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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Wednesday, October 1, 2008 - Vol. 40 N° 59

Consultations particulières sur le phénomène de l'itinérance au Québec


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
M. Geoffrey Kelley, président
Mme Maryse Gaudreault
Mme Stéphanie Vallée
M. Éric Dorion
M. Jean Domingue
Mme Lisette Lapointe
M. Martin Lemay
Mme Lucille Méthé
M. Nicolas Girard
M. Gerry Sklavounos
Mme Ginette Grandmont
* M. Ron Rayside, CSSS Jeanne-Mance
* Mme Nancy Keays, idem
* Mme Chantale Lapointe, idem
* M. Jean-François Mary, CACTUS Montréal
* Mme Louise Massicotte, ASSS-Montréal
* Mme Murielle Leduc, idem
* Mme Madeleine Roy, Centre Dollard-Cormier (programme Itinérance)
* Mme France Lecomte, idem
* M. Jean-Guy Cormier, idem
* M. Martin Métivier, ville de Laval
* M. Michel Paré, idem
* M. Daniel Corbeil, CSSS Laval
* M. Yvan Coiteux, idem
* Mme Nicole Séguin, idem
* Mme Carol Pagé, ROIIL
* Mme Janie Fortin, idem
* Mme Corine Vanderborght, idem
* M. Guy Boisvert, idem
* M. Jean Casaubon, TCSDFRS
* Mme Manon D. Hénault, idem
* M. Benoît Labonté, Arrondissement de Ville-Marie de la ville de Montréal
* Mme Catherine Lusson, GASP de Granby
* M. Alain Massé, idem
* M. Yves Longpré, idem
* Mme Dominique Provencher St-Cyr, Table de concertation en itinérance de Vaudreuil-Soulanges
* M. André Couillard, idem
* M. Richard Newberry, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures deux minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Je constate quorum des membres de la Commission des affaires sociales, donc je déclare la séance de la commission ouverte. J'ai une certaine intendance à faire pour le protocole de l'Assemblée nationale. Mme la secrétaire...

Je vais rappeler le mandat de la commission. La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les auditions publiques tenues dans le cadre du mandat d'initiative sur le phénomène de l'itinérance.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Grandmont (Masson) remplace M. Caire (La Peltrie); M. Domingue (Bellechasse) remplace Mme Lapointe (Groulx); M. Girard (Gouin) remplace M. Bergeron (Verchères); et M. Lemay (Sainte-Marie? Saint-Jacques) remplace M. Drainville (Marie-Victorin).

Auditions (suite)

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On a une autre journée pleine de témoins. Alors, on va commencer très rapidement. Je vais noter qu'aujourd'hui c'est la Journée internationale des personnes aînées. Et, étant donné le rôle important que les aînés jouent dans notre société québécoise et le fait que souvent les services et les conditions de vie des aînés sont l'objet des études des membres de la Commission des affaires sociales, je pense qu'au nom de l'ensemble de la commission je vais exprimer une pensée spéciale pour les personnes aînées de notre société, aujourd'hui, le 1er octobre.

Alors, sur ça, je vais passer la parole au premier groupe qui va intervenir ce matin, c'est le Centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance, équipe Itinérance, représenté par, si j'ai bien compris, M. Ron Rayside, Mme Chantale Lapointe et Mme Nancy Keays. Alors, la parole est à vous.

Centre de santé et de services sociaux
Jeanne-Mance, équipe Itinérance
(CSSS Jeanne-Mance)

M. Rayside (Ron): Bonjour. Bon matin. On est les premiers. Merci beaucoup. D'ailleurs, pour les aînés, on a, nous, plusieurs installations qui offrent des services directs aux aînés. On a plus de 1 000 résidents dans les centres d'hébergement puis les services de soins à domicile. On sert beaucoup de la population sur notre territoire. Effectivement, c'est une journée importante.

Peut-être introduire. Il y a Nancy Keays, qui est à ma gauche, votre droite évidemment, qui est infirmière, chef de l'équipe Itinérance et praticienne-chercheure, c'est un volet de recherche important. Il y a aussi Chantale Lapointe, qui est directrice générale du CSSS Jeanne-Mance.

Nous, le territoire... J'ai envie de vous dire: Bienvenue chez nous. On peut dire aussi à Martin Lemay: Bienvenue aussi chez vous. Chez vous, chez nous, on verra ça tantôt. Notre territoire regroupe les grands quartiers du Plateau?Mont-Royal, Saint-Louis et des Faubourgs, mais aussi les quartiers à l'intérieur de ça, il y a Mile End, évidemment Le Plateau, le Centre-Sud, faubourg Saint-Laurent et la partie est du Vieux-Montréal. Ça veut dire, on est l'est, toute la tranche est de ce qu'on peut qualifier comme le grand centre-ville. C'est une population de 140 000 personnes dont on offre les services, nous, à 50 000 par année, ça veut dire le tiers à peu près de la population.

Comme le grand centre-ville, on accueille bien sûr tout le monde de la très grande région de Montréal, mais aussi tout le Québec pour toutes sortes de raisons, entre autres le divertissement, les sorties, les services, mais aussi on accueille beaucoup de misère humaine, on accueille les gens avec beaucoup de problèmes. On est autant le coeur de la métropole puis le coeur de certains phénomènes au Québec, on est le coeur aussi des problèmes graves, que ce soit en itinérance, que ce soit en santé mentale, que ce soit en toxicomanie. En tout cas, on ramasse malheureusement ces grands défis là, comme établissement.

On est un organisme qui regroupe 3 000 employés avec un budget annuel de 170 millions. On a 16 établissements sur notre territoire. On a, dans les gens qui travaillent autour de la question de l'itinérance soit directement ou indirectement, plus de 40 personnes qui travaillent un peu dans tous les domaines et que Nancy va décrire beaucoup plus en détail.

Peut-être juste un petit mot, juste sur la notion aussi de s'il y a une chose à travailler pour sortir les gens de la rue, c'est toute une autre d'empêcher qu'ils entrent dans la rue. Ça fait qu'on essaie de travailler, comme l'ensemble de la société, sur les deux côtés. La notion de prévention est extrêmement importante. Et je cède la parole à Nancy, qui va entrer dans plus de détails.

Mme Keays (Nancy): Bonjour. D'abord, je vous souligne que je suis vraiment une infirmière d'abord et avant tout de terrain, donc ce que je vais vous raconter, c'est vraiment du concret du terrain. L'équipe Itinérance, c'est une équipe qui existe depuis 18 ans. C'est la plus vieille équipe au Québec en itinérance. Il y en a cinq. C'est une équipe de huit professionnels à temps complet et quelques autres à quelques journées-semaine.

Une voix: Plus fort.

Mme Keays (Nancy): Plus fort? Ah! Excusez. C'est mieux? Non?

Une voix: ...

Mme Keays (Nancy): O.K. Est-ce que vous voulez que je recommence?

Des voix: ...

Mme Keays (Nancy): Non? Ça va. O.K. Alors, notre travail est divisé en trois volets. On a une clinique, au CLSC, donc ici, au coeur, sur la rue Sanguinet, où on reçoit les personnes itinérantes qui viennent d'elles-mêmes chercher des services selon leurs besoins, rencontrer une travailleuse sociale, une infirmière sans rendez-vous ou un médecin avec rendez-vous, psychiatre.

On a aussi un volet «outreach». Donc, «outreach», un terme anglais qui signifie de rejoindre les gens là où ils sont. Alors, on se déplace dans les ressources communautaires chaque semaine, à horaire fixe, deux personnes, une infirmière et un travailleur social, et on dépiste un peu les gens vulnérables, les nouveaux, les nouveaux qui arrivent dans les ressources, les gens plus âgés, ceux qu'on ne connaît pas, qu'on n'a jamais vus, et on essaie, le plus rapidement possible, d'intervenir pour éviter qu'ils se chronicisent. Donc, si on peut faire quelque chose, d'emblée on le fait.

Et on a un autre volet «outreach», qui est encore beaucoup plus complexe, qui est le volet dans l'espace public. Donc, on se déplace aussi dans les parcs, sur la rue. Et notre territoire n'est pas seulement le territoire du CSSS Jeanne-Mance, mais bien l'île de Montréal. Donc, on est très peu de gens pour faire tout ça. Et je vous dirais que, de plus en plus, on remarque que l'itinérance, cette forme d'itinérance là, où c'est des gens qui ont un problème de santé mentale grave et persistant, se dissipe un peu plus qu'avant. Avant, c'était beaucoup plus concentré au centre-ville, maintenant il y en a vraiment partout. Donc, ça rend encore plus compliquée l'intervention.

Je voulais vous parler de prévention. Je n'ai pas beaucoup de temps. J'aurais pu passer la journée avec vous puis j'aurais meublé tout ça. Je voulais vous parler de prévention, important, de besoins de logements, je pense que vous en avez entendu parler largement depuis trois jours, et de ressources adaptées qui manquent pour certaines problématiques avec lesquelles on est dans une impasse des plus totales.

Je voulais aussi vous parler d'accessibilité et de coordination de services. J'ai choisi de le faire en vous exposant des faits, en vous exposant des faits vécus. Donc, je pense que ça image un peu mieux.

n (9 h 10) n

D'abord, je trouvais ça tout à fait à propos quand vous avez souligné la Journée des aînés parce que le début de mon premier commentaire, c'était de vous dire qu'on remarque effectivement beaucoup plus de personnes âgées dans l'itinérance. On pense qu'avec de la prévention, ça pourrait être évité. Parce que les raisons qu'on voit souvent, c'est des gens qui vivent seuls, qui vieillissent seuls et qui ont des maladies comme des formes de démence qui s'installent sans que personne ne s'en rende compte. Ces gens-là, avec le temps, bon, oublient de faire leurs impôts, ne font plus leurs impôts, le supplément de revenu garanti est coupé, plus assez de revenus pour payer leur hébergement, ils se font mettre dehors. Et, si on sensibilisait un peu plus les gens autour aussi, les propriétaires pourraient, au lieu de les mettre dehors sans les arrimer quelque part pour qu'ils aient des services... Bien, ce qui se passe actuellement, c'est que ces personnes âgées là se retrouvent dans les refuges. Et heureusement qu'il y a des intervenants allumés qui nous les présentent pour qu'on puisse évaluer parce que sinon ils pourraient se chroniciser facilement. Dernièrement, on a fait hospitaliser un monsieur qui se croyait en 1968. Donc ça, c'est le mois passé. C'est assez complexe, puis c'est dommage et triste. Ce n'est pas des gens qui étaient dans la rue depuis longtemps mais... Donc, il y a, là, de faire de la prévention.

Là, je vous épargne la prévention pour le décrochage scolaire. Je pense que vous êtes au courant de tout ça, puis c'est vraiment nécessaire, parce que tout ce qui touche l'estime de soi d'une personne va avoir des conséquences plus tard. Et tout ce qui est le taxage, l'intimidation chez les jeunes, ça a des conséquences dans leur vie d'adulte.

Je voulais vous parler d'un premier cas pour illustrer un peu le manque de ressources et l'impasse dans laquelle on se retrouve. Alors, je vous parle de M. L. qui est un monsieur de 46 ans qui a toujours été dysfonctionnel, selon sa famille, dès qu'il était très jeune. Il avait des problèmes de comportement. Il a dû être placé. À l'âge de 39 ans, il a eu un traumatisme crânien, il a été victime d'un acte criminel. En fait, il a reçu des coups de pelle sur la tête. Et c'est un monsieur qui consomme beaucoup d'alcool, qui prend des calmants aussi pour calmer son anxiété. Quand il n'en prend pas, il devient extrêmement anxieux, et, pour diminuer l'anxiété ? ça, je ne vous rentrai pas dans les détails ? mais il fait de l'automutilation. Donc, il se frappe la tête sur les coins de murs de briques. Il se fait vraiment des lacérations très importantes, et ça, ça le soulage de son anxiété.

C'est quelqu'un d'extrêmement vulnérable. Chaque début de mois, il reçoit son chèque, il a beaucoup d'amis autour de lui toujours. Quand il n'a plus d'argent, il n'a plus d'amis. Il a beaucoup de difficultés à gérer son argent. Et, quand il consomme beaucoup d'alcool, il est violent, donc il est exclu des refuges. On comprend qu'ils ne peuvent pas tout gérer non plus, dans les refuges. Donc, il est exclu, donc condamné à dormir dehors chaque nuit.

On a évalué ce monsieur-là en équipe multi. On n'est pas en mesure de faire le diagnostic final parce qu'on suspecte un diagnostic d'ETCAF, ETCAF qui est l'ensemble des troubles reliés à l'alcoolisation foetale. Mais, pour faire ce diagnostic-là, on doit absolument avoir l'histoire de la mère pendant la grossesse, ce qui est très peu accessible en itinérance, puisque les familles ne sont plus là. Donc, si on n'a pas cette entrevue-là avec la mère, on ne peut pas poser le diagnostic d'ETCAF. Mais tous les comportements et l'ensemble des symptômes nous font penser que c'est ce que ce monsieur-là a.

Évidemment, après évaluation, on l'a déclaré inapte aux biens pour le protéger, donc on est en train de faire un processus de curatelle. Pour faire l'inaptitude à la personne ? c'est quelque chose de très, très grave à faire, dans le fond il faut être absolument sûrs de notre diagnostic ? donc on aurait aimé avoir un neuropsychiatre pour évaluer l'aptitude à la personne. Ce n'est pas accessible dans un CLSC. Et ces gens-là sont très durs aussi à amener à l'hôpital et à faire hospitaliser, ils ne sont pas vraiment bien perçus. Alors, on s'est dit, hier, justement, on s'est rencontrés et on s'est dit: Et, si on avait le diagnostic, qu'est-ce que ça changerait, où est-ce qu'on pourrait envoyer ce monsieur-là concrètement? On n'a aucune ressource qui existe pour ces gens-là.

Donc, et l'ETCAF, juste pour vous souligner, c'est quelque chose avec lequel le bébé naît. C'est une forme de handicap, dans le fond, à son cerveau, il naît avec ça, il vit avec ça toute sa vie. Donc, le fait qu'on n'ait pas de ressource pour ces gens-là, c'est inacceptable, ils sont condamnés à vivre dans la rue, pour certains, pas tous, heureusement, mais pour certains.

Je voulais aussi souligner que, les refuges, ça ne doit plus être une alternative au manque de ressources du réseau. C'est le cas actuellement, et ça ne devrait plus être ça.

Je veux aussi vous parler des dossiers en psychiatrie qui ferment après six mois. Ça, je ne sais pas si vous êtes au courant. Mais, quand le dossier, en psychiatrie, ferme après six mois, les gens qui ont un problème de santé mentale vont manquer des rendez-vous, ça fait partie de la désorganisation. Quand le dossier est fermé après six mois, ils n'ont plus de médicaments. Quand ils n'ont plus de médicaments, ils se désorganisent, on doit les ramener à l'hôpital, on doit les ramener dans un autre hôpital, puisqu'il y a une liste de garde, il y a 10 hôpitaux qui se partagent chacun leur semaine de garde, et là on recommence encore à zéro. Puis je vous dirais même que ça va à une journée près. Il y a des hôpitaux qui ont tenté de référer la personne à son hôpital une journée après le six mois, puis ça a été refusé. Alors, un peu comme des patates chaudes qu'on ne veut pas avoir dans nos mains.

La sectorisation, ça a été aboli supposément voilà deux ans. Les gens peuvent choisir l'hôpital de leur choix. En psychiatrie, ce n'est pas le cas pour les personnes itinérantes, puisqu'elles doivent... elles n'ont pas accès aux cliniques externes de psychiatrie. On se bute encore à ce problème-là. Et en fait, ce que ça fait aussi, c'est que, du CLSC, on n'a pas de réseau d'hébergement en santé mentale actuellement, donc on n'a pas accès, pour notre clientèle, à ce réseau d'hébergement là, ils doivent passer forcément par l'hôpital, mais ils n'ont pas accès.

Je voulais aussi vous dire que des intervenants qui travaillent en itinérance, tant au niveau du milieu public que communautaire, c'est des gens engagés, mais ils ont besoin d'outils, ils ont besoin de ressources pour travailler, sinon il y a très peu qu'ils peuvent faire dans le quotidien.

Et, sur ce, je vous parle d'Annie. Annie, c'est une dame... Je suis une citoyenne de Laval. Alors, un matin, à 7 heures, je prends le métro et puis je constate qu'il y a des gens qui regardent dans la même direction, et ça sent l'urine mais très, très fort. Et je vois cette femme très, très sale qui mange un muffin qu'elle vient de prendre à la poubelle, qui se parle toute seule, qui est très méfiante et qui fait vraiment pitié. Des gens avec une hygiène pauvre, j'en ai déjà vus, mais comme ça, jamais. Alors, évidemment, citoyenne de Laval, je suis vite rentrée dans mon rôle d'infirmière à l'équipe Itinérance et j'ai tenté d'aller lui parler. Je n'ai pas été en mesure de lui parler, elle était très méfiante. Ça m'a préoccupée. Je vous épargne une bonne partie de l'histoire parce que ce serait trop long.

On finit par amener cette dame-là à l'hôpital. La psychiatre qui la rencontre trouve effectivement que ça n'a aucun sens. Et là on apprend qu'elle faisait le circuit du métro à chaque jour, du début jusqu'à la fermeture, et qu'elle dormait dehors complètement la nuit. Et elle fait une évaluation d'inaptitude aux biens et à la personne, et ils l'hospitalisent.

Quand on arrive à l'étage, c'est un autre psychiatre qui est sur l'étage, qui n'est pas le même, et j'apprends qu'il veut donner congé pour une ressource pour personne itinérante. Elle n'y allait pas, dans les ressources, avant. Alors, je l'appelle, il me dit: Écoutez, elle ne veut pas de traitement. Donc, moi, j'ai le choix. Pourquoi j'hospitaliserais cette schizophrène itinérante chronique au détriment d'une personne qui est malade, et une maladie aiguë, qui veut un traitement? Donc, je vais être obligé d'aller...

Ça fait que, moi, je lui ai fait reconnaître que quand même cette dame-là a été déclarée inapte aux biens et à la personne dans son propre établissement, donc c'est un peu impensable, pour moi, qu'on tienne compte de son refus de traiter, puisqu'on dit qu'elle n'est pas en mesure de prendre des décisions pour elle-même, et qu'on la retourne dans la rue sans filet de sécurité.

J'ai eu une heure et demie ? et je vous jure que je n'exagère pas ? de discussion avec ce psychiatre-là pour arriver à lui dire: Écoutez, je n'ai plus d'argument pour vous convaincre. La seule chose que je vous dis, c'est: Si c'était votre soeur, votre mère ou votre fille, est-ce que vous prendriez la même décision? Le mardi suivant, j'ai eu un appel de la travailleuse sociale qui dit: Je n'ai aucune idée de quoi vous avez parlé, mais le plan a complètement changé. Cette dame-là, finalement, le médecin a décidé d'aller à la cour chercher une requête d'hébergement et de traitement et de lui donner accès au réseau d'hébergement de ce centre hospitalier là. Je ne l'ai jamais revue, la dame, donc je présume qu'elle a vraiment été prise en charge. Mais on a sorti au moins cette dame-là d'une situation tout à fait inacceptable.

Donc, ce que je voulais dire, en terminant... En fait, pour terminer, je vais citer un collègue de Trois-Rivières, M. Michel Simard ? d'ailleurs, je le cite du mémoire qu'il vous a transmis, mais c'est une phrase qui me rejoint et qui rejoint mon quotidien vraiment beaucoup: «Il n'y a aucune raison pour laquelle nous soyons obligés d'accepter que des individus souffrant de troubles mentaux graves n'aient d'autres lieux pour se réfugier que la rue et les refuges. Si c'est ainsi, c'est que nous avons démissionné de notre responsabilité, nous les avons abandonnés à eux-mêmes sous le couvert de la protection de leurs droits.» Merci.

Mme Lapointe (Chantale): En complément... en terminant, c'est-à-dire, je prendrais les quelques...

Le Président (M. Kelley): Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Chantale): Oui? Ça va?

Le Président (M. Kelley): Oui, allez-y.

Mme Lapointe (Chantale): Il me reste quelques minutes?

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Lapointe (Chantale): Alors, je pense que le témoignage que Nancy vient de faire est une très bonne illustration de l'engagement des professionnels qui travaillent chez nous, mais c'est un engagement, je dirais, qui est partagé par l'ensemble du CSSS dès la... Déjà, au CLSC des Faubourgs, qui est à la naissance de cette équipe-là, qui fait partie de notre CSSS, le conseil d'administration a pris vraiment comme engagement d'être à la défense des droits de ces personnes-là qui n'ont pas beaucoup de voix et qui sont très, très vulnérables.

Les deux exemples que Nancy vous a donnés, moi, j'ai entendu les cheminements de plusieurs personnes depuis que je suis là et auparavant, et il y a une chose qui est commune: c'est avant tout des personnes, c'est des personnes qui ont, dans leur parcours de vie, rencontré de nos bons systèmes, de nos excellents systèmes, mais qui des fois ont des ratés puis qui des fois ont, d'un système à l'autre, un manque de continuité et de collaboration. Alors, je pense que c'est très important qu'on soit tous socialement très conscients de ça et de surtout se dire que ces personnes-là, ce sont avant tout des personnes, des personnes qui ont eu un problème dans leur cheminement de vie, pour plusieurs des problèmes de santé mentale, on le voit.

n (9 h 20) n

Alors, pour nous, évidemment la prévention, M. Rayside en faisait mention en début, c'est essentiel qu'on fasse de la prévention, qu'on voie où sont les failles dans nos systèmes pour essayer d'éviter que les gens entrent dans l'itinérance, qu'une fois qu'ils sont dans l'itinérance, qu'on les rejoigne là où ils sont, parce que ces gens-là n'iront pas à l'hôpital, ils n'iront pas... Donc, il faut que l'hôpital vienne à eux, il faut que les services de psychiatrie viennent dans les refuges, qu'ils viennent dans les milieux, qu'on grossisse nos équipes qui font du travail dans la rue auprès des personnes. Ça prend du temps pour réussir à établir un contact avec un itinérant; vous essaierez, vous allez voir. Je ne sais pas si vous écoutez Les hauts et les bas de Sophie Paquin, là, mais la comédienne a essayé d'en approcher un cette semaine et... Je pense que c'est ça, la vraie vie. Tu sais, des fois, les romans, c'est bon aussi.

Donc, le décrochage scolaire, la formation des intervenants aussi pour qu'on n'ait pas ce premier préjugé, quand on voit arriver un itinérant, que, bon, il n'y a rien à faire, c'est son choix, il est content d'être dans la rue. Ce n'est pas vrai, ça, ce n'est pas vrai. Et avant tout il faut se débarrasser de ces préjugés-là et voir avant tout la personne qui est là. Et, une fois qu'on l'a découverte, on s'aperçoit qu'avec un peu d'aide, bien souvent, ce sont aussi des personnes responsables qui sont capables de faire leurs choix.

Je pense qu'il faut rendre aussi les soins accessibles. Il faut que ces gens-là aient droit aux mêmes soins, qu'ils aient droit à la même réception dans l'ensemble des services, qu'ils aient droit à leurs médicaments. Dans notre mémoire, on en fait état à plusieurs reprises: la brisure dans la prise de médicaments, pour toutes sortes de bonnes raisons, parce que tu n'as pas de médecin de famille, parce que tu n'as pas ta prescription, tu sors de prison. Eh bien, quand tu arrêtes de prendre tes médicaments, bien les problèmes resurgissent lentement puis, à un moment donné, woups!, on a perdu le contrôle là-dessus.

Et enfin je vous dirais que c'est un engagement social. Vous êtes là comme commission parlementaire, vous êtes nos représentants. Je pense qu'il faut que la société du Québec prenne ce problème-là à bras-le-corps, arrête de juste faire de l'après-coup, de la correction en ayant des refuges, en leur offrant à manger, mais aussi en ayant vraiment des services qui vont les aider, en offrant des logements, en ayant un revenu décent qui leur permette de vivre comme nous tous. Parce qu'il n'y a personne d'entre nous qui est à l'abri d'avoir une personne dans sa famille qui fasse de l'itinérance un jour. C'est un bris dans sa vie qui nous amène là, et on ne peut pas le deviner, bien souvent. Ça peut arriver à tout le monde. Je pense qu'il faut se sensibiliser à ça et avant tout reconnaître que ce sont des personnes dans notre société qui ont besoin d'aide. Merci.

M. Rayside (Ron): ...peut-être un dernier mot.

Le Président (M. Kelley): Un dernier mot?

M. Rayside (Ron): Je pense que, quand on va... D'ailleurs, je me promène beaucoup sur la rue Sainte-Catherine, les soirs, les fins de semaine, ça fait plus de 30 ans que j'habite ce territoire-là, et, de voir l'itinérance et la misère autour de nous, c'est quand même une honte pour une société qui est basée sur les valeurs de compassion. Il faut absolument organiser les systèmes d'ancrage pour cette population-là, que ce soit surtout du logement, que ce soient les suivis psychosociaux, que ce soient les soins offerts, que ce soit l'hospitalisation. En tout cas, c'est quelque chose, il faut absolument faire quelque chose. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, et merci beaucoup pour cette approche qui nous... pour faire penser que c'est avant tout des hommes et des femmes. On parle de personnes avec des histoires de vie qui sont souvent très difficiles. Mais on est là pour ça. Alors, merci beaucoup, c'est un rappel et une approche dans une présentation qui est très appréciée par les membres de la commission. Je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, bienvenue, bon matin. C'est la troisième journée de la commission parlementaire, et puis on a entendu beaucoup de beaux témoignages, on a entendu des intervenants, des directeurs d'organisme qui ont tous la dignité des personnes à coeur.

Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'un système de signalement qui justement mettrait la dignité de la personne en première ligne, si on peut dire. Il y a des gens qui font du «outreach», on sait que c'est long, c'est un processus qui est très long, et tout ça, et, une fois que les personnes acceptent vraiment d'obtenir certains soins, on nous a dit qu'elles se butaient à certaines institutions, des services gouvernementaux, tout ça. Est-ce qu'il y a d'abord une formation ou de la sensibilisation qui est faite sur une base régulière auprès des gens qui auraient la possibilité d'accueillir ces gens-là dans le cadre de leur travail? Est-ce que ça existe, aujourd'hui?

Mme Keays (Nancy): Bien, en fait...

Une voix: ...

Mme Keays (Nancy): Merci. Quand on parlait d'institutions, c'est de tous ordres, ce n'est pas uniquement dans les hôpitaux. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de formation. Je pense, entre autres, à l'aide sociale, la notion de... Quand on accompagne quelqu'un qui a un problème de santé mentale, qui est délirant, pour le traiter, c'est complexe. Ça prend une carte d'assurance maladie, souvent. Bon, nous, on réussit un peu à faire des soins quand même. Mais on arrive à l'aide sociale, et là la personne, elle va dire des choses devant l'agent qui visiblement vont montrer qu'elle a un problème de santé mentale, et là on a souvent des bâtons dans les roues.

Moi, je pense à un monsieur que j'ai amené à l'aide sociale, qui disait... Dans son délire, il était convaincu qu'il avait droit à l'argent de la SAAQ, qu'il avait été victime d'un accident. On avait fait toutes les vérifications, ce n'était pas vrai. Il n'avait pas de dossier à la SAAQ du tout. J'ai dit ça à l'agent d'aide sociale: Non. Elle a bloqué toute la demande. Et ça avait été très complexe pour moi de l'amener là. Donc, j'avais réussi, on était devant elle, et là elle bloquait, elle ne voulait pas ouvrir le dossier parce qu'elle voulait absolument que je fasse produire une lettre de la SAAQ comme quoi ce n'était pas vrai. Sans le monsieur, je ne pouvais pas le faire. Avec le monsieur, dans son délire, c'était extrêmement complexe d'avoir son autorisation. Donc là, on se butait à une personne qui nous mettait vraiment comme des limites. Puis, si on ne peut pas avoir de revenu pour cette personne-là, on ne peut pas lui trouver un endroit où habiter. Donc, c'est ce genre de trucs là.

Je pense, ce n'est pas... Il manque de formation, c'est sûr. Les gens essaient du mieux qu'ils peuvent, mais ça devrait être beaucoup plus présent chez les gens qui travaillent au niveau de la santé, mais aussi chez les autres, au niveau des institutions qui sont susceptibles de les recevoir. Je pense à l'aide sociale, ou Emploi-Québec, ou d'autres, oui. Ça fait que... Je me suis même déjà fait dire, parce que je parlais pour mon client: Ah, mon Dieu, que ça fait du bien de parler à une personne normale!

Une voix: Devant le client?

Mme Keays (Nancy): Devant le client. Donc, comprenez-vous, là? C'est inacceptable.

Mme Gaudreault: Et avez-vous des pistes de solution? Quand vous parlez de ce système de signalement, là, qui met la dignité au coeur de...

Mme Keays (Nancy): ...de signalement, je pense qu'on faisait aussi référence... Vous savez, il y a beaucoup... Nous, là, on fait l'«outreach» sur l'île de Montréal, mais évidemment il y en a plein qu'on ne rejoint pas parce qu'on ne le sait pas, on ne sait pas où ils sont, personne ne nous les a signalés. Et donc c'est de sensibiliser aussi la population à ça, là, parce que...

Mme Lapointe (Chantale): ...

Mme Keays (Nancy): Oui.

Mme Lapointe (Chantale): Il y aurait probablement de la sensibilisation...

Le Président (M. Kelley): Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Chantale): ...à faire dans l'ensemble des différents secteurs, comme on le fait pour d'autres problématiques. Mais ce que Nancy vient de dire, par exemple, s'il y avait une connaissance que, lorsqu'il y a quelqu'un qui vient d'une équipe Itinérance qui accompagne quelqu'un, il a une crédibilité et que cette personne-là... Par exemple, nous, on a l'équipe UPS-Justice. Quand l'équipe d'UPS-Justice se présente avec les policiers à l'hôpital, il n'y a pas de questionnement, on comprend que c'est... on a un mandat, et ça existe. Alors, c'est ce genre de signalement là qui pourrait être... ce genre de méthode là qui pourrait permettre de s'assurer que la situation que Nancy décrit, elle n'est pas remise en cause par... peu importe devant quel système elle se présente.

Et à l'inverse, si la population est sensibilisée, que tout à coup apparaît dans leur quartier quelqu'un qui n'a pas l'air bien organisé ou que leur voisin semble tout à fait désorganisé, il y a des équipes, il y a un endroit où on peut téléphoner, signaler cette personne-là, et là il y aura quelqu'un qui ira évaluer la situation. Peut-être que ce ne sera rien.

Mais la situation des personnes âgées notamment, là, qui se désorganisent, qui deviennent... à des déficits cognitifs, sur notre territoire, les personnes âgées qui vivent seules, c'est ça, notre réalité. Et, quand on vit seul ? vous l'avez vu dans des journaux, des gens qu'on trouve décédés après quelques jours ? bien la réalité est aussi qu'ils se retrouvent dans la rue parce qu'ils n'ont plus d'argent, parce qu'ils ne savent plus qu'il faut qu'ils aillent à la banque, puis qu'ils déposent, puis qu'ils paient leur loyer. C'est ça, d'être désorganisé. C'est ce qui arrive.

Et donc il faut trouver un moyen de signaler ces gens-là, qu'il y ait un endroit, qu'il y ait une évaluation qui soit faite. Parce que, comme CLSC, on ne peut pas aller cogner chez quelqu'un puis dire: Bonjour, on s'en vient vous évaluer. Il ferme la porte, tu sais, c'est clair, là, tu sais.

Mme Keays (Nancy): Et ils ont le droit.

Mme Lapointe (Chantale): Puis ils ont le droit. Je veux dire, c'est leur vie privée, c'est... On reconnaît ça à la société. Ça fait qu'il faut jouer sur à la fois le droit des personnes, oui, mais aussi à reconnaître lorsqu'ils sont en difficulté puis au moins pouvoir leur offrir de l'aide. S'ils n'en veulent pas après, bien, là, il y a un processus judiciaire qui peut se faire si on considère que la personne est en danger.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Justement, je vous écoutais tout à l'heure, vous aviez entrepris certaines procédures pour permettre à une dame que vous avez identifiée, que vous êtes venue en mesure de rencontrer, d'obtenir les soins de service. Est-ce que vous considérez que le processus actuel qui est en place pour mettre en place une curatelle, une tutelle ou... tout le processus de protection qui est mis en place actuellement, trouvez-vous... Est-ce que vous trouvez que les mécanismes sont trop complexes ou sont peu ou pas adaptés à l'itinérance? Selon l'expérience que vous avez, est-ce qu'il y aurait lieu de revoir les mécanismes qui sont en place actuellement?

n (9 h 30) n

Mme Keays (Nancy): Ça dépend beaucoup des gens. Je vous dirais, le monsieur que j'ai amené à l'hôpital, que je vous ai dit qu'il était en 1968, ce monsieur qui se croyait en très bonne santé, qui refusait de voir un médecin, nous, c'était clair pour nous, là, qu'il n'était plus apte. Pour faire une demande de curatelle, ça doit être rempli par un médecin et une travailleuse sociale. Une travailleuse sociale, encore là, ça peut être assez facile, mais, quand une personne refuse de voir un médecin puis que, nous, on constate qu'elle est inapte, on n'a pas le choix, là, il faut passer par le système juridique pour l'amener à l'hôpital et de là on a besoin de leur collaboration.

Mon expérience, ça fait 10 ans, hein, que je fais ça, je vous dirais, mon expérience, je pense... Je ne sais pas si c'est l'issue du travail collectif qui se fait, je pense que ça va mieux au niveau de la collaboration dans les hôpitaux, mais il y a encore du travail à faire pour que les gens comprennent. Parce qu'une personne qui a un problème de santé mentale et qui se retrouve dans l'itinérance, il faut que la psychiatrie, les psychiatres comprennent que c'est parce qu'elle a un problème de santé mentale et qu'elle n'a pas eu les soins nécessaires qu'elle s'est retrouvée dans l'itinérance. Donc, il ne faut pas se dire: Bien, pourquoi je privilégierais cette itinérante chronique schizophrène au détriment d'une personne qui a une maladie aiguë puis qui veut des soins? Donc, il y a tout ça, là.

Mais le processus pour la faire, la curatelle, je vous dirais, ça dépend sur qui on la fait. Il faut avoir accès à un médecin, il faut que la personne accepte de voir un médecin, sinon c'est le processus judiciaire. Là où je déplore, par contre, c'est que ça déborde au Curateur public. Et, pour nous, quelqu'un qu'on met sous curatelle, ça ne veut... Je ne veux pas dire que ça ne veut plus dire grand-chose, mais ces gens-là ont une lourdeur de «caseload», si je peux m'exprimer ainsi, épouvantable, et ils voient leur... ils ne peuvent pas faire un suivi très étroit avec ces gens-là. Donc, c'est presque une formalité...

Mme Vallée: Donc, il y a quelqu'un de nommé. Les gens sont sous curatelle, mais, dans les faits, il n'y a pas quelqu'un qui peut vraiment être là, contrairement à quelqu'un qui a un réseau autour de lui, qui a un ami ou un membre de la famille qui est nommé, donc...

M. Rayside (Ron): ...peut-être un ajout. Aussi, en termes de notre société, ce qu'on avait fait aussi, historiquement, à travers les vagues de réorganisation puis de désinstitutionnalisation, surtout dans la santé mentale mais dans d'autres secteurs, on commence par la désinstitutionnalisation ? c'est un grand défi, ce mot-là ? et on finit par bâtir les ressources alternatives pour accommoder ces personnes-là. Mais il faut que ce soit l'inverse, il faut d'abord qu'on prépare les lieux, les alternatives où accommoder ces gens-là et après ça procéder à la désinstitutionnalisation.

Et, je peux comprendre, avec l'argument de la limite des ressources, on fait un, après ça on fait l'autre avec les économies, mais en même temps on dépense une énergie énorme et les sommes très importantes de ne pas fournir cette infrastructure-là. Ça fait que ce n'est pas juste d'hier qu'on fait ça, c'est depuis des dizaines d'années qu'on fait ça. Donc, il faut apprendre de renverser l'ordre des choses. On le fait dans d'autres domaines, les personnes âgées, d'ailleurs, mais, en itinérance, on a souvent fait ça.

Mme Vallée: On désinstitutionnalise et après on attend pour refaire le processus.

M. Rayside (Ron): On pédale. On pédale, oui, c'est exactement ça. Et c'est ça qu'on fait avec beaucoup de limitation en termes de ressources, on pédale. Mais tout le monde fait qu'est-ce qu'il peut, autant les organismes comme nous que tout le réseau communautaire, tout le monde est essoufflé, on n'arrive pas à fournir parce qu'on a inversé l'ordre des choses.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. C'est comme l'autre mot qui commence avec d» qui veut dire «rendre les choses moins juridiques», alors que certains ont eu de la misère avec celui-là aussi. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, chers collègues, de nous avoir présenté ce mémoire-là, Mme Lapointe. Mais j'ai entendu vos témoignages de l'expérience que vous avez eue auprès de certaines personnes, qui sont relativement touchants. J'ai bien aimé aussi l'inspiration que Michel Simard a eue, parce que c'est une personne que je connais très bien, en étant à Nicolet-Yamaska, c'était un ancien partenaire, parce que j'ai déjà travaillé longtemps en relation d'aide.

J'ai entendu des organismes, depuis notre arrivée, qui nous ont tous mentionné, et l'un après l'autre, la difficulté de l'accessibilité aux services, surtout, je vous dirais, entre autres, les difficultés rencontrées au niveau de gens qui souffrent de problèmes de santé mentale, des gens qui malheureusement n'ont pas eu la chance d'être évalués, stabilisés puis d'avoir un suivi régulier sur leur stabilisation.

On nous dit que les gens sont malheureusement trop souvent ressortis trop rapidement. Et je ne veux pas dire qui porte l'odieux, mais qui doit se manifester? Parce que, moi, quand je vois tout ça, là, je veux dire, il y a quelqu'un qui est responsable de ça. Est-ce nécessairement le gouvernement? Est-ce les agences de santé? Je veux dire, il y a quelqu'un. Et je ne dis pas que les gens ne font pas leur travail, mais, je veux dire, il y a un partenaire en quelque part qui... je n'ose pas dire les yeux fermés, mais, je veux dire, on n'a pas l'impression que les choses s'améliorent parce que, le discours qui est porté là, les gens qui oeuvraient dans le milieu communautaire voilà 10 ans, en 2008 ont le même contexte, ont le même portrait de la réalité.

Puis, moi, je veux dire, la semaine dernière, avant de me rendre à la commission, j'ai rencontré M. Simard au Centre Le Havre, puis, entre autres, ils vivent les mêmes difficultés. Ils disent: Nous, là, on doit offrir les services et on vient compenser des services qui ne sont pas dispensés. Parce que les ressources d'hébergement en itinérance, là, ils ont doublé, triplé le mandat d'initiative qu'ils avaient au départ dans leur mission parce qu'il y a eu un vide qui s'est créé. Je veux dire, on le constate, là. Moi, depuis mon arrivée, j'entends le même discours. Coudon, qui n'entend pas ou qui ne transmet pas?

Je veux dire, moi, là, je suis élu, là, mais il y a une personne d'autorité, il doit y avoir une personne responsable. Je veux dire, ce n'est pas le milieu communautaire, je veux dire, à crier. Il y a quelqu'un qui dessert des services, il y a quelqu'un, il y a un décisionnaire qui doit tenir compte puis qui doit donner des comptes rendus. Je pose la question: Qui pourrait améliorer le travail, davantage, qui se fait? Parce que je ne veux pas nier qu'il y a des choses, là. Il ne faut pas...

Mme Lapointe (Chantale): Nous, on a toujours eu la collaboration d'un psychiatre, à l'équipe Itinérance, mais ce n'est pas suffisant. Je pense que dans notre mémoire on en fait mention, il y a eu des expériences où l'équipe de psychiatrie est dans le refuge, et ça, ça donne des résultats. Parce que, de penser qu'une personne itinérante au départ va aller à ses rendez-vous à l'hôpital, c'est de ne pas vouloir les voir, parce que ces personnes-là, d'abord ils n'ont pas un agenda, hein, ils ne tiennent pas ça par écrit, et puis ce n'est pas comme ça qu'on peut les rejoindre, il faut aller les rejoindre là où ils sont. Nous, on est à travailler un projet de suivi intensif dans le milieu pour l'itinérance, donc une équipe de santé mentale mais qui rejoint les gens dans leur milieu, là où ils sont, dans la rue, et qui, tranquillement pas vite, les amène vers les services. C'est comme ça qu'on réussit à leur donner des services.

Mais, vous avez raison, ça fait plusieurs années qu'on dit la même chose. C'est comme ça, je pense, que les équipes d'itinérance sont nées. Mais ce n'est pas suffisant, il faut attacher aussi les équipes de psychiatrie, il faut attacher aussi les gens qui travaillent en déficience intellectuelle. Parce que, nous, on a la chance d'avoir quelqu'un qui travaille avec nous, qui connaît ce domaine-là. Mais ça aussi, c'est quelque chose. Quand M. Rayside parlait de désinstitutionnalisation, là aussi il n'y a plus vraiment de ressource d'hébergement en D.I. Puis il y a les gens qui ne sont pas tout à fait suffisamment déficients pour être reconnus, donc ils ont, eux aussi, des difficultés.

Donc, il y a un arrimage à faire dans plusieurs réseaux et il y a des orientations claires à donner. Je pense qu'il faut que le ministère donne des orientations claires que c'est ça qu'on fait et que c'est ça qui est l'approche qui est privilégiée, c'est d'aller vers ces gens-là, parce qu'ils ne viendront pas vers nos réseaux bien organisés avec des rendez-vous aux 45 minutes.

M. Dorion: J'aimerais ça aller dans le même ordre que vous avez partagé tantôt. Moi, j'ai de la difficulté. Parce qu'on a eu quand même un dossier, à Nicolet-Yamaska, dernièrement, qui a fait quand même la une de nos manchettes, peut-être pas malheureusement provincialement. Mais on dit qu'on a fait, depuis les années soixante, une désinstitutionnalisation. Il y a des ressources qui sont arrivées pour pallier, je dirais, en partie, parce qu'on a quand même eu des ressources intermédiaires qui ont vu le jour, on a eu des familles d'accueil qui ont vu le jour.

Et, moi, la difficulté qu'un de mes organismes rencontre, autant au niveau de la santé mentale qu'au niveau de la déficience intellectuelle, c'est que les ressources avaient six places, et là, bien, ils ont le devoir de couper puis de ramener ça à quatre places. Là, je me dis: Coudon, ces personnes-là dans les ressources, ils reçoivent des services, ils reçoivent un support puis ils reçoivent un suivi, puis, moi, depuis deux jours, j'entends qu'il y a une lacune puis qu'il n'y en a pas. Ça fait qu'imaginez-vous ces gens-là vont se retrouver où? Je veux dire, qui est responsable? C'est parce que, moi, les raisons qu'on m'a données: c'est pour améliorer davantage la qualité de vie des usagers, de les diminuer de six à quatre. Est-ce que...

n (9 h 40) n

Le Président (M. Kelley): M. Rayside.

M. Rayside (Ron): Ici, on a un problème. C'est à qui la faute? Moi, je ne sais pas c'est à qui la faute. Mais, moi, je ne réponds pas à ce genre de question là. Mais, de dire...

M. Dorion: ...la faute.

M. Rayside (Ron): Non, non, je sais.

M. Dorion: Il y a quelqu'un qui doit porter le dossier, faire reconnaître les choses.

M. Rayside (Ron): Oui, oui, mais ce n'est pas simplement de dire que c'est la faute à un tel ou la faute d'une telle. Mais, même dans la question du logement, les maisons de chambres, on a perdu des milliers de chambres dans le centre-ville. Et, les coûts de construction et même les programmes actuels qui sont là pour essayer de sauvegarder, essayer de maintenir une certaine dignité dans l'hébergement pour les gens qui sont dans la misère, il y a Montréal qui est déjà beaucoup plus chère que partout ailleurs et que le coeur de la métropole, ça coûte les yeux de la tête. Il y a une maison de chambres avec 20 chambres qu'on va sûrement perdre parce qu'il n'y a aucun programme qui nous permet de faire l'acquisition de cette maison de chambres au coût actuel. On parle, à l'extérieur... Et les programmes sont modelés pour une moyenne.

On paie, à l'extérieur de Montréal puis l'extérieur du coeur de Montréal, 15 $, mettons, le pied carré pour du terrain. Dans un autre territoire, ça peut aller jusqu'à 150 $ à 200 $ le pied carré pour du terrain. Pour les immeubles, on parle, à l'extérieur, peut-être un 30 $, 40 $ pour un immeuble existant; ici, on peut atteindre 200 $ sinon plus. Ça fait que quoi faire pour empêcher qu'il y ait un autre 1 000 chambres fermées dans les deux, trois, quatre, cinq années qui s'en viennent? Et, dans certains cas, c'est une clientèle qui, entre ces chambres-là... Puis ça peut être une chambre dans le plus modeste imaginable, il y a même des articles, dans La Presse, qui ont parlé de ça. Mais, entre ces chambres-là puis la rue, la marche est ça de haut. Donc, c'est ça, le problème. À qui la faute? Je ne le sais pas. Et ça prend absolument une politique particulière pour les quartiers centraux, pour le coeur du problème puis le coeur de la métropole, entre autres.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bellechasse, il vous reste deux minutes.

M. Domingue: Bonjour, bienvenue à la commission. Je vais aller assez rapidement. Mme Lapointe, je vous écoutais tantôt dire que le système avait parfois des ratés, qu'il y avait des manques de communication, qu'il faudrait faire de l'arrimage. J'ai travaillé dans le milieu communautaire il y a une quinzaine d'années. Ce que vous dites là, là, c'est ce qu'on entendait. 15 ans plus tard, vous redites les mêmes choses que, moi, j'ai entendues. Alors, je sais qu'il n'y a pas de faute, mais on fait quoi à partir de maintenant?

Parce qu'il y a des organismes communautaires qui sont des organismes de première ligne ? j'écoutais votre témoignage tantôt, qui était frappant ? puis on a une agence qui dans le fond a le devoir et la responsabilité de gérer les fonds. Alors, si vous aviez des recommandations à faire ce matin, ce serait quoi, pour dénouer ce problème au niveau de l'itinérance? J'ai le goût de vous entendre là-dessus, là.

Mme Lapointe (Chantale): D'abord, je vais peut-être corriger la perception que vous avez eue. Quand je parle de lacunes dans les systèmes, ce n'est pas juste le système de santé, c'est beaucoup entre la santé et le judiciaire, entre la santé et le correctionnel, entre le revenu garanti et les personnes, ce n'est pas uniquement dans le réseau de la santé. Je pense que, dans le réseau de la santé, on a fait des pas. Je suis d'accord avec vous, on en parlait il y a 10 ans, on en parlait il y a 15 ans, puis je pense qu'on va en parler encore quelques années. Je pense qu'il y a eu des pas de faits. Par exemple, je pense à des programmes où on travaille avec les jeunes de 17 ans en centre jeunesse pour que, quand ils arrivent à 18 ans, ils ne soient pas: Woups! tout d'un coup, il n'y a plus de parachute. Puis, entre vous et moi, 18 ans, aujourd'hui, on a encore besoin d'un réseau de soutien autour de soi.

Donc, il y a eu des pas de faits, je pense qu'il faut les reconnaître, mais, quand je parle de bris de système, ce n'est pas juste dans le réseau de la santé, c'est entre tous ces réseaux-là. Et c'est pour ça que ça prend une politique qui est gouvernementale, qui touche, oui, le réseau de la santé, mais tous les autres réseaux. Parce que, quand on sort quelqu'un de prison qui a des problèmes de santé mentale puis qu'il a des médicaments pour 48 heures, puis après ça, woups! là, il sort de prison, il n'a pas de job, il n'a pas de logement, puis là il n'a plus de médicaments, ça fait qu'il commence à se désorganiser. La première chose qu'on sait, il va retourner en prison parce que, tu sais, il va manquer d'argent, il va faire un délit puis il va retourner en prison. Quand je parle des problèmes de système, c'est ça, c'est l'interconnexion. Je pense que, là où on a fait des pas à l'intérieur du réseau de la santé, c'est d'organiser certaines choses, puis ce n'est pas parfait, mais je pense qu'il y a aussi beaucoup de ces liens-là.

M. Rayside parlait du logement. Bien, tu sais, les politiques qu'on a en logement social, si on ne les adapte pas puis si on ne donne pas du soutien communautaire dans ces ressources-là... On le voit, les logements, les chambres qui ont du soutien communautaire, là, ces personnes-là, elles ne retournent pas dans la rue puis ils sont heureux. Moi, j'en ai visité, là, puis ils sont heureux, ils sont contents de nous montrer leur petite chambre, leur petit studio. Puis maintenant ils ont amélioré ça, ils n'ont pas juste une chambre, ils ont une petite chambre de bain puis un petit coin cuisine. Tu sais, c'est la base de tout le monde, là, tu sais, tout le monde veut avoir ça, son lit à lui quelque part, sa chambre de bain pour aller aux toilettes tout seul. Quand on parle de dignité, là, moi, ça part... c'est assez «basic», je dirais. Ça fait que c'est plus entre les systèmes, que je voulais dire, qui... À mon sens, à ce moment-ci, c'est pour ça que ça nous prend une politique qui arrime le tout et qui fait que chaque ministère fait des efforts dans ce sens-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, mesdames, monsieur, merci pour la qualité de votre mémoire. Et je pense que vous avez vraiment... vous nous apportez un éclairage complémentaire à tout ce qu'on a entendu au cours des deux prochains jours. C'est assez épouvantable, ce que vous nous racontez. C'est pire, c'est pire, vraiment, là, que tout ce qu'on peut imaginer. Il y a des incohérences incroyables qu'il va falloir corriger. La commission parlementaire, ici, vous savez, on est là pour trouver des solutions, et merci de nous donner des pistes.

Vous avez beaucoup parlé de prévention. Quand j'ai commencé, j'ai abordé cette commission parlementaire là, pour moi, il y avait trois objectifs, trois choses fondamentales à mon sens, auxquelles on devait s'attaquer, c'était: la lutte à la pauvreté, donc un premier p, c'est-à-dire vous avez parlé d'un revenu décent, de logement, des chambres, bon; ensuite, évidemment, les préjugés, vous le dites vous-mêmes qu'il y a des problèmes de préjugés, de discrimination, même de rejet, même à l'intérieur des équipes d'intervenants à certains moments; et finalement la prévention. On ne peut pas traiter ce problème-là juste en sauvant ceux qui sont mal pris. Il faut le faire, là, hein, mais il faut faire de la prévention.

La discrimination dont font preuve les personnes qui arrivent, ce que vous nous avez raconté à l'égard de Mme Annie, hein, par exemple, pour faire ça plus court, vous avez dû plaider, hein, pour que le psychiatre qui la recevait accepte de la traiter un peu malgré, elle, ses réticences. En fin de compte, là, on a déjà eu... On se rappelle Le choix de Sophie. Vous vous rappelez ce film, Le choix de Sophie? Là, c'est le choix donc du professionnel de santé. C'est-à-dire que, dans certains cas, le professionnel de santé peut décider: Je vous soigne, vous; je ne vous soigne pas, vous. C'est ce que vous nous dites?

Mme Keays (Nancy): Bien, en fait, je ne rentrerai pas dans tous les détails de dédales administratifs, mais, vous savez, les médecins gèrent des lits d'urgence entre autres, ils choisissent d'hospitaliser des gens, tout ça. Là, ils sont face à une situation où il y a quelqu'un qui ne veut pas de soins puis il y a des gens qui veulent des soins. Donc, c'est facile... bien, facile, j'imagine que non, mais de prioriser puis de dire: On a... C'est beaucoup des...

Les personnes itinérantes n'ont pas toutes à être traitées contre leur gré, hein? Il y a des gens qui ont des problèmes de santé mentale puis qui ne veulent pas de médicaments, et c'est très correct, ils fonctionnent avec ça, puis, quand même qu'ils parlent tout seuls, ce n'est pas si grave que ça s'ils sont quand même, malgré tout, fonctionnels.

Là, je suis allée dans une histoire de cas qui était vraiment... qui avait traversé la limite de ce qui est acceptable et imaginable, mais, dans ces situations-là, ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est extrêmement complexe, et, quand on s'engage, il faut vraiment tout mettre ce qui est autour de cette personne pour l'encadrer. On parlait de responsabilité tantôt, je pense, la responsabilité de tout le monde, il faut travailler tout le monde ensemble, c'est moins lourd.

Mais je ne sais pas quoi répondre, sérieusement, à tout ça. C'est triste. Ce n'est pas toujours ça qui se passe, mais ça arrive, effectivement. Est-ce que c'est par discrimination? Je ne le sais pas. Je ne pense pas. Oui, on fait beaucoup de défense de droits, nous, pour essayer de faire en sorte que les gens aient les soins. Ils y ont droit, mais aussi, bien, particulièrement dans ce cas-ci, je veux dire, je pense, sincèrement, j'ai parlé une heure et demie avec le psychiatre, il n'y a rien que j'avais réussi à faire pour le convaincre, sauf quand je lui ai dit: Si c'était votre fille, feriez-vous la même chose? Je pense qu'il faut aussi tenir compte que ces gens-là, on doit les soigner comme des citoyens, comme... Et, quand ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes, décider qu'ils veulent des soins, il faut le faire à leur place. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Donc, oui, dans certains cas, il faut le faire.

n (9 h 50) n

Mme Lapointe (Chantale): J'ajouterais peut-être, si vous permettez, que peut-être que, si les psychiatres savaient qu'il y a, autour de ces personnes-là, des équipes pour les aider... Parce que je pense que ce qui leur fait surtout peur c'est: Bon, bien, si j'hospitalise cette personne-là... C'est des personnes responsables, les médecins. Ils ont une responsabilité. Une fois qu'ils ont admis un patient à leur nom, ils en deviennent responsables. Et cette responsabilité-là, comme dit Nancy, elle est lourde devant une personne qui a des problèmes qui font qu'elle est dans l'itinérance. Donc, je pense qu'il faut leur donner aussi l'assurance qu'il y aura des équipes autour.

Et c'est pour ça que, nous, on pense qu'une équipe de suivi intensif dans le milieu, qui connaît l'itinérance, qui connaît cette population-là, les particularités, ça pourrait être soutenant et peut-être que ça changerait des décisions aussi. Parce que c'est sûr que, si le psychiatre se retrouve seul avec cette... bien, pas seul, parce qu'il n'est pas seul dans son hôpital, là, mais une fois sorti de l'hôpital... Tu sais, son équipe, lui, elle est dans l'hôpital, elle n'est pas à l'extérieur de l'hôpital. Donc, il faut faire... Là, il y a un arrimage qui n'est pas fait puis qui est essentiel.

Mme Lapointe (Crémazie): En tout cas, tout ce qu'on a entendu depuis deux jours, c'est que ces personnes-là, qui sont les plus dépourvues, si vous voulez, les plus malades, sont les personnes qui ont le moins accès à nos services en général, les soins de santé, le chèque d'aide sociale. On nous en a parlé, c'est très complexe dans certains cas.

Vous parlez aussi, à la page 21 de votre mémoire, d'une forme de table de concertation. Vous suggérez ? et Diogène l'avait fait aussi, hier, avant vous ? une table locale qui discuterait des cas particuliers, tu sais, un endroit où vous pourriez ensemble parler des pratiques, parler de prévention, parler peut-être aussi de formation dans les différents milieux, que ce soient les policiers, que ce soit... Qu'est-ce que vous entendez exactement? Comment la voyez-vous, cette table?

Mme Keays (Nancy): Il existe actuellement, déjà, une table de liaison en itinérance, en santé mentale aussi, mais c'est des discussions beaucoup plus de gestion, d'administration, tout ça. Bon, quand on travaille avec le milieu communautaire, entre autres, notre équipe, on travaille énormément avec le milieu communautaire, il y a des organismes qu'on connaît peut-être un peu moins, donc, quand on apprend qu'ils existent, puis on fait: Ah, bon, bien, mon Dieu!, c'est intéressant... Ce serait un lieu, je pense, où les gens pourraient se connaître, développer des liens. On sait que, quand on connaît des gens dans un organisme, c'est toujours plus facile aussi de s'arrimer puis d'encadrer quelqu'un, de donner des services à quelqu'un. Donc, ça permettrait la création de liens entre les organismes, entre les intervenants et faciliterait beaucoup le travail ensemble.

Dans le travail de rue actuellement qu'on fait, nous, de proximité, étant donné qu'on n'est quand même pas une si grosse équipe que ça puis qu'on couvre l'île de Montréal, on s'arrime beaucoup avec les organismes communautaires qui font du travail de rue. Eux le font tous les jours, ils sont un peu nos yeux; nous, on y va plusieurs fois par semaine, mais pas chaque jour parce qu'on ne peut pas. Donc, quand il y a des situations préoccupantes, ils m'appellent, puis, bon, je dis: O.K., je vais y aller. Mais on a créé des liens, et je ne peux plus me passer de ces liens-là, c'est essentiel. On parlait tantôt, la responsabilité, elle est plus partagée entre nous, et c'est moins lourd.

Donc, c'est un peu ça qu'on veut, en fait. C'est un lieu où on peut apprendre à se connaître, développer des liens, parler de nos problématiques, pas de cas particuliers en termes de situations comme je vous ai racontées tout à l'heure, mais vraiment en termes de problématiques qu'on rencontre puis: Bien, vous, qu'est-ce que vous faites quand vous avez ces situations-là? Puis on se donne un peu de formation, un et l'autre, avec notre expérience respective. Donc, c'est un peu ce genre de lieu là qu'on souhaite.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci beaucoup. Bravo!

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question. M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Une minute, c'est ça?

Le Président (M. Kelley): Deux minutes.

M. Lemay: Deux minutes! Wow!

Le Président (M. Kelley): Oui. Le luxe!

M. Lemay: La question sera courte. Je vais essayer d'en poser plus. Mais ça me fait énormément plaisir que vous soyez là ce matin. Le CSSS Jeanne-Mance est vraiment dans le coeur de l'action. Et je peux témoigner avec mes collègues le travail extraordinaire que vous faites dans des circonstances des fois pas toujours faciles.

Je vais vous faire une petite déclaration. Est-ce qu'on peut dire... Puis la question est de bien comprendre, hein, n'est pas, je suis d'accord avec mes collègues, n'est pas de pointer des coupables ou... Mais est-ce qu'on peut dire qu'il y a quand même une certaine mentalité... Vous parlez beaucoup d'«outreach» et vous n'êtes pas les seuls. Est-ce qu'il y a une certaine mentalité: hors du réseau, point de salut? Donc, pour les gens qui naturellement ne vont pas dans le réseau de santé, ou à Emploi-Québec, ou à autres, ils sont pognés, il n'y a rien à faire? Est-ce qu'il y a une certaine mentalité: réseau, hôpitaux? Donc, dès que tu sors de ça, c'est très difficile de donner les services aux gens.

Le Président (M. Kelley): Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Chantale): Bien, je dirais que c'est difficile parce qu'on n'a pas les moyens de le faire, parce que c'est une question de ressources. Nous, l'équipe est, quoi, là, huit, neuf personnes pour l'île de Montréal? Huit, neuf personnes, c'est combien d'heures par semaine pour couvrir l'île de Montréal, découvrir les itinérants que nous ne connaissons pas, donner du soutien aux refuges, travailler avec les organismes communautaires? Évidemment, comme Nancy le dit, heureusement, on a tous ces organismes-là qui ont des yeux, qui sont capables de dire: Aïe! telle situation, c'est la plus... Donc, nous, on répond aux situations extrêmes.

L'équipe répond quand les organismes sont rendus à la limite de ce qu'ils peuvent faire ou qu'ils voient vraiment une situation. Donc, je dirais, à votre question: Est-ce qu'il y a des ressources en dehors du réseau institutionnel?, je pense qu'il n'y en a pas suffisamment, il n'y en a pas suffisamment à Montréal, il n'y en a pas suffisamment ailleurs non plus. Et je pense que ça fait partie de la solution, c'est de voir aussi que les... Ça fait plusieurs fois que je le dis, je pense qu'il faut sortir les ressources du milieu institutionnel pour cette clientèle-là parce qu'elle n'ira pas dans ces... à moins d'y être forcée par le tribunal. Puis on ressort vite, après, ça fait que ça...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, à la fois pour la qualité du mémoire, pour la qualité du témoignage. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires sur les passages, les transitions entre un réseau et un autre. Et, je pense, ça, c'est un phénomène sur lequel la commission doit se pencher. Vos commentaires à la fois sur le service de détention, le secteur de détention, les centres de jeunesse, il y a ces passages, ces transitions, et vous avez évoqué ça, je pense que c'est très pertinent.

Alors, je pense qu'on va être chez vous, demain matin, 8 heures. Alors, le président aime son café noir, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Je pense qu'on a beaucoup de... Parce que, dans le cadre de notre visite à Montréal, on aimerait aller rencontrer les personnes chez eux. Alors, merci beaucoup d'avoir organisé un avant-midi pour nous autres, et on va être là avec grand intérêt.

Sur ce, je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentants de CACTUS Montréal de prendre place.

(Suspension de la séance à 9 h 57)

 

(Reprise à 10 h 4)

Le Président (M. Kelley): Alors, notre deuxième témoin ce matin, c'est le Centre d'action communautaire auprès des toxicomanes utilisateurs de seringues, CACTUS Montréal. Et son représentant, c'est M. Jean-François Mary. Alors, la parole est à vous, M. Jean-François Mary.

Centre d'action communautaire
auprès des toxicomanes utilisateurs
de seringues (CACTUS Montréal)

M. Mary (Jean-François): Bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Tout d'abord, avant de commencer, on tenait à saluer la tenue de cette commission parlementaire qu'on avait été nombreux, à la fois dans le communautaire et auprès de nos regroupements, à demander. Puis c'est chose faite. Donc, on vous remercie pour ça.

Donc, CACTUS Montréal est un organisme qui travaille avec les personnes qui utilisent des drogues par injection ou par inhalation, qui font du travail du sexe, afin de prévenir la transmission du VIH-sida, des hépatites ainsi que des autres ITSS.

Notre approche de réduction des méfaits vise à atténuer les conséquences reliées à l'usage de substances pour la personne qui consomme et aussi pour son entourage. Nous favorisons donc la prise en charge individuelle et collective des personnes afin de les outiller afin qu'elles puissent mettre en oeuvre des comportements sécuritaires et responsables lors de la consommation, qu'elles fassent des choix éclairés en matière de consommation de drogues et pour répondre, entre autres, à leurs besoins de base.

Donc, cela se décline sous différents programmes. Donc, il y a un site d'échange de seringues où se réalisent la distribution, la récupération et aussi l'accompagnement psychosocial en individuel des personnes. Il y a aussi du travail de rue qui est réalisé, un projet spécifique pour les travestis et transsexuels qui vivent une situation vraiment très particulière au Québec en particulier. Il y a aussi un lieu d'accueil et d'implication sociale pour des personnes qui consomment activement et qui parleront par la suite, qui suivent derrière.

Pourquoi se sentir concerné? Parce qu'un nombre élevé de personnes, jeunes ou moins jeunes, itinérantes ou non, consomment de façon inappropriée. Ces personnes font peut-être partie à différents degrés de notre entourage à tous, ici. Parce que les conséquences de la consommation sont préoccupantes au niveau de la santé, de la sécurité et aussi des coûts sociaux. Parce que l'usage de drogues est une réalité universelle qu'on connaît depuis des milliers d'années et avec laquelle il faut composer au sein de nos sociétés.

Le pragmatisme de notre approche ne vise pas à travailler uniquement sur l'absence de consommation mais nous permet de travailler directement avec les personnes qui font usage aujourd'hui, maintenant, dans nos villes. Puis l'humanisme permet de tenir compte aussi de la qualité de vie des personnes, et pas uniquement de se concentrer sur leur consommation, mais aussi de toucher à un aspect plus global de leur vie, en fait de leur survie.

La situation actuellement, à Montréal tout du moins, est alarmante. On dispose d'une étude, Survi-UDI, qui réalise du monitorage continu auprès de cette population-là dans les différents programmes d'échange de seringues de la ville de Montréal. Les dernières données datent du début de 2007. Elles faisaient état d'un taux de prévalence de 18 % en VIH-sida, d'un taux de prévalence de 66 % pour le virus de l'hépatite C. On parle d'épidémie bien sûr à partir de 10 %, donc vous comprendrez la gravité aussi de ces épidémies-là.

Dans cette étude aussi, ils recensent où les gens sont logés, un peu leurs conditions de vie générales. Puis on réalise que 45 % d'entre eux vivent actuellement dans la rue, un refuge ou dans un squat, 25 % sont dans un chambre, ce qui nous donne environ 70 % qui sont dans une grande précarité du logement.

Donc, vous comprendrez donc maintenant le sujet principal du mémoire qu'a déposé CACTUS, qui a plusieurs thèmes, mais le sujet principal en reste les salles d'injection supervisée parce que c'est un sujet qui a pris beaucoup de place dans les médias, au cours des derniers mois, avec différentes déclarations selon les ministres qui ont alterné à la Santé et aux Services sociaux. Il nous semble important d'apporter un éclairage à partir des études qui ont été publiées sur les différentes ressources de par le monde, et en particulier Insite à Vancouver, et de pousser une réflexion sur leur pertinence dans le contexte montréalais auquel nous faisons face tous les jours, dans notre travail, puis ensuite d'apporter aussi un autre regard sur les bases sur lesquelles de telles ressources pourraient se construire, des bases qui sont fragiles, qui souffrent d'un manque de financement récurrent, qui ne sont pas reconnues comme un service essentiel. Donc, c'était important aussi d'apporter un éclairage sur l'existant et le besoin d'appuyer des programmes en place.

Donc, je vais commencer par une définition basique des salles d'injection supervisée telles qu'on les retrouve de par le monde. Ce sont des salles où la consommation supervisée de drogues déjà achetées peut se réaliser dans un environnement où les personnes ne sont pas jugées pour ce qu'elles font ou consomment, sous la supervision d'un personnel formé spécifiquement à cet effet. On entend par là donc, bien sûr, des infirmiers et des infirmières, des professionnels de la santé, donc. Ce sont des ressources hautement spécialisées dans un réseau de services de soins pour les usagers de drogues. Ces structures s'intègrent dans une stratégie locale afin de satisfaire les besoins individuels et collectifs qui sont apparus en lien avec la consommation de drogues.

Donc, les SCS, donc les salles de consommation supervisée, excusez-moi, se distinguent des piqueries illégales maintenues pour le profit par des vendeurs de drogues, des salles de consommation mises en place dans le cadre de projets de substitution, comme l'a été NAOMI à Montréal. Les principaux objectifs de ces structures sont d'une part:

De rejoindre les populations les plus à risque, qui ne sont pas forcément rejointes actuellement par les autres services, si ce n'est par le travail de rue, c'est-à-dire des personnes qui utilisent des drogues par injection ou inhalation, qui sont dans la rue, soit qu'ils sont itinérants, soit qu'ils ont recours au travail du sexe.

D'améliorer la santé des utilisateurs et d'éviter la propagation des infections transmissibles sexuellement et par le sang, d'une part en leur fournissant du matériel stérile d'injection au sein de la structure pour que ces injections-là se fassent avec du matériel stérile, mais aussi ce sont des principes qui vont changer aussi les conditions de consommation à terme, dans la population, par une conscientisation de ces personnes-là qui vont fréquenter la ressource. Donc, ça joue à deux niveaux: au niveau de la communauté, on va dire, puis au niveau de l'individu aussi.

De fournir un environnement sécuritaire pour la consommation de drogues par injection ou inhalation;

n (10 h 10) n

De réduire la mortalité pour les groupes visés, à plusieurs niveaux, puisque des soins de base en santé peuvent être donnés sur la ressource, donc là on joue vraiment sur la santé globale des personnes, mais aussi sur les méthodes d'injection, pour apprendre à ces personnes-là à s'injecter de manière adéquate, on va dire, avec du personnel infirmier où c'est leur travail d'injecter ? mais eux ne réalisent pas l'injection, mais ils peuvent apprendre au monde en leur fournissant des formations ? puis aussi en donnant de l'information sur les modes de consommation des substances, en évitant les cas de surdose, qui peuvent être évités s'il y a une intervention à temps, donc selon les différents types de substances aussi que les personnes consomment.

De stabiliser et de promouvoir la santé des utilisateurs.

Et d'assurer un maintien de l'ordre public, d'une part, en réduisant l'usage de drogues dans des lieux publics ou semi-publics mais aussi, d'autre part, en réduisant la criminalité directe autour de la structure parce qu'il y a des intervenants qui travaillent là et qui connaissent la population, puis c'est beaucoup plus facile de faire un travail en matière de prévention de la criminalité, à quelque part.

Sous la forme actuelle, les salles de consommation supervisée sont apparues au milieu des années quatre-vingt en Suisse. Il existait déjà des initiatives en la matière depuis les années soixante, en Hollande en particulier puis en Angleterre aussi. Aujourd'hui, donc, sous la forme actuelle, il existe plus de 70 de ces structures de par le monde, que ce soit en Europe, en Australie ou plus récemment à Vancouver, au Canada.

Les règles habituelles qu'on retrouve dans ces structures diffèrent assez peu ? si ce n'est du contexte vraiment avec la présence des substances à l'intérieur ? des programmes d'échange de seringues en l'occurrence pour les codes de vie intérieure. Aucun partage de matériel d'injection, bien entendu. L'accès est généralement restreint aux utilisateurs majeurs qui ont déjà utilisé des drogues injectables. Tous les utilisateurs doivent s'inscrire à l'entrée. Même s'il y a un souci d'anonymat sur la communication à l'extérieur, les personnes s'inscrivent pour entrer dans le service. Aucun trafic de drogue sur les lieux, bien entendu. Pas d'échange ou de partage de drogues. Accès souvent limité aux injecteurs locaux, donc du quartier. Aucun alcool sur les lieux. Et aucune violence physique et verbale ni aucune activité illégale ne sont tolérées au sein de la structure.

L'objectif de ces salles est de rejoindre des personnes, on va dire, selon... Selon les différentes études, on se rend compte qu'il y a un profil global de population qui fréquente majoritairement ces structures-là. Ce sont des personnes âgées de plus 30 ans, qui consomment depuis plus de 10 ans, qui sont itinérantes ou ont eu recours au travail du sexe, qui n'ont souvent eu aucun contact préalable pour des traitements ou qui ont échoué aussi à multiples reprises des traitements en toxicomanie donc. Est particulièrement pertinent pour rejoindre des groupes de population à risque, dont font partie les personnes en situation itinérante ou les jeunes de la rue. Ainsi, d'après le rapport final d'Insite, on se rend compte que l'ouverture du site peut être corrélée avec une augmentation de 30 % du recours aux ressources en désintoxication, donc une porte de plus ouverte vers ces ressources-là.

Permet aussi de réduire les cas de décès par surdose, puisque, pendant la période d'évaluation d'Insite de trois ans ? maintenant ça fait cinq ans, donc il y en a eu beaucoup plus ? 336 cas de surdose ont été observés au sein de la structure, et aucune n'a été fatale.

Diminution du matériel de consommation à la traîne, j'y reviendrai aussi, puisque, dans le cas de notre travail aussi, c'est un enjeu important.

Réduction des nuisances publiques associées à la consommation de drogues. Puis là les données d'Insite sont assez frappantes, étant donné qu'il y a une compagnie de sécurité privée qui fait du monitorage justement des interventions qu'elles ont amenées. Ça a permis de se rendre compte un peu au jour le jour des changements. Puis, au cours de la période de trois ans donc d'évaluation d'Insite, on a remarqué une diminution, dans le quartier vraiment où se trouve la ressource, de 19 % de la prostitution, de 32 % des vols, de 20 % des vols à l'étalage, de 66 % des agressions sexuelles et de 95 % des «squeegees». Donc, on voit que ça opère une bonne médiation dans le milieu local et direct.

Je vais maintenant parler du contexte montréalais en tant que tel pour enfin montrer puis aussi poser des questions quant à la pertinence de ces salles d'injection supervisée. D'abord, une particularité qui est propre au Québec et à Montréal, qui est les types de substances qui sont consommées ici, qui diffèrent un peu de la majorité des lieux dans le monde où des salles de ce type sont en place, qui concernent quasi essentiellement une consommation de cocaïne avec aussi quand même une consommation d'héroïne mais pas vraiment de drogues de choix. Donc, on témoigne d'une polytoxicomanie, on va dire, utilisation de différentes substances selon la disponibilité et le prix, la capacité financière, enfin différents contextes qui font que ça présente aussi une caractéristique spéciale de consommation puisque les personnes vont faire des consommations par «binges», on va dire, des périodes assez intenses de consommation qui peuvent aller donc de quatre à 10 jours, selon les limites physiques ou financières de la personne, mais aussi d'un nombre d'injections qui est très élevé, qui peut aller de cinq à 30 injections par jour de cocaïne, contrairement à, on va dire, de un à trois pour des personnes qui consomment de l'héroïne, quatre à cinq pour des personnes qui consomment beaucoup d'héroïne. 64 % des personnes aussi sondées dans l'étude Surv-UDI faisaient état d'une consommation de crack.

Donc, on observe une consommation de cocaïne, du crack par inhalation et aussi des médicaments, donc des dérivés de morphine aussi, qui sont de plus en plus consommés parce que leur coût est très bas mais qui posent de gros problèmes au niveau de la santé puisqu'ils contiennent des agents de texture qui, eux, ne sont pas stériles. L'incidence donc sur la santé est très grande, cause des abcès, des maladies du foie, des endocardites, des lésions cérébrales, sans parler donc du VIH, des hépatites et des autres ITSS. Il est donc nécessaire d'accroître l'accessibilité aux services et de développer des programmes ciblés pour des populations ciblées dans le long terme.

À Montréal, au niveau de l'ordre public et des déchets de matériel de consommation à la traîne, il y a un grand travail qui est fait à plusieurs niveaux. Donc, on va parler des déchets de consommation à la traîne. À Montréal, il y a différents services: des groupes communautaires s'impliquent pour faire des rondes quotidiennes de ramassage dans leurs périmètres; un organisme aussi a le mandat de faire des rondes sur le grand territoire; et les services de la ville de Montréal, les services de police, sont équipés pour ramasser des seringues. Même des établissements où on retrouve beaucoup de seringues à la traîne, comme l'UQAM, font du ramassage, établissent des bacs aussi dans les toilettes, où des situations problématiques se posent.

Je voudrais maintenant revenir sur les bases qui viennent appuyer la mise en place de nouveaux programmes puis de nouveaux services pour des populations vraiment très spécifiques. Ce sont des programmes bas seuil, donc qui ont pour objectif de soutenir des personnes qui consomment des drogues illégales là où elles se trouvent, afin que leur santé se détériore le moins, pour qu'elles puissent prendre en main leur vie puis entamer des démarches de désintoxication, de recherche de logement, de recherche d'emploi. Mais il faut les prendre à un moment donné où elles ne sont pas capables de mener ces démarches-là, puis c'est pour ça que les ressources de groupes communautaires comme CACTUS et beaucoup d'autres, à Montréal et ailleurs au Québec, font ce travail-là, c'est pour rejoindre ces personnes-là puis leur ouvrir la porte vers d'autres services.

La quasi-totalité des personnes toxicodépendantes vont, à un moment donné de leur vie, arrêter leur consommation soit en suivant une thérapie, soit en arrêtant d'elles-mêmes aussi. Mais il faut comprendre que l'unique critère d'un retour, on va dire, à la vie normale pour des personnes qui consomment, ce n'est pas un schéma en une étape, ça constitue plusieurs étapes, des périodes très difficiles, des conditions d'hygiène très difficiles, mais, à un moment donné, la porte ouverte par le biais des programmes d'échange de seringues, donc la distribution de matériel stérile, pour avoir accès à des intervenants, par le travail de rue aussi, où ils ont accès à un intervenant qui peut faire des références, qui peut les accompagner, les référer ? on en parlait tout à l'heure ? aux services, par exemple, des CLSC... enfin des CSSS maintenant. C'est un processus qui comprend plusieurs étapes, différents types d'intervenants aussi qui ont différents mandats et qui vont travailler sur la santé, sur le logement, sur le travail, sur différents aspects avec les personnes en tant que telles.

Donc, depuis la fin des années quatre-vingt, les programmes d'échange de seringues ont vu le jour. Ils permettent d'agir concrètement contre une épidémie qui existe depuis les années quatre-vingt ici, en Amérique du Nord. CACTUS Montréal est le premier programme d'échange de seringues en Amérique du Nord, d'ailleurs. Il permet de réaliser un accompagnement psychosocial des personnes puis souvent d'ouvrir une porte pour ces personnes.

Mais ces programmes-là ont vécu des attaques récemment, puis la plus marquante a été, on va dire, le refondement de la stratégie canadienne antidrogue, qui, dans ses quatre piliers, qui sont la répression et le contrôle, la prévention et la désintoxication, a supprimé le pilier qui à mes yeux était la porte d'entrée, qui est la réduction des méfaits. Que reste-t-il donc pour des personnes qui consomment activement, qui ne sont pas impliquées dans le trafic ou le crime, qui ne sont pas prêtes encore à entamer des démarches thérapeutiques ou qui en ont échoué et qui consomment déjà depuis de nombreuses années? Elles ne sont touchées par aucun des axes de la stratégie antidrogue canadienne. On a reçu aussi diverses attaques, mais je n'ai pas le temps ici d'y revenir.

Et donc il faut considérer ces programmes-là, qui sont une base pour le développement de programmes futurs, comme une base sur laquelle construire. La situation est alarmante, les besoins de la population sont criants, il est essentiel de poursuivre le travail de première ligne. Puis il s'agit de services essentiels au même titre que les CLSC dans leur travail avec la santé, au même titre que les refuges, au même titre que les centres de cures de désintoxication. Les programmes d'échange de seringues, de travail de rue, des lieux d'accueil, d'implication, des centres de jour sont des services essentiels pour les personnes qui consomment des drogues et en particulier pour les personnes qui sont itinérantes puis qui ont peu ou pas de services pour s'occuper d'eux. Voilà. Je pense que...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Mary, pour amener ces précisions sur un enjeu peut-être moins connu mais, je pense, très important, un enjeu très important pour la commission. Je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Hull.

n (10 h 20) n

Mme Gaudreault: Alors, merci beaucoup de tous ces éclaircissements au sujet d'un sujet, oui, qui s'est retrouvé au coeur de l'actualité récemment. On va certainement en parler encore prochainement, j'imagine.

Mes collègues et moi avons eu le privilège de monter à bord d'une caravane, au cours des deux dernières soirées. On a rencontré toutes sortes de gens, des consommateurs qui venaient chercher toutes sortes de pièces d'équipement pour pouvoir consommer: des tubes, des filtres, des pipes, des seringues, des garrots. Pour des gens comme... en tout cas comme moi, j'ai posé beaucoup de questions, et ça semble très compliqué de pouvoir s'injecter tout ça et...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gaudreault: Bien, je veux dire, écoutez, pour moi, j'ai posé beaucoup de questions. Il y a même des consommateurs qui m'ont dit: Telle affaire, de la laine d'acier, ça, ça change le goût, et tout ça. Alors, pour moi, c'était fascinant de voir à quel point ces gens-là s'appliquent et connaissent très bien toutes ces composantes.

Oui, effectivement, il y a eu une étude qui a été produite. Et, vous savez, les consommateurs, ce sont des gens qui se déplacent et puis qui sont toujours en mouvement, et tout ça. Et, dans cette étude, on disait que 10 % des injections étaient faites dans ces sites qui sont supervisés. Je voudrais savoir: Est-ce que vous savez quelle a été l'évolution de la fréquentation de ces sites-là? Parce qu'il y a beaucoup d'éducation à faire auprès de la clientèle, alors, si on avait un site demain ici, à Montréal, comment vous pensez que d'abord les consommateurs accueilleraient ce nouveau site et quelles sont les perspectives de fréquentation?

M. Mary (Jean-François): Bon, tout d'abord, par rapport au contexte donc montréalais, avant de planifier, on va dire, un site ici, il faut savoir que la consommation par injection sur la voie publique, dans les lieux publics et semi-publics est éparpillée sur un très grand territoire, au contraire de Vancouver, qui est sur un quadrilatère quasiment, où donc une grosse ressource, à Vancouver, est adaptée pour répondre aux besoins de cette population-là. Ici, on se retrouverait plus dans un contexte avec des lieux éparpillés sur le territoire, qui se mettent en place là où, on va dire, la consommation, et le trafic de drogues, est le plus intense justement, ou le travail du sexe aussi, d'une part, d'une autre part, aussi, sur le fait qu'à Montréal il y a une population qui consomme qui est très diverse. Pas tous vont avoir le goût, le besoin aussi d'aller s'injecter dans ces ressources-là. Certains consomment dans leur chambre. Certains ont un travail, puis c'est en dehors de leur travail. Ils continuent, ils sont fonctionnels, mais ils consomment des drogues. Ça rejoint vraiment un groupe de population en particulier qui a besoin d'aide, qui, à ce moment-là, ne se sent vraiment pas bien mais a besoin de s'injecter, donc va aller dans cette ressource-là parce qu'au moins il sait qu'il y a là de l'aide.

Nous, par exemple ? je vais vous parler de ce qu'on fait, nous ? les personnes ne peuvent pas avoir de substances au sein de notre organisme, ne peuvent pas consommer au sein de notre organisme. Mais, quand quelqu'un se sent mal, on lui conseille toujours: Bien, tu vas t'injecter maintenant, ne consomme pas trop loin, comme ça, si tu te sens mal, bien tu vas pouvoir revenir à notre porte, puis, nous, on va t'apporter les soins dont tu as besoin. Sauf que ça crée une barrière.

Donc, si ça ouvrait à Montréal, la fréquentation serait plus des petits sites qui pourraient s'intégrer dans des réseaux existants. Par exemple, si des CLSC acceptaient, bien il y a déjà un réseau qui est en place, puis on peut trouver des lieux qui sont proches. Donc, il y a des moyens qui pourraient être mis en place pour que ça fonctionne aussi sur un modèle qui soit propre à Montréal puis qui soit particulier et adapté au contexte.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Alors, bonjour. Dans votre mémoire, vous élaborez un peu, à la page 24, sur le syndrome du «pas-dans-ma-cour». On ne se le cachera pas, c'est un obstacle important. Je pense que, comme politiciens, on est très sensibilisés évidemment aux préoccupations des citoyens qui vont manifester une crainte, une appréhension à voir s'établir un site d'injection comme ça dans leur quartier, dans leur rue, dans leur coin. Évidemment, il y a toutes sortes d'appréhensions.

Alors, vous mentionnez dans votre mémoire qu'il n'y a pas de solution magique, là, pour contrer ce phénomène-là du «pas-dans-ma-cour», mais avez-vous des idées, est-ce que vous avez des suggestions à proposer pour peut-être travailler à contrer un peu ce phénomène-là? Est-ce que ça passe par la sensibilisation? Est-ce que ça passe par l'éducation? Avez-vous des idées à proposer pour ce projet-là?

Mais je pense aussi à l'ensemble des projets qui touchent le phénomène de l'itinérance parce que je crois que le phénomène du «pas-dans-ma-cour», ce n'est pas seulement pour les sites d'injection supervisée. Je crois que, dans la salle, il doit y avoir des gens qui travaillent dans les refuges, dans les différents centres où on offre des services pour la population itinérante, toxicomanes, travailleurs du sexe, et on dirait que la population parfois a des appréhensions à voir ces services-là établis. Et vous y avez sûrement réfléchi, alors j'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Kelley): M. Mary.

M. Mary (Jean-François): Bien, on peut parler d'expérience ici, puisque CACTUS a été quelque part victime aussi de ce «pas-dans-ma-cour» lors de son déménagement, qui a mis en péril, à un moment donné, son déménagement. C'était une question de semaines pour perdre la subvention qui nous permettait d'avoir accès à notre local actuel. Donc, on l'a connu, ce phénomène-là.

Mais on s'est rendu compte, en s'installant dans ce milieu puis en rencontrant aussi les résidents et commerçants, que c'étaient plus des appréhensions, des craintes qui n'étaient pas forcément fondées sur la réalité de notre travail à nous puis de la responsabilité aussi qu'on se donne dans la communauté qui nous entoure. Donc, ça a été beaucoup de discussions, de rencontres.

On a mis en place aussi un comité local vraiment, Bon-voisinage, qu'il s'appelle, qui permet aussi de répondre aux irritants directement puis qui est un comité de travail, on pourrait dire, qui est vraiment très actif. On a un irritant, on dégage des pistes de solution, on met en place ces solutions puis ensuite on fait une rencontre de retour avec les mêmes résidents et commerçants pour voir s'ils sont satisfaits des mesures qui ont été mises en place, sinon on met en place un autre plan puis on retravaille à ces solutions-là qui ont été envisagées.

Donc, ça passe, oui, vous l'avez dit, par la sensibilisation mais aussi par du travail constant de terrain puis de la présence aussi dans les milieux. On réalise des rondes quotidiennes de seringues parce que les seringues à la traîne, c'est un irritant pour les personnes qui sont autour de notre structure. Donc, on ramasse quotidiennement. Elles ne restent pas plus de 24 heures, donc les gens ne peuvent plus se plaindre. Puis, nous, ça nous rend un service, mais ça rend un service aussi à la communauté qui nous entoure.

On fait aussi beaucoup de messages de prévention auprès des usagers, qui sont des personnes responsables aussi, là. Ce n'est pas seulement les groupes communautaires qui sont responsables au sein de leur communauté. Des consommateurs ? puis vous allez en voir tantôt ? sont des personnes responsables. Donc, on fait aussi du travail avec eux pour leur faire comprendre les deux côtés de la barrière. Eux sont dans une situation difficile, mais il y a aussi une population qui les entoure, et donc c'est concilier les deux, que l'un n'empiète pas sur l'autre, mais ça marche dans les deux sens.

Le «pas-dans-ma-cour» aussi a une autre connotation parce que, là, on parle du «pas-dans-ma-cour» envers les organismes, qui peut être résolu puisqu'on a un bagage aussi culturel. On est des groupes militants, donc on a la volonté aussi de travailler auprès de notre communauté. Mais le «pas-dans-ma-cour» touche aussi les personnes en tant que telles.

Le phénomène de la judiciarisation ? puis, moi, je parle de déjudiciarisation justement dans le mémoire ? c'est une forme du «pas-dans-ma-cour». On va fournir des contraventions abusives, discriminatoires à des personnes pour les déplacer; il s'agit de «pas-dans-ma-cour». Donc, ça touche plusieurs personnes, sauf que ces personnes-là sont, on va dire, désabusées envers la société, vont être découragées de faire des requêtes contre ces contraventions-là, vont se retrouver en prison à terme à cause de ces contraventions-là et elles n'ont pas la volonté... Leurs préoccupations sont plus au niveau de la survie que du militantisme pour combattre ce syndrome-là, alors que les groupes communautaires, eux, ont les moyens culturels puis la volonté de combattre ce phénomène-là. Donc, si ça peut répondre à votre question.

Mme Vallée: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Merci. Bonjour, M. Mary. Tout d'abord, j'ai vu, à la page 19 de votre mémoire, que vous avez souligné un peu à notre position, à l'ADQ. Moi, ce que je peux vous dire, dans ces trois journées... la troisième journée de commission sur le sujet, ça approfondit notre réflexion sur une clientèle qu'on ne connaît pas assez, une problématique qui est loin de nous peut-être. Et je peux vous dire que, moi, j'ai questionné largement les gens d'Anonyme, j'ai questionné sur toutes les coutures pour comprendre mieux la position qui était, tu sais, de mettre des centres d'injection supervisée. Pour nous, c'est comme aider quelqu'un à se détruire. Si on pousse un peu plus loin, on comprend tout l'impact, qu'il y a déjà des choses qui ont été faites, puis le rapprochement, juste Anonyme, de se rapprocher des gens, et tout ça, c'est évident que ça nous permet d'approfondir tout ça.

Hier, j'ai eu l'occasion, dans l'autobus, de discuter avec une personne itinérante et qui m'a vraiment touchée, une personne très intelligente qui est là. Et je peux vous dire que les questionnements que, moi, j'ai faits à Anonyme, par exemple, en donnant d'autres exemples, pour nous, là, au niveau moral puis d'éthique, on dirait, on est loin de ça. C'est comme si je disais: J'ai des jeunes adultes. Si je permets à mes enfants d'amener leur blonde ou leur chum à coucher, pour moi ça peut être correct, mais, s'ils changent de partenaire à chaque semaine, ça me dérange. Alors, juste à titre d'exemple, si je permets ça, tu sais, pour moi j'ai peur que ça dégringole et... tu sais?

Alors, nos résistances à dire: S'il y a des sites qui existent, est-ce qu'on va multiplier le nombre de personnes? Est-ce que ce n'est pas qu'on leur donne des outils supplémentaires à se détruire? Alors, c'est un peu ça, nos réticences là-dessus. Pouvez-vous étoffer davantage?

n (10 h 30) n

Le Président (M. Kelley): M. Mary.

M. Mary (Jean-François): D'abord, une précision sur les programmes... effets «at large», là. On ne banalise pas la consommation de drogues. On mentionne toujours que, même faite dans des conditions sécuritaires avec du matériel stérile, la consommation de drogues est néfaste pour la santé, pour la santé mentale aussi, pour la sécurité intrinsèque des personnes. Donc, il ne s'agit pas d'une banalisation de la consommation de drogues, mais plutôt d'outiller les personnes pour qu'elles comprennent les risques qu'elles prennent en consommant des substances et de les outiller pour que ces risques qu'elles prennent ne conduisent pas à terme à une mortalité, on va dire, prématurée. On pourrait le dire comme ça. Nous...

Mme Méthé: Une chose... Oui, allez-y.

M. Mary (Jean-François): Oui, allez-y, complétez.

Mme Méthé: Non, mais, une chose que j'ai constatée aussi, autant ici, en commission, que par les témoignages des gens qui travaillent à Anonyme, ils nous disaient que, bon, O.K., ils créent des liens, ça permet aux gens de venir, d'avoir confiance, puis il y a des liens qui s'établissent... Puis d'ailleurs on a été privilégiés, hier, parce qu'ils disaient que ces gens-là sont méfiants. Alors, on a eu le privilège, à l'intérieur de l'autobus, d'avoir des gens qui se sont ouverts facilement à cause qu'il y a un lien de confiance déjà établi là. Ça, je comprends tout ça.

Mais ils nous disaient qu'il y a un maillon manquant, c'est-à-dire que, si quelqu'un arrive très intoxiqué, écoeuré... Et ça, on les entend, là, on a entendu des témoignages des jeunes, des intervenants dire: Quelqu'un arrive, puis: Je suis vraiment écoeuré de consommer, quelqu'un qui n'a pas dormi depuis trois jours, ou tout ça, et qu'il y en a qui vont, à ce moment-là, dire: Je suis prêt maintenant, et qu'ils ont déjà appelé pour dire: O.K. Un service qui doit être ouvert sept jours par semaine, 24 heures par jour, ils se font répondre, bien, par une boîte vocale: Merci d'avoir appelé, c'est un geste courageux, nous serons disponibles lundi matin.

Et tout ça pour expliquer que finalement ils ont perdu cette personne-là, qu'il faut vraiment qu'ils attendent que la personne soit prête, et ça, c'est important qu'il y ait une ressource qui est là. Alors, dans le même sens, je pense, d'avoir ça sans l'autre ressource en bout de ligne, bien il y a une grosse défaillance dans le système. Alors, c'est ça.

M. Mary (Jean-François): D'abord, pour revenir aussi sur la question que vous m'aviez posée au départ, il faut aussi comprendre que les programmes d'échange de seringues viennent dans une construction historique face à une épidémie de VIH qui est grandissante à cause du manque de matériel stérile d'injection et de l'éducation aussi sur l'utilisation de ce matériel-là, donc qui a causé une épidémie galopante qui retentit encore jusqu'à aujourd'hui, puisque ce n'est toujours pas résolu. Même si ça s'est stabilisé, on est toujours en situation d'épidémie. Donc, c'est une construction historique. Si ces programmes-là s'arrêtent, on retourne à la situation du début des années quatre-vingt avec des taux d'infection qui sont galopants puis exponentiels.

Ensuite, sur l'autre aspect justement ? puis ça, je comptais l'inclure à la base dans le mémoire ? qui est l'accès aux cures de désintox, accroître l'accès à la désintoxication en ville, directement sur place, pour certaines personnes, ça ne leur correspond pas de sortir de leur milieu pour arrêter de consommer, puisqu'à terme elles vont retourner dans ce milieu-là, et c'est là où le choc est trop fort puis provoque des rechutes. Certaines personnes seront plus à l'aise à faire leur désintoxication dans leur ville, dans leur milieu, puisque c'est là que leur consommation a lieu puis c'est là que le travail aussi peut se réaliser.

Quand on parle de logement bas seuil aussi, ça peut être inclus comme une phase transitoire, après une désintoxication en ville, d'avoir accès à un logement bas seuil pour travailler, continuer à travailler avec ces personnes-là alors qu'elles sont stabilisées en logement. Donc, le manque de service, c'est vrai qu'il est réel, il est existant, et on doit composer, nous, tous les jours avec ce manque de service là puis causer aussi de l'insatisfaction pour nos usagers parce qu'on appelle, on fait des références, mais ça ne fonctionne pas. Donc, c'est nous qui décevons nos usagers en bout de ligne.

Mme Méthé: C'est ça. Mais je crois que, dans votre mémoire, vous avez mentionné qu'à Vancouver ils ont créé un centre de désintoxication qui est comme accessible avec ça. Mon collègue aurait des questions.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Bonjour, M. Mary, merci pour la présentation de votre mémoire. Et effectivement, hier, j'ai eu la chance d'avoir une vision beaucoup plus élargie de ce que je connaissais déjà. Parce que j'ai quand même travaillé en relations d'aide à la direction d'un centre pendant plus de 10 ans. Mais l'approche est très différente. On avait, hier, avec L'Anonyme, une approche qui est très humaniste, une mission qui va vers les gens.

Peut-être aussi un peu reprendre un contexte qui avait été peut-être un peu moins compris, parce que, au niveau de la prévention, je veux dire, la vision et notre opinion, aucunement, là, de ce qui se fait à titre de prévention, c'est-à-dire les échanges de seringues, la distribution des condoms, on est loin d'être contre, là. Il y avait eu une nuance à ce niveau-là, et je tiens à le repréciser, aujourd'hui, devant vous.

Je sais que... je ne voudrais pas dire que le Québec est un peu en retard en ce qui se fait au niveau des services qui sont offerts, mais je vous dirais qu'effectivement plusieurs villes ont un pas, un très grand pas comparativement à ce qui se fait au Québec. Le questionnement que j'ai et que j'ai entendu depuis deux jours, c'est: Avant même d'en arriver au développement de centres d'injection supervisée, et je veux pas embarquer dans un débat, vous avez peu de temps, mais, moi, ce que j'ai entendu, c'est qu'on arrive difficilement, ici, au Québec, à consolider davantage ce qu'on a. Les gens ne sont même pas capables de maintenir leur financement de façon d'assurer la stabilité. Les gens sont toujours dans une insécurité, à dire: Est-ce que, un, le peu qu'on reçoit... Parce qu'on est tous conscients qu'il y a un manque flagrant de financement pour supporter l'ensemble de tous les partenaires qui travaillent et qui oeuvrent à améliorer la condition de vie des gens. Mais je me dis: Est-ce que...

Et je prenais... et je posais la question, hier, à un monsieur qui nous conduisait. J'ai dit: Écoutez, si ça roulerait 24 heures par jour, 7 jours par semaine, avec davantage de services, des infirmières, et tout ça, le lien significatif... Parce qu'à prime abord c'est un lien significatif, là. Moi, les gens qui sont rentrés hier... Puis on a eu la chance que les gens se sont ouverts à nous, puis il y a des gens qui ont partagé puis qui ont dit: Tu sais... J'ai jasé peut-être une heure avec une personne qui me disait: Tu sais, Éric... Puis je retiens la phrase qu'elle m'a dite hier, elle a dit: Tu sais, Éric, avec toutes les années...

Les gens apprennent, hein? Je pense qu'il y a une incompréhension, quand on dit «il y a un continuum de services», on a souvent, je pense, eu l'idée de la pensée magique de dire qu'il faut que ça se fasse rapidement, puis des fois que c'est un processus à long terme, puis qu'on dirait que le ministère des fois considère que, vu qu'il y a eu un abandon... Exemple, je prends, dans un processus de continuum de services, quelqu'un va en thérapie, l'abandonne après deux mois, on dirait que les gens du ministère perçoivent ça comme un échec. Au contraire, il y a des gains qui ont commencé à s'établir puis que ça va continuer, exemple, dans une autre ressource, en utilisant une autre ressource, et tout ça.

Depuis que je suis arrivé à Montréal, moi, j'ai vu beaucoup de gens que je suis venu personnellement en aide, puis, aujourd'hui, je les vois fleuris, je les vois en forme, je les vois souriants, puis pourtant c'est des gens qui ont abandonné mon établissement, mais la fleur a continué de fleurir avec l'utilisation et le continuum de services supplémentaires. Je me dis... ne doit pas consolider davantage ce qu'il y a déjà maintenant, et ma réflexion se porte là-dessus, M. Mary.

M. Mary (Jean-François): Oui, tout à fait, puis je pense que c'est un axe assez essentiel aussi du mémoire, qui était d'aussi donner la reconnaissance de ces groupes-là comme un service essentiel en soi pour des personnes toxicodépendantes. Puis ça, c'est un enjeu important aussi au niveau du financement. Pour l'heure actuelle, nous ne sommes pas considérés comme des services essentiels, nous sommes des services auxiliaires peut-être, alors que nous sommes essentiels dans la prévention du VIH, des hépatites et pour faire un corridor d'accès aux autres services aussi. Donc, la solution peut-être se trouve là aussi: considérer comme essentiels ces services-là.

Puis vous parliez d'un retard du Québec, je ne suis pas tout à fait d'accord. On est peut-être en retard sur certains programmes particuliers, des programmes hautement spécialisés d'ailleurs, mais, au niveau de l'intervention, l'intervention, au Québec, est quand même assez avancée, au niveau intervention individuelle, de personne à personne, des moyens de prévention, de l'approche aussi qui est promulguée au Québec, et en avance sur de nombreux pays. Donc, le retard n'est pas à tous les niveaux, c'est vraiment sur des...

M. Dorion: Ce que je voulais dire... Juste donner une précision, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

n (10 h 40) n

M. Dorion: 10 secondes. Tout simplement, ce que j'ai voulu mentionner tantôt, c'est qu'on sait que, dans d'autres provinces, c'est soutenu, c'est récurrent. C'est ce que je voulais mentionner. Ici, c'est toujours à la lutte de l'innovation, d'arriver avec une autre idée pour aller rechercher encore un bout de souffle. Moi, j'appelle ça des bouts de souffle, dans le fond. C'est ce que je voulais vous dire tantôt.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, M. Mary. En fait, la prévention VIH-sida, la prévention des hépatites, c'est fondamental. On regarde tout le travail qui a été fait par le Dr Réjean Thomas au cours des deux dernières décennies, et il vient encore de lancer, hein, une opération à ses frais, hein, une campagne de dépistage encore, parce qu'il y a encore des infections. Vous parlez, dans votre mémoire, du projet PLAISIIRS. Ça fait trois ans, je pense, que ce programme... Est-ce qu'il sera reconduit?

M. Mary (Jean-François): J'ai eu la nouvelle...

Mme Lapointe (Crémazie): Et ce que ça donne, les résultats? Est-ce que vous êtes satisfaits? Est-ce que vous êtes contents?

M. Mary (Jean-François): En tant que programme, oui, PLAISIIRS est un programme vraiment novateur, puisqu'il fonctionne différemment. Déjà, au niveau de l'intervention, il s'agit d'interventions collectives et pas seulement d'interventions individuelles auprès d'une personne. Donc, en ça, c'est aussi casser une technique d'intervention puis créer de nouvelles techniques d'intervention. Donc, sous cet aspect-là, il est très intéressant.

Puis c'est du par-et-pour, puisque les participants ont leur instance, on va dire, décisionnelle. Vous allez les rencontrer tout à l'heure, donc c'est le COCUS, ils sont l'instance décisionnelle de PLAISIIRS. Et il permet à ces personnes-là de reprendre le goût aussi à s'impliquer dans la société par des activités militantes qui les concernent, ils se représentent eux-mêmes en tant que personnes qui utilisent des drogues par injection et inhalation, et aussi par des activités, on va dire, plus qui ont une portée personnelle de création, puis faire un journal, puis d'organisation personnelle aussi. Donc, ça joue vraiment à plusieurs niveaux mais des niveaux qui sont complémentaires. Donc, PLAISIIRS, c'est ça, l'idée, là, c'est de travailler au niveau collectif justement.

Puis ça a changé beaucoup de choses non seulement pour les personnes qui le fréquentent, mais pour l'environnement extérieur pour ces personnes-là. Elles ne sont plus perçues de la même manière par nos voisins. Les gens savent que ce sont les participants de PLAISIIRS, qu'ils s'impliquent dans leur communauté, puis ça a changé beaucoup de choses de l'ordre des perceptions aussi.

Donc, ensuite, pour la reconduction, bien ça a été une lutte acharnée, puisqu'on n'a pas eu de nouvelle depuis mars en fait, puisque c'est la fin du projet pilote, comme quoi ce serait un programme qui serait reconduit. Je pense qu'en ce moment justement, le ministère et l'agence sont en train d'évaluer la poursuite de ce programme-là à long terme. Mais ça a été une longue lutte, pour nous, pour que ce soit reconnu.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin.

M. Girard: Oui. Je voudrais vous remercier d'abord pour votre présence, aujourd'hui, à la commission parlementaire, c'est fort éclairant. Votre position, elle est claire, étoffée et fort convaincante. Et, je peux vous assurer, comme mon collègue Martin Lemay et notre porte-parole en matière de santé ont indiqué très clairement que notre formation politique, nous appuyons le site d'injection supervisée, pour nous, c'est une question de santé publique, et nous souhaitons que ce débat puisse se régler, et nous travaillerons de concert avec d'autres à tenter d'atténuer les craintes de certains par rapport à ce projet-là. Et je souhaite qu'on puisse convaincre l'ensemble des parlementaires des trois formations politiques afin que ça puisse voir le jour. Pour nous, c'est une question de santé publique.

Évidemment, bon, sur cette question-là, il y a des craintes. Il y en a eu aussi à l'occasion quand on a installé à Montréal des bacs de récupération extérieurs avec des seringues. Peut-être que vous pourriez nous expliquer à l'époque un peu quelle a été la réaction quand on a installé ça à Montréal et par la suite quels sont les résultats, qu'est-ce que ça a pu donner.

M. Mary (Jean-François): Donc, à Montréal, il y a différents comités locaux de récupération des seringues à la traîne. Donc, nous, CACTUS, avec Spectre de rue, puis la ville, la police, des résidents, des tables de concertation, donc on réfléchit à et on fait un état des lieux aussi des problématiques de seringues à la traîne. Par le biais de ce comité-là, quand il y a des lieux où il y a une problématique récurrente de seringues qui sont retrouvées puis en nombre assez important, alors là on privilégie la mise en place d'un bac extérieur qui est en acier puis qui est ramassé. Donc, il y a différents services qui s'en occupent.

On va parler donc de l'exemple des parcs, qui a été celui qui a déclenché un peu l'ouverture face à ce sujet-là. Donc, les parcs de la ville de Montréal mettent en place des bacs pour la sécurité de tous, donc les personnes qui fréquentent le parc, leurs employés aussi qui vont ramasser les déchets autres, les poubelles, pour que les seringues ne se retrouvent pas dans ces bacs-là. Et à la base il y avait un questionnement quant au fait que peut-être ça allait attirer de nouveaux consommateurs qui ne consommaient pas dans ces lieux-là, dans ces parcs. C'était la crainte de départ, crainte qui, faute de données, de toute manière, pouvait être convaincante pour certains. Sauf que donc les parcs ont pris le choix de mettre des bacs qu'ils allaient concevoir pour qu'ils soient adaptés à leurs besoins aussi au niveau de la sécurité des employés. Donc, ils ont adapté leurs propres bacs, ils les ont conçus, mis en place. Mais ils se sont rendus compte qu'il n'y avait pas d'augmentation de la fréquentation par des utilisateurs de drogues injectables dans ces parcs-là. Par contre, on ne retrouvait plus de seringues à la traîne aux alentours de ces bacs. Donc, ça a fait sa preuve que ça n'attirait pas de nouvelles personnes mais que ça répondait au problème de base.

Puis, à l'heure actuelle, maintenant, je pense qu'il y en a, on va dire, une trentaine dans le centre-ville de Montréal, bacs extérieurs, mais aussi une diversité de services qui récupèrent les seringues à la traîne, donc des services de la ville, que ce soient les travaux publics ou les parcs. Les services de police sont équipés de bacs. Deux groupes communautaires principalement font du ramassage récurrent de seringues à la traîne, et l'UQAM aussi, qui fait un gros travail dans son périmètre, puisqu'il y a des lieux en intérieur, ils ont des parcs en extérieur, donc différentes unités à l'UQAM qui font ce ramassage-là.

C'est un ramassage qui porte ses fruits puis aussi la prévention que nous faisons en amont pour éviter que les seringues se retrouvent dans la rue, parce qu'il y a un double risque. Il y a la population qui va pouvoir être en contact avec des seringues qui sont à la traîne même si les cas de contamination sont quasi inexistants, là, très rares, quasi inexistants, mais aussi des usagers de drogues qui... Bien, par exemple, il est quatre heures de l'après-midi, pas de services ouverts pour avoir des seringues, ils n'ont pas la pièce pour aller s'acheter une seringue propre, bien ils vont aller en ramasser une là où ils savent qu'ils peuvent en retrouver puis ils vont s'injecter avec. Donc, il y a un problème de santé aussi évident face à ce sujet-là. Donc, on touche vraiment large en promouvant la récupération des seringues à la traîne. Puis cet exemple-là nous a montré que c'était efficace puis que ça n'attirait pas de nouvelles personnes, ce n'était pas un incitatif à la consommation.

M. Lemay: C'est rendu normal.

M. Girard: Donc, les craintes sont tombées. Au départ, il y en avait...

M. Mary (Jean-François): Sont tombées, oui, oui.

M. Girard: J'ai une dernière question. À la page 16 de votre mémoire, vous dites que nous sommes présentement en situation d'épidémie. Pourriez-vous élaborer un peu plus, nous sensibiliser? Parce que parfois certains ont l'impression ? bon, ma collègue y faisait référence ? sur le VIH-sida, par exemple, que le pire est passé. Donc, j'aurais aimé ça que vous nous sensibilisiez un peu à cette réalité-là, parce que certains ont lancé des cris du coeur récemment dans les médias. J'aurais aimé vous entendre, vous qui intervenez beaucoup auprès de clientèles qui ont le VIH-sida ou d'autres types de maladie.

M. Mary (Jean-François): Tout d'abord, je vous fais un point sur l'étude Surv-UDI parce que c'est une étude qui est vraiment très pertinente. En fait, ça se réalise dans les programmes d'échange de seringues, donc auprès de personnes qui consomment par injection et par inhalation, et où ils réalisent à la fois des questionnaires pour connaître dans quel contexte la personne se trouve, ce qu'elle consomme, là où elle réside, beaucoup de questions sur les déterminants de santé généraux, on va dire, mais aussi des prélèvements de salive pour savoir le statut sérologique des personnes, avec des questionnaires pour savoir si elles ont reçu des tests de dépistage, si elles ont reçu des traitements, si elles ont partagé du matériel d'injection, toutes sortes de questions. Donc, c'est un monitorage actif, puisqu'il est fait en continu, qui permet de suivre un peu l'évolution d'une infection, on va dire, au VIH et à l'hépatite C.

Puis, oui, on est en situation d'épidémie. Épidémie, c'est 10 % de personnes qui sont infectées par un virus. Pour le VIH-sida, auprès des personnes UDI, on est avec un taux de 18 %, dont environ 50 % ne connaissent pas leur statut sérologique, dans les personnes sondées. Donc, c'est, le 18 %, un 18 % réel, là, mais 50 % de ces personnes-là ne le savent pas. Ensuite, il y a un taux de prévalence de l'hépatite C de 66 %. Donc, là, c'est exponentiel, puisque c'est une pandémie à ce niveau-là. Donc, c'est une réelle problématique. Les taux de nouvelles infections, pour le VIH, c'est quatre personnes sur 100 chaque année, donc de cette cohorte-là, qui s'infectent au VIH, mais une personne sur quatre a l'hépatite C. Donc, c'est 25 % des personnes par année, dans ce groupe de population-là, qui s'infectent à l'hépatite C. Donc, c'est un réel problème, et une situation, oui, qui est alarmante, et des besoins qui sont criants, d'où le point que je voulais faire.

Le Président (M. Kelley): Il reste 30 secondes. Très rapidement, M. le député.

M. Lemay: Ma question... Bonjour.

M. Mary (Jean-François): Bonjour.

M. Lemay: Qu'est-ce que les pouvoirs publics font face à ce que vous décrivez?

n (10 h 50) n

M. Mary (Jean-François): Alors, qu'est-ce qui est en place pour travailler avec des personnes qui sont désaffiliées, qui sont consommatrices actives, donc aussi un besoin de consommer qui va plus loin que le... À un moment donné, dans leur tête, ce n'est pas la prévention, c'est s'injecter qui est important. Donc, il faut leur fournir du matériel stérile, leur fournir un accompagnement puis les outiller pour que ce matériel qu'on distribue ne se retourne pas contre elles aussi puis qu'elles l'utilisent de manière adéquate.

Sauf que, bien, les programmes d'échange de seringues, les travailleurs de rue, les centres de jour sont menacés par du financement qui n'est pas récurrent. On doit, chaque année, passer une énergie... plutôt que de la concentrer sur notre intervention, de la concentrer sur des recherches de financement. Nous sommes considérés non pas comme un programme essentiel. Donc, ça arrive en fin d'année. Pour rectifier la situation financière qui est rouge, négative, eh bien, on est obligés de couper, sans forcément couper dans les services, couper dans l'offre d'intervention en limitant le nombre d'intervenants, en coupant des heures où on trouve moins de personnes, mais c'est peut-être des heures où ces quatre ou cinq personnes qui vont venir sont en grande détresse; elles vont se retrouver devant une porte fermée. On coupe des postes de travailleurs de rue parce qu'on n'a plus le financement jusqu'à la fin de l'année pour pouvoir assurer le service. Donc, on se retrouve, au lieu de trois, avec un travailleur de rue qui couvre un territoire qui est assez énorme, puisqu'il couvre, on va dire, la partie ouest de Ville-Marie puis un petit bout de l'ouest aussi, là, la nuit en particulier, où il n'y a plus de services, il n'y a plus d'échange, de dépannage de matériel, il n'y a plus de suivi avec un travailleur de rue qui va pouvoir accompagner la personne dans ses démarches. Donc, voilà où le problème se situe principalement. C'est un problème d'appui, de financement et de soutien aussi au niveau politique puis...

Une voix: ...

M. Mary (Jean-François): Oui, tout à fait.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, merci infiniment pour venir... Moi, je suis le premier à l'admettre, vous parlez d'un monde que je ne connais pas du tout, et c'est très utile pour les membres de la commission, le partage des connaissances et votre expertise dans ce domaine.

Je vais ajourner quelques instants. Et j'invite les représentants de COCUS à venir prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 52)

 

(Reprise à 10 h 56)

Le Président (M. Kelley): Alors, je demande à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît. Notre prochain groupe, c'est Consommateur consommatrices d'opiacés et de cocaïne uni-e-s et solidaires ? beaucoup plus facile de dire COCUS ? qui est représenté, si j'ai bien compris, par Jeannine, Éric, Steve et Mario. Est-ce que c'est bien ça?

Alors, juste parce que nos témoignages sont enregistrés, juste, surtout au départ, si vous pouvez vous identifier, ça va aider monsieur qui prend le soin d'enregistrer tout ça de savoir qui est Mario, qui est Éric, qui est Steve, et je pense que Jeannine, ça va être plus facile de deviner. Alors, sur ça, la parole est à vous.

Consommateur-trices d'opiacés et
de cocaïne uni-e-s et solidaires

Jeannine: Bonjour, M. le Président, mesdames, messieurs. Petit mot de présentation. Excusez-moi, je me prénomme Jeannine. Tout d'abord, nous vous remercions de nous laisser un temps d'écoute pour traiter des préoccupations quotidiennes auxquelles nous sommes confrontés: l'itinérance, la pauvreté et l'exclusion sociale.

Nous sommes les participants du COCUS, Consommateurs d'opiacés et de cocaïne uni-e-s et solidaires, qui fait partie du projet PLAISIIRS, Projet de lieu d'accueil et d'implication sociale pour les personnes qui consomment des drogues par injection et inhalation, responsables et solidaires. Nous nous rassemblons tous les mercredis, depuis le 16 février 2005. Développer un sentiment d'appartenance à un groupe solidaire et responsable, structurer un discours commun, prendre position face aux débats portant sur la toxicomanie et son mode de vie, organiser et réaliser des actions.

Nous sommes persuadés que c'est par la volonté de se responsabiliser et d'être solidaires que nous, participants du COCUS, pourrons participer à la diminution des méfaits reliés à la consommation de drogues, tant au niveau de notre santé, qu'au niveau de la défense de nos droits, que dans la qualité de vie des divers acteurs du centre-ville de Montréal.

Éric: Bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs. Je m'appelle Éric, ça me fait plaisir d'être ici. PLAISIIRS est un projet de lieu d'accueil où des personnes comme nous, qui consomment ou qui consommaient des drogues par injection et inhalation, peuvent se retrouver et bâtir des projets communs. C'est par le biais de l'éducation populaire et de la participation citoyenne que nous nous outillons afin d'améliorer notre qualité de vie.

Nous travaillons selon une approche collective, car nous croyons à la force du nombre. PLAISIIRS nous permet de répondre plus adéquatement à nos besoins de base et par conséquent d'améliorer notre hygiène de vie. Ce lieu d'appartenance nous permet de mettre des choses en place afin de reprendre confiance en nos capacités et de se mettre en action.

Nous voulons, par notre expertise, vous parler de notre réalité, car nous pensons que nous sommes les mieux placés pour aborder le phénomène de l'itinérance à Montréal. Nous sommes pris dans un cercle vicieux, cependant nous sommes conscients qu'avec les moyens appropriés nous pourrons nous en sortir.

n (11 heures) n

Mario: Bonjour, merci à vous de nous accueillir, aujourd'hui, ici. Mon nom est Mario.

Lutte contre la pauvreté. On a tous déjà entendu cette phrase: Trouve-toi une job si tu veux t'en sortir, de la rue. Trouver un emploi, quand on vit dans la rue, c'est au contraire accumuler les embûches. Trouver du travail, quand on vit dans la rue, ça veut dire devoir cacher qu'on est dans la rue, car certains employeurs nous regardent comme des criminels, d'autres se disent que nous ne savons rien et qu'ils devront tout nous apprendre; devoir trouver une douche pour arriver propre au travail. Notre maison tient souvent dans un sac à dos. Où pourrions-nous laisser nos affaires pendant qu'on est au travail?

Il nous faut trouver une passe d'autobus pour se rendre au travail, avoir un réveil ou tout simplement arriver à dormir la nuit. N'oubliez pas que dormir au centre-ville, par temps de pluie ou en hiver, peut être un véritable défi. Quand il fait beau, c'est souvent la police qui nous réveille, très énergiquement, pour nous dire d'aller ailleurs. Trouver un autre circuit que les ressources pour manger, car les horaires et les files d'attente de plusieurs heures ne sont pas conciliables avec les horaires de travail ? il faut souvent arriver à 15 heures pour souper à 18 heures ? et surtout vivre deux semaines de temps sans aide sociale ni salaire.

Pour toutes ces raisons, certains d'entre nous choisissent de quêter, vendre des dessins ou des peintures, ou tout type d'objets. D'autres, enfin, se lèvent aux aurores et passent toute la journée à ramasser des bouteilles et des canettes, peu importe la température. Nous ne voulons pas noircir le portrait ni jouer aux victimes, mais nous voulons juste montrer qu'il est très difficile, dans ces conditions, de trouver et de garder un emploi quand on est dans la rue.

Steve: Ah, bonjour! Moi, c'est Steve. Droit au logement. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le chèque d'aide sociale ne suffit pas lorsqu'on veut vivre dans un appartement. Avec l'aide sociale pour le logement, nous avons généralement le choix entre la rue ou prendre un colocataire. Le problème est que, si nous gardons ce colocataire pendant un an, nous sommes automatiquement considérés comme des conjoints de fait, et donc le chèque d'aide sociale diminue. Encore une fois, les ressources d'aide au logement ne concernent que trop rarement les itinérants ou les usagers de drogues de plus de 30 ans.

D'autre part, la construction du Quartier des spectacles et de condos de luxe dans le centre-ville fait encore monter davantage le prix des loyers. Pourtant, l'immense majorité des ressources que nous fréquentons sont au centre-ville. Certains essaient de rester malgré tout, mais ils doivent en payer le prix: 400 $ pour une chambre insalubre. Souvent, il arrive que des incendies ou des bagarres aient lieu. Doit-on oublier l'idée de sécurité et de tranquillité qu'on peut attendre d'un chez-soi? Pourtant, une fois encore, il existe des HLM et des logements inoccupés au centre-ville. Alors, pourquoi la liste d'attente pour les HLM est-elle de plusieurs années? Comme nous l'avons dit, on a beaucoup plus de chances de trouver un travail une fois en appartement qu'en étant dans la rue.

Jeannine: Accès aux services sociaux et services de santé. Encore une fois, les services de santé sont une source de discrimination. Lorsque l'ambulance arrive, on ne nous fait pas passer les tests qu'on fait en principe passer aux bonnes gens: pas de prise de pression, de rythme cardiaque, de température, ni même les questions habituelles.

Une fois à l'hôpital, si nous disons que nous consommons, notre séjour sera alors raccourci. Les médicaments ont pour premier but de nous faire tenir tranquilles. Le personnel médical peut facilement donner trop de morphine à quelqu'un qui essaie de quitter l'héroïne, car il ne pose pas de question; il risque ainsi de le replonger dans sa dépendance. Certains ont besoin de plus d'antidouleurs dû à leur tolérance; ils risquent donc de les rechercher dans la rue. La situation s'améliorerait grandement s'il y avait une meilleure évaluation et surtout moins de préjugés.

Le système des ressources est très développé à Montréal. Il y en a pour les jeunes, pour les femmes, pour les minorités. Mais, quand on est consommateur et qu'on a plus de 30 ans, les ressources se font bien plus rares.

Éric: Droit de cité. Être itinérant, vous l'aurez compris, ça dépasse le simple fait de ne pas avoir de toit. C'est quelque chose qui se répercute à tous les niveaux de notre vie. La discrimination rencontrée dans son quartier, que ce soit avec les passants, les commerçants ou la police, fait aussi souvent partie de notre quotidien. Nous sommes conscients que nous avons besoin de la police. Pourtant, les agents de police viennent nous écoeurer ? excusez l'expression ? parce qu'on vit dans la rue. Ils nous accusent de flânage parce qu'on est assis sur un banc public ou présents dans un parc, public lui aussi.

Nous comprenons que la police applique la loi, mais quoi faire quand les lois sont discriminatoires envers les personnes démunies? Vivre sous la répression de l'ordre et sous le regard dégradant de certains citoyens au quotidien est difficile et enrageant. Trop souvent, les agents nous insultent, nous poussent et entrent dans nos logements sans mandat. Ces tickets nous amènent quelques semaines en prison. Une fois sortis, nous devons encore les payer. Tout cela coûte cher aux contribuables.

Mario: Les solutions du COCUS. Pour répondre efficacement à cette situation discriminatoire, nous avons formé un collectif de personnes consommatrices et qui est à risque d'être en situation d'itinérance, ou de le redevenir, ou de l'être.

Depuis trois ans, le projet PLAISIIRS a fait la preuve que l'inclusion et la participation des personnes consommatrices de drogues sont une alternative d'intervention positive qui donne de bons résultats.

Ce que PLAISIIRS nous a permis, c'est d'avoir un endroit qui est le nôtre, un lieu d'appartenance où l'on a le droit d'exister sans préjugé; de se permettre de se rapprocher des gens, de briser l'isolement. PLAISIIRS permet de référer les gens en besoin vers de bonnes ressources et de faire circuler des informations utiles; d'avoir un endroit où l'on peut prendre un répit de la frénésie et la violence de la rue, qui nous permet de prévenir une mauvaise qualité de vie; de reprendre pouvoir sur sa vie et d'aider ses pairs; d'organiser et réaliser des actions communes pour améliorer la cohabitation au centre-ville de Montréal.

Steve: Concrètement, nous avons mis nos savoir-faire en commun pour améliorer nos relations sociales. Nous avons participé à la mise sur pied de ToxicoNet, un projet d'employabilité payé à la journée pour les membres du COCUS. Les participants à ce projet nettoient le centre-ville des déchets qui traînent sur les trottoirs. Il permet ainsi aux itinérants de travailler, de gagner de l'argent. Mieux encore, il permet de changer le point de vue des commerçants et des résidents du quartier sur les itinérants. Cet emploi de transition permet le passage vers un emploi stable, car il demande une vraie responsabilisation pour des personnes ayant parfois vécu plusieurs années dans la rue.

Par ailleurs, PLAISIIRS donne accès à un bottin de ressources, à un téléphone, à Internet pour pouvoir trouver des hébergements ou du travail, une douche, une cuisinette pour se faire à manger et une machine pour laver nos vêtements.

Jeannine: En conclusion, nous pouvons, en participant à PLAISIIRS, prendre du recul sur la rue, accepter puis réintégrer le système. Grâce à certains projets, nous pouvons nous faire reconnaître, nous responsabiliser et donc nous affirmer. En agissant et en nous impliquant socialement, nous réfléchissons sur nos parcours individuels. De ce fait, nous reprenons confiance en les citoyens que nous sommes. C'est parce que nous fonctionnons en groupe, que nous entendons parler d'événements que le désir de participer à la communauté nous reprend.

PLAISIIRS a reçu 1,2 million de dollars pour sa période pilote, trois ans. Les résultats sont aujourd'hui connus par beaucoup, mais cela fait huit mois que nous attendons la réponse de l'Agence de santé et des services sociaux de Montréal quant au financement. Cela fait trois ans que nous nous impliquons dans ce projet. Si PLAISIIRS venait à fermer, nos accomplissements n'aboutiraient pas: la réduction des méfaits, les avancées auprès de la population.

Nous ne trouvons pas responsable que l'État nous fasse vivre le stress d'une éventuelle fermeture de PLAISIIRS. Cet endroit a fait les preuves que notre participation en tant que personnes consommatrices de drogues est efficace dans la reprise de notre autonomie, de notre espoir en la vie, dans l'augmentation de sa qualité. Il faut que cette commission parlementaire permette un meilleur soutien aux organismes communautaires qui travaillent au quotidien avec nous. C'est par un financement respectueux et soutenu que nous allons cesser de retourner toujours en arrière.

Éric: Le monde de la rue est un univers que la majorité des Québécois ne veut pas dans sa cour. Nous démontrons chaque jour avec PLAISIIRS que, même si nous sommes des consommateurs de drogues pour la majorité dans la rue, nous sommes des citoyens avec des devoirs et des droits. C'est pourquoi le projet PLAISIIRS doit perdurer pour nous permettre de consolider tout ce que nous avons accompli, poursuivre nos actions futures ensemble. Nous ne sommes pas un problème, au contraire nous faisons partie de la solution.

Le Président (M. Kelley): C'est un beau travail d'équipe. Merci beaucoup. Sans plus tarder, je vais passer la parole à Mme la députée de Hull pour un échange avec les membres de la commission.

n (11 h 10) n

Mme Gaudreault: Alors, bienvenue à vous, ce matin. Moi aussi, je vis au sein d'un caucus, et il y a des très bons côtés à ça: on y côtoie nos collègues et on échange sur nos problèmes, sur nos joies, sur notre quotidien. Et vous nous avez fait la démonstration, ce matin, que ça vous tient à coeur, ce COCUS.

Et vous avez parlé aussi que vous attendiez depuis un bon moment le financement, et, moi, on est venu me le dire à l'oreille, là, ce financement-là a été confirmé. Alors, je ne sais pas si vous étiez au courant, alors c'est une bonne nouvelle.

Ce que vous faites est indéniablement nécessaire et essentiel à votre bonheur. Et vous avez parlé aussi que vous aviez fait des accomplissements directs suite à vos actions, soit la réduction des méfaits, et vous avez fait mention d'avancées auprès de la population. J'aimerais vous entendre un peu plus par rapport à ce que vous considérez des avancées par rapport à la population.

Éric: Par rapport au projet ToxicoNet où on se fait connaître. Bon, nous sommes des toxicomanes actifs, ou il y en a qui consomment, il y en a qui ont arrêté. C'est mon cas, moi, j'ai arrêté grâce à PLAISIIRS. Avec le projet, on va dans le Vieux-Montréal, on nettoie les trottoirs, on se fait connaître des commerçants, on donne un coup de main, on nettoie. On est courtois, on est polis, on parle aux gens. Ça permet aux commerçants de voir une autre facette, un autre côté du toxicomane.

Aujourd'hui, le toxicomane, c'est M. et Mme Tout-le-monde. Ce n'est plus le robineux qui est assis sur le banc où on le voyait ? ou il y avait le banc du quêteux ? ça n'existe plus, ça, aujourd'hui. Aujourd'hui, l'itinérant, le consommateur de drogues, c'est M. et Mme Tout-le-monde, comme je vous dis. C'est le monsieur qui a perdu sa maison, qui se retrouve à Bonneau ou à ces places-là.

Moi, j'ai parlé avec des gens de ça, puis le responsable du Vieux-Montréal pour le nettoyage du Vieux-Montréal, notre boss, autrement dit, il est extrêmement satisfait de ce qu'on fait. On travaille mieux que les gens de la ville, je vous dirais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: À moindre coût.

Éric: À moindre coût, et ça nous fait plaisir, on le fait avec un sourire en plus. Les gens...

Des voix: Ha, ha, ha!

Éric: Les commerçants nous voient. Puis c'est un côté que les commerçants ne voient pas toujours, ça. Ils s'imaginent que le toxicomane, c'est le gars qui va aller faire des mauvais coups, qui va faire des conneries. Ce n'est plus juste ça aujourd'hui. C'est un problème de société, la toxicomanie, l'alcoolisme, c'est un problème majeur, ça touche tout le monde. Je connais des juges qui sont alcooliques, des avocats qui sont toxicomanes. Tu sais, je veux dire, ce n'est plus le petit gars qui a été maltraité ou tout ça, ça touche tout le monde. Quand on développe un projet comme ça, on touche tout le monde. Je vais arrêter de parler parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Éric: Je ne sais pas si ça a répondu, mais...

Mme Gaudreault: ...entendre. Bien, merci beaucoup. Je crois que j'ai des collègues qui veulent vous...

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. D'abord, bonjour, bienvenue. Félicitations pour le financement, félicitations pour votre courage et pour le travail et votre présentation ici, aujourd'hui.

Rapidement, ce qui m'intéresse, c'est ToxicoNet. Je trouve que c'est une initiative qui est formidable pour donner une occasion à quelqu'un qui a depuis longtemps vécu dans la rue. Et on comprend très bien que les postes qui sont ouverts pour une personne qui n'a pas travaillé depuis très, très longtemps ne sont pas nécessairement les postes qui sont très payés, où on rentre et on nous accueille avec un compte de dépenses, un beau bureau et avec du respect. Des fois, il manque même le respect. Ayant travaillé dans des cuisines, pendant mes jeunes années comme étudiant, je sais que souvent ces jobs-là on rentre et le respect n'est pas toujours là.

J'aimerais savoir. Il y a des personnes qui nous écouteraient, qui diraient: Écoutez, là, une personne qui est présentement toxicomane, là, pour aller et, comme vous dites, avoir un réveil-matin et se lever le matin, aller prendre la douche, arriver à temps, avoir le transport, arriver à l'heure, se faire traiter de je ne sais pas trop quoi par son employeur et maintenir un tel emploi, pour plusieurs personnes, ça ne semblerait pas réaliste. Moi, je veux savoir. Vous connaissez des exemples de personnes qui ont réussi, il y en a peut-être... ceux qui ont cessé leur consommation, mais j'aimerais que vous nous donniez une couple de bons exemples. Parce que je pense qu'il y a des gens qui sont autour, dans la salle, ils disent: Écoutez, là, c'est bien, mais ça a-tu fonctionné? Y a-tu quelqu'un qui a maintenu un emploi, qui s'est fait engager par la suite, qui s'est fait embaucher, qui travaille? Puis, s'il y en a parmi vous, tant mieux, là. Je suis curieux.

Steve: Ça prend l'appartement, ça prend des moyens pour se garder une job. Quand tu n'as rien de ça, tu ne peux pas garder une job. Tu ne sais jamais à quelle heure tu te couches, à quelle heure tu vas te lever, par qui tu vas te faire réveiller, si tu te fais arrêter.

M. Sklavounos: Oui. C'est pour ça que je m'interroge, parce que, je dis, évidemment la partie la plus difficile, c'est cette transition, le début.

Une voix: Je peux répondre vite, vite. Je peux répondre?

Le Président (M. Kelley): Mario et Éric.

Mario: Avant d'avoir un emploi, ça te prend un endroit, ça te prend au moins un 15 jours de sevrage, quelque chose, un endroit pour rester, pour vraiment te sevrer de ta drogue, «whatever», qu'est-ce que tu fais, vouloir t'aider. Ça te prend un endroit pour dormir, ça te prend un endroit pour te laver, un endroit pour te nourrir, tu sais? Ça te prend ton linge, des bottes de travail. Puis, à bien des endroits, les heures que tu arrives là, tu ne peux pas arriver aux heures puis dormir là parce que ton travail ne finit pas à la bonne heure, avec leurs heures à eux autres, leurs programmes qu'ils ont, leurs organismes. Tu te retrouves encore à recommencer puis à ne pas vouloir aller travailler. Tu dis: Tiens, dans le fond, ça va me donner quoi, d'aller travailler? Je ne peux même pas... je n'ai même pas de place pour aller me reposer ou vaquer à mes occupations, je veux dire, enfin, faire quelque chose de toi dans la vie. Tu n'en as pas. Il y a bien des organismes que... Tu sais, on va dire, Old Brewery Mission et compagnie, là, tu sais...

Une voix: C'est l'argent qu'ils...

Mario: C'est plutôt l'argent que nous autres qu'ils veulent.

Une voix: On est juste des guichets d'argent.

Éric: Je peux?

Mario: Oui, oui.

Éric: PLAISIIRS permet de faire ça. Parce que, moi, j'ai été dans la rue, moi puis ma conjointe, on a été tous les deux dans la rue. J'ai fréquenté PLAISIIRS. Je consommais. J'étais dans la rue, et c'était un problème. Pourquoi j'étais dans la rue? Parce que je consommais, puis ça m'a emmené, bon, à ne pas payer mon loyer. Bon, en tout cas, on va dire les choses réellement.

Là, j'ai fréquenté PLAISIIRS, où j'ai décidé d'arrêter de consommer. Quand tu arrêtes de consommer, tu as beaucoup de temps à dépenser. Je me suis impliqué à PLAISIIRS. Le fait que je m'implique à PLAISIIRS, ça a bouché... ça a pris mon temps que je prenais pour consommer. Le temps que je m'implique là, j'ai eu du support des intervenants, j'ai occupé mon temps, mon esprit, j'ai embarqué dans des programmes, mon cerveau a recommencé à fonctionner.

À partir de là, j'ai arrêté de consommer. J'ai eu mon chèque d'aide sociale, on s'est sortis de la rue, on s'est trouvé un logement. On n'est plus dans la rue, on est maintenant en logement. On garde notre job, parce qu'on a ToxicoNet qui nous demande d'être là deux fois par semaine, donc je pourrais dire qu'on a gardé notre job. Je veux dire, moi, personnellement, j'ai une job que je garde: deux fois par semaine, ça commence par ça. Mais, je veux dire, j'espère plus tard avoir une job, débarquer de l'aide sociale, mais ça se fait graduellement.

PLAISIIRS m'a permis de faire ça. Et je sais que, l'année prochaine, moi, je débarque de l'aide sociale puis je vais avoir une job, au même titre que ma copine. J'ai déjà travaillé, je suis monteur mécanique de métier; il n'y a pas de raison que je ne sois pas capable de travailler. Sauf que, où j'étais rendu avant, il a fallu que je fasse le pas, il a fallu que j'évolue, que je trouve un endroit de soutien qui va m'aider. Parce que, trouver une job, c'est bien, mais, quand tu reviens le soir puis que tu n'as pas de soutien, c'est difficile. Tu dois avoir quelque chose autour de toi qui va t'aider à rester là. PLAISIIRS nous offre ça. Moi, il me l'a offert. J'ai arrêté de consommer, j'ai un appartement, et puis on a une job, ToxicoNet, qu'on fait deux fois par semaine et puis qui permet... peut-être plus tard, si ToxicoNet va bien, de nous donner 40 heures-semaine. Alors, c'est graduel, ça se fait petit à petit.

Puis c'est ça qu'on dit, PLAISIIRS, il faut que ça reste parce que c'est un programme qu'on est en train de bâtir, si on coupe le financement à ça, on se retrouve à balayer tout ça, l'expertise, tout ce qu'on avait, on fout ça aux poubelles. Puis, je veux dire, il faut que ça continue, PLAISIIRS, c'est important. Ce qu'on a bâti, la recherche, ce qu'on a fait, le travail, tout ça, il ne faut pas mettre ça aux poubelles. Je veux dire, c'est bien parti, il faut continuer.

Moi, j'espère que, l'année prochaine, je vais être 40 heures-semaine, de ne plus être sur l'aide sociale puis de payer des taxes, comme je le faisais avant. Ça fait que PLAISIIRS, ça m'a aidé. Vous cherchez un exemple de gens qui travaillent, qui sont sortis de la rue. Moi et ma copine, c'en est un. C'est ça. On est même passés à...

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Sklavounos: Je ne sais pas, vous travaillez pour l'organisme comme tel ou à l'extérieur de l'organisme?

Éric: ToxicoNet, l'organisme PLAISIIRS, CACTUS, là, qui est un projet... bien, qui a été un projet pilote pendant trois ans. Deux fois semaine, on travaille pour ToxicoNet. C'est-à-dire, on va dans le Vieux-Montréal, on nettoie les cochonneries, les seringues, bien, les mégots, tout ce qui traîne sur les trottoirs.

M. Sklavounos: Est-ce que vous croyez, pour quelqu'un qui voudrait travailler à l'extérieur de l'organisme, où on dirait... la compréhension, hein, elle ne serait peut-être pas la même? On arrive en quelque part puis le gars nous demande: Qu'est-ce que vous avez fait? Bien, je vis dans la rue depuis trois ans. Et on lui dit aussi: Je vais être honnête avec vous, là, je suis consommateur. C'est simplement, je dis... j'aimerais dire qu'il y a plusieurs employeurs qui donneraient une chance, même une chance, quitte à être déçus, puis par la suite dire: Écoutez, je lui ai donné la chance. Mais, dans ma tête, j'ai de la misère à voir que quelqu'un qui n'est pas sensibilisé à la situation déjà, comme est l'organisme parce qu'il travaille avec ces gens-là...

Est-ce que vous avez eu des expériences ou des personnes autour de vous qui ont réussi à faire cette transition-là qui, pour moi, est plus difficile, évidemment? Je sais que, là, dans l'organisme, il y a cette compréhension. Est-ce que vous connaissez des exemples ou est-ce que vous pouvez adresser ce point-là?

Le Président (M. Kelley): Jeannine.

Jeannine: Oui. Je connais une jeune femme, qui est assise derrière moi, ça fait sept ans qu'elle est... elle vit toujours dans la rue, mais ça fait sept années qu'elle travaille régulièrement, et qui n'a rien à voir avec PLAISIIRS. Et c'est une jeune femme qui est épanouie et qui est stable, mais elle n'a pas de lieu où habiter. Donc, oui, elle a fait le saut, ce que, nous, on n'a pas fait encore, et...

M. Sklavounos: Ce serait intéressant de l'entendre, parce que...

Une voix: On l'a entendue lundi.

n (11 h 20) n

M. Sklavounos: Ah oui?

Mauve: Vous voulez encore m'entendre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sklavounos: Je n'étais pas là lundi, je suis désolé. Il va falloir écouter l'enregistrement. C'est juste pour dire que je trouve que c'est à ce niveau-là que les gens peut-être ont besoin d'être convaincus. Je n'organise pas les travaux, M. le Président, là, mais je... Notre temps s'est écoulé, de toute façon, mais...

Le Président (M. Kelley): Je dois céder la parole à ma gauche, alors le temps pour ce bloc est terminé. Mais peut-être on peut revenir, Mauve. Et je vais céder la parole à M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Sklavounos: Merci.

M. Dorion: Je vais aller un peu dans le même sens que mon collègue. Mais, de la compréhension que j'en fait... Et j'aurais envie de poser la question à Éric parce qu'Éric a fait une partie de son témoignage... Quoique c'est très valide aussi pour les gens puis je vous remercie du témoignage apporté. Moi, ce que je comprends, c'est que le bout de chemin que vous avez fait vous a apporté énormément d'acquis. Et, bon, vous dites, «l'implication dans l'entreprise», mais je vous dirais que, demain matin, vous avez l'opportunité et l'aide ou le support pour développer, exemple, votre rêve ? parce qu'on a tous des rêves comme individus ? une entreprise, bien le bout de chemin qui a été fait...

Puis la première question que j'aurais tendance à vous poser, c'est que, pour en arriver à être comme ça, là... Parce que j'imagine que, quand vous étiez dans le bas fond de la consommation, vous n'aviez probablement pas la même compréhension qu'aujourd'hui, la même confiance, la même estime. Ça a pris combien de temps, Éric, le cheminement, là?

Éric: Le cheminement, si je parle du monde où je suis dans la rue où je suis là présentement en train de vous parler, si vous parlez de temps de cheminement, c'est propre à chacun, je pense, hein, je veux dire. Mais je ne sais pas... Qu'est-ce que je pourrais répondre?

M. Dorion: Vous, personnellement, là.

Éric: O.K. Moi, j'ai connu PLAISIIRS en 2005. À partir de 2005, je me suis impliqué un petit peu. En 2006, je me suis impliqué vraiment à fond. Alors, de 2006 à aujourd'hui, c'est ça que ça donne. Je travaille, en ce moment, puis, de 2006 à aujourd'hui avec le support que j'ai eu, moi, le printemps prochain, je pars ma compagnie, je pars à mon compte, c'est décidé, c'est fait. On a un projet sur la table, alors ça va se faire. Ce printemps, moi puis ma conjointe, on part quelque chose. Moi, ce que je pars comme projet, comme travailleur indépendant, puis je sais que ça va se faire, parce que, bon, je l'ai déjà fait puis ça a marché, puis tout ça... Qu'est-ce que je pourrais dire? Bien, écoute, ce que je peux dire, de 2006 à 2008, ça a pris deux ans...

M. Dorion: ...vous poser la question: Quel est votre projet?

Éric: Pardon?

M. Dorion: Quel est votre projet?

Éric: Le projet, ça va être du ramonage, jointage de briques... restauration de cheminées, jointage de briques, ramonage, tout simplement. Alors, je pars mon projet ce printemps, ça va se faire, puis je le sais que ça va se faire, là. Je veux dire, c'est sur table. C'est juste une question de temps, là, parce que je ne ferai pas ça cet hiver, c'est fini pour le temps, mais je le pars ce printemps pour avoir toutes les chances de mon côté.

À partir de ce projet-là, moi, je vais engager des gens. Je veux redonner... ce qu'on m'a donné, moi, bien, je veux le redonner à la société, c'est ce que je voudrais dire, plutôt. Ce que PLAISIIRS m'a donné, je vais pouvoir le redonner autour de moi. Alors, si PLAISIIRS part avec une personne comme moi qui peut faire autre chose, qui va le redonner à d'autres, tu sais, imaginez la pyramide que ça peut faire, là. Tu sais, je veux dire, si on met PLAISIIRS en haut puis toutes les branches peuvent aller comme ça, je veux dire, dans 10 ans, j'ai hâte de voir ça, PLAISIIRS.

Même moi, partir à mon compte, je veux dire, je vais aider PLAISIIRS, je veux appuyer PLAISIIRS. Si j'ai du travail à offrir... Je ne sais pas comment m'exprimer, peut-être que je m'exprime mal, je ne sais pas comment le dire. Mais ce que PLAISIIRS m'a donné, je veux le redonner, autrement dit. Tu sais, je veux dire...

M. Dorion: O.K.

Le Président (M. Kelley): Alors, Mario et Jeannine ont des mots à ajouter. Alors, Mario.

Mario: C'est comme, la semaine prochaine, j'ai un rendez-vous avec la SODEC, parce que je suis supposé de partir une compagnie de récupération. Puis là je m'en vais prendre des informations, et tout. Alors, je vais utiliser des gens de la rue aussi pour ça. Ça fait que c'est une manière de redonner au monde. Puis c'est PLAISIIRS qui m'a donné la logistique pour aller chercher mes adresses, tout.

M. Dorion: J'ai envie de vous poser la question puis de façon générale, puis, si vous avez tous envie d'y répondre, allez-y. Mais, je veux dire, moi, ce que je m'aperçois, c'est: le fait d'établir des liens significatifs avec un réseau, puis j'ai envie de dire du même monde, des mêmes difficultés, bien c'est...

Mario: Du monde qui se comprennent.

Éric: ...une force.

M. Dorion: Bien, écoutez, c'est ça, mais... Puis c'est ce que je veux savoir, moi, vous, là, ce que vous avez, ce que vous vivez puis ce que vous apporte... Là, je veux dire, je n'ai pas de... Je n'ai pas de doute, à voir l'estime, la confiance, la joie de vivre qui est épanouissante, là.

Et vous avez parlé d'implication sociale, hein? Vous m'avez dit que vous aviez des projets. Personnellement, parce que vous nous avez dit, vous avez expliqué ce que ça donne aussi au covoisinage, hein, ce que ça apporte aux commerçants, aux autres, la baisse des préjugés, mais personnellement, à vous, là, ce type de projet là, qu'est-ce que ça vous apporte?

Éric: Énormément d'estime, énormément. Je veux dire, moi, ça me donne une estime. De m'impliquer à PLAISIIRS, je veux dire, c'est énorme, là, le réseau social qu'on va développer, l'amitié qu'on va faire.

Mauve: La confiance, que ce soit en soi...

Éric: C'est ça, la confiance. Moi, quand j'étais dans la rue, là, je marchais la tête... je regardais par terre. Aujourd'hui, je regarde droit, je regarde les gens dans les yeux. J'ai une fierté, aujourd'hui, d'être là devant vous et de vous parler, c'est une grosse fierté que je n'aurais pas fait, moi... Moi, je ne me vois pas d'être dans la rue puis de vous parler en ce moment. Je suis sorti de la rue. Aujourd'hui, je suis fier de vous parler, j'ai une fierté de vous parler. Ça, ce que PLAISIIRS m'a donné, c'est énorme.

Tu sais, je veux dire, il n'y a pas un organisme présentement qui peut me donner ça à Montréal. Si je vais à La Maison du Père, c'est pour manger et dormir. Si je vais à Bonneau, c'est pour dormir ou manger. Peu importe où je vais à Montréal, il y a juste PLAISIIRS qui peut me donner ça, parce qu'à PLAISIIRS j'ai un frigidaire, quand j'étais dans la rue, puis ce qui m'a aidé... J'ai un frigidaire, une cuisinette, je peux me laver et laver mon linge. À partir de là, j'ai une certaine estime. Quand tu es propre à l'extérieur puis que tu ne sens pas mauvais, bien c'est beaucoup, ça.

Mario: Un début d'autonomie.

Éric: Oui, un début d'autonomie. Puis, que je le fasse par moi-même me permet de développer mon autonomie. C'est énorme, ce que je peux dire. Puis c'est le seul, PLAISIIRS, le seul service, je pense, à Montréal, qui offre ça. C'est beaucoup.

Mauve: En fait, PLAISIIRS, moi, j'étais une des pionnières. Je ne fais plus partie du COCUS, et c'est pourquoi je n'étais pas à la table pendant la présentation. J'étais une des pionnières. Moi, j'ai connu PLAISIIRS, en fait, c'était encore un projet. On m'en parlait, on se réunissait dans la cuisine de CACTUS, dans les anciens locaux, sur Saint-Hubert. Moi, j'ai connu PLAISIIRS en 2003. Donc, avant toutes ces affaires-là, avant qu'on ait un local, on était trois qui se réunissaient au début, finalement cinq, six, sept. Maintenant, je ne sais pas combien ils sont au COCUS, le mercredi après-midi.

Puis, si je parle de mon expérience à moi, bien, moi, j'ai travaillé cinq ans en premiers soins, dont deux comme instructeur de premiers soins. Donc, ce n'est quand même pas rien. Je suis dans le milieu du cirque, je suis contractuelle, j'ai des contrats, ce qui fait que je peux voyager comme je veux, je peux partir quand je veux. C'est supercréatif, c'est une place que j'apprécie particulièrement, c'est un domaine que j'aime.

Aussi ? je ne m'en souviens plus ? en étant... C'est ça. Avec PLAISIIRS, on a eu notre premier lieu d'accueil sur La Gauchetière puis justement, là, on a commencé à plus avoir des possibilités, que ce soit de se reposer dans la journée, que ce soit de prendre un break de la rue, de manger, des choses comme ça. Mais c'est nous qui apportaient notre bouffe, c'était à nous quand même à la faire, c'est là où l'autonomie commence à se développer. Ça fait que c'est ça.

Le Président (M. Kelley): Autre question, M. le député?

M. Dorion: Oui. Bien... et probablement ça risque d'être la dernière?

Le Président (M. Kelley): Il y a des chances.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dorion: Mais, écoutez, la question, et la question principale, la question principale: On sait qu'il y a une question de financement, quelle est votre attente par rapport au gouvernement?

Mauve: Que ça demeure. Tout ce qu'on veut, dans le fond, c'est que le projet puisse continuer pour les gens qui en ont besoin, qui manifestent leur intention à s'impliquer. Parce que c'est vraiment ça, le but, hein, c'est le premier lieu d'accueil d'implication sociale donc, par des gens de la rue ou non, qui consomment ou consommaient des drogues par voie intraveineuse ou par inhalation, c'est vraiment le premier programme du genre qui a été instauré.

Puis donc, de permettre que ça puisse continuer, qu'on puisse avoir nos AIS ? quelqu'un d'autre pourrait mieux dire ce que ça veut dire que moi, là ? les agents d'implication sociale, qu'on puisse continuer à avoir, bon, des intervenants qui sont là en tant qu'animateurs... Donc, leur but n'est pas d'intervenir. C'est sûr que, si nécessaire, probablement qu'ils vont le faire, mais c'est plus dans un but de référence ou des choses comme ça. Ils ne sont pas là pour faire de l'intervention, ils sont vraiment là pour nous aider à nous impliquer dans la société telle qu'elle est aujourd'hui.

M. Dorion: Merci beaucoup pour votre témoignage.

Le Président (M. Kelley): Éric, vous allez compléter ça ou... Bon, ça va? O.K., parfait.

Éric: Merci. Jeannine?

Le Président (M. Kelley): Ou Jeannine. Enfin, vous êtes très patiente. Jeannine.

n (11 h 30) n

Jeannine: Oui. Le financement, en fait, depuis fin février début mars, on a vécu du stress. On a perdu des gens qui étaient avec nous, qu'on aimait, qu'on voyait à tous les jours. Cette sécurité-là, on l'a perdue. Puis c'est le combat qui a commencé, que ce financement. À tous les mois, c'était à recommencer, pas juste pour nous, pour les gens qui travaillent avec nous, pour les animateurs, directrice, directeur, coordonnatrices, tout ça. Ça a été une charge en plus pour nous. Ça fait qu'il a fallu qu'on se batte, il a fallu qu'on se lève plus de bonne heure.

Une voix: ...

Jeannine: Une source d'anxiété, oui.

Éric: On se fait couper des heures, on se fait couper des postes. Les sous manquaient, ça a été un facteur de stress énorme, ça.

Jeannine: Ça a été difficile pour nous. Et ce qu'on aimerait savoir, le financement récalcitrant, on aimerait ça qu'il... On l'a prouvé que ça marche, on aimerait ça que...

Une voix: ...

Jeannine: Oui, que ce soit récurrent et que ça reste. Au moins pour un bon bout de temps. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour à vous tous. C'est très intéressant, je pense que vous nous apportez un témoignage véritablement vécu. Et ça donne aussi beaucoup d'espoir parce qu'on voit que, quand il y a une structure, quand il y a une solidarité, les choses fonctionnent. Vous avez fait... quelqu'un a fait mention, je ne sais pas si c'est M. Éric, le deuxième...

Mario: Mario.

Mme Lapointe (Crémazie): Mario, vous avez indiqué à quel point c'est difficile de se trouver... admettons, là, qu'on a un employeur qui veuille nous offrir un emploi, à quel point c'est difficile si on n'est pas déjà sorti, clairement sorti de la rue, qu'on est bien stabilisé, parce que les horaires de travail, les horaires, les heures auxquelles vous devez arriver dans certains lieux de... dans des refuges... Est-ce que vous pouvez m'expliquer un petit peu plus comment ça fonctionne au niveau des refuges? Si vous n'êtes pas là à 5 heures l'après-midi ou à 6 heures...

Mario: Juste pour... on va commencer avec La Maison du Père. La Maison du Père, allez-y, présentement le monde sont déjà là en ligne puis attendent pour entrer à 3 heures parce qu'il y a tant de places. Ça fait que, de midi à 3 heures, ils attendent juste pour entrer. De 3 heures à 6 heures, ils prennent leur douche, puis tout ça. Après ça, c'est le souper, puis ils ne ressortent pas le lendemain avant 7 heures le matin. Ça fait que calculez le laps de temps qu'il reste pour aller travailler. On fait rien que commencer avec celui-là, les autres sont à peu près pareils.

Mme Lapointe (Crémazie): C'était quelque chose qui m'avait échappé, là, lors des présentations, que vraiment il y avait une question d'horaires très serrés quand on est dans la rue, hein? Les horaires sont extrêmement serrés.

Mario: En plus, les endroits pour aller manger, c'est la même chose.

Une voix: Il y a des heures, ça fait que, si tu travailles, tu ne peux pas aller à cet endroit-là pour manger.

Mario: La Bonneau, c'est jusqu'à 11 h 15 le matin; l'après-midi, c'est de 2 heures à 3 h 30.

Mme Lapointe (Crémazie): D'accord. Ce qui nous a semblé être la chose la plus criante, la plus pénible et difficile pour des personnes en situation d'itinérance et avec une condition de toxicomanie ou d'autres problèmes, c'est d'avoir un accès, un accès sans discrimination et un accès normal, correct aux soins puis aux services de santé. On va recevoir, tout à l'heure, l'Agence de santé et services sociaux de Montréal. Est-ce que vous avez déjà vécu une situation un peu semblable? Est-ce que vous avez des connaissances, des personnes qui se sont retrouvées en état de crise et qui ont eu de la difficulté à avoir accès à des soins?

Le Président (M. Kelley): Peut-être commencer avec Jeannine.

Jeannine: Moi, personnellement, je me... quand j'ai eu...

Une voix: ...

Jeannine: Oui, oui. J'étais en état de crise, je suis sortie de chez moi le matin, j'étais en boisson. Il faisait très chaud, il faisait... Bon. Je me suis évanouie. L'ambulance est arrivée. Et, quand je suis arrivée à l'hôpital, j'étais toujours en état de crise, mais j'avais des moments d'éveil. Et, pour me tenir, pour me harnacher à la civière, ils ont mis quelqu'un qui pesait à peu près 200, 250 lb derrière moi, il m'a cassé la clavicule juste en me tenant avec les pouces pour me tenir tranquille. S'il serait venu me dire tout doucement: Écoute, on doit t'attacher, on est obligés de le faire, je l'aurais compris. Mais ils ne m'ont pas posé de question, ils ne m'ont pas demandé comment je me sentais, ils ont jugé qu'ils devaient m'attacher, «that's it». Et je n'ai pas fait de recours contre cet hôpital-là, c'est de la perte de temps, perte d'argent. Je n'ai pas ça, je ne perds pas mon énergie pour aller faire ça.

Une autre fois, j'avais un abcès, je suis rentrée à l'hôpital. Quand ils sont venus me chercher, j'ai dû attendre deux heures chez moi. L'abcès était à ma jambe. Quand je suis rentrée, ils ne m'ont pas... ils n'ont fait aucune température, aucune pression. Quand je suis arrivée à l'hôpital, ils m'ont mis tout de suite dans la salle d'urgence parce que je faisais 104° de fièvre. Excusez-moi. Je faisais 104° de fièvre. Déjà, les ambulanciers se sont faits crier après parce que ce n'est pas normal, déjà premièrement. Je me suis sentie comme une chose. Et, quand je suis arrivée à l'hôpital, ils ne m'ont pas demandé si je consommais, ils m'ont tout de suite donné de la morphine pour la douleur. Donc, on est maltraités. Dès qu'ils savent, qu'ils voient nos marques, des zippers sur les bras ou qu'ils savent que nous consommons, on est maltraités.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Mesdames, messieurs, bonjour. C'est un grand plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, et votre fan-club en arrière également. Non, c'est beau de voir la solidarité que vous avez entre vous. Je pense qu'on peut déduire rapidement et facilement que vous revenez de loin, hein? Et ça démontre un très, très grand courage non seulement de faire le cheminement que vous avez fait tous et toutes personnellement, que vous faites encore, mais de se présenter aussi devant une commission parlementaire pour nous partager vos vies.

Moi, j'aurais une question, et ma question n'est pas nécessairement justement que vous alliez un petit peu plus loin dans l'explication de vos vies. Je pense que ça, ça vous appartient, et on doit le respecter. Mais j'aimerais que peut-être juste une d'entre vous... Peut-être, vous pourriez avoir un petit caucus pour décider qui pourrait répondre. Mais je me dis, comment ça se fait... Pour bien comprendre, comment ça se fait qu'à un moment donné on décroche totalement? Qu'est-ce qui fait que des gens ont un bon travail, peut-être une bonne relation de couple, des enfants dans certains cas, un appartement, une maison, quelque chose, et que tout va relativement bien, et que, là, à un moment donné, par étapes, on décroche complètement de la société, de notre propre vie, en fait, de notre famille, de nos amis? Qu'est-ce qui... Sans rentrer encore une fois dans vos vies personnelles, mais, d'après vous, là ? passez-moi l'expression ? est-ce qu'il y a un «pattern» général ou...

Steve: ...comme un gars qui a 575 $ comme moi, je vais payer, mettons, 420 $...

M. Lemay: Vous n'avez pas fait de caucus, là.

Steve: Non, pas de caucus. Mais, à 420 $, à 420 $, le gars paie, il a un petit appartement. Il a 575 $, il ne lui reste même pas 150 $. Tu as les punaises, les bibittes, tu as tout inclus, là. Mais ça, il faut que tu paies après ça, tu as tes dépenses... Ça fait que tu arrives au même point que si tu étais dans la rue. Tu paies juste pour avoir de quoi, un toit, mais dans le fond tu es encore dans la rue, tu n'as rien à manger pareil, là. Il faut que tu coures partout, tout le temps les missions. Avec 575 $...

M. Lemay: M. le Président, ça, je...

Steve: Mais c'est ça qui fait décrocher, puis travailler à petit salaire.

M. Lemay: Oui, mais c'est parce que monsieur disait qu'il avait un emploi, une formation, puis c'est le cas de beaucoup de gens, aussi. Qu'est-ce qui fait, avant d'en arriver là... Ou peut-être que c'est la cause, comme vous dites, mais, à un moment donné, il y a un déclic, hein, qui se passe.

Mauve: Pour répondre à votre question, M. Lemay, en fait, que ce soit une perte d'emploi pour une raison x, pareil comme n'importe qui pourrait perdre sa job, que ce soit parce que la consommation embarque et commence à prendre trop de place, que ce soit de la mortalité autour de nous, des dépressions... On ne se mentira pas, la dépression, c'est une maladie mentale assez sévère qui peut mener assez loin. Ça peut mener jusqu'à la mort, on peut se laisser mourir. Ça peut être... Il n'y a pas un facteur en particulier. C'est souvent un déclic qui se fait, oui, que ce soit intrinsèque ou extrinsèque, mais, bon, ce n'est pas... Puis après ça il y en a un autre qui embarque, puis un autre, puis ça devient une escalade. Puis ça finit que souvent, bon, on finit par perdre soit notre logement, la job ou peu importe, puis ça devient comme une roue qui tourne.

Puis de sortir de cette roue-là, ce n'est pas nécessairement évident si on n'a pas d'aide, si on n'a pas personne sur qui s'appuyer, que ce soient d'autres consommateurs, que ce soient des amis, que ce soient des intervenants, que ce soient des médecins. Si on n'a pas d'aide à ce niveau-là puis qu'on n'est pas capable d'accepter de l'aide, ou d'aller en chercher, ou en fait d'admettre le fait qu'on en a besoin, à ce moment-là c'est plate, mais il n'y a pas grand-chose à faire à part de suivre le cours de la vie et de la roue, là.

M. Lemay: D'où, M. le Président, les différentes stratégies d'intervention qu'une société doit se donner pour faire en sorte de... Et je termine là-dessus, M. le Président. Certainement qu'il n'y a plus de temps, hein? Avant que vous le disiez de la façon toujours polie et respectueuse dont vous le faites...

Le Président (M. Kelley): Oui. Vous pouvez vous autocouper, cette fois-ci.

n (11 h 40) n

M. Lemay: Mais je vais quand même réitérer et insister sur le point. Moi aussi, ça avait soulevé, comme ma collègue de Crémazie... Les soins de santé, là, il y a du travail à faire de ce côté-là manifestement. Moi aussi, ce que vous dites dans le mémoire, là, «une fois à l'hôpital, si nous disons que nous consommons, notre séjour sera alors raccourci», moi aussi, ça m'a... Tel nos collègues, moi aussi, j'ai trouvé ça un peu triste de lire ça et d'écouter le vécu que vous avez eu dans nos soins de santé. Merci, M. le Président.

Mauve: Bien, comme je le disais lundi dans mon témoignage, en fait c'est quand même une preuve d'humilité et d'honnêteté. On pile sur notre orgueil pour dire ça aux médecins, parce que c'est pour notre santé qu'on leur dit, afin d'avoir un traitement adéquat. C'est qu'il y a beaucoup, beaucoup de préjugés. Puis, comme, bon, les hôpitaux ont un horaire, une semaine... ils nous déplacent, une semaine, c'est à un hôpital, la semaine d'après, c'est à un autre, bien il n'y a pas moyen d'avoir un suivi non plus. Il faut toujours retourner quelque part d'autre, où est-ce que là ils ont une partie du dossier, mais ils n'ont pas tout. Si on pouvait choisir l'hôpital, on irait tous à la même, là, on irait tout le temps à la même... au même hôpital puis on serait corrects. Puis justement on serait évalués adéquatement, la consommation serait prise en compte comme quoi on a consommé ou on consomme. C'est toutes des choses... C'est des préjugés, dans le fond, qu'il faut abolir.

M. Lemay: ...

Mauve: Exactement.

M. Lemay: ...un lien de confiance, hein?

Le Président (M. Kelley): Je dois... Je ne sais pas, Mario, avez-vous un dernier mot à dire?

Mario: Si tu leur donnes une adresse comme La Maison du Père, Old Brewery Mission, Mission Bon Accueil ou si tu n'as aucune adresse, tu es vraiment traité... tu serais mieux chez le vétérinaire.

Des voix: Oui, oui.

Mario: Regarde, c'est carré de même.

Mauve: Pour vous donner une idée, moi, je préfère qu'un vet me fasse des points de suture.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, malheureusement, je dois mettre fin à cet échange. Merci beaucoup pour la préparation que vous avez faite pour partager vos histoires avec nous autres, aujourd'hui.

Je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentants de l'Agence de santé et services sociaux de Montréal à prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

 

(Reprise à 11 h 46)

Le Président (M. Kelley): Si on peut prendre place. Encore une fois, le président est maintenant une demi-heure en retard. Mais les sujets, les témoins sont tellement intéressants. Je gère ça le mieux possible.

Mais, avant de procéder, je sais qu'il y a beaucoup d'attentes auprès de notre prochain témoin, mais, avant de le faire, j'ai un certain devoir comme bon père de famille. On sait que les événements comme aujourd'hui n'arrivent pas comme ça. Ça prend des personnes qui travaillent pour l'Assemblée nationale, qui font un travail extraordinaire. Je veux saluer surtout notre secrétaire, Mme Anik Laplante, qui a fait beaucoup de travail ces jours-ci. Et je veux le faire exprès à ce moment parce que ses parents sont parmi nous. Alors, je pense, c'est très important. Vous pouvez être très fiers de votre fille Anik, elle fait un travail extraordinaire.

M. Lemay: M. le Président, en tout respect pour notre secrétaire, elle nous a envoyé tellement de documents que j'ai barré son nom sur mon site.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): C'est vraiment... On va avoir une autre occasion de parler de l'ensemble de l'équipe qui nous seconde dans nos efforts ici, mais j'ai trouvé bonne l'occasion de dire publiquement à quel point Mme Laplante a fait un travail extraordinaire pour rencontrer les groupes, organiser les travaux, organiser les visites. C'est vraiment beaucoup, beaucoup d'ouvrage, et je veux le signaler publiquement.

Sur ça, je vais retourner sur notre ordre du jour et notre projet. Le prochain témoin, c'est l'Agence de santé et services sociaux de Montréal, représentée par Mme Louise Massicotte. Donc, Mme Massicotte, la parole est à vous.

Agence de la santé et des services
sociaux de Montréal (ASSS-Montréal)

Mme Massicotte (Louise): Bonjour. C'est un plaisir pour moi d'être avec vous. Je suis accompagnée de Mme Murielle Leduc, qui travaille avec moi, et de ma consoeur Liette Bernier, qui est coordonnatrice aussi, à l'agence, dans ce dossier.

Je sais que vous avez, hier, signifié que vous aviez beaucoup de questions à notre attention. Je vais réduire un peu la présentation de façon à donner un maximum de temps. Mais d'autre part je vous offre aussi que, si on a manqué de temps puis que vous désirez avoir une autre rencontre avec l'agence ou nous adresser des questions, ça va nous faire plaisir de vous répondre pour tout ce qui n'aura pas été traité aujourd'hui.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Massicotte. Je vais juste interrompre juste parce qu'on avait une demande. Un ajout de temps, comme on verrait aujourd'hui, c'est impossible, le temps est trop serré. Mais on prend bonne note de cette offre et on va donner une suite appropriée à cette offre. Merci beaucoup.

n (11 h 50) n

Mme Massicotte (Louise): Merci. Dans le fond, peut-être commencer en disant qu'on souscrit à la définition de l'itinérance, c'est sûr, et que d'autre part on insiste sur le fait que les personnes sont victimes d'exclusion puis vivent un contexte d'instabilité permanente, donc ça, ça a des impacts importants sur leur santé, donc c'est peut-être deux éléments à ajouter, à prendre en considération.

On reconnaît qu'il y a différentes situations d'itinérance: situationnelle, cyclique et chronique. Ça vient de vous, mais ça signifie, pour nous, que les services à développer, les interventions sont différentes et doivent être adaptées. Je passe les données sociodémographiques. Je pense qu'on peut tous reconnaître qu'il y a déjà un grand nombre de personnes à desservir, que les ressources ne sont pas absolument suffisantes et qu'on n'a pas des données à jour. Ça fait l'objet d'une de nos recommandations d'ailleurs, de travailler à cet effet, de mieux documenter la situation.

Au niveau des tendances, on reconnaît qu'il y a une augmentation du nombre de personnes, bien que, comme je vous disais tantôt, ce n'est pas nécessairement documenté en nombre. La population est majoritairement masculine, mais le nombre de femmes augmente aussi, avec des situations particulières. On reconnaît aussi que c'est sûr qu'il y a un rajeunissement dans la population et il y a des phénomènes associés de judiciarisation, jeunes de la rue accompagnés avec les chiens, les jeunes couples itinérants, les jeunes femmes itinérantes enceintes, et que l'offre de services donc doit être diversifiée pour rencontrer les besoins de ces nouvelles réalités.

Il y a aussi, parmi la population chronique, itinérants chroniques, des gens qui ont de plus en plus des problèmes de santé liés à leur propre vieillissement, et là aussi ça demande une adaptation de l'offre de services. Il y a une augmentation aussi au niveau des communautés culturelles et au niveau des autochtones. Donc, au niveau des tendances, c'est clair qu'on ne peut pas penser une seule solution, il faut penser des solutions diversifiées pour autant de besoins diversifiés.

Au niveau du portrait des services et des ressources, je ne vais pas faire un portrait exhaustif, mais peut-être insister sur le fait qu'au niveau de la santé, avec la nouvelle loi, on est dans l'approche populationnelle puis la hiérarchisation des services. Donc, à Montréal, on a 12 territoires de CSSS qui chacun sont responsables de programmes services. Donc, la particularité de l'itinérance, c'est de ne pas être un programme en soi, mais de se retrouver à être desservi par un ensemble de programmes, que sont les programmes en perte d'autonomie, en santé mentale, en jeunesse, en déficience intellectuelle. Alors, le fait que l'organisation soit basée sur des programmes services et que l'itinérance, ce sont des gens qui sont dans chacun de ces programmes-là, ça complexifie la capacité qu'on a de mettre en réseau l'offre de services comme telle.

Alors, il y a une réalité aussi, c'est que la mise en place des 12 CSSS interpelle que chacun d'entre eux soit, à travers son service psychosocial, responsable de recevoir les personnes qui se présentent chez eux. Donc, même s'il y a eu une concentration dans l'offre de services autour du territoire du CSSS Jeanne-Mance, qui a développé beaucoup, beaucoup d'expertise, et ils vous en ont fait preuve ce matin, il n'en demeure pas moins que tous les autres CSSS doivent développer la capacité de répondre en première ligne aux besoins de ces personnes-là, puis il faut diversifier l'offre de services pour que les gens puissent recevoir le plus près possible de l'endroit où ils sont les services qu'ils requièrent.

Alors, c'est certain, j'ai parlé des 12 centres de santé, mais aussi il y a le Centre Dollard-Cormier, qui se présentera après nous, et il y a des hôpitaux, particulièrement le CHUM, qui sont très interpellés. Donc, on parle de services courants, de services plus spécialisés et de services ultraspécialisés.

C'est sûr, on révise toujours l'offre de services. Je voudrais porter à votre attention quelques projets qu'on a mis en place pour essayer de mieux répondre aux besoins. On a développé, dans les derniers mois, le Tribunal de santé mentale avec la collaboration de la ville de Montréal, les Services correctionnels et le ministère de la Justice. C'est un tribunal qui, au niveau de la ville de Montréal, reçoit des personnes qui ont été arrêtées pour des délits mineurs, et plutôt que de les incarcérer, elles sont orientées là, l'idée étant de dire: Bien, j'accepte de m'inscrire dans une démarche pour ne pas recommencer, puis j'accepte de rencontrer un intervenant puis avoir des suivis. Puis ça peut surseoir à des peines pour ces personnes-là. Alors, on trouve que c'est un... À l'instar de ce qui s'est fait à Toronto, à Vancouver, on a été capables de le démarrer ici. Et c'est en expérimentation pour les trois prochaines années, on est sûrs que ça va marcher, alors on est très contents de ça.

D'autre part, il y a des projets de réinsertion pour les jeunes des centres jeunesse qui quittent le milieu institutionnel, qui sont autant avec le Centre jeunesse de Montréal qu'avec Batshaw. Il y a de plus en plus de travaux qui sont faits pour assurer la réinsertion des jeunes, et non pas dire: Tu as atteint 18 ans, tu sors, et puis tu n'as plus d'autres services. Alors, il y a des projets pour faire un pont plus adéquat.

Au niveau du logement social, il y a un financement qui est déjà acquis, et on le verra tantôt, avec un protocole d'entente avec la ville de Montréal ? je sais que la ville en a parlé plus tôt cette semaine. Donc, il faut poursuivre au niveau du logement social. Et déjà, cette année, on a pris des dispositions de continuer d'augmenter le financement en soutien communautaire à cet effet.

Il y a un soutien financier des établissements et des organismes communautaires. Juste pour votre information, ça représente, particulièrement pour les membres du RAPSIM, le regroupement des organismes qui interviennent dans ce secteur... c'est 15 millions par année qui est investi dans le milieu communautaire pour répondre aux besoins. C'est sûr que, si vous me demandez: Est-ce que c'est suffisant?, non, ce n'est pas suffisant, il y a encore du développement à faire, mais c'est quand même, à chaque année, un effort qu'on fait d'augmenter ce financement. Et d'autre part on contribue à l'initiative IPLI, comme on l'a toujours fait depuis le début du programme IPAC.

Alors, dans les réalisations qui sont aussi en cours, je crois que ça a été mentionné, mais on annonce aussi un lieu de répit-décompression qui va commencer dès le mois de décembre cette année, et donc on va prendre tous les moyens qu'il faut pour que, l'année prochaine, ça fonctionne 12 mois par année. Mais ça, on sait que ça répondait à un besoin important du milieu de pouvoir recevoir les personnes itinérantes exclues des refuges dans un autre lieu.

D'autre part, on est en train de revoir l'offre de services de santé en milieu carcéral, parce que ? on y a fait référence tantôt ? les gens, quand ils sortent de prison, effectivement quel est le rôle de la santé puis qu'est-ce qui doit être offert comme services pendant le séjour en prison, mais aussi quels liens doivent être faits après avec les CSSS, et c'est à être mieux définie, l'attente qu'on a vis-à-vis de chacun des CSSS.

Et évidemment on consolide toujours la capacité financière des organismes communautaires. Puis, au risque de me répéter, il faut toujours, nous, y aller en disant: Bien, je mets de l'argent en toxicomanie, je mets de l'argent en jeunes en difficulté, je mets de l'argent en santé mentale parce que les organismes se retrouvent dans différentes catégories. Alors, cette année, on a eu une préoccupation particulière, au niveau de l'agence, pour investir au niveau du soutien alimentaire parce qu'on savait que, dans les conditions actuelles, il y a une problématique importante et il y a une augmentation des coûts d'alimentation, il y a une augmentation de la demande. Donc, on a protégé des investissements particulièrement dans ce secteur-là.

Si je parle un peu des partenaires, c'est sûr que, pour nous, les établissements de la santé, les organismes et les ressources communautaires sont nos partenaires immédiats de santé, et le regroupement des organismes, mais on travaille aussi beaucoup avec la ville de Montréal. Et, en lien avec le comité de liaison en itinérance, tous les partenaires impliqués, on ne pense pas que, la solution, elle passe par juste une augmentation de l'offre de services en santé, ça passe aussi par une augmentation de l'offre de services au niveau du logement, au niveau du revenu, et tout. Alors, on ne peut pas y arriver tout seuls, il faut qu'on travaille ensemble.

Nos objectifs donc dans le plan d'action intersectoriel, c'est: d'augmenter l'accès aux services de santé et aux services sociaux, notamment au niveau du logement social; de réduire les problèmes de partage de l'espace public, on y participe; et de mettre à jour les connaissances dans le domaine de l'itinérance. C'est sûr que de planifier une offre de services quand on sait exactement ce à quoi on cherche à répondre, c'est fondamental, et le partenariat.

Évidemment, nos enjeux sont importants. Il y a des enjeux environnementaux: la rareté des logements abordables, la proportion d'individus et de ménages à faible revenu, les difficultés d'accès à l'emploi. Alors, c'est sûr que, du point de vue environnemental, il y a beaucoup d'actions concertées à mener qui sont l'apanage de tout le monde.

Au niveau social, c'est sûr que, dans la partie qui nous concerne, il faut qu'on assure une offre générale de services de première ligne, qu'on améliore ? j'ai entendu les présentations de ce matin ? il faut qu'on améliore aussi l'accès aux urgences des hôpitaux, améliorer et adapter, parce que les hôpitaux répondent à des grands besoins, il y a des besoins supplémentaires, mais ce n'est pas aux... il ne faut pas viser juste que les hôpitaux répondent plus à des besoins, il faut plutôt penser que les gens se présentent moins à l'hôpital puis qu'ils ont des services avant d'aller à l'hôpital. La solution passe plus par ça que par l'augmentation de l'offre de services en psychiatrie. Et évidemment il faut développer puis diversifier nos stratégies à l'égard de l'hébergement. On est tout à fait conscients que, de vivre dans des milieux à sept, huit, 10 personnes, c'est des fois contraignant. Il faut trouver des solutions de type logement et autres, alors il faut y travailler.

n (12 heures) n

Les autres enjeux visent le fait qu'il y a beaucoup de problèmes concomitants, j'ai l'air d'être redondante là-dessus, mais on interpelle à la fois la santé physique, la santé mentale, la dépendance, la judiciarisation, la violence, la déficience intellectuelle, le vieillissement de la population, les difficultés culturelles et linguistiques. Donc, c'est clair que c'est... L'itinérance, y répondre, c'est y répondre d'une façon très diversifiée en tenant compte de l'ensemble de ces éléments-là.

Nos recommandations, c'est à l'effet d'avoir une approche globale qui privilégie des mesures visant la prévention, l'accès à des services de première ligne, l'accès au logement abordable et le soutien communautaire aux personnes à risque d'itinérance; que cette problématique soit prise en compte dans chaque programme clientèle du ministère et des autres ministères concernés avec un souci d'intégration. Parce que des fois on déploie des efforts d'un côté qu'on pourrait avoir tendance à annuler de l'autre, ou des fois on n'est pas en parfaite synergie. Donc, le fait de travailler d'un point de vue, au niveau de l'agence, avec tous nos partenaires santé, c'est une chose, mais de travailler avec tous nos partenaires de l'intersectoriel, interministériel, c'est aussi fondamental. Et d'autre part que des efforts soient consentis pour rendre accessibles des données actuelles et fiables.

Alors, voilà, je dirais que c'est essentiellement un résumé de ce que vous aviez dans le mémoire.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Massicotte. On va passer rapidement à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vais céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bon, alors, bienvenue. Votre présence a été attendue par.... votre comparution, si je peux dire, a été attendue par plusieurs organismes et membres de la commission.

Mme Massicotte (Louise): ...

Mme Gaudreault: Ah! non, non, n'ayez crainte, n'ayez crainte. Je me ferai brève parce qu'on veut vous entendre. La continuité des services a été au coeur de plusieurs présentations, et on a parlé souvent d'un centre de répit qui était nécessaire, et, si je crois bien, là, vous êtes l'artisan, vous en avez fait mention tout à l'heure, pour décembre. Parlez-nous un peu plus de ce projet-là, la réalisation de ce projet-là. Quelles seront les sommes investies, et puis le projet va être échelonné sur combien de temps, et tout ça? Alors, on aimerait bien vous entendre.

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Louise): Oui. Je vais commencer puis, pour ce qui est de définir plus le projet, je vais demander à Mme Leduc de compléter. C'est sûr qu'on savait que c'était un besoin qui était très, très bien... qui était revendiqué, là, de façon fort importante et puis on a choisi de prioriser ce dossier-là. Cette année, en restructurant un peu notre offre de services, on disposait d'une somme de 100 000 $ à laquelle on ajoute une somme de 230 000 $, ça veut dire qu'on met 330 000 $ pour faire fonctionner ce lieu-là de répit à compter du mois de décembre, et c'est ça que ça va nous permettre. Et, comme je disais tantôt, notre intérêt est de s'assurer qu'après le mois d'avril prochain ce lieu-là soit permanent. Alors, peut-être, sur les services comme tels...

Mme Leduc (Murielle): D'accord. En commençant, je voudrais juste revenir sur un mot que vous avez dit. Vous avez dit: Vous êtes les artisans de ce projet-là. Je veux faire une mise au point. Il n'y a pas que l'agence qui est l'artisan de ce projet-là, c'est un des résultats très concrets du plan d'action intersectoriel de la région de Montréal. Donc, les artisans sont à la fois la ville de Montréal, les regroupements communautaires et l'agence. Alors, premier point.

Et le but de ce projet-là, en fait, c'est... Il y a des personnes des fois qui sont exclues des refuges parce que les refuges, pour les accepter, ont certaines règles. Exemple, il ne faut pas avoir consommé d'alcool, il ne faut pas être sous l'effet de la drogue, entre autres. Et donc ils ne peuvent pas être acceptés dans les refuges, ce qui veut dire qu'à ce moment-là les gens n'ont plus aucun endroit pour pouvoir être hébergés.

Alors, c'est pour ça qu'on parle d'un centre de répit et de décompression, c'est-à-dire que les personnes qui sont exclues des refuges vont pouvoir aller et être hébergées dans ce centre de répit et de décompression là. Donc, pour eux, ça va être comme un... ça va pouvoir... c'est un lieu qui va permettre de répondre à leurs besoins de base dans un environnement sécurisant. Il va y avoir là une équipe qui va les accueillir, qui va essayer de répondre à leurs besoins pour pouvoir éventuellement les diriger aussi vers d'autres ressources.

Je veux aussi apporter un autre élément. Mme Massicotte a parlé du financement de la part de l'Agence de Montréal. Je pense que c'est important de mentionner que, nous, nous allons financer au niveau des ressources, au niveau de l'équipement, mais que la ville de Montréal... c'est vraiment un projet conjoint, la ville de Montréal y participe en fournissant les locaux, elle va financer les locaux.

Pour le premier projet, c'est sûr que c'est modeste, mais il faut le commencer comme ça, on prévoit, pour cette année, d'avoir six lits, d'avoir six lits de disponibles, d'en avoir à la fois... Quand un projet pilote avait été fait... Et je sais que vous en avez entendu parler beaucoup au cours des derniers jours, du projet de L'Échelle. Le projet de L'Échelle était essentiellement pour les hommes. Là, l'évaluation des besoins a montré qu'il y a aussi des femmes qui peuvent être exclues des refuges. Alors, dans les six lits, on prévoit éventuellement trois lits pour les hommes et trois lits pour les femmes. Alors, je pense que ça va.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Alors, bonjour, mesdames. Vous avez brossé un petit peu, effleuré le sujet de la compilation de données, de l'importance d'avoir des données plus précises sur le phénomène de l'itinérance. À la page 21 de votre mémoire, vous parlez d'un système de surveillance pour mesurer et pour documenter le phénomène de l'itinérance. Je sais que récemment le gouvernement a annoncé une aide de 200 000 $ pour l'élaboration d'une étude sur le sujet. C'est une étude qui est en cours de réalisation, c'est quelque chose de ponctuel. Mais je comprends que ce que vous avancez dans votre mémoire ce n'est pas un projet ponctuel, ça semble être un projet, un centre d'études plus permanent. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur le projet, je vous demanderais de détailler un peu plus pour faire la distinction entre les études ponctuelles qui peuvent être faites et ce que vous apportez comme idée.

Mme Massicotte (Louise): Dans le fond, ce qui est important pour nous... et Mme Leduc complétera, mais ce qui est important, c'est que des données réelles remontent à 1996-1997, donc ce qu'on se dit, c'est: Si, aujourd'hui, on refait un portrait puis qu'on en refait un dans 10 ans, pendant 10 ans il va y avoir des changements dans les besoins, et tout ça, et on va avoir encore un écart dans notre perception des besoins de la réalité, et tout. Alors, l'idée, c'est plus de mettre en place un système qui permette que régulièrement on puisse avoir l'heure juste sur l'évolution des besoins pour cette population, ces personnes.

Mme Vallée: Qui pourrait être un peu la personne ou l'organisme qui recueillerait cette information-là? Parce qu'on comprend, là, c'est une espèce de mise à jour peut-être pas quotidienne mais quand même régulière de l'information, des données, de ce qui est... de ce que les organismes sur le terrain peuvent apporter comme information.

Mme Massicotte (Louise): Bien, c'est sûr que... C'est clair pour nous qu'on a différents systèmes de vigilance comme ça qui sont très bien développés du côté de la Direction de la santé publique. Et ce serait assez facile de penser que ça puisse être documenté par eux, la meilleure façon de donner suite à cette recommandation-là parce qu'ils ont des systèmes de vigilance dans plusieurs, plusieurs domaines de... des priorités de santé publique.

Le Président (M. Kelley): Mme Leduc.

Mme Leduc (Murielle): Bien, je pense qu'elle a fait le tour au niveau de la question. L'idée, c'était plus de dire que, quand on réfléchissait au niveau de comment améliorer les services dans la région de Montréal, on se disait: Bien, on n'a pas eu de données depuis longtemps, on y va avec certaines connaissances plus des gens sur le terrain. On s'est dit... Dans le fond, c'était de passer l'idée qu'on ne voudrait pas se retrouver toujours dans cette situation-là, mais de se donner les moyens de plus connaître plus régulièrement quelles sont les clientèles, quelles sont les nouvelles clientèles qu'on aurait à desservir. C'est plus là-dessus.

Mme Massicotte (Louise): Et peut-être les meilleures approches aussi.

Mme Leduc (Murielle): Oui, les meilleures approches.

n (12 h 10) n

Mme Vallée: Si je comprends cette information-là, ce n'est pas exclusivement destiné aux organismes gouvernementaux. Ça pourrait être diffusé à l'ensemble des intervenants.

Mme Massicotte (Louise): Oui, absolument, ce serait...

Mme Leduc (Murielle): Oui, oui, c'est à l'ensemble des partenaires.

Mme Massicotte (Louise): À l'ensemble des partenaires.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci pour votre présence ici, aujourd'hui, pour votre présentation. Mme Massicotte ? rapidement ? vous avez lancé, l'année dernière, un plan d'action intersectoriel en matière d'itinérance, élaboré par l'agence, la ville de Montréal, RAPSIM et d'autres. Pouvez-vous nous dire, au niveau de résultats ou de changements concrets, qu'est-ce qui a été fait?

Mme Massicotte (Louise): Je dirais que dans le fond, quand on va du côté de... C'est sûr que, du côté du logement social, du côté du programme du lieu de répit, du côté de l'offre de services de première ligne, c'est beaucoup à travers ces éléments-là que... Dans le fond, c'est le bénéfice de travailler tout le monde ensemble en intersectoriel et de conjuguer nos efforts au bon moment, au bon endroit, simultanément qui amène une plus-value. Dans le fond, on avait commencé à intervenir au niveau du logement social et on a décidé de continuer d'intervenir, tous les partenaires ensemble. Donc, il y a une volonté d'actualiser et d'aller toujours plus loin dans chacune des mesures qui sont déjà en place en se mobilisant sur les mêmes solutions, parce que dans le fond, sinon, c'est des coups d'épée dans l'eau.

Alors, notre idée, c'est de dire: Plutôt que d'investir un peu chacun puis que ça ne donne pas des résultats concluants puis structurés pour une partie de la population qui est visée ou des personnes qui sont visées, bien... Essentiellement, c'est ça, pas de coups d'épée dans l'eau. C'est vraiment ça, l'objectif du plan d'action intersectoriel. C'est se connaître, savoir ce que les uns font et les autres. J'entendais, ce matin, l'intervenante du CSSS qui disait: On a besoin de rencontrer les intervenants, de connaître c'est quoi, leur offre de services, et tout. Bien, on a le même besoin de connaître l'offre de services de tous nos partenaires pour ne pas dédoubler, pour ne pas faire la même chose, pour ne pas prioriser les mêmes affaires. Donc, l'idée, c'est vraiment de suivre un vent de fond, là. Oui, un complément?

Mme Leduc (Murielle): Moi, je rajouterais: Concrètement, là, on n'aurait pas pu vous dire, ce matin, qu'on partait, on démarrait au mois de décembre prochain un centre de répit et de décompression s'il n'y avait pas eu le plan d'action intersectoriel. Ça, c'est vraiment un premier résultat concret, parce que ça a vraiment découlé du plan d'action, où tous les partenaires se sont entendus en disant: On a besoin de ça. Ça, c'est une réalisation concrète.

Une autre réalisation concrète, Mme Massicotte en a parlé, c'est au niveau du soutien communautaire au logement social. L'Agence de Montréal a mis, l'année dernière, 1 050 000 $ en soutien communautaire en logement social. On rajoute, cette année, un 250 000 $ là-dessus. Je ne suis pas sûre que ces sommes-là auraient été consacrées au soutien communautaire au logement social si cet aspect-là n'avait pas été, là, vraiment abordé dans le cadre du plan d'action intersectoriel.

Mme Massicotte (Louise): Dans le fond, ce que ça aide, c'est à prioriser les bonnes choses ensemble.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci. Alors, merci de la présentation de votre mémoire. J'ai beaucoup de questions, donc j'aimerais ça qu'on raccourcisse un peu les réponses parce que c'est un peu... l'inverse. J'aimerais savoir: Le budget total de votre agence, c'est quoi?

Mme Massicotte (Louise): Tout confondu, 5,6 milliards.

M. Dorion: Au total?

Mme Massicotte (Louise): 5,6 milliards.

M. Dorion: 5,6 milliards. De ce budget, en termes de pourcentage... Parce que, moi, j'ai été ici, j'ai entendu des organismes communautaires, des gens dévoués, des gens qui travaillent directement auprès des besoins fondés. Quel est le pourcentage de votre budget total alloué? Puis là je vais vous dire que c'est à vous à faire l'exercice parce que... Je ne sais pas si c'est une façon de biaiser, parce que, là, on parle... et je vous dis ce que je pense, on parle d'itinérance et, vous, vous parlez de corridors. Alors, il y a différents corridors: il y a santé mentale, il y a... tu sais? Vous, vous en faites... Mais c'est un facteur, ça a été un enjeu entendu. Moi, ce que j'ai entendu depuis mon arrivée ici, à Montréal: que c'est l'ensemble d'un tout finalement qui porte un individu à l'itinérance. De tous les corridors, quel est le pourcentage de votre montant... Moi, je veux le savoir en pourcentage.

Mme Massicotte (Louise): C'est ça. C'est peut-être quelque chose qu'on pourra vous documenter plus. C'est clair que... Si je vous ai donné l'impression qu'on fonctionne en corridors, on est aussi capables de vous dire que... Quand on vous dit qu'en itinérance on met 15 millions, c'est la somme qu'on met dans chacun des programmes, par année, dans le milieu communautaire, on s'entend. Alors, ce...

M. Dorion: Ce que je dois comprendre, c'est que, sur un budget de 5,6 milliards de dollars, il y a 15 millions répartis dans les différents couloirs.

Mme Massicotte (Louise): Non. Parce que, comme on vous a dit tantôt, le service qu'on reçoit à l'hôpital fait partie... il y a un coût à ça. Le service qu'on reçoit au centre de santé, il y a un coût à ça. Le service qu'on reçoit dans le milieu communautaire, il y a un coût à ça.

M. Dorion: Comme gestionnaire, Mme Massicotte ? ma question, elle est simple ? milieu communautaire, là... Puis on est ici, là, pour contrer le... voir, avoir un portrait beaucoup plus pour contrer le phénomène de l'itinérance. Ça fait que tout ce qui touche l'itinérance, avec les différents couloirs, le montant accordé dans votre budget est de combien?

Mme Massicotte (Louise): C'est 92 millions par année qui est consenti au milieu communautaire, tous programmes confondus, par l'agence.

M. Dorion: Mais, tous programmes confondus, c'est là que...

Mme Massicotte (Louise): C'est 92 millions que reçoivent les organismes communautaires par année.

Une voix: De Montréal.

Mme Massicotte (Louise): De Montréal, et...

M. Dorion: 92 millions sur 5,1 milliards de dollars. En pourcentage ? parce que, là, je n'ai pas ma calculatrice ? ça ne fait pas beaucoup.

Mme Massicotte (Louise): Bien... Toi, tu voulais ajouter quelque chose?

Mme Leduc (Murielle): Oui. Je veux rajouter quelque chose là-dessus parce que je m'occupe du programme des organismes communautaires. Vous allez peut-être trouver ça complexe dans notre mode de fonctionnement dans le réseau de la santé, mais Mme Massicotte a parlé du 5 milliards qui est donné dans... qui est le budget total de la région de Montréal. L'agence de la santé donne directement à des organismes communautaires 92 millions, mais l'agence n'est pas seule à financer les organismes communautaires. Les CSSS, les centres de réadaptation peuvent avoir des ententes avec des organismes communautaires et eux aussi, à l'intérieur de leur budget qui est consacré... qui est donné par l'agence, peuvent aussi consacrer des sommes. Donc, on ne peut pas vous donner le montant global au niveau des organismes communautaires, on peut vous donner celui donné par l'Agence de Montréal.

M. Dorion: Bien. Merci.

Mme Massicotte (Louise): Le 92 millions est par l'agence. On peut facilement doubler, presque tripler, quand on prend le... ce qui vient du centre de santé.

M. Dorion: Mais, quand on dit «doubler», là, moi, je ne sais même pas si vous êtes en mesure de nous dire qu'est-ce que les organismes reçoivent dans les autres ministères. Je pense que, comme gestionnaires, vous gestionnez votre budget. Ça, c'est ma première question.

Mme Massicotte (Louise): Je ne voudrais juste pas que vous restiez avec l'impression qu'on vient de vous dire que l'argent venait de d'autres ministères. Il y a une partie de l'argent qui arrive par l'Agence de Montréal directement aux organismes communautaires, il y a une partie de l'argent qui arrive aux organismes communautaires par les centres de santé et il y a une partie de l'argent qui arrive aux groupes communautaires par la Santé publique, et c'est trois modes de financement pour les groupes communautaires. Au-delà de ça, il peut y avoir d'autres contributions qui viennent d'ailleurs.

M. Dorion: Moi, je parle de l'agence. Et j'arrive, j'ai de la misère à comprendre, imaginez-vous ceux qui sont assis dans la salle.

Mme Massicotte (Louise): C'est complexe, vous avez raison.

M. Dorion: Moi, ça fait deux jours que je suis ici puis que j'entends, et je pense que tous les organismes l'ont dit: D'être accrochés à un filon sans savoir si notre subvention va être reconduite. Et pourtant, là, ces gens-là créent des choses, rendent et correspondent à des besoins, mais c'est toujours dans l'incertitude. Moi, j'ai passé la nuit, hier, avec, entre autres, le regroupement L'Anonyme, qui nous ont fait vivre, une partie de la nuit, ce qu'ils font comme travail. Et ça, je le cite parce que j'ai vécu l'expérience, mais il y en a plusieurs. Et ils nous disent tous que vivre dans l'incertitude, à savoir si ça va être reconduit ou pas...

Et j'ai envie de vous poser... Vous, Mme Massicotte, comme personne, si je vous attribuerais... Parce que vous êtes l'agence de santé, financée, vous recevez un budget pour votre roulement, pour les frais administratifs, puis tout ça. Si je vous dirais, par incertitude, que ce n'est pas certain que ce soit reconduit, dans quel climat vous travailleriez, vous?

n (12 h 20) n

Mme Massicotte (Louise): Je vais répondre...

M. Dorion: C'est une question très personnelle, mais c'est parce que je veux vous faire vivre ce que les gens nous ont dit, nous ont exprimé. Moi, je me porte le porte-parole de ces gens-là, c'est ces gens-là qu'on écoute.

Mme Massicotte (Louise): Vous avez raison.

M. Dorion: Puis ces gens-là, dans la majorité, relèvent de l'agence de santé.

Mme Massicotte (Louise): Si vous me permettez, je vais répondre en deux temps, O.K.? Premièrement, je vous dirais qu'on a plus de... on a 600 groupes communautaires à Montréal. C'est sûr qu'il y en a qui sont subventionnés de façon... d'année en année. Ils ont été admis dans le programme, ils sont financés d'année en année. Ils ont plus de besoins que le financement qu'ils reçoivent, pour plusieurs d'entre eux, mais ils sont assurés d'avoir, à chaque année, un montant qui est reporté.

Il y a des organismes qui sont acceptés dans la mission qu'ils font puis qui n'ont pas encore de financement. Alors, oui, c'est très insécurisant. D'autre part, comme je disais tantôt, on n'est pas le seul subventionnaire des groupes communautaires. Alors, je veux dire, c'est vrai que ça pose tout un défi de dire comment est-ce que, quand je suis dans un groupe, j'arrive à boucler mon budget, là, c'est un défi fort important.

Si vous me demandez à moi, personnellement, je vous dirais que c'est une problématique qu'on vit au quotidien, partager la richesse entre tous les besoins qu'on a, hein? Alors, c'est très clair que j'ai beaucoup... on rencontre régulièrement les groupes, on essaie d'étirer au maximum les investissements qu'on peut faire, de prendre en considération des besoins prioritaires, et tout, mais effectivement arrive un moment où l'argent qu'on a, on ne peut pas le multiplier, là. Et, oui, c'est tout un défi.

Si vous me demandez: Est-ce que, dans le budget d'une agence, ça nous arrive aussi?, je vous dirai que ça nous arrive aussi de se faire dire que l'argent qu'on a n'est pas récurrent puis effectivement être un peu mal pris avec ça. C'est vrai, je ne peux pas nier le fait, comme individu, que c'est absolument désolant et dramatique de se demander si on va réussir à joindre les deux bouts, c'est vrai dans nos vies de famille, c'est vrai partout. Et l'exercice de l'agence de la santé, c'est d'essayer de répartir l'argent à tout le monde.

M. Dorion: Merci, Mme Massicotte.

Le Président (M. Kelley): Dernière question.

M. Dorion: Dernière question? Bien, écoutez, je pense que, moi, je vous ai passé le message de ce que j'ai entendu et j'espère vous avoir sollicitée à conscientiser davantage et peut-être de revoir votre formule de financement pour en arriver à quelque chose, une stabilité plus assurée chez ces organismes-là.

Et, dernière question: Le centre de répit... Parce que j'ai entendu, et les besoins sont énormes. Et vous m'avez parlé de... J'aimerais savoir qui va être le gestionnaire de ce projet-là.

Mme Massicotte (Louise): On est en train de le faire avec nos partenaires, là, de déterminer...

M. Dorion: Mais, je veux dire, le partenaire, est-ce qu'il vient du communautaire ou il vient du milieu privé?

Mme Leduc (Murielle): Non, il n'y a pas de privé. Nos partenaires pour élaborer ce projet-là, c'est la ville de Montréal, c'est les regroupements communautaires aussi. On a formé ? on rentre dans les détails ? un comité de travail, il y a les refuges qui sont là, refuges pour hommes, refuges pour femmes. Donc, c'est vraiment communautaire, ville de Montréal et agence. Et, excusez, j'ai oublié un partenaire important, le CSSS Jeanne-Mance, là, qui a passé avant nous, ce matin.

Mme Massicotte (Louise): Et les modalités vont être définies prochainement.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, mesdames, Mme Massicotte. Vous avez entendu une partie des témoignages, on a entendu des choses vraiment déchirantes depuis le début de nos travaux. Mon collègue vous a parlé de l'inquiétude chronique des gens qui n'ont pas un financement fiable et qui s'occupent des plus mal pris dans notre société. On nous a parlé de choses ? peut-être que vous n'avez pas entendu ? ce matin. La rotation. Vous savez, les personnes itinérantes ne vont pas toujours au même hôpital. S'ils sont en situation d'urgence, il y a une liste: une semaine, c'est dans le nord de la ville, l'autre semaine, c'est... Bon. C'est extrêmement pénible. Les hôpitaux appellent certains centres et refuges pour leur dire: Écoutez, on ferme des lits, est-ce que vous pouvez vous occuper des personnes dont on s'occupe? Ensuite, il y a d'autres hôpitaux qui renvoient les personnes sans traitement, sans les avoir accueillies.

Vous dites aussi, à la page 17 de votre mémoire, toujours dans ce même sens, que vous voulez améliorer l'accès aux urgences. Moi, ce que j'ai cru comprendre: ce n'est pas nécessairement juste l'accès aux urgences, c'est l'accès aux soins qui est important. J'aimerais vous entendre rapidement là-dessus parce que je veux laisser du temps parce que nous sommes trois députés de Montréal et nous avons beaucoup, beaucoup de questions... nous aurions beaucoup de questions. D'ailleurs, même, M. le Président, mes collègues me suggéraient que peut-être on pourrait réentendre, réinviter l'Agence de santé de Montréal, vers la fin de nos travaux, à Québec. Alors, c'est une suggestion.

Donc, le problème, deuxième élément, évidemment, votre façon de gérer par programme-service, vous reconnaissez vous-même que c'est compliqué. Hier, L'Anonyme nous disait... avant-hier, qu'eux ils se retrouvent dans Autres activités jeunesse, ils sont vraiment nulle part. Voilà. Alors, ce serait ça. Qu'est-ce qu'on peut espérer de changements au niveau de ces cloisonnements entre les programmes, l'accès aux soins, donc la prévention en même temps? Et, si vous avez une seconde, les projets pour les centres jeunesse, là, que vous envisagez, ça nous intéresse aussi.

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Louise): O.K. Bon, sur l'accès aux soins, je le disais tantôt, c'est sûr qu'il y a deux choses qu'il faut faire. Il ne faut pas juste, vous avez raison, il ne faut pas juste augmenter l'accès à l'urgence, il faut augmenter... lorsqu'une personne a besoin de services dans un hôpital, que ce soit à l'ensemble des services de l'hôpital que cet accès soit possible.

Au-delà de ça, on pense que souvent quelqu'un est amené à l'hôpital et qu'il aurait pu être référé ailleurs. Et il y a actuellement un grand, grand chantier, là, dans les centres de santé, pour développer les services de première ligne, développer des services de suivi intensif, développer des services d'intensité variable, de façon à ce que les gens puissent se présenter directement au centre de santé puis qu'il y ait quelqu'un qui puisse, à ce moment-là, déjà leur offrir des services, ce qui éviterait que beaucoup de gens soient orientés en milieu hospitalier. Ce n'est pas drôle quand on a... que la seule chose qu'on vous offre, c'est de vous amener à l'urgence de l'hôpital. Alors, on pense que très rapidement, là, d'ici un an... c'est déjà commencé, on voit déjà qu'il y a une augmentation du nombre de personnes qui sont desservies par les centres de santé plutôt que d'être orientées à l'hôpital. Et on sait que les centres de santé travaillent beaucoup avec les organismes communautaires sur leur territoire, ça fait qu'on mise vraiment beaucoup plus pour développer ça en premier lieu.

D'autre part, vous avez raison de dire qu'il faut revoir le protocole qui dit que... on en parlait tantôt, quelqu'un, à l'intérieur de six mois, après six mois, tout ça, et le fait qu'on est référé à l'hôpital une semaine à la fois. Bon, c'est clair que, là... Dans le fond, initialement, ça a été fait pour dire: Il n'y a pas personne qui ne reçoit pas de services. Mais ce n'est pas nécessairement la meilleure façon, si tous les autres services sont disponibles, de répondre aux besoins des personnes. Et là-dessus il y a un ajustement qui est déjà commencé, qui est fort important, pour lequel je remercie tous les établissements d'ailleurs de nous aider à réussir ce plan-là. Ça, c'était pour votre première question.

La deuxième sur...

Une voix: Les programmes...

Mme Massicotte (Louise): Pour les centres jeunesse, je pourrai probablement vous envoyer par écrit le... Et je réitère qu'on est d'accord... le troisième élément, on est d'accord pour vous rencontrer à nouveau.

Mme Lapointe (Crémazie): D'accord.

n (12 h 30) n

Mme Massicotte (Louise): Si vous voulez nous envoyer vos questions, on peut le faire comme ça, ou sinon vous rencontrer directement.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

Mme Massicotte (Louise): Ah oui, la gestion par programme...

M. Lemay: Bien, c'est pour ça, on vous avait demandé d'avoir plus de temps. C'est le gros joueur sur l'île. C'est des...

Le Président (M. Kelley): Oui. M. le député, on peut faire cette discussion à un autre moment. Il nous reste cinq minutes. Il y a un comité directeur qui a fixé l'horaire pour aujourd'hui, alors on va vivre avec. On est déjà une demi-heure en retard, alors je pense qu'on est mieux de poser nos questions. Il y a une offre sur la table de faire un complément, une autre session, on va donner suite, mais l'horaire qui est arrêté a été fait avec le consentement des trois groupes parlementaires.

M. Lemay: Vous avez raison, vous avez raison, M. le Président. Alors, je m'excuse de m'être impatienté.

Mesdames, j'ai lu avec intérêt le mémoire, je l'attendais avec intérêt, et nous l'avons tous lu avec intérêt parce qu'effectivement l'agence, dans ce dossier-là, est le gros joueur. Je me permets de vous dire, en tout respect, la déception que j'ai eue en lisant votre mémoire.

Vous parlez, aux pages 17 et 18, de «s'assurer d'une offre générale de services de première ligne»; c'est ce qu'on entend depuis trois jours, ici. Vous parlez d'«améliorer l'accès aux urgences des hôpitaux»; c'est ce qu'on entend depuis trois jours, ici. Vous parlez de «rehausser [le service] de suivi dans la communauté», ce que plusieurs appellent l'«outreach»; c'est ce qu'on entend ici depuis trois jours. Et vous parlez... «nécessaire de poursuivre les partenariats visant à mettre en place des structures d'hébergement»; c'est ce qu'on entend depuis trois jours. Vous avez deux paragraphes là-dessus dans tout votre mémoire. Ce sont les enjeux directs qui visent les soins que ces gens-là ont le droit d'avoir, et vous avez deux paragraphes, dans votre mémoire, là-dessus.

On s'entend que ce n'est pas toute l'agence qui va tout régler, on s'entend là-dessus. Et je vous partage d'entrée de jeu la déception que j'ai eue. Moi, je m'étais attendu à quelque chose d'un petit peu plus énergique, avec un petit peu plus de leadership pour montrer la voie, en disant, effectivement, par ailleurs, que l'agence n'a pas les réponses à tout.

Ceci étant dit, on a entendu aussi hier, M. le Président, qu'il y aurait... et là la décision va être remise à plus tard, mais qu'il y aurait 2 200 coupures de lits pour des soins psychiatriques à domicile, familial ou autres, il y avait ça comme projet dernièrement, et que, là, la décision a été reportée parce qu'effectivement, là, les organismes ne sont pas prêts à recevoir, il n'y a pas de logement, il n'y a pas rien. Donc, pouvez-vous me dire: Est-ce que c'est vrai que c'est dans les cahiers de l'agence de couper 2 200 lits dans les réseaux familiaux, qu'ils appellent, et tout?

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Louise): Oui. À votre déception, je comprends que, quand vous lisez nos objets, ils ne sont pas documentés sur chacune des solutions, mais je peux au moins vous garantir que tout ce qui est écrit là est déjà commencé et depuis pas la semaine dernière, mais depuis déjà fort longtemps. Donc, on est en amélioration, avec nos partenaires, de l'offre de services.

Par rapport à votre autre élément... Je voulais juste revenir aussi sur les programmes services. C'est clair que cette notion-là de programmes services, c'est une contrainte avec laquelle on vit quand on s'adresse à l'itinérance. Puis dans le fond ce qu'on dit, c'est: On peut revendiquer d'avoir un programme Itinérance, mais ce ne sera pas une solution magique, il faut qu'on apprenne à ce que chacun mette sa contribution et que, tout le monde ensemble, ça donne une meilleure offre de services. Ça, c'est un élément. C'était quoi, sa dernière question?

Une voix: C'était sur les lits.

Mme Massicotte (Louise): Ah oui, les lits, les 2 200 lits, excusez-moi! On ne travaille pas du tout à fermer 2 200 lits; ce n'est pas ça du tout. Ce que je disais tantôt, c'est qu'on est plus à regarder est-ce qu'il y a, dans... qu'est-ce qu'on devrait ajouter de plus comme modalités d'hébergement qui correspondraient plus aux besoins d'aujourd'hui. Donc, on est plus là-dedans. On n'est pas dans fermer des lits, on est dans ajuster l'offre de services, et il n'y a aucune intention de diminuer quoi que ce soit. On est dans diversifier ce qu'on a en fonction de ce qui se présente comme opportunité.

Le Président (M. Kelley): Ce n'est pas... Merci beaucoup pour essayer d'expliquer la complexité de votre charge. L'île de Montréal, les santé et services sociaux comprennent l'itinérance et beaucoup d'autres choses. Je pense, les parlementaires ont indiqué l'importance de la question des itinérants à Montréal, et on a pris bonne note de votre offre de collaboration de nouveau.

Sur ce, je vais suspendre nos travaux quelques instants. Et j'invite les représentants du Centre Dollard-Cormier de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

 

(Reprise à 12 h 40)

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. On va reprendre nos travaux avec nos derniers témoins sur un avant-midi qui a été très, très intéressant. Mais un autre groupe qui joue un rôle très important dans la communauté, qui a beaucoup d'expérience, c'est le Centre Dollard-Cormier, programme Itinérance. Alors, je vais céder la parole à sa directrice générale, Mme Madeleine Roy.

Centre Dollard-Cormier
(programme Itinérance)

Mme Roy (Madeleine): Bonjour, tout le monde. Alors, premièrement, j'aimerais remercier la commission de nous avoir invités à être présents aujourd'hui, avoir eu la possibilité de vous déposer un mémoire. Alors, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Jean-Guy Cormier, qui est le coordonnateur du programme Itinérance et sans domicile fixe, il est situé sur la rue Ontario; Mme Monique Tessier, qui est la consultante spéciale dans le dossier; et Mme France Lecomte, qui est la directrice des services à la clientèle, qui gère tous les programmes clientèles au Centre Dollard-Cormier.

Alors, en entrée de jeu, j'aimerais ça préciser que nous sommes un centre public de réadaptation, le Centre Dollard-Cormier, qui a été désigné Institut universitaire sur les dépendances par M. Couillard en août 2007, et nous sommes le seul centre de réadaptation public à avoir développé un programme spécialisé pour les personnes itinérantes et sans domicile fixe, parce que, nous, on voyait vraiment qu'à Montréal il y avait cette préoccupation-là importante et on voulait vraiment que cette clientèle-là soit desservie dans le cadre d'un programme ultraspécialisé et spécifique.

Il est évident que le Centre Dollard-Cormier est un établissement de deuxième ligne, donc un centre spécialisé. Donc, on n'est pas un établissement de première ligne, donc on ne peut pas parler, chez nous, qu'on fait de la prévention, mais on fait de l'intervention. Alors, on précisera tantôt ce que ça veut dire. On dessert globalement, le Centre Dollard-Cormier, tout près de 10 000 personnes par année, dont à peu près, bon an, mal an, 600 personnes itinérantes et sans domicile fixe.

Alors, sans plus tarder, je vais laisser la parole à France Lecomte, qui va vous présenter, vous résumer notre mémoire et vous présenter un peu la... Elle va faire les liens avec la gamme de services. On va essayer de faire ça rapidement pour pouvoir répondre à vos questions, donc on a prévu une présentation assez succincte. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

Mme Lecomte (France): Alors, ma présentation va être en quatre volets. Le premier volet, je vais plus donner un peu de statistiques sur l'ampleur de la problématique en toxicomanie itinérance. Je vais par la suite vous présenter le programme Itinérance et le programme Jeunesse, qui offrent des services à cette clientèle, et je vais faire le lien avec les interfaces de nos autres services et programmes, à Dollard-Cormier, et de nos autres partenaires. Puis je vais terminer par nos recommandations.

Alors, au niveau de l'ampleur du problème, on dit que les personnes qui présentent un problème de toxicomanie et d'itinérance ont un cumul de problèmes ? puis je vais aller rapidement parce qu'on vous en a parlé beaucoup. Ils ont des problèmes de santé physique, des problèmes de judiciarisation. Ils ont des problèmes de santé mentale. On dit que 30 % à 40 % de cette clientèle présente un problème de santé mentale et que 10 % ont des troubles sévères et persistants. Au Centre Dollard-Cormier, au programme Itinérance, 25 % de la clientèle qui est suivie est aussi suivie en troisième ligne par la Clinique Cormier-Lafontaine qui est une clinique où on offre en même temps du traitement pour la toxicomanie et la santé mentale. Donc, le quart des clients suivis ont besoin de soins surspécialisés.

Quand on regarde la problématique de la toxicomanie, on dit que, dans la population en général, il y a environ 8 % des personnes qui sont dépendantes ou qui abusent de substances. En itinérance, on dit qu'il y a 40 % des personnes itinérantes qui consomment et qui ont un problème d'abus et de dépendance. Au Centre Dollard-Cormier, au programme Itinérance, 40 % des clients sont des utilisateurs de drogues injectables. Alors, ça terminerait la problématique au niveau du cumul et de l'ampleur de la problématique. On a desservi, l'année passée, 413 adultes et 127 jeunes de rue, dont cinq mineurs.

Alors, si on regarde comment on travaille, au Centre Dollard-Cormier, avec ces personnes, on travaille à partir de données probantes et de meilleures pratiques. On travaille à partir de recherches et on établit quel type de traitement qu'il va être le plus approprié pour ces personnes à leur offrir. Donc, on travaille avec une approche qui est biopsychosociale, on travaille en réduction des méfaits, on travaille avec l'approche motivationnelle. Il n'est pas nécessaire pour la personne d'être motivée pour venir au Centre Dollard-Cormier, il faut juste qu'elle accepte de nous rencontrer. Faire évoluer la motivation, ça fait partie de notre travail auprès de ces personnes. On doit les prendre où ils sont au niveau de leur motivation.

On travaille aussi avec deux grands principes que la recherche nous a déterminés, soit: l'alliance thérapeutique, créer un lien avec ces personnes, un lien de confiance; et leur offrir un traitement, les exposer à un traitement. On travaille aussi par appariement, ça veut dire qu'on évalue la personne et on la paire au bon programme. C'est pour ça qu'on a mis en place un programme spécifique pour la clientèle itinérante et sans domicile fixe et qu'au programme Jeunesse on dessert les jeunes de rue.

Qu'est-ce qu'on y offre, au programme Itinérance et sans domicile fixe? Je vais vous parler du profil du client puis je vais vous dire ce qu'on y offre.

Alors, les clients, ce sont majoritairement des hommes entre 30 et 44 ans qui sont des personnes itinérantes cycliques mais qui ont une chronicité dans ce cycle-là. Alors, ils sont sans logement, dans la rue, sans logement, dans la rue, de façon chronique. On a aussi des itinérants chroniques, qui sont en moins grand nombre mais qui mobilisent une grande partie de l'intervention. Ce sont des personnes qui sont polytoxicomanes, donc qui consomment plus de trois produits, plus de trois substances. On parle de l'alcool, de la cocaïne et du cannabis.

Quels sont les objectifs du programme? Je vais aller rapidement parce que c'est dans le document. Alors, c'est sûr qu'on agit sur la consommation puis les méfaits. On veut viser l'amélioration de la santé physique, de la santé psychologique. On veut favoriser la socialisation puis on veut soutenir un mode de vie qui va être plus satisfaisant. On travaille à bas seuil d'exigence et à haut seuil de tolérance avec ces clients.

Comment fonctionne le service du programme Itinérance? Les clients passent par le service du triage et de notre urgence pour avoir accès au programme de l'itinérance. Pourquoi ils passent par l'urgence puis le triage? Parce que, dans la très grande majorité des cas, ces gens-là ont besoin d'une désintox pour commencer le processus de démarche. Ceux qui n'ont pas besoin de détox vont être référés au programme Itinérance; les autres vont débuter par une détox, et il y a un intervenant du programme Itinérance qui va faire le lien à la détox pour assurer un suivi de ces personnes.

Qu'est-ce qu'on offre, au programme Itinérance? Alors, le client, il peut être vu en individuel. Il y a un groupe d'accueil. Ce groupe d'accueil là peut aussi se faire en individuel. On offre des activités de soutien à la liste d'attente ou des activités d'accueil sans rendez-vous. Donc, un client qui est en suivi ou en liste d'attente peut se présenter au programme Itinérance, s'il y a une situation plus difficile, puis il va toujours avoir un intervenant qui va le voir.

Il y a une infirmière qui est présente et qui offre du suivi. On oriente aussi vers les autres services de notre établissement. On fait l'administration de la gestion des biens de la personne sur une base volontaire. On appelle ça souvent la fiducie. Donc, on va travailler avec la personne pour payer sa chambre, payer son téléphone, séparer son argent personnel sur quatre semaines au lieu qu'elle l'ait tout d'un coup.

Mme Roy (Madeleine): On gère à peu près 2 millions en fiducie et on est supportés par des professionnels compétents, comme des notaires, parce que c'est très complexe, gérer de l'argent en fiducie. Et on gère uniquement leurs chèques, là, on ne gère pas d'autres types d'argent, là. Donc, en fiducie, donc c'est très complexe au niveau de la gestion, donc est très... On s'est fait encadrer au niveau de la banque, et tout ça.

n (12 h 50) n

Mme Lecomte (France): Alors, on fait aussi du «reaching out», vous en avez entendu parler, donc on va dans les ressources ? je vais aller rapidement puisque c'est quelque chose à laquelle vous avez été sensibilisés. Puis on fait des activités diverses, hein, on fait un party de Noël, on les encourage à venir participer aux activités sociales du comité des usagers. Il y a eu l'épluchette de blé d'Inde. Il y a plusieurs personnes du programme Itinérance qui étaient présentes à l'épluchette de blé d'Inde.

Comment on travaille? Je vais aller rapidement. On travaille dans une approche intégrée. Intégrée, ça veut dire qu'on utilise les autres services de Dollard-Cormier et qu'on travaille aussi avec les partenaires. Donc, dans les autres services qu'on offre, à Dollard-Cormier, et où la clientèle itinérante a de l'accès, il y a l'urgence toxicomanie, où on a 10 civières, 24 heures par jour, sept jours par semaine, qui est une urgence psychosociale où les personnes peuvent se présenter en situation de crise ou pour prévenir une rechute. On a le volet de la détox, où on a réservé des lits pour la clientèle itinérante, et ces lits-là sont sur une durée qui peut être un petit peu plus longue pour favoriser, pour bien attacher tous les éléments du traitement. On a le programme de réadaptation interne, qui est un programme interne d'une durée de deux mois, environ deux mois pour la clientèle adulte et 30 jours pour la clientèle jeunesse. On a le programme Milieux de vie, où on a des places dans les résidences d'accueil, dans les ressources contractuelles, dans des appartements supervisés, dans du volet de logement social. On a plus de 180 places pour la clientèle du Centre Dollard-Cormier, dont la clientèle itinérance.

On a tous nos autres partenaires, le CSSS Jeanne-Mance, le CHUM, les logements sociaux, tous les partenaires communautaires, les centres de crise, les refuges, tous les partenaires qui travaillent auprès de la clientèle itinérance. On joue aussi un rôle de soutien et de formation à la première ligne... Cinq minutes? Je vais rentrer dans mon temps. On joue un rôle de soutien à la première ligne et de formation.

Au niveau du programme Jeunesse, qu'est-ce qu'on offre? Deux volets importants: l'intervention de milieu, qui est offerte, où un intervenant se déplace dans les organismes des jeunes pour faire le lien avec les jeunes, ou l'accueil sans rendez-vous. On a un accueil sans rendez-vous où les jeunes de la rue se présentent s'ils vivent une difficulté puis où on commence une démarche avec eux.

Quelles sont les conclusions et nos recommandations? Elles se situent à plusieurs niveaux: au niveau de l'accessibilité ? on a des recommandations ? au niveau du financement récurrent des organismes, au niveau du développement de services spécialisés dans les CSSS au niveau de l'itinérance. On souhaite aussi, au niveau des services spécialisés, avoir une unité de désintox spécialisée pour les personnes itinérantes.

Mme Roy (Madeleine): Ça fait déjà trois ans que nous avons déposé un projet à l'Agence de Montréal pour développer ce service-là qui serait drôlement essentiel pour les personnes itinérantes et sans domicile fixe pour la région de Montréal, parce que le nombre est important. Et on a réservé des lits dans notre désintox actuelle, mais c'est très insuffisant.

Mme Lecomte (France): On a aussi des objectifs en regard du parc montréalais de logements sociaux et de chambres ? je vais aller rapidement parce qu'on vous en a assez parlé. On offre aussi la possibilité que, dans les CSSS, il y ait une plus grande détection de ces personnes-là pour prévenir l'itinérance.

Et un dernier domaine très important, c'est la recherche. On pense qu'il devrait y avoir plus de recherche sur le phénomène de l'itinérance et sur le parcours de ces personnes-là. Si on comprenait plus le parcours, on serait plus à même de prévenir l'itinérance.

Le Président (M. Kelley): On va passer à l'échange avec les membres. Merci beaucoup, Mme Lecomte. Et je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Bonjour. Vous avez fait état... Bien, dans un premier temps, je vais vous féliciter, là, pour tout ce que vous avez mis en place avec le centre. Je pense que vous répondez à des besoins qui clairement ont été manifestés. Si on avait la chance de pouvoir importer ce projet-là, je crois que plusieurs personnes pourraient en bénéficier davantage, parce qu'on comprend que vous avez quand même une limite des capacités, malgré toute la bonne volonté et toute l'expertise, il y a tout de même une limite de clientèle que vous pouvez accepter au sein de votre institution, de votre établissement.

Mme Roy (Madeleine): ...comme organisme du réseau.

Mme Vallée: Je n'en doutais même pas. Écoutez, je me préoccupais parce que vous avez mentionné certains projets jeunesse que vous avez mis sur pied, et on a été aussi très sensibilisés aux problématiques vécues par la clientèle des centres jeunesse. J'aimerais, dans un premier temps, connaître un peu le type de collaboration que vous avez avec l'organisation des centres jeunesse. Parce qu'on nous a parlé, dans d'autres domaines, parfois d'une difficulté de moduler les relations, d'adapter les différents programmes. Alors, je me demandais si, vous, avec les centres jeunesse, vous aviez eu affaire à différents obstacles de structure, comme je pourrais les appeler, ou si vous avez établi un partenariat particulier qui pourrait peut-être servir de modèle pour être importé?

Mme Roy (Madeleine): On a des partenariats assez particuliers avec, entre autres, le Centre jeunesse de Montréal. Premièrement, on a un programme, le programme Jessie, qui est vraiment avec les deux établissements, pour les petits enfants qui sont un signalement de DPJ. Alors, c'est un programme conjoint entre nos deux établissements. On a vraiment... Puis ça fait plusieurs années que ça existe et...

Mme Vallée: Est-ce que ces enfants-là sont des enfants qui font l'objet de placement ou qui font l'objet d'une surveillance mais tout en demeurant avec leurs parents?

Le Président (M. Kelley): Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France): C'est des enfants dont le signalement a été retenu à la DPJ, et, nous, on offre un service en toxicomanie aux parents. Mais on travaille en concertation avec les centres jeunesse. Et ça fait des années que ce projet-là existe. Nos intervenants sont sur le territoire, les quartiers du centre jeunesse.

Mme Vallée: Parce que parfois, c'est ça, les signalements sont retenus, mais les interventions se font avec les enfants qui demeurent dans le milieu familial. Et parfois, malheureusement, il n'y a pas d'autre alternative que de retirer l'enfant du milieu familial, et la dynamique n'est pas la même.

Mme Roy (Madeleine): Ça ne fonctionne pas tout à fait comme ça. En plus, cette clientèle, chez nous, elle est priorisée. Dès qu'il y a un cas de signalement, c'est une priorité, elle passe numéro un parce que c'est le jeune enfant. Ça, c'est autre chose.

On a aussi développé un mécanisme d'accès pour les jeunes, dont le centre jeunesse est un grand partenaire avec tous les partenaires concernés par les jeunes à Montréal, et même on a un partenaire extérieur à Montréal. Alors, c'est coordonné au Centre Dollard-Cormier au niveau de la coordination. Donc, il y a deux points de chute, francophone et anglophone, au niveau de la coordination des programmes jeunesse, et on est maître d'oeuvre au niveau de cette coordination, et on travaille avec les partenaires, dont les Centres jeunesse Batshaw et le Centre jeunesse de Montréal.

Donc, au niveau de la coordination pour les programmes pour les jeunes, ça fait un peu plus d'un an et ça donne d'excellents résultats, là, on est même cités en exemple à ce niveau-là. Puis il y a d'autres aussi partenariats, là. On a des partenariats très administratifs aussi, là, pas de clientèle, là, mais...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Lecomte (France): Je dirais qu'il faut, par exemple, préciser que, quand on parle des jeunes de rue, on parle des jeunes qui, en moyenne, ont 19 ans, hein, ils ne sont plus dans les centres jeunesse. Ce qu'il faut regarder, c'est beaucoup plus la sortie de ces jeunes-là, comment la sortie de ces jeunes-là peut être attachée avec un autre organisme pour soutenir le travail qui a été fait au centre jeunesse, pour être capable de poursuivre. Parce qu'à Dollard-Cormier, les jeunes de rue, ils ont vraiment 19 ans. On a eu cinq mineurs l'année passée.

Mme Vallée: Comment concrètement vous élaborez cette passerelle-là, dans le fond, entre la prise en charge par la DPJ et l'arrivée dans la dure réalité de la vie?

Mme Lecomte (France): Bien, au programme Jeunesse, on a en premier pris la décision de desservir les jeunes jusqu'à 24 ans, pas 18 ans mais 24 ans, parce qu'on considérait que, s'ils étaient exposés au programme Jeunesse, on avait plus de chances de succès que de les exposer au programme Adulte. Alors ça, ça a été une première décision. Et, dès qu'on est interpellés par le centre jeunesse, on fait un plan de services pour être capables de bien répondre aux besoins de ce jeune-là, et le jeune est présent.

Mme Vallée: ...les jeunes, parce que ça, c'était mon autre questionnement. Parce qu'on sait très bien que des jeunes qui ont passé une période de leur vie dans le réseau des centres jeunesse parfois ont développé une certaine crainte ou une certaine réserve quant aux intervenants. Alors, comment ça se vit, ça, cette... Parce que dans le fond, c'est... bien, ce n'est pas une prise en charge officielle, mais c'est quand même... vous arrivez quand même à tisser des liens. Comment vous arrivez à faire ça?

Mme Lecomte (France): Bien, écoutez, créer l'alliance avec un jeune ou avec un adulte, il faut se donner le temps puis il faut avoir des petits objectifs qui permettent de vivre des succès, et c'est à partir de ça qu'on peut créer des liens. Et, avec l'accueil sans rendez-vous, ça permet au jeune de venir nous rencontrer, de prendre du recul puis de revenir. Il sait qu'il y a un accueil sans rendez-vous, qu'il peut revenir en tout temps, puis qu'on va l'accueillir, puis qu'on poursuivra là où on est rendus avec lui. Alors, je trouve que le modèle d'accueil sans rendez-vous et des petits objectifs donne d'excellents résultats.

Mme Vallée: Merci. Je vais céder la parole à mon collègue.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

n (13 heures) n

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais aussi vous remercier de votre présence, votre contribution à ces auditions publiques. Vous êtes certainement un organisme qui est crédible et connu. J'ai travaillé, dans une autre vie, comme avocat de la défense à l'aide juridique et j'ai eu souvent recours à vos services afin de placer des clients et recevoir des rapports pour les tribunaux, surtout au niveau de la sentence. Vous avez cette crédibilité à cause de la formation et de l'expertise des gens qui interviennent auprès des personnes chez vous.

J'aimerais vous entendre un petit peu... On a entendu souvent des personnes, des personnes qui sont venues devant nous nous dire qu'il y a d'importantes lacunes au niveau de la formation au sujet de l'itinérance et comment traiter des personnes qui sont à la fois aux prises avec différents problèmes, et l'itinérance vient avec d'autres problèmes souvent. Vous avez entendu évidemment qu'il y a des propositions pour une approche intersectorielle, une formation intersectorielle et d'autres choses qui sont mises de l'avant dans le cadre de référence du MSSS. Pourriez-vous nous donner votre point de vue là-dessus concernant la formation? D'abord, comment ça se passe chez vous? Deuxièmement, comment vous voyez cette formation?

Mme Roy (Madeleine): Bonne question.

Mme Lecomte (France): Alors, au Centre Dollard-Cormier, on a mis en place ce qu'on appelle les jeudis CDC, les jeudis du Centre Dollard-Cormier, et, une fois par mois, il y a des formations qui sont offertes. Il y a tout un horaire de formations qui est envoyé à tous les partenaires, aux organismes publics et aux organismes communautaires, et il y a toutes sortes de formations qui sont offertes. Alors, les organismes peuvent s'inscrire, et on offre des formations.

Ça peut être des formations de base en toxicomanie, ça peut être une formation sur l'approche motivationnelle, ça peut être une formation sur la jeunesse. On en a une autre sur la santé, sur l'itinérance. On en a une particulièrement pour l'itinérance. Donc, ça fait partie de notre mandat d'établissement d'offrir des formations à la première ligne. Alors ça, on offre cette possibilité-là. Et c'est minime comme coût, hein? On peut parler de 20 $ la formation, ce qui fait en sorte que ça couvre juste nos frais de photocopie puis le café qu'on offre, le matin, à la formation. Puis un organisme communautaire qui nous téléphone puis qui nous dit: Écoute, je n'ai pas les sous, on dit: Il n'y a pas de problème, on va prendre les inscriptions quand même. Alors, on offre cette possibilité-là.

Dans notre mémoire, on a beaucoup parlé aussi de formation intersectorielle et de formation croisée. Je pense que c'est la façon idéale de faire de la formation, qu'on soit tous présents, les organismes, et ça atteint aussi d'autres objectifs que les objectifs de formation, ça permet aux gens de se connaître, d'être assis un à côté de l'autre, de comprendre l'offre de services de l'un et de l'autre. Alors, c'est vraiment le modèle avec lequel on travaille.

Mme Roy (Madeleine): Je compléterais. Aussi, le fait qu'on est devenu Institut universitaire sur les dépendances, on a... Si on est devenus l'institut, c'est qu'on avait développé des programmes de formation. On est un milieu de stages, on est un milieu de perfectionnement. Et là on a eu des mandats dernièrement où on devra développer toutes des capsules de formation de la première ligne. On a toute une équipe qui est en train de développer, là, des contenus de formation pour aller former la première ligne. Donc, d'ici, je vous dirais, sept, huit mois, un an, ces formations-là vont être offertes aux organismes de la première ligne. Donc, on a une équipe présentement qui travaille là-dessus. On est très préoccupés, mais le fait qu'on est devenus institut universitaire, ça nous permet de faire ça aussi, ça aide le réseau, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Bellechasse.

M. Domingue: Alors, bienvenue à vous tous à la commission. Alors, moi, je vais vous poser des questions pour mettre un peu la table à mes collègues. Je trouve ça très, très intéressant, ce que j'entends de votre organisation. Vous m'avez l'air à être très structurés, vous avez beaucoup d'expérience. Je ne sais pas depuis combien de temps vous existez. J'aimerais d'abord vous demander qui vous finance. Ma première question.

Mme Roy (Madeleine): On est un établissement du réseau public financé par le ministère. Donc, notre argent vient de l'agence, et je dois défendre nos budgets à l'agence de Montréal. Alors, on a des budgets récurrents et des budgets non récurrents. On fonctionne comme le réseau.

M. Domingue: Vous fonctionnez sur un budget de l'ordre de?

Mme Roy (Madeleine): C'est parce que je gère 26 millions mais à peu près 18 millions en dépendances parce que j'ai beaucoup d'activités accessoires, vu que je suis gestionnaire d'un gros édifice qui était devenu libre dans le réseau, l'ancien Hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc. Alors, je suis gestionnaire d'un édifice et j'ai des locataires. Alors il y a 6, 7 millions de gestion d'édifice, là. Il faut faire attention, quand je dis «mon budget global», là, comme D.G. Donc, à peu près 18 millions au niveau du programme Dépendances, je vous dirais, à peu près, en gros. À peu près trois quarts de million au niveau du programme Itinérance.

M. Domingue: Combien d'employés vous avez dans votre organisation?

Mme Roy (Madeleine): On a, avec la liste de rappel, 400 employés, 397. Au niveau des postes, 280 postes équivalents temps complet.

M. Domingue: Si j'ai bien compris, vous êtes un organisme de deuxième ligne, et j'aimerais...

Mme Roy (Madeleine): Centre spécialisé.

M. Domingue: Je parcourais votre mémoire, et vous parlez du profil de votre clientèle, puis j'ai remarqué, au niveau de l'âge, là, 30 à 44 ans.

Mme Roy (Madeleine): Au niveau des personnes itinérantes.

M. Domingue: Et je suis surpris, je vais vous dire, quand je regarde la tranche d'âge de 30 à 44 ans, qui me semble être la force de l'âge. Vous décrivez, là, brièvement le profil. Mais qu'est-ce qui amène cette clientèle-là, à cet âge-là, de se retrouver, là, cyclique, que vous essayez d'aider et de sortir de... Est-ce que vous avez des pères de famille parmi cette clientèle-là? Quel est le profil plus spécifique de votre clientèle?

Mme Roy (Madeleine): J'aimerais laisser la parole à Mme Lecomte pour qu'elle réponde à cette question-là. Notre clientèle, on dessert autant un jeune de 10 ans qu'une personne âgée. On a eu une personne âgée dernièrement, en désintox, de 82 ans. Notre clientèle, sur nos 9 500 clients, là, l'âge est très varié parce qu'on a des programmes jeunesse, des programmes spécialisés pour les personnes âgées, etc.

Au niveau du programme Itinérance, c'est là, le 30 à 44 ans, la majeure. La clientèle a beaucoup rajeuni au niveau du programme Itinérance. Avant, le profil de la personne itinérante était beaucoup plus âgé qu'en ce moment. Je vais laisser France vous décrire un peu plus le client.

Mme Lecomte (France): Alors, avant, on avait beaucoup plus d'itinérants chroniques qu'on en a maintenant. On a beaucoup plus d'itinérants cycliques, qui sont sans logement, qui bougent, qui reviennent.

Qu'est-ce qui amène une personne à se retrouver dans cette situation-là? C'est plusieurs facteurs, ce n'est pas seulement un facteur. Ça peut être une séparation, ça peut être une maladie, ça peut être des difficultés d'emploi, où la personne épuise son chômage, se retrouve sur l'aide sociale, se met à consommer. Alors, ce n'est pas seulement un facteur, c'est plusieurs facteurs qui amènent la personne dans cette situation-là.

M. Domingue: Est-ce que vous avez une majeure, dans votre clientèle, de ce qu'on retrouve le plus souvent?

Mme Lecomte (France): La majeure, c'est la problématique de santé mentale, qui est une problématique concomitante, hein, qui est en même temps que la problématique de la toxicomanie. La majeure, elle est là, au niveau de la problématique de santé mentale.

Mme Roy (Madeleine): C'est pour ça qu'on essaie de travailler avec les organismes comme Old Brewery Mission, à titre d'exemple. On est sur place avec eux pour essayer d'empêcher la personne de rentrer dans ce circuit de l'itinérance, mais ce n'est pas facile, là. Mais, dès qu'ils détectent une nouvelle personne, on essaie qu'ils nous la réfèrent pour qu'on puisse immédiatement entrer dans l'intervention. Ce n'est pas toujours facile, cependant.

M. Domingue: Et, ma dernière question: En ce qui me concerne, là, votre collaboration avec les organismes de première ligne, quelle qu'elle soit, là, comment ça se passe? Parce que, dans un continuum de services, c'est toujours intéressant de savoir... Alors, si vous êtes de deuxième ligne, comment ça se passe avec les organismes de première ligne?

Mme Lecomte (France): Écoutez, ça, ça se passe très bien. On travaille en collaboration avec les organismes communautaires puis le CSSS, particulièrement le CSSS Jeanne-Mance, hein, parce qu'il y a une concentration plus importante au CSSS Jeanne-Mance. Mais nos relations sont très bien, et on fait même des plans de services pour ces clients-là. Alors, on va faire venir à la table le client, la mission, la Clinique Cormier-Lafontaine, le CSSS Jeanne-Mance pour être capables ensemble de regarder qu'est-ce qu'on peut faire pour cette personne-là.

Mme Roy (Madeleine): Ça n'a pas toujours été très bien, je vous dirais, je ne vous le cacherai pas, ça a déjà eu des relations un peu plus difficiles, à Montréal, et on a déjà eu plusieurs rencontres avec... Quand je suis arrivée, moi, au Centre Dollard-Cormier... J'ai travaillé ailleurs avant de travailler au Centre Dollard-Cormier. Mais, il y a 10 ans, quand je suis arrivée dans notre établissement, ce n'était pas si bien que ça. Il y avait des difficultés, il y avait beaucoup d'irritants. Il y a eu plusieurs rencontres avec ces organismes-là, et on a mis de l'avant des façons de travailler différentes.

Premièrement, on a une personne, on a un téléchasseur qui leur est dédié, c'est-à-dire un «bellboy» qui leur est dédié. S'il arrive une urgence, s'il arrive une problématique, il y a un «bellboy» dédié pour eux, uniquement pour eux, qui leur permet, à ces organismes-là, de rentrer continuellement en contact avec un gestionnaire de notre établissement s'ils ont besoin d'aide. Et il y a d'autres mécanismes qui ont été mis, comme avec notre urgence triage, bien ils sont invités régulièrement à participer pour être sûrs qu'on réponde aux besoins correctement.

C'est sûr qu'il y a toujours des petits... il y aura toujours des irritants qu'il faut améliorer, mais en ce moment les relations, c'est beaucoup mieux que c'était il y a 10 ans, et la collaboration est très ouverte et très positive. On est à la recherche de solutions. C'est ça, parce que c'est une clientèle extrêmement complexe, extrêmement en difficulté, qui a des besoins majeurs. Puis tous nos clients en dépendances sont comme ça, hein? Mais les personnes itinérantes, c'est bien sûr... Puis, quand je rencontre des jeunes familles, là, des enfants de 12, 13 ans, là, c'est pareil aussi, hein? Quand ils sont dépendants, qu'ils prennent de la drogue, qu'ils sont en situation de crise, les familles sont au désarroi aussi, hein? Chacun a ses difficultés. Alors, on est à la recherche de solutions, c'est sûr. On essaie de trouver la meilleure solution possible, là. Pas toujours facile, cependant.

n (13 h 10) n

Le Président (M. Kelley): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Avant d'être élu, moi, j'ai eu le privilège d'être un des partenaires, entre autres, et je connais très bien vos services, et vous faites un excellent travail. J'ai une question à vous poser, parce que plusieurs groupes communautaires nous l'ont mentionné, puis je vous dirais que ce n'est pas juste une réalité montréalaise, c'est une réalité provinciale: le continuum de services. Puis je vous dirais que, lorsqu'un individu, peu importe que ce soit un itinérant... Parce que vous travaillez de près avec les dépendances multiples. Et, moi, je ne veux pas faire de... entre un itinérant, celui qui est parti de la rue ou celui qui reçoit vos services pour un traitement de dépendance, parce que, je veux dire, dans le continuum de services, il va passer par les mêmes endroits. Et, lorsqu'on arrive après la démarche thérapeutique, plusieurs organismes nous l'ont dit, plusieurs usagers nous le confirmeront, il y a un vide. Les gens se retrouvent laissés à eux-mêmes, sans continuité de services. Il y a des organismes qui offrent un service, mais encore faut-il qu'ils courent après leur financement parce qu'on dirait que ce n'est pas reconnu dans le continuum de services. Est-ce que ce que je vous mentionne, ce que les organismes nous ont mentionné, vous vivez cette réalité-là à Dollard-Cormier?

Mme Lecomte (France): Bien, je dirais qu'il y a deux éléments importants. Le premier, c'est de dire qu'au Centre Dollard-Cormier on a une responsabilité de s'assurer que la personne est consolidée dans sa démarche thérapeutique. Donc, on doit s'assurer que la démarche est terminée avant qu'un client quitte. L'autre élément, c'est...

Mme Roy (Madeleine): On laisse le dossier ouvert...

Mme Lecomte (France): On laisse le dossier ouvert pour permettre à la personne, hein...

Mme Roy (Madeleine): ...pour une bonne période.

Mme Lecomte (France): Quand on fait une consolidation, on diminue la fréquence des rencontres puis on offre la possibilité à la personne de nous téléphoner s'il y a quelque chose. Alors, on va voir le client une fois par mois au lieu d'une fois aux 15 jours. On va diminuer la fréquence, mais, entre ces périodes-là, il va nous appeler s'il y a quelque chose, pour consolider les acquis.

On a mis en place aussi ce qu'on appelle le Programme d'intégration sociale par le travail. Donc, c'est un programme où on peut référer les clients et où, avec une conseillère en orientation, ils vont évaluer, maintenant que leur problématique de toxicomanie est consolidée, qu'est-ce qu'ils souhaitent faire. Parce que l'objectif, hein, c'est de reprendre sa place dans la société. C'est ça, l'objectif. Alors, avec ce programme-là, on a des ententes de signées avec 25 organismes communautaires qui travaillent en réinsertion sociale pour réintégrer les gens, leur donner des stages en milieu de travail, réapprendre à faire un curriculum vitae, les référer, retour au travail, retour à faire du bénévolat. Alors, on attache.

Mme Roy (Madeleine): Pour compléter l'information aussi, on est à négocier en ce moment avec quelques CSSS parce que c'est aussi... c'est un client souvent qui nous vient... On va prendre un exemple, Pointe-aux-Trembles. Il vient de loin de Dollard-Cormier, donc on a ouvert un point de service là-bas. Mais le client, après qu'il a fini sa démarche, il faut qu'il soit repris en charge par la première ligne. Donc, on est à revoir aussi en ce moment ? puis ça, on est là-dedans en ce moment ? comment la personne peut retourner dans son service de première ligne. Et ça, c'est un défi qu'on a. On est là-dessus présentement avec nos CSSS. On a commencé avec le CSSS Jeanne-Mance, Pointe-de-l'Île, etc., Ahuntsic, pour vraiment s'assurer de ça, là. La préoccupation que vous avez là, elle est extrêmement importante, il faut s'assurer de ça. On est là-dedans présentement. On n'a pas la recette miracle.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci. Bonjour. On s'est déjà rencontrés. On m'avait invitée pour votre 25e anniversaire.

Mme Roy (Madeleine): 10e. 10e.

Mme Lapointe (Crémazie): C'était le 10e? Bon, je ne veux pas vous faire vieillir trop vite.

Mme Roy (Madeleine): ...pas trop vite, juste 10 ans.

Mme Lapointe (Crémazie): Le 10e anniversaire. C'est parce qu'il faut bien comprendre, le Centre Dollard-Cormier, une partie de son centre est dans le nord de Montréal, dans le comté de Crémazie. Alors, c'est sûr que vous faites un travail formidable, et c'est tellement varié, vos interventions, l'âge des personnes que vous recevez, la multiplicité des problèmes.

Mes collègues, tout le monde veut vous poser des questions, alors je vais y aller rapidement. Vous souhaitez un développement d'équipes, hein, d'équipes spécialisées en itinérance. Vous soulignez aussi l'importance de la formation de l'ensemble des intervenants; j'imagine, les services de police également, j'imagine... Bon. Comment les voyez-vous, ces équipes spécialisées en itinérance, là, comment voyez-vous ça? Parce qu'on voit que c'est très cloisonné en ce moment puis... En tout cas, tout ce qu'on a entendu ce matin, vous avez entendu, je pense que c'est une très bonne proposition.

Mme Roy (Madeleine): Ce qu'on avait déposé à l'agence il y a trois ans, c'est vraiment... ça ne coûterait pas si cher que ça, on vous le dit tout de suite, là, c'était vraiment une équipe de dégrisement spécialisée avec un partenaire communautaire, alors en disant: Nous, on peut offrir le service ultraspécialisé, médecin, infirmière, thérapeute, etc., et le communautaire peut offrir ce qu'on appelle l'hébergement, tu sais, le logement, etc. C'était un projet qui ne coûte vraiment pas une fortune. Et c'est ça, le projet de dégrisement, en disant: On pourrait être avec un partenaire et de développer cette offre de services spécialisés pour les personnes itinérantes. Alors, c'était à peu près le modèle... c'est le modèle qu'on a déposé, qu'on voyait, alors un nombre de lits x pour femmes, pour hommes, etc., là, et que, nous, on serait vraiment impliqués au niveau thérapeutique, avec nos médecins, nos infirmières. C'était ça.

Mme Lapointe (Crémazie): Mais là vous parlez peut-être de l'autre sujet. Moi, ce que je voyais, là, c'est, dans votre mémoire, quand vous parlez de l'accessibilité, à la page 19, hein? Vous parlez du développement d'équipes qui offriraient des services spécialisés en itinérance dans les CSSS concernés, disons, où il y a une concentration de personnes, que ce soit à Montréal ou dans les autres régions. C'était un petit peu ça qui était ma question.

Mme Lecomte (France): Bien, oui, alors, c'est évident que, quand on a des équipes dédiées à l'itinérance, bien on ne travaille pas de la même façon. Je pense que ça, on travaille à partir des meilleures pratiques et des données probantes qui sont en lien avec l'itinérance. Alors, c'est plus facile quand on a une équipe qui est dédiée. L'autre élément, c'est qu'à l'heure actuelle à Montréal, c'est beaucoup le CSSS Jeanne-Mance avec lequel on peut travailler en équipe dédiée.

Mme Roy (Madeleine): Il n'y en a pas ailleurs.

Mme Lecomte (France): Il n'y en a pas ailleurs, alors... Puis je pense que, là où il y a une concentration, c'est quelque chose à regarder puis à développer parce qu'on travaille, à ce moment-là, vraiment avec les caractéristiques de la personne puis on est capables d'offrir une offre de services qui répond adéquatement à ces personnes.

Mme Lapointe (Crémazie): Parce que, tout à fait, on nous l'a mentionné, les personnes itinérantes se sentent souvent mal... plus que mal reçues, hein, bon, rejetées. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin.

M. Girard: Bonjour, merci d'être venus en commission parlementaire aujourd'hui. C'est fort intéressant, votre mémoire. Je voulais revenir sur l'unité de désintox dont vous parlez. Vous dites: Ça fait trois ans que le projet a été déposé. On a compris, là, lors du passage de l'agence précédemment, que c'était un observateur attentif de la question de l'itinérance, mais c'est important qu'on puisse appuyer des projets concrets sur le terrain, qui font une différence. Alors, quels sont les motifs pour lesquels, votre projet, on n'y a pas donné suite?

n (13 h 20) n

Mme Roy (Madeleine): Je pense qu'il y a un gros problème de financement dans le programme Dépendances provincial. Le ministre Couillard, la dernière année, a reconnu cette problématique-là et il a alloué des crédits et des budgets spécialisés en dépendances. Mais ça faisait plusieurs années qu'il n'y avait pas eu de crédits de développés, depuis M. Gilles Baril. Alors, si je vous situe, là, ça vous situe, il y a eu Gilles Baril, il y a eu un vide, puis là M. Couillard, puis là, c'est devenu...

Parce qu'il y a eu d'autres priorités, il ne faut pas oublier, dans notre réseau de la santé, il y a toutes sortes de priorités. Donc, on parle de la déficience intellectuelle, les troubles envahissants du développement... Les priorités sont là, puis on connaît très bien ça. Mais, l'année passée, ça a été reconnu par M. Couillard, une priorité au niveau de la dépendance. Il a mis des crédits sur la table, mais ces crédits-là ont été attachés pour développer des équipes de liaison dans le milieu hospitalier, qu'on est en train de développer d'ailleurs, présentement, à l'urgence hospitalière de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, avec une équipe de liaison.

Donc, pour l'Agence de Montréal, qui est une agence en compression budgétaire, là ? je ne veux pas défendre l'agence, mais je comprends la réalité aussi, là ? depuis plusieurs années, ils n'ont pas pu développer des crédits, au moment où on se parle, pour vraiment actualiser notre projet. Donc, on revient, nous autres, avec ce projet-là. Mais c'est une question comme ça. Ce n'est pas une question de non-volonté, ce n'est pas une question de non-reconnaissance du besoin, par exemple, c'est une question monétaire et de crédits disponibles au moment. Il y avait toute la question de développer les soins à domicile pour les personnes âgées. Alors, là, je vous dis le discours, là, que...

M. Girard: ...projet de combien de... Ça coûte combien, ce projet-là?

Mme Lecomte (France): Ah mon Dieu! Ça fait trois ans, alors je ne l'ai plus à la mémoire.

Mme Roy (Madeleine): C'était à peu près 300 000 $.

Mme Lecomte (France): À peu près autour de 300 000 $, 400 000 $.

Mme Roy (Madeleine): C'était aux alentours de ça, là. Ce n'était pas...

M. Girard: Ça visait à accueillir à peu près combien d'itinérants par année, un projet de cette nature-là? Parce que vous dites qu'il y a des besoins importants mais que vous n'êtes pas en mesure de...

Mme Lecomte (France): ...à peu près neuf lits.

Mme Roy (Madeleine): ...passé à neuf lits.

Mme Lecomte (France): Neuf lits, alors pour une durée de séjour d'à peu près 10 jours, qu'on aurait attaché avec d'autre chose après, là. Alors, on peut penser que ça va desservir...

Mme Roy (Madeleine): 300, 400 personnes par année, à peu près, là, si on...

Mme Lecomte (France): C'est ça, c'est ça, à peu près. L'avantage d'avoir une détox spécialisée avec la clientèle itinérante, c'est que ce n'est pas facile de les pairer avec d'autres clients. Vous savez, ce n'est pas facile, dans notre détox, quand on a une jeune femme enceinte, quand on a une personne itinérante, quand on a un père de famille qui travaille puis qui vient pour une désintox, ce n'est pas toujours facile de pairer ces clients-là et d'offrir un traitement qui est approprié. Alors, pour la clientèle itinérante, on se disait: On a avantage à les pairer ensemble et à offrir un traitement approprié.

M. Cormier (Jean-Guy): Il y a aussi que, pour y avoir travaillé pendant 15 ans, au Centre Préfontaine, où on accueillait des personnes itinérantes, c'est que ces gens-là, à cette étape-là de leur vie, se retrouvent beaucoup plus à l'aise entre eux qu'avec d'autres personnes.

Mme Lecomte (France): Quitte à... Ils peuvent abandonner, sans ça. Ça demande...

M. Girard: ...

Mme Lecomte (France): Voilà.

M. Girard: Ah oui? Vous remarquez qu'il y a plus d'abandons s'ils sont en... O.K.

Mme Roy (Madeleine): ...tout notre projet était basé là-dessus.

Le Président (M. Kelley): Une dernière question pour M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. J'ai manqué votre présentation, je suis désolé. La commission, on est chanceux, on a un centre de répit à côté, donc j'ai été en profiter un petit peu.

Sérieusement, je pense que ce que vous nous dites et ce que les gens viennent nous dire, c'est que dans le fond ce n'est pas qu'il ne se fait rien, hein? Il n'y a personne qui dit ça, ni aucun membre de la commission. Je pense que... Et, je pense, où vous mettez le doigt sur un des problèmes majeurs que nous avons, en tout cas sur l'île de Montréal, à l'heure actuelle, d'où ma déception à lire certaines choses, c'est à la page 16: «Nous sommes d'avis que seule une concertation aux niveaux local, régional et parfois interrégional...» Alors, pouvez-vous commenter cette phrase-là très rapidement? Merci encore, M. le Président, de m'avoir donné l'occasion...

Mme Lecomte (France): Bien, je pense que vous avez entendu plusieurs organismes, plusieurs partenaires, je pense que seuls on ne peut pas solutionner la problématique de l'itinérance. Ça prend de la concertation régionale, locale, pour être capable d'offrir un meilleur service à cette clientèle-là, et même interrégionale. Nous, ils nous arrive de desservir de la clientèle d'autres régions où on nous...

Une voix: Parce qu'ils n'ont pas le programme.

Mme Lecomte (France): Parce qu'ils n'ont pas de programme de détox, parce qu'ils n'ont pas... Et on nous téléphone, et on va offrir... et après attacher ça avec la région pour que la personne retourne dans sa région. Alors, je pense que c'est en travaillant en concertation qu'on va être capables de mieux desservir ces personnes-là.

M. Lemay: Ce qui n'est pas le cas actuellement, il faut le dire.

Mme Lecomte (France): Ce qu'il faut, il faut travailler plus fort dans ce domaine-là, c'est une de nos recommandations.

Le Président (M. Kelley): Bon, sur ça, merci infiniment pour le partage de vos connaissances, vos expertises très enrichissantes pour les membres de la commission.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux à 14 h 15. Je vais être réaliste, je pense, 14 h 15, on va recommencer nos travaux. Merci beaucoup, tout le monde.

(Suspension de la séance à 13 h 24)

(Reprise à 14 h 17)

Le Président (M. Kelley): Je pense que tranquillement on peut commencer de reprendre nos travaux.

Premièrement, je veux m'excuser auprès des témoins cet après-midi, mais on a eu de longues discussions ce matin, alors on commence déjà 15 minutes, presque 20 minutes en retard. Je m'excuse, mais les témoignages, les sujets sont tellement intéressants, de limiter tous à 15 minutes est un défi de taille que je n'ai pas réussi à chaque groupe de le faire.

Mais, nous avons constaté comme commission, il y a des questions qui touchent le centre-ville de Montréal. Les groupes que nous avons entendus à date sont vraiment les groupes qui travaillent pas loin de cet hôtel, pas loin du centre-ville de Montréal. Mais une des choses qui étaient soulevées, c'est également un phénomène qui touche les régions en périphérie de Montréal aussi. Alors, cet après-midi va largement être consacré à rencontrer les personnes qui travaillent dans la grande région métropolitaine, mais pas au centre-ville.

Alors, nos premiers représentants sont de la ville de Laval. Alors, je ne sais pas si M. Martin Métivier est arrivé, mais on va commencer avec une présentation de la ville de Laval, après ça il y aura d'autres intervenants de Laval, on va regarder la question sur la Rive-Sud et, ce soir, on va être un petit peu plus éloignés encore, les questions à Vaudreuil-Soulanges et dans le coin de Granby. Mais l'idée, oui, c'est un phénomène très important à Montréal, mais ce n'est pas uniquement à Montréal. Alors, un petit peu, l'objectif, cet après-midi, c'est de voir ce phénomène vu d'autres instances dans la grande région métropolitaine.

Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à M. Martin Métivier, qui est le chef de la Division de l'urgence sociale du Service de protection des citoyens de Laval. M. Métivier, la parole est à vous.

Ville de Laval

M. Métivier (Martin): Parfait, merci. Je suis aussi accompagné de M. Michel Paré, qui est inspecteur à la division Interventions de quartier, pour la police de Laval.

Ça a été intéressant que la commission entame les travaux parce que ça nous a permis une réflexion, parce qu'effectivement le phénomène de l'itinérance, ce n'est pas exclusif aux grandes villes, je dirais que la forme est quand même assez... est différente de ce qu'on observe sur le territoire lavallois. Ce qui est assez spécial, à Laval, parce que, si on regarde juste les indicateurs socioéconomiques, je veux dire, on a le plus haut taux d'emploi au Québec, on a de la création d'emplois à coup de 15 000 emplois par année depuis les huit dernières années, on a le plus bas taux de chômage, mais il reste que, la division, on intervient auprès d'à peu près 400 personnes par année, là, qui se ramassent sans logis sur le territoire.

n (14 h 20) n

Donc, le mémoire, de la façon que je l'ai structuré, c'est un peu vous présenter c'est quoi, notre situation qu'on a présentement à Laval puis aussi la spécificité de la ville, à l'effet qu'on est en même temps une région administrative du Québec, on est en même temps une ville. Donc, on a une agence, un centre de services sociaux, une ville, ce qui facilite quand même beaucoup de contacts. Vous allez parler à des personnes qu'on côtoie quand même assez régulièrement dans nos interventions par après, soit les intervenants du ROIIL et puis aussi le centre de santé et services sociaux. Je dirais qu'il y a une très bonne cohésion, là, entre tout le monde, au niveau de l'intervention qui est donnée auprès de ces personnes-là.

Puis dans le fond ce qu'on voulait vous parler aussi, c'est un peu l'explication qu'on a par rapport à ce qu'on observe sur le territoire puis c'est quoi, nos défis qui sont à venir, là, dans les prochaines années.

Au niveau historique, il faut comprendre aussi que l'itinérance, à Laval, n'est pas celle qu'on observe au centre-ville du fait qu'on est une ville de banlieue. Laval est quand même issue d'une fusion de municipalités qui a eu lieu en 1965, c'est les 14 municipalités de l'île Jésus à l'époque qui ont été fusionnées. On l'a vécu un peu plus tôt que ville de Montréal, mais ça nous a permis de mettre en place des services aussi qui sont bien coordonnés actuellement.

On a une superficie de 246 km² au niveau du territoire, mais on peut quand même facilement se rendre un peu partout à Laval à l'intérieur de 20 minutes, là. Le bureau est situé dans le centre de la ville. Ce qu'il y a de caractéristique aussi, c'est que c'est une ville de banlieue qui a été développée. Anciennement, ville de Laval, il faut s'entendre que c'est l'ancienne île Jésus, c'étaient des terres agricoles en majeure partie, puis ça a été des développements résidentiels sur développements résidentiels, avec le développement de certains carrefours commerciaux puis de carrefours au niveau industriel, mais on n'a pas un centre-ville comme à Montréal. O.K. On a aussi... compte tenu qu'on n'a pas de centre-ville, l'itinérance qu'on observe dans notre secteur n'est vraiment pas de l'itinérance chronique comme on observe ici, sur le territoire.

Il faut comprendre aussi qu'on a eu une explosion au niveau de la population et, ce qu'il y a de caractéristique à notre niveau, on a deux tiers des habitations que c'est des propriétaires qui ont les... Il y a très peu de locataires à Laval. Il y a beaucoup de logements, mais, je veux dire, les deux tiers des habitations sur le territoire sont possédées par des propriétaires qui demeurent dans cette habitation-là, donc beaucoup moins de locataires. On a quand même la deuxième densité de peuplement, donc on a quand même une ville qui a quand même une bonne densité de population.

Si vous allez à la page 2 du mémoire... Dans le fond, je ne vais pas vous donner les données, je pense que je vais plus y aller pour vous donner un aperçu. Les indicateurs socioéconomiques, comme je vous ai dit, sont bons. Il y a quand même trois secteurs particuliers, à Laval, où on considère qu'on a des poches de pauvreté, où ? les indicateurs ? le taux de chômage est plus élevé, où le taux d'emploi est plus bas, où la proportion de familles monoparentales est plus élevée, c'est les secteurs de Laval-des-Rapides, Pont-Viau et Chomedey, qui sont situés dans la partie centre-sud de Laval. À l'extérieur, plus en... Bien, pas à l'extérieur, mais plus en périphérie de la ville, c'est beaucoup des nouveaux développements qui sont plus ou moins récents, donc les poches de pauvreté sont moins présentes. C'est sûr qu'il y a certains plus vieux secteurs, comme, si je me rappelle bien, dans le secteur Saint-Vincent-de-Paul, qui est un des vieux quartiers, Laval-Ouest puis Saint-François, on observe quand même un petit peu plus de pauvreté, mais ce n'est pas comme les trois secteurs principaux, là, du centre-sud de la ville.

Division urgence sociale, c'est quoi? C'est un peu, je dirais, une exception, là, au niveau du Québec, au niveau de la desserte de services. C'est exclusivement un service municipal où il y a des intervenants sociaux municipaux à l'intérieur de la structure municipale. La ville investit environ trois quarts de million par année pour maintenir le service, en frais de salaires, on a un budget aussi qui nous permet d'octroyer de l'aide alimentaire, de l'aide sous forme d'aide aux couches, lait maternisé, etc., quand on a de la clientèle qui répond à des critères particuliers. Puis c'est un service 24/7. Donc, les intervenants sont rejoignables 24 heures sur 24, sept jours sur sept, via pagette. On a des véhicules de fournis, donc on se déplace. Je vais pouvoir vous expliquer un peu c'est quoi, les différents mandats qu'on a, un peu, par la suite.

D'où ça vient, la Division urgence sociale? Ce n'est pas né d'hier. À la fusion municipale, il y a le règlement L-2 qui a été adopté à Laval, qui nommait les différents principaux services de la ville puis la division, à l'époque qui s'appelait Bien-être social municipal, avec pour mandat ? je dirais que c'est un peu archaïque de la façon que c'est libellé, là ? «la responsabilité des enquêtes au point de vue bien-être social, du placement, de la réhabilitation puis de la révision périodique des dossiers du bien-être social des habitants et contribuables de la ville». En gros, ça ne veut pas dire grand-chose. En somme, tout ce qui était social était touché, des vieux dossiers des années soixante-quinze qu'on a encore en filière actuellement, il y a même du placement en foyer nourricier pour des enfants, qui était fait à l'époque, là. Mais je vous dirais que ce n'est plus un mandat qu'on a du tout, là. C'est vraiment les centres jeunesse sur le territoire qui appliquent... Mais juste pour vous donner une idée que la pratique a beaucoup changé, là, avec les années.

Au début, on était rattachés à la Direction générale de la ville, mais on a eu un petit passage par Vie communautaire et Loisirs, début des années quatre-vingt-dix, mais on est attachés, depuis 1995, au Service de protection des citoyens, qui regroupe police, incendie, 9-1-1, mesures d'urgence. Il faut comprendre qu'on est un service d'urgence aussi, donc c'est notre place logique dans la structure. Et, depuis 2000... Attendez. Depuis 1999, l'appellation a été changée pour «de bien-être social» à Division urgence sociale parce que ça portait à confusion avec les centres locaux d'emploi et le bien-être social. C'était un peu mélangeant pour tout le monde, puis c'est une appellation qui n'était plus vraiment à date, à notre niveau.

Notre mandat dans le fond, c'est d'intervenir dans toutes les situations psychosociales d'urgence, sur le territoire, qui touchent la population. On ne va pas intervenir exclusivement auprès de clientèles 18 ans et moins. Normalement, notre clientèle, c'est la clientèle adulte, mais on fait affaire avec des familles en difficulté qui comptent des enfants. Mon équipe compte cinq intervenants sociaux, il y a moi comme chef de division, puis j'ai aussi une auxiliaire sociale commis qui s'occupe de la réception des appels et du volet un peu plus administratif.

On a un mandat qui est très large. On intervient auprès des cas de dépendance, au niveau des évictions qu'on a sur le territoire. Dès qu'il y a un huissier de justice qui procède à l'éviction d'un domicile, on est présents en même temps que le huissier pour porter assistance aux personnes qui se retrouvent à la rue; les incendies avec évacuation, les cas d'insalubrité. L'itinérance, c'est un de nos mandats qui demande quand même beaucoup d'énergie, là, au niveau du service. La pénurie de logements, c'est notre service qui coordonne tous les services aux personnes, le 1er juillet, quand arrivent à échéance les baux et les personnes n'ont pas de nouveaux logements. Personnes en perte d'autonomie isolées à domicile, on intervient. Problèmes familiaux, souvent la violence entre adultes, abus de personnes âgées, famille avec jeune adulte qui demeure encore à la maison, où il y a des problématiques de violence, où il y a des problématiques de toxicomanie, etc.

On a un volet d'aide financière qui est quand même assez important. J'ai accès à un budget d'environ 140 000 $ par année où je peux octroyer de l'aide d'urgence au niveau alimentaire et différents autres biens de première nécessité. Santé mentale, on a la délégation, au niveau de l'application de la loi n° 38 en santé mentale, qui permet le transport forcé d'une personne à l'hôpital sans ordonnance pour examen psychiatrique. Puis l'équipe aussi a des contacts avec la Cour municipale pour aller chercher les requêtes pour examen psychiatrique.

Au niveau de la sécurité civile, on a été mobilisés dans la plupart des... au niveau des différents événements qu'on a eus à Laval, dont le viaduc du Souvenir, dont le... Aussi, il y a eu la tempête hivernale, finalement qu'on n'a pas eu beaucoup d'interventions à faire, mais où on était présents au centre de coordination des mesures d'urgence. Donc, on est directement impliqués dans tout ce qui est sécurité civile.

Et la violence conjugale, non pas qu'on intervient de façon directe auprès des femmes violentées dans un suivi quelconque, mais mon service coordonne un groupe qu'on appelle AGIR, qui est un groupe qui joint les enquêtes criminelles mais aussi une maison de femmes violentées, et on intervient dans tous les cas à haut risque d'homicide. Il y a une concertation au moment où la situation est dangereuse au point où ça motive une levée de la confidentialité pour arrimer toute l'intervention puis intervenir rapidement pour éviter des homicides sur le territoire. Ça fait que c'est un aperçu en général de nos différents mandats.

Ce qui est caractéristique de notre intervention, c'est le «reaching out», autrement dit notre intervention se fait à domicile. On a un signalement, on va se présenter à domicile. Un itinérant est ramassé, à 2 heures du matin, par un véhicule de police, et on va offrir des services à 2 heures du matin. Et, au besoin, on peut avoir à se déplacer, mais les signalements nous sont acheminés au bureau, et nous allons rencontrer les personnes à domicile pour évaluer les situations. Dans le fond, on est accessibles 24/7 au bureau, durant la journée, puis, comme je vous dis, via la centrale 9-1-1, de soir et de nuit, de fin de semaine, congés fériés, etc.

Vous donner une idée, il y a les intervenants, à cinq intervenants, il y a eu environ 2 600 dossiers qui ont été traités l'année passée, des diverses problématiques dont je vous ai parlé. Il y en a 312 qui ont été référés, via la centrale 9-1-1, en urgence, en dehors des heures d'ouverture. Puis, au niveau volet alimentaire, qui est un peu un volet un peu plus rapide parce que c'est une évaluation qui se fait à notre bureau, une personne après l'autre, sans rendez-vous, c'est environ 2 900, 3 000 familles qui ont été aidées, là, à ce niveau-là, durant la dernière année.

n (14 h 30) n

Au niveau de l'itinérance à Laval, j'ai vraiment repris la définition que la commission... pour qu'on s'entende tous sur le même langage, la définition que vous avez donnée sur l'itinérance chronique, l'itinérance situationnelle et cyclique. L'itinérance chronique, on n'en a pas. O.K.? Pour quelqu'un qui correspond définitivement à la définition que vous avez, je pense qu'on a eu un cas, au cours des six dernières années, qui était une personne très bien connue de notre service, qui avait une problématique de santé mentale sous-jacente mais qui refusait l'ensemble des services qui étaient proposés, puis son état ne justifiait pas une intervention d'autorité pour l'amener à l'hôpital. Finalement, c'est un dossier qui malheureusement a dû être réglé en judiciarisation parce que c'est une personne qui s'introduisait dans des entrées de blocs-appartements, faisait ses besoins à cet endroit-là, etc. Donc, il y a eu des bris de conditions, et finalement il a fini par être incarcéré et, probablement, à partir de la prison, obtenir des soins. On n'en a pas eu de nouvelle à notre niveau, là, depuis environ un an, de cette personne-là.

Ce qu'on voit, c'est beaucoup d'itinérance cyclique, des personnes qui ont soit des problématiques de santé mentale, problématiques de toxicomanie, qui vont se stabiliser par période, en logement. C'est environ une centaine de dossiers par année qui vont se stabiliser par période, qu'on va être en mesure, avec nos interventions ou avec la collaboration ou avec l'intervention des organismes communautaires puis de l'équipe itinérance, de stabiliser en logement pendant une période, mais qui vont avoir une rechute à un certain moment, quitter l'endroit où ils sont hébergés puis retomber dans la rue pendant une certaine période, jusqu'à temps que la personne soit reprise en charge.

J'ai l'exemple d'un client qu'on s'occupe depuis, je pense... je pense que c'est environ 1988 où il a des épisodes d'itinérance. On le stabilise en logement. Le plus longtemps qu'on a pu le stabiliser actuellement, ça a été un an et demi, puis d'autres fois c'est seulement trois mois. Puis, d'une fois à l'autre, dans le fond, il se représente à notre service, on fait les démarches, on le stabilise, mais c'est quelqu'un qui n'est pas capable de vivre dans un endroit stable pendant un bout de temps. Rendu à un certain moment, il va quitter. Ce qu'on voit beaucoup à Laval... Ça, c'est environ une centaine de dossiers par année qu'on traite à cet effet-là.

Ce qu'on voit beaucoup, notre majorité, c'est l'itinérance situationnelle. L'itinérance situationnelle, dans le fond, c'est des personnes qui vont vivre des épisodes d'itinérance suite à des difficultés personnelles, à une situation qui va les précipiter dans la rue ? ah, il reste déjà quatre minutes, O.K., je pense que je vais accélérer un petit peu ? ça peut être par perte d'emploi, endettement, un incendie. Mais il faut comprendre qu'on prend beaucoup la définition de l'itinérance qui a été proposée par Mme Bélanger-Dion puis M. Carle, lors d'une recherche qui a eu lieu à Laval, dernièrement, sur le profil d'itinérance. Sous l'itinérance, dans le fond, c'est un processus de désinsertion, désaffiliation, où la rue ça devient le bout de ligne au niveau de la problématique.

Notre intervention principalement vise à cibler c'est quoi, la problématique qui est sous-jacente au fait que quelqu'un va se ramasser dans la rue. Si la personne se ramasse dans la rue, souvent c'est qu'elle a brûlé ses ressources personnelles, elle a brûlé sa famille, elle a brûlé un peu l'ensemble des ressources alentour d'elle, puis la rue devient une finalité. Notre but, quand on intervient, c'est vraiment de travailler sur c'est quoi, la problématique qui est sous-jacente, qui va faire que la personne va se ramasser dans la rue. Puis, quand il y a de l'assistance à y avoir des autres organismes du réseau, bien, à ce moment-là, on va intervenir sur cette problématique-là.

Ce qui est frappant, dans les dernières années, c'est la pénurie de logements abordables à Laval. Il faut dire qu'avec une croissance économique depuis les huit dernières années il y a eu une pression importante au niveau de l'emploi, qui a augmenté la pénurie de logements. Puis on l'a eue au plus fort en 2002, avec 0,4 % de taux de vacance, alors que la SHQ considère que le taux d'équilibre est à 3 %. Dans les premières années, on a eu à relocaliser environ 85 personnes qui se retrouvaient sans logement, mais, depuis les dernières années, c'est plus stable.

Le problème, c'est que ça a poussé le prix des loyers à la hausse de façon importante. On est passés, en 1999, d'un loyer quatre et demie à environ 450 $, le même quatre et demie actuellement, sur le territoire, va coûter 640 $. Si vous considérez la prestation de base de l'aide sociale à 576 $, bien là, à ce moment-là, il y a beaucoup un manque à gagner.

L'impact, au niveau de notre division, ça a été: l'hébergement est de plus en plus difficile. On a beaucoup plus d'évictions sur le territoire. On est passé de 40 évictions, en 1997, à environ 90, 95, l'année passée. Et les personnes qui subissent une éviction, à partir du moment où ils se cherchent un logement après, bien ils ne passent pas au niveau de l'enquête de crédit puis là ils ont déjà un dossier à la Régie du logement qui fait que c'est de plus en plus difficile pour eux de se réinsérer ou d'avoir un logement plus stable.

Notre intervention avec ces personnes-là, c'est beaucoup d'essayer d'obtenir un revenu quand on les ramasse à la rue, d'obtenir des soins de santé quand c'est requis, de les référer vers des centres de désintoxication quand la toxicomanie, l'alcoolisme est une problématique, puis dans le fond de les accompagner puis de leur donner un hébergement temporaire.

Au niveau de l'hébergement à Laval ? je vais y aller très rapidement parce que je me rends compte que le temps file ? on a eu une ressource d'hébergement qui est l'Accueil St-Claude, entre 2003 et 2006, qui avait neuf places d'hébergement. Cette ressource-là est actuellement fermée. Auparavant, la division assumait, via des ressources privées, chambre et pension, de l'hébergement de personnes en difficulté. Et à l'époque on était chanceux, on avait le motel le Vicomte, sur le boulevard des Laurentides, qui était un motel, je dirais, plus ou moins chic de la municipalité, mais où M. Malenfant, le propriétaire, nous a donné un fier coup de main durant des années, où on pouvait orienter les personnes de façon temporaire, le temps de les rencontrer le lendemain puis de les orienter dans nos ressources.

Mais actuellement on n'a aucune ressource, et mes ressources d'hébergement privées sont souvent complètes. On a des difficultés à l'effet aussi que c'est des personnes âgées qui opèrent ces ressources-là, et le problème, c'est qu'on pense qu'il n'y aura pas de relève à partir du moment où ces personnes-là vont prendre leur retraite. Donc, je pense qu'on a un défi important, sur le territoire, pour avoir des places d'hébergement. On n'en a pas besoin de 700, comme à Montréal, ou d'un nombre important. Je pense qu'une douzaine de places, avec des ressources accessibles après pour... un endroit où la personne va commencer à payer puis à se réinsérer, bien ce serait suffisant pour nous donner un coup de main, là, pour intervenir auprès de cette clientèle-là.

On n'a aucune ressource pour femmes en difficulté. Actuellement, malheureusement, sur les 400 dossiers qu'on traite par année, on doit référer vers Montréal environ une centaine de personnes, surtout les femmes, parce qu'on n'a aucune ressource pour femmes en difficulté sur le territoire. Donc, il y a automatiquement une référence qui se fait vers les gîtes. Là, il faut s'entendre que la division ne va pas dire... donner un billet de taxi à la personne ou un billet d'autobus puis: Va-t'en à Montréal. On fait une référence personnalisée, on s'assure qu'il y a une place de disponible à Montréal et on va s'assurer du transfert de la personne vers la ressource de Montréal. Mais ça occasionne beaucoup de problèmes pour le suivi après. La Lavalloise ou le Lavallois qui se fait délocaliser à Montréal en hébergement, qui, s'il y a des suivis médicaux à Laval, s'il y a un dossier à l'aide sociale, ça amène beaucoup de complications administratives qui créent un défi important. Actuellement, ce qu'on a besoin, dans le fond, les ressources, c'est qu'on a besoin aussi d'un partenariat avec les gouvernements puis de l'injection d'argent, au niveau des paliers de gouvernements supérieurs, pour une ressource d'hébergement éventuelle.

Au niveau des impacts sociaux de l'itinérance, ce qu'on remarque à Laval: l'itinérance ne passe pas inaperçue. Il arrive souvent aussi que des citoyens nous appellent parce qu'ils ont rencontré quelqu'un qui semblait à la rue, et ça arrive souvent qu'un citoyen va déjà avoir payé un repas, ou fait des démarches pour essayer de trouver de l'aide, puis on se fait reconduire la personne à notre bureau à ce moment-là. Donc, de dire qu'on a des itinérants chroniques à Laval, non, parce que, je veux dire, c'est des personnes qui ne passeraient pas inaperçues sur le territoire.

L'autre aussi problématique qu'on a, c'est: on n'a aucun point de chute, à Laval, pour les personnes qui sont intoxiquées. Les policiers m'appellent, à 2 heures du matin, pour placer une personne qui se retrouve sans gîte et qui est intoxiquée. On est pris avec. Souvent, ça va se terminer soit dans la salle d'attente de la gendarmerie, en attendant que la personne ait dégrisé un peu pour qu'elle puisse être orientée vers une ressource d'hébergement, ou sinon elle va se ramasser... elle va être orientée à la Cité de la santé qui... Dans le fond, ça occupe des lits médicaux, alors que la problématique est vraiment une problématique d'intoxication et de consommation.

Donc, je pense qu'il y a des gros défis qu'on a à relever en tant que région, mais il ne faut quand même pas... il faut voir qu'il y a déjà des gros efforts qui sont faits actuellement, de concertation. Puis les personnes ne sont pas laissées pour compte à partir du moment où elles sont à la rue. J'ai passé vraiment en diagonale, je suis sûr que j'ai oublié des petits points, là, mais, je pense, je vais vous laisser...

Le Président (M. Kelley): Non, mais peut-être on peut... Dans la période d'échange avec les membres de la commission, s'il y a d'autres points, vous pouvez les soulever. Je suis prêt à céder la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, de votre présence ici, aujourd'hui. Merci pour votre participation et votre présentation.

Une question, juste pour la compréhension de tout le monde et la mienne. Je connais un petit peu le milieu, à Laval, ayant travaillé comme avocat de l'aide juridique à la cour municipale justement de Laval, qui voit beaucoup de ces cas-là qui sont judiciarisés malheureusement, dans certains cas, ou qui viennent devant les tribunaux.

Juste pour comprendre votre service, vous faites partie du service de police de la ville de Laval. Expliquez-moi comment ça fonctionne en quelque sorte. Parce que, de prime abord, on pourrait voir les deux choses comme étant incompatibles: on a des services de genre urgence psychosociale où on s'attend à ce qu'il y ait une certaine confidentialité, qu'il y ait un certain lien de confidentialité entre les personnes impliquées, et là évidemment le service de police qui, dans un cas comme vous avez mentionné, une violence conjugale ou autre, doit évidemment constater les faits, faire rapport s'il y a des accusations à être portées pour être soumises au procureur, etc. Expliquez-nous un petit peu la coexistence, comment que ça fonctionne, comment vous vous assurez qu'il n'y a pas en quelque sorte un mélange entre deux choses qui, de prime abord, doivent demeurer séparées quant à moi.

n (14 h 40) n

M. Métivier (Martin): Il faut comprendre qu'au niveau de la gestion des dossiers c'est complètement séparé, et les dossiers de la Division urgence sociale sont confidentiels, et il n'y a aucun échange avec les policiers au niveau de l'information, au même titre que les intervenants de la division n'ont pas accès à de l'information policière.

Par contre, la logique de l'intervention de la Division urgence sociale à même le service de police, c'est un service qui est municipal. On est déjà rattachés aux différents services d'urgence de par notre mandat, et les policiers interviennent en première ligne, dans la majorité des problématiques psychosociales. Donc, la façon que le lien se fait entre la police et la division, les policiers vont être appelés pour un trouble de famille, par exemple, un des cas classiques au niveau de l'hébergement qu'on a: trouble de famille, un fils qui s'en est pris à ses parents, les voisins ont entendu, les policiers se déplacent, ils sont appelés initialement sur «trouble de famille», se rendent compte qu'un jeune qui demeure avec ses parents, une vingtaine d'années, n'a pas d'emploi, a terminé ses études, problématique de consommation, soutire de l'argent à ses parents, il y a de la violence à l'intérieur de la famille, les parents ont de la difficulté. On va être appelés automatiquement, à ce moment-là, et on va prendre contact avec la famille pour faire l'intervention.

On a deux choix: soit que le jeune a été expulsé, et, à ce moment-là, on va s'assurer de l'hébergement du jeune; ou il y a un travail qui est amorcé avec la famille, à ce moment-là, pour les aider, premièrement, pour voir si le jeune, il reconnaît sa problématique et veut se faire assister, et on va faire les démarches avec lui, mais aussi d'accompagner les familles aussi, bon, bien, comment mettre leurs limites et les appuyer.

Mais il faut vraiment le voir dans un contexte où les policiers vont intervenir en première ligne, et on va arriver après. Au même titre que le Service de l'environnement peut me référer un dossier d'une dame âgée qui demeure toute seule avec 40 chats dans la maison. Mais, juste vous assurer, il n'y a pas de vases communicants au niveau de l'information de...

M. Sklavounos: Et, dans une situation où vous serez appelés sur les lieux... Puis je connais certaines situations, je ne veux pas donner d'exemple, mais généralement il y a des situations où il y a des problèmes de type familial, où les personnes qui ont besoin d'aide des fois sont... Si on prend le point de vue de la police qui arrive sur les lieux, bien, des fois, c'est l'agresseur qui a besoin d'aide également, mais des fois c'est la victime aussi.

Et, dans un cas particulier, votre service, est-ce que vous prenez en charge ou pouvez-vous prendre en charge les deux en même temps? Parce qu'évidemment il y a un certain conflit dans un cas comme ça, où vous avez peut-être un couple où il y a de la violence, l'agresseur a besoin d'aide avec sa violence, puis l'autre personne est peut-être une personne qui est prise dans une situation où elle tolère une violence inacceptable et donc a certains autres problèmes. Comment vous agissez dans une situation de même?

M. Métivier (Martin): C'est là que je vous dirais qu'on est chanceux, à Laval, dans le sens où on a un réseau de services qui est très intégré, dans le sens où on est une région, un CSSS, une agence, puis un réseau de services communautaires qui se connaît bien.

Exemple d'un cas de violence conjugale. Souvent, on a à assumer l'hébergement de l'agresseur. La demande même provient quand même assez régulièrement de l'aide juridique, et le suivi de la dame qui est violentée va être référé vers les ressources qui sont vraiment plus appropriées que nous, qui vont être les maisons pour femmes violentées.

Par contre, il faut comprendre que, dans certains cas, surtout quand on rentre dans des dynamiques familiales autres, là ? je parle, mettons, parents âgés qui hébergent leur fils dans la quarantaine avancée ? il y a un travail qui va se faire conjointement: on va assister l'adulte qui est en besoin d'aide, mais on va aussi équiper la famille pour se protéger, là.

M. Sklavounos: Et, dans un cas où on a déjà vu... Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Il vous reste cinq minutes.

M. Sklavounos: Cinq minutes. Dans un cas où on voit des fois... Il y a des personnes qui sont déjà venues devant les tribunaux et qui étaient dans une situation où ils pouvaient être remis en liberté parce qu'ils ne posaient pas vraiment un danger au niveau de la sécurité du public mais qui n'avaient pas d'adresse fixe. Et on sait que, pour les tribunaux, lorsqu'on n'a pas d'adresse fixe, la présence devant le tribunal à une date ultérieure pose problème, et souvent les juges sont pris dans une situation où, pour assurer la présence de quelqu'un devant le tribunal, il l'incarcère, alors que ce n'est pas une personne qui serait dangereuse pour le public, autre que le fait qu'il n'a pas d'adresse.

Est-ce que vous intervenez à ce niveau-là, par exemple, vous présenter à une enquête sur cautionnement, par exemple, ou à un autre endroit où un itinérant pourrait se trouver incarcéré juste parce qu'il est itinérant, alors que quelqu'un qui aurait un domicile fixe serait remis en liberté dans les mêmes circonstances?

M. Métivier (Martin): On a effectivement des références régulières de l'aide juridique, à Laval, à cet effet-là, et effectivement, oui, on intervient dans la mesure du possible, quand il y a de la disponibilité au niveau des hébergements, mais pour...

Premièrement, on évalue la personne pour voir c'est quoi, les problématiques sous-jacentes. Dans certains cas, on va même faire des recommandations au niveau du tribunal pour une évaluation psychiatrique. Et là on ne parle pas d'une évaluation au niveau responsabilité criminelle, mais on va faire souvent insérer dans des conditions que la personne subisse un examen psychiatrique suite à sa libération et on va procéder à l'accompagnement de la personne. Donc, c'est vraiment de cibler c'est quoi, la problématique. Mais, oui, la division peut offrir de l'hébergement. Dans la mesure où il y a de l'hébergement de disponible, là, oui, on le fait régulièrement.

M. Sklavounos: J'ai une autre question. J'ai l'impression que vous ne voulez pas embarquer dans la campagne fédérale pour laquelle on aura un débat ce soir. Mais, juste la question sur l'Accueil St-Claude, il y a le financement du fédéral qui n'a pas été renouvelé, les portes sont fermées. Avez-vous une idée un petit peu des raisons pour lesquelles la subvention fédérale n'a pas été renouvelée ou n'a pas été...

M. Métivier (Martin): Malheureusement, je n'étais pas impliqué au niveau de l'Accueil St-Claude comme tel. Donc, tout ce qu'on a appris, nous autres, c'est que l'Accueil... on s'est fait aviser par la directrice générale que l'Accueil St-Claude fermait, puis, à partir de ce moment-là, on a repris le mandat hébergement pour la clientèle adulte, là, sur le territoire.

M. Sklavounos: Considérant aussi que vous êtes un service qui est un petit peu unique au niveau du Québec, est-ce qu'il y a des choses comparables, selon vous, de votre connaissance, qui existent dans les autres municipalités ou les grandes municipalités, quelque chose qui ressemble à votre service? Je sais qu'évidemment, au palais de justice de Montréal, il y a l'urgence psychosociale, mais qui ne fait pas partie de la ville, mais qui est à l'intérieur de l'appareil du palais de justice et du gouvernement provincial. Il existe-tu, dans d'autres villes, des ressources similaires?

M. Métivier (Martin): La particularité de la division comme telle, c'est, je vous dirais, notre mandat, à l'effet qu'on traite beaucoup de problématiques. Je dirais, l'UPS-J, à Montréal, qu'on connaît bien, avec qui on a déjà fait des interventions à l'occasion, UPS-J ont un mandat, le mandat justice et santé mentale, mais, nous autres, on regroupe aussi le même mandat que la Croix-Rouge assume sur le territoire de Montréal, au niveau des incendies, on intervient, là, avec la Croix-Rouge, mais...

M. Sklavounos: Sur le terrain.

M. Métivier (Martin): Oui, c'est ça. Donc, je vous dirais que ce qui est particulier, je vous dirais qu'il y a probablement d'autres villes qui ont des petits services qui couvrent certains de nos mandats, mais l'ensemble des mandats qu'on couvre, non, on est le seul service au Québec.

M. Sklavounos: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Kelley): Très peu.

M. Sklavounos: Juste un petit commentaire, juste pour dire que c'est un excellent exemple qu'on voit devant nous. Parce que souvent le commentaire que nous avons entendu... Et c'est peut-être vrai dans certains cas, parce qu'on n'est pas là quand ces choses arrivent nécessairement, mais on entend souvent que les services de police n'ont pas l'expertise ou n'ont même pas pensé à aller chercher l'expertise pour pouvoir intervenir dans des situations de ce genre-là. Je pense que votre exemple est un excellent exemple.

Et la question que j'allais vous poser ? mais il me reste peu de temps, peut-être que vous pouvez répondre à un autre moment ? c'est: Est-ce que votre expertise serait peut-être transposable? Est-ce que vous seriez prêts à partager votre expertise avec d'autres municipalités qui ont des problématiques similaires et qui n'ont pas les ressources ou pris le temps de mettre sur pied un service comme le vôtre, que je trouve excellent? Mais je pense qu'il ne me reste plus de temps. Alors, peut-être...

Le Président (M. Kelley): Non, non, non, vous pouvez répondre.

M. Métivier (Martin): Oui, effectivement, on pourrait partager l'expertise. Je dirais, la chance qu'on a, à Laval, c'est que ça a toujours été une volonté, au niveau de la direction générale et de la mairie, de maintenir ce service-là. Donc, je dirais, la mise en place du service est déjà faite depuis une quarantaine d'années, donc ce qu'on a actuellement, c'est le roulement à assumer, ce qui n'est pas le cas d'une municipalité qui mettrait en place un service avec tout ce que ça veut dire en infrastructures, en matériel, etc., qui serait probablement beaucoup plus coûteux. Mais, je vous dirais, par expérience, ça permet de régler puis d'intervenir auprès de beaucoup de problématiques qui finissent par ne pas dégénérer parce que dans le fond on intervient en première ligne.

Puis on intervient aussi, il faut comprendre, dans un contexte non volontaire. La personne à domicile qui s'est fait signaler... Bon, par exemple, la dame âgée seule, isolée, qui a ses 14 chats dans la maison, que c'est accumulé jusqu'au plafond, à risque d'incendie, elle n'est pas nécessairement contente de nous voir arriver, mais on va quand même intervenir à domicile pour aller la voir, essayer de la convaincre, de l'accompagner. Puis la municipalité peut en arriver, à un moment donné, à ne pas avoir le choix de prendre des démarches plus légales quand il y a vraiment un danger. Mais il y a vraiment un support qui est là. Donc, je dirais, notre but, c'est d'aller au devant et d'offrir des services, quand c'est possible. Mais, je vous dirais, on ne fait pas de miracle, il y a des cas malheureusement qu'on ne peut pas rien faire, mais, je vous dirais, le but est d'aller en amont, là.

M. Sklavounos: On ne fait pas de miracle, nous, non plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Métivier (Martin): Non, j'imagine.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci. Alors, merci pour la présentation, merci de la structure dont vous nous avez présentée, parce que ça semble très structuré et correspondre à énormément de besoins.

Moi, j'aimerais revenir sur un exemple que vous avez cité durant la commission, c'est un exemple qui est revenu plus qu'une fois, entre autres où ça a été votre seul cas, vous avez parlé de la personne itinérante qui... Et je dis «malheureusement» parce que, bon, on n'a pas nécessairement la latitude de pouvoir intervenir comme on le souhaiterait, puis, quand on regarde au bout de la ligne, c'est que ce monsieur-là, de ce que je comprends, a terminé en détention.

Et la question où je cite, c'est qu'il est question énormément de financement, durant cette commission-là, où les organismes crient fortement d'avoir un financement, puis, dans tout le processus de la personne, puis vous venez même de le mentionner en parlant avec mon collègue, où, bien, ça évite souvent... nos interventions évitent souvent une dégénération, puis une dégénération, bien, souvent, amène des frais, amène des coûts et amène des situations.

Est-ce que, selon ce que vous avez vécu une fois... Vous en avez eu un, mais, qui dit, souvent, une expérience n'est jamais à l'abri d'en avoir une autre. Est-ce que tout ce questionnement-là vous a ramenés à dire: Si ça viendrait qu'à se reproduire, que doit-on faire? Est-ce qu'on va chercher un mandat, exemple... Parce que là on parle de quelqu'un qui avait un problème de santé mentale probablement non diagnostiqué, non évalué...

n (14 h 50) n

M. Métivier (Martin): Non, il était diagnostiqué.

M. Dorion: Il était diagnostiqué. Donc, c'était strictement une non-volonté de la part de... bien, non-volonté, en tout cas, du moins un refus de recevoir les...

M. Métivier (Martin): Un refus de recevoir des services, parce qu'il y a même des citoyens ? l'exemple de cette personne-là ? qui arrêtaient en voiture pour lui donner des bottes, parce que c'était rendu que la personne en question marchait avec des sacs de plastique dans les pieds avec des journaux alentour pour amortir le tout. Il y a des citoyens qui arrêtaient pour lui donner des vêtements, de la nourriture, puis il refusait l'aide.

Mais la problématique, je vous dirais ? là, c'est qu'on rentre dans une autre commission probablement qu'on devrait avoir, au niveau de la santé mentale ? où on ne peut pas forcer... On voit une personne qui est vraiment en train de se détériorer, mais la loi, de la façon qu'elle est faite, au niveau de la loi n° 38, c'est «danger grave et immédiat» qui nous permet d'intervenir auprès de cette personne-là. Et, à partir du moment où on veut aller chercher une requête pour examen psychiatrique, ça me prend des personnes qui sont des personnes intéressées au sens de la loi; souvent des proches, mais c'est des personnes qui n'ont aucun réseau. Puis, même si on l'amène à l'hôpital, advenant le cas, là... imaginons qu'on étire un petit peu puis on finit par amener la personne à l'hôpital, bien, il faut s'assurer qu'elle soit gardée à l'autre bout, parce qu'elle peut obtenir son congé aussi.

Mais, je dirais, ce qui a aidé dans ce dossier-là, les policiers le voyait régulièrement, nous en ont parlé, puis ça a été d'un commun accord qu'on s'est entendus. Parce qu'au début ils arrêtaient, ils lui disaient d'aller... Il refusait l'aide. Donc, ils disaient: Bien, tu n'as pas le droit d'errer ou d'occuper des blocs à logements. Mais, à partir du moment où on s'est entendus avec les policiers à Laval... Il faut comprendre que c'est un corps de police qui est gros, mais que tout le monde se connaît quand même assez bien, où on a dit: Bien, regardez, si vous voyez M. Untel se promener sur la rue, appelez-nous. Donc, on a commencé à être appelés automatiquement, à partir du moment où il était rencontré sur la rue, puis on essayait quand même l'offre d'aide à ce moment-là, puis, à la fin, bien, ça a été au quartier de détention quand il s'est fait arrêter, la dernière fois où je suis allé le rencontrer, où on s'est rendu compte que la seule façon de venir à bout, là, de sa période d'itinérance, c'était l'incarcération, là, à ce moment-là. Mais tout avait été proposé: de l'hébergement, un suivi, de l'accompagnement. Il n'y avait rien à faire.

M. Dorion: Quelle approche, parce que probablement que vous êtes... c'est vous qui avez fait l'initiative d'approcher certains... Moi, si je me base au tout début de la commission où M. Bigras est venu témoigner, les jeunes qui vagabondent, les jeunes qui traînent dans les parcs, les jeunes qui sont assis sur la pelouse, qui marchent sur la pelouse puis qui se font recevoir des billets, des tickets, des tickets, ça ne semble pas être le cas de ce que j'ai compris chez vous.

M. Métivier (Martin): Non. À Laval, dès qu'il y a une personne qui se retrouve à la rue, le réflexe automatique des policiers, c'est de nous appeler. Il faut comprendre que la division a offert, dans le cadre de la formation annuelle des policiers, une formation à l'ensemble des policiers du territoire, bon, un rappel sur c'est quoi, la division. Ça fait longtemps que ça existe, mais il faut comprendre qu'il y a beaucoup de mouvements de personnel à l'intérieur du service de police. Donc, ça a été de présenter le service et qu'est-ce qu'on pouvait faire, puis d'en arriver à discuter de situations problématiques, puis de voir qu'est-ce qu'on pouvait offrir à cet effet-là.

Donc, je vous dirais, dans le cas de... À Laval, même il y a des personnes des fois qui se retrouvent à la rue dans des conditions de libération parce que c'est des personnes qui sont judiciarisées, ils doivent occuper une adresse, les policiers de Laval ne vont pas d'emblée procéder à l'arrestation de ces personnes-là. Ils vont plutôt tenter de nous contacter, tenter de trouver un hébergement, puis on se présentera en cour le lendemain pour donner la nouvelle adresse, là. Donc, ce n'est pas une pratique d'incarcérer à qui mieux mieux, là.

M. Dorion: Alors, M. le Président, j'aimerais laisser la parole à la députée de...

Une voix: Saint-Jean.

M. Dorion: Saint-Jean. Excusez.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Merci. Bonjour, messieurs. Vous avez parlé tantôt du transfert vers les ressources de Montréal parce que chez vous vous n'avez pas... cette problématique-là est moins présente qu'ici. C'est un peu comme le comté de Saint-Jean, on a la même chose, on n'en a pas beaucoup, on n'a pas beaucoup de ressources. Il y a des soupes populaires mais pas à chaque jour, et, quand on est pris avec un problème, ce que j'ai entendu, c'est qu'on prend un billet d'autobus, on les envoie vers Montréal, puis ça explique peut-être pourquoi c'est si concentré. Puis ce que vous avez touché tantôt, c'est que vous n'avez pas vraiment de suivi de ces personnes-là. Ça fait que dans le fond ils ne reviennent peut-être pas chez vous puis vous ne savez pas exactement ce qui se passe avec, un peu comme chez nous, j'ai l'impression, ça ressemble à ça.

M. Métivier (Martin): Je vous dirais, ce qu'il y a de particulier un petit peu... Parce qu'il y a quand même... il y a des cas qu'on va référer vers des gîtes montréalais ? mettons, l'absence de place sur notre territoire, là ? puis on n'en entendra pas parler. Mais je vous dirais qu'un Lavallois qui se ramasse à la rue à Laval, qu'on est obligés d'orienter vers les gîtes montréalais, va avoir tendance à revenir à Laval. Et même, dans certains cas, ça devient problématique parce que, si je n'ai pas de place sur le territoire, on va l'orienter pour une nuit à La Maison du Père ou à la Mission Old Brewery, il va revenir le lendemain, on va être rappelés à intervenir, le réorienter. Puis ce n'est pas qu'on ne veut pas l'héberger, c'est juste qu'on n'a pas de place de disponible. Puis, à partir du moment où il y a une place de disponible, il va être gardé dans nos ressources.

Il y a eu certains cas ? je ne vous dis pas que c'est la majorité ? où on a eu des dossiers plus compliqués, qui avaient, oui, un peu de déficience intellectuelle, santé mentale, toxicomanie, où un jeune qu'on a orienté dans nos ressources a fini par brûler la ressource de par ses comportements, a dû être expulsé et s'est ramassé à Montréal. Mais, quand la Old Brewery Mission, à Montréal, a eu de la difficulté ou était inquiète de l'état de santé de ce jeune-là, on s'est déplacés à Montréal pour venir le rencontrer puis réessayer de refaire le pont avec les équipes traitantes à Laval. Puis finalement c'est quelqu'un qui s'en est sorti, qui actuellement vient à la soupe populaire qui est attenante à mon bureau. Je veux dire, je pense que c'est important de se parler entre services, entre organismes, et ce n'est pas à cause que je fais partie de Laval que je ne m'empêcherai pas de venir à Montréal quand c'est requis dans certains dossiers.

Mme Méthé: ...personne, là.

M. Métivier (Martin): Oui, oui, définitivement.

Mme Méthé: Ce qui m'a... je ne sais pas si j'ai bien entendu tantôt, là, vous avez parlé d'accompagnement d'un huissier.

M. Métivier (Martin): Oui. À partir du moment où, bon, une personne ne paie pas son loyer, ça comparaît à la Régie du logement, le régisseur émet un bref de... je dirais, une décision à l'effet que la personne doit quitter son loyer. À partir du moment où les délais ne sont pas respectés, l'huissier de justice doit faire appliquer l'ordre de la cour et se voit émettre un bref d'expulsion, de mise en possession. On est automatiquement appelés quand l'huissier se présente à domicile et donne le préavis de 48 heures. Donc, on sait qu'il y a une éviction qui arrivera 24 ou 48 heures plus tard et on est présents en même temps que l'huissier à domicile. Donc, l'huissier fait sa partie, qui est d'aviser la personne qu'elle se fait expulser, et tout de suite, d'entrée de jeu, on rencontre la personne, on essaie de voir un peu c'est quoi, la situation, puis on travaille tout de suite, voir s'il y a des possibilités d'hébergement. On s'entend qu'on vise le réseau familial en premier lieu, mais, s'ils n'ont pas de réseau, on s'arrangera avec. Et on intervient aussi pour s'assurer que les biens ne restent pas à la rue puis créent une nuisance ou soient volés, vandalisés, pillés. Donc, je vous dirais qu'on en a environ 95, là, annuellement, depuis les trois, quatre dernières années. Le gros avantage de ce type d'intervention là, ça permet d'éviter des crises à domicile. Il y a très peu d'assistance policière aux huissiers, là, sur les cas d'éviction sur le territoire. Ça arrive à l'occasion mais souvent dans des milieux qui sont un peu criminalisés.

Mme Méthé: Et, en tout cas...

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

Mme Méthé: Pardon?

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

Mme Méthé: O.K. Mais juste que je trouve ça formidable. Je n'étais pas au courant que c'était un service qui existait, puis je pense que ça peut empêcher justement des cas d'itinérance, juste à cet étape-là. Alors, je trouve ça...

M. Paré (Michel): On est très peu appelés... Comme M. Métivier a dit, on est très peu appelés à aller en tant que service de police, probablement justement parce qu'il y a une personne responsable sur les lieux.

Mme Méthé: Donc, est-ce que c'est juste...

Le Président (M. Kelley): En terminant.

Mme Méthé: est-ce que c'est juste chez vous? Ce n'est pas une pratique qui est étendue, ça? Je sais que vous ne pouvez peut-être pas répondre. Est-ce que c'est une pratique qui est étendue à travers le Québec ou...

M. Métivier (Martin): Bien, je pense, pour avoir parlé à différents intervenants à travers différents comités, etc., ce que je comprends, c'est, dans certaines régions, le CLSC va assurer le mandat; dans d'autres régions, il n'y a aucun service qui est offert. Il faut comprendre aussi que ça dépend du volume d'éviction qu'il y a sur un territoire. Si on prend un territoire qui a une éviction aux deux ans, ce n'est pas la même chose, là.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

n (15 heures) n

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, M. Métivier, merci d'être là. Vous représentez un service d'aide, en fin de compte, et d'appui aux personnes et aux citoyens, et vous présentez ce mémoire, là, au nom de la ville de Laval. Et vous nous avez dit tout à l'heure, et c'est indiqué dans votre mémoire, à la page 12, qu'une ressource d'hébergement d'urgence pour les personnes qui sont mal prises serait quelque chose de très important pour vous.

Et vous nous avez dit aussi que l'itinérance chronique n'existe pas à Laval, qu'il y en avait une, personne, et puis que finalement elle s'est retrouvée en prison. C'est évident que Laval est collée sur Montréal, hein, on se comprend, là. Mais, si l'itinérance chronique n'existe pas, c'est peut-être parce que les personnes qui sont dans cette situation sont justement amenées à Montréal. Donc, vous parlez que ce serait utile d'avoir un refuge d'urgence. Est-ce que les autorités de la ville sont d'accord avec ce projet? Est-ce que ça a déjà été discuté, ça, au conseil de ville?

M. Métivier (Martin): Je sais qu'il y a des démarches qui sont en cours actuellement, mais une des prochaines présentatrices, qui représente le ROIIL, pourra vous donner plus de détails, là, à cet effet-là. Mais je sais qu'il y a des démarches qui sont en cours.

Il faut comprendre que la ville investit aussi déjà 750 000 $ annuellement pour maintenir notre service qui est un service qui est carrément du mandat de santé et services sociaux. Il y a des choix à faire aussi. Il faut comprendre que le volet hébergement est une partie des problématiques que ma division touche, mais il y a beaucoup d'autres problématiques qu'on touche. Donc, s'il y a des montants à relocaliser, ça a un impact certain sur l'ensemble des services qui sont offerts à ce moment-là.

Mme Lapointe (Crémazie): Je comprends, je comprends. Mais quand même, si c'est de l'avis général de la plupart des intervenants que ça prendrait une ressource d'urgence chez vous puis évidemment, j'imagine, ensuite un suivi à la sortie, hein, de cette... Là, des organismes communautaires semblent dire qu'il y a des réticences, qu'il y a même eu des refus au conseil exécutif de la ville pour appuyer le montant nécessaire pour les immobilisations de façon à ce qu'un projet puisse être présenté.

Moi, je trouve ça inquiétant parce que, tu sais, il y a des phénomènes... C'est sûr que le phénomène «pas dans ma cour», là, il ne faudrait pas que ça se transpose dans les villes quand même, là, tu sais, il faudrait... J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que je trouve ça assez contradictoire ? puis je ne parle pas de vous en particulier, là, on se comprend bien ? que vous ayez cette recommandation-là puis que par ailleurs on nous dise, dans des groupes qui vont suivre, qu'il y a eu des refus, à la ville, à cet égard-là.

M. Métivier (Martin): O.K. Je sais que c'est en pourparlers actuellement au niveau de la municipalité, mais là je ne peux pas m'avancer parce que c'est des rencontres qui vont être ultérieures.

Au niveau de l'itinérance chronique, effectivement, on n'en a pas. Mais, regardez, je parle, là, au niveau de l'expérience que j'ai au sein du service. Ce n'est pas qu'on pousse l'itinérance chronique vers l'extérieur, c'est parce que d'emblée, selon le schéma d'aménagement de la ville, compte tenu que c'est très résidentiel, qu'il n'y a pas de centre-ville, qu'il n'y a pas... ce n'est pas propice à ce qu'on... C'est pour ça, la raison qu'on a...

Le plus de situations qu'on a, c'est la cyclique et la situationnelle qu'on a à notre niveau, donc des personnes qu'on va quand même stabiliser, qui vont retourner à la rue, qui vont revenir, qui vont aller dans d'autres secteurs, qui vont revenir. Mais de dire qu'on... J'essaie vraiment d'imaginer, là, un itinérant chronique sur le boulevard des Laurentides ou sur le boulevard Saint-Martin, j'ai beaucoup de difficultés. Il n'y a pas d'endroit où ils peuvent s'installer. Je sais que...

Mme Lapointe (Crémazie): Il n'y a surtout pas de ressources probablement, là, suffisantes pour leur venir...

M. Métivier (Martin): Bien, la division procède quand même à l'hébergement, là, d'entre 70 et 90 personnes par année, où on autorise l'hébergement, où on prend en charge les personnes, qu'on fait venir les cartes d'identité, qu'on essaie de stabiliser. Il faut voir qu'aussi, à Laval, on a quand même accès à des logements supervisés qui permettent d'orienter, là... Malheureusement, il y a une des ressources qui a perdu 21 logements dans un incendie, là, dernièrement, mais il y a Les Habitations populaires Vincent-Massey qui ont au-dessus de 100 logements supervisés, où il y avait possibilité éventuellement d'orienter ces personnes-là, donc de les stabiliser a priori dans nos hébergements et de les orienter vers des appartements supervisés.

Oui, effectivement, la problématique qu'on a actuellement puis la raison pour laquelle on demande... ou qu'on soulève, c'est: j'ai besoin d'une place où les mettre la soirée même quand ils se font intercepter ou quand les personnes se ramassent à la rue pour... Puis il faut voir que, nous autres, l'intervention, c'est directement le lendemain matin. Que ça ait été dans nos ressources d'hébergement ou au motel à l'époque, le lendemain matin, on est présents puis on intervient sur la problématique. Il y en a certains qui vont aller en ressource d'hébergement, il y en a d'autres qu'il faut comprendre qu'il y a une problématique de consommation, donc vont être orientés vers des centres de désintox sur le territoire ou à l'extérieur.

Mais, je vous dirais, itinérance chronique, non, je ne penserais pas qu'on a le schéma pour qu'il y en ait vraiment à Laval. Mais ce qu'on a vraiment besoin, je suis d'accord avec vous, c'est d'un endroit où les personnes peuvent arriver puis où on peut leur offrir des services.

Mme Lapointe (Crémazie): ...d'urgence, ce n'est pas nécessairement que pour les personnes en situation chronique d'itinérance. Mais, je tiens à vous le mentionner, on écrit ici, dans le mémoire, là, d'un organisme qui va suivre, cet après-midi, de Laval, que la demande d'appui municipal, le 10 septembre dernier, au niveau d'immobilisations permettant de soumettre son projet de 12 places d'urgence et de 12 lofts en transition à la Société d'habitation du Québec a été rejetée par le comité exécutif de la ville, et aucun motif n'a été à ce jour présenté. Ça nous inquiète, et peut-être qu'il y aurait moyen, là, d'avoir des réponses à cet égard ultérieurement si pour le moment vous n'avez pas de réponse.

M. Métivier (Martin): Oui, mais il y a une rencontre de prévue en début de semaine prochaine à cet effet-là, justement par rapport à ce que vous parlez. Puis je pense que Mmes Fortin et Pagé, qui vont présenter avec M. Boisvert plus loin pour le ROIIL, vont pouvoir vous donner plus de détails, là, à cet effet-là.

Mme Lapointe (Crémazie): Très bien. Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui, oui, très rapidement. Messieurs, à mon tour, bonjour. Je vais surfer, comme on dit, M. le Président, sur les questions parce que je vais devancer. Vos collègues du CSSS vous suivent dans quelques minutes et, dans leur mémoire, eux, indiquent, à la page 7... On pourra discuter avec eux, c'est leur mémoire, mais, je pense, ça met dans le contexte les questions intéressantes de ma collègue. Et je cite d'ailleurs: «...70 % des personnes itinérantes à Montréal viennent des régions périphériques [et] d'autres provinces», même.

La question n'est pas de savoir d'où ça vient puis on va fermer les ponts, comprenez-moi bien, la question n'est pas là. Mais c'est parce qu'à un moment donné ces problématiques-là qui mettent nos services, je dis bien, nos services métropolitains, nos services publics... une très, très grande pression, à un moment donné, je pense, il faut que tout le monde fasse sa part, là, au niveau métropolitain, là. Et je ne dis pas que vous ne le faites pas. Je pense que votre... Notre collègue de Laurier-Dorion tantôt parlait de votre Division urgence sociale en matière d'itinérance, là, je pense que c'est une bonne idée qui reste à réfléchir.

Mais je me permets, moi, suite aux questions que ma collègue vous a demandées... Disons que, moi aussi, ça m'inquiète un peu d'entendre ça, non pas le fait... Effectivement, les gros refuges sont ici. Moi, ma circonscription est ici. Les gros refuges sont là. On comprend qu'à un moment donné ça converge aussi vers les gros refuges. Des fois, il y a des interventions hyperspécialisées à faire. Mais c'est parce que, là, on apprend ça de la ville, et IPAC, vous dites que vous ne savez pas pourquoi la maison, là, qui était, elle, déjà là, qui a été obligée de fermer ses portes, vous nous avez dit que vous ne savez pas pourquoi, là, la subvention a été coupée.

M. Métivier (Martin): Bien, c'est l'IPAC qui a pris fin à ce moment-là. Je pense, c'était un programme non récurrent, si je me rappelle bien, donc ça n'a pas été poursuivi.

M. Lemay: La plupart des projets ici qui ont été financés par IPAC ont continué très souvent à être financés par IPLI ici, parce que sans ça...

M. Métivier (Martin): O.K. Mais ça n'a pas été le cas à Laval dans ce dossier-là.

M. Lemay: O.K. D'accord.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Métivier, M. Paré, pour venir. Une autre perspective sur cet enjeu. Et merci beaucoup pour la présentation de structures mises en place par la ville de Laval.

Je vais suspendre quelques instants. Et je demande aux représentants du Centre de santé et services sociaux de Laval, équipe Itinérance, de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 8)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Kelley): On va reprendre nos travaux. Nos prochains intervenants lavallois sont le CSSS de Laval, l'équipe Itinérance, représentés par Daniel Corbeil, directeur général adjoint de clinique, M. Benoît Tétreault ? est-ce qu'il est ici ou... Il est là. Je lis la liste, les noms qui ont été donnés. Yvan Coiteux et Josée Larose. Est-ce que c'est bien ça?

Centre de santé et de services sociaux
de Laval, Équipe itinérante
(CSSS Laval)

Une voix: ...plutôt Nicole Séguin, en remplacement de Josée Larose.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait. Voilà. La parole est à vous.

M. Corbeil (Daniel): Au départ, nous désirons remercier la Commission des affaires sociales d'avoir souhaité entendre le point de vue de l'Équipe itinérante du Centre de santé et de services sociaux de Laval sur ce phénomène. Il s'agit, pour nous, de l'occasion de vous présenter notre expérience, de voir notre modèle d'intervention et de vous livrer ses actions porteuses. Par notre participation à cette commission, nous voulons humblement contribuer, à travers la mise en relief de notre modèle qui s'est déployé au fil des ans et à l'aide de constats que nous pouvons en dégager, comment nous croyons que certaines actions sont essentielles pour prévenir et contrer ce phénomène.

Un de ces constats est la nécessité des actions concertées de l'ensemble des partenaires, non seulement les partenaires de la santé et des services sociaux et les partenaires communautaires, mais aussi des partenaires de l'intersectoriel. Seule cette concertation permet d'agir efficacement sur certains déterminants de la santé.

Par ailleurs, face à un phénomène aussi complexe, il est difficile d'établir des actions concertées sans cadre précis pour guider les actions. En ce sens, nous ne pouvons que saluer le cadre de référence en itinérance et osons croire qu'il sera le fil conducteur pour la mobilisation et la mise à l'agenda des actions concertées par l'ensemble des partenaires, y compris les partenaires intersectoriels et les partenaires interministériels.

Nous croyons par ailleurs, pour que ce cadre de référence ait l'impact souhaité, qu'il est essentiel qu'il soit porté par les réseaux locaux de services. En effet, il impose cette responsabilité populationnelle collective afin qu'il puisse prendre forme et agir dans toutes les dimensions qu'incombe la concertation.

Un autre constat est la fragilité, voire la précarité du modèle en raison d'un financement inadéquat, d'un financement inexistant ou d'un financement non récurrent. À titre d'exemple, faute d'un financement adéquat, les actions concertées en itinérance, sur le territoire lavallois, avec nos partenaires, particulièrement nos partenaires communautaires, se font à travers les actions qu'ils ont à poser, les actions courantes, ce qui fait que l'action des partenaires en itinérance est souvent trop minimale. Or, nous le savons fort bien, pour que les actions soient porteuses, celles-ci imposent une spécificité.

Pour vous présenter le modèle en itinérance en place à Laval, je vous présente Mme Séguin, qui est organisatrice communautaire, et M. Coiteux, travailleur social. Il s'agit de deux membres de l'Équipe itinérante du Centre de santé et de services sociaux de Laval. Ceux-ci vous livreront le modèle lavallois en itinérance, car c'est eux, avec les partenaires du milieu, qui au quotidien donnent l'âme à ce modèle lavallois.

M. Coiteux (Yvan): Alors, bonjour. C'est moi, Yvan Coiteux, je viens vous parler... Premièrement, j'aimerais juste vous mettre en... donner un portrait, là, complémentaire de ce que Martin Métivier a donné par rapport à la situation à Laval. Laval, c'est aussi 20 % des familles qui vivent sous le seuil de faibles revenus, malgré ce qu'on peut en voir, et c'est environ 600 personnes qui sont à risque et qui vivent dans un état d'extrême pauvreté aussi, qui sont à risque de se retrouver à la rue ou se retrouver, à ce moment-là, dans les ressources, à Montréal. C'est des gens aussi qui... Bon, on va voir aussi beaucoup de colocations, de chambrages aussi, à Laval, des gens qui vivent des difficultés financières et à l'occasion qui vont se retrouver dans la rue.

L'absence de ressources d'hébergement, quant à nous, c'est un problème. Il y a eu, comme vous disait Martin tantôt, l'hébergement Saint-Claude à l'époque et il y a eu aussi le répit-dépannage qui s'adressait aux jeunes, une clientèle de 18-21 ans, qui a dû fermer ses portes faute de financement ou faute de livraison dans les budgets IPAC, là, qui ne sont pas arrivés à temps.

Alors, qu'est-ce qui se passe avec ces gens-là? Alors, ça arrive que ces gens-là doivent faire des séjours à Montréal. Et, nous, ça nous questionne beaucoup parce qu'on se dit qu'il y a peut-être d'autres solutions à y avoir que de retourner des gens vivre dans la rue 24 heures sur 24 dans le réseau du centre-ville de Montréal, où notre vie devient stagnante et où on ne réussit pas à trouver nécessairement tout le temps des portes de sortie.

Alors, l'Équipe itinérante du CSSS de Laval existe depuis sept ans maintenant. C'est une équipe qui a été formée suite au constat qui avait été fait en 2001 de la situation à Laval concernant l'itinérance. C'est une équipe d'intervenants sociaux et d'infirmières qui travaillent dans les milieux de vie des personnes itinérantes ou à risque d'itinérance. On travaille ensemble, à deux, dans ces ressources-là, afin de répondre aux besoins en matière de santé et en matière sociale pour ces personnes-là qui fréquentent les réseaux communautaires et qui fréquentent aussi... qui ne fréquentent pas non plus le réseau communautaire mais qui sont des personnes qui vivent dans des milieux souvent précaires. Et, bon, on reçoit des téléphones et on doit aller sur les lieux intervenir, à ce moment-là, et voir ce qui se passe, faire des constats puis essayer de créer un lien de confiance avec ces gens-là, et c'est tout un défi.

Alors, on répond aux besoins de santé des personnes qui ne consultent pas nécessairement, qui ne vont pas vers les réseaux traditionnels de santé parce qu'ou ils ont eu des mauvaises expériences avec le réseau, ou parce que c'est trop complexe, ou parce qu'ils trouvent ça... ils ne savent pas comment nommer leur problématique, ils ne savent pas à qui adresser leur problématique. Et c'est souvent parce qu'aussi les portes d'entrée sont complexes. Et, à Laval, on a voulu essayer, tenter en tout cas d'ouvrir ça, d'aller plus loin dans la démarche puis d'aller rencontrer ces gens-là pour éviter une dégradation de leurs conditions de vie dans le but d'améliorer leur bien-être puis dans le but justement qu'ils puissent reprendre en main leur santé et puis reprendre en main leur vie.

À ce jour, on a des ententes conclues avec des ressources communautaires dans lesquelles on va, à toutes les semaines ou à toutes les deux semaines, rencontrer les gens sur place. On fait affaire aussi avec les intervenants, qui ont souvent aussi des questions, qui sont préoccupés par l'état de santé ou la situation de certaines personnes en particulier. Alors, ils viennent nous rencontrer, et c'est là qu'on va faire les démarches, qu'on va commencer à rencontrer la personne puis voir avec elle, bon, dans quelle mesure on peut l'aider, on peut répondre à ses besoins de façon à ce que son niveau de vie ne se détériore pas plus qu'il ne l'est là.

C'est 12 cliniques actuellement dans lesquelles on va, 12 cliniques biopsychosociales qui ont été montées dans ces ressources-là, à même ces ressources-là. Et, comme je vous dis, c'est ça, c'est des ressources dans lesquelles on va aller de façon régulière. Et c'est ça qu'on trouve important aussi, que ce soient les mêmes personnes, les mêmes intervenants qui puissent être présents, qui puissent y aller de façon régulière et de façon... c'est ça, dans le fond de fournir les mêmes visages, tout le temps les mêmes visages et tout le temps la même régularité dans le suivi de ces personnes-là. Pour nous, c'est quelque chose qui est très important.

Et puis on a regardé, à un moment donné, qu'est-ce qui faisait que... Est-ce que ça fonctionne, cette approche-là? Est-ce que ça ne fonctionne pas? Est-ce que c'est un modèle qui est viable ou pas? Est-ce que ce type de «reaching out» là, c'est quelque chose qui est aidant? Et puis, l'année passée, on a fait affaire avec une équipe de recherche du Centre affilié universitaire du CSSS Jeanne-Mance. Moi, je suis un ancien du CSSS Jeanne-Mance, un ancien de l'équipe Itinérance, un ancien de l'Urgence psychosociale aussi, alors je connaissais un peu ces... je connaissais ces ressources-là et je me suis dit: Bien, on va aller voir, on va aller vérifier si on ne peut pas avoir une recherche avec eux autres, qui pourrait nous guider dans le fond sur ce qu'on fait, et comment on le fait, et qu'est-ce que ça donne en réalité sur le terrain, qu'est-ce qu'on apporte à ces gens-là, est-ce que c'est vraiment aidant ou si on fait juste, dans le fond, dédoubler des services qui seraient accessibles autrement. Et, avec cette...

Le centre affilié universitaire a accepté. On est allés chercher une subvention, on a réussi à l'avoir. Ça n'a pas été facile, on a réussi quand même à avoir cette subvention-là qui a permis de vérifier quels étaient les impacts sur les clientèles, sur le bien-être de ces gens-là, est-ce qu'on a amélioré le bien-être ou on faisait juste répondre à un mal-être puis à continuer d'enfoncer ces gens-là dans leur mal-être puis créer un phénomène qu'on ne voulait pas. Nous, ce qu'on voulait, c'est créer un phénomène qui était aidant, qui éviterait la traversée du pont et qui éviterait encore d'envoyer des gens au centre-ville puis de permettre au moins une rétention chez nous en travaillant avec le réseau le plus possible.

Et les constats que l'équipe de recherche a faits, c'est que ça répond à des besoins en matière de santé, de base, qui étaient avant ça insatisfaits. Alors, si on regarde dans une approche de bien-être, une approche de ce genre-là, on peut dire qu'il y a un impact à ce niveau-là. Cette approche-là est complémentaire aussi avec celle du réseau communautaire, O.K.? On ne voulait pas créer un système non plus parallèle avec les réseaux communautaires d'intervenants sociaux. On voulait aussi avoir un aspect plus santé, qui allait être vraiment complémentaire avec celui des ressources communautaires. Et on est bien reçus, je vous dirais, dans l'ensemble de ces ressources-là. Ça n'a pas été évident au début parce qu'il fallait comme investir ces ressources-là qui, bon, avec raison ou pas, bon, étaient un peu méfiantes, puis, de fil en aiguille, je pense que le fait d'y aller régulièrement, ça a permis de créer ce lien-là.

n (15 h 20) n

L'autre constat de la recherche, c'est: l'établissement d'un lien stable et régulier à long terme avec les mêmes figures a des impacts sur les conditions de vie, comme je vous disais tantôt. Le fait d'être de façon régulière dans un milieu de vie, ça permet aux gens de s'approcher, ça permet aux gens de tester, de nous tester aussi. Des fois, ils viennent juste faire prendre une pression, des fois c'est une glycémie, des fois c'est une question. L'approche au niveau de la santé est intéressante parce qu'on n'entre pas tout de suite dans les gros problèmes sociaux. De toute façon, ces gens-là ne veulent pas nécessairement qu'on parle de ça, veulent plus qu'on parle de qu'est-ce que... Ces gens-là ont des projets d'avenir, ont des idées, veulent pouvoir aussi s'émanciper dans notre société, être bien, être mieux, améliorer leurs conditions de vie, et c'est dans cette optique-là que c'est fait. Enfin, la présence de l'équipe offre une présence non invasive qui permet justement de bien moduler les demandes puis de bien fournir les informations ? déjà quatre minutes!

Les constats généraux. On peut dire que ça a un impact sur l'accessibilité aux services pour ces gens-là qui sont démunis. Il y a un établissement de réseau intégré de services qui se fait, pour nous, en tout cas, au niveau de l'Équipe itinérante, à l'intérieur du réseau communautaire, il y a vraiment une belle collaboration, mais je vous dirais que ça va plus au-delà de la collaboration, ça va vraiment à l'investissement de la ressource, et c'est vraiment porteur, et c'est vraiment une approche qui est utile pour tout le monde.

Je voulais juste vous préciser aussi que, notre équipe, on n'est pas la seule qui faisons ça. Vous avez le CSSS Jeanne-Mance. Nous, c'est un modèle qu'on a développé à partir du CSSS Jeanne-Mance, qui a une équipe itinérante. Vous avez un modèle à Sherbrooke, le CSSS de Sherbrooke qui a développé un modèle semblable. Vous avez un modèle à Gatineau aussi qui a un modèle semblable. Et, à chaque année, nous, on essaie de se voir, de se rencontrer pour essayer de discuter de ça puis voir qu'est-ce qui se passe, comment on peut arriver ensemble à développer encore plus cette approche-là pour permettre à ces gens-là d'obtenir les bons services aux bons endroits et de façon à ce qu'on améliore leurs conditions de vie.

En terminant... Il doit me rester deux minutes à peu près?

Le Président (M. Kelley): Trois.

M. Coiteux (Yvan): Nous, on pense que le développement ? en tout cas, moi, je le pense ? notre équipe pense que le développement des infrastructures des régions, ce serait très aidant. Moi, ça m'arrive encore de demander ou de dire aux gens qu'il va falloir qu'ils traversent parce que je n'ai pas de ressource de disponible parce que, mes maisons de chambres avec qui je fais affaire habituellement, il n'y a pas de disponibilité. Alors, oui, ça arrive, c'est une réalité. Et je ne suis pas très satisfait de ça, mais je me dis qu'il faut travailler dans le fond à développer plus à Laval cet aspect-là. Quand on avait le Saint-Claude et qu'on avait le répit-dépannage, ce n'était pas rare qu'on voyait les gens de la couronne nord nous envoyer aussi leurs personnes qui étaient sans abri parce qu'eux autres non plus n'avaient pas de ressources et devaient aussi composer avec ça. Alors, on devait composer avec cet échange-là.

On croit aussi que ça prend un porteur au niveau du dossier, un porteur qui va pouvoir récupérer tous ces projets-là, en tout cas pour le Québec, en tout cas, puis voir vers qui on peut se tourner lorsqu'il est question de parler d'itinérance, lorsqu'il est question d'avoir des réponses, lorsqu'il est question de mettre tout ça en commun, vers qui on peut se tourner, parce qu'actuellement il y a les agences, mais il y a beaucoup aussi de personnes, et on ne sait pas trop, trop vers qui... qui est le porteur de dossier principal dans tout ça.

En terminant, je veux juste vous dire que, notre approche, on a reçu un prix en 2004, le prix des approches prometteuses du gouvernement fédéral. On est subventionnés actuellement à 50 % par le fédéral, par IPLI. Avant ça, on l'était à 100 %. Le CSSS s'est impliqué, et on est très contents de ça. Et, en 2007, on a eu une mention spéciale dans le cadre du prix d'excellence du ministère de la Santé et des Services sociaux. Et, bon, on continue à faire valoir cette approche-là. On pense que c'est une approche qui est terrain, qui est très valable pour les personnes qui sont démunies et que ça rapproche beaucoup les services de ces personnes-là.

Le Président (M. Kelley): Un dernier mot, Mme Séguin.

Mme Séguin (Nicole): Bien, oui, c'est ça, j'aurais le temps de rajouter quelques mots. Je voulais peut-être revenir sur le fait qu'à Laval il y a un très beau partenariat, une belle collaboration, Yvan l'a mentionné, avec les organismes communautaires du milieu.

D'ailleurs, c'est un de nos volets, à l'Équipe itinérante, on a mis en place le réseau, le ROIIL, vous allez les entendre tantôt. On coordonne un petit peu les activités parce qu'on sait que les organismes ont des missions premières qui ne sont pas nécessairement l'itinérance, donc je pense que ça les aide beaucoup, là, qu'on soit là pour un peu encadrer tout ça. Et c'est de là d'ailleurs qu'a été... Comment je dirais, donc? Il y a un sous-comité qui a été formé justement parce qu'on a évalué les enjeux à Laval, et le principal enjeu qu'on trouvait à ce moment-là, c'était vraiment la question de l'hébergement. Et, à ce moment-là, on a fondé justement l'organisme, là, pour lequel on a parlé tout à l'heure, là, pour lequel la ville avait refusé en tout cas l'avancement du projet. Vous allez en entendre parler encore.

Mais tout ça pour vous dire qu'il y a une belle concertation, mais c'est sûr qu'il y a des volontés, là, qui doivent se mettre en place aussi à d'autres niveaux. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Séguin. Je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Gatineau pour une période d'échange avec les membres de la commission.

Mme Vallée: Alors, bonjour. Je voulais souligner la présence de M. Corbeil. Bonjour, M. Corbeil, ça fait plaisir de vous retrouver dans un autre contexte, dans un autre milieu également.

Le projet mis de l'avant par votre Équipe itinérante est très intéressant. Vous avez soulevé évidemment la problématique. Parce que, même si on a les meilleurs intervenants, les meilleures volontés de travailler sur le terrain, d'aller au-devant de la problématique, sans ressource d'hébergement, sans ressource de répit, ce n'est pas toujours évident d'offrir un service qui est complet.

Vous avez parlé un petit peu d'un projet. J'aimerais vous entendre davantage sur le projet qui... Je crois que c'est le projet Aviron. C'est ça? J'aimerais vous entendre davantage. Puis j'aimerais également vous entendre sur les circonstances qui ont amené la fermeture du Saint-Claude, parce que ça ne semble pas être tout à fait très clair et un petit peu nébuleux. Qu'est-ce qui a amené la fermeture de l'organisme qui offrait un service d'hébergement? Et qu'en est-il, là, des démarches mises de l'avant pour L'Aviron?

Mme Séguin (Nicole): Vous posez la question...

Le Président (M. Kelley): Mme Séguin.

Mme Séguin (Nicole): Pardon? Oui?

Le Président (M. Kelley): Mme Séguin.

Mme Séguin (Nicole): Merci. Vous posez la question, et j'aurais envie de la poser également moi-même. Ça reste nébuleux pour ce qui est du Saint-Claude, en ce qui me concerne en tout cas. S'il y en a qui ont des réponses, ce serait apprécié de commenter.

Pour ce qui est de L'Aviron, c'est un organisme, un OSBL, là, d'hébergement d'urgence qui a été fondé très récemment et ça a été issu de la table de concertation justement, des partenaires qui se sont mis ensemble pour mettre en place cette ressource-là. Donc, évidemment que cette ressource-là doit être financée par IPLI, donc il y a des montants d'argent qui doivent provenir... C'est un montage financier. Il y a également d'autres partenaires aussi. Et ce qui arrive actuellement, c'est que, comme c'est un hébergement d'urgence, on doit faire affaire aussi avec le programme AccèsLogis. En tout cas, bon, vous allez en entendre parler avec la présentation du ROIIL tantôt. La directrice générale de cet organisme-là est beaucoup plus en mesure que moi de vous donner des explications. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on a initié le projet, et je pense que c'était vraiment d'une importance capitale à Laval, là.

Mme Vallée: Parce que, là, actuellement, si j'ai bien compris les présentations que vous avez faites et qui ont été faites avant vous par les gens de la ville de Laval, les gens sont redirigés vers la région de Montréal parce que... en tout cas pour ce qui est... Ce que j'ai compris, là, c'est que, pour l'itinérance chronique, je dirais, ou plus permanente, plus encadrée, on a entendu tantôt la ville de Laval qui nous disait: Bien, en fait, on a dû judiciariser. Donc, en judiciarisant, l'individu a été incarcéré. De ce fait, l'incarcération, ça ne se fait pas sur l'île de Laval. L'incarcération s'est faite possiblement aux environs. Donc, il y a de fortes chances que cette personne-là se soit retrouvée à Montréal. Parce qu'on s'entend que, si c'est il y a un an, là, c'est rare que les gens, s'ils ont commis des délits mineurs, vont être incarcérés pour des périodes aussi longues, à moins qu'il y ait une accumulation de méfaits. Mais alors, si je comprends bien, indirectement on redirige les gens vers Montréal actuellement, faute de ressources.

M. Coiteux (Yvan): Ah mais, actuellement, je vous dirais que oui. On a vécu l'expérience en ayant un hébergement à Laval, le Saint-Claude. Puis, nous, quand on y va, au Saint-Claude, il n'y a pas juste des gens de Laval, là, il y a des gens de Sainte-Thérèse, des gens de Deux-Montagnes, des gens de Mont-Laurier, il y a des gens de partout qui étaient envoyés. Puis on se disait: Bien... Puis, à un moment donné, il faut mettre... À un moment donné, le Saint-Claude a mis certains critères parce que, là, sinon, c'était tout le temps plein, et puis les gens de Laval n'avaient même pas accès dû au fait qu'il y avait une pression des régions d'envoyer les gens...

Ça fait qu'il y a une pression. Il y a un rapprochement, moi, je pense, en tout cas, des régions qui lancent leurs clientèles du fait qu'ils ne peuvent pas soutenir ces gens-là dans leur milieu, et, bon, on les transfère de région en région jusqu'à ce que, bon, on se rapproche de Montréal, là. Pour moi, c'est... Pardon?

Mme Vallée: ...en dehors de Laval, il n'y a rien qui est... il n'y a rien actuellement?

n (15 h 30) n

M. Coiteux (Yvan): Il y a des ressources que ce n'est pas leur mission première qui vont héberger. Une ressource pour les personnes qui ont le sida hébergeait des gens qui étaient sans abri. Ce n'est pas leur mission première. Ils ont ouvert à ça parce qu'ils avaient des places de disponibles, mais ce n'était pas leur mission première. Alors, les régions font avec ce qu'elles peuvent, et, nous, on fait avec ce qu'on peut, actuellement. Et on a des contacts, là. Ça fait huit ans, là, que je suis là-dessus, moi, puis j'en ai eu, des contacts dans le réseau. Mais, à un moment donné, les chambres sont pleines, les chambreurs qu'ils prennent, les clients...

Puis c'est des gens qui veulent bien prendre de ces clientèles-là qui sont des clientèles de dernière ligne, là. Avant le pont, ce n'est pas le Hilton, ces endroits-là, là, ça reste des statuts précaires comme chambres, puis on les a quand même. Mais on fait attention aussi parce qu'on n'envoie pas quelqu'un non plus dans un endroit où est-ce que ce n'est pas vivable non plus. Des fois, c'est peut-être mieux de l'envoyer au centre-ville, dans un endroit où c'est vivable, que de l'envoyer dans un... passez-moi l'expression, mais dans un trou qui... ça ne fera rien de plus pour lui là. Alors, c'est ça. Mais il y a une pression effectivement de l'extérieur, des régions, vers là où il y a une ressource d'hébergement.

Mme Vallée: Vous avez soulevé, tout à l'heure, la nécessité de la reconduction du programme fédéral pour, entre autres, votre projet, le projet Aviron. Est-ce que justement ce qui a été annoncé en septembre dernier, est-ce que ça répond à vos besoins ou aux besoins de votre table?

M. Coiteux (Yvan): Vous voulez dire la subvention...

Mme Vallée: Fédérale.

M. Coiteux (Yvan): Fédérale?

Mme Vallée: L'IPLI, c'est ça.

Mme Séguin (Nicole): Bien, le prolongement de cinq ans? C'est de ça que vous parlez?

Mme Vallée: Oui.

Mme Séguin (Nicole): Bien, c'est sûr que tous les projets qui sont actuellement financés reçoivent bien cette nouvelle, oui.

Mme Vallée: Merci. Oui?

M. Corbeil (Daniel): Ça a obligé un petit peu le CSSS aussi à se positionner, et à croire au modèle, et à investir comme CSSS aussi pour maintenir cette activité-là à travers une subvention qui diminuait, qui était... qu'il y a eu des choix aussi de partager, que cet argent-là puisse aller au communautaire plutôt que de s'en servir au niveau... Il y a eu des orientations comme ça qui ont été faites à Laval, au CSSS, pour réussir à maintenir ces activités. Mais par contre, d'entrée de jeu, comme je disais, cette précarité-là est toujours là parce que nos partenaires communautaires, c'est au quotidien, dans leur mission, qu'ils répondent, donc malgré un fil conducteur qu'on essaie de mettre, avec l'Équipe itinérante, en itinérance, qui gravite...

Puis je pourrais dire, pour la question que vous avez posée d'entrée de jeu, le partenariat fait aussi... Il y a eu la décision de la ville de Laval. C'est aussi un réseau qui se mobilise, c'est aussi des gens qui s'informent pourquoi, c'est quoi, les raisons, puis, en cours de route, le travail se fait. Il peut y avoir différend, mais cette volonté-là, et ce besoin-là est émis par le CSSS avec son partenaire, la ville, à travers les différends pour arriver à trouver la solution, et ce qui se développe actuellement.

Mme Vallée: Merci.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Merci beaucoup. M. le député de Bellechasse.

M. Domingue: Alors, bonjour, bienvenue à la commission. Ça nous fait plaisir de vous accueillir. Et merci pour le dépôt de votre mémoire. Moi, je suis critique officiel en services sociaux. Vous allez me permettre de démêler un petit peu. Surtout, là, vous parliez du cyclone et de L'Aviron.

Mais avant je veux arriver sur quelques états de situation, là, que vous décrivez. Vous dites qu'à Laval il y a 18 % de votre population qui est à faibles revenus. Vous parlez de 600 personnes qui sont en extrême pauvreté. Et ce qui est surprenant, c'est que vous dites que 70 % des personnes itinérantes à Montréal viennent des régions périphériques et de d'autres provinces. Alors ça, moi, pour moi c'est un grand étonnement, là, quand je vois ça d'inscrit, là. Vous parlez de 70 %. Je vois que vous avez fait un état de situation en 2000, qui a été fait, je pense, par la Régie régionale de la santé et des services sociaux.

Ma première question est assez simple. Ce que je comprends, c'est qu'il y a des organismes... Et vous me permettrez, là, de me démêler. Il y a des organismes du milieu qui se mobilisent pour avoir une ressource pour l'itinérance dans votre milieu, puis je vois que, du côté de la ville de Laval, il ne semble pas y avoir, là, jusqu'à présent, nécessairement, une volonté, ou du moins ? pour ne pas parler de conflit, là ? ça semble n'être pas fait d'avance, là. Alors, quelle est cette ressource? Est-ce que, là, on parle du cyclone ou de l'Aviron, là? Parce que cyclone, est-ce que...

Une voix: ...

M. Domingue: Bien, je m'excuse, St-Claude. Excusez.

Mme Séguin (Nicole): St-Claude, oui, oui.

M. Domingue: Excusez le lapsus. Est-ce que c'est une...

Mme Séguin (Nicole): Je pensais que vous parliez de la tornade.

M. Domingue: Non, non, non. Bien là, je ne sais pas si c'est une tornade, là, mais... Est-ce que c'est un organisme qui existait, qui n'existe plus?

Mme Séguin (Nicole): C'est ça.

M. Domingue: O.K. Et là vous êtes en train de remplacer cet organisme qui existait, qui n'existe plus, par un autre.

Mme Séguin (Nicole): Qui s'appelle L'Aviron.

M. Domingue: Qui s'appelle L'Aviron. O.K. J'ai été surpris aussi, quand vous parliez des régions, tantôt. Je connais assez bien Laval, j'ai déjà demeuré de nombreuses années à Montréal. Et je suis député de Bellechasse. Vous comprendrez que Bellechasse, c'est vraiment une région, là. Laval, c'est très collé sur Montréal, là. Je peux comprendre que, quand on est dans une population, dans une région comme Laval, d'avoir des services à Laval, c'est compréhensible. Mais, de tous les intervenants que j'ai entendus, il se développe énormément de services à Montréal actuellement. Et c'est une gamme de services qui à mon avis, avec son développement, répond de plus en plus. Et, si 70 % de la population se retrouve ici, il est probablement normal que ces services-là se développent. Alors là, vous revendiquez ou vous demandez qu'on se retrouve à avoir des services dans votre région. Est-ce que vous pensez que, si demain matin il y avait ces services-là, on se retrouverait avec pas mal moins d'itinérants à Montréal? Moi, j'essaie de démêler tout ça.

M. Coiteux (Yvan): C'est une bonne question. C'est une bonne question. Moi, je n'ai pas la réponse à ça. Je me dis, il y a un problème montréalais au niveau de l'itinérance puis il y a un problème de vagabondage dans les régions. Est-ce que ce n'est pas en développant justement les régions puis en pouvant contenir ces populations-là qu'on va arriver justement, peut-être pas à endiguer le problème de l'itinérance mais au moins à donner un coup de main à ces régions-là pour éviter de dénaturer ces personnes-là, qu'ils les envoyent dans un milieu où ils ne connaissent rien, où leur réseau social n'est pas là du tout, où le réseau familial n'est pas là?

Puis des fois l'itinérance, c'est une mauvaise chance, dans la vie, qui passe et puis malheureusement pour ceux qui sont épisodiques puis ceux qui sont situationnels. Pour ceux qui sont chroniques, c'est une autre paire de manches parce que ça se prépare depuis longtemps. Mais, ceux qui sont plus situationnels, ces gens-là, on va en retrouver beaucoup à Laval. Ce n'est probablement pas... ce n'est peut-être pas la meilleure idée de les envoyer dans un réseau qui offre une stagnance aussi. Je ne dis pas que les services ne sont pas bons. Ils sont excellents, les services, à Montréal. J'ai travaillé dans les ressources. Je travaillais dans les ressources, on avait le même projet, tout ça. Ce que je dis: Est-ce qu'à un moment donné on va pouvoir, en région, contenir nos populations, puis les garder dans nos régions, nos populations, puis éviter de les faire chevaucher à Montréal dans un réseau où on tourne en rond?

On peut vivre 24 heures sur 24, sept jours sur sept à Montréal, là. Moi, demain matin, là, je sais quoi faire, je sais où aller, je sais quoi faire, je sais à quel centre de jour aller, je sais où aller coucher, je sais à quelle heure me présenter. Mais, en région, ce n'est pas comme ça que ça se passe. En région, on peut vivre dans une cabane, chez Rona, en démonstration, puis vivre dans son auto. On peut vivre dans une entrée de bloc-appartements, dans un guichet automatique. Ici aussi, au centre-ville. Mais, à part de ça, qu'est-ce qu'on offre à ces gens-là? Est-ce qu'on leur offre une amélioration de leur... Est-ce qu'on améliore leur bien-être en les envoyant à Montréal? Moi, c'est la question que je pose, que je me pose. Est-ce que c'est vraiment ça? Est-ce que je ne les mets pas dans la gueule du loup?

Alors, moi, je suis pris. Lorsque j'ai à faire traverser quelqu'un, j'y pense deux fois avant de le faire parce que je me dis: Est-ce qu'il a suffisamment de... Est-ce qu'il va revenir? Est-ce qu'il va revenir ou il devra rester au centre-ville? Est-ce que je vais pouvoir faire mon suivi avec lui? Là, je le fais parce que je suis en contact avec le CSSS Jeanne-Mance puis j'essaie qu'on ait des liens ensemble, de les développer davantage, puis qu'on essaie de travailler mieux ensemble, puis ça marche. Mais ce n'est pas évident toujours. Il faut les retracer, ces personnes-là aussi, au centre-ville. Il y a une concentration de ressources, mais il y a beaucoup aussi de ressources, et ce n'est pas évident, localiser quelqu'un au centre-ville, là.

M. Domingue: Merci pour votre franchise.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Lorsqu'on parle itinérance, c'est bien évident qu'il y a différents couloirs. Entre autres, on parle de santé mentale, on parle de toxicomanie, on parle d'alcoolisme, on parle... Et je faisais un peu la lecture de l'inventaire des liens et des ententes formelles ou informelles que vous avez avec les différentes ressources, puis, au niveau de la désintoxication, à ma mémoire, il y a des ressources qui sont situées à Laval.

M. Coiteux (Yvan): Oui, il y a des ressources en toxicomanie à Laval. Pour ce qui est des désintoxications physiques, il n'y en a pas. Ça, à ce moment-là, il faut faire affaire avec l'Hôpital Saint-Luc, avec d'autres...

n (15 h 40) n

M. Dorion: Qu'est-ce que vous entendez par «physiques»? Les centres de désintox...

M. Coiteux (Yvan): Alcoolisme, quelqu'un qui est en sevrage d'alcool. À ce moment-là, à Laval, il n'y a pas de désintoxication médicale qui se fait. Parce qu'il y a des sevrages importants, là, puis ça prend une supervision médicale. Il n'y a pas ce service-là.

M. Dorion: Mais il n'y a pas de centre de désintox à Laval qui offre de l'hébergement?

M. Coiteux (Yvan): Oui, il y a Le Maillon qui existe à Laval, il y a Un Foyer pour toi qui existe, qui offre... je ne sais pas trop, trop c'est combien de temps, là, mais je pense que c'est quelques semaines pour la désintox, puis ensuite de ça un suivi, ces choses-là.

M. Dorion: On parle d'itinérance, entre autres, puis, je veux dire, à ma connaissance, moi, je veux dire, les centres de désintox reçoivent aussi les itinérants. Je ne comprends pas ne pas l'avoir vu dans vos partenaires. Autrement dit, lorsque... Et le groupe qui vous a précédés mentionnait, entre autres, cette problématique-là. Parce qu'il y a différents couloirs, puis on... Quelqu'un fait appel, en soi, à avoir une désintox ou de l'hébergement parce qu'il a une problématique. Je veux dire, ce n'est pas écrit, là, dans le front que nécessairement, que cette personne-là est une personne sans abri, ou qui vient de perdre son logement, ou qui... Puis je ne le vois pas dans vos partenaires. Y a-t-il une raison? Parce que c'est un besoin. Ce que je comprends, c'est que, quand quelqu'un a à utiliser, dans votre population, un service de désintoxication et que ce soit une personne itinérante ou peu importe... va à l'extérieur.

M. Coiteux (Yvan): On va les retrouver, ces partenaires-là, au niveau du Réseau des organismes et intervenants en itinérance, le ROIIL, ces gens-là. On se rencontre une fois... c'est cinq fois par année. C'est ça, ces ressources-là sont présentes à ce niveau-là. Et puis, pour les entrées, je vous dirais, c'est correct. C'est-à-dire ce n'est pas un... on n'a pas d'entente de service pour aller sur place dans ces ressources-là. Exemple, au Maillon, ils ont quand même toute une structure bien organisée, bien encadrée pour recevoir ces personnes-là. Ils n'ont pas besoin de nous autres parce qu'ils ont quand même une infirmière ou des services médicaux sur place. Alors, ce n'est pas un partenaire où on va aller, ce n'est pas notre partenaire communautaire comme, je vous dirais, l'Oasis, le CAFGRAF ou le Relais communautaire, où on va aller de façon hebdomadaire rencontrer ces gens-là.

Le Président (M. Kelley): M. Corbeil, un complément de réponse?

M. Corbeil (Daniel): Oui. C'est juste le... Effectivement, le partenariat avec Le Maillon va se faire à l'intérieur du CSSS beaucoup, beaucoup sous l'angle de la santé mentale. Sous l'angle de travail, actuellement, on est à développer une équipe d'intervention spécifique à partir de l'urgence justement pour pouvoir mieux cibler la clientèle puis pour pouvoir la développer en lien de partenariat au niveau de la crise qui peut être à travers tout ça. C'est beaucoup plus sous cet angle-là. Comme M. Coiteux vous présentait tantôt le modèle de cliniques qui va... c'est dans les groupes communautaires, c'est plus dans cette partie-là. Mais le partenariat avec Le Maillon, il est important, mais il est à développer. On a aussi des financements actuels, sur le territoire, que Le Maillon a pour développer des plages d'hébergement à ce niveau-là. Mais c'est essentiel effectivement parce que c'est entrecoupé.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, messieurs dame, merci beaucoup de participer à cette commission. C'est extrêmement intéressant de voir toutes les ressources qui se mobilisent autour de ce phénomène de détresse, si on peut dire, hein, qu'est l'itinérance. Mais en même temps on voit qu'il semble y avoir quelques problèmes au niveau de la coordination, au niveau de l'interaction. On parlait tout à l'heure... j'interrogeais votre collègue de la ville de Laval au sujet de l'itinérance chronique. J'aimerais avoir votre lecture. Est-ce que vous avez la même lecture, qu'il n'y a pas d'itinérance chronique à Laval, dans un premier temps?

M. Coiteux (Yvan): Si on entend l'itinérance chronique quelqu'un qui vit à la rue, qui traîne ses sacs, et tout ça, effectivement ce n'est pas une majeure, là, à Laval.

Mme Lapointe (Crémazie): ...à Montréal, à ce moment-là, c'est ça?

M. Coiteux (Yvan): Bien, on imagine que oui parce que de toute façon ces gens-là, qu'on intervienne ou qu'on n'intervienne pas, ces gens-là vont vite se rendre compte qu'à Laval ils n'ont pas d'infrastructure pour les accueillir.

Mme Lapointe (Crémazie): C'est ça.

M. Coiteux (Yvan): Alors, ils vont s'en retourner. En plus, c'est plus accessible maintenant, il y a le métro, alors c'est plus facilement accessible et puis...

Mme Lapointe (Crémazie): C'est ça. C'est ça, il y a le métro, c'est vrai.

M. Coiteux (Yvan): C'est une grande ville.

Mme Lapointe (Crémazie): Vous indiquez que vous avez mis sur pied un réseau de sentinelles ? je ne sais pas si vous en avez parlé tout à l'heure ? de sentinelles entre guillemets, là, dans certains hôtels et commerces, c'est-à-dire...

Une voix: ...

Mme Lapointe (Crémazie): Pas des sentinelles policières, non.

M. Coiteux (Yvan): On a mis en place un... Ça, c'est dans le cadre de tout le «reaching out». Ce n'est pas juste, comme je vous disais tantôt, au niveau des ressources communautaires, ça se fait aussi... des centres commerciaux. Un motel, entre autres, qu'on a visé davantage dans le quartier Chomedey, où il y avait des gens qui habitaient là et puis qui vivaient des problématiques avec ces gens-là, des problèmes, que ce soit de santé mentale, des problèmes de toxicomanie, ces choses-là. Et on a établi des contacts avec ce motel-là et particulièrement avec la femme de chambre, qui nous avisait lorsqu'il y avait des situations qui étaient difficiles. Ça nous permettait, à ce moment-là, d'être plus proactifs dans notre démarche. Parce qu'on ne peut pas être partout, puis Laval, c'est une grande région, c'est très étalé. Bien, à ce moment-là, on a fait l'expérience, et ça a bien fonctionné. Sauf que le motel a été changé...

Ce n'est pas facile, entrer en contact avec ces gens-là parce que c'est des milieux qui sont assez fermés sur eux autres, qui ne veulent pas nécessairement avoir de visite. Ils pensent des fois qu'on est la police ou ils interprètent comme... Mais on essaie le plus possible d'entrer en contact avec ces gens-là puis d'aller chercher leur accord pour pouvoir intervenir en amont, avant que ces gens-là se retrouvent trop handicapés ou qu'ils ne soient plus capables de demeurer là puis qu'ils soient dans le fond envoyés encore à Montréal.

Mme Lapointe (Crémazie): Je reviens sur la question évidemment de l'hébergement d'urgence. Je pense que tout le monde semble d'accord que c'est essentiel, vous l'avez très bien expliqué tout à l'heure. Est-ce que vous êtes parmi ceux qui revendiquez? Est-ce que c'est une question budgétaire? Qu'est-ce qui pourrait faire débloquer ça?

M. Coiteux (Yvan): Est-ce qu'on revendique? Il y a une question d'hébergement, il y a une question de revenus, il y a une question de ressources, dépannage alimentaire, il y a une question d'avoir un leader au niveau du dossier, c'est toutes des questions, mais il y a une question aussi de savoir établir des liens avec ces gens-là, avec ces gens-là qui vivent dans une précarité. Et, quand on est en mesure de le développer, ce lien-là, tout ça, c'est important, mais je pense qu'il faut aussi penser à la continuité dans tout ça, que ce n'est pas juste une ressource d'hébergement. C'est correct, mais ce n'est pas juste ça non plus.

Si on est capables d'être dans les ressources d'hébergement, de le créer, ce lien-là, d'avoir un suivi avec ces personnes-là puis, tranquillement pas vite, de voir comment on peut l'améliorer, le bien-être de cette personne-là, avec lui, avec elle, comment on peut l'accompagner au travers de ces étapes-là... Des fois, c'est long puis des fois ça se fait assez rapidement parce qu'il y en a qui se mobilisent rapidement, mais il suffisait juste d'être là au bon moment. Ça fait que, oui, c'est une question de tout ça, mais en même temps aussi c'est une question de comment on reste en lien avec ces clients-là. S'ils s'en vont partout, on n'est pas en lien.

Mme Lapointe (Crémazie): J'ai une autre petite question. Vous avez été choisis à travers une centaine d'organismes par le secrétariat national canadien des sans-abri, hein, pour la création... Vous avez été parmi les cinq projets retenus pour la création de votre équipe. Bien, félicitations, premièrement.

Moi, ça me fatigue un petit peu. Depuis le début de nos travaux, on se rend compte que ça prendrait un endroit, un lieu, un genre de guichet unique au Québec, hein, pour l'itinérance. Dans le cadre de vos relations avec le Secrétariat national des sans-abri...

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Lapointe (Crémazie): Oui, c'est vrai, M. le Président, pour une fois, je trouve que le Canada a eu une bonne idée, là.

Le Président (M. Kelley): C'est bien noté.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lapointe (Crémazie): Dans le cadre de vos échanges avec eux, est-ce que vous trouvez que ça facilite les choses? Est-ce que vous trouvez que c'est une belle initiative et qu'on pourrait s'en inspirer peut-être au Québec?

M. Coiteux (Yvan): Vous voulez dire du modèle de...

Mme Lapointe (Crémazie): Du Secrétariat national lui-même, en fait.

M. Coiteux (Yvan): Du Secrétariat national?

Mme Lapointe (Crémazie): Je comprends que c'est celui qui donne les subventions dans le cadre d'IPLI puis que ça a été un peu aléatoire. Mais le secrétariat lui-même, est-ce que ça vous a aidés dans vos démarches, dans vos demandes?

n (15 h 50) n

M. Coiteux (Yvan): Écoutez, moi, ce que je peux vous dire, c'est parce que ce n'est pas moi qui fais les demandes, alors ça a sûrement aidé celle qui a fait la demande, la personne qui l'a faite. Moi, je suis un intervenant. C'est sûr que ce type de financement là, ça aide à développer des projets innovateurs, ça aide à aller de l'avant, arrêter de répéter les mêmes solutions aux mêmes problèmes, parce que je pense qu'on ne réglera pas rien, à ce moment-là. Le fait qu'on puisse innover puis qu'on puisse avoir aussi la liberté de le faire... Et puis ça, il faut donner crédit à nos gestionnaires, là. Ce n'est pas parce qu'il est là que je dis ça, mais il faut leur donner crédit aussi, à ce niveau-là. Je pense qu'ils ont compris l'essence même de ce projet-là puis du pourquoi on le faisait. Et puis je pense qu'il y a une question aussi d'implication de la gestion, à ce niveau-là. Alors, c'est ça.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, merci beaucoup pour votre témoignage, pour la perspective lavalloise, c'est très intéressant.

Je vais suspendre quelques instants. Et je vais demander maintenant à notre troisième groupe de Lavallois, le Réseau des organismes et intervenants en itinérance de Laval, de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 51)

 

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Kelley): Alors, je demande à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît. On va continuer sur notre tour des intervenants dans la question de l'itinérance dans la ville de Laval. Et le troisième... Je ne sais pas, Mme Pagé peut-être. Alors, je vais vous laisser le soin de présenter votre groupe, et donc c'est à vous, la parole.

Réseau des organismes et intervenants
en itinérance de Laval (ROIIL)

Mme Pagé (Carol): Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Alors, c'est ça, alors on se présente, on est le Réseau des organismes et intervenants en itinérance de Laval, qui est créé depuis janvier 2007. Alors, à mes côtés, j'ai M. Guy Boisvert, d'Oasis, Unité mobile d'intervention; à ma droite, j'ai Janie Fortin, qui est directrice de L'Aviron, Hébergement communautaire et qui va faire une intervention avant que je débute mon mémoire parce que je pense qu'il y a beaucoup de questions pour savoir où est-ce qu'on en est avec L'Aviron, ça fait que je pense qu'on va mettre la situation au clair, en partant; et ensuite, il y a Corine Vanderbilt, qui est à côté, ici, qui est du Relais communautaire...

Une voix: ...

Mme Pagé (Carol): ...Vanderborght, pardon ? ce n'est pas évident, son nom de famille ? qui va tantôt, comment je peux dire, participer à l'échange pour vous faire un exposé au niveau en tout cas de la population itinérante à Laval. Ça fait que donc je passerais la parole à Mme Fortin, à mes côtés, pour clarifier les questions qui étaient soulevées par Mme Lapointe surtout, depuis tantôt.

Le Président (M. Kelley): Merci, Mme Pagé.

Mme Fortin (Janie): Carol Pagé, directrice du Travail de rue de l'île de Laval.

Mme Pagé (Carol): Et voilà.

Mme Fortin (Janie): On se connaît tous très bien.

Le Président (M. Kelley): ...alors, Mme Fortin.

Mme Fortin (Janie): Bon. Je suis la directrice de L'Aviron, Hébergement communautaire. Vous avez reçu un document avec l'arrière qui est noir. Si vous l'avez, il y a un point qui vient de disparaître comme par magie, qui s'appelle le point 1.6, Laval refuse l'hébergement à Laval, la ville refuse... J'en ai soumis un nouveau...

Une voix: ...

Mme Fortin (Janie): Oui, c'est une excellente nouvelle. J'en ai soumis un nouveau ce matin, qui a une couverture qui va plutôt être beige, je ne m'en rappelle pas...

Une voix: ...

Mme Fortin (Janie): C'est ça. Ça, c'est le bon, ça. Alors, oui, il y a eu des modifications. Lundi matin, j'ai reçu un appel du service d'urbanisme, la Direction de l'urbanisme de Laval, qui conviait L'Aviron à venir discuter de critères de localisation pour le futur hébergement d'urgence. On ne vendra pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué, mais disons que ça augure très, très, très bien. Peut-être que le fait qu'il y avait des audiences a facilité notre dossier, alors on va l'apprécier également, mais je crois qu'il y avait déjà une préoccupation depuis de nombreuses années, alors on va rendre ce qui est là. Je demeure toujours disponible, si vous le souhaitez, M. le Président, à être invitée à vous donner les résultats d'ici la fin de votre commission, si vous le souhaitez, mais ce sera à votre discrétion.

Une voix: Les travaux ne se termineront pas tant que vous n'aurez pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Fortin (Janie): C'est écrit où, ça? Où est-ce que ça va être...

Une voix: ...

Mme Fortin (Janie): C'est enregistré? C'est bon, ça. Alors, c'est ça. Puis je vais en profiter également pour souligner qu'on en rit beaucoup, mais Laval, c'est tissé très serré, alors au niveau du CSSS, de la municipalité, de l'agence de santé et services sociaux, de Service Canada. Alors, quand on parle de pourquoi c'est refusé, et tout ça, oui, nous nous connaissons tous, on se rencontre cinq fois par année avec le ROIIL, ce sont les rencontres formelles. Il y en a une multitude qui se font et qui ne sont pas sous l'appellation ROIIL, mais tous les partenaires sont rencontrés régulièrement à différents niveaux. Alors, à ce niveau-là, ça va très, très, très bien. En espérant que la mise au point vous aide.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la mise au point. Alors, Mme Pagé, vous allez continuer, maintenant?

Mme Pagé (Carol): Oui, oui, d'accord. Alors, c'est ça. Avant de débuter, j'aimerais ça en tout cas vous présenter que, nous, comment je pourrais dire, autant dans la dernière recherche qui a été faite, Second regard sur l'itinérance à Laval, que sur le mémoire qu'on va vous déposer aujourd'hui, on a décidé de ne pas présenter notre réalité de façon quantitative parce qu'on trouve qu'à Laval, comment je pourrais dire, l'itinérance prend le visage d'une multitude de facettes. Aussi, à cause de la globalité de la problématique, l'itinérance... Tantôt, quelqu'un était préoccupé par la toxicomanie, bon, d'autres aspects, des personnes évincées, au niveau en tout cas de la criminalité ou quoi que ce soit. Et aussi on ne veut pas qu'une seule solution avec un seul partenaire impliqué. Donc, on est un peu obstinés, le ROIIL, en tout cas, les organismes membres du ROIIL, on ne veut pas donner de quantité, on ne veut pas chiffrer pour l'instant parce qu'on veut aller de l'avant plus en termes de solutions à plusieurs que de solution unique avec une problématique unique.

Alors, comme je vous faisais part, on a eu une dernière recherche qui a été produite en 2007, où est-ce que qu'est-ce qui a été intéressant, c'est qu'on a élargi la définition de l'itinérance avec les deux chercheurs, qui étaient M. Paul Carle et Mme Lalie Bélanger-Dion. On a décidé que, pour nous autres, l'itinérance était un peu plus large que les définitions existantes. Donc, pour nous autres, on considère que c'est un processus long et complexe de désaffiliation sociale, marqué par l'affaiblissement des liens sociaux, où interagissent une multitude de services allant d'un programme d'employabilité aux refuges d'urgence, que dans le fond quelqu'un peut se retrouver en situation d'urgence n'importe quand, n'importe où, dans n'importe quelle situation.

Puis je vous dirais que ce qui arrive à Laval, probablement ce qui se passe aussi ailleurs dans d'autres régions, c'est que ça peut affecter M. et Mme Tout-le-monde qui sont dans une classe ouvrière et puis, du jour au lendemain, qui perdent l'emploi, que la famille se désorganise. Bon, le monsieur est déprimé, etc., et graduellement c'est la famille qui éclate, et ensuite, bon, dégringole le restant de l'histoire.

Ensuite, nous, à Laval, on s'entend pour dire qu'une personne à risque d'itinérance ou étant itinérante, c'est une personne, oui, qui a une adresse fixe parce qu'à Laval on n'a pas, comment je peux dire, d'itinérant à la rue, comme on semble en tout cas, là, tu sais, voir ailleurs. Donc, pour nous autres, oui, les personnes peuvent avoir une adresse fixe, mais ils vivent par contre dans des conditions précaires, instables ou insalubres. Donc, à Laval, c'est une réalité qui est existante, en tout cas actuellement.

Puis aussi, comme madame vous disait tantôt, Laval dispose en tout cas, comment je pourrais dire, d'une pluralité, comment je pourrais dire, d'intervenants, de services. Et, moi aussi, je suis d'accord, ça fait 20 ans que j'oeuvre pour les jeunes à Laval, c'est tissé serré, et puis ce qui est intéressant, c'est que Laval, une MRC, une île, une ville, eh bien, bravo, je pense que le fait qu'on soit tout ça nous permet de se rencontrer, de se concerter et d'initier des choses vraiment fantastiques ensemble. Donc, la diversité de nos approches, et tout ça, bien, bravo! En tout cas, je pense que les gens qui travaillent à Laval sont contents de travailler à Laval.

n (16 heures) n .

Alors donc, par contre, tantôt vous avez entendu l'Équipe itinérante du CSSS qui parlait de la fermeture du St-Claude. Ça aussi, c'est une question... Écoutez, je peux peut-être vous éclairer un peu, O.K.? Le St-Claude a fermé parce que, comment je pourrais dire, à l'époque où est-ce qu'il y avait le programme IPAC, il fallait souvent assurer une transition vers IPAC I, IPAC II, O.K.? Et l'organisme, quand ça a été le temps de se rendre jusqu'à la deuxième phase d'IPAC, il a eu beaucoup de difficultés en termes de garder son staff en place, et ça, ça a fragilisé l'organisation tant au niveau financier qu'au niveau, comment je pourrais dire, du personnel en place. Donc, finalement, compte tenu que le St-Claude avait été financé depuis cinq ans par le gouvernement libéral, puis vous savez que les ententes qu'on a avec eux durent cinq ans, puis, une fois que le cinq ans est terminé, bon, on est comme libérés de l'entente de services avec eux... Donc, à ce moment-là, le St-Claude, ça faisait cinq ans qu'il était propriétaire de son immeuble grâce au financement du fédéral. Donc, à cause de la fragilisation de l'organisme, à cause, bon, d'une certaine rupture de services, à cause du programme qui prend du temps de traverser, je vais dire, de la phase I à la phase II, finalement l'organisation a décidé de cesser ses services, le conseil d'administration a pris la décision de fermer boutique, et, à partir de là, la bâtisse qui servait au St-Claude à l'époque a été... en tout cas, je ne sais pas, vendue ou quoi que ce soit...

Une voix: Vendue.

Mme Pagé (Carol): ...vendue au Centre des femmes de Laval. Parce que le Centre des femmes de Laval n'était pas loin de mon organisme à moi, il était limité en termes d'espace, puis finalement il y a eu des entretiens entre les deux organisations, et puis finalement c'est le Centre des femmes maintenant qui occupe les locaux qui étaient à l'époque, en tout cas, le St-Claude. Ça fait que c'est pour faire une petite histoire un peu, là, de l'histoire nébuleuse du St-Claude.

Ça fait que donc, depuis ce temps-là, par contre, tout ce qu'il reste comme services spécifiquement au niveau de l'itinérance, c'est l'Équipe itinérante que vous avez entendue tantôt, ça fait que c'est eux autres qui font spécifiquement du service auprès des personnes itinérantes. Par contre, tous les autres organismes membres du ROIIL, par nos services d'aide, ont rejoint les personnes itinérantes ou à risque de le devenir, même si ce n'est pas dans nos mandats respectifs.

Ensuite, notre portrait. Comme vous fait part notre mémoire, on vous a mis à l'intérieur le portrait 2000, de M. Fortin, et le dernier portrait, là... et la dernière recherche de 2007. Donc, vous allez pouvoir en savoir un petit peu plus en termes, comment je pourrais dire, de comment la situation, elle a évolué dans les dernières années. C'est sûr qu'IPAC, à Laval, a soulevé une grande mobilisation des organismes parce que, chacun chez soi, comme je disais tantôt, on donnait des services aux personnes sans abri ou à risque de le devenir, mais on n'était pas réseautés. Avec le programme IPAC, avec l'agence, on s'est comme mobilisés, et, à partir de là, les gens, comment je pourrais dire, on a plus parlé ensemble, on a plus travaillé à faire un réseau, un continuum de services.

Ensuite de ça, en 2007, il y a eu la naissance du ROIIL. La composition, comme tantôt on vous faisait part, c'est Service Canada, c'est l'agence, c'est tous les groupes communautaires de Laval. Écoutez, il y a plusieurs partenaires, on est...

Une voix: Le CSSS.

Mme Pagé (Carol): Le CSSS. On est au moins une vingtaine de partenaires qui s'assoient de façon régulière. Ensuite, la majorité des membres du ROIIL adhère à la politique du RSIQ, le Réseau Solidarité Itinérance Québec. La majorité d'entre nous en sommes membres. Aussi, le ROIIL, on a participé à la rédaction du plan communautaire de l'agence, qui va définir dans le fond, avec le programme IPLI maintenant, ça va être quoi, les priorités de la région. Ça fait que qu'est-ce qui est quand même intéressant, c'est que, maintenant qu'on est regroupés, on peut former des comités de travail puis, à ce moment-là, aller aider justement à faire en sorte que cette problématique-là, elle soit le mieux saisie possible et le mieux desservie.

Puis, bien sûr, le ROIIL travaille à la tenue de la Nuit des sans-abri, qui va avoir lieu bientôt, et aussi à la fondation de L'Aviron, qui a été notre dossier prioritaire l'an dernier. À ce moment-là, il y a eu un comité mis sur pied, et on a tous travaillé ensemble avec la ville, avec tout le monde pour pouvoir mettre au monde L'Aviron, Hébergement communautaire, que vous avez eu, là, écho tantôt.

Ensuite, en ce qui concerne la population à Laval, eh bien, écoutez, depuis 2000, on s'entend, tout le monde, pour dire que les personnes, depuis qu'on leur donne les services en matière d'itinérance, elles sont devenues visibles. Parce qu'à Laval elles étaient invisibles, O.K.? Parce qu'on parle d'itinérants... chroniques, c'est ça? À ce moment-là, chronique, c'est sûr qu'à Laval ce n'est pas évident d'être, comment je pourrais dire, un itinérant chronique parce que ces personnes-là, comment je pourrais dire, ont différents modes de survie qui sont peut-être différents de la ville. Et à cet effet je vais vous laisser Mme Corine en tout cas vous entretenir sur le sujet parce qu'elle elle travaille au Relais communautaire de Pont-Viau, qui est une des grosses ressources de dépannage alimentaire, vestimentaire, etc., de Laval.

Mme Vanderborght (Corine): Bonjour. Donc, je suis Corine Vanderborght, je suis intervenante au Relais communautaire de Pont-Viau. C'est une soupe populaire, donc. En fait, on est aussi un centre de jour. Avec IPAC et IPLI justement, on est devenus un centre de jour. Nous, on travaillait en étroite collaboration avec le St-Claude parce que le St-Claude fermait à 7 heures du matin. Les personnes qui étaient hébergées au St-Claude devaient sortir du St-Claude, et en fait ils venaient chez nous passer la journée, puis ils pouvaient retourner, au moment où, nous, on fermait nos portes, ils pouvaient retourner au St-Claude. Donc, ils étaient, là, continuellement encadrés par soit une équipe soit l'autre, et on faisait des échanges, et on travaillait avec eux régulièrement.

La problématique des sans-abri, elle est cachée, à Laval. Pourquoi? Je n'ai pas la réponse, je n'ai pas la réponse exacte. N'empêche que, moi, je sais et je suis confrontée... Ça fait quatre ans que je travaille au Relais communautaire de Pont-Viau. J'ai entre cinq et six personnes, que, moi, je connais depuis que je suis au relais, qui sont des sans-abri. Chaque fois que je les vois, c'est moi qui les reçois, parce qu'il faut faire une intervention spéciale auprès d'eux. Ils n'ont plus leur carte de membre. Chaque fois qu'ils arrivent, ils l'ont perdue. Ils l'ont perdue parce qu'ils se sont fait dévaliser, ils l'ont perdue parce qu'ils ont rencontré toutes les problématiques des personnes qui sont en itinérance. Ils ne l'ont plus, ils l'ont perdue, ils ont perdu... ils ont tout perdu. Régulièrement, je leur refournis des vêtements, je les réhabille. Ça m'est déjà arrivé que je les habille et, deux jours après, ils reviennent et je dois les réhabiller parce que, comme ils sont dans le rue, ils se font déshabiller.

Et c'est une problématique très importante au niveau des femmes, avec la prostitution. Elles sont dans la rue, elles se prostituent. Elles passent la nuit dans un hôtel, mais elles n'ont pas de domicile. Elles se font mettre dehors après leur passe. Elles passent quelques heures là. À la limite, elles arrivent à se laver là, mais c'est... C'est pour ça que ces femmes-là, on ne les considère pas comme sans-abri, mais elles le sont réellement. Moi, c'était le témoignage que je voulais vous donner en quelques lignes. Merci.

Mme Pagé (Carol): Et, moi, pour compléter l'intervention, écoutez, à Laval, on a des ressources d'hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale, on en a deux. On a de l'hébergement pour nos jeunes, comment je pourrais dire, jeunes adolescents et jeunes adultes, on en a aussi, trois organismes. Par contre, pour les hommes, les femmes, les familles, on n'a rien. Pour l'instant, on n'a rien, mais, avec les nouvelles qu'on a eues, comment je pourrais dire, moi, je pense que, si tout le monde se serre les coudes et si tout le monde nous appuie, on va finir par avoir notre ressource puis on va pouvoir enfin, comment je pourrais dire, maintenir les personnes chez nous. Parce que, moi, je pense que qu'est-ce qui est triste à Laval, entre autres, c'est qu'on ne veut pas les transférer à Montréal, parce que je trouve que c'est difficile pour les gens de se faire déraciner. Moi, je travaille auprès des jeunes de Laval depuis 20 ans, puis, un jeune Lavallois, c'est un jeune Lavallois, fais-le pas switcher à Montréal. Oui, peut-être s'il a envie de sensations fortes, il va aller faire un tour, mais, aller habiter là-bas...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Carol): Mais aller habiter là-bas. ça ne se fait pas. Ça fait que, pour nous autres, c'est un choix très difficile qu'on a à les switcher à Montréal, puis on a hâte en tout cas de les maintenir chez nous.

Ensuite, on a aussi eu des témoignages d'organismes à Montréal. Ce qui est triste aussi, c'est qu'on a plusieurs personnes, comme je disais, hommes, femmes, familles, qui se servent de prêts d'adresse à Montréal aussi pour les chèques d'aide sociale. Parce que, ça aussi, chez nous, on ne l'a pas. Moi, je suis capable d'être un prêt d'adresse pour mes jeunes, mais je me limite à la jeunesse, tandis que, pour les hommes, femmes et familles, ça aussi, c'est une difficulté. On n'a pas d'organisme qui peut prêter l'adresse pour que la personne, elle ait son chèque et finisse par se stabiliser. Donc, il y avait ça aussi comme problématique.

Puis il y a aussi, je vous dirais, pour ce qui est, en tout cas, de la jeunesse en particulier, les jeunes font beaucoup de sofa «surfing» à Laval. En avez-vous entendu parler, de cette expression-là?

Une voix: ...

Mme Pagé (Carol): Oui? O.K.

Une voix: ...trois minutes.

Mme Pagé (Carol): Deux, trois minutes? Ça fait que c'est ça. Ça fait qu'écoutez les jeunes, eux autres, se promènent d'un logement à l'autre. Bon. Ils sont quatre ou cinq dans le logement jusqu'à ce que la crise arrive, et par la suite les jeunes quittent le logement, et ça continue. Donc, c'est des jeunes qui vont et viennent entre la rue et le logement. Ça fait que, je vous dirais, on a, entre autres. beaucoup de ça, je pense, en tout cas, à Laval.

Comme tantôt on disait, oui, il y a des mères de famille qu'on a rencontrées, qui font... comment je pourrais dire, qui habitent leur auto, qui confient leurs enfants à la DPJ parce qu'elles n'ont plus d'hébergement, elles n'ont plus de logement. Donc, ça commence à être très triste. Ça fait que, comme tantôt on disait, je pense qu'ensemble on va finir par y arriver. En tout cas, moi, je le souhaite puis je pense qu'on va finir par réussir.

Alors donc ? attendez un petit peu ? j'ai clarifié l'histoire du St-Claude, puis c'est ça, comme on disait, l'inexistence d'un hébergement d'urgence. Ensuite, bien, vous avez des statistiques que tout le monde vous a données un petit peu. Écoutez, en 2003, à Laval, un quatre et demie coûtait en moyenne 563 $. Donc, c'est sûr que, quelques années plus tard, vous pouvez vous imaginer qu'il doit être rendu pas loin du 600 $. Tantôt, on disait que les personnes sur la sécurité du revenu en tout cas paient souvent plus de 50 % de leur revenu mensuellement, donc ils ont le choix entre se vêtir ou payer leur loyer.

n(16 h 10)n

Ensuite, depuis la fermeture du St-Claude... Donc, en tout cas, c'est sûr que, nous, à Laval, notre volonté, c'est d'ouvrir un hébergement d'urgence pour répondre aux besoins des hommes, des femmes et des familles en situation de crise qui sont rendus à la rue puis c'est aussi à moyen terme de trouver un moyen pour sortir de l'urgence ces personnes-là via un hébergement de transition pour les réinsérer solidement. Parce que, comme tantôt M. Coiteux disait, il faut les rendre solides, ces personnes-là, il faut leur offrir autre que de l'urgence, il faut finir par les sortir de l'urgence.

Ça fait que, si on arrive à la page 11, vous avez des constats et des propositions. Bien sûr, on commence par le dumping à Montréal de nos concitoyens. Ensuite, on parle en tout cas de la responsabilité d'agir sur l'errance en tout cas qui est remise aux policiers puis qui donne l'impression, malgré les explications de M. Métivier tantôt, qu'ils ont pour mandat d'enrayer l'itinérance chronique ou sporadique. Il y a un manque criant de logements sociaux chez nous. C'est sûr que l'allocation de la sécurité du revenu et du salaire minimum est insuffisante pour garantir les besoins de base d'une personne, comment je pourrais dire, dans la vie.

Ensuite, l'itinérance est absente lorsqu'on ne la voit pas et qu'elle se retrouve chez le voisin. Comme on disait tantôt, nous, nos personnes sont très invisibles. Donc, en leur offrant des services, les personnes vont se ressortir. Parce que, je vous dirais, le problème, c'est que, chez nous, le problème, c'est, par le temps qu'on les trouve, ils sont rendus creux pas à peu près. Ça fait que pour, nous autres, c'est difficile. Écoutez, moi, je fais du travail de rue, puis souvent mes travailleurs se tirent les cheveux: Ils sont où? On ne les trouve pas.

Donc, ensuite, le financement fédéral pour une problématique nationale dont les moyens et services sont de compétence provinciale. Ça, bien sûr, ça, on vous demanderait éventuellement un programme provincial d'aide à l'itinérance soutenu par une politique québécoise. C'est sûr qu'on manque de moyens de réinsertion sociale. Comme je vous disais tantôt, la réponse à l'urgence est une réponse, mais ce n'est pas la seule et unique. Ensuite, la non-reconnaissance de la compétence et du professionnalisme des intervenants du milieu communautaire.

Et, pour terminer, les jeunes institutionnalisés, sans famille et sans filet social. C'est sûr qu'améliorer les collaborations avec les centres jeunesse et les organismes communautaires; plus de milieux de vie pour les 18 ans et plus ? il y a beaucoup de maisons de jeunes, mais il n'y a pas beaucoup de maisons pour jeunes adultes; plus de prévention et de préparation à l'autonomie, en tout cas, entre autres, par l'approche du «reaching out» tant par l'équipe itinérance, tant par les travailleurs de rue, etc., parce qu'il y a des gens qui sont rébarbatifs au système et ils ne veulent pas nécessairement, comment je pourrais dire, s'inscrire dans le système traditionnel.

Et, pour terminer, nos recommandations. Vous nous demandez comment vous pouvez vous assurer que, nous, on soit efficaces, puis quels pourraient être nos critères d'efficacité. Alors, nous, on vous suggère, comment je pourrais dire, de d'abord nous assurer un financement adéquat pour les services et activités qu'on offre, parce qu'on fait beaucoup avec très peu; ensuite, que les critères d'efficacité doivent être reliés aux réalités des régions et pas à l'ensemble de la province, parce que chaque région, comme vous avez sûrement pu constater à venir jusqu'à date, on a toutes nos réalités; et ensuite, d'ici là, en tout cas, que votre gouvernement s'assure, en attendant la mise sur pied d'une politique en itinérance, que tous les députés soient au fait de leurs réalités régionales et soient proactifs dans la recherche de solutions adaptées.

En passant, j'avais oublié de le mentionner, nous, chez nous, comment je pourrais dire, vos collègues députés s'impliquent beaucoup avec nous, en tout cas au niveau de la conscientisation, en tout cas, et de la sensibilisation du grand public. Puis ça, en tout cas, on aimerait ça leur lever notre chapeau.

Et, pour terminer, vous avez ici un petit schéma qui a été présenté lors de la dernière recherche qui a été produite en 2007, qui parle un peu du processus de désaffiliation sociale.

Une voix: La page 13.

Mme Pagé (Carol): La page 13. Et le comité de rédaction, on a une petite citation qu'on a... comment je pourrais dire, qui nous est sortie tout bonnement lors de la rédaction du document. On trouve que «l'itinérance, ce n'est pas qu'un seul problème ni qu'une seule solution». O.K.? Puis, si vous pouvez voir, on s'est amusés à inscrire tous vos ministères autour du processus de désaffiliation sociale d'une personne, parce qu'en cours de route cette personne-là vous croise à quelque part, tant au niveau de la justice, tant au niveau de la santé, tant au niveau de l'employabilité, l'immigration, la jeunesse, les aînés, etc.

Alors donc, c'était ça, comment je pourrais dire, notre mémoire. Et, avant votre période de questions, pour terminer, on aimerait ça vous offrir un symbole pour vous faire part de, pour nous autres, c'est quoi, la solution. Alors, on vous a fait faire une petite affiche qui reprend notre citation, que «l'itinérance, ce n'est pas qu'un seul problème ni qu'une seule solution». Ici, attention, ce n'est pas les itinérants, c'est tout le monde que ça va prendre pour régler le problème, ça veut dire nous tous. Puis ici on indique notre vision d'une politique québécoise en itinérance, une multitude d'intervenants du réseau public, municipaux et communautaires, avec le listing de tous vos ministères respectifs. Ça fait que ça, j'aimerais ça vous le laisser avant de partir.

Le Président (M. Kelley): Une grande carte de Noël.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Pagé. On va maintenant procéder rapidement à la période de questions après cette présentation. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bon. Alors, bienvenue, merci beaucoup pour votre présentation. Et on peut qualifier vos démarches d'antidumping, si on peut dire, parce que ce que vous voulez faire, c'est ramener les gens vers Laval, leur offrir des services chez eux. Moi, je viens d'une région frontalière avec l'Ontario, et les gens traversent le pont, on ne peut pas dire s'ils viennent de l'Ontario ou du Québec, ces gens-là n'ont pas de domicile fixe, et c'est pour ça que c'est important de les ramener, de leur offrir aussi un sentiment d'appartenance à quelque part. On parlait de rétention du personnel, et je pense que c'est la clé aussi pour vraiment créer un lien avec ces gens-là chez eux.

Mais est-ce que vous avez des statistiques de gens... On parle de familles qui migrent vers Montréal et toutes les difficultés que ça entraîne. Avez-vous des statistiques par rapport... Vous avez dit aussi qu'on ne les voit pas dans les rues? Comment pouvez-vous établir le nombre de personnes qui auraient besoin des services auxquels vous voudriez vous attarder?

Mme Fortin (Janie): On a fait un choix très volontaire de ne pas... et de résister fortement à la tentation de la statistique parce que... Il y a plusieurs raisons qui l'explique. Notamment, lorsqu'on demande à la personne: D'où viens-tu? Ah bien, je viens d'ici et d'ailleurs. As-tu une adresse? Oui, j'ai une adresse à Montréal. Donc, on vient déjà de fausser et de mettre un biais très important sur la provenance des personnes. De plus, vous mentionnez de faire venir les gens à Laval. En fait, je vais préciser, je vais me permettre de préciser: de garder les gens à Laval, parce que c'est une crainte justement, si on offre des services, bien, à ce moment-là, il y a des besoins tout à fait par hasard qui se créent, et on essaie de casser un peu, je pense, cette vision de la chose.

Au niveau des statistiques, le Relais communautaire soupe populaire reçoit pas mal de monde...

Mme Vanderborght (Corine): Oui. Je n'ai pas le chiffre en tête exactement.

Mme Fortin (Janie): Mais quelques milliers.

Mme Vanderborght (Corine): Oui.

Mme Fortin (Janie): Quelques milliers.

Mme Vanderborght (Corine): Si ça peut vous aider, sur une journée, les jours de distribution alimentaire ? et ça, on est sûr que ce sont des Lavallois ? on a 140 familles qui viennent, tous les mardis et tous les vendredis, chercher de la distribution alimentaire. Il y a quatre ans, quand j'ai commencé, nous avions en moyenne 90 à 100 familles, c'est monté à 140 maintenant. Donc, on donne au niveau des repas; c'est par milliers, des repas qu'on donne. On a la soupe-sandwich, ça, c'est pour les personnes qui sont sans revenu. Parce que, nous, le repas nous coûte... coûte à la personne 2 $. Chaque fois qu'il vient manger un repas complet, c'est 2 $. Ils ont la possibilité aussi, lorsqu'ils ont la carte de membre, d'avoir une soupe-sandwich. La soupe-sandwich, elle est gratuite, on en donne 800 à 700 par mois. C'est des familles qui viennent aussi. Il y a des enfants qui quittent l'école et qui viennent manger la soupe-sandwich chez nous.

Mme Fortin (Janie): Les bureaux de L'Aviron actuellement, mon bureau, comme je suis seule, est situé... je suis hébergée par le Relais communautaire, alors c'est des gens que je côtoie à tous les jours, et ils ont une immense salle, une cuisine-salle à manger, et c'est toujours plein à craquer à longueur de journée. Si je regarde au niveau du TRIL, c'est un «drop-in» pour les 18 plus... 16...

Mme Pagé (Carol): Les 16-21.

Mme Fortin (Janie): Les 16-21. Toujours plein. Moyenne d'une trentaine, 35?

Mme Pagé (Carol): Une trentaine de jeunes pour deux intervenants.

Mme Fortin (Janie): Par jour. L'Oasis?

M. Boisvert (Guy): L'Oasis, bien, c'est... Écoute, c'est difficile à calculer, mais...

Mme Fortin (Janie): Les caravanes qui se promènent.

M. Boisvert (Guy): C'est un motorisé qui se promène sur l'île de Laval. Puis en moyenne, à date, ce que je pourrais dire, jusqu'au mois d'août, on a fait à peu près 1 230 interventions avec des gens qui sont à risque ou qui sont itinérants.

Mme Gaudreault: Je trouve ça important d'obtenir des chiffres pour justement... Il y a une perception aussi des gens qui croient que toutes les personnes nécessiteuses vont transiter vers le centre-ville, alors ce qui est faux. Vous avez des gens chez vous, à Laval, qui continuent à vraiment jouir de vos nombreux services puis vous voulez justement les multiplier puis vraiment leur assurer vraiment une continuité de services à Laval. Alors, c'était ça, le but de ma question, et je vous en remercie.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Alors, je prenais connaissance des documents qui... en fait plutôt de votre annexe 2. Vous avez décrit, vous faites une liste des organismes qui oeuvrent de près ou de loin avec l'itinérance. J'aimerais savoir ? parce que je les regarde comme ça ? vous avez combien d'organismes, sur l'île de Laval, qui offrent dans le fond... qui ouvrent leurs portes ni plus ni moins aux gens plus démunis, soit aux gens qui pourraient avoir une situation d'itinérance chronique ou ceux qui pourraient avoir des situations d'itinérance cyclique. Parce qu'on s'entend, les gens reçoivent les services, ne vous disent pas nécessairement... Quelqu'un va à la soupe populaire, j'imagine que ce n'est pas toujours évident de faire le suivi de l'hébergement que reçoit cette personne-là. Mais vous avez combien d'organismes sur l'île de Laval qui étendent leurs tentacules, qui rejoignent ces clientèles plus fragiles, plus...

n(16 h 20)n

Mme Pagé (Carol): Si on regarde la liste des membres du ROIIL, on est au moins une douzaine d'organismes qui travaillent tant au niveau, comment je pourrais dire, du budget, au niveau de l'hébergement, au niveau en tout cas des droits de la personne. Il y a un service de crise aussi. Il y a souvent des gens qui se retrouvent suffisamment en crise pour aller dans un service de crise et être hébergés pour une dizaine de jours. Écoutez, on a des organismes pour des personnes atteintes du VIH. Eux autres aussi donnent des services, ils donnent même des soupers... non, des dîners communautaires. Donc, à ce moment-là, si on regarde, en tout cas, il y a une grande majorité des personnes qui offrent des dépannages de quelques sortes.

Moi, j'ai ouvert un «drop-in» il y a déjà cinq ans. Je n'avais pas le volet dépannage alimentaire. Et, à toutes les semaines, je dois aller au Centre de bénévolat de Laval aller chercher ma cargaison de bouffe pour la ramener, parce que, moi, comment je pourrais dire, à mon bureau, j'ai une trentaine de jeunes qui arrivent, puis, je vous dirais, il y a à peu près 50 % de ces jeunes-là qui n'ont pas mangé à leur faim. Puis c'est souvent des jeunes qui restent encore dans leur famille, des jeunes majeurs que les parents disent: O.K., je te tolère, mais dérange-moi pas, je n'ai plus les moyens. Ça fait que donc le jeune a un habitat, mais il arrive chez nous, il n'a pas mangé à sa faim, par exemple.

Mme Vallée: De tous ces organismes-là, il n'y en a pas qui peuvent offrir justement... il n'y en a pas qui offrent le soutien, les casiers postaux et le... ce type de soutien là, buanderie et...

Mme Fortin (Janie): Oui et non. Si on regarde les maisons de la famille, ils ne sont pas membres. Ils travaillent avec la famille. Est-ce qu'ils offrent parfois... Bien, le TRIL a sa laveuse-sécheuse. La maison des jeunes... Avant, j'étais directrice d'une maison de jeunes et du Sac à dos, qui est une ressource d'hébergement pour jeunes en difficulté, je l'offrais. Ça ne fait pas partie de mes activités, ça ne rentre pas dans mes statistiques. Mais il y a une mère, entre autres, que j'ai en tête, et l'enfant était placé chez nous, un enfant de 17 ans, mineur donc, avec la protection de la jeunesse, et c'était nous qui faisions son lavage, et on lui prêtait notre douche, parce que madame vivait dans sa voiture. Il y avait des raisons où elle refusait également d'aller chercher les services qui étaient offerts. Elle aurait peut-être pu utiliser Urgence sociale ou d'autres activités; elle refusait. Pour quelles raisons? Est-ce que c'est de l'orgueil? Est-ce que c'est de la honte? Est-ce que c'est un refus d'utiliser encore des ressources parce que, par le passé, elle l'avait fait et que ce n'était pas à sa convenance?

Donc, quand vous me demandez quels services, on le fait tous un peu à tort et à raison. La maison des jeunes que j'avais avait une douche pour les jeunes qui étaient, 17 ans, un peu passés date, parce que, le 17 ans et demi, on ne s'en occupe pas trop au niveau de la protection de la jeunesse parce qu'ils sont trop limites. Il va y avoir des interventions, mais ils ne peuvent pas faire de miracle non plus. La douche était offerte pour ceux qui vivaient dans des cabanons. Y en avait-u huit? Non, il y en avait deux, trois. Mais c'était quand même ça.

Donc, les maisons de la famille, les maisons de jeunes, les ressources d'hébergement... là, je n'ai pas l'idée de tous les groupes communautaires, mais, quand on vous présente qu'on considère que tous les ministères sont sollicités et concernés, c'est exactement ça... c'est ce à quoi on fait référence. Vous avez les centres de femmes qui travaillent aussi à ce niveau-là.

Mme Vallée: Ils ne sont pas nécessairement membres de votre...

Une voix: ...

Mme Vallée: Qu'est-ce qui fait que quelqu'un entre... devient membre de votre organisme? Est-ce qu'il y a un critère à rencontrer? Est-ce qu'il y a des frais à rencontrer?

Mme Pagé (Carol): Non, écoutez, je pense, c'était une préoccupation commune, comme je vous dis...

Mme Vallée: C'est un groupe.

Mme Pagé (Carol): ...qui a été soulevée par le programme IPAC à l'époque, puis finalement on a décidé de se réseauter ensemble. C'est sûr que des fois on dit: Maudit, il me semble qu'il manque de monde. Mais probablement que, le centre des femmes, ils doivent se demander comment ça se fait que, moi, je ne suis pas là, parce que, moi, j'ai quand même la condition féminine à l'intérieur de mon «drop-in». Ça fait que, tu sais, à un moment donné, tu sais, c'est comme... Tu sais, c'est sûr que, comment je pourrais dire, il pourrait y avoir d'autres partenaires avec nous, puis c'est clair, mais on est tous...

Une voix: C'est du temps.

Mme Pagé (Carol): C'est du temps, et on est tous avec nos préoccupations et, bon, avec différentes réalités, là. Mais on n'a pas de critère en tant que tel. Je pense que les personnes qui se sentent touchées par l'itinérance, O.K.? parce que leurs clientèles sont susceptibles de ou sont déjà dedans... Écoutez, on n'a pas de critère d'admissibilité, là.

Mme Vallée: Vous avez soulevé un élément...

Le Président (M. Kelley): Un dernier commentaire.

Mme Vallée: Ah d'accord. Bien, en fait, c'était de connaître qu'est-ce que vous avez comme soutien pour les jeunes qui ne sont plus bénéficiaires des services des centres jeunesse. Est-ce que vous arrivez à trouver... C'est votre organisme qui leur donne un coup de pouce?

Mme Pagé (Carol): Bien, il y a mon organisme puis il y a aussi deux autres organismes, là, à Laval, Mais en tout cas, moi, récemment, grâce au programme fédéral, j'ai fait une rallonge à ma bâtisse et j'ai rajouté un volet hébergement. Mais, encore là, j'ai une liste d'attente de deux pages déjà, puis j'ai ouvert en avril. Mais j'ai seulement trois chambres projet de vie et une chambre d'urgence. Ma chambre d'urgence, comme c'est là, elle est comblée à 75 %, de ce temps-ci, parce que le mauvais temps s'en vient.

Mme Vallée: Pour des jeunes de moins de 18 ans?

Mme Pagé (Carol): Non. Moi, c'est du 18-21, mon hébergement.

Mme Vallée: 18-21.

Mme Pagé (Carol): Je n'ai pas affaire avec, à ce moment-là, la direction de la protection de la jeunesse.

Mme Vallée: Parfait. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Bonjour à vous tous. Je vais continuer dans la même veine que ma collègue. En ce qui concerne le suivi que vous faites auprès des jeunes qui souvent sortent d'institutions, de la DPJ entre autres... C'est ce que vous me parlez. Parce qu'on sait qu'ils ont modifié la loi. En tout cas, il y a une chose qui est comprise, c'est que ces jeunes-là sont laissés à eux-mêmes, à 18 ans, sans qu'ils n'aient eu peut-être l'appui nécessaire, là, à partir de 16 à 18 ans. Donc, je comprends que vous offrez de l'hébergement, que des ressources sont là. Est-ce qu'il y a un partenariat... Je pense que, oui, vous avez un partenariat avec les centres jeunesse pour aider les jeunes avant?

Mme Pagé (Carol): Oui, en tout cas, je parle pour ma paroisse à moi, je vais parler pour le TRIL, O.K.? Nous, ça fait au moins cinq ans qu'on a une entente avec eux que mes travailleurs de rue puissent rentrer à l'intérieur de leurs murs rencontrer les jeunes en situation d'abandon, donc les jeunes que les intervenants savent que les parents ne les attendront pas à leurs 18 ans. Nous, le but, c'est de bâtir le lien avec eux. Et on a une entente avec le centre jeunesse qu'au moins, s'il vous plaît, six mois avant sa majorité, pouvez-vous venir nous le présenter, tu sais, pour qu'on puisse tisser un filet pour cet enfant-là mais qu'il sorte, à ses 18 ans, comment je pourrais dire, là, du centre jeunesse. C'est sûr que, écoutez, ça se fait, ce n'est pas évident parce que c'est une grosse structure, les équipes changent beaucoup, etc., c'est toujours à refaire. Je vous dirais, c'est toujours, en tout cas, là, tu sais, des étapes, tu sais, où est-ce qu'il faut renégocier avec eux autres, il faut forcer pour rentrer dans les unités de vie, dans les foyers de groupe, etc.

Et aussi on est en contact avec le projet Qualification des jeunes. Ça, c'est un projet hyperintéressant qui est enfin rendu provincial, puis ça, moi, je l'appuie à 300 %, que ces jeunes-là, à ce moment-là, sont directement, comment je pourrais dire, référés chez nous, entre autres pour ce qui est de l'hébergement. Si le jeune veut avoir une chambre, s'il n'est pas équipé encore pour partir en appartement, on est en lien direct avec eux. Mais, comme je vous dis, moi, je vous parle de l'entente que, moi, je travaille avec, comment je pourrais dire, assiduité, à chaque année, depuis cinq ans.

Mme Méthé: Mais le programme Qualification des jeunes, est-ce que... Moi, ce que j'ai compris, c'est que c'étaient les centres jeunesse qui prenaient ça en main, qu'il y aurait un suivi plus serré, qu'il y aurait de la formation, de l'encadrement.

Mme Pagé (Carol): ...que les jeunes hébergés normaux. C'est des jeunes qu'à 18 ans on les accompagne, le centre jeunesse les accompagne et les jumelle avec d'autres organisations pendant une autre année. Mais c'est seulement 10 ou 12 jeunes dans le centre jeunesse qui sont dans ce programme-là.

Mme Méthé: Mais il n'y a pas aussi la catégorie 16-18 ans qui sont encore soit en centre de réadaptation ou dans des familles où ils donnent un peu de suivi plus? Moi, je l'avais compris comme ça. Non?

Mme Fortin (Janie): Il y a différents services, notamment le SIM intervention de milieu, où, là, ils vont aller directement dans les milieux avec du «reaching out». Donc, l'intervenant se déplace dans le milieu et dans les familles, il va aller rencontrer les jeunes et leurs parents. Ça, c'est le volet avec le centre jeunesse.

Le Sac à dos offre de l'hébergement pour les 12-18 ans, lui, pour éviter que les jeunes soient placés, institutionnalisés alors qu'ils n'ont pas besoin de l'être. Il y a une problématique familiale, il y a une problématique et des situations vécues, mais ces jeunes-là ont été évalués comme n'ayant pas les besoins de réadaptation, où, au niveau de l'intensité de service, on utilise les termes et les critères. Il y a L'Envolée aussi qui offre des services pour les jeunes en collaboration, pour certaines situations, avec le centre jeunesse au niveau de l'évaluation, et ce sont des jeunes qui sont plus autonomes et qui s'en vont vers des projets de vie.

Il y a différents milieux. Quand je vous disais que Laval est tissée serrée, c'est de ça aussi qu'on parle. Ce n'est pas toujours facile et ce n'est pas idéal, mais ce que je vous dis, par exemple, c'est qu'il y a une ouverture pour aller rencontrer pratiquement directement le D.G., maintenant la nouvelle directrice générale du centre jeunesse, rencontrer directement les directions des différents réseaux, et ça marche.

Mme Méthé: Vous avez parlé tantôt qu'il y a des mères qui vont confier leurs enfants à la DPJ faute de logement. Parlez-vous des familles qui se ramassent sans logement et puis qui y envoient leurs jeunes...

n(16 h 30)n

Mme Fortin (Janie): En fait, c'est plutôt la protection de la jeunesse qui va se rendre compte qu'il y a un enfant qui vit dans une voiture. Mais je ne suis pas... C'est un petit peu plus ça, la réalité. Ce n'est pas des gens, par exemple... Si je me fie à ceux qui sont venus au Sac à dos, les jeunes et les familles doivent être volontaires, les jeunes beaucoup plus que les familles idéalement, là, mais le jeune doit être volontaire, et la famille ou la mère, généralement monoparentale, accepte que le jeune soit placé chez nous au Sac à dos.

Oui, je n'en ai pas eu beaucoup, de situations. Moi, j'ai quitté en janvier dernier la maison le Sac à dos pour commencer à travailler pour L'Aviron. Mais ce que ça donne, c'est que, le dernier été où, moi, j'y étais directrice, il y avait deux personnes, deux familles qui vivaient dans cette situation-là. Donc, les enfants étaient placés au Sac à dos et les mères continuaient à vivre dans leurs voitures. On parle de mère qui avait un emploi mais pas très bien payé, qui ne voulait pas perdre sa job en cherchant un appartement ou en s'occupant de tout ce que ça implique de n'avoir pas de maison et de lieu où aller vivre. Donc, c'étaient deux, ce n'est pas énorme. Est-ce que je représente les statistiques de la... Je ne le sais pas. Le centre jeunesse doit intervenir dans d'autres situations qui n'ont pas impliqué le Sac à dos. Je vous parle simplement de deux situations qui ont été vécues, et on comblait certains besoins.

Mais on n'oublie pas qu'il y a une réalité où la personne demeure responsable aussi de ses choix. On peut comprendre le choix de cette dame-là de ne pas aller utiliser les services qui lui étaient offerts. Et généralement il y a des raisons qui s'expliquent avec le long terme et les situations qui ont été vécues. On va généralement penser à de l'abus, généralement penser à des personnes qui ont une faible estime de soi. On va généralement penser à des gens qui ont perdu confiance aux services qui leur sont offerts et l'accompagnement.

Le Sac à dos, pourquoi elle l'utilisait? On n'était pas menaçants, on gardait déjà ses enfants, puis, en plus de ça, on lui permettait d'utiliser la douche et la laveuse, sécheuse, manger avec nous aussi pour les repas, quelques fois, pas toujours, mais, oui, quelques fois. Alors, à ce moment-là, c'était moins menaçant et c'était plus en services d'accompagnement que coercitifs. Mais c'est tranquillement... on va parler d'infiltration parce que c'est vraiment très tranquillement qu'on réussit à contacter et à entrer en contact avec des personnes qui ont perdu confiance dans les réseaux qui les accompagnent.

Le Président (M. Kelley): Ça va? O.K. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Court, mais j'aimerais quand même revenir. Parce que, lorsqu'on est conscient d'une problématique, surtout lorsqu'on a des partenaires, bien, je veux dire, on établit un lien. Vous me dites: Il y a une communication qui passe, puis, d'un autre côté ? bien, j'aimerais quand même reciter une phrase que vous avez dite: Il faut forcer continuellement. Tu sais, il faut toujours...

Si on est conscient qu'il y a une problématique, alors, habituellement, on établit un protocole, une entente dans la longévité. Là, ce que vous me dites... C'est ça que je veux dire. Puis pourtant il y a une prise de conscience. Je veux dire, les centres jeunesse, là, je veux dire, ce n'est pas un blâme, ils sont conscients d'une chose, ils cherchent à améliorer de façon constante. Mais, lorsqu'on a une alternative qui amène un résultat, je comprends difficilement que le partenaire doit, comme vous l'avez mentionné, forcer puis répéter, puis d'année en année, puis continuellement. Ça devrait être quelque chose qui s'introduit dans une structure où on...

Mme Pagé (Carol): ...

M. Dorion: Oui, c'est ça. Merci, je cherchais le mot. Alors, il y a encore quelque chose, il y a un manque à quelque part. Est-ce que c'est un manque de communication? Est-ce que c'est un manque d'application dans sa forme même d'une structure? Parce que les centres jeunesse aussi, c'est une structure.

Une voix: ...

M. Dorion: Merci. Alors, est-ce que c'est ça qui est difficile, d'établir ce type de service là, ce type de partenariat à même une structure? Est-ce que c'est ça? Parce que sinon on ne force pas. Je veux dire, ça se fait, ça continue, puis c'est un continuum de... et ce qui est revenu souvent au niveau de la commission parlementaire, continuum de services.

Mme Fortin (Janie): Ce que j'allais dire ? ça me brûle, ça me démange: Mais en même temps c'est que les besoins, les outils, les services, les activités sont mouvants. Donc, on va rencontrer un jeune, ça va bien aller avec lui: Vite, appliquons-le aux autres jeunes! Ce n'est pas de même que ça marche. Et c'est ça, la réalité. On a une très grosse structure de bonne volonté, des gens, des directions qui sont de bonne volonté, et: Enfin, on a trouvé la solution! Non. Et généralement les travailleurs de rue sont excellents pour péter la balloune des gens quand on arrive pour dire: Ah, on a trouvé la solution! Puis généralement sa gang va débarquer, dire: Bien, non, ça a marché avec lui, mais je ne vous garantis pas que ça marche avec tout le monde.

Et ce n'est pas de mauvaise foi ou de mauvaise intention, c'est tout simplement que, oui, on peut se permettre... Et pourquoi on a fait le choix, je crois ? je vais parler pour moi ? de travailler dans le communautaire? C'est que je peux me permettre d'innover, de créer, d'avoir des idées folles et de les essayer. Et on regarde si ça marche. Ce qui fonctionne, on l'utilise, puis en considérant qu'avec cette personne-là ça fonctionne, peut-être avec l'autre, puis deux, puis trois, mais pas avec l'ensemble. Et l'autre chose également, les résultats ne sont pas immédiats, ça prend des fois bien du temps.

M. Dorion: ...un terme à ça, de la souplesse. Vous avez...

Mme Fortin (Janie): J'ai rencontré beaucoup d'intervenants qui avaient beaucoup de souplesse et beaucoup de qualités, mais en même temps, quand il y a des protocoles qui gèrent l'ensemble des interventions, on se limite à cadrer pour un type de personne, de problématique et non pas un ensemble. Et, quand on parle de situation problématique régionale et éviter d'y aller au niveau national, on pourrait presque dire pratiquement du cas-par-cas. Mais c'est difficile de faire des politiques dans ce temps-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

M. Dorion: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Alors, bonjour, mesdames, monsieur. Je suis bien contente que... Peut-être que la petite pression de la commission parlementaire sur l'itinérance a fait avancer votre dossier. On vous souhaite bon succès. Et je pense bien que ça va être unique, hein, dans notre commission parlementaire, qu'on aura eu un premier mémoire puis un deuxième mémoire tout de suite après. Mais c'est bon signe, c'est bon signe.

Je pense que vous êtes le premier... En fin de compte, cet après-midi, on a entendu des gens de la ville de Laval. Les deux premiers jours, on parlait avec des ressources, des gens de tous les domaines de l'itinérance, là, mais à Montréal. Et j'ai l'impression que ça nous donne à penser qu'on commence une tournée de villes et de régions, on va aller à Trois-Rivières et Gatineau, et probablement que ce que vous nous avez dit aujourd'hui, on va le retrouver, hein? Probablement que...

C'est sûr que Montréal est très organisée. C'est certain que les ressources manquent de financement récurrent, que ce n'est pas suffisamment, que tout le monde court, mais il y a des ressources. On dirait que dans les... à Laval, si je ne me trompe pas, si je vous ai bien compris, le phénomène est peut-être un peu plus récent qu'à Montréal, si on veut, au niveau de l'organisation, de la concertation entre les ressources, de l'échange d'information aussi peut-être.

Alors, si vous aviez à conseiller, si vous aviez à suggérer quelque chose justement au-delà de ce que vous nous avez dit ou en insistant sur une ou des choses que vous avez dites probablement, là, qui aideraient beaucoup et qui vont sûrement aider aussi ailleurs en région ? je vous pose la question ? quels seraient vos besoins? C'est sûr, là, vous avez besoin de places en hébergement d'urgence, mais, sur le plan des ressources, des services interressources, de la sensibilisation, par exemple, est-ce qu'il y a des besoins particuliers chez vous?

Le Président (M. Kelley): La question, elle a été posée. Mme Fortin, est-ce que vous...

Mme Fortin (Janie): Oh!

Le Président (M. Kelley): Non? Ou Mme Pagé?

Mme Pagé (Carol): Bien, écoutez, si on a des besoins, tu sais... Comment je pourrais dire? Dans l'idéal, dans une ville, je pense qu'il y a plusieurs acteurs de développement social, puis c'est clair que, bon, oui, il y a le volet tout, comment je pourrais dire, santé et services sociaux, en tout cas il y a différents ministères, mais, comment je pourrais dire, les municipalités, c'est indispensable. Tu sais, c'est sûr que, nous, chez nous, on peut être fiers d'avoir notre service de la Division de l'urgence sociale, mais ce n'est pas une fin en soi, tu sais. Puis, en tout cas, tu sais, je pense qu'à Laval on est prêts à travailler en collaboration, tu sais. Ça fait que je pense que dans les autres régions... Je ne sais pas ce qui se fait ailleurs, je sais en tout cas que je connais quelques villes, il y a Sherbrooke, en tout cas, il y a Trois-Rivières, en tout cas il y a des régions que les villes s'investissent beaucoup par des politiques de développement social. Puis ça, pour moi, là, excusez-moi, mais je jubile. Ça fait que... Et, moi, je me dis, si chaque ville pourrait avoir des politiques de développement social puis de nous ouvrir les portes à nous entendre et à travailler, en tout cas à s'investir avec nous, en tout cas, ça pourrait être génial dans toutes les régions du Québec, surtout en ce qui a trait à cette triste réalité qu'est l'itinérance, qui est en train de nous affecter de plus en plus.

Écoutez, moi, ça fait 20 ans que je travaille à Laval. J'ai été Lavalloise pendant une couple d'années. Puis, quand les gens me demandent: C'est-u mieux que c'était?, je suis désolée, non. Tu sais, c'est clair qu'il y a une dégradation du tissu social. Comment je pourrais dire? À Laval, ce qui est «cute», c'est que les poches de pauvreté sont cachées par des couronnes, que j'appelle. Il y a les vieux villages, et autour il y a une couronne des constructions des années soixante-dix, et autour il y a les nouvelles constructions, des grosses... Comment? La maison de rêve? Tu sais, des... Ça fait que, tu sais, les personnes pauvres sont de plus en plus cachées à l'intérieur de ces couronnes-là qui sont en train de s'établir, tu sais. Ça fait qu'en tout cas, moi, je trouve qu'à Laval en tout cas puis probablement, en tout cas, dans d'autres régions... Parce que je fais partie du RSIQ puis j'entends parler que l'Outaouais. En tout cas, ils sont très désoeuvrés, eux autres aussi, etc. Ça fait que, écoutez, moi, je pense que ça prend une volonté politique du Québec, ça prend une volonté politique des municipalités puis je pense que ça va être de même qu'on va finir par passer au travers.

Mme Lapointe (Crémazie): Bien, merci beaucoup, madame. Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Fortin (Janie): J'aimerais bien. C'est...

Le Président (M. Kelley): Mme Fortin.

n(16 h 40)n

Mme Fortin (Janie): Merci. J'ai commencé à penser finalement, là, ça commence... Également, au niveau... on a parlé d'une nouvelle définition de l'itinérance qui est présentée dans la recherche qui vous est soumise. Mais en même temps je commence à me dire que ce serait intéressant d'avoir une nouvelle définition de la reconnaissance de ce que c'est, l'itinérance. Reconnaître que l'itinérance existe, c'est une chose. Reconnaître que des groupes communautaires, municipaux, publics des différents réseaux s'investissent, s'impliquent et participent activement, c'est une chose.

Il y a un volet financier qu'on aborde également, mais la reconnaissance passe aussi par des moyens. Et je ne suis pas ici pour faire de la revendication, mais je me laisse facilement tenter, et ça en ferait partie. Donc, une reconnaissance passe par une politique qui va être, d'après moi, plus québécoise, qui peut être nationale également, mais qui doit plus ressembler à la société québécoise, mais également doit passer par un financement qui va être adéquat.

On parle du roulement du personnel, on parle de personnel formé, compétent, des bacheliers, des techniciens, des compétences aussi au niveau de la maîtrise; on en a aussi, et on en a surtout dans le communautaire. Et, avec des salaires de 12 $ de l'heure, est-ce qu'on peut s'entendre que je les forme, quand ils sont formés, ils ont pris de l'expérience, ils s'en vont travailler avec les collègues du réseau? Donc, je vais pouvoir les rencontrer plus tard avec nos échanges professionnels, puis ils font le double ou le triple de mon salaire. Ça rentre aussi dans l'implication de nos intervenants qui sont formés et qui croient, mais qui ont besoin de vivre également. Et je vous dirais qu'à 12 $ de l'heure, tout mon personnel que je vais avoir va pouvoir être admissible à avoir du logement social.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): M. le député...

M. Lemay: Merci, M. le Président. À mon tour, mesdames, monsieur, bienvenue à cette commission parlementaire. Quelques questions assez... bien, je crois assez rapides, là, qui ne demandent pas... Je vois que la... Est-ce que c'est l'état de situation de 2000 de la régie régionale de la santé qui a comme lancé un peu, là, qui a envoyé le message, un certain rôle de leadership, je dirais, là: Voici la situation actuelle, et mobilisons-nous pour arriver aux objectifs qu'on se fixe? Est-ce que je me trompe en vous disant ça?

Mme Pagé (Carol): Non, vous ne vous trompez pas. Effectivement, il avait été mandaté, Jean-Pierre Fortin, beaucoup à faire un peu le portrait avant qu'IPLI se pointe... IPAC, pardon.

M. Lemay: Avant que... D'accord.

Mme Pagé (Carol): Qu'IPAC arrive.

M. Lemay: O.K. Et, aujourd'hui, il y a eu le CSSS, qui est intéressant, la ville de Laval et vous-mêmes, trois présentations intéressantes. La régie n'était pas là. J'imagine que... je présume que la régie... bien, l'agence est encore dans le décor à l'heure actuelle.

Mme Pagé (Carol): Écoutez, elle est même dans la salle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Oui, j'imagine. Mais, bon, c'est qu'on a eu un mémoire du CSSS, de la ville, de vous, mais pas de l'agence.

Mme Pagé (Carol): Mais, si vous regardez au niveau du ROIIL, ils sont des membres sympathisants.

M. Lemay: Sympathisants...

Mme Pagé (Carol): Oui, mais ils sont quand même...

M. Lemay: Je ne dis pas qu'ils sont totalement absents, là.

Mme Pagé (Carol): Non, ils sont très proactifs avec nous.

M. Lemay: Donc, c'est normal pour vous qu'ils n'aient pas été présents, là.

Des voix: ...

M. Lemay: Vous n'avez pas été invités? Ah! Excusez!

Mme Pagé (Carol): C'est ça qu'on soupçonnait.

M. Lemay: Alors, bon, O.K., ils n'ont pas été invités, ça répond à ma question. Et je dis ça sans blâmer qui que ce soit, là. C'est juste que je trouvais étrange... Ou le CSSS a été délégué par l'agence, c'est ce que je me disais, ça pouvait être une hypothèse, là, vu que c'est eux qui assurent le...

Dans votre mémoire, peut-être que je me trompe, j'espère que je me trompe encore ? de dire des énormités, ça fait partie de ma personne ? mais l'accès aux soins de santé, je ne le trouve pas beaucoup. On a vu, on n'a pas eu le temps tout à l'heure, mais les gens du CSSS ont quelque chose de fort intéressant, des soins de santé. Et, ces deux derniers jours et demi, on a... On est tous un peu déprimés à Montréal parce que, les soins, c'est très, très, très difficile, les gens itinérants, toxicomanes, et tout, qu'ils aient accès aux soins de santé. Et, à Laval, ce que je comprends, c'est qu'il semble y avoir une formule assez intéressante, là, et vous n'en parlez pas beaucoup dans votre mémoire.

Mme Pagé (Carol): Non. Bien, on n'en a pas parlé en tant que tel, on a plus parlé...

M. Lemay: Je ne me suis pas trompé, donc.

Mme Pagé (Carol): Oui, effectivement.

M. Lemay: Pas tout le temps.

Mme Pagé (Carol): Quand vous dites que... Oui, effectivement, il y a l'équipe Itinérance, mais on a aussi un autre service qui est la Clinique Contact du CLSC du Marigot, qui est plus au niveau des personnes atteintes du VIH et grands toxicomanes. Ça fait que je vous dirais qu'à quelque part on est comme choyés, comment je pourrais dire, à Laval, pour les personnes dans le besoin qui ont des grands problèmes de santé puis qui sont...

M. Lemay: Donc, vous avez réussi à faire en sorte ? et je ne dis pas que ça ne se fait pas à Montréal, mais ça ne se fait pas à la taille que ça devrait ? vous avez réussi un peu à sortir des institutions différents soins de santé pour que ces gens-là qui ne vont pas en institution, à moins d'être en ambulance, qui ne vont pas en institution, qu'ils puissent avoir accès à des soins de santé.

Mme Pagé (Carol): Bien, écoutez, à Laval, on a même des cliniques de dépistage dans les bars de danseuses, qui sont organisées avec un des groupes communautaires qui travaillent auprès des travailleuses du sexe. Ça fait qu'on a des médecins qui sont des CLSC, des infirmières, on a aussi l'équipe Itinérance, qui sortent ou même qui rentrent chez des personnes. Moi, en tout cas, j'ai déjà, comment je pourrais dire, là, invité l'équipe à rentrer chez quelqu'un qui consommait des drogues par injection puis, écoutez, par chance qu'ils sont allés le rencontrer chez eux, là, lui, il ne voulait pas sortir de là, là. Ça fait que je vous dirais que, oui, en tout cas ça n'a peut-être pas été cité, mais c'est très apprécié et c'est quand même très utilisé.

M. Lemay: Et je termine, M. le Président, ce n'est pas une question, c'est un commentaire, à la page 12, où vous indiquez... Voyons! Et je cite, je trouve ça intéressant. Et je cite: «[S'il y a une politique nationale], les critères d'efficacité ? moi, je rajouterais personnellement les critères d'allocation de ressources, mais, bon ? doivent être liés aux réalités des régions et pas à l'ensemble de la province.» Alors, éviter autant que faire se peut, sinon à tout prix, M. le Président, le mur-à-mur qui dans le fond nous emprisonne tous dans des règles qui... sur le terrain, là, personne ne s'y retrouve vraiment parce que... Alors, je trouve ça intéressant que vous ayez pris le temps de souligner ça. Une politique de ce type-là, le mur-à-mur, je ne pense pas que ce soit... Merci.

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, je dois dire merci beaucoup à... Je peux vous assurer qu'on va suivre de près, avec intérêt, le développement dans le projet Aviron. Alors...

Mme Fortin (Janie): Est-ce que j'ai une invitation...

Le Président (M. Kelley): Invitation?

Mme Fortin (Janie): ...pour revenir vous voir, si vous le voulez, avant la fin des travaux?

Le Président (M. Kelley): On verra. Ça, c'est quelque chose qu'on va regarder. Mais on va suivre ça de près. Mais également, je pense, pour tout le monde de Laval, vos succès, d'organiser vos services... On parle de la prévention. Vous avez des services de proximité. Et, si on peut éviter que des personnes qui traversent des moments difficiles dans leur vie deviennent des itinérants chroniques, je pense qu'on a tout intérêt dans votre succès. Alors, merci beaucoup, continuez votre bon travail.

Je vais suspendre quelques instants. Et j'invite le monde de Longueuil de venir nous voir.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

 

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Kelley): Alors, si on peut prendre place. La gestion du temps est un grand défi pour le président. Mais on va reprendre nos travaux. Après avoir regardé la situation à Laval, on va maintenant se tourner un petit peu vers la Rive-Sud.

On a la Table de concertation des sans domicile fixe de Longueuil avec nous. Le coordonnateur, c'est M. Jean Casaubon. Alors, c'est vous qui allez présenter les personnes qui sont avec vous, M. Casaubon.

Table de concertation des sans
domicile fixe de la Rive-Sud (TCSDFRS)

M. Casaubon (Jean): Avec plaisir. Oui, bien sûr, je vais vous présenter Mme Hénault, qui est conseillère municipale à la ville de Longueuil mais qui est aussi au comité exécutif de la ville de Longueuil; et Pierre Montreuil, qui travaille également pour la ville de Longueuil. Ils sont ici parce que la ville a souhaité, a désiré produire un mémoire en appui au mémoire de la Table de concertation des sans domicile fixe de la Rive-Sud, et on était bien contents de ça, que la ville vienne nous appuyer puis s'assoie à côté de nous pour faire la présentation de ce mémoire. Donc, oui, c'est ça, comme vous l'avez dit, on part d'une rive à l'autre, hein? Après d'un océan à l'autre, on est d'une rive à l'autre. Je voulais le faire pour Mme Lapointe, celle-là, mais bon.

Effectivement, l'itinérance, on va parler de l'itinérance à Laval. On pourrait être tenté de penser que, sur la Rive-Sud, c'est sensiblement la même chose. Bon, effectivement, il y a des similarités, mais il y a aussi beaucoup de différences. On parle de la table de la Rive-Sud, mais on comprendra bien sûr que la masse critique se situe dans Longueuil, c'est là où il y a quand même un grand taux de population, et la population itinérante, elle est également là. Et de fait je suis aussi assez en accord avec mes prédécesseurs quand on parlait de l'importance de donner des services dans nos régions pour favoriser une rétention des gens dans nos régions. Effectivement, à Montréal, il y a beaucoup de problèmes liés à l'itinérance, mais les gens viennent aussi d'ailleurs. J'essaierai de faire un autre pont entre Montréal et Longueuil. J'ai eu le plaisir d'être travailleur de rue pendant une quinzaine d'année ici, à Montréal, ça fait que j'ai pu faire le lien aussi, à un moment donné, avec les gens qui venaient des régions et ceux de Montréal.

Donc, je m'en viens avec la table de concertation, je suis ici pour ça. Donc, c'est en septembre 2000 que des organismes préoccupés par le phénomène des sans domicile fixe et manifestant l'intérêt de travailler de concert avec les partenaires du milieu se sont regroupés pour mettre sur pied la table de concertation. La mission de la table bien sûr, c'est de regrouper les organismes qui oeuvrent sur l'un ou l'autre des aspects de l'itinérance pour trouver des solutions à la problématique de l'itinérance.

Aujourd'hui, la table regroupe 18 organismes. On parle de Longueuil, de l'agglomération, mais aussi de la Rive-Sud, des organismes qui travaillent en contact direct avec les personnes sans domicile fixe. À court terme, on est convaincus qu'il va être possible de poursuivre des réflexions ensemble et trouver ensemble des réponses concrètes aux besoins des personnes avec lesquelles nos organismes membres travaillent. Pour ce faire, la table va favoriser bien sûr l'échange sur les pratiques et le transfert des connaissances entre les organismes qui sont membres.

Le transfert des connaissances, des expertises, on va le faire par des rencontres, des colloques, des journées de réflexion. Ces rencontres, formelles et plus suivies entre les individus membres des organismes, vont aussi favoriser l'émergence de projets de collaboration. Puis c'est ça qui est important de retenir là-dedans, c'est que les rencontres donnent suite éventuellement à des projets de collaboration entre organismes. On parlait tantôt de continuum de services, on va essayer de favoriser ça beaucoup par l'émergence des projets de concertation.

Finalement, les travaux de la table permettent aussi d'identifier certaines zones grises dans l'offre de service qui est offert aux personnes sans domicile fixe, à itinérance ou à risque, comme par exemple, ici, je mentionne... On va le voir tantôt, je vais vous nommer 14 organismes, mais on n'a toujours pas de centre de jour pour répondre aux personnes sans domicile fixe ou itinérantes sur la Rive-Sud. Puis ça, tous les organismes vont l'identifier, les maisons d'hébergement, ceux qui font du logement de supervision, ceux qui font de la désintox, tout le monde identifie ça et qu'il y a un besoin là. Or, on n'a pas les moyens. Puis, on va le voir aussi tantôt, même si on annonce qu'IPLI va être reconduit, il n'y a pas de rehaussement de financement. Donc, la possibilité de nouveaux projets, on peut oublier ça. Ça fait que, moi, je mets un gros bémol sur la satisfaction qu'on a à l'égard de l'IPLI.

Donc, la table permet d'identifier ce besoin-là d'un centre de jour, mais on travaille aussi également, les membres, donc un paquet d'organismes ensemble, se mettent ensemble puis disent: Le conseil d'administration, on va aussi développer un autre service qui est un centre de tri et de recyclage puis on va embaucher aussi des personnes itinérantes sans domicile fixe pour essayer de favoriser l'insertion sociale de ces personnes-là également.

Donc, vous voyez, la table sert vraiment à mettre en commun les ressources, les expertises, les expériences de tout le monde pour répondre aussi au manque qu'il y a par rapport à l'offre de services sur la Rive-Sud, mais, comme je le disais, la réalité nous rattrape. Au moment où on écrivait le mémoire, le gouvernement en place au fédéral ne s'était toujours pas engagé à reconduire le programme IPLI. Maintenant, on sait qu'il l'a fait, et les trois autres partis aussi l'ont fait. Les trois autres partis se sont également engagés à rehausser le financement d'IPLI, ce que les conservateurs n'ont pas fait à date.

Donc, on va continuer avec un budget, le même qu'on avait en 2001, qui est de 38 millions. On identifie à 50 millions le besoin, puis ça, je ne calcule même pas l'indexation d'une année à l'autre qu'on perd, là, mais grosso modo c'est un besoin de 50 millions. Or, on va toujours être à 38 puis on sait qu'il y a encore des trous, des zones grises à l'intérieur des services qui sont... qui ne sont pas offerts aux organismes.

Pour la table, il est primordial que le gouvernement se dote d'une politique en itinérance. Un programme-cadre, c'est bien, mais une politique, c'est mieux ? je fais référence à une annonce. Une politique, ça s'inscrit davantage dans, nous, ce qu'on a besoin. Par exemple, à l'Agence des services sociaux et de santé de la Montérégie, malgré qu'il y a un comité régional sur l'itinérance, l'itinérance n'est pas reconnue comme problématique clientèle. Donc, il n'y a pas possibilité de financer. On dit, bon, l'itinérance, elle est transversale. Je veux bien croire que les itinérants sont tous pauvres, mais tous les pauvres ne sont pas itinérants. Ça fait que, là, au niveau des services, puis de l'offre, puis de la demande, on a un petit problème à financer les choses. Donc, on appuie beaucoup la demande du RISQ à l'effet qu'il y ait une politique en itinérance.

n(17 heures)n

L'itinérance exige une approche globale, c'est dans ce sens que les organismes communautaires et institutionnels sur la Rive-Sud se sont donné la table de concertation.

Donc, nous appelons le gouvernement à se doter d'une politique globale et qui interpelle tous les ministères concernés, un peu comme on est en train de le faire dans nos tables locales, hein? On le fait déjà. D'ailleurs, on interpelle les ministères, que ce soient les centres locaux d'emploi, les centres locaux de développement, les commissions scolaires, on les appelle tous à participer à nos tables. Ça se fait déjà à la base. C'est le fun maintenant, là, que le comité intersectoriel commence à y penser, c'est intéressant, mais il faut le développer davantage, il faut que ça s'inscrive dans la politique, puis la politique doit favoriser de prévenir et de réduire l'itinérance, bien sûr.

On nous demandait aussi, bon, les définitions. Vous les avez tous lues, je pense, les définitions, toutes celles qu'on a établies, soit au RISQ ou ailleurs. En partant, à Longueuil... bien, à Longueuil ou sur la Rive-Sud, on s'est dit qu'on avait de la difficulté à définir l'itinérance comme un problème en soi. En fait, pour nous autres, c'est plus la résultante de problème, d'un problème social, individuel ou institutionnel.

Toutefois, bon, les organismes se sont quand même entendus sur une définition que je vous cite. Donc, une personne sans domicile fixe ou à risque, c'est: une personne qui n'a pas d'adresse fixe, qui n'a pas l'assurance d'un logement stable, sécuritaire et salubre pour les jours à venir, a un revenu très faible, avec une accessibilité souvent discriminatoire à son égard de la part des services publics, pouvant vivre des problèmes occasionnant de la désorganisation sociale, notamment en santé mentale, alcoolisme, toxicomanie, jeux compulsifs, et aussi dépourvue de groupe d'appartenance.

Puis là je reviens à mon centre de jour qu'on identifie comme important sur la Rive-Sud. Cette définition décrit différentes réalités avec lesquelles composent les organismes membres de la table, différentes réalités, mais surtout différentes personnes: les personnes sans logis, les personnes qui ne sont pas capables... qui n'ont pas la capacité de payer, les gens en perte d'ancrage familial ou social, les femmes victimes de violence, les personnes qui sortent d'institutions, les personnes ayant vécu des épisodes d'itinérance, etc., et aussi les personnes qui vivent l'itinérance de façon chronique, et ça, oui, on le vit aussi, à Longueuil et sur la Rive-Sud, et ce n'est pas caché.

L'itinérance a donc plusieurs visages et nécessite des solutions diversifiées. Ça vous va? Je prends... Je parle-tu trop vite? Ça va? Sur la Rive-Sud, les seules statistiques recensées par nos ressources suffisent pour comprendre l'ampleur du phénomène. Je vais citer les exemples, puis ils méritent que je les cite ici. D'ailleurs, je suis là pour les représenter. Je ne les nomme pas tous. Ils sont 18, je vous ferai grâce, il y en a quatre que je n'ai pas mentionnés.

Il y a L'Abri de la Rive-Sud, qui est un refuge d'urgence pour les hommes, a offert 4 842 nuitées à 663 hommes. L'organisme a quand même refusé à 1 237 reprises l'accès à ses services.

La Maison Élisabeth-Bergeron, c'est le seul refuge d'urgence pour femmes sur la Rive-Sud, elle a reçu cette année 101 femmes et a dû en refuser 96.

La CASA Bernard-Hubert est un service d'hébergement et a hébergé 107 personnes mais a eu 863 demandes.

L'Antre-Temps est une ressource d'hébergement pour jeunes et a offert ses services à 131 jeunes mais a été obligée d'en refuser 161.

Le Repas du Passant a fourni 19 000 repas à prix modique et a offert 2 500 dépannages alimentaires.

Maccadam Sud, qui est un organisme de travail de rue avec Le Troc unité mobile, un peu comme L'Anonyme, qui a des travailleurs de rue, est intervenu plus de 5 000 fois auprès de plus de 2 000 personnes différentes cette année.

Le Réseau d'Habitation Chez-Soi est une ressource qui accompagne des personnes ayant des problèmes de santé mentale dans leur recherche de logement, a reçu 331 demandes pour trouver des logements, ils en ont trouvé 165. Ce n'est pas pire. Qu'est-ce que ça nous dit aussi, c'est qu'on a un besoin flagrant et criant de logements sociaux également sur la Rive-Sud.

La Maison de la Paix, une ressource d'hébergement pour jeunes en difficulté, pour femmes avec enfants, recevait 153 personnes différentes cette année.

La Mosaïque, un organisme d'aide et d'entraide, a répondu à 3 854 personnes différentes cette année.

Là, on est sur la Rive-Sud. Cinq minutes? Il y a cinq minutes, O.K., j'achève. C'est que, bon...

Le Président (M. Kelley): Non, non, c'est juste pour avis. Ce n'est pas une menace, c'est juste un avis.

M. Casaubon (Jean): Oui. On réclame donc une meilleure reconnaissance des organismes et un meilleur financement, notamment par le biais du Programme de soutien aux organismes communautaires, hein? On évalue qu'il manque à peu près 17 millions, grosso modo par rapport au Québec. Là, c'est parce que je voulais faire aussi parler Mme Hénault.

Par rapport à IPLI, bien sûr, O.K., on dit qu'il va être reconduit. Est-ce que c'est une promesse? Est-ce qu'administrativement c'est en train de se faire? Je ne le sais pas, mais il y a 14 organismes qui risquent de perdre 27 postes directement dédiés à l'itinérance si jamais IPLI n'était pas reconduit. Puis, s'il l'est, ce que le gouvernement actuel nous dit, c'est qu'il n'y a pas de rehaussement, donc on reste, au mieux, avec les mêmes services. Je finis là-dessus, je vais laisser la parole à Mme Hénault, conseillère municipale à la ville de Longueuil.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue, Mme Hénault.

Mme Hénault (Manon D.): Bonjour. Moi, ici, je parle au nom... Parce que, Longueuil, on a une dynamique qui est différente comme, mettons, tantôt Laval. Moi, je parle ici plutôt au nom de la ville de Longueuil et non de l'agglomération de Longueuil. L'agglomération de Longueuil, quand je mentionne le logement social, c'est au niveau de l'agglo, mais les autres interventions se font avec la ville de Longueuil, qui regroupe Vieux-Longueuil, Saint-Hubert, Greenfield Park. C'est bien important pour situer les choses. Ça va?

Ça fait que, c'est ça, Longueuil constitue, avec les villes de Laval et Montréal, l'une des trois agglomérations urbaines de la Communauté métropolitaine de Montréal. Longueuil et Laval constituent le prolongement du tissu urbain montréalais. Leurs économies sont fortement intégrées à celle de la région métropolitaine de Montréal. En mai 2006, la ville de Longueuil dévoilait son plan de développement social et communautaire. Ce plan précise un certain nombre d'objectifs et de principes qui s'appliquent aux problématiques de l'itinérance.

Historiquement, la ville de Longueuil a consenti des efforts importants en matière de lutte contre la pauvreté, particulièrement en ce qui a trait à la construction de logements sociaux. De 2002 à 2008, la ville de Longueuil a soutenu 931 ménages par diverses interventions à logement social, soit logement social, logement abordable, AccèsLogis, etc. Nous n'avons pas l'intention d'en rester là, par exemple, parce que le manque de logements constitue un secteur important de la dynamique et de l'itinérance.

La présence de 82 organismes communautaires et d'une corporation de développement communautaire sur le territoire de l'arrondissement du Vieux-Longueuil, l'adoption de notre plan de développement social et communautaire et notre récente implication dans une démarche de revitalisation urbaine intégrée sont autant de témoignages de notre volonté de trouver des solutions aux problèmes de pauvreté qui sont le lot d'une partie trop importante de notre population.

C'est dans l'expression des principes directeurs et plus directement du principe de base que la ville de Longueuil et ses partenaires affirment leur inébranlable volonté de s'attaquer, à l'intérieur de leur champ de juridiction, au problème de l'itinérance et à ses causes. Ce principe de base s'énonce comme suit: la ville de Longueuil et ses partenaires du développement social et communautaire reconnaissent les droits fondamentaux de toute personne: d'avoir un accès à l'alimentation saine et suffisante; de se vêtir convenablement; de se loger dans des conditions adéquates de confort et de salubrité; d'avoir accès à des ressources de transport, à des soins de santé et à des services éducatifs; d'entrer en relation avec d'autres personnes; et de vivre dans un milieu sain et sécuritaire. Ces mêmes principes devraient guider le gouvernement, ses ministères et mandataires dans l'élaboration de leurs politique et plan d'action en matière d'itinérance.

On ne doit jamais perdre de vue qu'ultimement l'itinérance est l'échec d'un système qui, parfois, ne sait pas et, d'autres fois, ne peut s'adapter aux besoins d'une certaine partie de la population, celle qu'on appelle les marginaux. L'itinérance est souvent l'aboutissement du parcours d'un décrocheur scolaire que le système n'a pu raccrocher, d'un joueur compulsif que le système a un peu encouragé, d'une personne ayant des problèmes de santé mentale que le réseau de la santé a désinstitutionnalisée sans qu'il y ait de service et de support dans la communauté.

Nous ne souhaitons pas de faire porter la responsabilité de l'itinérance sur un ministère ou un organisme quelconque, mais nous devons reconnaître que nous faisons partie d'un système qui exclut d'emblée les plus faibles, les plus fragiles et les moins bien outillés. Or, le rôle de l'État n'est-il pas, entre autres, de réguler les dysfonctionnements d'un système dont il est l'un des principaux rouages?

Toute intervention en matière d'itinérance, y compris l'adoption d'un cadre de référence ministériel, doit s'inscrire dans une vision globale de lutte contre la pauvreté et non pas de lutte contre les pauvres, comme ce fut déjà le cas. Or, diminuer la pauvreté relève d'une vision globale de la société qui implique tous les acteurs sociaux et économiques.

n(17 h 10)n

La ville de Longueuil salue donc l'importance qu'accorde le ministère à une intervention concertée impliquant le ministère de la Santé et des Services sociaux bien sûr, mais aussi le ministère des Affaires municipales et des Régions, la Société d'habitation du Québec, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice pour mettre en place des mesures issues de la politique globale de l'itinérance. L'action concertée des ministères est indispensable devant le phénomène de l'itinérance et pour assurer des résultats tangibles.

Comme entité politique, nous devons appuyer les organismes qui, dans nos milieux... Combien?

Le Président (M. Kelley): ...deux minutes, s'il vous plaît.

Mme Hénault (Manon D.): O.K., ça va, je vais être correcte.

Le Président (M. Kelley): Oui!

Mme Hénault (Manon D.): Comme entité politique, nous devons appuyer les organismes qui, dans nos milieux, s'acharnent à améliorer les conditions de vie des personnes itinérantes, à réduire les impacts personnels et collectifs de cette problématique et à la prévenir. La non-reconduction du programme Initiative des partenariats de lutte contre l'itinérance aurait des conséquences désastreuses sur l'organisation des services et des personnes itinérantes.

Là, je veux rappuyer les dires de Jean. Nous mentionnons, entre autres, la suppression des six postes à l'Abri Rive-Sud et la disparition pure et simple de la ressource d'urgence pour femmes sur la Rive-Sud, la Maison Élisabeth-Bergeron. Au total, 27 postes devront être abolis dans les 14 organismes qui desservent la population en itinérance de la Rive-Sud. Cette situation est intolérable.

Je vais aller à ma conclusion tout de suite. La ville de Longueuil incite le gouvernement à adapter une politique globale visant à prévenir et à réduire l'itinérance, laquelle interpelle tous les ministères. La ville de Longueuil est d'avis que cette politique constitue l'essentiel premier pas et qu'elle doit... les mesures législatives et réglementaires ainsi qu'un plan d'action comportant des objectifs clairs et précis.

La ville de Longueuil réclame du gouvernement du Québec que soient reconnus formellement les interlocuteurs et qu'on leur accorde les ressources nécessaires à la réalisation de leur mission. Mais la ville de Longueuil appuie vigoureusement la recommandation de la table de concertation en regard du financement des organismes qui dispensent des services, sans oublier le financement de concertation intersectorielle qui permet de partager les connaissances et de mettre en place des mécanismes efficaces de coordination, évitant ainsi le duplicata des ressources.

La ville de Longueuil demande ? je me dépêche ? au gouvernement du Québec...

Le Président (M. Kelley): Oh! Mme Hénault, vous pouvez déposer le document, s'il reste des points.

Mme Hénault (Manon D.): Oui? Bien, ils l'ont...

Le Président (M. Kelley): Je ne veux pas vous presser...

Mme Hénault (Manon D.): O.K., mais...

Le Président (M. Kelley): ...mais j'ai un autre témoin avant 18 heures. Alors, c'est pourquoi je commence à être un petit peu serré dans le temps.

Mme Hénault (Manon D.): O.K. C'est bien.

Le Président (M. Kelley): Alors, si vous pouvez conclure et déposer le document, on va lire ça attentivement.

Mme Hénault (Manon D.): O.K. Bien, pour conclure, la ville de Longueuil est consciente des difficultés rencontrées par les organismes sociaux du territoire, qui inlassablement travaillent avec engagement à soutenir les clientèles fragilisées. La mise d'un cadre de référence et d'une politique gouvernementale en matière d'itinérance est un essentiel premier pas dans la bonne direction. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Désolé de vous...

Mme Hénault (Manon D.): Non, non, ce n'est pas grave. Je comprends, je comprends.

Le Président (M. Kelley): Ce n'est pas le premier témoin que j'ai dû encourager, alors.

Mme Hénault (Manon D.): C'est ça, je comprends. C'est ça.

Le Président (M. Kelley): Si je peux demander aux trois formations politiques de poser leurs questions d'une façon très précise, parce qu'on a un autre groupe après, on a une couple de témoins, des personnes, à la fin de l'après-midi. Alors, sans plus tarder, Mme la députée d'Hull.

Mme Gaudreault: Bon, alors...

Le Président (M. Kelley): De Hull.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gaudreault: De Hull. Ça fait deux fois, là!

Le Président (M. Kelley): C'est un lapsus, je m'excuse.

Mme Gaudreault: Non, ça va. Alors, merci beaucoup d'être là, aujourd'hui. Plus précisément... pas plus précisément, mais, madame...

Mme Hénault (Manon D.): Hénault.

Mme Gaudreault: ...pardon, excusez-moi. C'est important que des représentants des différentes municipalités soient résolument déterminés à aider des gens qui sont ici pour trouver des solutions pour assurer une continuité de services. Ils ont besoin de vous, ils ont besoin de nous, et c'est ça, le coeur, là, de cette commission parlementaire. Et, moi, je félicite votre intervention, en espérant que tous les ordres de gouvernements se mobiliseront pour vous donner la main. Dans ce sens-là, ma question est très simple. Vous avez fait état de quelques bris de services. La Maison Élisabeth-Bergeron, le seul refuge pour femmes, a refusé 96 personnes. Elles sont allées où?

M. Casaubon (Jean): Probablement vers Montréal ou... En tout cas, on le souhaite, qu'on a trouvé un... mais ça, j'en suis sûr qu'ils ont trouvé un toit. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on commet l'illégalité puis qu'on accepte des gens en dehors des limites permises par la loi dans nos ressources, quoiqu'on le fait. Mais enfin, bref, non, je suis certain qu'ils ont été référés vers ailleurs. Enfin, je l'espère, mais je ne peux pas vous le garantir, je n'en ai aucune idée. Mais effectivement, il y a 96 femmes qui ont été refusées à la Maison Élisabeth-Bergeron.

Mme Gaudreault: Alors, ce que vous faites, vous aussi, comme les gens de la ville de Laval, vous voulez assurer des services de proximité à vos gens sur la Rive-Sud et vous ne voulez pas continuer à être obligés de...

M. Casaubon (Jean): De toute façon, l'île, ici, ne peut plus y répondre. Elle répond pour le Québec et le Canada en entier. Bon, il y a Vancouver, il y a Toronto aussi, là. Mais Montréal ne peut plus répondre, là. Ça a été ça, ça a été le cas longtemps. Moi, j'ai travaillé, comme je l'ai dit tantôt, travailleur de rue, j'ai été à Montréal pendant un bout de temps. Mais après ça, quand je suis arrivé à Longueuil, on a créé d'autres services des travailleurs de rue. Puis un peu le mandat qu'on s'était donné, c'était de retenir les gens de la Rive-Sud, on voulait éviter qu'ils traversent le pont.

Puis c'est un peu cette même logique là qui se développe, quoiqu'aussi en même temps on comprend que les gens qui vivent des difficultés, souvent aussi à cause des préjugés qu'on a envers eux, ils ont des étiquettes dans le front, ils aiment mieux être ailleurs pour un certain temps, se faire oublier, puis bon. Puis, par définition, ils sont itinérants, donc pas d'adresse. Mais il y a un bon nombre de gens qui se trouvent dans les grands centres-villes, qui viennent d'ailleurs. Ça, tout le monde le sait, puis on vous le dira sûrement tout au long de la commission. Mais ceux qui font le trajet et qui veulent revenir dans leur milieu, ça, il faut absolument qu'on soit en mesure de répondre et de les retenir chez eux.

Mme Gaudreault: Et, la table de concertation, est-ce qu'il y a un projet qui a été issu, là, vraiment des rencontres de cette table-là? Un projet, là.

M. Casaubon (Jean): Il y en a plusieurs. Entre autres, entre la Maison d'hébergement Jacques-Ferron, qui est une maison pour personnes en santé mentale, et le Repas du passant, il y a un lien qui s'est fait là pour permettre à la clientèle de gens qui ont des problèmes de santé mentale d'avoir un lieu de socialisation, par exemple. Ça, ça ne se faisait pas à l'époque. Actuellement, on travaille sur un projet de Recyclo-Centre.

Il y avait un autre projet... Je m'attendais à cette question-là. Mais il y a plusieurs ententes de services ou de collaboration interorganismes qui sont issues effectivement de la table, qui n'auraient pas pu voir le jour autrement parce que les gens, bon, ne se voyaient pas, ne se connaissaient pas.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Je suis intéressée... Vous avez soulevé le lien qui avait été fait, l'espèce de passerelle entre deux organismes. On a entendu plusieurs organismes depuis lundi. Tout à l'heure encore, à Laval, on nous a parlé de certains regroupements qui regroupaient une partie des organismes. Je suis intéressée que vous élaboriez davantage sur ce lien-là parce qu'il me semble... C'est sûr qu'on n'a pas de solution miracle, il n'y a pas de baguette magique pour éradiquer l'itinérance, éradiquer tous les problèmes qui tournent autour de l'itinérance, mais chose certaine, il me semble, et bien humblement, que de permettre ou de faciliter les liens et la concertation de l'ensemble des intervenants permettra d'une part peut-être d'éliminer le dédoublement des ressources et permettra vraiment de mettre les sommes, de concentrer les sommes aux bons endroits, permettra de concentrer les énergies également aux bons endroits. Mais ça, ça peut seulement se faire si les gens se parlent entre eux puis si les gens travaillent ensemble. Alors, je suis très intéressée à vous écouter là-dessus.

M. Casaubon (Jean): Oui. Je peux vous parler de la Table de concertation des sans domicile fixe où effectivement ça se fait. Bien, comme, moi, par exemple, je suis hébergé à l'intérieur d'une ressource d'hébergement, ça fait que l'organisme n'a pas... on n'a pas à défrayer de coût de loyer, de ci, de ça. Puis là je pensais au Repas du Passant où on a ouvert le matin parce que les gens qui sortent de l'Abri de la Rive-Sud ? en fait j'appelle ça le «bed-and-breakfast» ? ils rentrent à 5 heures le soir, ils sortent à 6 heures le matin, puis, entre 6 et 9... puis l'hiver... Entre 6 et 9 le matin, ils n'avaient pas de place. Donc, on a ouvert la porte au Repas du Passant. Mais, pour ce faire, on avait besoin de ressources humaines. Donc, c'est une ressource qui est prêtée par un autre organisme, qui va là. Alors, on fonctionne comme ça. Ça n'a pas coûté une cenne de plus à personne, mais on a donné le service.

À Longueuil, la concertation, elle est très existante. Juste dans l'arrondissement du Vieux-Longueuil, il y a 21 tables de concertation. Je vous dis ça avec ironie, parce qu'à un moment donné effectivement... bien, parce qu'on marche en silo, et il y a une table de concertation par silo, et elles sont financées, pour la plupart, par la Direction de la santé publique. Mais la table de concertation itinérance est une fin de non-recevoir par ailleurs, même si on est multiculturels. C'est important de voir... Il y a tout un discours de l'importance de la concertation, tout ça, et elle est financée en partie par l'État. Mais, quand ça vient du milieu, quand ça vient des organismes eux-mêmes, ah, là, non, ce n'est pas reconnu. Comme je disais dans le mémoire, le silo itinérance n'existant pas, bon, on n'est pas tenu d'y répondre, hein? C'est simple comme ça. Mais il y a 21 tables de concertation, ça fait que la concertation...

n(17 h 20)n

Mme Vallée: Il y en a.

M. Casaubon (Jean): Il y en a peut-être un peu trop. C'est comme manger trop de spagat, ça rend malade.

Mme Vallée: J'aimerais vous entendre un petit peu sur la...

Des voix: ...

Mme Vallée: Est-ce qu'il nous reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui. Il reste deux minutes.

Mme Vallée: D'accord. J'aimerais vous entendre un petit peu sur la rétention des jeunes dans la région de Longueuil. Parce que certains détracteurs diront que les régions poussent leurs itinérants vers le centre de Montréal, hein? On entend ça. Et Laval nous a donné une vision des choses. Venant d'une région, je dois vous dire qu'on ne souhaite pas pousser nos jeunes vers les centres urbains, parce que l'adaptation n'est pas toujours évidente. Mais j'aimerais vous entendre sur ce qui est fait, à Longueuil, face à cette... pour garder les jeunes ou pour les ramener vers la Rive-Sud?

M. Casaubon (Jean): Je vous dirais, depuis... ça fait quoi, là, ça fait une trentaine d'années, une vingtaine d'années que je suis à Longueuil, une trentaine d'années que je suis dans le milieu, mais, à Longueuil, depuis une vingtaine d'années, s'est développé beaucoup de services et d'ententes avec la ville, les services de police, et tout ça. C'est certain qu'au moment où Longueuil développait la Collectivité Nouvelle puis le Parcours du Cerf, moi, j'arrive avec un truck tout barbouillé puis j'échangeais des seringues au coin des rues, ça dérangeait un petit peu. Et on s'est assis ensemble avec la ville et on s'est mis à travailler, très bien travailler.

Quand on s'est mis à visiter, à un moment donné, tous les changements de quart de police pour vraiment... pas la police communautaire... J'ai beaucoup de respect. Mais chaque patrouilleur a rencontré les travailleurs de rue pour savoir qui on était, qu'est-ce qu'on faisait, ce sur quoi on allait, leur demander surtout de ne pas suivre nos clients, tu sais? On tentait d'établir des échanges comme ça.

Puis la ville a aussi favorisé aussi... Là, je ne suis pas sûr si je devrais dire ça. Mais, tu sais, à Longueuil comme ailleurs, le phénomène «pas dans ma cours», ça existe. Et la ville a travaillé bien fort pour essayer d'atténuer ce phénomène-là et de permettre à des organismes de pouvoir ouvrir de l'hébergement puis pouvoir accueillir les personnes itinérantes. Puis ça, on en est très reconnaissants à la ville. Et ça se continue, ça se maintient comme ça. Et ce n'est pas facile, hein, surtout qu'on a tous l'esprit de la banlieue quand on déménage.

Il faut dire que, bon, Longueuil a toute une histoire aussi, hein? Longueuil, c'est Montréal-Sud, c'est le Coteau rouge, c'est Nègres blancs d'Amérique, c'est... Bien, en tout cas, il y a toute une histoire avec Longueuil, mais il y a aussi Collectivité Nouvelle, le Parcours du Cerf, il y a... Bon, puis ça se développe beaucoup, beaucoup, beaucoup. Ça fait que, statistiquement, on dit, la pauvreté a tendance à diminuer. En tout cas, je n'ai pas la même lecture de la statistique. C'est plus que le développement fait en sorte qu'il y a une nouvelle clientèle qui... des nouveaux développements.

Mais enfin, bref, je ne sais pas si ça répond à votre question, mais, oui, la ville, depuis plusieurs années, appuie fortement les organismes et travaille beaucoup en concert avec les organismes pour favoriser le travail des organismes à l'intérieur de sa ville.

Mme Vallée: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Oui. Alors, madame messieurs, merci. M. Casaubon, j'aurais quelques questions, parce qu'étant député de Nicolet-Yamaska, vous savez ? je vais faire attention parce que je sais qu'il y a quelques collègues qui suivent la commission avec intérêt ? donc on est quand même près d'une grande ville de taille moyenne qui est Trois-Rivières, et je me posais la question... Parce que souvent, durant la commission et depuis que je suis arrivé à Montréal, j'ai pris beaucoup plus connaissance aussi de l'ampleur de la problématique. Et là on dit Montréal, mais, tu sais, c'est Montréal et ses environs, qui est une réalité très différente de nous, de notre côté, et de ce que je connais du milieu, entre autres Trois-Rivières. Trois-Rivières, c'est une ville, sauf que j'ai... Et, en contactant les gens du Havre de Trois-Rivières, ils m'ont mentionné qu'il y a une hausse quand même, que c'est en croissance au niveau de la fréquentation, des gens qui utilisent les services, les itinérants.

Puis là je me posais... Bon, l'itinérance est partout au Québec, mais, je me dis, avec le manque de logements sociaux, est-ce qu'à travers les différentes tables de concertation les gens ont remarqué qu'il y a un peu un phénomène de déplacement à la recherche... Parce que je suis un peu estomaqué de voir le coût du logement aussi, tu sais. Pas de logements sociaux, donc il reste juste des logements ordinaires. Mais un logement ordinaire, un trois et demie, je vous dirais que, nous, par chez nous, on coupe de moitié, et sinon plus, et c'est chauffé et éclairé, là.

Alors, est-ce qu'il y a eu une certaine étude ou une démonstration qui peut être faite qu'on a tendance... et les gens... Parce que c'est une question de survie aussi, je veux dire. Avoir un toit sur la tête, être capable de se nourrir, être capable de se vêtir, là, je veux dire, c'est les besoins de Maslow, là. Est-ce que c'est une des raisons où on voit davantage l'augmentation dans les villes de taille moyenne? Est-ce que ça s'est déjà discuté? Parce qu'il y a eu une augmentation; ça, les ressources nous le confirment.

M. Casaubon (Jean): Oui. Bien, comme je le mentionne dans le mémoire, effectivement les demandes vont en s'accroissant à l'intérieur de chacune des ressources. Maintenant, est-ce qu'il y a un déplacement à partir du moment où il n'y a pas de logement? Je présume que oui. Manon pourrait peut-être nous dire qu'au niveau de l'Office municipal d'habitation, par exemple, où on en a construit à Longueuil pas mal...

Mme Hénault (Manon D.): C'est ça, à Longueuil, beaucoup...

M. Casaubon (Jean): ...il y a encore une liste d'attente qui est assez...

Mme Hénault (Manon D.): ...d'à peu près de 3 000. Mais par contre les personnes en itinérance, qui sont en itinérance, on fait beaucoup, on fait de l'AccèsLogis, du logement abordable, mais la personne en itinérance n'a pas les moyens de rester là-dedans. C'est à ce moment-là que c'est difficile pour eux autres. C'est de là que c'est important de garder nos gîtes qu'on a, parce qu'ils ne peuvent pas... ils n'ont pas... Ils ne sont pas capables de rester dans ça, ces gens-là. Ça fait qu'à ce moment-là c'est ça qui est important pour nos logements. Mais par contre il y aurait, comme on dit toujours, les centres de répit, c'est important.

Moi, je parle toujours... Moi, je travaille beaucoup... je suis à la CMM au niveau du logement social, et, quand on émet des projets aussi comme au niveau de la SHQ, les attentes sont longues. Les organismes, quand ils ont des projets communautaires, c'est décourageant pour eux. Et, quand on veut élaborer un projet... Cette semaine, on a inauguré un projet avec communautaire, partenariat de la communauté, du milieu, de la ville, la SHQ, tout ça, et ça a pris... depuis 1990 qu'on travaillait sur ce projet-là. C'est pour dire comment est-ce que les organismes ont de la misère à travailler, ont de la...

Mais ce n'est pas... C'est le bon vouloir. C'est tout ce qui arrive, l'engrenage, tous les documents à remplir pour faire la demande d'un... Moi, je dis toujours... Moi, je fais toujours des recommandations là-dessus, le logement social, c'est mon cheval de bataille à Longueuil. Et, je me dis, quand tu arrives avec des organismes, que tu arrives avec une brique comme ça à remplir, là... C'est sûr qu'il faut que la SHQ soit normée, c'est sûr qu'il faut qu'il y ait des bonnes bases, des fondations solides, mais c'est beaucoup, c'est beaucoup, pour les gens du milieu, à faire. Et ça, si ça s'assouplit, ça va aider, puis les taux vont modérer aussi, là.

Les taux, si ton taux est ton loyer médian, c'est sûr que chez vous ça va te coûter bien moins cher que chez nous puis à Montréal. Puis il faut désengorger Montréal. Montréal n'est plus capable d'en prendre, puis on est tous conscients de ça dans nos villes. On est conscients de ça.

M. Dorion: Dernière question rapide. Après ça, j'aimerais céder la parole parce que ma collègue a des questions aussi. Vous m'avez parlé de tables de concertation, 21. Y a-tu un signal? Je veux dire, est-ce qu'on est en train de dire qu'il y a tellement de tables de concertation qu'on se perd dans le contenu, puis le résultat, c'est qu'il y a peu d'actions?

M. Casaubon (Jean): J'aimerais répondre non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Casaubon (Jean): Parce qu'en vous répondant oui, je me tire dans le pied. Non, non, non! Mais, non, c'est parce qu'à un moment donné, c'est de regarder d'où elle part, cette concertation-là. Moi, c'est la première question que je me pose.

Quand on parle des organismes... Tu sais, on parle des organismes communautaires, des organismes communautaires autonomes, on fait une distinction parce qu'un organisme communautaire autonome, il est issu du milieu. Et, moi, quand je parle de la Table de concertation des sans domicile fixe, c'est une table de concertation qui est issue du milieu, elle n'est pas parachutée par en haut. Les 21 tables de concertation dont je vous parle, il y en a plus de la moitié qui sont parachutées par en haut, par la Direction de la santé publique ou par l'agence. C'est là où j'en ai, là. Puis là on peut faire des distinctions. Mais enfin, je ne veux pas...

M. Dorion: Vous avez parlé de... puis vous... tu sais...

M. Casaubon (Jean): Des silos, oui.

M. Dorion: Des silos.

M. Casaubon (Jean): Bien oui, c'est ça, il y a une table de...

M. Dorion: Je me dis, si on prend un représentant de chaque silo alentour de la même table, on risque-tu d'avancer un petit peu plus vite?

M. Casaubon (Jean): Bien, je ne serais même pas certain de ça, parce que, vous voyez, bon, les tables... Parce qu'on marche par programmes clientèles, et il y a des programmes qui sont transversaux à des clientèles. Bon. Il y a la table de concertation des 0-6, il y a une table de concertation des 6-12, il y a une table de concertation des 12-17, une table de concertation des... Wop! Puis là je n'ai pas nommé les programmes, là, je parle juste des clientèles. Après ça, je vais vous parler des handicapés, des personnes âgées puis des... Puis là-dedans il y a des femmes, il y a des handicapés, bon. Et il y a une table de concertation pour chacune. Ça fait qu'il y a l'association de défense de l'oreille droite puis il y a l'association de défense de l'oreille gauche. Et puis ça, c'est la fonction que le gouvernement a de faire qui fait que les organismes sont obligés aussi de se diviser comme ça, les organismes sabordent leur mission bien souvent pour pouvoir faire une demande de subvention, par exemple, ou, bon, «whatever». Ça devient... C'est aberrant, là, mais effectivement c'est comme ça.

n(17 h 30)n

M. Dorion: Effectivement, j'arrive difficilement à vous suivre, là. Mais je veux laisser la parole, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Merci. Bonsoir. Il y a une de mes bonnes amies qui disait: L'analyse paralyse, là. C'est ce qui me vient en tête quand on parle tant de tables de concertation.

Moi, je voudrais vous questionner sur un sujet que vous avez abordé dans votre mémoire, c'est-à-dire un projet de recyclage et de tri pour permettre l'embauche des personnes en situation d'itinérance. Je pense que c'est aussi un outil manquant pour que ces gens-là progressent. Il y avait un autre organisme, ce matin, qui en a parlé. Ça permettait entre autres... Leur cas, c'était avec la ville, ils faisaient du nettoyage sur la rue, mais c'était aussi de la sensibilisation ou de l'éducation auprès des citoyens et des commerçants face à l'itinérance puis changer leur point de vue. Mais parlez-moi donc du projet, s'il vous plaît, que vous vouliez mettre en place.

M. Casaubon (Jean): C'est un projet qui a connu des hauts et des bas, parce qu'il n'est pas d'aujourd'hui, là. Il a déjà même eu cours à un moment donné, mais, pour des raisons administratives ou manque de financement, le projet a arrêté. Les organismes de la table ont décidé de le reprendre. En fait, oui, c'est pour créer de l'emploi et favoriser l'insertion sociale des gens, mais ça avait aussi un autre but qui était... Les organismes qui ont des friperies et qui donnent, bon, du linge, et des meubles, et des électroménagers à la population souvent sont obligés de refuser quand les gens appellent: Aïe, j'ai frigidaire à te donner. Ils sont obligés de refuser, ils n'ont pas de place.

Ça fait qu'on se disait: On va ouvrir une grosse shop, puis on va aller chercher votre stock, puis on va le mettre là. Donc, ça servait aussi d'entrepôt pour les organismes du milieu qui sont obligés de refuser souvent des bonnes occasions qu'ils peuvent donner par ailleurs, après, aux personnes qui en ont besoin. Et effectivement, bon, ça prend du monde pour travailler. On s'est dit: Bon, les gens qu'on pourrait intégrer là-dedans, ce qui pourrait favoriser l'insertion sociale, sont les personnes itinérantes.

Maintenant, là où on... Bien, c'est parce que, là, j'ai posé des questions, mais je n'ai pas de réponse. Mais les plateaux d'insertion sociale, je pense que, le financement là-dessus, il y a eu un moratoire. Je ne sais pas si ça a été levé. Au niveau du centre local d'emploi, du côté de Longueuil, on a gelé ça aussi, les plateaux d'insertion sociale. Je pense qu'il y en a seulement deux. Mais en fait, là, c'est des questions qui sont en l'air. J'ai commencé à rédiger le projet. J'ai eu le mandat, à l'assemblée générale, de repartir le centre de tri et de recyclage ça fait quelques mois seulement. Donc, on en est là présentement puis déjà on n'est pas sûrs de pouvoir poursuivre parce qu'il y a des politiques qui étaient là, qui n'existent plus maintenant, là.

Mme Méthé: Ça revient aussi à dire que vous avez... Bien, en tout cas, une autre chose qui ressort beaucoup, c'est la difficulté à aller chercher du financement, de la complexité de chacun des programmes. Alors, c'est un petit peu une embûche, là. Vous avez parlé...

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

Mme Méthé: O.K. Ah, juste une...

Le Président (M. Kelley): Malheureusement.

Mme Méthé: O.K. Est-ce que ça affecte chez vous... Je sais qu'il y a une action d'Hydro-Québec qui donne de l'argent pour ramasser les vieux frigidaires, ce qui peut enlever... bien les vieux appareils qui consomment beaucoup. Ça vous enlève-tu du matériel chez vous?

M. Casaubon (Jean): Bien, à ce moment-ci, non, je vous dirais que non parce que, bon, si on parle de fréon, bon, puis tout ça, ça devient... c'est spécialisé. Dans un premier temps, j'aurais tendance à vous répondre ça. Nous, on voulait partir d'abord avec les meubles, meubles et vêtements, les électroménagers venaient après, mais, encore là, en fonction aussi de notre capacité à pouvoir donner le service puis à rendre ça possible. Mais, déjà avec les meubles et le vêtement, parce qu'on parle aussi de confection, de réparation, de remise à neuf ou à niveau du matériel qu'on va chercher, ça demandait déjà beaucoup de choses. La deuxième étape, bon, il y avait ça.

Et, la troisième étape, bien là on parle du putrescible, faire le compost puis, bon, les déchets... Mais là je parle d'un plan quinquennal. Je reviendrai s'il y a une autre commission.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, madame messieurs, merci beaucoup d'être là. C'est la première fois qu'on voit, à la commission, une table de concertation en itinérance ou un regroupement d'organismes communautaires autonomes en itinérance et une élue. Alors, je trouve ça extrêmement significatif. Et, Mme la conseillère municipale, si c'était possible que nous ayons votre texte, parce que nous ne l'avions pas, ce sera vraiment apprécié.

Évidemment, là, c'est sûr que vous n'avez pas toutes les ressources. Vous avez peut-être le nombre d'organismes communautaires suffisant pour répondre aux besoins, mais vous manquez de ressources humaines, vous manquez... Quand on dit, là, que vous avez refusé, je ne sais pas, là, 1 237 fois accès à une ressource en refuge d'urgence, je pense que c'est important.

Est-ce que vous avez évalué ce que seraient vos besoins, autant du côté municipal que du côté des organismes de votre table de concertation? Quels seraient les besoins pour que vous répondiez vraiment à votre population? Parce que ça ne doit pas être intéressant de voir vos jeunes aller se chercher un abri à Montréal. Puis ils vont revenir et ils reviennent chez vous ou... Est-ce que vous les perdez? Comment ça se passe?

M. Casaubon (Jean): Oui, c'est ça. Pour être bien honnête, on n'a pas fait cet exercice-là pour la région de Longueuil, à ce moment-ci. On l'a déjà fait par ailleurs dans le passé, mais là, à ce moment-ci, bien, les chiffres ne seraient plus tout à fait exacts. Ce qu'on sait par ailleurs par rapport au programme IPLI, c'est que, bon, il manque une vingtaine de millions. Parce qu'actuellement, comme je vous disais tantôt, là, si on dit: Oui, il va poursuivre, mais, avec les mêmes montants qu'on avait en 2001, bon, ça ne marche pas, puis les nouveaux projets, bien on n'y a pas accès, à ce moment-là. Au niveau du Québec, on calcule à peu près à 17 millions au Programme de soutien aux organismes communautaires, le montant manquant, là. Bon, je parle du Québec. Au niveau de la région de Longueuil, malheureusement je ne pourrais pas vous le dire.

Mais, ce que vous avez soulevé, puis c'est intéressant, je l'avais aussi noté, mais je n'en ai pas parlé, les organismes savent bien répondre aux demandes et à la diversité des demandes, à la diversité des problématiques, des clientèles, mais effectivement, c'est ça, c'est le manque de ressources récurrentes et adéquates qu'ils n'ont pas pour y répondre. Mais ils sont là, tu sais. Bon, il y a la Corporation de développement communautaire qui est là, à Longueuil; c'est 76 organismes membres. Chez nous, on en a 18 parce que c'est l'itinérance seulement. La Montérégie, c'est 400 organismes qui sont financés. Donc, il y a quand même...

Et puis on identifie quand même des zones grises, hein? Ça fait que ça, tu sais, c'est peut-être juste une répartition de la richesse, là. Puis je reparlerai des 21 tables de concertation, peut-être de l'argent à aller chercher, ça, mettre ça ailleurs, là, je ne sais pas, je vous ferai des suggestions éventuellement. Mais malheureusement je ne peux pas vous donner le chiffre exact ou précis pour Longueuil.

Mme Lapointe (Crémazie): Je suis d'accord avec vous que toutes ces tables de concertation un peu imposées ou enfin proposées d'en haut... Il ne faut pas mêler les choses, hein? Il ne faudrait pas laisser nos membres de la commission... que votre table ou des tables de concertation, comment dire, dans un domaine précis comme celui de l'itinérance, ne sont pas utiles. Je suis sûre que, sans votre table, là, et avec l'espèce de lien que vous avez avec la ville, les services de police, et tout ça, ce ne serait pas fonctionnel de la même façon. Mais est-ce que j'ai bien compris que vous n'aviez aucun financement, votre table de concertation, de la part de Québec?

M. Casaubon (Jean): Effectivement, de la part de Québec, il n'y en a pas. Et il y a eu une absence de financement pendant un an, là, à partir du moment de la fin d'IPAC, là, avant les mesures transitoires qui ont donné IPLI. Pendant les mesures transitoires, la table de concertation n'avait aucun financement. Ça fait que c'était porté à bout de bras par le conseil d'administration, qui, eux, sont tous des directeurs et directrices d'organismes qui en ont jusque-là avec leurs ressources à eux. C'était assez épouvantable. Là, on a réussi à avoir du programme IPLI, jusqu'en mars 2009, l'équivalent de mon salaire mais point à la ligne, là, il n'y a pas de téléphone, il n'y a pas de... il n'y a rien, là.

Mme Lapointe (Crémazie): Et ça, ça ne vient pas du gouvernement du Québec. Et je pense que la lutte à la pauvreté, la lutte à la plus grave, la plus dramatique des pauvretés, qui est l'itinérance, c'est la responsabilité du Québec. Alors, vous avez fait des demandes dans ce sens-là, et on vous a refusé?

M. Casaubon (Jean): Oui, ça a été... Oui. Là, j'y retourne, là. J'y retourne dans deux semaines.

Mme Lapointe (Crémazie): Laissez-nous savoir.

M. Casaubon (Jean): Oui, d'accord, je le retiens. C'est enregistré, ça ici, hein? C'est bon, ça.

Mme Lapointe (Crémazie): Tout est enregistré ici. Madame...

M. Casaubon (Jean): Effectivement, c'est prévu qu'on y retourne.

Mme Lapointe (Crémazie): En dernier lieu, Mme la conseillère municipale, vous avez l'air d'une femme extrêmement convaincue. Vous avez une politique de développement social. Est-ce que vous pouvez nous parler peut-être juste un petit peu, parce que vous n'avez pas eu le temps, tout à l'heure, de compléter...

Mme Hénault (Manon D.): De la politique de développement social?

Mme Lapointe (Crémazie): Bien, en fait, oui, un petit peu parce que ça peut être utile. Peut-être que, dans d'autres lieux, ça pourrait être intéressant.

n(17 h 40)n

Mme Hénault (Manon D.): O.K. On a fait des tables de concertation, c'est sûr, pour notre politique de développement social. On l'avait commencée en 2001, mais, après 2004, il a fallu la réviser parce que la ville avait changé. Ça fait qu'on a révisé notre politique et on l'a mise en marche. Là, ça passe, mettons, comme... chaque comité passe à l'exécutif pour savoir au juste où s'en aller au niveau financement, parce qu'il ne faut pas non plus que, nos organismes, on leur crée des attentes, il faut que tout soit bien réel et bien concentré là-dessus. Et, je suis sûre aussi, avec le RUI qu'on a mis, qu'on a intégré à l'intérieur, ça va nous donner une bonne partance là-dessus.

Mais, au niveau du plan de développement communautaire, les organismes en sont partie prenante et eux nous poussent et eux font que la ville n'oublie pas qu'on a fait notre plan de développement, ils sont aux aguets. Mais on a un bon partenariat avec nos organismes, parce que, tu sais, on a beau administrer les deniers de la ville, mais il y a des à-côtés très importants de notre société là-dessus, que c'est important pour nous autres, puis sans ça une ville n'existe pas. On dit: Un quartier, une ville, une province, ça n'existe pas si on n'a pas ces gens-là alentour de nous autres. Puis c'est réellement important.

Puis, même la petite personne qui n'a rien dans la rue, moi, je calcule qu'elle aussi... C'est des marginaux, hein, il faut faire attention à ça. C'est notre population, puis elle est fragile, puis ce petit pourcentage de personnes fragiles là, c'est eux qui ont besoin de nous. Eux autres, le pourquoi qu'ils sont là, c'est ça qui est important. Pourquoi qu'ils sont là, c'est ça qui est important à se poser comme question. J'imagine, au niveau de votre table, là... Vous autres aussi, c'est une table de concertation, hein, ça fait que...

Mme Lapointe (Crémazie): Bien, pas tout à fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hénault (Manon D.): Ce n'est pas sûr? Ce n'est pas sûr? Non, ça ne se ressemble pas?

M. Lemay: Là, ça va bien, là.

Mme Hénault (Manon D.): O.K., ça va bien. O.K., ça va. Mais, ça ne veut pas dire que ça va toujours...

Le Président (M. Kelley): ...comme ça.

Mme Hénault (Manon D.): Ça ne veut pas dire que, dans les tables de concertation, qu'on ne s'obstine pas des fois pour nos points, par exemple. Une bonne table de concertation, c'est une table qui est comme un peu à votre image, là.

Une voix: Qui se parle fort, hein?

Mme Hénault (Manon D.): Qui se parle fort.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, madame.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, je vais juste dire merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui, pour votre engagement. C'est un autre éclairage sur le phénomène.

Je vais suspendre quelques instants. Et je demande à M. Benoît Labonté, le maire de l'arrondissement de Ville-Marie, de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

 

(Reprise à 17 h 44)

Le Président (M. Kelley): Il faut terminer notre horaire de l'après-midi si on veut commencer celui de la soirée alors. Et, juste pour mentionner pour les membres, au niveau du dernier bloc, on a deux personnes qui ont des vécus avec l'itinérance, qui ont demandé d'être entendues après l'arrondissement Ville-Marie. Alors, ce n'est pas notre dernier témoin.

M. Labonté, bienvenue, comme j'ai dit, au nom de la commission... mais avant tout c'est ma faute parce que je préside, mais on a un léger retard. C'est parce que le sujet est fascinant et on a eu des témoignages extraordinaires. C'est notre troisième journée, comme vous le savez, et c'était vraiment une expérience fascinante mais, au niveau de la gestion du temps, difficile. Alors, sur ça, la parole est à vous.

Arrondissement de Ville-Marie
de la ville de Montréal

M. Labonté (Benoît): Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames messieurs, membres de la commission. Je voudrais d'abord, au nom de mes collègues de l'arrondissement de Ville-Marie, saluer l'initiative de cette commission de tenir des audiences publiques sur un sujet certes important, mais surtout de prendre la peine de venir les entendre, ces représentations, ici même, au centre-ville, là où se concentre finalement la plus grande partie du phénomène de l'itinérance qui est présente au Québec.

On le sait, c'est un phénomène qui est aussi ramifié dans ses causes qu'exceptionnellement complexe ? et j'insiste sur le mot «exceptionnellement» ? difficile à résoudre. Alors, je ne veux pas revenir, aujourd'hui, sur le diagnostic du phénomène de l'itinérance, sur lequel de façon générale nous sommes tous d'accord. Et on a remarqué, au cours des différentes interventions dans les derniers jours, que beaucoup d'attention a été accordée au dénombrement des personnes itinérantes, au financement des organismes qui s'en occupent et aussi à la responsabilité des différents paliers de gouvernement à l'égard de ce phénomène. Il y a de nombreux intervenants, vous l'avez constaté, qui tentent de trouver des solutions lorsqu'ils sont confrontés à la réalité même de l'itinérance et sans toujours malheureusement se pencher sur les pistes de solution pour prévenir les effets de l'itinérance.

Et l'itinérance, telle que nous l'observons aujourd'hui, en 2008, pourrait se définir, selon nous, comme étant la conséquence directe et l'aboutissement concret de plusieurs facteurs socioéconomiques qui, agissant ensemble, créent un état d'être spécifique chez un individu. Et cet état d'être pousse l'individu vers le cul-de-sac que représente la rue et le rend partiellement ou complètement, économiquement et socialement isolé et exclu de la société. Et c'est cet état qui rend un individu, dans les faits, itinérant.

Les problématiques sociales, telles que l'exclusion, la toxicomanie, la prostitution, la violence, les maladies mentales, la pauvreté, ne sont pas à notre avis des situations qui amplifient l'itinérance, ce sont plutôt des facteurs qui créent l'itinérance. Et aussi, en parallèle, les problématiques économiques, telles que la perte d'un emploi, la précarité du marché du travail, le manque de possibilité d'emploi, ne sont pas non plus des situations qui contribuent au phénomène de l'itinérance, ce sont là également des facteurs qui créent l'itinérance.

Le cheminement de chaque individu vers l'itinérance, vous l'avez constaté, est de plus en plus diversifié et directement relié aux facteurs socioéconomiques qui l'affectent. Par exemple, les facteurs qui poussent certaines femmes à la rue sont plus souvent liés à la violence psychologique ou physique dont elles sont victimes. En contrepartie, pour certains hommes, c'est la toxicomanie et les problèmes de jeu, par exemple, qui les dirigent vers ce cycle. Et, pour certains jeunes, finalement, l'itinérance est le résultat du décrochage scolaire et de la difficulté à trouver un emploi.

Loin de nous l'idée de prétendre qu'il n'y a plus, qu'il n'existe plus de facteurs communs au phénomène de l'itinérance. La pauvreté est certainement un de ces facteurs communs. Mais, de ne pas définir correctement et ne pas tenir compte des facteurs propres qui poussent un individu vers la rue, c'est faire preuve d'une négligence dont les effets sont potentiellement dévastateurs.

Dans cette perspective, l'itinérance prend rapidement, aujourd'hui, de nouveaux visages. Elle frappe bien sûr de plus en plus les jeunes, les femmes et les peuples autochtones ? et, je pense, M. le Président, vos anciennes fonctions vous ont bien renseigné sur ce facteur. Même si les causes sont présentes partout sur le territoire du Québec, on doit admettre que le phénomène de l'itinérance, à tout le moins dans ses conséquences, est surtout devenu un phénomène urbain et plus encore un phénomène de grandes villes, notamment Montréal. Et admettons également qu'à Montréal le phénomène de l'itinérance est bien sûr beaucoup plus accentué au centre-ville qu'ailleurs sur le territoire.

n(17 h 50)n

L'arrondissement de Ville-Marie, dont j'ai l'honneur d'être le maire, rassemble, il faut le rappeler, le plus grand nombre de sièges sociaux d'entreprises, de commerces mais également le plus grand nombre d'organismes, d'organisations sociocommunautaires. Par exemple ? et c'est souvent peu remarqué, un phénomène peu connu ? notons que c'est à Montréal et plus particulièrement au centre-ville que l'on retrouve l'une des plus grandes communautés autochtones hors réserve au Québec. Précisons également que, sur une centaine de groupes offrant divers services reliés au phénomène de l'itinérance, plus de la moitié sont situés dans l'arrondissement de Ville-Marie, au centre-ville de Montréal, réalité avec laquelle M. Lemay, en tant que prédécesseur, est bien tout à fait familier.

Alors, dans un tel contexte, l'une de nos grandes responsabilités en tant que décideurs publics au niveau montréalais, est d'assurer la cohabitation la plus harmonieuse possible des différentes populations des secteurs économiques et résidentiels mais également des personnes vulnérables souffrant directement ou des effets de problématiques sociales comme l'itinérance, la toxicomanie, la prostitution, la violence ou la maladie mentale.

La solution la plus porteuse à cet égard, quoique moins spectaculaire, réside plutôt dans la façon, pour nous, de prévenir et gérer le phénomène à sa racine même mais également dans notre approche, qui ne peut plus souffrir du traditionnalisme habituel. Plus de ressources financières certainement, mais pas si on utilise ces fonds pour continuer à perpétuer inlassablement nos façons actuelles de faire à l'égard de l'itinérance. Comme société et face à un tel phénomène, nous avons la responsabilité d'innover, la responsabilité d'être audacieux. Et cette responsabilité, elle vaut également pour le gouvernement du Québec, qui a tendance, il faut l'admettre, depuis plus d'une décennie, à négliger grandement cette responsabilité.

Ce qui est réellement en jeu dans le contexte de l'itinérance, c'est le principe aussi de la cohésion sociale. Il faut bien l'admettre, sans une cohésion sociale à sa base, aucune société ne peut espérer évoluer sainement et se développer de façon durable. Le réseau de la santé du Québec, et au tout premier chef le ministère qui en est responsable, s'est néanmoins lentement mais sûrement déresponsabilisé d'une série d'enjeux de cohésion sociale qui portent en eux des conséquences et des effets désastreux. Nous pouvons en citer un certain nombre: la désinstitutionnalisation de malades ayant besoin de soins psychologiques ou psychiatriques, le décrochage scolaire, l'appauvrissement de la classe moyenne, des politiques incohérentes quant à l'accès au logement assisté, et j'en passe. Loin de nous l'idée de trouver un bouc émissaire, mais il est important à notre avis d'établir les faits tels qu'ils sont si on veut apporter les bonnes solutions.

Je vous soulève quelques questions. Comment se fait-il, aujourd'hui, qu'un jeune en détresse à Rimouski, à Gaspé, à Saguenay ou à Val-d'Or se retrouve presque toujours à Montréal? Comment se fait-il que cette migration même des jeunes en détresse soit malheureusement encouragée par certains acteurs sociaux gouvernementaux en région, ce qui coupe dramatiquement ces jeunes de leur milieu d'origine? Comment se fait-il que des centres d'assistance ferment en région, forçant ainsi de nombreuses personnes nécessiteuses ayant besoin de soins à se rabattre sur Montréal? Comment se fait-il, par exemple, que le logement social assisté soit une pratique si peu répandue au Québec? À chacune de ces questions, nous pouvons relier et mettre en évidence une législation québécoise inappropriée. Et tout cela n'est pas simplement... n'est pas relié seulement à une question d'argent ou au sort soi-disant inévitable des grandes villes.

Afin de trouver des pistes de solution, il ne faut pas avoir crainte à notre avis de voir ce qui se fait ailleurs, par exemple à Glasgow en Écosse, à Bâle en Suisse, à Berlin en Allemagne, à New York même, tout près de chez nous, où les autorités urbaines jouissent du soutien de leurs gouvernements, du soutien infaillible de leurs gouvernements, se concertent avec eux et surtout travaillent ensemble sur la question de l'itinérance. Par exemple, à quand remonte une concertation en profondeur, pas entre deux portes et quatre fonctionnaires, mais au plus haut niveau, entre le premier ministre du Québec et le maire de Montréal, sur l'itinérance? À quand remonte le fait qu'un ministre de la Santé du Québec a pris vraiment le temps et la mesure de travailler avec les intervenants présents sur le terrain et pas seulement avec les professionnels, dont certains sont trop souvent devenus ? et j'utilise le mot sans être trop péjoratif ? des «jet-setters» des problèmes sociaux?

Un exemple parmi tant d'autres, le 31 mai dernier, dans l'arrondissement de Ville-Marie, nous avons tenu le Forum économique et social, qui a été coprésidé par Mme Phyllis Lambert et M. Serge Lareault, forum qui a réuni au-delà de 150 personnes représentatives de tous les milieux du centre-ville de Montréal, de l'arrondissement de Ville-Marie. Et le forum a évidemment notamment traité de solutions face à l'itinérance.

J'invite, M. le Président, j'invite la commission à se concentrer en priorité et dans l'action sur les causes et les problématiques en amont du problème, à sortir des lieux communs que nous connaissons tous depuis au moins une décennie. Pour arriver à réduire l'itinérance de façon tangible, c'est à l'ensemble de nos attitudes et comportements qu'il faut s'attaquer. Que ce soit la santé ou l'éducation, l'habitation ou la famille, le service social ou le développement économique, tous ces outils sont nécessaires et porteurs de solutions. Et surtout ce sont tous des outils qui sont à portée de main du gouvernement du Québec.

Je vais me concentrer maintenant, si vous permettez, sur les moyens dont nous disposons à l'échelle d'un arrondissement, des moyens limités certes, mais pourtant je crois que, depuis deux ans, nous avons réussi, dans l'arrondissement de Ville-Marie, d'une certaine façon, à réinventer et à les coordonner, ces moyens, pour une efficacité multipliée. Nous avons voulu ? et nous sommes en passe de réussir ? interpeller et impliquer principalement la communauté des affaires, car le phénomène de l'itinérance, au-delà de son drame humain terrible, représente également une perte économique importante.

Les conséquences de l'itinérance, par-delà les individus qui en sont affectés, sont également subies par les commerces et par les résidents. Un centre-ville où se retrouve un trop grand nombre d'itinérants devient rapidement un centre-ville non attractif pour le commerce, pour y résider, pour le tourisme ou pour le travail. Et, si parfois il a fallu quelques moyens coercitifs de la part de l'arrondissement, faute de mieux, jamais, et j'insiste, jamais n'a été mis en place un ciblage déterminé sur des groupes de personnes. Et je tiens à le répéter, je l'ai dit à plusieurs reprises, je tiens à le répéter publiquement, nous sommes, à l'arrondissement, contre, j'insiste, contre la judiciarisation de l'itinérance. À notre avis, c'est du temps administratif totalement perdu.

Lors de notre forum du mois de mai dernier, communauté d'affaires et groupes socioéconomiques ont conjointement adhéré à l'initiative de l'arrondissement et, par le biais de projets concrets mettant directement en relation des entreprises et des groupes sociocommunautaires, ont adhéré à une base de cohésion sociale nécessaire à tous. Aussi, à l'issue de notre forum, nous avons immédiatement... et c'est important parce que c'est vraiment novateur comme geste, nous avons immédiatement créé la nouvelle Société de développement social de Ville-Marie, qui est un peu le pendant... On a énormément, dans nos arrondissements, en ville, énormément de sociétés de développement commercial pour les artères commerciales, ce qui est important, une mission, mais nulle part ailleurs on ne trouvait d'exemple de pendant social, une société de développement social. Nous l'avons officiellement créée.

Et cette société, innovatrice quant au type de partenariat qu'elle propose, vise à mettre essentiellement en relation soutenue et en relation constante le milieu des affaires et les groupes sociocommunautaires par le biais d'initiatives et de projets concrets au bénéfice des plus démunis. Et je pourrai tantôt échanger plus longuement sur cet aspect. Et cette société, elle vise, entre autres, à canaliser les énergies et des fonds nouveaux, des fonds privés vers des projets sociaux et communautaires, notamment en ce qui concerne l'itinérance. Et déjà, même si nous venons de créer la société, déjà des projets financés par des entreprises ou des regroupements de commerçants sont déjà en marche. Et tous ces projets ont pour objectif de contribuer à réduire la pauvreté, l'exclusion et l'itinérance par des initiatives concrètes qui peuvent être rapidement mises en place.

Alors, voilà à titre d'exemple une façon d'innover à coût plus que raisonnable. Ce n'est pas un fardeau financier, ou très minimalement. Ce n'est même pas un fardeau en fait, c'est une contribution minimale financière de la part de l'arrondissement mais qui va générer des retombées au bénéfice des groupes sociocommunautaires, des retombées extrêmement importantes. Et notre responsabilité, notre valeur ajoutée, c'est de créer ces relations entre deux... ? je vais utiliser un terme qui a déjà été utilisé dans un autre contexte ? «entre deux solitudes» qui se connaissent malheureusement trop peu.

n(18 heures)n

Alors, en terminant, je vous dirais que la commission, votre commission, M. le Président, mesdames messieurs, a une responsabilité énorme. Nous ne croyons pas que vous pouvez en rester à un diagnostic qui est déjà connu sans l'assortir de recommandations évidemment mais des recommandations d'actions très précises et surtout, surtout rapides dans leur implication.

Des villes comme Berlin, San Diego, Paris, Boston, Miami ou Glasgow, avec le soutien de leur gouvernement d'État ou régional, ont eu l'initiative de localiser, par exemple, les services d'aide reliés à l'itinérance ailleurs, ailleurs que strictement dans les centres-villes. Cela s'explique par une raison fort simple, et c'est un sujet qui est délicat à aborder, mais ça s'explique par une raison fort simple: lorsqu'il y a un acte de réinsertion sociale qui est posé, il faut éviter le plus possible de remettre en contact trop direct et trop fréquent ceux qui bénéficient finalement du service. Il ne faut pas les remettre dans un environnement malsain susceptible de les faire rechuter.

Il ne s'agit pas ici de dire: On déplace tout à l'extérieur du centre-ville pour ne plus voir l'itinérance, mais reste que, si on veut augmenter nos chances de réinsertion, si on veut augmenter les chances de succès de réinsertion, si on remet tout le monde dans le même environnement physique le lendemain matin, on sort de La Maison du Père puis on s'en va au parc Émilie-Gamelin ou dans les environs, juste à côté d'ici, avec les vendeurs de drogue qui sont présents 24 heures par jour, ce n'est pas des facteurs à notre avis qui sont très encourageants et susceptibles d'augmenter le niveau de succès en termes de réinsertion sociale.

Alors, en conclusion, voici à notre avis les interventions majeures, principales qui doivent changer si nous voulons commencer à agir avec succès plutôt qu'à réagir au phénomène de l'itinérance:

1° revoir les paramètres de la désinstitutionnalisation du ministère de la Santé du Québec; ce phénomène-là est connu depuis une vingtaine d'années, est à l'oeuvre, et tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec, de toutes les couleurs, sont tous coupables d'avoir contribué à ce phénomène de désinstitutionnalisation qui a littéralement jeté à la rue des personnes qui avaient besoin de soins et qui ont encore besoin de soins sans remettre aux autorités urbaines les moyens pour faire face à cette situation;

2° maintenir les personnes en difficulté, si elles sont en région, dans leur milieu;

3° et j'insiste encore là-dessus, cesser la judiciarisation de l'itinérance;

4° revoir les soutiens de l'État et des municipalités en fonction de l'ajout de travailleurs de la rue aux ressources existantes;

5° impliquer le secteur privé, commerçants et entreprises, dans la réinsertion des itinérants sur le marché du travail;

6° et je reviens là-dessus, c'est très important, décentraliser hors des centres-villes les outils d'aide, de soutien et de réinsertion aux itinérants; et

7° mettre sur pied un véritable programme de logements assistés, lesquels seraient aussi décentralisés à l'échelle du Québec.

Alors, je vous invite conséquemment à faire preuve, dans vos recommandations, M. le Président, d'innovation et d'audace et surtout de ne pas hésiter, par exemple, à évaluer et mettre en oeuvre les pratiques novatrices qu'on rencontre dans beaucoup d'autres pays qui relèvent beaucoup mieux que nous le défi de l'itinérance.

Et je vais citer un rapport de l'OCDE là-dessus, sur Montréal, parce qu'il faut se le dire, à Montréal et au Québec de façon plus générale, sur cette question, on est très loin, très, très loin d'être les premiers de classe: «Les coûts humains, sociaux et économiques de l'itinérance sont beaucoup trop élevés pour continuer à perpétuer les politiques actuelles.»

Alors, je voulais vous laisser ces quelques réflexions avant de passer aux questions. Et j'ai omis, en début de présentation, de vous présenter ceux qui m'accompagnent, je m'en excuse, je le fais immédiatement: Mme Dominique Archambault, directrice du développement social à l'arrondissement de Ville-Marie, et Mme Angela Petru, du cabinet du chef de l'opposition officielle de la ville de Montréal, fonction que j'occupe accessoirement en même temps que celle de maire de l'arrondissement de Ville-Marie. Merci à vous tous.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le maire. Et je suis prêt à passer à la période d'échange avec les députés, en commençant avec le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, M. Labonté, mesdames, merci pour votre présence ici, aujourd'hui, pour votre contribution puis votre mémoire, que j'ai lu attentivement. Et évidemment vous avez lu une bonne partie ici, devant nous, aujourd'hui. Juste peut-être contribuer ou corriger une certaine perception, parce qu'il y a une partie évidemment qui fait mention... puis je pense que vous le faites plus généralement, mais vous faites mention du ministre de la Santé du Québec et...

Une voix: Du ministère.

M. Sklavounos: ...du ministère, mais c'est «ministre» qui est marqué, le mot utilisé, «le ministre de la Santé». Je comprends peut-être que vous ne voulez pas nécessairement politiser l'affaire et mentionner le ministre mais peut-être le ministère, mais...

M. Labonté (Benoît): Je veux juste préciser, c'est bien écrit, dans le texte, «ministère». Je veux quand même être... Je ne pense pas que ce soit écrit «ministre».

M. Sklavounos: Ah oui? En tout cas, le texte que j'ai devant moi, vous dites...

M. Labonté (Benoît): Ah oui! Bien, je m'excuse, O.K., je vais voir.

M. Sklavounos: Oui, justement, je ne veux pas vous reprendre, mais la question, elle se lit textuellement: «Quand un ministre de la Santé du Québec a-t-il [vraiment pris] le temps et la mesure de travailler avec les intervenants présents sur le terrain?»

Juste, si vous me permettez, simplement pour dire que le ministre de la Santé, le Dr Bolduc, est très préoccupé par ce phénomène de l'itinérance. Je vous le dis parce que je lui ai parlé à ce sujet-là, et récemment, et je peux vous assurer que c'est quelque chose qui est très important à ses yeux. Comme vous savez, il a tenu personnellement aussi à lancer le cadre de référence en itinérance, et ce qui a été fait le 18 septembre, à La Mission Bon Accueil, ici, à Montréal, où il a discuté avec plusieurs intervenants du milieu. Et je peux vous dire que le retour que, moi, j'ai eu de ces intervenants-là, c'est que non seulement ses commentaires, mais sa présence à des échanges ont été très bien reçus par ces intervenants-là.

Également, également, vous avez axé... Vous avez probablement pris la peine de regarder ce cadre de référence, où évidemment il est précédé d'un mot du ministre où il parle de ce cadre de référence et qu'il se veut non seulement un guide pour améliorer l'accès aux services de santé et des services sociaux, mais également un fer de lance pour une mobilisation des partenaires pour mieux contrer le problème. Alors, je crois que c'est assez clair de ce mot-là, de ces initiatives-là.

Mais pour vous dire que ce n'est pas une nouvelle affaire. Même l'ancien ministre de la Santé, M. Couillard, comme vous le savez, a visité et rencontré les intervenants du Centre Dollard-Cormier qui a été reconnu institut universitaire en août 2007. Alors, ce n'est pas une nouvelle chose, c'est quelque chose qui s'installe un petit peu dans une ligne d'action de la part de ce gouvernement-là.

Mais ma question pour vous... C'est parce que vous avez évidemment énuméré vos recommandations et surtout sur la question, le fait que Montréal attire, où il y a une population peut-être plus élevée que le reste de la province, qui est évidemment le cas d'itinérants. Et vous parlez de décentraliser les services. Et la question que j'ai pour vous à ce niveau-là...

Vous semblez dire que les itinérants viennent à Montréal parce que les services sont disponibles à Montréal, alors qu'en écoutant les intervenants ces derniers jours, devant nous, il semble être le contraire, on semble nous parler de personnes qui sont venues à Montréal pour différentes raisons, cherchant un emploi, cherchant à fuir quelque chose qui allait mal et, en essayant de s'établir ici, en quelque sorte, se sont cassé la gueule, comme on dit, ou ont connu de la malchance et donc ils se retrouvent à Montréal.

Et donc les services sont à Montréal parce que les itinérants sont à Montréal, et les itinérants ne sont pas à Montréal à cause des services. Et je pense que c'est peut-être une nuance, mais c'est peut-être important. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que je ne suis pas sûr qu'un itinérant au Saguenay décide: Écoutez, j'ai besoin de services, je vais prendre un autobus puis je me dirige à Montréal. Ce n'est pas le profil qui est fait des itinérants. Justement, c'est des gens qui sont en difficulté, qui ne pensent pas nécessairement de cette façon-là. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, si vous pouvez préciser votre pensée là-dessus.

M. Labonté (Benoît): D'ailleurs, merci de votre question. Je veux juste préciser que pas du tout, dans mon texte, je ne visais un individu ministre ou un autre... une situation. C'est parce qu'il y a un problème qui n'est pas propre au dossier de l'itinérance. On a souvent tendance, lorsqu'on est décideur public, à être plus perméable et plus en contact avec les représentants des groupes plutôt qu'avec les bénéficiaires eux-mêmes. Je pense que ça s'applique à l'itinérance comme à d'autres sujets. C'est cette situation-là que je voulais mettre en relief.

Quant à votre deuxième question, je ne pense pas que les gens, les itinérants ou ceux qui sont en besoin et qui deviennent des itinérants viennent à Montréal parce qu'il y a des services; je pense qu'on manque de services à Montréal compte tenu de la problématique. Mon point était beaucoup plus de dire qu'il y a des services qui ne sont pas présents en région, qui devraient l'être, des logements assistés, par exemple, services sociaux plus présents en région. Lorsque des intervenants gouvernementaux, pas par mauvaise volonté mais par manque de ressources en région, n'ont que comme seule alternative pour aider cet individu-là de dire: Bien, il va falloir que tu te rendes à Montréal parce que le seul service disponible ou les seuls services disponibles sont à Montréal, ça amplifie, ça amplifie le problème à Montréal.

Alors, ce n'est pas tellement les ressources qu'on retrouve ici qui sont en cause là-dedans, c'est le manque de ressources en région. Lorsqu'on ferme des centres d'assistance en région, à Val-d'Or ou à Saguenay, bien, s'il n'y en a plus, bien quelqu'un qui est en besoin, il va venir où on va le diriger, là où le centre existe et les services existent, et présentement c'est à Montréal, même s'ils sont insuffisants.

n(18 h 10)n

M. Sklavounos: Je ne suis pas en désaccord avec vous que Montréal a plus de services qu'en région. C'est simplement le point de dire: Si on augmentait les services en région, d'après moi, ça ne va pas nécessairement arrêter l'influx de personnes qui viennent de la région à Montréal. C'est juste sur ce point-là. Sur le point de dire qu'il y a moins de services en région, je suis probablement d'accord avec vous à ce point-là.

M. Labonté (Benoît): Là-dessus, vous me permettrez, en toute gentillesse, de ne pas partager votre point de vue. Puis, quand je parle de services, ce n'est pas nécessairement des services d'aide à l'itinérance en région, c'est toute la chaîne qui est en amont du phénomène de l'itinérance, plus de ressources, par exemple l'aide aux devoirs pour empêcher le décrochage scolaire, développement économique, création de petites entreprises. Il y a toute une panoplie qui n'est pas... de services qui pourraient être bonifiés en région, qui sont à la base des causes de l'itinérance parce qu'on ne devient pas nécessairement...

Puis ce n'est pas ce que je voulais dire. On ne devient pas nécessairement itinérant en région, puis on prend un billet d'autobus, puis on s'en vient à Montréal pour vivre son itinérance. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. C'est les facteurs qui causent l'itinérance auxquels on ne répond pas adéquatement en région et finalement on crée, indirectement on crée plus d'itinérants, et c'est là qu'est le problème.

M. Sklavounos: Je comprends ce que... Là, c'est un petit peu plus clair. Je vais permettre à ma collègue de Gatineau, je pense qu'elle a des questions pour...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Bonjour. Je vais vous dire, M. Labonté, puis je vais être très honnête, puis je pense qu'en toute amitié aussi on peut se parler, moi, je suis d'une région. Moi, je suis députée de Gatineau, mais j'habite dans une petite communauté, une petite municipalité qui s'appelle Maniwaki. Et je peux vous dire qu'à Maniwaki on ne veut pas les voir partir, nos jeunes. Et je peux vous dire que les acteurs des régions, les acteurs en tout cas de ma région travaillent très, très fort en collaboration ? et ça, je pense, c'est un mot important, «en collaboration» ? avec les intervenants politiques, avec les intervenants sociaux et avec les intervenants des écoles. Alors, je peux vous dire que chez nous...

Et je sais, à titre d'adjointe parlementaire à la ministre de l'Éducation aussi, je sais qu'il y a eu un effort marqué fait par notre gouvernement pour augmenter l'aide aux devoirs, pour augmenter le soutien aux familles justement dans le but de contrer le décrochage scolaire, justement dans le but de contrer la pauvreté. C'est certain que ce n'est pas parfait, mais ce n'est pas en lançant des pierres... Puis je le sens comme un paquet de pierres qu'on reçoit aujourd'hui, le gouvernement du Québec. Ce n'est pas en lançant des pierres qu'on va régler la solution, mais c'est plutôt en s'assoyant ensemble et en travaillant en collaboration.

Et il est faux de prétendre que les régions veulent faire du dumping à Montréal avec leurs jeunes et leurs moins jeunes. On veut les garder parce que ce sont des ressources importantes, et on travaille très fort. En Outaouais, on a Le Gîte Ami qui se bat corps et âme pour aider la situation des sans-abri, qu'ils viennent d'un côté ou de l'autre de la rivière, parce que, vous savez, nous, on a une situation particulière, on est à côté d'Ottawa, une autre province.

Alors, je veux recadrer parce que je ne voudrais pas que, de cette commission parlementaire et de nos auditions d'aujourd'hui, il ressorte que les régions font du dumping à Montréal, parce qu'il y a du travail extraordinaire qui se fait. Puis on va avoir l'occasion de le voir, ce travail-là, parce qu'on a une commission itinérante.

Et autre chose, lorsque, dans votre mémoire, vous mentionnez que le gouvernement ne fait pas de concertation en profondeur, que ça se fait entre fonctionnaires, entre deux portes puis quatre fonctionnaires, je le prends un petit peu personnellement parce que, depuis lundi, moi, je ne suis pas avec mes deux enfants; je suis ici, à Montréal, puis j'écoute des intervenants. J'ai passé une nuit dans la rue avec les intervenants de L'Anonyme. Et j'écoute les gens dans le but, avec mes collègues des deux partis d'opposition, d'en arriver à des conclusions claires. Alors, je trouve que c'est un petit peu condescendant à notre égard, M. Labonté.

J'aimerais également, parce que vous avez... Comme vous avez lancé l'idée, je vais vous poser une question. Vous souhaitez que cesse la judiciarisation de l'itinérance. Je suis d'accord avec vous. Parce qu'on en a parlé, ça a été grandement publicisé, M. Bigras est venu nous rencontrer, il a parlé avec émotion, les gens, les itinérants, les intervenants nous ont parlé avec émotion de cette problématique-là. J'ai eu la chance de prendre connaissance de certains communiqués également de votre position quant à la réglementation municipale. M. Labonté, seriez-vous prêt à cesser la judiciarisation dans l'arrondissement Ville-Marie? Ça ne relève pas du gouvernement du Québec, ça.

Le Président (M. Kelley): M. Labonté.

M. Labonté (Benoît): Merci. D'abord, je regrette... Merci, Mme Vallée, pour votre intervention et vos questions. Je regrette que ça ait été interprété comme une attaque personnelle. Je n'ai jamais dit qu'il y avait du dumping qui se faisait volontairement de la part des régions, qu'on voulait se débarrasser vers Montréal. J'ai simplement dit, et j'insiste, et je persiste, et je signe, que, les ressources, malgré les efforts qui sont faits ? et je connais parfaitement bien les limites d'action de quelque décideur public que ce soit à quelque niveau que ce soit ? personne, personne n'a les moyens complets de faire tout ce qu'il y aurait à faire, et cette réalité-là, elle est présente aussi en région. Je n'ai jamais prétendu qu'on voulait envoyer volontairement, se débarrasser de nos jeunes puis les envoyer à Montréal. J'ai dit qu'il y a un manque et, j'insiste là-dessus, qu'il n'y a de ressources suffisantes.

Ça ne veut pas dire qu'il ne se fait rien. Il s'en fait, de l'aide aux devoirs, à Montréal aussi, puis il ne s'en fait pas suffisamment, puis il y a encore un grave problème de décrochage scolaire. Et je vous ferai remarquer que, dans l'arrondissement de Ville-Marie, on a une seule école secondaire, l'école secondaire Pierre-Dupuy, qui, à chaque année, dans le classement de L'Actualité, sur les 454 écoles classées dans L'Actualité, finit à peu près 523e, là, sur 454, notamment en termes de décrochage scolaire. Alors, cette réalité-là, on la vit. Et les ressources ne sont pas suffisantes ici et elles ne sont pas suffisantes en région, puis ça n'a rien, absolument rien à voir avec la volonté des acteurs régionaux à l'égard de ces problèmes-là.

La judiciarisation, votre question. Oui, mais je ne contrôle... ce n'est pas moi qui contrôle... ce n'est pas le maire d'arrondissement qui contrôle la police. Puis je n'ai pas blâmé non plus, puis je regrette encore... je ne sais pas, je n'ai pas dit dans mon texte que je blâmais le gouvernement du Québec pour la judiciarisation. Je ne sais pas où vous avez lu ça. Moi, ce n'est pas ce que j'ai dit, ce n'est pas moi.

Le Président (M. Kelley): Là, je dois... Parce qu'on a dépassé notre 10 minutes par beaucoup, alors je dois couper ça là. Je vais céder la parole au député de Nicolet-Yamaska.

M. Labonté (Benoît): ...juste une précision. Un maire d'arrondissement à Montréal, quel qu'il soit, dans quelque arrondissement que ce soit, ce n'est pas lui qui... La police est sous la responsabilité de l'agglomération, pas des maires d'arrondissement, quand même.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le maire, de la présentation dont vous avez fait aujourd'hui. Je ne me gênerai pas en disant que j'ai travaillé en relation d'aide avant d'être élu, puis, à la lecture de votre mémoire et à vous entendre, vous avez ciblé des éléments très importants. Et on dit souvent que la vérité est souvent dérangeante, ce qui expliquera peut-être certaines attitudes.

Mais, moi, j'aimerais davantage beaucoup plus cerner et beaucoup plus cibler des éléments que vous avez mentionnés, une réalité que j'ai entendue depuis que je suis ici, que les groupes communautaires ont manifestée. Je vais vous parler de la relation entre ce qui se passe sur le terrain, l'action concrète de tous les acteurs, parce que je ne veux pas en oublier, il y en a beaucoup. Et vous l'avez mentionnée, la relation qu'il peut y avoir... et là je ne veux pas dire hauts fonctionnaires, sous-ministres, mais on sait que c'est ces gens-là qui souvent sont décisionnaires, et ce que je peux comprendre, c'est que souvent les gens en bas ne sont pas nécessairement toujours entendus.

Et souvent je me pose la question, et là, à l'écoute de tout ce que j'ai entendu ici, de ce que j'ai vécu quand j'étais en relation d'aide, je me dis que des fois, en haut, on ne descend pas souvent en bas pour voir ce qui se passe. Puis je pense que vous l'avez ciblé et je pense que c'est ce que vous avez mentionné. On a une vision, on a des échos.

n(18 h 20)n

Et je suis content, moi, par contre, de m'être déplacé, parce que, moi aussi, j'ai quatre enfants, puis ça fait partie de mon travail de venir écouter ce qui se passe. On m'a élu pour ça. Ça fait que je n'en ferai pas aucun reproche aujourd'hui. On est ici pour cerner, on est ici pour avoir une meilleure compréhension.

Et j'aimerais que vous m'expliquiez davantage ce que vous avez voulu cibler, parce que, moi, je n'ai pas senti que vous avez picossé, au contraire. Vous avez ciblé un élément, un élément qui est reconnu, un élément qui est crié haut et fort par plusieurs organismes, et j'aimerais vous entendre le détailler davantage.

M. Labonté (Benoît): Bien, merci de votre... Moi, je ne suis pas ici... Écoutez, moi, je suis maire d'un arrondissement qui s'appelle Ville-Marie, qui est le centre-ville de Montréal, avec tout ce que ça implique de problématiques amplifiées, les bonnes comme les mauvaises, tout est un petit peu plus amplifié dans un centre-ville, pour des raisons que tous vont admettre. Moi, je ne veux pas... je ne suis pas là pour distribuer les blâmes à gauche ou à droite. Moi, je suis là pour établir des faits tels que je les vis, tels que je les vis sur le terrain quotidiennement avec les limites de notre action, si on parle d'un arrondissement. Et il y a des problèmes.

Puis Mme Vallée mentionnait ? puis je suis heureux qu'elle l'ait fait ? qu'elle est allée passer une soirée ou une nuit avec L'Anonyme. Je l'ai fait moi aussi et je fais des tournées, la nuit, avec la police pour voir exactement tout ce qui se passe dans un centre-ville. Je suis allé ramasser des seringues aussi avec Spectre de rue. Puis je fais tout ça parce que je veux savoir, je veux savoir ce qui se passe. Et je pense qu'il faut être capable, lorsqu'on est un acteur public, il faut être capable d'appeler les choses par leur nom puis dire: Des problèmes, il y en a. Il y en a, puis il y a des causes à ces problèmes-là, puis il y a beaucoup de conséquences à ces problèmes-là qu'on pourrait éviter par des mesures simples à bonifier, puis pas juste en région mais à Montréal aussi. Et on traite trop, on a beaucoup trop tendance à traiter les conséquences du phénomène plutôt que les causes en amont, puis c'est ça que je veux mettre en exergue.

L'action de l'arrondissement, dans nos limites, nos limites financières, nos limites juridiques aussi, à l'intérieur de notre pouvoir, on ne peut pas tout faire, on ne peut pas tout faire. Les pressions sur l'arrondissement... Puis on est souvent en première ligne, puis M. Lemay l'a expérimenté longtemps. Quand on se promène dans la rue, là, au coin de Sainte-Catherine et Saint-Hubert, quand on arrive au bureau, là, bien les gens, ils nous accrochent directement, et, on le sait, tout de suite, même si ce n'est pas de notre responsabilité juridique, même si on n'a pas les moyens, le premier intervenant qu'ils risquent de frapper dans le rue ? puis je ne dis pas «frapper» au sens péjoratif bien sûr, là ? de rencontrer dans la rue, bien c'est nous. Ça fait partie du métier. Mais je pense qu'il faut avoir l'ouverture d'esprit, la capacité d'appeler les choses par leur nom.

Il y a des problèmes, il y en a, et c'est difficile, puis on est souvent mis en situation... Je réfère encore à l'arrondissement. On est souvent mis en situation où on doit, par des actions, corriger des conséquences de choses qui auraient pu être réglées à l'origine ou qui auraient pu ne pas se produire, sans avoir les moyens de le faire. Puis je ne parle pas juste des moyens financiers, ça peut être aussi des moyens légaux à l'occasion.

Puis, moi, je le dis puis je le répète, juste le phénomène de la désinstitutionnalisation ? puis je pourrais en citer bien d'autres, depuis 20 ans ? tous les gouvernements à Québec, quel que soit le nom du premier ministre, la couleur du gouvernement, tout le monde a été coupable et a perpétué, a perpétué le phénomène de la désinstitutionnalisation pour des raisons budgétaires ou autres, O.K.?, mais les conséquences, là, moi, je les vois.

Quand j'arrive au bureau, le matin, là, puis que je suis au coin de Panet puis de Maisonneuve, là, je le vois, c'est quoi, qu'est-ce que ça veut dire, la désinstitutionnalisation. Puis, quand on ferme des lits en soins psychiatriques à l'Hôpital Saint-Luc, dans le centre-ville plus d'affaires, disons, puis qu'on envoie ça à l'Hôpital Notre-Dame ? on en coupe, là, mais ce qui reste, on l'envoie à l'Hôpital Notre-Dame ? en plein quartier résidentiel, puis quelqu'un rentre à l'urgence psychiatrique, puis on le sort à 3 heures de la nuit, puis on dit: Bien, va-t-en, c'est fini, on n'a plus de soins pour toi, on n'a plus d'argent puis on ne sait plus comment s'occuper de toi, puis cette personne-là, à 3 heures du matin, elle sort sur la rue Panet au coin d'Ontario, en plein quartier résidentiel, puis elle ne sait pas quoi faire, puis elle est désemparée, je fais quoi, moi, le lendemain matin? Je fais quoi le lendemain matin? Est-ce que j'ai les moyens, moi, comme maire d'arrondissement, est-ce que j'ai les moyens financiers, puis les ressources, puis l'expertise pour m'occuper de ça? La réponse, c'est non.

Alors, je veux être capable de le dire, puis même si ça fait mal, je veux être capable de le dire puis de le mettre sur la table parce que c'est un problème. C'est ça. Alors, moi, je pense qu'une partie de mon rôle, c'est également de transmettre les réalités, les réalités de terrain.

M. Dorion: Alors, c'est pour ça qu'à la lecture de votre mémoire on voit aussi: Revoir tous les paramètres de la...

M. Labonté (Benoît): De les revoir, ça ne veut pas dire de tout changer. Revoir, ça veut dire: Regarde, posons-nous des questions, là. Après 20 ans, par exemple, de politique de désinstitutionnalisation pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, là, est-ce que c'est encore la bonne politique? Est-ce que les conséquences ne sont pas plus... les pertes ne sont pas plus importantes que les gains escomptés? Moi, je n'ai pas de problème, après 20 ans d'une politique, à la remettre en question. Le monde évolue vite, puis, à un moment donné, il faut être capable de mettre les choses sur la table. Puis ça, ça n'a pas de couleur, pour moi ça n'a pas de couleur. C'est une réalité humaine, point final à la ligne.

M. Dorion: En allant dans le même sens, ce que l'on retient, le message est clair aussi, c'est le sous-financement.

M. Labonté (Benoît): C'est le sous-financement et...

M. Dorion: Avant même d'injecter d'autre argent, la question que je vous pose à vous qui est le maire de l'arrondissement: Les sommes qu'on possède déjà, bien on sait qu'il en manque, là, mais les sommes qui sont gérées, qui sont administrées, sont-elles bien administrées?

M. Labonté (Benoît): Écoutez, je ne peux pas répondre nécessairement avec précision à votre question d'argent, il en manque partout. Moi, ce que je dis, c'est que je pense que la responsabilité de la commission, c'est de faire l'analyse, une analyse sérieuse de ce qui se fait. Est-ce qu'on met trop d'argent, par exemple, pour régler la conséquence plutôt que la cause? Et je l'ai dit dans mon texte, la cause... les causes sont multiples et ne sont pas nécessairement reliées au phénomène de l'itinérance. C'est des facteurs aggravants qui tranquillement amènent quelqu'un en situation d'itinérance.

Alors, est-ce qu'on investit suffisamment dans les services sociaux en région, dans l'éducation, le décrochage scolaire, etc.? Je ne suis pas capable de faire cette analyse-là, là. J'ai en masse de problèmes à régler, je ne peux pas la faire. Ça, c'est votre responsabilité de faire cette analyse-là. Mais ce que je dis, par exemple, c'est qu'il faut se poser ces questions-là puis il faut regarder l'ensemble de la problématique et non pas juste la conséquence, le phénomène comme tel de l'itinérance, il faut regarder ce qui vient en amont et pas juste en aval.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour, M. le maire, mesdames. Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire, M. le maire, puis c'est tout à fait compréhensible que vous vivez vraiment une situation tout à fait unique au Québec, hein, comme maire d'arrondissement du centre-ville.

Au sujet de la désinstitutionnalisation, je pense qu'on est tous conscients qu'il y a des problèmes. Il y a eu encore aujourd'hui, hier et aujourd'hui, des organismes qui nous disaient que des hôpitaux appellent en disant: Quelques lits vont fermer, pouvez-vous vous occuper de ces personnes-là? Il faut revoir cette question-là.

Vous avez beaucoup de recommandations. Bon, cesser la judiciarisation de l'itinérance. Moi, je vais m'arrêter là-dessus un petit moment. Je vais laisser du temps à mon collègue Martin Lemay, évidemment. Mais le Refuge des jeunes de Montréal, dans sa présentation, avant-hier, il est clair, selon leurs études et leurs recherches, et ça a été confirmé par d'autres organismes, que, depuis cinq ans, ça a beaucoup augmenté, les contraventions, énormément augmenté et pour des raisons, là, vraiment innocentes, là, hein: marcher sur le gazon, s'asseoir sur un bloc de béton, échapper sa cendre, pas sa cigarette, par terre, et que 72 % de ces constats ? on sait bien qu'ils n'ont pas d'argent pour les payer, hein, bon ? ça mène à un emprisonnement.

n(18 h 30)n

Moi, je comprends que la police, c'est la responsabilité de la ville centre. Mais, moi, je vis, mon comté, dans un arrondissement, le comté Ahuntsic-Cartierville. Il y a des postes de quartier, et il y a vraiment une concertation entre l'arrondissement, le bureau du député fédéral et du Québec. On s'assoit avec les services de police. On a eu des campagnes au sujet des graffitis, des choses comme ça. Moi, je suis certaine, M. le maire, qu'avec votre influence vous pourriez faire quelque chose à cet égard-là, parce que ça semble être un problème majeur. Il y a des jeunes, là, qui ne s'en sortiront pas parce qu'ils sont allés en prison à cause des contraventions. Enfin, moi, c'est quelque chose qui me touche particulièrement. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

Quant à la réinsertion, les soutiens de l'État, je suis tout à fait d'accord avec vous. Puis vous avez... on comprend très bien la situation du centre-ville de Montréal, puis, si on a voulu cette commission parlementaire, c'est pour trouver des solutions, vraiment trouver des solutions. Bon.

Décentraliser hors des centres-villes les outils d'aide, de soutien, il faudrait vraiment que ces choses-là soient discutées parce que tous les intervenants nous ont dit: Les personnes en difficulté ne se rendront pas, hein, ne se rendront pas aux ressources si on déplace les ressources. Alors, je m'excuse d'avoir été un peu longue, mais je suis sûre de ne pas avoir pris tout le temps, Martin. Merci de votre réponse.

Le Président (M. Kelley): M. Labonté.

M. Labonté (Benoît): Bien, merci beaucoup, Mme Lapointe. Sur la question de la judiciarisation, on travaille évidemment presque quotidiennement avec les autres intervenants, notamment le service de police. Je veux juste faire une petite nuance importante sur la judiciarisation. On a eu, au cours des deux dernières années, beaucoup de rencontres avec la Commission des droits de la personne du Québec, en fait tous les intervenants, la STM, service de police, les arrondissements, la ville centre, etc., pour traiter de cette question-là, les groupes évidemment qui s'occupent des itinérants, des services, le RAPSIM, entre autres, qui était présent, et on s'est entendus là-dessus, à la commission même ? et ce n'est pas ma décision, c'est celle de la Commission des droits de la personne ? on s'est tous entendus que la judiciarisation n'était pas une recette intéressante. Alors, il n'y a pas de directive ? je veux que ce soit bien clair ? qui a été émise par le maire de l'arrondissement. Je comprends que je n'ai pas de droit légal d'intervenir, on a un pouvoir d'influence, je ne le nie pas du tout, mais il n'y a pas de directive qui est émise parce que je ne crois pas à ça.

Mais la nuance que je veux faire, c'est qu'un acte criminel est différent d'une incivilité, et c'est là, le problème. Un acte criminel, c'est un acte criminel. Et les lois sont faites par le gouvernement du Canada dans le Code criminel ou par le gouvernement du Québec lorsque c'est le Code civil. Ça s'applique à tous les citoyens, on ne peut pas toucher à ça. Une incivilité, puis les exemples que vous avez mentionnés, pour moi, ça relève des incivilités, je ne crois pas, je le répète, je ne crois pas et jamais je n'ai demandé et jamais je ne demanderai, dans l'exercice de mes fonctions, à la police de judiciariser les incivilités. Ce n'est pas une solution. De toute façon, on le sait bien, on a affaire à des gens qui sont souvent sans domicile fixe et pas de capacité de payer. Ça ne sert à rien, c'est du temps administratif totalement perdu. Alors, je voulais juste faire la nuance entre les incivilités et les actes illégaux, là, pour reprendre le terme.

Quant à la décentralisation des services, lorsqu'on parle de réinsertion hors des centres-villes, on est à la phase de réinsertion, pas au moment où il y a la crise, et que la personne arrive en besoin d'aide, et qu'il faut l'aider immédiatement. Lorsqu'on est dans le processus de réinsertion, c'est ce bout-là qu'il faut considérer déplacer, et d'autres villes dans le monde l'ont fait avec beaucoup de succès.

Et ce n'est pas une question de diminuer la présence de l'itinérance dans le centre-ville, lorsqu'on est dans cette phase-là de la réinsertion, c'est une question de gros bon sens, c'est de donner la meilleure chance possible à l'individu qui a bénéficié de services et qui veut se réinsérer socialement de mettre toutes les chances de son côté. Et quelqu'un qui a commencé ce processus-là de réinsertion, qui veut s'en sortir, il risque d'avoir la volonté de se déplacer, puis je ne parle pas 58 kilomètres plus loin, là, on parle dans un rayon quand même relativement raisonnable, mais pas nécessairement dans un pâté de maisons de quatre coins de rue dans le centre-ville de Montréal.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, il vous reste trois minutes.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Quand je vois que le temps file, vous l'avez vu ce matin, je perds patience un petit peu, malheureusement. Alors, M. le maire, ça me fait plaisir de vous saluer. Mesdames, bienvenue à cette commission parlementaire. Oui, j'ai vécu ça pendant de nombreuses années. J'ai tellement aimé ça que je le vis encore. Mais je vous rapporte à la page 4. Vous avez omis de la lire, cette ligne-là, j'ai trouvé ça un peu ironique, et je cite: «Comment se fait-il que ce soit à Montréal, au centre-ville en particulier, qu'il semble si facile de trafiquer de la drogue?» Je vous renvoie la question. J'ai fait une sortie en règle contre la... en règle, pour le peu de temps que j'avais, là. Je vous souligne, M. le maire, que... Comment se fait-il que... Bien sûr, ce coin-ci, on le sait, là, il est densément peuplé, la tension par moments est excessivement extrême. Pendant six mois de temps, une des meilleures polices a toléré des tueurs à gages avec les «guns» dans les poches, la vente de «dope» ? je m'excuse de prendre ce terme-là, M. le Président ? à ciel ouvert pendant plus de six mois de temps.

Là, moi, je veux bien qu'on prenne ça et qu'on commence, et on a tous du travail à faire. Mais, si la ville et son service, dont vous n'avez pas la responsabilité, je le reconnais, tolèrent des tueurs à gages en pleine rue, des bars, le quartier, où il y a de la vente 24 heures par jour au vu et au su de tout le monde, où les itinérants eux-mêmes se font menacer pour vendre de la «dope» eux-mêmes, on part de loin, là. Donc, la passion me reprend encore. Je vous renvoie la question.

Et, parce que je n'aurai pas le temps, j'émets juste des petites réserves. Décentraliser hors des villes centres les outils d'aide, je pense que tout le monde est en accord avec, théoriquement. Mais permettez-moi, M. le maire, de faire un parallèle. Je pense qu'un jeune étudiant qui vient étudier à l'UQAM, on ne peut pas l'obliger à retourner à Rimouski, on ne pourra pas l'obliger. Peut-être qu'il va refaire sa vie à Montréal. Bref, j'ai une petite... Même si on le souhaite, que les gens puissent retrouver leur famille, leurs amis, et tout, suite à un processus d'inclusion, de partir en décentralisant, je pense, on peut tous essayer de favoriser un retour dans notre village, dans notre ville naturelle, vers nos familles et nos amis suite à... Mais de partir à en dire: il faut décentraliser, je pense que c'est plus complexe que ça, même si je pense qu'on souhaite tous ça ultimement. Alors, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): M. le maire.

M. Labonté (Benoît): Rapidement, je sais. C'est la décentralisation hors... pas hors des villes centres, hors des centres-villes, alors ça peut se faire ailleurs en périphérie de Ville-Marie, je dirais, et non pas en périphérie de Montréal. Et évidemment, s'il y a un souhait de retourner dans sa région d'origine, je veux dire, ce n'est pas exclusif, là. Mais, je veux dire, peut-être que la maison de réinsertion plutôt qu'être au coin de René-Lévesque et Saint-Hubert, elle pourrait peut-être être dans le quartier Rosemont, par exemple, ou dans un milieu qui est moins... qui donne moins de contact avec la cause en partie du problème.

Pour l'autre question, évidemment c'est fort complexe. Je ne l'ai pas lue, ce n'est pas la seule ligne que je n'ai pas lue, c'était pour aller plus vite dans la présentation, mais le texte est officiel néanmoins. Il y a des graves problèmes, des graves problèmes de vente de drogue, et c'est pour ça qu'on a été obligés, à notre niveau, de prendre des décisions parfois difficiles, notamment celle de fermer ? je m'attendais à recevoir la question ? les parcs, la nuit, notamment parce que ça, c'est de notre responsabilité, c'est quelque chose qu'on pouvait faire. Tout le monde a dit, quand on a fermé les parcs, la nuit, dans l'arrondissement de Ville-Marie, tout le monde a dit: Ah bien, l'arrondissement de Ville-Marie, Labonté est parti à la chasse aux itinérants. Ce n'était pas ça qui me préoccupait, ce n'était pas ça qui était mon problème; c'était justement la vente de stupéfiants, les gangs de rue et la prostitution, souvent juvénile, qui était là. Et c'est ça qu'il faut régler.

Mais je n'ai pas toute la réponse, M. Lemay, je veux dire. Comment je vais arrêter la vente de stupéfiants au centre-ville de Montréal? Je voudrais bien. Je fais ce que je peux avec les pouvoirs que j'ai. On a travaillé notamment avec le poste de quartier 21, qui est dans le centre immédiat de Montréal, vous le savez. On a établi avec eux la première patrouille à pied très, très, très sectorielle. On parle de trois rues par trois rues, là, 10 policiers à pied qui ne font que ça, surveiller. Et j'invite M. François Robillard, qui est ici, de l'association des résidents, qui a pu aussi en mesurer certains effets positifs. On n'a pas tout réglé, il y a encore beaucoup de problèmes, mais c'est quand même... ça fait partie quand même des mesures qui ont été implantées ici, dans l'arrondissement, pour tenter de diminuer ce phénomène-là.

Mais, je ne suis pas dupe, là, ce qu'on déplace... Puis il y a des bars qui ont été fermés aussi, avec la police, il y a des exercices, des descentes qui se font régulièrement, puis on passe par la voie réglementaire, qui est beaucoup plus facile. De faire suspendre le permis d'alcool par la Régie des alcools, c'est un petit peu plus long, mais c'est pas mal plus porteur en bout de ligne parce qu'un bar qui n'a plus de permis d'alcool n'a plus de clientèle. Mais je ne suis pas dupe, hein? Ce qu'on déplace ici s'en va ailleurs aussi, hein?

n(18 h 40)n

Le Président (M. Kelley): À sa demande, la sage de la commission, Mme la députée de Masson, a demandé un tout petit dernier mot. Alors, Mme la députée de Masson.

M. Labonté (Benoît): Je vais essayer d'être très court dans ma réponse. Je vous le promets.

Mme Grandmont: Merci. Vous n'aurez pas de réponse à me donner, je vous remercie. Bienvenue, mesdames. Bienvenue d'être ici, M. le maire. J'apprécie votre mémoire. Ça m'a interpellée dans un certain point, parce que, quand on dit que les gens des régions arrivent ici, ce n'est pas parce qu'ils arrivent ici par choix, ils arrivent ici par manque de vivre à l'intérieur d'eux-mêmes. Puis ces gens-là, ils pensent que la ville, c'est l'attraction. On vend les villes maintenant. On vend Montréal, on vend Québec, on vend les belles villes, les lumières, l'attraction, tout ce qui vient avec. Puis ces gens-là, ils pensent qu'avec leur mal de vivre à l'intérieur, en s'éloignant de chez eux, qu'ils vont trouver tout ce qui leur manque dans ces villes-là. Et c'est pour ça que ces gens-là quittent. Ce n'est pas parce que les régions ne veulent pas les garder, c'est qu'ils sont tellement malheureux, ils ne réussissent pas à vivre avec eux-mêmes, qu'en s'éloignant, en cherchant ailleurs à trouver un bien-être... Ils ne vont pas le trouver ici plus qu'ailleurs; ils vont trouver juste plus de misère. Mais, même si tu leur dis et tu leur expliques, ils ne veulent pas le comprendre, ils veulent venir le vivre. C'est ce qui fait que pourquoi qu'à Montréal on retrouve tant d'itinérants qui viennent de l'extérieur, c'est à cause d'un gros manque de vivre. Et il faudrait comprendre ces gens-là et les inciter à comprendre pourquoi ils sont devenus itinérants. Ils ne sont pas devenus itinérants par choix, ils sont devenus itinérants par manque d'amour. Merci.

M. Labonté (Benoît): ...il n'y a personne qui devient itinérant par choix. Puis encore je veux être bien précis, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Brièvement.

M. Labonté (Benoît): Très, très brièvement. Je n'ai pas insinué et je ne vais pas insinuer non plus que les gens des régions veulent se débarrasser ? peu importe le terme ? vers Montréal, pas du tout. Ce que je dis, c'est qu'il y a un manque de ressources en région qui occasionne un déplacement vers Montréal de personnes qui par ailleurs pourraient rester en région ou voudraient rester en région. C'est la seule chose que j'ai mentionnée. Mais je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, je vais mettre fin à l'échange. Vous avez mis en évidence la complexité de la situation. Mais, je pense, c'est tous ensemble qu'on peut construire un meilleur Québec pour demain.

Sur ce, je vais suspendre quelques instants. Et j'invite nos deux témoins de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 18 h 43)

 

(Reprise à 18 h 44)

Le Président (M. Kelley): On a deux personnes qui ont demandé de prendre la parole à la fin de la session. Je ne sais pas, on est très pressés dans le temps, mais je ne sais pas qui veut lancer la balle entre vous deux. Mario Paquet nous a fourni un texte. Alors, je pense, à votre honneur, M. Paquet, mais je ne sais pas si vous voulez commencer ou laisser la parole à... Je n'ai pas votre nom malheureusement.

Personnes itinérantes ou l'ayant été (suite)

M. Béliveau (Jean-Pierre): Jean-Pierre Béliveau.

Le Président (M. Kelley): Jean-Pierre Béliveau. Alors, peut-être, M. Béliveau, vous voulez commencer, et on va laisser M. Paquet terminer, ou le contraire. Pile ou face?

Une voix: ...laisser monsieur commencer.

M. Béliveau (Jean-Pierre): Alors, bonjour. Moi, c'est Jean-Pierre Béliveau. Moi, je suis un ex-itinérant. J'ai vécu l'itinérance en 1990, 2001, 2004. Ça, ça veut dire à plusieurs reprises, là. Puis là qu'est-ce qui a changé, c'est que là j'habite un logement social. Puis, c'est ça. Ça, c'est une des choses qui changent bien gros parce qu'en payant 25 % de ton revenu, quand tu es habitué à payer 350 $, 400 $ sur un revenu de 575 $, il y a une cristi de différence. Puis, moi, je suis impliqué au conseil d'administration et puis là je suis secrétaire de la corporation... Puis, nous autres, on avait un projet de développement, puis ça nous amenés à nous impliquer au RAPSIM. Puis c'est ça, là. Moi, en ayant une place, j'ai la responsabilité sociale que les autres aient leur place.

Puis ceux qui peuvent faire changer quelque chose sont devant moi, puis, moi, c'est pour ça que je suis ici, depuis trois jours. Puis c'est ça. La façon que vous pourriez changer la situation d'itinérance, c'est par le logement. Parce qu'en ayant un logement, moi, ça fait depuis 2004, là, que je n'ai pas consommé, puis c'est ça, ça fait que c'est ça, puis que je travaille. Puis c'est ça, moi, je veux faire bouger les affaires. C'est ça, je n'ai rien préparé. Ah oui! Moi, hier...

Le Président (M. Kelley): Prenez votre temps, on n'est pas...

M. Béliveau (Jean-Pierre): Oui. Hier, c'est ça, je prenais l'horaire de la commission, des groupes, puis tout ça, puis, cristi! là-dedans, là, il y a 10 organismes que je connais, que j'ai fréquentés, puis tout ça. Ça, au pire aller, là, je peux le documenter, cristi! Si...

Une voix: ...

M. Béliveau (Jean-Pierre): Bien, le documenter par écrit, là, mais, si vous en prenez considération, hein? C'est ça. Puis ça, ça veut dire que, déjà 10 organismes là-dedans, ça veut dire que vous allez avoir un bon portrait de la situation de l'itinérance. Puis, moi, en étant impliqué au RAPSIM, qu'est-ce que je vois dans les organismes, là? C'est que la plupart des organismes, ils passent peut-être 20 % de leur temps à quoi faire? Chercher du financement. Qu'est-ce qui arrive pendant ce temps-là? Ils ne donnent pas de services. Ça fait que c'est ça, là, tu sais, ils ont besoin d'un coup de main en quelque part.

Puis il y a des organismes là-dedans, mettons, ils développent un centre de jour, ils commencent par un centre de jour, là ils s'aperçoivent que peut-être que: Ah! si je ferais de l'hébergement, cristi! ce serait bon, après ça... C'est ça, là, tu sais, il y a le cloisonnement du financement, là, ils rentrent juste dans une catégorie. Puis c'est ça, là, il faut tout le temps qu'ils jouent, cristi! C'est incroyable, les pirouettes qu'ils font. Mais ils réussissent quand même à maintenir leurs services, là, mais ils ne seraient pas supposés tout le temps avoir de la difficulté, cristi! à chercher du financement.

n(18 h 50)n

Puis il y a le soutien communautaire aussi. Hier, la femme, elle... le soutien communautaire en logement social, là, nous autres, où est-ce que je suis, on est un des rares organismes que c'est les locataires qui font le support communautaire. Mais, comme la... avec le support communautaire en logement social, là, si on prend Laval, par porte... Il y avait un petit tableau, là, puis avec des pourcentages, puis tout ça, mais, si on prend par porte, il disait que, par porte, à Laval, là, ils ont 110 $ par porte; en Montérégie, ils ont 115 $ par porte; en Mauricie, ils ont 55 $ par porte; puis, à Montréal, là, ils ont 10 $, point, 10 $ de la porte. Il y a une différence à cause de l'équité régionale, là. C'est ça, ici, à Montréal, on est sous-financés au niveau du support communautaire, logement social. Puis, c'est ça, là, moi... C'est ça, tu sais. C'est ça. Moi, je n'ai pas préparé d'écrit parce que je ne savais pas comment...

Le Président (M. Kelley): Vous avez bien fait d'insister, si je peux résumer, au niveau individuel, mais également pour les organismes de soutien, l'importance de la stabilité. Vous avez trouvé la stabilité avec un logement et vous avez cherché...

M. Béliveau (Jean-Pierre): À partir de là, on peut faire quelque chose.

Le Président (M. Kelley): Oui, exactement.

M. Béliveau (Jean-Pierre): Même, je pense même peut-être aller faire un cours à l'université, puis tout. Puis c'est ça, là, tu sais, à partir de là, c'est une base stable. Parce que, moi, depuis que je suis jeune, là, j'ai tout le temps été pauvre, puis on va le rester tout le temps de notre vie, là. Mais en tout cas, ça, ce n'est pas grave, là. Mais, quand tu as tout le temps été pauvre, tes besoins, là, sont minimaux, ça fait que... puis avec une piastre, tu fais trois piastres.

Une voix: ...

M. Béliveau (Jean-Pierre): Oui, c'est ça, on tricote.

Le Président (M. Kelley): Je vais maintenant donner la parole à M. Paquet. Mais, merci beaucoup, M. Béliveau, parce que c'est enrichissant. L'importance d'un logement, je pense que c'est le message qui est important pour la commission. M. Paquet.

M. Paquet (Mario): Bonsoir, mesdames messieurs. Contrairement... pour contredire peut-être un petit peu les dernières affirmations qu'on a entendues tout à l'heure, je suis itinérant par choix. Le document que je vous présente vous expose peut-être un petit peu mon point de vue, mon opinion sur ce que je vis et sur ce que je vois être vécu par les gens qui m'entourent. Je vais commencer par vous lire l'introduction puis vous donner un petit topo rapide de ce que le document amène.

Alors, mon nom est Mario, j'ai 46 ans et je suis relativement sain de corps et d'esprit. Si l'on disait de moi que je suis un sans-abri, un itinérant sans domicile fixe, ce ne serait pas faux. Je me définirais toutefois plus justement comme un nomade bon vivant qui a choisi librement de vivre la bohème.

Ce choix s'était présenté à moi dès l'âge de 18 ans, en opposition au travail, choix de vie commun à la majorité. À cet âge, j'ai opté pour le travail pour en venir à comprendre sa dynamique et à évaluer sa pertinence dans mon parcours de vie et dans ma quête du bonheur. 13 ans plus tard, je décrochais définitivement du marché du travail pour me tourner vers la bohème et apprendre à vivre heureux, au jour le jour, en paix avec moi-même et l'univers qui m'entoure.

J'ai trouvé le bonheur en moi. Il ne me reste qu'à le rayonner pour qu'il se communique et que d'autres le trouvent en eux et augmentent le bonheur collectif qui, à son tour, alimentera le bonheur individuel de chacun, dont le mien. J'ai donc choisi d'accomplir cette tâche en me positionnant en bas de l'échelle sociale pour observer les efforts de tout un chacun à en gravir les échelons et pour leur présenter l'alternative du bonheur sans complication.

Mon but n'est pas de détruire le marché du travail, mais de permettre à ceux qui, en son sein, n'y trouvent pas le bonheur d'envisager d'autres options. La bohème peut se vivre de toutes sortes de façons, la mienne n'en étant qu'une parmi tant d'autres, mais elle brandit l'étendard de la liberté et elle gagnera à être mieux comprise.

Depuis mon plus jeune âge, l'on me laisse entendre que nous vivons dans un pays libre, formé d'individus égaux en droits et en libertés. Dans ma façon de vivre, je ne brime en rien le droit des autres de travailler et d'entretenir un système pour gérer leurs relations de travail et leurs rapports sociaux à l'intérieur de ce marché. Je considère donc que, de mon côté, j'ai le droit de ne pas travailler et de chercher à gérer moi-même mes rapports sociaux dans la mesure où mes choix ne briment pas les libertés des autres.

Je crois que le travail et la bohème peuvent non seulement cohabiter comme modes de vie autonomes, mais aussi se compléter dans la quête d'un bonheur collectif. Cela ne demande que le respect, l'acceptation et éventuellement la compréhension des uns et des autres.

Ce que je cherche à faire valoir principalement ici, c'est que, malgré toutes les problématiques, que je reconnais et que j'admets qu'elles sont présentes et qu'elles sont troublantes, il y a des gens qui choisissent de vivre en marge, qui choisissent de vivre dans la rue et qui le font en toute liberté. De trop vouloir régler les problèmes reliés à l'itinérance semble pousser vers une idée d'enrayer l'itinérance. Mais je n'aimerais pas qu'on enraye mon mode de vie. J'aime bien le vivre et j'espère continuer à le vivre.

Je veux voyager, je veux, je l'ai déjà fait d'ailleurs beaucoup et je veux continuer à le faire pour le reste de ma vie. Je ne tiens pas à m'établir. J'arrive à bien vivre dehors parce que j'ai appris à le faire. Les difficultés que j'ai rencontrées m'ont amené à apprendre à me débrouiller puis à vivre des conditions difficiles. Aujourd'hui, je suis bien, je suis heureux, je suis sain et j'évolue, je grandis autant intellectuellement que moralement.

J'arrive à partager des choses avec les gens qui m'entourent, puis parmi ceux-là il y a beaucoup de gens de la société, des gens qui travaillent, des gens qui ont des bonnes positions, qui me parlent comme à un égal et avec qui on arrive à échanger divers propos. D'une certaine façon, même, ça m'arrive de faire un petit peu de philosophie, un peu, dans la rue. Mais principalement je cherche à garder le sourire. Puis, malgré tout, malgré tous les problèmes qu'on peut relier à ma condition, la vie me sourit quand même tous les jours, et je souris à la vie.

Le Président (M. Kelley): Bravo, merci beaucoup, et merci beaucoup pour le texte qui est très éloquent. J'ai regardé ça en diagonale, je vais lire ça attentivement. Mais merci beaucoup pour apporter une autre vision ou une autre dimension de la question très philosophique. Et on va vous encourager dans votre quête d'être heureux et d'être des gens heureux. Alors, merci beaucoup.

Sur ce, je vais suspendre nos travaux à 20 heures. Merci beaucoup, M. Béliveau, merci beaucoup, M. Paquet, pour vos témoignages ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 58)

 

(Reprise à 20 h 12)

Le Président (M. Kelley): Alors, je vais demander à tout le monde de prendre place. Et je vais nous excuser auprès des personnes très patientes du Groupe Actions Pauvreté Yamaska. On a terminé nos travaux, cet après-midi, à 19 h 5 ou 19 h 10, alors il y avait un dépassement de temps. Alors, je m'excuse d'avance, mais on était pris dans un restaurant qui a promis un service rapide, qui était assez rapide mais pas pour arriver à 20 heures pile. Alors, nos excuses.

Et, avant de commencer, je veux signaler la présence, dans la salle, de l'ancien député de Berthier, Alexandre Bourdeau, avec son jeune fils de neuf semaines, qui, je pense, est notre plus jeune visiteur à date, devant les travaux de la commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue à Alexandre et à ton fils aussi.

Alors, sans plus tarder, on a le Groupe Actions Pauvreté Yamaska. Pour juste mettre ça en contexte, on a passé deux jours et demi pour regarder le phénomène à Montréal au centre-ville, mais il y a également les indices que ça devient un enjeu de plus en plus important dans des régions périphériques de la grande métropole.

On a les représentants du Groupe Actions Pauvreté Yamaska de Granby qui sont ici. Alors, sur ma liste, c'est Mme Lusson, Catherine Lusson, qui est la coordonnatrice. Alors, la parole est à vous pour présenter vos commentaires.

Groupe Actions Solutions Pauvreté
de Granby (GASP de Granby)

Mme Lusson (Catherine): Oui, d'accord. Bonsoir. D'abord, pour dire qu'on était très contentes de présenter un mémoire aujourd'hui. Comme monsieur l'a dit, nous, on présente le phénomène de l'itinérance dans la région de la Haute-Yamaska. Donc, c'est plus particulier, c'est différent que qu'est-ce qui se vit à Montréal. Donc, je vais vous faire la table de présentation, bon: l'introduction; les ressources en Haute-Yamaska, on va faire un tour des ressources qui existent déjà; la situation des personnes hébergées, des organismes d'hébergement et le contexte local; les recommandations; et la conclusion.

Donc, je vais commencer avec l'introduction. Donc, le Groupe Actions Solutions Pauvreté, c'est une table intersectorielle qui s'est donné comme mandat de mettre en commun les forces de tous les partenariats dans la recherche d'actions et de solutions concrètes aux problèmes de pauvreté vécus par plusieurs membres de notre communauté. Le GASP soutient le développement d'outils et de stratégies dans cinq grands axes suivants: la sécurité alimentaire, le logement social et communautaire, le transport intermunicipal, l'itinérance et l'éducation.

Donc, nous avons formé un comité itinérance en 2006, à la demande de plusieurs ressources en hébergement, en itinérance. On s'est donné trois objectifs, qui étaient: de réunir de façon régulière les partenaires autour de l'itinérance, de dresser un portrait de la problématique dans la région et d'identifier des solutions à court, moyen et long terme.

Le comité Itinérance a un peu de difficultés parce qu'on peut se réunir, mais déjà on a un deuxième problème. Enfin, le premier problème qui nous empêche de dresser un portrait, c'est le manque de financement. Tout le monde est prêt à faire un portrait de l'itinérance en région, mais aucune ressource n'a les moyens de prendre en charge cet objectif. On y reviendra tout à l'heure, au niveau du financement.

Donc, les ressources qui existent en Haute-Yamaska, c'est la maison d'hébergement pour hommes en difficulté Le Passant. C'est une ressource d'hébergement temporaire avec 21 lits et c'est ouvert aux hommes de 18 ans à 100 ans. Le séjour maximum gratuit de sept jours est permis, ensuite il y a des arrangements qui peuvent être faits pour le paiement.

L'auberge Sous mon toit est un centre d'hébergement communautaire jeunesse, donc relié aux Auberges du coeur. Elle peut accueillir 19 personnes pour un séjour allant jusqu'à un an. Donc, c'est un peu plus long à l'auberge Sous mon toit.

Ensuite, pour les femmes, on a une maison d'hébergement pour femmes vivant des problématiques variées, la Transition pour elles. Il y a huit lits, et la durée du séjour peut varier de quelques jours à plusieurs mois. Et les centres de femmes... enfin, la Transition pour elles essaye d'offrir un petit peu de lits de dépannage pour des femmes qui ont des difficultés d'hébergement temporaires. Des fois, c'est des petits lits, un lit casé quelque part. Ce n'est pas leur mission, mais ils essayent d'accommoder selon les besoins qui émergent.

Et il y a la Halte crise du centre de femmes Entre'elles. C'est une maison d'hébergement pour femmes, et il y a quatre lits. Il y a un séjour d'une durée maximum de deux semaines. Et, en parlant de financement, cette ressource ne dispose d'aucune surveillance de nuit, et c'est une entente de bénévolat de la ressource du Passant qui offre, en cas d'urgence, une surveillance de nuit. Donc, pour dire qu'on est dans une situation où il y a peu de ressources disponibles, on peut offrir des lits, il n'y a pas de surveillance de nuit dans une maison de crise.

Donc, les tarifs présentés varient selon les ressources. Des fois, c'est gratuit pour un certain temps, c'est entre 5 $ et 20 $ selon la situation de la ressource. Mais il n'y a aucun type d'accueil de nuit, un accueil qui pose moins de contraintes qu'un accueil que les ressources d'hébergement qui existent. Donc, il n'existe aucun accueil de nuit où les gens peuvent venir juste pour la nuit et où il y a moins de contraintes. Donc, c'est une des difficultés qu'on a rencontrées et qu'on retrouve de plus en plus souvent, c'est qu'on aimerait quelque chose qui ressemble à un accueil de nuit dans la région.

Donc, on va passer à la situation. La situation des personnes hébergées en Haute-Yamaska. Ça prend de l'ampleur dans la région, les taux augmentent, surtout depuis cinq ans ? je crois que c'est quelque chose que vous avez dû rencontrer dans d'autres mémoires aussi ? les taux de refus aussi parce qu'il y a manque de place, principalement un manque de place quand on doit refuser. Et on n'a pas d'étude sur laquelle on peut appuyer la raison de l'augmentation des problématiques, on peut seulement supposer. Selon ce qu'on voit, c'est des ruptures familiales et amoureuses, absence de lien social, toxicomanie, dépendance et maladie mentale, pour n'en nommer que quelques-uns. Les difficultés financières aussi prennent de l'ampleur avec le coût de la vie qui augmente, les problèmes d'endettement et de jeu.

Donc, c'est un phénomène qui prend de l'ampleur, et on a aussi une crainte qu'il y ait un risque d'augmentation continuelle. Selon les statistiques de la commission scolaire, les enfants avec des troubles de déficit d'attention sont en augmentation exponentielle depuis les dernières six années à la commission scolaire, notre commission scolaire locale. Et c'est des enfants qui, dès l'âge de cinq ans, n'arrivent pas à vivre en société, c'est des enfants qui n'arrivent pas à s'accorder aux règles de la société. Donc, on peut imaginer que dans le futur, quand ces enfants vont avoir 18 ans et plus, ils risquent d'avoir une augmentation de problèmes, mais non seulement pour cette raison, mais les problèmes de société continuent à augmenter.

Pour les populations qui sont les plus touchées, on retrouve les hommes, les hommes d'une moyenne d'âge de 45 ans. C'est sûr que l'auberge accueille de 18 ans à 35 ans, donc leur clientèle est jeunesse, mais, au Passant, qui accueille de 18 ans à 100 ans, la moyen d'âge est des hommes de 45 ans. Et le type d'itinérance, c'est de l'itinérance situationnelle. Donc, c'est des personnes qui arrivent pour une première fois. 70 % des personnes qui sont hébergées au Passant, c'est une première fois. Donc, ce n'est pas de l'itinérance chronique, mais c'est des difficultés situationnelles donc qui font que les gens se retrouvent sans hébergement. Donc, c'est un autre phénomène d'itinérance.

n(20 h 20)n

Et il y a les femmes, et on a plus de difficultés à comptabiliser l'itinérance des femmes, et surtout que ce que nous disent les centres de femmes, c'est que l'itinérance pour les femmes se vit différemment. Elles vont trouver d'autres moyens pour résoudre le problème d'hébergement, qui n'est pas forcément meilleur, mais ça se vit autrement pour les femmes.

On a choisi de parler d'un programme qui est très intéressant, qui est pour les personnes avec des problématiques de santé mentale. C'est un programme de suivi intensif du milieu, qui est un programme du CSSS, et c'est composé d'une équipe multidisciplinaire. C'est spécifiquement santé mentale, mais c'est un exemple de quelque chose qui pourrait être utilisé en itinérance parce que c'est une équipe qui va chercher les personnes dans leur milieu et qui travaille avec eux dans leur milieu et ça a permis d'enrayer la chronicité des problématiques de santé mentale par un maintien dans la communauté. Et c'est un exemple à suivre. Par contre ce programme, lui aussi, est à pleine capacité, les listes d'attente sont de mise aussi pour ce programme.

La situation des organismes d'hébergement. Ce qu'on veut vous dire, c'est que les services sont adéquats, mais ils sont insuffisants. Il y a un manque de temps et de moyens de la part des ressources pour faire un accompagnement plus complet.

Une des problématiques, c'est la non-récurrence du financement des programmes d'aide à l'itinérance. Donc, nous, on n'est pas éligibles. On est considérés une région éloignée, et les sommes accordées sont dérisoires, et, encore là, ce n'est pas toujours facile de rentrer dans la bonne case du programme pour pouvoir recevoir cet argent, ce financement.

Il faut aussi beaucoup de temps et d'énergie pour compléter des demandes de subvention. Il faut justifier et comptabiliser le travail effectué. Donc, c'est quelque chose qui demande beaucoup d'énergie aux ressources. On aimerait bien faire un accueil de nuit, mais les ressources se disent comment est-ce qu'elles pourront le faire avec le peu de temps et de moyens qu'elles ont présentement. Donc, c'est vraiment la difficulté pour le moment.

Une autre particularité: il n'y a pas de dépannage alimentaire de soir et les fins de semaine en région. Mais sinon les services offerts sont de bonne qualité. C'est surtout un manque de places et de moyens pour continuer l'accompagnement, le sous-financement et la non-récurrence du financement. J'ai un peu l'impression de me répéter, parce que ça paraît très évident, le non... sous-financement, mais c'est la réalité chez nous.

Et, dans le contexte local, au niveau municipal, il y a eu beaucoup d'améliorations depuis le nouveau conseil élu depuis 2005. Dans toute la région, surtout particulièrement à Granby, il y a eu des efforts faits au niveau du transport en commun, le logement social, le financement des organismes communautaires. Il y a plusieurs mesures qui ont été mises en place. Par contre, ces acquis sont fragiles, parce que nous sommes à la merci du conseil municipal, et, s'il change, on doit recommencer la bataille. Donc, pendant 10 années, Granby était avec un conseil qui était réfractaire aux logements sociaux, et on n'a eu aucune construction. Par contre, là, on a un conseil qui est très positif, mais ce n'est pas une politique d'en haut. Donc, les conseils municipaux ont beaucoup de pouvoirs, mais, s'ils ne sont pas favorables à ce qu'on veut faire, c'est très difficile pour nous.

Donc, les logements sociaux, comme je vous disais, ça faisait 10 ans qu'il n'y avait pas eu de construction à Granby, on va inaugurer un nouveau logement social bientôt. Donc, la Haute-Yamaska se situe à l'avant-dernière des MRC de la Montérégie pour le taux de logements sociaux. Donc, on est à un peu moins de 5 % quand la moyenne, en Montérégie, est 7.7 %. Et, vous verrez, dans les statistiques il y avait aussi le coût d'un logement, le taux d'occupation. C'est très élevé pour une personne qui vit toute seule et qui a l'aide sociale. C'est 439 $ pour un logement avec une chambre. Donc, on peut imaginer que ce n'est pas évident de se loger dans notre région.

Et la troisième chose, c'est la sensibilisation. On fait beaucoup de sensibilisation, au Groupe Actions Solutions Pauvreté. On a une chance d'avoir ce groupe à Granby, c'est assez particulier, et qu'on soit financés, mais ça nécessite du temps et des ressources que les organismes communautaires eux-mêmes ont peu de temps à dédier à ce genre d'activité. Mais ça prend de la sensibilisation, surtout qu'on est toujours en train de disputer avec le fait qu'on n'a pas d'itinérants avec leur sac plastique et tout leur bagage avec eux, qui vivent dans les rues à Granby. Mais l'itinérance, elle existe quand même puisque les maisons d'hébergement sont à pleine capacité.

Et on nous demande aussi de faire un portrait, d'avoir des chiffres, de pouvoir quantifier qu'est-ce qu'on voit, et ça, on manque de temps et de ressources pour faire ce portrait. Donc, pour nous, c'est indispensable. On tourne en rond parce qu'on a besoin de ressources, on nous demande un portrait chiffré, on n'a pas les moyens de faire un portrait chiffré, donc on n'a pas notre ressource, donc la roue, elle tourne sans fin.

Donc, on en vient à nos recommandations. Donc, nous, c'est que le gouvernement s'attaque à la prévention des problématiques multiples qui mènent à l'itinérance. Donc, c'est un gros mandat, mais en priorité des efforts réels et soutenus doivent être faits pour éliminer la pauvreté, qui est la principale source de bien d'autres difficultés. Et on aimerait bien qu'il y ait une emphase de mise sur la loi n° 112, qui existe justement pour ça, et qu'il y ait des actions faites à ce niveau-là.

Les problématiques de toxicomanie et de santé mentale sont d'autres facteurs menant à l'itinérance et pour lesquelles des interventions préventives doivent être davantage mises en place.

Notre deuxième recommandation: que le financement pour le logement social et communautaire soit augmenté. Il est certain, on le répète souvent, que le logement social ne résoudra pas tous les problèmes d'itinérance, mais c'est certainement une bonne base, un bon endroit pour commencer. Et on sait que, là, maintenant, notre municipalité s'investit énormément pour pouvoir construire un logement social et éventuellement d'autres logements sociaux, mais ça n'a pas été très, très facile pour eux, et il faudrait définitivement que le financement soit augmenté.

Et aussi, quand il y a des programmes comme le soutien communautaire en logement, que ça soient des priorités qui soient ciblées localement et qui ne viennent pas d'en haut, pour une grande région comme la Montérégie, puisque, nous, on se retrouve avec des villes comme Longueuil et notre réalité est très différente. Et récemment il y a eu un programme en soutien communautaire qui a été ciblé dès le début, de l'argent, de l'enveloppe qui est arrivée taggée «personnes âgées», et, pour nous, ce n'était pas la réalité, ce n'étaient pas nos besoins, mais on n'avait pas de choix, on devait utiliser cet argent à cet effet-là. Donc, c'est aussi que les priorités soient ciblées localement et non à un autre niveau.

Et troisièmement: que le financement de base des ressources soit augmenté et que les critères de financement soient adaptés à la réalité des ressources. Le besoin le plus urgent des organismes communautaires est de recevoir un financement de base adéquat et récurrent. Et ce que me disent mes collègues, c'est que, même s'il y a un barème établi, au niveau du ministère de la Santé et des Services sociaux, pour... on va dire, une maison d'hébergement avec tant de lits reçoit, on va dire, 150 000 $, ce n'est pas le cas, ce n'est pas ce qu'ils reçoivent. Donc, même s'il y a des barèmes d'établis, les ressources ne reçoivent pas qu'est-ce qu'elles devraient recevoir de base. Donc, ce serait le plus urgent, ce serait que le financement soit donné aux justes besoins.

Ce financement permettrait de pouvoir payer des salaires adéquats, ainsi d'attirer et surtout de retenir un personnel bien formé. Le personnel veut de la stabilité dans son milieu d'emploi, et, une fois que le financement est récurrent, les employés peuvent se dédier entièrement à leur travail. Donc, c'est une autre problématique qu'on rencontre souvent dans les ressources d'organismes communautaires, c'est qu'il y a un roulement de personnel assez important puisque les conditions ne sont pas toujours très faciles.

Et, au niveau des critères, c'est que, nous, on pense qu'il y a un manque de confiance et une méconnaissance du travail qui se fait, dans les organismes communautaires, de la part des bailleurs de fonds. Les critères d'efficacité demandés par les gouvernements ne sont pas réalistes. L'accompagnement d'une personne, c'est un travail de longue haleine, et on ne peut pas demander à voir des résultats concrets au bout de six mois, un an. Et, d'avoir à remplir des rapports avec des chiffres, ce n'est pas dans la réalité des organismes communautaires. Il sont obligés de le faire, mais ça nous sauverait beaucoup de temps et de soucis si on pouvait le faire autrement. Donc, si on doit absolument mesurer le travail fait, il faudrait voir la progression de la personne en soi et non de critères généraux, utiliser cas par cas une personne... de la progression d'une personne dans sa vie.

n(20 h 30)n

Pour la suite des recommandations: que le gouvernement adopte une politique en itinérance. Donc, pour nous, on se rallie aux demandes du Réseau Solidarité Itinérance du Québec. Je ne répéterai pas toute leur argumentation, mais les grands axes de cette politique sont: le droit de cité, un revenu décent, le droit au logement, le droit à l'éducation, le droit à la santé et un réseau d'aide et de solidarité. Donc, on trouve que c'est important, pour toutes les autres recommandations, d'avoir une politique en itinérance qui nous permettrait d'avoir une base sur laquelle nous appuyer quand on fait des demandes par rapport à du financement et autres besoins aussi.

Et ensuite: que le gouvernement facilite la mise en place de tables de concertation intersectorielle et les finance à la hauteur de leurs besoins. Et on sait que l'itinérance est une problématique complexe qui interpelle beaucoup de ministères, beaucoup de différents partenaires, et il serait important qu'on puisse se réunir, et se réunir de façon régulière. Par contre, si on veut mettre en place des tables de concertation, il ne faudrait pas ignorer qu'est-ce qui existe déjà. Donc, par exemple, en Haute-Yamaska, nous avons déjà une table très active, qui est le Groupe Actions Solutions Pauvreté, qui n'est pas seulement axé sur l'itinérance mais qui peut faire ce travail-là aussi. Donc, c'est de ne pas ignorer qu'est-ce qui existe déjà mais de faciliter la mise en place de ces tables.

J'en arrive à la conclusion. Donc, c'est une réalité différente mais tout aussi présente en région, ça ne se définit pas de la même façon, mais il existe de l'itinérance, et on ne cesse de répéter cela. Il y a un manque de reconnaissance qui entraîne des conséquences au niveau des services donc, un manque de reconnaissance de la part du gouvernement. Et on a un besoin de reconnaissance de l'itinérance à tous ces niveaux, donc de la part du travail qui est fait, et de reconnaissance de l'itinérance, des différents types d'itinérance, que ça soit en région, ou en milieu urbain, ou plus urbain. Donc, c'est ça. Et on insiste aussi dans les différents types d'itinérance, le fait que les femmes vivent de l'itinérance aussi, même si on n'a pas de chiffre pour le démontrer. Donc, c'est ça.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Lusson, pour votre présentation. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, bonsoir et bienvenue. C'est toujours intéressant d'entendre parler des gens qui vivent des problématiques semblables que celles qui sont vécues à Montréal, même si ce sont des villes, des villages complètement structurés de façon différente. Alors, pour nous, c'est très important d'apprendre aussi au sujet des initiatives très créatrices que vous devez mettre en place parce que vous n'avez pas la même masse critique qu'ici, à Montréal.

J'aimerais parler à monsieur... le monsieur qui est directeur de l'auberge Sous mon toit...

M. Massé (Alain): Oui.

Mme Gaudreault: Alors, c'est vous?

M. Massé (Alain): Oui.

Mme Gaudreault: M. Massé, j'ai regardé les statistiques de fréquentation de votre auberge. J'aimerais que vous nous en parliez un peu, d'abord, et que vous nous expliquiez pourquoi, en une année, il y a eu 30 % d'augmentation d'achalandage chez vous. Alors, comment expliquez-vous cette montée fulgurante, là, des demandes?

M. Massé (Alain): Bien, lorsqu'on parle que la situation de l'itinérance est plus d'ordre situationnel, il y a plusieurs jeunes qui vont vivre des situations qui sont diverses. Ça peut être, bon, un conflit dans la famille par rapport à un des conjoints ou un nouveau conjoint qui arrive. Il y a certains jeunes qui sortent de centres jeunesse puis qui ont besoin d'un endroit de relais pour se préparer, là, à reprendre un logement ou un appartement.

On a certains jeunes que ça peut être un conflit justement par rapport à une relation de couple ou un problème au niveau de la gestion d'un budget. On sait que, bien, il y a certains jeunes qui, disons, pour prendre des décisions, ils sont plus spontanés. Et, aujourd'hui aussi, je pourrais dire, l'invitation à la consommation a un grand impact chez les jeunes. On pense juste au fameux téléphone cellulaire.

Juste donner l'histoire d'un jeune qu'on a accueilli il y a peut-être trois semaines, qui nous arrive, que, là, il ne pouvait plus payer son loyer, il venait de recevoir une facture de 430 $ de son appareil cellulaire. Parce qu'il s'est fait prendre dans cette publicité qu'on lui dit: Ton appareil est gratuit. Il signe un petit contrat sans trop savoir les petits articles en bas...

On a des jeunes aussi, ça peut être un épisode, par exemple, de rechute au niveau de la consommation. C'est relié des fois à un événement ou une situation qui leur arrive et, à un moment donné, bon, ça peut provoquer la rechute. On a des jeunes qui sortent aussi du milieu carcéral. Bon, toutes sortes de raisons, soit qu'ils sortent du centre de détention ou encore ils ont à se présenter devant la cour, et le juge va leur demander, à ce moment-là, qu'ils aient une ressource pour un certain temps, pour les aider, les accompagner justement dans leur situation de vie.

Ce qu'on remarque aussi, c'est que les jeunes, dans une maison comme la nôtre puis bien d'autres maisons d'hébergement, veux veux pas, on a ce qu'on appelle un code de vie ou des règlements maison, sinon ça deviendrait difficilement vivable. 19 jeunes qui arrivent avec un parcours qui est différent, si on laisse ça au menu puis les jeunes de décider de différentes règles, que ce soit couvre-feu, repas, attitude, comportement, on ne s'en sortirait pas, ça serait difficile, autant pour les jeunes que pour le personnel, les bénévoles, puis ainsi de suite. Donc, il y a certains jeunes qui aussi trouvent ça difficile. Tu sais, la vie communautaire, ce n'est pas toujours évident, tu sais, parce que, là, il faut que tu dépasses aussi... il faut que tu développes de pouvoir accueillir l'autre dans ses différences. Puis il y en a, des jeunes, que c'est plus facile, puis il y en a d'autres, c'est plus difficile.

L'application des règlements, c'est bien ingrat aussi, parce qu'on est toujours pris dans un rôle un petit peu de préfet de discipline ou peu importe. C'est qu'on veut aider la personne, puis en même temps, bien, ça nous prend au moins une règle de fonctionnement. Mais c'est toujours... moi, je disais toujours, un «give and take», c'est l'expression en anglais où... d'élastique: à un moment donné, on resserre, on resserre pour toujours aussi maintenir un lien, tu sais, avec le jeune.

Ça fait que ce qu'on remarque, nous, en tous cas, dans la dernière année, oui, on a eu beaucoup plus de jeunes qu'on a accueillis, les séjours ont été plus courts. Tantôt, lorsque Catherine faisait la présentation, le jeune peut rester jusqu'à un an à l'auberge, mais c'est très, très rare qu'il y en a qui se rendent là. Et ceux qui se rendent là, bien là, c'est que... Bon, normalement, c'est par période de trois mois. Puis ils doivent aussi avoir un plan de séjour qui est discuté avec l'intervenant pour savoir qu'est-ce qu'il en est.

C'est difficile aussi que, lorsque vous vous posez cette question-là, de dire qu'est-ce qui explique ça. C'est toujours une situation de vie qui est différente d'une personne à l'autre. Puis c'est embêtant, parce que, nous, c'est sûr, il y a certaines statistiques pour savoir, bon, le jeune, scolarité, les difficultés de vie qu'il peut avoir, puis ainsi de suite, c'est évident, mais en même temps l'histoire de vie est tellement unique d'un à l'autre que, d'en arriver à vouloir faire des comparaisons puis nous dire qu'est-ce qui explique qui en a eu plus, qui en a eu moins... Peut-être, l'année qui s'en vient, non, elle va être dans la même veine que 2007-2008. Mais c'est ces situations-là qu'on vit.

Souvent, on se fait poser des questions qui sont pièges puis embêtantes, la fameuse question: C'est quoi, vos résultats? Tu sais, à un moment donné, nous, on a Centraide qui nous aide, puis on est allés voir un groupe d'hommes puis de femmes d'affaires, puis ils nous posaient la question: C'est quoi, vos résultats? Bien là, on ne fait pas de la magie, là, ce n'est pas une baguette magique, puis, tu sais, le jeune, tu passes trois mois puis t'es rendu un citoyen, puis toutes tes souffrances, tes blessures puis tes difficultés de vie sont résolues puis on passe à autre chose, là.

Ça fait que, mais c'est toujours, moi, je dis, c'est toujours une semence, qu'est-ce qui est semé à l'auberge. Peut-être, ce jeune-là, un jour, va fréquenter... ou va faire un arrêt au Passant, peut-être qu'il va faire un arrêt dans un autre centre d'hébergement ou dans une autre ressource communautaire. Mais c'est, je dirais, toute l'entraide communautaire qui fait en sorte que... Puis, avec le réseau, bien entendu, il y a des services qui sont déjà existants. Mais c'est tout ça qui fait en sorte que finalement, au bout de la ligne, ça va faire une différence dans la vie de ces jeunes-là.

Mme Gaudreault: Oui, allez-y, oui.

Le Président (M. Kelley): M. Longpré.

M. Longpré (Yves): J'aimerais réagir un petit peu... pas réagir, mais compléter un peu la situation. Parce que, quand je regarde les statistiques qu'on vous a données par rapport à ma ressource, à notre ressource, on dirait qu'on n'a pas augmenté, nous autres, mais c'est parce que la statistique paraît ailleurs. C'est que, nous, à 88 %, c'est plein à l'année. La personne sort, l'autre arrive, mais on n'a pas... tu sais, il y a comme un décalage qui fait qu'on ne peut pas remplir. Mais on a refusé 400 personnes l'année passée. Donc, ça veut dire que, si, moi, je regarde l'augmentation ? pour répondre un peu à votre question ? lui, il a 30 %, mais, moi, j'en ai un beau pourcentage aussi. Puis ça, depuis les quatre, cinq dernières années, là, c'est quelque chose qu'on constate, là, l'augmentation, elle est épouvantable, on déborde tout le temps, on a toujours manque de place, on est obligés de trouver des sources de financement différentes.

Tu sais, nous, on a créé... c'est-à-dire, on a embarqué dans une entente de service avec une institution qui s'appelle Virage, une unité de désintoxication. Bien, ça nous permettait de donner une qualité de service meilleure, mais ça nous permettait de continuer à vivre, parce que sinon on aurait pas pu, on aurait fermé à cette époque-là, tu sais. Donc, en quelque part... Puis, tu sais, tu fais ça pour pouvoir bien vivre, mais en même temps tu vois que la misère, elle rempire, c'est difficile. C'est difficile pour les intervenants aussi de devoir dire non à ces personnes-là. À tous les jours, ils disent non à quelqu'un, tu sais? Ça, c'est l'enfer, là, on ne trouve pas ça drôle, là, vraiment.

n(20 h 40)n

Ça fait que je voulais juste faire ressortir aussi que, nous aussi, il y a un pourcentage d'augmentation. Parce que ça ne paraît pas quand on le regarde comme ça. On regarde: 304 personnes versus 344 l'année d'avant, on dit: Bien, ils ont eu moins de monde. Mais ce n'est pas vrai. Ils sont restés un petit peu plus longtemps, mais on en a refusé une maudite batch, par exemple, tu sais? Ça fait que ça, c'est important.

Mme Gaudreault: Est-ce que j'ai encore...

Le Président (M. Kelley): Oui, oui.

M. Longpré (Yves): Je m'excuse si... Je n'ai peut-être pas le droit de prendre la parole comme ça, mais...

Mme Gaudreault: Non, non, mais j'allais vous poser la même question à vous, M. Longpré, aussi.

Le Président (M. Kelley): Non, non, non. On est à l'écoute. Une dernière question rapide, Mme la députée.

Mme Gaudreault: Est-ce que vous anticipez que cette augmentation-là va se perpétuer, là, au cours des prochaines années? Est-ce qu'il y a un phénomène...

M. Massé (Alain): Je ne veux pas être pessimiste, mais, lorsqu'on a assisté à une présentation, je pense que c'était via le GAPS ou la CDC, on avait invité des représentants de la commission scolaire Val-des-Cerfs, de notre milieu, et, lorsque la personne en charge justement du personnel puis des ressources spécialisées, tous les éducateurs spécialisés puis les gens pour accompagner les élèves, les enfants qui vivent des difficultés scolaires, qu'elle nous dit que les observations de difficultés ont doublé en six ans, nous, on ne veut pas être négatifs, mais on se dit: Bon sang! ces jeunes-là, quand ils vont vieillir, s'ils vivent déjà ces difficultés-là puis ils sont à l'âge scolaire, il y a peut-être des bonnes chances que quelque part ils vont atterrir dans des ressources communautaires semblables à la nôtre, puis ainsi de suite.

Je pense que c'est un débat aussi de fond, quand on dit, puis Catherine le mentionnait, tu sais, il faut aussi, comme société... Tu sais, on regarde à la base aussi. Sûrement, vous avez vu le petit cartoon que quelqu'un aidait toujours quelqu'un à sortir de l'eau. Puis ils se disaient: Bon sang! à toutes les fois, on en pêche un, puis on en pêche un. Puis finalement ils montent plus haut le long de la rivière puis ils s'aperçoivent que, le pont, il y a un trou puis les gens tombent à l'eau. Bien, ils ont dit: Si on répare le pont, il va y en avoir moins à l'eau puis on va faire moins de la...Tu sais? C'est une image, mais, tu sais, c'est très révélateur.

Puis je pense qu'aussi la réponse n'appartient pas juste à nos services organisés. Des fois, peut-être, aussi, au niveau de la... comme population puis comme membres de la société, peut-être qu'on s'en est trop remis à l'État puis aux services, en disant: Bien, c'est l'État qui va organiser les services, puis ainsi de suite, puis nos enfants vivent des difficultés, puis... Mais, écoutez, je pense que c'est une décision qui doit être collective, mais il faut avoir les moyens puis les outils.

Et, ce qu'Yves mentionnait, nous aussi, on a deux ententes de service, Services correctionnels du Québec, Service correctionnel du Canada, on a aussi l'agence des services sociaux, on a Centraide, on a des levées de fonds. Juste administrer, juste au point de vue gestion, répondre aux attentes d'un puis l'autre, puis les rapports d'un puis les statistiques d'un et l'autre, c'est beaucoup de temps puis d'énergie.

Puis aussi c'est qu'on n'aime pas voir le jeune comme étant un ensemble de problèmes. Le jeune, c'est une personne d'abord. Et puis un jeune aussi, la difficulté qu'on a avec nos spécialisations de services, s'il a besoin de consulter au niveau physique ou au niveau santé, toxicomanie, puis ainsi de suite, ça ne lui tente pas toujours de raconter son histoire à cinq personnes différentes. Parce que, là, il est à l'Auberge du coeur Sous mon toit; là, il s'en va consulter, mettons, à l'hôpital, au CSSS; après ça, il va consulter une ressource en toxicomanie; là, il va... Il est obligé de raconter son histoire cinq, six fois. Ce n'est pas toujours évident aussi pour le jeune, puis il n'a pas toujours le goût de se prêter à cet exercice-là aussi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci beaucoup pour votre présence et de votre présentation. Moi, je retiens une chose puis j'aimerais que vous puissiez le partager davantage du moins ou l'expliquer clairement à la commission. Vous avez mentionné qu'on a investi certains montants dans des choses qui théoriquement n'ont pas de besoin. C'est ce que vous avez mentionné tantôt lorsque vous parliez des...

Mme Lusson (Catherine): ...oui, le soutien au logement social et communautaire? C'est ça? Au niveau des priorités ciblées?

M. Massé (Alain): Au niveau des tags, là, des montants taggés par l'agence, là.

Mme Lusson (Catherine): C'est ça. Oui, oui, c'est ça.

M. Dorion: Oui, des montants taggés par l'agence, où vous avez... Bon. Alors, moi, ce que je comprends, c'est que, bon, sur certains montants qui pourraient correspondre à un besoin... Parce que, bon, le gestionnaire, l'agence est le gestionnaire, c'est celui qui administre les fonds. Alors, souvent, on va y aller dans une priorité où il n'y a pas de besoin puis à côté on a des besoins urgents, criants. Y a t-il une consultation? Est-ce que les gens consultent? Est-ce que les gens de l'agence... Je vous pose la question: Est-ce que les gens de l'agence descendent puis en disant: Voici, il y a ça?

Mme Lusson (Catherine): Dans ce cas particulier, et je sais que ça a été pas mal... en tout cas, à une rencontre récemment, au niveau itinérance, ça a été pas mal généralisé à travers tout le Québec, la façon dont cette enveloppe est descendue. Je ne sais pas pourquoi ça c'est passé comme ça, mais, tout d'un coup, c'était une... Ça a été fait d'une façon particulière, et il n'y a pas eu de consultation. En tout cas, particulièrement avec celle-ci, il n'y a pas eu de consultation.

Des fois, on consulte et on ne prend pas en note les choses qui sont dites aussi, là. Il y a des consultations, mais on ne fait pas fi de ce qu'on présente comme choses. Mais cette enveloppe de soutien communautaire en logement social, c'était définitivement... il n'y a pas eu de consultation, ça descendait de l'agence au CSSS, et le CSSS avait mandat, en quelques jours, de faire passer cet argent pour personnes âgées. Il n'y avait pas de discussion ou de... En tout cas, ça a été fait de cette façon-là chez nous et apparemment dans plusieurs autres régions.

Le Président (M. Kelley): M. Longpré.

M. Longpré (Yves): Par contre, si je veux rajouter à ça aussi, il y a les nouveaux réseaux locaux, on est en retard dans... ils sont en retard dans le travail, dans les travaux cliniques, etc. Il y a un comité de coordination, qui s'appelle comme ça, là. Il y a une volonté que les discussions soient faites avant de donner de l'argent n'importe où, là, tu sais? C'est sûr que je pense que c'est des choses qui auraient dû être faites depuis longtemps et ce n'est pas nécessairement les choses qui sont faites. Probablement que, Catherine, ce qu'on nomme aussi, c'est des fois les argents qui pourraient être taggés directement du ministère aussi, qui ne sont pas nécessairement des... Tu sais, c'est probablement dans les plans d'action, mais plans d'action larges, ça ne veut pas dire que localement ils s'appliquent à cette région-là, là. C'est ça.

M. Dorion: Oui, O.K. Vous avez mentionné un élément qui est revenu, depuis lundi, de façon continue, et j'ai envie de vous dire: Dans un continuum de services, une adaptation aux services, une compréhension du cheminement individuel de chaque personne. Moi, ce que je retiens puis ce que les gens nous ont tous pratiquement dit à chaque mémoire déposé: c'est comme s'il y a un moule, et tout le monde passe par le même moule, et tout le monde se doit d'avoir les mêmes résultats en même temps. Pouvez-vous expliquer un peu plus, s'il vous plaît?

M. Massé (Alain): Moi, l'exemple que je donne toujours...

M. Dorion: Dans des services. Je veux dire, vous dispensez des services, vous êtes capables de faire des parallèles, de donner des exemples entre deux individus. Je veux dire, si théoriquement c'est comme ça présentement, c'est qu'il y a probablement une incompréhensibilité. Puis je pense que le devoir de la commission, c'est d'aller la chercher pour qu'ensuite, bien, il y ait des gens qui repositionnent, qui retravaillent les différents programmes qui sont mis en place. Mais il faut l'expliquer, ça. Si on ne l'explique pas, je veux dire, quelle compréhension on peut en faire pour davantage sensibiliser, que ce soient les différents programmes, le ministère, les personnes concernées?

M. Longpré (Yves): Il y a une difficulté...

Le Président (M. Kelley): M. Longpré.

M. Longpré (Yves): Excusez-moi.

Le Président (M. Kelley): Oui, pour les fins de l'enregistrement, monsieur.

M. Longpré (Yves): Il y a une difficulté, c'est sûr. Écoutez, les organismes vont être financés soit en santé mentale, par exemple, ou soit en toxico, ou soit en violence faite aux femmes, ou etc. Mais, si on regarde une personne, souvent elle va avoir des problèmes pas juste en santé mentale, elle va en avoir en toxico en même temps et dans ce sens-là. Ça fait que je pense que, quand on parle de ça, on parle de financement en silo, entre autres, là, qui fait en sorte que...

Moi, je suis considéré comme une ressource toxico, mais, aller jusqu'à cette année, j'étais toujours considéré comme une ressource santé mentale. Pourquoi on m'a changé en toxico? Peut-être que mon pourcentage est plus en toxico qu'en santé mentale, mais ça va-tu affecter mon financement éventuellement? Pourquoi on ne pourrait pas avoir un financement général? Quand on parle de l'itinérance, on parle de problématiques multiples avec... on ne sait pas, tu sais, la personne est sans emploi, la personne, elle a été abusée, la personne, elle est toxicomane, alcoolique, peu importe, toutes sortes de choses comme ça. Je ne sais pas si ça répond un peu, d'une certaine façon, à votre affaire.

n(20 h 50)n

M. Dorion: Oui, mais j'ai besoin de plus d'éclaircissements. Qui a décidé de changer votre... bien, je ne dis pas, statut, mais vous avez comme... Vous aviez probablement, à l'époque, présenté votre mission dirigée beaucoup plus vers la santé mentale.

M. Longpré (Yves): C'est ça, santé mentale.

M. Dorion: Qui a décidé, du jour au lendemain, de vous: Bien, voyons, finalement, vous, ce n'est pas de la santé mentale...

M. Longpré (Yves): Bien, c'est l'agence, mais en même temps, ils m'ont dit: Écoute, si tu considères que ça ne fait pas ton affaire, on peut regarder qu'est-ce qu'on pourrait faire. Tu sais? Mais ils m'ont mis en toxico parce que mes statistiques ? c'est ça que je dis, moi, à cause de mes statistiques ? ont fait que ça s'est orienté comme ça. Puis effectivement je suis certifié du ministère comme ressource toxico parce qu'on a une petite unité de cinq lits, donc, à quelque part, ça fait sens que je sois maintenant en toxico, mais ce n'est pas moi qui ai nommé ça, ce n'est pas moi qui ai demandé à être en toxico, là.

Bon, est-ce que ça va changer quelque chose? Moi, l'important, c'est que je puisse aider la personne. Si j'ai une personne qui a différentes problématiques, bien je ne veux pas avoir l'argent juste parce que je suis en toxico ou juste parce que je suis en santé mentale. Je ne sais pas si c'est dans ce sens-là tantôt qu'on avait... Il y a peut-être d'autres points, là, mais...

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bellechasse, il vous reste trois minutes.

M. Domingue: Je vais aller en complément avec... Bien, pour commencer, bonjour. Je vais aller en complément de la question de mon collègue. Si je saisis bien, dans le fond, c'est que votre problématique, elle est mouvante. La situation peut changer, exemple, si on prend ça chez un jeune. Sauf que, lui, le programme, il ne bouge pas. Alors, il ne s'adapte pas. Ça veut dire que, si la situation que vous vivez sur le terrain est x puis qu'elle devient y, bien le programme, lui, il est x puis vous n'avez pas le choix.

M. Longpré (Yves): Peut-être que c'est ça. C'est complexe, les finances, de toute façon, quand ça vient du ministère, etc., hein? Mais, si je regarde ? j'étais en discussion avec l'infirmière de liaison de notre urgence à Granby, aujourd'hui ? les problématiques sont de plus en plus de la toxicomanie, hein? La santé mentale, là, on peut le mettre dans le sens large, toxicomanie et toutes les problématiques qui... Tu sais, on ne parle pas santé mentale juste schizophrène, par exemple, ou bipolaire, là, on parle de toutes les problématiques comme l'alcoolisme, la toxicomanie qui rentrent là-dedans, là. Puis c'est beaucoup plus ça. Ça fait que c'est sûr qu'en quelque part il y a une mouvance, là. Les problématiques, les gros cas de schizophrénie ou de maladie mentale comme avant, à l'hôpital, probablement qu'ils sont mieux traités, les médicaments sont plus adéquats, donc ce n'est plus ça qu'on voit, on voit plus des problèmes qui sont d'ordre de consommation, de dépendance. Ça fait que ça fait sens, mais en même temps on ne comprend pas ça, là, c'est difficile à saisir.

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

M. Dorion: Oui, très rapidement. Je veux quand même... La consommation est une dépendance. Un problème de santé mentale, tu l'as un jour puis tu l'as pour le restant de tes jours. Schizophrène un jour, schizophrène toujours, là. Le problème de l'alcoolisme ou de la toxicomanie, c'est un passage. S'il y a un traitement, je veux dire, on peut s'en libérer. Le problème de santé mentale, lui, il restera toujours là, là.

Le Président (M. Kelley): M. Massé.

M. Massé (Alain): Ce qu'on réalise, c'est qu'il y a de plus en plus de dépendances croisées. La personne qui a une prescription à prendre ? par exemple, des jeunes qui viennent chez nous ? à un moment donné les effets, tu sais, la prescription... Parce que, si c'est pour les aider dans, oui, peut-être, leurs problèmes, leurs difficultés de santé mentale, mais en même temps ils vont essayer des substances qui sont illicites, de la rue, ils vont mixer ça, et ça va les emmener des fois dans des épisodes de désorganisation.

Ce que je veux dire, ce n'est pas simple, simple, tu sais. Ce n'est pas parce que la personne a été diagnostiquée puis elle a une prescription que c'est réglé. On a reçu des jeunes, à un moment donné, qui avaient quatre prescriptions différentes de quatre, mettons, psychiatres différents, de quatre hôpitaux différents. Ils s'étaient promenés dans quatre régions différentes. Là, tu arrives avec ça, tu dis: Bon sang! d'où ça vient? Tu sais?

Et l'autre difficulté qu'on a, c'est que le réseau est déjà très en demande. Lorsqu'on essaie de consulter puis d'avoir des rencontres, puis ainsi de suite, bien, qu'est-ce que vous voulez, c'est... Ça fait que les ressources, on fait comme on... du mieux qu'on peut.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Alors, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir, bienvenue. C'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Je dois vous dire, et ce n'est pas faire injure à ceux qui vous ont devancés aujourd'hui ou hier... Avant-hier aussi? Hein? Oui? On est ici une douzaine d'heures par jour, hein? Mais votre mémoire, votre présentation, les réponses étaient empreintes d'humanisme, et, moi, je trouve ça... c'est important. Des fois, on débat sur des techniques, des budgets, et je trouve qu'on oublie souvent qu'effectivement c'est des humains, là. Et là on dit: C'est santé mentale d'un côté, c'est toxico de l'autre. Puis c'est vrai qu'à un moment donné les traitements ne sont pas les mêmes, les besoins ne sont pas les mêmes. Mais je pense qu'on a un peu... en tous cas, pour moi, là, c'est un peu un retour à l'essentiel, et je vous en remercie, puis ce n'est pas faire injure à ceux qui vous ont devancés.

Vous parliez... nos collègues parlaient de... Je vais vous dire, M. le Président, le fond de ma pensée. La dernière chose personnellement que je souhaite, c'est que le ministère de la Santé dépose une politique nationale de lutte à l'itinérance. Ça va nous tomber dessus comme une tonne de briques, hypernormé, un document de probablement 150 pages, dans lequel on ne pourra pas s'en sortir vivants, personne, là. C'est sa culture, au-delà des partis politiques, là, je ne fais pas de politique en disant ça, la culture administrative du ministère de la Santé, c'est ça. Donc, je me permets de répondre aux interrogations de notre collègue. La tonne de briques va nous tomber dessus puis on ne s'en sortira pas. Et je suis certain que, comme députés, on peut donner des exemples de ça, des dizaines et des dizaines, dans chacune de nos circonscriptions. C'est sa culture administrative qui est comme ça. Est-ce que c'est changeable? Souhaitons-le pour l'avenir.

À la page 5 de votre mémoire, vous dites... Dans le fond, vous soumettez deux problèmes, là, auxquels vous... Je n'oserais pas dire que vous n'êtes pas équipés, là, mais en tous cas, manifestement, là, vous avez peut-être des limites. Et je cite, en ce qui concerne les femmes: «Nous ne pouvons que constater qu'il y a régulièrement des demandes d'hébergement provenant de femmes, mais elles sont refusées et ce n'est pas comptabilisé...» Donc, j'ai deux...

Je vais lire d'autre chose. Dans le fond, j'ai une question: Qu'est-ce qui arrive? Et l'autre chose, le paragraphe en bas, vous dites: L'itinérance de type chronique ou cyclique... Vous êtes bien organisés en ce qui concerne situationnelle. Restons humains malgré ces termes-là, là. «Ces dernières fréquentent peu les ressources car elles ne peuvent pas respecter les exigences ou normes de fonctionnement», à cause de maladies plus profondes ou autres. Qu'est-ce qui arrive pour ces gens-là qui ont besoin de...

M. Longpré (Yves): Les femmes, je n'ai pas saisi, vous avez dit qu'on les refusait. C'est-u ça qu'on dit, là? On les refuse? O.K.

M. Lemay: Bien, oui: «...mais elles sont refusées...»«Nous ne pouvons que constater qu'il y a régulièrement des demandes d'hébergement provenant...» Vous avez quoi, quatre lits, hein? C'est ça?

Mme Lusson (Catherine): Oui, c'est quatre lits. Oui, j'ai vérifié avec M. Longpré, justement en venant en voiture, qu'il comptabilisait depuis trois ans les femmes qu'il refuse. Mais on ne les a pas, les... oui.

M. Longpré (Yves): Elles sont refusées au Passant, mais on les réfère dans d'autres ressources. Des fois, elles ne sont pas acceptées dans d'autres ressources. Une femme itinérante, par exemple, qui décide de faire cuire son poisson dans le four micro-ondes, dans un centre de crise, c'est sûr que ce n'est pas l'idéal à 2 heures du matin, O.K.? Ça fait que ça, c'est des exemples qu'on donne, tu sais, qui arrivent, là. Ça fait que c'est sûr que ce n'est pas évident.

Mais je pense que, de façon... Là, je n'avais pas constaté qu'on avait... refus, mais, moi, je les refuse, mais on les réfère toujours dans d'autres ressources, O.K., des ressources qui les acceptent. Ça peut être le centre hospitalier, ça peut-être les policiers aussi, parce qu'on va mettre les policiers à contribution quand on a besoin d'une référence. Mais on a nos deux, trois ressources, là, avec qui on fait affaire. On réussit de façon, je pense, assez générale.

L'autre question que vous aviez, c'était par rapport à...

Une voix: Les cas plus difficiles.

M. Longpré (Yves): Les cas plus difficiles. Bien, c'est ça qu'elle disait, Catherine, au début, quand elle parlait qu'on n'avait pas de refuge de nuit. Juste préciser, nous, l'auberge aussi, mais nous plus particulièrement, c'est un refuge de nuit. Par contre, quand la personne arrive intoxiquée, en état d'ébriété, qu'elle est violente, bon, c'est sûr que, nous, on ne peut pas accepter ça parmi 21 personnes, là. Ça désorganise, on n'a pas de salle d'isolement, on n'a rien de ça. Donc, à ce moment-là, on fait affaire... on fait appel aux policiers ou à la limite on refuse carrément la personne. Ça fait partie d'une des façons de... Parce qu'on n'a pas le choix, hein? Mais on réfère, la plupart du temps on réfère aux autres ressources, là.

M. Lemay: Mais la question est de savoir... C'est que, dans le fond, vous êtes peut-être en attente ou d'autres groupes sont en attente de ressources supplémentaires pour justement venir en aide à ces gens-là qui ne cadrent pas avec ce que vous offrez déjà, là.

n(21 heures)n

M. Longpré (Yves): Vous savez, on avait un plan de construction d'un refuge de nuit pour ces personnes-là, et c'était le manque de financement qui nous a empêchés de le faire. Dans la région, là. Toutes les ressources ne sont pas assez financées, ne sont pas financées souvent à la moitié de ce qu'il devrait y avoir comme financement de base, là.

Moi, par rapport au SOC, par exemple, j'ai tout simplement la moitié de mon financement que je devrais avoir en tant que ressource de 10 lits et plus, là... de neuf lits et plus, là. Puis j'en ai 21, lits.

M. Massé (Alain): J'ai assisté...

Le Président (M. Kelley): M. Massé.

M. Massé (Alain): Oui, excusez. J'ai assisté à un colloque, c'était à Pinel, c'est l'automne passé. La thématique c'était: De la prison à la rue, de la rue à l'hôpital. Et dans le fond c'est plate à dire, mais, à un moment donné, on est comme un système de tourniquet. Tu sais, le jeune, il arrive, il est désorganisé, il est agressif. On a à préserver la sécurité des autres résidents, du personnel, puis ainsi de suite, plus le voisinage, bien entendu, et là, à un moment donné, bien on demande l'intervention, par exemple, policière. Bon, l'intervention policière, bon, ils interviennent, ils amènent la personne à l'hôpital. L'hôpital, son budget est serré, manque de places, le traitement est rapide. La personne, elle se retrouve, dire: O.K., bye-bye!, trouve-toi un endroit pour aller. Et là la personne devient comme itinérante, elle fait un méfait, elle dérange le voisinage; la police intervient, arrestation, on revient à la prison, manque de ressources pour l'évaluer, elle reste là.

Ce que je veux dire: le débat n'est pas simple. Puis, lors de ce colloque, ce que je réalisais: il y a la culture du ministère de la Justice, il y a la culture du ministère de la Santé et des Services sociaux, il y a aussi la culture des organismes communautaires, et là, au travers de ça, on essaie de trouver une façon de collaborer, de fonctionner, mais chacun est comme un petit peu dans son budget, dans sa mesure, dans sa culture. Et là, nous, on se dit: On s'en fout un petit peu, des mécanismes, puis des ministères, puis ainsi de suite. On se dit: C'est la personne qu'on veut aider. Je comprends qu'il faut mesurer, je comprends qu'il faut comptabiliser, je comprends qu'il faut rendre compte, mais en même temps on se dit: Dans tout cet exercice-là, combien d'énergies qui ne se rendent pas directement en accompagnement direct pour les gens qu'on aide? Et, je sais, vous mentionniez que c'était un défi, mais quelque part il va falloir y arriver.

Nous autres, dans notre organisme, on essayait, là, on fait un exercice, on essaie de réduire la paperasse, le suivi, l'administration. Là, on va avoir un exercice de reddition de comptes qui est...

M. Lemay: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (André): Oui, oui. Mais là il va y avoir l'exercice de reddition de comptes qui va être demandé pour les organismes communautaires via le ministère de la Santé et Services sociaux; mais c'est correct, il faut quand même... tu sais, on donne des sous puis on veut savoir qu'est-ce qu'il en est. Mais, quand on regardait l'exercice, on s'est dit: On ne s'en sortira pas, tu sais, on ne peut pas parce qu'on a deux ententes de service là, il y a l'agence là, il y a Centraide là, puis ainsi de suite. Ce n'est pas simple, mais il faut faire avec.

M. Lemay: On peut dire que le multiculturalisme nous occasionne beaucoup de problèmes par moments.

Le Président (M. Kelley): Avez-vous un complément de réponse, M. Longpré?

M. Longpré (Yves): Il y a un phénomène de...

M. Lemay: ...laissez-moi du temps.

M. Longpré (Yves): Non, je vais... Deux secondes. On a un phénomène aussi, hein? Nos intervenants, c'est des intervenantes de 20 ans maintenant, hein? Quand la personne travaille seule la nuit, là, il y a des craintes, là, qui se sont installées. C'est des femmes...

Une voix: ...

M. Longpré (Yves): Des femmes. Mais c'est un phénomène qu'on ne voyait pas avant; on pouvait engager des gars. Maintenant, on n'a plus de gars dans notre domaine, là. Parce qu'on ne peut pas engager n'importe qui pour travailler avec ces personnes-là non plus, hein, c'est quand même... Il faut avoir certaines connaissances, c'est comme, tu sais... C'est ça.

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question?

M. Lemay: Oui. Page 7. Je reviens à ce que vous disiez, là, le 70 %. Bon, je pense qu'on peut tous s'entendre ici qu'il y a effectivement beaucoup de besoins en ce qui concerne les personnes âgées, que les personnes âgées soient en légère perte d'autonomie ou plus lourde. Mais, vous, vous dites... Pouvez-vous nous expliquer un peu? Dans le fond, il y a deux problèmes, là. C'est que vous êtes dans une très grande région administrative, de Longueuil à Granby, où les besoins sont peut-être différents, pas les mêmes, et tout. Et, c'est ça, les deux problèmes. C'est que vous êtes dans une grande région. Le problème sous-jacent à ça, c'est que les problématiques sont très différentes d'un coin à l'autre de la région. Pouvez-vous... Avez-vous des exemples peut-être? Vous n'avez aucune marge de manoeuvre, c'est 70 %?

Mme Lusson (Catherine): Sur cette enveloppe particulière, il n'y avait aucune marge de manoeuvre, et ce qui est assez épeurant, c'est que ça va être une enveloppe récurrente, donc on est...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lusson (Catherine): Oui, on est contents!

M. Lemay: Pour une fois que c'était récurrent.

Mme Lusson (Catherine): Oui, récurrente. Dommage.

M. Lemay: ...des commentaires sur le ministère de la Santé si vous continuez.

Mme Lusson (Catherine): Mais on ne sait pas qu'est-ce qui s'est passé, ça a été vraiment... Mais je suis surprise que personne d'autre n'en ait parlé parce que ça a été quelque chose qui est arrivé dans d'autres régions. Bien, c'est moins la problématique de l'itinérance, mais c'était pour montrer aussi qu'on voulait cibler nos priorités localement. C'était vraiment, vraiment ça.

Comme M. Longpré mentionnait tout à l'heure, oui, on a des réseaux locaux qui sont en place. Ça se met petit à petit, on discute entre nous, mais des fois, en tous cas, l'information a du mal à circuler, ou c'était quelque chose qui venait d'un plan d'action d'il y a quelques années, finalement l'argent, il fallait qu'il soit dépensé avant telle et telle date, donc on l'a fait descendre puis... Moi je ne peux pas expliquer comment ça s'est passé, mais c'est effectivement ce qui s'est passé.

M. Lemay: ...ça s'est passé.

Mme Lusson (Catherine): Comme ça, oui. Et on a été... Si je pouvais juste revenir sur qu'est-ce qu'on disait sur la solution des personnes...

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

Mme Lusson (Catherine): Sur les personnes qu'on refuse aussi, c'est que qu'est-ce qui se passe aussi parfois, c'est qu'on paie un billet d'autobus puis on les envoie ailleurs où il y a de la place, à Sherbrooke, à... Donc, c'est une autre forme d'itinérance qui...

M. Lemay: Je l'ai entendue souvent, celle-là, moi, ici, à Montréal.

Une voix: Qu'on dumpait, qu'on envoyait du monde...

Mme Lusson (Catherine): On dumpe, on dumpe.

M. Lemay: Non, non, non.

Le Président (M. Kelley): Non, non! On ne veut pas rouvrir ce débat, s'il vous plaît!

M. Lemay: On pensait que c'était seulement qu'une légende urbaine, par exemple.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, il me reste à dire merci beaucoup pour votre présentation ce soir, pour partager la réalité de votre coin du Québec avec les membres de la commission.

Je vais suspendre quelques instants et inviter nos derniers témoins, la Table itinérance de Vaudreuil-Soulanges, de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 21 h 6)

 

(Reprise à 21 h 8)

Le Président (M. Kelley): Alors, je demande aux députés de prendre place, s'il vous plaît, si les membres de la commission peuvent prendre place parce que, si on veut terminer, il faut recommencer. Et j'invite les représentants de la table itinérance Vaudreuil-Soulanges de prendre place, s'il vous plaît.

Et notre 35e groupe sont mes voisins parce que, moi, je viens de l'Ouest-de-l'Île, et ça, c'est la presqu'île, alors il y a juste le pont Galipeault ? qui n'existe plus ? qui joint Vaudreuil-Soulanges au comté de Jacques-Cartier.

Alors, sans plus tarder, est-ce que l'organisatrice, c'est bien Mme Provencher St-Cyr? Alors, je vais vous laisser la parole, Mme Provencher St-Cyr.

Table de concertation en itinérance
de Vaudreuil-Soulanges

Mme Provencher St-Cyr (Dominique): Je vais la laisser tout de suite à M. André Couillard, qui est coordonnateur de la Maison d'hébergement dépannage de Valleyfield, qui va commencer la présentation.

Le Président (M. Kelley): M. Couillard.

M. Couillard (André): Merci. Je tiens à seulement remercier les membres de la commission d'avoir invité la table itinérance de Vaudreuil. On est souvent oubliés, en Montérégie.

L'autre chose que je voudrais dire, c'est aussi louanger les membres de la commission, qui ont laissé place à des témoignages de personnes qui vivent l'itinérance. Je pense qu'on a eu droit à des bribes de vie absolument édifiantes et je voudrais louanger la commission d'avoir permis cela.

Je veux juste vous rappeler l'image de la personne qui avait fréquenté La Rue des femmes et qui nous a dit qu'elle avait signé un bail intérieur avec son vécu, ses douleurs, ses misères et qu'elle devait briser son bail intérieur et ensuite avoir un logement et se sortir de là. J'ai trouvé que c'était une des plus belles allégories que j'avais entendues de ma vie. Alors, je voulais juste le rappeler aux membres de cette commission.

Je vais laisser la parole à Dominique, qui va vous présenter un portrait du territoire.

n(21 h 10)n

Mme Provencher St-Cyr (Dominique): Ce qu'on trouvait important, au niveau de la Table de concertation en itinérance de Vaudreuil-Soulanges, c'était de vous faire connaître la réalité en région, dans une région qui est en plein développement d'ailleurs, surtout au niveau de l'est, dans tout le comté de Vaudreuil, donc qui est une banlieue qui prend beaucoup d'ampleur. Alors, je vais vous faire un petit topo, là, au niveau du territoire de Vaudreuil-Soulanges, comment ça se passe et puis comment ça se passe pour les personnes en situation de pauvreté ou en situation d'itinérance.

Alors, la MRC de Vaudreuil-Soulanges, c'est situé à l'ouest de l'île de Montréal. C'est un immense territoire, 855 km². 75 % est rural. Notre territoire connaît un profond développement, autant au niveau résidentiel, commercial que démographique. Les nouvelles familles s'installent en masse dans la région. C'est devenu une banlieue, comme je disais, qui est recherchée.

Si on se fie aux statistiques, notre territoire est relativement riche. Donc, notre taux de chômage est bas, le revenu moyen est élevé par rapport à d'autres régions. Mais cette réalité de richesse là cache des personnes, 7 300 personnes en situation de pauvreté qui vivent sous le seuil de faibles revenus. Et je pense sincèrement qu'être pauvre dans un milieu pauvre, c'est difficile, mais être pauvre dans un milieu riche, ça l'est encore plus parce qu'on doit vivre avec, premièrement, la comparaison, les préjugés et puis on doit vivre avec une rareté de ressources.

Donc, aussi, on doit se forcer à revoir notre vision de la pauvreté parce qu'ici, dans Vaudreuil-Soulanges, ce ne sont pas nécessairement des gens qui sont sur l'aide sociale qui sont pauvres mais bien des gens qui travaillent mais qui ont du travail à salaire minimum, du travail à temps partiel, occasionnel, saisonnier, et puis leur rémunération ne leur permet pas de combler leurs besoins de base.

Le boom de la construction qu'on connaît ne répond pas non plus aux besoins de logement des personnes démunies. Des maisons qui se construisent dans notre région, c'est des maisons unifamiliales de 250 000 $, 300 000 $, 400 000 $, donc ce ne sont pas des familles à faibles revenus qui peuvent se payer ce genre de maisons-là.

Dans la région de Vaudreuil-Soulanges, c'est la région où il a été le plus difficile de se trouver un logement dans le milieu privé en 2007. Le taux d'inoccupation des logements de trois chambres et plus est à 0 %, et puis le taux d'inoccupation de tous les logements est de 0,9 % dans la région. Alors, c'est vraiment très difficile pour les personnes.

Je vous disais que la région est considérée comme riche, donc on est défavorisés au niveau des ressources qui sont octroyées pour répondre aux besoins des personnes qui ont des besoins au niveau de l'itinérance. Il n'y a aucun organisme dont la mission est exclusivement itinérance sur le territoire. Donc, ce sont les organismes qui ont d'autres missions, d'autres mandats qui accueillent les gens qui ont des besoins et qui essaient de les aider au mieux.

Il y a un organisme qui offre de l'hébergement sur le territoire, à trois jours par semaine, de l'hébergement dépannage 72 heures, les vendredis, samedis et dimanches. Donc, on souhaite aux personnes dans la région d'avoir une crise le vendredi parce que c'est plus facile pour lui de trouver une place, sinon il faut qu'on aille à l'extérieur du territoire.

Donc, notre deuxième ressource souvent, c'est la MHDV ? donc André Couillard est à mes côtés ? qui a été pleine à 110 % d'occupation l'année dernière, donc on se fait souvent refuser là. Et c'est très irritant pour les intervenants du milieu d'avoir à faire tous ces téléphones pour trouver une place pour héberger les personnes qui ont un besoin d'hébergement.

Je voulais vous parler aussi de la situation du transport dans la région, parce que finalement, quand l'intervenant trouve une place pour loger la personne, il faut réussir à ce que la personne se rende à la ressource, et ce n'est pas évident dans une région où les services de transport sont organisés en fonction des personnes qui travaillent à Montréal. Donc, il y a des services de transport pour amener les gens travailler à Montréal et pour qu'ils reviennent à la maison mais pas pour qu'ils puissent se rendre aux ressources dont ils ont besoin. Alors, je laisserais la parole à Richard ou à...

M. Couillard (André): Oui, à Richard.

Mme Provencher St-Cyr (Dominique): À Richard, qui va vous faire un témoignage aujourd'hui.

M. Newberry (Richard): Bonjour. Je me présente: Richard Newberry, itinérant. Itinérant pourquoi? Bien, c'est assez simple: consommation de drogues, jeu excessif; le gambling, problème numéro un dans mon cas et dans bien des cas aussi.

Si on m'avait dit, voilà sept, huit ans, que je serais un itinérant, non, je n'aurais jamais cru ça. Maintenant, bien, c'est sûr que j'accepte ça, aujourd'hui, ce qui m'arrive. Mais j'ai de l'aide, j'ai beaucoup d'aide. Et l'aide est à côté de moi, là, parce que je suis dans Vaudreuil-Soulanges et je suis à MHDV, justement. Et, sans ces personnes-là, aujourd'hui, je me demande si je serais ici. C'est grave à ce point-là.

L'itinérance que je vis, peut-être voilà un mois, on ne m'aurait pas reconnu, je n'étais pas comme ça. J'ai changé en un mois et demi, ça fait un mois et demi que je suis revenu en hébergement. Ça fait quatre fois que j'y vais, ce n'est pas la première fois. À chaque fois que j'y vais, bien ça bouge. Ce coup-ci, ça bouge encore plus. C'est sûr qu'eux autres, ils y vont avec les moyens qu'ils ont. Ils ne font pas des miracles, ils n'en font pas. Et puis je vais vous dire une affaire, que c'est phénoménal, le travail qu'ils font.

Moi, c'est ça. Je suis un cas comme ça, qui avait une belle carrière, qui avait tout, qui a tout perdu. Je suis tombé dans le jeu, tombé dans la drogue. Et, aujourd'hui, si je n'avais pas cette aide-là, bien je ne serais probablement pas assis ici.

C'est ça, je les remercie. Je remercie beaucoup aussi que vous écoutiez le petit témoignage que je fais, parce que ce n'est pas évident. Si vous avez des questions à me poser, vous pouvez y aller.

Le Président (M. Kelley): M. Newberry, on a va arriver à la période de questions bientôt, mais merci beaucoup. Et merci beaucoup parce que ce n'est jamais facile de parler de ses expériences, de ses difficultés. Alors, merci beaucoup pour votre présence ici. On va laisser les personnes à votre droite compléter la présentation, mais on va passer à la période des questions avec les députés dans quelques instants.

M. Couillard (André): Merci. Je voudrais revenir sur certains sujets qui ont été soulevés pendant les quelques jours de la commission parce que... d'un coup que les questions ne viennent pas. Et je pense que ça pourrait être un bon complément d'information.

Sur le cadre de référence en itinérance, je voudrais juste signaler qu'un cadre de référence ne garantit rien. Un cadre de référence ne garantit rien au niveau des actions. Il y a un cadre de référence pour le niveau de financement pour des ressources en hébergement, et ce cadre de référence là de l'agence n'est pas respecté. Eux autres, ils ont établi: neuf places, tant de places, c'est tant, c'est tant. Ce n'est pas respecté. Puis c'est un cadre de référence de la propre boîte. Un cadre de référence ne garantit rien. On peut avoir des objectifs comme compter 50 buts, mais, si on n'embarque jamais sur la patinoire, on n'en comptera même pas un.

Je voulais revenir là-dessus. Ils établissent des montants minimums, des montants maximums pour une ressource de neuf places et plus, comme M. Longpré de Granby mentionnait. Au niveau des mesures particulières pour les augmentations 2006-2007, 2007-2008, à ce rythme-là, la ressource que je représente va atteindre son niveau plancher en 2021. À ce rythme-là, on va atteindre le niveau plafond en 2032. Et l'itinérance n'est pas une problématique priorisée par l'agence de Longueuil. Ça fait qu'on est loin d'une solution.

Un continuum de services. Il y a eu des questions ici continuellement, de façon continue, d'un continuum de services. On en a un, continuum de services, avec des territoires limitrophes, comme Vaudreuil, un système de crise pour du 24-72 où les gens sont intoxiqués puis les amener au fait qu'ils vont rentrer dans une ressource ensuite. Ça ressemble au trajet de la route 30, c'est tout coupé en petits bouts. Là, là, il y a du service 24-72 heures qui est ouvert trois jours à Vaudreuil; il y a un service 24-72 heures qui est ouvert quatre jours à Valleyfield. Aïe, c'est le fun! Quatre plus trois, ça fait sept. Encore chanceux! Le continuum de services est là, le financement n'est pas là.

n(21 h 20)n

Les ressources en hébergement, O.K., qui donnent un service aux personnes itinérantes sont financées comme du 9 à 5, cinq jours-semaine; ils font du 24/7, sept jours sur sept, 365 jours par année. On a parlé ici d'une ressource ? puis je ne la nomme pas pour dénoncer ou quoi que ce soit ? on parlait d'un centre de jour, puis la personne avait évalué avec le réseau que c'est un financement de 250 000 $ pour le faire fonctionner. Ça marche de 9 à 4, cinq jours. Le financement d'une ressource d'hébergement comme nous autres, à 20 places, en 2007-2008, c'était 106 000 $. Ils parlent de 250 000 $ pour un centre de jour qui fonctionne cinq jours-semaine? Impensable!

Les partenaires du cadre de référence, ministère de l'Emploi: programmes d'employabilité inadéquats, pas adaptés aux besoins des ressources humaines, qu'on a besoin en ressources humaines. Il faut décloisonner le 26 semaines. 26 semaines: on lui montre la job pendant deux mois; au bout de quatre, c'est fini, il faut le jeter à la poubelle. Même si la personne veut rester, même si l'organisme veut le garder, il faut la jeter à la poubelle puis il faut recommencer. Ça dure 26 semaines. C'est d'un ridicule consommé.

Autres partenaires, Société d'habitation du Québec, municipalités: création d'un projet. On a fait un projet, 13 logements, logements permanents pour personnes à propension à l'itinérance. Ces personnes-là, quand on l'a parti, en 2001, sur les 13 personnes, il y en avait une d'active. Maintenant, il y en a 11 d'actives en société, dans des projets, dans du travail. Ils s'investissent au niveau d'OVPAC. Ils deviennent citoyens, ils ont du temps. Ils n'ont plus le feu pogné après eux autres, ils ont du temps pour redonner.

C'est supposé, et le projet a été fait avec AccèsLogis, le volet 3, qui concerne justement des projets pour les personnes à propension à l'itinérance. Ils donnent 1 000 $ par logement créé, l'agence, O.K., pour la gestion, bon, le support communautaire. Non, non, pas dans le volet 3; ça, on parle d'un partenaire. Dans le volet 3 pour l'itinérance, ça n'existe pas, 1 000 $ par logement; c'est 13 000 $ par an. On ne parle pas, là, d'une incapacité de payer gouvernementale. 13 000 $ par an, ils l'ont gardé depuis 2000. C'est 100 000 $ qu'ils ont gardé pour un service de support aux personnes itinérantes qui sont dans ces logements-là de façon permanente. Ça ne s'applique pas au volet 3; c'est ça, qu'on s'est fait répondre. Volet 1, volet 2, personnes âgées ou toutes les autres, ça, ça s'applique. Pas dans celui-là.

Programme SOC. On en a parlé, du programme SOC. On parle de décloisonner le programme SOC. J'ai même entendu quelqu'un de l'agence de Montréal ? je n'ai rien contre elle du tout, là ? puis elle disait qu'on avait accès à du financement dépendance, à du financement jeunes, à du... C'est faux. Les ressources en hébergement qui s'occupent des personnes itinérantes et qui n'ont pas d'accréditation santé mentale, accréditation personnes âgées, accréditation jeu: zéro financement personnes âgées, zéro financement santé mentale, zéro financement santé publique, zéro financement prévention. On ne fait pas de prévention, nous autres, on fait 7 000 couchers par année. 7 000 fois quelqu'un coucherait dehors. On ne fait pas de prévention à l'itinérance, nous autres.

30 000 maisons de chambres à Montréal; ils sont rendus 3 000. C'est ça qu'on a entendu pendant les jours qu'on a été ici. Est-ce qu'ils ont remplacé les 27 000? Non. Puis il faut s'étonner que 40 % de notre clientèle qu'on accueille vient de Montréal? Tu sais, quand on dit que Montréal est une espèce d'aspirateur, puis tout le monde se rend là, là, bien, à un moment donné, là, quand il n'y a plus de ressource pour répondre, ils font quoi, le monde? Le bouchon saute. Ils font quoi? Ils vont ailleurs. C'est bien certain qu'ils vont ailleurs.

Des fois, aussi, il faut qu'ils sortent du milieu pour s'en sortir. Moi, j'ai des gens qui arrivent chez nous puis ils disaient ? puis ce n'est pas une critique: Moi, là, l'Old Brewery, là, je n'étais plus capable, La Maison du Père, là, je n'étais plus capable, là, dans le sens où ils n'étaient plus capables avec eux-mêmes. Ce n'est pas une critique de la ressource elle-même, ils n'étaient plus capables avec eux-mêmes dans cette situation-là. Ils viennent à la maison, ils commencent à faire de quoi. Ils vont dans le réseau, ils arrivent à Vaudreuil.

Plusieurs programmes. Puis là on parle même, on a entendu de l'agence: Ah, un programme en itinérance, ce n'est pas une bonne idée, décloisonnez! Qu'est-ce qu'on fait? Pourquoi qu'on n'a pas d'argent toxico en hébergement? Pourquoi qu'on n'en a pas? Parce qu'on n'a pas l'accréditation. 25 % des gens qui viennent chez nous ont un problème de santé mentale; 30 % ont des problèmes de jeu; 40 % ont des problèmes au niveau psychologique, psychiatrique; 30 % sont des personnes qui ont 55 ans et plus; 30 % ont entre 18 et 25 ans. Programme jeunes, on n'en a pas, de ça.

Pour les jeunes qui sortent de la DPJ, là, des centres jeunesse, ils sortent, ils ont 18 ans. On ne les voit pas à 18 ans et un jour. Ça fait trois, quatre ans qu'ils sont pognés avec des règlements, pensez-vous qu'ils veulent un code de vie d'une ressource? Mais on les voit, par exemple, à 19 ans et demi puis à 22, ils sont poqués rare. Qu'est-ce qu'il faut faire? Six mois avant qu'ils sortent, préparez-les, faites un programme, faites en sorte... J'ai déjà fait un exercice avec de l'argent de Monopoly avec un jeune. Il ne savait pas compter, il ne savait pas comment payer son loyer, il ne sait pas faire une épicerie. Ça fait 11 ans qu'il est en centre d'accueil. Il sort de là à 18 ans, il ne sait pas faire une épicerie, puis il faut qu'il aille en appartement.

La personne itinérante est un citoyen, puis il y a une personne itinérante qui est venue le dire ici. Mais, pour ça, il faut lui donner une identité citoyenne. Quand on parle de réinsertion, là, réinsertion, là, ça, c'est rentrer quelque chose dans quelque chose, là. Réinsérer: Viens-t-en, envoye! Ça, c'est rentrer un rectangle dans un carré. Réorganisation sociale, un programme qui fonctionne du début, 24-72, un 30 jours, 30-60, trois à six mois, on fait venir leurs cartes. Je vois des gens toutes les semaines fondre en larmes parce qu'ils reçoivent une carte de l'assurance maladie. Ils ont sa face dessus. Ils fondent en larmes. Pourquoi? Ils deviennent citoyens. Ils n'ont pas de permis de conduire, ces gens-là, pour la plupart, ou ils l'ont perdu. Il faut prendre ce qui marche puis l'exploiter, faire du copier-coller puis le faire.

On parlait de sensibilisation, madame parlait de sensibilisation. Faire une campagne de publicité, là, tu prends quelqu'un, là, qui est dans la rue puis tu montres qui qu'il était avant: infirmière, gars qui travaillait sur la construction, avocat, juge. Tu fais juste le montrer de même. Tu n'as même pas besoin d'utiliser des acteurs: tu les habillent de même puis tu les habillent comment est-ce qu'ils étaient avant. Je pense qu'il en trouve, de l'argent, le gouvernement, pour faire des publicités. Je pense que, là, il ne dit pas: Mes coffres sont à sec. Il en trouve. Bien, sensibilisons les gens. Si la population ne s'en occupe pas, de ces gens-là, si les organismes ne s'en occupent pas, vous ne serez pas obligés de prendre en... considérez le fait qu'il faut faire de quoi.

Et je ne voudrais pas que la commission reste au niveau du lexique. Là, on est dans une situation d'urgence. Urgence, le feu est pogné, puis on est encore à se demander: Ça nous prendrais-tu un tuyau? Ça nous prendrais-tu de l'eau dans le tuyau? Ce n'est plus ça qu'il faut faire. Il faut sortir le tuyau de 4 po, sortir l'argent et exaucer les personnes qui sont dans le communautaire, parce que la réponse aux personnes itinérantes ne vient pas de l'institutionnel. Si vous faites passer l'argent par là, là, il n'en restera pas gros en bas. Puis je rejoins mon ami M. Longpré pour dire que, quand vient le temps de tout jouer dans ces... Tu sais, là, c'est un paquet de tuyaux tous plogués, là. Quand tu arrives au bout, là, il ne reste plus d'argent pour les personnes. Nous autres, c'est les personnes qu'on aide, puis le gouvernement ne nous aide pas à aider ces personnes-là, pas assez puis depuis longtemps. Je ne sais pas si j'ai fini. Ça doit.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Couillard. Je vais passer la parole à Mme la députée de Hull.

n(21 h 30)n

Mme Gaudreault: Alors, merci beaucoup pour votre présentation. M. Newberry, vous avez dit tout à l'heure: «Ils ne font pas de miracle.» Avec la présentation de M. Couillard, je pense que vous en faites, et M. Newberry en est une belle preuve.

Je vais me permettre un commentaire. C'est sûr que le gouvernement malheureusement ne peut pas faire autant, là, que vous le demandez, mais je pense qu'il y a quand même des choses qui se font, il y a des montants d'argent qui sont à votre disposition et je pense que vous faites vraiment des choses extraordinaires avec le peu de moyens que vous avez. Le 72 heures, c'est certain qu'idéalement ce serait 24/7, ce serait 24 heures par jour, sept jours par semaine. Mais je pense qu'avec votre motivation et votre détermination un jour, on va y arriver tout le monde ensemble. On est ici pour ça, on est ici pour vous entendre nous parler de vos grands succès puis aussi de vos grands défis. Et puis, pour ça, je vous en remercie.

Et j'oserais, moi, poser une question encore à M. Newberry. On a vu qu'en 2007, à la Maison d'hébergement dépannage de Valleyfield, il y a eu 7 000 couchers qui ont été offerts, mais il y en a 6 000 qui ont été refusés. Et, vous, vous avez parlé, tout à l'heure, M. Newberry, que vous êtes allé à quatre reprises, et tout ça. Est-ce que vous êtes capable même d'imaginer qu'est-ce qui vous serait arrivé si on vous avait refusé l'accès à cet hébergement-là puis aux services?

M. Newberry (Richard): Bien, qu'est-ce qui arrive si je suis refusé? Bien, c'est déjà arrivé. Quand tu es refusé... Ah oui! C'est arrivé. Il y a d'autres places, il faut attendre. Il faut attendre des fois que ça se vide pour rentrer.

Mme Gaudreault: Vous faites quoi?

M. Newberry (Richard): Bien, on continue dans la déchéance. On essaie de tenir le coup jusqu'en attendant qu'on rentre dans ce centre-là pour se sécuriser. Parce que, tant que tu n'as pas mis les pieds là, tu es insécure, ça fait que tu consommes au maximum pour oublier, parce que dehors, c'est l'enfer. Tant que tu n'es pas rentré là, là, c'est... Tout ce que tu es capable de faire pour consommer, tu vas le faire. Aussitôt que tu as de l'argent, ça y est, c'est consommation maximale: médicaments, boisson, si tu as plus d'argent, bien c'est le jeu. Là, aussitôt que tu rappelles, tous les jours, tous les jours, woups! il y a une place qui vient de se libérer, là tu rentres, puis là ça vient d'arrêter. Bien, le commencement commence là.

Ce n'est pas qu'eux autres, ils te refusent, c'est que c'est les places. Aussitôt que ça se libère, bien c'est... Tu sais, il y a 20 places, il y a 19 places. S'il y en a 40 qui appellent en même temps, puis les 19 places sont pleines, c'est... Si j'appelle avant le 32e, je suis chanceux. C'est de même, ils ne vont pas te dire: O.K., on te réserve ça pour mardi, Richard. Non, ça ne marche pas de même. C'est: Mercredi, il y en a. Woups! J'ai été chanceux de tomber dessus. Ça peut aller l'autre jeudi d'après. C'est ça. Si je ne rentre pas là en temps de crise, bien ça continue à l'extérieur.

Là, qu'est-ce qui peut arriver? Bien, il arrive beaucoup de choses. Moi, j'ai été... Écoute, ça peut aller jusqu'à la prison, ça va jusqu'au vol, ça va jusqu'à... Il faut que tu manges, il faut que... Tant que tu n'es pas rentré là. Parce que, quand tu fais une demande pour rentrer en maison d'hébergement, ça ne va pas bien dehors: tu ne manges plus, tu ne vis plus, tu existes. Tu existes. L'argent n'a plus de valeur, plus rien n'a de la valeur. Ça fait qu'aussitôt que tu es capable de t'enfuir mentalement, tu le fais, à l'extérieur, parce que tu n'as pas d'encadrement, tu es insécure au maximum, plus de famille, tu n'as plus rien.

La famille est là. Aussitôt que tu mets les pieds là, au moment que tu mets les pieds dans cette maison-là ? moi, je parle de là ? ça change carré, net, 100 %, 150 % même. Tu te sens sécurisé, tu te sens déjà aimé, tu te sens déjà... Woups! Une lueur d'espoir de t'en sortir. Puis, bien, c'est ça.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

M. Newberry (Richard): Ça fait plaisir.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre témoignage, M. Couillard, et, de un, j'ai envie de vous dire merci de la fidélité, parce que vous avez été là tout au long de la commission, comme plusieurs autres personnes, mais malheureusement je n'ai pas tous les noms, je ne peux pas tous les mentionner.

Moi, je retiens une chose qui me frappe, et, lorsque je vais partir d'ici, je le prendrai en considération, et je pense que le message est très clair, de ce que vous avez mentionné, c'est que trop longtemps on a coulé dans le même moule de financement, dans la même méthodologie de financement, et, à un moment donné, il faut dire: Aïe! chaque personne est unique. Puis, tu sais, je fais référence à votre 26 semaines, parce que vous avez cité aussi des exemples, et je les prends en considération, et je vous appuie, même, dans ce que vous mentionnez. On voit la détresse, on voit la détermination, on voit les résultats.

Et je pense qu'il serait grandement temps qu'il y ait une révision qui soit faite. Et, moi, je vous assure d'une chose, c'est de mettre toutes les pressions nécessaires pour que ce mode de financement là... Et on le sait que c'est sous-financé, là, je veux dire, moi, vous n'avez pas à me convaincre, là, l'exemple a été mentionné et il est très clair. Est-ce qu'on a une bonne administration? Est-ce qu'on gère bien le peu qu'on a? J'en ai des doutes, aujourd'hui. Et je me porterai porte-parole de requestionner, parce que je suis quand même critique en matière d'emploi et de solidarité sociale. Alors, si je peux faire avancer des choses du moins dans un élément... Et, moi, je le retiens.

Je sais que mon collègue, M. le Président, aurait souhaité également prendre la parole. Mais je vous incite fortement à continuer de vous battre. Vous n'êtes pas le seul. J'ai entendu qu'en plus de veiller à apporter un soutien et un besoin dans notre communauté, c'est qu'en plus vous êtes obligé de vous battre, et je sens l'épuisement...

M. Couillard (André): Ah non!

M. Dorion: ...de ce combat-là.

M. Couillard (André): C'est ma face naturelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard (André): Si je peux juste...

Le Président (M. Kelley): Oui, vous voulez réagir?

M. Couillard (André): Juste compléter. Parce que, quand on parle d'emploi, les outils, le coffre d'outils, là, d'une maison d'hébergement communautaire, négligée souvent par les agences et le système ? je veux le dire ? souvent, là, il y a un outil dans le coffre. Il faut clouer des clous avec un tournevis, il faut tout faire, il y a rien qu'un outil, c'est les ressources humaines, c'est les interventions. Financez de l'intervention: Combien d'heures que ça vous prend?, Combien ça coûte?, puis faites le chèque. C'est ça qui vient en aide aux personnes. Vous n'avez pas besoin de vous cogner la tête sur les murs pour savoir qu'est-ce qu'il faut faire. Payez de l'intervention!

Les agences ne paient pas d'interventions en quantité suffisante pour répondre à la demande puis aux besoins des personnes qui sont là. Ce n'est pas les besoins des organismes, ce n'est pas le besoin de l'organisme, c'est le besoin d'interventions. Il faut qu'ils soient deux. Il y a trois planchers chez nous, il faut qu'ils soient en double occupation, en intervention, avec une chef d'équipe de jour puis de soir. Il y a 20 personnes dans la maison qui font des démarches. Ils ne sont pas là à faire du poil, ils font des démarches, il faut les aider. Le téléphone ne dérougit pas. On est là, il y a un programme qui fonctionne, bien ça les active, ça les agite. Bien oui, mais il faut fournir, il faut fournir. Comment est-ce qu'on fait pour fournir? On se pile sur la langue. Ça n'a pas de sens! Ça n'a pas de sens! En tout cas.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bellechasse.

M. Domingue: Alors, bonsoir, bienvenue à la commission. Je sens que ça fait du bien. Je tiens à vous dire que j'ai travaillé pendant plusieurs années au niveau du milieu communautaire dans les maisons de jeunes, je connais assez bien votre réalité. J'ai même été, dans ma région, représentant des organismes communautaires.

Je voudrais aller directement à vos pistes de solution qui vont probablement alimenter nos réflexions. Vous parlez de développer un partenariat privé?public municipal pour s'obliger mutuellement à construire, chaque année, des immeubles de logements sociaux. Si je comprends bien, c'est de mettre tout le monde à contribution puis... J'aimerais ça vous entendre développer un petit peu sur...

M. Couillard (André): Bien, moi, je répondrais à ça par une question: C'est qui qui décide? C'est-u le municipal ou c'est le provincial? Faites des partenariats. C'est quoi, la poche de pauvreté qu'il y a à Vaudreuil puis c'est quoi qu'il y a comme besoins, puis on en construit à tous les ans: huit, plus huit, plus huit, plus huit. On s'oblige mutuellement à prendre soin de nos citoyens, on s'oblige...

C'est qui qui mène? C'est qui, le boss? Pas se demander: Ce n'est pas moi, c'est lui. Ah non, ce n'est pas moi, c'est lui, puis en plus je ne le connais pas. Il faut arrêter de faire ça. Il faut arrêter de faire ça. Il faut s'obliger mutuellement: Toi, là, tu as tant, je te donnes tant puis tu fournis tant. Regarde, c'est ça, s'obliger: Moi, je donne tant, puis, toi, tu donnes tant. Puis les organismes, ils vont embarquer là-dedans, ils vont fournir l'intervention avec un coup de pouce.

M. Domingue: Vos axes de priorité, en tout cas il y en a quelques-uns qui ont attiré mon attention. Vous dites: «Permettre aux personnes dont le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté d'augmenter légalement leur revenu annuel en étant exempt d'impôt de ces montants déclarés.»

n(21 h 40)n

M. Couillard (André): Je vous remercie beaucoup de la question parce qu'en réalité les personnes, vous ne leur donnez pas assez, le barème n'est pas assez. Qu'est-ce qu'ils font? Ce n'est pas assez. Ils ont déjà fait l'exercice, à l'Assemblée nationale, de remettre une valeur de chèque aux députés et puis leur dire: Vous avez un budget à administrer. Il n'y en a pas un qui a réussi avec le montant qu'il avait, pas un.

Ces personnes-là, là, donnez-leur leur chèque puis laissez-les travailler, déclarer puis lâchez-leur la tête. Ils peuvent gagner une fois, deux fois leur chèque, qu'est-ce que c'est que ça peut bien faire? Savez-vous qu'est-ce qu'ils vont faire avec l'argent? Ils vont le dépenser, il va se retrouver dans vos poches encore. Voyons donc, le gars, il est pauvre, il a 800 $, il va le dépenser. Laissez-les tranquilles jusqu'à temps qu'ils arrivent à un seuil. Tu n'as pas besoin de les imposer. Laissez-les travailler, ils vont le déclarer. C'est qui...

On reproche aux gens à l'aide sociale de travailler au noir. Je pose la question ici: C'est qui qui les engage? Ils s'engagent-u entre eux autres? Non, non, mais, tu sais, pose-toi-la, la question, là. C'est qui qui les engage? Laissez-les travailler, ils vont le déclarer. On va couper l'herbe sous le pied à tout un réseau. Moi, j'ai plein de monde qui aide Richard, plein de monde: Veux-tu rester chez nous pas de bail, envoye donc, hein? Veux-tu ci? Je vais te donner 10 $, déclare-le pas. Tout le monde les aide, ce monde-là.

M. Domingue: Une dernière question. Sur un autre axe que vous mentionnez, vous parlez de reconnaître la part sociale des organismes communautaires et de soutenir financièrement ces entités partenaires du réseau de la santé et des services sociaux.

M. Couillard (André): Bien, combien? La part des organismes communautaires, là, chiffrez-la. Combien ça coûte, une journée à l'hôpital? Bien, c'est vrai qu'on a entendu que des fois ils ne les gardaient pas une journée, ça doit coûter trop cher. Ils passent d'une porte puis ils sortent par l'autre. Une journée à l'hôpital, ça coûte combien? Une journée en prison, ça coûte combien à l'État? Savez-vous comment ça coûte chez nous? 27 $ tout inclus. Puis ils ne sont pas foutus de le payer parce que le per diem arrête à 120 jours gratuits par mois. On en donne 500. Ils ne sont même pas capables de donner l'équivalent de la vérité du service qu'on donne aux personnes.

L'enveloppe fermée, ça été inventé par quelqu'un, ça, l'enveloppe fermée: 120 jours, puis c'est tout. Arrive au sept, huit du mois, les journées gratuites, on les donne pareil, mais on les donne sur le bras. Encore heureux qu'on les donne sur le bras. Pourquoi? Parce que la personne ? Richard, il vous l'a dit ? est sécurisée: Regarde, sept jours, puis c'est gratuit. C'est quoi que tu as besoin? C'est-u du linge? As-tu ci? As-tu ça? Regarde, c'est de même que ça marche. On ne leur prête pas des sous, on ne les endette pas. C'est ça qu'il faut faire, il faut trouver des solutions, faire un genre de programme national, mais, non, qui ne vient pas d'en haut.

On parle d'une politique en itinérance, là. Pognez la politique en itinérance du Réseau Solidarité Itinérance puis regardez qu'est-ce qu'il y a dedans. Puis, ce qu'il y a dedans, là, fournissez ce qu'il faut pour réaliser les choses qu'il y a là-dedans parce que ça s'adresse aux personnes, pas au système, pas à l'institutionnel, pas aux tuyaux. Tu sais, l'argent qui passe dans les tuyaux, là, puis finalement il passe tout le temps par-dessus la tête, là; pas comme ça. La base! Soyez... J'ai dit dans le mémoire... Je vous invite aussi... La Maison d'hébergement a fait un mémoire. C'est la version intégrale de ce que vous avez avec des suppléments. Alors, je vous invite à le lire aussi.

M. Domingue: Dernier commentaire?

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Domingue: Donc, si je comprends bien, dans les interventions que vous faites, dans ce que vous exprimez, vous nous invitez à requestionner nos systèmes et notre façon...

M. Couillard (André): ...la base. Arrêtez de penser... Vous demandez aux agences de produire un cadre de référence pour faire en sorte d'agir sur l'itinérance, ils n'y comprennent rien, ce n'est même pas priorisé, ils ne comprennent rien là-dedans. Pendant les jours qu'on a été ici, on a parlé des programmes SOC, certains députés disaient: Ah, c'est quoi? Bon, puis on s'informe, on vient se renseigner, tout ça. À l'agence, là, oui, ils savent les tuyaux, eux autres, ils savent comment ça marche, mais eux autres doivent résoudre le problème des personnes itinérantes au Québec.

On est au Québec, XXIe siècle. 7 000 fois, à Salaberry-de-Valleyfield, il y a quelqu'un qui aurait couché dehors, 7 000 fois quelqu'un aurait couché dehors. On a refusé l'équivalent de 5 000 couchers additionnels. Puis on a tout un réseau, trois à six mois, 6 à 18.

On a emprunté à la caisse. Je pense que le gouvernement pourrait faire ça, lui aussi. On a emprunté à la caisse, on a acheté une maison, on a fait huit places additionnelles. Qu'est-ce que l'agence a donné? Zéro puis une barre, même pas une piastre, même pas la première heure d'intervention. On a créé huit nouvelles places. On est allés à la caisse puis on a emprunté. Faites donc la même chose. Achetez donc des maisons unifamiliales huit places, là, puis faites des ressources avec. Entendez-vous avec les caisses. Prenez les reprises de finances. Arrangez-vous! On est allés, nous autres. Ah! on est solvables pour les caisses quand on emprunte. Pas sûr que la solvabilité des organismes communautaires ? quand on dit «une reconnaissance» ? est reconnue.

Les employés, là, moi, j'achète au Métro, j'achète au IGA, pensez-vous qu'on ne dépense pas de l'argent, nous autres, pour... Librairies Boyer puis toute la paperasse que vous nous faites faire. Pas mêlant, ils font la moitié de leur chiffre d'affaires avec vous autres.

Il faut savoir qu'on est une force économique. On dépense, on emploie. On emploie des gens. Qu'est-ce que c'est que ça peut bien faire qu'il y ait six employés de plus, vous autres, pour le gouvernement? On va les payer. Ils vont vous payer. C'est ça qu'ils vont faire. Ça dérange quoi? Elle est où, la perte?

On est des organismes à but non lucratif, on ne peut pas être financés pendant 20 ans puis crisser notre camp comme la Goodyear a fait à Valleyfield. On ne peut pas s'en aller. On ne peut pas empiler l'argent, il faut la dépenser. C'est où, la perte? Tu me donnes 1 $, je dépense 1 $; tu me donnes 2 $, je dépense 2 $. Il est où, le coût? Il est où, le coût?

Puis on s'est fait dire ici qu'il y a un coût à ne pas dépenser. Mais ça va avec le fait de se déresponsabiliser. Parce que la responsabilité appartient à toute la société de s'occuper de ces personnes-là. Puis, à ce que je sache, les personnes de l'agence puis du gouvernement font partie de cette société-là. Ça appartient à tout le monde de les aider. Quand tu te casses un bras puis que tu t'en vas à l'hôpital...

Le Président (M. Kelley): En conclusion. En conclusion parce que je dois passer la parole aux autres députés.

M. Couillard (André): ...ils ne te demandent pas qu'est-ce que tu as fait pour puis si tu mérites d'avoir un plâtre. Bien, ces personnes-là, elles ont besoin de soins. Dan Bigras l'a dit, il faut les aider, il faut les soigner. Faites-le.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Après le plaidoyer qu'on vient d'entendre, je pense que beaucoup a été dit. Tout ce que je peux vous dire, c'est que vous n'avez pas parlé pour rien. Puis cette commission-là n'est pas là simplement pour écouter.

Parfois, on a l'air de poser des questions un peu élémentaires, ce n'est pas parce qu'on ignore les situations ou les problèmes, c'est parce qu'on veut que ce soit bien enregistré, on veut que les réponses et les questions soient bien, bien, bien enregistrées, et on a une équipe qui le fait.

Je le sais, que vous devez être désespérés des fois de voir que vous êtes gobés, gobés par une machine, hein? C'est dur. C'est dur parce que, oui, on est enterrés par la paperasse, et puis on a des humains dont il faut s'occuper en bout de ligne, puis ils sont en difficulté.

Comment humaniser, comment rapprocher ces services-là du citoyen puis des personnes qui s'en occupent? Je pense que ça va être une considération qu'on va avoir parce que ça a été beaucoup, beaucoup, beaucoup mentionné. C'est très, très loin, Dieu le père, là, tu sais, le ministère, l'agence, etc. Puis on n'attaque personne en disant ça, là. C'est des machines, hein? C'est des monstres, au fond.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on est conscients que tout ce qui fait en sorte que l'action communautaire autonome, tout ce qui fait en sorte qu'elle se déstabilise, c'est-à-dire l'absence de ressources récurrentes, l'absence d'écoute et de réponses, des programmes fermés, des programmes fermés qui font en sorte que vous voulez ajouter quelque chose à vos services parce que l'humain en a besoin puis là ça ne rentre plus, on va voir, on va discuter ces choses-là, on va en discuter entre nous.

Mais en attendant, là, merci de nous avoir parlé comme ça. Et puis surtout, comme on nous dit des fois à nous autres, là, dans la rue, lâchez pas. Mais là c'est vrai, là, je vous le dis, là, vous autres, là: Lâchez pas, vous êtes importants, très importants.

n(21 h 50)n

M. Couillard (André): Je voudrais juste dire qu'on est... les organismes communautaires ont aussi une responsabilité, dans le sens où est-ce qu'on est victimes de notre mission. On la fait à tout prix, puis ils savent qu'on va le faire pareil, à n'importe quel prix, puis je pense qu'ils en profitent. Je dirais même que c'est un peu de l'abus administratif, parce qu'on va le faire pareil. C'est quoi, que je vais faire, moi, pour faire ébranler l'agence sur mes besoins? Je vais fermer la ressource, je vais crisser tout le monde dehors? C'est quoi que je fais? Bien non, regarde, c'est ouvert, on s'en fout, qu'il y ait juste un intervenant ? je dis «on s'en fout», excusez l'expression ? ça ne dérange rien. Ils font une ressource, ils paient la brique avec le programme fédéral, ils paient la brique, la ressource, elle est ouverte deux jours. C'est un service d'intervention pour les personnes itinérantes. Voyons donc! Voyons donc! Voyons donc!

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Lapointe (Crémazie): Non, ça n'a pas de sens. S'il y a une ressource, s'il y a des personnes qui sont là pour aider les personnes dans le besoin... Non. On note ça. Écoutez, ce n'est pas la première fois qu'on entend ça, mais là je pense que ça dépasse un petit peu les bornes.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Très rapidement. Merci, M. le Président. Je partage votre sentiment d'impuissance, votre sentiment de frustration. Et, à ma connaissance ? peut-être que je me trompe ? vous êtes le premier à l'avoir souligné, il y a urgence. Il y a urgence. Les choses ont trop traîné depuis plusieurs années, et là on se retrouve avec une situation telle qu'elle est actuellement, et il y a effectivement urgence.

M. Couillard (André): Je voudrais juste dire... Parce que j'essaie toujours de trouver une image aussi belle que la personne qui vous avait parlé de son bail intérieur. Bien, il n'y aura pas de viaduc qui va s'effondrer pour sonner l'alarme, pour dire: Aïe! nos ponts, ils tiennent-u encore debout? Je n'accuse pas personne, là. Ça a sonné un signal d'alarme. Ah! je pense que c'est dangereux, ça nous tombe dessus. Il n'y en aura pas, de ça, en itinérance. Mais ce que vous allez faire, c'est grossir une boule de feu, c'est un tison ardent qui est là. C'est un tison ardent qui est là. Puis un feu qui couve, là, à un moment donné, là, ça pète. Ça pète.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup, M. Couillard et la table d'itinérance de Vaudreuil-Soulanges, de partager vos expériences.

Avant de fermer, ceci met fin à la partie publique de la visite de la Commission des affaires sociales à Montréal, et je veux avant tout... C'est 35 groupes qui sont venus témoigner, ils ont présenté des mémoires de très grande qualité. C'est plus de 300 personnes qui ont assisté, dans cette salle, aux audiences: les étudiants, les journalistes, les itinérants qui sont venus assister. Alors, je pense, au niveau de notre présence, on l'a souligné, c'est un fait exceptionnel que l'Assemblée nationale se déplace. Je pense que c'est un exercice que nous devrons répéter parce que je pense qu'on a tout intérêt d'approcher les élus des citoyens. Quand on avait l'ensemble des membres de la commission dans le motorisé de L'Anonyme, lundi soir, je n'ai jamais vu quelque chose comme ça, 14 ans comme député, mais de voir les intervenants, les gens de la rue, les députés ensemble, c'était vraiment un moment fort de notre expérience ici.

Et je veux dire quelques remerciements parce que, pour déplacer une commission, pour nous autres, les députés, c'est facile, mais il y a des personnes qui travaillent autour de nous qui ont rendu ça possible. J'ai mentionné le travail de notre secrétaire, Mme Laplante, qui est secondée par Simon Larouche, Claire Vigneault et Christina Turcot, qui ont fait un travail d'organisation remarquable. Les gens de la bibliothèque, Bertrand Nadeau, et Hélène Bergeron, et Mme Norma Drolet, comme consultants, qui ont préparé les documents pour la commission. Les techniciens du son, Christian Croft et Joël Guy, qui sont là, qui s'assurent que nos micros fonctionnent et qui se sont assurés que tout ça va être enregistré, alors ça laisse une trace permanente. Le plus discrètement possible, Éric Bédard, qui a assuré la sécurité. Parfois, il n'était pas si discret que ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Mais il a toujours gardé la plus grande discrétion possible dans les circonstances. Mais, Éric, trop souvent, ton visage te trahit. Les recherchistes des trois formations politiques, Marie-Ève Dion, Nicolas Fournier, Valérie Beaulieu, François-William Simard, du cabinet du ministre, qui étaient avec nous autres aussi.

Mais je veux dire le dernier remerciement et peut-être le remerciement le plus profond aux témoins itinérants qui ont pris la peine, dans les trois jours, de prendre le micro pour partager avec nous autres leur histoire de vie, leur passage, leur vécu, leurs obstacles, les bris, les moments très, très difficiles dans leur vie. J'ai noté: Sue Lee, Geneviève Vallée, Patrick Charette, Mauve, Lisette Perron, Sylvie, Mario, Steve, Éric, Jeannine, Mario Paquet, Jean-Pierre Béliveau et finalement Richard Newberry, qui est venu ce soir.

C'est avant tout pour ces personnes. Et nous avons tous parlé de l'obligation d'humaniser cette question au-delà des systèmes, au-delà des organigrammes, au-delà des programmes, tout ce jargon que nous sommes condamnés de travailler là-dedans, parce que c'est comme ça malheureusement que les gouvernements fonctionnent, mais il faut toujours retenir le fait qu'on veut agir pour ces personnes qui vivent ou qui ont vécu de très grandes détresses. Et nous sommes interpellés, comme représentants de notre société, de venir à ces personnes. Alors, comme agents de cette société, on a pris bonne note de leurs témoignages et on s'engage à faire de notre mieux possible pour améliorer les choses.

Sur ce, j'ajourne nos travaux à demain matin, 8 heures.

M. Lemay: M. le Président, merci à vous...

Des voix: ...

M. Lemay: Alors, bravo.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

M. Lemay: Avec le doigté et l'expérience qu'on vous connaît...

Une voix: Est-ce qu'on peut vous inviter à participer...

Le Président (M. Kelley): Je pense qu'on a déjà certains renseignements, mais, si on peut transmettre à la commission... On va s'assurer que l'ensemble des membres de la commission ont les détails. Notamment, on peut, s'il y a des événements dans des régions différentes, parce qu'on représente ici plusieurs régions du Québec. Alors, c'est bien noté.

Et, sur ça, j'ajourne nos travaux à demain matin, 8 heures.

(Fin de la séance à 21 h 58)


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