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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Thursday, April 10, 2008 - Vol. 40 N° 30

Étude des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux (1): volet Santé


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, je constate le quorum des membres de la Commission des affaires sociales. Donc, je déclare la séance ouverte.

Je veux rappeler le mandat de la commission, c'est notre rendez-vous annuel de reddition de comptes autour de l'étude des crédits. Alors, la commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Santé des crédits budgétaires relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux pour l'année financière 2008-2009.

Une enveloppe totale de 15 heures a été allouée pour l'étude de ce volet. Le volet Services sociaux, et je sais que ce n'est pas toujours facile de faire la distinction, mais le volet Services sociaux sera étudié le 16 et le 17 avril pendant une période de cinq heures.

La commission étudiera en tout quatre des cinq programmes relevant de ce portefeuille ministériel, le programme 5, intitulé Promotion et développement de la Capitale-Nationale, étant de la compétence d'une autre commission. Les quatre programmes que nous allons étudier sont intitulés: 1, Fonctions nationales; 2, Fonctions régionales; 3, Office des personnes handicapées du Québec; et 4, Régie de l'assurance maladie du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) remplace M. Bergeron (Verchères) et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) remplace Mme Lapointe (Crémazie).

Organisation des travaux

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, je vais préciser le déroulement des travaux de la commission. Il y avait une décision qui a été rendue par le président de l'Assemblée le 8 juin 2007. Donc, la durée des remarques préliminaires, c'est de 15 minutes pour chaque groupe parlementaire, étant donné qu'il s'agit d'un débat de 15 heures. L'attribution des droits de parole se fera en débutant par l'opposition officielle, suivie du deuxième groupe de l'opposition et du groupe parlementaire formant le gouvernement, en respectant une certaine rotation entre les groupes parlementaires.

Les interventions seront réparties en bloc de 20 minutes maximum. Et on a les horloges ici, alors, si un bloc est un petit peu moins, on va calculer à la fin pour s'assurer que tout le monde aura leur droit de parole. La division est faite selon la représentation à l'Assemblée nationale et l'entente. Alors, ça donne 35 % de temps à ma droite, pour les députés ministériels, 35,6 % ? pas 7, pas 5, mais virgule 6 % ? pour l'opposition officielle, et 29,4 % pour le deuxième groupe de l'opposition.

Et je pense que c'est toujours important, l'objectif, c'est de poser le plus grand nombre de questions possible et de donner le plus grand nombre de réponses possible aux questions des parlementaires. Alors, j'invite à la fois les personnes qui posent les questions à être le plus bref possible et, dans la mesure du possible, de donner des réponses complètes mais assez brèves aussi.

n (9 h 40) n

Également, je propose qu'on fasse une discussion d'ordre général sur l'ensemble des programmes relatifs au volet Santé et de les mettre aux voix cinq minutes avant que le délai de 20 heures réservées aux volets Santé et Services sociaux ne soit expiré, étant donné que certains programmes concernent les deux volets. Alors, est-ce qu'il y a un consentement qu'on va faire un vote à la fin, ça veut dire le 17 avril, à la fin du volet Services sociaux? Est-ce qu'il y a consentement pour un vote à la fin?

Dans la mesure du possible, si on peut limiter nos discussions, pour les prochaines 15 heures, au volet Santé et réserver les cinq heures à la fin pour les Services sociaux... Je sais qu'il y a parfois les dédoublements, les chevauchements entre ces mandats, mais, dans la mesure du possible, étant donné les représentants du ministère qui sont ici, si on peut se concentrer pour la Santé, pour les prochaines 15 heures, ce sera, je pense, plus facile. Est-ce qu'il y a d'autres questions sur l'intendance, sur la gestion du temps, sur le fonctionnement de la commission?

Santé

Remarques préliminaires

Sinon, je suis prêt à commencer avec les remarques préliminaires, d'une durée maximale de 15 minutes. Et je suis prêt à reconnaître le ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable pour la Capitale-Nationale et député de Jean-Talon.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais débuter bien sûr en vous saluant de même que le personnel de la commission, mes collègues parlementaires des deux partis d'opposition qui sont réunis avec nous, mes collègues du parti ministériel également qui participeront aux discussions.

Mentionner la présence des personnes qui m'entourent: à ma gauche, Mme Cathy Rouleau, qui est la directrice du cabinet de la Santé et des Services sociaux et de la Capitale-Nationale, et, à ma droite, M. Roger Paquet, qui est le sous-ministre en titre du ministère de la Santé et des Services sociaux; derrière nous, plusieurs membres du cabinet et membres de la fonction publique qui seront là pour éclairer nos débats et nous fournir des éclaircissements plus techniques lorsque ce sera nécessaire.

Alors, M. le Président, c'est la sixième fois que je me présente pour cet exercice de reddition de comptes et de démocratie parlementaire; j'en suis fier. Ce n'est pas arrivé, je crois, depuis 1958, au dernier relevé. L'avenir le dira si ça se reproduira une autre fois. Mais, pour moi c'est un exercice très important parce que ça permet au gouvernement de faire le point devant les députés, qui sont bien sûr les représentants de la population, particulièrement dans ce contexte actuel qui est celui de la cohabitation.

Bien sûr, beaucoup reste à faire dans le domaine de la santé et des services sociaux, mais nous sommes néanmoins fiers de notre bilan des cinq dernières années, et il y aura toujours beaucoup à faire de plus en santé et services sociaux. Notre action a été caractérisée par une grande cohérence des gestes à portée législative, réglementaire, organisationnelle, budgétaire, immobilière et clinique. On a déployé les services plus près des gens dans le respect des dynamiques locales et régionales, comme nous avions voulu le faire. Les services spécialisés ont vu leur accessibilité s'améliorer, bien qu'encore une fois il reste du progrès à faire, et des soins plus continus sont offerts à la population. De façon générale, on peut dire que la qualité et la sécurité des soins se sont améliorées. Il faut consolider tout ce travail et, dans plusieurs domaines, bien sûr, aller plus loin.

Les crédits de Santé et Services sociaux pour 2008-2009, si bien sûr on exclut les crédits réservés à la mission de la promotion de la Capitale-Nationale, sont de 25,4 milliards de dollars, ce qui représente près de 45 % des dépenses de programmes. Par rapport à la dépense probable de l'an dernier, la dépense réelle de l'an dernier, c'est 1,3 milliard de plus, environ 5,5 %, donc bien au-delà de l'inflation et bien au-delà de l'augmentation pour les autres missions de l'État.

Plus de 55 % encore une fois de l'augmentation des dépenses de programmes du gouvernement québécois va encore une fois, cette année, à la santé et aux services sociaux. Et, si on regroupe santé, éducation, famille, c'est 88 % de l'augmentation qui est affectée à ces domaines qui sont la grande priorité des Québécois. Je signale d'ailleurs que les sommes investies dans les domaines de l'éducation et la famille ont également une incidence sur la santé, puisqu'ils agissent sur les déterminants de la santé que sont le niveau d'éducation et de formation de la population de même que le statut socioéconomique.

Sur les sommes nouvelles qui s'ajoutent cette année en santé et services sociaux, 6 $ sur 10 $ vont aux augmentations de rémunération accordées au personnel du réseau et aux professionnels, y compris l'équité salariale et la hausse des contributions patronales aux régimes de retraite. On aura l'occasion, au cours des débats, de rappeler les ententes avec les grandes fédérations et associations professionnelles, la plus récente étant celle des dentistes, sous réserve bien sûr qu'elle soit entérinée par leur assemblée générale. On est, de ce côté, heureux d'avoir pu trouver des voies d'entente qui, en plus d'être mutuellement acceptables, sont socialement productives, puisqu'elles comportent des éléments de gain de productivité et d'accessibilité, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à maintenant dans les ententes avec les fédérations médicales.

Encore une fois, cette année, nous finançons, comme chaque année depuis 2003, l'augmentation des coûts de système, ce qui correspond à la pression exercée sur les coûts avant même qu'on réfère à quelque augmentation de services que ce soit. Il y a un coût de système qui est général et il y a un coût de système spécifique qu'encore une fois, comme chaque année, nous assurons. Par exemple, cette année, le coût de système spécifique à la santé: hausse du coût des médicaments en établissement, les dépenses liées au vieillissement de la population, 100 millions de dollars. Une somme de 25 millions de dollars est prévue pour le fonctionnement des nouvelles installations. Il faut rappeler qu'il est arrivé malheureusement, dans le passé, qu'on construise des nouvelles ailes à des hôpitaux, qu'on installe des nouveaux appareils de radiologie sans que l'on pourvoie au budget de fonctionnement de ces nouvelles installations là. Encore une fois, comme chaque année, nous y pourvoyons.

L'élément central des crédits qui témoigne des choix et des priorités qui sont demeurés largement les mêmes depuis 2003, c'est les 170 millions de dollars prévus pour le développement de nouveaux services, toujours sur une base annuelle. Ça correspond à une marge de manoeuvre que nous choisissons d'appliquer bien sûr à tel ou tel programme. Sur les 170 millions, 80 vont aux services destinés aux personnes en perte d'autonomie, surtout en raison de l'âge. Ces 80 millions seront pleinement engagés cette année par rapport à la pratique habituelle d'annualisation des développements qui est présente depuis au moins les dernières 15 années dans le réseau de la santé et des services sociaux. Cumulativement, c'est 362 millions depuis 2003-2004 par rapport, pour les cinq années précédentes, à moins de 200 millions et même zéro l'année précédant notre arrivée au pouvoir.

Le plan d'action 2005-2010, Un défi de solidarité, qui a été lancé il y a un peu plus de deux ans inspire l'ensemble de notre action à cet égard, une action qui se déploie sur plusieurs fronts. D'abord, nous investissons des sommes considérables pour améliorer les installations où il s'agit de construire, d'agrandir, de rénover et, dans certains endroits, de créer des nouvelles places. Nous en profitons pour instaurer l'approche du milieu de vie, pour éliminer les chambres de plus de deux lits et bien sûr rapprocher les installations sanitaires de la chambre des personnes hébergées.

En plus d'intervenir sur le parc immobilier, bien sûr des efforts importants sont consentis pour diversifier l'offre de services. Oui, il faut prévoir l'hébergement institutionnel, mais également il faut offrir une large gamme de choix et d'options pour les personnes âgées à partir des soins à domicile, qui sont le souhait de la majorité des aînés, en passant par plusieurs formules d'hébergement à caractère communautaire, les ressources intermédiaires, les ressources de type familial, les projets novateurs réalisés avec les partenaires, ainsi de suite.

La deuxième cible de réinvestissement en 2008-2009, ce sont les services aux personnes présentant une déficience physique, intellectuelle ou un trouble du développement, le plus connu de ceux-ci étant l'autisme. L'ajout de 35 millions de dollars cette année, pour un ajout cumulatif de 143 millions de dollars depuis 2003, dont 140 millions sont récurrents, c'est sans précédent dans le domaine de la réadaptation. On a développé bien sûr, au fil des années, des services qui ont permis de traiter plus de gens, plus de gens que par les années passées, mais on constate, avec l'augmentation de la demande, que les délais parfois demeurent élevés. C'est la raison pour laquelle, avec ces investissements, nous rendrons public sous peu un plan d'accès aux services pour les personnes présentant une déficience, qui aura une approche similaire ? mais non pas identique, mais similaire ? à celle que nous avons adoptée pour l'accès aux services médicaux spécialisés. Le plan sera beaucoup plus qu'une simple intention, puisqu'il comportera un calendrier d'implantation des cibles de réussite.

Toujours sous l'angle du développement, une somme supplémentaire de 15 millions de dollars sera consacrée aux services destinés aux jeunes en difficulté et à leur famille. Dans ce domaine, encore une fois, on parle d'un ajout budgétaire sans précédent, de 91 millions de dollars depuis 2003, récurrent encore une fois, «récurrent» signifiant qu'on peut prévoir l'ajout des budgets et le renouvellement des budgets chaque année.

Je rappelle que l'offre de services dans le domaine des jeunes en difficulté se fait de deux façons: d'abord, dans les services de proximité de première ligne, qui correspondent à la première ligne sociale, comme il existe une première ligne médicale; mais également les interventions spécialisées, qui relèvent des centres jeunesse. On rappelle donc à ce sujet les modifications législatives à la Loi sur la protection de la jeunesse qui a clairement établi que le recours à la loi doit demeurer exceptionnel. Il s'agit bien sûr de s'assurer que les différents motifs qui peuvent justifier l'intervention de l'État dans la vie des familles sont précisés afin de s'assurer que les services de protection ne sont utilisés que dans les situations où la sécurité ou le développement de l'enfant est compromis.

Un autre domaine important où nous réinvestissons cette année, c'est celui de la santé mentale, avec un ajout de 10 millions de dollars. Ceci porte le réinvestissement, depuis 2003, à 81 millions de dollars, encore une fois sur une base récurrente. Encore là, notre action est balisée par un plan d'action pour la période 2005-2010, intitulé La force des liens. Ce plan d'action met résolument, comme le recommandent l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organismes semblables, l'accent sur la première ligne de soins, ce qui nous place à l'avant-garde dans le domaine. On met maintenant actuellement en place dans le réseau des équipes de première ligne en santé mentale tant pour les adultes que les jeunes. On renforce les mesures de promotion de santé mentale et de prévention des troubles mentaux. Citons, par exemple, l'approche École en santé dans le milieu scolaire, la mise en place de services de suivi intensif dans le milieu et de soutien d'intensité variable pour les personnes souffrant de troubles mentaux graves, la mise en place de réseaux de sentinelles pour détecter les signes avant-coureurs du suicide, notamment auprès des jeunes, et la mise en place d'équipes de deuxième niveau incluant une expertise en santé mentale dans les centres jeunesse.

n (9 h 50) n

C'est avec beaucoup de fierté d'ailleurs que nous avons mené, au cours des derniers mois, une campagne de communication visant à combattre les préjugés sur la dépression, qui est une des causes les plus fréquentes d'invalidité liée à la santé mentale. On a également mis en place des campagnes sur le jeu et la toxicomanie qui atteignent, je crois, la cible de façon percutante. D'ailleurs, le programme des dépendances, et c'est heureux pour ce programme qui fait rarement l'objet de développement budgétaire, le programme des dépendances profite, cette année, d'un ajout budgétaire de 5 millions de dollars.

Dans un autre ordre d'idées, la lutte contre le cancer profitera ainsi de crédits supplémentaires de 10 millions de dollars, c'est maintenant 30 millions de dollars sur cinq ans, auxquels il faut ajouter les investissements en équipements, en immobilisations que nous aurons l'occasion de détailler durant l'étude des crédits.

Les lignes d'action de la Direction de la lutte contre le cancer ont été exposées publiquement. À l'instar d'autres pays et d'autres provinces, le Québec mettra en place un registre du cancer dont les données permettront un meilleur suivi des éléments cliniques.

L'accès demeure cependant... aux services, l'accès aux services demeure au coeur de notre action, ce qui nécessite la mise en place toujours d'une organisation bien intégrée, hiérarchisée, le bon patient au bon endroit, au bon moment, en poursuivant la mise en place d'un réseau fonctionnel de lutte contre le cancer. Dès qu'apparaît ne serait-ce qu'un soupçon de cancer, la patiente ou le patient doit avoir accès rapidement aux services et aux soins nécessaires dans le centre de santé et de services sociaux le plus près de chez lui ou de chez elle, en lien avec son médecin de famille.

L'accès aux soins plus spécialisés doit se faire de la façon la plus fluide possible pour le patient. À cette fin, d'autres infirmières pivots... Il s'agit là d'un ajout extrêmement important pour la qualité de vie et le soutien des personnes atteintes de cancer, on en a des témoignages presque hebdomadaires. D'autres infirmières pivots seront ajoutées dans les différentes équipes interdisciplinaires de lutte contre le cancer pour faciliter le parcours des personnes dans le réseau de santé.

Nous allons par ailleurs accentuer nos efforts pour promouvoir les habitudes de vie propres à éloigner le cancer. On parle de la lutte contre le tabagisme, les bonnes habitudes, le développement des bonnes habitudes alimentaires et de l'activité physique.

Enfin, pour arriver au total de 170 millions de développement de services que j'ai évoqués, on mentionne rapidement deux autres secteurs: la traumatologie, pour 8 millions, et la dialyse, pour 7 millions, étant donné l'augmentation de la clientèle dans ce domaine et la nécessité de déployer en particulier des unités en périphérie, à distance des grands centres et près du domicile des patients.

Enfin, j'attire l'attention des membres sur la structure des crédits, qui témoigne d'une véritable décentralisation. Des 25,5 milliards de dollars prévus, plus du quart va à la Régie de l'assurance maladie du Québec, surtout pour les services médicaux et pour le programme d'assurance médicaments. Quant aux fonctions régionales, elles correspondent à 72 % des crédits. Je rappelle à cet effet ? et je conclus sur ces quelques remarques ? notre volonté de donner des marges de manoeuvre encore plus grandes aux agences quant à l'utilisation des sommes que nous mettons à leur disposition. On aura l'occasion de parler des projets que nous mettons en branle dans trois régions sociosanitaires, celles de la Capitale-Nationale, du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de l'Estrie, qui pourront ainsi traduire sur leur territoire les orientations nationales de façon novatrice et autonome compte tenu de la réalité et des priorités de leur région.

Le gouvernement retient également la recommandation de la commission Castonguay qui vise à remplacer, pour le financement des établissements, la méthode des budgets historiques par la méthode d'achat de services et de financement par activité. Certains établissements testeront donc l'approche d'achat de services au cours de la présente année, et des travaux sont continus actuellement depuis quelques mois et s'accentueront quant à l'installation de la méthode de budgétisation par activité.

J'en profite, M. le Président, pour dire un mot rapide sur les suites que nous donnons au rapport Castonguay. J'ai annoncé, le 11 mars dernier, que plusieurs recommandations comprises dans le rapport seront mises en application dès cette année. À cet effet, nous avons mis en place cinq chantiers de travail et d'implantation. Ça touche l'accès aux médecins de famille, la décentralisation et l'allocation des ressources, la performance et la création de l'institut national d'excellence en santé, auquel travaille d'ailleurs l'auteur du rapport, l'auteur principal du rapport, M. Castonguay. Le ministère évalue déjà plusieurs éléments de performance, mais cette orientation sera renforcée et les résultats pourront être publiés, ce qui ne pourra qu'être salutaire sous l'angle de la performance comme celui de la reddition de comptes.

Donc, nous avons posé de nombreux gestes nécessaires, je crois, courageux et responsables, depuis les cinq dernières années, afin d'assurer la pérennité de notre système de santé et de services sociaux. Dès la sortie du rapport Castonguay, j'ai indiqué que nous allions travailler à l'élaboration d'un plan d'action lié aux 37 recommandations et propositions comprises dans le rapport, que certaines seraient retenues rapidement, d'autres seront étudiées et approfondies et que quelques recommandations demeurent, pour certaines d'entre elles, pour l'instant, difficilement applicables.

Je terminerais donc, M. le Président, en souhaitant que la présente étude des crédits nous permette de discuter en profondeur des enjeux qui nous interpellent tous comme élus et que nous profitions de l'exercice pour parler de toutes les recommandations du rapport Castonguay, qui est un rapport de grande qualité et qui apporte une occasion de changement importante au réseau de la santé et des services sociaux.

Je voudrais remercier les gens du ministère qui sont avec nous, aujourd'hui, qui ont préparé les documents qui soutiennent et soutiendront nos échanges. Et je voudrais souhaiter à tous les parlementaires une excellente commission d'étude de crédits.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Avant de céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle, un dernier item de l'intendance. Je pense que c'est toujours important d'être à l'heure parce que tout le temps est comptabilisé. Aujourd'hui, on a sept minutes de retard. Alors, je propose un consentement qu'on va terminer nos travaux, ce matin, à 12 h 37. Est-ce qu'il y a consentement?

Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle et député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer mes collègues parlementaires du gouvernement, de la deuxième opposition et de mon propre groupe parlementaire, saluer aussi les gens du ministère qui sont ici avec nous. Dans mon cas, c'est une deuxième récidive. Je sais que le ministre est un grand récidiviste, et d'ailleurs j'ai eu l'occasion de le comparer à une artiste bien connue pour ses bye-bye, ça l'avait fait bien sourire.

Par contre, M. le Président, de notre côté, cette année, il y a beaucoup de choses qui changent par rapport à l'année dernière. Premièrement, le ministre en a fait mention, il est de notre avis que 2008 aurait dû être une année de grands changements parce qu'au budget de 2007 le gouvernement du Parti libéral avait suscité de grandes attentes en mettant en place le comité Castonguay. Et il y avait eu, à ce moment-là, M. le Président, une analyse qui avait été faite de la situation financière du réseau de la santé, une analyse de la croissance des dépenses par rapport à notre capacité collective à supporter cette croissance-là, qui avait un ton que je pourrais qualifier, je pense, d'alarmiste de la part de la ministre des Finances, qui contrastait avec la lecture que le ministre de la Santé et des Services sociaux faisait de la situation, lui préconisant le fait que l'augmentation des dépenses était loin d'être catastrophique et que, dans la mesure où on maintenait ça aux alentours de 6 %, 6,5 %, on avait collectivement la capacité de relever ce défi-là, ce qui n'était pas l'avis de la ministre des Finances. Alors, ça laissait déjà présager, M. le Président, un conflit à l'interne, un conflit à l'intérieur du gouvernement entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et la ministre des Finances.

Huit mois de travail, de travail assidu, huit mois de travail sérieux, huit mois de travail en profondeur, des experts de tous les horizons, de tous les milieux, qui se sont penchés sérieusement sur la question avec un mandat très clair, un mandat d'assurer la pérennité du système de santé, non pas dans une perspective dogmatique, non pas dans une perspective où les conclusions étaient écrites d'avance et qu'il fallait maintenant justifier ces conclusions-là, mais dans une perspective où il fallait poser un regard, sur notre réseau de la santé, lucide ? et vous comprendrez, M. le Président, que j'utilise le terme «lucide» à dessein.

Il m'apparaît, M. le Président, qu'après huit mois de travail les gens qui ont été au coeur de ce comité-là, au premier chef M. Claude Castonguay ? je pense qu'il est inutile de préciser le respect collectif que nous avons pour M. Castonguay eu égard à ce qu'il a fait déjà dans le domaine de la santé ? supporté par M. Venne, dont je ne partage pas évidemment toujours le point de vue mais dont je reconnais l'engagement, et par Mme Marcotte, évidemment qui était désignée par notre formation politique... Je pense que toutes ces personnes-là avaient à coeur de trouver des perspectives pour le réseau de la santé, des perspectives qui en assureraient la pérennité, M. le Président. Puis c'est aussi un comité pour lequel on a investi un demi-million de dollars, ce qui m'apparaît être pas négligeable comme montant. Je doute que quiconque ici refuserait de recevoir la somme de 500 000 $ pour ses vieux jours.

n (10 heures) n

Et qu'est-ce qui est arrivé de tout ça, M. le Président? D'abord, au moment où M. Castonguay a présenté son rapport, dans les heures qui ont suivi, le ministre de la Santé et des Services sociaux a enterré le rapport. Je pense que c'est le constat collectif qui a été fait. Le rapport Castonguay a eu une durée de vie moins longue que celle d'un papillon. Nous avons de notre côté salué la plupart des recommandations qui ont été faites, nous avons salué l'audace du rapport Castonguay, nous avons salué les pièges qui ont été évités par le rapport Castonguay. Et, M. le Président, on me faisait remarquer récemment qu'on avait plus parlé du rapport Castonguay avant qu'il soit écrit qu'on en a parlé après. Et le ministre de la Santé et des Services sociaux doit porter une partie de la responsabilité de ça parce qu'il ne s'est pas fait le promoteur du rapport Castonguay, il s'est fait le fossoyeur du rapport Castonguay. Alors, il y a eu quelques traits d'humour à l'Assemblée nationale, en disant que le projet de loi que j'avais eu l'occasion de déposer enterrait le rapport Castonguay. Bon, outre le fait que collectivement on a bien rigolé, là, dans la substance de tout ça, je pense que ce n'est pas très crédible. Et c'est extrêmement malheureux, M. le Président, parce que... Le ministre de la Santé nous dit: C'est les sixièmes études de crédits auxquelles je participe. Je pense que les constats qui ont été faits par le rapport Castonguay, mais aussi par d'autres études, les constats qui sont faits de notre réseau de la santé appellent à une ouverture d'esprit.

Le ministre de la Santé, tout à l'heure, a parlé d'un Parlement de cohabitation. Quand j'ai déposé le projet de loi n° 392, M. le Président, je n'ai pas senti qu'on était dans un Parlement de cohabitation, j'ai senti qu'on avait développé les vieux réflexes politiques: l'opposition dépose un projet de loi, on fustige le projet de loi de l'opposition sans même se demander si en substance il n'y a pas des éléments intéressants. Au grand dam du ministre de la Santé, les trois fédérations ont appuyé le projet de loi. Ils m'ont invité à les recontacter, ce que j'ai fait. Et la réponse que j'ai reçue, c'est: Est-ce que vous avez eu vent que nous avions envoyé un communiqué pour changer ce qu'on avait déjà dit publiquement? Ma réponse a été: Non. Ils m'ont dit: Bien, voilà, c'est parce qu'on n'a pas changé d'opinion, contrairement à ce que le ministre de la Santé peut laisser entendre dans ses réponses.

Est-ce que le projet de loi est parfait? Probablement pas. Mais je pense qu'il témoigne d'un travail sérieux, d'un travail de fond et il témoigne aussi du respect non seulement de la lettre, mais de l'esprit du rapport Castonguay. En tout cas, une chose est sûre pour nous, M. le Président, et eu égard aux appuis qu'on a reçus par rapport aux appuis que le ministre de la Santé a pu recevoir quand il a annoncé ses cinq chantiers, je pense que le sérieux, la démonstration du sérieux de notre démarche a été beaucoup plus concluante que la démonstration du sérieux du ministre de la Santé, parce que je ne me souviens pas d'avoir vu des fédérations ou je ne me souviens pas d'avoir vu un mouvement des corps constitués de la société civile pour dire: Voilà, enfin, le ministre nous donne un signal clair des suites qu'il entend donner au rapport Castonguay. J'aurai l'occasion de revenir, dans nos discussions, sur les cinq chantiers du ministre, qui m'apparaissent forts au point de vue de la communication mais faibles au point de vue de la substance, et on aura l'occasion d'en reparler parce que, quand on fait l'analyse des cinq chantiers en question, dans le fond on se rend compte que c'est la continuité et non pas le changement qui a motivé les chantiers en question. M. le Président, ce que j'ai aussi entendu depuis tout à l'heure, c'est: Nous annonçons des investissements, des investissements, des investissements. Soit, il faut faire des investissements, ça, personne ne va nier cette réalité-là, mais, au-delà des investissements, c'est aussi une façon de concevoir le système de santé, une façon de concevoir l'administration du système de santé qu'il faut mettre en place, et ça, c'est absent totalement du discours du ministre.

Encore une fois, le rapport Castonguay nous parle de la gouvernance trop centralisée. La réponse du ministre: Trois chantiers dans trois domaines. Bon. À titre d'exemple, la France ? puisque c'est un exemple que j'aime bien prendre, la France ? en 2003, a décidé de prendre le même virage que nous. La différence, c'est que, la France, aujourd'hui, le virage est effectué, c'est fait, hein, on budgétise dans les centres hospitaliers par achat de services. Alors, au moment où les Français ont traversé la rivière, le ministre nous dit: Bien, on pourrait peut-être se mettre un orteil dans l'eau.

J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi un pays de 60 millions d'habitants est capable de procéder à un changement aussi majeur à l'intérieur de quelques années et pourquoi, nous, qui avons des modèles, qui avons des exemples de ce qui se fait de bien puis de la façon de le mettre en place, pourquoi, nous, on est encore à l'étape des projets pilotes. Alors ça, c'est cet aspect-là de la gestion du ministre que je trouve agaçant, c'est qu'on a peur de s'inspirer de ce qui se fait de mieux dans le monde. Je ne sais pas s'il y a une paresse intellectuelle d'aller voir ce qui se fait de bien dans le monde puis dire: On pourrait l'appliquer chez nous, mais...

J'ai déjà dit, en cette Chambre: L'homme sage apprend de ses erreurs, l'homme vraiment sage apprend des erreurs des autres. Et je pense que le ministre devrait faire sienne cette maxime, parce que c'est probablement le plus grand champion toutes catégories des projets pilotes, alors que, dans le fond, des projets pilotes, à travers le monde, il y en a plus qu'un, et très concluants. Et il y a des choses dans le rapport Castonguay qui pourraient être mises en place très rapidement ici, pour lesquelles le ministre n'a aucun calendrier de réalisation, aucun échéancier, aucun objectif précis, donc aucune donnée mesurable qui nous permet, d'une part, de nous assurer qu'il y a vraiment une volonté d'aller de l'avant, mais, d'autre part, de voir que c'est effectivement dans cette direction-là qu'on s'en va. Et ça, c'est impossible parce qu'on est tellement dans le flou existentiel, avec les supposés grands changements, qu'en faire le suivi ça devient difficile.

J'avais comparé les politiques du ministre au photographe David Hamilton; vous vous souvenez, le photographe qui mettait de la vaseline sur sa lentille. Ça faisait des très, très belles photos parce qu'elles étaient floues puis ça laissait beaucoup de place à l'imagination et à l'interprétation. Mais, quand on est dans la gestion d'un réseau aussi important que le réseau de la santé, il n'y a pas de place pour le flou existentiel, il n'y a pas de place pour l'interprétation, il faut qu'on sache qu'il y a un capitaine à bord, il faut qu'on soit sûr que le capitaine a un plan qui est clair, un échéancier qui est clair, des objectifs qui sont clairs, vérifiables, mesurables, et ça, c'est complètement absent de tout ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a présenté à date.

Alors, effectivement, je pense que l'étude de crédits pourra être une occasion intéressante d'avoir des débats de fond et basés sur des faits et non pas sur des jugements de valeur, basés sur des données probantes et non pas sur des opinions. Il y a de la place pour l'opinion aussi, puis je ne le conteste pas, mais j'ose croire que, dans nos échanges, nous ferons plus de place aux faits et aux données probantes qu'aux opinions. En tout cas, c'est mon intention.

Et là-dessus, M. le Président, je vais conclure en souhaitant, moi aussi, à tout le monde bonne étude de crédits, des échanges fructueux, et en espérant que le ministre effectivement est bien conscient que nous sommes dans un Parlement de cohabitation.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Je suis prêt maintenant à céder la parole au porte-parole du deuxième groupe de l'opposition et député de Marie-Victorin.

M. Bernard Drainville

M. Drainville: Merci, M. le Président. Je pense que, si nous avons un message, nous, à livrer, c'est que nous n'avons plus confiance en ce gouvernement pour la gestion du réseau de santé et nous ne faisons plus confiance non plus au ministre de la Santé pour le gérer. Nous constatons malheureusement son manque d'engagement. Il s'en défendra bien sûr, il fait de son mieux pour ne pas que ça paraisse, mais, quand on fait le bilan de son travail comme ministre de la Santé au cours des cinq dernières années, oui, il a fait des bonnes choses, je suis prêt à le reconnaître ? et on en discutera, si vous voulez, des aspects positifs de votre gestion, M. le ministre ? mais, si on regarde les différents engagements que le ministre de la Santé avait pris au moment où il a pris les rênes de son ministère, il a manqué singulièrement, M. le Président, d'efficacité. Il a été incapable, dans plusieurs dossiers très importants, de respecter l'engagement et la parole qu'il avait donnés à nos concitoyens québécois.

Je prends l'exemple, par exemple, du médecin de famille. Le ministre de la Santé nous avait dit: Je vais m'assurer que les Québécois aient accès à un médecin de famille, ça va être une priorité, ça, pour moi. M. le Président, il y a beaucoup, beaucoup de Québécois qui n'ont pas accès à un médecin de famille actuellement. Il y a toutes sortes de chiffres qui se promènent, là, mais je pense qu'on peut utiliser le chiffre de 25 % des Québécois qui ont accès à un médecin de famille actuellement. Pour les autres, ils continuent d'en chercher un et très souvent ils se butent à une incapacité d'en trouver un.

n (10 h 10) n

Nous avons eu un désaccord, lui et moi, l'année dernière. Nous prétendions, nous, qu'au moment où il est devenu ministre de la Santé il y avait plusieurs projets de création de GMF dans les cartons. Il a levé son couvercle de bureau pour nous indiquer qu'il avait cherché les projets et ne les avait point trouvés. Moi, je continue à prétendre, M. le Président, qu'il y avait dans ses cartons des projets pour créer de nouveaux GMF. Il y en avait déjà une quarantaine qui existaient au moment où il est devenu ministre. Nous prétendons qu'il y avait possibilité d'en créer 40 autres assez rapidement. Et son bilan, après cinq ans, M. le Président, c'est: autour de 150 GMF. C'est ça, là, qu'il y a au Québec actuellement: autour de 150 GMF. Alors, soyons très conservateurs, M. le Président, et disons qu'il y en avait 40, là, grosso modo, au moment où il prend les rênes du ministère; ça en laisse une centaine qu'il aurait créés lui-même depuis cinq ans, ça veut dire à peu près 20 GMF par année en moyenne. On ne peut pas dire que c'est un bilan très, très étincelant, M. le Président. Et, quand on sait à quel point c'est une priorité pour les Québécois d'avoir un médecin de famille, qu'il n'ait pu créer davantage de groupes de médecins de famille, c'est, pour nous, un échec.

Sur la question de l'attente, M. le Président, le ministre s'est engagé à l'éliminer, comme son premier ministre, d'ailleurs. M. le Président, il aura beau faire valoir qu'il y a des progrès dans un certain nombre de domaines, il y a encore une attente hors délai médicalement prescrit qui est absolument inacceptable au Québec. En fait, selon l'Institut Fraser, M. le Président, l'attente totale, elle est passée de 20 semaines, en 2003, à 19,4 semaines, en 2007. Donc, c'est essentiellement le statu quo. Et j'ai une note, M. le Président: selon l'Institut Fraser, cette attente, elle était de 16 semaines et demie en 2001 ? 16 semaines et demie en 2001, quand les méchants péquistes étaient au pouvoir ? et là elle est de 19,4 semaines, M. le Président. Donc, l'attente, en fait, elle s'est détériorée. Si on prend le bilan de 2001, là, puis on le reporte à 2007 ? je cite l'Institut Fraser ? c'est près de cinq mois qui s'écoulent en moyenne entre le premier rendez-vous avec un omnipraticien puis la consultation chez le spécialiste et enfin la chirurgie ou le traitement thérapeutique.

Donc, sur la question de l'attente, c'est également un échec, M. le Président. Il avait pris un engagement d'éliminer l'attente et il ne l'a pas fait. Et là il aura beau, là, envelopper ses belles paroles puis... il ne nous convaincra pas, M. le Président. C'est dommage. On aimerait ça être convaincus, M. le Président. On aimerait ça être convaincus. Alors, il aura beau faire valoir ? comment dire? ? toutes les formes... hein, il est bon là-dedans, dans l'art oratoire, M. le Président, hein, sauf que, de plus en plus, les Québécois se rendent compte qu'au-delà de son bel art oratoire il y a un manque singulier de contenu et il y a un manque singulier de résultat, M. le Président.

Sur la gestion des grands projets, alors là, M. le Président, c'est assez triste, c'est assez triste. Bien là, sur le Dossier de santé du Québec, le Vérificateur général a sorti un rapport, il y a quelques semaines, qui est absolument accablant pour la gestion du ministre de la Santé, et il le sait lui-même. Il me fait signe que non, M. le Président, mais je sais... Je pense que c'est somme toute un homme de bonne foi que nous avons devant nous, M. le Président. Je pense que c'est somme toute un homme de bonne foi. Je pense qu'en toute bonne foi et en toute conscience il le sait que son Dossier de santé, il est en train de déraper sur la question des coûts et de l'échéancier. Il ne l'admettra pas pour des raisons politiques, mais je sais que, dans votre for intérieur... vous avez de moins en moins la foi, mon cher M. le ministre, parce que, le Vérificateur général nous l'a dit, il y a un risque important que l'échéancier ne soit pas respecté, il y a des coûts qui n'ont pas été comptabilisés, il y a des investissements préalables. Le Vérificateur général, il a dit les choses explicitement, clairement, sans détour. Il n'a pas appelé ça des coûts hors portée, il a appelé ça des investissements préalables à la mise en oeuvre du Dossier de santé, c'est-à-dire des investissements nécessaires pour le bon fonctionnement du projet, M. le Président. Et, savez-vous quoi?, il a confirmé les chiffres de l'étude que nous avions rendu publics avant Noël, à la cenne près, M. le Président, alors, si bien qu'on se retrouve non pas avec un projet de 560 quelques millions, comme le ministre continue de le prétendre, on est tout près de 900 millions et on se dirige allègrement vers le milliard.

Mais ce n'est pas tout. Le Vérificateur général nous dit qu'il n'a même pas fait sa reddition de comptes à ses collègues du Conseil des ministres. Il a manqué à un devoir sacré pour un ministre, qui est de rendre des comptes au Conseil des ministres. Il ne l'a pas fait, M. le Président. Et je ne parle pas bien sûr de l'entorse à l'appel d'offres qui aurait permis l'ouverture d'une deuxième enveloppe et qui aurait peut-être permis aux contribuables québécois d'économiser des sous dans l'octroi de cet important contrat de 111 millions pour le visualiseur.

Sur la question, M. le Président, des centres hospitaliers universitaires, encore une fois une gestion qui manque de rigueur. D'abord, on ne cesse de reporter les échéances. Écoutez, on appelle ça encore ? comment, le CHUM 2010? ? le CHUM 2010, M. le Président, dont les premiers bâtiments sont prévus pour 2013. Il nous a dit ça, l'an passé: Les premiers bâtiments vont sortir de terre en 2013. En soi, il y a quelque chose d'un petit peu ridicule, M. le Président, d'appeler un projet dont les premiers bâtiments vont sortir de terre en 2013, de continuer à l'appeler le CHUM 2010. Déjà, en soi, là, à sa face même, M. le Président, il y a un non-respect de l'engagement.

Et là, lors des audiences de la Commission parlementaire sur l'administration publique, la semaine dernière, on a appris que le Centre hospitalier universitaire de Montréal, la direction du CHUM planche sur des scénarios, des plans B, des plans C, comme l'a appelé le directeur général, M. Roy, qui prévoient quoi, M. le Président? Qui prévoient la réduction du projet. Alors, évidemment, le ministre nous dit, depuis un an ? moi, ça fait à peu près un an que je suis dans ce poste de critique à la santé ? le ministre nous dit: Je vais respecter le budget de 3,6 milliards, l'échéancier également, etc. Bien oui, il va respecter peut-être, peut-être, le budget de 3,6 milliards, mais, pour y arriver, il va réduire le projet, M. le Président. C'est formidable! On enlève un étage, comme ça on va s'assurer de respecter le budget de 3,6 milliards pour les trois projets évidemment.

On a bien hâte d'ailleurs, M. le Président, de voir, de connaître ces plans B et ces plans C. Peut-être que M. le ministre de la Santé pourra nous en dira davantage là-dessus, mais, nous, on est très inquiets, très inquiets, M. le Président, de l'évolution et du Dossier de santé du Québec et du dossier des centres hospitaliers universitaires.

D'ailleurs, la situation à Sainte-Justine, M. le Président, est extrêmement préoccupante. Il y a toutes sortes de questions qui planent sur ce projet, beaucoup de réponses encore une fois qui sont sans... des questions qui sont sans réponse. Et on espère, M. le Président, que ça va fonctionner, mais on est de moins en moins optimistes, on est de plus en plus inquiets que ça ne fonctionne pas, que ça ne fonctionnera pas. Et ce sont les projets du ministre de la Santé, M. le Président, il en a fait sa fierté personnelle. Il nous a déclaré nombre de fois: Ne vous inquiétez pas, tout va bien, je gère bien le dossier. Ce que nous constatons, M. le Président, c'est que, dans sa gestion des grands projets, il y a une espèce de laxisme qui s'installe.

Alors, nous en venons à l'essentiel, M. le Président, sur la question de l'avenir du système de santé public. Nous avons pris une position ferme là-dessus, nous croyons dans notre système de santé public, nous croyons à un système de santé public plus efficace, plus performant, qui nous en donne davantage pour notre argent. Donc, oui au public, non au statu quo. C'est en résumé notre position.

On pensait, M. le Président, que le ministre de la Santé était un des nôtres là-dessus, on pensait que c'était un apôtre du système public de santé. Or, qu'est-ce qu'on entend de son côté de plus en plus? Une espèce de vasouillage, M. le Président. Il est... Comment dire? Il nous dit: Sur la mixité de la pratique médicale, on ne peut pas être contre sur le plan philosophique. Moi, je suis prêt à la considérer, je suis même le premier ministre de la Santé à accepter que ça pourrait être une bonne idée, mais ce n'est pas le moment. Alors, je suis pour, mais je suis contre en même temps, hein? Je suis pour, mais je suis contre: je suis pour philosophiquement, mais je suis contre pour ce qui est de l'échéancier, pour ce qui est de la mise en oeuvre maintenant. Double discours.

n (10 h 20) n

Pour ce qui est du développement du système privé dans la santé, M. le Président ? et je vous rappelle, fort intéressant, hein, regardez ça ? la revue L'Actualité, hein: Dossier de santé, 20 000 $ pour un coude, 13 000 $ pour un genou, 12 000 $ pour une hanche. Bienvenue au paradis canadien des soins de santé privés, le Québec! M. le Président, hein, le paradis canadien des soins de santé. Évidemment, l'ADQ en voudrait plus. Nous, on n'est pas d'accord, on trouve que 30 % des dépenses en santé, c'est assez. Mais pourquoi le ministre, à ce moment-là, manque-t-il à ce point de clarté sur la question de son règlement sur le projet de loi n° 33? Nous, on a bien hâte de l'entendre là-dessus. Il y a beaucoup d'inquiétudes, M. le Président, sur la question du règlement du projet de loi n° 33. On a l'impression que ça risque de devenir le cheval de Troie pour permettre aux assureurs privés de s'installer encore davantage dans le paysage québécois du domaine de la santé.

Il y a d'autres dossiers, M. le Président. Sur l'Hôpital Lachine, qu'est-ce qu'il attend, sur l'Hôpital Lachine, pour déposer ses garanties linguistiques, M. le Président? Qu'est-ce qu'il attend pour protéger le caractère francophone de l'Hôpital Lachine? On a bien hâte de l'entendre là-dessus également, M. le Président.

Alors, je voudrais conclure en disant que visiblement notre ministre de la Santé, M. le Président, n'a plus beaucoup le coeur à l'ouvrage. C'est ce qu'on sent, nous, et c'est ce qu'on entend également. Il n'a plus le goût d'être ministre de la Santé, M. le Président. On ne sait même plus s'il a encore le goût d'être ministre. S'il a le goût d'être ministre d'autre chose, il faudrait qu'il nous le dise. On pourrait peut-être faire une suggestion à son premier ministre, hein, ça pourrait être une idée. S'il a le goût de continuer à servir l'intérêt public, servir la population québécoise, peut-être qu'il vaudrait mieux qu'il change de ministère parce que, jusqu'à maintenant, comme j'en ai fait la démonstration, M. le Président, sur un très grand nombre de dossiers, il n'a pas livré la marchandise.

Les résultats sur de grands dossiers, médecins de famille, réduction du temps d'attente, donc toute la question de l'attente, Dossier de santé du Québec, centres hospitaliers, tout le dossier du privé dans le domaine de la santé, sur tous ces grands dossiers là, M. le Président, nous pensons qu'il a manqué à son devoir, qu'il a manqué aux engagements qu'il a pris envers la population québécoise. Et donc, à notre avis, après cinq ans, c'est suffisant. Et on espère que, sur les dossiers qu'on a soulevés, M. le Président, on espère qu'il pourra nous apporter des éléments de réconfort, hein, et qu'il pourra nous dire: Écoutez, sur certains enjeux, sur certains dossiers, je suis prêt à apporter des changements, je suis prêt à apporter des correctifs, des modifications. Et on a bien hâte de l'entendre là-dessus, M. le Président.

Alors, nous aussi, nous saluons les gens du ministère, nous saluons nos collègues et nous espérons bien sûr que nous aurons un échange fructueux et constructif au cours des prochains jours.

Discussion générale

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Ça met fin au bloc des remarques préliminaires. On va passer maintenant dans l'échange, les blocs d'une vingtaine de minutes maximales. Et je suis prêt maintenant à céder la parole au député de La Peltrie.

Déficits autorisés dans les
établissements du réseau

M. Caire: Merci, M. le Président. Pour ce premier bloc, nous voudrions aborder des questions de budget, M. le Président, parce qu'il apparaît, comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, que tout l'exercice qui a été fait dans la dernière année est un exercice qui était conditionné par une analyse de la ministre des Finances que le Québec ne pouvait pas supporter l'augmentation de la croissance des dépenses en santé eu égard au fait qu'elles dépassent largement la croissance de notre richesse collective.

Malheureusement, nous n'avons pas encore, à ce jour, reçu tous les cahiers aux questions qu'on avait posées. Et ma première question au ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président, serait pour nous informer de l'état des déficits autorisés pour cette année dans le ministère, parce que c'est une question que nous avions posée et pour laquelle on n'a pas de réponse. Donc, si le ministre pouvait répondre à cette question-là, j'apprécierais.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Alors, je vais répondre à la question précise du député. D'ailleurs, on y avait répondu dans l'adoption des crédits temporaires, le chiffre avait été donné sur une fourchette qui devient plus précise maintenant.

Je ferais juste une petite remarque d'introduction, puis on reviendra en détail sur les éléments des présentations de nos deux collègues. Je pense que la population, si elle a besoin d'être rassurée sur le fait que le Parti libéral du Québec est le parti de l'équilibre, elle vient d'en avoir la démonstration. D'un côté, on nous dit: Trop de privé. Et, de l'autre côté, on nous dit: Pas assez de privé. Ça fait que clairement on est dans la zone d'équilibre et de la prudence qui caractérise la gestion gouvernementale.

Pour ce qui est des déficits autorisés dans les établissements du réseau, ce qui est prévu actuellement pour la fin de l'année 2007-2008, selon les données du ministère, c'est autour de 138 millions de dollars ? c'est ça, M. le sous-ministre? ? oui, 138 millions de dollars. Si on y va de façon chronologique, là: en 2003-2004, c'était 363 millions de dollars; en 2004-2005, 224 millions de dollars ? ça, ce sont les résultats finaux, hein? ? en 2005-2006, 139; en 2006-2007, 134; et, en 2007-2008, 138. Donc, depuis 2005-2006, il y a une stabilité relative de ce chiffre donc qu'on pourra remettre en contexte historique également si le député le désire et qu'il faut mettre également en perspective du budget des établissements du réseau, qui nous place autour de 1 % ou un peu moins de 1 % du budget de fonctionnement des établissements du réseau.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Caire: Merci, M. le Président. Donc, ce que je comprends, c'est qu'au niveau des déficits autorisés, cette année, il y a une légère augmentation, on parle d'une augmentation de 4 millions au global, dans la perspective, M. le Président, où tout ça s'ajoute au déficit accumulé. Parce que, si je ne m'abuse, le déficit accumulé était de 1 353 000 000 $. Donc, il faut ajouter la somme de 138 millions au déficit accumulé. Est-ce que mes chiffres sont exacts? Est-ce que le ministre a des chiffres autres?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, en fait, M. le Président, si on regarde le chiffre de cette année, une petite prudence qui pourrait l'amener à la baisse encore, on est d'accord que 4 millions, ce n'est pas une grosse variation en termes relatifs, il faut attendre la consolidation finale des états financiers. Mais, si on regarde le chiffre réel du déficit accumulé, je pense qu'il faut le donner comme il est, je vais donner les chiffres des trois dernières années, qui consistent finalement à l'addition de chaque déficit d'opération annuellement: en 2005-2006, c'est 1 311 000 000 $; en 2006-2007, 1 434 000 000 $; et, en 2007-2008, ce qui est prévu avec le 138 mais qui pourrait être un peu moins, 1 560 000 000 $.

On se souvient également de la réforme comptable que la ministre des Finances a mise en place sous l'impulsion du Vérificateur général et avec son accord, ce qui fait que maintenant ces déficits sont comptabilisés dans les exercices financiers du gouvernement. D'ailleurs, je pense que l'opposition officielle était beaucoup intervenue sur cette question il y a quelques mois.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Caire: En fait, M. le Président, j'allais dire: Sous l'impulsion de l'opposition officielle et à la recommandation du Vérificateur général, on accepte effectivement maintenant d'intégrer le déficit du réseau de la santé et des services sociaux au déficit de la province.

M. le Président, en fait, ce qu'on veut démontrer, c'est que le réseau de la santé... Et, l'année dernière, le ministre de la Santé, à cette question-là, nous avait dit qu'on est en constante diminution. Or, ce qu'on constate, c'est que, oui, il y a eu diminution par rapport à l'époque où les méchants péquistes étaient au gouvernement, mais il y a encore, dans le réseau de la santé, des déficits. Donc, le déficit zéro, ça n'existe pas. Il n'y a pas de déficit zéro. On est en situation de déficit. Et tout ça s'accumule. Donc, on dépasse maintenant le 1,5 milliard de déficit accumulé dans le réseau de la santé, M. le Président. Puis le ministre aura l'occasion de me corriger si je me trompe, je suis sûr qu'il ne s'en privera pas.

Crédits alloués et dépense réelle

Mais on avait un budget, pour 2006-2007, de 22 251 000 000 $. Nous avons voté, en 2007-2008, 23 698 000 000 $, ce qui représente une augmentation de 6,5 % du budget. Si on regarde ce qui a été dépensé en 2007-2008, 23 977 000 000 $, c'est une augmentation par rapport à ce qui avait été fait en 2006-2007 et 2007-2008, les dépenses réelles, de 7,8 % d'augmentation des dépenses de programmes. M. le Président, dans le budget de cette année, on prévoit une augmentation des dépenses de programmes de 5,5 %, ce qui m'apparaît peu réaliste. Notre prétention est à l'effet que ce qui a été voté représente plus une augmentation de 6,8 %. Est-ce que le ministre de la Santé arrive au même calcul?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, M. le Président, ça dépend quel est le point de départ qu'on choisit, et classiquement le point de départ dans les finances publiques, c'est la dépense réelle de l'année précédente. Effectivement, si on regarde les crédits votés de l'année précédente, on est à un chiffre d'un peu plus de 6,5 %, comme dit le député de La Peltrie. Si cependant on est dans le domaine des dépenses réelles, le chiffre effectif est de 5,5 %.

Maintenant, il faut expliquer pourquoi il y a eu une augmentation, et c'est le cas régulièrement, en fait à chaque année, il y a toujours une différence entre les crédits votés puis la dépense réelle. Je vais rapidement, sans vouloir enterrer le député sous une cascade de chiffres, mais il pourra obtenir les détails s'il le veut par la suite.

Il y a eu d'abord une réduction des dépenses parce qu'il y a eu des transferts de juridiction au ministère de l'Immigration pour l'accueil aux réfugiés, et le reste sont des augmentations de dépenses. Il y a eu d'abord des crédits supplémentaires qui ont été votés après l'adoption des... en même temps ou après le premier budget, l'an dernier, pour 60 millions. Il y a eu des régimes de retraite nécessitant une contribution augmentée de 39,9 millions. Il y a eu un ajustement annuel à la RAMQ de 48,5 millions. Il y a eu des crédits reportés à l'OPHQ, de 247 millions. Il y a eu un ajustement aux crédits 2007-2008 pour pourvoir à la variation des revenus du Fonds de santé, de 128 millions, et finalement un ajustement de Bureau de la Capitale-Nationale.

Ceci fait en sorte d'amener la dépense réelle, selon le chiffre que, moi, j'ai ici, qui est d'ailleurs dans le petit cahier de crédits résumé que nos collègues ont reçu, à 24 000 123 250 $ et avec une augmentation qui, si on prend cette base de comparaison initiale, est de 5,5 %.

Je ne me souviens plus si j'ai pris la peine tantôt de dire à nos collègues qu'on est désolés du retard léger dans certains cahiers de réponses. Certains vont être livrés ce matin, d'autres informations devraient être livrées cet après-midi ou au plus tard demain matin. Il y avait, on me dit, 544 réponses...

Une voix: 555.

M. Couillard: ...555 réponses qui occupent beaucoup les équipes du ministère pendant qu'elles doivent également veiller aux opérations du réseau. Mais on aura les réponses. Et je m'excuse, là, si ça a causé un inconvénient à nos collègues parlementaires. Donc, je pense que j'ai expliqué la différence entre les crédits votés et la dépense réelle, M. le Président, pour 2007-2008.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Caire: Merci, M. le Président. De toute façon, pour ce qui est des retards, on va poser la question directement au ministre, donc on aura les réponses, j'en suis sûr.

Je reviens, M. le Président, au point précédent, sur l'augmentation réelle des dépenses de système. Ce qui a été établi, c'est que, dans tous les cas de figure, qu'on prenne son chiffre ou le mien, moi, je continue à penser que, dans la dépense réelle, l'augmentation est au-delà de 6 %, M. le Président. Puis je comprends les explications du ministre, là, je ne dis pas que ça n'a pas été dépensé, mon point n'est pas là, ça a été effectivement dépensé, il y a toutes sortes de raisons qui expliquent la dépense, mais le fait demeure que l'augmentation des dépenses pour les coûts de programmes est au-delà du 6 %, ce qui était d'ailleurs les prévisions que la ministre des Finances avait au moment de lancer la commission Castonguay. Et ce qui est une réalité aussi, c'est qu'à ce moment-là l'augmentation de notre richesse collective était en deçà des 4 % et, avec la récession prévisible, M. le Président, on sait que ce sera encore moins. Donc, l'écart se creuse entre les dépenses qu'on doit assumer dans le réseau public de santé et notre capacité collective à assumer ces dépenses-là, l'écart se creuse, puis je pense que le ministre de la Santé n'a pas rejeté l'hypothèse que je suis en train de mettre de l'avant.

Et donc la question légitime, c'est: Comment est-ce qu'il entend combler cet écart-là? Parce qu'il est important, l'écart entre l'augmentation de notre richesse collective puis l'augmentation de nos dépenses. Et jusqu'à date, là, je ne vois pas, dans son panier de solutions, là, je ne vois rien qui va nous permettre d'arriver à financer tout ça, là.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Alors ça, c'est un sujet extrêmement intéressant puis ça fait partie des sujets de fond qu'on aura l'occasion de discuter dans les crédits. J'ai moi-même été, pendant quelques années, de l'école catastrophiste, c'est-à-dire qui nous amenait vers une impasse budgétaire inévitable en santé. Et, à force de lire, d'étudier, de rencontrer des gens, j'en arrive à une conclusion qui démontre qu'il s'agit d'un problème sérieux mais qui n'a pas le caractère, à mon avis, apocalyptique que certains lui donnent, je l'ai dit dès l'an dernier et je le répète. Donc, ce n'est pas parce qu'il y avait des élections possibles l'an dernier que j'avais dit ça, c'est une conviction qui a évolué d'après les consultations que j'ai faites.

À cet effet, je suggérerais à mes deux collègues d'aller passer quelque temps avec le Pr Béland, de l'Université de Montréal, pour discuter de cette question, il l'a étudiée de façon très approfondie, et je crois que cette personne leur donnera un éclairage un peu différent de ce qu'on entend classiquement en termes d'impasse inévitable, etc. J'ai toujours plaisir d'ailleurs, à ce sujet, à rappeler ? et d'ailleurs c'était dans le mémoire que le Pr Béland avait fait ici, en commission parlementaire, lorsque nous discutions des sujets semblables ? une citation du Conseil économique du Canada, de septembre 1970, qui prévoit que finalement, avant l'an 2000, la santé et les services sociaux auront absorbé tout le produit national potentiel et toutes les dépenses publiques. Alors, cette lecture est répétée, mais finalement les faits n'arrivent jamais là.

Ce qu'on oublie toujours de dire, et c'est l'essentiel de l'argument du Pr Béland... Je sais que notre collègue de La Peltrie est un homme ouvert, qui aime discuter des choses, d'ailleurs c'est à son honneur, je voudrais qu'il prenne le temps d'étudier la position du Pr Béland et de le rencontrer pour voir qu'il y a quand même une substance là-dedans. C'est que, quand on parle d'un pourcentage... forcément, quand on parle du pourcentage, on parle d'un numérateur, et d'un dénominateur, et également on parle de dénominateur qui change. Et, si on regarde l'évolution des 30 dernières années des dépenses de santé du Québec, qu'est-ce qu'on constate? C'est que, pendant la même période, le dénominateur a été considérablement modifié, le numérateur aussi, parce que la définition de ce qu'est une dépense de santé change constamment, notamment avec les discussions avec l'ICIS. Mais le dénominateur, qui est la taille des dépenses gouvernementales, a changé de façon remarquable pour deux raisons.

D'une part, des dépenses et des revenus. C'est que toute l'activité gouvernementale s'est contractée au cours des dernières années. On a, aujourd'hui, des dépenses gouvernementales qui représentent 18 % du PIB, ce qui est le taux le plus bas depuis les dernières années, et également des revenus qui diminuent forcément, d'une part, parce que le gouvernement fait le choix judicieux d'alléger le fardeau fiscal des Québécois. Alors, quelle surprise! Tu sais, on a un numérateur et un dénominateur; le dénominateur change, diminue; résultat, la fraction augmente, premièrement. Ce n'est pas surprenant, là, c'est la nature même des choses.

Deuxième chose, c'est que, si on regarde l'évolution des dépenses par rapport au PIB, au produit intérieur brut, qui est l'illustration de notre richesse collective, le pourcentage des dépenses publiques de santé par rapport au PIB est remarquablement stable. Il y a eu une légère augmentation, depuis le début des années 2000, de 0,5 %. Et c'est relativement stable.

Et, si on dissèque encore plus, selon les données du Pr Béland, les dépenses qu'on appelle médicohospitalières des autres dépenses, ce qu'on constate en fait, c'est que la recommandation du rapport Castonguay pour ce qui est des dépenses médicohospitalières, elle est accomplie parce qu'effectivement, sur une base historique, l'évolution des dépenses médicohospitalières suit le PIB. C'est paradoxalement, et ça va contre un peu les idées reçues, c'est ce qu'on appelle les dépenses dans les autres établissements qui dépassent le PIB. Pourquoi? Parce que les gouvernements ont fait le choix d'investir, comme c'est justifié de le faire, ailleurs que dans les centres hospitaliers, notamment dans la communauté, la première ligne, la prise en charge. Bon.

Alors, il faut regarder ça avec un peu plus d'attention. Je ne dis pas que ce n'est pas un gros problème, c'est un problème majeur et important, comme, en passant, tous les pays du monde. Si le député fait un relevé, puis je sens qu'il aime les comparaisons internationales, puis je vais l'inviter à les continuer... Prenons la France, tiens, par exemple, où il y a tout ce que le député rêve de voir au Québec: la pratique mixte, le ticket modérateur ? puis on aura l'occasion de parler de tout ça. Par contre, l'évolution annuelle des dépenses publiques de santé en France, c'est 7 %, et puis le déficit de la caisse d'assurance maladie française atteint les 15 milliards d'euros, aux derniers chiffres. Alors, ça illustre deux choses: c'est que la situation du Québec n'est pas différente de celle de tous les pays développés qui ont un système de santé, d'une part, les mêmes problèmes se posent partout, et que, d'autre part, bien c'est une conséquence, je dirais, corollaire de ce que je dis, sur laquelle on aura l'occasion de revenir.

Les solutions préconisées notamment par l'ADQ n'influent en rien sur l'augmentation de dépenses publiques en santé et sur leur pourcentage par rapport au PIB, ça n'a aucune influence. Chaque fois que des gens sont venus me présenter ça en commission parlementaire, je leur ai lancé le défi à chaque fois. J'attends encore la réponse. Ça fait deux ans de silence sépulcral. Prouvez-moi, prouvez-moi, donnez-moi un exemple, je veux juste en voir un, là, d'un pays moderne où ce que vous voulez introduire a eu un impact démontré et causal dans une réduction des dépenses en santé.

Si je fais rapidement la revue de certains pays ? je vais terminer rapidement parce que c'est intéressant pour le député: Canada, 7,1 %; Danemark, 6,2 %; États-Unis, 8,7 %; Finlande, 7,1 %; France, 7,1 %; Irlande, 14,4 %; Norvège, 7,4 %; Royaume-Uni, 9,6 %; Suisse, 5,5 %; Suède, 5,5 %; Québec, 5,6 %. Alors, en fait, le rythme des dépenses publiques de santé au Québec est absolument identique que celui de tous les autres pays de l'OCDE qui ont en place des systèmes différents, ce qui prouve encore une fois que l'introduction de ces éléments-là peut avoir un aspect intéressant pour certains aspects de fluidité et d'adaptabilité du réseau, mais n'influe en rien sur la capacité collective de financer un système de santé, et pourrait même l'aggraver. On aura l'occasion d'y revenir, M. le Président, mais c'est un sujet tellement intéressant que je me permets de m'étendre un peu dessus. C'est le cas...

n (10 h 40) n

Le Président (M. Kelley): Merci, M. le ministre. Il vous reste trois minutes, M. le député.

M. Caire: Oui, c'est ça, le problème, M. le Président. Je demanderais au ministre d'avoir des réponses peut-être un peu plus brèves parce que...

M. Couillard: ...très intéressant.

M. Caire: C'est un sujet extrêmement intéressant, puis... D'abord, pour le Pr Béland, j'ai effectivement lu sa théorie. Le ministre va accepter avec moi que, dans les milieux économiques, elle est extrêmement contestée. En fait, dans les tenants de sa théorie, là, il est pas mal dans les seuls défenseurs. Elle a plusieurs faiblesses, notamment, nous allons probablement en vivre une bientôt, en cas de récession économique, effectivement les dépenses et pressions publiques ne cesseront pas d'augmenter, mais la richesse collective va diminuer, et là la faiblesse de M. Béland va se révéler. Parce que, tant que ça augmente, tout va bien, mais, le jour où le PIB diminue et les dépenses augmentent, là ça va moins bien. Et d'ailleurs, dans le rapport Castonguay, on ne fait pas grand cas de ces études-là. Il y a plusieurs économistes, dont Pierre Fortin, qui contestent ça aussi. Mais je ne veux pas entrer dans des batailles d'études ou de...

Puis, sur les dépenses en santé publique, les pays européens... M. le Président, il n'y a personne qui dit que les dépenses de santé publique n'augmentent pas. Mais les indices de performance sont meilleurs dans les systèmes de santé européens. Les délais d'attente sont moins élevés dans les pays européens. La rapidité de service est plus élevée dans les pays européens. Moi, j'ai eu l'occasion de visiter des urgences en France, M. le Président, puis, je vous garantis, ça n'a rien à voir avec les urgences au Canada: des corridors qui sont vides parce que les gens sont soignés. La cible, la cible, dans les urgences en Europe, pour être vu par un médecin, dans un cas... ce qu'on appelle les cas d'entre trois et cinq, donc des cas plus légers, elle est de quatre heures, et elle est atteinte parce que le résultat, c'est moins de quatre heures. Ça, c'est le résultat. La cible du ministre, la cible, qui n'est pas atteinte, c'est 12 heures. Alors, M. le Président, on peut essayer de détourner la discussion, mais, quand on regarde strict sur les résultats, ils ont des systèmes plus performants que les nôtres.

Sur les dépenses publiques, si, dans une situation monopolistique, nous assumions la totalité des dépenses publiques en santé, le ministre de la Santé le sait très bien, c'est 33 milliards. Alors, heureusement que le privé prend à sa charge 9 milliards. Et c'est l'idée de la mixité de la pratique. Et quelle est la réponse des pays européens face à la pression sur les finances publiques? C'est d'augmenter l'apport du privé dans les services à la population. La France est en train de regarder, avec les assurances duplicatives et les mutuelles, pour augmenter la part de la couverture pour être capable de combler le déficit de la sécurité sociale. Le ministre de la Santé disait: Les médecins sont un peu moins payés en Europe. Bien sûr, parce qu'ils peuvent avoir un complément de revenus dans le privé. Alors, M. le Président, on peut faire des analyses partielles, mais il faut faire l'analyse totale du réseau de la santé. Et tous les indicateurs de performance des systèmes de santé européens sont définitivement, et de très loin, meilleurs que les nôtres.

Alors, je repose ma question: Dans une perspective de finances publiques, qu'est-ce que le ministre entend faire pour nous donner exactement le même niveau de performance que les systèmes dont il parle?

Le Président (M. Kelley): Le bloc est terminé, mais je vais permettre une dernière réplique, assez brièvement, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Couillard: Je vais être assez bref, parce que c'est vraiment un sujet très intéressant, puis on aura l'occasion de continuer. En fait, le constat du député est exact. Personne ne peut nier, et il suffit d'aller là-bas pour le voir, là, personne ne peut nier que le niveau d'accès aux services est supérieur dans les systèmes ouest-européens, vers lequel, je crois, le système canadien et québécois doit tendre, en passant, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que le député. Mais là où il se trompe, à mon avis, et amicalement, là, c'est que la raison pour laquelle... et l'ensemble des analystes est d'accord là-dessus, la raison principale pour laquelle ces systèmes ont un accès meilleur, c'est que les gouvernements ont investi massivement dans le réseau public, qu'il y a plus de lits d'hôpitaux puis qu'il y a plus de médecins puis d'infirmières. Essentiellement, c'est ça qui fait la différence. Et on ne peut pas nier ça, c'est un fait qui est bien démontré. On aura l'occasion de revenir là-dessus, M. le Président, c'est un débat fascinant.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Ça met fin au premier bloc. Je suis prêt maintenant à céder la parole au député de Marie-Victorin.

Écart entre les crédits versés aux
établissements en 2007-2008 et en 2008-2009

M. Drainville: Merci, M. le Président. M. le ministre, lorsque nous nous sommes parlé pour le quart des crédits, vous vous rappelez, j'avais soulevé la question de l'évolution des crédits pour les établissements publics et je vous avais fait la démonstration qu'entre 2007 et 2008, d'une part, et 2008-2009, d'autre part, il y avait un écart important. Nous, notre calcul, c'est qu'il y a un écart de 208 millions entre 2007-2008 et 2008-2009, grosso modo de 688 millions à 480 millions.

Et là, s'il vous plaît, ne pas reprendre toute l'explication sur l'équité salariale, l'année bissextile, et tout le reste, on l'a inclus dans nos travaux. Et vous m'aviez dit: Je vais vous déposer un tableau qui explique la différence. Alors, si vous me permettez... Vous me faites signe du bonnet, donc, si je comprends bien, vous avez les chiffres. Est-ce qu'il serait possible de les déposer, tel que vous vous êtes engagé à le faire? Et, à ce moment-là, on pourrait l'étudier et vous poser des questions là-dessus peut-être demain ou une autre journée. Mais j'aimerais mieux ne pas rentrer dans une longue explication. J'aimerais mieux voir les chiffres d'abord, et on pourra en discuter intelligemment. Est-ce que vous me confirmez que vous avez effectivement le tableau qui explique la différence?

Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a un tableau pour dépôt?

M. Couillard: Oui, puis on va être très heureux de le déposer, le transmettre aux collègues. Mais je ne pourrais pas ne pas intervenir dessus.

M. Drainville: Non, non, mais...

M. Couillard: Le député aura l'occasion d'y revenir, là, mais ce n'est pas vrai que je vais déposer un tableau sans dire à la population ce qu'il y a dedans puis comment on explique la différence. Mais on pourra poursuivre le débat, cependant.

M. Drainville: Mais on pourrait attendre, M. le Président, d'en avoir pris connaissance, de notre côté de la Chambre?

Le Président (M. Kelley): ...accepter le dépôt.

M. Drainville: Bien, c'est parce que...

M. Couillard: Y a-tu quelqu'un qui le veut?

Des voix: Ha, ha, ha!

Document déposé

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, le document est déposé.

M. Drainville: Merci.

Le Président (M. Kelley): On va distribuer les copies aux membres de la commission.

M. Drainville: Alors, je vous remercie, M. le ministre. On va en prendre connaissance, et je vous promets qu'on aura l'occasion d'en discuter. Moi, je veux bien sûr avoir les réponses à ces questions-là.

Traitements médicaux spécialisés
dispensés dans les cliniques privées

Bon, sur la question du privé, M. le Président, il vient d'y avoir un échange entre l'opposition officielle et le ministre là-dessus, aussi bien enchaîner avec le privé, M. le Président, et le règlement du projet de loi n° 33. Allons-y gaiement, M. le Président.

Pouvez-vous d'abord nous expliquer, M. le ministre, pourquoi la liste des chirurgies qui vont être permises dans un CMS, un centre médical spécialisé, avec médecins non participants, donc une clinique privée-privée, pourquoi cette liste-là est si longue? Qu'est-ce qui a fait en sorte... Qu'est-ce qui a déterminé qu'il y ait autant de chirurgies sur cette liste-là? Qu'est-ce qui a fait qu'une chirurgie, par exemple les chirurgies gynécologiques ou une autre chirurgie qui se retrouve dans la liste, a été mise dans cette très longue énumération de ces chirurgies donc qui vont être permises dorénavant dans des cliniques privées avec médecins non participants?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Alors, M. le Président, c'est encore une fois une excellente question, et je remercie le député de me la poser parce que, pour la première fois... En fait, c'est la première fois au Canada qu'un gouvernement définit légalement le statut juridique de la prestation de services médicaux spécialisés dans les cliniques privées de médecins participants ou non participants. Il y a actuellement donc une consultation en cours, une phase de prépublication qui va se terminer, et il est probable que la version finale sera un peu différente de la version actuelle.

Mais sur l'essentiel, sur l'essentiel, comment la liste a-t-elle été établie? Il s'agit, M. le Président, de rappeler qu'avant l'adoption de la loi n° 33 tout ce qui se faisait dans les cliniques privées, au Québec ? et qui se faisait, je vais y revenir ? se faisait sans aucun statut légal, sans aucun encadrement de la qualité des services et sans aucun suivi par un mécanisme d'agrément. Ce que nous avons fait avec le Collège des médecins ? en passant, ce n'est pas un exercice unilatéral, ça a été fait avec le Collège des médecins, et l'exercice se poursuit actuellement avec les fédérations ? c'est de prendre acte de ce qui se fait. Donc, c'est une erreur fondamentale lorsque certains disent: Nous avons choisi de transférer certaines chirurgies dans les cliniques privées. C'est le contraire.

Ayant constaté ? et c'est facile de le faire avec les codes de facturation, le Collège des médecins et les fédérations médicales ? ce qui se fait réellement dans les cliniques privées et ce qui se faisait jusqu'à l'adoption et la mise en vigueur de la loi n° 33 sous des vocables tels que «cabinet privé» et autres artifices pour essayer de trouver un statut légal qui ne correspond de toute évidence pas à la réalité, il s'agit maintenant d'exiger que ces chirurgies déjà pratiquées dans les cliniques privées, déjà pratiquées dans les cliniques privées, je répète...

Une voix: ...

M. Couillard: ... ? privé-privé, privé-publique, toutes les sortes de privé que vous voulez ? soient désormais encadrées, encadrées par un processus qui est contenu dans la loi n° 33, que le député connaît probablement, c'est-à-dire qu'il y a des exigences quant à la nature de la direction, la nomination d'un directeur médical et le fait de se soumettre à un processus d'agrément. En fait, c'est le contraire du raisonnement qui nous est reproché par certains groupes, que j'ai rencontrés d'ailleurs.

n (10 h 50) n

M. Drainville: Lesquels?

M. Couillard: Les groupes syndicaux, par exemple, qu'on a rencontrés. Puis, aujourd'hui, on a un débat avec le critique de la deuxième opposition. C'est que c'est tout à fait la vision inverse de ce qu'ils craignent. Et, s'il y a des ajustements de mots à faire dans le texte pour dissiper leurs craintes, on le fera, en passant. Le gouvernement n'a pas décidé: Voici une liste de chirurgies qui dorénavant seront faites dans les cliniques privées. Le gouvernement constate que de plus en plus la pratique médicale, en raison notamment du progrès des technologies, se déplace à l'extérieur des hôpitaux, dans des cliniques privées; ça ne date pas d'hier. Constatant cela, c'est son devoir d'encadrer la situation de façon juridique, législative, et notamment la qualité des services. Donc, c'est totalement l'opposé de la démarche que le député... de bonne foi, là, que le député pense que nous avons suivie.

M. Drainville: M. le Président, le ministre dit que je le pense. Je me questionne, je dirais, là-dessus, et je ne suis pas le seul, comme il l'admet lui-même, il y a pas mal de gens qui se questionnent sur la portée réelle de ce règlement. Et, M. le Président, je l'inviterais d'ailleurs, si le ministre a l'intention d'apporter des changements, et il nous dit que c'est son intention: S'il vous plaît, M. le ministre, allez-y avec plus de clarté, si c'est possible, parce que ce n'est pas normal que, sur un enjeu aussi important, il y ait autant de gens qui se questionnent sur le sens réel des mots. Bon.

Vous nous dites: La liste, elle a été constituée à partir de ce qui se fait déjà, et donc vous vous voulez rassurant en nous disant: J'ai voulu encadrer ce qui se faisait déjà avec un permis, processus d'agrément, et tout le reste. Je vais m'adresser à la présidence. Alors, M. le Président, ma question est la suivante, très spécifiquement. Vous dites que vous êtes prêt à apporter des changements. Est-ce que vous pouvez nous dire, M. le ministre, sur quoi vous entendez apporter des précisions? Sur quel aspect du règlement souhaitez-vous être plus précis?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Essentiellement, sur la liste elle-même, avec laquelle nous sommes toujours en consultation avec le Collège des médecins et les fédérations médicales, également certaines phrases du règlement qui peuvent ? et ce n'est pas notre volonté ? donner lieu à l'interprétation que vous soulevez ici. Alors, il s'agira de modifier, on verra dans la forme finale lorsqu'elle sera adoptée. Le processus est en cours actuellement.

M. Drainville: Est-ce que l'une de ces phrases serait la phrase du troisième...

Une voix: Article.

M. Drainville: ...troisième article ? merci ? qui dit que vous êtes prêt donc ? comment dire? ? à donner ou à accorder aux cliniques privées-privées, donc aux cliniques privées avec médecins désaffiliés du régime public, tout «traitement qui requiert un hébergement postopératoire de plus de 24 heures»? Est-ce que ça, c'est une des choses que...

Parce qu'une des questions qu'on se pose, c'est: Pourquoi, dans ce règlement, donnez-vous aux cliniques privées avec médecins désengagés tout ce qui est hébergement postopératoire de plus de 24 heures? On comprend un peu... enfin, je comprends davantage l'idée d'y mettre l'arthroplastie-prothèse des hanches et des genoux, puisque ces deux interventions font partie du projet de loi n° 33, pourraient faire l'objet d'une couverture des assureurs privés. Vous dites: Bien, écoutez, il faut s'assurer que, s'ils vont au privé, le privé se charge, assume les coûts liés à l'hébergement et aux coûts... une complication postopératoire qui pourrait survenir. Mais pourquoi dire que, dès qu'il y aura «un traitement qui requiert un hébergement postopératoire de plus de 24 heures», pourquoi dire, dans ce règlement, que ça doit se faire nécessairement dans une clinique privée avec médecins désengagés, désaffiliés du régime public?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Parce que, d'une part, on ne veut pas que les médecins participants passent une grande partie de leur temps à aller faire de ce type d'activité là et que, deuxièmement, encore une fois, on constate la réalité sur le terrain, ces chirurgies se font actuellement. Et il faut savoir que ce qui se faisait ou ce qui se fait jusqu'à la mise en place de la loi n° 33, c'est qu'on opère le malade et on ouvre un rideau, on l'installe là pour quelques heures. Ça, ça s'appelle autre chose parce qu'il n'y a pas de statut légal. Mais en pratique la personne est là 24 heures, 36 heures, des fois 48 heures. Ça existe...

M. Drainville: Dans quels cas...

M. Couillard: Non seulement dans les arthroplasties, mais également, je suppose, dans d'autres types de procédures qui sont faites dans les cliniques de médecins... l'esthétique, par exemple. Il y a des chirurgies majeures esthétiques qui sont faites, hein? Alors, il faut juste s'adapter à la réalité des choses, qu'on le veuille ou non.

Puis, moi, le privé, en passant, je ne sais pas quelle est l'attitude du Parti québécois là-dessus, c'est très difficile à décoder dans leurs interventions, le privé, chez moi, ne provoque pas une crainte viscérale ou une opposition dogmatique, là. Je trouve que c'est un bon partenaire pour le système de santé, et sa présence est connue et est acquise. Et on est ouverts à la faire progresser, mais seulement à l'intérieur du réseau public et comme collaborateurs. Puis on aura l'occasion d'avoir à ce sujet, avec notre collègue de La Peltrie, une discussion sur la pratique mixte, qui sera passionnante.

Mais ça, c'est uniquement, encore une fois, le but du règlement. Et ce n'est pas ce paragraphe-là qui inquiète le plus, en passant, nos interlocuteurs syndicaux, entre autres; c'est l'autre, le deuxième. Alors, c'est celui-là sur lequel également on travaille actuellement pour faire une formulation plus claire qui devrait dissiper certaines inquiétudes.

M. Drainville: Il me reste combien de temps, M. le...

Le Président (M. Kelley): 10 minutes.

M. Drainville: 10 minutes. Alors, le deuxième article que je vais lire, pour être bien sûr qu'on parle du même, là: «Aucun traitement médical spécialisé ne peut être effectué sous anesthésie générale ou régionale ? il s'agit bien de celui-là? ? dans un centre médical spécialisé à moins d'être l'un de ceux prévus à l'article 1 et d'être indiqué expressément au permis», tatati, tatata, c'est ça? C'est celui-là dont vous parlez?

M. Couillard: C'est le deuxième qui dit: «À moins d'être dispensés dans une installation maintenue par un établissement dans le cadre de sa mission, un traitement médical spécialisé ne peut être effectué ailleurs que dans un centre médical spécialisé.» Ça donne une ambiguïté...

M. Drainville: C'est l'article 1, M. le Président.

M. Couillard: Bien, sur le document que j'ai devant moi, c'est le 2, là. On ne se chicanera pas sur les... Alors ça, c'est l'ajustement qu'on veut apporter. Alors, c'est...

M. Drainville: Et est-ce que vous pouvez nous indiquer, nous dire un peu ce vers quoi vous allez? Comment est-ce que ça...

M. Couillard: On veut tout simplement... Et le travail n'est pas fini, là, c'est en cours, ce travail-là, avec nos partenaires médicaux. On veut justement dissiper toute idée ou toute impression qu'on a pu entrevoir qu'on est en train de volontairement transférer des activités hospitalières dans les centres médicaux spécialisés. Alors, c'est uniquement pour ça qu'on fait ces ajustements-là. On a pris acte des remarques, puis on agit en conséquence.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Drainville: Bien, écoutez, à ce moment-là, si vous allez apporter des changements, M. le ministre, est-ce que, lorsque vous aurez apporté ces changements, il y aura une fenêtre pendant laquelle les gens vont pouvoir l'observer, l'analyser, réfléchir un peu là-dessus et vous soumettre leurs commentaires sur la nouvelle version? Dans le fond, vous nous dites: On va proposer une nouvelle version du règlement de la loi n° 33. Il y aura un moment de réflexion, j'espère.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: C'est ce qui est en cours, on est dans le moment de réflexion, dans la période de...

M. Drainville: Non, mais des...

M. Couillard: Regarde, on ne peut pas faire des moments de réflexion infinis, là. On fait un moment de consultation de 45 jours, on adoptera le règlement puis à l'usage on verra si ça fonctionne ou pas ou si ça doit être amélioré. De toute façon, tu sais, on ne consultera pas sur la consultation, là. Tu sais, à un moment donné, là, il faut arrêter, là. On fait 45 jours de prépublication, les gens s'expriment, on prend note de leurs remarques, on les intègre dans le règlement, et voilà, on procède. Si après, à l'usage, au bout d'un an, deux ans, trois ans, on voit qu'il y a des choses à corriger et à améliorer, on le fera de façon législative ou réglementaire, selon le cas. Mais on ne peut pas s'engager dans un processus infini de pré-pré-pré-pré-prépublication.

M. Drainville: Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous êtes en train d'ouvrir la voie à la création de mini-hôpitaux privés? Parce que dans le fond vous encadrez, dites-vous, ce qui se fait déjà, vous allez délivrer des permis, il y aura un processus d'agrément, il y a un certain nombre de chirurgies maintenant qui font l'objet du règlement et bien sûr l'hébergement de 24 heures et plus; tout ça mis ensemble, ça commence à ressembler à ce qui pourrait être des mini-hôpitaux privés, hein? On va se faire soigner, on a une chirurgie, on passe la nuit; ça commence à ressembler à ce qu'on vit quand on va dans un hôpital. Alors, vous répondez quoi à ça?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Tout simplement, M. le Président, qu'on accomplit notre responsabilité de législateur en encadrant les pratiques existantes. Et c'est justement parce qu'on veut baliser ça. Parce que, jusqu'à ce qu'on fasse la loi n° 33, en passant, là, il n'y avait rien, là, c'était le désert législatif total dans ce domaine-là. Alors, c'était encore plus dangereux. Moi, je ne suis pas pour ça... il y en a qui peuvent applaudir, là, mais, moi, les hôpitaux privés, je ne pense pas que c'est nécessairement une évolution favorable pour le système de santé. Alors, on a vu récemment le projet, là, Griffintown, là, où on parlait de 800 médecins qui iraient pratiquer là. Je pense que personne ne veut voir ça. Je rappelle que, pour avoir un hôpital au Québec, ça prend un permis d'hôpital, puis je peux vous dire qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement d'accorder des permis d'hôpitaux privés.

M. Drainville: Autre question là-dessus: Est-ce que vous envisagez... Parce que vous l'avez déjà dit que ce serait possible, et d'ailleurs ça fait partie de la loi n° 33, il est possible, pour vous, d'ajouter d'autres chirurgies aux trois existantes pouvant faire l'objet d'une couverture par un assureur privé. Donc, actuellement, hanches, cataractes et genoux peuvent faire l'objet d'une couverture par un assureur privé. Est-ce que vous envisagez actuellement d'allonger cette liste-là?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

n (11 heures) n

M. Couillard: On n'a actuellement aucun projet de le faire. Ce qu'on a formalisé dans la loi n° 33, c'est le processus par lequel éventuellement ça pourrait être fait. Et l'explication que j'ai donnée est la suivante, et je vais peut-être prendre un peu plus de temps, mais je veux que le député comprenne bien la philosophie et ce qui sous-tend tout ça, c'est que le fait de faire progresser l'accès pour l'ensemble de la population, dont le revenu moyen, on le sait, est de moins de 35 000 $ par année, est, pour moi, une condition... est, pour nous, une condition sine qua non pour offrir une couverture d'assurance privée duplicative. Elle est acceptable socialement à notre avis uniquement lorsque l'ensemble de la population se voit offrir un accès raisonnable ? je dis bien «raisonnable», et «raisonnable» ne veut pas dire «immédiat», un accès raisonnable ? ce qui à mon avis est proche de l'objectif, on n'est pas encore tout à fait rendus, mais proche de l'objectif pour les trois chirurgies en question, et ça ne cause pas à mon avis d'inéquité sociale.

Maintenant, qu'est-ce qui va arriver dans l'avenir? La question que pose le député essentiellement, c'est: Disons qu'on obtient, dans quelques années, un résultat ? je prends une chirurgie totalement au hasard, M. le Président, sans connaître les chiffres précis, là ? où on constate que l'opération pour la vésicule biliaire maintenant est faite dans plus de 90 % des cas... C'est ça, le repère, 90 % des chirurgies réalisées en dedans du délai. Par exemple, on constate que l'opération de vésicule biliaire est accomplie dans ces délais-là, est-ce qu'automatiquement l'opération de vésicule biliaire s'ajoute à la liste? La réponse est non.

C'est un jugement d'espèce à chaque fois: Est-ce que véritablement les chiffres, dans les régions du Québec et à Montréal, montrent que l'accès est bon pour l'ensemble des citoyens, quels que soient leur revenus, premièrement? Et, deuxièmement, quels sont les impacts pour cette chirurgie spécifique? Si le gouvernement, dans l'avenir, décide de recommander un ajout à la liste de la couverture d'assurance duplicative, le processus qui est mis en place dans la loi n° 33 ? je pense que le député le connaît ? fait état donc de la publication de cette intention, suivie d'un débat à la Commission des affaires sociales. Donc, il y aura un débat public assez important autour de la question.

Et je termine sur la philosophie de base. Moi, la raison pour laquelle je crois que c'est justifié éthiquement de permettre l'assurance privée duplicative, c'est une vision beaucoup plus large de l'action législative ? on aura l'occasion avec le député de La Peltrie d'en reparler. Quand on interdit quelque chose, il faut qu'on puisse démontrer que cette interdiction est dans l'intérêt commun, qui va au-dessus des intérêts individuels ou particuliers. C'est le même raisonnement pour la pratique mixte puis c'est le même raisonnement pour l'assurance. Donc, lorsqu'on aura atteint un niveau d'accès pour d'autres chirurgies que les trois citées d'abord, ce n'est pas garanti que, socialement, médicalement, de façon organisationnelle, on va trouver que c'est automatique qu'il faut ajouter ça à l'assurance.

Puis je termine en disant, M. le Président, qu'à mon avis cette introduction d'assurance privée duplicative, lorsqu'elle est faite dans un contexte où l'accès pour la population est raisonnable, est une bonne chose pour le réseau de la santé parce que ça aiguillonne puis ça amène un peu de compétition dans l'amélioration de la performance.

Par exemple, je suis allé en Espagne, c'est intéressant l'Espagne parce que c'est des territoires autonomes ? l'autonomie est proche du vocabulaire de nos collègues de l'opposition officielle ? qui ont des juridictions de santé et qui ont des systèmes de santé un peu différents les uns des autres, et en général, je crois, la totalité de ces régimes dans les territoires espagnols permettent le recours à l'assurance privée duplicative. Cependant, qu'est-ce qu'on constate sur le terrain? C'est que le pourcentage de citoyens qui ont recours à ladite assurance varie beaucoup. Varie quoi? Varie selon la performance de leur réseau public. C'est-à-dire que, moi, comme citoyen, si mon réseau public va me permettre d'avoir accès à ma chirurgie élective en dedans de six mois, honnêtement, quel que soit mon revenu, je ne vois pas pourquoi j'irais dépenser de l'argent pour une assurance. Alors, le pourcentage de personnes qui ont recours à l'assurance duplicative varie en gros de 5 % à 20 %, 25 % selon les territoires. Et le corollaire, c'est que plus le système public est performant et rassurant pour la population, moins les gens ont besoin d'assurance privée. On n'interdit pas l'assurance, c'est ça qui est dérangeant sur le plan philosophique, on n'interdit pas aux gens d'avoir des assurances, mais on met en place des conditions selon lesquelles c'est un phénomène qui devient alors marginal et, à toutes fins pratiques, sans influence globale sur l'économie du système.

Alors, je pense que, sur le plan théorique et sur le plan philosophique, ce n'est pas une mauvaise chose d'introduire l'assurance duplicative. Il faut juste s'assurer de le faire de façon correcte et se souvenir, se souvenir toujours de la chose fondamentale suivante: le revenu moyen des Québécois est de moins de 35 000 $ par année, le nombre de personnes qui sont capables de se payer ces assurances-là est très réduit. Et on constatera, lorsqu'un jour ces régimes seront offerts... En passant, pour les trois chirurgies en question, à ma connaissance il n'y a aucun produit d'assurance qui a été offert jusqu'à maintenant. Je termine rapidement. On constatera le coût réel des services de santé que nous nous payons collectivement actuellement lorsque le coût des primes sera publié.

M. Drainville: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Un dernier commentaire, rapidement.

M. Drainville: ...je ne me souviens pas mot à mot, là, du mot de Boileau, là, mais ce qui est clair dans notre esprit s'énonce clairement, et les mots pour le dire nous viennent aisément, là. Mais ça a été une très longue réponse, et je dois vous dire que je ne suis pas sûr d'avoir compris c'est quoi, la réponse. Est-ce que vous nous dites qu'au fur et à mesure où la... Est-ce que vous nous dites...

Une voix: ...

M. Drainville: Oui, mais ce n'est pas une référence que l'ADQ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Avec tout le respect que j'ai pour mon honorable collègue. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'au fur et à mesure où les temps d'attente vont diminuer au public, quand on aura obtenu des temps d'attente qui sont près d'une situation idéale ou normale, à ce moment-là on aura créé les conditions pour que ces chirurgies puissent faire l'objet d'une assurance privée ou une assurance duplicative? C'est ça que j'ai compris, moi, là. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Couillard: Personne n'a compris ça comme ça, M. le Président. C'est une partie du paysage. Il n'y a aucun automatisme. Tout ça va s'analyser cas par cas, dont la question des pénuries d'effectif, par exemple, qui devra être considérée.

M. Drainville: Mais, sur le fond des choses, j'ai bien compris.

M. Couillard: Sur le fond des choses...

M. Drainville: J'ai bien compris, c'est ça que vous avez dit.

Le Président (M. Kelley): En terminant, M. le ministre, parce que le temps est épuisé.

M. Couillard: En terminant, M. le Président, puis je suis prêt à le répéter, je l'ai déjà dit d'ailleurs plusieurs fois. Je n'ai aucun problème, moi, à arrêter d'interdire aux citoyens de faire des choses pour dépenser leur argent à partir du moment où ce n'est pas contre l'intérêt commun. Si la situation montre que l'accès aux services médicaux spécialisés pour tous les citoyens est raisonnable et à l'intérieur des balises qu'on aura convenues avec la profession médicale, je ne vois pas en vertu de quel principe on interdirait... D'ailleurs, ce n'est pas nouveau, là, on a légiféré là-dessus.

Vous, vous nous dites qu'on en fait trop, puis l'ADQ nous dit qu'on n'en fait pas assez. Ça fait qu'encore une fois le public est rassuré, il voit que se situe ici l'équilibre. Alors, on verra dans l'avenir à quelle vitesse, si elle se produit... Parce que c'est quand que ça va arriver, en passant, que toutes les chirurgies électives vont être réalisées à 90 % et plus dans des délais raisonnables? On verra. Je le souhaite ardemment, le député également. On le verra.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Ça met fin à cet échange. Et je suis prêt maintenant à céder la parole au représentant ministériel, le député de Notre-Dame-de-Grâce et adjoint parlementaire du ministre.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher, à ce moment-ci, de faire peut-être quelques remarques en guise d'introduction. Dans un premier temps, le ministre était fier, à juste titre, de dire que c'est sa sixième expérience de défense des crédits. Vous et moi, M. le Président, je pense qu'on peut dire qu'on est fiers que c'est notre 14e exercice d'étude des crédits ici, au Parlement du Québec. On commence à être vieux.

Le Président (M. Kelley): Et le 16e budget.

M. Copeman: Et le 16e budget, hein, il y a eu plusieurs budgets. Et j'ai essayé de me souvenir, M. le Président, si j'avais fait, toutes ces années, l'étude des crédits de santé et services sociaux. Je ne pense pas. Pendant quatre ans, j'ai été porte-parole de l'opposition officielle en matière de service aux personnes handicapées, l'OPHQ, alors j'ai assisté à l'étude des crédits de santé et services sociaux. Le deuxième mandat dans l'opposition, je vous ai suivi, j'étais responsable des dossiers famille, j'étais plus peut-être dans les dossiers famille. Évidemment, premier mandat au gouvernement, j'étais votre prédécesseur. Comme président de commission, j'ai pu assister à toutes les études des crédits. Ça me permet par contre, M. le Président, d'avoir une certaine mémoire, une certaine mémoire soit coopérative ou institutionnelle des prises de position antérieures.

Et, moi, j'étais étonné en écoutant très attentivement les remarques préliminaires et du député de La Peltrie et du député de Marie-Victorin, qui étaient fort intéressantes, un peu philosophiques, sur l'avenir du système, la part des dépenses de santé publique, etc. Mais ni l'un ni l'autre n'ont vraiment abordé, dans leurs remarques préliminaires, les crédits tels quels, les crédits tels quels du ministère: Est-ce que ça augmente? Est-ce que ça diminue? Je comprends pourquoi, M. le Président, c'est un peu gênant, c'est un peu gênant d'aborder cette situation-là, ce sujet-là quand les crédits augmentent de 1,4 milliard de dollars, hein? Ça coupe court très souvent les objections majeures de l'opposition, qui normalement devrait dire: Il n'y a pas assez d'argent dans notre système de santé.

Pendant neuf ans, M. le Président, on a été capables, vous et moi et des collègues du côté de l'opposition, de faire un long débat sur le sujet: Est-ce que les sommes investies en santé étaient adéquates ou non dans une année donnée? Parce que, pendant de longues années de l'opposition, M. le Président, neuf ans, nous avons fait l'étude avec l'hypothèse, le postule ou dans les faits que le gouvernement précédent, les gouvernements précédents du Parti québécois n'avaient pas investi suffisamment en santé. Là, on n'a plus ce débat-là à l'Assemblée nationale. C'est déjà quelque chose qui est très positif, M. le Président.

Je n'ai pas entendu ni le député de La Peltrie ni le député de Marie-Victorin dire: Vos crédits, de façon générale, ne sont pas à la... sont insuffisants ou etc. La discussion a beaucoup porté sur la présence du privé ou pas. Puis, comme le ministre, bien j'ai suivi ça. Le député de La Peltrie qui dit: Nous, on est allergiques au privé, il n'y en a pas assez, de privé, c'est épouvantable. Nous...

n (11 h 10) n

Une voix: C'est le contraire.

M. Copeman: «Nous», en parlant de nous le gouvernement libéral. Le député de Marie-Victorin veut nous blâmer parce qu'il y a trop de privé dans le système. Il brandit la revue Actualité: C'est le paradis du privé au Québec! Bien, M. le Président, je ne sais pas si les deux députés sont mêlés, mais ils sont mêlants pas à peu près. À les écouter, là, un après l'autre, on n'est plus trop sûrs, là, de qu'est-ce qu'ils veulent. Sauf que je constate avec vous, avec le ministre que, si on est critiqués, si on est critiqués qu'on ne permet pas assez de privé d'un côté, du parti qui est légèrement à droite du centre ou beaucoup à droite, puis de l'autre, qui est un peu légèrement parfois à gauche, qui dit: Il y a trop de privé, ça nous laisse au centre, il me semble, M. le Président, hein? Je constate qu'on est pas mal probablement dans la lignée.

Coûts de système

M. le Président, j'aimerais parler effectivement des crédits qui augmentent au ministère de la Santé et des Services sociaux. 1,3 milliard de dollars d'augmentation, c'est plus de... c'est 55 % de l'augmentation des dépenses de programmes, l'augmentation, par rapport aux dépenses probables de l'année dernière. D'ailleurs, je trouve intéressant que le député de Marie-Victorin, pendant le discours sur le budget, a présenté une motion qui condamne ? je le cite ? «le gouvernement libéral pour ne pas [assez] assurer le financement nécessaire au ministère de la Santé et des Services sociaux pour couvrir les coûts de système». Là, je suis pas mal mêlé, M. le Président, je vous le dis, là. Une augmentation de crédits de 1,3 milliard de dollars, et le député de Marie-Victorin prétend qu'on ne couvre pas l'augmentation des coûts de système. Il va falloir qu'il nous l'explique comme il faut, celle-là, parce que ça m'a échappé, celle-là. Je pense que l'ADQ l'a compris parce qu'ils ont voté contre la motion de censure.

Alors, une première question pour le ministre: Est-ce qu'il peut nous expliquer la notion de coûts de système? Parce que, là, on est dans des multiples milliards de dollars, hein, 25,5 milliards de dollars, une augmentation de 1,3 milliard. C'est quoi, les aspects qui couvrent les coûts de système? Et quel est le... Parce que l'autre volet, évidemment, M. le Président, c'est le développement qui reste, hein? On peut couvrir le coût de système, mais il y en a pour à peu près 170 millions de dollars de nouveaux développements. Alors, peut-être, il peut nous donner le portrait de cette situation pour que les gens qui nous écoutent, ma foi, comprennent un peu mieux la notion de coût de système, qu'est-ce que ça implique, pourquoi ça coûte si cher, puis passer à travers un peu les nouveaux développements prévus pour cette année.

Le Président (M. Kelley): Les coûts de système, M. le ministre.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Encore un sujet intéressant. Puis d'ailleurs, moi aussi, j'ai été très surpris par la motion du député de Marie-Victorin. C'est très, très ironique comme motion. Puis ça va me permettre de donner un exposé historique de ce qui est arrivé avec les coûts de système.

C'est quoi, pour les citoyens qui nous écoutent, le coût de système? C'est l'argent qu'il faut remettre dans le système, année après année, pour continuer à faire en gros les mêmes choses, s'adapter aux changements de population avant qu'on décide d'acheter des nouveaux services. Alors, c'est les augmentations de salaire, les ententes avec les médecins, le chauffage dans les établissements de santé, le coût des médicaments ajoutés dans les établissements. Ça, ce n'est pas un pourcentage, c'est un chiffre. Le chiffre varie d'après les années, selon les obligations qu'on a à assumer dans le réseau.

Puis là je suis un peu triste pour le député de Marie-Victorin parce que je sens qu'il fait de plus en plus de découvertes sur le bilan de son parti politique en santé, et probablement qu'il y a des choses qu'il ne sait pas encore puis qu'il va apprendre pendant cet exercice de crédits, qui ne lui ont probablement pas été dites, qui ne lui ont probablement pas été dites par ses collègues qui étaient au gouvernement à l'époque parce que c'est un peu embarrassant, surtout lorsqu'on parle des coûts de système. Alors, allons-y. Divisons l'histoire, de 1994 à 2008-2009, en grandes époques.

La première époque: 1994-1995 à 1998-1999. Ça, c'est embarrassant. Je vais le dire très rapidement, puis ses collègues pourront lui raconter ça. Des compressions budgétaires ont été appliquées au réseau en plus de non-financement des coûts de système, incluant le coût de système spécifique. C'est-à-dire que non seulement on n'a pas couvert nos coûts de système, mais on a réduit les budgets de la santé. Ça, c'est une partie de l'héritage. Conséquence: un déficit accumulé de 800 millions, un déficit courant de 411 millions, qui est devenu récurrent parce qu'il n'y avait pas de révision des bases budgétaires, et bien sûr un plafonnement des services, parce qu'il n'y avait aucun développement de services, pendant que la démographie changeait, pendant que les besoins en santé augmentaient.

Deuxième période: 1999-2000. Et là c'est intéressant et c'est éclairant à la fois. Un montant de 150 millions a été annoncé mais autofinancé par le réseau. En français, ça veut dire que vous allez le trouver dans ce que vous avez déjà, on ne vous l'ajoute pas. Alors, il a fallu rembourser encore un déficit pour un montant de 545 millions.

2000-2001, les coûts de système, ah! cette fois ont été financés, mais à l'exclusion du coût de système spécifique. C'est quoi, le coût de système spécifique? C'est l'argent qu'il faut ajouter pour payer l'augmentation des médicaments, le changement de population dans le réseau, qui à l'époque représentait environ 75 millions. Résultat: encore un déficit de fonctionnement qui s'est alourdi.

2001-2002 et 2002-2003, les coûts de système ont été en général financés pour ces deux années-là. Cependant, un seul montant de 50 millions a été donné pour la période de deux ans. Alors, c'est bien en deçà des besoins réels du réseau. Alors, encore une fois, une augmentation du déficit courant.

Alors, ce n'est que depuis 2003, M. le Président, qu'année après année nous avons fait trois choses, et tous les établissements du réseau vous le confirmeront: nous avons financé les coûts de système généraux du système de santé, nous avons également financé le coût de système spécifique du système de santé, et, chaque année, et ça ne s'était jamais vu depuis très longtemps, chaque année, en plus de faire ces deux choses-là, nous avons ajouté des nouveaux services par des investissements de développement, comme cette année, de 170 millions de dollars. Alors, c'est le jour et la nuit. Et ça explique beaucoup de choses, parce que, pendant ce temps-là, malheureusement, où on a laissé la situation se creuser, on a accumulé un retard considérable parce que, pendant ce temps-là, la population vieillissait, les technologies se développaient, les nouveaux médicaments arrivaient dans les établissements, et on a creusé un immense gouffre dont on commence à peine à se sortir. Alors, il faut remettre ça en perspective.

Et je suis certain qu'on n'a pas dit tout ça au député de Marie-Victorin dans ses briefings, parce que c'est gênant pour ses collègues. C'est gênant, c'est gênant pour ses collègues, surtout pour un parti politique qui se dit proservices publics. Il parle beaucoup de ça dans l'opposition, les services publics, le Parti québécois: C'est donc important, il faut soutenir ça, il faut financer ça, il faut donner plus d'argent. Qu'est-ce qu'on constate lorsqu'ils ont été au gouvernement? Et puis là, pour employer la terminologie politique de notre savant collègue, c'est qu'ils ont gouverné comme un parti politique de droite. En fait, objectivement, objectivement, le Parti québécois a été le plus grand adversaire des services publics, sur le plan budgétaire, des dernières décennies. Objectivement, c'est ça qui s'est produit. Et on peut même remonter au début des années quatre-vingt. C'est un peu gênant, c'est un peu gênant. Il était temps, M. le Président, que nous arrivions pour mettre fin à la dérive néolibérale du Parti québécois.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Évidemment, comme vous, je me...

Une voix: ...

M. Copeman: ... ? pas du tout ? je me souviens... Ça vient d'un vécu, M. le Président. Je peux rassurer le député de Marie-Victorin, ça vient d'un vécu parce que, vous comme moi, nous avons fait partie de la bataille épique contre les fermetures d'hôpitaux imposées par le gouvernement précédent, par le Parti québécois. C'était la conséquence normale, M. le Président, quand, de un, on impose des compressions ou, deux, on ne finance pas les coûts de système, évidemment le réseau doit se contracter. Et nous avons vécu cette période, M. le Président, je me souviens comme si c'était hier, c'était la même année de la naissance de ma fille, 1995: pétition de 100 000 noms, démonstrations dans la rue contre la fermeture de l'Hôpital Reine-Elizabeth, sans malheureusement succès. Alors, le gouvernement a fermé une quinzaine d'hôpitaux, a fermé des lits, fermé des lits de, ce qu'ils appelaient dans le temps, convalescence, réadaptation.

Alors, M. le Président, quand je vois que le député de Marie-Victorin... Ça prend du courage, en tout cas, il est très courageux. Ça, je lui donne ça. Il est courageux de présenter une motion de blâme qui condamne le fait qu'on n'a pas couvert des coûts de système. Dans un premier temps, on l'a fait, et, dans un deuxième temps, il est issu d'une formation politique qui a imposé des compressions. Il faut le faire, M. le Président, c'est très courageux, je le félicite.

Développement de nouveaux services

La deuxième partie de la question, M. le Président: le développement. Parce que, même dans les années où le Parti québécois a injecté de l'argent pour les nouveaux services, ils l'ont fait, pendant cinq ans, à un rythme qui était à peu près à la moitié du nôtre. Quand on compare globalement les deux grandes périodes de 1998-1999 à 2002-2003, il y avait, même pendant cette période, des soi-disant nouveaux services pour à peu près 600 millions de dollars, sous le Parti québécois, et, nous, bien, ma foi, depuis les cinq dernières années, ça s'élève à peu près à 1 132 000 000 $, presque le double. Cette année, 170 millions de dollars.

n (11 h 20) n

Et d'ailleurs, M. le Président, ces sommes-là sont, à quelques exceptions près, des sommes récurrentes, hein? Ça, c'est également la nouveauté sur notre gestion, que le député de Marie-Victorin décrit comme qui manque de rigueur. Nos investissements sont pour la plupart des investissements récurrents, tandis que le Parti québécois avait l'habitude, la mauvaise habitude de saupoudrer dans le réseau mais juste pour une année. Alors, on donne l'argent pour le développement de nouveaux services, mais, l'année suivante, l'argent ne suit pas. Alors, les établissements sont un peu mal pris, ils avaient développé des nouveaux services, mais, hop!, non, ils ne sont plus financés nécessairement l'année d'après.

Alors, peut-être, le ministre peut détailler un peu plus le 170 millions de dollars de nouveaux services. Est-ce que ces sommes-là sont récurrentes? Et quel sera l'effet dans la population? Parce que c'est ça qu'on recherche, M. le Président. C'est bien beau parler de chiffres, puis c'est intéressant, il faut le faire comme contrôle parlementaire, mais le but de tout ça, c'est de donner plus de services à des Québécois et Québécoises qui sont dans le besoin.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, M. le Président, ça rejoint la discussion qu'on vient d'avoir. C'est certain qu'à partir du moment où un parti politique ne couvre par les coûts de système il ne peut pas se permettre d'ajouter des développements de services. Et, lorsqu'il ajoute des développements de services sans couvrir les coûts de système, ce qu'il fait, en fait, c'est creuser le déficit des établissements et faire en sorte qu'on ne peut pas vraiment les développer, les services.

Alors, il y a quelques éléments qui m'apparaissent importants de rappeler. D'abord, entre 1994-1995 et 1997-1998, il y a eu zéro développement dans rien parce que, dans ces années-là, le budget de Santé et Services sociaux a décru, je dis bien, a diminué. Par la suite, c'est à partir de 1998-1999 qu'il y a eu parfois certains développements dans certains domaines.

Mais l'action combinée de nos prédécesseurs, sur neuf ans, on peut la comparer de la façon suivante: tiens, pour les soins médicaux de première ligne, 18 millions en 1999-2000, 4 millions en 2001-2002, c'est tout, on en est à 65 millions; maintien à domicile et hébergement de longue durée, sur neuf ans, 196 millions en l'espace de cinq budgets, 362 millions de notre côté; en santé mentale, 16 millions, dont 13 récurrents, on en est à 81; les femmes victimes de violence, 9 millions sur neuf ans ? bien c'est facile à calculer, c'est 1 million par an ? on en est à 41 millions; services aux jeunes en difficulté, là ils ont investi un taux similaire au nôtre mais sur neuf ans, alors qu'on l'a fait en cinq ans, 93 et 91 millions de dollars.

Dans les déficiences, puisqu'on aura l'occasion de parler de services sociaux, dans les déficiences et la réadaptation, c'est là que c'est le plus terrible, la comparaison est particulièrement cruelle à cet endroit-là: on en est à 143 millions récurrents d'investis dans le domaine des déficiences, et à l'époque on avait eu, en termes récurrents, 18 millions en déficience physique, 14 millions en déficience intellectuelle. Et puis, ça, je m'en souviens très bien parce qu'en 2003 ça a été un des premiers dossiers qu'on a eu à faire progresser, pour les troubles envahissants du développement, l'autisme, il n'y avait rien eu de récurrent. D'ailleurs, à l'époque, les parents poursuivaient le gouvernement pour l'absence de services. Alors, il a fallu donc qu'on bâtisse un service dans ce domaine-là. Il y a de nombreux autres exemples: lutte au cancer, tiens, 5 millions en neuf ans, on est à 30 millions; sans compter les investissements d'immobilisations et d'équipement.

Alors, les différences sont tellement grandes qu'en fait on a investi, grossièrement, le double en développement de nouveaux services sur la moitié moins d'années. D'ailleurs, c'est la même chose qu'en éducation, en passant, c'est le même... C'est pour ça que je disais tantôt que les services publics n'ont pas été très bien traités à l'époque du passage au gouvernement de nos collègues parce qu'ils ont fait à notre avis des choix regrettables. Puis je sais que récemment le député de Marie-Victorin a dit que ce n'était pas un problème parce que le Parti québécois avait déjà été sanctionné deux fois. Le problème, c'est que ce serait vrai, ça, si ça n'avait pas d'effet encore maintenant. Alors, quand on a, par exemple, diminué les entrées en médecine, bien c'est aujourd'hui qu'on en souffre les conséquences. Quand on a creusé, par l'absence de gestion budgétaire et l'absence de déficit... de développement budgétaire dans des domaines aussi prioritaires que ceux que j'ai mentionnés, bien c'est encore des effets perceptibles maintenant, dont on va se sortir parce qu'on a investi année après année dans notre système de santé.

Et, en passant, dans le grand débat public-privé ? et puis là j'ai vu tantôt notre collègue se draper du manteau du régime public de santé ? c'est quand même assez ironique que le gouvernement ou le parti politique qui a le plus maltraité le réseau de santé public sur le plan budgétaire soit maintenant le parti politique qui s'en réclame. Et ça, je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir à plusieurs reprises, M. le Président. Et qui, en passant ? je termine rapidement ? dont la réponse au rapport Castonguay est une augmentation de la TVQ. Je pense qu'on est rendu à 3 % ou 4 %. Je ne sais pas le chiffre... Ah! l'ADQ a 5 %. Nous, on s'est arrêtés à 4 %. Il y en a deux que c'est notre collègue, mais il y en a un également pour les affaires municipales, puis un pour la crise forestière. J'en oublie-tu un autre?

Une voix: ...

M. Couillard: Ah! on aura l'occasion de revenir là-dessus, c'est très intéressant.

Alors, il y a là une différence éclatante. Je ne dis pas que c'est parfait, M. le Président, puis encore une fois, là, le député a raison de nous reprocher certaines choses, certains résultats qui sont en deçà de nos espoirs, mais n'importe quand on peut soutenir la comparaison. D'ailleurs, les gens du réseau le savent très bien.

Le Président (M. Kelley): Dernier court commentaire, M. le député, il vous reste une minute environ.

M. Copeman: Peut-être, rapidement, le ministre pourrait étaler les développements de 170 millions de cette année. Je ne sais pas si lui a les chiffres sous la main, là, mais peut-être juste nous donner grosso modo comment ce 170 millions de nouveaux services sera dépensé.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Alors, M. le Président, la part du lion encore une fois, cette année, et ça a été le cas à chaque année, la part du lion vient au maintien à domicile, l'hébergement de longue durée, en fait la mise en place du plan d'action pour les personnes en perte d'autonomie, 80 millions de dollars; 10 millions en santé mentale, pour un total de 81; les personnes âgées, on est rendus à 362; 15 millions aux services aux jeunes en difficulté, pour un total de 91 millions; 35 millions en réadaptation, c'est la deuxième année d'un plan triennal. Le député, qui est également adjoint parlementaire, connaît très bien ce dossier parce qu'il a participé très activement à la confection du plan d'accès que nous allons bientôt publier. Dans les trois déficiences, dans les trois types de déficience, on ajoute 35 millions sur un plan de trois ans, c'est la deuxième année, pour un total de 143 millions.

Il y a également les mesures de lutte au cancer, pour 10 millions de dollars. Et il y a deux autres domaines dans lesquels on a investi cette année... trois autres en fait, il y a la toxicologie pour... la toxicomanie, pardon, les dépendances ? pas juste la toxicomanie ? 5 millions, et deux nouveaux domaines de développement cette année, la dialyse, pour 7 millions, et la traumatologie, pour 8 millions de dollars.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, ça met fin au premier cycle des blocs. Alors, on va en commencer un deuxième. Il y aura le temps pour faire 20 minutes par chacune des formations politiques. Il resterait une dizaine de minutes à la fin pour l'opposition officielle. Alors, vous pouvez préparer en conséquence, vous avez un bloc et demi à faire d'ici la fin de nos travaux ce matin. M. le député de La Peltrie.

Mesures envisagées pour freiner
la croissance des dépenses

M. Caire: Merci, M. le Président. On devrait être en mesure de faire ça. Je voulais revenir sur les questions budgétaires, parce que, dans notre précédent échange, je sens qu'il y a une volonté de discuter des sujets de fond, mais je pense qu'au niveau du financement il y a encore des choses à explorer. Et, en réponse aux commentaires de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, je lui concède volontiers qu'il est mêlé. Parce que, depuis le début de mon intervention, je dis effectivement que les dépenses augmentent, et c'est même à mon avis la lumière rouge qui a été allumée par le rapport Castonguay, c'est que les dépenses augmentent, les dépenses augmentent. On a établi, M. le Président, que le déficit est constant pour le réseau de la santé. On va atteindre un déficit cumulé de 1,5 milliard. Ce n'est pas une bonne nouvelle en soi. Le ministre et moi, on ne s'entend pas sur l'augmentation globale des dépenses, mais, à quelques points de pourcentage près, on arrive aux mêmes chiffres, et ce sur quoi on s'entend, c'est que ça dépasse largement l'augmentation de notre richesse collective.

À titre d'exemple, M. le Président, sous le règne du gouvernement libéral, les dépenses en santé par rapport au PIB ? parce que c'était l'indice dont se servait le ministre tout à l'heure ? les dépenses en santé ont augmenté de 0,49 %... bon, 0,5 % de notre PIB, alors que l'Éducation diminuait de 0,01 %, alors que la Solidarité sociale diminuait de 0,37 %, alors que les Affaires municipales diminuaient de 0,03 %, alors que le Transport augmentait de 0,011 %, mais quand on sait à quel prix. Alors, de toute évidence, et je vais paraphraser la ministre des Finances quand elle dit que le réseau de la santé vampirise les autres missions de l'État ? ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est la ministre des Finances qui l'a dit ? il vampirise, le réseau de la santé vampirise les autres missions de l'État.

J'ai entendu le ministre de la Santé, puis on en reparlera, mais pour l'instant j'ai entendu le ministre de la Santé dire: La mixité, ce n'est pas une solution à court terme. Soit. Je l'ai entendu dire: Les assurances duplicatives, c'est souhaitable mais pas à court terme. Soit. Je l'ai entendu dire: Donner la gestion d'hôpitaux au privé, ce n'est pas souhaitable ni à court, ni à moyen, ni à long terme. Soit. Là, ça commence à faire beaucoup de solutions qui sont biffées de la liste des solutions potentielles.

Alors, ma question, c'est: Si lui décide que ça, ce ne sont pas des solutions, quelles sont ses solutions à lui? Parce que je comprends, là, que, bon, toutes les études du Pr Béland nous démontrent que la santé, c'est assez stable, que c'est les services sociaux surtout qui augmentent, puis j'ai tout vu ça, j'ai tout étudié ça, mais, dans les faits, c'est que c'est une théorie qui est très contestée. Et la réalité des choses, c'est que le budget de la santé et des services sociaux, la portion du budget santé et services sociaux, par rapport aux autres budgets des autres missions de l'État et par rapport au grand budget global de l'État, augmente sans cesse, et sans cesse, et sans cesse. Et il va admettre avec moi qu'il va falloir minimalement freiner ça et, à moyen et à long terme, le stabiliser. Donc, quelles sont ses solutions à lui pour en arriver à ce résultat-là? Parce qu'à date, moi, je n'en ai pas vu.

n (11 h 30) n

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, M. le Président, effectivement, notre collègue a parlé de vampirisation. D'ailleurs, depuis ce moment, j'ai demandé à tous les fonctionnaires d'avoir une gousse d'ail autour du cou lorsqu'ils entrent au ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais là, dans le réseau de la santé et des services sociaux...

Une voix: On veut la voir.

M. Couillard: Pas en public, pas en public. On a également à notre disposition de l'eau bénite et des pieux pour certaines occasions particulières.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Je ne voulais pas parler de ça, on est dans une société laïque, hein?

Le réseau de la santé, ils sont un peu inquiets. Je voulais juste le dire à notre collègue de l'ADQ. D'ailleurs, le ton de sa remarque, si je suis dans le réseau, aujourd'hui, ce que je décode, c'est qu'il va y avoir des coupures. Si l'ADQ rentre un jour... on souhaite que ce soit lointain ou peut-être très hypothétique, mais, si l'ADQ avait un jour à diriger le réseau de la santé, on se dirige vers des coupes budgétaires, peut-être à l'image de celles que le Parti québécois a faites à l'occasion, parce que son chef, le chef de l'opposition officielle a dit, lui ? et ça a été relevé dans un quotidien, je pense, de Trois-Rivières ? qu'on a de la misère à croire quelqu'un qu'il faudrait mettre plus d'argent là-dedans. Ça, il y a tout un signal là-dedans pour le réseau. Je peux vous dire que le signal a été entendu très clairement dans le réseau de la santé.

Donc, quel est le message envoyé aux régions du Québec, notamment aux régions du... Je pense à l'Outaouais, par exemple. Il va y avoir une élection partielle à Hull. Quand le candidat adéquiste va être à Hull, il va bien sûr dire qu'il manque telle chose, ou qu'il faut ajouter telle chose, ou qu'il faut faire plus d'efforts, avec un parti politique qui, d'une part, dit qu'il ne faut pas ajouter d'argent en santé ? par la voix de son chef, là, c'est la voix ultime ? et puis, d'autre part, qui propose des solutions, justement celles que mentionne notre collègue, dont la mixité de la pratique et d'autres, dont l'application immédiate aggraverait les problèmes de l'Outaouais. Alors, je pense, ça va être un débat qui va être intéressant.

Maintenant, pour ce qui est de la croissance des dépenses de santé, je répète pour notre collègue que ce n'est pas comme si le Québec était un îlot isolé dans le monde. J'ai cité tantôt toutes les expériences et tous les exemples de l'OCDE. Qu'ils aient ou non des tickets modérateurs, qu'ils aient ou non des taxes dédiées à la santé, tous les modes de financement qu'on connaît, qu'ils aient ou non d'ailleurs la pratique mixte médicale, tout le monde sur la terre qui a un système de santé moderne, disons, développé a des rythmes d'augmentation moyens de dépenses publiques en santé dans la même zone, 5 à 7 % par année, et parfois plus, pour certains pays, comme le Royaume-Uni, qui ont investi massivement... puis c'est une des raisons pour lesquelles l'accès est meilleur au Royaume-Uni et en France: dans les deux cas, on a investi massivement dans le réseau public. Alors, ce n'est pas comme si c'était une situation isolée au Québec.

Les solutions, à notre avis, les solutions, et on est d'accord avec la grande majorité des recommandations de M. Castonguay, les solutions proposées sont trompeuses, non pas... Je ne parle pas des individus, je parle de l'impact de ces solutions-là. Pour des raisons qu'on pourra explorer ensemble, s'il le veut, dans la prochaine intervention, la TVQ appliquée à la santé, c'est un mirage. D'ailleurs, je pense, sur la TVQ, l'opposition officielle également a décliné. D'ailleurs, ce n'est pas vrai... Donc, ça prouve qu'eux également rejettent certaines recommandations du rapport Castonguay, en passant.

Maintenant, l'autre recommandation, qui est la franchise, mais que, dans son intervention télévisée, d'ailleurs que j'ai suivie, le député de La Peltrie ? oui, c'est le député, il était fort bien habillé ce jour-là, effectivement ? le député de La Peltrie a dit que, lui, il appelle ça un ticket modérateur, puis, eux autres, ils sont pour ça, le ticket modérateur.

Maintenant, c'est quoi, un ticket modérateur, pour les gens qui nous écoutent? Le ticket modérateur, c'est simple. Ça marche comment? Plus tu es malade, plus tu paies, premièrement. Deuxièmement, deuxièmement, qui c'est qui est plus malade? C'est les pauvres. Ça fait que plus tu es pauvre, plus tu paies, hein? C'est une chaîne logique de type socratique peut-être... ou on pourrait revoir la... Bon.

Alors, maintenant, sur la question, j'ai expliqué simplement... Je fais justement un dialogue socratique avec notre collègue, là. Une question doit amener une autre question, c'est comme ça que Socrate procédait dans son Académie, avec Platon. Bon. Alors, ce n'est pas vrai qu'on va laisser de côté 2 000 ans de tradition philosophique, M. le Président, à l'Assemblée nationale du Québec. Je regrette, là, on va être sérieux.

Alors donc, la véritable solution, c'est l'accroissement de notre richesse collective puis de notre prospérité en passant, en passant ? puis je pense qu'on est d'accord là-dessus ? par des baisses d'impôt puis l'augmentation de pouvoir d'achat des contribuables.

Puis là, tantôt, il a fait une mention intéressante, il a dit: Bien là, le problème, c'est que, quand il va y avoir une décroissance économique, on va arrêter d'investir, puis, quand il va y avoir une croissance économique, ça va être le contraire. En fait, les travaux du Pr Béland montrent que c'est le contraire. Quand il y a une période de croissance économique, on investit un peu moins que le PIB, puis, quand il y a une période de décroissance économique, on investit plus que le PIB. Alors, c'est un autre exemple où il faut regarder un peu plus loin, derrière le rideau, je dirais, il faut aller voir un peu plus loin que les évidences. Comme disait Nietzsche ? je reste dans la philosophie, M. le Président ? rien ne m'effraie plus que la certitude.

Le Président (M. Kelley): M. le député de La Peltrie.

M. Caire: Comme disait Éric Caire, rien ne m'effraie plus que la réponse que je viens d'entendre. M. le Président, j'ai entendu... Et là je vais rester très, très poli, mais je trouve un peu déconcertante l'attitude du ministre, désinvolte. Ma question m'apparaissait pertinente; j'ai eu droit à un laïus sur un ensemble de solutions qu'on rejette. Je les connais, les solutions qu'il rejette, le ministre. C'est correct. Mais ses solutions à lui, là, ça a été 30 secondes, même pas, pour me dire: Il faut augmenter la richesse collective. Bien.

Mais je vais reprendre quelques éléments de réponse. D'abord, le Royaume-Uni effectivement a investi massivement, et il sait très bien pourquoi, il sait très bien pourquoi, parce qu'on a laissé ce réseau-là se détériorer d'une façon incroyable. Et c'était un monopole d'État public, et on a laissé, comme on est en train de le faire dans son gouvernement, on a laissé le paquebot frapper l'iceberg. C'est ça qu'on a fait en Angleterre: monopole d'État public qui s'en allait dans le mur, puis là on a été obligé, on a été obligé de prendre des décisions extrêmement difficiles, et il le sait très bien.

Oui, il a raison, il a raison, en période de prospérité, on investit un peu moins; en période de difficultés économiques, on investit un peu plus. Le problème, c'est que les gouvernements libéralo-péquistes qui se sont suivis ont fait le contraire, ils nous ont endettés en période de prospérité, puis alors, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont nous sur-sur-surendetter en période de problèmes économiques. Je veux dire, je ne me souviens pas, là, d'avoir vu un gouvernement faire un vrai équilibre à zéro dans les dernières années, si on tient compte évidemment des bonnes pratiques comptables. Et le ministre a admis lui-même que maintenant le déficit du réseau de la santé va être inclus au budget du gouvernement du Québec, et là c'est là qu'on voit l'état des finances publiques.

Ceci étant dit, M. le Président, ce que je comprends, c'est que le ministre accepte que les dépenses de programmes croissent dans l'ordre d'entre 5 % et 7 % en sachant très bien que notre richesse collective n'augmentera jamais au même rythme. Même dans des périodes de grande prospérité, on n'aura pas une croissance qui va augmenter au rythme de 5 % à 7 %. Et lui qui se dit un tenant du rapport Castonguay sait très bien qu'un des éléments fondamentaux du rapport Castonguay, c'était de ramener l'augmentation des dépenses de programmes au niveau de la richesse collective. Or, la position de l'ADQ n'est pas de couper; la position de l'ADQ, à terme, c'est de dire qu'il faut qu'il y ait une cohérence dans l'augmentation des dépenses de programmes que nous sommes en mesure de soutenir par notre richesse collective. Et c'est exactement à la même conclusion qu'en arrive M. Castonguay.

Je repose ma question: D'abord, est-il d'accord là-dessus avec M. Castonguay? Et, si oui, qu'est-ce qu'il va faire pour ramener l'augmentation des dépenses de programmes au niveau de l'augmentation de notre richesse collective?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

n (11 h 40) n

M. Couillard: M. le Président, un gouvernement libéralo-péquiste, je ne suis pas certain que ça s'est déjà présenté au Québec. On verra ce que le gouvernement adéquo-simpliste nous donne, un jour peut-être, si on a l'occasion de l'évaluer ou de l'observer.

Mais effectivement, sur une base purement chiffrière, le pourcentage d'augmentation des dépenses en santé est une partie importante des dépenses de programmes. En passant, en Ontario, c'est plus élevé qu'au Québec, puis c'est juste santé, puis c'est juste santé. Ils sont plus riches, mais ils dépensent plus encore en pourcentage de revenus gouvernementaux.

Maintenant, une fois qu'on a dit ça, il faut répéter ce que je disais au début ? puis on a beau dire que tout le monde n'est pas d'accord avec le Pr Béland, il y a certains faits là-dedans qui sont incontournables: dans une fraction, si on modifie le dénominateur, il ne faut pas être surpris que le numérateur ait un impact sur le pourcentage. Tu sais, c'est aussi simpliste que ça.

D'autre part, si on regarde les chiffres des dernières années, j'ai cité tantôt les augmentations moyennes des pays de l'OCDE, le Québec, c'est 5,5 % en moyenne, au cours des dernières années, c'est légèrement au-dessus du PIB nominal. Alors, il n'y a pas une grosse différence. En fait, on est probablement le...

Et, en passant, l'Institut Fraser, dont on a parlé un peu plus tôt, dans un rapport des derniers mois, a montré que c'était au Québec que la rigueur de contrôle des dépenses en santé était la plus grande. Ils ont fait une simulation pour nous amener au moment où les dépenses en santé allaient occuper, selon eux, 50 % du périmètre fiscal gouvernemental, et c'est au Québec que la destination est la plus lointaine, et, ils disent, la raison étant que le gouvernement fait un contrôle efficace de ses dépenses.

Mais je répète que les solutions outre que la croissance de la richesse collective, la prospérité puis un environnement économique favorable à celle-ci, dont un allégement du fardeau fiscal, la survenue d'investissements importants industriels dans nos régions, une stratégie d'innovation, des investissements en éducation, c'est ça, la véritable solution aux problèmes de financement de la santé.

Parce qu'examinons les deux solutions proposées par M. Castonguay. La première, c'est de dédier... Et c'est nous-mêmes qui lui avons demandé, en passant, d'étudier ces hypothèses-là. On lui a même dit, Mme Forget et moi, la ministre et moi: Vous allez nous donner un scénario à 0,5 % puis à 1 % de TVQ, on veut savoir qu'est-ce que ça donne. Maintenant, quand on fait ça, quand on incorpore une taxe au financement de la santé ? je sais que je n'ai pas à convaincre l'opposition officielle parce qu'ils sont d'accord avec nous là-dessus, j'essaie de convaincre notre collègue de la deuxième opposition ? quand on incorpore d'un seul coup un point de taxation au financement de la santé, il y a deux effets.

Le premier effet à court terme, c'est que tous les groupes qui nécessitent, qui demandent du financement arrivent à la queue, à la porte du ministère, pour demander la part du gâteau le jour même où elle est publiée. D'ailleurs, M. Picher, de La Presse, confirmait cette tendance-là. La deuxième chose, c'est que, si vous incorporez un point de taxation au financement de la santé, c'est illusoire, pour deux raisons, parce que ça va bien la première ou la deuxième année, mais, dès que c'est rentré dans la base récurrente de financement, on est alors condamné, si on a harnaché la TVQ au financement de la santé, à augmenter indéfiniment la TVQ. C'est mécanique.

Donc, si on dit, comme le Parti québécois: Nous, notre solution, c'est d'augmenter de 2 % la TVQ ? puis il n'y a personne qui a contredit encore notre collègue, du côté de son parti politique, là-dessus ? en fait, c'est 2 % la première année, puis 2,3 % au bout de deux ans, puis 2,6 %, puis 2,8 %, puis 3 %, puis 3,2 %. C'est ça qui se produit dans tous les cas où on a incorporé une taxe santé, d'ailleurs, en passant, également dans les provinces canadiennes qui ont incorporé une taxe spécifique santé, qui sont en train de revenir sur la question actuellement. Ça, c'est une chose.

Deuxième élément, qui est franchise ? barre oblique ticket modérateur. Là, le député voudra peut-être que... pourra peut-être... mais je me souviens d'avoir écouté, puis il a dit: C'est un ticket modérateur, puis, moi, je suis pour ça, le ticket modérateur. Bon. Alors, une fois qu'on fait payer les malades, le problème qu'on a en pratique, et c'est ce qui se produit dans les pays européens également, c'est qu'avec raison il y a des grands groupes de notre société qui viennent pour demander d'être exclus du ticket modérateur, d'abord les gens à faibles revenus. Puis je suis certain que l'ADQ ne voudra pas indisposer les personnes aînées du Québec, donc ils vont dire: Les aînés également vont être exclus du ticket modérateur. Ensuite, bien, on va dire que ceux qui vont voir souvent le médecin, ils n'ont pas à être pénalisés pour ça, donc les malades chroniques, il faut les exempter. Alors, qui fait la liste des malades chroniques? Alors, les diabétiques, les arthritiques, les cardiaques, les pulmonaires chroniques, les psychiatrisés...

Alors, ce qui se produit, et c'est ce qu'on vérifie dans les pays où c'est en place, c'est que, un, l'introduction de la contribution de l'usager n'a eu aucun impact sur la croissance des dépenses publiques de santé; deux, il y a une croissance presque annuelle du royaume de l'exclusion du ticket modérateur, qui fait en sorte que la population qui reste payeuse de ce ticket-là doit payer encore plus pour obtenir le même rendement fiscal. C'est mathématique également.

Donc, encore une fois, M. le Président, puis je sais que ce n'est probablement pas l'effet voulu par l'ADQ, mais l'imposition d'une contribution à la consommation de services médicaux cible particulièrement la classe moyenne. C'est encore une fois la classe moyenne qui va se retrouver avec la facture parce qu'on aura tellement éliminé de clientèles qu'il va rester, pour assumer la facture, une partie seulement de la population.

Et l'autre chose sur laquelle il faut toujours revenir ? d'ailleurs, c'est le rapport récent de santé publique de la région de la Capitale-Nationale qui le rappelle, puis les mêmes constats avaient été faits à Montréal, dans différents quartiers de Montréal ? il y a une relation linéaire entre le niveau socioéconomique puis l'état de santé, il y a une relation linéaire entre le niveau socioéconomique puis le niveau de consommation de soins de santé. Donc, encore une fois, dans une stratégie qui fait payer à l'utilisation, il faut s'assurer... et on est certains que c'est ce qui arrive, que ce sont les plus malades et les plus pauvres qui finalement écopent de la facture.

Maintenant, ça nous laisse avec le problème de la responsabilisation dans le système de santé. Là-dessus, je pense qu'on a peut-être un terrain à développer ensemble, l'opposition officielle et nous: Comment est-ce qu'on responsabilise et les usagers et les dispensateurs de services ? parce qu'eux également sont dans l'équation de responsabilisation, puis il ne faut pas arrêter d'en parler, les professionnels de la santé, qui font partie de ce qui amène le système de santé à engager des dépenses? Alors, est-ce qu'il y a d'autres solutions, par exemple? Est-ce que le fait de faire prendre conscience aux citoyens de la facture des systèmes de santé... Ça peut être intéressant, mais c'est tellement coûteux à développer comme système informatique, puis tellement long, tellement difficile d'avoir toutes les dépenses qu'on n'est pas sûr que ça peut avoir un impact. L'autre impact de ça, c'est: si, moi, malheureusement je suis frappé par un cancer, puis que je suis très malade, puis je reçois, à la fin de l'année, la facture qui me dit combien j'ai engagé de dépenses publiques, je ne suis pas sûr que je vais prendre le message très positivement, M. le Président. Mais je pense qu'il faut que les citoyens aient conscience et qu'ils soient informés des coûts réels de notre système de santé, qui est loin d'être gratuit.

Le Président (M. Kelley): Des questions, M. le député?

M. Caire: M. le Président, j'en appelle à vous pour la deuxième fois, parce que, dans un bloc de 20 minutes, là, je vais avoir posé trois questions puis je vais peut-être avoir eu à peu près quatre minutes de temps de parole, là. Il y a certainement moyen d'être un peu plus concis dans les réponses.

Oui, M. le Président, le rapport Castonguay a été très clair: nous devons ramener les dépenses de programmes au niveau de la richesse collective, et entre-temps il faut assumer la transition. Ça, c'est la conclusion du rapport Castonguay. Alors, je n'ai pas entendu le ministre parler de quelle façon il pouvait rationaliser les dépenses. Et je pense que le rapport Castonguay, outre les services médicaux comme tels, a donné plusieurs pistes de solution qui sont intéressantes à mon avis et pour lesquelles je n'ai pas vu de suite dans les chantiers que le ministre nous a proposés.

Sur la transition pour financer le maintenant jusqu'à ce qu'on soit en mesure de ramener nos dépenses de programmes toujours sans coupure au niveau des services des citoyens, je n'entends pas de solution. Et le ministre nous dit: Bien, il faut augmenter notre richesse collective. On ne peut pas être contre la vertu, mais il n'y a aucun pays qui voit sa richesse collective augmenter de l'ordre de 5 % à 7 % dans les pays de l'OCDE. Il y a quelques pays en développement qui arrivent à avoir ces performances-là, là, mais j'espère qu'il ne me parlera pas de la Chine puis de l'Inde parce que j'imagine que ce n'est pas exactement les modèles qu'il veut prendre pour la gestion de notre système de santé. Mais, dans les pays comparables, il n'y a personne qui est capable d'avoir ces augmentations-là.

Alors, si on n'est pas capables d'augmenter notre richesse collective au niveau des dépenses de programmes, la logique veut qu'il faut ramener nos dépenses de programmes au niveau de notre richesse collective. Et, dans ce qu'il me dit, là, outre tout ce qu'il a exclu ? parce que, ça, j'ai entendu beaucoup de réponses où on excluait ci, on excluait ça, on ne fait pas ci, on ne fait pas ça ? moi, ce que je veux savoir, c'est qu'est-ce qu'il va faire, qu'est-ce qu'il va faire pour assurer la pérennité du réseau de la santé dans son ensemble.

Le Président (M. Kelley): Bref commentaire, M. le ministre.

M. Couillard: Bien, M. le Président, je répète encore que c'est très inquiétant pour le réseau de la santé, ce qu'on entend là, d'une part. D'autre part, l'opposition officielle elle-même a éliminé la TVQ. Donc, la question, de façon socratique, encore une fois, je vais leur retourner la question, parce que, moi, le ticket modérateur, je ne pense pas que c'est une bonne idée, mais, eux, ils y croient, au ticket modérateur: Combien il va falloir charger aux personnes âgées puis aux malades pour avoir le rendement de la TVQ que vous ne voulez pas utiliser? Je pense qu'il faut calculer ça, là. Ils ont la responsabilité d'éclairer la population sur leurs intentions réelles.

Maintenant, encore une fois, le taux de croissance des dépenses en santé au Québec n'est pas très éloigné du PIB. On est plus près du PIB que les autres pays de l'OCDE, d'après les chiffres que j'ai indiqués tantôt. Et, pour continuer dans sa réflexion, il me dit: Tous les pays du monde ont des dépenses de santé, publiques de santé, sauf une ou deux exceptions ? d'ailleurs, c'est intéressant, les exceptions, ce serait intéressant d'y revenir ? ils ont des dépenses publiques de santé qui dépassent leur PIB. C'est vrai. Deuxième vérité cependant qu'il a oublié de mentionner: aucun n'a réussi à combler l'écart. Malgré toutes les mesures qu'ils ont mises sur place, des taxes spéciales, une fiscalité plus lourde, un ticket modérateur, ça ne change rien, les dépenses en santé, publiques de santé, partout sur la planète, ont un écart avec le PIB. Il s'agit donc de réduire cet écart en augmentant la performance, la productivité du réseau de santé, et M. Castonguay et son groupe ont eu raison de nous pointer dans cette direction. Par exemple, la mesure de la performance, la publication des résultats de la mesure de la performance, une véritable décentralisation, un allégement du contrôle ministériel sur les prises de décision en région, l'amélioration des conditions de travail, le financement par activité plutôt que par budget historique, l'introduction de l'achat de services dans le réseau de la santé, et j'en passe, voilà autant d'actions concrètes sur lesquelles notre gouvernement est en mouvement, comme d'ailleurs d'autres systèmes de santé au monde.

Alors, c'est faux de dire qu'on n'est pas en action sur le rapport de M. Castonguay. C'est plutôt le contraire, eux rejettent la TVQ, nous aussi. La deuxième opposition veut augmenter... on s'est entendus tantôt, le député de La Peltrie et moi, sur 5 % de TVQ, dont 2 % pour la santé. Je pense que là-dessus on a un consensus, M. le Président ? d'ailleurs, qui s'est reflété lors du vote sur le budget ? entre le gouvernement et l'opposition officielle. Donc, au moins, pour la population, c'est clair: il y a ici, dans cette Chambre, un parti qui veut augmenter la TVQ de 5 % dont 2 % pour la santé, deux partis qui ne veulent pas augmenter la TVQ, mais là, où là se situe la différence, un parti qui dit: Cependant, nous allons taxer les malades, nous allons faire payer les gens quand ils viennent consulter le médecin. Là-dessus, nous ne sommes pas dans cette direction, M. le Président, je tiens à rassurer le public.

n (11 h 50) n

Le Président (M. Kelley): Merci, M. le ministre. Juste pour répondre à la question qui a été soulevée par le député de La Peltrie, il n'y a pas de règle stricte sur la gestion du temps à l'intérieur des enveloppes. La tradition ? parce qu'on sait que les réponses sont plus longues que les questions ? c'est un deux pour un. Je peux vous assurer que la table calcule dans chaque bloc. Dans le premier bloc, vos questions ont pris neuf minutes, les réponses ont pris 11 minutes. Alors, on est grandement dans la tradition, beaucoup moins que deux pour un. La table va continuer de faire cette comptabilité. Mais le plus précis les questions sont formulées, le plus précis les réponses pourraient être. On est dans les grands débats philosophiques, macros, ce matin, et ce n'est pas à la présidence d'évaluer ni la qualité des questions ni la qualité des réponses.

Sur ce, je suis prêt à céder la parole au député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Alors, on va revenir, un peu plus tard dans les crédits, sur le rôle du privé en santé et les moyens qu'il faut prendre pour améliorer l'efficacité du réseau public de santé. Je tiens par contre à relever deux, trois choses sur le bilan du Parti québécois. Je pense qu'il est temps, M. le Président, de clarifier certains faits. Et j'ai entendu, depuis un an, le ministre de la Santé répéter constamment les mêmes choses, et je pense que c'est important de dire la vérité.

Alors, je vais donner des chiffres, M. le Président, des chiffres des déficits sous le gouvernement libéral, de 1990 à 1995, M. le Président: le déficit de 1990 à 1991, 3 milliards; 1991-1992, un déficit de 4 milliards; l'année suivante, 5 milliards; 1993-1994, cinq autres milliards; 1994-1995, 6 milliards de déficit, M. le Président; pour un total de 23 milliards.

Par la suite, M. le Président, le Parti québécois a pris le pouvoir, et, en quatre ans, on a atteint le déficit zéro, on a atteint le déficit zéro, M. le Président. On a pris un déficit de 6 milliards, et c'est devenu un surplus de 126 millions quatre ans plus tard. Oui, il y a eu des sacrifices à cause de cela, mais, nous, M. le Président, on pense que, ce faisant, en faisant le ménage dans les finances publiques, on pense qu'on a sauvé l'État québécois et on pense qu'on a assuré l'avenir de nos grands services publics, y compris l'avenir de notre réseau public de santé.

D'ailleurs, selon nos calculs, M. le Président, grâce au déficit zéro, plus de 3 milliards de dollars par année servent, aujourd'hui, à donner des services à la population plutôt qu'à payer des intérêts sur la dette, 3 milliards de dollars par année qu'on peut donner en services publics parce qu'on a fait le déficit zéro, M. le Président. 3 milliards, c'est une bonne partie de l'augmentation du budget de santé et de services sociaux dont il se vante, hein, et ça a augmenté grosso modo de 1 milliard par année depuis qu'il est là, en cinq ans. C'est nous qui lui avons dégagé la marge de manoeuvre, M. le Président, qui lui a permis, depuis cinq ans, d'augmenter les budgets en santé. Il trouve ça drôle, mais ces chiffres-là, M. le Président, c'est tiré du sommaire des opérations budgétaires consolidées. Alors, on a fait le ménage, M. le Président, et, aujourd'hui, ça lui a dégagé une marge de manoeuvre qui a pu effectivement lui permettre d'augmenter ses budgets en santé.

Deuxième chose, sur les admissions en médecine, M. le Président, on a émis un communiqué là-dessus, je suis très étonné que le ministre revienne avec cette déclaration qui est le contraire de la vérité. Entre le creux, M. le Président, le creux du déficit zéro et l'année 2002-2003 où nous avons quitté le pouvoir, les admissions en médecine au Québec sont passées de 406, en 1998-1999, à 611, au moment où on a quitté le pouvoir, une augmentation de 205, une augmentation de 50 % des admissions, M. le Président. Savez-vous quoi? Lorsqu'il est arrivé, le ministre de la Santé, en 2002-2003, il y avait eu 611 admissions en médecine; le dernier chiffre que nous avons, selon la CREPUQ et le ministère de l'Éducation du Québec, M. le Président, les derniers chiffres pour 2006-2007, 772 admissions. Croyez-le ou non, M. le Président, l'augmentation, l'augmentation des admissions dans les facultés de médecine a été de 205 entre le creux du déficit zéro et le moment où nous quittons le pouvoir, elle n'a été que de 161 admissions depuis qu'il est là, le ministre de la Santé. Il y a eu plus d'admissions en médecine, M. le Président, dans les dernières années du gouvernement du Parti québécois qu'il n'y en a eu depuis cinq ans, sous le gouvernement libéral.

Et, sur les admissions, M. le Président, en soins infirmiers, c'est encore plus remarquable: 1997-1998, M. le Président, 1 796 admissions en soins infirmiers ? ça, c'est cégep et bac combinés; en 2002-2003, 4 963 admissions en soins infirmiers, M. le Président, une augmentation de 3 167, une augmentation de 176 %. Et, selon les projections que nous avons ici, qui sont toujours tirées des chiffres de la CREPUQ et du ministère de l'Éducation... les projections pour 2005-2006, qui sont la dernière année, seraient de 4 754, selon les projections que nous avons ici, M. le Président, il y aurait donc eu une diminution des admissions pour les soins infirmiers depuis que le ministre a assumé ses responsabilités de ministre de la Santé. Alors, je le mets au défi de contredire ces chiffres-là, ce sont les chiffres du ministère de l'Éducation et de la CREPUQ.

Cela étant dit, M. le Président, le déficit zéro a coûté très cher, et la raison principale pour laquelle il a fallu sabrer comme on l'a fait, c'est parce que les dépenses, les transferts fédéraux dans le domaine de la santé et des services sociaux ont diminué drastiquement pendant ces années-là, et c'est nous, au Parti québécois, qui avons pris nos responsabilités et qui avons décidé de faire le déficit zéro, avec lequel d'ailleurs le Parti libéral et l'ADQ étaient d'accord, M. le Président, ça, on l'oublie trop facilement.

Initiatives du gouvernement fédéral en
matière de santé et de services sociaux

Ce qui m'amène, M. le Président, à la question du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des services sociaux. Alors, je viens de vous dire, M. le Président, la cause, la raison principale pour laquelle ça nous a coûté si cher et qu'il a fallu faire tant de sacrifices pour atteindre le déficit zéro, c'est que le fédéral avait diminué drastiquement ses transferts en santé et en services sociaux. Sauf qu'ils ont évidemment fait leur propre déficit zéro sur notre dos, sur le dos des provinces. Et là, à partir des années 2000, là ils ont commencé à envahir de plus en plus le champ de compétence qu'est la santé, notre champ de compétence qu'est la santé. Je rappelle, M. le Président, en 2004, la création de l'Agence de la santé publique du Canada, qui a coûté 477 millions, qui est dans un domaine qui relève des provinces, c'est la santé. Je pense que ça, le ministre n'est pas prêt, là... grand fédéraliste qu'il est, il n'est pas prêt à dire que la santé est un champ de compétence partagée, pas encore. Peut-être qu'il va nous l'annoncer aujourd'hui, là.

L'institut de recherche en santé, M. le Président, les instituts de recherche en santé, savez-vous combien le fédéral met d'argent là-dedans? 772 millions. Ça, ça a été créé, ces instituts-là, en vertu d'un projet de loi qui a été voté en 2000. Il y a 13 instituts de recherche en santé, M. le Président, qui ont été créés par le gouvernement fédéral: l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite, l'Institut du cancer, l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents, l'Institut de génétique, l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires, l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète, l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire, l'Institut de la santé des femmes et des hommes ? ayoye! ? l'Institut de la santé publique et des populations, l'Institut des services et des politiques de la santé et l'Institut du vieillissement. Près de 800 millions, M. le Président, dans un champ de compétence des provinces. Je veux dire, la santé, là, hein, on s'entend-u que ça relève des provinces? Qu'est-ce qu'ils font, le fédéral, à mettre 800 millions dans ces instituts?

Mais ce n'est pas tout, M. le Président. À même la marge de manoeuvre qu'ils se sont dégagée sur notre dos, ils ont créé toutes sortes de commissions, de stratégies, d'instituts. Alors, je vous donne quelques exemples: Commission canadienne pour la santé mentale, 52 millions, M. le Président, dans son budget de 2008, Ottawa a annoncé qu'il ajoute dès cette année 110 millions au financement de cette Commission canadienne pour la santé mentale; Stratégie nationale sur le cancer, 52 millions, et le gouvernement du Canada s'est engagé, dans le budget de 2006, à consacrer 260 millions sur cinq ans à cette Stratégie nationale sur le cancer; Institut canadien pour la sécurité des patients, 50 millions, M. le Président, sur cinq ans; Conseil canadien pour le don et la transplantation d'organes, annoncé en 2001, 20 millions sur cinq ans; contribution fédérale pour la recherche sur la moelle épinière, 30 millions sur cinq ans, annoncé en février 2006; Conseil national des aînés...

Qu'est-ce qu'il a fait, M. le Président, notre ministre de la Santé, pour protéger la souveraineté du Québec dans le domaine de la santé? Qu'est-ce qu'il a fait pour protéger nos champs de compétence, hein? Qu'est-ce qu'il a fait pour...

Alors, moi, je veux savoir, M. le Président, en particulier pour les derniers, là, Commission canadienne de la santé mentale, Stratégie nationale sur le cancer, Institut canadien pour la sécurité des patients, Conseil canadien pour le don et transplantation d'organes, le Fonds de recherche sur la moelle épinière, quelle a été la part du Québec, M. le Président. Est-ce que le gouvernement du Québec a reçu sa part dans le cadre de la création de ces commissions, stratégies et autres instituts? Qu'il nous dise ça, M. le Président.

n (12 heures) n

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: M. le Président, je viens de vivre un moment historique, un moment que je ne pensais pas vivre dans cette Assemblée: nous venons d'entendre, de la part de la deuxième opposition, une exposition... un exposé remarquable des bénéfices du fédéralisme canadien pour les citoyens du Québec. Je n'aurais pas pu faire mieux. Je n'aurais pas pu faire mieux, M. le Président, afin de démontrer aux citoyens du Québec le bénéfice important, d'ailleurs qu'on nous envie partout sur la planète, le bénéfice important de faire partie du système fédéral canadien. Je pense que je vais le citer maintenant dans mes discours. Je vais reprendre la liste de tout ce qu'il a mentionné puis je vais dire aux Québécois: Vous voyez, bien sûr, on s'occupe de nos juridictions, mais, parce qu'on est dans un système fédéral, parce qu'on est dans un système fédéral, on en obtient des bénéfices qui sont liés aux bénéfices de la citoyenneté canadienne, citoyenneté canadienne que le député de Marie-Victorin voudrait retirer aux Québécois. Bien, j'ai des mauvaises nouvelles pour lui, puis il y a certains éléments d'actualité puis d'enquêtes publiques qui le démontrent: les Québécois, ils ne veulent pas perdre leur citoyenneté canadienne, ils veulent la garder parce qu'elle est une source d'enrichissement et une source également de fierté pour les Québécois partout dans le monde.

M. Drainville: ...

M. Couillard: Bien, il faudrait qu'il arrête de m'interrompre, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): La parole est au ministre, s'il vous plaît.

M. Couillard: Alors, d'autre part, lorsqu'il y a eu corrections effectivement... Il parle des corrections de déficit, il dit, et c'est un euphémisme absolument extraordinaire: Il y a eu des sacrifices. Qui a fait les sacrifices? Ce sont les malades du Québec, ceux qu'on a envoyés à Plattsburgh pour se faire traiter pour le cancer, entre autres, et les autres, ce sont eux qui ont fait les sacrifices. Et, en passant, pour notre député qui s'intéresse au français en santé: En quelle langue étaient traités les Québécois cancéreux qui allaient à Plattsburgh se faire traiter pour leur cancer?

Dans la même période donc, on a accumulé des déficits dans les hôpitaux. Et, lorsqu'il y a eu le retour des transferts fédéraux, à partir de 2000 ? ça, c'est absolument intéressant, M. le Président ? qu'est-ce qu'on a fait, à partir de 2000, lorsqu'il y a eu le retour des transferts fédéraux? Deux grandes stratégies, deux grandes stratégies. La première a été de créer une fiducie à Toronto, de...

Des voix: 800 millions.

M. Couillard: 800 millions ? le député de La Peltrie était au courant, je vois. 800 millions, une fiducie à Toronto, c'est ça qu'on a fait avec l'argent qu'on nous a envoyé du fédéral. Puis le reste de l'argent, au lieu de l'investir dans les services, on a renfloué des bases budgétaires et des déficits accumulés qu'ils avaient eux-mêmes créés, sans financer les coûts de système, ce qui fait qu'il y a eu recréation automatique des mêmes déficits dans les années qui ont suivi. D'ailleurs, il y a certains hauts fonctionnaires qui en gardent un souvenir impérissable. Maintenant, quand il y a eu de l'argent, effectivement on l'a utilisé.

Pour les admissions en médecine ? il y a tellement de sujets à couvrir, puis je vais terminer avec les champs de compétence ? malheureusement, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, elle a déposé également un document historique le 4 novembre 2003. Je suggère que le député se le procure. Alors que, dans la période, la même période de diminution de transferts fédéraux, là, l'Ontario continuait à faire augmenter ses admissions annuelles en médecine, le Québec a plongé jusqu'à 406 et, après 1999-2000, 476, 507, 574.

Une voix: Bravo!

M. Couillard: Oui, bravo, bravo. Et ça a pris donc... et ça a pris donc...

Une voix: ...

M. Couillard: Mon Dieu! on est près du ridicule, là. Alors, ça a pris donc ? un, deux, trois, quatre, cinq ? six ans pour revenir aux niveaux d'admissions avant qu'on commence à les diminuer. Et le problème maintenant, c'est que ça prend du temps à former un docteur, un médecin. Ça prend sept ans pour un médecin de famille, ça prend 10 ou 11 ans pour un spécialiste. Ça fait que, quand vous voulez savoir le nombre de médecins qui graduent chaque année pour traiter les Québécois, les omnipraticiens, vous enlevez sept ans puis, les omnispécialistes, vous enlevez 10 à 11 ans. Ça fait qu'on est encore dans les suites du 406, malheureusement pour eux, sanction ou pas sanction.

Maintenant, dans son apologie du fédéralisme, le député de Marie-Victorin parle des chaires de... des instituts de recherche, qui étaient en fait la transformation du Conseil de recherches médicales qui existait auparavant. Je ne me souviens pas, M. le Président ? éclairez-moi, vous qui avez une longue expérience parlementaire ? le gouvernement du Parti québécois a-t-il alors refusé ces sommes? Ont-ils protesté? J'ai beau fouiller ma mémoire, qui est pourtant assez bonne, je n'arrive pas à m'en souvenir. Je ne pense pas qu'on ait protesté, du côté du Parti québécois.

De notre côté, on a signé une entente historique que même M. Parizeau a saluée. Je pense que le moins que le député pourrait faire, c'est de nous donner le même niveau d'appréciation que Jacques Parizeau. Et je pense que Gilles Duceppe également avait été assez, assez positif dans ses commentaires.

Une voix: ...

M. Couillard: Il va continuer à m'interrompre sans arrêt, M. le Président? On en a pour 20 heures comme ça, ça va être épuisant.

Le Président (M. Kelley): M. le député, vous avez pris neuf minutes pour formuler votre question, le ministre a pris quatre minutes pour répondre, alors on est à l'intérieur. Il n'y a pas de balise formelle, la pertinence est très large dans l'étude des crédits. Vous avez posé votre question dans l'ordre, la réponse est maintenant au ministre à formuler.

M. Couillard: Alors, effectivement, les champs de recherche, ça fait partie d'une juridiction fédérale légitime, tout le monde le reconnaît. Ils ont le droit, tout à fait légitimement, dans la Constitution canadienne, d'investir en recherche. Heureusement, d'ailleurs, parce que, dans le domaine de la FCI, par exemple, le Fonds canadien d'innovation, la part des investissements du Québec s'est établie à 26 %, ce qui est tout à fait la part démographique du Québec dans le Canada, et il y a des domaines de recherche où on est encore plus performants. Alors, effectivement, le Québec a une juridiction première en santé ? première en santé ? mais le fédéral a également certains rôles à jouer, dont, par exemple, la collaboration à certains travaux d'infrastructures de recherche, dont la contribution au Fonds de recherche, dont le FCI et les instituts de recherche, dont également la prestation directe de services pour les autochtones vivant sur les territoires conventionnés. Alors, il y a une réalité qui est celle-là dans le cadre fédéral canadien.

Alors, effectivement, nous, on a protégé nos juridictions, d'abord avec l'entente asymétrique, avec également des ententes particulières pour chacune des démarches. Nous, on est pour ça d'ailleurs, une démarche santé mentale, c'est très bon. Ce qu'on dit au gouvernement fédéral cependant, c'est que nous allons nous-mêmes utiliser notre part de cette somme selon nos priorités et nos plans d'action. Et il accepte très bien. Pourquoi? Parce qu'on a réussi à faire enchâsser le principe du fédéralisme asymétrique dans l'entente de 2004. Alors, je pense qu'il faut s'en souvenir.

Maintenant, qu'elle a été, à l'opposé, l'attitude de nos prédécesseurs envers les institutions fédérales? D'abord, c'est une attitude un peu curieuse parce que, quand il y avait de l'argent, ils ne s'en sont jamais plaints, cependant ils ont refusé de se joindre à l'Institut canadien d'information en santé: surtout il ne faut pas se comparer, surtout il ne faut pas intervenir dans les institutions fédérales. Ils ont tourné le dos, et ça, c'est encore plus grave, c'est un dossier dont on va reparler, il l'a annoncé, puis j'en suis très content, ils ont tourné le dos à Inforoute Santé Canada: Nous autres, on n'aime pas ça, il y a «Canada» dedans, c'est dégoûtant, on n'en veut pas. Ça me fait penser au chiffon rouge, ici, à l'Aquarium de Québec.

Alors, ils ont laissé passer des dizaines de millions de dollars de fonds qui auraient pu venir au Québec, ce qui fait que, quand on a joint finalement, avec raison, Inforoute Santé Canada, on était dans une situation: alors que les autres provinces canadiennes avaient reçu des investissements, il n'y avait rien qui était arrivé au Québec. Pourquoi? Parce qu'on n'avait rien demandé, parce que, vu que c'est Canada, bien ce n'est pas bon. Et puis, comme on poursuit l'exercice infini, qui ne prendra jamais fin, de démontrer que le fédéralisme canadien, c'est une calamité pour la population du Québec ? ce que de moins en moins de gens croient d'ailleurs, là, tu sais, c'est évident, là, actuellement ? bien on va continuer à faire ça: Vu que ça vient du fédéral, on dit non. Bien non! on dit oui quand c'est de l'argent, mais par contre, quand c'est autre chose, on regarde: Ça vaut-u la peine? Ça va-tu diminuer notre option?

C'est ça, le problème du Parti québécois dans les services publics. Pourquoi? Parce que je ne pense pas que foncièrement c'est des gens qui sont plus cruels envers les services publics que d'autres, moi, je pense que ce serait leur faire injure que de dire ça, mais c'est qu'il n'y a pas une seule question de finances publiques ou de politique publique qui n'est pas ramenée, pour eux... D'ailleurs, ils viennent de le démontrer: C'est la faute du fédéral. Il n'y a pas une seule question de politique publique qui n'est pas ramenée à l'enjeu du statut du Québec. C'est toujours ça.

Alors, c'est les deux grands mythes. Alors, il y a le premier mythe de l'humiliation du Québec: Le Québec est humilié, vite, créons un échec, créons une perception d'échec pour animer nos troupes. D'ailleurs, selon les sondages, on voit... D'ailleurs, il y avait un article intéressant, dans La Presse, sur l'accordéon souverainiste, qui parlait un peu de ça, je pense que c'est M. Jean-Herman Guay, un politologue qui parlait de ça. Et c'est la même chose en santé: dès qu'il faut faire resurgir un peu la ferveur de leurs troupes et de faire remonter leur option, qui semble assez difficile actuellement, bien on parle de l'humiliation du Québec, le Québec est mal traité dans la fédération. Alors que, s'il fallait que, du jour au lendemain, nos transferts fédéraux s'interrompent, ceux avec lesquels on paie d'ailleurs nos services publics, on serait en fort piteux état. Et c'est la raison pour laquelle d'ailleurs, M. le Président, la chef de la deuxième opposition, la députée de Charlevoix, a annoncé aux Québécois que, s'il y avait un jour la souveraineté, il y aurait ? puis, je pense, c'est un minimum ? cinq ans de perturbation. Perturbations, c'est un euphémisme pour dire qu'il va y avoir une déshabitation complète des services publics pendant quelques années, qu'il faudra par la suite progressivement reconstruire.

Alors, je pense qu'on a fait la démonstration, M. le Président, que, nous, on est allés chercher la part du Québec. On croit dans le fédéralisme canadien et on va continuer d'y croire, on y croit dans le respect du fonctionnement d'une véritable fédération et du respect de nos juridictions, comme l'a démontré l'entente d'Ottawa, qui est une entente historique que plusieurs personnes influentes de son parti politique ont saluée. Et je suis assez attristé, M. le Président, mais plus ou moins surpris, que le député de Marie-Victorin ne profite pas de l'occasion pour à son tour rendre hommage au leadership de notre premier ministre qui est allé faire inscrire le principe de fédéralisme asymétrique dans cette entente encore une fois d'ampleur historique.

Le Président (M. Kelley): Il vous reste deux minutes.

M. Drainville: ...M. le Président. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Kelley): Deux minutes.

M. Drainville: Il nous reste deux minutes?

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Couillard: Tempus fugit.

Le Président (M. Kelley): La question a pris neuf minutes à poser, et la réponse était neuf minutes.

n (12 h 10) n

M. Drainville: M. le Président, il n'a pas nié les chiffres sur les admissions ni sur les déficits, il ne nous a pas dit quelle était la part du Québec. Mais je vais quand même laisser le peu de temps qu'il reste à mon collègue député de Lac-Saint-Jean, qui s'occupe des questions fédérales-provinciales.

M. Cloutier: M. le ministre, si vous dites que l'entente asymétrique s'applique toujours aujourd'hui, combien avez-vous obtenu pour la Commission canadienne sur la santé mentale? Quelle est la part du Québec, si vous dites que l'entente asymétrique s'applique toujours aujourd'hui?

Le Président (M. Kelley): La question est formulée. M. le ministre.

M. Couillard: Alors, M. le Président, le partage n'est pas fait, pour aucune province, pas plus pour le Québec que les autres. Donc, les discussions sont en cours là-dessus. Nous, ce qu'on a communiqué au gouvernement fédéral, c'est très clair, comme d'habitude: Vous allez nous donner la part de Québec, on est d'accord avec vos objectifs, mais on va les faire selon nos plans d'action, selon nos politiques et à travers notre réseau de santé. Ils sont tout à fait d'accord avec ça. D'ailleurs, c'est la suite logique de l'entente de 2004.

M. Cloutier: Sur le 594 millions d'un nouveau programme du gouvernement Harper, le gouvernement du Québec est en négociation pour avoir sa part. C'est ce que vous dites?

M. Couillard: ...je ne confirme pas du tout, je parlais juste de la fondation de santé mentale. On est en discussion également pour le cancer, je crois. Puis à ma connaissance on n'a pas d'autre discussion. Il y a peut-être d'autres programmes...

(Consultation)

M. Couillard: Dans tous les programmes, M. le Président, on a des ententes, lorsqu'elles sont conclues, qui respectent les compétences du Québec et lui permettent d'aller chercher sa part de financement.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, très rapidement.

M. Cloutier: Oui. Depuis la signature de l'entente, quel programme s'est appliqué, autre que pour les listes d'attente de 2004, quelle autre part que le Québec a eue dans un autre programme que celui de 2004, en vertu de la fameuse entente asymétrique?

M. Couillard: On pourra faire la liste, puis on vous l'amènera. Ça va nous faire plaisir. D'ailleurs, c'est une autre façon d'illustrer l'action de notre gouvernement, parce que, je rappelle, c'était une entente historique.

Le Président (M. Kelley): Alors, le ministre prend avis de la question. On va formuler la liste à une séance subséquente. Sur ça, je mets fin au bloc pour le deuxième groupe de l'opposition. Et je suis prêt à céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

Projets pilotes de
décentralisation des ressources

M. Copeman: M. le Président, je vous prie de m'arrêter... de nous arrêter après à peu près 10 minutes. Mon collègue député d'Orford a une question, et, à cause de l'ancienne tendance, j'avais la tendance d'utiliser 20 minutes au complet, on connaît bien pourquoi, mais on va tenter d'arrêter après 10 minutes.

M. le Président, je voulais aborder la question de décentralisation, décentralisation véritable ou véritable décentralisation de notre système de santé. On a eu beaucoup d'échanges avec le député de La Peltrie, lors de l'étude des rapports annuels de gestion des agences de santé et de services sociaux, concernant la marge de manoeuvre des agences: Est-ce que les régions ont vraiment une marge de manoeuvre assez importante ou est-ce que le tout est dicté à partir de Québec, à partir du 1075, chemin Sainte-Foy?

Nous ne partageons pas la même analyse, même dans la situation actuelle, M. le Président, manifestement, sur le niveau d'indépendance ou de marge de manoeuvre des agences. Je continue à prétendre, selon le témoignage de plusieurs P.D.G., qu'elles ont déjà une marge de manoeuvre assez importante dans leur prise de décision locale... régionale, je devrais dire, mais en s'entendant qu'on pourrait peut-être explorer d'autres avenues.

Et je comprends, M. le Président, que le ministre a déjà annoncé une nouvelle méthode, un projet pilote pour une nouvelle méthode d'allocation de ressources dans trois régions. Le député de La Peltrie semble anxieux de terminer les projets pilotes puis de sauter dans des décisions permanentes et récurrentes. Mais peut-être le ministre pourrait nous décrire un peu cette nouvelle allocation de ressources dans les trois régions pilotes: la Capitale-Nationale ? que le député de La Peltrie connaît bien ? Saguenay?Lac-Saint-Jean et celui de l'Estrie, et comment on va fonctionner, et quels sont les objectifs de cette nouvelle allocation de ressources.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Même si effectivement le système de santé du Québec possède un élément de décentralisation appréciable si on le compare à d'autres types de système de santé, je pense qu'on peut aller encore plus loin. Et ce que nous recommande M. Castonguay, nous, on est d'accord avec ça. Et on va commencer avec ces trois régions. Elles ont été choisies ? d'ailleurs, je le dis pour notre collègue du Lac-Saint-Jean ? à la fois pour la qualité des services qui sont présents et la robustesse de l'administration régionale dans les trois cas, donc Saguenay?Lac-Saint-Jean, Capitale-Nationale et Estrie.

Ce que dit M. Castonguay, et, je pense, avec raison, c'est que le ministère se mêle trop de la dispensation des services, qui est une sorte de jeu de chat et de la souris où finalement c'est l'ambiance médiatique, politique qui en est venue à ça progressivement. Il faut donc que le ministère de la Santé se retire de la dispensation de services et laisse les régions faire leurs choix, conservant ainsi au ministère la responsabilité d'établir les politiques et les lignes de priorité.

Alors, en pratique, ce que ça signifie, c'est qu'actuellement la façon dont nous procédons depuis quelques années, d'ailleurs qui est le premier pas vers le financement par activités, c'est des ententes de gestion que le ministère de la Santé et Services sociaux signe avec les ententes régionales, des ententes de gestion qui sont, ma foi, fort détaillées, où on regarde ? je pense que j'ai exprimé déjà que ça tiendrait peut-être dans deux boîtes de carton devant moi ? combien de patients de plus on s'engage à traiter, combien d'argent on pense mettre dans tel, tel programme.

Ce que M. Castonguay et son groupe nous recommandent de faire, c'est: Arrêtez de faire ça, laissez l'autonomie à la région, qui connaît les orientations gouvernementales, de prendre les décisions et d'allouer les budgets dans les programmes selon les priorités et le consensus régional. Alors, ce que ça veut dire en pratique, c'est qu'au lieu d'avoir une entente de gestion qui va accompagner l'adjudication de l'enveloppe régionale une fois que les crédits, j'espère, seront votés, il n'y aura qu'une simple lettre qui confirme l'enveloppe régionale, rappelle quelques grandes priorités, et c'est tout. Et il y aura donc reddition de comptes sur l'amélioration des services et l'atteinte des objectifs gouvernementaux, en fin d'année.

Ça nécessite, je crois, M. le Président, cette approche qui est justifiée, un changement de culture à la fois politique et à la fois médiatique. Parce qu'il est certain que cet exercice auquel nous nous livrons actuellement, et surtout l'exercice de suivi, va devoir se modifier au cours des prochaines années. Parce que je ne pense pas que c'est un mouvement qui va s'inverser. Au contraire, ces trois régions vont devenir cinq, six, huit, neuf, et on pourra ainsi augmenter la liberté d'action de ces régions. Actuellement, je crois que les agences viennent témoigner en commission parlementaire une fois tous les deux, trois ans, selon le roulement. Il va falloir bien sûr rapprocher les périodes de reddition de comptes des agences régionales ici, à l'Assemblée, pour qu'on puisse faire le suivi des fonds publics de la façon la plus assidue possible.

Pourquoi on en est arrivés là? Parce que c'est un élément de dysfonction, M. le Président, je le répète souvent, sans en attribuer la responsabilité à un élément ou l'autre de la société, c'est un élément de dysfonction que le plus haut niveau hiérarchique d'une organisation soit interpellé en premier. Qu'il le soit, c'est légitime, mais après que les autres niveaux dont c'est la responsabilité se soient exprimés. Ça nuit foncièrement au développement du système de santé et de services sociaux du Québec.

Alors, pourquoi c'est comme ça? Bien, il y a plusieurs raisons. Une raison, c'est l'ambiance politique, dont je n'attribue pas la responsabilité uniquement à la deuxième opposition, je les rassure tout de suite. D'ailleurs, je me souviens, mon collègue M. Rochon, pour lequel j'ai beaucoup de respect, là, à l'époque, a été assez malmené ici, dans cette Chambre, hein? À l'époque, il faut également rappeler qu'il avait été littéralement abandonné par son gouvernement, parce que c'est lui qui avait eu à soutenir les coupes budgétaires et les mises à la retraite au même moment où il mettait en place une réforme. Il en garde d'ailleurs, je crois, un souvenir très précis.

Donc, on est arrivés à créer cette ambiance où on va directement au niveau ministériel lorsqu'il faut faire un arbitrage dans une région ou lorsqu'il faut régler un problème local dans un établissement, ce qui est complètement dysfonctionnel. Alors, il faut changer ça. Puis ce n'est pas pour moi que je le dis, parce qu'il y aura d'autres... Malgré mes six ans de crédits, je n'ai pas la prétention de me penser éternel au poste que j'occupe actuellement, certainement pas. Et le député semble soulagé. Pourquoi est-il soulagé? Voilà la question, nous y reviendrons. Mais donc, au cours des prochaines années, je crois qu'on devra soutenir cette transformation et qu'elle doit s'accompagner par une transformation de la culture politique, ce qui nécessite une transformation des mécanismes parlementaires de reddition de comptes détaillée.

Par exemple. Aujourd'hui, je vous ai dit: Tant de millions pour tel programme, tant de millions pour tel programme, tant de millions pour tel programme. À partir du moment où une région devient autonome ? voilà un adjectif qui sourit à l'opposition officielle ? on ne peut plus vraiment faire cet exercice-là ici. On dit: Voici une enveloppe régionale qui est passée de tant à tant, voilà maintenant ce que la région et les établissements ont fait avec. Et ils en sont imputables. Bien sûr, si on a établi, comme gouvernement, des mauvaises priorités ou qu'on a établi un encadrement budgétaire, comme ça a été le cas dans le passé, avec des coupures, des coupes budgétaires, bien là il y a une imputabilité gouvernementale qui s'intègre. Mais je pense que c'est une expérience qui est très prometteuse.

Et on n'est pas contre non plus que d'autres régions que ces trois régions... Je le dis pour notre collègue. Si d'autres régions que ces trois veulent nous soumettre des projets un peu dans le même style, on est prêts à regarder ça, toujours. Mais on va être prudents. Je vois qu'il dit qu'il faut être prudent. Il n'est pas contre les projets pilotes, donc. Il faut y aller progressivement, progressivement. Alors, on va commencer par ces... comme le dit M. Castonguay lui-même, qui parle de plusieurs années, en passant, d'implantation. Je veux juste rappeler ça au député, qui protestait contre les projets pilotes. Dans le rapport, M. Castonguay et son groupe réclament plusieurs années de transformation progressive, incluant pour l'approche par achat de services, incluant pour le financement par activités, cinq à sept ans, en fait. Et, si vous regardez la Colombie-Britannique, en passant, qui vient de faire, dans son dernier budget, une expérience pour le financement par activités, ils ont sélectionné deux hôpitaux et ils se donnent plusieurs années pour évaluer les... Parce qu'il y a des biais possibles, on aura l'occasion d'en parler, et c'est intéressant, il y a des biais possibles à cette façon de financer.

Donc, en conclusion, M. le Président, il y a là une occasion à saisir de dégager le ministère de ce qu'on appelle la microgestion de la dispensation des soins, de lui permettre de récupérer son influence sur ses grandes missions fondamentales et nationales et de laisser plus d'imputabilité et libre cours à la créativité de nos gens des régions, qui sont ma foi fort talentueux.

n (12 h 20) n

Le Président (M. Kelley): Merci. M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord faire un petit commentaire. J'ai entendu, au début, dans les notes, les représentants de l'opposition officielle et de la deuxième opposition attaquer le ministre sur sa crédibilité ou sur ses réalisations. C'est de bonne guerre en politique. Moi, je voudrais témoigner de plusieurs parmi les 2 000 à 3 000 étudiants que j'ai eus pendant toutes ces années, dont beaucoup de ces étudiants-là se retrouvent dans le réseau de la santé, qui est un grand employeur au Québec, comme on le sait, à différents niveaux de gestion ? parce que j'ai enseigné la gestion ? qui, sans aucune exception et quelle que soit leur allégeance politique, me témoignent, depuis déjà quelques années, de l'extraordinaire travail et de la très, très grande crédibilité qu'a notre ministre de la Santé et des Services sociaux dans leur réseau. Et ce témoignage-là, je voulais le faire parce qu'on entend des critiques, qui sont peut-être justifiées, comme ça se doit peut-être, par un discours politique. Moi, ce n'est pas un discours politique, et les gens qui me disent ça, ils ne font pas de la politique, ils disent qu'ils n'ont jamais eu un aussi bon ministre de la Santé.

Pénurie de médecins

Tout à l'heure, M. le Président, le député de Marie-Victorin a réussi à me faire sortir de mes gonds ? je m'excuse d'avoir parlé fort, je vais essayer de rester calme ? quand il a tenté de réécrire l'histoire par rapport aux admissions en médecine au Québec, dans les années quatre-vingt-dix. Écoutez, c'est sûr qu'on peut dire: Regarde, on baisse les admissions. Puis après ça, quand on les remonte, on dit: Aïe! on est-u bons, on a remonté les admissions. Aïe! c'est un peu simpliste, là.

La réalité de ce qui s'est passé, M. le Président, c'est que le Parti québécois a gelé, d'une part, et, après, diminué les admissions dans les facultés de médecine, facultés de médecine, au Québec, qui sont au nombre de quatre, qui étaient au nombre de quatre déjà et qui avaient la capacité de former des médecins davantage que ce qu'on leur a obligé à faire. À tel point que la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, par exemple, dont j'étais le recteur, avait la capacité de former et elle a formé, puisqu'on ne nous permettait pas de former des médecins québécois, elle a formé des médecins pour le Nouveau-Brunswick, par exemple, qui pratiquent au Nouveau-Brunswick, aujourd'hui.

Est-ce que c'était de la méchanceté de la part du Parti québécois? Bien sûr que non, hein? Je suis convaincu que toutes les personnes qui se retrouvent élues ici, dans cette Chambre, et qui travaillent, qui forment le gouvernement essaient de faire de leur mieux. Ce n'était pas de la méchanceté, c'est une erreur. C'est une très, très grosse erreur. C'est une erreur d'ailleurs grossière.

Pourquoi ça a été comme ça? Parce qu'à cette époque-là il y avait une certaine pensée magique, pensée magique à laquelle a souscrit le gouvernement de l'époque et en premier lieu la personne qui est aujourd'hui chef de la deuxième opposition officielle, qui était derrière ces décisions-là. La pensée magique était qu'on diminue le nombre de médecins et automatiquement on diminue le nombre de dépenses. Ça, ça va bien. Ce n'est pas encore là qu'est la pensée magique, parce que ça, c'est juste une équation très simple. Mais la pensée magique, c'est qu'on diminue le nombre de médecins, et les soins, la qualité des soins va se réorganiser et s'optimiser de façon automatique. En fait, derrière cette pensée magique, il y avait le fait qu'on pensait peut-être que les médecins ne travaillaient pas si fort que ça, ou qu'ils ne travaillaient pas si bien que ça, ou qu'ils faisaient bien d'autres choses que de la médecine pendant que les gens venaient à leurs cabinets.

Bien, cette pensée magique là, M. le Président, ça a résulté en quelque chose qu'on sait aujourd'hui: des files d'attente, des difficultés de soins, des soins de moins grande qualité. C'est une erreur magistrale, qui a été reconnue. C'est une erreur. Et pourquoi on en parle? Ce n'est pas parce que c'est une question de dire: Bon, le Parti québécois n'était pas fin, etc. Ce n'est pas ça du tout. C'est parce qu'aujourd'hui encore on a des problèmes reliés à ça. Et ce n'est pas une décision qui a été prise sans avoir cela en connaissance de cause: les recteurs de l'époque, et j'en étais un des quatre recteurs de ces quatre facultés, les doyens de médecine de l'époque ? et il y en a un, des quatre doyens de l'époque, qui est dans cette salle, qui actuellement fait une autre carrière ? ont dit autant comme autant au gouvernement de l'époque: C'est une erreur majeure que vous faites, c'est une très, très grosse erreur. O.K.? Et je veux en témoigner ici, aujourd'hui. Et la raison pour laquelle on en parle, c'est parce qu'on paie encore le prix aujourd'hui pour cette erreur-là. Et beaucoup et beaucoup de ce qui se passe en termes de difficultés, en termes de mesures qui nous sont remises sur le nez régulièrement viennent de là. Et le travail qu'on a fait depuis 2003, le travail qui avait été commencé peut-être, hein ? parce que ce n'est pas une question d'être de mauvaise foi, là ? le travail avait peut-être été commencé... mais l'erreur était tellement grande que ça prend des années et des années.

Alors, M. le Président, j'ai une question derrière ce témoignage-là. J'aimerais ça, étant donné l'importance que la diminution du nombre de médecins qui sortent des universités a et l'impact qu'elle a sur notre système de santé et sur toutes les choses dont on discute aujourd'hui, ou presque, j'aimerais ça que le ministre nous donne un peu plus d'information ? il a commencé tout à l'heure ? donne un peu plus d'information sur la résorption de ce problème majeur, magistral, catastrophique qui a été créé par cette décision de geler les admissions en médecine, alors que les universités québécoises et les facultés de médecine québécoises avaient tout ce qu'il fallait en infrastructures et en personnel médical pour donner cette formation-là.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Couillard: Oui. J'écoutais, M. le Président, notre collègue, qui a été recteur de l'université où je fus... où je suis encore professeur, en congé de service. Et je tiens à envoyer le message que je tiens à ce lien, c'est important pour moi d'être professeur d'université, c'est une source de grande fierté. D'ailleurs, mon père l'était, et, pour moi, c'est important. Puis je me souviens très bien de celui qui à l'époque était mon recteur et également avec lequel on a fait beaucoup de choses à la Faculté de médecine, pendant toutes ces années.

Mais c'est un fait, puis je pense que l'explication donnée par le député d'Orford est la bonne, c'est-à-dire que malheureusement on en a un peu trop fait, c'est-à-dire que la logique effectivement... Puis là où le député de La Peltrie, je pense, va être d'accord avec ça, c'est que c'est un peu le vice d'un système de monopole public, c'est-à-dire que la seule façon dont on arrive à régler le problème... Je suis d'accord, je l'ai déjà dit souvent, il y a des biais dans tous les systèmes, il s'agit de voir quels sont les biais ou les bénéfices puis qu'est-ce qui l'emporte sur l'autre. Ça ne veut pas dire que privatiser le système de santé du Québec, c'est une bonne affaire, hein? Mais par contre un système entièrement, entièrement public, qui a le contrôle total et le monopole des soins, peut faire l'erreur, comme a fait le Parti québécois à l'époque. C'est-à-dire que, comme on adopte cette logique tordue que, comme ça coûte cher, il faut traiter moins de malades, on coupe les budgets dans les hôpitaux et puis, en fait, on fait moins de médecins parce que c'est bien connu qu'un médecin qui traite un patient, ça coûte cher. Alors, c'est exactement ça.

Maintenant, c'est un mouvement à l'époque qui n'était pas situé qu'au Québec, il y avait eu des études canadiennes qui malheureusement ont mis ça dans la tête des gouvernements. Mais ce qui est arrivé au Québec, c'est qu'on en a fait beaucoup plus qu'ailleurs. C'est-à-dire qu'alors qu'en Ontario on a stabilisé le nombre d'admissions... en fait on a continué à l'augmenter un peu, au Québec, on a eu cet immense creux de vague, dans les années dont on parle, qui n'était pas justifié, effectivement pour les raisons que notre collègue a mentionnées.

Parce que qu'est-ce qu'on n'avait pas... qu'est-ce qu'on avait oublié d'évaluer? D'ailleurs, le Collège des médecins à l'époque, je me souviens très bien, faisait des remarques au gouvernement précédent et l'avertissait des conséquences de cette action-là. On avait adopté un calcul linéaire de nombre de médecins par habitant sans tenir compte de facteurs tels que le vieillissement de la population ou le changement démographique, tels que le changement de la démographie médicale, les changements d'habitude de vie, les changements d'habitude de travail, qui font qu'en pratique... Et on le savait à l'époque, le Collège des médecins le disait, là. On peut maintenant penser que, lorsque ça prenait un médecin auparavant, ça en prend 1,5, 1,8 pour faire le même volume de travail que ce qui était fait à l'époque, pour l'ensemble de ces raisons-là et pour la raison également que la demande de soins augmente.

Alors, il y avait effectivement une pensée magique qui disait: Bien, on va diminuer le nombre de médecins, comme ça les autres vont s'organiser. Et on connaît l'impact dramatique de cette erreur-là. C'est très malheureux, là. Mais je suis un peu triste pour notre collègue parce que, lui, il n'était pas là-dedans. Il arrive là puis il est obligé d'assumer ça sur ses épaules. Mais le malheur, c'est que ce fardeau-là, il ne va pas s'en aller cette année, ni l'an prochain, ni même dans deux ans. On va commencer à avoir des cohortes raisonnables de médecins omnipraticiens en ajout net, en 2010, et de médecins spécialistes vers 2013-2014. Et à l'époque, comme la population aura continué de vieillir, il y aura toujours encore plus de demandes de soins.

Alors, en passant, je voudrais terminer mon intervention... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Il reste sept minutes avant la fin...

M. Couillard: ...puis mon collègue pourra prendre la relève.

Le Président (M. Kelley): Il reste dans ce bloc trois minutes. Qu'est-ce que je propose, on va continuer avec le temps ministériel jusqu'à 37 et on va commencer un autre bloc demain matin.

M. Couillard: Je vais clore là... à mon collègue de poser une autre question. Mais une bonne nouvelle d'ailleurs pour la population du Québec, il y a quelques jours à peine ? et j'en réserve l'exclusivité à cette Assemblée ? il a été décidé d'augmenter le nombre d'admissions en médecine de 772 à 800, on a augmenté de 22 de plus. À 800, c'est considérable. Et je pense que c'est en grande partie à cause du développement des antennes régionales de facultés de médecine: à Trois-Rivières avec l'Université de Montréal; et à Saguenay, Chicoutimi avec l'Université de Sherbrooke. Ça, c'est très innovateur, puis on aura l'occasion d'y revenir pendant nos débats.

M. Reid: ...

n (12 h 30) n

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

Facultés de médecine en région

M. Reid: Oui, M. le Président. Moi, ce que je souhaiterais, c'est que le ministre prenne les quelques minutes qui restent peut-être pour expliquer notamment cette innovation extraordinaire ? et j'en parle comme ancien universitaire ? d'aller effectivement ouvrir des facultés de... des ajouts de facultés de médecine dans des régions pour permettre d'augmenter effectivement la cohorte et aussi de pouvoir essayer d'augmenter la rétention, dans les régions, des médecins. Alors, j'aimerais ça si on pouvait élaborer un petit peu plus sur ce qui est arrivé et où c'en est rendu aujourd'hui, là.

Le Président (M. Kelley): La question est posée. Et, s'il reste le temps, le président a une courte question.

M. Couillard: Alors, M. le Président, donc c'est des belles nouvelles, la table de concertation des effectifs médicaux a recommandé donc 22 étudiants de plus dans une de ses antennes régionales essentiellement. Je crois que ça va se faire surtout dans l'antenne de... les 22?

Une voix: ...

M. Couillard: Partout? Bon, par chaque faculté de médecine. Alors, pourquoi avons-nous créé ces antennes facultaires? Parce que bien sûr on a le problème de distribution... On aura l'occasion de discuter des PREM, des plans d'effectifs, ici, dans cette commission. On a le problème de répartition d'effectifs dans nos régions dans une ambiance où le nombre de médecins disponibles par année, le nombre de nouveaux médecins n'est pas élevé. Donc, il faut penser, avec l'assouplissement souhaité des PREM qu'on espère voir se produire mais qui comporte des dangers, on est conscients de ça... Il faut être prudents avec le mot «assouplissement».

On est conscients qu'il fallait développer d'autres mécanismes pour garder les médecins en région. Et il est connu que l'exposition à la réalité régionale durant la formation est un des principaux facteurs de rétention et d'installation des médecins en région. Alors, c'est pour ça qu'on a choisi ce modèle. C'est un modèle unique au Québec d'ailleurs, parce que d'autres provinces canadiennes ont choisi d'autres types de modèles. Dans le nord de l'Ontario et en Colombie-Britannique, par exemple, on a littéralement créé de nouvelles facultés de médecine dédiées à cet aspect de la répartition des effectifs. On a choisi, comme on a, chez nous, la chance d'avoir quatre facultés de médecine, de vérifier s'il y avait intérêt, et il y a tout de suite eu intérêt de l'Université de Montréal et de l'Université de Sherbrooke à ce que des étudiants puissent faire toute leur formation médicale en région.

Ce que ça veut dire, par exemple, dans le cas de Trois-Rivières, c'est qu'un étudiant en médecine fait toute sa formation avec la collaboration de l'Université du Québec à Trois-Rivières et du centre hospitalier régional, avec toute la supervision de l'Université de Montréal pour la pédagogie, etc., et reçoit un diplôme de doctorat en médecine de l'Université de Montréal. Ayant passé toute sa formation en région, il constate d'abord la qualité de vie de la région et le bénéfice également pour la pratique médicale. Alors ça, c'est le versant des deux antennes régionales, donc: Sherbrooke?Chicoutimi, Saguenay; et Montréal?Trois-Rivières.

Il y a d'autres façons également d'exposer les étudiants en médecine aux régions pendant leur formation, dont, par exemple, les unités de médecine de famille. C'est une formule qui existait auparavant, qu'on a développée et qu'on a accélérée. Il y a eu plusieurs nouvelles unités qui ont été soit inaugurées... Il y en a eu neuf qui ont été mises sur pied et neuf déjà existantes qui ont été rehaussées. Et il y a d'autres dossiers qui sont déposés actuellement. Qu'est-ce que c'est qu'une unité de médecine de famille? C'est un endroit en région, encore une fois... J'en ai inauguré une récemment à Maria, en Gaspésie, par exemple...

Une voix: Très bel endroit.

M. Couillard: Très bel endroit, me dit mon voisin, qui en est originaire. C'est un endroit où les étudiants gradués, c'est-à-dire ceux qui ont eu leur diplôme en médecine, vont apprendre la médecine de famille. Alors, c'est très riche parce que c'est une pratique qui est très diversifiée. Un avantage d'un inconvénient de l'accès plus difficile en spécialistes dans les régions, c'est que les étudiants développent de l'autonomie professionnelle probablement plus rapidement que certains de leurs collègues dans un environnement purement urbain.

Le dernier élément de notre philosophie et de notre action pour la formation en région se situe avant l'obtention du doctorat en médecine et dans des stages de résidence pour que le pourcentage de stages faits en région augmente et en médecine de famille et dans les spécialités. Maintenant, malgré tout ça, on conserve encore des difficultés d'accès et d'effectifs médicaux en région. On est en conversation constante avec les fédérations médicales. Nous aussi, on entend le message de l'assouplissement demandé des plans d'effectifs régionaux, mais on va le regarder de façon très...

Une voix: ...

M. Couillard: Ce n'est pas l'opposition, ça fait longtemps que c'était dans l'air. Mais on va le regarder de façon très prudente, très prudente parce que la conséquence du mot «assouplissement»... C'est comme «autonomie», il faut voir qu'est-ce qu'il y a derrière «autonomie», il faut voir qu'est-ce qu'il y a derrière «souplesse». Alors, ce qu'il y a derrière «souplesse», en français, c'est que, si on ne met pas un médecin à la région X, on le met dans la région Y. Alors, de façon très prosaïque, là, ça signifie que, si on ne met pas un médecin à Trois-Rivières mais qu'on le met à Montréal ou en ceinture, bien ça présente un problème.

Maintenant, on est prêts à regarder les accommodements puis les assouplissements. Il y a des situations particulières de conjoints, par exemple, des situations de ce type-là dont il faut tenir compte. Mais on n'enverra pas, M. le Président, le message aux régions qu'on va arrêter de nous assurer que les médecins s'installent en grande partie dans les régions, et je pense qu'il faut continuer ça. Mais c'est un problème très compliqué, surtout... Ce serait moins compliqué si on avait des grosses classes de gradués. À la rigueur, on pourrait même envisager qu'on n'a presque plus besoin de plan d'effectifs ou des choses très larges et très peu détaillées. Mais, avec des petites classes de médecins gradués comme on a maintenant, on peut... il faut être très conscients des risques et des erreurs possibles. Donc, on va le faire avec les fédérations médicales, mais on va le faire de façon très prudente, en nous entendant sur les objectifs.

Ce qu'on constate, et je termine là-dessus, M. le Président, c'est que, dans les régions très éloignées, paradoxalement, il commence à y avoir moins de problèmes que dans les ceintures des villes. On en a des exemples dans l'actualité régulièrement. Alors, il y a peut-être un retour du balancier à faire un peu, surtout dans les zones périurbaines très peuplées, qu'on connaît tous, là, autant à Québec, Portneuf, Charlevoix qu'autour de Montréal. Et on va s'atteler à ça honnêtement et avec beaucoup de volonté d'en venir à une meilleure compréhension avec les fédérations médicales. Mais «assouplissement» ne veut pas dire «désertification», encore une fois, comme c'était le cas auparavant des régions du Québec.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre, comme député pour un comté qui comprend certains de ces enjeux, on va suivre cet échange de près. Alors, ça va mettre fin à notre première séance de trois heures. Merci beaucoup pour la discipline des membres.

Je vais ajourner nos travaux à demain, vendredi le 11 avril, à 9 h 30, à la salle du Conseil législatif, pour suivre l'étude du volet Santé des crédits budgétaires 2008-2009 relevant du ministre de la Santé et des Services sociaux. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 36)


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