To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Planning and the Public Domain

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Planning and the Public Domain

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, October 1, 1998 - Vol. 35 N° 46

Consultations particulières sur l'étude globale du développement de la région Nord-du-Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Remarques finales


Intervenants
M. Normand Duguay, président suppléant
Mme Danielle Doyer, présidente suppléante
M. Guy Chevrette
M. Yvon Vallières
M. Michel Létourneau
M. Geoffrey Kelley
M. Léandre Dion
M. Réal Gauvin
*M. Ghislain Parent, CECC
*M. Ghislain Desjardins, idem
*M. Jean Bédard, idem
*M. Philip Einish, bande Naskapi du Québec
*M. Paul F. Wilkinson, idem
*Mme Lyne Laporte-Joly, commission scolaire de la Baie-James
*M. Gaston Bérubé, idem
*M. Jules Pelletier, Régie régionale de la santé et
des services sociaux Nord-du-Québec
*M. René Ricard, idem
*M. Dominique Fiset, localité de Radisson
*M. Claude Gagné, idem
*M. Claude Chamberland, idem
*M. Christian Dubois, Comité de suivi du rapport du groupe de travail sur l'impact
de la présence d'Hydro-Québec dans la région Nord-du-Québec
*M. Langevin Gagnon, idem
*M. Marcel Rousseau, Syndicat des employés d'Hydro-Québec
pour le secteur des grands réservoirs
*M. Pierre Hadd, idem
*M. Jacques Rodier, idem
*M. Mario Gagnon, idem
*M. Thierry Vandal, HQ
*M. Ghislain Ouellet, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Duguay): Mes amis, est-ce qu'on peut prendre place, les amis de la commission? Je déclare la séance de la commission de l'aménagement du territoire ouverte. Je vous rappelle à nouveau le mandat de la commission. Le mandat de la commission est de poursuivre les consultations particulières sur l'étude globale du développement de la région Nord-du-Québec.

Mme la secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace Mme Bélanger (Mégantic-Compton); M. Vallières (Richmond) remplace Mme Delisle (Jean-Talon); M. Létourneau (Ungava) remplace M. Gagnon (Saguenay); M. Dion (Saint-Hyacinthe) remplace M. Laurin (Bourget); et M. Sirros (Laurier-Dorion) remplace Mme Leblanc (Beauce-Sud).

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, Mme la secrétaire.

Voici l'ordre du jour pour le 1er octobre: à 9 h 30, on reçoit le Centre d'études collégiales de Chapais-Chibougamau; à 10 h 30, la bande Naskapi du Québec; à 11 h 30, la commission scolaire de la Baie-James et la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nord-du-Québec; à 12 h 30, la suspension; à 14 heures, la localité de Radisson; à 15 heures, le Comité de suivi sur l'impact de la présence d'Hydro-Québec dans Nord-du-Québec; à 16 heures, le Syndicat des employés d'Hydro-Québec pour le secteur des grands réservoirs; à 17 heures, Hydro-Québec; et, à 18 heures, l'ajournement.

Maintenant, j'inviterais les intervenants à bien vouloir prendre place, au niveau du Centre d'études collégiales de Chapais-Chibougamau. Bonjour, messieurs. M. Louis Leblanc, vice-président, est-ce que le porte-parole... Qui d'entre vous est porte-parole?


Auditions


Centre d'études collégiales à Chibougamau (CECC)

M. Parent (Ghislain): Ça va être moi, Ghislain Parent, je suis directeur général du cégep de Saint-Félicien. M. Leblanc est absent. Je suis accompagné de M. Desjardins, qui est directeur du Centre d'études collégiales à Chibougamau, et de M. Jean Bédard, qui est enseignant au Centre d'études et président du Syndicat.

Le Président (Duguay): Merci, M. Parent. Voici la procédure à suivre. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation, réparties de la façon que vous voulez, et, par la suite, les parlementaires ont 20 minutes, 20 minutes: 20 minutes pour le parti au pouvoir et 20 minutes pour l'opposition. Si vous voulez débuter.

M. Parent (Ghislain): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier l'ensemble des membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre dans ce débat et, bien modestement, nous nous associons à l'ensemble des partenaires de la région Nord-du-Québec dans le débat qui nous intéresse.

(9 h 40)

Ce que je voudrais faire avec vous, dans le fond, je vais amorcer le débat, présenter un petit peu, et je laisserai M. Desjardins présenter de façon plus spécifique les besoins eu égard au Centre d'études collégiales à Chibougamau et M. Bédard intervenir également.

Dans le fond, le cégep de Saint-Félicien, avec la commission scolaire Chapais-Chibougamau, au début des années quatre-vingt, s'associait pour implanter un centre d'études collégiales dans cette région. Nous avons été, donc, le premier centre d'études collégiales au Québec. Ça démontre, je pense, en partant, que les gens s'étaient déjà associés et reconnaissaient le besoin de rendre accessible cette formation dans la région Nord-du-Québec. Aujourd'hui, après 17 ou 18 ans maintenant, il est bien implanté, et nous allons vous souligner quelques inconvénients auxquels, encore, on est confronté. Le mémoire que vous avez devant vous et qu'on va vous présenter va faire état de cette situation, principalement en termes d'accessibilité autant vis-à-vis la clientèle allochtone que vis-à-vis la clientèle autochtone, des besoins aussi en termes de rétention de la clientèle sur l'ensemble du territoire et, également, nous allons vous démontrer que les ressources sont inadéquates.

Alors, je demanderais, dans un premier temps, à M. Desjardins de vous faire la présentation plus globale et plus spécifique du mémoire, si vous voulez bien.

M. Desjardins (Ghislain): Merci, M. le Président. Membres de la commission, M. le ministre, les députés, je voudrais commencer peut-être en mentionnant que ça fait depuis près de 30 ans que je demeure dans la région Nord-du-Québec. Donc, lorsqu'on me demande de parler de cette région-là, c'est une région à laquelle je sens un très grand sentiment d'appartenance et je suis en mesure de bien comprendre certaines problématiques qui y sont liées.

La région Nord-du-Québec dans laquelle le Centre d'études fait partie, c'est le premier centre d'études, comme M. le directeur général vous mentionnait, qui existe depuis 1981; nous en sommes donc à sa 18e année d'existence, 18e année d'existence qui fait aussi en sorte que déjà encore, au moment où on se parle, d'autres centres au Québec proviennent et viennent sur le marché, si on peut dire. Ils viennent combler un besoin de la population, un besoin qui est essentiel, qui est l'enseignement postsecondaire. Une région telle que la région Nord-du-Québec, qui est immense, doit pouvoir offrir certains services à sa population, c'est bien évident. Lorsqu'on regarde au niveau de l'enseignement, après l'enseignement primaire et secondaire, nous avons en réalité l'enseignement, l'accessibilité aux études postsecondaires; on parle donc du collégial et de l'université.

Le Centre est le seul centre qui existe dans cette immense région et qui, on pourrait dire, ne décerne que les populations de Chibougamau et Chapais. Pourquoi ne peut-il pas desservir les autres populations? Principalement à cause des distances importantes qui les séparent comme telles.

Nous avons des programmes dans les secteurs préuniversitaires, qui mènent donc à l'université, au niveau des sciences de la nature et des sciences humaines avec deux profils, qui sont économie et gestion et monde et société. Nous avons un seul programme technique, qui est principalement les techniques administratives. Nous sommes à l'orée, nous l'espérons, de pouvoir initier un deuxième programme technique en collaboration avec le Collège de l'Abitibi-Témiscamingue, qui répondrait en partie à des besoins de la population, au niveau des technologies minérales. On est en discussion, à ce moment-ci, avec le Collège de l'Abitibi.

Nous avons déposé, à partir du Conseil régional de développement, un comité de travail qui est formé, qui a travaillé sur un plan triennal de développement de la formation professionnelle et technique. Le plan triennal a fait mention principalement des secteurs de force d'activités de la région, qui sont au niveau forestier, au niveau minier et au niveau hydroélectrique. C'est évident qu'on a regardé le niveau du tourisme et on regarde principalement l'intervention de ce secteur-là au niveau des adultes.

Rapidement, je vous disais tout à l'heure que nous intervenons à Chibougamau-Chapais. C'est environ 125 à 140 étudiants temps plein qui reçoivent des services, une soixantaine d'étudiants inscrits temps partiel et différents programmes menés selon les besoins de la population au niveau des attestations au niveau de la formation continue.

Je voudrais attirer votre attention sur la formation continue. Les centres ont la possibilité de recevoir des allocations de base selon un modèle de financement qui se rapproche énormément des collèges. Cependant, lorsqu'on arrive au niveau de la formation continue, il y a une très petite enveloppe de fonctionnement, et, quand je dis «une très petite enveloppe», elle sert à l'encadrement. Et nous devons, à même le collège auquel on fait référence, en l'occurrence, c'est le collège de Saint-Félicien, demander une partie de l'enveloppe pour de la formation temps partiel. Cette enveloppe nous fait défaut, principalement lorsque nous avons à intervenir dans les autres régions que Chapais-Chibougamau. Exemple, soit Matagami, parce que, présentement, nous avons entrepris, depuis l'année dernière, un programme de conseils financiers où on a de la misère, premièrement, à obtenir le nombre d'étudiants compte tenu des réalités de la population et au niveau des déplacements parce que les ressources ne sont pas toujours disponibles directement dans la région. Je laisserai d'ailleurs le président du syndicat vous parler de la possibilité d'obtenir des ressources sur place.

À cet effet, nous avons, depuis la fin de l'été, un nouveau mode de communication qui est une salle de vidéoconférences. Nous n'avons certainement pas la prétention que la salle de vidéoconférences pourra pallier l'ensemble des problématiques que l'on peut rencontrer au niveau de l'accessibilité à la formation, sauf que nous pensons que, lorsque nous arriverons pour rendre un service accessible, au moins des gens qui ne pourraient recevoir un service pourront avoir accès à une certaine formation qui pourrait faire en sorte d'avoir un regroupement au niveau des municipalités qui sont éloignées, telles Matagami, Chibougamau et Quévillon.

À cet effet-là, la salle, ce que nous pensons et ce que nous proposons rapidement dans le mémoire, c'est d'en venir peut-être à un centre d'études qui soit un centre d'études pas nécessairement régional, mais nordique, qui desservirait les trois ethnies et dans les deux langues de communication. Nous, ce que l'on pense, c'est que, comme le Conseil régional de développement travaille, c'est qu'on pourrait avoir une structure un peu éclatée qui permettrait d'avoir des points de service, pouvoir maintenir notre clientèle et nos populations sur place au moins pour une année, le temps, autrement dit, que ces gens-là puissent s'aguerrir au niveau des systèmes, offrir au niveau des parents une qualité de services qui soit comparable à celle qu'ils pourraient recevoir à l'extérieur et, en autant que possible, donner une formation et un encadrement qui seraient sur place dans les municipalités. À l'extrême, à défaut de ne pouvoir offrir un service sur place, la salle de vidéoconférences ou de télé-enseignement pourrait rendre accessible à ces étudiants-là une autre partie de services auxquels ils n'auraient droit autrement.

Grosso modo, ça fait le tour de la situation. Je laisserais peut-être parler le président du syndicat sur la partie au niveau des ressources d'enseignement comme telles.

M. Bédard (Jean): Merci, M. Desjardins. M. le Président et membres de la commission, moi, je vais vous parler un petit peu plus de tout l'aspect qui touche les enseignantes et les enseignants d'un peu plus près. Évidemment, la région est très grande; donc, on parle de distances qui sont importantes entre les municipalités. Et, pour donner un enseignement à des populations qui sont éloignées les unes des autres et aussi de faible densité, il faut bien comprendre qu'on ne pourra pas remplir des groupes de 15 personnes par communauté. Donc, comme disait M. Desjardins, la vidéoconférence a des aspects intéressants de ce côté-là.

Au niveau de l'enseignement régulier, il y a toutefois des problématiques qui sont importantes. On parle de jeunes qui ont 17 ans; donc, ils ont besoin encore d'un encadrement qui est important. C'est pour ça qu'en tant qu'enseignant je crois important aussi de considérer que l'enseignement devra se faire aussi en grande partie sur place dans les communautés.

Peut-être juste faire un petit historique au niveau du Centre d'études collégiales, comment, disons, les ressources humaines ont évolué avec le temps. Au début du Centre d'études collégiales, la majorité des professeurs voyageaient de Saint-Félicien à Chibougamau pour venir dispenser des cours. Alors, ils venaient compléter leur tâche de Saint-Félicien à Chibougamau. Avec le temps, ça a vite laissé place à... Bon, évidemment, ça posait des problèmes d'encadrement. Les étudiants voyaient leurs professeurs pour les cours, mais, lorsque venait le temps de les encadrer, souvent les professeurs étaient à la course, ils devaient retourner à Saint-Félicien rapidement pour donner des cours à Saint-Félicien également. Avec le temps, il y a un noyau qui s'est formé, qui a grossi de plus en plus, à Chibougamau, de professeurs résidents de Chibougamau qui ont commencé à donner un enseignement uniquement à Chibougamau. Et maintenant, on est dans une situation où il n'y a plus de voyagement entre Saint-Félicien et Chibougamau. L'ensemble des professeurs qui dispensent des cours à Chibougamau sont des professeurs qui résident là.

Évidemment, ça a aussi entraîné un autre phénomène, c'est qu'au niveau des engagements, pour conserver les professeurs à Chibougamau, on s'est vite aperçu – et ça, tant à Saint-Félicien qu'à Chibougamau, ce n'est pas quelque chose qui vient uniquement du Centre – qu'on devait favoriser les professeurs qui venaient de la région, donc qui venaient de Chibougamau ou Chapais. Au moment où on se parle, la majorité, la très vaste majorité des professeurs viennent de la communauté même. J'ai l'impression qu'on peut imaginer un peu un processus similaire en ce qui concerne l'implantation de l'enseignement collégial dans les communautés. Qu'on parle de communautés allochtones, comme autochtones ou inuit, je crois qu'au début on ne peut pas se faire d'idées, il va y avoir certainement beaucoup plus d'interventions de la part de l'équipe du Centre à Chibougamau, mais il faut absolument qu'on se retrouve dans une situation où, tranquillement, la communauté va fournir elle-même ses propres ressources.

Un des problèmes qui pointent à l'horizon est évidemment celui de comment on va faire pour garder des gens là pour un ou deux cours. Je crois qu'il va falloir être très imaginatifs de ce côté-là. Il y a certainement des collaborations qui devront s'établir avec les ordres d'enseignement secondaire, et peut-être même primaire, que ça soit au niveau de l'encadrement, que ça soit à d'autres niveaux. Des frais de déplacement devront aussi être certainement envisagés, à tout le moins au départ, pour aller encadrer sur place les étudiants qui vont suivre des cours. Donc, c'est toute cette problématique-là.

Au niveau de donner de l'enseignement dans une région aussi grande et, aussi, qui a, il faut le dire, une densité de population qui n'est pas très grande, il faudra user de solutions qui feront preuve de beaucoup d'imagination. Évidemment, ces solutions-là devront être accompagnées de ressources qui permettront de les mettre en oeuvre pleinement.

Ça fait un petit peu le tour de ce que les enseignants pensent au niveau de l'enseignement postsecondaire dans la région Nord-du-Québec.

(9 h 50)

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, messieurs. M. le ministre.

M. Chevrette: Aviez-vous autre chose à ajouter?

M. Parent (Ghislain): Pas pour le moment, non.

M. Chevrette: C'est beau.

M. Parent (Ghislain): On avait fait le tour, je pense.

M. Chevrette: C'est parce que vous vous êtes avancé. J'ai dit: Je ne suis pas pour l'éteindre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Tout d'abord, je voudrais vous remercier pour votre présentation et je voudrais me réjouir aussi de l'ouverture d'esprit et de l'appel à l'imagination que vous manifestez. Je pense que c'est la seule façon de bâtir dans le neuf. Je ne vois pas comment, d'y aller de façon traditionnelle, dans ce genre de territoire, à cause de la faible densité de population... je ne vois pas comment on pourrait penser y aller de façon standard, traditionnelle. Mais il y a des formules déjà employées. Par exemple, il y a des étudiants qui font leur M.B.A. par les fins de semaine, vendredi, samedi, dimanche, trois jours consécutifs, six heures par jour de cours, 18 heures une fin de semaine. C'est peut-être lourd, mais c'est peut-être des façons de penser à des déplacements, à regrouper des jeunes et à avoir des enseignants de haut calibre vis-à-vis ces étudiants-là. Je donne un exemple, ça peut être d'autres exemples, ça peut être également la télé-enseignement dans ces régions-là, avec également des cours de très grande qualité.

Une chose qui est certaine, c'est que le droit à l'éducation, ça existe. Et on ne doit pas, parce qu'on est dans une région étendue, à faible densité, ne pas faire preuve d'imagination pour offrir le meilleur enseignement, la meilleure éducation possible. Et ça, je pense que tous ceux qui vivent dans le Nord, et depuis toujours... parce que je me souviens des premiers balbutiements des commissions scolaires du Grand Nord; à ce moment-là, j'avais à peu près le titre que vous avez, M. Bédard, j'étais votre vice-président avant que vous me connaissiez. Déjà, on pensait à ces formules-là qui ont évolué de beaucoup depuis, de toute façon. Et vous avez passablement mon admiration pour ceux qui oeuvrent dans le secteur de l'éducation dans des conditions plutôt difficiles, effectivement.

Mais je voudrais creuser davantage votre mémoire global et je voudrais savoir si vous avez abordé, à quelque niveau que ce soit, avec la communauté, les communautés autochtones, si vous avez véritablement abordé avec eux la possibilité de créer un collège du Nord ou un collège du Grand Nord, je ne sais pas. Est-ce que vous avez abordé ces thèmes-là?

M. Parent (Ghislain): Je laisserai Ghislain, M. Desjardins compléter, bien sûr, mais nous n'avons pas abordé directement avec les communautés ce type d'institution. Les Cris, de leur côté, nous savons que les Cris sont en train de faire une démarche un peu semblable pour revendiquer, dans le fond, l'obtention d'un collège cri. Nous pensons que, avec les infrastructures que nous avons à Chibougamau, à Chapais, nous serions en mesure, dans la mesure où on aurait les ressources appropriées, de desservir ces besoins, comme je le disais tantôt, autant pour les allochtones que pour les autochtones.

M. Chevrette: Ça supposerait, par exemple, à moins de penser à l'éducation et à l'enseignement à distance, que ça prendrait des résidences pour étudiants.

M. Parent (Ghislain): Oui. Dans la région Nord-du-Québec, évidemment, il n'y a pas juste le Centre d'études collégiales à Chibougamau qui donne de la formation, il y a plusieurs collèges. Nous avons quand même une carte d'enseignement professionnel qui est relativement restreinte. Donc, ça nous limite aussi dans nos interventions. Mais le cégep de Saint-Félicien, avec le Centre, donne déjà de la formation au niveau de l'ensemble des communautés, principalement en garderies.

M. Chevrette: Principalement...

M. Parent (Ghislain): En garderies, en services de garde. On l'a fait dans les neuf communautés cries, on l'a fait également... On a débuté de la formation avec les Inuit dans le Nord, mais c'est excessivement pénible dans la mesure où...

M. Chevrette: Combien vous avez d'options professionnelles, par exemple?

M. Parent (Ghislain): Au Centre d'études, on a une option professionnelle, présentement, qui est la technique administrative, option finance ou option gestion... c'est option gestion.

M. Chevrette: Et nursing, par exemple, vous n'avez pas ça?

M. Parent (Ghislain): Non. Le cégep de Saint-Félicien l'a comme option, mais nous ne l'avons jamais dispensée au Centre d'études collégiales à Chibougamau. Là, comme M. Desjardins le disait tantôt, on est en train d'essayer d'avoir une entente avec le cégep d'Abitibi-Témiscamingue pour être capable de dispenser les deux premières années de la technologie minérale. On devrait conclure une entente avec eux prochainement parce que le plan triennal que nous avons déposé au ministère, dans le cadre de l'activité globale du plan triennal provincial, revendiquait la possibilité d'obtenir l'autorisation d'une technologie minérale pour les trois années. On pense qu'il faut garder les jeunes chez nous pour être capable de les former puis de les garder en région pour leur assurer un travail.

M. Chevrette: C'est parce que si je vous pose la question... Je regarde les créneaux de développement pour le Nord. Vous avez la forêt pour la partie au moins sud du Nord, vous avez les mines, vous avez le tourisme. Ça, au niveau des créneaux de développement, je pense qu'on s'entend assez. Il y a l'énergie, naturellement, qui est dans ça. Mettons qu'il y a quatre créneaux de développement. Vous arrivez, d'autre part, avec la santé. De plus en plus, les gens veulent avoir leur structure à eux. Donc, il y a des possibilités d'avoir une carte professionnelle qui regarde les volontés de se gérer des communautés autochtones – si je pense «autochtones» – de sorte que vous devriez avoir au moins quatre à cinq options professionnelles qui regardent à la fois les créneaux de développement puis les possibilités de travail dans des droits indispensables comme la santé, l'éducation, quelque chose du genre. L'administration, je trouve ça correct aussi. Ça pourrait être une brochette... un panier au moins de six options professionnelles. C'est dans ce sens-là que j'essayais de regarder la possibilité.

C'est parce que là on va se retrouver avec le même phénomène qu'on avait retrouvé. La SQDM faisait affaires avec Chaudière-Appalaches. Moi, je n'ai rien contre le fait que Saint-Félicien desserve le Nord. Si vous n'étiez pas là, il n'y aurait rien, je comprends ça, sauf qu'à un moment donné, quand on la chance de remettre de l'ordre un peu dans un système, on profite de l'occasion pour offrir un panier, je ne sais pas, d'options, et puis bien identifiées et gérées par le Nord lui-même, puis à partir de ses besoins, etc. Ça vous «offusque-tu» que je dise ça?

M. Parent (Ghislain): Au contraire, ça ne nous offusque pas parce que, comme je le disais tantôt, le plan triennal que nous avons déposé faisait déjà état d'un certain nombre de demandes qui s'inscrivent effectivement dans les secteurs que vous avez mentionnés. Le problème auquel on est confronté... et on est un centre d'études collégiales, on est le premier, mais, en même temps – au risque de me tromper, là, M. Desjardins pourra me corriger – mais on est encore un des plus petits parce que c'est un territoire tellement vaste que les étudiants, quand ils se déplacent, ils vont, surtout avec une carte de programmes très limitée... et nous souhaiterions obtenir un éventail de programmes qui soit un peu plus large pour nous permettre justement d'être capables de retenir nos jeunes en région et être capables aussi de desservir autant les communautés allochtones que les communautés autochtones. Et, au contraire, ça ne nous offusque pas. Ça va dans le sens des demandes que nous avons adressées.

Je ne sais pas si M. Desjardins a des choses à ajouter.

(10 heures)

M. Desjardins (Ghislain): Peut-être juste en complément, M. le ministre. Concernant ce que M. Parent mentionnait pour les services de garde aux communautés autochtones, et si je fais relier, autrement dit, la concordance avec le secteur de la santé, un autre collège a déjà expérimenté avec les communautés cries une intervention en soins infirmiers, intervention pénible qui s'est soldée, je crois à la fin, par une ou deux personnes qui ont été formées.

Nous, on a misé gros, en janvier 1997, quand on a entrepris un programme de formation dans les neuf communautés simultanément et c'est par volonté des communautés que d'avoir été s'installer directement chez elles pour donner un programme de formation, et ça se disait donc avoir une équipe disciplinaire quand même passablement importante. Mais je crois que toutes les communautés ont été unanimes à mentionner que le taux de réussite a été excellent. Je crois qu'on a eu, sur 93 ou 94 étudiants, total des neuf communautés, quelque chose comme 72 ou 73 finissants.

C'est bien évident que présentement... quand vous disiez: Est-ce que vous avez déjà expérimenté des modèles d'harmonisation avec les communautés cries ou communautés autochtones? on est à nos balbutiements ou à nos premières étapes. Mais, au moment où on se parle, on a déposé, auprès du ministère de l'Éducation et en collaboration avec la Commission scolaire cri, un projet d'intervention, je dirais, quand même modeste, au niveau de la langue française, mais avec quatre communautés, qui sont Chisasibi, Waswanipi et Mistassini, qui ferait en sorte de pouvoir garder les étudiants sur place une première année, leur donner des activités de mise à niveau qui leur permettraient de mieux définir leur secteur d'orientation professionnelle. Ensuite, peut-être pouvoir au moins accompagner ces gens-là au cours d'une année comme telle.

M. Chevrette: Est-ce qu'il existe des formes de collaboration entre certaines sociétés, par exemple comme Hydro-Québec, et vous autres, dans le Nord québécois, pour définir, par exemple, je ne sais pas, les besoins futurs d'Hydro en termes de formation sur le territoire du Nord? Est-ce qu'il y a des relations qui se sont établies, ou des collaborations, ou des concertations qui se font entre Hydro-Québec puis des institutions d'enseignement comme le vôtre?

M. Parent (Ghislain): Je laisserai M. Desjardins répondre là-dessus.

M. Desjardins (Ghislain): Sans vouloir être méchant, M. le ministre, oui, il y a eu...

M. Chevrette: Je ne vous demande pas d'être méchant, je vous demande d'être franc.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Desjardins (Ghislain): On va essayer de vous éclairer à ce sujet-là. Avec Hydro-Québec, nous avons eu certaines relations d'affaires où, à maintes reprises, on nous a demandé des propositions d'intervention. Mais le modèle d'Hydro-Québec comme tel est un modèle centralisateur où, actuellement... Même si les gens de la région ont très peu de pouvoirs pour pouvoir donner des services à l'interne, à quelques reprises, on a demandé de la formation de techniciens spécialisés de laquelle on pouvait partir d'un besoin d'une centaine de techniciens spécialisés et, en l'espace de trois mois, à le réduire avec un surplus de main-d'oeuvre d'une quarantaine de personnes. Donc, il y a toujours eu, de la part d'Hydro-Québec, un retour, je dirais, à la case départ, où on faisait travailler les gens, on faisait des propositions, mais c'est soit les grands centres comme Montréal ou Chicoutimi qui intervenaient par rapport à la région.

M. Parent (Ghislain): Nos possibilités, si je peux me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Duguay): Oui, allez.

M. Parent (Ghislain): Dans le fond, nos possibilités d'intervention sont limitées, comme je le disais tantôt. Elles sont limitées principalement à cause de la carte des programmes. On sait qu'on doit intervenir dans l'ensemble des secteurs auxquels vous avez fait référence tantôt, M. le ministre. Donc, c'est la poule et l'oeuf, là. On est un peu piégé de notre dimension.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez des professeurs autochtones parmi vos...

M. Parent (Ghislain): Pardon, M. le ministre?

M. Chevrette: Votre collège compte-t-il quelques professeurs autochtones?

M. Parent (Ghislain): Au niveau du Centre d'études comme tel, non.

M. Chevrette: Non, non, mais au niveau du collège, là, globalement.

M. Parent (Ghislain): Globalement. Quand on est intervenu en services de garde – comme le disait tantôt M. Desjardins – dans les neuf communautés en même temps, c'étaient des autochtones, et ça a été une des conditions de réussite aussi. Dans le fond, je réinsiste sur le fait que ce n'est pas les étudiants qui sont venus à Chibougamau suivre la formation. C'est nous qui sommes allés donner la formation dans l'ensemble des communautés, de sorte qu'il y a eu un taux de persistance, au niveau de l'ensemble de ces groupes, assez impressionnant. Et ça, j'avoue que ça a été une réussite totale. Mais c'étaient des Amérindiens ou des autochtones.

M. Chevrette: J'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire par «allocation de base» dans votre mémoire. Vous parlez d'une allocation de base en vous comparant, là. J'aimerais savoir concrètement ce que vous voulez dire.

M. Parent (Ghislain): Vas-y, Ghislain.

M. Desjardins (Ghislain): Le modèle de financement au niveau des collèges fait référence à un modèle qu'on appelle FABES, le «F» pour «allocation fixe». Quand on parle des collèges, on parle d'une enveloppe qui est la même, peu importe la dimension d'un collège, qu'il soit de 700 élèves ou de 6 500 élèves, parce qu'on dit à un collège: C'est le montant fixe minimal dont tu as besoin pour avoir une structure de base. Que ce soit une direction des études, que ce soient des services pédagogiques, que ce soit une bibliothèque, un centre de documentation, c'est un montant de base.

On a réussi à trouver un modèle différent pour ce qui était des centres, dans le sens qu'on a comme classifié les centres avec trois niveaux d'intervention qui étaient de plus populeux à moins populeux. Et c'est bien évident que, même si on a démontré les interventions que l'on pouvait faire à une petite clientèle particulière, on s'est ramassé, au niveau des centres, avec un financement qui varie de 250 000 $ environ à 500 000 $. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on a un financement de base qui est de 250 000 $, et on doit servir, lorsqu'on arrive au niveau des programmes, mettons, préuniversitaires, sciences de la nature, sciences de la santé, une technicienne en laboratoire, une technicienne en documentation... J'ai, au moment où on se parle, une demi-technicienne en documentation, ce qui n'est pas le cas dans les autres centres d'études au Québec. Ce qui est incompréhensible.

M. Parent (Ghislain): Dans le fond, une allocation... je pense que le terme «de base» est bon; ce n'est même pas une allocation minimale. Et, avec l'arrivée des compressions budgétaires, j'avoue qu'il y a deux ans on était rendu à 207 000 $. On a réussi, avec des discussions avec le ministère, à faire en sorte que cette allocation de base soit augmentée à 250 000 $, niveau, d'ailleurs, qu'on avait il y a déjà six, sept ans. On a réussi à l'obtenir, mais ce n'est pas suffisant. On faisait référence tantôt à l'allocation minimale, aussi, de base qui est donnée en termes de formation continue. La formation continue... évidemment, nos interventions vont sur l'ensemble du territoire et on a une allocation de 43 000 $. Alors, n'importe quel centre au Québec, qui est en dehors de la maison mère, a une allocation qui varie entre 40 000 $ et 50 000 $. Mais, quand on est à 25 km de la maison mère, puis qu'on est à 235 km dans ce cas-ci, c'est bien différent, alors qu'on doit couvrir un territoire – tout le monde le connaît bien, le territoire Nord-du-Québec, là – qui occupe 65 % de la superficie au Québec. On a la même allocation que n'importe quel centre au Québec et on doit intervenir et couvrir des kilomètres de façon impressionnante. Donc, on est nettement sous-financé là; ça, c'est assez clair. Ça limite évidemment nos interventions.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de remercier les gens pour la présentation du mémoire. Plusieurs questions sont suscitées à l'intérieur de votre mémoire. Et, pour un, j'ai toujours cette même interrogation au fil des groupes qui se succèdent à cette commission. On entend souvent les gens nous dire à répétition que les programmes gouvernementaux ne réussissent pas à s'adapter à la réalité de votre région. Au niveau des jeunes plus particulièrement, l'attention a été attirée. C'est une population jeune chez vous, mais, en même temps qu'il y a une population jeune, on fait le constat que vous n'avez pas les outils qu'il faut pour la former adéquatement et vous n'avez pas non plus les outils qu'il faut pour la retenir chez vous. Lorsqu'on parle, dans d'autres mémoires, d'exode des jeunes de 15-35 ans, là, il y a un exode, qui est presque massif, de votre région. Donc, l'objectif de mes questions va surtout porter là-dessus, d'autant plus que ça fait quelquefois que le ministère de l'Éducation est vraiment pris à partie par des groupes qui nous disent qu'il y a même des propositions qui sont faites par votre milieu et puis qui rencontrent un mur d'incompréhension, où on nous dit: Bien, c'est la norme, la norme ministérielle, la norme gouvernementale, qui fait en sorte qu'on ne répond pas et qu'on n'est pas capable de donner suite à des projets novateurs, des projets qui, même s'ils ne viennent pas bouleverser le monde, répondent à un contexte d'une situation que vous vivez.

(10 h 10)

À l'intérieur des cours que vous dispensez... d'abord, il y en a un en formation technique, c'est très peu, et je rejoins le questionnement du ministre là-dessus: Face aux entreprises qui sont donateurs, qui génèrent de l'emploi chez vous dans le domaine de la forêt, des mines, de l'hydroélectricité – on a parlé d'Hydro-Québec – est-ce que les employeurs, avec vous, ont établi, sur une base formelle, officielle, les besoins de main-d'oeuvre qu'ils ont maintenant, mais surtout, mettons, pour les quatre, cinq, six, huit, 10 prochaines années à venir, parce que c'est par là, normalement, que l'économie va se développer, et comment vous pensez pouvoir, si tel est le cas, répondre à ces besoins de l'entreprise? Dans d'autres régions, de plus en plus, on est rendu plus loin que ça. Non seulement on établit les besoins des entreprises, mais les entreprises nous disent: Vous allez les former chez nous, on veut des gens qui sont prêts à travailler chez nous, on va les former sur place, en entreprise. Est-ce que, quand on parle d'un plan de développement de l'ensemble du Nord québécois, vous pensez que ce genre de question devrait trouver réponse? Est-ce que ce plan de développement du Nord devrait comporter des outils qui vont vous permettre de répondre à ça? Est-ce que ça répond à un besoin comme tel?

M. Parent (Ghislain): Je laisserai peut-être M. Desjardins répondre à ça. C'est lui qui, principalement, fait les interventions pour les entreprises.

M. Desjardins (Ghislain): On mentionnait tout à l'heure que la région faisait partie principalement au niveau de trois dessertes gouvernementales, au niveau de la SQDM, l'ex-SQDM maintenant retrouvée sous Emploi-Québec. Il faut savoir également qu'au niveau de la SQDM, qui avait la responsabilité de vérifier le besoin des employeurs, lorsqu'on a bâti le plan triennal de la formation professionnelle technique de la région, on a été confronté à la première réalité de constater qu'on avait difficilement accès à l'information, à savoir quels étaient les besoins des employeurs locaux. Donc, au moment où on se parle, le Conseil régional de développement, en collaboration, probablement, avec le Centre local d'emploi, va certainement travailler, au cours de la prochaine année ou des moments qui s'en viennent, à vérifier le besoin des employeurs de la région.

Nous, par contre, lorsqu'on a bâti le plan triennal, compte tenu qu'on s'accrochait dans les secteurs de développement de base, qui étaient les mines, la forêt et l'hydroélectricité, et le tourisme, on a déjà fait un premier travail concernant le développement d'une étude de pertinence pour technologies minérales. On a pris la peine de bâtir un questionnaire et de vérifier auprès de toutes les compagnies minières, et ce, incluant même celles de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean et plus au nord, les besoins de main-d'oeuvre concernant les techniciens, et on a été à même de constater, lorsqu'on l'a déposé auprès du ministère, qu'avec un programme d'alternance travail-études, tel que vous le suggérez, les compagnies étaient très ouvertes à nous rendre accessibles leurs lieux de formation et elles avaient des besoins à combler qui feraient en sorte qu'une clientèle de base qui rentrerait chez nous pourrait trouver placement à la fin de son programme d'études comme tel.

Dans le secteur forestier, on parle peut-être de technologie de transformation de produits forestiers, seul le Collège de Saint-Félicien a présentement bâti cette étude de pertinence là et a regroupé les intérêts des deux principaux scieurs chez nous, des compagnies forestières. Mais le reste de la région n'a pas été touché. Donc, au niveau de l'évaluation des besoins de main-d'oeuvre, ça se limite à ça.

M. Vallières: Et est-ce que les entreprises du privé seraient prêtes à s'impliquer financièrement pour permettre la dispensation de ces cours? Est-ce qu'il y a une ouverture de ce côté?

M. Parent (Ghislain): C'est-à-dire que ce qu'on attend principalement, comme le soulignait tantôt M. Desjardins... Si on prend le secteur des mines, par exemple, il est certain que, même en revendiquant la possibilité d'obtenir une technologie minérale chez nous, on est bien conscient qu'on ne sera jamais capable, surtout dans le cadre des objectifs que poursuit le gouvernement et auxquels on souscrit, de l'objectif zéro... on n'obtiendra pas les infrastructures que le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue a, par exemple, dans ce domaine-là. Et ça, ça nous a obligés, je pense – et je pense que c'est un exercice qui est sain – à nous retourner vers les employeurs et à faire en sorte que les employeurs acceptent les étudiants, comme vous le disiez tantôt, comme sites de formation... c'est-à-dire, la formation va se donner en entreprise, elle ne se donnera pas nécessairement chez nous. Et dans ce sens-là, oui, les employeurs sont très, très ouverts à collaborer à la formation. Donc, c'est une forme d'investissement important que l'on considère de la part des employeurs.

M. Vallières: Bon, ça me semble être une avenue intéressante.

Dans votre mémoire, vous dites que le tiers des finissants du secondaire quittent la région pour avoir accès à de la formation technique. De ces jeunes-là qui quittent, est-ce que c'est dans le but d'avoir une formation technique pour revenir travailler dans le Nord du Québec ou non? Et, deuxièmement, quel pourcentage de ces jeunes-là reviennent dans la région?

M. Parent (Ghislain): M. Desjardins.

M. Desjardins (Ghislain): À votre première question, on aimerait dire oui, on aimerait que ces gens-là, s'ils sont obligés de quitter, reviennent dans la région. Malheureusement, très peu d'entre eux reviennent, pour de bonnes raisons. Puis, dans les régions, quand vous dites «développer des modèles inventifs»... les gens qui sont nés dans la région et qui doivent quitter, fréquemment, s'aperçoivent que c'est peut-être plus facile dans les grands centres et, quand ils ont terminé leur programme de formation, souvent parce qu'ils ont fait même des stages dans les grands centres, demeurent dans les grands centres. C'est une très faible proportion, je vous dirai. Moi, quand je suis sorti – comme je vous le disais tout à l'heure, ça fait 30 ans que je suis dans cette région-là – il n'y en avait pas de centre d'études. Et, quand je suis revenu... je regarde mes collègues qui, en même temps que moi, terminaient, on n'est peut-être même pas 10 % qui sont revenus dans la région. Donc, c'est définitif que les gens qui terminent... Je vous disais le tiers. L'an dernier, c'était environ 65 à 70 étudiants qui sont rentrés chez nous en première année; 42 sont partis à l'extérieur, principalement dans les secteurs techniques de la santé ou encore de génie. Donc, c'est pour ça quand M. Chevrette mentionnait tout à l'heure, le ministre, qu'une gamme ou une palette de services de cinq, six options professionnelles pourrait peut-être permettre de tenir 50 % de cette clientèle-là déjà immédiatement chez nous.

M. Vallières: Ça va. Bon, c'est de l'information qui est intéressante parce que, là, ce que vous nous confirmez, entre autres, c'est pour des techniques... ces jeunes-là choisissent des techniques pour aller travailler à l'extérieur. Parce que ce n'est pas des techniques qui leur permettent de revenir dans leur milieu. Ce n'est pas dans le domaine minier, ou énergétique, ou forestier. Peut-être un peu dans le domaine de la santé. Puis on a vu hier que, dans le secteur de la santé, même au niveau de certaines techniques que vous vous proposiez de donner en région, à cause des normes du ministère de l'Éducation, ça ne peut pas être retenu que vous donniez ce type de cours là. Alors, c'est sûr que, même dans le secteur de la santé, si les techniques sont données chez vous, il y a plus de chances que vous exerciez de la rétention de vos jeunes chez vous que si la technique est donnée à l'extérieur. On est conscient de ça. Même dans d'autres régions, on assiste au même phénomène.

Il y a des groupes qui vous ont précédés et qui ont proposé... entre autres, la Régie régionale de la santé et des services sociaux Kativik, le Conseil régional de développement Kativik et la commission scolaire Kativik ont demandé la création d'un cégep inuit dans la région. Est-ce que vous avez un point de vue là-dessus?

M. Parent (Ghislain): D'un cégep inuit?

M. Vallières: Oui.

M. Parent (Ghislain): J'ai un peu comme répondu tantôt, je pense. Les démarches ou la prétention, dans le fond, c'est d'être capables, si nous avons les ressources adéquates, de desservir autant la clientèle allochtone que la clientèle autochtone. Et, dans ce sens-là, je pense que ça nous permettrait d'avoir une infrastructure adéquate pour être capables de répondre à l'ensemble des besoins de l'ensemble du territoire.

M. Desjardins (Ghislain): Juste en complément...

M. Vallières: J'ai peut-être une question aussi... Oui, en supplément.

M. Desjardins (Ghislain): Est-ce que je pourrais donner un complément d'information? On mentionnait tantôt, c'est à bâtir à neuf, un modèle novateur. On a des hypothèses. On pense peut-être, exemple, avoir la possibilité d'avoir, oui, une constituante principale avec différentes constituantes. On a trois ethnies. Si on parle au niveau des Cris, il semble assez déterminant, à force de discussions avec eux, que les pôles de Mistassini et de Chisasibi sont des pôles importants. On est conscient qu'on devrait avoir des activités avec eux dans ces centres-là. Lorsqu'on regarde au niveau des Inuit, parce que Kativik Regional Government, ou encore la commission scolaire Kativik, eux ont plusieurs villages, ils ont quand même des villages plus importants, et on pense qu'ils pourraient, eux aussi, devenir des constituantes qui feront partie d'un tout comme tel, d'un collège, peut-être régional, ou collège nordique comme tel.

M. Vallières: Peut-être une question qui concerne le ministre aussi. J'aimerais que vous m'indiquiez... Quand vous faites des demandes, par exemple, à des ministères sectoriels, dans une région comme la vôtre, et que vous savez que c'est plus ou moins dans la norme, vous savez au départ, quand vous faites votre demande, j'imagine, vous connaissez déjà les normes gouvernementales, sur quels appuis vous pouvez compter pour dire: On va faire en sorte que ce qu'on présente là, on va se battre pour l'avoir. Mais sur quels appuis vous pouvez compter?

Je pense, entre autres – puis je ne fais pas de cachette au ministre du Développement... qui était ministre du Développement des régions – que, normalement, il y a un ministre qui s'occupe du développement des régions qui joue un rôle horizontal de chef d'orchestre pour s'assurer justement qu'on puisse moduler des choses à l'intérieur des ministères sectoriels en fonction des besoins qui, souvent, et plus particulièrement dans une région qui est unique comme la vôtre... Comment, au plan gouvernemental, on est équipé pour vous aider quand ça arrive? Puis je ne fais pas allusion plus au ministre actuel qu'à d'autres avant, là. Compte tenu de cette particularité – tout le monde vient nous le dire, puis on le constate, c'est particulier, votre région – est-ce que, au plan gouvernemental, vous êtes pris pour négocier vraiment sectoriellement et ça se limite à ça ou est-ce qu'il y a des mesures de soutien qui viennent s'ajouter à ça pour vous aider à passer au travers de l'appareil qui ne semble vraiment pas très ouvert à s'adapter à ces particularités que vous nous expliquez?

(10 h 20)

M. Desjardins (Ghislain): Il est évident que ce que vous mentionnez, nous, on le regarde actuellement avec l'ex-ministre du Développement des régions. Il s'est toujours montré d'une attention particulière, en tout cas, en ce qui concerne les régions, pour avoir une problématique des régions, à savoir que, quand on n'est pas sur les autoroutes ou sur les routes principales, il faut passer à travers les forêts ou encore les sentiers non battus. C'est bien évident que ça prend des modèles organisationnels qui sont à l'effet de débroussailler. On a reçu quand même de la part des ministères concernés une attention particulière, sauf que c'est la norme ministérielle qui fait en sorte qu'elle prévaut malgré tout, malgré le fait qu'on sache fort bien que oui, c'est différent, c'est difficile, et c'est cette attention-là qui n'est pas prévue actuellement par les modèles présentement qui nous font défaut chez nous. Parce que je me dis... Oui, mon supérieur, mon directeur général mentionnait tout à l'heure: À 25, 30 km, c'est déjà quelque chose. Mais il faut comprendre que, quand vous demeurez à Québec, des collèges, il y en a plusieurs. Et les enfants demeurent chez leurs parents. Les 42 ou le tiers de la population, tout à l'heure, qui partaient, moi, ils doivent quitter, et c'est des frais, automatiquement, qui sont importants. Les gens, chez nous, parlent de 8 000 $, 10 000 $ automatiquement, et c'est pour le fardeau parental que ça devient important d'avoir une attention particulière à ces normes-là.

On a parti, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, un cours à Matagami. Le gros bon sens ou une région ne partirait pas avec le nombre d'étudiants avec lesquels on est parti. Mais, si on considère qu'ils ont, eux aussi, droit à des services, on l'a quand même dispensé pour huit ou neuf étudiants.

M. Vallières: Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Alors, M. le député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, M. le Président. Vous souhaitez, comme beaucoup de groupes qui vous ont précédés, que soit instaurée une politique de développement pour le Nord-du-Québec et, évidemment, vous souhaitez qu'on accorde une attention particulière à la formation et à l'éducation. Pour faire un peu le lien avec tout ce que vous avez dit dans vos réponses tantôt, est-ce que vous pensez qu'un projet, éventuellement, de création d'une institution collégiale pour le Nord-du-Québec avec des satellites chez les communautés autochtones, comme vous en parlez, ou d'autres modèles, ce seraient des éléments importants à inclure à l'intérieur d'une problématique qui va mener à l'instauration d'une politique de développement nordique?

M. Parent (Ghislain): Évidemment, la problématique... À l'heure actuelle, le Centre d'études collégiales à Chibougamau est partie intégrante du cégep de Saint-Félicien, mais bien sûr que le cégep de Saint-Félicien, je pense, a toujours traité le Centre d'études collégiales comme quelqu'un de mature, comme quelqu'un qui était capable de se prendre en main et de devenir autonome. Bien sûr que, si, demain matin, l'ensemble de la région exprime le besoin, la nécessité d'un centre d'études collégiales, le cégep de Saint-Félicien sera là pour le supporter dans l'implantation d'un centre comme celui-là. Et, sincèrement, je pense que, pour être capable de bien répondre aux besoins, il faut être capable d'avoir la maîtrise d'oeuvre chez nous. Ça, ça m'apparaît assez évident.

M. Létourneau: Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous avez soulevé les nouvelles technologies et l'utilisation... Parce que, pour moi, avec les énormes distances, de prétendre que même tous les Inuit vont se déplacer vers Chibougamau, ou les Cris de Chisasibi à Chibougamau, ce n'est pas évident. Mais est-ce qu'il y a moyen, avec l'inforoute et d'autres choses, qu'on puisse envisager un jour que, avec un pôle à Chibougamau, on va être capables d'aller chercher les étudiants à travers le territoire?

M. Desjardins (Ghislain): Je vais répondre. Il faut penser, puis, comme on le mentionnait, oui, c'est important – vous l'avez bien dit... L'inforoute, le télé-enseignement, ce seront des outils; ça ne demeurera que des outils, je crois, sauf que ce sont des outils facilitants qui vont permettre de pouvoir offrir un meilleur service à la clientèle, qui est la clientèle allochtone ou la clientèle jamésienne du Nord-du-Québec. Mais je pense, entre autres, exemple: Il faut avoir une mentalité différente, de dire: Tant qu'à bâtir, bâtissons quelque chose ou un modèle qui va répondre à toute cette région-là, qui va permettre de dire: Oui, peut-être que Chibougamau est un centre, mais qui n'est pas l'unique centre, qu'il y a au moins des services minimaux qui sont dispensés dans certaines communautés qui sont des communautés plus importantes. Il faudra vérifier, maintenant, comment avoir accès aux autres communautés par la suite, que ce soit, exemple, Kuujjuarapik. Mais, si je pense à Kuujjuaq, qui est quasiment, on pourrait dire, la métropole des villages inuit, ils devront avoir minimalement des services de base qui sont avec eux. C'est de voir comment, maintenant, on pourra, à partir de services de base, dans certaines constituantes, pouvoir pénétrer l'ensemble des autres localités comme telles. Et là, à ce moment-là, l'inforoute et le télé-enseignement sont des outils qui seront certainement regardés à cette instance-là.

M. Kelley: Parce que ce n'est pas que je dis que c'est nécessairement souhaitable. Mais mon beau-frère, à Vancouver, voit ses étudiants maintenant deux fois par semestre, au début et à la fin, et tout le reste est fait sur l'inforoute. Et ça, c'est en tissu urbain. Alors, je pense qu'on a des raisons de plus. Un enseignant peut se déplacer au début du cours à Kuujjuaq ou à Kuujjuarapik pour rencontrer les étudiants. Une autre ou une couple d'autres visites pendant le semestre et, à la fin, revenir pour les examens, je ne sais pas. Mais c'est devenu déjà la pratique, même en tissu urbain. Moi, je regarde à travers le territoire du Grand Nord, ça va être très difficile de prétendre que le monde peut se déplacer, parce que les distances le rendent quasiment impossible. Et dès que, moi, j'ai décidé de quitter Kuujjuaq, Chibougamau, à ce moment, il doit être concurrentiel avec Montréal, ou Rouyn, ou beaucoup d'autres endroits. Du moment que je quitte ma résidence, le choix est presque tous les endroits au Québec. Alors, comment est-ce qu'on peut trouver une façon spécialisée pour un centre à Chibougamau ou quelque part dans le Grand Nord qui peut encourager les personnes à rester dans la région plutôt qu'à quitter leur résidence? Je ne sais pas, je lance ça comme ça, mais ça m'a fasciné de regarder... Je le dis honnêtement, je suis un petit peu perturbé par le fait que mon beau-frère n'est pas condamné à voir ses étudiants à toutes les semaines. Mais, si c'est vers ça qu'on se dirige, je pense qu'on a tout intérêt, au Grand Nord, à en profiter parce que, peut-être, c'est un moyen maintenant de... Il y a les dialogues et, d'une certaine façon... Mon beau-frère travaille beaucoup avec chaque élève, parce qu'ils ont la capacité de poser les questions directes, et il répond, il corrige tous leurs laboratoires – c'est le cours de sciences. Mais il fait ça. En tout cas, je trouve ça intéressant.

Juste en terminant. Le ministre a énuméré quelques créneaux de développement dans le Grand Nord. Avez-vous des expertises dans les études environnementales, parce que je pense que ça doit en être une autre aussi... Si on veut ouvrir une mine, si on veut faire un développement hydroélectrique, ça va prendre des personnes qui connaissent le Nord, qui sont capables d'aller faire les tests, et ça prend des universitaires, des diplômés, des biologistes. J'imagine qu'il doit y avoir d'autres techniques qu'on peut développer pour les personnes qui doivent travailler pour faire les études d'impact environnemental aussi. Est-ce que c'est quelque chose qu'on a regardé?

M. Parent (Ghislain): C'est-à-dire que, dans le cadre du plan triennal, je pense qu'on en a fait mention. Le cégep de Saint-Félicien est doté d'un programme qu'on appelle «techniques de milieux naturels», qui intervient précisément dans le champ de l'environnement, avec sept ou huit voies de sortie. Donc, il y a, je pense, l'expertise adéquate pour être capable de supporter un développement comme celui-là dans le Nord-du-Québec.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci. C'est tout le temps qu'on avait de ce côté-là. Il reste une minute. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Ce n'est pas en une minute qu'on peut poser beaucoup de questions, M. le Président, mais je vous remercie quand même de me donner la parole pour dire aux représentants du Centre d'études collégiales à Chibougamau que c'est excessivement intéressant de les entendre. La plupart des questions du ministre ont permis de répondre à beaucoup de mes interrogations. Je voudrais juste seulement poser une dernière question. Vous avez bien dit qu'il n'y avait pas de professeurs parmi vous qui étaient d'origine crie ou inuit. Est-ce qu'il y a parmi vos professeurs... est-ce que les gens, des professeurs comprennent ou parlent le cri ou l'inuktitut?

M. Desjardins (Ghislain): Dans le bassin d'enseignants actuellement?

M. Dion: Oui.

M. Desjardins (Ghislain): Seulement lorsqu'on est intervenu au niveau de la formation continue, parce qu'on avait misé sur une ressource de base qui était, elle aussi, une autochtone qui disait... Puis je peux dire qu'une partie de la réussite de ce programme-là était le fait que notre coordonnatrice principale était, elle aussi, une Crie.

M. Dion: Et s'il y avait des ressources pour le favoriser, est-ce qu'il y a un intérêt, dans le corps professoral actuel, pour apprendre ces langues-là ou être capables de communiquer d'une façon au moins minimale dans ces deux langues-là avec leurs étudiants?

M. Parent (Ghislain): La réponse est oui, je dirais oui. Vous savez, quand on parlait d'allocation de base puis minimale, nous avons une allocation de 4 700 $ pour assurer le perfectionnement de notre personnel au Centre d'études collégiales à Chibougamau. Ça veut dire: un perfectionnement en dehors de la région, puis on vient de consommer une bonne partie de l'allocation. Mais je pense que oui, pour répondre à votre question.

M. Dion: Je vous remercie.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup.

(10 h 30)

M. Chevrette: M. le Président, je vous demande la faveur de pouvoir dire une phrase ou deux et de le permettre au député de Richmond également. Moi, je voudrais formuler un voeu à ce stade-ci de la discussion, compte tenu qu'on a devant nous les représentants des études collégiales, c'est qu'on puisse faire une recommandation, au moins, qu'il y ait une négociation unique pour les quatre, l'ensemble de vous quatre. Ça n'a pas de bon sens de vous promener entre différents cégeps puis de reprendre les négociations à zéro. On a une clientèle unique, on devrait avoir un guichet unique de négociation pour cette clientèle unique, quelles que soient les communautés qui forment cette clientèle unique de jeunes aptes aux études collégiales dans votre milieu. Et à la fin de la commission, je demanderai l'appui du député de Richmond, de sa formation politique pour qu'on achemine au ministère de l'Éducation cette volonté de cesser les tergiversations multiples pour avoir un canal unique de négociation, de concertation et de décision.

Le Président (M. Duguay): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, c'est ce que j'avais compris de la nature de l'intervention du ministre. Je pense que c'est intéressant comme ouverture, d'autant plus que c'est ce qui nous est confirmé par l'ensemble des mémoires qui se succèdent. Et c'est un peu à ça que je faisais référence quand je disais que je voulais que cette commission joue un rôle utile.

Voilà. Peut-être que lors des conclusions on aura l'occasion, si l'occasion nous est donnée, d'en discuter avant, aussi de voir comment on peut s'inscrire en soutien à ce que vous voulez faire en région, puis de pouvoir, à une même table, entre vous... Parce que c'est bien dit de partout, aussi, ça ne viendra pas de Québec, il faut d'abord qu'il y ait des consensus qui se développent localement. Et ce n'est pas nécessairement une chose facile, mais il y a de l'ouverture, et on le sent. Et je pense que la proposition du ministre, de notre côté, est la bienvenue.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Je vous remercie beaucoup, messieurs du panel.

Alors, j'inviterais maintenant le groupe de la bande Naskapi du Québec à se préparer. On fait un changement de chiffre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Duguay): Membres de la commission, est-ce qu'on peut vous demander de vous placer à vos places respectives?

Alors, messieurs, bonjour. Est-ce qu'on peut demander au porte-parole de se présenter et aussi de présenter l'autre personne?


Bande Naskapi du Québec

M. Einish (Philip): My name is Chief Phil Einish. I'm an aboriginal from the Naskapi First Nation of Kawawachikamach, and I'm here to present my presentation to the commission along with my advisor here, Mr. Paul Wilkinson. It's an honor for me to be here, in the National Assembly, to meet the persons involved in the parliamentary commission, and I'm here today to present my presentation.

The Naskapi Band of Quebec has taken note of the document entitled Profile of the Nord-du-Québec Region prepared within the framework of the commission parlementaire sur le Nord-du-Québec by the ministère des Régions, June 1998. We were astonished, indeed angered, to discover that it contains no reference to us!

The traditional territory of the Naskapis extends from Whapmagoostui in the west, almost to the coast of Labrador in the east, and from Kuujjuaq, in the north, to the vicinity of Fermont in the south. We were never numerous, but the biological productivity of our territory was very low, and we required a vast area to support our nomadic economy.

When the Cree and Inuit started their negotiations with the governments and others in 1973, we were not involved, because we knew nothing of the James Bay hydroelectric project. We were living in Schefferville at that time, and our radio news came from Newfoundland. In any case, few of us spoke or read English at the time.

Early in 1975, Chief Billy Diamond, of the Grand Council of the Cree, and Mr. Charlie Watt, of the Northern Quebec Inuit Association, visited us. They told us about the agreement-in-principle of November 1974 and urged us to become involved in the negotiations leading towards the James Bay and Northern Quebec Agreement. It had been decided that the James Bay and Northern Quebec Agreement would extinguish our aboriginal rights, even though we were not to receive any benefits under it.

We entered into an agreement with the Northern Quebec Inuit Association, whereby it would assist us to represent our interests in the negotiations leading towards the James Bay and Northern Quebec Agreement, but nothing came of it. In mid-1975, therefore, we formed our own negotiating team. We did not succeed in becoming a signatory to the Bay James and Northern Quebec Agreement, but all of the signatories agreed to enter into negotiations with us towards our own agreement. Those negotiations concluded on January 31st 1978 with the signing of the Northeastern Quebec Agreement.

Some of the objectives of the Northeastern Quebec Agreement could be attained only by amending the James Bay and Northern Quebec Agreement. Consequently, Complementary Agreement no. 1 to the James Bay and Northern Quebec Agreement was also executed on 31 January 1978. It confirmed our right to hunt, fish and trap throughout the large part of the Nord-du-Québec region, granted us a priority to operate outfitting camps in that area, and provided for our participation in the regime for environmental and social impact assessment. Figures 1-3 show the areas where we enjoy harvesting and outfitting rights.

Our permanent community, Kawawachikamach, is situated near Schefferville, just south of the 55th parallel of latitude and outside the Nord-du-Québec region. Nevertheless, we have ownership of 284.9 square kilometers north of the 55th parallel, known as Category IB-N lands, exclusive rights to an area of 4 144 square kilometers, known as category II-N lands, and harvesting and outfitting rights over a vast territory, all within the Nord-du-Québec region. We also have all the normal rights of Indian citizens of Canada and Québec.

The profile prepared for the commission parlementaire is flawed, because it refers only to those whose permanent communities are located in the Nord-du-Québec region. We are one of the nations recognized by the National Assembly in 1985. By an administrative accident, our permanent community is located a few miles outside the limits of the Nord-du-Québec region. Nevertheless, most of our traditional and contemporary activities are carried out in the Nord-du-Québec region. It is inconceivable and unacceptable that the developmenr of thr Nord-du-Québec region could be planned as if it contains only three ethnic groups – Cree, Inuit, and non-Natives. The Naskapis constitute the fourth ethnic group in the Nord-du-Québec region.

We respectfully request that the profile be corrected by the inclusion of the appropriate references to us and that we be involved in the planning of activities in the Nord-du-Québec region in a manner that respects our status as a nation. Thank you.

Le Président (M. Duguay): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

(10 h 40)

M. Chevrette: I would like to thank you very much for your presentation. And I observe that it's not a great speech. You come here to tell us: Excuse me, but your limits for region 10 are not correct because our ancestral lands... we are in the Baie James area and we must be there. It's your message, if I understand pretty well. That's right?

I admit that administrative region is a formula for our Government, but the region exists since about 10 years, 15 years maybe, and the North area has only two years. And I accept to study your proposition. I think that you have many reasons in favor of your proposition. I will look at that with my colleagues in a few weeks and I'll give you an answer, because I think that you have really a good argumentation. Thank you very much.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Le relais va être assuré par le député de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Duguay): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Thank you, Mr. Chairman. I would like to welcome as well Chief Einish from the Naskapi nation. And just in a day-to-day, because I think the point you've made about... In our administrative regions, we draw lines fairly arbitrarily on the map, and say: Well, this is region 10, and this is region 03, and this is region 04. There's an old expression, that form should follow function, that we should first figure out where people turn. So, from your community, for health services, for education, where do you look? Where are the outside resources? How are you plugged in to the larger networks in Québec, when it comes to, say, health services or education?

M. Wilkinson (Paul F.): In terms of health services, the Naskapis form part of region 09. They are covered by the Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord, and they get services directly from the Centre de santé de L'Hématite, in Fermont. Within the village of Kawawachikamach, there is a dispensary, and negotiations are at a very advanced stage with the ministère de la Santé et des Services sociaux to create a Naskapi CLSC. And, indeed, we hope that a complementary agreement will be signed by the end of this year.

In terms of education services, there is a school within the community, and that is part of what used to be la commission scolaire régionale Eastern Québec, which, I think, with the reform, is now la commission scolaire centrale, I believe. But again, there is a Naskapi education committee which plays an important role in the planning and delivery of those services.

M. Einish (Philip): And also one thing on the education section, the education committee is in the process of working in the same steps as the health section. In the future, we'll try to form our own education authority, just like a school board. So we are also working in the process of turning the education committee into a school board, which would be like the Naskapi education authority.

M. Wilkinson (Paul F.): The problem for the Naskapis has always been that they're a single community of, today, 700 people. They were 400 people when they negotiated the Land Claims Agreements and, clearly, that didn't justify the creation of a school board or a health board at the time. The Agreement-in-principal with the governments in 1978 was, as the Naskapi population evolved, that there would be accommodations. And so, the negotiations that the Chief has referred to, relating to how health and social services and education, reflect the growth of the population and its evolution since 1978.

M. Kelley: If I could add, I mean, no matter what region you're in, the Naskapis are quite interested in greater local control over these things. So, whether you in region 03, or region 09, or region 10, what the Naskapis are looking for is greater autonomy when it comes to running the schools in Kawawachikamach, a greater autonomy in terms of having your own CLSC, which would be able to identify local priorities, health issues that you deem would be important and allocate the resources accordingly. Is my understanding correct?

M. Einish (Philip): In the past, the Naskapi nation has always had good working relationships with the government departments, and we would like to keep it that way. We have always had support from the Québec government departments and, like I said, we want this good working relationship to last.

M. Wilkinson (Paul F.): And I would add that within the region, the Naskapis have been very successful at integrating themselves, and they have had considerable support from the regional borderers. They're active on the Conseil régional de développement, they're on the board of directors of the Centre de santé de L'Hématite, they're on the board of directors of the Centre local de développement, and so on. So I think the Naskapis clearly have made an effort, but the regional authorities, for their part, have also made an effort to recognize the unique position and the special interests of the Naskapis.

So I think the challenge, in some way, is to... I would say, at the level of region 09, things actually go rather well. The challenge, of course, is that a large part of the interests of the Naskapis are situated physically in the former region 10, Nord-du-Québec. The Naskapis do have a seat on the Kativik Regional Government, and, indeed, the Chief was there, I think, at the meeting just last week. But the problem there is that they're one seat among 14, and their seat doesn't recognize that they are a nation recognized equally by the Government of Québec with the Inuit. And this is the challenge, I think.

M. Kelley: I know your brief doesn't do it, but a lot of our talk has been also about perspectives for economic development. And, for your community, close to Shefferville... Schefferville was once a booming frontier city which has, you know, been more or less, I won't say closed down, but obviously scaled down dramatically. What are the perspectives for the future? What kind of projects... We talked about outfitting; you mentioned that, here, in your brief. But, for young people of your nation, what are the economic prospects, what are the priorities in the community for those people for tomorrow?

M. Einish (Philip): We have been trying to set our programs for our young people to... not to integrate them into it like the... to their society, not... What I am trying to say is we're trying to give our people programs not to loose their traditional ways and also, at the same time, to educate them in today's society. So there are two ways we're looking at: try to educate them and, at the same time, keep up the traditional ways. And through this, what I am trying to say is we're trying to get them away from the dangers of loosing their identity.

M. Wilkinson (Paul F.): I think that tourism, wether it is outfitting or non-consumptive tourism, particularly non-consumptive tourism that integrates the «volet autochtone», which has great interest, I think, for Europeans and Japanese in particular, I think this is still underestimated. The Naskapis are actively pursuing the commercial hunting of caribou, not only for the meat itself, but also with a view to transforming the meat, because it's really there that the job creation is based. They have looked at aquaculture; unfortunately, at the time that was looked at, the economics weren't very good.

(10 h 50)

But I think the key for the economic devloppement of the Naskapis sadly lies in Labrador, in the sense that the electricity for Shefferville comes from a 20 MW hydroelectric plant which is situated just over the boarder in Labrador. It was built by the Iron Ore Company of Canada and had the capacity to operate the mines, because all of the big equipment in the mines was electronically operated. Since the mines closed down, there has been a surplus of about 12 MW or 13 MW of electricity. And the Naskapis have been negotiating now for six years with a view to buying the generating station. And I think there is some optimism they may succeed. The whole thing, unfortunately, got caught up in the negotiations between Québec and Labrador relating to the Lower Churchill Project. But now that there has been apparently a resolution to that problem, I think there is some reasonable prospect either that the Naskapis will be able to buy the generating station or at least that they will be able to get access to the ... If they can do that, there are some very interesting projects. One thing that the Naskapis have done the feasibility study of is a tire recycling plant with the view to producing truck tires adapted to the needs of Northern Québec and other regions of the Far North. Because, quite frankly, the best pick-up truck tire you can buy now, if it lasts two months in Schefferville, or Kuujjuaq, or Whapmagoostui, that's its maximum life span.

The production of hydrogen is another possibility. And, of course, one of the benefits, one of the riches of Schefferville is the railroad to Sept-Îles. And this is conceivable that one could produce hydrogen in Schefferville at an economic cost. For exporting, I would say, the biggest market right now is Germany. But with the port of Sept-Îles, you know, why not Germany? So I think there is a tremendous potential, but it takes patience, money, and originality to identify it and develop it.

M. Kelley: And is it still the Iron Ore Company that owns the dam or...

M. Wilkinson (Paul F.): Yes, it is, a subsidiary of the Iron Ore Company. The Iron Ore Company is quite willing to sell; that's not the problem. The problem is that, at the very beginning, in 1992, Newfoundland and Labrador Hydro said that it was not interested in the plant. The Naskapis put in a bid to buy it in 1992, and theirs was one of two bids that was accepted by the Iron Ore Company of Canada for negotiation. The deal was supposed to be completed by April of 1993. Unfortunately, what happened is that the Iron Ore Company of Canada realized that they had forgotten to renegotiate «les droits hydrauliques». They had just expired. The contract they had provided for an automatic renewal for 30 years; if they had done that, the Naskapis would be the owners and the operators of this plant since 1993.

When the Government of Newfoundland and Labrador realized that the Iron Ore Company had a hydroelectric plant but no right to put water through it, they saw an opportunity and, as I mentioned, more for political reasons than for any other, they decided to use it. Because the fact of the matter is that you can't really economically connect that plant either to Hydro-Québec's network, which would be in Fermont, or to Newfoundland and Labrador's network, which would be at Churchill Falls, because the quantity of electricity versus the cost of building and maintaining a transmission line, the economics just don't make sense. So Schefferville really is the only market, but because of facts just beyond the control of Naskapis, this deal has taken six years rather than six months. But we remain optimistic, and in due course there is every likelihood that the Naskapis will be contacting the Government of Québec for support, although there is already an agreement-in-principle with Hydro-Québec under which Hydro-Québec will provide financial and technical assistance. And, indeed, it has done so to date, but its hands are relatively limited as well.

M. Kelley: A final question, because I'm one of the few who have been lucky enough to visit Kawawachikamach – on day I'll know how to pronounce it. And for the future, for the young people, for their education, they go through high school there. Do they then leave? What happens to an 18-year-old? Do they have to come out? And, if so, where do they go?

M. Einish (Philip): Once they finish high school, it's their choice which course they want to go. It's mostly down South or South-West of the province. So, it's up to the student who...

M. Kelley: Do they come back or do they...

M. Einish (Philip): Oh, yes!

M. Kelley: There isn't the same phenomena that, once they get to Montréal, or Ottawa, or something like that, that they don't come back, or that's less of a problem?

M. Einish (Philip): No, no. Once they have done their year, they come back. They work during the summer months to save enough money to go back in September.

M. Wilkinson (Paul F.): There are 700 Naskapis, of whom approximately 650 still live in the Shefferville-Kawawachikamach area, and I think this is in large part because of the efforts of the Band Council to create the number and the types of jobs that will bring these people back. One of the problems that Naskapis faced was that, when they signed the Northeastern and Québec Agreement, it was predicated on the belief that Shefferville would continue to be a mining town. And the chapters of the Agreement that addressed education and economic development, their objective was to integrate the Naskapis into the existing local and regional economy and, you know, to get them beyond the stage that they've reached, just being laborers for the company, you know, to get them into the service sector, to get them into the administration. And both levels of government between 1978 and 1982 invested very large sums of money in education and training programs.

Then, of course, when the mines closed essentially with no notice, this required a fundamental reorientation on the part of the Naskapis and the government. But again, we would say that both levels of government, Canada and Québec, did show a very high degree of willingness, you know, to interpret the spirit of the Agreement and not to look at the latter. And so they have in fact invested, at both levels, supplementary amounts of money to compensate for the closing of the mine.

M. Kelley: What sort of jobs do the students do? I mean, I think it's very interesting, because, in some of the other presentations, we've looked at the question of youth retention in the Far North, and it's seen as a problem. So, how has the Band Council created jobs, found for these people who've come South and received some education, they come back to the Naskapi nation... What kind of work can they do?

M. Einish (Philip): The students that come back for the summer months, we look at the type of careers they want to pursue. So people in administrative sections, we give them office work. People in the field of maintenance, we give them a maintenance work. So that depends on the choice of their careers.

M. Wilkinson (Paul F.): But, essentially, the Naskapis have taken over the local economy in two senses. They have gone from a situation where they had their own reserve, and everything, literally everything was done for them by other people. Whether it was the Department of Indian Affairs or outside contractors, they have got to a stage where they run, and build, and maintain, and administer their own community. And this involves the administering, on the part of the Band Council, of budgets of 9 000 000 $ a year, and, on the part of the Naskapi Development Corporation, budgets, I would think, probably of 7 000 000 $ or 8 000 000 $ a year.

But, for example, the Naskapis have taken over the operation of Shefferville airport. They have a contract with Transport Canada. They have taken over the operation of the energy distribution system. They have trained their own linemen, they have bought their own equipment. They have the exclusive contract with the Iron Ore Company of Canada to maintain and repair the electricity distribution system. They have contracts with Hydro-Québec in the James Bay territory, which involves fly-in fly-out, maintaining, I think it's about 150 km of road. They have a contract with the Ministère des Transports du Québec, et ils assurent l'entretien du réseau routier dans la région de Shefferville.

Ils sont impliqués, comme on l'a déjà mentionné, dans le secteur de la pourvoirie. Ils planifient la première chasse commerciale. Si tout va bien, si le caribou ne s'éloigne pas trop, la première chasse devrait avoir lieu d'ici la fin octobre. Et ils évaluent toutes sortes d'autres possibilités.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le député d'Ungava.

(11 heures)

M. Létourneau: Je vais m'adresser à vous en français parce que vous faites une meilleure traduction probablement que ce que je peux faire moi-même. Mais, si je comprends bien, au plan administratif, vous êtes rattachés à la région de la Côte-Nord, donc au comté de Duplessis. Et je comprends que vous avez beaucoup d'activités traditionnelles, la communauté Naskapi, qui se déroulent dans la région Nord-du-Québec, donc dans le comté d'Ungava.

Alors, il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus ici, ils nous ont parlé de projet de politique de développement nordique qu'on devrait faire dans le Nord. On parle de schémas d'aménagement conjoints. Alors, est-ce que je comprend que la communauté de Naskapi serait intéressée, compte tenu des activités traditionnelles que vous faites dans notre région, à participer aux travaux pour amener à l'élaboration d'une politique de développement nordique?

(Consultation)

M. Einish (Philip): Yes, we would like to take part in the region which you just mentionned. Region 09, I presume? Region 10? We would like to take part because it would benefit our people and probably other bands too in the aera.

M. Wilkinson (Paul F.): Je pense, en réalité, que, pour les raisons que le chef a expliquées dans son mémoire, les Naskapis ont très peu de choix. Ils doivent participer à la fois aux activités de la région Côte-Nord mais également du côté Nord-du-Québec. Le problème auquel ils font face, c'est qu'ils sont déjà, comme nous l'avons mentionné, intégrés aux structures administratives de la région de la Côte-Nord.

Pour ce qui est de la région Nord-du-Québec, la seule chose qui a été prévue dans la convention du Nord-Est québécois ou, en effet, les modifications à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, c'est que les Naskapis auraient un siège à l'Administration régionale Kativik. Mais la Convention ne prévoit pas leur participation dans les autres structures au Nord, dans le cas du 55e parallèle. Donc, ils ne participent pas au CRD de la région Nord-du-Québec, etc. Évidemment, puisque les Naskapis ne sont que 700 personnes, il y a des limites à leur capacité de participer aux comités, etc.

Donc, je ne sais pas si ça serait vraiment réaliste de prévoir une participation sur un pied d'égalité avec les autres résidents, que ce soit autochtones, allochtones de la région. Mais il faut prévoir, je pense, un droit d'intervention quelconque pour refléter la réalité, que les Naskapis dépendent autant que les Cris, autant que les Inuit, autant que les allochtones des ressources et du territoire du Nord-du-Québec.

M. Létourneau: Je comprends très bien ce que vous dites et je suis d'accord avec ça. Et juste pour vous rassurer, c'est qu'il n'est pas du tout de l'intention d'aucun intervenant de renégocier la Convention de la Baie James. D'ailleurs, les intervenants qui vous ont précédés l'ont dit, la moitié de la population qui habite dans le Nord-du-Québec n'a jamais été concernée par la Convention de la Baie James, l'ensemble des municipalités non autochtones n'ont jamais fait partie de cette convention-là, puis pourtant elles vivent là depuis fort longtemps. Alors, c'est plus dans cet esprit-là, de collaboration, d'ouverture, de connaître davantage la communauté Naskapi, que je pense que les gens de la région Nord-du-Québec sont à l'écoute et intéressés à vous rencontrer.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais peut-être, moi aussi...

Le Président (M. Duguay): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: Il va finir, pas de problème.

(Consultation)

Le Président (M. Duguay): M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais, à mon tour, faire quelques phrases en français pour, tout d'abord, bien expliquer que les régions administratives existent quand même depuis un bon bout de temps et que les Naskapis participent au CRD de la Côte-Nord, participent aux CLD, aux nouveaux centres locaux de développement de la Côte-Nord, également. Mais je sais également que vous avez deux sièges sur le conseil régional Kativik? Un siège?

M. Wilkinson (Paul F.): Un siège, oui, qui est occupé par le chef.

M. Chevrette: Occupé par le chef?

M. Wilkinson (Paul F.): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que je pourrais, durant quelques minutes, connaître l'expérience que vous vivez en tant que membres d'une communauté siégeant sur un conseil régional Kativik?

(Consultation)

M. Einish (Philip): Since I have been elected as chief, last August, I have a seat on the Kativik Regional Government, and it involves all the mayors of the 14 Inuit communities and my community. Like we said, we have one seat on the Regional Government.

They meet every three months, annually, on a yearly basis, every three months. They talk about different departments they have, such as Recreation, Transport, Policing, all the departments they have. And it involves a lot of work for the head departments, because one head department, the headmaster, takes care of all the 14 communities, excluding us.

I have been getting very good support from them when dealing with other affairs. For example, in the health section, the way they run is quite different... well, not quite different, but, to my understanding, they are more advanced than us, and I've been getting ideas, which I always explain to my people, the way they run and the way that we run.

The local mayors always debate on certain priorities, that don't benefit them and that benefit them. There are always arguments on their side which, from my side, are very interesting, when they debate. In a way, I get education from the 14 communities, compared to ours. I understand the problems they face in trying to get support from both governments, and the way we get support from the governments, because it's quite different. Sometimes, they don't agree with the governments, like we do. Like I said, we have a good relationship with the governments. And on the Kativik Regional Government, now, it's taking care of the whole... of Nunavik... It's a big territory.

But the Nunavik territory has... We have our primary interests in the territory, too, which we have been arguing, for us, to have a seat on the Nunavik Commission, but that's not the case yet. We were trying to have a seat on the Nunavik Commission, but things have gone sour. But we're still negotiating.

(11 h 10)

M. Wilkinson (Paul F.): Au mois de mai de cette année, le chef et moi, nous avons rencontré M. Robert Sauvé, du Secrétariat aux Affaires autochtones, ainsi que des représentants des Inuit et du gouvernement du Canada. C'était surtout une séance de briefage sur ce qu'on appelle la Commission Nunavik, qui se négocie entre les Inuit et les deux paliers de gouvernement.

Lors de cette réunion, le chef a, j'allais dire, lancé une idée, mais, en fait, il l'a relancée, parce que c'est une idée qui se discute chez les Naskapis depuis quelques années.

La volonté des Naskapis serait que l'Administration régionale Kativik se retire d'une partie du territoire, c'est-à-dire la partie de la région Nord-du-Québec qui constituait le territoire traditionnel des Naskapis, et que les Inuit cèdent la place aux Naskapis pour que les Naskapis puissent, avec les autres résidents de ce territoire, créer une administration non ethnique.

Parce que, comme nous l'avons suggéré dans la mémoire, il y a une certaine amertume chez les Naskapis, puisqu'ils n'étaient pas signataires de la Convention de la Baie James. La première chose qu'ils ont dû faire en 1995-1996, ça a été de négocier avec les Cris et les Inuit parce que les Cris et les Inuit avaient obtenu les terres et les droits des Naskapis. Évidemment, quelques mois après la signature de la Convention de la Baie James, les leaders cris et inuit étaient un peu réticents à retourner chez leur population en leur disant: Par hasard, est-ce que vous seriez prêts à rétrocéder la moitié du territoire qu'on vient de négocier? C'était particulièrement le cas chez les Inuit, à cause de la dissidence qui était très active, à l'époque, les trois communautés dissidentes.

Donc, le résultat, c'est que le territoire que les Naskapis ont pu négocier correspond seulement à une partie de leur territoire. Ce qui est très frappant, c'est qu'il y a un ancien poste de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson à peu près à 75 kilomètres au sud de Kuujjuaq, qui s'appelle Fort Makenzie. Pendant 50 années, Fort Mackenzie était la base d'opération des Naskapis, sans présence inuit. Aujourd'hui, Fort Mackenzie est, dans la région, la zone d'intérêt prioritaire pour les Inuit, même s'il y a un cimetière rempli de Naskapis sans un seul nom inuit. Et, chaque fois que la bande s'est réunie – et le chef a confirmé ça – nous avons tenu l'assemblée générale des membres au début de septembre, et les aînés, qui vieillissent, se plaignaient... Remember, on the 2nd of September, the one thing the eldest were talking about at the AGM was: Why is our territory, a big part of our territory still part of what you call a Inuit territory?

Donc, à notre idée, c'est une idée très sérieuse, le moment est venu d'évaluer la pertinence de créer une zone administrative. Nous autres, on l'appellerait naskapie mais, évidemment, il y a des non- autochtones, il y a des Montagnais à Schefferville qui sont en négociations, il y a des Naskapis.

M. Chevrette: Les Montagnais?

M. Wilkinson (Paul F.): À Schefferville, oui.

M. Chevrette: Parce que, eux, ils n'ont même pas eu la chance de négocier un amendement à la Convention de la Baie James.

M. Wilkinson (Paul F.): Non, mais il y a un point très important à souligner. Les Naskapis se sont fait brûler – si je peux me permettre le terme – par la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

M. Chevrette: Mais, si les Naskapis se sont fait brûler, les Montagnais se sont fait flusher!

M. Wilkinson (Paul F.): Ah non! Je veux juste ajouter une précision. Lorsque les Naskapis ont commencé à négocier, ils se sont dit: On ne veut pas jouer le même tour aux Montagnais. Donc, je pense que vous vous en souviendrez, ils ont même ajouté dans la convention naskapie une disposition à l'effet que, si le gouvernement du Québec veut en temps en lieu reconnaître aux Montagnais certains droits à l'intérieur du territoire naskapi, ils peut même le faire sans le consentement des Naskapis. Il y a un préavis, je pense, de 30 jours. Parce que les Naskapis ne voulaient pas soumettre les Montagnais au même type d'expérience qu'eux ils ont dû subir.

Donc, ce n'est pas encore fait, mais le champ est relativement ouvert, au moins pour les Montagnais de Schefferville. La seule condition, c'est que le gouvernement du Québec ne peut reconnaître des droits qu'à des autochtones qui peuvent faire la preuve d'avoir utilisé ce territoire.

M. Chevrette: Oui.

M. Wilkinson (Paul F.): Évidemment, ça, c'est acceptable à tout le monde.

M. Chevrette: C'est à la base. Merci beaucoup. Thank you very much.

(11 h 20)

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, messieurs. Alors, j'inviterais à se préparer les membres de la commission scolaire de la Baie-James ainsi que ceux de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nord-du-Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Duguay): J'inviterais les membres de la commission à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue aux représentants de la commission scolaire de la Baie-James ainsi qu'à ceux de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nord-du-Québec. Alors, pour votre information, vous avez 20 minutes de discussion pour les deux groupes. Alors, si ça ne vous dérange pas, je vous inviterais peut-être à prendre chacun 10 minutes. C'est à votre guise. Et j'inviterais maintenant les porte-parole à se présenter et à présenter leurs collègues.


Commission scolaire de la Baie-James et Régie régionale de la santé et des services sociaux Nord-du-Québec

Mme Laporte-Joly (Lyne): Lyne Laporte-Joly, présidente de la commission scolaire de la Baie-James. À ma droite, M. Gaston Bérubé, directeur des ressources humaines.

M. Pelletier (Jules): Jules Pelletier, directeur général de la Régie régionale de la santé et des services sociaux et M. René Ricard, directeur de la planification et de la programmation à la Régie régionale aussi.

Le Président (M. Duguay): Bonjour! On vous laisse commencer, Mme Joly.

Mme Laporte-Joly (Lyne): M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, je suis heureuse que vous ayez accepté d'entendre l'avis de la commission scolaire de la Baie-James, la plus grande commission scolaire francophone du Québec dans la plus grande région du Québec. Elle est d'ailleurs la seule commission scolaire pour les francophones de la région Nord-du-Québec. On a trois autres commissions scolaires, une commission scolaire anglophone, la commission scolaire crie et la commission scolaire Kativik. Les deux dernières bénéficient d'un statut particulier spécifique aux autochtones et aussi des règles administratives et financières particulières.

Présentement, la région offre l'éducation préscolaire, l'enseignement primaire, la formation générale au secondaire, quelques programmes d'enseignement collégial, à Chibougamau seulement, qui sont régis par le cégep de Saint-Félicien, et quelques cours universitaires, quand le nombre d'élèves requis est là.

Les établissements francophones d'enseignement établis dans la région disposent de peu de moyens pour participer efficacement au développement de la région: une carte d'enseignement professionnel et technique anémique, des moyens de communication inadéquats et coûteux, des ressources financières insuffisantes et des lieux de coordination éparpillés. Beau tableau!

La commission scolaire croit fermement que, pour se développer, la région devra compter sur une population mieux formée qui pourra avoir accès non seulement à la formation de base, mais aussi à certains programmes de formation professionnelle, particulièrement ceux correspondant à ses principaux secteurs d'activité économique. Les particularités du Nord-du-Québec reposent sur trois secteurs d'activité majeurs: les mines, on se place au troisième rang des régions québécoises, on n'a pas de carte d'enseignement; les forêts, qui se placent au deuxième rang, on n'a toujours pas de carte d'enseignement; la production hydroélectrique, on se place au premier rang, on n'a pas de carte d'enseignement non plus dans ce secteur.

Nous sommes d'avis que la révision puis l'adaptation de la carte des enseignements aux réalités régionales constituent, pour le territoire de la Baie-James, un tremplin pour participer au développement économique de la région en offrant un éventail de programmes de formation à tous les gens soucieux d'intégrer ou de réintégrer le marché du travail. Pour ce faire, la commission scolaire de la Baie-James a besoin d'accéder à la carte des enseignements professionnels jumelée à un assouplissement des règles d'application, tout comme les commissions scolaires crie et Kativik, qui bénéficient de ces outils pour desservir une clientèle aussi dispersée que la nôtre.

Le réseau des communications devient très important, lorsqu'on doit développer un territoire aussi vaste que celui desservi par notre commission scolaire. Les coûts relatifs au développement des nouvelles technologies de l'information et des communications sont très élevés, comparativement à ceux des autres régions. L'importance des distances séparant les cinq municipalités situées sur le territoire est l'une des barrières qu'il faut franchir. Afin de réduire les frais de déplacement, les coûts reliés au temps de ces déplacements puis les risque inhérents, une solution doit être envisagée. Nous croyons qu'en développant la vidéoconférence sur le territoire nous réussirons à atteindre ces objectifs. De plus, par ce moyen de communication, nous pourrions développer un partenariat avec les communautés cries et inuit. Et la vidéoconférence pourrait aussi être utilisée à des fins d'enseignement.

(11 h 30)

Également, le développement des communications, par le réseau Internet et le courrier électronique, est très récent dans notre région. Nous voulons établir un partenariat avec les organismes locaux et régionaux. L'une des contraintes majeures est l'absence d'infrastructures régionales. La société Télébec est un partenaire important au niveau du développement des télécommunications, cependant les coûts chargés sont trop élevés. Aussi, la Société Hydro-Québec semble plutôt indépendante et même quasiment absente. L'implication de ces sociétés est indispensable au développement des communications de la région Nord-du-Québec. Pourquoi ne pas partager les infrastructures et les ressources humaines disponibles sur le territoire?

Le réseau routier a été conçu nord-sud pour favoriser l'exploitation des ressources naturelles. On devra le développer est-ouest pour favoriser les échanges entre les localités et ainsi créer un lien d'appartenance à la région Nord-du-Québec.

À la fin de leurs études secondaires, les élèves de Chapais et Chibougamau peuvent suivre quelques cours au niveau collégial à Chibougamau. Toutes les autres localités doivent poursuivre leurs études dans d'autres régions. Cela représente un coût social important pour notre région, puis des coûts importants pour les parents. La commission scolaire de la Baie-James demande au gouvernement du Québec un cégep régional autonome qui pourrait desservir la clientèle crie, inuit et jamésienne de la région Nord-du-Québec.

Avec la présentation et l'adoption du budget 1998-1999 de la commission scolaire de la Baie-James, présentant un déficit d'opération d'un montant de 948 000 $, nous maintenons que notre commission scolaire est sous-financée, et ce, malgré les ajustements apportés. Le niveau des allocations du MEQ est insuffisant et ne tient pas compte des particularités de la commission scolaire de la Baie-James telles que le vaste territoire couvrant une superficie d'environ 350 000 km² obligeant des voyages sur des distances de 300 km à 1 250 km, le temps considérable de ces déplacements, la clientèle handicapée et en difficulté d'adaptation et d'apprentissage qui est répartie sur tout le territoire, les coûts de transport et de communication exorbitants et les problèmes inhérents à la nordicité.

Le sous-financement qui affecte présentement la commission scolaire compromet non seulement sa participation au développement de la région, mais aussi les services éducatifs de base qu'elle offre actuellement à sa clientèle. Avec un déficit d'opération de près de 1 000 000 $, la commission scolaire devra produire, dès l'automne, un plan de redressement sur trois ans. Ce plan devra prévoir un accroissement des revenus en provenance du ministère de l'Éducation et une réduction des dépenses qui pourra se traduire, malheureusement, par une diminution des services à la clientèle. Alors, moins l'augmentation de revenus sera grande, plus cruciale sera la compression des services. On n'aura pas le choix.

En conclusion, la commission scolaire de la Baie-James demande au gouvernement du Québec de lui donner les outils nécessaires pour qu'elle assume efficacement son rôle dans le développement de la Jamésie et de la région Nord-du-Québec. Elle souhaite y travailler avec les autres commissions scolaires de la région, mais, pour ce faire, elle a besoin d'un coup de main, et ça se compte sur cinq doigts: premièrement, d'un lieu commun de coordination assuré par une même direction régionale du ministère de l'Éducation, située dans la région; deuxièmement, d'un accès à la formation professionnelle et technique au moins équivalent à celui offert aux autochtones; troisièmement, de moyens de communication modernes ajustés à la réalité nordique; quatrièmement, d'un établissement d'enseignement collégial régional autonome; cinquièmement, d'un accès à un financement adéquat et adapté à la réalité de la Jamésie.

Le développement d'une région se fait par sa population à l'aide d'outils qu'elle contrôle. Quand on vide une région de ses ressources, on ne la développe pas, on l'exploite. Quand on considère une région comme un bassin de travail pour les autres régions, on ne la développe pas, on l'exploite. Quand une région ne contrôle pas ses outils de développement, on ne lui permet pas de se développer, on l'exploite. Quand on ne donne pas à une région ce qui lui est essentiel pour assurer la formation de sa main-d'oeuvre, on ne la développe pas, on l'exploite. Le gouvernement du Québec doit répondre à cette seule question: Veut-il développer 55 % de son territoire ou veut-il l'exploiter?

Le gouvernement du Québec a adopté, en 1987, un décret qui reconnaît l'existence légale de la région Nord-du-Québec. Malgré sa reconnaissance sur papier, la région souffre encore, après 11 ans, d'un manque chronique d'outils pour assumer son développement. Si le gouvernement désire développer la région Nord-du-Québec, il doit se doter d'une politique de développement du Nord québécois, politique qui reposera sur le dynamisme de la population endogène et qui donnera à cette population les outils pour y arriver.

Le Président (M. Duguay): Merci, madame. Alors, M. Pelletier.

M. Pelletier (Jules): Oui. M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous remercie d'avoir invité la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nord-du-Québec à vous présenter un mémoire dans le cadre des travaux de cette commission.

Avant de débuter, je dois vous mettre en garde, justement, sur le vocabulaire peut-être que j'emploierai. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a trois ethnies, finalement, dans le Nord-du-Québec; il y a les Cris, les Inuit et les «nous autres», comme disait M. Lemoyne, le président du Conseil régional de développement. Donc, dans ma présentation, je vais employer le mot «Blanc», mais il n'y a aucune connotation raciste en employant ce mot-là.

M. le Président, en 1975, la Convention de la Baie James reconnaissait aux Cris et aux Inuit de la région Nord-du-Québec le pouvoir de gérer eux-mêmes leurs services de santé. Ce n'est qu'en 1992 que le gouvernement du Québec reconnaissait ce même droit aux Blancs et que fut créée la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nord-du-Québec. La Régie fut donc la première structure vraiment régionale administrée entièrement et uniquement par des gens de la région. À ce titre, la Régie régionale de la santé a contribué de façon notable au développement d'un sentiment d'identité, un sentiment d'appartenance dans la région.

Il y a d'autres organismes qui ont été développés. Il y a vraiment une prise en charge de la population de son développement. Il y a le CRR, le Conseil régional de la Radissonie, qui est maintenant devenu le Conseil régional de développement de la Baie-James. Je salue aussi la récente fusion des trois commissions scolaires, qu'il y avait sur le territoire, en une seule commission scolaire. Ça va être un apport important. C'est un autre pas dans la bonne direction justement pour la prise en charge par la population de ses besoins et de ses problèmes.

Je n'entrerai pas dans le détail du mémoire, juste vous souligner que, dans notre mémoire, on a voulu mettre en relief que l'organisation des services de santé et des services sociaux, c'est un apport important finalement dans le développement de notre région. On a mis aussi en relief, dans notre mémoire, les défis liés à la dispensation des services dans un si vaste territoire si peu peuplé. On a dressé aussi un portrait sociodémographique de la région et des principaux problèmes de santé. On a souligné aussi notre dépendance envers d'autres régions et des éléments qui contribuent à l'atténuer, cette dépendance-là, par la prise en charge par les gens du milieu. Il y a beaucoup de services, il y a beaucoup de décisions maintenant qui sont prises dans la région, mais il y en a encore beaucoup à faire. On a parlé aussi, dans notre mémoire, de l'équité interrégionale. Comme ma consoeur, ma voisine, ici, vous a souligné, c'est qu'il y a des éléments importants de coûts dans une région comme la nôtre dont il faut tenir compte justement dans les répartitions des crédits régionaux.

Dans notre mémoire, on ne vous a pas présenté de recommandations comme telles, mais, dans notre conclusion, il y a six éléments finalement qu'on a voulu souligner en relation avec la santé puis qui sont susceptibles justement de favoriser un développement dans le Nord. Donc, il n'y a aucune recommandation, mais il y a des éléments, je pense, qui devront être tenus en compte dans l'élaboration d'une politique. Parce que, s'il y a une chose, une action concrète, je pense, qui devrait ressortir des travaux de la commission, ce serait vraiment l'énoncé d'une politique d'occupation et de développement de la région Nord-du-Québec.

On a mis en relief aussi dans notre conclusion que – je le soulignais tantôt dans une discussion préalablement à ma présentation... C'est qu'il y a un élément important fort quand on parle du développement et puis de la faible densité de population qui l'occupe. C'est un cercle vicieux. Vous allez avoir d'autres présentations... vous en avez eu depuis mardi, vous allez en avoir d'autres. Il y a un élément important finalement, c'est qu'il y a un lien vraiment étroit entre le développement économique et puis les services de santé. C'est pratiquement un cercle vicieux, parce que, s'il n'y a pas une densité, un bassin suffisant de population, on ne peut pas donner tous les services en éducation puis dans la santé. Et puis, parce qu'on n'a pas des services complets, bien, la population ne vient pas s'installer. Donc, on est très préoccupé. Ça fait plusieurs années, plusieurs intervenants de la région le demandent, il faut vraiment que le gouvernement fasse un énoncé de politique d'occupation et de développement du territoire pour donner une directive, justement, aux autres intervenants qui pourraient venir sur le territoire.

(11 h 40)

Pour illustrer un peu le problème que je vous ai mentionné, qu'on est obligé de réduire les services, l'exemple le plus frappant, c'est Radisson; Radisson, le village qui est situé au niveau des centrales hydroélectriques LG 2, LG 1, à proximité. Nous, la Régie régionale de la santé, on a été obligé de réduire les services avec la fin des travaux de construction, puis on se retrouve dans une situation où – il n'y a pas seulement la santé, c'est tous les services, toute l'économie finalement qui entoure ça – parce qu'il n'y a pas une population suffisante, ça met en péril, même, l'existence du village. Ça fait que, s'il y a une autre chose qui pouvait être faite par la commission ou par le gouvernement, ça serait vraiment de réaffirmer clairement, à l'intérieur de la politique d'occupation et de développement, la permanence de Radisson et puis son développement, entre autres par le changement de mode d'opération d'Hydro-Québec, puisqu'il y a une activité économique majeure, et c'est l'hydroélectricité. Puis, comme Mme Joly le mentionnait tantôt, tant qu'on ne le développera pas, qu'on ne l'occupera pas, mais on va continuer à exploiter le Nord. Merci.

Le Président (M. Duguay): O.K.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Duguay): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Merci de votre présentation. Je vais commencer par un commentaire. En filigrane... vous ne le dites pas, mais ce qui ressort, c'est aussi une équité intrarégionale. Vous avez parlé d'inter, mais votre argumentaire m'apparaît aussi plaider de façon diplomatique pour une équité intra. En tout cas, c'est ce que je comprends ou ce que je décode. Est-ce que je me trompe, Mme Joly?

Mme Laporte-Joly (Lyne): Non, c'est ça. C'est ça. Vous ne vous trompez pas.

M. Chevrette: Dites-vous la même chose, vous?

Mme Laporte-Joly (Lyne): Oui.

M. Chevrette: M. Pelletier.

M. Pelletier (Jules): Au niveau de la santé, non. Je pense qu'il y a des choses, il y a des tensions, comme dans toutes les régions. Quand vous parlez d'équité intrarégionale, donc, différents pôles au niveau de la région, je pense que, depuis qu'il y a eu le Conseil régional de développement, les gens ont appris, au niveau de la région, à un moment donné, à faire front commun puis à...

M. Chevrette: Mais je pense que vous...

M. Pelletier (Jules): Les tensions se sont atténuées de beaucoup là-dedans, mais il va toujours rester... La même chose, M. Chevrette, dans votre région, il y a des pôles, il y a des attractions, puis il y a toujours... Chaque ville ou chaque village, finalement, voudrait attirer des emplois.

M. Chevrette: Oui, mais je vais reprendre ma question.

M. Pelletier (Jules): D'accord.

M. Chevrette: Je vais refaire un commentaire. Ça m'apparaît une aberration – je le dis comme je le pense – d'avoir neuf options professionnelles ou options dans une carte scolaire chez les Inuit ou chez les Cris; je ne sais pas, six chez l'autre, puis trois dans une autre communauté. C'est donc dire qu'on n'a pas adapté de façon uniforme les critères de base au niveau de la région, et ça m'apparaît être une inéquité. C'est clair. Je le lis de même. Parce que je suppose que ce sont des normes – j'ai déjà été enseignant et je connais ça un petit peu encore – je suppose que ça doit prendre 10 ou 12 pour ouvrir une option chez vous, peut-être quatre ailleurs, puis six à l'autre. Je ne le sais pas, ça doit être une chinoiserie du genre. Et ça, sur un même territoire, dans une même région, dans des entités uniques, ça m'apparaît, personnellement, inacceptable. Et vous retrouverez sûrement un appui du ministre responsable de la région du Nord pour corriger ça.

Deuxième chose, vous parlez de... Je vais d'abord, pas liquider, mais m'occuper du scolaire, puis je reviendrai à la santé. Vous faites allusion à un cégep, vous autres aussi, dans le Nord – on a rencontré les responsables du collégial avant vous autres. J'aimerais savoir, moi, comment, vous autres, vous pourriez améliorer la situation actuelle avec un cégep au Nord. Est-ce que c'est l'interdépendance des deux niveaux? C'est quoi? Quel est votre argumentaire?

Mme Laporte-Joly (Lyne): De toute façon, au niveau de la Loi sur l'instruction publique, la loi permet – entre autres, l'article 215 – aux commissions scolaires d'avoir des contrats d'association avec un collège. À partir de ce moment-là, pourquoi notre commission scolaire ne pourrait pas gérer un centre d'études collégiales au niveau de tout notre territoire? On n'aurait pas besoin d'une bâtisse à part, ça serait à l'intérieur de notre commission scolaire. C'est une piste qu'on s'était donnée.

M. Chevrette: En termes de quoi?

Une voix: ...

M. Chevrette: Oui, allez-y, je reviendrai tout de suite après.

M. Bérubé (Gaston): Actuellement, dans la région Nord-du-Québec, au niveau de la Baie-James, les gens de l'ouest, Matagami, Lebel, Radisson, ont beaucoup plus d'affinités avec Rouyn-Noranda. Quand tu parles de cégep, pour eux, ils s'en vont à Rouyn-Noranda. Les gens de Chapais-Chibougamau vont beaucoup plus vers le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Donc, si on veut créer une région, il faut qu'il y ait des outils, il faut qu'il y ait des institutions qui couvrent le territoire. Actuellement, on demeure avec une institution qui est un centre d'études collégiales qui donne un excellent service à Chibougamau-Chapais. Les gens de Matagami, les gens de Lebel vont continuer à aller à Rouyn, et il va toujours y avoir cette séparation. C'est pour ça qu'on parle de réseau routier, on parle de communication est-ouest.

M. Chevrette: Je voudrais que mes propos soient bien compris. Ce n'est pas en enlever à ceux qui en ont, c'est d'en donner à ceux qui n'en ont pas, le sens de mes propos. J'espère que c'est bien noté. S'il y a des journalistes qui s'avisent de m'interpréter, là... l'interprétation va être claire, là. Ce n'est pas en enlever à ceux qui ont négocié – tant mieux pour eux autres. Mais, sur un même territoire, une inéquité crée des problèmes entre communautés, et c'est ça que je veux faire ressortir. Puis c'est à triple chapeaux peut-être, mais, comme ex-ministre responsable des Régions, il m'apparaît qu'il doit y avoir de l'équité inter et intrarégionale; comme ministre responsable des autochtones, j'ai le souci qu'il n'y ait pas de confrontations entre les communautés – ça, ça m'apparaît indispensable – puis, comme ministre responsable de la région du Nord, je ne vois pas pourquoi on aurait des critères différents dans le traitement de la région Nord. Donc, dans ce sens-là, il faut que l'élève... Le jeune, qu'il soit Cri, qu'il soit Inuit ou qu'il soit Blanc, doit avoir les chances égales à l'intra et, pour ce faire, il peut y avoir des critères différents pour attribuer effectivement des ressources financières pour tenir compte de facteurs différents.

Il n'y a pas une autre région au Québec qui regroupe trois communautés distinctes. Il n'y en a pas. C'est unique. Donc, on doit traiter de façon unique cette région-là. Il y a deux communautés qui sont liées, même trois, parce que les Naskapis sont venus nous dire qu'ils faisaient partie intégrante de la signature... Il y a quatre communautés, dans le fond, dont trois ont négocié directement des conditions en vertu d'une convention, qui fait traité moderne en plus, puis qu'on ne se gêne pas pour dire que c'est un des beaux traités modernes, la Convention de la Baie James. Mais, à partir de ces faits-là, je pense qu'on se doit d'avoir une approche, en tout cas... Ce n'est peut-être pas de façon instanter qu'on règle tous les problèmes, mais, quand on sent une volonté graduelle de les régler puis qu'on a une démarche ou une vision, en tout cas, pour les régler, moi, je pense que c'est ça qui s'impose pour créer de l'espoir et non pas créer toujours de la confrontation du fait qu'on est placé devant des situations ou des aberrations puis qu'on ne peut pas évoluer. Moi, j'adhère à cela, j'adhère à votre argumentaire, c'est pour ça que je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, parce que j'en ai acquis la conviction le jour où j'ai été parrain de la reconnaissance de la région et, depuis lors, je n'ai cessé de dire...

Puis, s'il y a une commission parlementaire ici, aujourd'hui – j'aurais voulu la tenir il y a six, sept mois, soit dit en passant, mais les circonstances ont voulu que ce soit impossible – je vous dis très honnêtement: J'espère qu'on va assez sensibiliser la population du Québec et les gouvernements ou les ministères, les hauts fonctionnaires, puis les ministres au fait qu'il y a une région et qu'elle a droit, en toute équité, à un service de qualité. L'éducation, ce n'est pas parce que tu es au nord que tu n'y as pas droit. La santé, ce n'est pas parce que tu es au nord que tu n'y as pas droit, parce qu'on sait très, très bien que tu n'auras jamais un ratio médecins dans la région 10 qu'ils ont à Montréal – c'est tellement dur de sortir un docteur de Montréal. Mais on a le droit, je pense, à des services au moins de qualité minimale, de première ligne, des services de première ligne. On ne peut pas avoir des centres de grands brûlés partout; ça, je reconnais ça. On ne peut pas avoir des instituts de cardiologie partout. Mais des services de première ligne, on se doit de mettre le paquet pour qu'il y ait une qualité de services de première ligne.

Et, à ce compte-là, moi, je dois vous avouer que ça m'intéresse de travailler dans ce sens-là, ça m'a toujours intéressé de travailler dans ce sens-là, et je suis convaincu qu'une équité intra contribuerait énormément à calmer les tensions entre communautés. Puis je le dis à titre de ministre des Affaires autochtones, j'essaie justement qu'on puisse vivre en harmonie entre communautés par la voie de la négociation et non pas par la voie de la confrontation. Pour vivre en harmonie, il faut d'abord qu'on sente une équité. Et c'est l'inéquité qui crée les deux poids, deux mesures, et les deux poids, deux mesures sont toujours jugés très mal par les populations qui vivent sur un même territoire, et ça, je ne l'accepte pas et je vous le dis très candidement. Je vous remercie de votre témoignage.

(11 h 50)

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. Pelletier.

M. Pelletier (Jules): Oui. J'avais mal compris, finalement, la question de M. Chevrette tantôt quand il faisait, finalement... Des tensions, on parlait... Moi, je voudrais juste compléter ou amener un élément additionnel à ce que M. Chevrette vient de mentionner. Quand on parle d'équité au niveau de la santé, il y a eu un comité qui a siégé pendant un an, qui a terminé ses travaux à l'été 1997, qui réunissait les trois ethnies, finalement: le Conseil cri de la santé et des services sociaux, la Régie régionale du Nunavik et la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nord-du-Québec. On a rencontré M. Rochon la semaine dernière, et puis les travaux de ce comité-là vont reprendre incessamment, et puis on va continuer à travailler. En tout cas, au niveau de la santé, il n'y a pas d'opposition, il n'y a pas de tension au niveau des trois ethnies, dans ce domaine-là. Je tenais à le préciser.

Le Président (M. Duguay): Merci. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. M. le Président, je vais continuer avec le secteur de la santé puisqu'on était à en parler. Quelques questions très rapides. Le budget total de la Régie, chez vous, c'est combien?

M. Ricard (René): 23 000 000 $.

M. Vallières: 23 000 000 $. Votre budget de fonctionnement est de quel ordre?

M. Ricard (René): Le budget de fonctionnement?

M. Vallières: Oui, les salaires payés, les loyers, etc. C'est de quel ordre?

M. Ricard (René): Oh! je n'ai pas ça.

M. Pelletier (Jules): Il y a deux éléments. 23 000 000 $, c'est les crédits régionaux qui sont alloués à la santé. Le budget de fonctionnement de la Régie régionale, c'est 2 000 000 $.

M. Ricard (René): De la Régie spécifiquement, vous vouliez savoir?

M. Pelletier (Jules): Ce n'est même pas 2 000 000 $.

M. Vallières: De la Régie spécifiquement, oui.

M. Ricard (René): C'est 1 000 000 $, à la Régie.

M. Pelletier (Jules): Oui.

M. Vallières: 1 000 000 $?

M. Ricard (René): Oui.

M. Vallières: Ça va. Ça, c'est le loyer, c'est le personnel qui est payé, etc. O.K. Les frais de déplacement, évidemment. Vous avez combien d'employés?

M. Ricard (René): À la Régie?

M. Vallières: Oui.

M. Ricard (René): Quinze.

M. Vallières: Puis le budget global qui est réparti en région est de l'ordre de 23 000 000 $.

M. Ricard (René): C'est ça, l'enveloppe des crédits totale.

M. Vallières: O.K. En page 3 de votre mémoire, vous dites que les efforts réalisés entre 1995-1996 et 1998-1999 totalisent 10 000 000 $ répartis entre les compressions nationales et les réallocations régionales. Vous ne faites pas mention de difficultés particulières à l'intérieur de ce contexte de compressions que vous avez vécu. Est-ce qu'on doit comprendre que, à part le facteur de l'équité intrarégionale, les mesures qui ont été appliquées chez vous par le ministère de la Santé et des Services sociaux se digèrent relativement bien?

M. Pelletier (Jules): Oui. C'est nous autres qui les avons appliquées, parce qu'on a un plan de transformation au niveau des services de santé et des services sociaux au niveau de notre région qu'on a entrepris il y a trois ans maintenant, devant les compressions annoncées, et puis qui a dépassé largement, finalement, les compressions. Il y a eu regroupement. Il y avait cinq établissements dans notre région, on les a regroupés en un seul établissement. Donc, on a dépassé largement des économies ou la part, finalement, de notre contribution à l'effort national au niveau des finances publiques. C'est pour ça qu'on marque 53 %... Les montants qu'on a économisés, il y en a 47 %, finalement, qui sont partis à la contribution à l'effort national au niveau des finances publiques, puis il y en a 53 % qu'on a réalloués, on a développé des nouveaux services dans notre région. Donc, ça s'est fait sans douleur, il n'y a pas eu de diminution de services. Au contraire, il y a eu augmentation des services à notre population.

M. Vallières: Ça me paraît important. Encore une fois, ça dénote peut-être que vous êtes une région unique parce que, dans les autres, c'est l'inverse, de façon générale. Et je ne vous dirai pas ce que je pense des régies régionales en général, je veux qu'on reste à un débat qui porte sur votre région comme telle. Mais ça me paraît important de situer quand même que c'est spécial, ça aussi, au même titre... C'est comme si c'était une note qui est différente de ce qu'on entend dans d'autres régions. Je pense que c'est important de vous le faire préciser. C'est un peu l'objet de mon questionnement.

On va retourner au secteur scolaire, si vous voulez bien. Moi, je suis très étonné de voir que, dans une région dont l'économie est largement axée sur les mines et la forêt, son exploitation, vous n'ayez pas réussi, à date, à convaincre les autorités de pouvoir vous donner une formation professionnelle dans ces secteurs-là. Moi, je veux savoir d'abord: Est-ce que vous avez fait une bataille? Avez-vous livré une bataille? Parce que c'est tellement évident qu'il me semble que ça devrait exister. C'est quoi, les efforts que vous avez faits pour que, auprès du ministère de l'Éducation... pour une carte de l'enseignement professionnel davantage adaptée? Mettons qu'on élimine un paquet d'autres affaires et qu'on dit: Forêts, par exemple, puis mines. Comment ça se fait que vous n'avez pas réussi à convaincre les autorités que c'était quelque chose de nécessaire chez vous?

M. Bérubé (Gaston): Ce n'est pas de ne pas avoir essayé, monsieur, on a essayé. Depuis 1987 que l'on... en tout cas, que je m'occupe de la formation professionnelle, que l'on se bat pour sauvegarder ce qu'on a, et on a perdu des choses depuis 1987. Entre autres, on avait «extraction de minerai», que nous avons perdue. Depuis 1996, lors de la réforme de l'éducation, la mise en place, Mme Marois avait annoncé que chaque région devait présenter un plan pour le développement de la formation professionnelle. Bien sûr, comme partout, la région Nord-du-Québec n'existait pas dans des plans. Nous avons demandé à Mme la ministre de l'Éducation de pouvoir présenter un plan en concertation avec le Centre d'études collégiales, avec le Conseil régional de développement. Et, à l'époque, nous avions trois commissions scolaires. C'était à l'époque de la restructuration qui a été difficile, les gens voulaient garder chacun leur commission scolaire. Et, malgré tout, on a réussi à déposer un plan qui allait dans le sens du plan de développement stratégique du Conseil régional de la Radissonie, à ce moment-là, et qui reposait sur les mines, la forêt, l'hydroélectricité et un peu au niveau des services, tourisme entre autres. Et, malgré ces tentatives, nous en sommes toujours à la même étape, que nous voulons encore taper sur le clou que nous voulons avoir, les options professionnelles. L'année dernière, nous sommes venus rencontrer des gens du ministère de l'Éducation pour retaper sur ce clou-là. Aujourd'hui, c'est une autre occasion qui nous est donnée. Et, demain, on va continuer.

M. Vallières: En 1997, vous aviez soumis un plan – je ne sais pas comment vous l'avez appelé – au ministère de l'Éducation concernant la Radissonie et vous demandiez au ministère de l'Éducation de vous donner les moyens pour mettre en place sur votre territoire une organisation de formation professionnelle adaptée aux particularités géographiques et démographiques du Nord. Entre autres, vous ouvriez sur une proposition d'accès facile à des autorisations provisoires. Où en êtes-vous dans cette démarche? C'est un outil que vous avez clairement identifié. Ça fait un an de ça. Où c'est qu'on est rendu par rapport à cette démarche?

M. Bérubé (Gaston): La commission scolaire de Chapais-Chibougamau à l'époque, là, nous avons été la première commission scolaire à bénéficier d'une autorisation provisoire en extraction de minerai. C'est depuis 1980 qu'on dispense des cours d'extraction de minerai à Chapais-Chibougamau, sauf deux années où la situation économique était très pénible, donc, on n'a pas pu donner de cours d'extraction de minerai. Nous avons demandé une autorisation provisoire; nous l'avons obtenue. L'année suivante, nous avons encore demandé une autorisation provisoire; nous l'avons obtenue. L'année dernière, nous avons demandé une troisième année d'autorisation provisoire et là on nous a dit: Écoutez, une autorisation provisoire, ce n'est pas permanent, c'est provisoire; donc, vous ne devriez pas demander ça à chaque année. Bon, oui, mais ce qu'on veut, c'est une autorisation permanente.

L'autorisation provisoire, elle est prévue pour répondre à des besoins sporadiques. On demande, au moins pour la région Nord-du-Québec, au moins pour la commission scolaire de la Baie-James, d'avoir un accès facile. Pour avoir un accès à des autorisations provisoires, c'est compliqué, c'est beaucoup de documentation; il faut expliquer pourquoi, pourquoi l'autre commission scolaire qui a l'option ne veut pas nous donner cette option-là, pourquoi il faut négocier. Parce qu'on réussit à donner des cours sur le territoire, mais c'est après de longues et laborieuses négociations avec les commissions scolaires qui sont autorisées à la carte, parce qu'elles disent: C'est nous qui avons l'expertise. Alors, oui, c'est un moyen, mais c'est très compliqué.

(12 heures)

M. Vallières: Bien. À la page 11 de votre mémoire, vous parliez du sous-financement, Mme la présidente, tout à l'heure, et vous avez fait allusion à un déficit d'opération de 1 000 000 $. On sait que vous avez un plan de redressement qui devrait être présenté. Vous dites: Oui, on va redresser. Mais ce que je décode, c'est que, s'il n'y a pas d'augmentation de budget en provenance du ministère de l'Éducation, bien, il y aura réduction de dépenses qui va se traduire par une diminution des services à la clientèle, des compressions de services. Et j'entendais M. le ministre tantôt nous dire: L'éducation, peu importe la région où on est au Québec, on y a droit. Je vais relier ça au dossier de l'équité. Vous avez un manque à gagner de 1 000 000 $ et des compressions qui s'en viennent chez vous, un redressement. Dans le dossier de l'équité, est-ce que vous voyez là la capacité, dans la grande région du Nord, de rétablir cette situation financière difficile que vous connaissez ou si, d'ores et déjà, vous voulez nous indiquer, comme membres de cette commission, que ce n'est pas par le biais de l'équité que vous allez régler ce problème-là?

M. Bérubé (Gaston): Il y a sûrement un bout d'équité qui pourrait régler le problème. Tout à l'heure, on parlait: entre les Cris, les Inuit et les Jamésiens. Ce n'est pas d'enlever aux gens qui ont des choses, je pense qu'ils ont besoin d'avoir les structures qu'ils ont actuellement, mais pour dispenser un cours en formation professionnelle, la Commission scolaire crie doit avoir quatre élèves, comme disait M. Chevrette; nous, c'est 10, 10 ou 11.

On sait que dans la région Nord-du-Québec les populations sont petites. La plus grosse ville, c'est Chibougamau, et c'est 8 000 à 9 000 de population. Donc, on a toujours de la difficulté à regrouper, à avoir un nombre suffisant. La Commission scolaire crie, dans les ratios, a un ratio beaucoup plus bas que la Commission scolaire de la Baie-James. Alors, s'il y avait une équité entre le traitement des deux... Si ce n'était pas basé sur une question de race mais sur une question que la région Nord-du-Québec, c'est différent, je pense qu'on aurait moins de problèmes de financement.

M. Vallières: Bien. Dans une autre partie, dans votre mémoire, vous faites allusion à Hydro-Québec et vous dites que la société Hydro-Québec semble plutôt indépendante et même quasi absente par rapport à un plan de développement de communications; j'imagine que c'est à ça que vous référez. Est-ce que vous pouvez nous expliquer quand vous nous dites qu'elle est indépendante et même quasi absente?

M. Bérubé (Gaston): On disait, dans notre mémoire, que l'accès à Internet et au courrier électronique, c'est très récent dans la région. À Chibougamau, c'est au cours de l'année dernière que nous avons pu y avoir accès pour la commission scolaire; pour la population, c'est un accès très limité. La centrale Télébec a été changée, je pense, au mois de mars dernier pour passer au numérique. Donc, on n'y avait pas accès par les résidences. Actuellement, c'est un accès très limité et coûteux.

Maintenant, quand on est venus pour relier nos écoles au serveur pour avoir accès à Internet, on a regardé la possibilité de passer de la fibre optique pour relier nos écoles et on a demandé à Hydro-Québec: Est-ce qu'on peut utiliser tes poteaux? On nous a dit: Non. Donc, on a trouvé un autre moyen, on est passés par ondes. C'est différent, mais c'est compliqué. Actuellement, l'école Jacques-Rousseau, à Radisson, on veut la relier pour avoir accès à Internet. Est-ce qu'on va le faire par le biais d'ondes? On travaille actuellement avec la Société de développement de la Baie James pour voir s'il n'y a pas possibilité d'utiliser les mêmes canaux, les mêmes outils. Mais ça serait beaucoup plus facile si on passait par fibre optique, parce qu'on connaît la vitesse de la fibre optique. Le réseau de Télébec, c'est un réseau de communications très bien développé, avec fibre optique; on n'a pas accès à ce moyen-là. Quand on dit qu'elle est quasiment absente, c'est une société complètement à côté et ils collaborent peu avec nous.

M. Vallières: Quelles sont les raisons qu'ils vous ont données pour ne pas utiliser les poteaux d'Hydro-Québec? On se pose tous la question: Pourquoi ils refusent?

M. Bérubé (Gaston): C'est qu'il semble que leurs poteaux, ça leur appartient et ils ne veulent pas que tout le monde accroche des choses après leurs poteaux.

M. Vallières: Bon. En tout cas, on pourra vérifier cet après-midi si les poteaux d'Hydro-Québec ne sont pas aussi la propriété des Québécois et Québécoises en général, et à plus forte raison... C'est spécial de voir que la principale place où on produit, on fabrique l'électricité... et que, pour les communautés qui sont sur ce territoire, qui font face à des problèmes très particuliers... Et ça, c'est un niveau de collaboration – à mon sens, on a un bel exemple – qui est élémentaire; je veux dire, si on n'est pas capable de s'entendre sur des choses aussi élémentaires, je me demande comment on va réussir dans des projets, des plans d'action d'autre nature qui doivent être beaucoup plus structurants pour la région.

Alors, cet après-midi, il va être intéressant, quand on aura Hydro-Québec, de voir comment on peut justifier une attitude aussi... Je ne la qualifierai pas pour l'instant. On verra si c'est confirmé par Hydro-Québec.

J'ai d'autres questions, mais je vais laisser quelques possibilités aussi à mon collègue de Jacques-Cartier. Peut-être une question rapide sur le décrochage scolaire: Quel pourcentage des jeunes terminent leur cours secondaire, chez vous?

M. Bérubé (Gaston): Au niveau de la commission scolaire francophone blanche, c'est, je vous dirais, autour de 68 %. On est en bas de la moyenne québécoise.

M. Vallières: La moyenne québécoise se situe à combien?

M. Bérubé (Gaston): Actuellement, elle doit être autour de 77 %, 78 %, si ma mémoire est bonne.

M. Vallières: Merci.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Je vais donner la parole à M. le député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, Mme la Présidente. Avant de vous poser une question, je voudrais reprendre un peu au vol ce que le député de Richmond a amorcé – évidemment, M. le ministre aussi – pour dire: On est tous des parlementaires ici. On sait, peu importe les gouvernements, les relations qu'un parlementaire établit avec les gens chez eux et aussi l'effort qu'il faut mettre, souvent, pour ce qu'on appelle percer la machine puis tout ça. Dans les relations, particulièrement au niveau de la santé et au niveau scolaire, il y a effectivement eu beaucoup de rencontres, beaucoup d'engagements, beaucoup de projets dits marginaux, particuliers. Je pense, entre autres, à toute la question de la formation qui a eu lieu pour des travailleurs dans une mine à Matagami, notamment, où il s'est donné de la dispense de cours qui a permis de garder des travailleurs sur place, quand on connaît la mobilité des personnes qui travaillent dans les mines.

Par exemple, le jour où quelqu'un travaille ailleurs, dans une autre mine au Québec, il ne revient pas si le poste se libère dans sa région d'origine. Parce que ces gens-là veulent travailler; donc, ils déménagent avec les enfants, la famille. Ça a un impact majeur sur le bassin d'étudiants dans les écoles, ça a un impact majeur au niveau de la desserte médicale et, globalement – les municipalités, les quatre maires en ont parlé hier – il y a un impact au plan de la fiscalité municipale quand une municipalité dotée de services voit sa population chuter, soit par une baisse du prix des métaux, par exemple, ou les effets cycliques dans les économies, comme la forêt ou les mines, ça a des impacts majeurs.

Au niveau de l'appareil gouvernemental, effectivement, le problème de fond, c'est que ça ne correspond pas à ce qui se fait ailleurs au Québec. Et on parle de la moitié du territoire puis on parle d'une petite population. Bon. Je ne reviendrai jamais assez sur la notion d'équité – puis on le voit au fil des mémoires et je pense que tous, autour de la table, ici, sont d'accord – entre les gens qui ont bénéficié d'avantages dans la convention de la Baie-James – tant mieux pour eux, ils l'ont négociée – mais ceux qui sont là aussi, qui constituent la moitié de la population et qui n'ont pas ces avantages-là. À tout le moins, il me semble que le gouvernement ou les gouvernements qui se succèdent doivent avoir cette préoccupation d'équité. Et ça, on en convient tous.

L'idée de la commission comme telle, l'idée même d'établir cette commission-là est venue de ces rencontres-là, est venue des nombreuses démarches qui sont faites. Le monde municipal est venu, le monde des différentes sociétés d'État va y passer, le monde syndical est là aussi, le monde scolaire, le monde de la santé est là, les autochtones participent aussi. Ce n'est pas rien, ça démontre qu'il y a une relation privilégiée entre les autochtones dans la région et les autres cohabitants de la région, et une volonté, à tout le moins, de faire les choses comme il faut.

Même les gens qui ont négocié à l'intérieur de la Convention de la Baie James, après 25 ans, disent que, bon, les différents gouvernements ou les signataires n'ont pas répondu à toutes les attentes dans la Convention. Alors, à partir de là, il y a là aussi un problème: les gens qui ont négocié – et on parle d'équipement, de ressources supérieures à ce que la population, qui n'est pas partie de la Convention de la Baie James, ont – disent qu'il y a des inéquités là-dedans. Alors, l'idée de la commission, c'était ça, d'au moins montrer ça à tout le monde et faire en sorte que les gens soient sensibilisés à ça.

La suite, c'est probablement une politique de développement nordique qui rallie un peu les intérêts de tout le monde et qui va faire en sorte, comme M. le ministre l'a dit tantôt, d'avoir peut-être un seul endroit auprès de l'appareil gouvernemental où on pourra négocier pour la région, l'ensemble des secteurs, plutôt que ce soit le Nord-du-Québec qui se déplace dans tous les ministères puis partout pour le faire. Alors, moi, c'est le souhait que je fais là-dedans. Ça, c'est pour les relations entre l'appareil et les populations.

(12 h 10)

Mais moi, j'aimerais poser une question et ça s'adresse aux deux. Les deux, vous avez parlé de relations, les deux organisations, vous avez parlé de vos relations avec les autochtones, j'aimerais voir quels sont vos liens, au plan de la commission scolaire, avec la Commission scolaire crie, la Commission scolaire inuit, s'il y en a? Et, au plan de la santé, vous parliez d'un comité qui a été mis sur pied, qui fonctionne, et je pense qu'il peut donner des bons résultats. Mais vous parlez aussi que dans les institutions en territoire blanc – appelons ça comme vous le dites – votre pratique a changé parce que vous parlez de 26 % à 33 % des autochtones, notamment des bandes de Nemaska, Mistissini, Oujé-Bougoumou et Waswanipi, qui viennent prendre leurs soins de santé dans des établissements qui ne sont pas typiquement cris ou typiquement inuit. Alors, je voudrais savoir: Est-ce que vous avez adapté votre pratique à ça? Comment ça se passe? Est-ce qu'il y a des services particuliers pour les communautés autochtones?

M. Pelletier (Jules): Essentiellement, M. Létourneau, ce à quoi vous faites allusion, finalement, ça concerne surtout la partie sud du territoire, donc Chibougamau. C'est d'ailleurs le seul endroit où on a un centre qu'on peut qualifier de centre hospitalier. Donc, il y a de l'hospitalisation, il y a de la chirurgie, il y a de l'anesthésie. C'est sûr que la population crie, c'est une clientèle importante, finalement, de ce qu'on appelait avant l'hôpital de Chibougamau. Ça représente dans certains secteurs... Mon confrère m'a donné les chiffres. Le pourcentage de notre clientèle, finalement, pour tout le territoire, en chirurgie, 27 %, c'est des populations autochtones; en médecine, 22 %; en obstétrique, 40 % de notre clientèle, c'est des Cris; les nouveau-nés, 39 %, puis en psychiatrie, 6 %. Donc, on a des services qu'on rend à cette population-là puis il y a une bonne collaboration, justement, avec les communautés autochtones. On a un service d'interprètes pour les Cris qui ne parlent ni anglais ni français. Donc, il y a un service d'interprètes cris à l'hôpital de Chibougamau. C'est ça.

Nos relations sont correctes avec les populations autochtones, mais on voudrait qu'elles aillent plus loin que ça, plus développées. On ne peut pas parler de tensions, en tout cas, dans le domaine de la santé, mais la collaboration pourrait être beaucoup plus grande que ce qu'elle est actuellement. Puis il y a des rencontres de prévues, entre autres, avec les dirigeants du Conseil cri de la santé parce que le virage ambulatoire, ça se fait aussi dans le Nord.

Puis il y a des services, entre autres, qui ne sont pas... La principale communauté dans la partie sud, c'est Mistissini, puis ils n'ont pas le service, ils fonctionnent encore comme un CLSC, de 9 heures à 17 heures, puis il y a une infirmière de garde en soirée, mais ils n'ont pas les services de maintien ou de soins à domicile. Ça fait qu'on collabore avec eux pour qu'ils développent, puis on est prêts à continuer à collaborer avec eux.

M. Létourneau: Est-ce que ça va jusqu'à des transferts de fonds, par exemple, entre la régie crie et la régie de la Baie-James ou si c'est déjà prévu dans les modes de fonctionnement?

M. Pelletier (Jules): Non. Traditionnellement, comme le budget des crédits régionaux pour le Nord-du-Québec, le Conseil cri de la santé et des services sociaux, ils ont déjà leur propre budget. Puis quand je vous parlais de la population qu'on dessert, tantôt, les pourcentages selon les spécialités médicales, ça fait partie de notre clientèle traditionnelle. Même si elle a augmenté un peu, on n'a pas fait de représentations pour avoir plus de fonds ou plus de crédits du gouvernement. On continue à donner des services à cette clientèle-là qui est une de nos clientèles traditionnelles.

M. Létourneau: O.K.

M. Bérubé (Gaston): Au niveau de l'éducation, il y a peu d'échanges entre les trois commissions scolaires. Je pense qu'il y a un problème. On soulignait dans notre mémoire que les trois commissions scolaires sont desservies par au moins trois directions régionales différentes. Je pense que la Commission scolaire crie, c'est la région de Québec qui lui donne les services; la commission scolaire Kativik, le siège social est à Dorval, donc c'est la direction régionale de Montréal qui donne les services, alors que la commission scolaire de la Baie-James, c'est l'Abitibi. Donc, on n'a pas de lieu commun où on se rencontre. Donc, c'est très difficile, d'où la demande d'avoir une direction régionale ou une structure de concertation entre les trois commissions scolaires.

Pour ce qui est de services plus individuels, oui, il y a une certaine collaboration. Il y a une personne de la Commission scolaire crie qui travaille au niveau du personnel, qui est venue faire des stages au niveau du service des ressources humaines pour voir la façon dont on travaillait tel dossier. Mais c'est un cas.

Au niveau des services aux entreprises, il y a eu une collaboration entre le centre d'études collégiales, la commission scolaire et la communauté crie pour dispenser certains programmes. Mais c'est toujours à la pièce; il n'y a pas de lien entre les trois. Avec les Inuit, pas du tout.

M. Létourneau: O.K. La chose qui m'apparaît la plus flagrante et la plus aberrante, c'est, comme on le soulevait tantôt, quand on parle des options. Vous dites: La Commission scolaire crie est détentrice de 11 options, la commission scolaire de la Baie-James de trois. Ce que je trouve étonnant, c'est que c'est le même territoire que ces gens-là partagent, exactement entre le 49e et le 55e parallèles. Les gens se visitent, les gens voyagent. Il y a des collaborations à tout autre niveau. Quand on arrive au niveau de l'éducation, 11 options pour les Cris et 3 pour la Baie-James.

Alors, il me semble évident qu'il pourrait y avoir – puis c'est le même type d'économie, en plus, c'est le même territoire – à tout le moins des échanges entre les deux commissions scolaires et qu'on détermine, par exemple, je ne sais pas, moi, qu'il y a 11, 12 ou 13 options pour cette région-là et que ce soit dispensé à l'intérieur des demandes qui sont faites et qui répondent aux besoins des communautés cries et de la communauté blanche, par exemple.

La Présidente (Mme Doyer): M. le député d'Ungava, il vous reste 10 secondes à peine.

M. Létourneau: Alors, voilà.

La Présidente (Mme Doyer): 20 secondes.

M. Létourneau: Je vais leur donner.

M. Bérubé (Gaston): La Commission scolaire crie, c'est 11 options différentes parce que, bien souvent, ils ont les options française et anglaise, alors que, pour la commission scolaire de la Baie-James, c'est secrétariat, comptabilité et lancement d'entreprise. Qu'on a obtenue cette année seulement, lancement d'entreprise, hein! Pour une région ou l'entrepreneurship est à développer c'est... En tout cas. Je ne sais pas si j'avais juste 10 secondes aussi.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, avec les deux réseaux qui sont ici, peut-être que je vais poser la même question et vous pouvez... La commission de la culture a fait une réflexion sur l'inforoute l'année passée. Beaucoup de personnes sont venues prêcher les avantages, dans les régions éloignées comme la vôtre, d'avoir, soit la formation à distance par l'inforoute, également la santé et la télémédecine. Juste vos commentaires, parce que vous êtes assujettis... C'est souvent les promoteurs qui sont venu nous voir, avec les beaux rêves que ça va être parfait, il n'y a pas de problème. Alors, comme vous autres qui devez composer avec ça, vous avez souligné quelques problèmes concrets avec Hydro-Québec, avec Télébec, si j'ai bien compris dans le mémoire de la commission scolaire au niveau des coûts, alors, pouvez-vous m'expliquer davantage les avantages mais les inconvénients de cette ère de l'inforoute?

M. Bérubé (Gaston): Oui, j'ai assisté à cette commission. Je suis venu d'ailleurs parler, à ce moment-là. On disait: On est mal desservis au niveau de l'inforoute et on disait – pas la commission scolaire, c'était un autre organisme que je représentais, le Conseil régional de développement de la Baie-James – Hydro-Québec a toute une infrastructure. On pourrait avoir accès à ce réseau-là; il est à côté de nous, à quelques kilomètres. Bon, on n'a pas eu accès davantage.

Au niveau de Télébec, on a eu quelques retombées à Chibougamau. Au lieu d'avoir la centrale numérique en 2000, on l'a eue l'année dernière.

M. Kelley: Et pour la santé?

M. Pelletier (Jules): Dans le secteur de la santé, on a peut-être une longueur d'avance parce que le gouvernement, le ministère, finalement, est allé en appel d'offres puis il est en train de créer un réseau de télécommunications socio-sanitaires à la grandeur de la province, puis le Nord n'a pas été oublié là-dedans.

Puis, dès le mois d'octobre – on est rendus – ce mois-ci, finalement, il y a installation d'un technocentre à Chibougamau, puis tous nos points de service, tous nos services sur le territoire, ils vont être reliés justement en temps réel. C'est une longueur d'avance.

Malheureusement, on avait fait des interventions au niveau de la santé parce que – on en a parlé, on l'a mentionné – la population est peu nombreuse sur notre grand territoire. On aurait voulu, on a demandé même au niveau de la planification stratégique des ressources informationnelles du ministère, qu'ils tiennent compte de cette réalité-là pour qu'on puisse partager ce réseau-là avec l'éducation et d'autres sous-groupes. On n'a pas eu de réponse encore, à ce niveau-là, mais il y a quand même... Il peut y avoir une ouverture, justement, parce que c'est impensable que la santé développe son propre réseau dans le Nord, puis l'éducation à côté. Il y a des choses qui pourraient être partagées.

Mme Joly, tantôt, a fait référence à Hydro-Québec. Hydro-Québec, ils ont déjà tout leur réseau à la grandeur de la province. Je sais qu'il y a eu des démarches de faites. Dans le temps, ils ne pouvaient pas partager le réseau à cause du CR... Ce n'est pas le CRTC?

M. Chevrette: Il fallait qu'ils demandent l'autorisation au CRTC pour partager avec Bell ou avec Vidéotron les équipements dits collectifs.

M. Pelletier (Jules): C'est ça. Mais ça, c'est déréglementé, maintenant. Ils pourraient le faire, sur une base d'entente avec Bell ou une autre compagnie, pour que leur réseau de communication soit utilisé. Actuellement, il est exclusivement Hydro-Québec.

M. Chevrette: Dans la cour chez nous, il y a trois fils après le même poteau: Bell, Hydro, Vidéotron.

M. Pelletier (Jules): O.K. Je veux juste compléter mon intervention. On a parlé de communication, on a parlé de télémédecine. Nous autres, on voit ça... Je l'ai mentionné dans le mémoire, je ne l'ai pas mentionné dans ma présentation, mais c'est un élément important du développement. Ça va rapprocher les communautés. Pour la formation, pour les communications directes, ça va développer encore l'appartenance à la région puis ça va faciliter des liens entre chacune de nos communautés qui sont très éloignées les unes des autres.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Madame, merci. Messieurs, merci beaucoup.

M. Chevrette: Mme Doyer, vous ne vouliez pas questionner?

Une voix: Il n'y a plus de temps.

(12 h 20)

M. Chevrette: Il reste trois...

Le Président (M. Duguay): Oui? Si la commission le...

Une voix: On reprendra trois minutes. Pas de problème.

Le Président (M. Duguay): Oui? Alors, Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Ça rejoint un peu ce que le ministre disait, M. Chevrette. Moi, ça m'intéresse de voir comment est-ce que, de façon réaliste, vous pourriez justement utiliser le réseau de communication. Vous parlez beaucoup de vidéoconférence. Moi, chez nous, le centre d'extension en foresterie a bâti tout un programme de formation à distance avec les cédéroms, en foresterie, plus particulièrement. Et on a une antenne du collégial, le centre de Matapédia en études collégiales, où il y a à peu près 200 étudiants. Alors, quelque part, on a pratiquement les mêmes problèmes que vous pour garder nos étudiants chez nous et les former dans des domaines où ils vont pouvoir aussi y travailler. Le Centre d'études collégiales de Chibougamau était venu nous dire un peu la même chose.

De façon réaliste, à court terme, qu'est-ce que vous aiderait le plus pour atteindre des objectifs de rétention de vos étudiants puis de formation, de moyens, d'outils de communication?

M. Bérubé (Gaston): C'est sûr qu'il y a une partie...

Mme Doyer: Parce que c'est coûteux, hein.

M. Bérubé (Gaston): Oui. Si on parle de vidéoconférence, il y a plusieurs secteurs. Quand on parle d'option professionnelle, là, c'est pour garder le travailleur, celui qui va être mineur, celui qui va être conducteur, qui va travailler en forêt. Ça, c'est un volet pour la formation professionnelle.

Pour l'autre partie, quand on parle au niveau collégial et au niveau universitaire, les cours universitaires... Actuellement, pour avoir un cours, on nous demande, à Chibougamau, une cohorte de 25 étudiants. Toujours une ville de 8 000 de population, 8 000 à 9 000. Ça prend beaucoup de monde qui veut une même option.

Mme Doyer: C'est ça.

M. Bérubé (Gaston): Probablement qu'au niveau collégial – je n'ai pas entendu leur mémoire – j'imagine que si on peut regrouper des élèves de Matagami, de Lebel, de Radisson, de Chapais-Chibougamau, là, on pourra avoir une cohorte de 15 étudiants.

Mme Doyer: Un bassin suffisant.

M. Bérubé (Gaston): Mais, 15 à Matagami ou 15 à Radisson, c'est à peu près impossible dans une même option. Alors, c'est cette façon de regrouper les étudiants qu'on croit qui pourrait nous permettre d'avoir accès à plus de cours, à une plus grande variété et accessibles à la population.

Mme Doyer: Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. Merci, mesdames, messieurs.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Duguay): Distingués membres de la commission, est-ce qu'on peut vous demander de regagner vos sièges, s'il vous plaît?

J'inviterais maintenant les représentants de la localité de Radisson à bien vouloir s'asseoir. J'inviterais le porte-parole à se présenter et à présenter ses collègues.


Localité de Radisson

M. Fiset (Dominique): M. le Président, bonjour. Mon nom est Dominique Fiset. J'aimerais vous présenter, à ma droite, les membres du conseil local, en partant du bout: Mme Hélène Pelletier, M. Aurèle Gravel, Mme Louise Ducap. Et, à ma gauche, notre agent de développement, M. Claude Gagné, et notre directeur général, M. Claude Chamberland.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup. Concernant les règles du jeu, on tient à vous expliquer que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et, par la suite, les panels ont 20 minutes chacun, soit 20 minutes pour les ministériels et 20 minutes pour l'opposition. Et c'est bien sûr qu'en cours de route les gens peuvent vous interpeller. Merci. À vous.

M. Fiset (Dominique): Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Le conseil de la localité de Radisson tient à remercier le gouvernement du Québec pour l'opportunité qu'il lui offre de faire valoir ses points de vue sur la question du développement de la région Nord-du-Québec.

Vous nous permettrez de centrer notre mémoire sur la situation de notre communauté, que nous jugeons inquiétante. Un conseil local a été élu pour la première fois à Radisson à l'automne 1994. L'avènement d'une représentation politique élue démocratiquement a permis d'initier la prise en charge de la destinée de Radisson par des Radissoniens. Dès 1995, la communauté adoptait son plan de développement stratégique pour réagir au déclin annoncé par la fin des chantiers de la phase II de la Baie James.

Depuis 1995, les Radissoniens, habités par la volonté farouche de faire survivre et développer le seul village allochtone au nord du 50e parallèle, ont entrepris le dur exercice de réaliser leur plan de développement. Ce plan comporte le thème de ralliement Radisson, un carrefour de développement nordique . Trois ans plus tard, nous constatons que l'avancement de certains dossiers et les progrès dans certains secteurs d'activité ne suffisent pas à enrayer le cycle de sous-développement issu de la fin des chantiers. Cette spirale, mortelle pour toute communauté, a récemment eu raison d'une autre localité de la Baie-James, celle de Joutel, petit village minier au sud du territoire.

Malgré tous les efforts pour stabiliser notre village, nous sommes encore et toujours menacés de fermeture. La démonstration de notre situation est malheureusement fort simple. Deux phases de chantier ont affecté l'économie locale. La première phase a vu la population de Radisson passer de 2 000 habitants, en 1978, à 300, en 1986, puis la seconde phase des travaux a vu la population passer d'environ 1 500 habitants, en 1990, à 350 actuellement. Nous doutons de l'annonce d'une troisième phase de travaux qui pourrait favoriser la relance de Radisson. Et même si c'était le cas, les deux précédentes phases ont démontré l'insuffisance de ces grands projets à l'établissement d'une économie nordique qui devrait normalement être basée sur l'exploitation des ressources renouvelables.

Le cycle de sous-développement comporte un autre effet très néfaste, celui de la démobilisation des bâtiments résidentiels. Il équivaut à vider le tissu urbain de Radisson de sa capacité future de se développer, d'accueillir de nouveaux travailleurs. Un des arguments fondamentaux du développement de notre village est qu'il est doté de toutes les infrastructures urbaines requises. Nous devons obtenir rapidement un positionnement gouvernemental précis relatif au développement de Radisson et à son assise hydroélectrique, sinon nous continuerons de voir Radisson se vider de ses résidences, diminuant ainsi son potentiel d'accueil de travailleurs. De 1996 à 1998, c'est plus d'un bâtiment résidentiel sur 10 qui a été démobilisé. La plupart de ces bâtiments ont été achetés par des communautés autochtones.

Nous avons produit dans notre mémoire divers avis sur l'aménagement et le développement de la région de Radisson. Nous vous laisserons l'opportunité de prendre connaissance de ces avis. Cependant, nous aimerions vous faire lecture d'une lettre d'appui de M. Pierre Dansereau, écologiste et scientifique émérite, à qui nous avons demandé conseil dans la rédaction de notre mémoire. Alors, vous permettez, M. le Président?

(14 h 10)

«Le 23 septembre 1998. Cher M. Gagné, j'ai lu attentivement le rapport de la municipalité de la Baie-James, localité de Radisson, et je me trouve en plein accord avec vos arguments et avec vos recommandations. Il incombe à Hydro-Québec de tenir compte de vos recommandations en ce qui concerne le régime de travail et de logistique de son personnel. Mais il est encore plus urgent que le gouvernement du Québec réalise une planification qui assure un usage plus diversifié de l'énergie hydroélectrique dans le Moyen Nord et, éventuellement, dans le Grand Nord. J'en tiens toujours pour les recommandations que je faisais en 1995 et auxquelles vous faites allusion dans votre mémoire. Le manque d'imagination et de courage d'un certain nombre de nos décideurs est sans doute la pire menace des désastres que vous craignez. Je regrette de ne pouvoir vous offrir des réflexions plus approfondies en ce moment. Je suis donc de tout coeur avec vous et j'espère que vous voudrez bien me tenir au courant.»

On continue. Élément significatif s'il en est un, on trouve aux dernières pages du plan stratégique d'Hydro-Québec la notion d'impact économique régional: «La présence d'Hydro-Québec à travers toutes les régions du Québec s'est traduite par des achats de biens et services d'une valeur moyenne de 1 900 000 000 $ par an au cours des quatre dernières années. En termes d'emplois directs et indirects, ces achats équivalent à plus de 13 000 années-ressources. À cela, il faut bien sûr ajouter les effectifs d'Hydro-Québec répartis sur tout le territoire de la province.»

Nous constatons qu'Hydro-Québec a omis de traiter d'équité dans la répartition de ses effectifs sur tout le territoire de la province. Nous prenons bonne note également que la commission parlementaire de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale du Québec, tenue en février 1998, a ajouté la précision suivante au plan stratégique d'Hydro-Québec: «Hydro-Québec continuera donc de favoriser, tant dans son développement que dans ses opérations, des activités économiques qui bénéficient aux économies des régions du Québec et aux communautés locales.»

Voici un bref portrait de la répartition d'effectifs d'Hydro-Québec. Sur les 20 400 personnes à son emploi dans toute la province, 1 378 sont affectées à la direction régionale de la Grande rivière. Sur les 773 qui travaillent sur le territoire de la Baie-James, 352 sont affectées dans la zone d'influence de Radisson. De ce nombre, seulement 24 sont des résidents de Radisson. Et pourtant la puissance installée dans le secteur immédiat de Radisson – aménagements Robert-Bourassa et LG 1 – compte pour 27,4 % de ses ventes en 1997. Ainsi, les centrales exploitées dans le secteur de Radisson ont réalisé des produits de vente d'un peu plus de 2 000 000 000 $ sur les 8 000 000 000 $ réalisés par Hydro-Québec en 1997.

Radisson est née des développements hydroélectriques. Il est donc normal pour nous d'être fiers de la production d'Hydro-Québec et des résultats de ventes provenant de chez nous. Lors du débat public sur l'énergie tenu en 1995, nous avons fait part de nos préoccupations du peu de retombées régionales de la présence d'Hydro-Québec, mais nous avons également insisté sur les qualités macroenvironnementales de l'exploitation de la ressource eau.

Nous avons soutenu l'importance d'offrir au Nord-Est américain une source d'énergie propre et d'augmenter les exportations. Nous avons félicité également la société d'État pour sa contribution au développement touristique dans la région, dont les impacts sont supérieurs à 1 000 000 $ seulement pour la localité de Radisson. Nous n'avons pas nié non plus l'importance de la contribution d'Hydro-Québec à la richesse foncière du territoire. Rien qu'à Radisson, près de 70 % des revenus de taxes proviennent de la société d'État et elles maintiennent la viabilité de nos services publics locaux.

La politique énergétique du Québec, issue de la consultation publique de 1995, aborde également le développement régional. Nous croyons que la redistribution des «en lieu» de taxes en faveur des régions possédant des installations énergétiques sur leur territoire est un élément intéressant de cette politique. Nous souhaitons que le gouvernement aille de l'avant et bonifie cette notion.

Nous aurions souhaité cependant que le concept de redevance régionale puisse s'appliquer dans les cas flagrants où, malgré la présence d'installations productrices d'énergie, le système économique est en déclin. À cet effet, Hydro-Québec pourrait informer cette commission que, pour une première fois en 1998, les entreprises de Radisson recevaient des appels d'offres régionalisés. Aucun entrepreneur de Radisson n'a été en mesure de soumissionner pour la fourniture de ces biens et services.

Cette situation est un constat de fait: l'absence de planification ou la sourde oreille aux efforts de planification et d'aménagement pendant la période des chantiers a fait de Radisson un village où les entreprises en place n'ont simplement pas la capacité de soumissionner en raison de leur taille ou que le type de fournisseur recherché y est absent.

À cet égard, il est malheureux que le Programme de mise en valeur intégrée d'Hydro-Québec, qui peut servir à la constitution de fonds de développement, ait été mis en place après les travaux de la Baie James. Au mieux, nous pouvons espérer que, dans le cadre d'une politique de développement nordique, il soit indiqué à Hydro-Québec qu'un tel outil peut s'appliquer rétroactivement pour les milieux en déclin.

Également, nous désirons faire remarquer à la commission que les citoyens de Radisson ne peuvent toujours pas poser leur candidature sur des emplois chez Hydro-Québec, région La Grande, puisque leur résidence permanente ne se situe pas dans les région 02 ou 08.

En conséquence, si un seul message doit être retenu par cette commission d'études pour notre localité, c'est que Radisson est née de l'hydroélectricité et en mourra si la façon d'exploiter la ressource n'est pas modifiée pour que les travailleurs d'Hydro-Québec résident à Radisson.

Nous commençons à peine à ressentir les effets des prises de positions des acteurs politiques sur le devenir de Radisson. Lors d'une visite officielle à Radisson en septembre 1997, le premier ministre s'exprimait ainsi sur la question d'une possible fermeture du village: «Il n'est pas question de fermer Radisson. L'hydroélectricité est au coeur du développement économique du Québec et Radisson est au coeur du développement hydroélectrique du Québec.»

L'écart entre la volonté politique ainsi exprimée et l'action gouvernementale qui devait y correspondre est trop important pour que l'avenir de Radisson soit assuré. La mise sur pied, en 1996, d'un comité visant à évaluer les impacts d'Hydro-Québec dans la région Nord, nous le croyions, annonçait enfin la possibilité d'énoncer les véritables solutions au développement de Radisson: celles associées à la présence de la société d'État dans la région. Les travaux du comité ont produit notamment des recommandations entièrement favorables à Radisson sur les dossiers de la sous-traitance et du mode d'exploitation des centrales dans la zone d'influence de Radisson: Robert-Bourassa, LG 2A et LG 1. Nous tenons à préciser que ces recommandations ne sont contraires d'aucune façon aux orientations stratégiques d'Hydro-Québec. Elles rejoignent plutôt la préoccupation de la société d'État de réduire ses coûts d'exploitation en lui recommandant de modifier ses façons de faire suite à une étude globale de la question:

«Que, à la lumière des résultats de ces travaux, soit mis au point un plan visant à instaurer un système d'organisation du travail basé sur le mode "résident" et incluant la gestion unifiée et déconcentrée, dans la région, de tout le bassin de la rivière La Grande;

«Que ce plan soit accompagné d'un programme de transition du mode "commutation" au mode "résident" étalé sur une période de cinq ans maximum, débutant à compter de janvier 1998.»

À la lumière de ces recommandations, Hydro-Québec doit remettre en question sa façon d'agir dans la région Nord-du-Québec. Les exemples de Sainte-Marguerite où la société d'État a favorisé un partenariat avec le milieu et l'exemple de la compagnie Impériale Esso à Norman Wells dans les Territoires du Nord-Ouest sont à favoriser. Rappelons que cette dernière a cessé la commutation aérienne et a établi ses travailleurs en mode «résident». Cette modification s'est soldée par une baisse des frais d'exploitation, une augmentation de la productivité des travailleurs et une simplification des tâches administratives.

(14 h 20)

Radisson veut et doit établir un nouveau partenariat avec la société d'État, un partenariat qui n'a plus rien à voir avec la période des chantiers. Cette période est terminée et Hydro-Québec doit comprendre les termes et conditions de sa présence dans le Nord du Québec. La Convention de la Baie James et du Nord du Québec était une condition nécessaire et préalable à l'accomplissement des travaux de la Baie James et cette Convention traite largement du respect et du développement à l'intention des communautés crie et inuit. Il nous semble maintenant que cette Convention traduit encore mieux l'oubli de la communauté allochtone qui réside sur ce territoire.

Nous demandons au gouvernement de définir, ne serait-ce que pour la région Nord-du-Québec, le mandat de soutien au développement que doit assumer Hydro-Québec, et ce, de façon aussi précise qu'il a su le faire pour ses objectifs de rentabilité. Pour toute la moitié nord de la Baie-James, l'hydroélectricité a été reconnue depuis longtemps comme fondation à la tertiarisation des activités économiques. La communauté de Radisson est liée à cette règle plus que toute autre communauté de la région.

Le maintien des pratiques actuelles d'Hydro-Québec aura raison à court terme de la survie de notre village. La commutation aérienne de ses travailleurs à partir de l'Abitibi-Témiscamingue, du Saguenay–Lac-Saint-Jean ou d'ailleurs au sud de la province, l'octroi de sous-traitance aux entreprises du sud sans embauche locale et l'absence de règle d'établissement des travailleurs en mode «résident» ne sont aucunement favorables au développement de notre région.

Seule une politique gouvernementale précise et non équivoque sur le développement de la région Nord et l'identification de la contribution des acteurs en présence pourra assurer le développement de la région. Cette politique doit au minimum inclure les aspects suivants: la régionalisation des retombées économiques de l'exploitation des ressources naturelles; l'implication des communautés dans la prise de décisions affectant l'aménagement et le développement du territoire; l'établissement d'une desserte gouvernementale au moins équivalente à toute autre région du Québec; le respect des orientations stratégiques que s'est données notre région; et la diversification des secteurs d'activité économique.

Le Président (M. Duguay): Il vous reste une minute.

M. Fiset (Dominique): Merci. Alors, si vous permettez, M. le Président, je vais me rendre directement à ma conclusion.

Alors que le secteur d'activité touristique est en progression dans notre région, que l'exploration minière procure des indices intéressants à moyen et long terme, que des universités relancent notre secteur institutionnel par l'établissement d'une station de recherche écologique et que nous continuons à nous battre pour conserver nos services publics et les commerces de détail de Radisson, nous avons encore l'impression d'apposer des bardeaux d'asphalte sur la toiture alors que notre fondation n'est toujours pas coulée. Peut-être jugerez-vous cette image un peu simple, mais elle traduit bien notre situation.

Nous avions la responsabilité, avec l'adoption de notre plan stratégique, de démontrer que la diversification des secteurs d'activité était possible, que Radisson disposait de l'énergie et des individus requis pour en faire un carrefour de développement nordique. Beaucoup de potentiel reste inexploité. Plus que tout, ces trois dernières années ont démontré que le maintien du village est possible. Il nous faut maintenant poursuivre son développement.

Nous sommes fiers d'être Jamésiens, fiers d'être Radissoniens et fiers d'habiter le Nord. À l'instar d'autres pays nordiques, nous espérons que le gouvernement du Québec et Hydro-Québec saisiront l'importance nationale que revêt le développement du Nord-du-Québec et la position stratégique qu'occupe Radisson dans cette région. Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, M. le président. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs, pour votre présentation. Je partage plusieurs points avec vous. Je n'ai jamais compris, par exemple, pourquoi – juste une question de gros bon sens – on ne scindait pas les contrats de routes pour permettre l'émergence de petites compagnies d'entretien de chemins. Par exemple, pourquoi on ne ferait pas des sous-contrats d'entretien de flottes automobiles, de véhicules automobiles? Pourquoi... Je ne sais pas, une foule de choses. Il n'y a pas grand réponse à ça, effectivement, si ce n'est qu'un gros est habitué de transiger avec un gros. Ça a l'air bien compliqué, un gros avec des petits. Et ça va être questionné, ça, c'est clair.

Mais il y a des points de votre mémoire que vous avez sautés. Je vais aller aux bouts que vous avez sautés pour savoir ce que vous voulez dire par ça, parce que c'est peut-être ça qui détonne le plus, en tout cas par rapport à la lecture qu'on a faite de votre mémoire avant que vous arriviez ici. Vous parlez de pratiques de harcèlement des travailleurs. Vous avez dit ça. Je veux savoir ce qui se passe.

M. Fiset (Dominique): O.K. Concernant les pratiques de harcèlement, je vous dirais que ce n'est pas courant de voir, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, sur l'effectif d'Hydro-Québec et affectés directement à Radisson, que nous avons seulement 24 résidents. Le problème... je pense que ce n'est pas bien vu de la part de certains intervenants qu'il y ait des employés 8-6 résidant à Radisson. Ces personnes-là sont affectées un petit peu côté emploi, je crois, elles sont mises à part, elles sont... je pourrais vous dire, je pense qu'il y en a qui trouvent la vie dure. Puis, pourtant, la plupart des gens nous disent qu'ils aiment bien vivre à Radisson.

M. Chevrette: Mais je vous arrête parce que je veux voir clair. Vous dites qu'ils sont mis à part. Ça veut dire quoi, ça?

M. Fiset (Dominique): M. Chevrette, M. le Président, on pourrait peut-être vous parler d'un petit sondage que nous avons effectué auprès de certains employés résidents de Radisson. J'aimerais passer la parole à mon agent de développement, M. Claude Gagné, qui pourrait vous donner les résultats de ce petit sondage.

M. Gagné (Claude): Si vous permettez. On a su entre les branches que le Syndicat d'Hydro-Québec avait réalisé auprès de ses membres un sondage, à savoir: Est-ce que vous êtes intéressés à rester à Radisson? Ça nous a inspirés, nous autres. Puis on avait une moins grosse clientèle; ça ne nous a pas pris Léger & Léger pour le faire, parce qu'on avait peu de gens à considérer là-dedans. Sur une vingtaine de répondants, bref, on a réussi à rejoindre à peu près 33 % de la population, ce qui est très bon pour un sondage. Vous comprendrez que ça représente six, sept personnes, ici. Deux personnes ont refusé de répondre au sondage, mais on a quand même un échantillon intéressant. Bon, les répondants ont entre une et 10 années de résidence à Radisson, et je parle de résidents hydroquébécois.

On leur a posé des questions. Votre situation de résident à Radisson, «c'est-u» un choix personnel, un choix professionnel obligé, non obligé? Personne n'a été obligé. Ils sont là actuellement.

Avez-vous déjà décidé de vous en retourner en bas? Quatre ont dit non. Deux ont dit: Peut-être d'ici trois ans, on envisage déjà un retour. Mais, pour l'ensemble, non, on n'a pas prévu s'en retourner, on est chez nous.

On leur a posé également des questions, parce qu'on s'en préoccupe, comme la qualité – et c'est rapide. La vie à Radisson, «c'est-u» vivable? – aussi simplement que ça. Quantité et qualité des services de loisirs locaux? C'est tous dans le très acceptable ou l'acceptable, 3, 3. Quantité et qualité des services sociaux et de santé? Acceptable majoritairement, très acceptable. Quantité et qualité des services d'éducation? Ça roule dans le très acceptable ou l'acceptable. Services municipaux? La même chose. Quantité et qualité des communications, télé, radio et Internet – malgré la présence des réseaux d'Hydro-Québec? Ça, c'est un peu plus mitigé, c'est assez négatif.

On leur a demandé: Votre intégration à la communauté de Radisson, vous la jugez comment? Deux ont dit: très facile; trois, facile; et un, acceptable. Personne n'a dit que c'était invivable.

Depuis que vous êtes résident à Radisson, avez-vous vécu – répondre par oui ou par non – du rejet de la part de vos confrères supérieurs ou subalternes au travail? Des réponses intéressantes: quatre ont dit non; deux ont dit oui. De l'intimidation dans votre milieu de travail? Trois ont dit non; trois ont dit oui. Des modifications négatives à vos tâches, vos conditions de travail ou votre qualité de vie au travail? Quatre ont dit non, mais deux ont dit oui. Des pressions de tout genre en raison du fait que vous êtes résident? Un a dit non; cinq ont dit oui.

Comment qualifiez-vous le comportement de votre employeur, maintenant, Hydro-Québec, pour les éléments suivants: La résidence qui vous a été fournie? Très bon, très acceptable. La prise en charge de ma résidence dans le Sud? On s'est rendu compte qu'Hydro-Québec ne faisait pas ça. Ça ne facilite pas, mais c'était sans objet à ce niveau-là. Déménagement, frais de déménagement – des trucs normaux pour une région comme la nôtre? Assez bien aussi. Avantages monétaires, prime d'éloignement et autres avantages? Très acceptable dans l'acceptable. Le suivi de mon employeur sur mon intégration dans la communauté de Radisson? Inacceptable, six sur six. Le maintien de l'accès au plateau de loisirs d'Hydro-Québec? Deux ont dit que c'était acceptable; quatre ont dit que c'était inacceptable. Ils ont perdu, parce qu'ils sont devenus des résidents, cette capacité-là.

(14 h 30)

Dernière question. Tous avantages et inconvénients confondus, quel système d'opération présente pour vous le plus d'intérêt? Six ont dit: La résidence à Radisson plutôt que la commutation aérienne à partir d'une ville du Sud. Quelle est votre raison principale? Une seule: pour une meilleure qualité de vie familiale ou de couple. C'est ce qui a été identifié.

M. Chevrette: O.K. Moi, j'ai reçu une lettre aussi, mais ce n'est pas de vous autres, c'est de quelqu'un qui est très près du monde. Je ne dirai pas qui, j'ai peur qu'il y ait de la pression. Mais qui va exactement dans le même sens que ça. Et d'ailleurs, demain, je vais questionner les représentants syndicaux, parce que je suis convaincu que ce n'est pas nécessairement des mots d'ordre, ça. Ça peut être tout simplement des gens qui se donnent des missions. En tout cas, on verra, on va discuter de ça très sérieusement demain. Ça m'apparaît être des méthodes dépassées, cette histoire-là, et on y verra demain. D'autant plus qu'il y a une lettre d'entente en annexe de la Convention qui prévoit que, sur une base volontaire, des individus peuvent, si j'ai bien lu mon dossier et l'ai bien compris... C'est aujourd'hui, à part de ça, que je vais pouvoir questionner. Il n'y a pas de problème, ça va être assez vite.

Ce que je disais, c'est qu'il y a une annexe à la Convention. Donc, il y a un O.K. de principe. Puis, s'il y a un O.K. de principe, il n'y a rien qui l'empêche. S'il n'y a rien qui l'empêche, ce n'est pas pour la frime, ça. Mais j'ai hâte de voir, parce que j'ai même appris à certains dirigeants d'Hydro qu'il y avait une lettre d'entente en annexe. En tout cas, on verra le détail plus tard, une histoire à suivre, accrochez-vous à mes lèvres.

Ceci dit, je voudrais vous demander... Vous ne parlez pas du tout du rôle de la SD. Pourquoi?

M. Fiset (Dominique): O.K. J'ai un petit texte concernant SDBJ. Notre sentiment est que Société de développement de la Baie James a surtout été présente dans le secteur minier. Le secteur de Radisson, c'est un secteur d'activité qui commence à peine à donner des résultats intéressants. Nous avons l'intention de voir à la révision de notre plan stratégique et d'interpeller SDBJ afin que celle-ci vienne en aide spécifiquement aux compagnies juniors qui travaillent dans le secteur région La Grande. Parce qu'on sait très bien que le gros du développement à l'heure actuelle, sur la région Nord-du-Québec, est l'hydroélectricité, les mines et les forêts. Or, il commence à y avoir du potentiel intéressant dans notre secteur et nous allons intervenir officiellement auprès de SD.

M. Chevrette: Et je veux vous confirmer qu'il y aura un recentrage de SD. Le projet de loi est prêt, les consultations se terminent demain et il devrait y avoir, au début de l'ouverture de la session, un dépôt de loi unique qui va amender les structures municipales. SD ne sera plus le maire, l'homme, la personnalité à tout faire en haut, mais véritablement... il va y avoir une structure municipale complètement indépendante de la SD. Bien, ils vont siéger sur... parce qu'ils ont un rôle à jouer sur le territoire, mais les maires existants vont être majoritaires sur la nouvelle structure et SD sera recentrée. Déjà, au niveau du budget, le 15 000 000 $ dont on parle depuis deux jours, il y a un 15 000 000 $ d'investissement possible au niveau du Nord, additionnel, qui a été annoncé dans le dernier budget.

L'autre chose que je voulais... Il y a une phrase que j'ai lue, qui me laisse perplexe parce que je ne la comprends pas. Je vais vous dire, c'est le bout où vous dites à peu près ceci: «Les intérêts syndicaux et le fonctionnement d'Hydro-Québec entretiennent un mode colonialiste d'exploitation.»

M. Fiset (Dominique): Mon ami Claude peut vous répondre aisément sur cette question.

M. Chevrette: C'est une belle expression mais c'est parce que je ne comprends pas ce que ça veut dire. Et comme je veux tout savoir...

M. Gagné (Claude): C'est un choix heureux de terme. Le Petit Robert définit le «colonialisme», puis je pense que tout le monde le sait ici, mais on va répondre à la question quand même.

M. Chevrette: Non, c'est parce qu'il n'y a pas seulement ça dont je veux vous faire parler.

M. Gagné (Claude): O.K.

M. Chevrette: Ce n'est pas le sens de «colonialisme», je le sais.

M. Gagné (Claude): Au-delà de ça.

M. Chevrette: J'ai vu des peuples colonisateurs puis je sais ce que c'est, celui qui est colonisé. Des fois, on se reconnaît dans ça nous autres mêmes.

M. Gagné (Claude): Oui.

M. Chevrette: Mais ce que je veux dire, c'est plutôt la collusion pour le colonialisme que je ne comprends pas.

M. Gagné (Claude): Tantôt vous avez dit, vous avez parlé de la lettre d'entente. Si tout le monde sait c'est quoi le colonialisme, on pourrait prétendre que la région Nord, au moins en ce qui concerne l'hydroélectricité, est exploitée au bénéfice d'autres régions. On ne soutiendra pas que les travaux de la baie James ont été faits juste pour la région Nord-du-Québec, on va dire qu'il n'y a pas assez de retombées.

Pourquoi est-ce qu'on dit qu'il y aurait presque une collusion colonialiste entre Hydro-Québec puis le syndicat? Premièrement, c'est parce que j'ai l'impression souvent, sur cette question de l'opération puis de l'exploitation, ils s'entendent bien en tabarnouche, hein! Parce que ça n'a pas bougé bien vite depuis.

M. Chevrette: Je vous arrête encore un petit peu.

M. Gagné (Claude): Oui.

M. Chevrette: Si le gars qui était à Radisson ou, je ne sais pas, qui était à Lebel-sur-Quévillon ou qui était à Matagami, ça ne le dérangeait pas de travailler à la baie James puis que c'est par la force des choses qu'il s'est ramassé à Rouyn, parce que son port d'attache était là, ce n'est pas nécessairement la faute dudit travailleur. C'est pour ça que je ne saisis pas le sens.

M. Gagné (Claude): O.K. Bien, à ce niveau-là, en premier lieu Hydro-Québec n'a pas favorisé. Je veux dire, si on prend les deux morceaux, le syndicat puis Hydro-Québec. Vous avez parlé de la lettre d'entente. Il y a une lettre d'entente, c'est déjà un pas. Puis ça permet, ça ne favorise pas. Nous, on dit qu'Hydro-Québec a une responsabilité. Hier, il y a quelqu'un qui a dit: Si on est dans le Nord, on apprivoise le Nord, on a une responsabilité. J'ai trouvé ça intéressant comme principe. Mais si Hydro-Québec a cette responsabilité-là depuis quelques années... En tout cas, la commission parlementaire, ce n'est pas il y a 20 ans, c'est maintenant. Mais, à la limite, Hydro-Québec, dans sa planification du développement autre qu'hydroélectrique, si elle avait ce mandat défini par le gouvernement, aurait peut-être lieu de rencontrer le syndicat et de dire: On va aller au-delà d'une lettre d'entente qui permet, on va favoriser. Puis le syndicat de s'entendre avec Hydro-Québec, de négocier un package intéressant pour dire... Quand il y en a un qui va se lever debout, qui va dire: Moi, j'ai le goût d'aller rester à la Baie-James, je veux aller rester à Radisson, mais qu'il puisse le faire. La lettre d'entente le permet. Mais qu'Hydro-Québec comme employeur le favorise, ça, c'est sa responsabilité au-delà d'une lettre d'entente.

Parce que, en plus, on sait qu'au sein d'Hydro-Québec, je veux dire, ils ont instauré un système. Vingt ans après ils vont venir dire: On s'est peut-être trompé, dans le fond, ça coûte moins cher toujours d'avoir trois employés pour un emploi, de les transporter en avion, de les nourrir, de les loger, de les divertir. Ça coûte moins cher que tout, ça. Moi, je suis agent de développement, j'aide au démarrage puis à la consolidation d'entreprises. Si j'avais un entrepreneur qui me soutiendrait ça dans mon bureau, je lui offrirais un café et quelques bons conseils. C'est insoutenable, trois employés pour un emploi et tout ce que je vous ai dit: transport, divertissement, nourriture. Quelque part là, on n'arrive pas à comprendre. C'est ça qu'on questionne.

Mais même au-delà de ce questionnement-là, la responsabilité d'Hydro-Québec dans la région Nord-du-Québec, qu'ils s'entendent avec le syndicat pour favoriser. Pas nécessairement les mettre dans l'eau chaude, qu'ils s'entendent avec le syndicat pour favoriser puis que le syndicat prête oreille à ça. C'est tout.

M. Fiset (Dominique): Je pourrais compléter là-dessus, moi, M. Chevrette. C'est probablement, oui, que si les gens ont l'opportunité de venir travailler dans le Nord sur un accès libre, je pense qu'il n'y a aucun problème, on est prêts à les recevoir. Les infrastructures qu'on a déjà en place pourront s'améliorer avec le temps. Et peut-être que si ces personnes-là ont les mêmes avantages que tout autre employé 8-6, de pouvoir profiter des activités de leur club récréatif et de tous les avantages que les employés 8-6 auront, on aurait certainement beaucoup plus de résidents 8-6 à Radisson.

Le Président (M. Duguay): Ça va, M. le ministre?

M. Chevrette: Je vais m'arrêter pour l'instant.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Je vais passer la parole au député de Richmond.

M. Vallières: Merci, M. le Président. Moi, j'aurai quelques questions, la première concernant une affirmation que vous faites dans votre mémoire, à la page 5. Quand vous dites qu'à travers toutes les régions du Québec la présence d'Hydro-Québec s'est traduite par des achats de biens et de services d'une valeur moyenne de 1 900 000 000 $ par an au cours des quatre dernières années, j'aimerais savoir de vous si vous avez fait une évaluation des retombées de ces achats-là chez vous. Est-ce que vous êtes capables de les quantifier?

M. Fiset (Dominique): O.K. Est-ce que je pourrais faire une petite consultation, s'il vous plaît? Oui?

M. Vallières: Oui.

(Consultation)

M. Fiset (Dominique): Alors, monsieur, on me dit que toute la région du Nord-du-Québec, en 1995, a reçu 0,5 % des retombées économiques.

M. Vallières: 0,5 %.

M. Fiset (Dominique): 0,5 %.

Une voix: 50 % des ventes.

M. Vallières: 0,5 %.

M. Chevrette: Toute la région Nord?

Une voix: Oui.

M. Fiset (Dominique): Toute la région Nord.

M. Vallières: Toute la région Nord. Bon, c'est un chiffre qui parle de lui-même.

M. Fiset (Dominique): Je crois que oui.

(14 h 40)

M. Vallières: On essaiera tantôt, possiblement, de faire avaliser ça par Hydro-Québec, ils vont être avec nous. Vous ajoutez également qu'il y a certainement des gens qui se sont aperçus de cet état de choses, entre autres les parlementaires, puisque, en commission permanente l'économie et du travail, ici même, en février 1998, au plan stratégique d'Hydro-Québec, il y a quand même une phrase qui a été ajoutée, qui me paraît être importante et qui vient, dans le fond, indiquer qu'on a vu là un problème quelque part, quand on dit qu'«Hydro-Québec continuera donc de favoriser, tant dans son développement que dans ses opérations, des activités économiques qui bénéficient aux économies des régions du Québec et aux communautés locales». On aurait peut-être dû marquer «qui bénéficieront», parce que «qui bénéficient», je pense que la démonstration est presque faite que c'est très peu.

En tout cas, tous les messages qu'on entend, c'est que l'implication d'Hydro-Québec, prise globalement, est très faible et que les attentes du milieu, elles, sont très fortes par rapport au citoyen corporatif qu'est devenu Hydro-Québec, par rapport aussi à une attitude qui doit changer par rapport à l'attitude originale de gérance de grands barrages, de construction de grands ouvrages, où – et ça, je vous rejoins là-dessus aussi – le rôle d'Hydro-Québec, le travail d'Hydro-Québec est changé, c'est maintenant la gestion d'une énergie renouvelable. C'est plus ça que la construction de grands ouvrages. Donc, il y a aussi une attitude qui doit suivre, on pense, de la part d'Hydro-Québec. Et on sait que ce n'est pas nécessairement facile puisque, même nous, comme élus, souvent, on a à transiger avec Hydro-Québec et, nous, on a l'habitude de dire: C'est l'État dans l'État; le gouvernement dans le gouvernement. Donc, c'est sûr qu'Hydro, c'est quelque chose de puissant. Et on pourra voir ici, comme parlementaires, comment on peut faire en sorte qu'on exerce quelque influence sur cet organisme, à commencer par le ministre qui en est responsable, qui est avec nous, ici.

Il y a une autre page de votre mémoire où vous dites, vous mentionnez, à la page 8, qu'il y a eu le message du premier ministre quand il est allé à Radisson, mais vous, ce que vous voyez en page 8, c'est qu'il semble y avoir un écart entre la volonté politique exprimée et l'action gouvernementale. Cette distorsion que vous constatez, êtes-vous capable de nous en parler pour qu'on voie un peu ce que ça signifie dans la vie de tous les jours, cette distorsion entre ce que vous entendez et ce qui se fait?

M. Fiset (Dominique): Moi, je vous dirais là-dessus, ce que j'entends parler, c'est que, bon, autant de certains groupes d'ethnies ou même des résidents ou des gens travaillant dans le secteur: Bon, Radisson, il n'y a rien à faire là. Ça va fermer d'ici deux, trois ans. Et ne forçons pas le développement.

Je pense que ça pourrait être tout le contraire. On est une équipe qui travaille fort, on est des gens qui restent dans le Nord parce qu'on aime ça. Puis je pense qu'on n'est pas les seuls. Il y en aurait d'autres, s'ils avaient la possibilité de s'installer, je dirais, assez facilement, je pense, que ce ne serait pas un problème pour eux autres de venir s'installer.

On est là, on y croit, on croit à Radisson, on croit au Nord. Je considère qu'il y a de la place pour beaucoup de gens. Mais malheureusement, nous entendons encore trop souvent parler que Radisson va être appelé à fermer.

Je ne voudrais pas voir un jour remplacer Joutel par Radisson, ce qu'on voit ici, parce qu'on vient de fermer Joutel, petit village minier. Et puis cette semaine, nous l'avons dans Le Jamésien . Ça me faisait drôle. Je l'ai apporté parce que je voyais très bien les maisons de Radisson démantelées. Sauf, c'est ça, je crois que ça prend un énoncé viable. Et je pense qu'il faut le diffuser à grands coups de média: dans les journaux, radio, télé. Dire: Radisson est là pour y rester puis il va y rester. Je pense que c'est ça un petit peu qu'on s'attend beaucoup aussi de la part des gouvernements.

M. Vallières: Dans ce que vous avez inscrit dans le mémoire, il y a beaucoup de choses qui tournent autour d'Hydro-Québec, beaucoup d'attentes autour d'Hydro-Québec. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'Hydro-Québec, que l'attitude d'Hydro-Québec peut être déterminante dans l'existence même de Radisson?

M. Fiset (Dominique): Effectivement, je considère... Claude, si tu as quelque chose...

M. Vallières: Hydro-Québec a droit de vie ou de mort sur vous, dans le fond.

M. Gagné (Claude): Absolument, absolument. Je veux dire, il n'y a pas une papetière, il n'y a pas une minière – en tout cas, ce n'est pas à souhaiter – ou il n'y a pas une aluminerie qui se comporterait comme Hydro-Québec l'a fait dans le Nord: ne pas embaucher localement. Je veux dire, à la limite, c'est fait, on le sait, là. Puis il n'est pas question de mettre un 12 sur la tempe de personne pour venir rester à Radisson. On l'a dit avant, ces syndiqués-là ont un intérêt qui est dans le Sud, leur famille. Il y en a peut-être là-dedans qui veulent s'en venir. Il y a la façon de favoriser ça de la part de l'employeur. Pour nous, l'énoncé de politique, à partir du moment où un mandat est donné à Hydro-Québec de soutenir le développement dans la région Nord-du-Québec via ses opérations, Hydro-Québec doit, un peu comme Impériale l'a fait, donner une direction, pas laisser à ses employés le soin de déterminer que par lettre d'entente ils pourront... Non. Hydro-Québec donne une direction. Après ça, ils ont un problème ou une solution syndicale à trouver, mais, en premier lieu, il faut qu'Hydro-Québec donne sa direction à ses opérations avant toute chose. C'est déterminant pour nous.

M. Vallières: Dans votre mémoire, vous indiquez à un moment donné que pour une des premières fois, en 1998, les entreprises de Radisson recevaient des appels d'offres personnalisés, régionalisés. Qu'est-ce qui fait qu'aucun entrepreneur de Radisson n'a été en mesure de soumissionner pour la fourniture de ces biens et services?

M. Gagné (Claude): C'est une question de capacité.

M. Fiset (Dominique): C'est une question de capacité.

M. Gagné (Claude): Il n'y a pas un historique de développement à la Baie-James. On se retrouve dans une situation... C'est la même chose au niveau de notre tissu urbain. Pendant qu'on attend, il y a des maisons qui foutent le camp, c'est ce qu'on vous dit. Puis plus de temps ça va prendre, moins on va avoir une base économique solide puis un tissu urbain solide. À un moment donné, la conséquence de ça, tu regardes 20 ans en arrière puis il n'y a pas eu vraiment de culture pour mettre en place des fournisseurs, des entreprises. Là, à un moment donné, oups, aïe, on fait des appels d'offres, mais les gens qui sont en place, les entreprises qui sont en place sont fragilisées; elles ne peuvent pas, elles n'ont pas la capacité ou le volume d'affaires requis pour fournir Hydro-Québec.

M. Fiset (Dominique): J'aimerais ajouter là-dessus que dans les gros travaux, les chantiers, les commerces ont commencé à s'établir seulement qu'en 1990-1991 à Radisson. C'est très jeune. C'est très, très jeune parce qu'avant ça il n'y avait pas de possibilité d'instaurer des commerces ou des entreprises à Radisson, c'était contre la volonté des chantiers. C'était contre la volonté des chantiers, dans le temps. C'était géré par la SEBJ qui ne voyait pas d'un bon oeil l'instauration de nouvelles entreprises données, autres que par des sous-traitants qui faisaient l'ensemble des travaux sur les chantiers ou les villages qui existaient durant le temps de ces constructions-là. Alors, je peux vous dire qu'à Radisson les entreprises ont vraiment commencé à s'installer en 1990-1991. Alors, c'est très, très jeune en fait d'infrastructure commerciale.

M. Vallières: Bien. Une autre question avant de passer la parole à mes collègues. Évidemment, la commission se penche sur la possibilité d'établir une politique de développement du Nord. Vous connaissez bien Hydro-Québec, vous les côtoyez. Selon vous, si Hydro-Québec ne recevait pas dans ce plan de développement un mandat clair par rapport à l'avenir de certaines collectivités, par rapport à son implication dans le milieu, pour son développement, est-ce que vous pensez qu'Hydro-Québec, compte tenu de ce que vous en connaissez, pourra contribuer suffisamment au développement du Nord-du-Québec ou si le mandat explicite du gouvernement devient nécessaire auprès d'Hydro-Québec?

M. Fiset (Dominique): Moi, je dirais: Tout dépendant jusqu'à la limite. Ce n'est pas cinq familles de plus qui vont sauver Radisson, ce n'est même pas 10 familles de plus. Je pense que ça prend une incitation du gouvernement avec une ferme volonté de la part des dirigeants d'Hydro-Québec d'exploiter les ressources du Nord et d'habiter le Nord. C'est la seule façon de survivre et de pouvoir amener d'autres partenaires à venir s'installer dans la région pour pouvoir donner une multitude de services complémentaires. Alors, je crois que ça prend une volonté des deux: le gouvernement et Hydro-Québec.

M. Vallières: Bien. Parce que vous savez qu'il y a un patron. Il y a un patron à Hydro-Québec, mais il y a un patron qui s'appelle le gouvernement du Québec aussi.

M. Fiset (Dominique): Effectivement.

M. Vallières: Un grand patron. Ça va pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Maintenant, je vais passer la parole au député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, M. le Président. Bonjour tout le monde. Vous avez près de Radisson une importante communauté autochtone, une communauté crie, à Chisasibi. Quels sont les relations et les échanges que vous entretenez avec la communauté ou la nature des échanges que vous entretenez?

(14 h 50)

M. Fiset (Dominique): Je crois que les commerces de Radisson... S'il n'y avait pas de bons échanges entre les communautés cries de Chisasibi et de Wemindji, étant donné que ce sont les deux plus près de Radisson, je pourrais vous dire que d'après moi il y aurait 50 % de nos commerces qui seraient fermés à l'heure actuelle. Je dirais même que ces gens-là nous donnent 60 % de nos chiffres d'affaires. Alors, la communication est très bonne, même que je dirais, question de localité de Radisson, avec les loisirs aussi. Les plateaux de loisirs que nous opérons à Radisson et à Chisasibi, on a une très, très bonne communication entre les deux systèmes.

M. Létourneau: O.K. Je vous pose la question parce que... Je savais ça aussi. Dans votre mémoire, vous dites que les procédés d'Hydro-Québec ont un effet contraire au rapprochement souhaité entre allochtones et autochtones. Alors, j'ai un petit peu de difficulté avec ça parce que je sais que la population entretient des liens commerciaux, touristiques, des échanges culturels même très corrects. Et, en même temps, on sait tout le monde que la préoccupation d'Hydro-Québec, c'était d'avoir des ententes cordiales avec les communautés autochtones, de favoriser l'emploi et tout ça. Alors, dans l'énoncé que vous nous faites, vous nous dites le contraire de ça. Vous nous dites que vous, en termes de citoyens, en termes de résidents locaux, vous avez d'excellentes relations avec une autre communauté qui est résidente aussi et que les moyens, les procédés d'Hydro-Québec, eux, ont un effet contraire sur cette volonté de rapprochement. J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu.

M. Gagné (Claude): C'est aussi simple de dire que c'est plus facile d'échanger une tasse de sucre entre voisins, à 100 kilomètres, qu'avec le siège social, par exemple, d'Hydro-Québec à 1 500 kilomètres. Autrement dit, s'il n'y a pas de Blancs ou d'allochtones à Radisson, comment voulez-vous favoriser un partenariat entre Blancs puis autochtones dans une région? C'est aussi simple que ça.

En occupant le Nord, en développant le Nord, en s'associant, en jouant au baseball avec eux autres, bien, à un moment donné, tu apprends à les connaître mieux. Si tu n'es pas là, je veux dire... Puis les partnerships d'affaires aussi.

M. Fiset (Dominique): Exact. Si on n'est pas là, il n'y en aura pas de partenariat. Il n'y en aura pas d'entente. Il n'y en aura pas de culture qui se partage.

M. Létourneau: Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. M. Fiset, la municipalité de Radisson, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire le pourcentage de propriétaires fonciers privés, le pourcentage, la moyenne? Est-ce qu'il y a beaucoup de propriétaires fonciers? J'exclus les grandes entreprises.

M. Fiset (Dominique): Si on parle de propriétaires fonciers payeurs de taxes, nous sommes à peu près 60 % de résidents sur 350 de population.

M. Chamberland (Claude): Ça veut dire 250 bâtiments.

M. Fiset (Dominique): Deux cent cinquante électeurs.

M. Gauvin: Propriétaires fonciers.

M. Fiset (Dominique): Oui.

M. Chamberland (Claude): C'est ça.

M. Gauvin: Ce n'est pas des gens qui ont construit, c'est des gens qui ont acquis une résidence dans le cadre d'un programme.

M. Fiset (Dominique): D'abord, la plupart étaient des résidences de sociétés d'État: SEBJ, SDBJ, MBJ, et ainsi de suite. Transport Canada et tout ça. C'est effectivement des achats qui ont été effectués par ces entreprises-là suite à la diminution du personnel dû à la fin des chantiers.

M. Gauvin: O.K. Est-ce qu'il y a eu de l'immobilisation récemment, dans les derniers quatre ou cinq ans, de faite par les individus, les particuliers?

M. Fiset (Dominique): Bien, je vous dirais que, à part...

M. Gauvin: Ça n'a pas été jugé nécessaire.

M. Fiset (Dominique): ...nos employés municipaux qui viennent de se porter acquéreurs de leur maison, ça fait à peu près quatre ou cinq mois, je vous dirais que, eux autres, des nouvelles résidences à Radisson, on n'en parle pas. Des rénovations, des agrandissements de maisons, point.

M. Gauvin: Donc, les revenus de la municipalité de Radisson, les entrées d'argent sont basées sur quel pourcentage de revenus à partir des taxes foncières?

M. Fiset (Dominique): Nous opérons un budget d'environ 2 700 000 $ par année, puis comme je le citais dans notre mémoire, Hydro-Québec nous donne environ 70 % de ce revenu de taxes.

M. Gauvin: Basé sur une entente ou sur des taxes qu'ils paient sur les établissements, sur les immeubles qu'ils ont?

M. Fiset (Dominique): C'est les taxes.

M. Gauvin: Taxes foncières.

M. Fiset (Dominique): Oui.

M. Gauvin: On va y revenir. Pendant que vous avez fait votre présentation et que vous avez échangé avec mes collègues, incluant M. le ministre, j'essayais de m'imaginer ce qu'était le problème de l'embauche. J'essayais de trouver comment ça se faisait et je vais commenter ou raisonner à voix haute, de la façon dont je le faisais. Est-ce qu'il est possible qu'il soit plus facile pour l'Hydro d'embaucher des professionnels ou des gens qui ont une formation particulière à l'extérieur de la région et de leur offrir des avantages particuliers? J'essaie de comprendre pourquoi les résidents se trouvent désavantagés d'y habiter par rapport à...

Si je réfléchis comme je le faisais tantôt – je continue de le faire – les gens qui sont déjà installés, il y a des grosses chances qu'ils y restent; donc, l'Hydro n'a pas à donner de bonbons. C'est ce que je pense comprendre. Donc, s'ils doivent aller chercher de la main-d'oeuvre à l'extérieur, parfois, ils sont obligés de démontrer des avantages. Donc, si vous avez 200 employés possibles sur une demande de 400, ils vont trouver que, à Radisson, ils ont probablement tout le personnel nécessaire. Il n'y a pas d'efforts à faire pour présenter un avantage à venir y travailler. Je parle d'offres futures. Je ne sais pas si je suis assez explicite sur la façon dont je voyais le problème. Pensez-vous que ça peut se passer comme ça?

M. Fiset (Dominique): Je vais apporter quelques points puis je pourrai faire compléter par Claude ensuite, et peut-être des conseillers, s'ils ont envie d'apporter des commentaires. Hydro-Québec a deux régions d'embauche, qui sont la région 02, qui se nomme Abitibi-Témiscamingue, et la région 08, qui est le Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Une voix: C'est l'inverse.

M. Fiset (Dominique): L'inverse? Bon. C'est l'inverse. Leur principe de fonctionnement. On sait qu'Hydro négocie des contrats avec des entreprises. Même, ils se sont portés acquéreurs d'avions. Je crois qu'en passant par ces modes de gestion – c'est mon opinion personnelle – je crois que ça prouve leur principe de fonctionnement de dire qu'ils remplissent leurs avions pour voyager leur personnel et que ça devient pour eux une question de rentabilité. Est-ce vraiment le principe? Je ne pourrais pas l'affirmer.

On parlait tout à l'heure de Impériale Esso, à Norman-Wells, qui a complètement arrêté le mode commutation pour devenir des résidents. À savoir si c'est le bon principe, je ne pourrais pas vous l'affirmer. J'aimerais que Claude apporte certains commentaires. Je pense qu'il est prêt à quelques données.

M. Gagné (Claude): Très rapidement, instantanément, là, il y a déjà des avantages qui sont consentis à la formule 8-6. Alors, ce qu'on dit, c'est: Ne faites pas moins pour ceux qui veulent devenir résidents. Le coût du transport en avion, les héberger, les nourrir, les divertir, là, à un moment donné, ça a un coût, ça, pour Hydro-Québec. Ne faites pas moins pour ceux qui veulent être résidents puis favorisez-le. Puis faire attention, aussi, là, au concept que le Homer Simpson des centrales d'Hydro-Québec, là, c'est irremplaçable. On est tout à fait sensibles à la préoccupation de la société d'État de conserver son personnel qui a acquis de l'expérience, mais il ne faut pas oublier qu'au début de la Baie-James, une vie qui sort de l'ordinaire, c'est physique de secondaire IV puis le cours d'Hydro-Québec que ça prend pour opérer la centrale. Ça, c'est un document d'Hydro-Québec. Du secondaire V. Ce n'est pas tous des ingénieurs qui travaillent dans les centrales. Il faut faire attention à ça également. Ce n'est pas irremplaçable. Oui, c'est précieux, l'expertise qui s'est gagnée sur le territoire de la Baie James, ça, on en tiendra tout le temps compte, mais de là à dire que c'est irremplaçable...

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup. Alors, il nous reste une minute et demie pour M. le ministre.

M. Chevrette: Vous aviez dit deux. Vous coupez encore!

Le Président (M. Duguay): Je vais le tolérer à deux.

M. Chevrette: Il s'organise pour pouvoir être tolérant. Blague à part, je voudrais tout simplement dire que je partage un peu la politique de l'occupation du territoire. On deviendrait inconséquent et incohérent de maintenir toutes sortes de programmes à coût fort élevé parce qu'il y a peu de densité de population, puis être contre une politique d'occupation du territoire. Ça deviendrait tout à fait incohérent.

Plus il y aura de densité de population, plus les coûts per capita baisseront. Plus les chances de développement économique sont occasionnées, plus elles sont raffermies, plus elles grandissent dans le développement. Ça, je pense que ça va de soi. Et c'est pour ça que la politique sur la nordicité, dont on aura la chance de discuter beaucoup plus à fond, à part ça, va s'imposer. Et, à la conclusion de cette commission, je donnerai ma vision quant à l'avenir de Radisson.

(15 heures)

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, M. le ministre. Mesdames et messieurs, merci infiniment et bon voyage de retour.

Alors, j'inviterais les membres du Comité de suivi sur l'impact de la présence d'Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec à se préparer.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Duguay): Alors, chers collègues de la commission, si vous voulez, on va continuer. Maintenant, j'inviterais le porte-parole du Comité de suivi sur l'impact à se présenter et à nous présenter le panel.


Comité de suivi du rapport du groupe de travail sur l'impact de la présence d'Hydro-Québec dans la région Nord-du-Québec

M. Dubois (Christian): M. le Président, distingués membres de cette commission, mon nom est Christian Dubois, je suis sous-ministre adjoint pour la région Nord-du-Québec au ministère des Régions, mais ce n'est pas en cette qualité que je me présente devant vous cet après-midi, mais bien plutôt en tant que président du Comité de suivi sur l'impact d'Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec.

Je suis accompagné, à ma gauche, ici, de Mme Louise Ducap, qui est conseillère au conseil local de Radisson, et, à mon extrême droite, de M. Luc Ferland, qui est directeur général du Conseil régional de développement de la Baie-James. Les deux personnes que je viens de mentionner sont membres du Comité de suivi, et M. Ferland était également membre du groupe qui a analysé l'impact réel et potentiel d'Hydro-Québec dont le rapport a été soumis au ministre, M. Chevrette, voilà un peu plus d'un an. J'ai, à mes côtés, M. Langevin Gagnon, qui était président du groupe de travail qui a analysé l'impact réel et potentiel d'Hydro-Québec dans la région.

Si vous le voulez bien, on a prévu vous faire une présentation en deux temps. D'abord, M. Langevin Gagnon, qui présidait donc le groupe de travail, va faire un résumé très rapide des recommandations du groupe de travail, et je procéderai par la suite en ce qui concerne les travaux du Comité de suivi.

Le Président (M. Duguay): D'accord, M. Dubois, toujours à l'intérieur du temps qui vous est imparti. On est tout ouïe.

M. Gagnon (Langevin): M. le Président, membres de la commission, la problématique qui encadrait l'étude du groupe de travail était constituée de trois volets.

D'abord, compte tenu de la taille de l'économie régionale et des caractéristiques des activités économiques qui se déroulent sur le territoire, l'ampleur des activités d'Hydro-Québec de même que ses politiques administratives en matière d'achat de biens et services, de recrutement de personnel, d'organisation du travail, ainsi que les modalités d'opération retenues par la société d'État ont des répercussions déterminantes sur la région et certaines de ses localités.

Deuxièmement, avec la fin des grands travaux de construction associés à la mise en valeur du potentiel de la rivière La Grande, et le report du projet Grande-Baleine, ce sont les effets causés par les modalités d'exploitation, le type d'organisation et certaines pratiques de la société qui ont davantage retenu l'attention.

En parallèle, un groupe de personnes du milieu s'était déjà mobilisé pour examiner les moyens de freiner le déclin de l'économie régionale.

Alors, le but de l'étude confiée au groupe de travail était d'analyser l'impact réel et potentiel de la présence d'Hydro-Québec sur le développement de la région, d'identifier les principaux moyens d'amélioration de ces retombées et de quantifier, si possible, l'ampleur de ces améliorations, notamment au niveau de l'emploi et de l'achat de biens et services.

Après avoir décrit la situation réelle et potentielle, le groupe de travail a identifié les façons d'optimiser les retombées de la présence de la société d'État dans le Nord. Notre rapport comporte 21 recommandations et près d'une vingtaine de mesures concrètes indiquant les voies qui peuvent être empruntées pour atteindre l'objectif recherché. Ces mesures ont été regroupées en trois niveaux de considérations. Nous voudrions vous en rappeler les éléments essentiels, et qui sont, selon nous, toujours pertinents aujourd'hui, pour les membres de la commission.

D'abord, un groupe de recommandations au niveau de la vision des cadres conceptuels et opérationnels qui permettront d'affirmer et d'encadrer un partenariat entre le gouvernement du Québec, la région et Hydro-Québec. Ces recommandations s'appuient sur les orientations stratégiques et les politiques de développement de chacun des partenaires. C'est à ce niveau, croyons-nous, que peuvent se comprendre et se développer la synergie entre les partenaires autour d'une vision partagée par tous et une bonne connaissance du rôle respectif que chacun est appelé à jouer. Les réflexions de ce type permettraient de mieux définir les orientations gouvernementales en ce qui a trait à la région Nord-du-Québec et d'extrapoler des mandats spécifiques à Hydro en ce qui a trait à sa présence dans la région.

En deuxième lieu, nous avons regroupé un ensemble de recommandations touchant à la commutation aérienne des travailleurs d'Hydro-Québec, dans la perspective d'un développement harmonieux du territoire et d'une contribution d'Hydro au renforcement de l'économie régionale. Nous disions à ce moment-là que la mise en oeuvre des recommandations à ce niveau exigera une grande complicité entre le gouvernement actionnaire et sa société d'État, mais elle débouchera sur un renforcement du partenariat Hydro-région dans le prolongement de l'objectif stratégique de la région en ce qui a trait au développement harmonieux du territoire.

En troisième lieu, nous avons proposé la mise en place d'un comité de suivi des impacts socioéconomiques et une série de mesures visant à accroître les achats d'Hydro en région sur le modèle du projet SM 3 sur la Côte-Nord. Ce comité et ces mesures permettront de développer le champ de partenariat entre Hydro et les entreprises privées locales et régionales en appui aux objectifs stratégiques de la région quant au renforcement et à la diversification de l'économie régionale par les pratiques de sous-traitance des grandes entreprises et leurs politiques d'achats locaux. L'impact économique de ces mesures serait extrêmement important pour la région quand on considère que la totalité de la main-d'oeuvre active en Radissonie compte à peine plus de 10 000 travailleurs dont 2 500 dans le secteur forestier et 1 500 dans le secteur minier.

Rappelons-nous qu'en 1996, au moment où nous avons fait notre étude, Hydro-Québec comptait 997 employés affectés à ses opérations dans le Nord. De ce nombre, 76 seulement résidaient dans les villes nordiques. Ainsi, sur une masse salariale totale de 61 000 000 $, c'est seulement 5 200 000 $ qui étaient versés en région, et cette somme pouvait, selon nous, être portée à près de 30 000 000 $ au terme d'un programme de conversion à la résidence dans les villages nordiques.

Dans le domaine des achats de biens et services, les membres du groupe de travail ont été favorablement impressionnés par les initiatives d'Hydro dans la région de la Côte-Nord. Il est apparu au groupe que la mise en place d'une approche similaire dans la région Nord-du-Québec permettrait de résoudre les difficultés rencontrées et d'augmenter rapidement les retombées économiques découlant de l'achat de biens et services en région, et nos recommandations reflètent cette opinion.

Hydro estime que le contexte de chantier qui prévaut sur la Côte-Nord se prête bien à la mise en place de mécanismes de collaboration avec la région. Par contre, dans la région Nord-du-Québec, la société d'État est dans une situation d'exploitation et les mêmes mécanismes ne pourraient pas, semble-t-il, s'appliquer. Les membres du groupe de travail sont demeurés perplexes devant cette réponse.

En ce qui a trait à la commutation des travailleurs d'Hydro-Québec, le groupe ne disposait ni des moyens ni du temps pour réaliser une étude complète de rentabilité d'un scénario basé principalement sur la résidence des travailleurs en milieu nordique. Par ailleurs, Hydro a fait réaliser une étude sur cette question en 1995 et, en s'appuyant sur cette étude, la société concluait à la rentabilité de sa formule de commutation. Notre groupe de travail n'était pas de cet avis. En fait, il a identifié un certain nombre de limites à Hydro-Québec et ces limites sont les suivantes.

(15 h 10)

L'étude d'Hydro, selon nous, ne concerne que le secteur ouest, Radisson, des opérations d'Hydro dans le Nord alors que la problématique qui était sous étude, la commutation aérienne, concerne l'ensemble du territoire de la Baie-James. En ce sens, selon nous, la conclusion que tirait la société d'État, à savoir: le mode d'opération basé sur la commutation régulière d'employés est toujours privilégié et n'est aucunement remis en question... alors, cette conclusion, selon nous, dépasse largement le champ et la perspective de l'étude, puisqu'elle englobe des situations très différentes – celles de LG 3, LG 4, Nemiscau, Albanel, Chibougamau – très différentes de celle de Radisson, qui n'ont fait l'objet d'aucun examen spécifique en termes de rentabilité ou autrement.

En deuxième lieu, on a souligné qu'on ne retrouvait pas dans l'étude de 1995 de la société d'État les coûts d'exploitation du service aérien, ni les coûts d'entretien des chambres de travailleurs, ni le coût du maintien des résidences inoccupées, qui sont des paramètres majeurs d'appréciation de la rentabilité d'une opération de commutation aérienne par rapport à une opération basée sur la résidence.

En troisième lieu, l'étude ne comprend aucune analyse coûts-bénéfices d'aucun scénario intermédiaire portant sur la commutation terrestre ou la commutation aérienne à partir des villes nordiques.

En quatrième lieu, de l'opinion même d'Hydro-Québec, les coûts principaux associés à un mode d'exploitation basé sur la résidence se situent au niveau de la construction d'un village. Or, celui de Radisson est déjà construit, mais l'étude ne comporte aucune information sur les avantages que cela pourrait représenter pour Hydro.

Alors, du point de vue des membres du groupe de travail, ces limites permettaient de mettre en doute la validité de la conclusion de l'étude de septembre 1995 d'Hydro quant à la rentabilité de son mode d'opération basé sur la commutation aérienne et cela justifiait, selon nous, que l'on reprenne, de façon complète et sans biais aucun, l'étude de rentabilité de ce mode d'exploitation. Quoi de plus normal, selon nous, de toute façon, que de réviser une décision prise en 1980 sur la base d'une étude de coûts sommaire où il est mentionné que les investissements requis dans les infrastructures d'un village constituent le facteur le plus important pour écarter le scénario de résidence alors que, 17 ans plus tard, de toute manière, le village est construit.

Les réticences de la société d'État vis-à-vis cette question nous semblent de divers ordres. Il y a bien sûr, au premier chef, la question de la rentabilité qui est invoquée avec d'autant plus d'à-propos d'ailleurs que l'actionnaire se fait plus exigeant sur le rendement financier de l'entreprise – et nous venons de commenter ce type de résistance.

À la question de la rentabilité, par contre, s'ajoute celle des conventions collectives. Notre examen de la situation sur ce sujet nous a amenés à penser qu'on est davantage, dans ces matières, en face d'un vide quant à la définition d'un ensemble de conditions de travail adéquates et satisfaisantes pour le travailleur en mode «résident» qu'à de véritables contraintes ou interdictions contractuelles d'établir de telles conditions, pourvu, bien sûr, que la direction et la partie syndicale conviennent de leur intérêt à entreprendre de telles discussions. À l'inverse, le mode «commutation» est couvert par un ensemble de conditions de travail complet et perçu de façon très avantageuse par les travailleurs, notamment à cause de la durée des congés.

Du point de vue des membres du groupe de travail, Hydro aura manqué une opportunité en or en décidant de ne pas réexaminer son mode d'exploitation dans la région Nord-du-Québec dans le cadre de son opération générale de rationalisation et de réorganisation réalisée en 1996 et 1997.

Enfin, nous ne pouvons terminer ce rappel des aspects essentiels du groupe de travail sans évoquer les difficultés qu'il y a à tracer un bilan des activités d'Hydro-Québec sur la base de la région administrative Nord-du-Québec. La société d'État ne produit pas ses données sur cette base et, lorsque le gouvernement lui demande de le faire, le travail exigé est ardu et demande du temps.

M. Dubois (Christian): Après le dépôt du rapport du groupe de travail, le Comité de suivi a pris la relève. Le Comité de suivi a été en mesure d'observer, au moins partiellement, les progrès enregistrés chez Hydro-Québec à la suite du dépôt du rapport du groupe de travail que présidait M. Gagnon. Nous disons «partiellement», car la société d'État n'a pas encore vraiment pris les dispositions pour que nous puissions disposer de données claires et comparables entre la situation décrite au rapport et la situation actuelle.

Le Comité de suivi est toujours aux prises avec la même difficulté qu'a rencontrée le groupe de travail, ce qui l'empêche de faire une mise à jour complète et précise des principaux indicateurs permettant d'évaluer les tendances en matière d'impact économique. Ces difficultés ont fondé la dernière recommandation du groupe de travail que M. Gagnon nous a rappelée tantôt.

Néanmoins, on est à même de constater que de bonnes choses s'amorcent. La localité de Radisson compte huit nouveaux emplois syndiqués résidents et un certain nombre de cadres également. Des aménagements mineurs aux méthodes d'octroi de contrats par Hydro-Québec ont également eu des effets intéressants pour la population de 350 habitants que constitue Radisson. Cependant, on note que le ratio d'employés habitant dans la région a fléchi, et cela, de manière plus prononcée que la diminution de l'effectif total. Le secteur de Chibougamau-Chapais aurait en effet connu une diminution de ses effectifs résidents depuis 1996.

La société d'État a reçu, de façon somme toute positive, la plupart des recommandations en ce qui a trait aux mesures spécifiques reliées à la sous-traitance et aux achats en région. Hydro-Québec s'engageait à identifier des mesures additionnelles à mettre en place afin de favoriser les retombées économiques par des achats en région et à examiner les moyens d'assouplir certaines modalités en matière de pratiques d'acquisition. Enfin, Hydro se montrait ouverte à fractionner les contrats pour certains types de travaux, à réaliser une rencontre annuelle avec les fournisseurs régionaux et à présenter un bilan annuel consolidé de ses activités dans la région.

En ce qui a trait à l'examen de la mesure la plus importante pour augmenter l'impact économique de la présence d'Hydro-Québec dans la région, soit de mettre fin progressivement au régime de commutation des travailleurs et de le remplacer par un programme de résidence dans les localités et municipalités nordiques, la société d'État s'en remet à ses propres études conduites en 1995 et estime qu'elle ne dispose d'aucune donnée nouvelle justifiant de reprendre l'étude de cette question et elle conclut à la non-rentabilité de l'approche «résident».

En somme, le bilan que nous faisons nous démontre que, si Hydro-Québec s'en donne un tant soit peu la peine, des choses positives peuvent s'amorcer. Mais force nous est de constater qu'il faut aller plus loin.

Pour entreprendre en toute sérénité le travail nécessaire afin d'optimiser la présence d'Hydro-Québec dans la région, nous croyons qu'un certain nombre de paramètres doivent être respectés de part et d'autre. Ainsi, le plan stratégique de l'entreprise et ses orientations corporatives qui y sont contenues doivent être considérés comme incontournables, y compris, bien entendu, l'impératif de faire d'Hydro-Québec une société commerciale rentable. Les conventions collectives liant les travailleurs d'Hydro-Québec à leur employeur doivent être respectées intégralement. Les obligations d'Hydro-Québec découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois doivent continuer à être honorées par la société d'État. L'ensemble de ces paramètres, le Comité de suivi est prêt à les faire siens.

En retour, on demande à Hydro-Québec de consentir à respecter d'autres paramètres. D'abord, la région Nord-du-Québec existe et elle mérite d'être traitée comme telle dans toute sa diversité. D'ailleurs, les allochtones et les Inuit ont signé avec le gouvernement du Québec, en 1997, une entente-cadre de développement par laquelle les partenaires signataires ont convenu de conjuguer leurs efforts afin de renforcer l'économie et de développer l'emploi dans la région. Ensuite, nous demandons à Hydro-Québec de convenir que la région n'est plus un chantier. Elle est en mode d'exploitation normal, et ce, pour une bonne centaine d'années. Par conséquent, quelques-uns des modes d'exploitation de la société d'État qui s'apparentent plus aux phases de construction doivent être revus pour mieux coller à la réalité actuelle. Pensons un peu que la région est le berceau de 42 % de la puissance installée de l'entreprise et accueille 38 % de la valeur totale de ses actifs qui génèrent 3 500 000 000 $ par année de revenus, soit tout près de 45 % des revenus totaux de l'entreprise. En somme, maintenant que les chantiers de construction sont achevés, le milieu demande que les emplois créés par et dans la région demeurent dans la région.

Par ailleurs, il est de notoriété publique qu'Hydro-Québec dispose d'un portefeuille de projets dont certains pourraient se réaliser dans la région. Si tel devait être le cas, il faut que la société d'État consente à réexaminer ses façons de réaliser ses chantiers afin d'y impliquer les milieux régionaux comme, d'ailleurs, elle a réussi à le faire sur la Côte-Nord avec le projet SM 3. Les expériences que mène Hydro-Québec dans cette région sont d'un riche enseignement pour les gens du Nord-du-Québec.

Selon ce qui a été identifié dans les démarches de planification stratégique menées autant par la localité de Radisson que par le Conseil régional de la Radissonie et ses municipalités, un tel examen devrait placer au premier plan une analyse des mesures permettant d'optimiser les retombées de la présence d'Hydro-Québec dans la région, comme le souligne le Conseil régional dans son plan stratégique de développement.

Enfin, chacun sait, et on l'a dit, Hydro-Québec a un certain nombre d'obligations à remplir vis-à-vis les autochtones de la région eu égard à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et nous sommes d'avis, comme nous l'avons mentionné précédemment, que l'entreprise doit continuer à honorer ses obligations. Par ailleurs, le fait qu'Hydro-Québec ait des obligations envers les nations crie et inuit du territoire n'oblitère pas les populations d'autres souches qui y vivent et qui, nous le rappelons, constituent un peu plus de la moitié des habitants de la région. Hydro-Québec ne doit pas, par ses agissements, donner à croire que ses obligations envers les autochtones la justifient d'éluder tout un pan de la réalité régionale. Toute commerciale que puisse être cette société, elle est aussi d'État et doit, on pense, dans ce contexte, être animée d'un souci d'équilibre envers les groupes de citoyens qui habitent la région.

Ces quelques paramètres posés, voyons maintenant la marge de manoeuvre dont nous disposons afin d'optimiser la présence d'Hydro-Québec de manière à faire de celle-ci un véritable partenaire de développement dans la région. On pourrait nous dire ici qu'Hydro-Québec n'a pas pour mission de promouvoir le développement régional et, dans les faits, les gens de la région ont entendu cette sentence plus souvent que nécessaire. Un bémol, pourtant, sur cette question mérite d'être mentionné.

(15 h 20)

La commission permanente de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale a tenu, en février dernier, des audiences portant spécifiquement sur le plan stratégique d'Hydro-Québec 1998-2002 et cette commission demandait un ajout, et je le cite: «Hydro-Québec continuera donc de favoriser, tant dans son développement que dans ses opérations, des activités économiques qui bénéficient aux économies des régions du Québec et aux communautés locales.» Cet ajout, requis par la commission permanente, doit trouver sa place dans la section Impact économique régional du plan stratégique. Nous comprenons de ceci que la commission permanente a exprimé la volonté de voir Hydro-Québec proactive envers le développement économique des régions en favorisant des retombées de ses actions vers les régions. Il s'agit ici d'une approche assez différente de celle qui voudrait qu'Hydro-Québec ne soit engagée dans le développement des régions que par effet induit.

Mais les malaises que nous décelons dans les relations entre Hydro-Québec et la région Nord-du-Québec sont d'un ordre plus minimaliste que ça. En fait, le principal problème vient de l'absence de relations entre Hydro-Québec et la région. Malgré son imposante présence physique, Hydro-Québec n'a pas réellement noué de partenariat durable dans la région.

Le Président (M. Duguay): Il reste une minute pour conclure.

M. Dubois (Christian): Alors, je vais passer immédiatement à la conclusion, M. le Président, en vous disant que le Comité de suivi est porteur d'une proposition à l'effet qu'on mette en place un comité de retombées économiques régionales, un peu à la manière de SM 3, en vidant peut-être de ce contenu l'expérience de SM 3 qui est chantier, pour se pencher, comme on dit, sur le chantier problématique des relations avec Hydro-Québec. Ce qu'on a envie de demander à Hydro-Québec, et aux syndicats également qui doivent être impliqués, c'est de s'asseoir et de commencer à trouver des idées pour arriver à des solutions «gagnant gagnant» pour la région Nord-du-Québec et pour toutes les personnes et les entreprises concernées.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, messieurs. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, messieurs dames, de votre présentation. Si, au-delà de votre exposé, on lit le mémoire très attentivement, vous faites une joyeuse critique ou un joyeux procès de l'attitude d'Hydro-Québec. La première question que je vous poserais, c'est: Comment Hydro-Québec explique le fait, par exemple, qu'elle refuse même de vous faire parvenir les données pertinentes permettant de faire un bilan de ses interventions sur le territoire? Est-ce qu'elle vous donne des raisons pour ne pas donner suite à cela?

M. Dubois (Christian): Tout simplement, d'abord, on ne veut pas faire le procès d'Hydro-Québec, mais vous mentionner qu'Hydro-Québec n'est tout simplement pas organisée pour nous donner ça, parce qu'elles ne sont pas régionalisées, leurs données. Donc, et comme vous le savez, bon, il y a le transport qui est divisé, en fait, qui relève du Saguenay–Lac-Saint-Jean, et la production qui relève de l'Abitibi-Témiscamingue. Semble-t-il, juste pour avoir, par exemple, le nombre d'emplois dans la région, c'est une gymnastique incroyable. Hydro-Québec, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas nous les donner – en tout cas, on n'a pas eu cette impression-là – c'est parce qu'ils ne sont pas capables de nous les donner.

M. Chevrette: Oui, oui, mais ils justifient l'impossible des fois. Ils doivent être capables de nous dire qu'il y a tant de véhicules à Radisson, qu'il y a tant d'emplois à Radisson même dans la centrale souterraine, qu'il y en a tant à LG 2. Vous ne me ferez pas accroire qu'ils ne sont pas capables de fournir ça. Je les ai déjà vus essayer de justifier des constructions dans le parc La Vérendrye. Puis j'ai déjà vu un président venir me dire ici, à part de ça, que ce n'était pas le manoir des Lavigueur, puis... On ne me fera pas accroire à moi, Guy Chevrette, qu'ils ne sont pas capables de nous donner des données minimales nous permettant de porter un jugement. Ce n'est pas vrai, ça. En tout cas, je vais leur demander tout à l'heure. Je peux vous dire ça. Mais ils expliquent ça en disant que c'est difficile. Pas plus que ça?

M. Dubois (Christian): Non, mais, en fait... On a travaillé pour vous présenter un bilan un peu plus exhaustif que celui qu'on vous présente là. Vous comprendrez bien qu'on s'est mis en contact avec des gens d'Hydro-Québec, de toute bonne foi d'ailleurs. Ils ont travaillé. Il y a un agent de recherche qui a travaillé pendant trois semaines avec un économiste d'Hydro-Québec pour essayer d'aligner les chiffres de façon à ce qu'ils soient comparables puis fiables. On ne voulait pas arriver ici avec un bilan tout croche ou quelque chose qui n'était pas fiable devant les parlementaires.

M. Chevrette: Oui, mais...

M. Dubois (Christian): Et puis, bon, vous avez vu, notre mémoire, il est assez dépouillé de données parce qu'on ne pouvait pas s'entendre... avec les données qu'ils nous donnaient, parce que, aussitôt qu'on les questionnait, il y a une nouvelle donnée qui sortait puis ça rendait très fragile tout l'édifice, là.

M. Chevrette: Je voudrais vous donner une preuve que ce que vous me dites, qu'ils n'étaient pas capables, ça ne tient pas debout.

M. Dubois (Christian): Bon, écoutez, ce n'est pas compliqué. Au niveau du nombre d'emplois dans la région – s'il y a quelque chose qui est assez simple et «basic», si on veut, c'est le nombre d'emplois d'une entreprise dans une région donnée – les chiffres qu'on fait paraître au rapport du groupe de travail, qui ont été autorisés, «rubber-stampés» par Hydro-Québec, je ne me souviens plus ce que c'était, mais ils sont très différents de ceux qu'on a obtenus de l'entreprise pour la même période, lors de notre travail de préparation pour notre comparution ici. Ce n'est pas la même donnée, ce n'est pas la même base. Juste pour vous donner un exemple, le nombre de travailleurs dans la région, il y a une méthode très simple: ils procèdent par codes postaux pour savoir qui habite où. Mais, apparemment – d'ailleurs, le groupe de travail s'est confronté à ça de façon frontale – ce n'est pas suffisant, ça prend des méthodes un petit peu plus raffinées que ça. Et il y a quelqu'un au Conseil du trésor, qui faisait partie du groupe de travail sur l'impact d'Hydro-Québec, qui y a passé le plus clair de son temps, pendant six mois, pour vous présenter le rapport du groupe de travail. Donc, ça vous donne une idée un peu de la complexité.

M. Chevrette: Mais, M. Dubois, si Hydro-Québec est capable de déposer une étude disant que c'est moins coûteux, la commutation, c'est parce qu'ils savent le nombre de salariés qu'ils promènent, c'est parce qu'ils savent le nombre d'employés qu'ils déplacent. Comment peuvent-ils se refuser de fournir des données alors qu'ils prouvent par une étude que c'est moins coûteux? Il y a quelque chose qui accroche à quelque part. Je vais dire comme un ancien député a déjà dit: Il y a un malaise dans le problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Langevin): Je peux peut-être ajouter le témoignage du groupe de travail, disons historiquement, parce que je pense que M. Dubois vit ce que nous avons vécu à l'époque et qui a été comme il le mentionne. Ça a été onéreux d'obtenir les réponses aux questions que nous posions dans les perspectives qui étaient celles du groupe de travail, ça a été onéreux de les obtenir sur la base région Nord-du-Québec. Il y a une raison, bien sûr, c'est qu'à l'interne, Hydro-Québec... la raison qui nous apparaît à l'interne de l'organisation, les compartiments, les tiroirs, les secteurs, la façon de s'organiser et d'opérer, ce n'est pas nécessairement sur la base région Nord-du-Québec. Alors, il y a le secteur est, La Grande rivière, il y a le secteur ouest. Et, à chaque question que vous posez pour dresser un portrait sur la base région Nord-du-Québec, à chaque question que vous posez, il y a une première réponse qui vous arrive, il faut que vous regardiez ces données-là de près, ça suscite huit ou 10 autres questions additionnelles pour préciser, découper ce qui fait partie de la réponse à la question que vous avez posée. En fait, je pense que je décris un processus que vous connaissez bien, vous aussi. Mais c'est essentiellement au départ des méthodes et des points de départ divergents.

M. Chevrette: Parlons de l'étude. Vous parlez de l'étude d'Hydro. Vous avez eu la chance de l'avoir. Vous en énoncez quelques limites, en tout cas, sur la crédibilité, ou vous mettez des nuances à la crédibilité de l'étude, vous autres mêmes, en parlant, par exemple, que des frais de transport aérien ne sont pas comptabilisés, les frais de chambres ne sont pas comptabilisés, si j'ai bien lu le mémoire ou bien entendu ce que vous avez dit. Est-ce que vous avez pu observer... Est-ce qu'il y a d'autres dimensions, comme, par exemple, la nourriture? Est-ce que ça fait partie de l'étude, ça, les frais de repas?

M. Gagnon (Langevin): Oui, il a été question des frais de repas. Quand il s'agit d'exposer le dossier des coûts de résidence, ces frais-là vont apparaître. Ce qui a été...

M. Chevrette: Ils apparaissent dans l'étude comme étant des frais?

M. Gagnon (Langevin): Vont apparaître dans l'étude.

M. Chevrette: Est-ce que vous savez s'il y a traitement... Est-ce que l'individu qui travaille à la Baie-James, qui reste à la Baie-James, a les mêmes avantages du côté, par exemple, des aliments?

M. Gagnon (Langevin): Non.

M. Chevrette: Est-ce que les accès au gymnase sont les mêmes?

M. Dubois (Christian): Apparemment différenciés, mais écoutez, j'avance en toute prudence là-dessus. C'est qu'il y a des âges, je pense, de plateaux-loisirs, qui sont limités aux employés d'Hydro-Québec, et à partir du moment où un employé est résident, bon, il est traité comme un résident de Radisson, donc il a accès à ces plateaux-là, mais pas aux mêmes heures. Ce n'est pas l'accès privilégié, là.

M. Chevrette: Donc, il y a des différences dans la grande famille, entre les catégories d'enfants.

M. Gagnon (Langevin): Oui. Si vous me permettiez, M. Chevrette, de donner un exemple de ce que nous voulons dire. Il y a une des limites ou une des difficultés qu'on a rencontrées dans l'étude d'Hydro-Québec à laquelle on a apporté pas mal d'attention, il y en a une... j'appellerais ça les hypothèses comptables utilisées pour arriver à établir si c'est rentable ou pas. Je vais vous donner l'exemple et ça rejoint un peu la façon dont je voulais tout à l'heure expliquer la difficulté d'avoir l'information.

(15 h 30)

Dans le rapport de l'étude – je vais essayer de le citer aussi près du texte que possible – on mentionne, par exemple, que, si on interrogeait Hydro sur le coût du transport aérien, compte tenu de la façon dont ils «dispatchent» les coûts entre diverses directions à l'intérieur d'Hydro, ce qui est facturé à la direction d'exploitation, à La Grande, c'est 350 $ par passage. Alors, si vous posez la question à Hydro, à savoir combien ça coûte pour opérer le service aérien, la première réponse qui va sortir de l'ordinateur, c'est: 350 $ multipliés par le nombre de passagers transportés, ce qui est facturé à la direction d'exploitation. Vous comprendrez et vous comprenez facilement que c'est une réponse qui est complètement différente d'une question qu'on pourrait poser spécifiquement: Quel est l'amortissement de vos appareils, le coût réel d'exploitation? C'est complètement différent.

Et ça amène à des choses du genre – et c'est peut-être corrigé aujourd'hui, mais à l'époque où on l'a mis en lumière: la Direction de l'exploitation de La Grande pouvait soutenir qu'il était plus avantageux d'acheter un gallon de peinture à Rouyn-Noranda parce qu'il était transporté gratuitement par le service aérien à Radisson, le gallon, alors que gars de Radisson qui allait coter sur le gallon de peinture, évidemment, lui, il l'avait transporté à ses frais, il le mettait dans son prix, mais on pouvait soutenir... Et il faut comprendre, à ce moment-là, dans quelles hypothèses se place l'interlocuteur d'Hydro. C'est ce que je veux...

M. Chevrette: J'ai vu des choses semblables, moi: partir de Saint-Donat, aller chercher un gallon de peinture à Saint-Jérôme puis faire accroire à la population que ça coûtait moins cher à Saint-Jérôme. Tu sauvais 0,50 $ sur le gallon, ça avait coûté cinq heures de temps pour l'homme puis le gaz du camion, puis tout. Il y a des stupidités de jugement de même qui sont inadmissibles. Ça, vous avez entièrement raison. Et, si c'est ça, ce n'est pas à moi qu'on va faire accroire ça.

Je voudrais vous parler 30 secondes de votre recommandation en ce qui regarde le comité SM 3. Si c'est bon pour une région, un comité semblable, ça peut être bon pour une autre. Et la différence entre chantier et exploitation, il peut y avoir effectivement des différences notables pour des temps de construction parce que ce n'est pas la main-d'oeuvre permanente nécessairement d'Hydro-Québec qui fait le chantier. Il peut y avoir beaucoup de sous-contrats. Il peut y avoir des gens, par exemple, pas des «drillers» mais... oui, des gens qui vont travailler dans l'excavation, etc., qui ne sont pas les clientèles habituelles de main-d'oeuvre régulière d'Hydro-Québec.

Mais, si je suis le raisonnement que vous essayez d'établir puis la réponse qu'Hydro-Québec donne... Remarquez bien que je vais leur demander, mais je vais vous faire mon commentaire ici, ça va leur permettre peut-être de se préparer pour 17 heures. Si je suivais la logique d'Hydro-Québec: Je veux adoucir ou amoindrir mes actions, le temps de construction, après ça, débrouillez-vous, un coup que c'est construit, je n'ai plus la même préoccupation, un coup construit, sur la participation au développement d'une région. Et c'est ce qui fait que du monde, entre vous et moi, hésite beaucoup devant des chantiers de construction.

Quand on a fait miroiter SM 3, je me rappelle, même la FTQ a pris le chemin pour dire qu'on lui volait le chantier de SM 3. Mais le solde net, un coup construit, SM 3, c'est huit employés permanents pour toute la région de la Côte-Nord. Huit employés permanents, pas plus. Puis là il y avait le détournement de Carheil puis de Pékans – rappelez-vous – dans l'air, puis les gens de l'APRM qui disaient: Si c'est pour endommager la ressource du saumon... La ressource du saumon, c'est 200 emplois hommes-année sur notre rivière, alors que le projet, c'est huit emplois permanents. Il y a des évaluations qui doivent se faire de même. Sentez-vous qu'il y a ce type de distinctions qui se font dans l'analyse que présente Hydro-Québec, quand vous leur demandez un comité de suivi?

M. Dubois (Christian): Je dois d'abord vous mentionner, M. le ministre, que cette proposition-là est acheminée pour une première fois à Hydro-Québec. Et on a cru que le rendez-vous que vous avez adressé ici, à la commission parlementaire, était le bon lieu pour lancer, en fait, cette hypothèse-là et lancer une invitation à Hydro-Québec.

Ceci dit, ça ne veut pas dire qu'on n'a pas fait des efforts pour essayer de se rapprocher d'Hydro-Québec. Il y a un comité de suivi, comme vous l'avez dit. On a un interlocuteur nommé, désigné, à Hydro-Québec, avec qui on travaille et de toute bonne foi. Sauf qu'on s'aperçoit que cet interlocuteur-là, avec toute la bonne foi qu'il peut amener, n'a pas les coudées franches pour travailler.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que le comité de retombées économiques, si on veut avoir une chance que ça produise quelque chose, il faut que les hauts dirigeants d'Hydro-Québec envoient quelqu'un là qui a les coudées franches, qui est en pleine imputabilité et qui est capable de trouver des solutions aux problèmes qu'on va mettre sur la table.

M. Chevrette: Est-ce que, vous, vous êtes favorables à... Vous avez remarqué, hier, que j'ai lancé une invitation aux syndiqués d'Hydro-Québec pour faire partie, en tout cas – je vais en parler avec eux autres tantôt – éventuellement du comité de retombées économiques. Est-ce que, d'abord, Hydro-Québec a été approchée pour faire partie de ce comité? Hydro comme telle, comme structure, là.

M. Dubois (Christian): L'entreprise, comme telle? Non, pas pour l'instant.

M. Chevrette: Vous souhaitez que l'entreprise soit là?

M. Dubois (Christian): Oui, absolument. C'est nécessaire, autant que ses syndicats.

M. Chevrette: Bon. Les syndicats, est-ce que vous avez eu des contacts officieux?

M. Dubois (Christian): Informels.

M. Chevrette: Informels.

M. Dubois (Christian): Oui. Et ils ont manifesté un esprit d'ouverture. Sauf qu'évidemment il y a des craintes. Ces gens-là, il faut comprendre qu'ils représentent des membres qui n'ont pas tous les mêmes intérêts puis qui ne vont pas tous dans la même direction. Et il faut comprendre aussi que c'est des gens qui fonctionnent sur le mandat de leurs membres. Donc, il y a un travail à faire là-dedans pour expliquer exactement qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on veut faire ensemble, etc.

Il faut donc se donner du temps. Il faut donner du temps au temps, comme disait François Mitterrand. Et je pense que, si on se donnait ce temps-là – mais il faut commencer maintenant, par exemple – et qu'on travaillait avec les syndicats, avec l'entreprise, dans la mesure où elle s'assoit de bonne foi puis qu'elle met un mandat réel dans les mains de la personne qu'elle nous envoie, je vous dis, je vous garantis que le Nord-du-Québec, la relation qu'on aurait avec Hydro-Québec modifierait probablement à tout jamais la face de cette région-là.

M. Chevrette: Je conclus en disant que moi non plus je ne veux pas que le comité des retombées économiques devienne un lieu de négociation. Ce n'est pas ça, là. Ce n'est pas ça que je demanderais non plus. Mais, s'il y a une ouverture, au moins, à aller chercher un mandat pour collaborer le plus possible, dans la mesure du possible à une viabilité pour le Nord, ne serait-ce que pour contrer certains agissements de certains individus, par exemple, qui font du harcèlement... En tout cas, je ne veux pas faire avec vous le débat que je ferai avec eux autres, mais c'est pour les préparer psychologiquement à leur entrée en matière tout de suite après, bien sûr. Je vous remercie.

Le Président (M. Duguay): M. le ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Merci, M. le Président. Cordiale bienvenue à nos témoins, cet après-midi. J'aurai évidemment quelques questions. La première va porter sur un des éléments que vous soulignez dans votre mémoire et qui nous ramène aux initiatives prises par Hydro-Québec dans la région de la Côte-Nord. Le groupe de travail semble avoir été impressionné par cette approche. Est-ce que, M. Dubois, en particulier, vous pouvez nous faire part de quelques-unes de ces initiatives, afin d'éclairer les membres de la commission?

M. Dubois (Christian): Je peux préparer la table, mais, si vous voulez, je passerai la parole à M. Gagnon immédiatement après. En fait, c'est une formule de partenariat qui est assez unique, en tout cas pour Hydro-Québec. Il y a un comité de retombées économiques régionales qui réunit les commissaires industriels, les groupes du milieu, les syndicats, l'entreprise, le gérant de chantier, etc. Et on s'est cassé la tête pour savoir comment on pourrait, par exemple, faire en sorte que le maximum de retombées arrivent dans la région, en ce qui concerne la gestion des contrats.

Ça a donné des résultats extraordinaires. On parle de retombées directes, en contrats pour SM 3, de 180 000 000 $ ou à peu près. Au niveau emploi, ça a donné des résultats fantastiques aussi. Mais je vais laisser peut-être M. Langevin, aller plus dans les détails, il connaît mieux que moi ce...

M. Gagnon (Langevin): Ce qui nous a favorablement impressionnés, quand on a pris connaissance de cette expérience-là, de cette initiative d'Hydro-Québec, la première des choses, c'est que les intervenants qu'on a contactés pour leur demander leur opinion sur cette initiative-là, d'abord, ils ont été unanimes à nous manifester une très grande satisfaction vis-à-vis l'entreprise, vis-à-vis les résultats obtenus, qui, selon les dires des intervenants, dépassaient même les objectifs qu'ils avaient en tête au moment de la mise sur pied de l'initiative. La première chose qui nous a impressionnés, ça a été ces résultats-là extraordinaires.

La deuxième qui nous a impressionnés, par rapport à la situation, bien sûr, qui est celle de l'implantation d'Hydro dans le Nord-du-Québec, c'était la participation active d'Hydro dans ce comité-là, où trois de ses dirigeants étaient membres du comité. C'est un premier niveau de participation active. Alors, il y avait un agent de liaison, le chef de chantier, le chef de la division planification, estimation, contrôle des coûts, donc une participation importante de l'exécutif d'Hydro et le support de la haute direction d'Hydro qui est bien reflété dans les décisions du comité exécutif pour mandater les gens pour opérer dans les achats avec des mesures particulières propres à augmenter les retombées. Donc, très forte implication de la société à ce comité-là.

(15 h 40)

Et, le troisième élément, bien sûr, c'est la forte implication et la forte participation aussi des acteurs régionaux et, en gros, de plusieurs représentants du monde des affaires – la Chambre de commerce, les commissaires industriels – et le milieu institutionnel très actif dans le comité. Ces éléments-là nous ont fortement impressionnés. Et on s'est dit: Une formule du même type, même si le contexte Nord-du-Québec est davantage, dans ce cas-là, un contexte d'exploitation qu'un contexte de chantier, pourquoi pas? On s'est posé la question.

Et je vous dis, on est resté perplexes, si vous me permettez un peu de le dire. C'est qu'on est resté perplexes devant la réponse qui nous est venue d'Hydro, à savoir que ça ne pouvait pas s'appliquer dans le Nord parce que le Nord est en situation d'exploitation. On est resté perplexes pour différentes raisons. C'est que la mise en place d'un comité comme ça, dans le contexte de chantier et où il y a abondance de contrats de sous-traitance, etc., nous apparaissait au départ comme un mécanisme, à ce moment-là, peut-être moins important que dans une région où on n'est plus en chantier puis où il n'y a plus beaucoup d'achats puis où on est en exploitation. Peut-être que c'était plus important, là, de se pencher vraiment sur un mécanisme d'arrimage correct entre le milieu et... Puis, la deuxième raison pour laquelle on est resté perplexes, c'est qu'on voyait dans le mode d'exploitation le chantier, mais, dans le mode d'achat, on n'était plus en situation de chantier.

M. Vallières: Bien. Le Conseil régional de développement de Kativik nous a parlé d'une politique d'approvisionnement sur le territoire, politique qui est en place depuis novembre 1997. Est-ce que le Comité, chez vous, avait examiné cette proposition, de laquelle proposition, eux autres, ils demandent au gouvernement du Québec de s'inspirer dans un plan de développement éventuel du Nord?

M. Dubois (Christian): Malheureusement, M. le député, non. D'ailleurs, j'ai été un peu surpris de voir, comme vous, le contenu de ce mémoire-là et ce à quoi on y faisait référence. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de le recroiser, mais ce qu'on peut vous dire, c'est qu'on ne connaît pas, en fait, ces éléments-là.

M. Vallières: Mais j'imagine qu'avant de donner un point de vue final du Comité vous aurez l'occasion de le regarder et de... Parce que, là, il y a une avenue que vous retenez qui serait possiblement ce qui a été vécu en...

M. Dubois (Christian): Possiblement. C'est probablement peut-être même des applications géographiques particulières au Nunavik, dans quel cas, effectivement, ça pourrait être une source... Vous avez tout à fait raison de dire que ça pourrait être une source d'inspiration pour le Comité.

M. Vallières: Bien. En page 5 de votre mémoire – je veux revenir là-dessus – votre groupe de travail semble être aux prises avec certaines difficultés face à certaines informations qui sont difficiles à obtenir de la part d'Hydro-Québec quant au bilan de ses activités, notamment ses achats de biens et de services. Est-ce que c'est un phénomène nouveau qui est constaté par le groupe de travail ou c'est quelque chose qu'on savait depuis longtemps être comme ça, que c'est difficile d'obtenir de l'information en provenance d'Hydro-Québec?

M. Dubois (Christian): Oui, pour les raisons qu'on a invoquées, c'est-à-dire que, comme, en fait, la comptabilité d'Hydro-Québec pour la région Nord-du-Québec n'assimile pas les frontières, si vous voulez, de la région Nord-du-Québec, ce n'est pas régionalisé, donc, ils doivent emprunter des données qui viennent à la fois du Saguenay–Lac-Saint-Jean, à la fois de l'Abitibi-Témiscamingue. Et c'est, en plus, complexifié par le fait qu'il y a un certain nombre d'achats qui se sont faits centralisés, et qui sont pour le Nord-du-Québec, à partir de Montréal. Alors, ça vous fait trois ou quatre sources possibles d'erreurs.

Donc, c'est évident que, quand quelqu'un vient pour ramasser ça, c'est assez compliqué, même pour les gens à l'intérieur d'Hydro-Québec. Et on demande instamment qu'Hydro-Québec fasse comme, dans le fond, elle nous a dit qu'elle ferait en marge du groupe du travail, régionaliser ses affaires pour être capable de nous présenter un bilan où on peut commencer à comparer des choses.

M. Vallières: À venir à tout récemment, là, M. Dubois, vous étiez le sous-ministre du ministre des Régions, qui est maintenant le ministre responsable de la région, qui est délégué pour le faire, qui est aussi ministre responsable d'Hydro-Québec. Pendant que ce travail-là s'est effectué, est-ce que vous avez eu l'occasion – j'imagine – d'échanger avec votre ministre de l'époque sur les problèmes que vous rencontriez à obtenir les informations que vous cherchiez?

M. Dubois (Christian): Absolument.

M. Vallières: Oui?

M. Dubois (Christian): M. Chevrette a été tenu au courant de l'avancement de nos travaux et également des difficultés auxquelles on a été confrontés. Mais, dans un très court laps de temps, je dois dire, aussi, le Comité de suivi a eu cinq rencontres depuis deux mois à peine, à peu près deux mois, on a intensifié énormément le travail non seulement parce qu'il y avait l'opportunité de la commission qui se dessinait, mais aussi parce que, après un an... Parce qu'on avait fait le tour de l'horloge, là, finalement. Entre le rapport du groupe du travail et maintenant, bien, il y a un peu plus d'un an de passé. Donc, l'heure du bilan avait sonné. Donc, ça ne fait que quelques mois qu'on s'active très intensément à dresser ce bilan-là, puis on a rencontré les difficultés qu'on vous a décrites.

M. Vallières: Quand vous nous dites, en page 6 de votre mémoire, que quelques-uns des modes d'exploitation de la société d'État qui s'apparentent plus aux phases de construction doivent être revus à nouveau pour mieux coller à la réalité actuelle, est-ce que, d'après vous, ça peut se faire sans que la société d'État, ladite société d'État Hydro-Québec, reçoive un mandat particulier du gouvernement du Québec à cet effet?

M. Dubois (Christian): Ce qu'on a senti d'Hydro-Québec, des échanges qu'on a eus avec eux, enfin, au niveau où on a des échanges avec eux, c'est qu'ils étaient peut-être preneurs – O.K., je vais être prudent, puis, en tout cas, s'ils ne sont pas preneurs, ils en ont besoin – je veux dire, de directives claires de la part du gouvernement sur comment se diriger dans le Nord. Puis, en tout cas, je vous dis, s'ils ne sont pas en attente de ça, il y a une chose qui est claire, ils en ont besoin.

M. Vallières: Donc, de ce que vous en savez, Hydro serait bien contente de voir qu'il y a une direction qui lui serait demandée?

M. Dubois (Christian): Ça serait enrichissant pour eux autres.

M. Vallières: Oui. Parce que j'ai eu l'occasion de feuilleter un peu le plan stratégique d'Hydro-Québec et de regarder en particulier les courts paragraphes – à peu près un tiers de page – concernant l'impact économique régional, c'est peut-être la partie où Hydro-Québec est la moins loquace, et il y est inscrit qu'Hydro-Québec maintiendra ses politiques d'achat. Alors, je voudrais connaître votre point de vue là-dessus. Il y a eu l'ajout de la commission parlementaire. On voit, dans vos propos, l'interprétation que vous donnez à ces propos-là.

Mais faut-il rappeler que, dans la phrase qui est utilisée, on dit bien, suite aux travaux de la commission parlementaire de février: «Hydro-Québec continuera donc de favoriser...» Donc, l'interprétation d'Hydro-Québec, ça «va-tu» être de dire: On va continuer à faire ce qu'on fait présentement, puis on continue à le faire, ou bien ils vont aller dans le sens du mandat, l'interprétation que vous, M. Dubois, vous donnez, à l'effet que vous y voyez là une volonté exprimée de voir Hydro proactive dans le développement économique des régions en favorisant des retombées de ses actions vers les régions? Il me semble que, si c'était marqué de même dans le plan stratégique d'Hydro, vous auriez des poignées, en région?

M. Dubois (Christian): Oui. Bien, comme on vous disait, on est évidemment attachés à notre interprétation de cette clause-là, c'est évident. Ceci dit, il y a des choses qui sont faites comcrètement dans le milieu de Radisson, notamment concernant l'octroi de contrats. Récemment, je dirais, par l'imagination d'un gestionnaire, sa vigilance, Hydro-Québec, il faut le dire aussi, ça a fait en sorte qu'il y a un contrat d'entretien ménager qui a été donné par Hydro-Québec à une entreprise qui ne s'est pas prévalue de la fameuse clause de gîte, couvert, transport. Et ce que ça veut dire, pour faire un résumé très rapide, c'est que cette entreprise-là s'est présentée devant l'agent de développement de Radisson et a dit: Sais-tu où je pourrais trouver huit employés pour honorer le contrat que j'ai obtenu avec Hydro-Québec? C'est des petites choses, mais huit emplois de plus à Radisson, quand votre structure d'emplois actifs, c'est à peu près 150 personnes, ça fait quand même un beau topo.

C'est par des petites choses pas tellement complexes qui sont respectueuses des politiques en vigueur à la société d'État, qui sont respectueuses des travailleurs aussi qui travaillent là, c'est par des petites choses qu'on va arriver à faire des grandes choses pour le Nord du Québec. Et c'est certain que tout changement demande que les gens en mettent un peu sur la table. Mais, en tout cas, on a l'impression qu'on a grossi démesurément les attentes qu'on pense que le milieu régional a par rapport à Hydro-Québec, par rapport à ses syndiqués et à ses syndicats. Moi, je pense que, si on s'assoyait, on trouverait plein de façons de s'accommoder très bien l'un et l'autre pour le mieux-être de la région, d'Hydro-Québec puis de ses travailleurs.

M. Vallières: L'objet de ma question, dans le fond, c'est de savoir de vous, compte tenu de l'expérience que vous avez – vous êtes quand même le sous-ministre du ministère du Développement des régions – compte tenu de votre expérience dans le milieu également, compte tenu que ça fait un an que vous préparez un rapport, pensez-vous qu'Hydro-Québec peut livrer la marchandise sans qu'il y ait une impulsion de la part du gouvernement du Québec à l'endroit d'Hydro-Québec?

(15 h 50)

Je sais que votre ministre est là aussi, puis vous êtes le sous-ministre, ce n'est peut-être pas facile, mais nous autres, autour de la table, on est des parlementaires puis on aimerait ça connaître le point de vue du sous-ministre là-dessus. Vous avez une vaste expérience de la région, puis je pense que ça serait intéressant que vous puissiez nous dire que, si Hydro-Québec... Vous la connaissez, cette société-là. Et j'ai entendu dans plusieurs rapports qu'on ne voulait pas des voeux pieux, qu'on ne voulait pas que ça se termine en voeux pieux, cette commission-là. Est-ce que, d'après vous, on doit, comme commission, puis gouvernement possiblement, donner de l'impulsion, aider Hydro-Québec à comprendre ce que le milieu veut dire?

M. Dubois (Christian): Bon, d'abord, je voulais juste vous dire, je suis sous-ministre adjoint, pas sous-ministre, mais sous-ministre adjoint au ministère des Régions, région Nord-du-Québec. J'ai une patronne qui est sous-ministre et je l'aime beaucoup.

Écoutez, moi, je vais vous dire, c'est certain que, si le gouvernement donne un signal clair à Hydro-Québec, ça ne nuira pas, hein. Ça ne veut pas dire qu'ils n'en ont pas reçu par toutes sortes de manières. Puis, vous savez, il y a des clous qui sont plus durs à rentrer que d'autres, puis il faut y revenir plus souvent; c'en est un, ça, je pense. Et l'appui du gouvernement est essentiel, c'est évident. O.K.?

Mais, avant toute chose – parce que je pense que même Dieu ne pourrait pas régler ça – il faut que, dans la tête des hauts dirigeants d'Hydro-Québec, il y ait un déclic qui se fasse. Il y a une région au nord du 49e parallèle qui s'appelle le Nord-du-Québec. Il y a des gens qui vivent là, qui sont très différents les uns des autres. Puis ce n'est pas parce qu'on fait affaire avec une partie de la population régionale que les autres n'existent plus. On a des aspirations légitimes de développement, sur ce territoire-là, vous avez entendu ça depuis deux jours, vous allez l'entendre encore, et c'est normal.

On ne demande pas à Hydro-Québec de venir sauver la région, on ne demande pas à Hydro-Québec même de venir sauver nos communautés, on lui demande juste de faire différemment les choses qu'elle fait, de manière à aider nos communautés à se structurer sur le plan socioéconomique. C'est bien différent. On n'est pas à la quête, là. Et, en plus, nous, notre prétention, c'est qu'Hydro-Québec va y trouver son compte parce que ça va lui coûter moins cher, elle va avoir de meilleurs rapports avec une région qui est extrêmement importante pour elle, en termes de production hydroélectrique.

M. Vallières: M. Dubois, je vous écoute parler, vous parlez avec conviction, vous êtes engagé dans ça, ça paraît. Vous feriez un bon sous-ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vallières: Je passe la parole à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député de Richmond. Je vais maintenant passer la parole au député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, M. le Président. M. Dubois, MM. et Mme du Comité, ce n'est pas juste de vouloir faire en sorte qu'Hydro-Québec aide au développement de la région, c'est de l'empêcher de nuire, aussi. Moi, je pense que, dans tout le développement du Nord-du-Québec ou de la région, on a toujours eu aussi la préoccupation d'établir des partenariats avec les régions limitrophes. Comme vous le savez, la région, il y a deux pôles pour Hydro-Québec: un pôle rattaché au Saguenay– Lac-Saint-Jean et un pôle rattaché à l'Abitibi-Témiscamingue. Est-ce que le Comité s'est penché sur l'analyse de l'impact de l'abolition de la commutation aérienne sur ces deux régions limitrophes spécifiques, Abitibi-Témiscamingue et Saguenay–Lac-Saint-Jean?

Puis, je vais vous dire pourquoi je vous pose la question. Parce que, là, on me dit que beaucoup de monde vient – on a entendu les mémoires – d'ailleurs, de Montréal, de Québec, de Sherbrooke puis de partout, puis ils vont prendre l'avion ou à Rouyn ou à Bagotville, donc ce n'est pas des gens des deux régions limitrophes. Et, en plus il y a même des gens de chez nous qui, on nous a dit, partaient de Chibougamau et étaient obligés d'aller à Bagotville pour prendre l'avion pour remonter, ou plein de choses comme ça. Alors, avez-vous spécifiquement fait l'analyse de ces données-là?

M. Gagnon (Langevin): Est-ce qu'on a fait une étude réelle de l'impact sur les régions de la transition? La réponse que je dois vous donner, c'est non. Et il y a une raison fondamentale pour ça. Il y a plein de données qui nous permettent d'apprécier le point de départ, là. Mais il y a une raison pour laquelle, en réalité, on ne pourrait pas répondre à la question, c'est qu'à partir du moment où vous dites qu'au coeur même d'une formule de transition qui nous amènerait vers la résidence il y a le principe du volontariat de l'employé, à partir du moment où vous affirmez ça et que vous regardez le jeu qui pourrait se produire s'il se faisait un programme de transition avec options multiples, un modèle, un peu, qui s'est fait à l'Imperial, à Norman Wells, où il y a différentes options pour le travailleur – il peut choisir d'être résident, il peut choisir d'être relocalisé dans le Sud, tout ça sur la base du volontariat – il est très difficile d'estimer au préalable l'impact que ça pourrait avoir sur une ou l'autre région. On ne peut vraiment pas le prédire.

La base de données dont on disposait nous permettait de dire le portrait à peu près suivant. Des 1 000 travailleurs d'Hydro du Nord, il y en a à peu près 25 % qui originent d'Abitibi-Témiscamingue, 25 % du Saguenay–Lac-Saint-Jean, moins de 10 % résident dans le Nord – c'est plutôt 8 % – et il y a un autre 40 % qui vient des autres régions. Les données dont on disposait au moment de notre étude nous permettaient de savoir que le portrait était ça. Mais il était difficile, sinon impossible de prévoir les mouvements qui résulteraient d'une réorientation des modes d'exploitation.

M. Létourneau: O.K. Une petite dernière. On parle beaucoup des coûts de la commutation, des coûts économiques reliés à la commutation. Avez-vous regardé l'impact social, l'impact humain, par exemple, sur les personnes qui font cette commutation aérienne là, qui subissent ça, qui vivent ça? Depuis de nombreuses années, évidemment, c'est en opération. Mais l'impact sur les familles, l'impact sur les relations avec les enfants, tout ce milieu-là, l'appartenance à une région, avez-vous fait l'analyse de ça? Et, sinon, est-ce que vous ne pensez pas que ça devrait être au coeur aussi de votre prochain comité de retombées régionales pour qu'on puisse voir vraiment, ceux qui vivent ça, comment ça se...

Moi, à l'oeil, je ne suis pas certain que c'est sain. Et je pense qu'on aurait des surprises, peut-être, là-dedans. Et ça servirait, ça aiderait peut-être le syndicat ou d'autres intervenants à comprendre que le monde qui fait ça, en bout de ligne, il y a un impact majeur sur les familles.

M. Dubois (Christian): On n'a pas de données formelles, on n'a pas de données précises, en tout cas méthodiquement fiables pour répondre à cette question-là complètement. Ce qui est clair, c'est qu'on vit dans la région, moi, je vis dans la région depuis neuf ans, il y en a d'autres qui vivent dans la région, et ce qu'on entend, c'est que les gens qui sont sur un horaire 8-6 en commutation aérienne. – parce que l'horaire 8-6, en soi, je veux dire, on peut vivre avec, mais c'est la commutation aérienne qui est difficile à vivre pour la région – éprouvent apparemment souvent des difficultés d'ordre familial. Écoutez, ce n'est pas compliqué, ils ne sont, la moitié du mois, pas chez eux, ils ne sont, 16 jours par mois, pas chez eux, loin de leur famille, et ça a un impact, c'est clair, d'une part.

D'ailleurs, il se développe une maladie spécifique au territoire qui s'appelle la «baiejamite», que les gens du syndicat doivent connaître et qui, en fait, est une maladie reliée à la commutation aérienne, où les gens sont tannés de voyager mais prisonniers de ce système-là aussi et aimeraient bien faire autre chose. Je ne dis pas qu'ils veulent tous s'en venir dans le Nord, ceux qui ont la «baiejamite», mais ils aimeraient bien pouvoir arrêter de voyager à tous les huit jours, s'en retourner chez eux six jours, revenir. Ils sont écoeurés de ça. Et je me dis, il y a peut-être des solutions qu'on peut regarder de ce côté-là aussi.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, M. le député. Alors, je passe la parole maintenant au député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Juste une question. Beaucoup d'autres groupes ont parlé du rôle corporatif, comme bon citoyen dans le Grand Nord, d'Hydro-Québec. Votre mémoire est plutôt axé sur son impact économique, l'impact direct. Mais est-ce que le Comité s'est penché... Entre autres, on a été étonné de voir la non-collaboration d'Hydro-Québec avec le projet de la commission scolaire pour l'implantation de l'inforoute. Et même, juste au niveau de l'utilisation de leurs poteaux, ils ont dit à la commission scolaire qu'ils ne veulent rien savoir. Est-ce que vous vous êtes penchés sur le rôle de bon citoyen corporatif que peut jouer Hydro-Québec dans le Grand Nord, au-delà de ses engagements formels? Vous avez mentionné le soutien qu'elle donne à l'infrastructure de transport. Mais au niveau de la collaboration avec la commission scolaire et d'autres projets communautaires, avez-vous analysé ça?

M. Dubois (Christian): Effectivement, si vous faites référence à une portion de mémoire que je n'ai pas eu le temps de livrer, oui, effectivement, Hydro-Québec, quand même, amène de l'argent au moulin de la région, et ça revient dans l'économie régionale sous une forme ou sous une autre: 30 000 000 $ annuellement, ou grosso modo, avec les mesures qui sont destinées aux autochtones et qui sont reliées à ses obligations dans la Convention de la Baie James qu'on dit qu'Hydro doit continuer à respecter; 10 000 000 $ pour le transport, les infrastructures de transport, l'entretien; 4 000 000 $ et quelques pour les taxes. Hydro-Québec, elle en donne, de l'argent.

Mais ce n'est pas de l'argent qu'on veut d'Hydro-Québec. Ce qu'on veut, c'est une forme de partenariat avec eux autres, et ça, on n'a pas encore entendu parler d'Hydro-Québec de même. Oui, ils sont impliqués dans un certain nombre d'événements culturels, d'événements sportifs. Mais, encore là, il y a une forme de frustration là-dedans, parce que, par exemple pour voir Hydro-Québec s'impliquer dans une manifestation sportive à Chibougamau, il faut avoir le O.K. de quelqu'un qu'on ne connaît pas, qui n'est jamais venu, probablement, dans le nord de Chicoutimi, et c'est un peu frustrant. Et je ne pense pas que ce soit une bonne manière d'augmenter la visibilité corporative positive de cette entreprise-là dans la région.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, madame, et merci, messieurs. C'est tout le temps que nous avions. Alors, bon voyage de retour.

(16 heures)

Maintenant, j'inviterais à se présenter – mentalement – le Syndicat des employés d'Hydro-Québec pour le secteur des grands réservoirs.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Duguay): Alors, distingués membres de la commission, vous êtes prêts?

M. Chevrette: Distingué président, nous sommes prêts.

Le Président (M. Duguay): Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. J'aimerais, de votre part, avoir le nom de la personne qui est responsable, et présenter ses collègues, s'il vous plaît.


Syndicat des employés d'Hydro-Québec pour le secteur des grands réservoirs

M. Rousseau (Marcel): Je suis le responsable du groupe des employés d'Hydro-Québec. Je vais leur laisser eux-mêmes le plaisir de se présenter.

M. Chevrette: Votre nom?

M. Rousseau (Marcel): Marcel Rousseau.

M. Hadd (Pierre): Et mon nom, c'est Pierre Hadd, président section local 1500, région Baie James. Je représente 450 travailleurs au territoire Baie James.

M. Rodier (Jacques): Jacques Rodier, président du local 2000, depuis 1980, sur le territoire de la Baie James.

M. Gagnon (Mario): Mario Gagnon, représentant des techniciens et techniciennes, région Baie James.

Le Président (M. Duguay): Merci. Vous connaissez un peu les règles du jeu. Vous avez toujours 20 minutes de présentation, et de chaque côté de la table, ici, ont 20 minutes chacun.

M. Rousseau (Marcel): Alors, merci. M. le Président, M. le député, M. le ministre, messieurs dames parlementaires, tout d'abord, permettez-nous de faire un petit laïus avant notre présentation. Il faut vous dire que le mémoire que nous présentons aujourd'hui est un mémoire qui est, en grande partie, axé sur un rapport du groupe de travail sur la présence d'Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec et aussi aux déclarations de toutes sortes sur le sujet.

Il faut comprendre également que l'on représente l'ensemble des salariés provinciaux d'Hydro-Québec. Il faut comprendre également que ces employés sont des êtres humains, des gens qui ont déjà une appartenance à une région, une ville, des gens qui sont entourés de leurs proches, de leurs parents, de leurs amis. Il faut comprendre qu'à chaque fois que nous intervenons auprès de nos membres pour les inciter à déménager, eux et leur famille, on essuie un refus total, et ce, même avec des primes ou des attraits quelconques en leur faveur. Il faut comprendre que ces mêmes personnes ont déjà un emploi et qu'elles ne nous demandent rien d'autre que ce qu'elles ont eux-mêmes choisi: leur job, leur ville, leur région, leur horaire, etc. Il faut comprendre également que leur demander de changer quoi que ce soit dans leur mode de vie, c'est considéré comme de l'ingérence de notre part, en tant que syndicat, surtout quand on parle de leur vie privée.

Nous, nous subissons finalement souvent les décisions politiques, et on est obligés de composer avec ça. On a composé dans le passé et ce n'est pas facile. Loin de nous de dire que c'est une mission impossible, mais pour demander notre appui à ce genre de choses, c'est là qu'il faut connaître le véritable rôle qu'on a à jouer auprès des travailleurs et des travailleuses d'Hydro-Québec, et aussi connaître toute cette fragilité quand on parle de l'être humain, de sa vie personnelle, et surtout ne pas poser de gestes brusques ou mal analysés pour arriver à nos fins.

D'entrée de jeu, nous tenons à préciser que nous n'intervenons pas dans le présent débat sur le développement de la région du Nord-du-Québec dans une perspective de négociation de conditions de travail. En effet, nos conventions collectives, qui viennent à échéance en l'an 2000, en décembre, contiennent déjà toutes les dispositions et les lettres d'entente ayant trait au mouvement de personnel. Nous intervenons plutôt à titre de représentants d'organismes du SCFP et de la FTQ soucieux du développement harmonieux des régions, de toutes les régions sur le plan économique et social, dans le respect des travailleurs que nous représentons et leur famille. Les différents scénarios évoqués tout au long de ces consultations particulières sur l'étude globale du développement de la région du Nord-du-Québec sont évidemment susceptibles d'avoir des implications sur les conditions de travail d'un certain nombre de nos membres. La problématique du développement de la région du Nord-du-Québec, le territoire de la démesure, comme le qualifiait un document récent du ministère des Régions, est au coeur des préoccupations d'un nombre important de nos membres, non seulement parce qu'ils y oeuvrent sur une base régulière mais également parce qu'ils sont conscients, au premier chef, de l'importance stratégique d'installations qui génèrent la moitié de la production hydroélectrique du Québec. Ils entretiennent ces installations pour lesquelles ils possèdent une expertise unique, les développent et s'assurent qu'aucun facteur de risque matériel, humain ou relevant de leur gestion ne vienne affecter cette fiabilité.

Il est de notoriété publique que le gouvernement du Québec accorde une grande importance à l'occupation de l'ensemble du territoire du Québec, un territoire québécois, pour en maintenir l'intégrité et en assurer le développement économique. Dans une parution du journal L'Écho de Radisson, en avril 1997, Julie Pelletier fait d'ailleurs dire au ministre Chevrette que lorsqu'il parle d'occupation du territoire, il est question de tous les habitants, peu importe leur appartenance, et que les barrières doivent tomber pour favoriser la création d'emploi. Et le journal d'ajouter que le système 8-6 est donc fortement remis en question et que le ministre Chevrette se dit convaincu que les employés d'Hydro-Québec voudraient devenir résidents à Radisson.

On constate, par ailleurs, que dans le rapport du groupe de travail sur l'impact de la présence d'Hydro dans le Nord du Québec, le 15 décembre 1996, deuxième édition, un billet marqué contre la commutation et pour la résidence. Et là on ne parle pas de volontariat. On parle de 997 employés, c'est plutôt 700 employés dans le rapport.

Ce même rapport fait également état du degré de sensibilité peu élevé d'Hydro secteur Grande-Rivière aux impacts de sa présence dans la région Baie-James et aux préoccupations gouvernementales en matière de développement régional, d'appui au développement économique et d'occupation du territoire.

Là-dessus, on vous dit: Aucune étude sérieuse des impacts humains, familiaux, sur le plan de l'expertise, des coûts réels, ne vient étayer la thèse de la résidence qu'on semble vouloir imposer à tout prix. Je parle toujours du document, de la façon dont il a été bâti.

Un autre problème qu'on retrouve effectivement quand on représente des employés sur un plan provincial, on se dit, d'une part, on est dans toutes les régions, mais on trouve que ça a l'air de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les scénarios de résidence à Radisson n'entraîneraient aucune création nette d'emploi directe ou indirecte sur le territoire québécois mais plutôt certainement des pertes d'emploi directes et indirectes. Dans certaines régions on dépouillerait principalement quatre d'entre elles, Abitibi, Saguenay, Montréal et Québec, où sont les principaux quartiers généraux actuellement, et ça, sur une base récurrente d'une perte de quelque 32 000 000 $ année de retombées économiques de ces salaires-là, directes et indirectes.

On a des mauvaises expériences, effectivement, dans le mode résident. Quand on parle des quelque 25 % des employés d'Hydro-Québec, principalement des employés de métier, à Chibougamau, sur un horaire 4-3, qui résident à l'extérieur, à Saint-Félicien et à Roberval. Malgré des indemnités de résidence dûment négociées et plus élevées que dans les autres régions, ces travailleurs préfèrent voyager même à leurs propres frais pour résider à proximité des grands centres et éviter le déracinement familial et social.

(16 h 10)

Une autre expérience qui s'est révélée catastrophique au plan humain et familial: Lorsque mise en exploitation la fameuse MEE dont on parlait de 1990 à 1995. Ils ont voulu forcer... Ils ont plus que voulu forcer, ils ont forcé le personnel à aller résider à la Baie-James. Il en est résulté des problèmes familiaux importants de même que de sérieux avatars administratifs, de telle sorte que l'expérience a dû être abandonnée.

Sur le volontariat, je pense que – tout au long de la commission, j'étais assis en arrière, on en a longtemps parlé – l'on voit qu'il se dessine d'autre chose que ce qui était dans le rapport. Mais laissez-moi quand même vous dire que, malgré toutes ces primes que l'on a négociées, tous ces avantages, l'expérience n'est pas très, très concluante. J'écoutais le député de l'opposition, il parlait de favoriser le développement de la Baie-James. On a, dans le passé, favorisé aussi – on en a fait, des choses comme ça dans le passé – l'embauche en Abitibi. Malgré ça, les employés appliquent sur les postes et préfèrent – vous avez dû entendre parler de ça – voyager sous l'avion, ce qu'on appelle les «faux quartiers généraux» chez nous. Ils préfèrent se taper le voyage Montréal– Rouyn–Montréal à chaque 8-6. Donc, on voit qu'on a une expérience qui n'est pas très favorable, à date, malgré qu'il y a, en fait, de petits bonbons pour pouvoir résider à la Baie-James. Exemple: les résidences ou des choses comme ça.

L'expertise et le roulement de personnel. Un sondage interne nous a révélé que personne, actuellement en poste à la Baie-James, ne veut abandonner la commutation pour s'y établir en résidence. Le scénario le plus plausible, si des mesures coercitives devaient être imposées pour forcer la résidence, serait une désaffectation massive des effectifs. Seuls les nouveaux employés, afin d'acquérir leur permanence, appliqueraient sur le poste devenu vacant, et ça, le temps d'avoir obtenu leur permanence.

Lorsqu'on considère que cela prend un minimum de quatre à cinq années d'expérience pour acquérir une expertise fonctionnelle dans un complexe comme celui de la Baie-James, on imagine sans peine les impacts considérables qu'une telle mesure pourrait avoir, non seulement sur la sécurité du personnel mais également sur la sécurité et l'intégrité du réseau à l'un de ses points les plus névralgiques. Au seul poste de Radisson, un technicien doit compter minimalement trois années de rodage pour pouvoir seulement maîtriser convenablement son environnement de travail. Pas plus Hydro-Québec que l'ensemble des Québécois ne peuvent se permettre de courir le risque de voir disparaître cette expertise essentielle au centre de la fiabilité des systèmes de la société d'État, et ça, même si on pensait devoir courir ce risque au nom d'une politique d'occupation du territoire. Nous parlons ici de responsabilité à l'égard de l'ensemble de la population québécoise.

À l'intérieur du document aussi, on va plus loin, on parle de commutation nord-nord ou nord-est–nord-ouest. Ce qu'on dit: laisser une commutation externe pour une autre intrarégionale, c'est un peu insensé. On a très mal à imaginer qu'à un moment donné les 700 employés d'Hydro-Québec de la Baie-James résident à Radisson, parce que c'est impossible qu'il y ait des villes à LG 3 ou à LG 4 ou à LG 1 – j'imagine, en tout cas – où il y a des heures considérables à parcourir et où il faudrait amener une famille à Radisson. De toute façon, le conjoint ou la conjointe serait pris pour aller travailler sur un autre site pour la semaine. Ça serait inconcevable. On déracinerait déjà la famille de son lieu et, rendue là-bas, elle se retrouverait toute seule. On entend les gens dire que les gens préféreraient vivre avec leur famille, mais ce ne serait pas le cas pour tous les autres employés des sites à l'extérieur de Radisson.

Les impacts humains du déracinement. Au-delà des impacts économiques aucunement évalués du scénario de résidence à Radisson, les impacts humains et familiaux évoqués plus haut à l'occasion des expériences de Chibougamau et de MEE nous importent au plus haut point. En plus du déracinement interrégional de quelque 700 familles, on doit mesurer les effectifs de l'isolement intrarégional de ces mêmes familles par la commutation entre les différents sites d'Hydro-Québec dans le Nord, en temps de voyage d'environ 10 heures séparant les installations de LG 1, par exemple, à celle de Brisay. Et là, quand on dit famille, on dit enfant, on dit besoins, on dit loisirs, soins médicaux, et j'en passe. On parle également du besoin des liens sociaux essentiels au développement harmonieux de la cellule familiale, de l'accessibilité des proches parents, etc.

Pour les jeunes en âge de fréquenter le cégep ou l'université, on parle d'un nouveau déracinement, d'une séparation d'avec la famille restée en haut pour pouvoir accéder aux institutions dispensant l'enseignement à ces niveaux, sans compter les coûts d'installation de leur jeune pour les familles.

On parle enfin de santé mentale, de maintien d'un équilibre psychologique dans une situation d'isolement où l'on n'aurait pas choisi sur une base volontaire. Loin de nous l'idée de vouloir quantifier les coûts d'éventuelles brisures de la cellule familiale car aucune indemnité de résidence, si élevée soit-elle, ne pourrait jamais compenser une telle situation.

Et c'est sans compter que dans un scénario où la résidence serait obligée, des conjoints et des conjointes seraient forcés, dans bon nombre de cas, de laisser un travail au Sud, et ce, sans grande possibilité réelle de s'en retrouver un à Radisson.

On doit déplorer le fait que les ardents promoteurs du scénario – je parle toujours du groupe, du scénario de résidence à Radisson – tournent plutôt les coins ronds sur ces aspects pourtant déterminants et qu'un milieu de vie obligé viendrait grandement affecter. Parce que, dans ce scénario-là, on parle toujours d'arriver à un mode résidence à l'intérieur de cinq ans, et on a déjà une année de passée.

Là-dessus, je vais finir, je vais être bref. Par delà la considération d'ordre économique, les facteurs humains, familiaux, par delà notre engagement envers un développement harmonieux, équitable des régions, l'enjeu central, la finalité du présent débat, réside dans la sécurité énergétique du Québec. Comme nous croyons l'avoir démontré, la création, sur le territoire de la Baie-James, de conditions non propices à la rétention de l'expertise acquise sur les grands équipements d'Hydro-Québec, qui assurent 50 % de l'approvisionnement électrique du Québec, serait hautement préjudiciable.

Et on finit. On dit: Le présent débat touche toutes les régions du Québec sans exception et on s'est assuré de l'appui de la FTQ, forte de ses 480 000 membres dans toutes les régions du Québec, pour ajouter un poids à la présente démarche.

Nous réaffirmons, en concluant, que nous croyons au développement des régions, à l'équité interrégionale. Mais il faut faire attention dans ça. Et, comme on vous dit, on défend tous les travailleurs du Québec. Et nous vous dirons en finissant, pour vous démontrer à quel point on est sérieux: Nous sommes présentement, comme Conseil du travail de la FTQ, dans chacune des régions. On siège à peu près sur toutes les tables ou les groupes régionaux: CRD, CLD, SOLIDE, Fonds régional, etc.

Et quoiqu'on fut accueilli avec un peu de susceptibilité il y a quelque années, on a démontré qu'on avait des bonnes idées et les sceptiques aujourd'hui vous le diraient: Ils ont été confondus. On a développé un langage social à l'intérieur de ces tables-là et on fait un bel arrimage au niveau développement social et économique, parce qu'on joue un grand rôle social, nous, les syndicats. On a établi aujourd'hui une crédibilité sur ces tables, et on en est fier. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. Rousseau. M. le ministre.

(16 h 20)

M. Chevrette: Oui, M. le Président. D'entrée de jeu, je voudrais tout simplement dire que je respecte le droit à la syndicalisation, après avoir été moi-même dans le syndicalisme fort longtemps. Je respecte le droit de non-ingérence dans la vie privée des gens, je respecte le rôle des leaders syndicaux auprès de leurs syndiqués. Je suis très soucieux du développement de toutes les régions, comme vous avez dit, si bien que j'ai même débloqué 29 000 000 $ du ministère des Régions pour l'implantation des fonds de solidarité régionaux de la FTQ. Je suis même allé inaugurer dans le Grand Nord, la région 10 dont on parle, un fonds de solidarité où il y a même un autochtone de vice-président, qui est John Kitchen. Qui est président. C'est un autochtone, qui est John Kitchen.

En tout cas, je pourrais reprendre tous vos préambules en me les attribuant et en disant que je respecte ça. Mais il y a des faits, il y a un argumentaire qui est un peu différent et que je voudrais discuter avec vous autres. Vous dites que l'expertise est très nécessaire pour la sécurité même des travailleurs. Dans l'étude même d'Hydro-Québec, qu'ils vont sans doute déposer tantôt, une étude de 1995, ils me disent que 50 % des effectifs avaient moins de cinq ans d'ancienneté sur le site de la DGR. Le taux de roulement des travailleurs en commutation sur horaire 8-6 pour la région LG-R, 30 %; il était de 45 % pour l'unité de Chibougamau, en bas de cinq ans. Vous avez dit dans votre mémoire que c'était plus de cinq ans d'expertise que ça prenait pour la sécurité. Je pourrais vous poser comme première question: Est-ce que la fiabilité et l'expertise en ont été affectées, compte tenu de ces statistiques réelles?

M. Rousseau (Marcel): C'est probablement vrai. Je ne veux pas contester ces chiffres-là.

M. Chevrette: Bien, on les prend dans l'étude de 1995.

M. Rousseau (Marcel): Je ne les ai pas lus. Mais, effectivement, c'est un roulement qui se fait graduellement ou il y a toujours des équipes qui travaillent ensemble et, s'il y a une personne qui part à travers l'équipe, l'expertise reste là. Quand on dit dans notre mémoire que, si on obligeait un mode de résidence alors que la plupart de nos gens nous disent: Non, je ne resterai pas ici, c'est ça qu'on briserait. Mais le roulement qui se fait normalement, alors que les équipes travaillent à deux, trois, quatre, cinq personnes dans la même équipe, souvent, à ce moment-là ça n'affecte pas cette expérience et cette expertise-là et n'affecte pas la fiabilité de l'entretien du réseau.

M. Chevrette: Vous avez entendu, vous avez été présents quasiment tout le temps. En tout cas, je reconnais au moins trois bettes qui étaient là plus régulièrement. La quatrième est arrivée après-midi. Est-ce que...

M. Rousseau (Marcel): C'est un résident. Non, ce n'est pas vrai! Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: J'étais pour dire: Je le comprends, il avait un horaire différent des autres. Mais, blague à part, la question est la suivante: Qu'est-ce que vous dites, par exemple, de ce que le maire Bérubé de Chapais disait: Mon citoyen a été obligé de s'en aller à Rouyn parce qu'autrement il était rattaché à tel poste ou mon citoyen part de Chapais le matin, il est obligé de faire x kilomètres, il embarque à Chibougamau puis il repasse devant Chapais pour aller... Trouvez-vous ça normal?

M. Rousseau (Marcel): Non.

M. Chevrette: Très honnêtement, s'il a le droit à sa région puis à son appartenance, trouvez-vous qu'une telle situation est tolérable?

M. Rousseau (Marcel): Bien, effectivement, ce n'est pas tolérable, sauf que les résidents, comme je vous disais, on a des gens qui voyagent sous l'avion puis on a des gens qui voyagent où il n'y a pas d'avion pantoute. Effectivement, quand Hydro-Québec engage une personne en Abitibi ou au Saguenay, à ce moment-là, cette personne-là n'a pas le choix de déménager, comme si c'était un employé à l'intérieur d'Hydro-Québec. Moi, je vous dis: Bon, les gens ont le droit de travailler à la grandeur de la province. C'est évident qu'on ne fera pas arrêter l'avion dans tous les villages parce que, là, on ne parlerait plus de 10 500 000 $ pour le mode commutation, on parlerait peut-être du double. C'est des lacunes. C'est effectivement anormal. Autant l'Abitibi que le Saguenay, c'est des grands territoires aussi. Pas grand comme la Baie-James, pas grand comme le territoire du Nord, mais effectivement, c'est des lacunes, puis je pense qu'on n'y peut rien.

M. Chevrette: On n'y peut rien? Moi, je ne suis pas sûr. En tout cas, je vais me garder mes dernières minutes pour dire que vous pouvez quelque chose.

M. Rousseau (Marcel): Ah! Peut-être.

M. Chevrette: Mais avant de dire que vous pouvez quelque chose, je veux continuer le questionnement. Vous avez dit: Il ne faut pas déshabiller ti-Pierre pour habiller ti-Jean. Je partage ça, moi. Comment pourriez-vous tolérer, dans ce cas-là, que les gens déménagent de Chibougamau ou bien de Radisson à Rouyn parce que c'était leur seul moyen de travailler? Est-ce que vous ne réalisez pas que vous déshabillez à ce moment-là les villes ou les villages vraiment du Nord pour leur donner la possibilité de retourner travailler?

M. Rousseau (Marcel): Oui, M. le ministre, vous avez raison, mais dans un contexte où une personne, de temps en temps, par mois, par année, est embauchée à Hydro-Québec, qui vient d'une autre région, effectivement, ça a l'air d'un déshabillement mais, ce dont on parle dans notre document, notre mémoire, ce qu'on dit, que si on faisait ça tout d'un coup on déshabillerait ces régions-là.

Quand on a emmené les quartiers généraux à Rouyn, vous savez comment on s'est battu. On n'a pas déshabillé personne, on a gardé des droits acquis, on a gardé le 8-6. Personne ne changeait de place. Graduellement... Puis là on a même fait en sorte d'écrire – c'est écrit dans la convention collective, dans une lettre d'entente – qu'on favorise l'embauche régionale. Mais à ce moment-là, c'est un équilibre. On a gardé des droits acquis. On est parti d'à peu près 75 % des gens qui étaient d'ailleurs que les régions Abitibi–Saguenay et on est rendu à peu près à un équilibre de 50-50. Et ça va continuer comme ça pendant des années.

À ce moment-là, c'est évident que c'est un déshabillement mais, je veux dire, si vous enlevez 200 puis 300 emplois dans une région d'un coup, effectivement, ça fait un méchant trou dans la municipalité. Et c'est ça...

M. Chevrette: Mais imaginez-vous que le trou paraît bien plus grand quand c'est une municipalité de 100 ou 200 par rapport à une municipalité de 8 000, 9 000, 10 000. Toutes proportions gardées. Vous comprenez ce que je veux dire.

M. Rousseau (Marcel): Effectivement.

M. Chevrette: Bon. Mais sur la notion de graduel, je vais vous rejoindre tantôt. Revoyons les pratiques maintenant. L'avant-dernier groupe, Radisson, a parlé de pressions, de harcèlement, contre ceux qui voulaient, sur une base volontaire, rester à Radisson et à Chisasibi aussi. Parce que, moi, j'ai reçu deux lettres – je ne dirai pas de qui là – qui m'ont décrit exactement... Puis j'ai eu des rencontres à Radisson avec un groupe me racontant exactement qu'est-ce qui se passait.

Un, la première question, c'est: Êtes-vous d'accord avec cette pratique?

M. Rousseau (Marcel): Ah bien, absolument pas.

M. Chevrette: Est-ce que vous êtes au courant qu'elle existe?

M. Rousseau (Marcel): Oui. Effectivement, M. le ministre, on serait bien mal placés pour vous dire non. On est au courant de ces gestes-là qui ont été posés et on les trouve très malheureux, et jamais... C'est des gestes isolés. Il y a des gens qui se sont à un moment donné mis dans la tête – on ne contrôle pas les personnes – que plus il y aurait de volontaires, plus vite ils n'auraient plus leur horaire 8–6. Donc, ils disaient: Vous n'avez pas d'affaire à venir ici, vous bousculez notre affaire. Mais c'étaient des gestes isolés et on déplore ça. On déplore ça. On a une clause de volontariat puis ce n'est pas une farce, la clause de volontariat. On veut laisser aux gens la liberté d'aller résider où est-ce qu'ils veulent dans la province de Québec. Ça, c'est incontestable.

(16 h 30)

Et moi, je vous dis: Ici, on est les trois syndicats de la Baie-James, présents, et ce n'est pas endossé par ces gens-là, et ce n'est pas endossé non plus par les trois sections locales provinciales: les métiers, les bureaux et les techniciens. C'est déplorable, puis en plus on a une clause... Pas une clause, on vient d'avoir des énoncés de politique sur le harcèlement zéro, contre le harcèlement, puis il faut que ce soit comme ça. On ne doit pas tolérer à l'intérieur de nos rangs, de nos gens, cadres ou syndiqués, aucune forme de harcèlement. Et, là-dessus, je vous dis, M. le ministre, qu'on va même aller plus loin que ça. On va même aller plus loin que ça. Les gens qui l'ont fait vont se faire parler, on va leur dire que ça ne se fait pas, puis on va remettre cet aspect-là, cette dimension-là dans les assemblées syndicales que nous allons faire dans le futur, parce que c'est inconcevable.

M. Chevrette: Je vous remercie de cette réaction. Parce que je sais aussi ce qui s'est passé à Nemiscau. Et vous savez très, très bien que, moi, personnellement, je ne cautionnerai pas ça, d'aucune façon. Et je suis heureux de voir, comme leaders syndicaux, que vous ne partagez pas ce point de vue là. Parce que ce serait plus que du déshabillage, là, ce serait de la discrimination complète, de l'intimidation qu'on ne tolère pas. Parce que tu as un choix, un choix légal, puisqu'il est basé sur la lettre d'entente qu'il y a en annexe de la Convention. Et il faut que cette clause-là veuille dire quelque chose parce que c'est favorisé sur une base volontaire, sinon, ça ne voudrait rien dire. Et, effectivement, je ne vois pas comment, dans les faits... Ce serait de l'hypocrisie sur papier si, dans les faits, un individu n'est pas capable de se prévaloir d'une lettre d'entente dûment signée par les deux parties. C'est ça que je veux dire.

Moi, je vous dis, je comprends, je partage avec vous que tu ne peux pas arriver puis tout casser: Bang! demain matin, ça va être autre chose. Ce serait des drames, effectivement. Je reconnais ça. Mais, quand on reconnaît une région administrative, quand on reconnaît qu'il y aura de l'emploi pour 100 ans, ce que je n'accepte pas, c'est l'idée de dire qu'il n'y a pas de possibilité si les ports d'attache ne sont pas là et là. Moi, ça ne me rentre pas entre les deux oreilles sur le droit d'accès.

Le droit de se défendre, les conditions de travail, puis tout ça, je respecte ça, j'en ai assez négocié. Ce n'était pas toujours des clauses heureuses, mais on fait ce qu'on peut, à une table. Puis on n'est pas toujours tout seul, à la table. Ça, je sais ça aussi.

M. Rousseau (Marcel): Des fois, on se les fait imposer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: C'est vrai, à part de ça. Le message était clair. Ceci dit, moi, je voudrais que vous puissiez... D'abord, je vous remercie de remettre ça à vos ordres du jour, ce que vous avez dit. Mais j'apprécierais grandement que vous tentiez, si c'est possible, d'aller vous chercher un mandat. Je sais que vous marchez par mandat, vous ne pouvez pas... Si vos membres ne veulent pas, ils ne veulent pas. Mais, si vous aviez un mandat de collaborer au développement économique du Nord, comme on l'a fait conjointement avec le Fonds de solidarité de la FTQ...

Si on met 6 000 000 $ d'investissements dans le Nord puis que c'est l'économie de vos travailleurs, de votre centrale, je suppose que vous voulez que ce fonds-là porte des fruits. Puis, si vous voulez qu'il porte des fruits, il faut que ça se développe, dans le Nord, sinon, vous avez l'air aussi fou que moi d'avoir mis de l'argent dedans. Puis je suis sûr que vous ne voulez pas avoir l'air fou, parce que ce fonds-là, c'est une des fiertés de la FTQ, le Fonds de solidarité. Puis le fait qu'on ait décidé conjointement d'en mettre dans chacune des régions du Québec, ça faisait sérieux, aussi. Ce n'est pas pour rien qu'on a mis 29 000 000 $ pour le vrai, là. On a mis 29 000 000 $, nous, pour le premier cinq ans, vous le savez, c'est une annonce conjointe qu'on a faite partout.

Et je suis persuadé, moi, que vous pouvez contribuer. Vous pouvez faire une participation intéressante, comme syndicat d'une centrale dont le fonds va servir au développement économique de la région. Que vous alliez chercher un mandat dans ce sens-là... Je peux comprendre que ce n'est pas un lieu de négociation, je l'ai dit tantôt. Je ne cherche pas à vous piéger, là, pas une maudite minute. Je vous dis: de plus en plus, dans les CLD, les syndiqués travaillent, de plus en plus, vous êtes présents dans les CRD, vous l'avez dit vous autres même. Et je pense que, sur un comité de retombées économiques pour le développement d'une région, vous avez votre place. En tout cas, moi, je vais demander aux gens que vous ayez une place. J'espère que vous vous taillerez un mandat pour prendre cette place qu'on vous offre.

M. Rousseau (Marcel): Je vais vous rassurer tout de suite, M. le ministre, on n'a pas besoin de mandat de nos membres pour collaborer et pour siéger sur un comité de développement économique; ça fait partie de nos rôles, comme FTQ, comme SCFP. Et, là-dessus, je vous assure qu'on n'a pas de problème. Où on va avoir besoin de mandat, c'est plutôt sur des questions plus pointues. Si on parle effectivement de comment on ferait bien pour changer le mode 8-6, effectivement, je vais avoir besoin d'un mandat sérieux. Si on parle de discuter de la façon d'attirer les gens d'Hydro-Québec vers le Nord, je n'ai pas besoin de mandat. Si ça reste sur une base volontaire, je n'ai pas besoin de mandat.

Si aussi le ministre peut nous garantir que, le fait qu'on travaille dans un sens pour attirer des gens là-bas, on n'aura pas une perte de 350 emplois, comme le dit le document, ça aussi, ça va faire du bien. Parce qu'on vient de subir une réorganisation, à Hydro-Québec, où on vient de perdre des milliers d'emplois. Mais c'est inconcevable qu'on parle de développer une région économique sur le dos des travailleurs et, dans ce sens-là, qu'ils perdent leur emploi. Ça, c'est inconcevable.

Et je pense que la commission est importante, sur ces sujets-là. Puis on ne boque pas le développement économique, le Syndicat, on veut s'assurer que, quand on développe, on développe vraiment. Et vous l'avez dit tout au long de la commission, les intervenants qui sont passé ici l'ont dit: Pour développer une région, pour développer Radisson, ça prend du monde. Ça prend du monde pour la développer. Puis, pour bâtir des infrastructures, plus il va y avoir du monde, plus on va en bâtir. Mais là ça «prend-u» des infrastructures pour les recevoir ou du monde avant qui va faire que ça va être bâti? C'est l'oeuf puis la poule, là.

M. Chevrette: Mais je ne favorise pas l'établissement de nouvelles infrastructures.

M. Rousseau (Marcel): Non, non, mais bâtir des...

M. Chevrette: Je favorise beaucoup plus le développement ou la consolidation des infrastructures existantes.

M. Rousseau (Marcel): La consolidation, effectivement.

M. Chevrette: On se comprend, je pense, là-dessus.

M. Rousseau (Marcel): Oui, oui, effectivement.

M. Chevrette: Parce qu'il pourrait y avoir de la courte commutation, advenant des chantiers d'importance, dans les infrastructures actuelles.

M. Rousseau (Marcel): Effectivement.

M. Chevrette: Par exemple, Matagami est venue s'offrir, si j'ai bien compris hier, Radisson s'offre, si j'ai bien compris cet après-midi. Je pense qu'il y a des possibilités de discussions intéressantes là-dessus sans multiplier les infrastructures, qui d'ailleurs font peur aux communautés autochtones. Parce que les communautés autochtones disent: S'il y a d'autres nouvelles infrastructures, vous revenez taillader le territoire qu'on veut aménager à notre façon, selon nos désirs ou en collaboration avec les communautés existantes sur le territoire. Moi, je pense qu'on n'est pas loin de s'entendre là-dessus, sur la perspective d'avenir. Mais je voulais vous entendre dire que vous étiez prêts à participer puis à collaborer, et je vous en remercie.

M. Rousseau (Marcel): Sans aucun doute.

M. Chevrette: Là, je n'ai plus de temps, il faut que j'arrête.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre, c'est tout le temps qu'on avait. Alors, M. le député de Richmond, à vous la parole.

M. Vallières: Merci, M. le Président. Ma première question, ça sera pour vérifier quelque chose qui apparaît dans votre mémoire, en page 4, quand vous nous ramenez une déclaration du journal local, où vous mentionnez: «Le ministre Chevrette se dit convaincu que les employés d'Hydro-Québec voudraient devenir résidents de Radisson.» Est-ce que je comprends que vous êtes en désaccord avec cette affirmation?

M. Rousseau (Marcel): Bien, oui, on est en désaccord. D'après ce qu'on dit un peu plus loin, effectivement, d'après le sondage qui a été fait auprès des employés, ce n'est pas ce qu'ils nous disent – auprès de nos membres à Radisson, on ne l'a pas fait à la grandeur de la province, là. Mais, d'après un sondage interne qui a été fait au Syndicat, effectivement, vu à froid, comme ça, quand on leur présente un problème comme ça: Voulez-vous devenir résidents à Radisson? c'est bien évident qu'ils disent non. C'est tous des gens qui ont des obligations partout, des petites business, toutes sortes d'affaires, et ça, c'est très correct. Ils ont des familles, ils ont des résidences, ils ont des attaches. Et, là-dessus, bien, moi, je ne sais où est-ce que M. Chevrette a pris ça, quand il a déclaré ça, que la plupart des employés d'Hydro-Québec voudraient devenir résidents à Radisson. Mais c'est sa déclaration qui est dans le petit journal. Ce n'est pas notre déclaration, c'est la sienne. Posez-lui la question.

M. Vallières: Bien, on va peut-être en profiter, sans que ce soit retenu sur notre temps, pour que le ministre nous confirme. Il peut faire partie des mal cités, là, c'est cité dans un journal. Beaucoup de politiciens font partie des mal cités. Mais ça serait une occasion, pour le ministre aujourd'hui de dire s'il l'a dit ou s'il ne l'a pas dit. Mais, moi, l'objet de ma question, c'était de savoir si vous étiez d'accord avec ça.

(16 h 40)

M. Chevrette: Je ne suis pas cité entre guillemets, c'est une phrase qui est sortie du texte, d'après ce que je comprends, une interprétation. Quand j'ai rencontré les employés – je suis allé dans une cafétéria vous rencontrer, je ne sais pas si vous vous rappelez, moi, je m'en rappelle – il y en a qui avaient peur que je sorte plus mort que vivant, puis je suis allé pareil vous voir. Ce que je vous ai dit, à la cafétéria, ça a été très clair. Je vous ai dit: Acceptez-vous que, sur une base volontaire... Puis c'est la question que je vous avais posée directement dans la cafétéria, donc, je ne change pas de propos. Je pense qu'il y en a un qui était là, quand je suis allé, à part de ça. Il lui ressemblait, en tout cas. Il était assez bien pris, il était supposé faire peur. Ha, ha, ha!

M. Rousseau (Marcel): Vous avez sûrement été mal cité dans L'Écho de Radisson , M. le ministre.

M. Chevrette: Non, mais je ne sais pas quand est-ce que ça a été dit.

M. Rousseau (Marcel): Ça a été dit le 23 avril 1997, volume 4, numéro 7.

M. Chevrette: Il n'y avait pas de journalistes, d'abord, quand je vous ai rencontrés, et on était à peine deux personnes. Vous étiez à peu près une dizaine de représentants dans une cafétéria. Parce qu'il se préparait une manif, puis j'ai dit: Ne la faites pas, je vais aller vous voir. Ça démontrait qu'il y avait une volonté de rencontre.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Merci. Oui, je vais pouvoir continuer, suite à cette précision. Et, si les gens pouvaient nous donner une copie de cet article-là, à un moment donné, ça pourrait être utile.

M. Chevrette: Je voudrais ajouter une phrase, par exemple. J'ai la certitude qu'il y en a qui, sur une base volontaire, veulent y aller, par exemple. Je le sais parce qu'ils sont venus me le dire. Puis il y en a qui ont trop peur, présentement. Donc, s'ils n'ont pas trop peur, je voulais leur donner une chance d'y aller.

M. Hadd (Pierre): On est en train de regarder une lettre d'entente présentement.

M. Vallières: Alors, le moins qu'on puisse dire, si on regarde l'ensemble de votre mémoire, c'est que, pour attirer les travailleurs d'Hydro dans la région Nord-du-Québec pour s'y installer, c'est une greffe qui n'est pas nécessairement évidente, c'est une greffe qui s'avère plutôt difficile.

Par ailleurs, je veux juste attirer votre attention sur le fait que certains sont venus nous indiquer qu'il y a des entreprises qui ont tenté cette expérience-là. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l'expérience qui a été faite par la pétrolière Impériale pour la mise en valeur du gisement pétrolier de Norman Wells, dans les Territoires du Nord-Ouest. Lorsque la production commerciale a débuté, en 1985, la compagnie préconisait un mode de commutation aérienne de ses employés depuis Edmonton. Au début de 1990, l'entreprise a étudié la possibilité d'adopter un mode d'opération «résident» pour l'ensemble de ses employés. Elle a décidé de le faire en 1994. Et, finalement, le premier rapport produit par la compagnie concernant cette expérience fait état d'une diminution des dépenses de l'ordre de 20 %, des gains substantiels sur la fiabilité des opérations et un bon niveau de satisfaction des travailleurs et de leur famille. En outre, ce nouveau mode a répondu adéquatement aux attentes de la communauté en place.

Évidemment, c'est du privé, mais il y a quand même des choses qui peuvent, je pense, se comparer. Vous disiez tantôt qu'il n'y avait pas d'études sérieuses sur le sujet. Est-ce que, selon vous, ça serait pertinent que, avant d'aller plus loin, avant de parler plus longuement de cette possibilité, on puisse confier à quelqu'un la possibilité d'étudier ça et qu'on puisse dire que c'est une étude qui a de la crédibilité pour tous ceux qui ont à travailler avec?

M. Rousseau (Marcel): Effectivement, c'est ce qu'on dit. Il devrait se faire une étude plus sérieuse. On a un exemple – je n'ai pas vérifié ces dires – d'Esso et on ne sait pas de quelle façon ça s'est passé. En tout cas, moi, je ne le sais pas. Y «ont-u» eu des maisons gratuites, de la nourriture gratis pendant un an puis... Bon. C'est des places de mines. Je ne sais pas dans quelles conditions ça s'est décidé. Est-ce que c'était sur une base volontaire ou est-ce que ça a été une décision de l'employeur qui, finalement, s'est avérée pas trop néfaste? Ça, je ne le sais pas.

Par contre, il y en a d'autres qui s'établissent. Voilà 10 ans, voilà 15 ans, on bâtissait des villages à tour de bras, puis on a vu comment qu'il s'en est démantelé à tour de bras aussi. Et aujourd'hui on a des expériences. On a, exemple, Raglan. Raglan vient de s'établir au Nord. Ils vont commencer ou ils viennent de commencer d'être en exploitation et ils sont sur un mode commutation à partir de l'Abitibi. Pourquoi? Ils ont sûrement évalué, eux aussi, les impacts familiaux, les impacts monétaires, ils ont sûrement fait des études, eux autres aussi. C'est du privé. Puis de l'argent, c'est de l'argent. Quand ça coûte plus cher, bien, normalement, on ne s'en va pas là. Ou, des fois, ça peut coûter un peu plus cher, mais c'est plus rentable au niveau rapports humains, au niveau conditions de travail, quand tu as des gens satisfaits dans un endroit. Tout ceci pour vous dire, bon, qu'il est fort possible que l'expérience d'Esso se soit avérée très fructueuse puis très convaincante, mais il reste que, quand même, c'est un événement isolé.

À partir de là, moi, je suis convaincu d'une chose, c'est que, si on trouve des façons d'amener des gens quelque part de façon volontaire, si on est imaginatif... Pas rien que des primes, parce que la prime, ça, je veux dire, des primes puis de l'argent, puis des primes puis de l'argent, c'est bien beau mais, à un moment donné – on en parlait avec les autres groupes – c'est les gens en place qui disent: Bien, là, comment ça se fait que moi, j'ai ça, puis toi, tu as ça? Mais, je ne sais pas, trouver des moyens pour les amener en place de façon volontaire. À ce moment-là, on a moins à se soucier des problèmes familiaux ou psychologiques qui peuvent survenir parce que, déjà là, tu pars avec la volonté et tu t'établis, tu sais à quoi t'attendre quand tu arrives là-bas, tu sais que Radisson, ce n'est pas une ville de 100 000 de population, que c'est une petite ville. Ça fait que c'est tout ça.

Mais les attraits, tu sais, je veux dire, je ne sais pas... On n'a pas parlé encore des jeunes qui s'en iraient là-bas avec leur famille, évidemment. À un moment donné, ça s'en va au cégep. On «va-tu» leur faciliter – je ne sais pas – un transport pour qu'ils se rendent au cégep, à Montréal, ou quelque part, puis qu'ils reviennent chez eux quand il y a des relâches scolaires, qu'ils ne soient pas pris à Montréal? Des choses comme ça, c'est des coûts faramineux. Imaginez-vous, partir de LG 2 en auto ou en avion – encore pire – c'est des coûts faramineux pour les parents. Et c'est toutes sortes de choses comme ça qui font que...

On va favoriser bien plus le fait de travailler de façon sociale et économique pour trouver des façons d'attirer des gens là-bas. Je n'ai pas de problèmes, moi, s'ils veulent tous y aller, là-bas. Moi, je vais avoir le même syndicat puis je vais les représenter là-bas. Ce n'est pas ça, le problème. C'est de rendre des gens heureux puis de leur donner un maximum d'équité avec ce qu'il y a présentement dans les régions un peu plus développées.

M. Vallières: Je pense que c'est la première fois qu'on ouvre sur cette dimension-là, elle m'apparaît très importante, et ne pas rattacher simplement l'implantation de nouvelles personnes dans cette région-là en parlant de primes. Il y a vraiment une question de qualité de vie, de recherche d'un certain niveau de vie auquel les gens ont droit.

Vous parliez des jeunes, tantôt. Ça, ça me paraît important parce que souvent les jeunes sont plus ouverts à ce genre de situation, les jeunes familles en particulier. On a parlé, tout au cours des travaux de la commission, de la capacité que devrait se donner le milieu, le Nord, donc, de former ses jeunes en fonction des possibilités qu'offre le marché du travail. Là, c'est sûr qu'on ne parle plus de greffe. Quand les gens viennent du milieu, normalement, s'ils se forment pour des jobs du milieu, ils vont revenir dans le milieu. Est-ce que vous croyez en cette possibilité, sur une période de temps assez longue quand même, pour ce milieu-là, en lui laissant l'opportunité de former ses jeunes, qu'on puisse avoir des politiques d'embauche à Hydro-Québec qui permettent de retenir ces jeunes-là dans leur région en leur offrant ce type de travail?

(16 h 50)

M. Rousseau (Marcel): Effectivement, on croit bien plus à des genres de possibilités comme ça. Quand tu formes du monde de la place et que tu donnes du travail à ces gens-là, effectivement, c'est bien là la meilleure solution. Et, comme vous le dites, dans des genres de situations de même, on parle de choses à long terme; je ne dirais pas à très long terme, mais à long terme. Premièrement, actuellement, je suis convaincu, à moins que je ne me trompe là, qu'il n'y a pas grand personnes à Radisson qui cherchent un emploi, je veux dire, de un. De deux, est-ce qu'ils ont les qualifications requises? Même si on dit que ça prend rien qu'un secondaire V dans certains emplois, je veux dire, ce n'est pas tous les emplois, il faut faire attention. Il y a des emplois, il y a des techniques de bureau, il y a des techniciens puis il y a des métiers où ça prend une formation spécifique. Mais, effectivement, si on en arrive là et qu'il y a de l'embauche locale qui se fait, qu'il y a de la formation locale, formation sur le tas ou formation par institution, c'est évident que c'est ce qui est le plus logique, à ce moment-là, pour mousser à des résidents un endroit.

M. Vallières: Moi, j'ai une autre question avant de passer la parole à mes autres collègues, il nous reste quelque six, sept minutes. Il y a le Conseil régional de développement de la Baie-James qui est venu nous faire une proposition concernant les travailleurs de la construction. Je sais que ce n'est pas votre domaine, mais vous êtes du monde syndical. Ces gens-là sont venus nous dire que, concernant le bassin des travailleurs qui étaient reconnus, la Commission de la construction maintient des modalités d'emploi qui favorisent les travailleurs qui n'ont pas élu domicile dans le Nord, à cause de la façon dont les bassins sont distribués. Vous êtes du monde syndical – parce que c'est une des recommandations, qui était que la région du Nord-du-Québec soit reconnue comme étant un bassin de travailleurs – est-ce que vous pensez que ce genre de proposition pourrait être retenue? Est-ce que vous pensez que c'est applicable dans le milieu syndical?

M. Rousseau (Marcel): C'est sûrement applicable. Écoutez, devenir un bassin dans quelque région que ce soit, je pense que c'est important. Moi, je ne veux pas commenter plus les choses de la construction, je sais que ça a des dimensions que... Je ne connais pas toutes les dimensions de la construction, ça fait que je prendrai bien garde de ne pas commenter ce que je ne sais pas parce que je peux me faire ramasser par mes collègues mais que je revienne en Abitibi. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Johnny Lavallée va vous ramasser. Ha, ha, ha!

M. Rousseau (Marcel): Et il ne le prendrait sûrement pas, ça fait que je vais me mêler de mes affaires.

M. Vallières: Alors, vous comprendrez que, chaque fois qu'on a des experts devant nous, on veut en connaître un peu plus sur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rousseau (Marcel): Ha, ha, ha! Alors, vous vous êtes bien essayé.

M. Vallières: ...les capacités qu'on peut se donner. Parce que, dans le fond, ce que disent les gens de cette région-là, c'est que la région devient pourvoyeuse d'emplois mais pour les autres régions du Québec. Donc, à prime abord, quand ça nous est présenté, on dit: Bien, oui, ça a du bon sens, cette affaire-là. Mais on sait aussi qu'il y a une culture syndicale et qu'il y a une culture de toutes sortes de choses. Dans la construction, c'est très délicat, il y a un équilibre qui n'est pas facile à atteindre. Alors, quand on peut obtenir des informations un peu plus précises sur le réalisme des propositions, on questionne. Et on ne s'attend pas toujours à des réponses très claires, mais on questionne, à tout le moins. Alors, c'est terminé, pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Pratico-pratique, on parle de volontariat, et le témoin avant vous a suggéré qu'il cause des inéquités entre les travailleurs. Parce que, si j'ai opté pour être résident, il y a des choses qui ne seront pas couvertes ou je n'ai pas accès à certains bénéfices auxquels, peut-être, le travailleur, à côté, qui est toujours sur la commutation, aura accès. Avez-vous évalué c'est quoi, les différences pour, mettons, deux travailleurs, un qui reste à Chicoutimi et l'autre qui a opté de demeurer à Radisson, c'est quoi, l'impact sur les bénéfices au travail?

M. Rousseau (Marcel): L'impact sur les bénéfices au travail?

M. Kelley: Oui.

M. Rousseau (Marcel): Moi, je ne sais pas, il ne doit pas y en avoir des tonnes. Écoutez, il n'y a pas tant de différences que ça entre un travailleur résident et un travailleur 8-6. C'est sûr qu'il faut s'ajuster. Exemple, il ne va pas à la cafétéria, c'est sûr, il a sa famille puis il a sa maison. Par contre, il a une maison à coût réduit. Ce n'est pas un désavantage qu'on vient de faire, là. On essaie d'équilibrer et puis... En tout cas, on est à l'aube des négociations sur le mode résident. Chaque fois qu'il y a quelqu'un qui manifeste le désir de l'être, on signe – d'ailleurs, c'est marqué dans notre texte – une lettre d'entente pour cet individu-là. Mais je ne crois pas que ça ait un impact au niveau du travail. En tout cas, il ne faut pas que ça en ait, ça, c'est bien clair, on l'a dit tout à l'heure. Il ne faut pas que ça ait d'impact.

M. Kelley: Parce que je sais qu'à l'intérieur de l'Administration régionale Kativik il y avait ce genre de problème, parce que les Inuit qui demeurent à Kuujjuaq étaient, d'une certaine façon, jaloux parce que les personnes qui viennent du Sud peuvent aller à Montréal quatre fois par année, elles ont accès à certaines nourritures qui sont amenées par l'avion, et les autres – leur famille – qui travaillent dans le même bureau, n'ont pas le même accès. Alors, c'est facile de marginaliser ces genres de différences. Mais, si, moi, je dois acheter la bouffe à tous les jours pour aller au travail, et la personne à côté, sa bouffe est payée, la nature humaine est de... Ça va causer certaines jalousies. Au-delà de dire qu'on veut promouvoir ou qu'on est pour le volontariat, si on trouve qu'on est désavantagé... Et c'est pourquoi je pousse pour voir c'est quoi, les vraies différences. Mais, si la personne à côté de moi peut aller à Montréal voir les matchs des Canadiens quatre fois par année et, parce que moi, j'ai opté pour rester à Radisson, je me sens, d'une certaine façon, pénalisé par ma décision... Il y aura des conséquences. Alors, avez-vous évalué ces genres de distinctions?

M. Rousseau (Marcel): Non, on ne les a pas évaluées. Puis je vais faire la nuance entre deux choses. C'est qu'une personne d'Hydro-Québec qui décide de s'en venir volontairement à Radisson a des conditions un petit peu différentes de celles du 8-6, et c'est normal, je l'ai expliqué tout à l'heure, à cause du logement versus la nourriture. Mais c'est différent de la personne qui est déjà en place, et ça...

Écoutez, depuis que le monde est monde, quand il y a des endroits éloignés ou quand les employeurs ont voulu emmener des gens spécialisés dans des coins de pays, n'importe où, on a mis en place des mesures incitatives. Et, quand on est allé travailler en Chine, avec Hydro-Québec, les Chinois n'avaient pas les mêmes conditions que nous autres. Tu sais, je veux dire, c'est ça, le système.

On n'a pas évalué ça. Comme je vous dis, on est à l'aube de tout ça. Puis, en plus de ne pas l'avoir évalué, on ne se parlait pas, entre les comités, on ne se parlait pas avec ceux qui sont en train de vouloir développer le Nord-du-Québec, on ne s'est pas parlé, on est arrivé ici comme un... On commence à apprendre des choses. On en a appris beaucoup, cette semaine, puis ça a été fort agréable. Ah oui! Effectivement, on s'aperçoit, tu sais, je veux dire, que ce n'est pas rien qu'un tirage de couverte, qu'on veut parler avec toutes les instances, puis ça, c'est intéressant. Mais on n'a pas évalué plus que ça ces choses-là. Peut-être que, dans le futur, il faudrait le faire.

M. Kelley: Dans la dernière phrase de votre mémoire, on parle d'un groupe d'intérêts restreint: «...nous croyons au développement des régions, à l'équité interrégionale, mais nous dirons toujours non, au maraudage interrégional au profit d'un groupe d'intérêts restreint.» Qui est visé par ça?

M. Rousseau (Marcel): Bien, écoutez, quand on a lu le document, la première chose que j'ai faite, je suis allé à l'annexe 1 pour regarder qui était sur le comité. Je m'aperçois que, sur le comité, il y a à peu près 50 % des gens qui ont des business à Radisson. Bon. Mon idée de base, eh bien, c'est bien simple: on va amener du monde, ils veulent que leur commerce marche. Mais, effectivement, on s'aperçoit que ce n'est pas ce groupe-là sur l'impact d'Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec qui va faire en sorte uniquement que le développement de la Baie-James va se faire. On se rend compte aujourd'hui, avec la commission, que c'est tous les groupes d'intérêts qui sont là et que ce n'est pas des intérêts... Mais on n'avait que le rapport pour faire notre mémoire, à l'époque, et vous ne pouvez pas nous blâmer d'avoir regardé ce qu'il y avait à l'intérieur des deux couverts.

M. Kelley: Merci.

(17 heures)

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Alors, messieurs du panel, on vous remercie beaucoup. Et bon voyage de retour!

Maintenant, j'inviterais les représentants d'Hydro à se préparer. Ça va être les prochains.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Duguay): Chers collègues, on est prêts. Alors, messieurs les représentants d'Hydro, si vous voulez, M. le porte-parole, vous présenter et présenter votre collègue.


Hydro-Québec (HQ)

M. Vandal (Thierry): Merci, M. le Président. Thierry Vandal, vice-président Planification stratégique et développement des affaires, Hydro-Québec, et mon collègue Ghislain Ouellet, vice-président exécutif, groupe Production d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Duguay): Bienvenue à cette commission. Comme les règles ont été établies, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et, par la suite, chaque côté a 20 minutes.

M. Vandal (Thierry): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, il me fait extrêmement plaisir d'être ici aujourd'hui avec vous, dans le cadre de la commission de l'aménagement du territoire et de ses consultations particulières sur l'étude globale du développement de la région Nord-du-Québec, une région riche de ressources, de culture et de défis.

La construction du complexe La Grande a engendré, vous le savez, des retombées économiques considérables. De plus, il existe aujourd'hui, dans la région Nord-du-Québec, un potentiel hydroélectrique économiquement envisageable et aménageable qu'Hydro-Québec désire mettre en valeur selon une approche nouvelle, une approche de concertation et de partenariat avec les communautés autochtones.

Les efforts consacrés par le groupe de travail chargé d'analyser l'impact de la présence d'Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec montrent bien l'importance que revêt cette présence de l'entreprise pour le développement de la région. Le rapport du groupe de travail souligne que la responsabilité en matière de développement du Nord-du-Québec relève d'abord du gouvernement. Hydro-Québec, bien sûr, collaborera, en tenant compte de son mandat de développement et de rentabilité, de ses engagements et de ses obligations, à la mise en oeuvre des recommandations du rapport.

Le mandat, les engagements et les obligations d'Hydro-Québec couvrent notamment: premièrement, le respect des engagements pris par l'entreprise dans le cadre des ententes avec les communautés autochtones; deuxièmement, une volonté de développer de nouveaux partenariats avec ces communautés en vue de la mise en valeur du potentiel hydroélectrique de la région; troisièmement, le respect des conventions collectives avec les employés d'Hydro-Québec; quatrièmement, l'atteinte des objectifs de performance financière d'Hydro-Québec; et cinquièmement, l'obligation de maintenir des conditions de concurrence équitables entre les fournisseurs, sous réserve, bien sûr, de nos engagements envers les communautés autochtones.

Notre mémoire est divisé selon trois thèmes, le premier thème étant la mise en valeur du potentiel hydroélectrique, le deuxième, l'exploitation du complexe La Grande et, le troisième, l'achat de biens et services.

Sur le premier thème de la mise en valeur du potentiel hydroélectrique, on vous soumet qu'il existe aujourd'hui des projets potentiels hydroélectriques rentables qui peuvent, à certaines conditions – j'insiste ici, à certaines conditions – être réalisés dans la région Nord-du-Québec. Ces projets potentiels sont situés sur un territoire où la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la CBJNQ, a conféré aux nations crie, inuit et naskapie des droits particuliers et a institué des régimes de protection qui comportent un processus spécifique à ce territoire.

Hydro-Québec souhaite associer les communautés concernées, sur la base d'un nouveau partenariat, à l'élaboration, la réalisation et la propriété des futures projets hydroélectriques. Ces projets ne seront entrepris, toutefois, qu'à la condition qu'ils soient rentables – ici, je reprends des propos qu'André Caillé a tenus dans cette même salle, il y a quelques mois, les fameuses trois conditions pour le développement à Hydro-Québec – acceptables du point de vue environnemental et accueillis favorablement par les communautés concernées, les communautés locales.

Comme pour la construction du complexe La Grande, les communautés situées dans la région et dans les régions limitrophes bénéficieront des retombées économiques considérables de ces projets. On parle ici de projets de plusieurs milliards de dollars. Le développement d'une importante infrastructure régionale de transport, qu'il s'agisse de routes ou d'aéroports, sur le territoire de la Baie-James, est au nombre des retombées qu'on peut associer au complexe La Grande, le complexe qui est aujourd'hui aménagé.

Hydro-Québec apporte, par ailleurs, une contribution financière importante à l'entretien de cette infrastructure de transport et collaborera – ici, c'est quelque chose qui est en cours – activement à la clarification par le gouvernement du Québec de la question du financement et de la responsabilité de l'entretien de ces routes, ainsi que le recommande le rapport.

Sur le deuxième thème, un thème qui a fait l'objet de la présentation d'un mémoire qui nous a précédés, par les syndicats d'Hydro-Québec, le thème de l'exploitation du complexe La Grande, plusieurs recommandations du rapport portent sur la main-d'oeuvre chargée de l'exploitation du complexe La Grande. Elles visent essentiellement le remplacement du modèle actuel de la commutation appliqué à cette main-d'oeuvre par celui de la résidence en région. Hydro-Québec vous soumet que, suite à un examen attentif des recommandations du groupe de travail, elle est arrivée à la conclusion que le passage du mode de la commutation, le mode 8–6, à celui de la résidence serait difficilement envisageable.

Les raisons d'une telle conclusion sont nombreuses. En effet, les recommandations du groupe de travail divergent à certains égards de nos engagements vis-à-vis de la nation crie. Elles comporteraient un coût plus élevé pour l'entreprise et nuiraient au maintien de l'expertise technique interne. Elles sont contraires au respect des conventions collectives signées avec nos employés et elles seraient désavantageuses d'un point de vue économique pour les régions limitrophes.

Sur le troisième volet de notre mémoire, les achats de biens et services, Hydro-Québec a mis sur pied un ensemble de mesures qui visent à optimiser les retombées économiques régionales. Ces mesures tiennent compte de l'obligation pour l'entreprise d'acquérir les biens et services dont elle a besoin aux meilleurs coûts possibles et de maintenir des conditions de concurrence équitables entre tous les fournisseurs tout en respectant, dans le cas de la région Nord-du-Québec, nos engagements vis-à-vis des communautés cries, des engagements contractés en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

En conclusion, M. le Président, il existe aujourd'hui des projets potentiels hydroélectriques rentables qui peuvent, à certaines conditions, être réalisés dans la région Nord-du-Québec. Ces projets potentiels, par exemple celui d'Eastmain 1/dérivation Rupert, un projet de l'ordre de 2 500 000 000 $, sont situés sur un territoire où la Convention de la Baie James et du Nord québécois a conféré aux nations crie, inuit et naskapie des droits particuliers.

Hydro-Québec souhaite associer les communautés concernées sur la base d'un nouveau partenariat à ces projets hydroélectriques. Ces projets seront entrepris en vertu des trois conditions dont je vous parlais il y a un instant. C'est ce partenariat qui vise en premier lieu à définir conjointement la configuration de ces projets, à en assurer l'acceptabilité environnementale, parce qu'on sait que ces projets ne pourraient être réalisés sans assurer cette acceptabilité environnementale. Également, ce partenariat vise à valider les bases économiques, parce qu'on opère aujourd'hui dans un marché où les développements que l'on réalise sont des développements qui doivent résister au test des marchés. Ce partenariat vise également à optimiser les retombées économiques du projet au niveau local – Hydro-Québec est bien consciente du rôle qu'elle joue à titre de société d'État à vocation commerciale – par la création d'emplois et l'achat de biens et services. Il vise enfin à engendrer – le partenariat – des bénéfices directs pour les partenaires du projet, que ce soit par une participation directe à la propriété des ouvrages, par le versement de compensations ou autrement.

(17 h 10)

Le dernier point, ici, est important. L'entreprise soumet à cette commission que, comme pour la construction du complexe La Grande, une oeuvre majeure qui s'est étalée sur près de deux décennies, toutes les communautés situées dans la région et dans les régions limitrophes pourront bénéficier des retombées économiques considérables de projets potentiels, projets qui, je le mentionnais il y a un instant, représentent des milliards de dollars d'investissement. À ce titre, la réalisation de nouveaux projets hydroélectriques dans la région Nord-du-Québec représente très certainement pour Hydro-Québec la contribution la plus significative que l'entreprise puisse faire au développement économique de cette importante région. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Est-ce que vous avez d'autres commentaires?

M. Vandal (Thierry): Non.

Le Président (M. Duguay): Ça va? Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, M. Vandal. Ça va nous donner plus de temps pour vous questionner. Première question. Tout d'abord, une observation. Dans vos propos, vous argumentez comme si Chibougamau, si Chapais, si Lebel-sur-Quévillon, ça n'existait pas, ça, avant la Convention de la Baie James. J'aimerais savoir pourquoi vous omettez ce fait. Parce que c'est une omission, à mon point de vue, qui est grave. Indépendamment du fait que les villes enclavées étaient exclues de la signature de la Convention, il reste que c'est du monde qui vit là, qui tente de s'arracher là, de créer, puis de développer. Est-ce que c'est volontairement que vous l'avez fait?

M. Vandal (Thierry): M. le ministre, comme vous le savez, l'approche qui est mise de l'avant par Hydro-Québec, ces dernières années, en termes de son développement, est une approche qui est justement tout à fait contraire à un processus d'exclusion. On en est arrivé à la conclusion, comme vous le savez, et c'est au coeur du plan stratégique qu'on a mis de l'avant, que l'ère du développement qui se faisait sur la base de l'exclusion des uns ou des autres était révolue. Et, dans ce sens-là, on est profondément convaincu que la seule façon dont on va pouvoir réussir de nouveaux développements dans la région Nord-du-Québec, c'est en s'assurant de l'inclusion de tous, l'inclusion, bien sûr, dans le contexte des engagements contractés, dans le contexte de la réalité du territoire. Et, dans ce sens-là, loin de nous l'idée d'exclure quelque région que ce soit.

On a pris le soin – peut-être pas suffisamment, selon la lecture que vous en faites – de référer à ces régions limitrophes, régions limitrophes qui sont peut-être un petit peu oubliées, lorsqu'on parle par exemple du mode de commutation versus le mode de résidence, régions limitrophes que l'on croisent régulièrement. Je peux vous dire qu'à chaque fois qu'on se déplace dans la région Nord-du-Québec ça se fait avec des arrêts à Chibougamau, par exemple. Et, à Chibougamau, les gens qu'on rencontre là – lorsqu'on leur parle de ce qui serait le plus significatif pour eux venant d'Hydro-Québec, bien sûr, en termes de retombées, en termes d'impact – ils nous parlent des projets. Ces gens-là ont connu l'époque des grands projets et, à moins, encore là... Il ne s'agit pas d'un sondage scientifique, mais il semble y avoir une belle unanimité dans les contacts que l'on a avec ces gens dans les régions – par exemple, celle de Chibougamau – à l'effet qu'on est dû pour du développement. Puis du développement, ça ferait du bien à tout le monde.

M. Chevrette: Ça, je ne nie pas ça, je suis d'accord avec ça puis je suis sûr que ça va apporter de l'eau au moulin. Mais je n'ai pas senti, hier, que les gens de Chibougamau, ni de Matagami, ni de Lebel-sur-Quévillon, ni de... Chapais était très, très heureuse de la participation d'Hydro-Québec au développement de la région 10, de la région du Nord, dans le sens suivant. Je pense que vous semblez même interpréter que le développement est soumis à une seule communauté, qui serait la communauté crie, dans votre mémoire. Et c'est un peu ce qu'a essayé de nous dire à peu près tout le monde qui est passé devant nous. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Vandal (Thierry): Encore là, comme vous le savez, l'approche qui a été mise de l'avant dans le plan stratégique est une approche d'inclusion. On réfère, dans cette approche-là, à trois conditions. Une de ces conditions-là – je vous fais grâce des deux premières, parce qu'on en a parlé – c'est que ces projets-là soient accueillis favorablement par les communautés locales concernées.

Et, si je prends l'exemple... On parle, en ce moment, d'un projet, par exemple, dans la région de Betsiamites. À Betsiamites, il y a les MRC qui sont impliquées et avec lesquelles on a eu des échanges qui ont été fructueux. Et on espère que des échanges aussi fructueux pourront avoir lieu avec les communautés autochtones, de manière à ce que tous les partenaires qui sont les partenaires naturels de ces projets-là puissent se joindre à un partenariat, un partenariat que l'entreprise vise à mettre de l'avant sur une base de société en commandite. Donc, c'est une approche d'inclusion.

Lorsqu'on parle de projets, parlons de choses spécifiques, si vous voulez bien, plutôt que de théories, parlons d'un projet spécifique, ici. Vous n'êtes pas sans le savoir, j'en ai moi-même parlé dans cette salle il y a quelques mois, il y a un projet qui s'appelle le projet EM 1/Rupert. De tous les projets qui existent dans les carnets d'Hydro-Québec sur le territoire québécois – et là j'exclus le projet Churchill – c'est le projet le plus significatif. Alors, je veux dire, s'il y en a un qu'on doit réussir et qu'on doit bien réussir, c'est bien le projet EM 1/Rupert.

Or, ce projet-là est situé à l'intérieur du territoire de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et cette Convention-là, comme vous le savez, confère aux nations cries et inuit... Dans ce cas présent, on est en-deçà du 55e parallèle, donc on est en territoire où la Convention confère des droits aux nations cries. On est dans les territoires qui sont des territoires de trappage, des territoires où il y a une présence, une activité de la part de quatre communautés cries, principalement: la communauté d'Eastmain, c'est bien certain, l'eau d'Eastmain, ultimement, traverse la communauté d'Eastmain; la communauté de Mistissini, qui est à la tête du bassin versant qu'on vise à aménager et qui verrait, sur des zones de trappage qui sont activement utilisées aujourd'hui, un certain ennoiement; et, dans le milieu de ça, la nation crie de Nemiscau, une nation crie qui, comme vous le savez, s'est vue déplacée à l'époque où on discutait du projet NBR; et, finalement, au bout de tout ça – parce qu'on a joint au projet EM 1/Rupert la dimension Rupert – la communauté Fort-Rupert, aujourd'hui appelée Waskaganish, qui se verrait réduire le débit de la rivière Rupert – la rivière Waskaganishsibi – par un montant de l'ordre de 50 % à 60 %.

Donc, il est évident, à la face même de toutes les parties ici – elles sont de bonne foi, et on est ici dans le régime de la bonne foi – que ces nations-là, ces communautés-là, sont des partenaires obligés d'un développement. On ne répétera pas l'expérience Grande-Baleine, et ça, c'est un engagement de l'entreprise, de ses gestionnaires. On n'essaiera pas de faire un développement, qui, ultimement, coûte à l'ensemble des Québécois 500 000 000 $ en frais qui n'ont conduit à aucun aménagement, contre l'acceptabilité et contre des relations de partenariat qui sont à établir – et ça, je pense qu'il y a un large consensus – avec les nations cries.

Est-ce que ces projets-là vont avoir des retombées dans les régions limitrophes? Bien, c'est bien évident. On ne peut pas réaliser 2 500 000 000 $ de projets sur le territoire de la Baie-James sans que les manufacturiers, qu'ils soient dans la grande région métropolitaine de Montréal, dans la grande région de Québec, à travers tout le Québec, que ça soit des entrepreneurs qui viennent de la Beauce, des entrepreneurs qui viennent de l'Outaouais, etc., et des régions limitrophes, le Saguenay et l'Abitibi, sans que ces régions-là en bénéficient au premier chef.

M. Chevrette: Oui, mais là je vais vous arrêter, parce que, si vous prenez tout mon temps, je ne pourrai plus questionner. Vous savez qu'il vit, au Grand Nord, au moins 20 000 personnes de la communauté blanche. Vous savez qu'il y a des entreprises qui se sont établies là. Je veux bien croire qu'au premier chef l'Abitibi et le Saguenay–Lac-Saint-Jean ont le droit de connaître des retombées comme régions limitrophes, mais, au premier chef, on «peut-u» donner le droit également à ceux qui vivent sur ce territoire un accès au travail?

Le maire de Chapais est venu raconter qu'un de ses travailleurs part de chez eux, s'en va à Chibougamau, le matin, il rembarque avec vous autres, là, puis vous le repassez devant Chapais pour aller au travail. Vous ne trouvez pas ça fou, un peu? Vous ne trouvez pas ça niaiseux, cette affaire-là? Moi, je trouve ça stupide à mort.

M. Vandal (Thierry): Je pense que, si j'interprète bien votre question, M. le ministre, vous parlez ici du mode ou, enfin, des pratiques associées au mode de commutation.

M. Chevrette: Oui, oui, on va retourner à Rouyn, après, puis on va aller à Bagotville.

M. Vandal (Thierry): ...peut-être demander à mon collègue...

M. Chevrette: Mais là on va commencer par Chapais. J'ai pris l'engagement de questionner à leur place, parce qu'ils n'ont pas eu votre mémoire.

(17 h 20)

M. Vandal (Thierry): Là-dessus, je tiens juste à souligner que, effectivement, le mémoire a été déposé à cette commission quelque peu tardivement. On a voulu, par respect pour le ministre, que le ministre puisse en être saisi auparavant. Donc, vous nous excuserez du dépôt tardif.

M. Chevrette: Non, mais, pour eux autres, ils voulaient questionner puis, comme vous êtes les derniers quasiment... Il va rester les Cris, je pense, à questionner, et puis un autre groupe. Il y a deux groupes. Le Fonds de solidarité de la FTQ va témoigner mardi.

M. Ouellet (Ghislain): M. le ministre, effectivement, la façon dont ça fonctionne sur le territoire de la Baie-James, comme vous le savez très bien, c'est que c'est un mode de 8-6, et le mode 8-6 implique que, à un moment donné, il faut partir de certains quartiers généraux. Alors, ces quartiers généraux là ont été décidés ça fait quand même plusieurs années; c'est au début des années quatre-vingt que ce mode-là a été implanté.

Et rappelez-vous qu'à l'époque lorsqu'on travaillait sur le territoire de la Baie-James, les gens partaient carrément de Montréal. C'est à la demande, justement, et dans le but de faire du développement régional, qu'il y a eu, à cette époque-là, des pôles qui ont été créés, un en Abitibi, soit Rouyn-Noranda, et un autre au Saguenay, soit Bagotville. Et ce qui était prévu à ce moment-là et convenu, c'est que les gens de l'Abitibi-Témiscamingue rejoindraient le point d'ancrage, qui était l'aéroport de Rouyn-Noranda, en l'occurrence, pour les gens de l'Abitibi, et la même chose pour les gens du Saguenay, qui rejoignaient le pôle de Bagotville. Et ces gens-là pouvaient prendre l'avion et aller travailler soit à LG 2, à LG 3, selon le cas, ou à LG 4, selon un autre cas aussi, O.K.?

Alors, c'est dans ce sens-là que tous les gens de l'Abitibi qui viennent de La Sarre, de Rouyn-Noranda, du Témiscamingue ou de Senneterre, ou ainsi de suite, se regroupaient et venaient à l'aéroport pour qu'on puisse les transiter du côté de l'aéroport de La Grande Rivière, qui est situé tout près du village de Radisson. Alors, c'est pour cette raison que des gens de la région convergent vers ce point-là.

Maintenant, c'est évident que, étant donné qu'on a un transport aérien, on ne peut pas, évidemment, faire une espèce de transport comme on pourrait le faire théoriquement en autobus, on ne peut pas aller partout, parce qu'il y a des coûts qui sont inhérents au transport aérien, d'une part, des coûts aussi qui sont inhérents au temps de transport, sur l'ensemble des gens. Ça, c'est pour le transport dans le Nord.

En ce qui concerne l'aspect Chibougamau, bien, vous le savez qu'on a un centre de services à Chibougamau dans lequel on fait des activités depuis énormément d'années. Tout à l'heure, vous mentionniez: Est-ce que les gens de la région 10 ont le droit de profiter des installations d'Hydro-Québec et du développement économique que ça, ça crée? Thierry, tout à l'heure, mentionnait qu'effectivement les nouveaux projets vont amener du développement économique. Il ne faut pas oublier aussi qu'en mode d'exploitation aussi, ça a amené des emplois.

À Chibougamau, présentement, il y a beaucoup de personnes qui sont dédiées aux opérations du réseau 700 kV, il y a beaucoup de personnes qui sont dédiées à l'entretien des postes 700 kV, et ainsi de suite, et ces emplois-là n'auraient jamais existé si on n'avait pas eu le développement de la Baie-James. Et c'est la même chose, évidemment, du côté de Radisson.

M. Chevrette: Vous avez fait une étude, en 1995.

M. Ouellet (Ghislain): Pardon?

M. Chevrette: Vous avez fait une étude, en 1995.

M. Ouellet (Ghislain): Oui.

M. Chevrette: Qui, selon vous, démontre que c'est moins dispendieux, faire de la commutation que de la résidence. Reconnaissez-vous que, dans votre étude, vous ne tenez pas compte des coûts de la circulation aérienne ou des transports aériens et vous ne tenez pas compte non plus des résidences et de coûts d'hébergement?

M. Ouellet (Ghislain): Le transport aérien est compris dans l'étude, il était inclus dans l'étude, l'amortissement des résidences aussi. Évidemment, si on changeait le mode carrément, la résidence devrait être modifiée.

M. Chevrette: Accepteriez-vous de confronter vos données avec un expert?

M. Ouellet (Ghislain): Absolument. Sauf erreur de ma part, mais...

M. Chevrette: Parce que nous, on a fait gratter ça, très honnêtement, puis il y a une série de choses qui ne seraient pas tenues en compte.

M. Ouellet (Ghislain): En fait, cette étude-là...

M. Chevrette: C'est comme quand vous faites un barrage, M. Ouellet, puis que vous ne tenez pas compte du coût des études, vous pouvez arriver à un coût du kilowattheure qui est bien différent.

Par exemple, Grande-Baleine, si on l'amorti comme on est parti pour l'amortir, 550 000 000 $ d'études, de recherches de tous genres qu'on va payer probablement avant qu'il ne soit fait, quand on va arriver pour bâtir Grande-Baleine, vous allez dire: Il coûte 3 000 000 000 $, mais on ne tiendra pas compte du 550 000 000 $ qui a été dépensé antérieurement. Ça change complètement les données de base. Est-ce que vous tenez compte de tous les facteurs, dans votre étude de 1995? Je voudrais avoir cette affirmation-là de votre part.

M. Ouellet (Ghislain): Écoutez, je n'ai pas relu l'étude dernièrement, bien sûr. Cependant, à ma connaissance, à ma souvenance, on tentait de faire une étude de telle sorte qu'on tenait compte de l'ensemble de nos coûts. Or, il est possible qu'on se soit trompé. On avait déposé notre étude à votre prédécesseur et, à l'époque, on s'attendait à avoir des discussions à ce niveau-là. Mais je ne pense pas qu'il y ait eu de discussions très élaborées sur ce rapport-là. Alors, il est possible...

M. Chevrette: On a fait gratter ça, nous autres, M. Ouellet, puis on dit ceci: «On ne retrouve pas dans cette étude de 1995 les coûts d'exploitation du service aérien ni les coûts d'entretien des chambres des travailleurs ni le coût du maintien de résidences inoccupées, qui sont des paramètres majeurs d'appréciation de la rentabilité d'une opération de commutation aérienne par rapport à une opération basée sur la résidence.» Est-ce que vous pouvez nier ça ou confirmer ça?

M. Ouellet (Ghislain): Comme je viens de vous le dire, je n'ai pas relu l'étude dernièrement à ce sujet. Moi, j'avais le sentiment et l'impression qu'on tenait compte de ces facteurs-là. Alors, je pourrai les vérifier, les confronter, les discuter avec qui vous souhaitez. Mais, d'après moi, c'est évident qu'il faut tenir compte des coûts de l'ensemble, si on veut faire une comparaison qui est équitable.

M. Chevrette: Donc, on peut mettre quelqu'un en contact avec vous autres pour avoir la confirmation de cela? Et je prends l'engagement d'en informer les membres de la commission.

M. Ouellet (Ghislain): Si vous permettez aussi, dans l'étude, il y avait plusieurs autres facteurs qui étaient analysés dont, entre autres, l'impact qu'un mode résident dans le Nord pouvait avoir, d'une part, sur les régions limitrophes. Et je vous rappelle qu'à l'époque lorsqu'on a décidé de faire de la commutation, c'était dans le but de développer les régions, l'Abitibi-Témiscamingue ainsi que la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Et ça, c'était la volonté, je pense, politique de l'époque. Et ça a eu un impact énorme sur ces deux régions-là. Alors qu'au départ si je prends, par exemple, la région de l'Abitibi, au début du mode 8-6, en 1984, il y avait seulement 13 % des effectifs qui provenaient de l'Abitibi qui travaillaient à la Baie-James, alors qu'aujourd'hui c'est de l'ordre de peut-être 30 %. O.K.? Il faut le moduler...

M. Chevrette: Parce que, en parallèle, vous avez... Juste 30 secondes.

M. Ouellet (Ghislain): ...un petit peu parce qu'il y a des gens qui passent en dessous de l'avion...

M. Chevrette: Je vais vous arrêter un tantinet.

M. Ouellet (Ghislain): Oui.

M. Chevrette: Pouvez-vous me dire, du même souffle, combien il y avait de monde à Chibougamau qui travaillait à la Baie-James puis qui ne reste plus là précisément à cause de votre politique?

M. Ouellet (Ghislain): À cette époque-là?

M. Chevrette: Oui.

M. Ouellet (Ghislain): À cette époque-là, je ne peux pas vous dire combien il y avait de gens de Chibougamau qui travaillaient...

M. Chevrette: C'est parce qu'on a parlé de ne pas déshabiller ti-Pierre pour habiller ti-Jean. Mais là on est après déshabiller ti-Luc, ti-Pierre puis ti-Jean au profit de...

M. Ouellet (Ghislain): Je m'excuse, mais il demeure qu'actuellement si on regarde le mode d'exploitation actuel, les gens de Chibougamau viennent de prendre, depuis à peu près un an, un an et demi, l'exploitation du poste de Nemiscau, comme telle. Ça a eu comme conséquence que des cadres qui étaient auparavant soit en commutation vers l'Abitibi ou Montréal – je ne sais pas les cas... Maintenant il y a des cadres qui résident à Chibougamau pour gérer l'installation qui s'appelle le poste Nemiscau, ce qui n'était pas le cas auparavant.

M. Chevrette: Une autre question assez rapide. Vous faites la distinction entre un comité de retombées économiques sur un chantier par rapport à un comité de retombées économiques par rapport à l'exploitation. En d'autres mots, vous dites: Ce n'est pas pareil, quand on travaille sur le développement économique, lorsqu'on a un chantier en construction, par rapport à un comité de retombées économiques, lorsqu'il s'agit exclusivement d'exploitation. Je suppose que votre exploitation va être sur de l'équipement pendant 100 ans ou presque, dans le Nord?

M. Ouellet (Ghislain): Oui.

(17 h 30)

M. Chevrette: Concrètement, mis à part la mise en chantier de grands projets, comment voyez-vous votre rôle dans le développement économique d'une région comme celle du Nord, où vous avez des équipements majeurs et où vous avez quand même 700... Le nombre varie, devant nous. Le syndicat dit 700 employés, si j'ai bien compris. il y en a d'autres qui parlent de 800, d'autres qui parlent de 850, d'autres qui parlent de 900, d'autres qui parlent de 947. Je ne sais plus quel chiffre. Mais faisons une moyenne entre 700 et 947, on ne doit pas être loin de 800 et quelque chose.

Quel est votre rôle pour le développement économique de cette région reconnue officiellement depuis deux ans, mais officieusement depuis des décennies et des décennies, une bonne grosse décennie, puis depuis 30, 40 ans quand on regarde Lebel-sur-Quévillon, puis qu'on regarde Chapais, puis qu'on regarde Chibougamau? Comment vous voyez votre rôle?

M. Vandal (Thierry): Si je peux me permettre, M. le ministre. Le rôle le plus significatif, et je pense qu'il faut vraiment revenir là-dessus, parce que là on parle d'ordres de grandeur qui sont significativement différents... La réalité de notre métier – puis là il faut quand même qu'on tienne compte de la réalité du métier – notre métier, c'est l'hydroélectricité. On est Hydro-Québec; notre métier, c'est l'hydroélectricité. L'hydroélectricité, c'est quelque chose qui est intensif en capital, donc qui est intensif durant une période qui est une période relativement courte. Un projet hydroélectrique, c'est quelque chose qui peut se réaliser sur une période de, par exemple, cinq ans. Donc, on a un rôle, si on parle d'une région comme le Nord-du-Québec, qui est un rôle très, disons, intensif durant des périodes qui sont des périodes de réalisation de grands ouvrages lourds en capitaux. Mais la réalité également de notre métier, l'hydroélectricité, c'est que, durant les phases d'exploitation, les ressources requises en mode d'exploitation, et c'est pour ça que l'hydroélectricité compte parmi les sources d'énergie les plus avantageuses sur la planète, c'est quelque chose qui est extrêmement attrayant, c'est une ressource qui est renouvelable, c'est une ressource qui, en termes d'exploitation, est relativement peu coûteuse. Alors, ça, c'est une réalité, une réalité qui est incontournable.

Par ailleurs, il est clair que, quand on entre dans une région pour réaliser des ouvrages, il y a des infrastructures qui se développent. Si, aujourd'hui, il y a un aéroport à LG 2, Radisson, c'est parce qu'un jour on a été faire un projet. S'il y a des routes qui s'établissent, des routes qui, ultimement, par la suite, peuvent servir les différentes communautés, c'est, encore là, parce qu'un jour on est entré là pour faire des ouvrages. Donc, il y a des infrastructures qui se développent, mais, encore là, on développe des infrastructures dans le contexte où c'est associé très directement à nos projets.

Par la suite, on exploite. Et, durant les périodes d'exploitation, on achète des biens et services. Encore là, il faut être conscient d'une réalité: la réalité, c'est qu'on a signé une convention, qui s'appelle la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qui comporte des dispositions; par exemple, l'article 8.14 qui prévoit des mesures préférentielles – le mot «préférentielles», je veux dire, fait partie de la Convention – pour favoriser l'achat de biens et services auprès des entreprises et des bandes cries. C'est une réalité. C'est un document qu'on a signé, tous ensemble, en 1975. Donc, c'est à l'intérieur de cette réalité-là qu'on peut jouer un rôle. Mais c'est un rôle qui est très tributaire – et ça, c'est une dure réalité – du succès qu'on va avoir à réaliser d'autres développements. C'est bien certain que, s'il n'y a pas d'autres développements qui se réalisent dans la région Nord-du-Québec, notre rôle va être un rôle fort limité.

Le Président (M. Duguay): Ça va?

M. Chevrette: Je n'ai pas le choix...

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre.

M. Chevrette: Je n'ai pas le choix, je n'ai plus de temps.

Le Président (M. Duguay): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de souhaiter la bienvenue à l'État dans l'État. C'est un peu comme ça qu'on qualifie Hydro-Québec. Le ministre, tantôt, lui-même disait que c'était... enfin, c'est probablement la seule société d'État qu'on a qui est capable de justifier l'impossible. Je veux partir avec ça, parce que je veux vraiment vous rendre compte du climat qui existe à votre endroit dans la région du Nord.

Moi, j'ai juste un regret face à cette commission, c'est qu'on n'ait pas la chance d'asseoir à la même table que vous ceux qui vous ont précédés. Ce serait de nature, au contact du choc des idées, à voir comment Hydro-Québec peut répondre à cette agression qu'on ressent dans le milieu. Vous donnez nettement l'impression, en tout cas – et là je ne fais pas parler les autres, je fais parler l'interprétation que je donne des gens qui sont venus nous rencontrer pour nous parler en bonne partie de vous autres – d'une attitude qui, trop souvent, est nonchalante à l'endroit du milieu, une attitude de conquérant que vous avez gardée dans cette région-là, trop souvent de fermeture à l'endroit du milieu, d'indépendance, de manque de collaboration – ça, on l'a entendu fréquemment dans les mémoires. Même, au niveau de Radisson, tantôt, on vous a presque accusés d'asphyxier le milieu si vous continuez dans la lignée ou dans l'optique que vous faites actuellement. Je n'exagère pas en vous disant ça. C'est des choses qui sont... c'est un peu les termes qui sont utilisés pour décrire votre action dans cette région. Parce que c'est une vraie région, hein. Il ne faut pas l'oublier. Et conséquemment, quand vous êtes un joueur majeur, il nous apparaît important de pouvoir cerner quel pourrait être le rôle que vous pourriez jouer de façon un peu plus déterminante pour le milieu, en tenant compte de plusieurs balises auxquelles vous avez fait allusion tantôt.

Vous me permettrez d'abord, au sujet de l'étude de 1995, de vous demander s'il va être possible d'en obtenir le dépôt afin qu'on puisse la regarder. Vous dire aussi qu'il m'apparaît que cet outil-là, s'il est mis à jour, devrait devenir un outil davantage crédible. Et je rejoins le ministre, quand il disait: Accepteriez-vous que des experts se joignent à vous? moi, je dirais que oui, ne serait-ce que pour lui donner le niveau de crédibilité dont on a besoin pour porter un jugement de valeur dessus. Alors, je ne sais pas, M. le Président, si vous pouvez vérifier avec quelqu'un, mais l'étude, moi, j'aimerais que la commission convienne que les membres de la commission pourront en obtenir une copie.

M. Vandal (Thierry): Pas de problème.

M. Vallières: Oui? Ce sera possible?

M. Vandal (Thierry): Sans difficulté.

M. Vallières: Alors, je vais à ce moment-ci passer aux questions. Dans le mémoire que vous nous avez présenté, il y a beaucoup de choses qui font allusion à Hydro-Québec constructeur de chantiers. On dirait que vous n'êtes pas décrochés encore de ça. Vous parlez d'impact économique beaucoup pour le Nord, mais toujours en fonction des grands chantiers à venir. On a soulevé la dimension, une autre dimension qui est celle qu'Hydro-Québec passe en mode d'exploitation d'une ressource renouvelable sur le territoire. D'abord, quand vous nous dites que vous êtes prêts à travailler en partenariat, à contribuer en partenariat avec cette région-là, est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus sur les moyens que vous pensez pouvoir privilégier afin qu'on puisse mesurer les résultats obtenus de cette collaboration que vous offrez au milieu? Votre mémoire, ça n'a pas été lu tantôt, mais faisait allusion à des mesures d'optimisation des retombées économiques régionales que vous avez mises en place. J'aimerais que vous me parliez de ce que ça a donné comme résultat à ce jour. Et puis j'aurai d'autres questions ensuite.

M. Vandal (Thierry): Peut-être, si vous permettez, M. le député, une réponse au préalable puis je vais passer, après ça, la parole à mon collègue.

D'abord, sur l'introduction que vous avez faite, disons, cette perception qu'ont les gens des régions, auxquels vous référez, quant à l'attitude d'Hydro-Québec, soyez assuré qu'Hydro-Québec est parfaitement consciente qu'elle a un devoir à titre de société d'État à vocation commerciale. Tous les gens auxquels vous référez sont à la fois des partenaires, mais également des clients d'Hydro-Québec. Et, à ce titre-là, on ne peut pas se permettre – on en est bien, bien conscient – que des perceptions comme celle-là soient nourries par une réalité, une réalité qui – et là je vous rappelle mes propos d'introduction... on vise l'inclusion, on vise une approche de partenariat, et on va le faire également – puis ça, c'est un devoir que l'on se donne – on va le faire en vous donnant également l'heure juste puis en se situant dans le camp de la réalité.

Et le camp de la réalité, c'est qu'on a beau vouloir parler de l'exploitation, moi, j'ai le devoir de vous dire que là où Hydro-Québec, par le passé – parce qu'on a ici une expérience de 20, 30 ans minimum – là où on a pu avoir le plus de contributions, c'est lorsqu'il y a eu les grands chantiers, les grands travaux. Alors, ce n'est pas parce qu'on a une nostalgie dans l'entreprise de réaliser ça. C'est parce que, un, ça peut être rentable de le faire parce qu'il y a des marchés pour le faire, parce qu'on a une obligation de servir les besoins des Québécois, les besoins commerciaux des Québécois, que ce soient les résidentiels, les commerciaux ou les industriels; que ça, ça contribue au développement économique de toutes les régions, les alumineries en étant un bon exemple; et que, par ailleurs, en plus donc de desservir les besoins des Québécois, les besoins qui permettent à l'économie québécoise de se développer sur la base d'une richesse locale, d'une richesse énergétique de très grande valeur, en plus, ça a des retombées importantes durant les phases de construction. Alors, ce n'est pas par nostalgie, mais c'est bien par pragmatisme, ici, que je vous parle de l'opportunité qui se présente à nous d'envisager des nouveaux projets. Mais j'ai également le devoir de vous dire que ça, ce n'est possible qu'à certaines conditions, puis une de ces conditions-là – je me permets d'insister, si vous permettez – une de ces conditions-là, c'est le partenariat et c'est l'inclusion, l'inclusion de partenaires, des partenaires cris.

(17 h 40)

Pour ce qui est des mesures, pour une compréhension plus exacte des retombées, je pourrais passer la parole à mon collègue Ghislain.

M. Ouellet (Ghislain): Oui. Donc, peut-être voir ça en deux volets: d'abord, en termes d'employés ou d'effectifs travaillant sur le territoire et, aussi, en termes de retombées économiques par rapport à des achats qu'on fait sur le territoire.

Je vais donner un petit exemple de ce qui s'est passé. Si vous regardez dans l'étude de 1995, effectivement, qu'Hydro-Québec a faite, à l'époque, de mémoire, on faisait état qu'il y avait à peu près sept résidents à Radisson. En 1996, on avait 14 résidents. Puis, cette année, on pense que, vers la fin de l'année, parce qu'il y a encore des mouvements qui se passent, ça va être de l'ordre d'à peu près 30 résidents là-bas. Donc, ça, c'est suite à des actions qui ont été faites pour faire en sorte qu'il y ait des retombées économiques sur le territoire. Bien sûr que les gens qui sont là, ils sont là sur une base volontaire, pour le personnel syndiqué, et, pour le personnel de gestion, ça permet de mieux encadrer le cycle de gestion sur l'ensemble d'un territoire. O.K. C'est la même chose au niveau des statistiques. Donc, c'est les ordres de grandeur. Vous voyez que ça a progressé de façon significative.

Si je regarde maintenant les mesures qui ont été prises suite, justement, à des discussions qui ont eu lieu par rapport à des retombées économiques, et ainsi de suite, on a, depuis le rapport du groupe de travail de 1996, pris des actions pour modifier nos façons de faire des achats dans le milieu. On a effectivement – ce qui n'était pas le cas dans le passé – depuis à peu près un an et demi, isolé la région 10 pour en faire une région autonome, alors qu'auparavant le mode de gestion des achats était intégré dans les régions limitrophes. C'est ce qui a fait qu'à un moment donné, dans les procédures d'achats... Maintenant, il y a des procédures d'achats qui font en sorte qu'on met le focus sur des fournisseurs qui proviennent directement de ces milieux-là. On a augmenté dans les régions le niveau d'achats sans aller à des appels d'offres généraux. Auparavant, il y avait une limite qui était située à 100 000 $; maintenant, on a monté cette limite-là à 350 000 $, de sorte que des achats, maintenant, peuvent être encore plus ciblés à l'intérieur de certaines régions.

Si je regarde, par exemple, les chiffres de 1997, nos besoins d'achats globaux dans le territoire de la région 10, donc principalement sur l'ensemble du territoire de la Baie-James, on a eu des besoins d'achats de l'ordre d'à peu près 55 000 000 $. De ce 55 000 000 $, dans les opérations... Évidemment, on ne parle pas de milliards parce que les milliards, c'est dans les phases de construction. Dans les opérations, c'est beaucoup plus modeste. De ça, on en a environ 20 000 000 $ qui ont été dépensés dans la région 10. Donc, c'est 35 % de nos dépenses d'achats qui ont eu une répercussion directement dans le milieu. Les acheteurs... autrement dit, les fournisseurs provenaient de ce milieu-là, et il y a quelques fournisseurs de l'extérieur que j'ajoute là-dedans – et je vais expliquer pour quelle raison – c'est, par exemple, Cree Construction, comme on sait, qui a beaucoup d'interventions dans le Nord, mais dont le siège social est situé à Montréal. Mais, si on tient compte de l'ensemble de tout ça, ce n'est quand même pas banal, 35 % de nos activités d'achats, nos besoins d'achats sont faits dans le milieu.

Maintenant, lorsqu'on parle d'achats dans le milieu puis qu'on a ciblé les achats dans la région, on a aussi distingué les achats qui se faisaient dans le nord de la région et dans le sud de la région, comme Radisson, bien sûr, puis Chibougamau, parce qu'on sait très bien que, même si c'est dans la même région, la région est tellement immense que des fournisseurs ne peuvent pas nécessairement facilement se déplacer d'une place à l'autre sans avoir des coûts de transport qui sont énormes. Alors, on a, comme on le dit dans notre mémoire comme tel, au cours des dernières années, eu 11 marchés qui ont été proposés et, de ces marchés-là, on a eu des propositions qui ont été acceptées, cinq propositions. Autrement dit, ça signifie que, bien souvent dans l'achat de biens et services, il n'y a pas de fournisseurs dans la région pour faire en sorte qu'on achète dans la région.

Ceci dit, je pense que les politiques qui ont été mises de l'avant favorisent à ce qu'il y ait un développement dans ce sens-là. Pour prendre un exemple concret, on a fractionné les contrats qu'on avait au niveau de la conciergerie puis des contrats d'alimentation. Auparavant, on avait des contrats plus globalisés. On a fractionné ça par site, LG 2, LG 3, LG 4; on a fractionné l'alimentation et la conciergerie, ce qui a fait que, en faisant des actions comme celle-là, on a pu octroyer un contrat, voilà environ deux ans, à une entreprise locale de Radisson, en l'occurrence Aljanet, qui fait l'entretien ménager de la centrale LG 2 et LG 2A. Alors, on a eu un impact direct: il y a une entreprise, qui est localisée à Radisson, qui a maintenant un contrat par nos politiques d'achats et qui emploie des gens dans le milieu. O.K.

Je pourrais rajouter, en plus de ça, que le milieu a souvent mentionné qu'Hydro-Québec ne favorisait pas que les gens demeurent sur place. On a établi que, lorsqu'on a des contrats et qu'il y a des fournisseurs locaux, on ne fera plus l'action qu'on faisait dans le passé, c'est-à-dire de payer le gîte et couvert et le transport au Nord de personnes qui venaient de l'extérieur de la région. On ne le fera plus lorsqu'il y a des fournisseurs de la région. Lorsqu'il n'y a pas de fournisseurs de la région, on va continuer à le faire parce qu'il est économique pour l'entreprise de le faire dans ce sens-ci. Lorsqu'on prend quelqu'un qui travaille, par exemple, chez GEC Alsthom, ici, dans la région métropolitaine de Montréal, et puis que c'est un spécialiste de grands équipements comme les transformateurs, bien sûr qu'il est bien plus économique pour Hydro-Québec de lui payer la nourriture et de le faire rester dans nos résidences qu'on possède que d'aller le faire coucher à l'hôtel et de le faire manger à l'hôtel, bien sûr. Alors, c'est dans ces sens-là que je pense qu'on a un impact positif.

M. Vallières: Plus on vous entend parler, plus on a l'impression que vous êtes en train de devenir bons. C'est drôle que ça détonne par rapport à ce qu'on a entendu. C'est pour ça que je vous disais que, si on avait une table permettant aux gens de venir vous dire ce qu'ils pensent de ça... C'est que, nous, on a des messages qui sont à l'opposé de ce que vous nous dites présentement.

Vous avez parlé d'un bilan des retombées économiques des activités pour 1997. Il y a un rapport qui serait établi là-dessus. Est-ce que vous pouvez vous engager à le remettre aux membres de la commission?

M. Ouellet (Ghislain): Oui, on pourrait effectivement.

M. Vallières: Bien. Quand je vous parlais tantôt... M. Vandal parlait qu'il ne voulait pas s'accrocher au passé, mais, justement, les gens qui sont venus nous voir en commission nous disent que, dans le présent... Hydro-Québec, vous exploitez une ressource qui est renouvelable et on veut savoir, comme citoyen corporatif, dans une région donnée... Les gens nous disent que c'est une foule de petites choses qui font en sorte que la perception, puis la réaction des gens, est comme elle est.

Entre autres, la commission scolaire de la Baie-James est venue nous raconter un fait aujourd'hui – peut-être les avez-vous entendus – où on nous disait que, pour relier leurs écoles à un serveur, pour avoir accès à Internet, ils auraient demandé à Hydro-Québec, exemple, d'utiliser vos installations, des poteaux, des fils optiques, puis Hydro-Québec nous a dit non. J'ai demandé: Bien, pourquoi Hydro-Québec vous aurait dit non à utiliser ses poteaux? Franchement! Bien, c'est qu'il semble que leurs poteaux, ça leur appartient, puis qu'ils ne veulent pas que tout le monde accroche n'importe quoi, des choses après leurs poteaux. C'est juste un exemple que je vous donne, là. Qu'est-ce qui fait qu'on assiste à des choses comme ça sur le terrain? D'abord, est-ce que c'est véridique? Et, ensuite, est-ce qu'il y a moyen qu'à Hydro-Québec il y ait un changement d'attitude? Quand je vous parlais de conquérant tantôt... C'est les poteaux de tout le monde, ça. Les poteaux d'Hydro-Québec, c'est les poteaux des Québécois et des Québécoises. Pourquoi est-ce que, dans une région donnée, on ne permettrait pas à des gens que vous qualifiez de partenaires... Est-ce que c'est véridique? Puis qu'est-ce que vous voulez faire? Je vous donne un exemple. Probablement que ces gens-là pourraient en étaler toute une série.

M. Vandal (Thierry): Écoutez, un, M. le député, on va très certainement vérifier l'information que vous nous soumettez. Je pense qu'on a encore là une responsabilité – et j'insiste – comme société d'État à vocation commerciale, de donner des réponses qui sont des réponses plus complètes que: C'est nos poteaux et on ne veut pas. Il peut y avoir des bonnes raisons – et là je ne suis pas un spécialiste des télécoms – pour lesquelles, d'un point de vue technique ou pratique, ce n'est pas possible. Mais, ceci étant, je pense que nos partenaires locaux et internationaux, à ce titre-là, méritent une réponse plus complète. Je peux vous dire qu'on est en train, en ce moment, de mettre en place un partenariat en télécoms qui viserait justement à optimiser l'usage des grands réseaux qui appartiennent à Hydro-Québec, et donc à l'ensemble des Québécois, pour en dégager une utilisation plus grande, et que, récemment, j'étais dans une communauté sur le territoire qui souhaite se brancher à ce réseau-là pour pouvoir bénéficier d'un accès à Internet, et donc à l'inforoute. Alors, dans ce contexte-là, vous avez raison, je pense que c'est une réponse qui est très certainement, dans le meilleur des cas, incomplète et qu'on va vouloir vérifier.

(17 h 50)

M. Vallières: Bien.

M. Vandal (Thierry): Ghislain, as-tu quelque chose à ajouter?

M. Vallières: Oui, rapidement, je vois le temps qui passe. C'est parce que, évidemment, quand vous répondez, c'est pris sur notre temps aussi. Je veux juste que vous le sachiez. Donc, essayez de nous répondre rapidement.

M. Ouellet (Ghislain): O.K. Très rapidement. D'abord, lorsqu'on parle des poteaux d'Hydro-Québec, c'est évident que, pour des raisons de sécurité pour les travailleurs, on n'accepte pas que n'importe quoi soit accroché n'importe quand, c'est bien sûr...

M. Vallières: On a compris ça.

M. Ouellet (Ghislain): ...et n'importe où, parce que c'est important. Mais ce n'est pas la raison. Je pense que ça peut aussi être, peut-être, travaillé d'une façon différente.

L'autre élément que je pourrais peut-être avancer, puis je ne suis pas certain, c'est que, bien sûr, lorsqu'on parle de permettre à quelqu'un de s'accrocher sur un poteau d'Hydro-Québec pour aller sur Internet, il y a des compagnies câblos et c'est leur responsabilité. On ne peut pas, nous, peut-être, s'accaparer une responsabilité d'autres entreprises. Alors, ça peut être un élément d'explication, sans être...

M. Vallières: O.K. Ça répond un peu à ma question. C'est qu'on a des normes, encore une fois, hein. Les maudites normes, permettez-moi de vous le dire. On est accroché à ça tout le temps. Il y a des normes à Hydro-Québec qui devraient peut-être changer.

J'ai un autre point à vous souligner. Je veux savoir si votre interprétation est la même que celle que les parlementaires donnent à un ajout qui a été fait dans votre plan stratégique de développement quand la commission dit: «Hydro continuera donc de favoriser, tant dans son développement que dans ses opérations, des activités économiques qui bénéficient aux économies des régions du Québec et aux communautés locales.» Tantôt, le Comité de suivi du rapport du groupe de travail sur l'impact de la présence d'Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec est venu nous dire son interprétation, qu'il donnait à ça, et je veux savoir si c'est la même que vous donnez: «Nous comprenons de ceci que la commission permanente a exprimé la volonté de voir Hydro-Québec proactive envers le développement économique des régions en favorisant des retombées de ses actions vers les régions.» Et la sous-question que je vous poserai, c'est: Comme suite à cette intervention des parlementaires, est-ce que vous vous attendez que cette commission, par le biais des recommandations qu'elle fera, demande au gouvernement d'être davantage clair avec vous sur ce mandat que vous vous verriez confier, d'intervention, de soutien, d'accompagnement au développement économique du Nord-du-Québec?

M. Vandal (Thierry): Écoutez, c'est naturellement fort délicat pour l'entreprise, qui est la propriété de tous les Québécois, de suggérer, là, ce que la commission, ici, devrait décider ou devrait recommander au gouvernement. Mais je peux vous assurer – puis, là-dessus, je pense qu'il faut absolument être clair – que ce mandat de l'entreprise, de favoriser le développement économique sur l'ensemble du territoire du Québec, c'est un mandat que l'on quitte et qui est bien intégré, et qui est intégré vraiment dans le quotidien. Moi, je peux vous dire que c'est rare, les journées... aujourd'hui, j'avais une question qui visait une région, dans l'Abitibi-Témiscamingue; une autre journée, c'est dans la Basse-Côte-Nord. C'est rare, les journées, où, dans le quotidien, on n'est pas justement à l'affût des opportunités pour favoriser ces retombées-là, à l'intérieur des limites qui sont les limites d'une société qui a également un mandat, une politique énergétique très claire, qui est un mandat de rentabilité – on est une société d'État à vocation commerciale – d'équité également à travers l'ensemble de ses clientèles, puis, également, qui a un grand défi devant elle, le défi de perpétuer, de continuer le pacte social qui est en place, ici, dans le domaine énergétique depuis 1962, un pacte qui est appuyé sur des tarifs bas pour les résidentiels, stables et uniformes. Et ce défi-là également, c'est un défi qu'on prend au tout premier chef, là.

M. Vallières: Oui. Peut-être une question assez courte qui, j'espère, donnera une réponse assez courte. C'est parce que, dans le mémoire présenté par Radisson, on nous indique à un endroit, et je cite: «Le maintien des pratiques actuelles d'Hydro-Québec aura raison à court terme de la survie de notre village.» J'aimerais connaître votre réaction à ça. C'est un peu à ça, tantôt, quand je vous parlais qu'on avait l'impression que ces gens-là se sentaient asphyxiés par Hydro-Québec. Votre point de vue, c'est quoi? D'abord, est-ce que vous croyez en la capacité d'Hydro-Québec d'intervenir suffisamment pour le maintien de cette communauté?

M. Ouellet (Ghislain): Alors, moi, en tout cas personnellement, bien sûr, je ne partage pas tout à fait le même point de vue. Moi, j'oserais dire que, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, Hydro-Québec, depuis quelques années, a fait en sorte qu'il y ait plus de résidents à Radisson qu'il y en avait dans le passé. Je vous l'ai mentionné tout à l'heure. Hydro-Québec a fait que, depuis quelques années, elle a modifié ses politiques d'achats, de telle sorte qu'on achète plus dans la région que dans le passé. Exemple, à Radisson, des cas très concrets, le cas d'Aljanet.

Je pourrais mentionner en plus qu'Hydro-Québec, de par ses installations qu'elle a présentement dans le milieu, c'est elle qui paie en très grande majorité les taxes de la localité de Radisson et de la MBJ. Alors, moi, il m'apparaît que – puis ça, ça ne changera pas demain matin – les résidences qu'on a là-bas, les installations qu'on a là-bas vont continuer de persister, et c'est bien évident qu'à la Baie-James, Hydro-Québec va être là pour très, très, très longtemps, c'est bien sûr. Alors, personnellement, j'ai l'impression qu'Hydro-Québec fait le maximum qu'elle peut pour faire en sorte que les retombées économiques dans Radisson soient activées.

M. Vallières: M. le Président, je laisserai la parole à d'autres. Mais simplement vous indiquer que j'espère qu'on aura d'autres occasions de revenir avec Hydro-Québec sur certains sujets qui mériteraient d'être approfondis et, à mon sens, Hydro-Québec a beaucoup de rattrapage à faire par rapport au vécu qui nous est exprimé des gens du milieu.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député.

M. Chevrette: Juste 30 secondes. On «peut-u» s'entendre pour un léger dépassement compte tenu qu'il y a deux députés qui avaient demandé la parole? Moi, je serais prêt à donner mon consentement immédiatement pour que le député d'Ungava et celui de Jacques-Cartier puissent...

Le Président (M. Duguay): Oui. Alors, avec le consentement, M. le député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci beaucoup. Messieurs, une chose est claire: de toute façon, on a des problèmes de compréhension mutuelle en termes de géopolitique. On refait la géographie, des cours de géographie pour expliquer comment la région 10 est constituée. Mais ce que je veux faire pour faire court... tous les intervenants qui se sont succédé ici, et vous, on a parlé du comité de retombées, on a parlé du comité d'impact. Vous, M. Ouellet, vous nous donnez une série d'exemples à l'effet qu'il y a beaucoup de retombées à Radisson, beaucoup de retombées à Chibougamau, mais vous dites qu'il y en a beaucoup en Abitibi puis beaucoup au Lac-Saint-Jean, beaucoup pour les communautés cries aussi, les communautés inuit. On met sur pied un comité de retombées régionales d'Hydro-Québec, et on a eu, tantôt, l'accord des représentants syndicaux pour participer. Est-ce que vous pouvez vous engager aujourd'hui devant les membres de la commission à fournir quelqu'un ou des personnes qui pourraient contribuer à ce comité-là?

M. Ouellet (Ghislain): Effectivement. D'ailleurs, à la page 6 du mémoire, vous pouvez lire dès le haut de la page: «Concertation sur le suivi des retombées économiques». On dit que «la région La Grande rivière est prête à participer à des rencontres de concertation sur le suivi des retombées économiques régionales avec les représentants du milieu». Alors, c'est de toute évidence.

M. Létourneau: O.K. On s'entend qu'on parle du comité de retombées régionales d'Hydro-Québec.

M. Ouellet (Ghislain): Oui, oui.

M. Létourneau: Oui. Est-ce que je peux avoir votre assurance aussi que la haute direction d'Hydro-Québec va appuyer les émissaires que vous allez nous envoyer et qu'ils vont avoir le mandat de vraiment collaborer avec les gens du milieu?

M. Vandal (Thierry): Tout à fait.

M. Létourneau: O.K. Merci.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste pour revenir, en conclusion – je pense que le point qui a été soulevé par mon collègue de Richmond était très important – sur la question de l'implication d'Hydro, avec les commissions scolaires, comme bon citoyen corporatif. À vous écouter, nos poteaux, vous avez trouvé des raisons pour dire non. Moi, je pense qu'Hydro a tout intérêt, si les écoles veulent aller de l'avant avec un projet, à être associée. Et, moi, je pense que l'approche doit être comment est-ce qu'on peut faire marcher ça?

(18 heures)

Chez nous, dans mon comté, on est très choyé parce qu'il y a beaucoup de compagnies pharmaceutiques et, si on cherche... On a une maison d'hébergement pour les adolescents troublés, on vient de payer l'hypothèque la semaine passée et c'était grâce, en partie, à l'implication des compagnies pharmaceutiques de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Alors, on peut toujours dire qu'il y a des raisons pour ne pas faire quelque chose; elle sont toujours faciles à trouver. Mais je pense que ça prend une attitude un petit peu différente. Et si la commission scolaire de la Baie-James – qui est quasiment la marque de commerce d'Hydro-Québec aussi, la Baie James; les deux sont parties intégrantes – si la commission scolaire arrive avec un projet intéressant pour les communications, pour réduire les distances entre les écoles et entre les étudiants, à mon avis, Hydro doit avoir une attitude: Comment est-ce qu'on peut faire fonctionner ça? au lieu de dire que «nos poteaux, c'est dangereux...» On peut toujours trouver une raison pour ne pas faire quelque chose. Mais si je peux ajouter ma voix pour un plaidoyer d'avoir une attitude, à savoir comment on peut trouver un moyen pour que ça marche, parce que c'est ça, dans le contexte du Grand Nord du Québec, qu'il faut.

M. Vandal (Thierry): Écoutez, si je peux me permettre une expression anglophone: «This is motherhood and apple pie.» C'est bien évident, disons, dans le sens où vous l'énoncez, Hydro-Québec, tout comme elle le fait ailleurs, va chercher à s'associer. On le fait à de multiples endroits. Je ne vois pas de raison pour laquelle on ne le ferait pas là. Alors, vous pouvez être assuré que le sujet qui a été soulevé par votre collègue fera l'objet d'une intervention directe de notre part, puis dans toute la mesure du possible et en faisant les efforts, encore là, de «due diligence». On va aller au terme de ça.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le ministre.


Remarques finales

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je vais me permettre une remarque finale. Depuis deux, trois jours qu'on écoute des gens, il y a un jugement très sévère de porté contre Hydro-Québec sur sa participation au développement de la région 10, très sévère. Qu'il y ait des nuances à apporter, je veux bien, comme, moi, je peux en apporter avec les syndicats. Mais je pense que c'était franc. Il y a un échange franc, correct, dans les normes, etc. Moi, je pense que je vais inviter Hydro-Québec à participer très activement au comité de retombées économiques, et avec une ouverture d'esprit, pas avec une attitude où tout va bien, en écoutant, d'abord, les doléances et en participant de bonne foi aux rectificatifs, si rectificatifs on peut apporter. Puis, si on n'est pas capable de les apporter, on va expliquer pourquoi. On va dire pourquoi on ne peut pas changer tout d'un même coup. On va essayer d'instaurer cette dynamique de collaboration de bonne foi, tout le monde ensemble. C'est un peu le message que je veux vous donner.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, très rapidement. Je rejoins les propos du ministre. Je pense qu'Hydro-Québec est une société d'État dont tous les Québécois et Québécoises veulent continuer d'être fiers. Je pense qu'il y a un constat qui se fait. Moi aussi, j'aimerais assister à une ouverture, puis peut-être accepter, des fois, de dire: Mea culpa, puis d'améliorer des choses. C'est le but que s'est donné cette commission, de poser des gestes utiles. Je pense qu'un des gestes que vous pourriez faire, vous autres, c'est cette ouverture vers les gens de la région, une ouverture d'écoute et active par la suite, et nous, comme parlementaires de ce côté-ci de la Chambre aussi, on ne demande pas mieux que de continuer à considérer Hydro comme étant une des perles de notre société. Il faudrait éviter que cette perception que les gens ont d'Hydro se perpétue et se répète dans cette région comme dans d'autres régions. C'est une question d'attitude, et je pense que la proposition du ministre est la très bienvenue.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Merci, messieurs du panel. Membres de la commission et le personnel, merci beaucoup. La commission ajourne ses travaux au mardi 6 octobre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 4)


Document(s) related to the sitting