt, on a trouvé que 45 minutes, c'était très court pour procéder aux échanges entre les membres.

Alors, j'aurais envie à ce moment-ci de vous faire une proposition qui, j'espère, va faire votre affaire, à tout le monde. On pourrait, je pense, afin de permettre, avec l'arrivée de nos deux collègues... se donner un cinq minutes de plus à l'intérieur de nos travaux, ce qui permettrait, entre autres, de pouvoir permettre au député indépendant de prendre la parole sur chacun des mémoires qui seront présentés. Alors, c'est sûr que ça aura une incidence sur notre horaire général, mais je pense que, comme, ce matin, on était très disciplinés, on était dans l'heure tout le temps... et ça permettra d'accommoder, je pense, tout le monde à ce moment-là.

M. Corriveau: M. le Président, peut-être juste une note.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: J'ai cru comprendre que vous avez souhaité la bienvenue au député de Lac-Saint-Jean. J'espère que ce n'était pas un lapsus de votre part. Je suis bien le député de Saguenay. Le député de Lac-Saint-Jean n'est pas ici aujourd'hui.

Le Président (M. Vallières): Non, j'ai souhaité... non, j'ai dit les deux.

Mme Doyer: Il a parlé des deux.

M. Corriveau: O.K. C'est beau.

Le Président (M. Vallières): Les deux, les deux, les deux. J'ai même commencé par vous.

Mme Doyer: Il a même commencé par le député de Saguenay.

Le Président (M. Vallières): Alors, si ça vous sied, on procéderait de cette façon-là, de telle sorte que tout le monde en commission essaie d'avoir, sur un mandat d'initiative, beaucoup de souplesse par rapport au droit de parole, étant donné que tout le monde aime bien participer. Alors, ça vous va de part et d'autre?

M. Pinard: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Pinard: ...permettez-moi également de souligner au député de Saguenay avec quelle joie nous consentons, nous, de ce côté-ci, à accorder un cinq minutes additionnel. C'est habituellement le temps qui est réservé à l'opposition. Et je suis persuadé que vous saurez très bien gérer cette période de temps additionnelle qui vous est donnée sans que, nous, nous en prenions quelque seconde que ce soit.

Auditions (suite)

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, ça sied à tout le monde. On y va. Sans plus tarder, je remercie nos invités qui sont là depuis 16 h 30, eux. Alors, je veux leur souhaiter la plus cordiale bienvenue. Alors, nous entendrons en début de... cet après-midi, le Regroupement des offices municipaux d'habitation. Alors, je demanderais aux gens qui sont déjà installés de se présenter et de procéder dans les 15 prochaines minutes.

Regroupement des offices
municipaux d'habitation du Québec

M. Tanguay (Bernard): Merci, M. le Président. Mme la vice-présidente, Mmes, MM. les membres de cette commission. Mon nom est Bernard Tanguay, je suis conseiller municipal à la ville de Sherbrooke depuis 1982, je suis président de l'Office municipal d'habitation de Sherbrooke et président du Regroupement des offices d'habitation du Québec, comme membre du conseil d'administration du Regroupement.

J'aimerais vous présenter au préalable les deux personnes qui m'accompagnent: M. Denis Robitaille, qui est le directeur général du Regroupement des offices, ainsi que M. Claude Poulin, à ma droite, qui est conseiller aux affaires juridiques et au développement au sein du Regroupement des offices d'habitation du Québec.

C'est avec un vif intérêt que le Regroupement des offices d'habitation du Québec se présente à ces audiences dans le cadre d'un mandat d'initiative ayant pour objet d'étudier les enjeux reliés à la rareté de logements sociaux et abordables.

Avant de vous faire part des principaux éléments du mémoire que nous avons soumis à l'attention des membres de la commission, laissez-moi prendre quelques instants pour vous présenter l'organisme que je représente. Le Regroupement des offices d'habitation est la nouvelle dénomination sociale de l'Association des offices municipaux d'habitation du Québec, un organisme à but non lucratif fondé en 1972. Ce changement a été rendu nécessaire, d'une part, par l'adoption, le 30 avril 2002, de la loi n° 49 qui autorise la création d'offices régionaux d'habitation et, d'autre part, par le plan d'action stratégique adopté par les membres en 2001, plan stratégique dont l'objet principal est de positionner les offices municipaux d'habitation à titre d'intervenants majeurs dans le secteur du logement social au Québec.

Le Regroupement des offices d'habitation constitue aussi un vaste réseau qui s'étend sur tout le territoire du Québec. Son membership est composé de 472 offices d'habitation et de sept corporations privées sans but lucratif reconnues à titre de membres auxiliaires. Les offices municipaux membres du Regroupement assurent la gestion de plus de 62 000 logements à loyer modique ainsi que de plus de 7 000 logements subventionnés dans le cadre du Programme de supplément au loyer. Les corporations privées membres du Regroupement interviennent dans la gestion de près de 4 000 unités de logement communautaire.

Le Regroupement des offices d'habitation du Québec s'est donné pour mission de promouvoir et favoriser le développement du logement public et abordable, représenter les offices d'habitation auprès des pouvoirs publics et des organismes liés au logement social, offrir une gamme de services visant à informer, former et soutenir les représentants des offices d'habitation, administrateurs et employés dans le déploiement de leurs activités.

Notre Regroupement offre ainsi des services de soutien, de formation et de représentation à plus de 3 500 administrateurs bénévoles, dont des élus municipaux siégeant sur la vaste majorité des conseils d'administration des offices, et à plus de 2 000 employés à temps plein et à temps partiel intervenant dans l'allocation de service d'habitation sociale auprès de plus de 100 000 résidents à travers le Québec.

Partenaires naturels du gouvernement et des municipalités par leur statut paragouvernemental et paramunicipal, les offices sont présents dans toutes les régions du Québec et ont été les premiers mandataires désignés par le gouvernement du Québec pour gérer les habitations à loyer modique qu'on appelle HLM. Les HLM s'adressent à des ménages à faibles revenus qui sont mal logés ou qui consacrent au logement une part trop importante de leur budget. Le programme HLM constitue le plus important programme de logement social et le seul à s'adresser exclusivement aux ménages à faibles revenus.

n(16 h 40)n

Le caractère public du réseau des OMH implique des règles de gestion s'appuyant sur des principes d'imputabilité et de transparence à l'égard de l'attribution de services d'habitation à la collectivité. De même, la participation des locataires de HLM dans certains mécanismes de gestion du parc de logements ainsi que l'émergence de liens formels avec différents réseaux d'intervention auprès de clientèles cibles témoignent de l'évolution du mode de gestion du parc de logements HLM au Québec. Les gestionnaires de HLM ne sont plus uniquement des gestionnaires immobiliers de logements publics, mais plutôt des intervenants du logement social s'inscrivant comme des acteurs majeurs du continuum de mesures destinées à l'amélioration du cadre de vie et à l'épanouissement des personnes les plus démunies de notre société. C'est donc à titre d'intervenant majeur du logement social au Québec que notre Regroupement présente ce mémoire aux membres de la commission parlementaire de l'aménagement du territoire.

Le contexte de la crise du logement. Le logement est un bien essentiel, tout le monde le sait. Il est reconnu, comme la santé d'ailleurs, comme un droit fondamental, reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies. Le droit au logement doit donc s'inscrire dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce sont là deux paramètres fondamentaux qui doivent guider la recherche de solutions intégrées et durables en matière de logement.

Il nous faut également constater que les problèmes de logement dépassent la simple question d'abordabilité. Une chose est certaine: il y a pénurie de logements sociaux et abordables et pénurie de logements dans certains centres urbains. Et, en l'absence d'une politique d'habitation fixant des objectifs collectifs, l'analyse de la problématique de la crise du logement est plus difficile et ne permet pas de prévoir les mécanismes d'ajustement de l'offre et de la demande du logement.

Aux changements que nous venons d'évoquer, il faut ajouter les problématiques de santé mentale et de toxicomanie auxquelles le réseau de l'habitation sociale est confronté de manière particulière dans la foulée du mouvement de désinstitutionnalisation de la fin des années quatre-vingt.

Nous devons également constater qu'en matière de logement les disparités régionales sont nombreuses et doivent être prises en compte lorsqu'on souhaite intervenir dans une perspective de développement durable et intégré. La problématique de la crise du logement est donc complexe.

Le rôle de l'État. Le marché privé du logement répond à la capacité de payer de la majorité des ménages québécois. Toutefois, pour les 20 % des ménages québécois qui consacrent plus de 30 % de leurs revenus pour se loger, le rôle de régulateur de l'État et son intervention en habitation, ça demeure fondamental. Ce rôle a permis aux locataires d'avoir accès à des logements de qualité et d'avoir recours aux règles d'arbitrage offertes par la Régie du logement. En période de crise, l'État doit également accentuer son rôle d'agent innovateur en matière de recherche et de développement de nouvelles technologies de construction et de rénovation.

Des mesures variées et complémentaires. De nombreuses réflexions ont été menées au Canada et à l'étranger sur les diverses approches inhérentes à la problématique du logement. Ces réflexions ont, pour la grande majorité, convenu qu'en intervenant sur le plan du logement on s'attaque directement au problème de la pauvreté. Le Regroupement des offices est d'avis que l'État devrait maintenir une aide à la pierre et une aide à la personne en habitation sociale. En intervenant aux deux niveaux par des mesures diversifiées, l'État se donne une meilleure flexibilité pour répondre aux besoins de logement des ménages à faibles revenus et à revenus modestes ou des ménages qui ont des problématiques particulières.

L'aide à la personne, par allocation-logement ou supplément au loyer, est valable et permet de répondre plus rapidement aux besoins, mais elle ne peut apporter toutes les solutions aux problèmes de nombreux ménages qui ont des besoins particuliers.

L'aide à la pierre permet à l'État d'intervenir directement sur la qualité du logement et du milieu de vie avec les effets démontrés sur la responsabilisation des individus, l'éducation et la santé physique et psychologique. Les études récentes de Shlay et Galster ont d'ailleurs démontré qu'un logement stable et abordable est un facteur déterminant du bien-être économique et social. Victor Hugo ne disait-il pas: «Faites les hommes heureux et vous les ferez meilleurs.»

La leçon des expériences étrangères. Les interventions dans ces pays se sont faites sur des modes variés et renouvelés pour apporter des solutions durables à la crise du logement. On constate que, historiquement, au sein des sociétés occidentales, les choix politiques conduisant à une privatisation du logement social ont été des constats d'échec et ont nécessité des réinvestissements majeurs de l'État. Le Québec devrait en prendre bonne note, de ce constat. Bref, l'étude des différentes expériences dans le domaine du logement nous démontre qu'il ne faut pas compter sur la domination d'une seule approche d'intervention face à la complexité de cette problématique mais plutôt miser sur la convergence et la cohésion d'un éventail de mesures.

Aussi, le Regroupement des offices est-il d'avis que le maintien ou la mise en place d'une série de mesures diversifiées d'intervention demeure une approche porteuse et significative à long terme. À cet égard, le supplément au loyer est une mesure valable, bien qu'on puisse s'interroger sur la performance économique à long terme d'un tel programme. Des études réalisées au début des années quatre-vingt-dix par les OMH de Montréal et l'Association des offices démontraient qu'après une période de 15 ans l'investissement réalisé dans la construction de logements publics s'avérait plus avantageux sur un plan économique que le Programme de supplément au loyer. Dans les actes du VIIe congrès de la politique sociale canadienne portant sur le rôle du logement dans la politique sociale, le chercheur Steve Pomeroy énonçait que «le soutien du revenu ne représente que la moitié de la solution susceptible de répondre aux besoins essentiels de logement. Il ne prévoit aucun mécanisme qui permet de s'assurer que le logement est de qualité et de taille convenables.» Soulignons enfin qu'il serait intéressant de pousser plus loin l'analyse de ces tendances en y intégrant des variables relatives aux aspects qualitatifs du logement public, à la satisfaction de la clientèle du logement public en comparaison avec le logement privé et privé sans but lucratif ainsi qu'à son impact ou son influence dans le marché général du loyer. Une telle analyse est malheureusement absente du document de consultation élaboré par les chercheurs Gill et Dagenais.

Pour favoriser le développement de l'habitation sociale, le Regroupement souhaite la mise en place d'un fonds d'investissement du logement social. Il est toutefois impératif que les offices d'habitation aient accès à ce fonds d'investissement, contrairement à l'idée du document de réflexion préconisant un fonds réservé aux organismes privés sans but lucratif. L'État aurait tort de ne s'appuyer que sur les organismes privés sans but lucratif dans ses interventions pour développer des logements sociaux. Son partenaire public, l'office d'habitation, est un organisme imputable devant la municipalité et les gouvernements qui a développé une expertise importante en habitation sociale depuis plus de 30 ans et qui vient de se voir attribuer de nouveaux pouvoirs d'intervention en avril dernier par le législateur qui adoptait la loi n° 49.

D'autre part, dans la réflexion que mène le gouvernement du Québec sur les redevances de développement, l'attribution de fonds au logement social ne devrait-elle pas être considérée au même titre que les autres équipements collectifs? Le logement social et le développement urbain font partie d'une même équation. On ne peut penser faire de développement stratégique de la ville sans inclure dans cette stratégie un chapitre pour le logement des moins fortunés. La mise en place d'un tel levier permettrait d'établir une corrélation directe entre le développement urbain et les coûts sociaux globaux associés à l'urbanisation du territoire.

Au chapitre des logements d'urgence, les récentes crises du logement ont démontré l'absence de moyens stratégiques d'intervention. Le Regroupement des offices recommande ainsi la création d'une banque de logements d'urgence qui serait administrée par les offices d'habitation. Rappelons que les offices d'habitation sont les organismes de dernier recours en habitation et qu'il serait hautement souhaitable qu'ils puissent intervenir rapidement lors des sinistres et que l'État puisse compter sur une telle banque de logements.

Le ROHQ est d'avis que l'État doit favoriser l'accès à la propriété des ménages à faibles revenus, entre 20 et 35 000 $, par diverses mesures fiscales dont celle préconisée pour l'accès à la propriété dans le document de réflexion de la commission. Il conviendrait toutefois de veiller à ce que ces mesures soient garantes d'une certaine pérennité à l'égard du maintien de l'actif patrimonial des nouveaux propriétaires en considérant la fragilité de leur situation économique de référence ainsi que la qualité du logement visé par l'acquisition. À ces mesures, nous proposons un volet du Programme d'accès à la propriété ? qui pourrait être des condos ? où les offices d'habitation pourraient être mis à contribution pour gérer les espaces communs. Les ménages à revenus modestes pourraient bénéficier ainsi de l'expertise de gestion des offices d'habitation.

Les offices municipaux, un rôle et des pratiques en évolution. Nous tenons également à souligner que les offices d'habitation ont vu leur rôle et leurs pratiques administratives évoluer depuis leur création. Leur lien privilégié avec les municipalités, la présence d'administrateurs bénévoles représentatifs de leur milieu et leur implication auprès des locateurs privés contribuent à faire des offices d'habitation des organisations de partenariat structurant dans le domaine de l'habitation. Les offices d'habitation sont soumis à des normes et des directives strictes de la part de la Société d'habitation du Québec. Cela garantit la transparence dans l'attribution des logements et dans la gestion des fonds publics qui leur sont confiés.

Mentionnons également que les pratiques de gestion des offices d'habitation se sont considérablement modifiées au cours des 20 dernières années. Le développement des associations de locataires, la mise en place de comités consultatifs de résidents, la participation des locataires et de représentants du milieu au conseil d'administration des offices, la formation et le perfectionnement des gestionnaires et administrateurs d'office ainsi que la participation des offices à des tables de concertation avec le réseau de la santé et des services sociaux témoignent de ces nouvelles pratiques.

Une clientèle que ni le secteur privé ni les autres acteurs du logement social ne veulent nécessairement héberger. L'État s'assurait ainsi d'un moyen unique d'intervenir en habitation en se rendant propriétaire d'un parc de logements important, permettant de stabiliser à long terme le taux d'efforts de milliers de ménages à faibles revenus. Rappelons que le parc de logements publics représente un patrimoine collectif de qualité qui dépasse les 2 milliards de dollars et qui constitue un apport économique important dans le milieu.

n(16 h 50)n

Plusieurs offices d'habitation gèrent pour le compte d'organismes sans but lucratif divers logements sociaux. Aussi, le Regroupement des offices d'habitation du Québec est d'avis que, contrairement à la proposition du document de réflexion qui propose de céder les habitations à loyer modique de certains petits offices en région à des organismes communautaires, on devrait plutôt au mérite... on devrait favoriser les initiatives d'ententes de gestion ou de regroupement au niveau régional.

Une cohésion nécessaire parmi les différents acteurs. La nécessité d'orchestrer la multitude des mesures d'intervention qui s'adressent à la problématique du logement social impose la définition d'un cadre de références spécifiques en matière d'habitation. Devant l'absence de coordination entre les intervenants, une politique d'habitation pourrait mieux orienter les diverses interventions et programmes d'habitation, prévenir les crises du logement et assurer un développement durable et intégré du secteur de l'habitation. Une telle politique permettrait également de mieux orienter les différentes ressources associées au domaine de l'habitation en fonction d'objectifs nationaux et locaux. En matière de droit au logement, l'adoption d'une politique d'habitation permettrait à l'État de se légitimer en se donnant, sinon une obligation de résultat, à tout le moins une obligation de moyen d'intervention.

On peut définir une politique d'habitation comme un ensemble cohérent de mesures adaptées et mises en oeuvre par l'État dont l'objectif principal consiste, au moyen de mesures d'intervention sur le marché du logement, à assurer un équilibre global entre l'offre et la demande dans le respect des normes de prix et de qualité fixées par un consensus social. Cette politique peut être articulée en fonction de différents types d'objectifs: des objectifs économiques, des objectifs qualitatifs et des objectifs redistributifs.

Une politique nationale d'habitation devrait préciser la place de l'État en habitation et sa nécessité d'intervention qui fait d'ailleurs consensus parmi les acteurs du domaine de l'habitation.

Le Président (M. Vallières): En terminant, s'il vous plaît.

M. Tanguay (Bernard): Pardon?

Le Président (M. Vallières): En terminant, s'il vous plaît.

M. Tanguay (Bernard): En terminant.

Le Président (M. Vallières): On a déjà dépassé le 15 minutes.

M. Tanguay (Bernard): On a déjà dépassé le 15 minutes. On pourra y revenir peut-être en répondant aux questions. On favorise naturellement la mixité. On favorise également, pour montrer toute l'importance du logement au Québec, la création d'un ministère de l'habitation et du développement urbain. On pourra y revenir, là-dessus, dans quelques minutes, si vous le souhaitez. Puis il serait souhaitable de développer une approche proactive de planification des développements du logement et du logement social au niveau local et régional.

Ça fait que c'est les principaux points qu'on voulait soulever. Je vais vous faire grâce de la conclusion, même si elle est importante. Tous les éléments qu'on vient de vous mentionner et d'autres que je n'ai malheureusement pas eu le temps de vous mentionner font partie du mémoire qu'on a déposé ici, à la commission, cet après-midi.

Le Président (M. Vallières): Alors, merci, M. Tanguay, d'autant plus... Je veux vous remercier, parce que vous êtes droit dans le document de réflexion, et c'est un peu ça qu'on recherche comme membres de la commission, des gens qui viennent nous dire qu'est-ce qu'ils pensent des propositions puis qui avancent également des propositions par rapport à ce que nous avons soumis.

Alors, oui, on va aller immédiatement dans le vif du sujet. Peut-être que certains sujets qui n'ont pas été abordés pourront l'être sous forme de questions. Alors, Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Puis j'ai trouvé ça justement extrêmement intéressant, en ce sens que vous nous amenez sur l'obligation que nous avons, dans chacune de nos régions... Et particulièrement, à la page 27 de votre mémoire, vous nous amenez sur l'obligation que nous avons de faire une planification locale et régionale du logement. Et des choses qui sont présentes dans le document qu'on a envoyé pour consultation aux gens, pour réflexion, à la page 49, il y a une évolution de la structure démographique qui est là, je pense qu'on n'y échappera pas, chacune des régions, d'où l'importance de faire en sorte que, dans chacune des régions, et même, je dirais, sur chacun des territoires de MRC, nous ayons une planification et que nous ne nous lancions pas tous azimuts dans 50 directions et que, dans quatre ans, cinq ans, on ait répondu, à court terme, à des problèmes, mais qu'on se ramasse avec un parc locatif ou des solutions qui n'ont pas d'allure par rapport à des clientèles qui vont être en grande demande.

Des choses qui m'ont vraiment frappées... bon, parce que Montréal, ce n'est pas Matapédia, ce n'est pas La Mitis, ce n'est pas la vallée de la Matapédia. Dans le document, on dit: Pour l'ensemble des régions, une grande partie de ce qui sera construit d'ici 2021 deviendra excédentaire par la suite. On dit aussi: La région de la Capitale-Nationale subira des pertes trois fois plus grandes que les gains qu'elle enregistrera d'ici 2021; plus 24 200 à court terme et moins 69 800 personnes à long terme. Les régions périphériques sont déjà en processus de décroissance, et je peux vous dire que, dans un comté comme le mien, on le sent. Et, nous, ce qu'on vit, c'est des problématiques par rapport à des clientèles de personnes âgées qui veulent être maintenues à domicile avec les services, qui veulent rester chez elles. Des clientèles aussi de personnes plus démunies. Alors, peut-être que, dans certaines régions, c'est des programmes davantage d'AccèsLogis, parce qu'on n'en manque pas dans le parc locatif, on en a. J'ai des villages où les maisons, c'est à vendre, à vendre, et on pourrait peut-être modifier ou...

Alors, moi, un des objectifs majeurs de cette commission... bien, pour moi en tout cas, comme députée, comme parlementaire, c'est d'avoir des actions de court, de moyen et de long terme parce que nous travaillons avec l'argent du public. Et, que ce soit au niveau du gouvernement du Québec ou au niveau des MRC... et souvent on ne fait pas... Et vous êtes les représentants des offices municipaux d'habitation, hein, et vous êtes présents. Dans mon comté, vous êtes présents, vous êtes au coeur de projets qu'on a dans des petits villages; dans Mont-Joli, Amqui, vous êtes présents. Et, moi en tout cas, avec les groupes de recherche technique, avec ATENA par exemple à Rimouski, vous êtes des partenaires importants.

Puis vous parlez dans une de vos recommandations, et je termine et je vous laisse... vous dites qu'il faut introduire des dispositions à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme visant à inscrire au contenu obligatoire des schémas d'aménagement régionaux la définition d'orientation d'aménagement et de développement spécifique au logement social et d'arrimer la Loi sur la Société d'habitation du Québec avec la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Alors, moi, c'est une préoccupation majeure d'utiliser au mieux les deniers publics, quels qu'ils soient, hein. Parce que, dans les projets dans les municipalités, on sollicite aussi les citoyens avec leurs taxes ou par une participation populaire, hein. Voilà.

M. Tanguay (Bernard): Par les taxes.

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Tanguay.

M. Tanguay (Bernard): Par une partie de vos taxes, c'est bien sûr, parce que ceux qui financent le logement social de type HLM, c'est les deux gouvernements ainsi que... Le déficit d'exploitation est supporté à 10 % par les municipalités. C'est pour ça qu'on est à la fois paragouvernemental et paramunicipal, parce que tous les niveaux de gouvernement s'impliquent au niveau du logement social.

Vous savez, on a joué beaucoup au pompier en matière de logement social au fil du temps et particulièrement dans les dernières années où vous avez vu des crises aiguës particulièrement dans des grands centres. Je ne dirai pas que c'est général au Québec, il ne faudrait pas paranoïer, mais on sait que la moitié de la population du Québec se trouve dans la grande région de Montréal, on sait les problématiques particulières que vivent toute la région de l'Outaouais et particulièrement la nouvelle ville de Gatineau.

Au meilleur des outils qu'on avait entre les mains, l'État, la Société d'habitation du Québec, avec la participation des offices, on a essayé de régler des problèmes aigus de personnes qui avaient de la misère à se loger. Mais là je pense qu'il faut passer à d'autres choses. Il faut garder le focus là-dessus. Cependant, la question du logement au Québec, à notre point de vue, est tellement importante que, d'une part, il faudrait... À notre avis, il faudrait que ça se traduise concrètement par une volonté politique du gouvernement du Québec de créer un véritable ministère de l'habitation et du développement urbain et allié au fait que le monde municipal, par l'intermédiaire des communautés urbaines ou les MRC, fasse du logement social une priorité au niveau des schémas d'aménagement.

Vous avez soulevé tantôt que la situation... aujourd'hui, on vit une situation x. Avec tout le jeu de la démographie puis du vieillissement de la population, on va vivre une situation y dans les années 2010, 2020, etc. Ça fait qu'il nous semble extrêmement important que non seulement au niveau du gouvernement, mais au niveau local, par l'intermédiaire des communautés urbaines, des municipalités et particulièrement des MRC, on fasse du logement une priorité au niveau des schémas d'aménagement pour que chacun des milieux puisse planifier son développement eu égard à toute la problématique du logement et du développement urbain. C'est bien sûr qu'il faut éviter, puis ça nous permettrait... cet outil-là permettrait d'éviter de mettre la même camisole de force à tout le monde parce que les situations sont différentes d'un milieu à l'autre. Le milieu d'où vous venez, madame, ils vivent des situations x, mais qui ne sont pas nécessairement les mêmes dans des milieux hautement urbanisés. Ça fait qu'à cet égard-là c'est un des volets, c'est une des recommandations sur lesquelles on insiste énormément.

Mme Doyer: Je vous remercie. Je trouve ça intéressant. Ça nous lance en plein dans la perspective que, moi, je recherchais, et probablement de mes collègues aussi, j'espère.

Le Président (M. Vallières): Bien. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Tanguay, M. Robitaille et M. Poulin, soyez les bienvenus. Merci pour la présentation de votre mémoire, un document bien documenté, hein, pour faire répétition, mais c'est pour appuyer sur la qualité du mémoire. Vous avez été assez efficaces pour soumettre des recommandations et aussi quelques commentaires sur le document de consultation qu'on vous a soumis.

n(17 heures)n

Ce matin, dans mes remarques préliminaires, j'ai précisé que c'était un document qui vise à lancer la réflexion, mais que ce n'était pas un document définitif, donc vous comprendrez que les propositions qui sont là sont pour débat et non pas pour adoption à ce stade-ci.

Vous avez également soulevé la dimension sociale de l'habitation. Quand on parle de logement social, à l'intérieur de «logement social», il y a une problématique aussi sociale, notamment la question de la désinstitutionnalisation, la question de la toxicomanie, etc., c'est-à-dire qu'on se ramasse de plus en plus avec des problématiques lourdes où non seulement il faut trouver un toit à se mettre sur la tête, mais il faut aussi s'occuper de la personne. Mais ça, ça rend les choses un peu plus compliquées, et c'est une dimension qu'il faudrait garder à l'esprit.

Définitivement, vous vous prononcez en faveur du contrôle des loyers. Donc, votre niche est faite, et pas question que l'on puisse, comme le soutiennent d'autres groupes, d'ailleurs, amener la Régie des logements à se retirer du contrôle des loyers. Vous soulignez à juste titre l'importance de l'innovation dans l'habitation, parce que ça pourrait amener à développer des nouvelles méthodes qui réduisent les coûts, parce que, dans le domaine de l'habitation, les coûts vont très, très, très rapidement. À la page 13, lorsque vous parlez de l'aide à la pierre et l'aide à la personne, vous avez fait une citation à la fin ? j'aimerais que vous puissiez élaborer là-dessus ? celle de Steve Pomeroy, qui parle de l'aide au logement ou l'aide au niveau du revenu. Est-ce que vous avez fait votre réflexion là-dedans? En insérant cette réflexion ici, est-ce que vous-mêmes, vous avez réfléchi là-dessus? Est-ce qu'il faut aider à la source la personne qui vit dans la pauvreté pour essayer de lui donner un supplément de revenu qui va lui permettre peut-être de vivre adéquatement, donc d'avoir à payer elle-même son logement, ou s'il faut y aller toujours par l'aide au logement directement?

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Tanguay.

M. Tanguay (Bernard): Je vais laisser la parole à mon collègue.

M. Robitaille (Denis): En fait, notre référence au niveau des mesures «aide à la pierre et aide à la personne», finalement, est à l'effet qu'il faut avoir une série de mesures diversifiées, et je pense qu'on ne sera pas les seuls intervenants à vous le dire cette semaine, finalement. Donc, l'intérêt, surtout quand on intègre l'approche du logement social dans une approche de lutte à la pauvreté, il faut le coller à un ensemble de mesures diversifiées au niveau du logement. Alors, la solution ne réside pas dans l'aide à la pierre et pas plus que dans l'aide au revenu. Et pourquoi on citait Pomeroy dans l'étude? C'est que les études de Pomeroy puis l'approche de Shlay et Galster, qui sont des auteurs qui se sont penchés sur ces problématiques canadiennes du logement, en arrivent à dire que, quand on en arrive à concentrer notre effort sur l'aide à la personne, on n'a pas nécessairement l'assurance que cette aide-là va à l'amélioration de la qualité du logement.

Et du côté du logement social ? évidemment on représente les offices d'habitation, donc on a un parti pris évident pour l'aide à la pierre, mais ? on a un parti pris pour l'aide à la pierre parce que l'équation qu'on y fait n'est pas dans un espace de relation de rapport d'économie du logement au niveau du prix du logement, mais dans son rapport de l'équation de qualité et prix du logement. Et c'est dans ce sens-là que cet arrimage-là d'aide à la pierre et de la personne est important, c'est dans ce contexte-là qu'on a mis la réflexion de Pomeroy à la page 13 finalement.

Mme Houda-Pepin: Oui, d'accord. Mais je vous comprends parfaitement et je vous suis quand vous dites que les besoins sont diversifiés, donc les solutions devraient être également diversifiées. On ne peut pas faire du mur-à-mur dans ça. Et, par exemple, juste la question de l'aide à la personne, le supplément au loyer, il ne peut fonctionner que dans un contexte où il y a une disponibilité de logements, c'est-à-dire... sinon, on peut bien donner des suppléments au loyer aux gens, mais s'il n'y a pas d'unités de logement disponibles, ils ne pourront pas s'en prévaloir de toute façon.

Et cela m'amène justement à la page 15 de votre mémoire, quand vous parlez du supplément au loyer et vous faites une affirmation. Vous dites que, après une période de 15 ans, l'investissement réalisé dans la construction de logements publics s'avérerait plus avantageux sur le plan économique que le programme de supplément au loyer. Autrement dit, si on aide une personne à ne payer que 25 % de son revenu au loyer pendant 15 ans, et si on construit une unité de logements, c'est plus économique de construire que d'aider la personne ? est-ce que je vous comprends? ? et, si oui, dites-moi sur quoi vous vous basez pour une telle affirmation.

M. Poulin (Claude): En fait, c'est, comme le dit notre mémoire, sur une étude que l'Association des offices ? donc, notre ancienne dénomination du Regroupement ? et l'Office des habitations de Montréal avaient réalisée au début des années quatre-vingt-dix. On pourra vous la déposer, d'ailleurs.

Mme Houda-Pepin: J'aimerais bien avoir une copie.

M. Poulin (Claude): Oui.

Le Président (M. Vallières): Pour tous les membres de la commission, là, s'il vous plaît.

M. Poulin (Claude): O.K. Et, à ce moment-là, ça...

M. Tanguay (Bernard): Parce que c'est important, hein.

M. Poulin (Claude): ...à ce moment-là ça démontrait effectivement une courbe qui fait en sorte que le supplément au loyer, entre 15 et 17 ans, dépendant des situations, fait en sorte qu'il peut coûter plus cher qu'un logement public. Et c'est normal, dans le fond, c'est la situation du locataire et du propriétaire. Lorsqu'on devient... Le logement public, ce matin, on a fait état dans... je crois que c'est dans le cadre de la présentation de la Société d'habitation, le président de la Société disait: Il y a des logements publics, des HLM, actuellement, qui s'autofinancent, bon, après une trentaine d'années. Et si on avait été dans le mode du supplément au loyer, c'est évident que ces logements-là ne s'autofinanceraient pas aujourd'hui ? donc, dans cet esprit-là ? parce qu'on continuerait à verser une subvention qui est de l'ordre d'à peu près 270 $ par mois, actuellement ? 260, 270 $, si ma mémoire est fidèle ? alors que, dans le logement public, dans ce cas-là, lorsque le temps a fait son oeuvre, on finit par, comme un propriétaire, avoir très, très peu de dépenses au chapitre de ce logement-là, et donc ça s'autofinance.

Et c'est dans cet esprit-là que l'étude avait été faite: pour démontrer que l'aide à la personne, oui, c'est intéressant dans certaines situations et à certains moments ? et d'ailleurs, on le dit dans notre mémoire, c'est complémentaire, même, au logement public ou à d'autres types de logements communautaires ? mais il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans ce panier-là et il y a des situations qui font en sorte que ce n'est pas intéressant nécessairement d'y investir à certains moments.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, l'explication est claire. Votre recommandation 2, à la page 16, vous dites: «Créer un fonds d'investissement du logement social accessible à tous les intervenants.» En fait, vous n'êtes pas contre l'idée, mais vous ne voulez pas que ce soit limitatif.

Il existe déjà, actuellement, un Fonds québécois de l'habitation communautaire, dont le rôle, justement, c'est de faire des montages, et trouver du financement, et investir davantage dans le logement social. Et vous, vous serez... À ce moment-là votre idée ce serait que le fonds communautaire entre dans ce fonds-là, qu'on ne créerait qu'un seul fonds pour l'ensemble des intervenants? Expliquez-moi votre idée, j'aimerais bien la comprendre.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. Tanguay? Non? Plutôt, M. Robitaille?

M. Robitaille (Denis): Oui, merci. En fait, on réagissait à une des propositions du document Gill et dans lequel on réagit favorablement à la création d'un fonds d'investissement, sans référence au Fonds québécois d'habitation communautaire, du tout, Mme la députée. On se situait dans le cadre de la recommandation qui a été faite par le document de réflexion de la commission, mais qui limitait l'accessibilité à ce Fonds aux organismes privés sans but lucratif, finalement. Alors, nous, en étant représentants des offices d'habitation, on vient vous dire, bien: Pour être conséquent avec la décision du gouvernement d'élargir le rôle des offices, depuis l'adoption de la loi n° 49, si la commission allait dans le sens de faire des recommandations pour la création d'un tel fonds, il faudrait que ce fonds-là soit aussi accessible aux offices d'habitation, puisqu'ils sont des intervenants majeurs dans le logement social. C'est dans ce contexte-là, que notre recommandation s'inscrit.

Mme Houda-Pepin: D'accord. À la page 17, vous parlez de la création d'une banque de logements d'urgence relevant des offices municipaux. Moi, il me semblait qu'il y avait déjà une banque de logements d'urgence qui est tenue par les offices municipaux. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas, je dirais, de banque commune et que chaque municipalité tient ses propres statistiques? Ce que vous souhaitez, vous, c'est une sorte de banque collective. C'est ça?

M. Tanguay (Bernard): Ce serait une banque collective qui serait administrée, entre guillemets, par les offices locaux, les offices d'habitation, mais dont les logements pourraient venir à la fois de ceux qui sont administrés par l'office municipal ou par le privé. Parce que la problématique que ça peut occasionner de dire: Oui, mais comment peut-on garder des logements vacants pendant toute une période donnée par mesure d'urgence? Poser la question, c'est y répondre. Dans le fond, ce qu'il faut faire, c'est de faire en sorte qu'il y ait, parmi la masse de logements disponibles sur un territoire donné, qu'ils viennent du privé ou qu'ils viennent de l'office municipal, qu'il y ait un certain nombre de logements qui soient disponibles ou accessibles pour des mesures d'urgence, pas un appartement lié comme tel à ça, mais une série de logements qui pourraient être disponibles, puis garder un certain nombre de logements, autant dans le privé que dans le public. Ça ne veut pas dire qu'ils ne seraient pas loués, mais il y aurait toujours... Du nombre de logements disponibles, on pourrait se servir de ces logements-là pour des mesures d'urgence, et chaque municipalité ou chaque MRC devrait faire le même exercice, celles qui sont directement concernées parce que ce n'est pas tout le monde qui l'est, là. Ce n'est pas un problème qui est aigu partout, là.

n(17 h 10)n

Mme Houda-Pepin: O.K. Je vois que vous insistez beaucoup ? et je suis entièrement d'accord avec vous, puisque je le réclame depuis déjà un bon bout de temps ? vous insistez beaucoup sur la politique d'habitation à juste titre, là, parce que vous voulez que tous les intervenants, et il y en a ? Dieu sait qu'il y en a beaucoup dans le domaine de l'habitation ? qu'on puisse, tout le monde, tirer dans la même direction quel que soit le courant par lequel on arrive à la table de concertation. Et je suis tout à fait de votre avis. Malheureusement, on est face à un gouvernement qui veut se faire tirer les oreilles.

Des voix: ...

Mme Houda-Pepin: Mais c'est vrai, c'est vrai. Ce matin, ça nous a été clairement dit. Mais je suis d'accord avec vous, c'est vraiment une nécessité. Il faut avoir une politique d'habitation pour ancrer un plan d'action dans cette démarche-là.

Je voudrais également savoir... Je sais que vous êtes très contents du projet de loi n° 49, ça vous donne des pouvoirs étendus, vous êtes capables maintenant d'intervenir dans le développement du logement social et du logement abordable. Pour ce qui est du logement abordable, vous avez déjà la main à la pâte. Qu'est-ce que ça donne, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées, s'il y en a, et quels sont vos pronostics pour la suite des choses? Parce que c'est un programme qui doit se réaliser sur deux ans. Donc, les échéances sont très serrées, les argents sont là pour une fois. Hein, pour une fois l'argent est là. Alors, dites-moi où est-ce que vous en êtes et comment ça se présente.

M. Tanguay (Bernard): Bon, disons qu'il y a plusieurs de nos offices qui sont à élaborer... Vous savez, ça ne se réalise pas dans deux semaines, hein! On voudrait bien que tout soit fait, là, dans l'espace de quelques mois, mais ce n'est pas évident de livrer pareille commande, là, dans très, très peu de temps. Mais la majorité de nos gros offices ont des projets sur les planches à dessin; certains même ont déjà commencé. Ça va bien. On a encore espoir d'être capable de livrer la commande que le gouvernement nous a demandée de livrer à cet égard-là. Je pense que nos offices sont très proactifs.

Quant aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer, je laisserais davantage peut-être mes deux collègues, qui sont davantage sur le terrain, peut-être vous...

M. Robitaille (Denis): Bien, peut-être dire que, d'entrée de jeu, on prêche par exemple parce qu'un des premiers gestes qu'on a faits comme regroupement au niveau du Programme de logement abordable, ça a été créé un atelier de préparation et de chantier de concert avec la SHQ, et même, l'AGRTQ est venue faire une intervention en termes d'offres de service pour préparer justement les offices sur le terrain à vraiment aborder comme il faut ce projet, bien en maîtriser les paramètres de telle sorte qu'on présente des projets qui aillent rapidement dans le système. Donc, c'est un exercice qui s'est tenu au mois de septembre et qui a réuni plus de 44 offices à travers le Québec. Donc, de ce côté-là, effectivement, on a bon espoir que...

Il y a quand même une synergie qui s'est créée. À date, il y a plus d'une douzaine d'offices qui ont négocié des ententes de service avec des GRT pour mettre sur pied des projets dans le cadre de Logement abordable, ce qui est quand même intéressant, finalement, donc qui démontre... c'est des aspects du mémoire qu'on a abordés un peu rapidement. Mais au niveau de la mixité des usages et des tenures et des différentes formes d'intervention dans le logement social à travers ces volets-là, c'est des choses auxquelles, le ROC, on est partisan.

Il est certain que les cibles de Logement abordable touchent d'abord les régions du Québec où le taux d'inoccupation est à 3 %. Alors, je vous dirais que c'est de ces deux-là que nos cibles s'orientent. Par contre, il faudra éclaircir, en termes de difficulté, une certaine interprétation, puisque 3 % c'est un terme qui est assez générique. Je prends le comté de Matapédia, par exemple ? on était à Matane, la semaine dernière, dans le cadre d'un colloque effectivement ? dans le cas du Logement pour familles, peut-être qu'on a un taux de vacance qui est à 8 %; dans le cas du logement pour ménages seuls ou personnes âgées, peut-être que le taux de vacance est beaucoup moins élevé. Alors là, il y a des critères de ces dimensions-là.

Il y a des aspects un peu plus techniques que la commission a évoqués ce matin avec les gens de la Communauté métropolitaine de Montréal au niveau de certains paramètres: zonage, bon, décontamination, mais je pense que tous les intervenants travaillent à faire en sorte que ce programme-là soit livré avec les objectifs auxquels il est livré.

Mme Houda-Pepin: Mais, vous, vous...

Le Président (M. Vallières): C'est que là on a terminé.

Mme Houda-Pepin: Le temps est terminé, O.K., d'accord. Malheureusement, on n'a plus de temps, mais...

Le Président (M. Vallières): J'arrive à vous, là.

Mme Houda-Pepin: Oui, oui, certainement.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Alors, M. le Président, Claude Pinard, député de Saint-Maurice. Vous avez parlé tout à l'heure de l'organisation que vous avez tenues en septembre avec les différents offices municipaux d'habitation. Lorsque des offices municipaux d'habitation mettent de l'avant des projets, quel est le pourcentage de vos offices membres qui font affaire avec des groupes de ressources techniques? Est-ce que c'est 100 % ou si c'est un nombre beaucoup plus réduit? À l'oeil, là.

M. Robitaille (Denis): Écoutez, il y a 472 offices qui sont membres. Mais je pense qu'il ne faut pas le regarder dans cette perspective-là, si vous me le permettez, puisque la problématique, au fond, de la crise du logement se vit dans peut-être une vingtaine de villes de concentration; donc elle touche de façon peut-être un peu plus précise une vingtaine d'offices. Et je vous disais: Déjà, il y en a 12 qui ont fait affaire avec... une douzaine qui ont approché, pour différents mandats ? ce n'est pas des mandats nécessairement qui sont clés en main mais ? des groupes de ressources techniques.

Il y a des offices aussi. Il faut comprendre que des offices comme Québec et Montréal travaillaient déjà en collaboration avec des groupes de ressources techniques dans différents projets. Mme la députée de Matapédia a cité le cas de Mont-Joli tout à l'heure qui, dans le cadre d'un AccèsLogis, a fait affaire avec un groupe de ressources techniques. Je sais que c'est le cas à Lévis aussi. Alors, il faut le regarder. On ne peut pas le regarder dans l'ensemble des 472 offices qui sont membres chez nous parce que, là, ça ferait un pourcentage qui est assez ridicule à ce niveau-là. Je pense qu'il faut le regarder projet par projet.

Il y a une expertise aussi qui est développée au sein de certains offices de plus grande taille, il faut se l'avouer, qui ont développé leur propre expertise de consultants et qui vont mener à terme certains projets. J'ai l'impression que, dans le logement abordable, on va avoir une variété de... une espèce d'éventail d'interventions allant du clé en main jusqu'à... le tout fait en Régie, si on veut.

M. Pinard: Dans votre mémoire, où le Regroupement des offices d'habitation du Québec est en désaccord avec l'avenue de solutions suivantes, à savoir: transférer le parc de logements sociaux des administrations municipales aux organismes communautaires en logements, et ce, principalement aux groupes de ressources techniques. Pourquoi?

M. Robitaille (Denis): C'est à quelle page de notre mémoire?

M. Pinard: Non, c'est un... nous aussi, on a un service de recherches.

Mme Houda-Pepin: Moi, je vais vous dire à quelle page.

M. Robitaille (Denis): Mais je ne pense pas qu'on le dise comme ça, par exemple. Ha, ha, ha!

M. Pinard: Écoutez, ce n'est probablement pas votre mot à mot. Ce n'est probablement pas votre mot à mot, mais c'est ce que les membres de la commission ont compris à la lecture de votre mémoire.

M. Tanguay (Bernard): Si c'est ça que vous comprenez, on va préciser des...

M. Pinard: Alors, pourrais-je avoir des explications?

M. Tanguay (Bernard): On va préciser des choses là. Écoutez, le parc de logements publics au Québec...

Mme Houda-Pepin: D'ailleurs, ce n'est pas ce que les membres ont compris, c'est ce que le député de Saint-Maurice a compris. Ha, ha, ha!

M. Tanguay (Bernard): Ah bon.

M. Pinard: C'est probablement ma déformation de maire, madame.

M. Tanguay (Bernard): Écoutez, au niveau du logement social, on le sait... On ne prétend pas, nous, les offices municipaux d'habitation, qu'on a le monopole puis qu'on a non seulement des idées mais les logements. Il y a plusieurs intervenants qui s'occupent de logement social au Québec, on l'a dit tantôt, d'où l'importance d'avoir une politique de développement social du logement social au Québec qui va faire en somme que les différents intervenants en matière de logement social puissent travailler ensemble.

Les offices municipaux ont fait la preuve de leur qualité de gestionnaires de ces logements-là. On le sait, il y a au-delà de 60 000 unités de logement au Québec qui sont gérées par des offices municipaux d'habitation et, à ce que je sache, jusqu'à ce jour, il n'y a jamais personne qui a remis en question la qualité de l'administration que les offices font. D'ailleurs, je dirais même que les offices ont su s'adapter au fil du temps. Les premières années puis à aller jusqu'à tout récemment, ce qu'on gérait, à peu près, c'était du béton. On gérait du béton puis on s'en allait avec ça.

Bien, aujourd'hui, c'est les offices eux autres mêmes qui viennent vous dire qu'on ne peut plus seulement gérer du béton, parce que les problématiques sont beaucoup plus larges, puis on a donné des exemples à l'intérieur du logement. 30 années d'expérience de gestion de logements sociaux publics au Québec, ce n'est pas du menu fretin, c'est important. Puis il faut s'appuyer sur ces ressources-là, sur ces organismes-là pour être capables de continuer de voir au développement du logement social à Québec. L'expertise a été démontrée puis ce serait une erreur stratégique de l'État de prendre tous ces logements-là puis de les confier à l'entreprise privée, sociale ou autrement là, alors qu'il y a une expertise considérable qui a été développée au fil du temps. C'est le principal point.

M. Pinard: Vous n'insistez pas aussi sur l'imputabilité?

M. Tanguay (Bernard): Oui, l'imputabilité c'est important. Comme je l'ai dit tantôt, on est à la fois paragouvernemental et paramunicipal. Bien sûr que les locataires paient une partie du logement suivant les paramètres que vous connaissez très bien, mais les municipalités puis les deux niveaux de gouvernement injectent des fonds extrêmement importants là-dedans, puis à cet égard-là... puis les conseils d'administration, c'est des organismes publics. La majorité des conseils d'administration d'offices il y a des élus municipaux qui y siègent, c'est quand même important, lesquels eux autres mêmes sont imputables devant leur population. Et ces gens-là sont prêts à continuer de relever le défi d'administrer convenablement non seulement ces logements-là, mais les personnes qui y habitent, en leur donnant des services de qualité qui répondent à la réalité des années 2000.

n(17 h 20)n

M. Pinard: Actuellement, avec l'expérience que vous nous donnez, une expérience de 30 ans, mais peut-être davantage dans les 10, 15 dernières années, est-ce que la plupart des membres, des 472 membres qui composent votre Regroupement, est-ce que vous sentez chez vos membres davantage d'expertise actuellement pour traiter de cette question-là ou encore si vous sentez que, majoritairement, les membres ne sont pas encore tout à fait prêts pour avancer dans la problématique que nous vous soumettons?

M. Tanguay (Bernard): Je ferais une nuance, je dirais, un petit peu pour illustrer la situation. D'abord, quand on dit qu'on représente 472 offices, ce qu'il faut comprendre, c'est que la majorité des offices d'habitation à Québec sont membres du Regroupement. Le Regroupement, comme je l'ai mentionné là-dedans, ce n'est pas juste un organe de nature purement politique qui fait des représentations auprès du gouvernement; on dispense énormément de services et, entre autres, on va dispenser des services de formation, de suivi, de gestion, etc. Puis pourquoi? Bien, c'est fort simple: les gros offices sont bien structurés en général; ils ont les ressources humaines pour être capables de réaliser divers mandats. Mais la majorité des offices ? parce qu'on est présents partout sur le territoire ? vous le savez, il y a des offices municipaux qui gèrent à peu près 10 unités, 20 unités, 30 unités, 50 unités. Ces gens-là n'ont pas le moyen de se permettre d'engager des ressources pour accomplir tous les différents mandats. À cet égard-là, le Regroupement des offices a un rôle de soutien extraordinaire vis-à-vis de cette catégorie de membres là et même vis-à-vis de nos plus gros membres par des services de formation puis des services juridiques qu'on dispense, de développement, etc.

Mais conclusion: oui, les gens, ils sont prêts, mais ils ont besoin de soutien, et à cet égard-là, le Regroupement des offices est là pour ça. La Société d'habitation du Québec également joue un rôle important à cet égard-là, et quand il s'agit de mettre en oeuvre certains projets, non seulement le Regroupement des offices, mais on travaille en collaboration avec les GRT, etc. Ça fait que, finalement, au fil du temps, on s'est donné un réseau qui permet d'être capable de réaliser et de faire face au mandat et aux défis auxquels nous devons faire face.

M. Pinard: Donc, les GRT, pour vous, constituent un organisme de soutien.

M. Tanguay (Bernard): Absolument, oui. C'est un organisme qui... Pardon?

Une voix: C'est un partenaire.

M. Tanguay (Bernard): C'est un partenaire. C'est un partenaire des offices.

M. Pinard: Tout à fait indispensable? Tout à fait indispensable?

M. Tanguay (Bernard): Bien, je pense que, dans le contexte actuel, pour beaucoup d'offices, ils ont besoin des GRT pour réussir à réaliser des mandats, des projets. S'ils n'existaient pas, il faudrait les remplacer par quelque chose d'autre, hein!

Le Président (M. Vallières): Merci. Ça complète l'échange. J'oserais quasiment vous demander la permission d'y aller avec une très courte question, pour une très courte réponse, en empruntant sur le temps du député de Saguenay. Alors, concernant le Programme de supplément au loyer, selon vous, serait-il préférable qu'il soit accordé au ménage plutôt qu'au logement? Est-ce que vous y voyez une distinction importante et des avantages ou non?

M. Poulin (Claude): Actuellement, évidemment, on a un supplément qui est relié au loyer. Lorsqu'il est lié au logement, en fait, le désavantage, c'est qu'on force les gens à aller dans un logement, un peu comme on le fait dans le logement public, à aller dans un logement X. L'avantage de le relier, de relier un supplément comme tel à la personne, bien, la personne a le choix de son logement. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut avoir les deux formules. Je reviens encore à la notion de diversité dont on parlait tout à l'heure, la multiplicité des tenures et des formules. Je pense qu'on devait avoir des suppléments dans le mode où les gens ont le choix et des suppléments où, effectivement, comme dans le cadre des 7 000 ententes qu'on a avec le secteur privé actuellement, les offices d'habitation, où on désigne des logements à l'intérieur d'un logement précis.

Il n'y a pas de formule, à mon avis, unique. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients. On le voit actuellement que les inconvénients de la formule supplément au loyer privé ? on l'a dit tout à l'heure ? dans une période de pénurie de logements, c'est très difficile de trouver des propriétaires intéressés. Peut-être qu'on pourrait subventionner directement des gens dans le loyer qu'ils ont choisi ou où ils sont actuellement. Ce serait plus facile, voyez-vous? Il faut s'adapter au moment également, et c'est là que ça devient très important d'avoir des mesures, des programmes le plus diversifié possible, pour répondre à des besoins dans le temps, qui évoluent rapidement ? vous le savez aussi bien que moi ? et, en tout cas, c'est dans cet esprit-là.

M. Robitaille (Denis): Est-ce que vous permettez un complément de réponse? Il est essentiel cependant, en tout cas, vu dans le prisme du logement social, qu'il y ait, et je le répète, une équation entre la qualité du logement et l'aide. Alors, c'est certain que, quand on dirige le supplément au loyer vers un logement, il y a un certain contrôle de qualité de logement qui est adressé. Quand on le dirige à la personne, ce n'est pas certain que cette aide-là se transfère directement de façon qualitative au niveau du logement. Donc, un programme de supplément au loyer qui se dirigerait vers la personne devrait au moins avoir certaines mesures de qualité du logement, et à long terme, puisque c'est ça qui est gagnant en termes de réinsertion sociale. Et quand on intègre la question du logement sans une politique nationale puis une politique sociale à long terme, on voit que la qualité du logement est importante.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Merci de votre présentation et de vos échanges. Je demanderais maintenant aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités de bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Vallières): Alors, j'inviterais donc les gens représentant la Fédération québécoise des municipalités à s'identifier. Je sais que M. Giroux est du groupe, alors identifiez peut-être la personne qui vous accompagne et procédez dans les 15 prochaines minutes. M. Giroux.

Fédération québécoise
des municipalités (FQM)

M. Giroux (Michel): Oui, je vous présente Mme Marie-Joëlle Brassard qui est conseillère en recherche et développement à la Fédération québécoise des municipalités, et moi-même qui est maire de Lac-Beauport, un préfet de la MRC de la Jacques-Cartier et vice-président à la Fédération. Alors, M. le Président, merci.

D'abord, nous avions produit, la semaine dernière, un texte préliminaire. Nous avons complété nos consultations aujourd'hui, et nous avons fait livrer un texte corrigé qui ne comporte pas nécessairement de changements majeurs, mais qui, je pensais, méritait d'être adapté en fonction de ces nouvelles donnes.

Alors, évidemment, la voie par laquelle nous approchons toute cette question est une voie qui est un peu différente du document de consultation que vous avez déposé. Évidemment, le document en question porte beaucoup sur la pénurie de logements à Montréal et à Québec ou dans les grandes villes, dans les villes de plus de 10 000 habitants, alors que l'objectif de la Fédération québécoise des municipalités, dans ce mémoire, est, dans un premier temps, d'alimenter la commission sur les réalités vécues en région en matière d'habitation sociale, plus particulièrement sur les situations avec lesquelles les plus petites municipalités sont aux prises.

Alors, la Fédération veut également s'assurer que les différents programmes de développement de l'habitation et les mesures de support soient adaptés aux régions. Alors, les principaux programmes de soutien au logement social et communautaire que nous commenterons sont l'AccèsLogis, le programme abordable Québec, le RénoVillage Québec, et nous ajouterons une voie nouvelle à explorer, nous croyons, soit le soutien pour accéder à la propriété privée dans les petites municipalités, et ce, pour les familles à revenus modestes.

Alors, un programme de logement social ne doit pas avoir pour seul objectif, selon nous, d'offrir un logement aux personnes et aux familles aux prises avec des difficultés économiques. Vivre dans une situation de dépendance et de difficultés économiques conduit le plus souvent à l'isolement qui perpétue l'exclusion sociale des personnes démunies. La précarité occasionne un ensemble de situations qui affectent toutes les dimensions de la vie dans son ensemble sur les plans de la santé, du transport, de l'accès à l'éducation et à la formation. Alors, l'intégration des personnes et des familles à leur communauté est essentielle pour reconnaître et valoriser les capacités. Dans le fond, pouvoir gérer et décider de son propre habitat, selon nous, c'est pouvoir décider de la qualité de son propre espace de vie. C'est une démarche d'apprentissage et de valorisation qui accroît l'autonomie et conduit à une ouverture sur son milieu.

n(17 h 30)n

Alors, des réseaux d'entraide se construisent alors qui sont fondés sur la confiance et le soutien mutuel, ce qui a un impact structurant sur le milieu environnant. Il a été démontré que la cohésion et un climat social de confiance ont un effet d'entraînement sur la réussite économique et la création de milieux innovateurs et le bon gouvernement. Le logement social peut donc être un levier qui permet aux personnes de développer leur autonomie en prenant en charge leur condition de logement. Cet apprentissage collectif peut dès lors s'étendre à plusieurs sphères de la vie de la communauté: santé, éducation, garderie, etc.

La problématique du logement social vécue en région se pose autrement qu'en milieu urbain. En région, les personnes âgées quittent de plus en plus leur milieu d'origine, puisqu'ils n'ont pas les ressources nécessaires sur place, notamment en matière de santé et de transport. Aussi, souvent, des jeunes familles qui pourraient bénéficier de ces maisons sont dans l'impossibilité de se les procurer, disposant de revenus trop faibles. Le départ des aînés fait en quelque sorte que des maisons qui auraient avantage à être restaurées, faisant partie du patrimoine local, risquent d'être négligées et délaissées. Par ailleurs, pour garder les aînés dans leur communauté, plusieurs municipalités et organismes communautaires se tournent vers les programmes d'habitation sociale pour mettre en place un projet adapté à leurs besoins: services de santé, transport, etc.

Or, malgré le fait que ces projets puissent s'autofinancer, et ça arrive, les programmes sont souvent inapplicables pour les plus petites municipalités, et très souvent. Pourtant, peu de programmes abordent la question du logement social selon une approche intégrée qui tient compte de l'ensemble de la communauté. Par exemple, si les maisons des aînés étaient achetées pour être rénovées et constituées en coopératives d'habitation, les familles à revenus modestes pourraient y accéder. La municipalité gagnerait en population, consolidant ainsi par le fait même l'école, stimulant de la vie sociale du milieu, et les services et les commerces locaux. Parallèlement, les municipalités et les organismes du milieu pourraient mettre en place des lieux d'accueil pour les aînés.

Alors, pour compléter le portrait régional, on constate aussi une hausse du nombre de familles monoparentales, qui s'est traduite par une baisse des revenus par ménage. À cela s'ajoute l'exode des jeunes qui fait en sorte que les départs se font maintenant par les deux bouts. Pour terminer, mentionnons le phénomène de désinstitutionnalisation des personnes qui vivent des problèmes de santé mentale dont résultent des besoins accrus en matière de logement. Ces besoins pour les personnes se doublent de la nécessité de vivre dans une communauté où elles pourront s'intégrer.

Ainsi, nous croyons que l'habitation sociale doit être envisagée comme un levier de développement pour la communauté. Il permet d'améliorer la qualité de vie de ses résidents, de répondre aux besoins des jeunes familles en matière de logement de qualité et de garder les personnes âgées dans leur milieu d'origine. Collectivement, l'habitation sociale et communautaire est un moyen privilégié pour conserver la diversité des groupes que sont les familles, les personnes âgées et les personnes seules et retraitées. Pour cela, les programmes disponibles doivent permettre une représentation plus élargie de résidents dont les strates de revenus varient.

Alors, pour ce qui est des programmes, il y a celui d'AccèsLogis qui a été lancé en 1997 par le gouvernement du Québec et reconduit en 2002. Alors, il y a également Logement abordable Québec et le programme RénoVillage qui portent sur la rénovation de leurs habitats par des familles moins nanties qui sont déjà propriétaires. Alors, nous allons présenter ces programmes. Je vais passer très rapidement sur celui de Logement abordable Québec, mais je vais parler particulièrement des deux autres.

AccèsLogis Québec est un programme qui favorise l'implication des organismes du milieu, publics et communautaires, afin de réaliser des logements sociaux abordables. Les personnes ciblées sont des ménages à revenus faibles ou modestes ou qui font face à des besoins particuliers en habitation. Pour bien cerner la problématique rencontrée dans les municipalités dans ce programme, il est nécessaire de rappeler les critères qui le régissent pour ensuite poser le problème de son application en région. Cette démonstration permet de comprendre pourquoi le programme pourrait être mieux adapté aux petites municipalités.

Alors, je passerai rapidement sur les différents volets, que vous connaissez très bien. Il y en a deux, par exemple, de ces volets-là ou de ces conditions-là, soit la mise de fond de 15 % minimum qui doit être versée par l'organisme promoteur, qui peut être souvent une municipalité ou un OBNL du milieu, et ce, pour les trois volets d'ailleurs... et un prêt hypothécaire de l'organisme doit compléter le financement, mais tout ça à un coût, le coût du loyer, entre 75 et 95 % du loyer médian. C'est donc un loyer moyen qui est établi par la Société d'habitation du Québec. Alors, le programme exige aussi que le coût du loyer payé par les bénéficiaires n'excède pas 95 % du coût du marché, l'expression consacrée étant loyer médian, comme je vous le disais. Alors, hors le fait que les revenus de loyer sont généralement plus bas en région, ce qui réduit la capacité d'emprunter du groupe porteur du projet, c'est difficilement conciliable avec le fait que les coûts de construction des logements dans les régions sont plus élevés. Alors, ils sont, en effet, supérieurs de 10 à 15 % souvent, dépendant de l'éloignement, et, dans des cas comme la Basse-Côte-Nord ou l'île d'Anticosti, ce taux peut atteindre même 40 % selon les chiffres que nous avons pu obtenir. Alors, les municipalités, quant à elles, elles jouent un rôle important, puisqu'elles appuient souvent les groupes qui réalisent des projets d'habitation et elles investissent financièrement ou rendent des terrains disponibles. Généralement, les municipalités concluent une entente d'ailleurs avec la Société d'habitation qui leur délègue alors le programme de gestion du programme, je veux dire la gestion du programme.

Alors, première contrainte dont je vous parlais: construire à un coût plus élevé alors que la capacité d'emprunter est plus faible pose un premier problème quant à la faisabilité des projets. La réalisation est freinée, puisqu'il devient difficile d'obtenir une participation financière du milieu correspondant au manque à gagner. Conséquemment, la contribution du milieu demandée par la SHQ s'élève généralement... excède généralement le taux de 15 % minimum. Ainsi, en Estrie, par exemple, les taux requis par le milieu pour tous les projets d'habitation sociale construits depuis les débuts du programme jusqu'à récemment, en octobre 2001, atteignaient 21 % pour le volet 1, 30 % pour le volet 2 et 37,5 % pour le volet 3. Un autre exemple est celui du Centre-du-Québec où les contributions du milieu, depuis le début du programme, ont atteint un taux moyen de 33,3 % et 20,6, et aucun réalisé pour le volet 3. Généralement donc, les taux oscillent entre 25 et 35 % des coûts de réalisation du projet.

Autre contrainte, l'implication financière qui est plus élevée dans les petites municipalités. Alors, la taille des projets d'habitation est de moindre envergure que dans les centres urbains. La construction de projets d'habitation engendre donc une économie d'échelle également moindre. Il en résulte que les coûts de réalisation du projet d'habitation sociale sont presque toujours supérieurs à ceux qui sont prévus par la Société d'habitation. La situation est la même pour les frais d'opération de l'immeuble qui sont souvent similaires quelle que soit l'ampleur du projet.

Alors, un dernier facteur qui accroît l'implication du milieu dans les centres est la possibilité pour Montréal et Québec de cumuler des programmes adaptés à leur réalité, et nous référons ici au programme de rénovation des vieux quartiers, aux subventions offertes dans le cadre de quartiers ciblés comme à Saint-Roch ici, à Québec. Alors, ce cumul de programmes fait en sorte d'abaisser la contribution du milieu dans les centres urbains, alors que, dans les régions, on ne dispose pas de tels facilitateurs. Dans le programme maintenant RénoVillage, qui a été mis en place en 1998, ça touche l'ensemble du territoire des municipalités de moins de 5 000 habitants ainsi que le secteur non desservi par un réseau d'aqueduc ou d'égout dans les municipalités de 5 000 habitants et plus. RénoVillage vise à aider financièrement les ménages à faibles revenus ou modestes en milieu rural à effectuer des réparations essentielles à la maison ou au logement dont ils sont propriétaires et qui leur sert de résidence principale. Alors, l'aide apportée peut atteindre 90 % du coût des travaux admissibles ou, je pense, jusqu'à 6 500 $. Vous connaissez ces programmes-là. L'admissibilité au programme repose sur deux critères: l'évaluation de la maison puis le niveau du revenu des ménages. Alors, d'une part, pour être admissible, vous connaissez l'évaluation, qui est à 35 000 $ et qui peut aller jusqu'à 45 000 $ dans le cas de... quand certaines MRC peuvent le fixer en vertu de la situation régionale. D'autre part, pour bénéficier du programme, un ménage constitué de deux à trois personnes ne doit pas dépasser 30 000 $ de revenu familial par année, ce qui est très faible, vous allez en convenir. De plus, le taux de subvention est dégressif, de sorte qu'avec la hausse du revenu du ménage, le taux offert diminue rapidement.

Alors, malgré la pertinence, dans le fond, de ce programme, les municipalités soulèvent une contrainte du programme qui porte sur le niveau d'évaluation des maisons. En effet, plusieurs municipalités arrivent difficilement à trouver des candidats au programme parce que l'évaluation de leur maison est souvent plus élevée que ce que permet le programme. On l'a dit, entre 35 et 45 000, là, ce n'est pas vraiment élevé. La situation est la même en ce qui a trait au niveau de revenu des ménages admissibles qui ne peut dépasser 30 000. La rénovation de la résidence est rendue d'autant plus difficile que l'effort financier de ces ménages dans ces situations particulières est très, très important, étant donné que le revenu est très bas. Compte tenu de la pertinence de ce programme, il serait intéressant d'élargir l'admissibilité à une clientèle plus large. Il va sans dire que, dans ce cas, le niveau des revenus admissibles comme le niveau d'évaluation de la résidence devront être haussés en même temps, les deux critères, selon nous, étant en relation directe.

Nous pensons qu'il y a lieu également de lancer une idée de rénover et d'avoir un nouveau programme d'accession à la propriété en région. Être propriétaire d'une maison, comme je vous le disais, est un facteur qui joue un rôle important pour accroître le sentiment d'appartenance à une communauté, lequel se traduit par une stabilité plus grande des familles, une implication plus active au développement du milieu. Alors, actuellement, il est difficile pour les familles à revenus modestes d'accéder à la propriété privée sans soutien financier additionnel. Ce sont ces mêmes familles qui risquent de rencontrer des besoins en matière d'habitation et d'utiliser des programmes de soutien locatif.

Alors, les petites municipalités ont l'avantage d'avoir sur leurs terrains des résidences dont les coûts d'achat sont plus faibles que dans un centre urbain. Par ailleurs, sauf quelques exceptions, le marché de l'offre est généralement plus élevé en région que celui de la demande. Et voilà un avantage qui favorise l'acquisition d'une résidence par les ménages... qui ne favorise pas... en tout cas, à faibles revenus. Un programme d'acquisition d'une nouvelle maison ou d'achat-rénovation pourrait s'adresser aux ménages à faibles et moyens revenus, incluant l'achat du terrain, et pourrait se traduire par un taux d'hypothèque, par exemple, fermée, à long terme, variant de 0 à 5 %, selon la taille de la famille, la zone géographique concernée et le niveau de revenus. Pour financer ce programme, le gouvernement pourrait mettre en place un fonds d'investissement en habitation qui serait consacré à alléger le taux hypothécaire ou à contribuer au montant de l'achat d'une résidence.

n(17 h 40)n

Si le gouvernement convient qu'il est opportun de mettre en place un tel programme, c'est à lui de décider, nous suggérons que les priorités soient définies par chaque MRC à partir d'un budget décentralisé. Et vous trouverez d'ailleurs, annexée au projet en mémoire, une résolution en ce sens qui a été adoptée par l'assemblée générale de membres de la FQM le 28 septembre dernier.

Alors, les recommandations, dans le fond, tiennent compte de l'analyse, soit:

Que les MRC soient mandatées pour établir une planification en développement des logements sociaux, incluant une stratégie répondant aux besoins spécifiques des municipalités. Une planification financière avec gestion et budget décentralisés aux MRC suivrait. Elle devra favoriser la diversité des clientèles et la mixité des catégories de personnes et de familles rejointes. Et également il faudra que le gouvernement instaure une mesure pour dispenser une formation aux groupes promoteurs, municipalités et groupes communautaires, portant sur le fonctionnement des programmes et sur les impacts de l'habitation sociale dans une petite municipalité; que cette formation soit offerte, par exemple, par les groupes de ressources techniques en habitation, les GRT, présents sur chaque territoire régional en collaboration avec la FQM.

Que le gouvernement modifie le programme d'AccèsLogis dans une approche intégrée pour qu'il puisse répondre aux besoins de mixité des clientèles des personnes âgées et des familles dans les petites municipalités. Ce programme présenterait deux volets qui sont d'abord la mise en place d'une coopérative ou d'un OBNL pour acquérir des maisons que les personnes âgées prévoient quitter en vue de les rénover pour les rendre disponibles aux familles. Le programme devra être en matière de soutenir également les familles à revenus modestes qui habiteront la coopérative. Deuxième volet, pour répondre aux besoins accrus en matière d'habitation pour personnes âgées dans les petites municipalités, les maintenir dans leur milieu d'origine, il faut donc favoriser la construction de logements nouveaux pour les personnes en perte d'autonomie, avec services afférents, tout en favorisant un taux de contribution du milieu qui n'excède pas les taux de 15 % minimum prévus. Ajouter un programme d'AccèsLogis pour les familles à revenus moyens adaptés aux petites municipalités.

Finalement que le gouvernement élargisse l'admissibilité au programme RénoVillage, tant par une hausse des revenus admissibles que par une hausse des valeurs des résidences admissibles, et que le gouvernement revoit pour le programme d'AccèsLogis, l'application du taux d'effort plus imposant dans les petites municipalités en accordant des montants supplémentaires en proportion des coûts réels de construction.

Et enfin que le gouvernement mette en place un programme d'accès à la propriété de maison unifamiliale pour que les familles à revenus modestes soient en mesure d'accéder à la propriété. Dans cette optique, que le ministère mette en place un fonds d'investissement régional consacré à soutenir les projets d'habitation pour alléger le taux hypothécaire ou contribuer au montant d'achat d'une résidence.

En conclusion, les actions en matière d'habitation, comme je vous le disais, sont porteuses de développement et elles tiennent compte de toutes les catégories sociales et d'une mixité des clientèles. Par ailleurs, on sait que les municipalités et les organismes communautaires sont déjà très impliqués dans les projets de développement social. Cependant, les programmes sont souvent inappropriés aux réalités des petites municipalités, et le logement social est un outil de développement pour nous et pour les localités en région dans la mesure où les programmes répondraient mieux à leurs besoins et à ceux de leurs citoyennes et de leurs citoyens. M. le Président, merci.

Le Président (M. Vallières): Merci de votre présentation. M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Merci. Alors, M. le maire, bonjour. Dans votre mémoire que j'ai suivi avec vous attentivement, vous mentionnez qu'un des problèmes majeurs que vous vivez actuellement, c'est le fait que les aînés se doivent de déserter ni plus ni moins leur lieu d'appartenance. Et les jeunes également. Vous vivez aussi le problème d'une évasion de la part des jeunes qui ont été mis au monde dans le village ou dans la municipalité, qui ont vécu, qui ont fait leur école primaire, secondaire, mais que bien souvent, et ça, ça ressort très fort dans le mémoire, c'est que, rendus à un certain âge, les jeunes doivent quitter et ne reviennent pas.

Il y a un élément qui m'apparaît très, très, très intéressant dans le mémoire, c'est d'y aller avec un fonds d'investissement régional qui serait consacré à soutenir les projets d'habitation, donc, à ce moment-là, qui favoriserait les familles peut-être un petit peu plus démunies et qui pourrait également intéresser les jeunes familles à revenir dans leur village d'origine. Et souvent ces villages-là sont en périphérie d'une ville-centre ou encore d'une municipalité plus importante comme, par exemple, Québec avec la paroisse du Lac-Beauport.

Ma question est la suivante: C'est que, lorsque vous parlez d'un programme d'accès à la propriété d'une maison unifamiliale et que vous invitez le gouvernement à mettre en place un fonds d'investissement régional, de quelle manière que vous voyez l'opération de ce fonds-là, la constitution de ce fonds-là, et nous serait-il permis de considérer que les municipalités ou encore la MRC pourraient également le constituer en partie?

Le Président (M. Vallières): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): Oui. Alors, évidemment, là, il y a des notions qui s'entrecoupent et que j'ai toujours, moi aussi, un peu de difficultés, parce qu'il y a l'accès à la propriété et, quand on parlait de ce fonds régional, c'était pour l'accès à la propriété, alors que l'AccèsLogis, là, on ne parlait pas nécessairement de fonds régional pour... c'est-à-dire on parlait d'augmentation des critères du programme d'AccèsLogis, là. Alors, ça se situe à deux niveaux, là.

M. Pinard: Lorsque vous parlez, vous, dans votre mémoire, lorsque vous établissez «que le ministère mette en place un fonds d'investissement régional pour permettre un programme d'accès à la propriété d'une maison unifamiliale pour les familles à revenus modestes», à ce moment-là, ma question est la suivante: Ce fonds-là pourrait être constitué de quelle façon et est-ce qu'il est possible d'entrevoir la possibilité d'une mise de fonds également soit par la municipalité ou soit encore par la MRC qui, elle, va avoir le bénéfice du fait que les familles vont demeurer dans la municipalité ou encore sous le territoire de la MRC, en ce qui concerne les familles à revenus modestes, par exemple?

M. Giroux (Michel): Bon, évidemment, de quelle façon, c'est l'aspect technique. Il y a déjà des fonds régionaux dans différents domaines. On pourrait prendre la voie d'un fonds régional qui peut avoir des critères d'application nationale et dont les priorités pourraient être définies par chaque région au niveau des MRC, par exemple. Bon.

Et maintenant, pour ce qui est de l'implication de la région dans ce fonds-là, évidemment, déjà, quand on regarde les statistiques, le monde municipal et régional s'implique déjà financièrement de façon très importante dans les programmes d'accès à la propriété. J'ai des statistiques ici où on voit, par exemple, que, depuis le début, je n'ai pas de date, là, mais on parle de 74 621 000 $ d'investis par le monde municipal dans tous les volets de l'économie sociale, les municipalités qui contribuent à ça.

Donc, évidemment, ayant déjà contribué et si on pense que c'est une priorité régionale de devoir constituer un tel fonds, il y a sûrement possibilité... on ne peut pas fermer la porte à y contribuer encore.

M. Pinard: Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Saint-Maurice. J'ai une autre demande d'intervention, Mme la députée de Matapédia, de même que M. le député de...

Mme Doyer: Roberval.

Le Président (M. Vallières): ...Roberval.

Mme Doyer: Alors, je vais essayer de faire vite pour permettre aux collègues de parler aussi. D'abord, je veux vous féliciter de votre mémoire, qui est extrêmement intéressant et qui justement nous amène à toute la question des petites municipalités, des villages. Comme députée de Matapédia, ça a été une de mes grandes préoccupations. Et, si vous n'avez pas suffisamment senti la place de la ruralité, la place des petits villages dans le document, je peux vous dire que, nous, on en a eu une préoccupation. Et c'est sûr que Montréal a les... et, en tout cas, il y a des municipalités qui la vivent plus durement, la crise du logement. Nous, on la vit, je vous dirais, différemment. Et j'espère que... En tout cas, en relisant le document, au niveau des statistiques, tout ça, dans tous les tableaux que nous avons eu aussi et toute cette partie-là du document de consultation, ça nous est apparu extrêmement important qu'on ait un portrait de l'ensemble des régions aussi. Alors, j'espère que vous avez... En le relisant, j'espère que vous allez voir que nous l'avons. Au niveau des constats, ça a été vraiment notre préoccupation.

Et, moi, je voudrais vous amener au document présenté par le Regroupement des offices d'habitation du Québec. Ils ont parlé aussi beaucoup dans le même sens que vous lorsqu'ils parlent, aux pages 27 et 28, de la planification locale et régionale du logement, de son importance. Et tantôt je mettais, avec les schémas d'aménagement... Et c'est votre préoccupation, et je pense qu'on est sur une piste extrêmement intéressante quand on s'amène sur ce chemin-là. Tantôt, j'ai mis, à côté des paragraphes, je mettais CRCD, MRC, et en même temps je suis très... Moi, en tout cas, je trouve ça intéressant d'avoir cette préoccupation-là par rapport aux schémas d'aménagement parce que d'un village à l'autre...

Puis, en même temps, vous avez parlé du programme RénoVillage. Moi, j'ai été une grande... Les collègues qui sont au caucus avec moi le savent, j'ai défendu bec et ongles RénoVillage. Je voulais avoir plus d'argent tout le temps. Puis, en même temps, vous savez que, dans certaines MRC, ils ne savaient même pas que ça existait, RénoVillage, puis ça ne les préoccupait pas, parce qu'il y a des MRC au Québec qui sont très à l'aise financièrement. Et c'est dans des MRC comme on a dans mon comté, par exemple Matapédia-Mitis, où est-ce qu'on sent le besoin de programmes comme ceux-là. Et vous avez raison qu'une évaluation de 30 000, ça exclut beaucoup de monde.

n(17 h 50)n

Et la préoccupation qu'on a d'occuper le territoire et de l'occuper en termes de qualité et en termes aussi d'avoir les services suffisants... Parce que la qualité du logement, l'accès, les personnes âgées... si on n'est pas capable d'avoir des services dans nos petits villages, ils vont aller habiter dans la petite ville moyenne, c'est le premier pas, ensuite ils vont aller, mettons, à Rimouski, après être allés à Amqui ou Mont-Joli, l'autre pas, et on les perd. Et on ne veut pas les perdre. Et nos jeunes familles ? vous le soulignez dans votre mémoire ? il y a un bassin de maisons extrêmement intéressantes à habiter et à rénover, et tout, que, nous, on essaie d'attirer des jeunes familles, on ne veut pas que nos écoles ferment, et tout. Alors, vous avez vraiment touché, à mon idée, pas mal de choses extrêmement intéressantes.

Alors, je vous amène à ce que vous... Dans votre recommandation, vous dites que «les MRC soient mandatées pour établir une planification de développement des logements sociaux incluant une stratégie répondant aux besoins spécifiques des municipalités. Une planification financière avec gestion et budget décentralisé aux MRC suivrait.» Vous vous sentez prêts à exercer cette compétence?

M. Giroux (Michel): Oui, tout à fait.

Mme Doyer: C'est ça, ma question, puis de quelle façon vous voudriez exercer ça.

M. Giroux (Michel): Vous savez, le monde des MRC évolue à la vitesse de l'éclair depuis quelques années. Et évidemment les responsabilités supplémentaires et le respect des dernières années, dans l'approche où on nous a confié, par exemple, la politique nationale sur la ruralité, ont été reçus avec beaucoup, beaucoup d'ouverture, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas il y a cinq ans. Et les élus régionaux de plus en plus comprennent l'importance de ce qu'ils ont à faire au niveau des régions, comprennent les responsabilités qu'ils ont à prendre en main pour faire en sorte que tout soit maintenant de plus en plus adapté aux besoins de leur milieu et que ce ne soit pas conçu et organisé et distribué sur le territoire de la même façon partout, et en fonction des besoins des citoyens puis des citoyennes.

Alors, évidemment, la planification du développement social, vous avez raison, peut facilement faire partie particulièrement des plans d'urbanisme et des schémas d'aménagement, schémas de façon fort large mais aussi au niveau local. Et il faut que ça devienne et qu'on favorise à ce que ça devienne une responsabilité des élus locaux et régionaux de faire en sorte que ce n'est pas à l'État à réfléchir aux besoins de leur population à ce niveau-là mais bien que ça fait partie maintenant de leurs responsabilités, puis ils sont prêts à faire ça.

Mme Doyer: Je vais me permettre une petite... C'est que, pour moi, quand je regarde dans des comtés comme le mien, l'OMH, par exemple, il y a une multitude de petits OMH qui sont.., Moi, je les aime bien, je trouve extrêmement pertinents, leur existence et tout, mais sauf qu'à un moment donné ça n'a plus d'allure, en ce sens qu'il y a une perte d'énergie, et il me semble qu'un OMH par MRC, des fois, ça pourrait être suffisant. Je sais que ce n'est peut-être pas politiquement correct de dire ça aujourd'hui, tout le monde veut continuer d'exister tout le temps partout, mais, pour moi, si la MRC a cette responsabilité ou que vous voulez l'exercer... Pour avoir une cohérence au niveau des interventions. Parce que tout le monde veut toujours tout, tout le temps. Chaque OMH veut, chaque office d'habitation veut son affaire, etc., et pour avoir une cohérence d'intervention, par territoire de MRC, en lien avec le schéma d'aménagement, ne devrait-il pas y avoir qu'un OMH par MRC?

M. Giroux (Michel): L'objectif... Moi, de fait, je partage, je veux dire, plein de vos objectifs là-dedans, mais je pense que l'objectif principal qu'on doit avoir, c'est que l'organisme qui va donner le service soit celui qui soit le plus en mesure de le faire pour ses citoyennes et citoyens. Alors, si c'est la locale, la petite locale qui donne le meilleur service possible, laissons ça là. Mais, si on s'aperçoit, au niveau régional, qu'on peut donner encore un meilleur service, les élus vont s'en rendre compte et ils vont devoir le planifier, l'organiser, y réfléchir, se comparer. C'est un processus qui est en pleine, je pense, ébullition, ça, comme réflexion dans tout le Québec actuellement.

Mme Doyer: Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Très bien, merci. Nous en sommes maintenant à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Giroux, Mme Brassard, merci pour votre présentation, merci pour le mémoire fort intéressant par ailleurs. Je trouve ça rafraîchissant que vous puissiez nous amener la dimension régionale. Comme vous l'avez si bien dit, notre principale préoccupation dans ce mandat d'initiative, c'est la crise du logement dans les grands centres urbains. J'ai eu l'occasion de faire une motion du mercredi ? la date m'échappe, mais vous pouvez retrouver ça sur nos travaux à l'Assemblée nationale ? spécifiquement sur la situation du logement dans les régions et j'ai invité un certain nombre de mes collègues des régions pour intervenir et nous apporter le point de vue des régions sur cette question du logement social.

Également, vous avez raison aussi de le signaler, les problèmes du logement social en région se posent différemment que dans les grands centres urbains. C'est dans les régions qu'il y a le nombre de propriétaires le plus élevé par capita par rapport aux grands centres urbains. Donc, on est plus propriétaire dans les régions de son propre logement que locataire, et ça, ça a un tout impact sur la qualité parce que, généralement, lorsqu'on habite son propre logement, on a tendance à en prendre soin. Donc, la qualité est généralement meilleure et on est mieux logé.

Par ailleurs, il y a des problèmes en ce qui a trait aux régions, soit... et, en même temps, dire qu'il n'y a pas une région qui ressemble à une autre, hein, parce qu'il y a des réalités également très différentes. Mais j'ai bien aimé votre approche de dire: Nous, on ne demande pas plus ou moins, on veut juste qu'on tienne compte de nos réalités. Donc, les programmes qui sont faits comme mur à mur avec des critères d'admissibilité qui doivent s'appliquer également à tous, on vous dit: Si vous voulez que ça fonctionne chez nous, bien, il faudrait les adapter. C'est bien ça, votre message. Et, ça, c'est un message qui est bien reçu.

J'ai également été ravie de votre approche globale, c'est-à-dire il faut prendre l'être dans sa totalité. Les besoins, ce n'est pas un toit sur la tête, c'est aussi le transport, c'est aussi les besoins de santé, de mobilité, l'éducation, etc. Et également j'ai entendu votre message concernant les régions qui perdent leurs ressources humaines par les deux bouts, c'est-à-dire l'exode des jeunes qui s'en vont parce qu'ils sont à la recherche d'un emploi, d'opportunité d'affaires et les personnes âgées qui partent parce qu'elles ont accès... ils cherchent des services qu'ils ne peuvent pas trouver dans la région. Ça aussi, c'est une idée fort intéressante.

Également, votre approche, je dirais, intergénérationnelle. Vous nous interpellez, et je trouve cette idée fort intéressante et j'aimerais que vous puissiez élaborer là-dessus, quand vous dites: Les personnes âgées qui, pour toutes sortes de raisons, doivent quitter leurs maisons, hein, parce qu'ils ne peuvent plus s'en occuper ou parce qu'ils sont hospitalisés ou autrement, cet actif-là doit rester dans la communauté et il doit être remis au service des jeunes familles. Ce serait intéressant que l'on puisse élaborer davantage, si vous permettez, parce que l'idée me plaît beaucoup.

M. Giroux (Michel): Évidemment, c'est intéressant que vous souleviez ça parce que, évidemment, il y a déjà des exemples qui se sont faits au Québec. Et vous avez la municipalité de Panet dans la MRC de L'Islet qui a procédé, en l'an 2000, à l'acquisition de 15 maisons dans sa municipalité et qui a transformé ces 15 maisons en 25 logements pour jeunes familles, avec une coopérative d'habitation, là, qui... Alors, il s'agit donc de ces maisons, qui, comme je disais, manquent de preneurs, et les gens âgés... Alors, la municipalité intervient, fait en sorte d'acquérir, rénover et procure du logement social, entre guillemets, aux jeunes familles qui en ont besoin. Alors...

Mme Houda-Pepin: Fort intéressant.

Le Président (M. Vallières): Oui. Ce serait intéressant peut-être de répertorier les expériences qui se font. Chez nous, à Saint-Camille, pas plus tard qu'en fin de semaine, il y a une coop comme ça qui... C'est l'approbation d'un presbytère et d'autres logements et c'est la mixité. Alors, il y a des expériences qui se font présentement, là, qui sont à succès, qu'il vaudrait peut-être la peine d'inventorier pour voir comment on pourrait les appliquer ailleurs, et ce, à partir des programmes existants, là, dans le cas dont on parle.

Mme Houda-Pepin: Et à l'initiative des municipalités. C'est-à-dire que les municipalités se prévalent des programmes existants pour mettre de l'avant ce type de projet, n'est-ce pas?

n(18 heures)n

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Peut-être pour compléter les informations. Effectivement, il y a eu une coopérative d'habitation qui a été créée avec les 15 maisons en question. Ça a permis à des familles nouvelles, qui venaient de l'extérieur et qui voulaient un habitat intéressant, de qualité, d'aller vivre à Saint-Fabien-de-Panet. Mais, en même temps, la municipalité s'impliquait. Là, on parle de vraiment l'instance municipale qui s'est impliquée financièrement pour construire des logements sociaux pour personnes âgées. Et ça a fait en sorte, en termes d'impact, d'ouvrir une classe de plus dans l'école du village. Ça, ça a été répertorié; 24 familles de plus, ça paraît. Donc...

Mme Houda-Pepin: Et, concrètement, comment ça se passe? La maison est libérée; c'est la municipalité qui acquiert la propriété?

Mme Brassard (Marie-Joëlle): L'organisateur communautaire du CLSC de la place s'est beaucoup impliqué, en collaboration avec la municipalité. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont constaté qu'il y avait beaucoup de pancartes de maisons à vendre, pour les personnes âgées, et constataient qu'une fois que la maison était vendue la personne âgée quittait le lieu. Donc, ils ont visité chacune des maisons, chacun des couples ou des personnes âgées qui demeuraient dans ces maisons-là, les ont répertoriées, et puis sont allés les rencontrer pour leur dire: Nous, on mettrait sur pied... on construirait un foyer pour personnes âgées ? je pense qu'on dit une résidence...

Mme Houda-Pepin: Nous, ça veut dire qui? C'est la...

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Le gros promoteur étant la municipalité. Là on est dans une situation d'un maire très impliqué, M. Pierre Thibaudeau. Et puis, ils se sont dit... Ils ont donc offert aux personnes âgées: Si nous faisions construire des résidences pour personnes âgées, est-ce que vous seriez disposés à demeurer? C'est sûr que les personnes âgées voulaient demeurer chez elles. Alors, ils se sont carrément engagés, par écrit, à habiter ce lieu-là. Et puis ils ont décidé, au niveau de la municipalité, d'avoir un concept intégré, c'est-à-dire avec un service de santé, une infirmière sur place, avec un service de transport, un service de médicaments qui vient régulièrement.

Et puis, par la suite, pour faire la continuité de l'histoire, les gens de Saint-Fabien ont répertorié également les anciens préretraités qui ont déjà demeuré à Saint-Fabien-de-Panet, les ont invités, avec du matériel promotionnel, à venir visiter le village, ça s'appelait d'ailleurs Venez revoir Saint-Fabien-de-Panet, et leur ont dit: Écoutez, vous avez déjà demeuré ici, vous êtes retraités maintenant, vous avez un petit pécule, investissez 10 000 $ par condominium qu'on pourrait créer; et puis ce n'est même pas... c'est la moitié d'un char; et puis on va construire pour vous des condominiums de qualité, dans un environnement que vous aimez, avec des gens que vous connaissez. Et puis ils ont construit, suite à ça, 10 condominiums pour personnes préretraitées.

Ça, c'est pour la question de toutes les catégories sociales. C'est pour expliquer, illustrer comment le logement social peut être un moyen de développement, un levier de développement pour une petite localité. Donc, on se retrouve avec des gens en plus, des gens de toutes les catégories sociales et puis qui vivent et qui répondent à leurs besoins.

Mme Houda-Pepin: Très bien. C'est fort intéressant, parce que, finalement, c'est par des exemples concrets comme ceux-là qu'on découvre l'innovation, hein, qui se fait à travers le Québec dans ce domaine et c'est souvent des projets à dimension humaine. C'est ça qui est la beauté de l'affaire. J'étais un peu...

En tout cas, j'ai questionné les coûts de construction. Vous avez soulevé un problème en disant que la mise de fond de 15 % minimum doit être revue, parce que, dans les régions, les coûts de construction sont plus élevés que dans les grands centres urbains, et ça, c'est considéré comme une barrière à la capacité que vous aurez de bénéficier des programmes existants. J'aimerais bien vous entendre là-dessus. Et, en même temps, si vous permettez, je voudrais aller à RévoVillage. RénoVillage, en 2001-2002, c'est 10 millions de dollars qui ont été investis par la Société d'habitation du Québec dans ce programme-là dans 15 régions, excepté Montréal et Laval ? On peut le comprendre, parce que ce n'est pas des villages. ? et ça a permis de construire ou de rénover surtout 1 810 logements. Donc, ça, c'est un programme qui fonctionne en principe en région et, dans votre document, vous ne semblez pas, là, vous ne semblez pas tout à fait satisfaite du fonctionnement de RénoVillage. Qu'est-ce que vous auriez aimé y améliorer pour qu'il soit à votre satisfaction?

M. Giroux (Michel): Bon. Sur cette question, sur la première que vous avez posée, je vais donner la parole à madame, mais, sur cette deuxième... Vous savez, c'est que, de plus en plus, le taux de la valeur qui est appliqué à la maison. et le revenu disponible par famille fait en sorte qu'il y a très peu de gens par village qui peuvent avoir accès au programme RénoVillage. Il y en a, mais très, très peu, et de moins en moins, parce que, tout de même, l'économie allant un peu mieux, les revenus s'améliorent même un peu en région et la valeur des propriétés augmentent légèrement aussi.

Alors, nous, ce qu'on cherche à faire uniquement, c'est conserver le programme, mais en augmenter les critères de façon à atteindre plus de clientèle et de rénover encore plus dans les régions ces vieilles maisons. Quant à la première partie, sur la question de l'implication jusqu'à en haut de 15 %... Madame.

Le Président (M. Vallières): Mme Brassard.

Mme Brassard (Marie-Joëlle): En fait, ce qu'on a constaté, c'est que les critères qui font que les projets sont acceptés sont associés à deux facteurs, le premier étant le coût moyen du logement et le second en fonction du coût de réalisation. Donc, en région on sait que le coût moyen du logement est plus bas que dans les centres urbains, par exemple, et par ailleurs les coûts de construction sont souvent plus élevés du fait du transport pour les matériaux, et tout ça. Ce qui fait que, lorsque la SHQ arrive pour accepter un projet, la contribution du milieu s'en trouve plus élevée, beaucoup plus élevée que le 15 %; elle atteint souvent même 30 %. Nous avons les données concernant ces implications du milieu.

Effectivement, il y a des milieux où 30 % du coût... ils le peuvent pas l'assumer, la contribution de 30 %, c'est impossible. Donc, sur cet aspect, ce que nous désirons, c'est qu'on revoit cette contribution du milieu pour faire en sorte que ce soit 15 % des coûts de construction, tout simplement, et pour permettre de faire en sorte que le projet puisse avancer, tout simplement.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, ma collègue...

Le Président (M. Vallières): Oui, Mme la députée de La Pinière. Je vais d'abord passer au député de Roberval, pour une question, et ensuite à Mme la députée d'Anjou.

M. Laprise: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je tenais à saluer d'ailleurs monsieur et madame, Mme Brassard que je connais bien, qui est une fille de chez nous et puis qui... Vraiment, je reconnais Marie-Joëlle dans le document, parce que je sais qu'elle est beaucoup préoccupée par le développement des régions. Et je m'associe à toutes les questions qui vous ont été posées et les réponses que vous avez données, parce qu'elles donnent l'heure juste, je pense. Et je suis très heureux de constater qu'il y a encore des maires qui ont le goût de faire des choses en dehors du Code municipal. Ça a été des belles initiatives, puis ça, c'est des choses qui font avancer les choses. C'est des expériences comme ça qui font avancer des choses.

Et, moi, je dis que les municipalités devraient aller encore plus loin, à savoir que, quand vous videz des logements, qu'il y a des personnes âgées qui laissent leur maison, si leur maison a été bien entretenue, qu'elle est encore coquette, les enfants vont aimer revenir l'acquérir, cette maison-là, et même revenir y demeurer. Il y a les centres d'emploi qui pourraient s'associer à ce genre de démarche là, les CLD, parce qu'il y a des entreprises dans nos régions qui tantôt vont manquer de main-d'oeuvre, qui auraient besoin... Alors, c'est un bel accueil qu'on pourrait faire aux jeunes, leur dire: Bien, venez-vous-en, on a des locaux, on a réussi à conserver notre municipalité très vivante, très dynamique et on a ce qu'il faut pour vous accueillir, accueillir vos familles puis, ensuite de ça, vous permettre de vivre une vie dans un milieu que vous avez toujours aimé.

Je pense que vous avez là une porte de... puis, moi, je suis d'accord avec vous quand vous dites que les montants qui sont donnés par le gouvernement, 6 500, c'est dépassé ça. Moi, je l'ai administré, ce programme-là, dans le temps que j'étais maire, et M. Pinard aussi, et on constatait que ça limitait énormément la possibilité de rénover nos villages en rénovant nos maisons. Et ça a permis d'améliorer le décor des paroisses rurales. Les gens qui circulent dans le Québec disent qu'on a une belle ruralité parce qu'on a un beau décor, on a des belles fermes, on a des belles maisons qui ont été rénovées, mais il faudrait peut-être aller plus loin que ça.

C'est bien sûr que des gens qui gagnent 30 000 $ par année, à deux bien souvent ? s'ils sont rien qu'un, ils vont gagner seulement 20 000 ? alors, avec 6 500, est-ce qu'on peut aller bien loin en refaisant les fenêtres puis la toiture d'une maison? Aujourd'hui, tu dépenses 25 000 $, ça ne prend pas de temps. Alors, ils n'ont même pas les moyens d'emprunter pour réaliser la balance, ils sont pris avec ça. Alors, je pense que... En tout cas, moi, je trouve que vous avez un très beau mémoire, je vous félicite, et je suis persuadé que vous allez continuer dans ce sens-là. Et continuez d'innover puis d'aller de l'avant, les petites municipalités, vous donnez des leçons aux grandes.

Le Président (M. Vallières): Ce n'était pas une question. Ce n'était pas une question, c'était un commentaire.

M. Giroux (Michel): M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Vallières): Rapidement. Rapidement, M. Giroux.

M. Giroux (Michel): J'aimerais répondre. Par exemple... Vous savez, je suis comme vous, je suis plein d'enthousiasme pour ce qui est des régions. Vous avez dit, par exemple: Les municipalités, vous allez plus loin puis déjà il y en a qui sont allés au-delà du Code municipal. Ça, en même temps, là, c'est un empêchement. Il y a des maires qui n'ont pas peur de dépasser le Code municipal, mais le Code municipal, c'est la loi. Et, quand on va au-delà de la loi, je ne voudrais pas qualifier ce qui se passe, là, mais ce n'est pas comme ça qu'on doit gérer le Québec, en allant au-delà de la loi. On est prêt à aller plus loin, il s'agit d'amender les lois pour nous permettre d'y aller de façon légale.

M. Laprise: C'est des expériences comme ça qui vont permettre de changer la loi et de permettre que la loi aille plus loin.

Des voix: Voilà.

Le Président (M. Vallières): Mme la députée d'Anjou.

n(18 h 10)n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Moi, je suis bien heureuse d'entendre parler de la problématique du logement à l'extérieur des grandes villes. Moi, j'ai un comté qui est très ville, hein, Anjou, on ne peut pas avoir plus ville que ça, par contre, je suis quand même sensibilisée au fait que les régions ne vivent pas du tout la même chose que les citoyens de la ville. Pour avoir de la parenté en Gaspésie et en Outaouais, je suis consciente que la problématique, elle est très différente. Chez nous, on manque de logements; chez vous, vous avez des logements, des places, mais vous n'avez pas de gens pour habiter ces logements-là.

J'aimerais savoir, à la lumière de ce que vous nous avez dit sur le projet que vous avez fait pour attirer des nouvelles familles, est-ce que vous avez essayé de développer des avenues de solution pour attirer des immigrants en région ou des jeunes diplômés et si c'est des avenues qui sont possibles dans les différentes municipalités de région?

M. Giroux (Michel): Évidemment, attirer des immigrants en région, ce n'est pas quelque chose qui se fait facilement. Je pense qu'il faudrait qu'on réfléchisse à un programme national qui favoriserait ce genre d'implantation. Le monde des régions s'ouvre là aussi de plus en plus à l'immigration, mais ce n'est pas... Naturellement, vous connaissez toutes les implications, parce que, dans nos régions, souvent c'est un peu plus froid qu'à Montréal, puis la vie culturelle est différente, et la proximité de la nature est un enrichissement pour ceux qui l'aiment, qui recherchent ça. Alors, il y a vraiment une vente à faire, il y a probablement, à l'étranger même, une présentation de l'immigration pour attirer un type d'immigrant qui apprécierait ce genre de contexte. Parce que prendre des Laotiens ou des Vietnamiens puis les débarquer en plein milieu de la Gaspésie du jour au lendemain, sans préparation, c'est évident qu'en dedans de quelques mois ou quelques années ils vont être à Montréal ou à Toronto.

Alors, évidemment, moi, personnellement, je crois que l'immigration est la solution, en tout cas une des solutions les plus rentables pour faire en sorte que le Québec francophone d'aujourd'hui continue à être ce qu'il est mais en s'enrichissant des gens des autres pays qui vont venir parler notre langue et participer à notre pays. Et on ne peut pas faire ça seulement à Montréal puis à Québec, il faut faire ça dans toutes les régions du Québec. Comment y arriver? Il va falloir le définir tous ensemble comme société, je pense.

Le Président (M. Vallières): Bien. C'est sur une belle note d'optimisme que nous concluons nos travaux d'aujourd'hui. Alors, nous ajournons nos travaux à demain, 9 h 30, tout le monde à l'heure pour qu'on respecte l'échéancier qu'on s'est donné. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 13)


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