(Quinze heures huit minutes)
Le Président (M. Kelley): Alors, je constate quorum, peut-être des membres de la Commission des affaires sociales ou au moins des visiteurs qui sont parmi nous aujourd'hui. Alors, je déclare la séance ouverte.
Je veux rappeler le mandat de la commission: la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Mme la secrétaire, je soupçonne qu'il y a des remplacements.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paquet (Laval-des-Rapides) remplace M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce); M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Sklavounos (Laurier-Dorion); Mme Ménard (Laporte) remplace Mme Vallée (Gatineau); Mme Leblanc (Deux-Montagnes) remplace M. Caire (La Peltrie); Mme Morissette (Charlesbourg) remplace M. Dorion (Nicolet-Yamaska); Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) remplace M. Bergeron (Verchères); M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) remplace M. Drainville (Marie-Victorin); et Mme Dionne-Marsolais (Rosemont) remplace Mme Lapointe (Crémazie).
Le Président (M. Kelley): Et, moi, je pense que Mme Lapointe est déjà membre, alors c'est plutôt Mme Leblanc (Deux-Montagnes) qui remplace M. Caire. C'est bien ça?
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(15 h 10)
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La Secrétaire: Oui, c'est Mme Leblanc.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Kelley): O.K. Alors, bienvenue à tous nos membres habituels et les personnes qui partagent ce mandat important. On va commencer, comme d'habitude, aux remarques préliminaires sur le projet de loi n° 63.
Chaque membre de la commission a le droit d'un maximum de 20 minutes pour les remarques préliminaires, en commençant avec Mme la ministre de la Culture, Communications, Condition féminine et députée de l'Acadie. La parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Chers collègues de l'équipe ministérielle, porte-parole de l'opposition officielle, M. le Président, ce matin, nous avons vécu, je pense, un moment historique lorsque nous avons fait l'adoption de principe du projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les hommes et les femmes. J'ai eu une pensée pour mes ancêtres, j'ai eu une pensée pour ceux aussi et celles qui vont nous suivre. Quand j'ai pensé à mes ancêtres, j'ai pensé peut-être à évidemment ma mère, à mes grands-mères et à mon père, qui était peut-être féministe avant tout le monde puisqu'il a eu huit soeurs et cinq filles.
Alors, c'est donc avec un grand plaisir que je vous présente en détail pour fins de discussion le projet de loi n° 63 visant à modifier la Charte des droits et libertés de la personne. Nous entreprenons ensemble l'examen article par article d'un projet de loi qui vise à rendre manifeste l'importance qu'accorde notre société à la valeur fondamentale que représente l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le 27 septembre dernier, le Conseil du statut de la femme nous enjoignait à faire un pas déterminant dans la direction de l'égalité entre les hommes et les femmes. Son avis, intitulé Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse, proposait, entre autres, un amendement à la Charte des droits et libertés de la personne pour affirmer solennellement que le principe de l'égalité doit être respecté en toutes circonstances.
Comme résultat de nos efforts, j'ai eu l'honneur de présenter à cette Assemblée, le 12 décembre dernier, le projet de loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. De nombreuses personnes qui se sont prononcées dans le cadre des consultations entourant ce projet de loi, M. le Président, y ont vu un véritable progrès, et ce, sur plusieurs plans. Il fait connaître, ce projet de loi, et reconnaître le principe fondamental de l'égalité entre les hommes et les femmes. Il protège et renforce cette valeur. Il harmonise les chartes québécoise et canadienne. Il outille et guide les tribunaux et consolide les acquis des femmes.
Le projet de loi n° 63 s'inscrit comme une réponse aux travaux de la commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. Nous donnons suite aux propos tenus par certains groupes, dont le Parti québécois, qui souhaitent voir déplacer l'article 49.2 pour renforcer son caractère interprétatif. Nous envisageons maintenant d'insérer cette clause interprétative à l'article 50.1. Enfin, par souci d'harmonisation, nous proposons de modifier la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui reprend intégralement le préambule de la Charte des droits et libertés.
Nous serons bientôt prêts à procéder à l'adoption du projet de loi n° 63 visant à modifier la Charte des droits et libertés de la personne. Je peux assurer les membres de la commission que nous collaborerons avec plaisir à l'étude détaillée car notre objectif est que cela puisse se faire le plus rapidement possible. Je suis certaine que tous et toutes autour de cette table désirent participer à cet événement majeur qu'est l'inscription dans notre charte, pour la première fois, des mots et du principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est avec beaucoup d'intérêt que je m'apprête maintenant à entendre les remarques de mes collègues parlementaires. Merci de votre attention.
Le Président (M. Kelley): Merci, Mme la ministre. Je suis prêt à reconnaître Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Lucie Leblanc
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, chers collègues, mesdames messieurs, 24 heures seulement après l'adoption du principe du projet de loi n° 63, le gouvernement a pris la décision de mettre ce projet de loi au feuilleton pour son étude détaillée, ce qui témoigne de l'importance symbolique que peut avoir une modification à un document institutionnel aussi important que la Charte des droits et libertés de la personne. Par conséquent, nous nous retrouvons aujourd'hui à la Commission des affaires sociales pour étudier article par article le projet de loi n° 63.
Tout comme de nombreux groupes, nous avons déjà exprimé une certaine réserve quant au moment choisi par le gouvernement pour aller de l'avant avec un tel projet de loi. De notre côté, nous jugeons qu'il aurait été plus responsable et moins électoraliste d'attendre le rapport de la commission Bouchard-Taylor. La prise de connaissance de ce rapport aurait possiblement pu guider davantage les intervenants s'exprimant sur le projet de loi n° 63, et surtout le gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur les objectifs que le projet de loi n° 63 poursuit, puisque cela a été amplement débattu lors de la séance d'hier. Toutefois, comme je l'ai dit, nous sommes inquiets quant à la poursuite des actions que le gouvernement prendra suite au rapport Bouchard-Taylor. Ce qui nous importe en ce moment, c'est de souligner que le moment choisi pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n'est pas anodin. La publication du rapport final de la commission Bouchard-Taylor étant accomplie, jumelée à des discussions enrichissantes tenues en février dernier sur la proposition de la réforme de la charte, auront permis d'illustrer la portée symbolique de l'enchâssement de l'égalité des sexes comme pilier de la justice et de la paix. Je crois que notre réflexion a fait du chemin depuis la tenue des consultations générales. Je considère sain d'en arriver à des discussions plus formelles au sujet du projet de loi comme tel et de chercher à bien saisir sa portée. C'est ce que nous chercherons à faire dans les prochaines heures en tant qu'opposition responsable.
M. le Président, vous aurez compris que ma formation politique compte appuyer le projet de loi n° 63 tel que formulé. Depuis le début, nous avons été clairs sur le sujet: le fait de formaliser l'égalité entre les femmes et les hommes permettra aux femmes du Québec et à nos enfants de concrétiser des acquis encore récents et/ou fragiles.
Des sujets comme ceux-là doivent être débattus avec sérieux et rigueur, indépendamment des filiations partisanes. En d'autres termes, le moment est venu de départager les enfants des adultes. Je pense que nous pouvons avoir des discussions franches sans tomber dans les dédales stratégiques partisans. La population du Québec attend de nous rien de moins qu'un professionnalisme exemplaire. Plus que jamais, il faut lancer un message clair quant aux valeurs fondamentales du Québec. Je tends la main aux parlementaires des différentes formations politiques pour que nous puissions faire cheminer dans les meilleurs délais le projet de loi n° 63. Lorsque l'Assemblée nationale parle d'une même voix, cela a toujours un impact. Gardons cela en tête lors de nos débats à venir. Ne misons pas sur ce qui nous divise mais bien sur ce qui nous unit en tant que collectivité.
En terminant, M. le Président, je nous souhaite donc des échanges constructifs et rigoureux au nom du bien-être des Québécoises et des Québécois. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. Je suis prêt maintenant à reconnaître Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, ce qui serait historique aujourd'hui, au début de nos travaux en commission parlementaire, en procédant à l'examen article par article du projet de loi, ce qui serait historique, ce serait d'introduire dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ces valeurs fondamentales qui constituent le fondement même de la culture commune en partage au sein de la société québécoise.
Sinon, M. le Président, dois-je rappeler ce qu'en disaient d'ailleurs les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor, dans le cadre de leur rapport, en parlant justement du projet de loi n° 63 dont nous débutons l'étude? Alors, ils disaient ceci, la deuxième solution, puisque, disaient-ils, «la première [consiste] à hiérarchiser les droits protégés par les chartes en spécifiant que le principe de l'égalité hommes-femmes devrait primer la liberté de religion». Et là ils évaluent en disant que tout ça apporte des inconvénients. Et puis finalement ils en arrivent à cette deuxième solution: «...consistait non pas à hiérarchiser les droits, mais à proposer l'ajout d'une clause interprétative dans la charte québécoise. Le gouvernement du Québec a retenu cette suggestion en proposant, dans le projet de loi n° 63, l'insertion de l'article suivant: "Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes."» Alors, les commissaires ajoutent ceci: «Notre commission appuie cette initiative dans la mesure où elle ne semble pas établir de hiérarchie entre les droits. Par ailleurs, il faut rappeler que les droits et libertés énoncés dans la charte québécoise sont déjà reconnus aux femmes et aux hommes et que la discrimination sur la base du sexe est interdite ? article 10.» Dois-je rappeler que l'article 10 est adopté depuis 1975 et que nous sommes maintenant en 2008 déjà, et il y a donc, là, de cela 28 ans déjà ou un peu plus, là, si je calcule bien?
Une voix: 33.
n(15 h 20)nMme Harel: 33. 33, 33 ans. Alors, ce qu'ajoute la commission, c'est ceci: «De même, les tribunaux ont déjà élaboré des critères leur permettant de refuser les demandes d'accommodement qui portent atteinte à l'égalité entre les sexes. Cela dit, l'amendement proposé ? en fait, ils font référence à ce que nous allons étudier à partir de maintenant ? pourra surtout faire oeuvre utile s'il incite le législateur à prendre les mesures nécessaires pour réaliser une égalité de fait entre les hommes et les femmes.» Et de là à référer, comme le fait la commission, au renforcement des droits économiques et sociaux, ce que l'on ne retrouve pas dans l'actuel projet de loi que nous allons étudier à partir de maintenant.
Alors, qu'est-ce qui est historique, là, pour dégager ce sentiment d'inédit qu'on nous a exprimé il y a quelques minutes maintenant, M. le Président? Mme la ministre nous a dit: Pour la première fois, le principe de l'égalité serait introduit dans notre charte. Je vous rappelle que la discrimination sur la base du sexe est interdite depuis déjà 33 ans, et la Commission des droits et libertés de la personne a d'ailleurs abondamment repris cela, de même que le Barreau du Québec. Le Barreau dit ceci dans sa lettre qui a été transmise au secrétariat de notre commission: «Les amendements proposés, comme nous l'avons déjà mentionné dans notre mémoire, viennent réaffirmer les droits qui sont déjà expressément consacrés par la charte québécoise.» Bon, je l'ai dit, je le répète. Ma foi, pourquoi ne pas répéter? Ça fait oeuvre de pédagogie aussi et ça renforce les messages. Et je citais Talleyrand: Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. Mais, de là à penser qu'il y a quelque chose d'historique qui se passe cet après-midi... Je le souhaiterais et je vais, avec mes collègues, faire en sorte que cela puisse être rendu possible si nous avons le concours des membres de cette commission parlementaire, parce que ce qui serait historique, M. le Président, c'est d'introduire dans la Charte des droits et libertés du Québec... ce serait d'introduire ces trois piliers: égalité entre les femmes et les hommes, séparation de l'État et de la religion et primauté du français.
Et à cet égard c'est bien certain, M. le Président, que l'argument ne vaut pas, à l'effet que le Québec s'est déjà donné une charte de la langue française. La Charte de la langue française n'a jamais le statut que la charte québécoise des droits et libertés a. La Charte de la langue française, même si elle porte le nom de charte, est une législation qui n'a pas le caractère quasi constitutionnel que la charte québécoise des droits et libertés de la personne a. Je sais que mes savants collègues qui m'accompagnent cet après-midi auront tout le loisir de développer ce que tous les experts en droit constitutionnel reconnaissent depuis très longtemps: la charte québécoise des droits et libertés de la personne, comme les chartes de droits, a un statut particulier, ce que n'a pas la Charte de la langue française. Alors, pour être, par exemple... Je sais que, pour modifier la charte québécoise, il faut que le législateur le fasse expressément parce que la charte a préséance sur toutes les lois postérieures, à moins qu'expressément le législateur n'en convienne autrement. Je pense que cet aspect-là est extrêmement important, d'abord parce qu'on retrouve dans la Charte canadienne des droits et libertés, on retrouve l'affirmation de la primauté... plutôt on retrouve l'affirmation qu'il y a au Canada deux langues officielles. Alors, ce qui est bon pour la charte canadienne ne le serait pas pour le charte québécoise?
Et, en matière, également, de séparation entre l'État et la religion, je vous rappelle, M. le Président, ce très important avis du Conseil du statut de la femme qui a été produit en novembre dernier, et qui porte justement sur ces questions de liberté de religion et de droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, et qui rappelle à bon droit que «la neutralité de l'État ? la séparation des pouvoirs civil et religieux ? est la meilleure garantie du respect de la liberté de religion, qui inclut aussi le droit de ne pas être forcé d'adhérer à une croyance», mais qui discute de cette... si vous voulez, de cette nécessaire, disons, cohabitation entre droits, égalité de droit, égalité de droit entre les hommes et les femmes, cette question également de la liberté de religion.
Alors, le Conseil du statut de la femme a cru bon, dès novembre dernier, de publier un avis sur cette question. C'est donc qu'elle est d'importance, et d'autant que la ministre, hier même, lors de son discours à l'Assemblée nationale, au salon bleu, lors de la présentation du projet de loi, reprenait ces questions et énonçait ce qu'on peut considérer comme étant l'intention du législateur. La ministre disait elle-même hier: «Pourquoi précisément une loi modifiant la charte? Parce que, ajoutait-elle, [...] la Charte des droits et libertés de la personne est une législation fondamentale qui se situe au sommet de la hiérarchie des textes juridiques au Québec et [parce] qu'elle est, avec le Code civil, une de celles autour desquelles s'articulent toutes les autres normes juridiques. Les dispositions qu'elle contient disposent donc d'une visibilité et d'une reconnaissance particulières. En effet, le contenu de la charte québécoise a une influence sur l'ensemble du droit, [...] ses répercussions se font sentir tant sur le plan des comportements que dans l'attitude qu'adoptent les tribunaux.» Alors, c'est vrai, tout à fait. On souscrit entièrement à ce que Mme la ministre disait en présentant l'intention qu'avait le législateur puis ce qu'elle exprimait à ce moment-là. Alors, on souscrit tout à fait à ces considérations. Oui, c'est vrai, la Charte des droits et libertés de la personne, c'est une législation fondamentale. Elle se situe au sommet de la hiérarchie des textes juridiques. Et, à ce titre-là, ce qui serait historique, ce serait, à ce stade-ci, à ce moment-ci, après la publication du rapport Bouchard-Taylor, après la publication de ce qui constitue le fondement des valeurs communes dans notre société, hein... Je rappelle à la fois la déclaration ministérielle du premier ministre dès le dépôt du rapport Bouchard-Taylor, je rappelle ces publicités qui ont été transmises à tous les quotidiens et dans lesquelles on retrouve un texte qui nous rejoint et qui dit ceci: «Le Québec est une nation par son histoire, sa langue, sa culture, son territoire et ses institutions. La nation du Québec a des valeurs. L'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion font partie de ces valeurs fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec. Nous n'avons pas tous la même origine, pourtant nous avons la même destinée. Car nous sommes tous Québécois.» Alors, nous souscrivons, M. le Président, tout à fait à cette affirmation et nous croyons qu'à ce moment-ci introduire dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, introduire dans ce qui est au sommet de la hiérarchie des textes juridiques au Québec, n'introduire qu'une des valeurs fondamentales sur les trois qui sont affirmées présentement serait une erreur historique très grave. Il faut que le message soit clair. Le message, c'est qu'il n'y a pas de hiérarchie des droits. L'égalité des droits entre les femmes et les hommes est fondamentale, la primauté du français l'est tout autant, et la séparation de l'État et de la religion l'est également. Et ce sont là trois valeurs fondamentales pour lesquelles il n'y a aucune raison qu'on en laisse tomber deux d'entre elles. Alors ça, M. le Président, je pense que c'est une position qui nous amènera à vous proposer de corriger ce que nous considérons être comme une omission.
n(15 h 30)n Le projet de loi que nous étudions a été déposé le 12 novembre. L'étude en commission parlementaire a eu lieu le 12, 13, 14 février. Le gouvernement a attendu trois mois avant d'appeler le projet de loi pour étude, pour nous réunir comme nous le sommes aujourd'hui. C'est donc parce qu'il a jugé qu'il était plus opportun ? j'espère que c'est socialement plutôt que politiquement; qu'il était plus opportun ? d'attendre le rapport de la commission Bouchard-Taylor et par la suite d'avoir une réponse à cette commission Bouchard-Taylor, laquelle réponse ne peut être que de la publicité. M. le Président, un gouvernement, ça ne parle pas par de la publicité. Un parti politique qui veut se faire réélire parle par la voie de la publicité, un gouvernement parle par des législations. Et, si c'est bon pour la publicité, c'est aussi bon, M. le Président, pour une législation qui va envoyer un message clair. Ce message que le gouvernement libéral a jugé nécessaire de transmettre aux citoyens et citoyennes en payant de la publicité dans les journaux, bien ce message clair, M. le Président, c'est le même que nous disons qu'il faut transmettre par la voie de cette législation qui est la charte québécoise des droits et qui est finalement la législation fondamentale de notre société. Quand je dis «fondamentale», c'est qu'elle l'est également en regard de la Charte de la langue française. Elle est au sommet de la hiérarchie, la charte québécoise des droits et libertés.
Alors, vous comprendrez, M. le Président, que ce que nous considérons historique, ce n'est pas ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, c'est ce que nous pouvons faire ensemble. Si nous le voulons, oui, nous pouvons ensemble, dans ce que le gouvernement prétend être la cohabitation, nous pouvons ensemble faire quelque chose qui va pérenniser ce que l'on considère comme le fondement de notre société, qui va en assurer la pérennité pour les générations qui viennent et qui va lancer le message clair que ce sont là des valeurs qui valent plus que d'être édictées dans de la publicité, que ce sont là trois valeurs fondamentales qui valent d'être adoptées à l'unanimité par notre Assemblée nationale. C'est là, je pense, le message historique le plus percutant que l'on puisse transmettre à nos concitoyens et à nos concitoyennes, d'autant qu'il rejoint les grandes orientations du rapport Bouchard-Taylor. J'en veux à preuve les extraits du rapport qui reprennent les quatre principes qui font de la laïcité... et, comme le disent les auteurs du rapport, ce sont la séparation de l'Église et de l'État et la neutralité de l'État à l'égard des religions et des convictions profondes séculières. Alors, je pense que cela est bien affirmé dans... De toute façon, ce qui fait, je pense, fortement l'unanimité... Je ne vois pas pourquoi on se déroberait, pourquoi l'Assemblée nationale, pourquoi notre commission parlementaire se déroberait à sa responsabilité qui est, à ce moment-ci de notre histoire, de dire clairement, d'envoyer le message très clair de ce que l'on considère comme étant les valeurs fondamentales de notre société. Alors, je pense que ça, c'est un aspect extrêmement important, M. le Président.
Également, nous souhaiterions, comme l'ont fait plusieurs intervenantes et intervenants lors de nos travaux en commission parlementaire, nous souhaiterions pouvoir introduire des dispositions relatives aux conventions internationales que le Québec a signées en ces matières d'égalité de droit entre les hommes et les femmes, de même que nous voulons introduire ce qui a été le temps fort de la commission parlementaire. Je rappelle que le temps fort de la commission parlementaire n'a pas été celui de répéter ce que la Commission des droits de la personne considérait comme faisant déjà partie de notre contexte juridique, hein? La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, quand ils se sont présentés en commission parlementaire, en février, ont conclu leur mémoire en disant: «La commission accueille avec intérêt la proposition de modification à la charte», ce que nous avons fait d'entrée de jeu, tous les partis d'opposition, l'opposition officielle et la deuxième opposition. Et la commission poursuit: «Ces modifications devraient mieux faire connaître le principe fondamental de l'égalité entre les femmes et les hommes. La commission estime que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité et elle est en accord avec cette approche.» Alors, la commission poursuit: «Les modifications proposées permettront donc, si elles sont adoptées par l'Assemblée nationale, d'affirmer ce principe fondamental sans pour autant risquer de fragiliser l'édifice des droits et libertés au Québec.» Et la commission ajoute: «La charte comporte malheureusement une lacune importante qui, après plus de 30 ans, maintient d'importants droits de la personne dans une situation hiérarchique inférieure, les droits économiques et sociaux. La commission recommande à cet égard que ceux-ci soient renforcés afin d'assurer une véritable et concrète égalité entre les hommes et les femmes.» C'est ce qu'appelle d'ailleurs la commission Bouchard-Taylor qui, eux, appellent également à ce qu'il y ait effectivement dans les faits un renforcement des droits économiques et sociaux.
Faut-il également signifier que ce serait là un aspect historique important, puisque la commission des droits et libertés de la personne... la Commission des droits plutôt... la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse disait: L'article projeté devrait indiquer à l'interprète qu'il doit prendre en compte le droit à l'égalité lorsqu'il doit analyser une situation juridique où une liberté ou un droit de la personne est en cause. La disposition interprétative proposée confirmera l'approche appliquée par les tribunaux actuellement.
Alors, qu'est-ce que vous voulez, là, on ne peut pas faire de l'histoire là où il n'y en a pas. Alors, je pense que... Tout le monde a dit: Vaut mieux le dire et le répéter. Et c'est tant mieux si finalement cela a cet effet de pédagogie, mais il n'y a pas d'histoire, là, là-dedans. Ce qui serait vraiment historique également, c'est de renforcer les droits économiques et sociaux.
Alors, je vois que mon temps est achevé, M. le Président, et je vous remercie de votre écoute.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Avant de procéder... Comme outil de travail, la ministre a fait distribuer les articles commentés de la Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne et deux projets d'amendement. Ça ne remplace pas leur présentation formelle au moment de l'étude détaillée, mais, comme outil de travail, elle a pris la peine de distribuer ces projets d'amendement maintenant.
Il y a une demande d'intervention du député de Mercier, qui n'est pas membre. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour permettre au député de Mercier de faire les remarques préliminaires? Consentement. M. le député, la parole est...
Une voix: ...
Le Président (M. Kelley): Toutes les remarques préliminaires sont de 20 minutes. Alors, M. le député, pour vos remarques préliminaires.
M. Daniel Turp
M. Turp: Alors, merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Merci, chers collègues de l'opposition officielle. Je veux saluer les membres de la commission, notre porte-parole, mes collègues. Et je vous remercie de me permettre de prendre la parole au début des travaux de cette commission, auxquels je ne pourrai malheureusement pas assister au-delà de 4 heures ou 4 h 10, et je regrette infiniment de ne pas pouvoir être des vôtres pour l'ensemble des débats qui porteront sur le projet de loi n° 63.
Je voulais par ailleurs faire une contribution à ces débats dans le cadre de remarques préliminaires et faire quelques arguments qui chercheraient à convaincre la ministre et nos collègues de la commission que ce projet de loi pourrait être amélioré, pourrait être bonifié. Parce que j'exprime mon accord avec la porte-parole de notre parti sur la question de la portée de cette loi. Je pense qu'il faut être modeste. Il faudrait être modeste. Si l'on dit que l'on écrit une page d'histoire, je crois que c'est un peu exagéré. Je crois que, pour être franc, là, et on devrait l'être, il faudrait penser que la personne qui prétend que c'est un grand pas, là, au plan juridique et même au plan symbolique, que c'est un peu exagéré.
n(15 h 40)n Je crois, et on peut en convenir, qu'en 1975, lorsque cette charte a été adoptée, lorsque nous nous donnions une quasi-constitution, lorsque nous créions ou adoptions la première loi véritablement fondamentale du Québec, parce qu'il s'agissait de la première loi qui pouvait avoir préséance sur d'autres lois, une loi à laquelle toutes les autres lois devaient se conformer... et c'est là un des éléments qui permet d'identifier le caractère fondamental ou constitutionnel d'une loi... En 1975, et encore aujourd'hui, elle demeurait quasi constitutionnelle parce qu'elle n'est pas protégée. Une majorité simple de députés peut modifier cette loi, cette charte, aussi fondamentale soit-elle, parce qu'on n'a pas constitutionnalisé cette charte.
Donc, s'il est vrai que le quasi-constituant de l'époque n'avait pas intégré une référence à l'égalité hommes-femmes explicitement, ni dans le préambule ni dans d'autres dispositions, il avait tout de même adopté, comme l'a rappelé la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, un article 10 qui interdisait de façon très, très explicite la discrimination en regard du sexe, ce qui est pour l'essentiel la protection en faveur de l'égalité des hommes et des femmes.
Alors, l'évolution de la charte, toutes les modifications qui ont été adoptées à la charte depuis 1975, et elles sont nombreuses, n'ont pas comblé cette lacune qui sera donc comblée aujourd'hui. Et je crois que notre formation politique est d'accord avec l'idée de combler cette lacune, elle partage l'avis des nombreux groupes qui sont venus devant cette commission pour corriger la charte. Mais, pour qu'il s'agisse d'un moment historique, pour que l'évolution de la charte, la façon dont on la ferait évoluer, en 2008, il y a des avenues nombreuses qu'on nous a demandé d'emprunter lors des consultations, et ce que des groupes sont venus dire, des groupes de femmes en particulier, des experts, c'est que nous devrions saisir l'occasion pour faire des modifications d'importance à la charte et de le faire dans le contexte de cette proposition qui nous est faite de modifier la charte sur les questions d'égalité hommes-femmes.
Et je rappellerai, comme je l'ai fait hier soir lors du débat sur l'adoption de principe, les quatre éléments que j'ai retenus, quant à moi, sur lesquels les groupes et les personnes souhaiteraient que des amendements soient apportés au projet de loi n° 63. Je vous dirais, parce qu'il a été question hier soir et aujourd'hui, même, à la période de questions, et ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve y a fait allusion, il a été question du rapport entre la Charte des droits et libertés et la Charte de la langue française. La Charte des droits et libertés est quasi constitutionnelle, la Charte de la langue française ne l'est pas, et il y a un impact, un impact évident et majeur sur le fait que la Charte de la langue française et la Charte des droits et libertés de la personne ne soient pas au même niveau, n'aient pas le même statut.
S'il y avait eu des contestations, comme il y en a eu de la Charte de la langue française, et que l'on aurait invoqué la Charte des droits et libertés de la personne ? en définitive, on l'a invoquée dans plusieurs affaires, de l'affaire Ford aux affaires plus récentes... La Charte des droits et libertés de la personne a été utilisée elle-même pour déclarer inconstitutionnelles des dispositions de la Charte de la langue française. C'est ça qui explique et justifie une demande d'inclusion dans la Charte des droits et libertés d'une référence aux valeurs ou à la valeur fondamentale qui serait celle de la primauté de la langue française, parce qu'on ne pourrait plus contester les dispositions de la Charte de la langue française au titre de la Charte des droits et libertés, notamment, par exemple, en invoquant la liberté d'expression et la liberté d'association, parce que la Charte des droits et libertés elle-même protégerait la Charte de la langue française et que l'on ne pourrait pas invoquer la liberté d'expression et d'association s'il s'agissait d'invoquer ces libertés pour mettre en échec la primauté de la langue française.
Je vous rappellerai que, lorsque le premier ministre Bourassa a adopté la loi n° 178, elle a été déclarée, celle qui prévoyait qu'il n'y avait que l'affichage en français, elle a été déclarée inconstitutionnelle parce qu'elle allait à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, et c'est la Cour suprême du Canada, de façon un peu surprenante, qui a en quelque sorte protégé la Charte de la langue française en inventant elle-même la notion de la primauté de la langue française ou de sa prédominance, disait la Cour suprême du Canada. Et donc il est clairement justifié aujourd'hui, et je crois qu'on devrait saisir l'occasion, d'amender la Charte des droits et libertés de la personne pour y prévoir cette valeur fondamentale qui est la primauté de la langue française, avec laquelle les parties, et je pense... réunies autour de cette table et à l'Assemblée nationale, avec laquelle le premier ministre est d'accord puisqu'il l'a élevée lui-même au rang de valeur fondamentale au moment d'ailleurs où il a annoncé la création de la commission Bouchard-Taylor et au lendemain du dépôt du rapport, en faisant référence à cette valeur fondamentale dans la déclaration ministérielle et en informant toute la population par la publicité dont on a parlé.
Alors, on devrait saisir l'occasion de cette commission et de ses travaux pour faire cette avancée qui ferait qu'il y aurait dans la Charte des droits et libertés, la quasi-constitution du Québec, une référence, et je crois que nous allons proposer quelque chose de très concret qui permettrait la protection de la langue française et en vérité de la Charte de la langue française et toute la législation et la réglementation linguistiques du Québec. J'oserais croire que la ministre responsable de la Charte de la langue française apprécierait que les lois dont elle est responsable de l'application soient bien protégées et soient à l'abri de contestations fondées sur la Charte des droits et libertés parce que cette charte elle-même précise qu'il y a une valeur fondamentale au Québec qui est la primauté de la langue française.
S'agissant de ce préambule qui doit être amendé, qu'on veut amender en intégrant la référence à l'égalité des hommes et des femmes dans le troisième alinéa, je crois que là-dessus il y a un grand consensus qui s'est dégagé pendant les travaux de la commission, mais je crois qu'il y a une place pour d'autres valeurs ? j'ai parlé de la valeur de la langue française. Et on est aussi d'avis ici qu'il y a une justification réelle d'intégrer une référence à une valeur qui serait la séparation de l'État et de la religion. C'est d'autant plus justifié dans le contexte des débats sur ce projet de loi qu'il y a un lien intime entre la séparation de l'État et de la religion et l'égalité hommes-femmes. Je crois que l'on peut arguer qu'il y aurait probablement un renforcement de la protection du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes si l'on incluait dans le préambule, par exemple, une référence à la séparation de l'État et de la religion. Et nous allons plaider... ma formation politique va plaider pour qu'on enrichisse cette charte qui est la nôtre par une référence à cette valeur fondamentale dans le préambule.
Vous savez, on aurait voulu... Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui auraient voulu, beaucoup de groupes qui auraient voulu que ce soit aussi l'occasion de faire une révision majeure de la charte. Elle est souhaitée par la Commission des droits de la personne depuis 2003, depuis que la commission a déposé son bilan et ses recommandations après un examen des 25 premières années d'application de cette charte. Plusieurs groupes sont venus nous dire que... en fait, ils s'opposaient à ce projet parce que c'était trop partiel et parcellaire, que... et l'on aurait dû entreprendre une plus vaste réforme de la charte pour tenir compte de l'ensemble des propositions faites par la commission. Si on ne s'engage pas dans une réforme aussi vaste, parce que tel n'était pas l'objet ou en tout cas l'intention du gouvernement, je crois qu'il ne faudrait pas décevoir plusieurs personnes qui croient qu'il est temps de faire certaines modifications d'importance et ne pas se limiter aux quelques articles qu'on veut modifier parce qu'on souhaiterait qu'ils ne portent que sur l'égalité hommes-femmes. Alors, dans ce sens-là, moi, je pense que cette commission devrait être plus ambitieuse.
n(15 h 50)n La référence aux instruments internationaux ? je l'ai évoqué hier soir ? je crois, encore là, qu'il y a un lien réel et intime entre une référence aux instruments internationaux qui pourrait être intégrée dans le préambule, et l'égalité hommes-femmes. D'ailleurs, on a parlé à plusieurs reprises dans les travaux de cette commission de cette lacune de 1975, qui s'expliquait mal parce que les conventions... les instruments internationaux, à commencer par la Déclaration universelle des droits de l'homme, en passant par les deux grands pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme de 1976, adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies, incluaient l'égalité hommes-femmes et que l'on n'avait donc pas tenu compte de ces instruments internationaux, et notamment de ces pactes internationaux que le Québec a... à l'égard desquels il s'est déclaré lié, comme le rappelait la ministre hier dans son allocution, au début du débat sur l'adoption de principe.
C'est d'autant plus justifié, une référence aux instruments internationaux, qu'il serait utile, dans une clause qui vous sera proposée, de référer à la convention, l'une des conventions, c'est-à-dire, les plus ratifiées au monde, la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Et je crois que ce serait très utile d'avoir dans notre charte une référence aux instruments internationaux et notamment une référence, dans un libellé d'un préambule, de façon explicite, à cette Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et ce, pour deux raisons.
La première raison, c'est que c'est un message qu'on envoie comme Québécois à la communauté internationale que, dans cette matière d'égalité hommes-femmes, on a l'intention de respecter nos engagements internationaux, que nous sommes et nous serons pour la communauté internationale un modèle, un modèle qui donne de l'importance à cette convention. Elle est tellement importante que nous la quasi-constitutionnalisons en la référant, en incluant une référence dans le préambule, qui va être un guide non pas seulement pour le juge qui a pris l'habitude, dans les dernières années, dans les dernières décennies, d'utiliser les instruments internationaux pour interpréter nos lois, pour donner effet à nos engagements internationaux et aux règles, comme l'égalité hommes-femmes, mais aussi pour tous ceux et pour toutes celles qui vont devoir interpréter, appliquer la charte: ça, c'est la Commission des droits de la personne, le Tribunal des droits de la personne, c'est l'administration, l'administration municipale, tous ceux qui ont l'obligation de respecter la charte. Alors, je crois qu'il y a de bonnes raisons pour inclure, comme l'ont demandé plusieurs groupes, une référence aux instruments internationaux dans le préambule. La Commission des droits de la personne elle-même, dans ses recommandations, dans son bilan et ses recommandations, propose l'inclusion d'une telle référence dans le préambule. Elle propose de référer à la Déclaration universelle et à la convention des droits de l'enfant, aux pactes internationaux et aux droits de l'enfant. Moi, je crois que l'occasion est bonne pour référer à ces instruments mais aussi à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Sur la clause interprétative, chers collègues, Mme la ministre, je constate, je prends acte que vous acceptez l'idée de déplacer de l'article 49.2 à 50.1 la clause qui est dans le projet de loi n° 63. Je crois qu'elle est mieux située à 50.1 parce qu'elle est entre deux clauses interprétatives. Il y en a qui ont dit que ça devrait même être plus loin, parce qu'il y en a d'autres, clauses. Je crois que c'est un changement, une relocalisation qui se justifie très bien.
Cependant, vous avez maintenu le libellé de cette clause, et je crois que ce n'est pas le libellé le plus approprié. J'en ai parlé pendant les travaux de la commission, je demeure convaincu que cette clause, qui est analogue, en fait très semblable à l'article 27, 28 de la charte canadienne, en fait c'est vraiment aligner la charte québécoise sur la charte canadienne, ce n'est pas une clause d'interprétation, c'est une clause de garantie ou de sûreté. Et c'est pour ça qu'il y a des gens qui sont venus à cette commission pour dire que ça ajoutait peu ou rien, parce que c'est une clause de garantie et de sûreté qui ne fait que confirmer des droits qui existent. Une clause d'interprétation comme celle que nous allons vous proposer, je crois, elle répondrait mieux à cette volonté, exprimée d'ailleurs par la commission Bouchard-Taylor, qui fait référence à la clause interprétative qui n'en est pas une pourtant, parce que c'est une clause de garantie.
Alors, je soumets respectueusement que la proposition que nous allons faire est une proposition qui rendrait cette clause véritablement interprétative. En la matière, nous nous distinguerions en effet du constituant canadien parce que la clause ne serait pas la même. Mais je crois que c'est ce que nous devrions faire, d'autant que la clause de l'article 28 de la charte canadienne a eu un impact très limité, voire aucun impact, jusqu'à présent, bien que cette clause existe depuis 1982. Donc, 23 ans plus tard ou 26 ans plus tard, elle n'a pas eu l'impact escompté.
Et pour terminer, M. le Président, sur les droits économiques et sociaux, je crois qu'il est temps, il est temps... et ce n'est pas prématuré de poser un geste, de ne pas revoir l'ensemble de la charte sur les droits économiques et sociaux, mais de leur donner primauté de façon graduelle. Je pense que nous ferions oeuvre de pionnier en 2008, 33 ans après l'adoption de la charte, et nous pourrions donner effet ou mettre en oeuvre une recommandation en ce sens de la commission Bouchard-Taylor qui dit que nous devrions mettre en oeuvre la recommandation de la Commission des droits de la personne sur cette question.
Chers collègues, M. le Président, merci pour votre attention. Je vous souhaite de bons travaux. Je souhaite que cette commission enfante la meilleure loi, qu'elle bonifie cette charte de notre quasi-constitution du Québec. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député de Mercier. Est-ce qu'il y a d'autres demandes? Mme la députée de Rosemont.
Mme Rita Dionne-Marsolais
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Je voudrais, moi aussi, faire quelques remarques préliminaires parce que je pense que, même si ce projet de loi là n'est pas très volumineux, il n'est pas très long, il signifie... il a une grande importance pour la population et les citoyens du Québec en ce sens qu'il modifie la Charte des droits et libertés de la personne. Or, ce qui nous frappe dans les recommandations qui nous sont faites, dans le projet de loi qui nous est soumis, c'est... Je comprends qu'il a été présenté à un moment où les préoccupations du gouvernement étaient telles que l'on voulait marquer un... affirmer un point, mais, depuis ce temps-là... Et la ministre l'a bien exprimé hier soir dans ses remarques, lors de l'adoption du principe, et je la cite, elle a dit: «Le projet de loi n° 63 s'inscrit comme une des réponses aux travaux de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles ou, si vous préférez, la commission Bouchard-Taylor.» Elle l'a dit hier très clairement. Et elle dit plus loin, dans sa présentation d'hier soir, lors de l'étude du principe, l'adoption du principe, et je la cite encore: «Je demeure convaincue, M. le Président, que le Québec doit s'assurer de promouvoir auprès des nouveaux arrivants et des personnes issues des communautés culturelles, tout comme auprès de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, les valeurs qui soutiennent la cohésion au sein de notre belle société.»n(16 heures)n Or, si on veut rendre justice à la commission Bouchard-Taylor, il faut aller un peu plus loin que recommander seulement une modification à la Charte des droits. Pourquoi je dis ça? Parce que, dans le rapport de la commission Bouchard-Taylor, une des recommandations dans le chapitre des pratiques d'harmonisation, la recommandation B1, juste un petit peu avant B6, là, que la ministre a retenue pour s'en inspirer et qu'elle a citée d'ailleurs encore hier... Je vais citer B1: «Que l'État s'emploie davantage à promouvoir le cadre civique commun ou ce que nous avons appelé les valeurs publiques communes au sein de diverses institutions et dans le public en général.» Je comprends que c'est d'ailleurs dans cette optique que le premier ministre faisait cette publicité dans le journal en fin de semaine, Quand on choisit le Québec, on choisit aussi les Québécois et leurs valeurs, et qu'il a pris le soin de préciser ces valeurs, dont la première est l'égalité entre les femmes et les hommes, mais la deuxième, la primauté du français, et la troisième, la séparation entre l'État et la religion, qu'il a qualifiées des valeurs fondamentales du Québec.
C'est ça, l'objet d'une charte, c'est d'établir un cadre civique qui permette de définir les valeurs fondamentales communes. Et ce cadre civique là, à mon avis, si on veut qu'il fasse l'histoire, aujourd'hui ? et je comprends très bien que la ministre souhaite faire l'histoire et je lui souhaite de le faire; mais ? si on veut faire l'histoire, il faut lier la réalité d'aujourd'hui à ce qui vient de se terminer et au dynamisme de notre société actuelle, c'est-à-dire ce que la commission Bouchard-Taylor nous a recommandé et nous propose. Et il y a trois éléments de base qui ont été retenus par le premier ministre lui-même: cette égalité entre les hommes et les femmes, cette primauté du français et cette séparation entre la religion et l'État.
Parce qu'on ne peut pas faire l'histoire en prétendant que parce qu'on a ajouté l'égalité, la garantie de l'égalité entre les hommes et les femmes, vraiment que c'est une modification de fond dans la Charte des droits et libertés. Je ne suis pas juriste, M. le Président, mais je sais lire, puis, à l'article 10 de notre charte, on lit, et je vais vous rafraîchir la mémoire: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.» Cet article-là nous incite à croire que l'égalité entre les hommes et les femmes est un fait dans notre charte des droits. Et, de la même façon que la ministre a cru important de préciser, de garantir cette égalité entre les hommes et les femmes, elle devrait trouver aussi important, dans la réalité du XXIe siècle, d'y inclure la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion.
Et, comme ma collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve le rappelait, dans la charte canadienne ? et jusqu'à nouvel ordre, vous me corrigerez si j'ai manqué des bouts, nous sommes encore au Canada ? les langues officielles du Canada sont bien identifiées, bien précisées dans les articles 16 et suivants: ce sont le français et l'anglais. Alors, pourquoi, dans notre charte à nous, on ne pourrait pas, puisqu'on ne peut pas de toute façon faire de discrimination à cause de la langue, pourquoi on ne préciserait pas cette primauté? Ce n'est pas gros, là, la primauté du français au Québec. Si on interviewe ou on questionne tous les Québécois aujourd'hui, ils vont tous vous dire: Oui, la primauté du français, ça fait partie des réalités québécoises. Pire que ça, le premier ministre l'a même identifiée comme une valeur fondamentale, cette primauté du français.
Donc, il me semble qu'avec le même intérêt de vouloir faire l'histoire sur l'égalité entre les hommes et les femmes on pourrait aussi faire l'histoire sur la primauté du français et aussi sur la séparation de la religion et de l'État. Pourquoi? Parce que nous avons une réflexion qui s'est terminée, qui a mobilisé tout le Québec, qui a donné lieu à un rapport ? dont j'ai juste la petite copie abrégée ici mais dont j'ai imprimé la copie complète, l'exemplaire complet, dans la chemise qui est là, parce que, je le répète, on ne l'a pas reçue comme députés, ça me fait bien de la peine, j'aimerais bien l'avoir, c'est mon deuxième appel à tous en deux jours. Mais effectivement, M. le Président, il me semble que, si nous ajoutions ces deux valeurs fondamentales bien expliquées, bien publicisées par le premier ministre, on pourrait ? et je serais heureuse, à ce moment-là, d'appuyer la ministre; on pourrait ? faire l'histoire, Mme la ministre. On pourrait faire l'histoire qui permettrait à cette ministre qui souhaite ? elle l'a indiqué tout à l'heure, elle est d'une famille de cinq filles; qui souhaite ? marquer un pas dans la progression du Québec. Elle pourrait faire un pas très important pour les Québécois si elle y ajoutait les autres valeurs fondamentales qu'elle a elle-même mentionnées dans ses remarques, hier, au moment de l'adoption du principe de ce projet de loi.
Et il me semble, M. le Président, que les citoyens nous suivraient là-dedans. Ils nous suivraient parce qu'ils auraient l'impression bien fondée que le gouvernement aurait lu et compris le rapport Bouchard-Taylor, que les élus qui sont ici, autour de la table, et dont certains sont au gouvernement, ont compris l'importance d'établir des balises et de préciser, pour l'ensemble de ces citoyens qui veulent adopter le Québec, dans quelle société ils vont vivre. Parce que, pour un citoyen qui veut adopter le Québec, s'il se reporte au choix qui s'offre à lui, il a le choix entre le français et l'anglais. Il n'y a rien dans notre Charte des droits qui lui dit: Dans cet État ou province, si vous voulez, du Québec, la primauté de la langue française fait partie des valeurs fondamentales.
Et, entre vous et moi, ce n'est pas une publicité d'une fin de semaine qui va asseoir de manière pérenne ? est-ce que ça se dit, «pérenne»? ? donc dans le temps, de manière continue, ce n'est pas une publicité qui va faire ça. La politique ne se résume pas à une opération de relations publiques ni à une opération de marketing. Vous le savez, M. le Président, et on le sait tous. On peut faire énormément... On peut faire d'excellents discours, beaucoup de passion, même des publicités qui s'inspirent de ce qui s'est fait dans des pays républicains ? je n'en dirai pas plus, tout le monde sait à quoi je réfère ? mais il y a plus si on veut faire l'histoire ? vous n'avez pas l'air à savoir à quoi je réfère, par exemple, vous, là. En tout cas, je vous l'expliquerai après. Mais, si on veut faire l'histoire, il faut que nous ayons des éléments concrets pour faire l'histoire. Et, au Québec, si on prend la peine de modifier la Charte des droits par un projet de loi, il me semble qu'on devrait à tout le moins tenir compte de certains éléments qui ont fait l'objet d'une analyse à la suite de presque un an d'auditions. Et, si le premier ministre a jugé important ? je n'ai pas dit «opportun», j'ai dit «important» ? de faire une publicité pour annoncer les valeurs des Québécois, pour en apparence baliser le choix de cette société dans laquelle nous invitons les citoyens du monde à venir choisir le Québec, bien, s'il a senti le besoin de faire ça, à grands frais probablement, il me semble que sa ministre devrait assumer sa responsabilité d'apporter quelques améliorations à son projet de loi qui devrait refléter, puisqu'elle le dit elle-même, ce que le rapport Bouchard-Taylor nous a transmis.
n(16 h 10)n Il y a, vous savez... Elle a dit hier, et je l'ai souligné parce que ça m'a frappée: «Le contenu de la charte québécoise a une influence sur l'ensemble du droit, et ses répercussions se font sentir tant sur le plan des comportements que dans l'attitude qu'adoptent les tribunaux.» Bien, si on se reporte à l'histoire du Québec et à notre loi 101, il me semble qu'il est temps d'inclure dans notre Charte des droits une primauté de la langue française au Québec, tout comme, pour la suite des choses, considérant le potentiel d'immigration important qui se présente à nous dans l'avenir, il me semble qu'il est aussi important comme opportun d'inclure dans ce projet de loi cette séparation, cette valeur fondamentale de la séparation entre l'État et la religion, cette séparation de l'État et de la religion. Tout comme elle a indiqué, hier, que ce projet de loi «affirme ? et je cite ? notre volonté, comme gouvernement et comme société, de faire en sorte que les principes d'égalité entre les [hommes] et les [femmes] s'incarnent sur le terrain», de la même manière, ajouter la primauté du français et la séparation de la religion et de l'État ferait en sorte que les principes de primauté du français et de séparation entre la religion et l'État s'incarneraient aussi sur le terrain.
Et il est urgent de le faire, parce qu'on ne modifie pas une charte à tous les ans, M. le Président. On ne le fait pas non plus sur un coin de table. Nous avons payé 5 millions pour que les spécialistes, deux de nos plus grands cerveaux, MM. Bouchard et Taylor, nous fassent des recommandations pour le mieux-vivre-ensemble, et nous ne tiendrions pas compte aujourd'hui de leurs recommandations? Je pense que ce serait une grave erreur que nous ferions comme législateurs, M. le Président, et c'est pour ça que je vais travailler avec mes collègues pour essayer de convaincre les membres du gouvernement, et en particulier la ministre, d'ajouter des éléments qui nous permettent d'établir ce cadre civique commun que l'on nous demande, que la population demande, que les commissaires Bouchard et Taylor nous recommandent et que tous les citoyens du Québec recevraient de manière historique. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres demandes de remarques préliminaires? M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier: Merci, M. le Président. Je pense que ma collègue vient de très bien exprimer cette espèce de consensus qu'il y a autour de nous, un consensus qui s'est établi dès le départ sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, mais consensus aussi qui s'est établi dès le départ, lorsque M. Charest a énoncé les trois grandes valeurs...
Le Président (M. Kelley): M. le premier ministre, M. le premier ministre.
M. Cloutier: ... ? merci, M. le Président; lorsque le premier ministre du Québec, notre premier ministre ? a annoncé en grande pompe les trois valeurs québécoises, je crois que s'est dégagé très rapidement un consensus.
Permettez-moi de vous rappeler qu'est-ce que le premier ministre disait en février dernier, au moment de l'annonce de la création de la commission Bouchard-Taylor. Alors, il a réitéré les trois grandes valeurs: la séparation entre l'État et la religion, la primauté du fait français, l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est en février dernier, M. le Président, qu'on nous annonçait ces trois grandes valeurs québécoises auxquelles, je crois, la très, très, très grande majorité des Québécois souscrivent.
Toutefois, ce qu'il me semble particulièrement important de rappeler... ou du moins son aspect historique à cette commission, c'est qu'on a la chance de discuter des grandes valeurs québécoises. La ministre nous a d'ailleurs annoncé dans ses remarques préliminaires, dès la première journée de notre commission, le 12 février dernier, et je la cite: «J'aimerais mettre en évidence le fait que le projet de loi propose des modifications à la charte qui sont respectueuses des valeurs fondamentales, non négociables, de la société québécoise. [...]Je demeure convaincue, M. le Président, que le Québec doit s'assurer de promouvoir auprès des nouveaux arrivants et des personnes issues des communautés culturelles, tout comme auprès de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, les valeurs qui soutiennent la cohésion au sein de notre belle société.» La ministre nous a invités à discuter des grandes valeurs québécoises, et, s'il me semble qu'un consensus facile s'est établi, c'est bien sur les trois valeurs que le premier ministre du Québec a énoncées en février dernier et qu'il a reprises bien évidemment dans un article récent, auquel je reviendrai.
De même, la ministre poursuivait dans ses remarques préliminaires: «Avant même l'adoption [du] principe, nous avons décidé d'ouvrir à tous et à toutes la discussion sur notre projet de loi, car notre démarche se veut authentiquement démocratique. Nous croyons que, lorsqu'il s'agit de définir les valeurs fondamentales de la société québécoise ? encore une invitation à définir les valeurs de la société québécoise ? toutes les voix doivent pouvoir se faire entendre.» M. le Président, j'aimerais également faire référence à ces autres remarques de la ministre: «En déposant le projet de loi n° 63, le gouvernement poursuit son engagement de concrétiser une véritable égalité de fait. Le dépôt du projet de loi représente également un acte démocratique. En ramenant la question à l'Assemblée nationale, le gouvernement permet aussi aux parlementaires de prendre leur place dans le débat que suscite la reconnaissance du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que sur les questions liées à la liberté de religion. Le gouvernement veut que les élus du peuple puissent jouer un rôle de premier plan dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise eu égard aux préoccupations modernes des citoyens.» Une invitation de la ministre à discuter des valeurs fondamentales.
Alors, le premier ministre, dans son énoncé ministériel, a, lui aussi, repris, suite au dépôt du rapport Bouchard-Taylor, les trois grandes valeurs fondamentales québécoises auxquelles un consensus s'est établi très rapidement, que je vais reprendre pour le bénéfice de cette commission. Alors, je cite le premier ministre, le 22 mai dernier: «M. le Président, j'arrive d'un voyage [en] France...» Bon, je vais faire abstraction de ce passage. «De ces milliers de rencontres qui se sont produites sur 400 ans est né le Québec. De ces rencontres est née notre nation et une volonté commune de vivre ensemble, de vivre en français, de vivre égaux entre femmes et hommes, de séparer l'État [de] la religion.» On renomme ici les trois valeurs fondamentales du Québec. «Venir à la rencontre du Québec, c'est venir à la rencontre des Québécois, c'est adopter et partager nos valeurs communes. Au nom de tous les Québécois, je remercie MM. Bouchard et Taylor qui ont permis aux citoyens de s'exprimer sur cet enjeu fondamental de la rencontre et de la manière de vivre ensemble.» Un peu plus loin, M. le premier ministre réitère à nouveau ces trois valeurs fondamentales: «Il y a des valeurs au Québec qui ne sont pas négociables.» Primauté de la langue française, laïcité des institutions publiques, égalité entre les hommes et les femmes. «De ces valeurs ? je continue de citer le premier ministre ? découlent des responsabilités. Comme premier ministre du Québec, [j'assure] au premier chef la responsabilité suprême de protéger et perpétuer la langue française. Les nouveaux arrivants et les communautés culturelles doivent la parler. Voilà un point de rencontre entre les minorités et la majorité. Comme citoyens, nous devons aussi respecter les convictions personnelles de chacun, et, de son côté, l'État, qui est au service de tous, doit affirmer la laïcité de nos institutions [publiques].» Un énoncé extrêmement clair du premier ministre sur les trois valeurs fondamentales.
Puis ce qui est intéressant aussi dans cet énoncé ministériel, c'est que le premier ministre nous invite, en fait invite les nouveaux arrivants à un pacte avec l'État québécois, sur lequel ils s'engagent à respecter les valeurs québécoises. Mais quelles sont ces valeurs québécoises, M. le Président, si on s'en tient uniquement à mettre en valeur les trois valeurs fondamentales uniquement dans une publicité? À partir de quoi les nouveaux arrivants vont-ils devoir se référer sur les valeurs fondamentales si on s'en tient uniquement à une publicité qui, elle, n'aura pas de suite? Pourquoi ne pas y faire référence dans un document fondamental qui est celui de la charte québécoise des droits et libertés?
M. le Président, nous aurons la chance d'intervenir sur la clause interprétative. Nous avons pris note de la modification qui est proposée par le gouvernement et nous sommes heureux à prime abord. Ma collègue... En fait, je vais aborder tout de suite une notion des droits économiques et sociaux puis parler de qu'est-ce que ça veut dire finalement, une loi qui est quasi constitutionnelle.
Ce qu'il faut savoir, c'est que les articles 1 à 38 de la charte québécoise des droits et libertés ont une valeur fondamentale. On a reconnu, à l'article 52 de la charte québécoise des droits et libertés, une préséance de ces articles. Toutefois, les articles qui suivent, c'est-à-dire les articles qui concernent les droits économiques et sociaux, sont exclus de l'article 52. Donc, volontairement l'État a donné carte blanche à l'Assemblée nationale d'agir comme ils le souhaitaient en fonction des dispositions législatives ? ce sont les expressions qui sont utilisées dans la charte québécoise des droits et libertés ? pour intervenir. C'est donc dire que tous les droits économiques et sociaux, les tribunaux n'ont pas un droit de regard sur ces droits.
Alors, lorsqu'on fait référence à la Charte de la langue française, c'est exactement la même chose, M. le Président. La Charte de la langue française n'a aucune valeur législative. Les dispositions de la Charte de la langue française ne sont pas reconnues par nos tribunaux comme ayant une valeur supralégislative, une valeur quasi constitutionnelle. Alors, les droits économiques et sociaux, donc les articles 38 et suivants de la charte québécoise des droits et libertés, au niveau juridique, sont sur le même pied d'égalité que la Charte de la langue française.
n(16 h 20)n Ceci dit, M. le Président, pour poursuivre sur les droits économiques et sociaux, il y a 17 des 30 groupes qui sont venus nous rencontrer qui ont manifesté le désir que cette commission propose un amendement à la charte québécoise des droits et libertés pour lui donner cette valeur supralégislative, donc de ne pas créer deux sortes de droits à l'intérieur d'une même charte, que, dans cette unicité qu'est la charte québécoise des libertés, tous les droits qui y sont énoncés aient la même valeur. Il y a une raison bien simple pour laquelle les gens qui sont venus nous rencontrer nous ont demandé cette modification-là, c'est parce qu'on peut les plaider, les droits économiques et sociaux, en cour. Mais le problème, c'est que c'est juste un voeu pieux. Les tribunaux vont dire: Effectivement, le législateur a prévu, par exemple, le droit, à l'article 45 que je vais vous lire: «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.» Alors, ce droit à un niveau de vie décent, M. le Président, est balisé par cette disposition prévue par la loi.
Alors, en bout de course, ce que ça veut dire, c'est que le législateur peut faire à peu près ce qu'il veut pour donner suite à cet article 45. C'est pour cette raison-là que la Commission des droits de la personne, dans son bilan des 25 ans de la Charte des droits et libertés, ce n'est certainement pas par hasard si elle débute son analyse des 25 ans de la charte... le chapitre 1 que j'évoque ici s'intitule Un préalable, alors j'insiste, Un préalable: renforcer [...] les droits économiques et sociaux, chapitre 1 de la réforme, après 25 ans, de la Charte de la langue française. La Commission des droits de la personne va même plus loin en disant... il s'agit, selon la commission, de «l'un des enjeux de droits majeurs de notre époque», M. le Président.
Alors, traditionnellement, il y a eu des objections à la reconnaissance des droits économiques et sociaux, et une de ces objections s'intéresse au fait que les affaires économiques de l'État appartiennent... appartiendraient du moins uniquement au législateur et, deuxièmement, que la mise en oeuvre et la sanction des droits seraient d'une telle complexité que les cours de justice devraient se restreindre d'intervenir. Mais n'importe qui, M. le Président, qui suit attentivement l'évolution de la Charte canadienne des droits et libertés ou qui connaît l'application de la charte, particulièrement à l'article 23, article qui concerne les droits linguistiques, sait pertinemment que la Cour suprême, lorsqu'elle prend des décisions sur des jugements fondamentaux, elle a un impact économique dans la vie des législatures.
Par exemple, on a juste à faire référence à l'affaire Chaoulli, lorsque la juge Deschamps a déclaré inconstitutionnelles les dispositions qui empêchaient les particuliers à avoir accès à une assurance privée. Dès que la Cour suprême s'est penchée sur cette question, malgré le fait qu'elle était divisée quatre contre trois, ça a quand même eu un effet économique hyperimportant. Même chose: les droits linguistiques, lorsqu'on dit, par exemple, au Manitoba, que les Manitobains ont accès à l'école française, bien ça pose exactement le même problème, on rentre sur le terrain économique, et les décisions de la Cour suprême ont un impact économique.
Une des façons de s'intéresser à cette problématique-là, il y a David Robitaille, un professeur de l'université de droit à la Faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa, qui vient tout juste de publier un article là-dessus dans le McGill Law Journal de 2008. Il s'intéresse à cette question des droits économiques puis, lui, ce qu'il nous suggère, c'est d'utiliser l'approche de la raisonnabilité, c'est-à-dire que les tribunaux pourraient s'inspirer de la jurisprudence internationale, où les cours de justice, lorsqu'elles appliquent les droits économiques et sociaux, ont une approche où elles observent le caractère raisonnable des politiques sociales mises en place. Ce que ça veut dire, ça, M. le Président, c'est que le tribunal ne va pas dire précisément: Voici les mesures que l'État devrait mettre en oeuvre; la cour se limite uniquement à savoir si les mesures choisies par les parlementaires respectent ce caractère raisonnable dans l'esprit des différentes dispositions législatives qui sont invoquées.
Les exemples étrangers devraient inspirer notre législature, et ce qu'on peut remarquer de ces exemples étrangers, c'est qu'il s'est installé une espèce de dialogue entre les parlementaires et les cours de justice. Mais, vous savez, ce même dialogue existe sur les autres droits des chartes déjà prévus dans la Constitution canadienne, entre autres, mais aussi dans notre charte québécoise des droits et libertés.
Je vais m'en tenir à ça pour tout de suite, M. le Président, et puis j'aurai la chance de revenir plus en détail avec d'autres commentaires. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Laval-des-Rapides, pour les remarques préliminaires.
M. Alain Paquet
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'abord, je veux saluer mes collègues qui effectivement participent aujourd'hui à une commission parlementaire qui est... Toutes les commissions parlementaires sont importantes, parce que, lorsque, comme parlementaires, on est appelés à étudier un projet de loi, ce n'est pas pour rien. C'est un travail qui est important et qui permet d'échanger sur des choses fondamentales. Mais, aujourd'hui particulièrement, dans cette commission, on parle vraiment d'un élément encore plus... particulièrement fondamental, là, c'est lorsqu'on parle d'amender la Charte des droits et libertés.
Et d'abord le principe d'égalité entre les hommes et les femmes, c'est un principe qui est partagé, et je l'entends de toutes parts dans les commentaires de tous les parlementaires, cet après-midi, qui est partagé puis qui a été d'ailleurs approuvé notamment lors de la motion qui a été adoptée à l'unanimité la semaine dernière, là, présentée par le premier ministre conjointement avec les chefs des deux oppositions. Et donc, comme père de famille aussi...
Tout à l'heure, la ministre faisait référence à nos ancêtres, hein, aux ancêtres qui ont bâti ce qu'est le Québec, de Champlain jusqu'à nos jours, puis des gens qui étaient là même avant, avant Champlain, et donc de tous les Québécois ensemble, de ce qui s'est fait et de ce qui doit continuer à se faire. Mais aussi on parle bien sûr d'une histoire dans laquelle nos racines sont plantées, d'une histoire qui a permis au Québec véritablement d'émerger, de continuer à progresser, mais on parle d'avenir du Québec aussi. Et donc le projet de loi qui est devant nous, qui vient énoncer dans la charte la garantie de l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est un élément important.
Et, moi, comme père de famille, moi qui est le père d'une jeune femme, d'une jeune fille qui est en train de devenir une jeune femme, c'est effectivement un moment qui est émouvant parce que c'est quelque chose de fondamental. On veut que tous, au Québec, toutes, au Québec, puissent aspirer, puissent être égaux dans les droits, égaux dans les faits. Et il y a des bonnes mesures, il y a des progrès importants qui ont été faits au cours des années, puis il faut le reconnaître, et il y en a encore sûrement à faire, puis on le reconnaît aussi, on est tous invités à travailler là-dessus. Mais de venir préciser dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec explicitement cette égalité entre les hommes et les femmes, c'est quelque chose d'important. Ce n'est pas quelque chose qui est fait à la légère.
Vous savez, la Charte des droits et libertés de la personne, la charte québécoise, a été adoptée le 27 juin 1975, entrée en vigueur le 28 juin 1976, hein? Le premier ministre Bourassa, le gouvernement de l'époque avait proposé ça, et ça avait été adopté à l'unanimité de l'Assemblée nationale. À chaque fois qu'il y a eu des amendements qui ont été faits par la suite pour préciser des choses, préciser des droits, des modifications... à plusieurs reprises, parfois plutôt mineures peut-être ou techniques, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas important malgré tout, à chaque fois ça a demandé une réflexion importante qui soit faite, rigoureuse, et ça a été suivi de votes, si je ne m'abuse, toujours unanimes sur ces amendements-là.
Donc, lorsqu'aujourd'hui on parle... Et, tout à l'heure, nos collègues faisaient référence avec raison, et la ministre aussi y a fait allusion, que la Charte des droits, c'est une loi qui est un peu spéciale. Toutes les lois sont importantes, bien sûr. Elles sont adoptées par l'Assemblée nationale, qui représente... et par la majorité des parlementaires, et, plus souvent qu'on le pense, unanimement, mais pas toujours. Mais la Charte des droits et libertés de la personne, la charte québécoise des droits et libertés de la personne, on voit que, même si elle pourrait être modifiée par un vote d'une majorité de parlementaires, en pratique, elle a toujours été amendée de façon unanime, parce que c'est quelque chose qui est important. C'est une façon dans le fond, même si ce n'est pas obligatoire, c'est une façon de souligner le rôle spécial de la Charte des droits et libertés de la personne.
Alors, le projet de loi qui est devant nous a été présenté en décembre dernier par la ministre, déposé à l'Assemblée nationale, et a été suivi de consultations portant sur le projet de loi qui est devant nous, pas sur autre chose, là, sur le projet de loi qui est devant nous. Et 30 mémoires ont été déposés à la commission, 27 groupes ont été entendus à la commission, au-delà donc... autour d'une trentaine d'heures. On parle donc d'un moment important de temps qui a été passé pour effectivement entendre les groupes. Certains se sont exprimés sur d'autres éléments périphériques ou à l'extérieur du projet de loi, mais, lorsque les gens ont été invités à venir participer à la consultation, c'était bien sûr sur le projet de loi qui est devant nous, hein, le projet de loi n° 63.
n(16 h 30)n Donc, lorsqu'on choisit de modifier la Charte des droits et libertés de la personne, c'est quelque chose qui ne se fait pas à la légère, qui demande effectivement d'abord une consultation sur les éléments du projet de loi. On ne peut pas donc dire: Bien, ah! on pourrait ajouter autre chose, peut-être rajouter autre chose, et là, indépendamment du fond de la question, on doit le faire effectivement avec une analyse rigoureuse, de haut niveau, comme ça s'est fait dans le cadre du projet de loi n° 63. Et on ne peut pas donc faire, malgré peut-être une intention ou... Et je reconnais et je respecte l'intention de nos amis du deuxième groupe d'opposition, mais on ne peut pas... On n'écrit pas une constitution sur le coin d'une table, on n'amende pas une charte des droits et libertés sur le coin d'une table, indépendamment des questions de fond qui sont là.
Alors, aujourd'hui, le projet de loi qu'on a devant nous, qui, je crois, fait unanimité sur le contenu du projet de loi, pour ce qui en est en tout cas, hein, et pas autre chose, bien on ne pourrait pas... Je crois que ce serait manquer à nos devoirs comme parlementaires de dire: Bien, tiens, pourquoi on ne commence pas à étudier bien d'autres choses, bien d'autres amendements qui pourraient être apportés, débattus dans ce contexte-là, sans analyser l'ensemble des implications que ça aurait? Comme ça avait été le fait dans le contexte du projet de loi que nous allons étudier article par article tout à l'heure. Alors donc, c'est un élément important.
Et, oui, il y a d'autres éléments importants, et la déclaration du premier ministre, la motion qui a été adoptée à l'Assemblée nationale unanimement, à l'unanimité, hein, comprenait d'autres éléments importants qui définissent et qui correspondent à ce qu'est la société québécoise, et c'étaient des éléments importants de valeurs communes: primauté du français, égalité entre les hommes et les femmes, séparation entre l'État et la religion.
Mais il y a différents moyens pour faire valoir un ou l'autre des éléments qui sont là. Mais, aujourd'hui, nous sommes ici donc pour étudier le projet de loi n° 63 portant sur l'égalité entre les hommes et les femmes, que ce soit ce droit-là qui soit précisé dans la charte. Et je pense, M. le Président, qu'il serait malheureux ? mais je ne pense pas que ça va arriver; mais il serait malheureux ? qu'on retarderait l'adoption de ce principe-là, qui déjà fait unanimité, parce qu'on pourrait avoir d'autres éléments qui pourraient être intéressants à discuter dans d'autres contextes, qu'il y aurait peut-être d'autres moyens aussi. Et, ici, on n'étudie pas un autre projet de loi que celui qui est devant nous.
Donc, je crois, M. le Président... D'abord, je suis très heureux, comme parlementaire, d'être associé à ce débat avec l'ensemble des collègues des deux côtés de la Chambre et je pense que nous avons ici l'occasion et le devoir, pour les citoyens du Québec, les citoyennes du Québec, d'adopter ce projet de loi. Alors donc, M. le Président, je crois que c'est un moment important nous permettant d'aborder les articles qui sont là, et je suis heureux de participer avec mes collègues à celle-ci. Merci.
Le Président (M. Reid): Merci, M. le député. Est-ce que d'autres membres de la commission souhaitent faire des remarques préliminaires? Alors, merci pour toutes ces remarques préliminaires.
Étude détaillée
Alors, à moins qu'il y ait présentation de motions préliminaires, nous allons maintenant commencer l'étude article par article du projet de loi. Alors, je vais donc prendre en considération l'article 1 du projet de loi et je passe la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. L'article 1 proposé, c'est: Le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, chapitre... qui est modifié par le remplacement du troisième alinéa par le suivant:
«Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix.» Donc, c'est l'amendement qui est proposé, M. le Président, dans le préambule de la charte. Donc, cet article apporte des modifications au troisième alinéa du préambule de la charte afin de consacrer le fait que l'égalité des femmes et des hommes constitue une valeur sociétale fondamentale, un des fondements importants de notre société.
Cet alinéa est également modifié pour prévoir, aux côtés des termes «justice et paix», une référence à la liberté. Cette référence traduit d'ailleurs l'importance qui est accordée à ce concept. Cette référence permet aussi de reproduire plus fidèlement une trilogie des termes que l'on retrouve dans des textes fondamentaux, alors liberté, justice et paix, qui sont descriptifs des assises et des visées fondamentales d'une société démocratique dans plusieurs conventions internationales ayant précédé la charte et dont le Québec s'inspire encore pour sa gouvernance.
Le Président (M. Reid): Merci beaucoup. Est-ce que la représentante de l'opposition officielle veut prendre parole, poser des questions?
Une voix: ...merci.
Le Président (M. Reid): Pas d'autre question. Du côté de la deuxième opposition, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Bien, M. le Président, j'aurais une question à poser à la ministre. Il y a quelques minutes, son collègue de Chomedey...
M. Paquet: Laval-des-Rapides.
Mme Harel: ...de Laval-des-Rapides, son collègue de Laval-des-Rapides nous a dit que ce qu'elle proposait, c'est un principe qui déjà fait l'unanimité, en laissant entendre que les deux autres principes énoncés par le premier ministre ne faisaient pas l'unanimité.
M. Paquet: M. le Président, je...
Le Président (M. Reid): M. le député...
Mme Harel: Il n'y a pas de question. Ceci dit, M. le Président...
M. Paquet: ...
Le Président (M. Reid): Oui, après que vous ayez terminé...
Mme Harel: Non, il n'y a pas...
M. Paquet: M. le Président, après la déclaration...
Mme Harel: Excusez-moi, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire, mais on peut consentir...
M. Paquet: Oui.
Mme Harel: Non, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire, mais on peut consentir...
Le Président (M. Reid): Mais, écoutez, je vais attendre que vous ayez terminé, je vais lui donner la parole. Oui? Mais allez-y, Mme la députée, puis on passera...
Mme Harel: Non, c'est ça, je dis simplement qu'il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.
Le Président (M. Reid): D'accord.
Mme Harel: Mais je veux bien que le ministre... le ministre... le député, là c'est un voeu qu'il a, mais enfin, le député s'explique.
Le Président (M. Reid): M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Oui, c'est parce que tout à l'heure on semblait imputer au fait qu'elle disait que je n'avais pas dit que les autres motions n'avaient pas été adoptées à l'unanimité. Elle pourra lire le texte des galées, j'ai parlé de la motion qui a été adoptée à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires et, tout à l'heure...
Une voix: ...
M. Paquet: Non, j'ai absolument dit ça, on pourra... vous pourrez relire les galées. Et j'ai mentionné aussi que, sur le projet de loi qui est là, il y avait unanimité sur l'adoption de principe d'hier. Alors, j'ai parlé des deux faits qui ont été là. La déclaration du premier ministre était très claire, avait été adoptée à l'unanimité, et peut-être qu'elle a mal entendu mes propos, mais je voulais juste rectifier ce fait-là.
Le Président (M. Kelley): Mais c'est noté, M. le député. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, je comprends donc... Je posais la question à la ministre: Est-ce que je comprends donc, Mme la ministre, que ces trois valeurs fondamentales sont considérées comme faisant l'unanimité à l'Assemblée nationale? Au Québec et à l'Assemblée nationale. C'est bien ça, M. le député de Laval-des-Rapides, que vous disiez, que vous venez de dire, ces trois valeurs fondamentales font l'unanimité?
M. Paquet: La motion a été a adoptée à l'unanimité, effectivement c'est que j'ai dit, à l'Assemblée nationale, la semaine dernière.
Mme Harel: Et laquelle motion, laquelle motion porte sur des valeurs fondamentales qui font l'unanimité.
Le Président (M. Kelley): Peut-être on pourrait, premièrement, pour... Toujours se rappeler qu'on va s'adresser à la présidence. Ça porte à la confusion aujourd'hui parce qu'il y a cinq présidents autour de la table, si j'ai bien compris, mais, s'il vous plaît, de s'adresser à la présidence de la Commission des affaires sociales. Je pense que ça va être plus facile pour la bonne gestion de nos débats. Mme la députée.
Mme Harel: Alors, M. le Président, est-ce que la ministre reconnaît que les valeurs fondamentales, telles celles incluses dans la motion dont a parlé le député de Laval-des-Rapides et qui fut adoptée à l'unanimité, que ces valeurs fondamentales font l'unanimité au sein de la société québécoise et de même qu'à l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: M. le Président, ce qui a été étudié en commission parlementaire au mois de février dernier, c'est un amendement visant la notion de l'égalité entre les hommes et les femmes et le fait d'inclure dans la charte québécoise des droits et libertés cette notion d'égalité entre les hommes et les femmes. Alors donc, le projet de loi n° 63 porte sur l'égalité entre les hommes et les femmes.
La consultation a eu lieu, nous avons entendu des témoignages fort pertinents, fort intéressants. Il y a eu une trentaine de mémoires qui ont été déposés, 27 groupes ou... 27 groupes ont été entendus lors de cette commission. Les discussions ont porté sur l'égalité entre les hommes et les femmes, et les commentaires ont été assez forts sur le fait que nous avions... que c'était important de l'inclure dans la Charte des droits et libertés, cette notion d'égalité entre les hommes et les femmes.
Je peux vous rappeler Me Julie Latour, coprésidente du Forum des femmes juristes de l'Association du Barreau canadien, qui a parlé d'une omission en 1975, ça aurait dû être fait dès le départ: «C'est une omission historique que l'on répare [aujourd'hui et] on arrime notre charte avec la charte canadienne, et c'est une modification qui bénéficie ? je cite Me Latour ? à toutes les femmes du Québec, quelles que soient leurs origines, et sans donc entrer dans d'autres dédales ou réflexions, pour une fois, je le répète, que les femmes passent en avant, se mettent en avant.» Fin de la citation. Donc, c'est important.
n(16 h 40)n Puis je pense que c'est important de rappeler ce qui s'est dit et dans quel cadre s'est menée cette consultation l'hiver dernier. Lorsque nous avons, ce matin, adopté le projet... l'adoption de principe du projet de loi, le vote a été unanime à l'Assemblée nationale sur l'adoption de principe du projet de loi n° 63 tel que libellé. Et je pense que, ce matin, c'était intéressant de voir que chaque parlementaire s'est levé pour dire qu'il appuyait cette notion fondamentale qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes au Québec.
Nous nous inscrivons dans plusieurs textes internationaux, conventions internationales, et nous nous inscrivons, entre autres, dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Mais cette convention dit que les États participants, les États signataires de la convention doivent avoir des dispositions législatives pour assurer le plein développement et le progrès des femmes en vue de leur garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes. Donc, sur le plan du rôle que nous jouons comme législateurs, je pense que c'est important. Il y a des conventions... Cette convention, entre autres, qui est un guide très, très important pour l'action du gouvernement du Québec, nous dicte de faire ce changement. Je pense qu'il est important, et c'est ce sur quoi la commission... Cet hiver, au mois de février, la commission a porté sur le projet de loi n° 63.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Harel: Alors, Mme la ministre réfère aux travaux de la commission parlementaire qui s'est tenue en février dernier. Deux remarques à ce sujet. La première, en fait je rappelle les déclarations de nos collègues de l'Action démocratique, reprises dans le journal La Presse du 13 février, à l'effet que le Québec a agi trop vite. Alors, est-ce qu'il a agi trop vite ou pas assez?
Quoi qu'il en soit, il est bien certain que le fait de tenir les auditions en attendant des semaines de temps jusqu'après le rapport de la commission Bouchard-Taylor laisse entendre que le gouvernement utilise le projet de loi n° 63 comme une réponse et comme sa seule réponse aux recommandations du rapport de la commission Bouchard-Taylor. Alors, il y a là une confusion des genres. Le gouvernement a déposé le projet de loi en novembre, il a tenu ses auditions en février, il n'a pas cru bon, même au début de la session, en mars, de rappeler le projet de loi, et c'est uniquement après la publication du rapport qu'il le rappelle. Comment imaginer, pour tout citoyen et concitoyen et concitoyenne du Québec, que cela se joue, si vous voulez, en dehors du contexte de la commission Bouchard-Taylor? C'est vraiment absurde, là, de penser qu'il serait même envisageable d'imaginer qu'on peut le mettre de côté, premièrement. Ça, c'est le premier.
Mais l'argument de fond qui est encore plus substantiel, Mme la ministre, vous vous référez à la commission parlementaire ? moi aussi ? elle a eu lieu en février dernier, et le savant professeur constitutionnaliste qui est l'expert que vous avez souvent cité, M. Henri Brun, et qui est celui qu'a souvent cité et qui accompagnait d'ailleurs la présidente du Conseil du statut de la femme lors de nos travaux en commission parlementaire, a dit ceci en février dernier, il a dit, je le cite: «Bien sûr, dans mon esprit [...] le même énoncé, à partir de la mention générale des valeurs fondamentales de la société, pourrait tout aussi bien inclure d'autres valeurs fondamentales: l'égalité entre les hommes et les femmes, justice sociale, peut-être la séparation de la religion et de l'État et peut-être autre chose aussi.» Ça, c'est en commission parlementaire, en février.
Alors, même nonobstant le rapport Bouchard-Taylor qui vient d'être publié et qui colore bien évidemment les messages qu'on doit lancer à nos concitoyens, qui sont ceux de valeurs fondamentales, de principes qui fondent le socle de notre société et qui sont la composante de notre culture commune, mais, déjà en février, la présidente du Conseil du statut de la femme disait ceci, et je la cite, M. le Président...
M. Paquet: M. le Président, excusez-moi, question de règlement ou de directive.
Le Président (M. Kelley): M. le député, une question de règlement.
M. Paquet: Je trouvais très intéressants les propos de ma collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mais je me demande juste, en termes de fonctionnement des travaux, nous sommes à un amendement proposé par la ministre, peut-être qu'on pourrait disposer de l'amendement et par la suite... Il n'y a pas d'amendement déjà?
Une voix: Non.
M. Paquet: Ah! Excusez-moi.
Le Président (M. Kelley): ...l'amendement, je pense qu'on a toujours une discussion, article 1. Les amendements sont à l'article 2. Alors, Mme la députée, si vous voulez continuer.
Mme Harel: M. le Président, je disais donc que la ministre a référé aux travaux de la commission à la question que je lui posais: Est-ce que... Les trois valeurs fondamentales, ne devraient-elles pas faire partie... À ce moment-ci dans notre histoire parlementaire, où elles font l'unanimité au Québec, où elles font l'unanimité dans cette Assemblée, est-ce qu'elles ne devraient pas faire partie du préambule de la charte que nous sommes à étudier? Elle me dit: Oui, mais on ne l'a pas étudié, ça, en commission. Moi, je lui dis: Au moment où on a fait nos travaux, le savant constitutionnaliste Henri Brun en a fait non seulement la mention, mais la présidente du Conseil du statut, et je la cite...
Alors donc, je la cite: «Vous avez...» En fait c'est mon collègue du Lac-Saint-Jean qui lui pose la question: «Vous avez quand même une phrase magnifique dans votre livre, permettez-moi de vous citer ? en citant évidemment le livre du Conseil du statut de la femme: "La primauté de la langue française, la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes se trouvent à la base du vivre-ensemble qui assure la cohésion sociale au bénéfice de la protection des droits humains."» C'est ce qu'on retrouve dans cet avis du Conseil du statut de la femme.
Et, en février, au moment où on étudie le projet de loi n° 63, la présidente du Conseil du statut répond: «Certainement sur la laïcité», parce que mon collègue lui dit: «Est-ce que vous croyez également à la bonification des deux autres valeurs que vous énoncez dans cette phrase?» Elle dit: «Certainement sur la laïcité. Et d'ailleurs c'est une des choses qu'on aimait dans le projet de loi du Parti québécois, c'est qu'il y avait la laïcité, comme nous avons proposé que le gouvernement interdise le port de signes religieux pour les fonctionnaires de l'État, nous sommes tout à fait d'accord et, si jamais cette modification venait, qu'il y ait une modification législative en faveur de la laïcité.» Alors, on en a parlé en commission parlementaire, M. le Président, ça fait partie de l'examen qui s'est fait lors de cet examen. Là, je vous cite, moi, là, des extraits de la commission parlementaire de février dernier.
Alors, je reviens donc à la question: Est-ce que Mme la ministre nous dit aujourd'hui qu'elle refuserait de recevoir des... d'accueillir favorablement l'introduction des valeurs fondamentales, des trois valeurs fondamentales, dans le préambule de la charte qu'elle nous propose de modifier sur un seul de ces aspects?
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: M. le Président, depuis maintenant presque deux heures, j'entends l'opposition parler abondamment du rapport Bouchard-Taylor, et je cite le rapport Bouchard-Taylor à la page 267: «Nous approuvons l'initiative en cours à l'Assemblée nationale pour insérer dans la charte québécoise une clause interprétative établissant l'égalité hommes-femmes comme une valeur fondamentale de notre société.» Et, sur le moment de l'adoption du projet de loi, ça a toujours été clair, on a toujours dit publiquement, à plusieurs reprises, que le projet de loi était déposé et, pour procéder plus tard à son adoption définitive, nous allions attendre la fin des travaux de la commission Bouchard-Taylor.
Quand j'entends l'opposition dire que... parler, tout à l'heure on en parlait beaucoup, de rapport Bouchard-Taylor et qu'avant même de l'avoir lu on disait qu'il y avait du Elvis Gratton là-dedans, je trouve...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Excusez. Alors, quand j'entends la deuxième opposition dire... en parler, du rapport Bouchard... Excusez-moi, vous avez raison, Mme la députée.
Le Président (M. Kelley): Les faits sont rectifiés.
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Je ne veux surtout pas ça. Écoutez, ils n'avaient même pas lu le rapport Bouchard-Taylor que la chef de la deuxième opposition: «"Encore un peu on se rappellera Elvis Gratton", a lancé [la deuxième chef de l'opposition] dans un grand éclat de rire, faisant allusion au personnage loufoque [de] Falardeau.» Alors, bon, il faut peut-être être un peu plus sérieux que ça ici, là.
Donc, sur la question de ce dont nous discutons, nous discutons du projet de loi n° 63. Les intentions sont claires, le projet de loi n° 63 s'inscrit dans une démarche d'égalité entre les hommes et les femmes, et c'est sur cette question-là que le débat porte présentement.
Et encore, moi, je peux encore parler encore du rapport Bouchard-Taylor, qui a dit, ils ont dit dans ce rapport: Plusieurs citoyennes et citoyens se sont montrés inquiets durant les audiences de la possibilité réelle de bafouer l'égalité entre les femmes et les hommes au nom de la liberté de religion.
n(16 h 50)n Moi, dans mon esprit à moi, M. le Président, lorsqu'on amène cette notion claire d'égalité entre les hommes et les femmes dans le préambule de notre charte, c'est une indication et ça dit à tous les Québécois, à toutes les Québécoises que, peu importe le statut social, peu importe l'origine ethnique, peu importe la richesse, peu importe, c'est une valeur fondamentale qui rejoint tout le monde. Et ça rejoint tellement tout le monde que, ce matin, il y a eu un vote à l'Assemblée nationale, et tous les parlementaires se sont levés pour dire oui à l'adoption de principe de ce projet de loi.
Donc, nous demeurons dans ce cadre, c'est le cadre du projet de loi et c'est dans cette perspective que le projet de loi a été étudié en commission parlementaire, au mois de février. Ça a été fort intéressant, cette commission parlementaire, mais c'était toujours dans le cadre du projet de loi n° 63, qui est un projet de loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Et, lors du dépôt du projet de loi, je pourrais...
Je l'ai fait hier soir, mais je pense que je peux la citer encore, l'ex-juge de la Cour suprême du Canada, Claire L'Heureux-Dubé, qui, au moment du dépôt du projet de loi, a dit qu'elle se réjouissait de cette initiative, et je la cite: «J'appuie sans réserve l'ajout de l'article 42 à la charte québécoise. C'est une affirmation de principe sans ambiguïté de cette valeur fondamentale qu'est l'égalité des sexes dans la société québécoise...» Alors, je pense que la démarche présentement est une démarche qui touche l'égalité entre les hommes et les femmes, mais que c'est fondamental. Certains l'ont dit devant la commission, c'est une erreur qui a été commise dès le départ, où nous allons présentement corriger, selon Me Latour, une erreur historique. Ils ont été nombreux, les témoignages venant nous dire que nous faisions un exercice fort important, fort pertinent.
Il y a le Barreau du Québec qui également a parlé d'une démarche importante, et je cite ici la lettre du Barreau: «Le Barreau trouve bien inspirée cette initiative du gouvernement du Québec de rappeler l'importance qu'il accorde à l'égalité des femmes et des hommes dans notre société. Le Barreau du Québec a toujours été d'opinion que l'égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental de la société québécoise.» Et je souhaite un bon congrès au Barreau, M. le Président, parce que le Barreau sera, en fin de semaine, à Québec, en congrès ici, à Québec, en fin de semaine. Alors, ils pourront certainement discuter, parce que toujours, à chaque année, au Barreau... J'ai été invitée deux années. À chaque année, au Barreau, il y a un atelier sur l'égalité entre les hommes et les femmes, et c'est fort intéressant parce que c'est un atelier... Ça fait vraiment salle comble. Il n'y a plus de place. Tout le monde qui s'intéresse à cette question-là vient à l'atelier et discute de ces questions-là. Alors, voilà.
Le Président (M. Kelley): Merci, Mme la ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre vient de citer, par exemple, Mme Claire L'Heureux-Dubé. J'ai eu l'occasion de l'entendre en conférence au palais de justice, ici, à Québec, dans le cadre du 400e anniversaire, et qui a fait un discours d'une éloquence exceptionnelle sur la question du renforcement des droits économiques et sociaux en particulier, alors on aura l'occasion d'y revenir. C'est le cas d'ailleurs pour le Barreau. Mme la ministre a lu un extrait de la lettre du Barreau, mais j'ai ici la copie et l'extrait de cette lettre où le Barreau l'incite fortement à raffermir et à bonifier certains principes, comme par exemple les droits économiques, sociaux et culturels. Alors, il y a donc... Il y a eu un examen qui venait en fait de diverses sources et qui a toujours été favorable soit à des renforcements aux niveaux social, économique ou culturel. Ça a été l'objet de cette commission parlementaire que nous avons tenue.
Mais je rappelle que la commission Bouchard-Taylor elle-même a mis un bémol, elle-même a mis un bémol à ce dont a parlé Mme la ministre. Tout en se disant d'accord avec la clause interprétative, la commission, dans son rapport, dit que la modification à la charte gagnerait à être intégrée à une réflexion globale qui porterait sur l'ensemble des droits. Alors, c'est donc dire, là, qu'il faut faire très, très attention, il ne faut pas appeler à sa rescousse des institutions ou des personnalités dans notre société sans les citer au complet. Alors, il y a un vrai bémol, là, dans ce que dit la commission Bouchard-Taylor. Ce bémol, c'est que «toute modification à la charte ? on est en train de faire ça, une modification à la charte ? gagnerait à être intégrée à une réflexion globale qui porterait sur l'ensemble des droits...» Alors, parmi ce que la commission Bouchard-Taylor recommandait, c'est cette construction d'une identité commune. Alors, on dit ceci: «Pour se projeter dans l'avenir, la société québécoise doit naturellement s'appuyer sur le modèle d'intégration qui lui est propre. [Alors,] comme nous l'avons vu, l'interculturalisme favorise l'édification d'une identité commune grâce aux interactions entre citoyens de toutes origines.» Et là, ce processus, bon, nous semble, disent-ils, «solidement engagé dans au moins huit voies ou sphères». Alors, on dit: «C'est dire que tous les Québécois doivent pouvoir s'y reconnaître [...]. Voilà donc [...] huit voies à privilégier.» Et, parmi les huit voix privilégiées, je les décline rapidement, il y a le français comme langue publique commune. Il y a aussi «la promotion de valeurs communes comme points de rapprochement, comme source de solidarité, [...] comme éléments de définition [de l'avenir] ou d'un horizon pour le Québec. Et, parmi celles-ci, citons [...] l'égalité ? en particulier entre hommes et femmes ? la laïcité, la non-discrimination et [la violence]». Alors... la non-violence plutôt.
Si on veut faire référence à la commission Bouchard-Taylor, il faut faire référence, comme eux-mêmes le signalent finalement, au rapport que les valeurs communes ont entre elles et non pas en privilégier une seule en lançant le message que c'est la seule qui vaille la peine d'être pérennisée dans une législation, que les autres ont le poids d'une publicité qui n'aura pas d'effet, M. le Président. Je veux bien qu'on ait un caractère symbolique aux déclarations ministérielles ou aux motions que l'on adopte, mais ça n'a pas d'effet juridique. On pourra continuer de faire invalider des dispositions de la Charte de la langue française parce qu'on n'aura pas introduit dans la Charte des droits et libertés du Québec... Dans cet énoncé de droits, on n'aura pas introduit la primauté du fait français.
Je vous rappelle que c'est la charte québécoise des droits qui a été invoquée pour invalider, avec l'arrêt Chaoulli, une partie de notre dispositif législatif en matière de santé. On pourra continuer, M. le Président, à avoir des jugements de cour, comme ? d'ailleurs, j'y reviendrai; comme ? le disait si bien l'avis du Conseil du statut de la femme, en novembre dernier, portant sur la liberté religieuse, en invoquant, comme cette décision de la Cour supérieure, qu'on peut aller à l'encontre d'une prescription du Code civil en invoquant la religion presbytérienne pour ne pas adopter le nom... pour adopter plutôt le nom de son mari et donc laisser tomber son nom propre.
Alors, je crois qu'il y a là matière à justement examen des droits des uns par rapport aux autres. En fait, comme le dit si bien encore une fois la commission, il dit: «Il importe [...] de rappeler que l'exercice de ces droits et libertés ? contenus dans la charte ? n'est pas absolu[...]. Lorsque deux droits s'opposent, les tribunaux ne cherchent pas à déterminer lequel des deux serait supérieur à l'autre, ils cherchent à rendre une décision où le degré d'atteinte aux deux droits sera "minimal".» Alors donc, il faut dire, nous, quels sont les droits pas négociables dans notre société, ceux qui, en vertu du fait qu'ils se retrouvent dans une charte des droits, occupent une hiérarchie dans le fond. Parce que c'est l'ensemble de ces droits-là, on ne choisit pas entre eux, mais l'ensemble de ces droits-là occupent une position hiérarchique. D'ailleurs, je cite à nouveau Mme la ministre qui le disait à bon droit hier: «Parce que [...] la charte [...] est une législation fondamentale qui se situe au sommet de la hiérarchie des textes juridiques au Québec...» Alors, pour ces raisons, M. le Président, nous allons déposer une proposition d'amendement qui se lit comme suit, alors: Insérer, après l'article 1 du projet de loi n° 63, l'article suivant:
1.1. Le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne est modifié par l'insertion, après le troisième alinéa, de l'alinéa suivant:
«Considérant l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion.»n(17 heures)nLe Président (M. Kelley): Alors, on va prendre la proposition d'amendement. On va suspendre quelques instants pour faire les copies pour l'ensemble des membres de la commission.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 6)
Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je pense que tout le monde a eu le temps maintenant de regarder la proposition d'amendement. J'ai besoin un petit peu de directions de la table parce qu'en principe ça, c'est un article qui vient après l'article 1. Alors, je pense que, si on suit un ordre logique, il faut disposer de l'article 1 avant de faire le débat sur la proposition de modification, sauf consentement d'un changement des membres de la commission. Est-ce que la préférence, je pense, de disposer de l'article 1... Alors, on va garder votre proposition, Mme la députée, et on va faire le débat sur votre proposition d'un article 1.1 après que nous avons complété le débat sur l'article 1. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci. Question de directive, effectivement. Pour l'instant, on ne discute pas de la recevabilité de 1.1 parce qu'on n'est pas encore là.
Le Président (M. Kelley): C'est exact.
M. Paquet: Donc, le débat se fera... O.K. D'accord.
Le Président (M. Kelley): La proposition d'amendement est distribuée, mais je vais prendre ça en considération au moment qu'on a adopté l'article 1, si ça va pour tout le monde.
Mme Harel: M. le Président, je voudrais une directive de votre part. Alors, l'article 1 s'énonce comme suit:
Le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne est modifié par le remplacement du troisième alinéa par le suivant:
«Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance ? en fait, ce qui est introduit, c'est «l'égalité entre les femmes et les hommes»; et la reconnaissance ? des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix», n'est-ce pas? Alors, ce que l'on indique, nous, c'est... On n'aurait pas dû le numéroter 1.1. C'est un amendement à 1. Alors, je vais le retirer et déposer un amendement à l'article 1.
Le Président (M. Kelley): Vous pouvez le faire si vous voulez, parce que, moi...
Mme Harel: Oui, c'est préférable.
Le Président (M. Kelley): ...je me base sur le libellé de votre modification...
Mme Harel: D'accord. Donc, c'est juste la numérotation.
Le Président (M. Kelley): ...qui est d'insérer, après l'article 1... Il y a une logique...
Mme Harel: C'est ça.
Le Président (M. Kelley): ...qui ferait ça après, alors.
Mme Harel: Alors, c'est la numérotation qui est... Parce que, dans...
Le Président (M. Kelley): Alors, si vous pouvez présenter par écrit une autre proposition d'amendement, on va prendre ça en considération.
Mme Harel: Très bien. Alors donc, c'est 1. On va faire... tout simplement, M. le Président, c'est la numérotation, c'est le même article.
Une voix: Non, ce n'est pas le même article...
M. Paquet: Question de directive, M. le Président, de règlement. C'est parce que j'aimerais d'abord avoir le libellé, là, de la proposition de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, parce que ce qui est bien mentionné ici, dans ce qui nous a été distribué, c'est d'insérer, après l'article 1 du projet de loi n° 63, l'article suivant. L'intention de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est très claire, et votre décision a été rendue, M. le Président. Je suggère qu'on passe à l'article 1, et par la suite on pourra discuter ou voir s'il y a d'autres amendements qui peuvent être proposés, et on verra la recevabilité, et, s'il y a lieu, on débattra du fond de la question.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Harel: C'est très simple, c'est: Insérer à l'article 1, et non pas après.
Le Président (M. Kelley): Aussi... Mais, si vous avez une autre... une contreproposition...
Mme Harel: Bon. Alors, je vous l'apporte tout de suite.
Le Président (M. Kelley): ...il faut le faire par écrit, et on va distribuer ça aux membres de la commission. Il y a des procédures à suivre. Alors, en attendant, sur l'article 1.
n(17 h 10)nUne voix: ...au vote sur l'article 1, M. le Président...
(Consultation)
M. Paquet: ...le deuxième groupe d'opposition nous argumentait qu'ils avaient plein de choses à proposer, et ils sont prêts à faire ça sur le coin d'une table. Je trouve que ça... on pourrait peut-être procéder à...
Le Président (M. Kelley): Je trouve quand même que c'est une différence. Je comprends la nature, le changement qu'il veut faire. Mme la députée, est-ce que vous êtes prête? Sinon, peut-être un de vos collègues peut continuer de discuter pour vous permettre le temps pour...
Mme Harel: Oui, certainement.
Le Président (M. Kelley): Peut-être, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous pouvez expliquer le pourquoi de l'amendement, et on va laisser le temps pour Mme la députée de faire une proposition.
M. Paquet: M. le Président, on est ici pour parler du pourquoi... de la recevabilité de l'amendement.
Le Président (M. Kelley): On n'est pas là encore. Mais, moi, je veux qu'ils préparent une contreproposition pour amender l'article 1. À ce moment, on va avoir une discussion sur la recevabilité.
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il reste encore du temps à la deuxième opposition pour intervenir sur la proposition de Mme la ministre, hein, à l'article 1.
Le Président (M. Kelley): Oui.
Mme Harel: Alors, mes collègues vont donc utiliser leur droit de parole.
Le Président (M. Kelley): Mais non, c'est... Je propose que votre collègue peut plaider, et vous pouvez préparer un texte par écrit. Le moment que le texte par écrit d'amender l'article 1 est distribué, il y aura l'occasion pour faire un débat sur la recevabilité. Mais on va prendre les choses dans l'ordre. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Merci, M. le Président. On avoue humblement qu'on a commis une petite erreur technique, de numérotation dans notre proposition d'amendement, mais on aura la chance d'y revenir un petit peu plus tard.
Je veux à nouveau réitérer les propos d'ouverture, l'invitation que nous a lancée la ministre lors de ses remarques préliminaires, au moment du dépôt, de la présentation du projet de loi n° 63. Je veux à nouveau réitérer ses propos, le 12 février 2008, où elle invite les parlementaires à discuter de la question des valeurs québécoises.
J'ai cru comprendre, moi aussi, des propos du député, tout à l'heure, de Laval-des-Rapides que ce qui était présenté, au moment où on se parle, avait fait consensus très rapidement. Je crois aussi que le député de Laval-des-Rapides va être d'accord avec moi pour dire que les deux autres valeurs énumérées par le premier ministre font également consensus, et ce consensus s'est aussi établi très rapidement, sur la laïcité des institutions publiques et la séparation de l'Église et de l'État, ce qui m'amène à rappeler l'invitation lancée par la ministre le 12 février 2008, et je la cite: «Avant même l'adoption de principe, nous avons décidé d'ouvrir à tous et à toutes la discussion sur notre projet de loi, car notre démarche se veut authentiquement démocratique. Nous croyons que, lorsqu'il s'agit ? alors, je cite ? de définir les valeurs fondamentales de la société québécoise ? lorsqu'il s'agit de définir les valeurs fondamentales de la société québécoise ? toutes les voix doivent pouvoir se faire entendre.» Alors, moi, je comprends qu'il s'agit du projet de loi n° 63 de...
Le Président (M. Kelley): ...de vous adresser au micro parce qu'au bout de la table on a de la misère à vous écouter. Alors, s'il vous plaît.
M. Cloutier: Je vous remercie, M. le Président. C'est une remarque habituelle de me faire rappeler à l'ordre, le ton de ma voix est...
Le Président (M. Kelley): Ce n'est pas un rappel à l'ordre, c'est juste pour mieux vous comprendre.
M. Cloutier: Très bien. Merci. Je faisais plus référence au son de ma voix. Enfin. Alors, je répète: «Nous croyons que, lorsqu'il s'agit de définir les valeurs fondamentales de la société québécoise, toutes les voix doivent pouvoir se faire entendre.» Moi, je comprends de cette déclaration de la ministre que c'est une invitation à la population de se faire entendre sur les valeurs fondamentales de la société québécoise et je crois que c'est dans cet esprit que plusieurs groupes sont venus nous rappeler l'importance d'ouvrir sur d'autres sujets, comme par exemple... en fait des sujets connexes comme les droits économiques et sociaux.
La ministre est allée un peu plus loin, toujours dans ses remarques préliminaires. Elle nous dit qu'«en déposant le projet de loi n° 63 le gouvernement poursuit son engagement de concrétiser une véritable égalité de fait. Le dépôt du projet de loi représente également un acte démocratique. En ramenant la question à l'Assemblée nationale, le gouvernement permet aussi aux parlementaires de prendre leur place dans le débat que suscite la reconnaissance du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes», mais là, M. le Président, on ajoute un autre élément, la ministre dit «ainsi que ? donc, en plus de ? sur les questions liées à la liberté de religion». Alors, l'objet du projet de loi n° 63, en plus d'aborder une valeur fondamentale qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes, qui n'a pas soulevé évidemment aucune controverse, nous invitait aussi à discuter des questions liées à la liberté de religion. Alors, la ministre poursuit en disant que «le gouvernement veut que les élus du peuple puissent jouer un rôle de premier plan dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise eu égard aux préoccupations modernes des citoyens».
Alors, puisqu'il y a unanimité autour de cette table sur les trois valeurs énumérées par le premier ministre, qui, je pense, suscitent à peu près peu de débat, si ce n'est que pour souligner leur importance bien évidemment et qu'elles devraient être adoptées avec toute la solennité que ces valeurs revient, je m'explique mal pourquoi on ne les retrouve pas au préambule proposé par la ministre.
Le Président (M. Kelley): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'article 1? Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Si on regarde les objectifs et les commentaires que la ministre nous a faits tout à l'heure, je veux revenir sur... quand elle a mentionné que le Barreau était favorable et appuyait cette modification, de préciser, là, notamment dans le préambule... Le Barreau a aussi... a fait deux... a déposé deux lettres, hein? Une première lettre, datée du 1er février, dans laquelle il mettait... il attirait l'attention sur un certain nombre de choses, notamment sur le fait qu'il y avait un risque, et je le cite, là, dans leur conclusion: «Le Barreau [...] estime qu'une modification législative à la charte québécoise, aussi louable que puisse en être l'objet, ne saurait être apportée sans considérer l'impact qu'une modification parcellaire serait susceptible de créer.» Or, puisque... et je ne reviendrai pas sur les éléments que ma collègue a mentionnés, si ce n'est que pour citer, encore là, ce paragraphe concernant un voeu qu'exprimait le Barreau: «En plus de favoriser une cohérence des principes déjà consacrés, d'apporter des modifications [afin de contrecarrer certaines décisions] judiciaires, cette révision globale ? parce que c'est ce qu'il demandait, une révision globale ? de la charte québécoise permettrait aussi de raffermir et de bonifier certains principes, comme par exemple les droits économiques, sociaux et culturels, desquels découlent souvent les droits à l'égalité.» Et il rappelait: «Faut-il rappeler que plus de femmes vivent dans une situation économique précaire au Québec.» Ça, c'était dans leur document du 1er février.
Dans la lettre qu'ils ont fait suivre à la ministre le 25 mars, ils ont répété qu'ils étaient toujours d'opinion que l'égalité entre les femmes et les hommes était un principe fondamental, mais aussi ils ont attiré l'attention sur certains éléments de prudence, et je dois dire qu'ils réitéraient... «En conséquence, le Barreau accueillera favorablement l'adoption du projet de loi n° 63 bien que nous croyons qu'il aurait été préférable que les amendements proposés dans le projet de loi n° 63 soient considérés dans le cadre d'un examen global de la charte afin de pouvoir bénéficier d'une vision d'ensemble des droits et libertés qui y sont prévus notamment en matière de droit à l'égalité, de protection contre la discrimination et de mécanismes de [séparation].» C'est exactement ce que nous proposons, M. le Président, et ce qu'il faut... ce sur quoi il faut attirer l'attention. Ils continuaient, même, ils allaient plus loin que ma préoccupation, et ils disaient: «Le Barreau estime cependant, à l'instar de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qu'une égalité plus effective entre les [hommes] et les [femmes] doit passer par une reconnaissance plus complète des droits économiques et sociaux.»n(17 h 20)n Or, M. le Président, il me semble que le préambule est bien indiqué pour que nous ajoutions des éléments structurants pour constituer cette base du cadre civique commun que l'on souhaite établir au Québec. Et je l'ai dit hier soir, lors de l'adoption de principe, et je le répète, le Québec est un endroit envié et enviable qui suscite l'intérêt de beaucoup de citoyens étrangers qui souhaitent adopter le Québec comme société pour leur avenir et celui de leurs familles. Et c'est important à cette étape-ci, au moment où nous avons la chance d'avoir un rapport documenté qui, je le répète, a coûté très cher aux Québécois, ça a coûté 5 millions... Et puis ils ont fait le tour de la question, ils ont fait le tour du Québec, ils se sont penchés sur un ensemble d'éléments pour arriver à proposer des composantes de notre mieux-être collectif dans l'avenir, et on ne peut pas aujourd'hui, en toute responsabilité comme législateurs, ne pas en tenir compte. Et c'est pourquoi nous voulons introduire explicitement dans le préambule un certain nombre de valeurs, notamment deux valeurs qui manquent à notre avis dans ce préambule. Et c'est le même raisonnement que la ministre faisait quand elle a fait sa présentation, en février dernier, quand elle a dit: «La société québécoise a encore besoin d'une volonté politique clairement affirmée.» Elle parlait évidemment des droits, de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mais, si on se reporte au rapport Bouchard-Taylor, de la commission Bouchard-Taylor, les commissaires nous disent exactement la même chose au niveau de la séparation de l'État et de la religion et au niveau de la primauté du français. Et il semble que le premier ministre l'a compris, puisque lui-même en fait la publicité ? j'allais dire la vente, mais la publicité ? dans sa déclaration de la semaine dernière, où est-ce qu'il prend la peine d'indiquer les valeurs qu'il qualifie de fondamentales. Alors, on ne peut pas aujourd'hui ne pas tenir compte à la fois des intentions du premier ministre, clairement établies et clairement publiées, et des conclusions et des recommandations de la commission Bouchard-Taylor, au moins dans le préambule de notre Charte des droits. Je crois qu'on manquerait à notre devoir de législateurs si on ne le faisait pas. Et je pense que c'est... Tous les arguments que la ministre nous a présentés en février dernier sur l'importance d'inscrire explicitement au préambule ce premier... ce qui compose l'article 1 du projet de loi n° 63, je crois, M. le Président, que de la même façon il faut le compléter, il faut le compléter pour qu'il serve, pour qu'il serve de cadre civique commun, pour qu'il serve à définir, pour ceux qui adoptent le Québec, les trois valeurs fondamentales qui vont guider leur capacité de s'intégrer au Québec. C'est ça, l'enjeu.
Alors, il me semble que, sur ce point-là, l'article 1 est intéressant, mais il est incomplet. Et c'est pour ça que nous souhaiterions le compléter, et c'est pour ça que ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve voudrait nous proposer des amendements... un amendement, des amendements probablement, si je veux être cohérente avec ce que je viens de dire, mais... pour qu'on puisse justement, au sortir des travaux de cette étude du projet de loi article par article, pour qu'on puisse être fiers de la valeur ajoutée que nous allons apporter et que nous aurons apportée parce qu'on aura tenu compte de la situation à jour de l'état des valeurs fondamentales du Québec. Et ce n'est pas nous, M. le Président, qui en avons fait la promotion et la publicité, je le rappelle, c'est le premier ministre. Alors, si cette publicité-là avait un objectif autre que publicitaire, si ces énoncés-là avaient un objectif autre que publicitaire, il me semble que la ministre responsable de ce projet de loi aujourd'hui devrait en tenir compte. Et il me semble qu'elle y trouverait un intérêt à le faire, parce que c'est ça qui va rendre son projet de loi historique, c'est ça qui va lui donner sa force historique. Ce n'est pas en détaillant un... en expliquant un considérant, en ajoutant des éléments qui se retrouvent en gros déjà dans la Charte des droits, c'est en l'assoyant et le complétant pour refléter la modernité des valeurs fondamentales du Québec d'aujourd'hui.
Donc, je crois, moi, qu'il est important. Et je pourrais citer totalement les notes qu'elle a présentées lors de l'ouverture de la commission, en février dernier, quand nous avons eu les consultations particulières, qui ont été passionnantes et qui d'ailleurs étaient faites au même moment où se déroulaient ces échanges et ces auditions de la commission Bouchard-Taylor. Mais il faut que ça ait servi à quelque chose, ces auditions-là, M. le Président. Ça ne peut pas aboutir juste à une publicité dans les journaux une fin de semaine. Il faut que ça serve à vraiment établir ce cadre civique commun. Moi, j'y tiens, à ça, parce que comment vouloir témoigner d'une société d'accueil claire et confortable devant des citoyens qui souhaitent en devenir membres si on ne leur donne pas un document, qui est dans notre cas la Charte des droits et libertés, pour les guider dans leurs règles de vie dans cette nouvelle société?
Et, dans ces règles de vie, il y a trois valeurs fondamentales qui ont été énoncées par le premier ministre du Québec pas plus tard que la semaine dernière, et ce sont l'égalité entre les hommes et les femmes ? ça, c'est bien inclus dans le projet de loi de la ministre que nous étudions ? mais la primauté du français également et la séparation entre l'État et la religion, et je cite, «font partie de ces valeurs fondamentales», donc il faut les inscrire. Et où mieux les inscrire que dans ce préambule, M. le Président? Il me semble qu'on complète un projet de loi qui est important pour l'avenir du Québec et on lui donne deux autres assises pour lui permettre d'établir ce cadre civique commun que nous recommandaient les commissaires Bouchard et Taylor.
Alors, je souhaiterais maintenant peut-être passer la parole à mes collègues pour poursuivre cet effort de... ce plaidoyer que nous tentons de faire sur ce qui nous apparaît très important, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci, Mme la députée. Est-ce que Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve ou Lac-Saint-Jean... Le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Merci, M. le Président. Alors, un débat important, mais aussi, il me semble, un débat qui est consensuel, et un débat consensuel aussi sur les trois valeurs qui sont exprimées par notre premier ministre. Je vais poser simplement la question à la ministre: Pourquoi ne pas avoir repris ces trois valeurs qui font consensus, et puis, je suis persuadé, que personne ne sera opposé?
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre, voulez-vous réagir?
Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai pas de commentaire.
Mme Dionne-Marsolais: Qu'est-ce qu'elle a dit?
M. Cloutier: Pardon?
Le Président (M. Kelley): Elle a dit qu'elle n'a pas de commentaire.
M. Cloutier: Elle n'a pas de commentaire.
Mme Dionne-Marsolais: On ne demande pas de commentaire, on demande une réponse.
Une voix: ...
M. Cloutier: Ah bon! Je croyais qu'elle...
Mme Dionne-Marsolais: Elle n'a pas de raison.
n(17 h 30)nM. Cloutier: Le préambule fait référence à une valeur fondamentale qui est celle de l'égalité entre les hommes et les femmes. Je me questionnais à savoir si les autres valeurs qui ont été exprimées par son gouvernement ne devraient pas être aussi incluses à cet article.
Mais, ceci dit, M. le Président, je vais poursuivre en faisant référence au rapport de la commission Bouchard-Taylor et je vais reprendre exactement qu'est-ce qu'ils disent en fait sur le projet de loi n° 63. «Le gouvernement du Québec a d'ailleurs proposé, dans le projet de loi n° 63, que l'article suivant soit inséré dans la charte: "Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes."
«Étant donné que la disposition proposée ne semble pas établir de hiérarchie [des] droits ? ce qui, je pense, a été une préoccupation exprimée par l'ensemble des groupes et auquel nous souscrivons également ? et compte tenu que les droits et libertés énoncés dans la charte québécoise sont déjà reconnus aux femmes et aux hommes et que la discrimination en fonction du sexe est déjà interdite ? article 10, M. le Président, auquel ma collègue a fait référence un peu plus tôt ? nous appuyons un tel amendement.» Alors, effectivement, la commission Bouchard-Taylor appuie un tel amendement, mais la phrase qui suit est quand même pertinente à citer: «Il se pourrait que son utilité réelle soit surtout d'ordre symbolique.» Et c'est dans cet esprit, M. le Président, qu'on tente de bonifier, entre autres en apportant des amendements.
On peut aussi... Lorsqu'on fait référence au rapport Bouchard-Taylor, il me semble qu'on ne peut pas faire abstraction non plus de la recommandation E3. Cette recommandation, M. le Président, se lit comme suit. Il y a 11... En fait, 11 des 37 recommandations sont considérées par les coprésidents comme étant absolument prioritaires. L'une d'elles, la recommandation E3, concerne les droits économiques et sociaux, alors une proposition absolument prioritaire selon le rapport de la commission Bouchard-Taylor, qui est...
M. Paquet: Question de règlement.
Le Président (M. Kelley): Oui, M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Oui, juste pour vérifier. Nous sommes présentement à l'alinéa introductif de l'article 1 du projet de loi, qui parle de remplacer le troisième alinéa du préambule de la Charte des droits et libertés de la personne. Or, ce troisième alinéa de la Charte des droits et libertés de la personne porte sur: «Considérant que le respect de la dignité de l'être humain ? je parle de tel qu'il est actuellement, là ? et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix;». C'était l'élément qui est dans l'alinéa. J'aimerais juste peut-être qu'on invite les parlementaires à se rattacher à l'alinéa introductif de l'article 1 tel qu'il est stipulé et donc au troisième alinéa du préambule de la Charte des droits et libertés de la personne.
Le Président (M. Kelley): Oui, mais je pense qu'on est en train de regarder l'ensemble des modifications qui pourraient être apportées au préambule à ce stade-ci. Si j'ai bien compris, le deuxième groupe de l'opposition s'apprête à faire une proposition plus précise de leur pensée. Alors, moi, j'invite le député de Lac-Saint-Jean de continuer.
M. Cloutier: Je vous remercie, M. le Président, d'autant plus que, lorsqu'on aborde la question des droits économiques et sociaux, comme... en fait j'allais dire «comme mon collègue le sait», mais en fait ceux qui étaient présents lors de la commission auront certainement remarqué que 11 des... pardon, 17 des 30 mémoires fait référence aux droits économiques et sociaux. Et puis, puisqu'on a fait déjà référence au rapport Bouchard-Taylor, je crois qu'il est tout à fait pertinent d'aussi faire référence à la proposition que j'étais justement en train de citer, là, qui est la proposition E3, qui concerne directement...
Le Président (M. Kelley): Oui, mais, M. le député, le débat sur les droits sociaux et économiques, je pense, on va l'aborder à un autre moment. On est dans le préambule maintenant. Alors, si notre focus peut être sur le préambule, ne pas anticiper d'autres débats qui peut-être vont venir devant la commission.
M. Cloutier: Je prends bien acte de vos commentaires, M. le Président, mais, avec respect, les groupes sont venus nous dire que l'égalité entre les hommes et les femmes passait non seulement par une égalité juridique, mais aussi par une égalité réelle, et que cette égalité réelle s'exprimait particulièrement avec force par les droits économiques et sociaux.
Le Président (M. Kelley): Oui, ça, je comprends, mais l'article 1 porte sur les changements au préambule. Alors, on est dans une discussion sur le préambule. Ça ne présume pas qu'il n'y aura pas un autre moment pour faire le débat sur d'autres éléments des propos des groupes, mais, à ce moment-ci, on est sur le préambule.
M. Cloutier: Alors, j'aurai la chance de revenir sur les valeurs qui sont exprimées, cette valeur qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes. Je continue de croire que les autres valeurs déjà exprimées par le premier ministre en place sont des valeurs auxquelles s'établit rapidement un consensus et qui auraient eu toute leur force d'exprimer, leur valeur d'exprimer au sein de la charte québécoise. Je vais céder la parole à ma collègue.
Mme Harel: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Voilà. Nous serions prêts. Je pense que la secrétaire de la commission...
Le Président (M. Kelley): Si vous pouvez, d'une façon formelle, proposer votre amendement
Mme Harel: Voilà.
Le Président (M. Kelley): Les copies sont prêtes, on va les distribuer aux membres tout de suite.
Mme Harel: Excellent. Je vous en fais lecture: L'article 1 du projet de loi n° 63 est modifié par l'insertion, après les mots «de la liberté et de la paix» de l'alinéa suivant:
«Considérant l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion».
Le Président (M. Kelley): Alors, moi, tel que convenu avec le député de Laval-des-Rapides, moi, je suis prêt à entendre les arguments sur la recevabilité de cette proposition. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: M. le Président, d'abord, l'article, je viens de prendre connaissance de la proposition d'amendement députée... pardon, déposée par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Elle nous dit, l'article 1 du projet de loi, d'insérer après les mots «de la liberté et de la paix». Or, l'article 1 ? je voudrais d'abord, premièrement, vérifier ? l'article 1 propose donc de remplacer le troisième alinéa, et donc ce qu'elle nous propose à ce moment-ci, c'est d'ajouter quelque chose dans le fond au troisième alinéa. Je me demande si on ne devrait pas d'abord adopter, s'il y a lieu, l'article 1 tel que stipulé et par la suite, s'il y a lieu, d'ajouter une disposition qui serait comme un peu après le troisième alinéa. Enfin, est-ce qu'ils proposent de l'insérer dans le troisième alinéa? Est-ce que j'ai bien compris? D'abord, juste, je voudrais être certain qu'on discute de la bonne chose, pour clarifier.
Mme Harel: Alors, c'est un amendement, M. le Président, c'est un amendement à l'article 1, lequel amendement prévoit un nouvel alinéa qui se lit comme suit:
«Considérant l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion.» Et, une fois qu'on en aura disposé, on reviendra à la proposition principale telle qu'amendée.
M. Paquet: M. le Président, je soumets que...
Le Président (M. Kelley): Oui, mais... Non, continuez, M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Je soumets, M. le Président... Merci. Je soumets que ce qu'ils nous proposent de faire, si je comprends bien ce qui est libellé, ce que Mme la députée vient de lire, ils nous proposent d'ajouter à la Charte des droits et libertés de la personne un nouvel alinéa. Donc, c'est un alinéa qui serait comme un quatrième alinéa au préambule, qui serait après le troisième.
Or, présentement, le projet de loi, si on y va dans l'ordre, dans l'ordre logique ? les gens qui nous écoutent suivent ça avec intérêt et attention ? nous sommes en train de... la proposition de l'article 1 est de remplacer le troisième alinéa du préambule de la Charte des droits et libertés. Alors, tel qu'elle est libellée, la proposition de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve propose d'ajouter un quatrième alinéa. Il me semble, dans la suite logique des choses, parce qu'on ne fait pas ça sur le coin d'une table, là, amender une charte des droits et libertés de la personne, on devrait procéder par l'article 1, et après on redébattra sur une proposition d'amendement. On verra la recevabilité par la suite. Donc, je présumerais, à ce moment-ci, qu'il est prématuré de discuter de la proposition d'amendement proposée par Mme la députée.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Je vous soumets très respectueusement, M. le Président, que le député de Laval-des-Rapides a tort. En fait, ce qu'on modifie, c'est l'article du projet de loi n° 63. Il a comme effet de modifier le préambule de la charte. Alors, vous connaissez nos intentions, M. le Président. Elles sont assez, disons, largement exprimées, à savoir introduire dans le préambule de la charte les valeurs fondamentales qui forment la culture commune de notre société, le socle, le fondement, alors instaurer donc une cohésion.
Dans ce préambule qui énonce ces valeurs fondamentales, alors nous proposons un amendement à l'article 1 du projet de loi n° 63 de manière à ce que le préambule de la charte soit modifié. Alors, on verra la numérotation suivie par la suite. Et puis, vous savez très bien qu'une loi, un projet de loi, à la toute fin, on renumérote ce qu'il faut renuméroter. Mais, pour tout de suite, en fait c'est qu'on modifie l'article 1 de telle manière qu'on insère, après les mots «de la liberté et de la paix», l'alinéa suivant:
«Considérant l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion.»Une voix: ...question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): J'ai une demande du député d'Orford, et je vais revenir au député de Laval-des-Rapides. M. le député d'Orford.
M. Reid: Oui. M. le Président, je n'ai pas l'expérience de ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, qui a été présidente de l'Assemblée nationale, cependant ma compréhension du travail que l'on fait quand on fait un projet de loi et quand on fait des amendements, c'est que ces amendements-là restent à l'intérieur de ce sur quoi on travaille dans le projet de loi. Et il m'apparaît à moi qu'ici on se sert comme véhicule de l'article n° 1 pour faire autre chose que ce que le projet de loi propose et que l'objectif visé par le projet de loi est effectivement de changer l'alinéa, le troisième alinéa, et de le remplacer par un autre alinéa, et là on change la raison d'être de ce projet de loi en amenant un élément nouveau. Je pense que, depuis deux heures et... bien presque trois heures, on nous explique que, selon les convictions, que je respecte, qu'il y a des liens, et on ne dit pas qu'il n'y a pas de lien, mais le projet de loi, me semble-t-il, est très circonscrit, et le projet de loi, ici, on est en train de modifier quelque chose en faisant autre chose que l'article fait et même que le projet de loi vise.
Alors, il me semble, M. le Président, qu'à ma compréhension du travail que l'on fait, et sans être un avocat, il me semble que ça ne correspond pas à nos règles parlementaires.
n(17 h 40)nLe Président (M. Kelley): M. le député de Laval-des-Rapides, et après ça je vais revenir à l'autre côté. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Oui. J'en suis encore... Et je serai prêt à débattre plus tard de la recevabilité de la motion de l'article 1, de la proposition d'amendement telle qu'elle est. Mais je crois, M. le Président, je dois respectueusement soumettre à ma collègue députée, pour qui j'ai le plus grand respect, que malheureusement on a encore l'illustration du fait que, quand on écrit sur le coin d'une table les amendements ou une charte des droits, on peut faire des choses qui ne sont pas nécessairement celles qu'on voulait faire. Parce que, dans la proposition, la formulation telle que libellée par ma collègue la députée, elle propose, et je cite: L'article 1 du projet de loi n° 63 est modifié par l'insertion, après les mots «de la liberté et de paix» de l'alinéa suivant... Le petit problème technique, c'est qu'elle réfère à l'article tel qu'il est présenté par la ministre, la proposition à l'article 1 telle que présentée dans le projet de loi. Le mot «liberté» présentement n'apparaît pas dans la Charte des droits et libertés de la personne. Donc, on fait les choses à l'envers, là, M. le Président. C'est pour ça, je crois, qu'on n'a même pas à débattre de la recevabilité de l'amendement, puisqu'il est prématuré et il n'est pas tout à fait logique. Et les gens qui nous écoutent voient très bien que ce n'est pas le cas. Et malheureusement je trouve qu'encore une fois on ne peut pas écrire une charte des droits sur le coin d'une table, on ne peut pas écrire une constitution sur le coin d'une table, et on ne fera pas ça cet après-midi.
Alors, je pense qu'avant même d'aller sur le reste ? et il y a un argumentaire qu'on pourra faire par la suite sur la recevabilité; mais ? je pense que c'est prématuré, à ce moment-ci, de vouloir modifier un article avec des mots qui ne sont même pas encore dans l'article adopté. Alors, je considère que déjà là on pourrait arrêter la discussion sur cet amendement. Et, plus tard, après qu'on ait adopté l'article 1, si Mme la députée veut représenter son amendement, là, ce sera logique d'évaluer si c'est recevable ou non.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Harel: Alors, deux choses d'abord, M. le Président, sur la forme et sur le fond. Alors, sur la forme, l'erreur que fait le député de Laval-des-Rapides, c'est de penser qu'on amende, dans l'étude que l'on fait ici, la charte. Non. On amende le projet de loi, le projet de loi n° 63. On amende l'article 1 du projet de loi. Alors, on amende donc, on soumet un amendement à une proposition principale qui est l'article 1 du projet de loi. Donc, nécessairement, les mots existent, ils nous sont proposés pour adoption. Alors, on les utilise justement en disant qu'après les mots «liberté et paix» on insère un nouveau considérant qui est celui de l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion.
Ça va de soi, là, M. le Président. Ici, en commission parlementaire, lorsqu'on fait l'étude article par article, on amende le projet de loi qui nous est présenté. Moi, je ne peux pas amender la charte. Il y a plein de décisions jurisprudentielles là-dessus, on ne peut pas amender des dispositions d'une loi qui ne nous est pas présentée ici pour étude, en commission parlementaire. Ça, c'est sur le fond... la forme, excusez-moi.
Bon. Sur le fond, maintenant...
Le Président (M. Kelley): Et, sur ce, madame, moi, j'invite l'ensemble des parlementaires de plaider à la fois sur la forme et le fond. Moi, je pense qu'on a tout intérêt de vider cette question-là. Alors, je comprends, M. le député de Laval-des-Rapides, mais, moi, je pense, tôt ou tard, il faut faire le débat à la fois sur la forme et le fond. Alors, j'invite l'ensemble des parlementaires de continuer sur les deux fronts, et de toute évidence la présidence sera obligée de prendre tout ça en délibéré. Alors, Mme la députée.
Mme Harel: Donc, je disais donc: Sur la forme et sur le fond. Alors, sur la forme, je pense que l'argument est fait, mais, sur le fond, je voudrais, M. le Président, que vous preniez en considération, dans le délibéré que vous ferez, l'avis du Conseil du statut de la femme qui a été rendu public au mois de novembre, au mois de... Attendez. Est-ce que c'était en novembre dernier? C'est peut-être encore plus récent, je pense. Oui, alors qui en fait portait sur le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et la liberté religieuse. Je plaide le fait que le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, ce n'est pas simplement un concept, M. le Président, ce n'est pas simplement virtuel, là. Ça s'incarne, ça, dans la réalité des rapports de société, des rapports humains, des rapports interpersonnels, des rapports de groupe. Et ce que nous dit cet avis du Conseil du statut de la femme, à la page 17 ? je vous invite à en prendre connaissance ? c'est ceci, à titre de conclusion générale de l'avis: «Cet avis témoigne du fait qu'une interprétation de la liberté de religion sans égard à ses effets sur l'égalité entre les femmes et les hommes et à leur dignité humaine fragilise ce droit acquis chèrement et qui nécessite la vigilance de tous les acteurs sociaux afin d'être pleinement réalisé.» Alors, qu'est-ce que nous dit le Conseil du statut de la femme? «...une interprétation [...] sans égard [aux] effets sur l'égalité entre les [hommes] et les [femmes] fragilise [le] droit acquis chèrement et qui nécessite la vigilance de tous les acteurs sociaux afin d'être pleinement réalisé.»Le Président (M. Kelley): ...je comprends, on peut faire un débat pour le bien-fondé, mais je veux lier ça à un débat sur la recevabilité aussi.
Mme Harel: Mais peut-être un dernier commentaire sur la recevabilité...
Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait.
Mme Harel: ...parce que la recevabilité, c'est justement de considérer que, dans ce projet de loi qui porte sur l'égalité des droits des hommes et des femmes, il est nécessaire, et je plaide la nécessité qui en a été démontrée par le Conseil du statut de la femme, mais je plaide encore mieux, M. le Président, je plaide la proposition de la ministre de la Condition féminine elle-même. C'est là mon argument, je pense, le plus important pour que vous reteniez la recevabilité de notre amendement. Il s'agit en l'occurrence de cette politique gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui s'intitule Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait. Et ce qu'on nous démontre dans cette politique gouvernementale qui est en vigueur, M. le Président, présentement, qui a été adoptée en 2006, dans laquelle on retrouve les positions du premier ministre, que je pourrais vous citer, celles de l'actuelle ministre de la Condition féminine, qui disait d'ailleurs... J'y reviendrai, parce qu'on en restera à notre sujet. Alors, on retrouve, à la page 41 de ce plan d'action, ceci: Soutenir l'égalité entre les femmes et les hommes dans un contexte de diversité croissante sur les plans culturel et religieux. Et ça, c'est un plan d'action qui donne au gouvernement l'impulsion de ce qu'il doit réaliser. «Par conséquent, de façon particulière, les valeurs et les principes suivants doivent être réaffirmés: l'État est laïc ? et ça, c'est dans le cadre de la condition féminine, ce dont je vous parle; l'État est laïc ? et la séparation des sphères politique et religieuse est une valeur fondamentale de la société québécoise.»Le Président (M. Kelley): Mme la députée, je vous invite...
Mme Harel: ...dans le contexte du droit à l'égalité des hommes et des femmes.
Le Président (M. Kelley): Oui, mais je vous invite... On plaide maintenant sur la recevabilité, pas sur le bien-fondé de la proposition.
Mme Harel: Mais c'est tout à fait...
Le Président (M. Kelley): Non, mais il y a une distinction qui est importante, parce qu'il faut plaider...
Mme Harel: Mais, M. le Président, le droit à l'égalité...
Le Président (M. Kelley): ...à l'intérieur de la conception et la confection du projet de loi n° 63, que votre proposition est recevable.
Mme Harel: Tout à fait.
Le Président (M. Kelley): C'est ça qui est la question qui est posée maintenant.
Mme Harel: Absolument, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Sur si c'est une bonne idée ou non, ça, c'est un autre débat pour un autre moment, si on se rend là.
Mme Harel: Je soumets, M. le Président, que c'est un débat qui est tout à fait associé à ce que l'on nous propose comme disposition nouvelle dans le projet de loi. On nous propose le droit à l'égalité des hommes et des femmes, et, moi, je vous cite des avis du Conseil du statut de la femme, je vous cite le plan d'action gouvernemental qui indique...
M. Paquet: M. le Président, M. le Président, question de règlement.
Mme Harel: ...que cette égalité des droits des hommes et des femmes...
Le Président (M. Kelley): Sur une question de...
Mme Harel: ...se réalise dans un contexte qui exige la séparation des sphères politique et religieuse en tant que valeur fondamentale.
Le Président (M. Kelley): Pardon, Mme la députée, il y a une question de règlement à ma droite. Alors, question de règlement, M. le député.
M. Paquet: Oui, M. le Président. M. le Président...
Une voix: M. le Président, on ne peut pas interrompre.
Le Président (M. Kelley): Une question de règlement, on peut interrompre. Notre règlement est conçu comme ça. M. le député.
M. Paquet: Avec tout le respect, avec tout le respect pour ma collègue, elle est en train...
Une voix: ...
M. Paquet: M. le Président, M. le Président, s'il vous plaît, j'ai la parole, je crois.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée, le député de Laval-des-Rapides a demandé une question de règlement, je...
Mme Harel: Il faut que ce soit un règlement, il ne faut pas qu'il veuille plaider lui-même.
Le Président (M. Kelley): Exactement. Non, mais c'est le président qui décide ça.
Une voix: ...
M. Paquet: Elle me prête des intentions, M. le Président, là, elle me prête des intentions, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée, c'est le président qui décide, et je veux écouter le député avant de décider. Il a soulevé une question de règlement, je vais l'entendre.
M. Paquet: Nous sommes présentement à un débat sur la recevabilité ou non de l'amendement qui est proposé par Mme la députée. Elle plaide depuis tout à l'heure à propos de documents qui disent... la Charte des droits ou d'autres documents du Conseil du statut de la femme. Ce n'est pas là-dessus, je crois, M. le Président, avec tout respect, que la jurisprudence des règlements de l'Assemblée nationale, que le règlement va nous permettre de décider si, oui ou non, l'amendement est recevable. Sur le fond des choses, on fera le débat plus tard, s'il y a lieu, mais, pour le moment, je vous inviterais à rappeler à tous les membres de la commission, parce que nous sommes tous concernés, que nous en sommes présentement à un débat sur la recevabilité ou non de la proposition d'amendement de Mme la députée.
n(17 h 50)nLe Président (M. Kelley): C'est ce que le président a fait. Alors, merci beaucoup, M. le député. Alors, je demande à Mme la députée de conclure votre plaidoyer, s'il vous plaît...
Mme Harel: Oui. Alors, monsieur...
Le Président (M. Kelley): ...tout en rappelant que le débat, c'est sur la question de l'insertion de votre proposition à l'intérieur du projet de loi n° 63 et sa recevabilité. Le bien-fondé au niveau des idées est pour un autre débat.
Mme Harel: Pas du tout, M. le Président. La recevabilité, c'est sur le fond, et, sur le fond, la question est la suivante: Est-ce que l'égalité...
Le Président (M. Kelley): Avec tout le respect, non.
Mme Harel: Bien, oui.
Le Président (M. Kelley): Non, mais...
Mme Harel: La question est la suivante: Est-ce que l'égalité de droit entre les hommes et les femmes suppose séparation des sphères politique et religieuse? C'est ce que dit la politique gouvernementale, et c'est ce qu'elle dit qu'il faut réaffirmer. C'est ce que dit le Conseil du statut de la femme. C'est le Conseil du statut de la femme qui est lui-même à l'origine de ce projet de loi sur l'égalité des droits des hommes et des femmes, et c'est cet avis qui, M. le Président, est à l'origine de ce qui nous réunit aujourd'hui et qui justement associe la séparation de l'État et de la religion comme étant un des fondements qui favorisent l'égalité des droits entre les hommes et les femmes.
Le Président (M. Kelley): Parfait. D'autres commentaires sur la recevabilité? M. le député d'Orford, suivi par le député de Lac-Saint-Jean.
M. Reid: J'aimerais effectivement m'en tenir essentiellement à la recevabilité. J'ai vu, dans ma carrière, toutes sortes de règlements, que ce soit le code Morin, quand j'étais jeune, ou les règlements dans les conseils d'administration, pour essayer d'encadrer des débats, et j'ai beaucoup d'admiration pour les règlements parlementaires québécois. Et notamment ce que j'ai compris, c'est que, quand on travaille, on avance, on étudie sur un projet de loi, il n'est pas permis, dans nos règles, de dénaturer ce projet de loi en lui faisant faire autre chose à la dernière minute. Et pourquoi il y a des règles comme ça? Bien, c'est parce que justement c'est très dangereux de légiférer en plein vol, vers la fin d'un projet de loi. Et je pense que nos règles ne permettent pas de faire ça, M. le Président, et ce sera à vous évidemment de voir si c'est bien ce qu'on essaie de faire.
Mais ma compréhension, c'est qu'à l'heure actuelle on amène quelque chose qui sort carrément du projet de loi tel qu'on a étudié. Ce sont des choses qui sont arrivées, qui ont été mentionnées parfois par certaines personnes. À aucun moment on n'a eu comme objectif dans nos débats, pendant toutes les 30 personnes qu'on a rencontrées et ce qu'on a discuté, de regarder les autres aspects qui sont amenés ici, comme par exemple la question de la religion. C'est quelque chose qui, tout en ayant été discuté, n'a jamais été l'objet de ce projet de loi. Et il me semble que nos règlements ont cette sagesse de faire en sorte qu'on ne puisse pas, à la dernière minute, arriver en plein vol, là, puis de légiférer sur des choses qu'après ça on pourra regretter, surtout sur des questions importantes. Et là, quand on parle de la laïcité, quand on parle de la langue française, ce sont des questions extraordinairement importantes. Et je répète, M. le Président, extraordinairement importantes. Donc, c'est d'autant plus important ? et c'est vous qui devrez le juger ? d'appliquer nos règlements, qui disent qu'on ne va pas dénaturer un projet de loi et sortir des cadres d'un projet de loi à la dernière minute, parce que c'est ce qu'il y a de plus dangereux quand on légifère.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Oui, M. le Président. Si vous me permettez, d'abord remarquer que le député d'Orford, dans sa première intervention, il a dit qu'il y avait un lien direct avec notre proposition, avec le projet de loi. Mais, ceci dit, je vais m'en tenir à des arguments juridiques, puis on va replacer le débat.
Article 244, M. le Président: «La commission saisie étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet.» Bon, jusque-là, ça va. «Les amendements ? ce qu'on apporte ? doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise.» L'article 197: «Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à l'encontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à remplacer des mots.» Nous, on ajoute. M. le Président, la question en cause est donc de savoir si l'amendement proposé est conforme.
Maintenant, je vais vous soumettre quelques décisions. Première décision, une décision du 18 mai 1988, 197/7, une décision de M. Claude Trudel: «Le mot "principe" ? M. le Président, et je le cite ? possède plusieurs synonymes.» Alors, quels sont ces synonymes? Son objet, l'objectif, les sujets, le but, la fin, la finalité et l'intention du législateur. Alors, il y a plusieurs choses là-dedans: son objet, son objectif, son but, sa fin et sa finalité. «Le titre d'un projet de loi ne permet pas d'identifier le principe[...]. Il ne faut pas confondre identification...» Bon, première décision.
Deuxième décision, M. le Président, M. Claude Dauphin, 197/11: «Les [modalités] de fond à un préambule sont donc irrecevables à moins qu'elles ne paraissent nécessaires pour préciser le texte du projet de loi modifié ou à des fins d'uniformité.» Alors, on souhaite préciser.
M. le Président, autre décision ? que je manque ? où on dit carrément que le doute doit jouer en faveur de...
Une voix: ...
M. Cloutier: Pardon? Troisième, troisième. Ce ne sera pas long, M. le Président, je vous la trouve.
Une voix: 13 juin 1986.
M. Cloutier: Ah oui! une décision du... Mes documents ne sont pas brochés dans l'ordre, je m'excuse. 197/6, une décision du 13 juin 1986, de M. Jean-Guy Lemieux: «Dans le cas présent, la présidence a un doute ? a un doute, M. le Président ? quant au principe de l'article 5 du projet de loi. [...]La présidence estime que ce doute doit jouer en faveur du motionnaire et juge donc recevable la motion d'amendement.» Alors, en cas d'ambiguïté, lorsqu'on est dans les zones grises, bien c'est le demandeur, celui qui propose l'amendement, à qui vous devriez accorder le doute.
Maintenant, M. le Président, ce qu'il faut retenir de ces décisions-là, c'est qu'il faut se tourner vers l'objet, vers l'esprit de la loi. Alors, c'est ce que ma collègue a essayé de faire tout à l'heure en vous indiquant quel était l'esprit du projet de loi n° 63, en faisant référence aux valeurs fondamentales exprimées par le premier ministre du Québec. C'est ce que Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a souhaité plaider tout à l'heure.
Alors, si vous me permettez, M. le Président, pour respecter la décision de M. Claude Trudel lorsqu'il nous demande de s'en tenir à l'objet et à l'objectif, bien je vais aussi rappeler les propos, il me semble, fort pertinents de la ministre lorsqu'elle nous a présenté le projet de loi n° 63 et lorsqu'elle-même nous dit que le projet de loi concerne et l'égalité entre les hommes et les femmes, et là je la cite: «...ainsi que [...] les questions liées à la liberté de religion.» M. le Président, c'est le jour 1 de notre commission, le 12 février 2008, et là c'est entre guillemets, là, ce que je viens de vous dire: «...la reconnaissance du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que sur les questions liées à la liberté de religion. Le gouvernement veut que les élus du peuple puissent jouer un rôle de premier plan dans la définition des valeurs fondamentales ? la définition des valeurs fondamentales ? de la société québécoise eu égard aux préoccupations modernes des citoyens.» M. le Président, avec respect, il m'apparaît assez évident que ça s'inscrit dans l'objet et le but du projet de loi n° 63.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, avec respect, je vais différer d'opinion de mes collègues qui ont parlé précédemment, enfin du collègue député de Lac-Saint-Jean, parce que la proposition d'amendement qui est présentée par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve parle d'ajouter un autre principe que celui de l'égalité des droits des hommes et des femmes tel qu'il est stipulé dans l'article 1 qui est proposé dans le projet de loi. C'est clair dans le préambule du projet de loi, c'est clair à l'article 1 et à l'article 2 du projet de loi.
Or, ils proposent d'ajouter l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion. C'est un principe intéressant, là, mais la question, c'est qu'on ne fait pas ça sur le coin d'une table, dans le contexte d'ajouter ça dans un projet de loi qui ne porte pas là-dessus. Là, on dénature ici ce qui l'objet du projet de loi, indépendamment, là, du fond de la question.
Et je vais aussi référer à la jurisprudence, parce que c'est important, c'est là-dessus que vous vous baserez, M. le Président. Tout à l'heure, le député de Lac-Saint-Jean a rappelé l'article 244 du règlement. Il a dit lui-même: Il est clair. C'est vrai qu'il était clair, parce qu'il dit: «La commission saisie étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet. Les amendements doivent ? et c'est bien important; doivent ? se rapporter à son objet.» Et l'objet, M. le Président, c'est l'égalité de droit entre... l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est ça, l'objet du projet de loi. C'est clair dans le préambule du texte du projet de loi ? je vous en épargne la lecture parce que vous l'avez devant vous, vous le connaissez ? c'est clair dans l'article 1 du projet de loi, c'est clair dans l'article 2 du projet de loi, M. le Président. Et donc, lorsqu'on considérerait la motion d'amendement qui est proposée, on va à l'encontre du projet de loi, qui est bien stipulé, qui est très clair.
Mon collègue député de Lac-Saint-Jean a cité la décision 197/7 du Recueil de décisions, hein, qui avait été donnée par M. Claude Trudel à l'époque, qui était président d'une des commissions, mais il a oublié, il a omis, il n'avait peut-être pas lu le deuxième paragraphe de la décision, et c'est important de le préciser, parce que le premier paragraphe est une chose, mais il y a le deuxième qui précise l'objet de la décision de M. Trudel. Je vous le lis: «Les motions d'amendement présentées par le ministre ne visent qu'à transférer ? là, il y a un cas précis; qu'à transférer ? un pouvoir exercé jusque-là par la Régie des services publics à un autre organisme. Ces dispositions n'ont aucunement pour effet de modifier les pouvoirs qui font l'objet [du] transfert. Ils ne visent qu'à changer le titulaire d'un pouvoir et non pas à créer de nouveaux pouvoirs.» Et l'important est là: «Il s'agit donc d'amendements de concordance qui ne vont pas à l'encontre du principe du projet de loi n° 110.» C'était la décision à ce moment-là.
Or, je soumets respectueusement, M. le Président, que la proposition d'amendement de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve n'est pas de la concordance, c'est un objet complètement autre. Et, dans la décision qui était citée tout à l'heure par mon collègue, bien il n'avait peut-être pas réalisé que la décision était très bien balisée, parce qu'elle parlait sur des amendements de concordance.
Mon collègue a aussi fait allusion au fait que... Il dit: Écoutez, lors de la consultation sur le projet de loi n° 63, la ministre a pu faire référence au débat plus large, mais, lorsque les gens ont été convoqués et des mémoires ont été appelés pour être présentés à la commission ou déposés à la commission, je me permets de vous citer ce qu'il y a sur le site Web, le site Internet de l'Assemblée nationale...
n(18 heures)nLe Président (M. Kelley): M. le député, je dois vous interrompre ? c'est maintenant 18 heures ? compte tenant de l'heure. Et il y a une demande d'intervention de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Si vous pouvez retenir ces arguments, on va revenir à 20 heures et on va continuer notre discussion sur la recevabilité de l'amendement proposé par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Sur ce, je suspends nos travaux jusqu'à 20 heures, ce soir. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, mesdames et messieurs. La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Nous étions rendus au débat entourant la recevabilité de l'amendement proposé par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Au moment de notre suspension, le droit de parole était au député de Laval-des-Rapides. Ensuite, j'avais une demande d'intervention faite par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, M. le député, la parole est à vous sur la question de recevabilité.
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, effectivement, juste avant de quitter... Je prendrai quelques minutes d'abord pour rappeler où est-ce que j'en étais. Nous sommes effectivement à l'article 1 du projet de loi n° 63. Permettez-moi de lire le coeur de l'article qui dit:
«Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix.» Et le préambule du projet de loi, parce qu'il faut bien situer sur quoi il porte, hein, disait en note explicative... pas le préambule du projet de loi, mais la note explicative dit bien: «Ce projet de loi modifie la Charte des droits et libertés de la personne afin d'affirmer expressément que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» C'est l'importance, là, du projet de loi.
Alors, comme je le rappelais... Et même mon collègue député de Lac-Saint-Jean, bien que nous n'ayons pas la même opinion sur la recevabilité, référait à l'article 244 du règlement, qui est clair, et je prends ses mots, c'est très clair:
«La commission saisie ? soit l'article 244 ? étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet. Les amendements ? et je souligne; les amendements ? doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise.» Alors, effectivement... Et je vous ai lu il y a quelques instants l'article 1, sur lequel la proposition d'amendement est faite, je vous ai lu les notes explicatives du projet de loi, et c'est très, très clair que l'objectif, l'objet visé et l'esprit du projet de loi, mais rien d'autre, mais c'est... Et surtout, c'est important, ce n'est pas le minimiser, c'est de mettre dans la charte, dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne... d'inscrire l'alinéa qui dans le fond affirme l'égalité des droits et libertés qui serait garantie aux femmes et aux hommes. C'est vraiment l'objet du projet de loi et ce n'est rien d'autre, mais ce n'est pas pour le minimiser quand je dis ça, là, parce que c'est un élément important.
Préparer un tel projet de loi, il y a eu des consultations, il y a eu 30 mémoires de déposés, et, lorsque les gens ont été convoqués ? et j'étais là cet après-midi; lorsque les gens ont été convoqués ? pour préparer des mémoires, faire des présentations à la consultation sur le projet de loi n° 63, ils étaient invités sur le projet de loi n° 63. D'ailleurs, sur la page du site Internet de la Commission des affaires sociales ? que vous avez l'honneur de présider, M. le Président, et que nous avons le privilège de vous avoir comme président ? lorsqu'on parle des mémoires déposés lors de la consultation générale sur le projet de loi n° 63...
Et c'était une consultation générale, c'est important de le mentionner, ce n'était pas juste qu'on a choisi... Puis des fois c'est important, parfois on peut dire, sur un sujet: On identifie un certain nombre de groupes qu'on souhaite entendre sur un projet de loi; dans d'autres cas, on fait une consultation générale. Générale: tout individu, toute personne, tout groupe au Québec pouvait, était invité à participer, s'il le souhaitait ou elle le souhaitait, à la commission pour discuter du projet de loi n° 63. Et le site Internet de la commission le mentionne: «En vertu d'une motion adoptée par l'Assemblée nationale ? une motion de l'Assemblée nationale, c'est important, là, ça vient d'un ordre de la Chambre ? le mercredi 19 décembre 2007, la Commission des affaires sociales est chargée de tenir des auditions publiques à compter du 12 février 2008 dans le cadre d'une consultation générale portant sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.» Et 30 mémoires ont été soumis à la commission, 27 groupes ont été entendus. Mais, lorsqu'ils ont été invités, ils ont été invités pour parler du projet de loi n° 63 et effectivement de la disposition qui est le coeur, l'essence du projet de loi, celle de l'égalité des femmes et des hommes.
C'est important de le mentionner parce que tout à l'heure, respectueusement, mon collègue député de Saint-Jean... du Lac-Saint-Jean, pardon, excusez-moi, du Lac-Saint-Jean, avait mentionné, a dit: Écoutez, oui, mais, lors de la consultation, on a pu discuter d'autres choses ? la ministre y a fait allusion ? qui sont périphériques. Effectivement, lorsque les gens viennent en commission présenter leurs argumentations, ils se rattachent au projet de loi, mais ils peuvent exprimer d'autres opinions sur autres choses. Mais un tas de gens... Si on avait parlé d'autres droits, ça peut être important d'en parler, là, mais, dans un autre contexte, dans un autre projet de loi, on aurait pu le faire. On aurait pu inviter les gens, on aurait dû à ce moment-là par respect pour nos concitoyens.
Parce que, comme je le disais plus tôt cet après-midi, écrire ou modifier la Charte des droits et libertés, qui est une loi, et j'emploie les mots du député de Mercier et du député du Lac-Saint-Jean, quasi constitutionnelle, hein, qui a un rôle de hiérarchie, on n'écrit pas ça sur le coin d'une table. On ne peut pas amender ça en écrivant à la main, avec tout... respectueusement, là, rapidement, un amendement ou un deuxième amendement proposé parce que le premier était écrit trop rapidement, n'était pas adéquat.
On en a eu la preuve, et vous avez été témoin, M. le Président, cet après-midi, comme les gens qui nous écoutent, comme mes concitoyens, les concitoyens que nous représentons, le député du Lac-Saint-Jean faisait référence à la jurisprudence, à l'article... à la décision 197/7, hein, bien sûr qui avait été prise en commission, et, dans cette décision... M. le Président, vous vous rappelez, le député a fait référence à une partie de la décision du président Claude Trudel, du 18 mai 1988, mais il n'avait peut-être pas lu, il n'avait pas eu le temps de voir la deuxième partie de l'article 197/7. Cette décision était contextualisée ? et c'est très important de le préciser, M. le Président; était contextualisée ? en disant qu'il s'agit donc d'amendements de concordance qui ne vont pas à l'encontre du principe du projet de loi qui était à l'étude à l'époque, le projet de loi n° 110. Donc, M. le Président, effectivement, la décision 197/7 vient effectivement, je crois, appuyer l'argumentation que je soutiens.
n(20 h 10)n Mon collègue député du Lac-Saint-Jean a aussi fait valoir, et je l'écoutais très bien cet après-midi, l'article 197/11 référant au président Claude Dauphin. Alors, j'ai été voir l'article 197/11, c'est important. Dans l'article 197/11, il faut préciser... il faut faire attention, on parle d'amendement à un préambule. Là, il y a deux contextes de préambule bien sûr, mais je crois qu'ils s'appliquent mutatis mutandis, comme disent les avocats, alors dans le sens suivant.
Dans la décision du président Claude Dauphin, le 17 juin 1991, décision n° 197/11, on fait référence à un amendement proposé et un préambule d'un projet de loi. Dans ce cas-ci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve nous propose un amendement à un article du projet de loi relativement au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne. Mais je crois que, nonobstant de cette nuance, il y a deux notions de préambule, là. La décision, c'est là-dessus qu'il faut vérifier qu'est-ce que ça représente. Bien, à cet égard-là, le président Dauphin avait dit que la motion d'amendement sur le préambule était irrecevable. C'était la décision du président Dauphin. Et pourquoi? Il disait qu'une modification de forme au préambule afin de clarifier les amendements au projet de loi serait recevable si elle était de forme.
Dans le cas présent, dans le contexte de la décision du 17 juin 1991, il s'agit d'une modification de fond, puisqu'il était proposé de biffer certains considérants du préambule. Alors, dans ce cas-ci, on parlait de biffer des considérants d'un préambule. Le président Dauphin, dans sa sagesse, il avait dit: Écoutez, c'est une modification de fond qui est proposée et, comme ça va contre le principe et le concept du projet de loi, donc c'est irrecevable. Dans ce cas-ci, évidemment, on propose non pas de biffer, mais d'ajouter un considérant au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne. Mais, dans le même contexte, M. le Président, je soumets respectueusement qu'on modifie le fond, puisqu'on propose d'ajouter le concept de «considérant l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion» dans un projet de loi qui porte sur l'égalité des femmes et des hommes. Le fond de la question, on pourrait en discuter dans un autre contexte, mais ça aurait dû être, à ce moment-là, un autre projet de loi. Il y aurait dû avoir, à ce moment-là, des consultations générales, s'il y avait eu lieu.
Permettez-moi de vous référer maintenant à la décision 244/14, à laquelle mon collègue député du Lac-Saint-Jean n'avait pas vu, mais, je pense, c'est important de la mettre dans le contexte. C'était à la Commission de l'éducation et du travail, le président Lawrence Cannon, lors de l'étude détaillée, avait eu une décision à prendre, à savoir: «Quels sont les critères par lesquels le président jugera de la recevabilité des motions d'amendement présentées par le ministre?» Là, on voit effectivement, là, que tout député, incluant la ministre... Si la ministre avait voulu présenter la motion de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, elle aussi aurait présenté une motion irrecevable, selon mon argumentation et selon la jurisprudence, M. le Président. La décision du président Cannon était la suivante: «Le président entend juger la recevabilité des motions d'amendement selon les critères suivants: en vertu de l'article 244 du règlement, les amendements doivent, dans tous les cas, se rapporter à l'objet [...] de loi et être conforme à son esprit et à la fin qu'il vise.» L'objet, la fin visée par le projet de loi n° 63, elle est claire dans le préambule du projet de loi, elle est claire à l'article 1, c'est l'égalité des femmes et des hommes. C'est l'objet, c'est l'esprit, c'est la lettre du projet de loi que nous avons à considérer aujourd'hui en étude détaillée. Encore une fois... Et la décision qui va vous appartenir sera de juger ? et ce que je soumets respectueusement ? que l'amendement proposé par notre collègue Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est malheureusement irrecevable sur ce point-là.
En terminant, il y a un dernier élément que M. le député de Lac-Saint-Jean a fait valoir cet après-midi, c'est à savoir qu'il y avait une décision, 197/6, du 13 juin 1986, par le président Jean-Guy Lemieux, qui disait: «Dans le cas présent, la présidence a un doute.» Alors, si la présidence avait un doute... Là, il argumentait que «la présidence estime que ce doute doit jouer en faveur du motionnaire et [juger] recevable la motion d'amendement». Or, M. le Président, je crois que la démonstration que je viens de faire rigoureusement, en tout respect pour mes collègues ? et c'est important de le faire dans ce contexte-là, c'est très constructif ? bien la démonstration que je viens de faire est très claire: l'objet, l'esprit, la lettre du projet de loi que nous avons devant nous est on ne peut plus clair, autant dans le titre, dans le préambule que dans l'article n° 1, c'est l'égalité des femmes et des hommes. Pour cette raison, je soumets, M. le Président, à votre considération qu'il n'y a aucun doute à avoir et, pour cette raison, je vous suggère et je souhaite que l'amendement soit jugé irrecevable. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Donc, première remarque, M. le Président, contrairement à ce qu'a affirmé le député de Laval-des-Rapides, il fut question en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi, en février dernier, d'un éventail très élargi de questions. J'ai ici un tableau de l'ensemble des questions qui ont été traitées par tous les différents intervenants. 30 mémoires ont été déposés, comme vous le savez, devant la commission.
Alors, il a été à la fois question d'instruments internationaux. Beaucoup de mémoires ont parlé de la nécessité d'introduire dans le préambule de la charte québécoise des droits et libertés les instruments... les conventions internationales déjà signées et qui viennent en fait confirmer les droits qui se retrouvent dans la charte. Il a été aussi beaucoup question des droits économiques et sociaux. Là, le député semblait nous laisser entendre que le débat avait été très restreint. Non. Les droits économiques et sociaux ? nous y reviendrons d'ailleurs ce soir, M. le Président ? ont été très largement discutés lors de cette commission parlementaire. Il a été question aussi des autres valeurs. Je pense en particulier au Mouvement laïque québécois, qui a été entendu en commission parlementaire et qui a demandé que l'on introduise diverses dispositions concernant justement cette séparation entre l'État et la religion. En fait, il a été question aussi des clauses d'interprétation. Il y avait tout un débat à savoir: Est-ce que, telle que rédigée, la clause dite de garantie, qui est analogue à celle qu'on retrouve dans la Charte canadienne des droits, a la même portée qu'une clause interprétative, qui pourrait avoir en fait plus de mordant? Il a été question de tout ça en commission parlementaire.
Mais je voudrais rappeler d'abord que, quand on parle du principe d'un projet de loi, les synonymes du principe de projet de loi, tel que la jurisprudence des décisions déjà prises l'indique, c'est synonyme d'«objet», «objectif», «sujet», «but», «fin», «finalité», et «intention du législateur». Ça, c'est très important, l'intention du législateur.
Je relisais la lettre du Barreau, qui, après être venu en commission parlementaire, offrait son appui, puis demandait aussi l'introduction des droits économiques et le renforcement des droits économiques et sociaux, et, justement à cet égard, disait ceci ? je cite le Barreau, M. le Président, pour vous montrer à quel point l'intention du législateur... et c'est ce qui est déterminant, et je reviendrai ensuite à l'énoncé de l'intention du législateur, dans les propos que la ministre de la Condition féminine a tenus ? alors le Barreau dit: «Il n'est évidemment pas possible pour le Barreau de fournir une garantie quant à l'interprétation que les tribunaux pourront donner aux nouvelles dispositions. Ces derniers ? référant aux tribunaux ? pourraient cependant tenir compte de déclarations ministérielles [...] figurant au Journal des débats.» Vous voyez comment c'est important, les déclarations ministérielles qui figurent au Journal des débats, parce qu'elles représentent l'intention du législateur.
Alors, je voudrais à cet effet vous rappeler les intentions ministérielles qui ont été énoncées à l'ouverture de la commission parlementaire. C'était une commission qui se voulait une consultation générale. Alors, je cite la ministre: «Le dépôt du projet de loi n° 63 représente [...] un acte démocratique. En ramenant la question à l'Assemblée nationale, le gouvernement permet aussi aux parlementaires de prendre leur place dans le débat que suscite la reconnaissance du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que sur les questions liées à la liberté de religion. Le gouvernement ? ça, c'est en commission parlementaire, c'est, je pense, le 12 février; alors donc la ministre ajoute; le gouvernement ? veut que les élus du peuple puissent jouer un rôle de premier plan dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise eu égard aux préoccupations modernes des citoyens.» Alors, vous voyez bien.
n(20 h 20)n Et je comprends pourquoi la ministre a fait cela, M. le Président, parce que la question de la séparation de l'Église et... de l'État et de la religion peut dans le fond avoir un lien très apparenté avec celui de l'égalité des droits et des hommes... l'égalité des droits des femmes et des hommes, parce qu'on sait que les droits s'interprètent les uns par rapport aux autres. Alors, on sait qu'on peut aborder la question de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes et qu'il puisse être possible que ça passe aussi, le renforcement de ces droits à l'égalité, par la séparation de l'État et de la religion. En fait, c'est ce qu'a plaidé, je le soumets respectueusement, le Conseil du statut de la femme dans l'avis qui a été produit à cet égard et qui nous rappelle qu'«une interprétation de la liberté de religion sans égard à ses effets sur l'égalité entre les femmes et les hommes fragilise ce droit acquis chèrement et nécessite la vigilance de tous les acteurs». Alors, on voit bien les liens qui s'interpénètrent et on voit aussi, M. le Président, qu'en ces matières les droits s'interprètent les uns par rapport aux autres.
Ce que je voudrais, en terminant, vous dire, M. le Président, c'est qu'il est quand même assez surprenant que des députés ministériels, en l'occurrence le député de Laval-des-Rapides, mais qui semblent parler avec autorité, ne veuillent pas disposer de cette question. S'il est en désaccord, il aura simplement, M. le Président, à procéder après le vote que vous allez appeler, il pourra le faire. Bon. Est-ce que c'est parce qu'il ne veut pas avoir dans le fond à se contredire lui-même, lui qui a voté pour la motion qui préconisait l'affirmation de trois valeurs fondamentales? Auquel cas il serait obligé dans le fond de se dédire ou de dédire son premier ministre qui, dans sa déclaration ministérielle, avait affirmé la cohésion sociale à partir de ces trois valeurs fondamentales.
Alors, pourquoi cette impétuosité à empêcher qu'on en discute, M. le Président? Sans doute pour ne pas avoir à disposer de ce qui devrait normalement avoir fait un débat éclairé, j'en conviens, qui peut donner lieu à des positions différentes ultimement. Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi refuser le débat? Sans doute, M. le Président, parce qu'au bout du compte le député craint d'avoir à voter contre la séparation de l'État et de la religion, donc d'avoir à se dédire.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée, je vous invite à une très grande prudence de prêter les intentions. On est sur un débat de recevabilité...
Mme Harel: Mais quels sont les autres motifs?
Le Président (M. Kelley): ...et je vous... La réglementation... Le règlement est clair: on ne peut pas prêter les intentions à un autre membre de l'Assemblée.
Mme Harel: En fait, M. le Président, ce qui est clair, là, c'est qu'à tous égards refuser, c'est de considérer cet amendement comme étant associé finalement à cet objectif recherché, à cette finalité recherchée de renforcer l'égalité de droit entre les hommes et les femmes, c'est comme considérer qu'il s'agit d'un concept abstrait. C'est comme si cette égalité de droit, là, était une abstraction qui n'est pas incarnée dans la réalité d'une société. L'égalité de droit entre des hommes et des femmes pourrait rester de l'abstraction pure si elle ne venait pas se réaliser, M. le Président, dans la vie quotidienne par justement une égalité de fait qui est soutenue, qui est supportée par d'autres dispositions.
Alors, nous, on propose justement que... Ces autres dispositions dont le Conseil du statut dit qu'elles pourraient, le cas échéant, fragiliser l'égalité des droits, nous, on propose qu'elles soient introduites et on pense que ça va tout simplement souscrire aux propos que le premier ministre tenait en Chambre. Alors, pourquoi refuser de faire ce que la motion adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale, la déclaration ministérielle du premier ministre, la publicité qui est publiée dans tous les quotidiens... Pourquoi refuser de faire ce que le gouvernement prétend vouloir faire? Alors, on lui donne... on lui dit: Bon, bien, on va procéder, on va vous donner... on vous donne raison, on est d'accord avec vous, on pense qu'il doit y avoir un message clair qui est envoyé à tous nos concitoyens, qu'ils soient d'origine immigrante ou pas, là, ce message aurait besoin d'être lancé à tous les Québécois, quelle que soit leur origine. On va donner suite en fait à cette motion, à ces déclarations, à ces bonnes intentions, puis on va traduire les bonnes intentions en législation. C'est ça qu'on propose, M. le Président, tout simplement.
Le Président (M. Kelley): Merci. Il me reste deux demandes d'intervention, une de chaque côté de la table. Je propose: je vais entendre ces dernières deux interventions, et je vais prendre en délibéré la question. Alors, M. le député de Laval-des-Rapides, suivi par M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, pour compléter, je ne répéterai pas les points que j'ai soulevés tout à l'heure, ils sont enregistrés, mais quelques points complémentaires suite aux suggestions de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous savez, le projet de loi n° 63, lorsque la consultation générale a été faite, l'invitation a été lancée à des gens pour parler de ce qu'il y avait dans le projet de loi n° 63. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve suggère que, parmi les gens qui sont venus, certains ? elle a dit «beaucoup», il faudrait voir c'est quoi, le beaucoup, là, on ne débattra pas de cela; mais certains ? ont suggéré d'autres éléments. Ils avaient le droit de le faire, là, on appelle ça la liberté d'expression. Mais elle ne peut pas malheureusement nous rendre témoignage de tous les groupes, toutes les personnes qui se seraient présentées à la commission parlementaire, lors de l'invitation à une consultation générale, si le projet de loi n° 63 avait porté sur d'autres droits. C'est là l'erreur malheureusement, je crois, dans l'argumentation par rapport à la jurisprudence, là. Encore une fois, c'est là parce qu'on aurait dû être plus... on aurait dû parler... inviter les gens à venir témoigner, faire leurs représentations sur les autres aspects dont parle la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et les députés du deuxième groupe d'opposition. D'ailleurs, ils nous ont dit tout à l'heure qu'ils en auront d'autres, d'autres types de droits.
L'autre élément, M. le Président, l'amendement qui est proposé par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est beaucoup plus large même que l'interprétation qu'elle en donne, et la question, ce n'est pas sur le sens de la séparation de l'État et de la religion, qui a été adoptée par la motion unanime, hein, unanimement par l'Assemblée nationale la semaine dernière. La question qui se pose, c'est le moyen, d'une part: Est-ce qu'on doit le mettre dans la charte ou est-ce qu'on doit le faire autrement? C'est une autre question. C'est un débat qu'on peut faire. Mais, M. le Président, par respect pour l'institution, par respect pour l'Assemblée nationale, on ne peut pas faire fi des règles, hein, qui décrètent la façon dont on conduit nos débats, par respect pour les gens que nous représentons, ceux qui sont venus témoigner et ceux qui seraient venus, ou même ceux qui sont venus qui auraient parlé de d'autres éléments si le projet de loi avait porté sur d'autres objets. Alors, ce n'est pas le cas, M. le Président. Alors donc, je crois que...
Et, les propositions qui sont faites, l'argumentation de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et de ses collègues malheureusement va à l'encontre même de la décision qu'ils évoquaient dans la jurisprudence, parce qu'ils modifient vraiment... ils élargissent, ils vont beaucoup... Et ils changent le sujet, ils ajoutent des sujets qui ne font pas partie de l'objet et de l'esprit du projet de loi n° 63. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci, M. le député. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Oui, M. le Président. Je pense que, pour ceux qui nous écoutent, là, c'est important de replacer ce qui est en train de se passer ici, à cette commission. Notre formation politique propose un amendement au préambule de la charte québécoise des droits et libertés pour qu'on y inclue la laïcité des institutions publiques. Alors là, nous, ce qu'on souhaite, c'est de débattre sur le fond des choses, et ce que je comprends, c'est que vous n'êtes même pas prêts à en débattre.
Avec égard, M. le Président, le député de Laval-des-Rapides a laissé entendre que j'avais sciemment scindé en deux...
Une voix: ...
M. Cloutier: Non? Pardon. Bon, bien, très bien, alors, pour les fins de ceux qui nous écoutent, l'article 187, ça me fait tout à fait plaisir de susciter la totalité de la décision, incluant le deuxième paragraphe auquel vous faites référence, et vous avez mis l'accent sur: Il s'agit donc d'amendement de concordance. Donc, il faut qu'il y ait une concordance avec l'article 224, chose que je partage entièrement avec vous. Puis je vous rappelle la définition: le fait d'être semblable ou analogue. Alors, il s'agit de rattacher à l'objet de la loi.
Une fois que j'ai dit ça, M. le Président, c'est assez incroyable d'entendre le député de Laval-des-Rapides citer le site Internet du ministère lorsque, nous, on fait référence...
Des voix: ...
Mme Harel: ...on a laissé parler.
M. Cloutier: M. le Président...
Le Président (M. Kelley): On laisse le député terminer son intervention, s'il vous plaît.
n(20 h 30)nM. Cloutier: Alors, on a fait référence au site Internet, là, c'est ce que j'ai compris, où on indiquait les... on donnait des indications aux gens qui voulaient venir intervenir, alors que, nous, M. le Président, on fait référence aux propos de la ministre. Ce sont des propos qui sont travaillés, qui sont planifiés, et ils savent pertinemment qu'est-ce qu'ils vont annoncer à la population et aux parlementaires, ma collègue l'a parlé, et c'est très clair: la reconnaissance du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que sur les questions liées à la liberté de religion. L'amendement qu'on amène est lié à la laïcité des institutions publiques. Ça m'apparaît drôlement être en concordance justement avec les indications que la ministre nous avait données.
Alors, M. le Président, il faut aussi que je rappelle les propos du Conseil du statut de la femme, puis là ce n'est pas notre formation politique, là, qui amène ça comme ça sur la glace, sans avoir eu des instructions de ce qu'on a entendu durant la commission. Je vais citer ce qui s'est produit. Alors, j'ai posé... Permettez-moi, M. le Président, de relire la discussion que nous avons eue. Alors, j'ai demandé: «Vous avez quand même une phrase magnifique dans votre livre, permettez-moi de vous citer: "La primauté de la langue française, la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes se trouvent à la base du vivre-ensemble qui assure la cohésion sociale au bénéfice de la protection des droits humains".» Mme Pelchat: «Alors, c'est moi-même qui [a] écrit ça.» Alors, je demande: «Est-ce que vous croyez également à la bonification des deux autres valeurs que vous énoncez dans cette phrase?» Et elle répond: «Certainement sur la laïcité.» M. le Président, ce sont les débats que nous avons eus durant la commission parlementaire, ça m'apparaît être conforme avec les indications de la ministre et ça m'apparaît être conforme également avec les débats que nous avons eus. Puis, sur les articles qu'on invoque, effectivement sur les articles 224, nous, on pense que ça se rattache à l'objet de la loi. Les députés du gouvernement pensent autrement, mais, avec respect, M. le Président, ça nous apparaît assez évident que ça reflète l'objet principal de la loi débattue aujourd'hui.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Ça met fin au débat sur la recevabilité. Je propose qu'on va suspendre nos travaux pour une vingtaine de minutes, et je vais prendre ça en délibéré avec la table. Merci beaucoup. À tantôt!
(Suspension de la séance à 20 h 31)
(Reprise à 20 h 52)
Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Le président est prêt à rendre sa décision sur la recevabilité de la motion d'amendement présentée par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. L'amendement propose d'insérer, à l'article 1 du projet de loi, l'alinéa qui suit: «Considérant l'importance de préserver la séparation entre l'État et la religion.» Dans un premier temps, je veux... je vais me prononcer sur la question de la recevabilité de l'amendement quant à la forme de sa rédaction, tel que soulevé par le député de Laval-des-Rapides. Il est bien établi qu'un amendement à un article de projet de loi doit référer à cet article et non à l'article tel que libellé dans la loi originale. De plus, un amendement, une fois présenté, est étudié avant l'article visé par celui-ci. Par conséquent, la rédaction de l'amendement est conforme.
Passons maintenant à la question de la recevabilité au niveau du fond de l'amendement. Selon l'article 197 du règlement et la jurisprudence parlementaire, un amendement doit concerner le même sujet que la motion et ne peut aller à l'encontre de son principe ou en introduire un nouveau. En l'espèce, le principe du projet de loi vise à affirmer que les droits et libertés énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne sont garantis également aux femmes et aux hommes. Or, la motion d'amendement introduit un nouveau principe au projet de loi à l'étude, soit la séparation entre l'État et la religion.
De plus, le débat sur l'adoption de principe terminé, le projet de loi est déféré en commission pour qu'elle fasse étude détaillée. La commission est cependant liée par la décision de l'Assemblée, puisque l'étude des articles de projet de loi doit se faire en conformité avec, le cas échéant, le ou les principes de projet de loi qui ont été adoptés par l'Assemblée. Les notes explicatives, bien qu'on puisse s'en inspirer, ne peuvent à elles seules servir à identifier le principe d'un projet de loi. Le principe est plutôt déterminé en analysant les dispositions qu'il contient.
Cette détermination de principes d'un projet de loi peut parfois être complexe, notamment en raison du nombre de dispositions que peut contenir un projet de loi. Cependant, dans le cas qui nous intéresse, seuls trois articles composent le projet de loi, et son principe est clair. Le projet de loi a un seul principe bien défini, il s'agit de l'affirmation: les droits et libertés énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne sont garantis également aux femmes et aux hommes. Le projet de loi ne vise donc qu'à effectuer une modification à la charte sur un sujet bien précis. Tout amendement qui aurait pour effet d'introduire un principe différent doit donc être déclaré irrecevable.
Quant à l'argument à l'effet que le sujet concerné par l'amendement a été abordé lors de la consultation générale, la présidence ne peut le retenir. En effet, dans une consultation générale, toute personne peut soumettre un mémoire. Ces personnes sont maîtres du contenu de leurs mémoires, et la commission ne peut être subséquemment liée par ceux-ci lors de la présentation des amendements.
La commission est saisie aujourd'hui d'un projet de loi tel que rédigé. En conséquence, je déclare la motion d'amendement irrecevable.
Alors, maintenant, on va poursuivre sur le débat sur l'article 1. Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Oui. J'aimerais... M. le Président, je dois vous dire que je suis déçue de votre décision mais que nous l'acceptons, selon les règles parlementaires. Et je voudrais, si vous me permettez, proposer un amendement, un autre amendement à l'article 1 du projet de loi n° 63. Je vais vous le lire.
Je suggérerais que l'article 1 du projet de loi n° 63 soit modifié par l'insertion, après les mots «de liberté et de la paix», de l'alinéa suivant:
«Considérant la nécessité d'assurer la primauté de la langue française.»Le Président (M. Kelley): Alors, si on peut avoir copie, et on va...
Mme Dionne-Marsolais: Je vous le dépose.
Le Président (M. Kelley): ...suspendre quelques instants et faire les photocopies pour les membres de la commission.
(Suspension de la séance à 20 h 57)
(Reprise à 21 h 6)
Le Président (M. Kelley): On est en train de distribuer les copies de la décision. Nous avons l'amendement qui est proposé par Mme la députée de Rosemont. Avant de commencer le débat sur la question de sa recevabilité, j'imagine, juste s'il y avait question sur le droit de parole des députés du deuxième groupe de l'opposition quant à l'article 1, juste pour votre information: Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste 25 min 30 s; M. le député de Lac-Saint-Jean, il vous reste 26 min 5 s; et, Mme la députée de Rosemont, il vous 27 min 45 s, parce que le premier article comprend deux alinéas, alors deux fois 20 minutes de droit de parole sur la question. Alors, juste pour mettre tout ça à clair.
Maintenant, nous avons la proposition d'un amendement qui est proposé par Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, je propose cet amendement-là dans l'esprit suivant. On sait que la ministre qui nous propose le projet de loi n° 63 est également la ministre responsable de la Charte de la langue française, et donc, à ce titre-là, je pense qu'elle sera sensible à cet amendement. Si je me réfère, comme je l'ai fait un peu plus tôt, à la publicité du premier ministre du Québec, la fin de semaine dernière, et qui faisait état des valeurs fondamentales du Québec, on identifiait bien sûr l'égalité entre les hommes et les femmes, on ajoutait la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion. Or, ces valeurs fondamentales, on les retrouve aussi dans l'avis du Conseil du statut de la femme, dont on a reçu copie le 1er novembre 2007 dernier, et, à la page 6 de cet avis-là qui...
Le Président (M. Kelley): Encore une fois, je vais vous inviter... On peut parler un petit peu du pourquoi de l'amendement, mais la question essentielle à court terme, c'est sa recevabilité. Après ça, nous pouvons embarquer sur le bien-fondé de l'idée. Alors, si vous pouvez lier votre argument à sa recevabilité, s'il vous plaît.
n(21 h 10)nMme Dionne-Marsolais: Oui. Bien, je pense, M. le Président, que cet amendement-là est recevable et je vais faire appel à un certain nombre d'articles, je rappelle l'article 244 de notre règlement, où est-ce qu'on indique que «la commission [...] étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet», et une décision qui a été... dont on a parlé mais que je voudrais rappeler, la décision du 18 mai 1988, la décision 197/7.
Il s'agit ici, M. le Président, de voir dans quelle mesure les publicités, les prises de position de ce gouvernement vis-à-vis le fait français au Québec et vis-à-vis ses valeurs communes... dans quelle mesure on est prêts à vivre avec dans la charte, c'est de ça dont il s'agit. Et c'est pour ça qu'en inscrivant à l'article... dans les considérations à l'article 1, là, dans le préambule de la charte, cette nécessité d'assurer la primauté de la langue française, bien ça consolide une réalité des... Et je crois que ça rejoint l'esprit du projet de loi n° 63 qui est sous nos yeux.
Si on se reporte à la décision du 18 mai 1988, là, du président de la Commission de la culture, on lisait: «Le mot "principe" possède plusieurs synonymes, soit objet, objectif, sujet, but, fin, finalité...» Ces notes-là sont tirées, là, du Recueil de décisions, là, que nous avons tous reçu, qu'on a comme parlementaires. Et il faut évaluer le sens du projet de loi à partir des articles de celui-ci et il est clair, M. le Président, à notre avis que, dans le préambule du projet de loi n° 63... c'est-à-dire de la charte, le préambule que le projet de loi n° 63 veut modifier, la primauté du français fait partie des valeurs fondamentales du Québec. Et je crois, M. le Président, que cet amendement-là est recevable.
Il y a une autre décision aussi dont on a parlé, et c'est celle de Claude Dauphin: «Les modifications de fond [...] sont irrecevables à moins qu'elles ne paraissent nécessaires pour préciser le texte du projet de loi modifié ou à des fin d'uniformité.» Bien, il me semble qu'il est important de préciser le texte de ce projet de loi que nous étudions, parce que, dans notre charte, il devrait y avoir trois valeurs fondamentales, ces trois valeurs qui ont déjà été présentées par le premier ministre, qui ont été présentées aussi par la ministre de la Condition féminine, qui s'adonne à être la même ministre qui est responsable de la loi 101: l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité des institutions publiques et la primauté de la langue française.
Or, le principe de ce projet de loi là, il concerne toutes les valeurs fondamentales des Québécois. Et je pense que, si on se reporte à ce que la ministre elle-même avait mentionné lors des différentes présentations, soit à l'ouverture de la commission qui a fait l'objet de... qui a entendu des intervenants, si on se reporte aussi aux propos de la ministre comme ministre de la Condition féminine, aussi on se rend compte que la primauté du français est importante. Et je crois que... Enfin, je soumets humblement que cet amendement que je propose aujourd'hui devrait être reçu par la commission parce qu'il fait partie de ces valeurs fondamentales et il fait partie en fait du principe de ce projet de loi là également.
Si on veut que les élus jouent vraiment le rôle de premier plan dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise, vraiment, en ce qui a trait aux préoccupations modernes des citoyens, il me semble, M. le Président, qu'il est important aujourd'hui d'inclure dans ce projet de loi n° 63 la primauté du français. On le sait...
Une voix: ...
Le Président (M. Kelley): ...finir l'intervention à Mme la députée de Rosemont. Après ça, ce sera M. le député de Laval-des-Rapides. J'invite Mme la députée de Rosemont de... En conclusion.
Mme Dionne-Marsolais: J'achève, M. le Président, ce ne sera pas long.
Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup.
Mme Dionne-Marsolais: Mais ça m'apparaît important d'expliquer que... Si on se fie à certaines décisions qui ont été prises dans le passé, bien sûr je tiens compte aussi de celle que vous venez de prendre, mais j'insiste sur le fait que c'est vraiment dans le préambule que l'on peut établir une des trois valeurs, à notre avis, fondamentales du Québec. Et ce n'est pas seulement à notre avis, M. le Président, c'est celle du premier ministre, en tout cas c'est celle qu'il a annoncée. Alors, je soumets humblement que cet amendement-là est recevable.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, on est en train de refaire un peu le même débat qu'on a fait tout à l'heure sur la recevabilité et en aucune façon, et ça, je veux que ce soit très clair, on ne remet en cause ? au contraire ? la primauté. On essaie d'assurer la primauté de la langue française. Pour ça, il y a un plan d'action, que la ministre d'ailleurs met en place avec ses collègues, les collègues du cabinet, du gouvernement.
Je trouve extrêmement important... C'est une valeur importante, on l'a votée à la motion unanimement, à l'Assemblée nationale, la semaine dernière. La question est de savoir: Est-ce que le moyen, c'est de le mettre dans la Charte des droits et libertés de la personne, alors qu'il y a une charte de la langue française? Je ne veux pas faire de débat de fond, mais ça, ce serait une autre question. Et, si on voulait décider de débattre si on devait le mettre dans la Charte des droits et libertés, on aurait dû procéder par une consultation générale où les gens auraient pu se prononcer là-dessus pour savoir si c'est le bon endroit pour le faire. Ça n'a pas été le cas, vous l'avez dit tout à l'heure, M. le Président.
Et la jurisprudence, 197/7, 197/11, 244/14, les mêmes articles qu'a évoqués ma collègue députée de Rosemont, hein, tout à l'heure, on a vu que cette jurisprudence est très claire: on ne peut pas changer l'objet d'un projet de loi ou d'un article d'un projet de loi. Et je vais terminer en citant une décision qui fait maintenant partie de la jurisprudence, qui va dans le même sens que 197/7, 197/11 et 244/14, c'est la décision, M. le Président, que vous avez rendue tout à l'heure, et je vous cite un extrait: «Le projet de loi a un seul principe bien défini, il s'agit de l'affirmation [que] les droits et libertés énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne sont garantis également aux femmes et aux hommes. Le projet de loi ne vise donc qu'à effectuer une modification [de] la charte sur un sujet bien précis. Tout amendement qui aurait pour effet d'introduire un principe différent ? indépendamment de ce qu'il représente, avec tout le respect ? doit donc être déclaré irrecevable.» C'est en tout respect de l'ordre de la Chambre, respect de la décision de l'Assemblée nationale de nous référer le projet de loi n° 63, et donc nous devons procéder à l'étude détaillée article par article. Le débat, il faudrait présenter un autre projet de loi, présenter un projet de loi, soit le faire sur le fait d'ajouter ou non la primauté de la langue française dans la Charte des droits et libertés, et voir tous les considérants et les implications juridiques que ça peut avoir, et ensuite faire une consultation générale à cet égard-là.
Et d'ailleurs, tout à l'heure, M. le Président, nos collègues de l'opposition n'ont pas proposé d'entendre une panoplie de gens à l'époque, au moment des motions préliminaires. S'ils avaient préparé... Si vraiment ils voulaient faire cela, ils auraient pu le faire, on aurait pu en débattre. Mais clairement, M. le Président, il semble que nos amis du deuxième groupe d'opposition veulent présenter beaucoup de motions, et, au-delà du mérite du fond et qu'on pourrait discuter, la question serait de savoir si ça doit aller ou non dans la Charte des droits et libertés de la personne. C'est une autre question, un autre débat, mais ce n'est pas l'objet pour lequel la Chambre nous a confié le mandat d'étudier les articles du projet de loi n° 63. Je crois que la jurisprudence, incluant votre sage décision un peu plus tôt, est très claire à ce sujet. Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, le député de Laval-des-Rapides semble nous faire grief de ne pas avoir utilisé des motions pour inviter en fait des personnes à se faire entendre devant notre commission. Mais pourquoi, M. le Président, l'avoir fait alors que déjà l'Assemblée nationale, dans une motion unanime, avait déclaré que des valeurs fondamentales constituaient le fondement de notre société, lesquelles valeurs étaient l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion... de l'État et de la religion, c'est bien ça? Pardon?
Une voix: À l'unanimité.
Mme Harel: À l'unanimité, voilà, à l'unanimité. Alors, est-ce qu'on peut imaginer, M. le Président, qu'il faudrait à nouveau réitérer ce qui semble ? du moins dans la publicité publiée par le gouvernement; ce qui semble ? faire l'unanimité du Québec tout entier? Là, on nous aurait accusés évidemment de vouloir répéter ce qui avait été longuement déclaré devant la commission Bouchard-Taylor à l'occasion de cette vaste consultation menée pendant plusieurs mois à travers toutes les régions du Québec et qui a résulté dans cette publicité que l'on retrouve dans tous les quotidiens durant les derniers jours, qui a résulté en une déclaration ministérielle au même effet du premier ministre, qui a résulté en une motion adoptée à l'unanimité.
Comment penser, M. le Président, que les députés ministériels se refuseraient à au moins discuter de manière à ce que la charte que nous étudions... Si le gouvernement a décidé d'appeler le projet de loi même après le rapport de la commission Bouchard-Taylor, pouvait-on imaginer que c'était pour faire fi du rapport Bouchard-Taylor? Est-ce qu'on peut même penser que c'était pour ne pas en tenir compte en fait, pour procéder comme à peu près avec tous les rapports depuis les derniers mois, que ce soit le rapport Montmarquette, le rapport Castonguay, le rapport Pronovost, et tous les autres...
Une voix: ...
Mme Harel: ...pour finalement le mettre à la filière 13?
Le Président (M. Kelley): Un instant, s'il vous plaît.
M. Cloutier: Question de règlement, M. le Président. Si le député de Laval-des-Rapides a l'intention d'invoquer une question de règlement, là, je vous rappelle l'article 39: Violation du règlement signalée par un député, article 39: «Un député peut, à tout moment ? jusque-là, ça va ? signaler une violation du règlement. Il doit le faire avec diligence, en mentionnant l'article du règlement qu'il invoque et en limitant son exposé strictement au point soulevé.» Alors, lorsqu'il interrompt, si c'est une question de règlement, qu'il nomme l'article, M. le Président.
n(21 h 20)nMme Harel: Bon, M. le Président, je vais...
Le Président (M. Kelley): Il y a une question de règlement du député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: M. le Président, je vais... C'est une question de directive, la question... Nous sommes présentement au débat sur la recevabilité et non pas sur le fond de la motion. Et, avec tout le respect pour ma collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve, elle est en train d'évoquer des arguments de fond ou d'autres éléments, et ce débat-là devrait se faire comme... si l'article n'est pas recevable, devrait se faire à un autre endroit, mais pas à ce moment-ci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Mais alors j'invite Mme la députée de venir à la recevabilité, et encore une fois je suggérerais de ne pas prêter les intentions. On est ici dans une discussion sur le règlement et la portée du règlement sur le projet de loi n° 63. Mme la députée.
Mme Harel: Bien, écoutez, M. le Président, je n'avais pas prêté d'intentions, j'avais cité le ministre de la Sécurité publique... en fait de la Justice plutôt, le ministre qui est responsable de la Commission des droits de la personne et de la Charte, également, des droits. Ce ministre responsable qui, à l'Assemblée nationale, à une question posée par Mme la députée de Charlesbourg... laquelle question était la suivante, je la cite, là: «Ce qu'on a appris, c'est que le gouvernement allait refiler le problème à des fonctionnaires et à une ligne 1 800. Mais, pour répondre aux citoyens, ça va prendre des balises, il va falloir que ceux qui répondent sachent quoi répondre.» Et le ministre responsable de la charte que nous étudions ce soir, responsable de la Commission des droits de la personne, répond exactement ceci: «En raison [...] de l'expertise qu'il y a au Québec sur ces questions [...] parce qu'il y a eu des ajustements qui ont été faits avec le temps. En fonction d'abord et avant tout, [...] et tout le monde l'a dit et tout le monde l'a reconnu, en fonction d'abord et avant tout des valeurs fondamentales que la société québécoise veut voir être respectées par tout le monde. Le principe, il n'est pas compliqué.» Alors, si ce n'est pas compliqué de répondre aux citoyens dans une ligne 1 800 à partir des valeurs fondamentales, pourquoi est-ce que ce serait compliqué qu'on en discute, M. le Président, en commission parlementaire, ce soir, au moment où justement on discute du préambule de la Charte des droits et libertés?
Et là ce que ma collègue a introduit, c'est simplement cette idée de la primauté du français, puisque la loi 101 n'est pas une loi qui a un caractère quasi constitutionnel. La Charte des droits a été à maintes reprises utilisée pour invalider des dispositions de la loi 101, M. le Président. Alors, la primauté de la Charte des droits, dans le système juridique de la hiérarchie des droits, fait en sorte que, tant que la primauté du français ne sera pas consacrée dans une loi à caractère constitutionnel, eh bien, il va se répéter ce que l'on connaît, à savoir que la loi 101 pourra être invalidée, comme on a pu le constater au cours des dernières années.
Alors, à tous égards, M. le Président, je pense qu'aller dans le sens de la proposition de ma collègue, c'est-à-dire reconnaître la primauté du français dans le préambule de la Charte des droits du Québec, c'est consolider une des valeurs fondamentales qui est le fondement de notre société et qui a été reprise sur toutes sortes de manières mais aucune qui en assure la pérennité, mais aussi l'usage pour des fins d'affirmation de notre identité.
Le Président (M. Kelley): Une dernière intervention sur la recevabilité, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Oui, très rapidement, M. le Président. Je ne veux pas remettre en cause la décision que vous avez rendue tout à l'heure, mais je ne peux pas non plus passer sous silence le fait qu'à nulle part vous ne faites référence aux propos que la représentante de l'Exécutif a tenus lors de la présentation du projet de loi n° 63, où à mon sens elle nous invite à discuter des valeurs fondamentales. Vous faites référence... Vous indiquez: «Quant à l'argument à l'effet que le sujet concerné par l'amendement a été abordé lors de la consultation générale», nous n'avons pas fait référence à certains éléments qui étaient présents dans les mémoires, dans les différents mémoires des groupes qui sont venus nous rencontrer, on a fait particulièrement référence aux propos de la ministre.
Puis, encore une fois, pour l'amendement que ma collège apporte concernant cette valeur, qui est fondamentale, qui est celle de la primauté de la langue française, je réitère à nouveau les propos, que j'ai cités déjà à de nombreuses reprises, de la ministre où, il me semble, elle nous invite de discuter des grandes valeurs fondamentales pour le Québec, que je vais faire abstraction cette fois-ci de redire.
Le Président (M. Kelley): Bien. Je suis prêt à rendre ma décision sur la recevabilité de la motion d'amendement présentée par la députée de Rosemont. L'amendement propose d'insérer, à l'article 1 du projet de loi, l'alinéa qui suit:
«Considérant la nécessité d'assurer la primauté de la langue française.» En l'espèce, les principes énoncés plus tôt dans ma décision concernant la séparation de l'État et de la religion s'appliquent. La motion d'amendement sur laquelle je dois me prononcer quant à sa recevabilité introduit également un nouveau principe, soit la question de la primauté de la langue française. En conséquence, je déclare la motion d'amendement irrecevable.
Alors, on va revenir maintenant sur le débat sur l'article 1. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Bien, M. le Président, j'aimerais apporter un amendement à l'article 1, si vous me donnez une seconde. Alors, je vais vous lire l'amendement proposé:
L'article 1 du projet de loi n° 63 est modifié par l'insertion, après les mots «de la liberté et de la paix», de l'alinéa suivant:
«Considérant que la présente charte trouve son inspiration dans les instruments internationaux relatifs aux droits et libertés de la personne, et notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.»Le Président (M. Kelley): Merci. L'amendement est déposé. On va suspendre juste très brièvement pour faire les photocopies pour les membres de la commission.
(Suspension de la séance à 21 h 27)
(Reprise à 21 h 32)
Le Président (M. Kelley): Alors, je pense que tout le monde a eu l'occasion de prendre connaissance du projet d'amendement déposé par le député de Lac-Saint-Jean. Alors, j'invite le député de présenter sa motion et surtout mettre l'emphase sur la question de sa recevabilité. M. le député.
M. Cloutier: Bien, M. le Président, d'abord, je pense que la question de la recevabilité devrait m'apparaître peut-être plus évidente que celle qu'on a présentée jusqu'à maintenant. Je crois moins à la nécessité de mettre l'emphase là-dessus, je vais plutôt faire référence d'emblée aux propos de la ministre, qui elle-même, dans sa déclaration d'hier, nous mentionnait l'importance de se référer, dans le contexte des droits à l'égalité entre les hommes et les femmes, aux instruments internationaux. Alors, permettez-moi de vous relire les propos tenus mercredi 28 mai, 17 heures.
«En réitérant le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes [...] de droits fondamentaux, le gouvernement assume ses responsabilités et donne un signal clair à propos de sa volonté de concourir à l'édification d'une société foncièrement et totalement démocratique. En outre, il se conforme aux engagements internationaux auxquels le Québec a adhéré relativement aux droits et aux conditions de vie des femmes. Je rappelle pour le bénéfice de l'Assemblée que le Québec s'est déclaré lié au Programme d'action de Beijing ainsi qu'à la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ces deux documents très importants encouragent les gouvernements non seulement à protéger les femmes contre les discriminations, mais aussi à s'employer à promouvoir activement leurs droits, entre autres en adoptant des mesures législatives.» Alors, ça m'apparaît assez clair, la ministre fait elle-même référence à ces instruments internationaux pour s'inspirer de cette clause qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes.
Ces propos de la ministre s'inscrivent aussi dans un contexte où les différents intervenants qui sont venus nous rencontrer nous ont invités à s'inspirer des traités internationaux. Le plus éloquent en ce sens ? il m'apparaît du moins ? a été présenté dans le mémoire de la Fédération des femmes du Québec. En introduction, dans leur mémoire, on peut lire ce qui suit, M. le Président:
«Le contexte juridique destiné au renforcement du droit des femmes à l'égalité doit aussi être analysé à la lumière de l'importance du droit international des droits de la personne, droit à l'égard duquel le Québec a souscrit à de nombreux engagements, en vertu notamment de la ? Convention des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination ? [...] et du ? Pacte international des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels.
«En vertu de l'effet combiné des engagements issus de ces traités, les Québécoises ont le droit de s'attendre à une protection effective de leur droit à l'égalité ? alors, on réfère bien ici au droit à l'égalité ? et ce, pour l'ensemble des droits qui sont les leurs. À cet égard, la FFQ tient à souligner qu'il reste encore du chemin à parcourir et que la Charte des droits et libertés du Québec n'accorde pas une protection équivalente à tous les droits des femmes, notamment à leurs droits économiques et sociaux.» M. le Président, je vais vous faire fi de la suite de l'argumentation de la Fédération des femmes, mais je ne passerai certainement pas sous silence leur conclusion, où on mentionne que «la FFQ rappelle qu'il est urgent d'inscrire explicitement la charte québécoise dans la trajectoire internationale et d'enrichir ? M. le Président ? son préambule de références aux engagements internationaux du Québec». Alors, notre formation politique reprend cette recommandation formulée par la Fédération des femmes du Québec par l'amendement qui vous est soumis, M. le Président. Ça nous apparaît assez clair que l'inspiration qu'a faite le gouvernement du Québec en proposant son amendement s'inscrit dans cette foulée des droits reconnus au niveau international. De même que, si nous voulons être conséquents avec nous-mêmes, M. le Président, il faut donner une force juridique à ces engagements, c'est-à-dire qu'il faut poursuivre ce renforcement juridique de nos engagements internationaux du Québec, et je pense que le Québec pourrait se vanter d'avoir fait référence à ce type de convention dans le contexte du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je vais poursuivre, en fait je vais lire l'ensemble de la conclusion du mémoire de la Fédération des femmes: «La FFQ rappelle qu'il est urgent d'inscrire explicitement la charte québécoise dans la trajectoire internationale et d'enrichir son préambule de références aux engagements internationaux du Québec, notamment à la CEDEF et aux [...] pactes des Nations unies. La FFQ estime que cela contribuerait au renforcement du droit des femmes à l'égalité de fait ? l'égalité de fait ? ou effective, et ce, au-delà [de la] réaffirmation abstraite du principe.» Mon collègue, mon estimé collègue de Mercier a pris la peine de répertorier l'ensemble des mémoires, et puis on fait référence aux instruments internationaux et dans le mémoire de Mme Louise Langevin, dans celui de la Fédération des femmes, comme je viens de le dire, de la Ligue des droits et libertés, l'AFEAS, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et enfin la Commission de l'équité salariale.
Je vais poursuivre, M. le Président, en faisant référence plus précisément au mémoire également de Mme Louise Langevin, où elle nous mentionne: «Malgré le fait que les documents internationaux, comme la Déclaration [...] des droits de l'homme, [reconnaissent] l'égalité entre les femmes et les hommes, la communauté internationale a jugé nécessaire d'adopter la CEDEF, qui est le plus étendu des documents juridiques internationaux sur les femmes. La CEDEF mentionne à son article 5 que les traditions et les coutumes ne peuvent porter atteinte au droit à l'égalité pour les femmes. Les articles 5 a) et 2 f) imposent donc une [forme de] hiérarchie.» Je vais tout de suite passer à la conclusion du rapport, du mémoire de Mme Langevin, où elle dit que, «malgré la valeur indéniable du projet de loi, il n'est pas sans faille. Le législateur aurait pu rappeler dans le préambule de la charte que le Québec est signataire de la CEDEF». Alors, encore une fois, M. le Président, on a Mme Louise Langevin qui nous demande de faire une référence dans le préambule de la Charte québécoise des droits et libertés, dans le contexte du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la CEDEF. «Ainsi, la CEDEF et ses interprétations peuvent être utilisées par les tribunaux québécois», là, je cite et je fais référence ici au mémoire: «Au lieu d'un article interprétatif ? ici, on fait référence à Dispositions interprétatives, on aura la chance d'en reparler tout à l'heure, mais, tant qu'à être dans la conclusion, aussi bien aussi rappeler sa suggestion sur les droits économiques et sociaux: «...les droits sociaux et économiques auraient eu préséance sur [tous les droits], comme les droits énumérés [aux] articles 1 à 38.» Je vais m'arrêter là pour tout de suite, M. le Président, mais ça m'apparaît assez évident, par les mémoires qui nous ont été soumis, qu'il y a un lien direct, il y a une inspiration directe du droit à l'égalité, en fait l'amendement qui est proposé par le gouvernement, et les textes internationaux.
Le Président (M. Kelley): Merci, M. le député. M. le député de Laval-des-Rapides.
n(21 h 40)nM. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à nouveau nous sommes à évaluer la recevabilité ou non de la proposition d'amendement, cette fois, de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, hein, qui l'a présentée? Non?
Une voix: Le député de Lac-Saint-Jean.
M. Paquet: De Lac-Saint-Jean, de M. le député de Lac-Saint-Jean. Alors, encore une fois, malheureusement, je dois argumenter que ce n'est pas recevable, pour les raisons suivantes.
D'une part, je vais référer à 197.7, 197.11, 244.14 ainsi que la décision que vous avez rendue plus tôt, qui montrent encore une fois que l'objet du projet de loi est très simple et sur un principe important, celui de l'égalité des femmes et des hommes. Encore une fois, on ajoute autre chose.
Lorsqu'on fait référence à des pactes, aux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, et à la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, à la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui sont des documents internationaux importants ? là, on ne minimise pas ça, loin de là ? mais il y a beaucoup de dispositions là-dedans. Alors, un tel amendement aurait pour effet d'élargir et d'aller bien au-delà du sujet qui est le sujet du projet de loi n° 63. Le contenu des déclarations, des pactes, des conventions est très varié, et référer à ceux-ci sans plus de précision pourrait avoir pour effet d'importer indirectement dans l'interprétation de la charte une quantité de concepts et de clauses non voulus qui iraient au-delà même de ce à quoi ils réfèrent, c'est-à-dire l'égalité des femmes et des hommes. Donc, faire un tel procédé de référence, c'est... Il ne faut pas prendre ça à la légère, on ne peut pas faire ça sur le coin d'une table, et encore une fois... et ça pourrait même s'avérer dangereux.
Et en plus, M. le Président, lors de la consultation, oui, certains groupes ont proposé cela, mais l'ensemble des groupes qui ont été invités, tous les citoyens qui ont été invités à participer à la consultation, ça portait sur le projet de loi n° 63, soit l'égalité des femmes et des hommes. Or, si ceci avait été dans le projet de loi, il y a des gens qui seraient venus argumenter là-dessus, les pour et les contre, et là on aurait pu l'évaluer. Ce n'est pas l'objet du projet de loi.
Et un autre élément, M. le Président, qui m'amène à considérer que la motion d'amendement du député du Lac-Saint-Jean est irrecevable, et je vais vous citer le mémoire de la Fédération des femmes du Québec, qui fait référence à l'argumentaire de la proposition d'amendement, qui dit: «Que le gouvernement du Québec introduise, dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, une référence explicite à la CEDEF ? Convention des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ? et aux deux pactes de 1966, soit le PIDCP ? Pacte international des Nations unies sur les droits civils et politiques ? et le PIDESC ? Pacte international des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels ? afin d'assurer le respect de l'ensemble des droits humains des femmes et d'inscrire explicitement la charte québécoise dans la trajectoire internationale.» Faire cela, M. le Président, indirectement, amène des considérations financières, parce qu'on parle de droits économiques.
Et une autre raison pour laquelle la motion est donc irrecevable, à mon humble avis, M. le Président, c'est qu'ici, indirectement, le deuxième groupe d'opposition veut déposer un... dépose un projet d'amendement qui a des impacts financiers. Or, l'article 192 du règlement est très clair, M. le Président:
«Seul un ministre peut présenter une motion visant:
«1° l'engagement de fonds publics;
«2° l'imposition d'une charge aux contribuables;
«3° la remise d'une dette envers l'État;
«4° l'aliénation de biens appartenant à l'État.
«Cette règle ne s'applique pas à une motion n'exprimant qu'une idée générale ou une opinion sur les matières énumérées ci-dessus.» Mais là ce n'est pas juste une opinion, ça a des conséquences économiques et financières pour le gouvernement du Québec, possiblement.
Je vous réfère aussi, M. le Président, aux articles... aux décisions, pardon, 200/1 et 200/2 du président Guy Bélanger, le 10 novembre 1988, et c'est un autre argumentaire, un autre argument, sur une motion de sous-amendement: Est-ce qu'elle était recevable?, et à mon avis s'appliquent mutatis mutandis sur la motion d'amendement proposée. La décision du président Bélanger était la suivante, à la CAS, la même commission où nous sommes présentement: «Cette motion de sous-amendement est irrecevable puisqu'elle soulève une question étrangère, un fait nouveau qui change la nature de la motion d'amendement. Conformément à la jurisprudence, l'objet d'un sous-amendement ? et je suggère que ça s'applique pour un amendement ? étant de modifier un amendement ? ici, étant de modifier un article, je dirais ? il ne doit pas élargir la portée de [l'amendement].» Ici, il l'élargirait dans des terrains dont les implications juridiques et financières pour le gouvernement sont plus larges potentiellement et qui n'ont pas été étudiées lors de la consultation, qui ne portent pas sur le projet de loi n° 63, M. le Président. Alors, pour cette raison, et la décision 200/2 a la même portée, sur la recevabilité d'un sous-amendement, alors ces deux éléments-là font en sorte, plus l'aspect financier, que malheureusement la motion du député du Lac-Saint-Jean doit être déclarée, à mon humble avis, irrecevable.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président, en l'occurrence, cette proposition d'amendement déposée par le député du Lac-Saint-Jean doit être prise en très grande considération par la présidence parce que, quand on y regarde de près et que l'on cherche à appliquer la décision écrite que vous nous avez transmise concernant les motions antérieures, on constate que la motion du député du Lac-Saint-Jean devrait trouver application.
D'abord, M. le Président, vous nous avez dit que, sur le plan du fond... de la forme, excusez-moi, que, sur le plan de la forme, il fallait que ce soit un amendement qui vise un article du projet de loi ? c'est en l'occurrence le cas, là, présentement ? et, sur le plan du fond, au niveau du fond, vous nous avez fait part qu'un amendement doit concerner le même sujet que la motion et ne peut aller à l'encontre de son principe ou en introduire un nouveau. C'est exactement ce que fait la motion du député du Lac-Saint-Jean. Il concerne le même sujet que la motion, l'égalité de droit entre les hommes et les femmes, il ne va pas à l'encontre du principe de l'égalité de droit entre les hommes et les femmes, il n'introduit pas un nouveau principe autre que celui de l'égalité de droit entre les hommes et les femmes. M. le Président, cette fois-ci, là, en regard de ce que vous-même avez décidé, cette motion ne pourrait pas être jugée irrecevable.
Et je reviens aux diverses dispositions, parce que, quand le député de Laval-des-Rapides parle, on a l'impression que... il donne l'impression que c'est improvisé, cette question d'introduire dans le préambule de la Charte des droits et libertés du Québec cette considération des instruments internationaux, notamment de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Prenons pour acquis, M. le Président, que tout ça est déjà signé par le gouvernement du Québec depuis des décennies...
Une voix: C'est le cas.
Mme Harel: Ce n'est rien de nouveau, ça. Ce qui est inusité, c'est qu'on ne l'ait pas introduit dans notre charte en matière de considération comme celle qui est proposée, qui dit ceci: «Considérant que la présente charte trouve son inspiration ? trouve son inspiration; donc, c'est une question d'interprétation; considérant que la présente charte trouve son inspiration ? dans les instruments internationaux relatifs aux droits et libertés de la personne, et notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.» Ce qui serait invraisemblable, M. le Président, c'est qu'on soit prêts à signer de telles conventions ? ce qui est le cas, elles sont toutes signées ? mais qu'on ne soit pas prêts à les introduire dans notre droit interne, au chapitre du préambule de notre charte...
Une voix: Comme inspiration.
Mme Harel: ...comme inspiration, de manière à ce qu'elles fassent partie de ce corpus juridique qui est au-dessus, on l'a bien vu, de l'ensemble des autres lois.
Il y a eu en commission parlementaire exactement... je pense, M. le Président, sept organismes. Vous avez bien dit que ce n'est pas parce qu'il en est question que pour autant cela doit être considéré... J'ai bien compris dans votre décision que ce n'est pas parce qu'il en est question en commission parlementaire ou que c'est réclamé en commission parlementaire que pour autant il faille considérer que cela est admissible au sens, là, de la recevabilité de l'article 197. Mais je vous rappelle que l'article 197 et la jurisprudence prévoient qu'un amendement peut être apporté lorsqu'il concerne le même sujet, et lorsqu'il ne va pas à l'encontre du principe, et lorsqu'il n'introduit pas un nouveau principe. C'est les termes mêmes que vous avez utilisés. En l'occurrence, ces conventions internationales portent sur le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, et je vous signale, M. le Président, que c'est même souvent ces conventions qui sont antérieures à l'adoption de la charte, en 1975, antérieures en fait aux dispositifs que contient la charte depuis 1975 en matière d'interdiction de discrimination fondée sur le sexe. Alors, la charte s'en est déjà inspirée, mais je pense qu'il est encore important...
Et pourquoi il l'est? Bien, c'est ce que nous ont rappelé, entre autres, Mme Louise Langevin, de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes, qui est professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval et qui, contrairement à ce que pense le député de Laval-des-Rapides, n'a pas improvisé la nécessité d'agir ainsi mais qui nous l'a explicitée en nous disant que c'était étroitement associé, au plan international, au dispositif québécois qui était introduit par le projet de loi n° 63. Il y a eu également la Fédération des femmes du Québec, il y a eu également la Ligue des droits et libertés, de même que l'AFEAS et de même que divers autres organismes, notamment la Commission de l'équité salariale, la Commission de l'équité salariale qui est une commission paragouvernementale.
Alors, à tous égards, je pense, M. le Président, que cet amendement doit être considéré comme recevable parce que... Le principe, ce n'est pas qu'on discute un projet de loi tel que rédigé... ce serait absolument invraisemblable qu'à chaque fois qu'il y a un amendement il y a une levée de boucliers en disant: Il n'en est pas question; nous, le projet de loi est rédigé tel quel, il a été déposé en novembre dernier, étudié en commission parlementaire tel quel, on ne veut pas y toucher, on ne veut pas y toucher, sauf si c'est nous, là, qui le modifions, comme la ministre l'a déjà annoncé pour quelques-unes de ses dispositions.
Alors, je vous demande de prendre en très sérieuse considération les motifs de recevabilité qui font que votre propre décision en l'occurrence appliquée en matière de recevabilité devrait faire ouverture à la motion de mon collègue.
n(21 h 50)nLe Président (M. Kelley): Merci. J'ai également une demande d'intervention de Mme la députée de Rosemont, M. le député de Lac-Saint-Jean et M. le député d'Orford. Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Moi, je voudrais revenir sur trois éléments, trois commentaires du député de Laval-des-Rapides, et je pense que c'est important de le faire.
D'abord, il a mentionné les conséquences économiques de cet amendement. Alors, franchement, M. le Président, je ne sais pas où il les trouve, ces conséquences économiques, parce que, quand on regarde l'amendement, là, tout ce qu'il dit, c'est «que la présente charte trouve son inspiration dans les instruments internationaux relatifs aux droits et libertés de la personne, et notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes».
Là, là, mon éminent collègue et confrère, je pense, a fait une mauvaise lecture. Et c'est tellement vrai, M. le Président, qu'il n'y en a pas, d'impact économique, que même la ministre a dit hier soir, et je la cite: «En réitérant le droit à l'égalité entre les [hommes] et les [femmes] au rang [des] droits fondamentaux, le gouvernement assume ses responsabilités et donne un signal clair à propos de sa volonté de concourir à l'édification d'une société foncièrement et totalement démocratique. En outre, il se conforme aux engagements internationaux auxquels le Québec a adhéré relativement aux droits et aux conditions de vie des femmes.» Donc, c'est déjà fait, M. le Président. Que l'on mette dans un amendement «que la présente charte trouve son inspiration dans les instruments internationaux», ça ne va pas changer un sou dans quelque budget que ce soit. Donc, les conséquences économiques, là, oubliez ça.
Deuxièmement, il a mentionné, pour s'opposer à cette recevabilité, à la recevabilité de cet amendement, que cet amendement allait élargir la portée. Bien, à moins que le gouvernement du Québec ait signé des conventions internationales de manière totalement inconsciente, on ne peut pas dire que ça va élargir la portée de ce projet de loi là, là. Franchement, ça n'a pas de bon sens. On parle d'une inspiration, une inspiration dans les instruments internationaux. Je trouve que c'est même noble de mettre ça dans le préambule, et ça ne va qu'apporter une valeur ajoutée à ce projet de loi qui, il faut le dire, est plus que modeste. Donc, je crois que c'est errer que de dire que cet amendement-là aurait comme impact, comme conséquence d'élargir la portée du projet de loi.
Et enfin il nous a, je ne sais pas si c'est avec humour ou autre, mais reproché un amendement fait sur un coin de table. Je m'inscris en faux là-dedans, M. le Président, parce que nos amendements n'ont pas été faits sur un coin de table. Ils ont peut-être été... On a peut-être fait des erreurs d'écriture, mais ça n'a jamais été fait... aucun des amendements n'a été fait sur un coin de table. Et celui-là, M. le Président, non seulement il est... il fait une synthèse de ce qu'on a entendu des groupes, de la ministre et de ce que le Québec a signé au niveau international. Alors, si la signature du Québec vaut plus que le papier sur lequel il est écrit, j'espère que ce n'est pas élargir ou même dire des sottises que de préciser qu'on s'inspire des instruments internationaux relatifs aux droits et libertés de la personne. Et c'est pour ça, M. le Président, que je voulais ajouter ma voix et que je crois aussi que cet amendement-là devrait être recevable.
Autant j'avais... peut-être je manquais d'arguments au dernier amendement, bien que j'y croyais fermement et que je... Je pense que la primauté de la langue française fait partie des valeurs fondamentales et que ça devrait être dans ce projet de loi là. Vous avez rendu votre décision, je ne la conteste pas. Mais, dans ce cas-ci, je pense que notre collègue de Laval-des-Rapides veut nous en passer une petite vite, et je le conteste.
Le Président (M. Kelley): Encore une fois, sans prêter les motifs aux membres de cette commission, parce qu'ils sont tous motivés par les biens et les intérêts de la société québécoise. M. le député de Lac-Saint-Jean, suivi par M. le député d'Orford.
M. Cloutier: Bien, d'abord, M. le Président, vous rappeler que, dans le doute, vous devez accorder ce doute aux demandeurs, à ceux qui proposent la modification. Mais, si ça peut vous aider à clarifier peut-être cette ambiguïté qui nous entoure, dans la Politique gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, la politique de 2007, page 35, M. le Président: «...toutes les actions mises en oeuvre au Québec au nom de l'égalité s'inspirent ? s'inspirent ? et continueront [de] s'inspirer ? alors, deux fois plutôt qu'une ? des engagements internationaux du Québec relatifs [aux] textes fondamentaux.» M. le Président, ça vaut la peine que je relise notre modification: «La présente charte trouve son inspiration dans les instruments [...] relatifs aux droits [...] de l'homme.» Je viens bien croire, M. le Président, qu'on a écrit «inspiration» au lieu d'«inspirer», mais ça m'apparaît drôlement un copier-coller de la page 35 de la politique gouvernementale, du plan de la ministre, qui s'intitule, je le rappelle...
Mme Harel: En matière d'égalité.
M. Cloutier: En matière d'égalité, oui.
Mme Harel: Si ce n'est pas le sujet, là...
M. Cloutier: ...qui s'appelle Politique gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes. À un moment donné, je veux bien croire que le ministre de Laval-des-Rapides a une expertise sur les questions de finances...
Le Président (M. Kelley): ...je pense, député.
M. Cloutier: Le député.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ce soir, on le nomme ministre...
M. Cloutier: Vous avez été nommé ministre plusieurs fois ce soir. Mais, pour faire... Votre expertise toutefois, elle est certainement valable sur le plan financier. Et d'ailleurs vous êtes revenu en prétextant, là, qu'il y aurait une implication financière. Alors, M. le député, je vous mets au défi d'expliquer aux Québécois qui vous écoutent ce soir en quoi le lien qu'on fait dans le préambule...
Une voix: L'inspiration.
M. Cloutier: ...avec cette inspiration, a des implications financières. Je m'excuse, mais je ne vous suis pas du tout. D'autant plus que nos propres droits économiques et sociaux, dans notre charte, n'ont aucune implication financière au moment où on se parle parce qu'ils n'ont pas de valeur supralégislative comme les autres articles de la charte québécoise des droits et libertés. Puis, de toute façon, comme je l'ai dit, M. le Président, c'est un copier-coller de la politique d'égalité entre les hommes et les femmes.
Le Président (M. Kelley): Merci, M. le député. M. le député d'Orford.
M. Reid: Merci, M. le Président. Je suis content d'avoir la parole, parce que, si on continue, je vais finir par croire que l'amendement qui est proposé n'a aucune espèce d'incidence sur rien. En fait, c'est assez évident qu'il y a une incidence financière, et c'est là-dessus que je veux regarder... Et il y a des éléments, il y a des portes ouvertes. En fait, je voudrais revenir un peu à ce que mon collègue disait tantôt. Quand on regarde le libellé, on dit: s'inspire effectivement de «la Déclaration universelle des droits de l'homme, [des] pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme». Et, M. le Président, le député a abondamment parlé des droits économiques, et les droits économiques, et du... il est parti, je pense, si je me rappelle bien, du mémoire de la Fédération des femmes, que je suis allé chercher grâce à notre système Greffier, et le paragraphe dont il parlait effectivement précise clairement, là, que, quand on parle de ce que l'amendement ne faisait pas mais d'inspiration de pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, il y en a deux qui sont nommés dans le rapport, et je ne dis pas qu'ils l'ont caché, là, c'est clair, le député en a parlé abondamment, des droits sociaux, et un des pactes, c'est le PIDESC, c'est le Pacte international des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, c'est tiré, là, d'un paragraphe du mémoire de la Fédération des femmes.
Le Parti québécois ne s'est jamais caché, pendant toutes les auditions, qu'il était très intéressé à cette question de droits économiques et sociaux. C'est ce qu'il croit, et je le respecte beaucoup, mais il est assez clair dans la présentation qui a été faite, M. le Président, c'est ce que je veux vous soumettre...
n(22 heures)nMme Harel: ...on va revenir plus tard avec les droits économiques et sociaux, mais en l'occurrence on parle de...
Une voix: ...
Le Président (M. Kelley): Le droit de parole est... Si vous avez une question de règlement...
Mme Harel: Question de règlement.
Le Président (M. Kelley): C'est quel règlement?
Mme Harel: De la pertinence, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Je pense que le député...
M. Reid: Ça ne peut pas être plus pertinent que ça.
Le Président (M. Kelley): ...est en train de discuter un des pactes qui est cité dans l'amendement qui est devant la table, alors je pense que c'est pertinent. Alors, si vous pouvez me convaincre du contraire, mais le député a cité un des pactes qui est mentionné dans votre amendement, alors je pense que c'est pertinent.
M. Reid: Et, M. le Président, d'autant qu'il était clair dans la présentation qui a été faite par le député de Lac-Saint-Jean qu'il parlait... il s'inspirait de ce mémoire-là entre autres, en tout cas il l'a cité, et, quand on parle des pactes, c'est un de ceux-là, c'est bien clair qu'il s'agit de ça, et on parle des droits économiques, sociaux et culturels.
C'est sûr qu'on peut parler... Bon, on parle de la politique, on peut avoir signé une entente internationale, mais, moi, M. le Président, ce sur quoi je voudrais attirer votre attention, c'est que, dans une cour de justice, bon, nos avocats vont peut-être avoir beaucoup de mal à se servir d'une signature du Québec sur le plan international pour avoir à défendre ou arriver avec, disons, une demande, ou une défense, ou une poursuite ? c'est le mot que je cherchais; une poursuite ? qui toucherait à, par exemple, des droits économiques des femmes, ou peu importe, alors que je me fie beaucoup, moi, sur la créativité des avocats ? on en a ici, mais des avocats au Québec comme partout ? pour utiliser quelque chose qui, indirectement peut-être mais assez clairement, relie, et d'autant plus qu'on peut toujours lire les galées de ce qui a été dit ce soir par... de ceux qui ont présenté cet article-là qui relie clairement les droits économiques et sociaux à quelque chose qui est écrit dans la charte.
Alors, pour moi, il y a un risque très ouvert de possibilité que cet élément-là, cet amendement-là puisse avoir des conséquences importantes sur le plan financier, importantes parce que, M. le Président, un juge pourrait être appelé et... Si jamais cet article-là permet de le faire et permet à un juge de décider du niveau d'aide ou de soutien qui pourrait être fait pour tel ou tel groupe dans la société, auquel cas vous savez qu'il y a une augmentation de 10 % ou 20 % de certains montants qui sont des millions et des centaines de millions, qui pourrait se traduire par des dépenses supplémentaires qui ne sont pas juste négligeables, c'est peut-être des centaines de millions... Dans ce sens-là, il me semble très clair, M. le Président, mais ce sera à vous de juger, que cette demande d'amendement, cette proposition d'amendement ouvre une porte, et elle n'est pas faite par un ministre du gouvernement, ouvre une porte sur des dépenses, des possibilités donc de dépenses gouvernementales importantes, et, à ce titre-là, il me semble que sa recevabilité est impossible étant donné ce que l'on a dit du règlement, tantôt, concernant les aspects économiques.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Laval-des-Rapides, suivi par Mme la députée de Rosemont.
M. Paquet: Merci, M. le Président. Bon, je ne reprendrai pas les arguments que mon collègue a ajoutés tout à l'heure, que mon collègue le député d'Orford vient d'ajouter, auxquels je souscris. Puis d'ailleurs, dans la proposition d'amendement, on parle, on dit, on réfère à l'inspiration de documents internationaux, si importants soient-ils, «notamment dans». Alors, on voit comment c'est très large, et notamment, c'est à peu près n'importe quoi, là, je veux dire... Et il n'y a pas eu de consultations, les gens n'ont pas été invités, sur le projet de loi n° 63, à venir discuter. Je n'ai pas vu d'avis du Barreau, je n'ai pas vu d'avis juridiques qui ont été demandés par l'opposition... le deuxième groupe d'opposition, pardon, ou par d'autres groupes là-dessus. Alors, vous voyez les implications que ça peut avoir.
Mais, en terminant, je vous réfère à la décision 197/11 du président Dauphin, à la Commission des institutions, relativement à une proposition d'amendement qui retranchait des considérants dans un préambule d'un projet de loi, et, je suggère, s'applique par rapport à un... à ajouter un considérant dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, qui n'est pas le considérant de l'article du projet de loi n° 63, M. le Président, là. Ce n'est pas un considérant relativement à l'égalité des femmes et des hommes, c'est un nouveau considérant que le deuxième groupe d'opposition propose d'ajouter. Mais la décision 197/11 du président Dauphin est très claire: «Il s'agit d'une modification de fond ? il disait dans ce cas ? puisqu'il est proposé de biffer certains considérants du préambule.» Dans ce cas-ci, c'est une modification de fond parce qu'elle propose d'ajouter certains considérants du préambule. C'est mon argumentation, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Bon, d'abord, j'écoutais attentivement, là, le député d'Orford parler des... D'abord, il a commencé par dire que, oui, il y avait ? il l'a affirmé ? des conséquences économiques et, à la fin, il a conclu en disant, bien, qu'il y avait un risque de conséquences économiques et donc un risque de dépenses gouvernementales. Bien, je vais soumettre humblement aux... Je vous soumets humblement, M. le Président, que ce projet de loi, en statuant sur l'égalité hommes et femmes, peut avoir aussi un risque, si c'est ce qu'on interprète.
Honnêtement, là, l'amendement qui est proposé, il ne vise et il ne cite qu'une inspiration. Tout ce que ça veut dire, c'est que le Québec a signé, a participé, s'est impliqué dans des ententes internationales, et on suppose... et la ministre l'a dit elle-même, elle a référé à Beijing puis à d'autres événements internationaux. Et on dit que cette «charte trouve son inspiration dans les instruments internationaux relatifs aux droits et libertés[...], et notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes». C'est tellement... C'est tellement peu, mais tout ce que ça fait, c'est que ça lie cette modification-là à ce qui se passe dans le reste du monde et ça lie notre charte à un élément de la modernité actuelle. Il n'y a pas d'incidence économique.
Et pire que ça, quand j'entends le député de Laval-des-Rapides dire qu'il n'y a pas eu de consultations là-dessus, je regrette, mais nous avons suivi attentivement, moi incluse, toutes les présentations qui ont été faites devant la commission lors de l'étude de ce projet de loi là, dans les consultations générales, et il y a Mme Louise Langevin qui a parlé, qui a fait référence à ces instruments, à ces ententes internationales, la Fédération des femmes du Québec, la Ligue des droits et libertés, l'AFEAS, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et la Commission de l'équité salariale.
Alors, c'est un peu excessif, là, que de prétendre que cet amendement-là n'est pas recevable parce qu'il ne concerne pas le sujet. Là, M. le Président, il va falloir que vous me donniez bien des explications pour que je comprenne, parce que je vais avoir de la misère à vous suivre.
Une voix: ...
Mme Dionne-Marsolais: Je ne doute pas de mon intelligence, M. le député d'Orford...
Une voix: ...
Mme Dionne-Marsolais: ...et c'est pour ça que j'essaie d'expliquer... qu'il faudra m'expliquer des choses.
Le Président (M. Kelley): Alors, je pense que ça fait le résumé des arguments quant à la recevabilité. Sur ça, je vais suspendre nos travaux 20 minutes.
Mme Harel: Bon, justement, M. le Président, justement... Vous permettez?
Le Président (M. Kelley): ...
Mme Harel: Oui, parce qu'on a fait référence au Barreau. Justement, nous avons en main le mémoire du Barreau du Québec, et, dans ce mémoire présenté devant la commission parlementaire, le Barreau a rappelé quelque chose d'extrêmement important. Parce que c'est là une des conditions que vous avez posées dans votre décision écrite, à savoir que l'amendement concerne le même sujet que la motion. Bien, savez-vous ce que le Barreau disait?
«L'égalité entre les femmes et les hommes tire son origine des droits à l'égalité consacrés par l'article 15 de la charte canadienne, l'article 10 de la charte québécoise ainsi que par certains instruments internationaux.» Et on nous dit ceci: «La prohibition de la discrimination fondée sur le sexe est stipulée dans le Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et constitue l'objet principal de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes», là, qu'on appelle communément CEDEF.
Alors, c'est nécessairement imbriqué, M. le Président. Là, il y a une limite à dire qu'un projet de loi doit être accepté tel que rédigé, c'est à prendre ou à laisser. On est ici, en commission parlementaire, pour l'étudier et notamment pour le compléter, le bonifier. Et, s'ils ne sont pas d'accord, ils voteront contre, M. le Président. La manière de travailler en commission parlementaire, ce n'est pas de refuser d'en discuter. La manière, c'est de disposer des amendements qui sont apportés en les battant ou en les adoptant, dépendamment du point de vue où on se place.
Le Président (M. Kelley): Alors, est-ce qu'il y a d'autres arguments? Sinon, je vais suspendre et prendre en délibéré la question sur la recevabilité de l'amendement proposé par le député de Lac-Saint-Jean. Alors, on va revenir dans une vingtaine de minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 9)
(Reprise à 22 h 34)
Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Nous étions sur le débat sur une motion...
Des voix: ...
Le Président (M. Kelley): Nous étions sur une motion qui était présentée par le député de Lac-Saint-Jean considérant d'insérer dans le projet de loi n° 63 une référence explicite à certains documents d'un caractère international. Nos débats sont suivis en haut par la Direction de la procédure, et tout le reste. Nous sommes de l'avis, étant donné la complexité des questions qui sont soulevées, que je ne peux pas rendre une décision ce soir. Alors, je propose à la table qu'on mette de nouveau en suspens le projet d'amendement pour ce soir parce que, je pense, les conséquences d'une décision sont importantes. Les textes qui sont là en fait proposent un amendement dans un document quasi constitutionnel. Alors, ce n'est pas une décision que je peux prendre dans une vingtaine de minutes. Alors, avec votre permission, on peut suspendre l'amendement et poursuivre le débat sur l'article 1, si ça va avec les membres de la commission. Questions, commentaires?
Mme Harel: Bien, M. le Président...
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Bon, alors, sans doute est-ce sage, là, puisque vous vous référez aux services parlementaires, qui sont donc vigilants aussi, en fait, à l'égard de la portée des travaux que l'on fait et des décisions que vous prenez. Alors, je pense que c'est très sage. En fait, la question est de savoir si à ce moment-ci on doit peut-être poursuivre sur l'article 1.
Le Président (M. Kelley): C'est ma proposition, on peut...
Mme Harel: Parce qu'on ne pourra pas l'adopter sans avoir à revenir sur la proposition d'amendement.
Le Président (M. Kelley): Il faut revenir, parce que je m'engage à prendre une décision sur le projet d'amendement, alors on va revenir sur l'amendement, ça, c'est sûr et certain. Alors, la proposition que je fais: qu'on poursuive dans la discussion de l'article 1, et je vais rendre ma décision à la prochain séance, qui sera probablement après la période de questions de demain matin.
Mme Harel: C'est ça. Mais, puisque cette façon de procéder ne nous permettrait pas, ce soir, d'adopter l'article 1, puisque l'article 1 ne peut pas être adopté étant donné que l'amendement qui le modifie est lui-même suspendu, alors on peut poursuivre, mais on ne pourra pas l'adopter.
Le Président (M. Kelley): Exactement, mais j'invite, si vous voulez, à poursuivre la discussion sur l'article 1, qui a déjà soulevé certaines questions. Et de toute évidence on n'adopterait pas l'article 1 ce soir, on va revenir, parce que la présidence va rendre une décision sur l'amendement proposé par le député de Lac-Saint-Jean. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci, M. le Président. Non, effectivement, je comprends la décision, et c'est très sage effectivement de donner toutes les implications, et je rends hommage encore à votre sagesse dans ce contexte-ci, sans présumer bien sûr de la décision que vous prendrez, je sais qu'elle sera étayée, et c'est l'important pour l'ensemble des parlementaires que nous sommes.
Alors, je crois que la suggestion de faire en sorte que nous continuions la discussion sur l'article 1, et possiblement l'article 2... Si jamais il y a d'autres propositions d'amendement qui surviennent, on pourra en discuter. S'il n'y en a pas, on peut continuer la discussion sur l'article 1 tel quel, sans le voter, et par la suite on pourra procéder à l'article 2. Je sais que Mme la ministre nous a déposé plus tôt des amendements possibles à cet égard-là. Alors, on pourrait faire les discussions sur l'article 2, après que l'article 1 ait été discuté, et, s'il restait... votre décision... avant de débattre s'il était recevable, la motion, et, s'il n'est pas recevable, on pourra procéder au vote par la suite, lors de la prochaine séance ou des séances, quand nos discussions seront terminées. Merci.
Le Président (M. Kelley): Il y a une proposition... Mme la députée d'Hochelaga...
Mme Harel: Excusez-moi, excusez-moi, M. le député de Laval-des-Rapides, ce que vous proposez, voulez-vous avoir l'obligeance de me le répéter?
M. Paquet: Avec plaisir, Mme la députée d'Hochelaga... M. le Président, il me fait plaisir, au bénéfice de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Effectivement, c'est des choses qui sont complexes, puis parfois on consulte, et c'est tout à fait correct, il n'y a pas de mal là-dedans, au contraire.
Je disais, c'est que je pense que la proposition de poursuivre la discussion sur l'article 1, si jamais certains membres souhaitent proposer une motion d'amendement, on pourra vérifier la recevabilité et en débattre; s'il n'y en a pas, on peut continuer la discussion sur l'article 1. Par la suite... Donc, on ne votera pas l'article 1 tel quel ou tel qu'amendé. S'il y avait d'autres amendements, ça ira après la décision que vous aurez rendue, à savoir: si la motion d'amendement proposée par le député de Lac-Saint-Jean était recevable, on en débattrait, si elle ne l'était pas, on pourrait, à ce moment-là, voter l'article 1 tel qu'amendé, s'il y a lieu, ou tel que non amendé, s'il y a lieu. Et si, ce soir, on en était rendus à avoir fini de discuter l'article 1, nous pourrions commencer l'article 2. Et je sais que la ministre a proposé des motions d'amendement qui sont de concordance, je crois, d'ailleurs. Et on pourrait, à ce moment-là, discuter et disposer, s'il y a lieu, de cet article, des amendements, et nous reviendrons par la suite, en attente de votre décision, dans la prochaine séance.
Le Président (M. Kelley): Alors, la proposition, c'est de poursuivre notre discussion sur l'article 1 en sachant qu'il n'y aura pas de vote sur l'article 1 ce soir.
Mme Harel: Bon. Regardez, M. le Président, on peut aussi procéder en suspendant l'article 1 et procéder à l'étude des propositions d'amendement de l'article 2. Et puis, de toute façon, on peut avancer de cette manière-là aussi.
Le Président (M. Kelley): M. le député.
n(22 h 40)nM. Paquet: Juste une question, parce que je pense que la discussion va très bien: S'il y avait... Parce que, tout à l'heure, Mme la députée de Rosemont nous a dit que c'était préparé. Alors, si jamais... ce n'est pas le cas, je ne veux pas prêter de motif ou d'intention avant le temps, là, mais, s'ils avaient l'intention de présenter d'autres motions d'amendement, ce qu'ils ont le droit de faire bien sûr, là ce serait peut-être le temps de le faire. On pourrait déjà discuter de ceux-là dans l'article 1. S'il n'y en a pas d'autre, on pourrait attendre la discussion générale sur l'article 1, demain, et continuer après sur l'article 2. Mais, si jamais ils avaient l'intention de présenter d'autres motions, et je prends à propos les mots de la députée de Rosemont ? Mme la députée de Rosemont, chère collègue, et qui m'a dit tout à l'heure qu'elle s'était préparée ? si jamais ils avaient d'autres motions, ce serait tout à fait correct et ça nous permettrait d'avancer. Et je pense que les gens qui nous écoutent apprécieraient de dire... de voir, s'il y a d'autres motions, qu'on puisse en discuter. Et ça ne présumerait en rien de votre décision, demain, sur la proposition d'amendement déposée par M. le député de Lac-Saint-Jean. Je pense que c'est ce que les gens, les citoyens qu'on représente aimeraient voir.
Le Président (M. Kelley): Moi, je pense... Étant donné qu'il y a une décision en suspens, moi, je propose qu'on suspende carrément l'article 1, on procède à la discussion de l'article 2. Il y a déjà deux projets d'amendement que la ministre, d'une façon informelle, a déjà distribués aux membres de la commission. Alors, je propose, Mme la ministre, de faire l'introduction de l'article 2, et, au moment que vous jugez opportun, on peut présenter les deux amendements qui sont déjà distribués aux membres de la commission et on peut en disposer. Alors, Mme la ministre, l'article 2.
Mme St-Pierre: J'ai un amendement, M. le Président. Alors, cet amendement se lit comme suit: Remplacer respectivement les numéros «49.1» et «49.2» par les numéros «50» et «50.1». Est-ce que je dois lire l'article...
Le Président (M. Kelley): Oui, je pense.
Mme St-Pierre: ...à ce moment-ci? À ce moment-ci, oui.
Le Président (M. Kelley): Je pense que cette fois-ci, à première vue, la proposition d'amendement est recevable. Mais je vais laisser à la ministre de présenter le pourquoi.
Une voix: Voulez-vous qu'on plaide...
Le Président (M. Kelley): Vous êtes toujours le bienvenu. Je ne veux jamais priver un parlementaire de son droit. Mais, Mme la ministre, pour le pourquoi pour l'amendement que vous avez proposé.
Mme St-Pierre: Bon, alors, ce que je vous demandais, c'est si je devais à ce moment-là lire l'article. Oui. Alors: «49.2. Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Alors, nous proposons, plutôt que d'en faire l'article 49.2, de le déplacer à 50.1. La raison, M. le Président, c'est que nous avons... Lors des discussions lors de la commission parlementaire, nous avons... Il y a eu des discussions sur cet... pour en fait déplacer cet article; à l'endroit où il se trouvait, il pouvait faire en sorte qu'on pouvait comprendre que cet article était par rapport à l'article 49.2, donc était par rapport à un autre article qui ne...
Il y a des groupes qui ont demandé un déplacement pour renforcer son caractère interprétatif. C'est le cas notamment du Forum des femmes juristes, du Barreau canadien, de la Fédération des femmes du Québec ainsi que de nos collègues de la deuxième opposition. Nous voulons prendre en compte les commentaires formulés par les groupes. Par exemple, le Forum des femmes juristes indiquait: «Quant au libellé suggéré, nous sommes en accord avec le libellé proposé tant dans le cas du préambule que de l'article 49.2. Nous suggérons cependant, pour optimiser le rôle interprétatif ? alors, c'est une question d'optimisation du rôle interprétatif ? de [...] 49.2, de le reloger [...] davantage...» De le reloger plus loin. Alors, nous avons également eu la suggestion de la deuxième opposition, du Parti québécois, de l'inscrire à 50.1, et nous y donnons suite. Alors, c'est la raison pour laquelle nous proposons de déplacer l'article.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Charlesbourg.
Mme Morissette: Oui, j'avais une petite interrogation, n'ayant pas été là aux consultations ? je m'excuse, peut-être que l'explication va être quand même facile ? mais, si on renumérote 49.1 et 49.2 par 50 et 50.1, qu'est-ce qui arrive à l'actuel article 50? Est-ce qu'il change de numéro, est-ce qu'il est déplacé ou est-ce que le 49.2 s'insère dans l'article 50 actuellement? Je veux juste vérifier, là: Est-ce que ça fait disparaître l'article 50, à ce moment-là, l'actuel, je parle?
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Non, M. le Président, non, ça ne fait pas disparaître l'article 50, qui se lit comme suit: «La charte doit être interprétée de manière à ne pas supprimer ou restreindre la jouissance ou l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne qui n'y est pas inscrit.» Et 50.1 se lit: «Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Donc, c'est un ajout et c'est pour insérer une disposition analogue à l'article 28 de la charte canadienne. Donc, ce qui est clair, c'est que nous croyons qu'une telle disposition, en raison de sa position prééminente qu'elle aurait dans la charte, peut rester un potentiel en faveur d'une considération spéciale de l'égalité entre les sexes, par rapport à d'autres droits et libertés, lorsque des litiges sont portés devant les tribunaux. Une telle clause donne l'occasion de renforcer au sein de la charte le droit à l'absence de discrimination, et c'est là un important signal que notre gouvernement voudrait envoyer. Donc, en fait, c'est le fait de faire en sorte qu'on a une disposition analogue à ce que l'on retrouve dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Morissette: Non, je comprends vraiment l'idée de déplacer l'article. Moi, c'est vraiment une question technique. C'est que, là, on aurait l'article 49 qui commence par «Une atteinte illicite». Là, l'article 49.1 deviendrait l'article 50, et le nouvel article 49.2, qui n'est pas encore adopté, deviendrait l'article 50.1. Donc, est-ce qu'on se retrouverait avec deux articles 50, ce qui est impossible? Ou peut-être que je ne saisis pas bien l'amendement que la ministre propose.
Le Président (M. Kelley): Si j'ai bien compris, pour le moment, l'idée était d'insérer un nouvel article, 49.2. La proposition, c'est de mettre ça après l'article 50. Alors, 49.1 reste tel quel dans la charte actuelle, et on va insérer la proposition, ici, qui va devenir un article 50.1.
Mme Morissette: Ce n'est pas ce que l'amendement dit, M. le Président. L'amendement dit: Remplacer respectivement les numéros «49.1» ? qui est déjà présent dans la charte...
Le Président (M. Kelley): Dans le projet de loi. L'amendement n'est pas à la charte, l'amendement est au projet de loi.
Mme Morissette: Mais, dans le projet de loi, on ne parle pas de 49.1.
Une voix: Bien, oui.
Le Président (M. Kelley): Oui, première ligne. Alors, on l'enlève dans la première ligne.
Mme Morissette: Ah! dans le libellé, vous le... O.K. Donc, ce n'est pas l'article qui est renommé.
Le Président (M. Kelley): Qu'est-ce qu'on amende ici est le projet de loi n° 63.
Mme Morissette: O.K. Ah! mais peut-être ça aurait été plus clair d'indiquer: Remplacer respectivement la mention du numéro 49.1. Parce que, la façon que c'est rédigé, on dirait qu'on renumérote l'article actuel 49.1. Mais je saisis très bien avec l'explication.
Le Président (M. Kelley): C'est juste... Je pense qu'il faut rappeler: l'amendement...
Mme Morissette: Oui, c'est bon.
Le Président (M. Kelley): ...se réfère au projet de loi et non à la charte. D'autres commentaires sur le projet d'amendement, c'est-à-dire le placement, si vous voulez, de l'article? Et après ça on peut faire un débat sur l'article comme tel. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Oui. M. le Président, sur l'emplacement de l'article, bien, d'abord, on salue ce déplacement de l'article. Toutefois, ce qu'on a réalisé, M. le Président, c'est qu'on a déplacé l'article, mais on n'a pas modifié le libellé en conséquence. Il nous apparaît qu'on a maintenu la clause sous une forme de garantie. Alors, je vais relire en fait 49.2, là, dont le numéro change, mais le libellé reste le même:
«49.2. Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Alors, il s'agit à notre sens, selon notre interprétation... qu'il s'agit plus d'une clause de garantie et non pas une clause interprétative.
Et ce n'est pas par hasard que le Conseil du statut de la femme nous a proposé une autre formulation, que je vous lis: «Dans l'atteinte de l'objectif de renforcer l'égalité entre les sexes dans la charte ? c'est le paragraphe conclusif... de conclusion, pardon ? d'autres formules pourraient aussi être envisagées. Ainsi, une clause interprétative ? alors une vraie clause interprétative ? qui prévoirait que "toute interprétation et application de la présente charte doit concorder avec l'égalité entre les [hommes et les femmes]"...» Il s'agit là d'une formulation habituelle d'une clause interprétative où on fait référence à l'interprétation et non pas à la garantie des droits qui sont énumérés. Je pense qu'on s'est inspiré de l'article 28 de la charte canadienne, alors qu'on veut faire, dans la charte québécoise, une véritable clause interprétative. Mais je suis curieux d'entendre la ministre sur peut-être les motifs qui l'ont amenée à préférer le libellé peut-être plus de garantie, de l'article 28 par rapport à l'interprétation qui était suggérée par le Conseil du statut de la femme.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Je comprends qu'on peut discuter effectivement de la question, là, qui est une question qui vaut la peine d'être discutée, du député du Lac-Saint-Jean, sauf, avec tout respect ? de Lac-Saint-Jean, pardon; avec tout respect ? possiblement... M. le député de Lac-Saint-Jean sera d'accord avec moi que l'amendement fait juste changer l'interpellation. On pourrait voter l'amendement, et par la suite bien sûr il pourra soulever... et on pourra débattre sur la question qui l'intéresse.
n(22 h 50)nLe Président (M. Kelley): Est-ce que votre intervention change ou... Non, je pose la question.
M. Cloutier: Bien, je vais débattre plus longuement tout à l'heure de la clause interprétative, sur le fond, puis j'y reviendrai, mais l'emplacement est aussi significatif, avec le libellé qu'on m'a nommé, parce que, si c'est une clause de garantie, avec respect, ça ne va pas sous le chapitre V, qui s'intitule Dispositions spéciales et interprétatives, ça va aller dans cet espace uniquement si on formule le libellé de l'article comme les clauses interprétatives habituelles. Alors, évidemment... Bien, ma question, c'est: Si on change de place et puis qu'on le met justement dans cette rubrique du chapitre V, là, Dispositions spéciales et interprétatives, est-ce que la ministre va faire les modifications nécessaires au libellé pour rendre ça conforme, je pense, au chapitre, au titre du chapitre?
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: M. le Président, je référerais le député aux commentaires qui ont été faits lors de la commission parlementaire par la commission des droits et libertés et sur le libellé de l'article, le libellé que nous proposons. Alors, la condition était vraiment en accord avec ce libellé, parce que, et je cite M. Cousineau, «il aurait pu y avoir beaucoup de façons de rédiger autrement, et certaines façons de rédiger auraient pu entraîner une lecture que ce droit prime sur un autre [droit]. Alors, [sans utiliser] des mots comme "nonobstant" ou ["de façon",] "en primauté", ça aurait été des mots à éviter qui nous auraient entraîné dans une hiérarchie qui n'est souvent pas celle des instruments internationaux, qui nous parlent de droits indissociables, de complémentarité des droits. Alors, ce vocabulaire-là aussi peut nous faire comprendre qu'il ne s'agit pas de primauté, de hiérarchie». On avait eu... «Je ne sais pas s'il y a eu d'autres exemples à ajouter là, [dans] la rédaction.» Donc, c'est la fin de la citation.
Donc, ceci pour dire que, vous l'avez vu vous-même lors de cette commission parlementaire, il y a eu des craintes qui ont été formulées par certains groupes qu'il y ait une hiérarchisation des droits dans cet exercice que nous voulons faire de modifier la Charte des droits et libertés. Et, à la lumière de ce que nous avons présenté et des analyses qui ont été faites, la commission en vient à la conclusion qu'il n'y a pas de hiérarchisation des droits.
Et le Barreau également, qui avait craint, lui aussi, qu'il y ait une hiérarchisation des droits, a refait ses devoirs et nous a fait parvenir une lettre en nous disant que le Barreau, après analyse, après avoir analysé de façon plus pointue, de façon... avoir analysé la situation profondément, le Barreau en est venu à la conclusion qu'il n'y avait pas de hiérarchisation. Donc, pour nous, il nous apparaît que le libellé que nous présentons présentement est le libellé qui donne cette garantie qu'il n'y a pas de hiérarchisation des droits, et c'est le libellé qui semble faire consensus.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense que la ministre a répondu à une question qui n'était pas posée par mon collègue. Nous sommes tous et, je pense, sans exception d'accord avec le fait qu'il n'y a pas de hiérarchisation. Ça, c'est une troisième voie. En fait, les deux voies que nous avons à décider demeurent dans ce qu'on peut appeler la théorie de l'ensemble des droits interprétatifs. C'est une question de formulation, de rédaction de ce qu'est une clause interprétative. Alors, on ne cherche pas, personne d'entre nous, à ce qu'il y ait hiérarchisation.
La ministre a répondu comme si mon collègue proposait une quelconque hiérarchisation des droits par une autre formulation qui utiliserait les mots «primauté», ou «prédominance», ou en fait «préséance», ou quoi que ce soit. Ce n'est pas de ça du tout dont il s'agit. En fait, ce dont il s'agit, c'est: Prenons-nous la clause analogue à celle de la charte canadienne, qui est dans une traduction, disons, de la pensée, si vous voulez, anglophone, dans le sens de garantie, sur des clauses de garantie? Ou allons-nous utiliser les clauses usuelles, interprétatives, là, des clauses interprétatives qui sont celles qui ont été proposées par le Conseil du statut de la femme et qui se lisent... en fait qui se lit comme suit: «Dans l'interprétation et l'application de la présente charte, il doit être tenu compte de l'importance de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes.» Alors, c'est une clause interprétative et non pas une clause de hiérarchie. Bon, on n'en est pas là. Le député de Laval-des-Rapides avait raison tantôt, quand il a dit que l'amendement qu'il proposait, c'est un amendement de déplacement et non pas de réécriture. Ce que mon collègue a posé comme question, c'est: cet amendement de déplacement va se retrouver dans la section Clauses interprétatives...
Une voix: Chapitre V.
Mme Harel: ...chapitre V, Dispositions spéciales et interprétatives, alors que c'est une clause dite de garantie et donc non pas une clause interprétative. Alors, la grande question est: Pourquoi faut-il le déplacer si tant est qu'il n'y a pas de réécriture?
Le Président (M. Kelley): M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Je comprends la question de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, ma collègue, mais le point, c'est que dans les deux cas, autant dans le libellé actuel du projet de loi, l'article 2, où est-ce qu'on était dans le chapitre V, Dispositions spéciales, interprétatives, le nouveau libellé, qui change la numérotation, qui déplace, enfin qui décale de... je ne veux pas me tromper du nombre d'alinéas ou d'articles, là. On passait de 49.1, 49.2 à 50.1... à 50 et 50.1, effectivement. Donc, on est un petit peu plus bas dans la Charte des droits et libertés de la personne. Dans les deux cas, selon le libellé actuel ou le libellé tel que modifié, s'il était adopté... si l'amendement de la ministre était adopté, on resterait, dans les deux cas, à l'intérieur du chapitre V, sous les Dispositions spéciales, interprétatives. Donc, de ce point de vue là, je crois que, si on adopte l'amendement, ça ne change rien à cet aspect-là. Par la suite, les autres éléments de discussion que voudront amener les collègues députés, on pourra les faire de toute façon, je crois, mais... ce qui est légitime, d'en discuter.
Mme Harel: ...M. le Président, je pense qu'on peut disposer d'abord de la question ou pas du déplacement et ensuite de ça de la question du libellé lui-même, de la rédaction.
Mais je voudrais que la ministre nous indique quelle est son intention en déplaçant, tel que rédigé, l'article tel que rédigé, qui est une clause de garantie. Quelle est son intention en le déplaçant dans les Dispositions spéciales et interprétatives? Quel est l'effet qu'elle recherche, là, l'effet juridique qu'elle recherche?
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, l'endroit où tout d'abord nous avions décidé de le placer faisait peut-être référence à la notion d'équité salariale. Donc, à la suite de ce qui a été dit, les commentaires qui ont été faits pendant la commission, au mois de février, et les commentaires qui ont été faits par la deuxième opposition, nous avons décidé de proposer de déplacer l'article pour qu'il soit plus large, et c'est pour ça que nous avons décidé de le déplacer, mais en gardant son libellé, justement parce qu'en changeant le libellé on pouvait peut-être y avoir une notion, une connotation... C'est l'analyse que les juristes ici, au ministère, ont faite, il pouvait y avoir une connotation de hiérarchisation. Donc, en gardant ce libellé, il n'y a pas à notre avis de hiérarchisation, et nous le déplaçons pour lui donner une portée plus large. Parce qu'à l'endroit où on l'avait mis il pouvait y avoir une idée, une interprétation qu'on référait à la question d'équité salariale. Donc, en allant le placer plus loin, on lui donne une portée plus large.
n(23 heures)nMme Harel: Quelle est la portée plus large? Quand on dit «portée plus large», quelle est-elle, cette portée plus large? Avec le consentement de la commission et de la ministre, on peut avoir des explications par les experts légaux.
(Consultation)
Le Président (M. Kelley): Alors, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, ça lui donne un... En le plaçant près de «la charte doit être interprétée de manière à ne pas supprimer ou restreindre la jouissance ou l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne qui [y] est [...] inscrit», donc ça nous donne cet environnement-là. L'endroit où on avait tout d'abord pensé le placer, il donnait l'environnement qui était plus sur la question de l'équité salariale. Là, nous lui donnons un autre environnement parce qu'on le précède par «la charte doit être interprétée».
Alors, c'est pour cette raison que nous avons décidé de la déplacer là, de le placer là, à la suggestion d'ailleurs de la deuxième opposition. Également, nous avons décidé de le faire à la suggestion d'autres groupes qui sont venus nous dire qu'il serait mieux placé à cet endroit qu'il ne l'était à l'endroit où nous avions décidé de le faire.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Harel: Merci. Je vous remercie, monsieur.
Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur l'amendement? Parce que je sais que le député de Lac-Saint-Jean veut revenir sur le libellé. Mais est-ce qu'on peut disposer de l'amendement de la ministre? M. le député.
M. Cloutier: Très rapidement, M. le Président. Je comprends qu'on a voulu, là, donner suite à l'article 50, où on fait mention de «la charte doit être interprétée». Je me questionne simplement de savoir pourquoi qu'on n'a pas repris ce même libellé plutôt que d'utiliser le mot «garanti». Pourquoi ne pas simplement dire: «Les droits et libertés énoncés dans la charte doivent être interprétés également aux femmes et aux hommes», exactement comme le libellé de l'article 50 que la ministre nous a lu?
Le Président (M. Kelley): On peut poser la question maintenant ou on peut adopter l'amendement et revenir sur le libellé. Comme vous voulez, M. le député.
M. Cloutier: Ça va.
Le Président (M. Kelley): O.K. Peut-être on peut mettre aux voix l'amendement puis après ça revenir sur votre question sur le libellé, qui demeure entière. Alors, est-ce que l'amendement proposé par la ministre est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Kelley): Adopté. Alors, maintenant, on revient sur l'article 2 tel qu'amendé. Et, je pense, la question du député de Lac-Saint-Jean, si vous voulez la reformuler ou si c'est posé, c'est sur... À vous la parole, M. le député.
M. Cloutier: Bien, en fait, simplement pour une question de... Les articles 50 et 51 actuels de la charte. L'article 50: «La charte doit être interprétée», les premiers mots introductifs. Article 51: «La charte ne doit pas être interprétée...» Alors, article 50.1, il me semble: La charte doit être interprétée... la Charte des droits et libertés doit être interprétée également aux femmes et aux hommes. Il me semble que, dans un souci de logique et de continuité, il m'apparaît que cette formulation serait conforme aux suggestions du Conseil du statut de la femme de même qu'à une certaine logique des dispositions précédentes et subséquentes.
Le Président (M. Kelley): Alors, pour le moment, c'est juste une proposition, ce n'est pas un amendement formel pour le moment. Alors, la question est posée. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, je pense qu'il faut comprendre que le libellé que nous avons décidé de formuler, il a été analysé en long et en large. Et tout d'abord il faut mentionner également que c'est un libellé qui a l'approbation de la commission des droits et libertés, la commission des droits et libertés... et il y a d'autres groupes également qui ont parlé de la question de... et cette crainte de possibilité de hiérarchisation. Alors, pour éliminer toute crainte et possibilité de hiérarchisation dans la charte, c'est le libellé qui nous a été suggéré.
Je cite la commission, qui dit, et j'ouvre les guillemets: «Si ces modifications avaient eu pour effet de modifier le principe de non-hiérarchisation des droits et libertés de la personne, la commission aurait été très inquiète de tels changements. Les modifications proposées permettront donc, si elles sont adoptées par l'Assemblée nationale, d'affirmer ce principe fondamental de l'égalité entre les hommes et les femmes sans pour autant risquer de fragiliser l'édifice des droits et libertés du Québec.» Et ça, c'était vraiment très, très important pour la commission des droits et libertés, et c'est pour cette raison que nous pensons que la formule qui est proposée ici est la meilleure, et c'est la formule qui évite toute possibilité qu'il y ait une hiérarchisation dans l'exercice que nous faisons et dans l'adoption de cette loi-là.
Le Président (M. Kelley): M. le député.
M. Cloutier: Bien, M. le Président, il m'apparaît que, si c'est une clause interprétative, il faut le formuler comme une clause interprétative. Si c'est une clause de garantie, on le formule comme une clause de garantie. On l'a formulé, dans un premier temps, comme une clause de garantie. On l'a amené dans une disposition qui est une clause interprétative, dans une section qui s'adresse aux clauses interprétatives ou aux clauses spéciales. Je regarde, comme vous, le libellé qui précède, de l'article qui précède, et le libellé qui suit, ça m'apparaît assez clair, où on le formule que la charte doit se faire en interprétation ? enfin, j'y ai fait référence, là, tout à l'heure; mais ? ça m'apparaît assez clair que les articles qui précèdent sont formulés correctement et comme des vraies clauses interprétatives. Et ce qui nous est présenté pourrait être amélioré, pourrait être amélioré pour le rendre conforme aux dispositions qui l'entourent.
Alors, M. le Président, je pense que nous allons proposer un amendement à l'article 2 du projet de loi n° 63. Alors, l'article 2: Cette charte est modifiée par l'insertion, après l'article 50, de l'article suivant:
«50.1 Dans l'interprétation et l'application de la présente charte, il doit être tenu compte de l'importance de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes.» Et là, évidemment, on s'est inspirés des clauses avoisinantes.
Le Président (M. Kelley): Alors, on va suspendre quelques instants, faire les photocopies du nouveau libellé tel que proposé par le député de Lac-Saint-Jean. On suspend quelques instants.
(Suspension de la séance à 23 h 7)
(Reprise à 23 h 14)
Le Président (M. Kelley): Alors, tout le monde a copie du projet d'amendement proposé par le député de Lac-Saint-Jean? M. le député, sur votre proposition.
M. Cloutier: M. le Président, bien je pense qu'avant de plaider et d'expliquer en détail la proposition d'amendement qu'on vient de faire, je pense que, pour les membres de cette commission, ce serait intéressant d'entendre les juristes sur la proposition qui a été déposée par le gouvernement, et puis ils pourraient nous expliquer en quoi de modifier le libellé pour le rendre conforme aux autres dispositions qui l'entourent modifie la hiérarchisation ou pourrait avoir un impact sur la hiérarchisation, qui n'est pas un effet du tout qui est recherché par notre formation politique ni par les intervenants qu'on a entendus durant la commission parlementaire. Mais, pour bien faire notre travail, à l'oeil, c'est évident qu'on va utiliser un autre libellé des autres clauses interprétatives, et on aimerait connaître les motifs, si évidemment le gouvernement accepte de nous partager l'expertise qui les entoure.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: M. le Président, je crois que, sur la recevabilité, je pense que l'amendement est recevable. Je veux dire, d'une part, je pense que je n'ai pas besoin de plaider là-dessus, on est vraiment sur le fond.
Une voix: ...
M. Paquet: Pardon?
M. Cloutier: ...sur le fond.
M. Paquet: C'est sur le fond. Bien, l'amendement est recevable... bien, si vous le jugez recevable, M. le Président. Je pense qu'on pourrait en discuter. Puis là il y a une question de fond, à savoir: Est-ce que... Bien, autrement dit, est-ce que la question, M. le Président, est-ce que la question est... Est-ce que l'amendement est déposé tel quel ou c'est pour consultation? Juste pour clarifier.
M. Cloutier: L'amendement a été déposé, M. le député de Laval.
M. Paquet: O.K. Parfait.
Le Président (M. Kelley): L'amendement est déposé. On a le débat sur la motion...
M. Paquet: Je crois qu'il est recevable.
Le Président (M. Kelley): ...l'amendement, pardon, l'amendement proposé par le député.
M. Paquet: Sur l'amendement.
M. Cloutier: M. le Président, cet amendement, l'objectif, c'est de trouver la meilleure formulation possible pour en arriver à une clause interprétative. Nous, ce qu'on prétend, c'est qu'à ce stade-ci, de la façon dont c'est libellé, c'est une clause de sécurité, et on veut en faire une clause interprétative. Et ce qu'on a compris, depuis le début, de l'intention du gouvernement, c'est réellement d'en faire une clause interprétative. C'est ce qui est recommandé dans le rapport Bouchard-Taylor. D'ailleurs, hier, la ministre a fait référence à la recommandation B6, hein, mais, si on lit la recommandation B6, qui est juste ici, alors: «B6. Nous approuvons l'initiative en cours à l'Assemblée nationale pour insérer dans la charte québécoise une clause interprétative établissant l'égalité hommes-femmes comme une valeur fondamentale de notre société.» Nous, ce qu'on prétend, M. le Président, de notre côté, c'est: ce serait beaucoup plus clair si on le formulait comme les autres clauses interprétatives. Alors, ce que la ministre nous a dit tout à l'heure, c'est que selon elle... elle nous a cité le mémoire de la Commission des droits de la personne, qui parle de la hiérarchisation des droits. Alors, ce que j'ai compris de ce qu'elle nous a soumis, c'est que ça pourrait poser problème de le formuler comme les autres clauses interprétatives qui l'entourent.
Alors, une fois que j'ai dit ça, j'ai aussi compris qu'elle a fait référence à ceux qui l'ont conseillée, et puis elle semblait dire que, si on reprenait cette formulation-là, on créerait une hiérarchisation des droits. Alors, c'est dans ce sens-là que j'ai interpellé les gens qui entourent la ministre, sinon je vais continuer d'expliquer mon plaidoyer et je vais continuer d'expliquer pourquoi à notre avis la formulation devrait être faite conformément à celle qui vous a été soumise. Parce que cette question de la formulation de la clause, elle est particulièrement importante puisqu'elle touche au coeur même de l'objet de la loi. Alors, l'objet de la loi, c'est de faire une clause interprétative de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Alors, une fois qu'on a dit ça, M. le Président, je pense qu'à cette heure-ci il est pertinent de rappeler qu'à notre avis ce projet de loi aborde la question des valeurs fondamentales. On a essayé de présenter un amendement pour inclure, en plus de l'égalité entre les hommes et les femmes, la primauté de la langue française et la laïcité des institutions publiques, inspiré directement du texte du premier ministre.
Maintenant, on est rendus au coeur même du projet de loi, qui est celle de l'égalité entre les hommes et les femmes. Et, comme je viens de le dire, M. le Président, le libellé de l'article 49, qui est maintenant rendu l'article 50, m'apparaît beaucoup plus simple et clair tel qu'il est formulé dans notre proposition, que je lis: «Dans l'interprétation et l'application de la présente charte, il doit être tenu compte de l'importance de garantir l'égalité entre les hommes et les femmes.» Alors, «dans l'interprétation», ça m'apparaît on ne peut plus clair que c'est la bonne formulation, d'autant plus que les articles qui l'entourent utilisent sensiblement le même libellé. L'article 50: «La charte doit être interprétée de manière à ne pas supprimer ou restreindre la jouissance ou l'exercice d'un droit ou [d'un libellé] de la personne qui n'y est pas inscrit.» Et l'article 51: «La charte ne doit pas être interprétée de manière à augmenter, restreindre ou modifier la portée d'une disposition de la loi, sauf dans la mesure prévue par l'article 52.» Alors, bien humblement, M. le Président, on vous soumet que la formulation qui est présentée, sans changer le contenu et sans non plus changer la hiérarchisation des droits, respecte l'uniformité des dispositions qui l'entourent.
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
n(23 h 20)nMme St-Pierre: Alors, M. le Président, lorsque nous avons procédé à la rédaction de ce projet de loi, nous avons procédé avec beaucoup de minutie, et il y avait plusieurs juristes qui ont travaillé sur le projet de loi.
Le député fait référence à la commission Bouchard-Taylor et à B6 de Bouchard-Taylor, qui se lit comme suit: «Nous approuvons l'initiative en cours à l'Assemblée nationale pour insérer dans la charte québécoise une clause interprétative établissant l'égalité hommes-femmes comme une valeur fondamentale de notre société.» Donc, moi, je prends pour acquis que la commission Bouchard-Taylor a lu notre libellé à nous, et s'est penchée sur notre libellé à nous, et a interprété notre libellé à nous comme étant une clause interprétative. Enfin, c'est ce que je comprends de ce qui est écrit dans le rapport Bouchard-Taylor. Et, lors de la commission parlementaire, la grande majorité des intervenants ont considéré que notre libellé était le meilleur. Et, quand on parle que l'article proposé est une clause interprétative, la plupart sont venus nous dire qu'il s'agissait d'une clause interprétative.
Nous avons également obtenu l'avis de la Commission des droits de la personne sur ce libellé, et, selon l'avis de la Commission des droits de la personne, notre libellé est le meilleur libellé.
Donc, pour compléter ma réponse, je vais demander à Me Françoise Saint-Martin, qui est constitutionnaliste et qui est directrice des affaires juridiques au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Elle est membre également du personnel du ministère de la Justice. Elle a travaillé sur la rédaction de ce projet de loi. Elle a mis beaucoup d'heures et beaucoup d'énergie et elle a vraiment épluché tout ce qu'il y avait de documents constitutionnels, et je pense qu'elle peut répondre à la question qui est posée sur la question de notre libellé à nous par rapport au libellé qui est proposé par la deuxième opposition.
Le Président (M. Kelley): Alors, premièrement...
Mme St-Pierre: Est-ce que je...
Mme Harel: J'ai une question à la ministre, parce qu'elle parle du mémoire de la commission des droits et libertés de la personne...
Une voix: ...
Mme Harel: ...de la position de la commission des droits et libertés de la personne. Elle nous dit que la commission a considéré que c'était le meilleur libellé. Est-ce à dire qu'il y en a d'autres qui auraient été soumis à la commission? Et, si tant est qu'il n'y a que celui-là qui est considéré comme le meilleur, où dans la présentation de la commission a-t-on fait mention du meilleur libellé ou du libellé...
Le Président (M. Kelley): Avec respect, Mme la députée, on peut peut-être disposer de la question de votre collègue avant de procéder à votre question. J'ai d'autres demandes d'intervention. Le député de Lac-Saint-Jean a demandé qu'on donne consentement pour permettre à Me Saint-Martin de participer dans nos délibérations; peut-être on peut disposer de cette demande formulée par votre collègue. J'ai également le député de Laval-des-Rapides et la députée de Charlesbourg qui aimeraient intervenir. Parce que, je pense, vous nous amenez sur un autre sujet. Avec tout respect, on va les faire un à la fois.
Alors, avec le consentement, on va permettre à Me Saint-Martin de répondre aux questions qui ont été posées par le député de Lac-Saint-Jean. Me Saint-Martin.
M. Cloutier: M. le Président, si vous le permettez, juste pour... C'est important de préciser qu'il n'y a pas une compétition du meilleur libellé, là, ici. On le fait dans un esprit constructif et on est surtout très convaincus de la compétence de Mme Saint-Martin et...
Le Président (M. Kelley): Non, mais je crois que votre demande a été formulée. Je pense qu'on est mieux...
M. Cloutier: Oui, mais bien sûr. Mais ce que je veux dire, c'est que...
Le Président (M. Kelley): Il y a d'autres éléments qui vont être...
M. Cloutier: ...je voulais rappeler qu'on le fait dans un esprit constructif, et nous sommes heureux d'avoir des explications de distingués juristes.
Le Président (M. Kelley): C'est dans cet esprit que la question a été comprise. Me Saint-Martin.
Mme Saint-Martin (Françoise): Oui. Le libellé qui est proposé en papillon, c'est le type de libellé qu'on a eu justement à se pencher, à imaginer, compte tenu des termes de la charte. Ce qui est particulièrement, pour nous autres, troublant ? puis on a regardé ce genre de libellé là ? c'est les termes. Déjà, le fait de parler d'une garantie d'égalité, ça donne à l'idée tout de suite un résultat, puis de parler que, dans l'application de la charte, on doit rechercher presque un résultat, c'est là où le danger d'une hiérarchie devenait très sensible. Donc, comme le libellé de l'article 28 de la charte canadienne était vu par plusieurs justement comme une disposition interprétative, même si le mot «pour interpréter» ou «interprétation» n'est pas utilisé, puis compte tenu des garanties... des échanges que plusieurs juristes... et au gouvernement et les discussions avec la Commission des droits sur la proposition, ce qui a été déposé dans le projet de loi paraissait plus garant de ne pas établir une hiérarchie. C'est pour ça qu'on préférait ne prendre aucun risque.
On peut juste penser, par exemple, à l'exemple... Fréquemment, en matière soit de religion par rapport aux femmes, si on parle qu'il doit y avoir application de la garantie de l'égalité entre les femmes et les hommes, par exemple, que ce soient les synagogues, qui n'ont pas une mixité, ou que ce soit dans la religion catholique, les femmes ne peuvent pas devenir prêtres, comment on verrait l'application de la garantie d'égalité des femmes dans ces circonstances-là? On voit tout de suite les débats qu'on peut partir avec les dangers de hiérarchisation. Donc, un libellé plus prudent, qui a recueilli l'aval de la commission, nous paraissait plus sécure.
M. Cloutier: Est-ce que ça demeure quand même une clause interprétative à votre avis du fait d'avoir évacué les mots «interprétation» ou «interprétative», peu importe, dans le libellé qui est suggéré?
Mme Saint-Martin (Françoise): Oui. Pour moi, une clause interprétative, c'est quelque chose qui vient préciser le sens. On utilise, par exemple, dans les lois ? souvent dans les définitions, qui sont des clauses types d'interprétation ? que tel mot s'entend de telle chose. Jamais on ne parle que c'est interprétatif. Pourtant, c'est ce que les termes veulent signifier. Donc, lorsqu'on dit, dans la charte: Les droits et les libertés sont garantis aux femmes et aux hommes, c'est pour ça que la grande majorité des intervenants sont tous venus dire... bien ça venait clarifier le sens des droits et libertés énoncés. Donc, c'est interprétatif.
Le Président (M. Kelley): M. le député.
M. Cloutier: Bien, puisque vous avez fait référence à l'article 28 de la charte canadienne, est-ce que vous avez l'impression que, puisqu'on a repris sensiblement le même libellé, il y aura aussi sensiblement les mêmes effets qu'à l'article 28 de la charte canadienne?
Mme Saint-Martin (Françoise): En fait, c'est une disposition, l'article 28, qui a été relativement peu utilisée par les tribunaux. C'est ce qu'on... Entre autres... Oui, il a déjà été utilisé. Souvent, en fait, c'est qu'il est difficile de percevoir l'impact direct de l'article 28; il est le plus souvent plaidé avec d'autres dispositions, l'article 15. Donc, c'est d'isoler l'impact réel. Mais ce que l'avis du Conseil du statut de la femme ou d'autres auteurs ont pu écrire, c'est que le plein potentiel de 28 n'a peut-être pas été plaidé, là. Il a amené quand même une certaine sécurité en termes de reconnaissance du principe de l'égalité des femmes et des hommes dans la société.
Le Président (M. Kelley): M. le député.
M. Cloutier: Alors, dans un esprit de hiérarchisation des droits, je comprends que l'approche de la prudence vous a amenés à préférer un libellé moins apparent à une clause interprétative pour préférer un libellé de l'article 28. Est-ce que vous considérez que l'article 28 est une clause interprétative, oui, de la charte canadienne?
Mme Saint-Martin (Françoise): Oui.
M. Cloutier: Très bien. Je ne sais pas si mes collègues, ils ont...
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Kelley): Bon, bien, sur le même sujet, M. le député de Laval-des-Rapides. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, est-ce que c'est sur votre autre question ou... On va revenir plus tard sur votre autre question. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci, M. le Président. Je pense qu'effectivement, dans un esprit très constructif ? et je comprends très bien, là, et je ne remets pas en cause du tout, là, l'intervention du député de Lac-Saint-Jean ? on essaie de comprendre, et c'est important, lorsqu'on parle d'étude détaillée d'un projet de loi et d'étude détaillée article par article, l'aspect de l'intention du législateur. C'est là qu'il est le plus fondamental, c'est au moment de l'adoption d'un projet de loi. Et ce que j'entends de la ministre, j'ai entendu de maître...
Une voix: Saint-Martin
n(23 h 30)nM. Paquet: ...Saint-Martin, excusez-moi, de Me Saint-Martin, l'intention est claire, et je pense qu'on partage tous, là, cette même intention, que c'est une clause interprétative. Mais, là, on entre dans les subtilités juridiques, selon une formulation ou une autre, et ce que je comprends des explications de Me Saint-Martin et des représentations qui ont été faites notamment par la Commission des droits de la personne, le libellé qui était spécifié évite d'entrer dans une subtilité juridique qui pourrait un jour être interprétée par des juges... évidemment, on utilise le conditionnel, mais qui pourrait être interprétée de manière à hiérarchiser des droits. Et c'est la réserve, là, sur laquelle la formulation qui est proposée dans l'amendement pourrait amener, pourrait avoir cet effet induit.
Et je comprends, je pense que ce n'est pas l'intention du député de Lac-Saint-Jean avec la proposition qu'il faisait, mais, si l'intention était de préciser, dans l'intention du législateur que nous sommes, que c'est une clause interprétative, je pense que là-dessus ça fait largement consensus, et c'est la raison pour laquelle je préférerais aller vers la prudence et laisser le... Plutôt qu'avoir un gouvernement des juges, avec tout le respect pour le travail qu'ils ont à faire, le gouvernement des élus est celui qui, je crois, doit primer dans notre droit à cet égard-là. On a des responsabilités en tant qu'élus. Et, je pense, l'ayant précisé sous la question, l'excellente question qui a été posée par le député de Lac-Saint-Jean, je pense qu'il y a un consensus et je plaiderais pour que nous ne... Peut-être le député voudra retirer, je ne veux pas présumer, l'amendement qu'il a proposé, la proposition d'amendement, et que nous revenions au libellé original de l'article du projet de loi.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Charlesbourg; après, Mme la députée d'Hochelaga. Mme la députée de Charlesbourg.
Mme Morissette: Bien, en fait, j'aimerais savoir effectivement si la proposition d'amendement est maintenue, là. Si elle est retirée, mon propos n'aura pas de pertinence.
Le Président (M. Kelley): Non, il est déposé, on est au débat sur l'amendement proposé par le député de Lac-Saint-Jean.
Mme Morissette: Vous la maintenez? Bon. On mentionne qu'elle est maintenue. Je voudrais juste... En fait, moi, je suis entièrement d'accord avec Me Saint-Martin. Je voudrais juste peut-être qu'on fasse un exercice de remplacer certains mots par d'autres pour voir le danger de rentrer dans une hiérarchisation. Je vous donne un exemple, là, tiré des critères énumérés à l'article 10. Admettons qu'on pourrait dire: «Dans l'interprétation et l'application de la présente charte, il doit être tenu compte de l'importance de garantir la liberté de religion.» Je pense qu'avec... je donne vraiment juste l'exemple, en changeant le terme, on se rend compte qu'à ce moment-là, dans chacune des décisions que les juges devront prendre, ils vont devoir, de façon préliminaire, primordiale, tenir compte de la liberté de religion. Donc, je pense qu'une formulation comme celle du député de Lac-Saint-Jean, ça nous démontre qu'effectivement ça crée une hiérarchisation... hiérarchisation ? voyons, c'est difficile à cette heure-ci! Et je pense que c'est un pas que personne n'est prêt à franchir ici, là, à l'Assemblée nationale.
Alors, je ne sais pas si c'est un exercice auquel s'était prêtée la deuxième opposition, mais je ne pense pas qu'on réussisse à trouver une formulation qui utilise le mot «interprétation», ou autre synonyme, qui nous éviterait de tomber dans la hiérarchisation. J'aime bien la façon qui a été formulée actuellement, puis à mon sens de l'avoir déplacé lui donne entièrement son sens interprétatif.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Alors, vous savez qu'une loi comme une charte, en fait ça s'interprète, les articles, les uns par rapport aux autres. Alors, dans la charte, il y a un article 50 qui va rassurer Mme la députée de Charlesbourg. L'article 50 se lit comme suit: «La charte doit être interprétée de manière à ne pas supprimer ou restreindre la jouissance ou l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne qui n'y est pas inscrit.» Alors, il est évident, M. le Président, que cet article-là serait utilisé en l'occurrence dans l'exemple qu'a donné Mme la députée de Charlesbourg.
Je voudrais que Mme Saint-Martin peut-être puisse répondre à la question. Elle a commencé tantôt à nous dire, si tant est que la formule d'interprétation et d'application de la charte telle que proposée par mon collègue était retenue, que cela garantirait des résultats. C'était l'expression, je pense, qu'elle a utilisée. Est-ce que Mme Saint-Martin peut venir nous rappeler exactement ce qu'elle nous a dit? Elle nous a dit qu'en regard de l'application de la formule rédigée, qui dirait «dans l'interprétation et l'application de la présente charte, il doit être tenu compte de l'importance de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes»... Vous avez dit que vous aviez examiné cette formulation, que vous ne l'aviez pas retenue parce que cette formulation obligeait... avait une obligation de résultat. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
Le Président (M. Kelley): Me Saint-Martin.
Mme Saint-Martin (Françoise): Ce que j'ai indiqué, c'est qu'il y avait des plus grands risques que ça mène à un résultat... En fait, c'est un amalgame de différents termes, là, qui génère le risque de hiérarchie.
Mme Harel: ...résultat.
Mme Saint-Martin (Françoise): En fait, quand on parle d'une hiérarchisation, c'est qu'un droit va avoir vraiment préséance par rapport à un autre plutôt qu'appeler un résultat où les juges, tenant compte de l'ensemble du contexte, vont décider, dans un cas donné, de faire prévaloir un droit vis-à-vis de telle autre liberté ou un droit vis-à-vis un autre droit. Donc, la hiérarchisation, c'est que ça appelle apparemment une préséance, une priorité. C'est dans ce sens-là que je parlais de résultat, ou une garantie.
Dans les termes qui sont suggérés à l'article 50.1, donc il y a le terme «dans l'application de la présente charte». On voit tout de suite que ce n'est pas simplement dans l'interprétation, mais on cherche à l'appliquer, donc il y a un résultat. Puis, quand on dit «l'importance de garantir», là encore, ça renforce un peu dans l'application. Comme on cherche une garantie de résultat vis-à-vis l'égalité, à ce moment-là, on... C'est une question de perception, mais ça laisse beaucoup plus entendre qu'on doit mener vers l'égalité peu importe le contexte, alors que, dans une situation plus neutre, comme ce qui est proposé au projet de loi, le principe est là, mais on n'appelle pas à un résultat, au niveau des tribunaux, pour que l'égalité des femmes, dans toutes circonstances, soit le droit qui prévale vis-à-vis d'autres libertés. On souhaite que dans chaque circonstance tout soit pesé pour examiner, comme la Commission des droits et en fait l'ensemble des intervenants au niveau des droits et libertés de la personne. C'est un des principes fondamentaux des conventions sur les droits de l'homme qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les droits et libertés.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Harel: Oui. Est-ce que vous diriez que la différence serait la suivante: en l'occurrence, avec la formulation telle qu'on la retrouve dans le projet de loi, ce serait une obligation de moyens, alors qu'avec la formulation telle que proposée par mon collègue ce serait une obligation de résultat?
Le Président (M. Kelley): Me Saint-Martin.
Mme Saint-Martin (Françoise): Je n'ai pas dit que ça se formulait en termes d'obligation de moyens, on parle de risque de hiérarchisation. C'est à ce moment-là, quand on parle de risque de hiérarchisation, tu poses la question de savoir: Est-ce que la rédaction mène à tel résultat qui va être nettement plus favorable à tel droit par opposition à un autre, donc à une hiérarchie? Ce n'est pas une question d'obligation de résultat ou une obligation de moyens, c'est dans la force des conclusions à tirer sur l'importance de certains droits, où il est important de maintenir une neutralité entre les différents droits et libertés pour que chacun puisse être plaidé et reconnu.
Mme Harel: Alors, quelle est la portée de la formulation telle qu'on la retrouve, là, «les droits et libertés énoncés dans la présence charte sont garantis également aux femmes et aux hommes»? Quelle est la nouveauté, si vous voulez, dans la portée de cette formulation? Qu'est-ce que ça apporte de plus que l'article 10 qui interdit la discrimination?
Mme Saint-Martin (Françoise): Dans différentes conventions à travers le monde, il y a parfois répétition et dans le préambule et dans les dispositions qui interdisent la discrimination. Et il y a une répétition, comme on retrouve à l'article 28, comme on retrouverait dans la charte désormais aussi, où on vient reconnaître l'égalité des femmes et des hommes dans l'exercice... ou dans les droits et libertés qui y sont garantis. C'est peut-être la ceinture, les bretelles, mais je pense que les femmes ont toujours été assez inquiètes, et c'est ce qui explique probablement les duplications ou les... C'est des subtilités d'une à l'autre, mais ça vient renforcer le principe de l'égalité des femmes et des hommes. Et on le retrouve dans d'autres documents internationaux aussi, ce qui démontre certainement l'utilité.
Mme Harel: En fait, si je comprends bien, cette approche telle que retenue par le gouvernement dans le projet de loi n° 63 ne modifie en rien l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité. C'est ce qu'on doit comprendre? Je reprends ma question.
Le Président (M. Kelley): Je pense qu'on a un caucus à ma droite.
Mme Harel: Alors, cette approche qui est retenue dans le projet de loi n° 63 a permis à la Commission des droits, dans son mémoire, de nous dire que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité. Est-ce que c'est ce que vous me confirmez, Mme Saint-Martin?
Mme Saint-Martin (Françoise): Je crois avoir répondu déjà, là, je pense que c'est un renforcement sur un plan juridique. Cette clause-là se rajoute à l'article 10, se rajoute au préambule, ça montre bien l'importance...
Mme Harel: ...ça modifie l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité.
Mme Saint-Martin (Françoise): Oui. Comme la commission l'a reconnu elle aussi, alors que parfois c'était... ce principe-là d'égalité était oublié ou occulté, le fait qu'il soit énoncé de façon aussi explicite va permettre à l'avenir... Et je pense qu'ils avaient peut-être même donné un cas où ça été oublié un peu. Alors, le rappel est certainement utile, puis ça pourrait donner donc des résultats tangibles pour les femmes.
n(23 h 40)nMme Harel: Mais la commission, elle, dit que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité. Je ne sais pas, là, j'essaie de comprendre. Parce que Mme Saint-Martin nous dit que ça a été soumis à la commission et que la commission a considéré que c'était satisfaisant, cette formulation qu'on retrouve dans le projet de loi. Et la commission dit que cette formulation n'a pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité. Alors, elle nous a parlé aussi de bretelles puis de ceinture. Mais l'état actuel du droit, est-il modifié? C'est ça, la vraie question, là: L'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité, est-ce qu'il est modifié par l'article 2, oui ou non? C'est simple.
Le Président (M. Kelley): La question est posée. Et il y a encore un caucus à ma droite. Alors, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: M. le Président, Mme la députée d'Hochelaga rappelle... dit régulièrement que ça n'a pas... ce ne sera pas... ça ne modifiera pas l'état actuel du droit. Mais la commission...
Mme Harel: ...
Mme St-Pierre: Oui, mais, moi, je peux vous la citer aussi, là, si on peut me donner la citation.
Le Président (M. Kelley): Un à la fois. Mme la ministre a le droit de parole. Vous pouvez revenir sur sa question après, mais... Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Alors, monsieur... excusez-moi, M. le Président. Lorsque la députée d'Hochelaga a posé la question à M. Cousineau, de la commission, elle lui a demandé si c'était un message politique ou juridique, et M. Cousineau a répondu, je cite: C'est un message juridique. Parce que, l'amendement à la loi, on change une loi, on change une loi importante qui est la charte, le préambule. N'importe quel juriste ne pourra plus passer à côté. Alors, on parle d'un message juridique.
Et la commission, sur la question du libellé de la clause interprétative, nous a confirmé lors de ces audiences, après avoir analysé le projet de loi, une fois qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale... nous a dit que le libellé que nous avions décidé d'utiliser était le libellé qui garantissait qu'il n'y avait pas de hiérarchisation des droits. Et vous l'avez... Plusieurs l'ont entendu, la deuxième opposition l'a entendu également lors de la commission. Et il y avait, dans certains cas, des craintes qu'il y ait une hiérarchisation des droits, et ce libellé vient garantir qu'il n'y a pas de hiérarchisation des droits. Donc, je pense que ça répond à la question.
Le Président (M. Kelley): Il y avait une demande d'intervention de Mme la députée de Rosemont. Voulez-vous continuer, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, ou...
Mme Harel: Je reviendrai, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): O.K. Je vais passer la parole à Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci. C'est parce que, moi aussi, là, j'ai de la misère à suivre. Je regarde le... On essaie tous, là, de rendre ce petit projet de loi opérationnel puis on essaie tous qu'il traduise les valeurs fondamentales, en tout cas une des trois valeurs fondamentales du Québec, des Québécois. Et j'écoutais, moi aussi, Me Saint-Martin tout à l'heure, et, à la page 14 du mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, je vais vous citer: «La commission accueille avec intérêt la proposition de modification à la charte. Ces modifications devraient mieux faire connaître le principe fondamental de l'égalité entre les femmes et les hommes ? ça ressemble à la publicité du premier ministre, ça. La commission estime que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité et elle est en accord avec cette approche.» Alors ça, là, c'est une autre affirmation qui nous incite à la prudence, en ce sens qu'on est encore dans une opération, je serais tentée de dire, charme, là, qui n'aura pas d'incidence réelle. Et toute l'argumentation que la ministre nous a faite pour l'appui à ce projet de loi là, qui est d'inscrire l'égalité entre les hommes et les femmes comme un fait marquant, un pas en avant, ça ne veut rien dire. C'est ça que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous dit. Pire encore, dans toutes les discussions qu'on a eues à date, les valeurs fondamentales dont on a fait grand état dans la publicité des journaux ne sont que ça aussi, de la publicité. Alors, c'est un peu inquiétant.
C'est pour ça que, quand je regarde l'amendement qu'on a proposé... puis peut-être qu'il n'est pas parfait, on peut l'améliorer, là. Mais, je me rappelle très bien, en commission parlementaire, mes collègues avaient fait une longue argumentation sur cette clause dite interprétative, et quand je regarde ? peut-être que la ministre doit l'avoir avec elle, là, la Charte des droits, là, moi, j'ai la dernière, là, au 1er janvier 2008; quand je regarde ? le document comme tel, au chapitre V, c'est bien écrit Dispositions spéciales et interprétatives, et quand on lit ces différents articles là, tous ces articles-là traduisent une interprétation. Et celui qui nous est soumis dans le projet de loi n° 63 exprime, lui, une garantie. Et, quand on veut le ramener dans le concept de l'interprétation du chapitre V, donc des autres clauses interprétatives, bien là on nous dit: Il y a des grands risques au niveau, et je cite, «d'une obligation de résultat». Et plus tard on a corrigé: «Il y a des grands risques d'arriver à une hiérarchisation des droits.» Je serais portée à dire que j'aimerais qu'on m'explique qu'est-ce qu'on veut faire. Parce que, si on veut vraiment, là, traduire dans la Charte des droits et libertés l'égalité entre les hommes et les femmes, bien, qu'on le dise et qu'on le mette au bon endroit. Si on veut interpréter la charte dans une dimension d'égalité entre hommes et femmes, bien, qu'on le mette dans la partie... dans le chapitre V. Alors, moi, je suis un petit peu... je suis un peu confuse, là, dans les objectifs qui sont poursuivis par ce projet de loi là et ce qu'est vraiment l'impact de ce projet de loi là... par des gens initiés comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Parce que, si on s'amuse à faire une modification à la charte des droits pour l'apparence, je vais vous dire, il est tard un peu, là. Je ne suis pas sûre qu'on va avoir les retombées structurantes, dans notre société, que l'on recherche et que la ministre recherche. Ça, c'est mon opinion bien personnelle.
Alors, je plaide pour qu'on clarifie les intentions du gouvernement là-dedans, ou l'intention du législateur. Est-ce qu'on veut, oui ou non, avoir des résultats? Est-ce qu'on veut, oui ou non, faire avancer les droits des femmes? Si la réponse, c'est oui, bien, qu'on l'indique comme il faut dans le contexte de l'amendement que nous proposons. Si c'est juste pour répondre à une opération: trouvons une solution à un problème ponctuel, et qui ne changera rien dans les faits et dans le droit, là, comme le dit la commission, bien là on va au moins le dire à la population.
Parce que ça, c'est induire les femmes dans une voie qui n'est peut-être pas nécessairement celle qui semble avoir été comprise par... ou avoir laissé... qui semble avoir été... c'est-à-dire, dont la ministre a... ? excusez, je suis fatiguée, là ? mais dont on a eu l'impression, à la suite des commissions, des consultations générales, lors de l'étude du projet de loi, là, quand on a... Parce que tout le monde a fait des commentaires, mais tout le monde a pensé que c'était un plus. Mais, si ce n'est pas un plus, si ça ne donne rien, bien là on a travaillé beaucoup pour rien. C'est un peu l'impression que je ressens.
Puis j'aimerais ça qu'on le précise correctement, là, clairement, pour qu'on dise si, oui ou non, on veut avoir un impact avec ça ou on veut tout simplement se conforter en disant: Bien, moi, j'ai mis ça dans la charte, mais dans le fond ça ne veut rien dire, puis on ne peut pas s'en servir. Nous autres, on propose un amendement qui va nous permettre justement de nous en servir si besoin est. Et c'est ça qui est important pour une charte des droits.
Le Président (M. Kelley): Merci, Mme la députée. M. le député de Laval-des-Rapides.
n(23 h 50)nM. Paquet: Merci, M. le Président. Je pense que ça fait plusieurs heures qu'on travaille sur ce projet de loi là, et c'est important, puis ce sont des questions pertinentes, là, que nous débattons et que nous discutons, mais j'avoue un petit peu mon étonnement de la compréhension que peut-être semble avoir ma collègue députée de Rosemont. Je pense que le pas... dans le sens suivant: dans le projet de loi qui a été soumis à la consultation générale, c'est clair, et l'intention, et je répète, tout à l'heure, l'intention du législateur, c'est... l'intention de nous, là, comme parlementaires, où, nous tous, nous exprimons, la ministre inclue bien sûr, et... Nous tous, comme parlementaires, exprimons que ce libellé, hein, de l'article 2 tel qu'amendé, là, c'est-à-dire pas celui de la proposition d'amendement de notre collègue le député de Lac-Saint-Jean, mais celle que... la formulation telle qu'amendée, que nous avons adoptée tantôt après amendement, qu'on discute, cette proposition-là fait en sorte que c'est une clause interprétative. C'est clairement l'intention du législateur. Elle est inspirée, il faut le rappeler, de la charte canadienne dans la formulation, puis la Charte canadienne des droits et libertés, qui a déjà été interprétée par des tribunaux ? Me Saint-Martin nous en a parlé tout à l'heure ? qui a déjà été interprétée comme une clause interprétative au niveau fédéral. Nous sommes dans le même type de libellé, en faisant attention de ne pas créer une hiérarchie des droits, sur lequel, je pense, tout le monde s'entend à cet égard-là.
Alors, un autre point important à souligner, avec la proposition de l'article 2 tel qu'amendé, dans sa formulation, qui était déposé, là, en faisant fi de l'amendement du député de Lac-Saint-Jean, en tenant compte de l'article 1, que nous rediscuterons demain, qui est suspendu mais que la formulation qui est là... S'il advenait, ce que je souhaite, que l'article 1 et... l'article 2, tel qu'amendé par la ministre et par nous tout à l'heure, était adopté en sa formulation présentée, ce serait le seul droit ? c'est important, l'égalité des femmes et des hommes dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, c'est important, là; ce serait le seul droit ? qui serait réaffirmé dans le préambule, le seul droit positif qui serait réaffirmé dans le préambule ainsi que dans un article d'interprétation.
Alors, je pense que clairement on n'a pas perdu de temps, là. Et les 30 mémoires qui ont été soumis, les gens qui ont participé aux consultations sur cet important projet de loi... Tout à l'heure, la députée de Rosemont disait «petit» parce qu'il a trois articles, et je sais qu'elle est bonne en calcul, mais il n'est pas petit dans son importance, là, comme un des droits fondamentaux, une des valeurs fondamentales, hein, que nous voulons exprimer, que nous avons exprimée en motion adoptée unanimement à l'Assemblée nationale la semaine dernière, qui a fait l'objet de consultations générales clairement sur ces dispositions-là, que... Oui, il y a différentes façons des fois d'écrire quelque chose, il y a des risques parfois qu'on puisse aller plus loin que ce qu'on souhaite. Mais, ici, la formulation qui est là correspond à l'objectif voulu ? humblement, je le soumets; à l'objectif voulu ? d'avoir une clause interprétative. Et c'est un libellé qui passe le test, qui passe le test aussi de... Elle a été utilisée comme clause interprétative dans le même esprit, dans le même type de formulation dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Alors, c'est pour ça, M. le Président, je soumets respectueusement qu'il n'y a personne d'entre nous qui veut berner qui que ce soit, clairement. Ce n'est pas... C'est l'objet sûrement d'une communication. Le premier ministre en a parlé, il en a parlé en Chambre, il a publié un texte qui va dans le même esprit et il nous a invités, et l'Assemblée nationale nous a invités et nous invite à adopter le projet de loi qui est devant nous. Mais clairement, ici, là, c'est une clause interprétative, et je pense que la formulation originale convient à le faire. D'autant plus que nous avons affirmé haut et fort, tous, entre nous, notre intention comme législateurs. C'est pour ça, je pense, qu'on peut...
Encore une fois, je ne souscris pas à la proposition d'amendement de notre collègue député de Lac-Saint-Jean, mais je comprends l'esprit, je partage l'esprit dans lequel il l'a présenté, je pense, et nous le partageons tous. Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je me rends compte que la seule hiérarchisation, là, qui va résulter de l'adoption d'un projet de loi n° 63 tel qu'il est rédigé, sans les amendements que nous avons proposés, la seule hiérarchisation, ça va être celle des valeurs fondamentales. Parmi les trois valeurs fondamentales qui constituent la cohésion de notre société, la hiérarchisation va faire qu'il y en a une seule, l'égalité des droits des hommes et des femmes, qui va être retenue comme faisant partie... comme étant renforcée, puisque ni la primauté du français ni la séparation de l'État et de la religion va trouver, si vous voulez, place dans le corps, si vous voulez, le corpus de droits et libertés et de valeurs qui vont inspirer l'application de nos lois. Parce qu'on sait que c'est une loi fondamentale, qui en fait à préséance. Ça, c'est la seule hiérarchisation.
Mais ce dont je me rends compte suite aux échanges que nous venons d'avoir... Parce que je viens de relire, là, le mémoire de la Commission des droits de la personne du Québec. En fait, ce que la Commission des droits... Parce que, là, j'ai bien compris ce que la ministre a dit, ce que Mme Saint-Martin a dit: c'est finalement une clause qui satisfait la Commission des droits de la personne. Mais ce que la Commission des droits de la personne dit, c'est que cette disposition n'est pas constitutive d'un droit substantif. Il n'y a pas de nouveau droit. En d'autres termes, la disposition confirme l'approche appliquée par les tribunaux actuellement. Donc, c'est les bretelles puis la ceinture, bien... parce que c'était déjà le même droit substantif depuis 1975.
On dit: «La présence d'une disposition interprétative n'est pas constitutive d'un droit substantif. [Alors], la disposition interprétative proposée [confirme] l'approche appliquée par les tribunaux actuellement.» Bon.
Bon, ce qu'ils disent: peut-être, au mieux, c'est que ça peut avoir pour effet de renforcer une interprétation qui tienne compte de l'égalité entre les hommes et les femmes. «En effet, selon la jurisprudence, le concept du droit à l'égalité formulé à l'article 10[...] ? c'est le défi de 1975, ça ? fait partie intrinsèque de chacun des droits et libertés de la personne.» Alors, on termine nos travaux, M. le Président, mais je dois dire qu'on ne les termine pas sur l'aspect historique, comme on les aurait commencés... comme on les a plutôt commencés avec Mme la ministre, là. Il n'y a pas rien d'historique dans le fait de répéter ou de renforcer, si vous voulez, l'interprétation qui existe déjà. Voilà.
Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.
M. Reid: M. le Président, c'est une contre-remarque, étant donné qu'il reste à peine quelques minutes et que les députés de la deuxième opposition ont pris beaucoup de temps pour nous expliquer, tenter de nous convaincre. On les a écoutés attentivement par égard pour eux, et peut-être que... Par égard pour nous qui avons écouté attentivement, pour qu'on aille se coucher avec l'impression d'avoir avancé sérieusement dans le dossier, peut-être pourrions-nous, avec leur accord, passer au vote sur l'amendement.
Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Malheureusement, là, j'aurais eu une autre question en fait pour Mme Saint-Martin, parce que, dans son exposé, elle nous a parlé de l'importance de garantir le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, puis j'étais curieux de savoir: Si la disposition se lisait dans ce sens-ci: «Dans l'interprétation et l'application de la présente charte, il doit être tenu compte de l'égalité entre les hommes et les femmes»... Bref, je me demandais si ce qui posait problème finalement, c'était le mot «garantir», et, si on y faisait abstraction, la crainte de la hiérarchisation serait exclue. Parce qu'elle est revenue plusieurs fois dans son exposé en reprenant le libellé ? là, c'est normal ? puis on y voit actuellement le mot «garantir». Mais je me questionne à savoir si, en biffant ces dispositions, on atteindrait un autre objectif qui est celui de la hiérarchisation.
Puis, l'autre élément, à l'article 28, on s'est inspirés du libellé de l'article 28, mais force est de constater aussi que la charte canadienne a des formulations pour le moins surprenantes aussi, mais on débute l'article 28 en faisant référence à «indépendamment des autres dispositions de la présente charte», le libellé qui a été retenu par le gouvernement ne reprend pas cette même disposition, puis je me demandais justement aussi si c'était par souci de hiérarchisation. Mais je ne sais pas si...
Le Président (M. Kelley): Alors, ça va être une soirée de délibérations, parce que la présidence a déjà une décision à réfléchir pendant la soirée. Le député a posé deux questions, et peut-être Me Saint-Martin peut délibérer sur ces questions. Compte tenu de l'heure, je propose qu'on ajourne nos travaux sine die. Merci beaucoup aux membres de la commission.
(Fin de la séance à 23 h 59)