(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Kelley): Bonjour, mesdames et messieurs. Je constate le quorum des membres de la Commission des affaires sociales, donc je déclare la séance de la commission ouverte. Je vais rappeler le mandat de la commission: l'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Ménard (Laporte) remplace M. Sklavounos (Laurier-Dorion); Mme Leblanc (Deux-Montagnes) remplace M. Caire (La Peltrie); M. Benjamin (Berthier) remplace M. Roy (Montmagny-L'Islet); M. Turp (Mercier) remplace M. Drainville (Marie-Victorin); et Mme Dionne-Marsolais (Rosemont) remplace Mme Lapointe (Crémazie).
Auditions (suite)
Le Président (M. Kelley): Parfait, merci beaucoup. Nos premiers invités, ce matin, sont les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Mme Carbonneau, bienvenue. Vous êtes une habituée, alors on va vous donner une quinzaine de minutes pour votre présentation, suivie par un échange de 45 minutes avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, Mme Carbonneau.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de l'opposition, écoutez, je vais vous présenter dans un premier temps les personnes qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, François Lamoureux, qui est coordonnateur du Service juridique à la CSN; et Anne Pineau, qui provient du même service.
Alors, très rapidement, je pense que je n'élaborerai pas beaucoup sur la présentation de la CSN, si ce n'est peut-être pour rappeler que nous comptons 300 000 membres, et 52 % d'entre eux sont des femmes. Je pense qu'il y a là quand même un effort important de la part d'une organisation pour tendre la main à celles qui sont en quête d'égalité dans la société, quand on sait que les femmes sont moins nombreuses sur le marché du travail que ne le sont les hommes, encore aujourd'hui, en 2008.
Et je vous dirais que, parmi les organisations syndicales à caractère multisectoriel, c'est notre fierté, on a été la première à assurer une direction tout à fait paritaire entre les femmes et les hommes, et la première aussi des organisations multisectorielles à élire une femme à la présidence.
Or, je vous dirais, d'entrée de jeu, qu'on est un peu déçus de la teneur du projet de loi n° 63. Ce qu'on déplore surtout, c'est la précipitation à agir maintenant, alors que le rapport de la commission Bouchard-Taylor n'est pas encore déposé.
Bien sûr, ça ne fait aucun doute, l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est un fondement de la société québécoise et c'est pourquoi nous croyons fortement que c'est une valeur qui est profondément consacrée à l'intérieur de la charte québécoise actuellement. Or, le projet de loi en débat propose deux ajouts à la charte: un au préambule, l'autre à 49.2. Cette suggestion émane du Conseil du statut de la femme et elle est basée en quelque sorte sur un constat, qui est celui du conseil, à l'effet que la Charte canadienne protégerait mieux les femmes en raison de l'existence de l'article 28 qui stipule qu'au niveau des droits et libertés c'est garanti également aux femmes et aux hommes.
Par ailleurs, quand on jette un regard attentif sur l'avis du conseil, on comprend qu'il y a une explication, qui est très intéressante, du contexte qui a entouré l'adoption de cet article 28. On relate la nécessité effectivement de faire contrepoids aux dispositions de l'article 27, qui auraient pu donner à penser que l'égalité entre les hommes et les femmes était, au niveau de l'interprétation, en quelque sorte subordonnée aux obligations que crée la charte à l'égard de la promotion et de la valorisation du patrimoine multiculturel. Or, il y a eu à l'époque tout un lobby des groupes féminins pour faire introduire cet article 28 et établir très clairement que l'égalité des sexes ne doit pas être atténuée à cause de cet article sur le multiculturalisme.
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(9 h 40)
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Mais rappelons les faits. La charte québécoise ne contient aucune disposition qui fait appel, par exemple, au multiculturalisme. Il n'y a pas d'équivalent à l'article 27 parce qu'il n'y a pas cette référence au multiculturalisme chez nous. Mieux encore, quand on regarde plus en profondeur l'avis du conseil, on s'aperçoit que la démonstration est faite que l'accommodement raisonnable, quand il est bien appliqué, ne permet pas de passer outre au principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Il y a cette notion de contrainte excessive qui automatiquement appelle à une limitation de la liberté religieuse quand ça affecte les droits fondamentaux d'une autre personne dans un niveau plus qu'anodin.
Alors, ça pose toute la question: Qu'est-ce qu'on veut réparer avec ce projet de loi n° 63? Quant à nous, l'égalité entre les hommes et les femmes est garantie adéquatement par les dispositions de la charte québécoise, notamment à son article 10. L'article 10, à notre point de vue, répond pleinement aux exigences du traité de Vienne, qui, à son article 5, parle d'universalité, indissociabilité, interdépendance et de droits qui sont intimement liés les uns par rapport aux autres, place tout le monde sur la même égalité. Je rappelle que le libellé de l'article 10, il va parler du sexe, il va parler de la couleur, de la race, enfin une série de situations pour lesquelles on ne peut pas exercer de discrimination, et tout ça est traité correctement, sur un pied d'égalité.
L'objectif de la loi n° 63, dans ces circonstances-là, nous laisse en quelque sorte un peu perplexes. On croit que la liberté de religion bien sûr ne doit pas compromettre l'égalité entre les hommes et les femmes, mais on croit que c'est la même réalité quand il s'agit des minorités visibles, des homosexuels, des personnes handicapées, bref tous les motifs de discrimination évoqués à la charte québécoise.
Alors, ça pose toute la question: Est-ce que les autres motifs prohibés par la charte seraient en quelque sorte moins bien protégés? Est-ce que ça devrait céder le pas devant la liberté de religion? Bref, ça crée des appréhensions quant à l'interprétation qui peut en être donnée, et on craint que ce soit plus, là, qu'un recours bretelles et ceinture. Je pense qu'il y a quelque chose qui dépasse ça.
L'amendement proposé à cet égard-là, je sais que la ministre a souvent affirmé que, pour vous, c'était une clause interprétative. Je me permets d'élaborer, par rapport aux considérations qu'on vous a soumises par écrit, en rappelant à votre attention la chose suivante: un des amendements que vous proposez, vous proposez de l'ajouter à l'article 49.2 de la charte; or, 49, 49.1 traitent essentiellement d'équité salariale. Le mettre immédiatement après l'équité salariale, moi, je pense que ça ne rétablit pas un véritable statut de clause interprétative. Et, si c'est vraiment l'intention du gouvernement, bien, écoutez, je pense qu'il faut explorer d'autres avenues, et je vais vous faire deux suggestions très concrètes.
53 de la charte est un article interprétatif. Or, pourquoi ne pas y retrouver, à 53.1, le texte que vous suggérez à 49, suivi de l'article 5 de la Convention de Vienne, ces droits indissociables, etc., que j'ai énoncés tantôt, ou encore carrément dans le préambule, en ramenant les dispositions de la Convention de Vienne? Je pense qu'il faut à tout prix clarifier cette question-là et être sûr que ça ne conduit pas à des interventions qui puissent être perverses ou à une quelconque hiérarchisation des droits.
Maintenant, la question qui se pose, c'est aussi de savoir: Est-ce que les amendements proposés constituent en quelque sorte une solution aux problèmes posés par la liberté religieuse dans l'espace public? La réponse de la CSN, elle est toute claire, c'est non. De notre point de vue, les dérapages qu'on a pu observer dans la société relèvent essentiellement d'une chose: le manque d'encadrement dans l'attitude face à l'accommodement raisonnable prise par divers organismes publics. Et je pense que la véritable solution passe par une affirmation du caractère laïque de l'État, une affirmation qui doit s'appuyer sur un débat public au bout duquel résulterait l'adoption d'une charte de la laïcité et qui traduirait en quelque sorte comment cette laïcité s'exprime dans l'espace public. Je pense qu'il faut à tout prix éviter les réponses inégales, anarchiques, à la pièce, et redonner au débat démocratique son importance dans le vouloir-vivre harmonieusement ensemble, en société. Ça n'écarte pas l'adoption d'une charte, le recours à l'accommodement raisonnable. Je pense que ça met par ailleurs un certain nombre de balises qui découlent du débat démocratique, et ça m'apparaît essentiellement sain de procéder ainsi dans la société.
Maintenant, quant à l'objectif qui est énoncé, à savoir une véritable égalité pour les femmes, je vous dirais qu'on en est, à la CSN. On est convaincus qu'il y a beaucoup à faire encore pour que l'égalité de droit rejoigne l'égalité dans les faits. Et, à cet égard-là, si le gouvernement veut véritablement faire un pas de plus vers l'égalité des femmes, bien je pense qu'il faut regarder du côté des droits économiques et sociaux prévus à la charte, et, de ce côté-là, nous faisons nôtre la revendication de la commission de donner un statut différent à ces articles qui distinguent déjà la charte québécoise.
Écoutez, l'égalité, là, c'est d'abord des conditions de vie décentes, c'est l'autonomie financière, c'est le droit au travail, le droit aux loisirs, le droit à l'éducation, le droit au logement. Et ça m'apparaît infiniment plus important de nous déployer sur ces terrains-là que de se limiter strictement à un texte interprétatif.
D'ailleurs, je vous souligne que la politique d'égalité déposée par le gouvernement pousse aussi dans cette direction-là. On peut se donner des exemples. Cette politique constate très clairement qu'il y a des inégalités qui frappent les femmes, par exemple dans le marché du travail. Or, on peut réagir: meilleure politique de conciliation famille-travail. Le champ de la sécurité, l'intégrité physique, l'intégrité psychologique des personnes, c'est extrêmement important. Il y a une mesure simple: promulguer dans la Loi de la santé et sécurité l'ensemble des groupes prioritaires. Actuellement, là, on est enfargés depuis les années 1970, c'est seulement les groupes majoritairement masculins qui reçoivent cette protection-là. Ça n'a pas de bon sens. C'est un exemple de terrain où on peut avancer: l'égalité de traitement des salariés, indépendamment de leur statut d'emploi.
On le sait, c'est les femmes qui sont prises dans la précarité, hein? Alors, de ce côté-là, il y avait d'excellentes suggestions qui étaient faites par le rapport Bernier: bouger, aller dans cette direction-là. Écoutez, le droit à la formation professionnelle, il y a des erreurs à réparer de ce côté-là, hein? Je pense à la loi n° 90 qui a été amendée pour désassujettir la petite entreprise, où il y a beaucoup de femmes, de leur obligation de fournir 1 % de la masse salariale à des fins de formation. Le droit de se syndiquer, corriger l'erreur de la loi n° 7, de la loi n° 8: 25 000 personnes, des femmes en très grande majorité, qui sont se vues retirer le droit à la syndicalisation. Or, je pense vraiment que c'est sur ce terrain qu'il faut aller.
Le droit substantif parfois mérite aussi d'être complété par des lois d'application. On en a un exemple très concret: l'équité salariale, c'est un principe reconnu à la charte dès son adoption. Il a fallu l'adoption d'une loi de mise en application, la loi de l'équité, pour faire un pas de plus. Alors, je pense que ces terrains-là sont infiniment plus prometteurs. Alors, bref, il y a beaucoup trop à faire pour l'égalité, trop à faire pour la lutte à la discrimination pour se contenter de simples amendements à caractère interprétatif. Alors, je m'arrête là pour recevoir vos questions.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour votre présentation. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Juste rappeler la formule: il y a 17 minutes pour les députés à ma droite, 15 minutes pour les députés formant l'opposition officielle et 13 minutes pour les députés du deuxième groupe de l'opposition. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
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(9 h 50)
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Mme St-Pierre: Merci, Mme la Présidente. C'est toujours très intéressant de vous entendre, et vous avez toujours la même fougue. Pour avoir été moi-même syndiquée à la CSN, je sais qu'au sein de la CSN la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est quelque chose de très, très important. Il y a beaucoup de débats là-dessus, il y a beaucoup de luttes qui se mènent, vous le savez très bien, sur cette question.
Vous avez dit tout à l'heure: un simple changement. Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas d'accord avec cette évaluation du changement que nous voulons apporter à la charte. Vous avez également parlé d'une volonté de la commission sur les droits économiques et sociaux. Je pense qu'il n'y a pas eu de déclaration officielle, à ce jour, à cet effet. Il y a eu des questions qui ont été posées par mes collègues de l'opposition, mais il n'y a pas eu, je pense, encore de déclaration très, très claire, politique de faite sur cette question-là.
Je m'interroge un peu sur... Vous semblez trouver que ces changements sont inutiles. Mais en même temps vous semblez parler d'une... de dire que ce serait peut-être nuisible pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Pourtant, les femmes représentent la moitié de la société, et ça ne va pas nécessairement, vos propos, dans le même sens que le Forum des femmes juristes, également le Conseil du statut de la femme, la Chaire Claire-Bonenfant, ces groupes et également la Commission sur l'équité salariale. Ce sont des groupes qui sont venus ici nous dire que les changements que nous voulions apporter sont des changements importants, des changements qui peuvent changer les choses.
Dans le cadre des relations de travail, est-ce que ce changement-là, vous pourriez l'invoquer? Cette nouvelle formulation là, qui est présentée maintenant, là, est-ce que ce serait un outil supplémentaire pour un syndicat aussi... ou les syndicats en général?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, d'abord une précision. Évidemment, là, une présentation aussi courte, ça nous force à faire des raccourcis. Quand j'évoquais la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, je ne parlais pas d'une déclaration publique récente, mais je parlais d'une grande déclaration, qu'ils ont sortie à l'occasion de leur 25e anniversaire, qui faisait un peu le bilan de cette charte et qui appelait à donner un autre statut aux droits économiques et sociaux. Or ça, c'est une première réalité.
Quant à votre question, moi, je vais vous dire, c'est clair qu'on a besoin d'instruments comme les chartes en milieu de travail, et on y a souvent, souvent, eu recours, hein, à la fois pour déposer des plaintes. Ça a été un levier important, notamment pour la CSN, pour obtenir la Loi sur l'équité salariale. On avait des plaintes qui étaient très, très vieilles. On n'a jamais hésité à avoir recours à ça. Mais je vous dirais que jamais la charte québécoise, dans sa formulation actuelle, la formulation de l'article 10, qui place sur un pied d'égalité la couleur, le sexe, la grossesse, etc., l'énumération est fort longue... elle place très clairement cette question de ne pas exercer de discrimination à l'égard des femmes. Pour nous, le libellé a toujours été, à cet égard-là, parfaitement satisfaisant pour faire valoir des droits. Et on ne voudrait pas, pour rien au monde, qu'on recule là-dessus. Mais notre prétention, c'est que la charte couvre déjà très correctement ces choses-là.
Écoutez, moi, je ne tiens pas, là, à ce qu'on fasse un débat à n'en plus finir sur: Faut-il amender ou pas? Ce que je souhaite, c'est qu'on passe aux idées qui sont le plus porteuses pour l'avenir. Et ça, c'est les droits économiques et sociaux. Et ça, c'est une charte de la laïcité.
Entre temps, par ailleurs, il y a une chose qui m'apparaît majeure, c'est d'inclure très clairement dans le projet de loi qui est en débat le caractère interprétatif des dispositions que vous voulez ajouter. Et, de ce côté-là, là, je vous dis: 49.2, c'est, de notre point de vue, une erreur. Accoler ça, là, aux dispositions de l'équité salariale...
Écoutez, je blaguais, là, avec les gens autour de moi, puis vous parliez, là, du vécu en milieu de travail, je me voyais retourner dans mon milieu de travail puis me faire dire par une gang de gars dans un métier: Bon, bien là, maintenant, si c'est l'égalité entre les sexes, ça se peut-u qu'on relève les salaires des groupes majoritairement masculins? Et là tu recommences: Équité salariale 101. Non, non, mais ce n'est certainement pas là qu'il faut mettre ça. Si on considère que c'est une clause interprétative, il faut placer ça au moins ailleurs, préambule ou 53, de ce côté-là... de ce côté-là, de grâce, là! Anne?
Le Président (M. Kelley): Mme Pineau.
Mme Pineau (Anne): Peut-être pour compléter...
Mme St-Pierre: C'est parce que j'ai des questions à poser aussi.
Mme Pineau (Anne): Juste pour compléter. Le danger qu'on craint, c'est que le contexte dans lequel on adopte actuellement, ou on adopterait, 49.2, c'est le contexte des accommodements raisonnables. On semble laisser entendre qu'il y a une menace qui plane, O.K., du fait de l'accommodement raisonnable, qui pourrait porter atteinte au droit à l'égalité des femmes.
Or, la façon dont la notion d'obligation d'accommodement s'est élaborée au fil des ans, particulièrement en droit du travail, c'est là qu'elle est née, cette notion-là, c'est une notion qui a son contrepoids, qui est la contrainte excessive. L'accommodement raisonnable vaut jusqu'à la contrainte excessive, et la contrainte excessive existe dès lors que les droits de quelqu'un d'autre sont touchés de façon plus qu'anodine, et pas, pas seulement les droits fondamentaux des autres, tous les droits que peut posséder quelqu'un d'autre, même des droits conventionnels. En droit du travail, c'est les droits de la convention collective qu'on va opposer à l'obligation d'accommodement. Et, si l'accommodement implique une contrainte excessive pour les salariés quant à leurs droits contractuels, eh bien, à ce moment-là, il va y avoir contrainte excessive.
Donc, accorder une espèce de parapluie ? c'est le mot que vous avez utilisé beaucoup dans cette commission-là ? pour le droit à l'égalité des femmes, n'est-ce pas dire que les autres qui auraient peut-être besoin de ce parapluie-là ne l'auront pas? C'est là le danger que l'on craint. C'est ça qu'on veut éviter de laisser entendre. Nous, on ne pense pas que l'obligation d'accommodement puisse porter atteinte au droit à l'égalité, mais, si vraiment vous pensez qu'il puisse le faire, à ce moment-là, il faut assurer une protection qui soit applicable à tous les droits à l'égalité qui sont prévus à la charte.
Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Bon. J'essaie de concilier, et je vais probablement réussir à y arriver, la notion de simple changement avec danger, mais, bon, enfin.
Sur la question du mordant que ces changements pourraient apporter, la semaine dernière, Mme Marchand, de la Commission de l'équité salariale, disait: «Loin d'en écarter la pertinence, l'importance d'une modification de la charte québécoise apparaît plutôt de nature à donner un nouveau souffle à ceux et celles qui recherchent la pleine égalité entre les sexes au sein d'une collectivité qui l'a déjà intégrée dans son tissu social.» Alors, ça m'étonne un peu, vos commentaires par rapport à ces changements.
Sur la question des droits économiques et sociaux, j'aimerais citer M. Henri Brun, la semaine dernière, qui disait: «Par nature, les tribunaux sont là pour arrêter l'État, pour arrêter le gouvernement, arrêter le législateur au nom de certaines balises, prenant pour acquis qu'on ne puisse pas faire n'importe quoi pour le bien commun sur le dos des individus.» Et je pense que ce serait donner aux tribunaux ce pouvoir-là. Il a dit: «Je pense que ce [serait un] miroir aux alouettes. [...]Pour moi, [le] droit à la santé, le droit au travail, le droit à l'éducation, ça ne peut pas être sérieusement mis en oeuvre par les tribunaux. [...]mais je pense que, pour ce qui est de l'essentiel, ce n'est pas vrai que le progrès social va se faire par ordonnance judiciaire.» J'aimerais que vous réagissiez à cette opinion.
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez, sur l'essentiel, il y a beaucoup de ces éléments-là que je partage, O.K., et je vais vous dire que c'est d'ailleurs dans cette foulée-là que vous devez comprendre l'insistance qu'on met sur une charte de la laïcité, O.K.? Ça a le mérite de ramener dans le débat public, de ne pas juste laisser aux tribunaux le soin d'apprécier comment concilier les valeurs dans une société démocratique, les façons de faire, la façon d'organiser la vie en société et les droits individuels. Or, en ce sens-là, je pense que, tu sais, le gouvernement des juges, là, je n'en rêve pas en me couchant le soir, je peux vous assurer de ça.
Par ailleurs, par ailleurs, il faut comprendre pour ce qu'elles sont les pistes de suggestion que met de l'avant la CSN. Je pense qu'il y a un minimum de choses qui sont dans les droits économiques et sociaux et qui peuvent avoir leur utilité, exactement comme ça a eu une utilité pour les femmes quand, dans les années soixante-dix, la charte québécoise est venue dire «discrimination salariale fondée sur le sexe, pas le droit». «Salaire égal pour travail équivalent, c'est la règle.» Ce n'était pas suffisamment clair. Il a fallu attendre presque 20 ans plus tard pour obtenir une loi d'application. Et c'est pourquoi, dans les suggestions de la CSN, on dit: C'est important, un texte de droit qui inscrit des choses fondamentales. C'est de cette nature-là que sont les droits économiques et sociaux, mais c'est clair qu'il y a de la place pour du débat public et surtout pour d'autres types de lois. Et, dans les suggestions que je vous ai faites, tu sais, faites disparaître 7 et 8 ou amendez-les. Quand je vous dis: Faites quelque chose sur la formation professionnelle, faites quelque chose sur la conciliation famille-travail, faites quelque chose sur les statuts d'emploi et les inéquités de traitement, tout ça, là, ce n'est pas de l'ordre d'une charte et ce n'est pas de l'ordre des droits économiques et sociaux tels qu'ils sont énoncés dans la charte. François, en complément?
n(10 heures)nM. Lamoureux (François): Alors, pour ajouter, Mme la ministre, aussi, en même temps, c'est concernant les droits économiques et sociaux, il faut aussi, en même temps, de plus en plus tenir compte de ce que la Cour suprême nous disait dernièrement, au mois de juin dernier, en disant: De plus en plus, il faut que les Parlements, il faut que les institutions tiennent de plus en plus compte des normes internationales et des pactes internationaux pour faire évoluer aussi notre droit interne. Et le pacte international relatif aux droits économiques et aux droits sociaux, c'est un pacte qui... assez extraordinairement, le gouvernement du Québec a accepté d'être lié par ce pacte-là, par décret du Conseil exécutif en 1976.
Et c'est important de rappeler que tout de même il faut qu'on puisse tenir compte des observations de l'ONU, entre autres, qui, le 22 mai 2006, condamnait le gouvernement du Québec et le Canada d'absence de loi reconnaissant expressément les droits économiques, sociaux et culturels, l'absence de droits de réparation pour les particuliers, etc.
Donc, c'est important aussi que le Québec s'arrime aussi, en même temps, avec ce qui existe ailleurs et qui n'est pas désincarné de la réalité internationale. Et en ce sens-là, dans les pistes de suggestion de la CSN, c'est: Oui, travaillons à faire en sorte d'inscrire les droits économiques et sociaux vraiment protégés pour faire en sorte qu'il ne puisse pas y avoir d'autres lois adoptées par l'Assemblée nationale qui vont primer sur l'ensemble de ces droits-là. Mais pouvons-nous par ailleurs y aller de façon modulée, avec des lois d'application, comme Mme la présidente de la CSN le disait, et graduellement et tranquillement? On n'est pas obligés d'arriver, demain matin, à un ensemble de dispositions clés sur la table. Voilà.
Mme St-Pierre: Je poursuis sur la question, toujours, des droits économiques et sociaux. Je retiens votre phrase, Mme la présidente, «le gouvernement des juges, je n'en rêve pas», c'est intéressant, et surtout permettez-moi aussi de vous dire, maître, que la tendance internationale, il y a des réticences de la plupart des États de laisser les tribunaux décider, décider à la place de la démocratie.
Sur la question des relations de travail, la charte peut être invoquée, vous l'avez probablement souvent fait, là, en termes de relations de travail, par un syndicat contre un employeur, par exemple une PME, pour réclamer des conditions de travail plus justes, plus raisonnables. Pensez-vous qu'on devrait laisser ces enjeux d'envergure aux tribunaux? Est-ce que ce n'est pas le rôle de la démocratie? Est-ce que ce n'est pas l'exercice de la démocratie?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez, à cet égard-là, là, vous savez, comme toutes les questions un peu complexes dans la vie, là, ce n'est pas les bons d'un côté, les méchants de l'autre. Il me semble que c'est un mélange un peu de tout ça. Et il y a de la place pour le débat démocratique et il y a de la place aussi pour les traités, les grands énoncés de droit. Je pense que ça a eu une place importante dans l'histoire des civilisations, et je n'en parle pas qu'au passé. Mais, quand vous dites: On ne peut pas s'en remettre aux tribunaux, il faut, par exemple, que la démocratie... un des lieux où s'exerce la démocratie, c'est, entre autres, les Parlements. Moi, je vais vous dire, il y a des fois où les tribunaux ont forcé la concentration d'un certain nombre d'élus, ça, je pourrais vous sortir une longue liste d'expériences, là, et puis il y a d'autres fois où effectivement la loi est un peu en retard sur ce qui se passe dans la société. Alors, c'est un peu un équilibre entre tout ça. Ce n'est pas, là, tout dans une direction et rien dans l'autre. Anne.
Mme Pineau (Anne): Pour compléter. Vous avez inscrit votre intervention, le 13 février dernier, Mme la ministre, dans l'optique de répondre au Programme d'action de Beijing et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Or, dans cette convention, il y a de multiples droits économiques qui sont reconnus. Vous avez le droit au travail, vous avez le droit à la formation professionnelle, vous avez le droit à la sécurité sociale, aux prestations de retraite, à la protection de la santé et sécurité, des conditions de travail, la fourniture de services sociaux, d'appuis nécessaires, des mesures de conciliation travail-famille. C'est toutes des dispositions ou des mesures que la convention engage les États à adopter pour assurer l'élimination de toutes les formes de discrimination. Donc, je pense qu'on est exactement dans cette optique-là avec le mémoire qu'on vous présente.
Le Président (M. Kelley): Dernière question.
Mme St-Pierre: Alors, je vais terminer là-dessus, et je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup d'actions qui ont été prises par le gouvernement pour améliorer les droits économiques et sociaux.
Dernière question, je pense que ça peut amener une courte réponse: Est-ce que vous avez consulté vos instances sur ce projet de loi là? Est-ce que vous avez eu des résolutions de vos instances? Comment ça s'est passé sur le plan, justement, de la démocratie?
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, il n'y a aucun mémoire qui est déposé par la CSN qui ne reçoit pas au départ la sanction des instances appropriées. Et, je vous dirais, compte tenu du caractère un peu névralgique de la question, il y a eu, mon Dieu... notre instance la plus large entre les congrès a eu à aborder toute la question des accommodements raisonnables, charte de la laïcité, droits des femmes, là-dedans. Alors, tout ça, ça a été fait. Je pense que ça a été abordé à trois reprises, et on a réuni le réseau de condition féminine, on a refait le point avec elles en disant que, sur la consultation, là, c'est tout à fait, tout à fait exemplaire.
Alors, vous me permettrez, tantôt, d'apporter un exemple, quand je parlais du caractère nécessairement dynamique entre le législatif et l'exécutif... et le judiciaire, j'entends. Écoutez, on peut supposer, en revenant sur des exemples récents, si le droit d'association n'avait pas été reconnu dans la charte, là, est-ce qu'on peut penser qu'on aurait eu le jugement qu'on a eu sur la loi n° 30, dans le secteur public? Je pense que poser la question, c'est y répondre. Alors, un aide l'autre.
Mme St-Pierre: Juste quelques secondes. Est-ce que je me trompe, mais vous avez une représentante de la CSN au sein du Conseil du statut de la femme?
Mme Carbonneau (Claudette): Plus maintenant, plus maintenant.
Mme St-Pierre: C'est la FTQ qui l'a.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui.
Mme St-Pierre: O.K.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, merci. Écoutez, connaissant quand même la CSN comme étant très, très active dans notre société, votre mémoire l'est tout autant. Vous avez parlé dès le départ, et ça a été la dernière question aussi à la ministre, on comprend... vous dites: 300 000 membres, donc 52 %, on parle de 160 000 femmes. On comprend aussi, également, que, lors des consultations, là, avant de déposer ce mémoire-là, il y a également eu des hommes aussi qui ont également exprimé leurs opinions, c'est bien évident. Donc, ce n'est pas peu dire, en fait d'association. Vous le savez, on a quand même... à un moment donné de la commission, on a peut-être minimisé, vous savez, le fait que vous représentiez... et s'assurer que vous étiez bien représentatifs de vos membres, et je n'en doute même pas.
Vous avez parlé... et puis, je ne sais pas, est-ce que c'est face à ça... Au départ, vous avez parlé quand même à quelques reprises de multiculturalisme. Vous semblez être inquiets, vous savez, face au projet de loi n° 63 et le multiculturalisme. Pouvez-vous élaborer un petit peu plus face à...
Mme Carbonneau (Claudette): Non, de fait ce n'est pas une inquiétude, là, c'est un retour un peu dans l'histoire. Parce qu'on part de la prémisse suivante, on nous dit: Il faut amender la charte québécoise parce qu'elle protégerait moins bien les femmes que la Charte canadienne. Alors, ça te force à regarder ce que dit la Charte canadienne et à revenir sur l'histoire. Pourquoi est-ce que la Charte canadienne le dit comme ça? Parce que, dans la Charte canadienne, il est question de maintenir, préserver, promouvoir, valoriser le patrimoine multiculturel. Et là, au moment où ça a été adopté, il y avait beaucoup d'inquiétudes des groupes de femmes à l'intérieur du Canada qui disaient: Oui, mais, si le multiculturalisme... Est-ce que ça nous amène à penser que dans des sociétés les droits des femmes sont moins bien protégés? Ça va-tu être... et affaiblir, si on veut, l'égalité entre les femmes et les hommes? Et là elles ont exigé et obtenu l'article 28, qu'on veut ramener dans la charte québécoise. Et ça, je ne conteste pas ça, c'est l'histoire de la Charte canadienne.
Ceci étant, la charte québécoise, elle ne parle pas de multiculturalisme. Donc, tu ne sens pas au départ cette urgence d'établir le même contrepoids, hein? Elle place toute une série de conditions à l'égard desquelles il ne faut pas exercer de discrimination: la race, la couleur, le statut civil, le handicap, le sexe, etc. Donc, il n'y a rien qui appelle à faire ce genre de contrepoids là. Alors, je mets tout simplement en garde la commission contre une importation qui ne tienne pas compte du contexte qui a amené la Charte canadienne à avoir ces dispositions-là.
Mme Leblanc: Merci. Puis, écoutez, vous avez parlé également de la commission Bouchard-Taylor. On sait qu'il y a quand même un lien avec le projet de loi présent. Puis quelques groupes, et ils étaient quand même... c'était peu, ont dit qu'on aurait dû... on devait faire ce premier pas là, pour ensuite, vous savez, davantage se pencher sur ce que dira la commission Bouchard-Taylor. Quel est votre avis à l'intérieur de ça?
n(10 h 10)nMme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, mon avis, c'est qu'honnêtement l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas menacée à cause des faiblesses de la charte, elle est menacée par plein d'autres réalités. Elle mériterait d'être soutenue autrement, mais certainement pas à cause de la charte. Et, par-delà l'opinion de la CSN, on peut-u me sortir deux ou trois jugements, des faits réels et avérés dans la société québécoise qui démontreraient que la faiblesse de la charte a été à l'origine d'une dégradation du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes? Je pense qu'on aurait de la difficulté à faire cette démonstration-là.
Et, moi, je pense qu'on n'a pas à établir une première marche pour passer à la deuxième. Notre prétention, c'est que, dans la défense des droits fondamentaux, l'égalité hommes-femmes a une place de choix, et c'est tout à fait correct qu'il en soit ainsi, là. On ne remet pas ça en cause.
Mme Leblanc: D'accord, merci. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance, c'est le Mouvement laïque québécois, vous savez, qui est venu présenter une charte. Est-ce que vous en avez pris connaissance? Est-ce que ça correspondrait un petit peu avec votre vision ou... Avez-vous d'ailleurs élaboré une charte, actuellement? Parce que vous parlez beaucoup...
Mme Carbonneau (Claudette): Ah, écoutez, on a abordé cette question-là devant la commission Bouchard-Taylor. Honnêtement, là, je n'ai pas suivi à la lettre les représentations qu'a pu faire le Mouvement laïque à cet égard-là. Si vous le souhaitez, je peux vous donner un peu les grandes balises de ce qu'on appelle, nous, à la CSN, une charte de la laïcité.
Alors, je pense qu'il faut d'abord affirmer haut et fort que la société québécoise et son État sont un État laïque, O.K.? Je pense que la laïcité est là pour au fond garantir les meilleures conditions de coexistence de toutes les religions, être une société beaucoup plus diversifiée, beaucoup plus plurielle. Et, de ce côté-là, on doit commencer à prévoir un certain nombre de réalités, pas de service séparé pour les femmes et les hommes. On pourrait avoir un préambule qui rappelle comme valeur de fond l'égalité entre les hommes et les femmes. On pourrait tout simplement prendre position par rapport au voile intégral puis dire que c'est inadmissible parce que ça ne découle pas de l'observance stricte de quelque religion que ce soit. Et ensuite ça suppose tout un débat public à faire sur comment doit s'exprimer dans l'espace public cette laïcité.
Alors, tu sais, tout le débat: Qu'est-ce qu'on fait avec les clientèles?, nous, on pense que les clientèles, elles sont de diverses origines, elles doivent pouvoir librement manifester leur appartenance à une religion. C'est important que les services publics soient prévus comme étant un service de toute la population. Bon, il faut-u des codes particuliers pour les représentants de l'État? Peut-être qu'il faut regarder ça en fonction des responsabilités que les gens occupent, là. Peut-être que ce n'est pas la même chose, travailler comme téléphoniste au ministère du Revenu et être juge, quant au port de signes religieux, là, hein? Alors, bon, c'est ce genre de débats de société que l'adoption d'une charte rappelle. Alors, en ce sens-là, là, je vous laisse apprécier si ça rejoint le Mouvement laïque. François, en complément?
M. Lamoureux (François): Pour ajouter. Sur le plan juridique, la grande différence, c'est qu'un amendement adopté, comme 49.2, qui n'encadre pas ou... Prenons pour acquis qu'il n'y a pas de charte de la laïcité où nous allons baliser vraiment la place de la religion dans l'espace public. Évidemment, on ne peut pas tout baliser, mais on pourrait baliser beaucoup de situations qui sont arrivées et qu'on a eu connaissance par les médias. Dans la mesure où qu'on a 49.2 uniquement, on y va avec chacun des cas à la pièce, chacun des cas qui vont être portés devant les tribunaux, avec aucune vue d'ensemble pour régler la vraie problématique. Et on n'a pas fini: si on ne règle pas, on n'encadre pas le débat de la place de la religion dans l'espace public juridiquement, ces débats-là vont se retrouver inévitablement à la Cour suprême. Et, avec une disposition telle que 49.2, qui peut laisser place à beaucoup d'interprétations, parce qu'on dit... certains prétendent que ça hiérarchise, certains prétendent que ça a des effets nuls, mais c'est les juges qui vont trancher le débat au lieu que ce soient vraiment les parlementaires. Voilà.
Mme Leblanc: Puis votre charte de la laïcité, est-ce que ça pourrait être intégré en annexe à la Charte des droits et libertés ou est-ce que ça pourrait être une éventuelle constitution pour le Québec qui serait écrite de manière non partisane?
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, moi, je pense, si vous voulez un modèle, là, qui existe, qu'on connaît puis qui est familier à tout le monde, c'est un peu... Il y a une charte de la langue française, alors on voit un instrument juridique qui aurait un peu la même valeur. Il ne s'agit pas de le substituer à la charte, c'est un instrument de plus. Et je pense que la meilleure analogie, c'est la Charte de la langue française.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Masson.
Mme Grandmont: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Charbonneau. J'ai lu votre mémoire avec intérêt. Quand on parle: La véritable égalité passe par l'autonomie financière, la lutte à la pauvreté et la politique gouvernementale pour l'égalité entre les hommes et les femmes, moi, je me demande comment on peut davantage les aider à concilier le travail-famille pour leur donner une meilleure qualité de vie. Quelles sont vos suggestions que vous auriez à proposer pour aider ces gens-là?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, il y a eu des pas de faits au plan de la conciliation famille-travail au Québec, je vais vous dire, l'offre de service de garde est quelque chose d'extrêmement précieux. Bon. La législation, par exemple, sur les congés parentaux est aussi une pièce très précieuse. Là où le Québec a du retard, à mon sens, c'est dans les milieux de travail, tout ce qui est en périphérie, hein? La garde payée quand tu es en congé, on a fait des pas, on se classe bien, là, dans l'environnement nord-américain, par rapport à ça, mais, en milieu de travail, je vais vous dire, il y a beaucoup, beaucoup de choses qui peuvent être faites.
Et je pense qu'il faut être réaliste, il faut se méfier, là: j'ai la solution universelle, là, ça s'appelle telle mesure, puis, à partir de ça, tous les problèmes sont réglés. C'est faux. La vie est plus compliquée que ça. Et, nous, ce qu'on a déjà suggéré à cet égard-là, c'est l'adoption d'une loi-cadre sur la conciliation famille-travail, où au fond employeurs et salariés devraient être tenus de se rencontrer, de s'entendre sur les balises d'une enquête à mener à l'intérieur de l'entreprise. On peut-u recenser c'est quoi, les réalités, c'est quoi, l'âge du monde, ils ont-u des enfants, c'est-u plus des parents vieillissants, c'est quoi, leurs problèmes, qu'est-ce qui pourrait les soulager, et qu'à partir de ça il y ait un dialogue réel et une obligation de résultat, de s'entendre sur un certain nombre de mesures? Ce n'est pas sorcier, ça. Ce n'est pas du mur-à-mur, mais c'est une façon concrète de dire: On poigne la balle au bond et on les solutionne, nos problèmes.
Et c'est à l'intérieur des milieux de travail qu'il faut maintenant trouver des mesures, pas en périphérie, pas uniquement en multipliant les congés ou en offrant des services de garde, il faut trouver des mesures à l'interne. Il y a aussi toute une gamme de services, qui sont parfois offerts par les employeurs, qui peuvent soulager tantôt les hommes, tantôt les femmes qui ont des responsabilités à l'égard de la conciliation famille-travail, qui peuvent aussi s'avérer être des solutions adéquates. Anne.
Mme Pineau (Anne): J'ajouterais à ça notamment la question de l'obligation de faire des heures supplémentaires jusqu'à concurrence de 50 heures. On avait soumis notre désapprobation à cet égard-là lorsqu'il y a eu les modifications récentes de la loi des normes. Donc, dernièrement, on a modifié la loi des normes pour prévoir un plafond; c'est quand même un plafond de 50 heures. Et c'est très difficile pour des femmes, surtout monoparentales, qui ont des jeunes enfants de pouvoir réussir à concilier travail-famille avec une obligation éventuelle de faire au moins 50 heures de travail avant de pouvoir dire: Non, c'est assez.
Vous avez toute la question de l'obligation d'accommodement, qui n'est pas encore ancrée dans le milieu de travail, relativement au fait d'avoir des enfants. Pourtant, le fait d'avoir un enfant fait partie de l'état civil. On devrait concilier... On devrait appliquer l'obligation d'accommodement dans les milieux de travail pour tenir compte qu'un horaire puisse être assoupli pour tenir compte du fait que quelqu'un doit aller porter l'enfant à la garderie ou aller le rechercher. Et ça, c'est très difficile, à l'heure actuelle, de faire ancrer ça dans la jurisprudence arbitrale.
Vous avez toute la question des heures d'ouverture des commerces, O.K., qui obligent à travailler souvent la fin de semaine sans qu'on puisse dire non. Là aussi, on ne facilite pas la question de la conciliation travail-famille.
Le Président (M. Kelley): Deux minutes.
Mme Leblanc: Bien, écoutez, juste peut-être en terminant, si on adoptait une charte de la laïcité, bon, on sait comment c'est long, on a l'exemple de l'équité salariale, vous savez, c'est tout, hein... tout un tournant qu'on doit prendre dans notre société, comment vous le voyez dans cinq, 10, 20, 25 ans, pour les femmes, concrètement, là? C'est qu'est-ce qui va être le plus tangible, selon vous?
n(10 h 20)nMme Carbonneau (Claudette): Qu'est-ce qui pourrait, dans la prochaine décennie, faire la plus grande différence par rapport aux femmes? Ah, mon Dieu! il y a beaucoup de terrain sur lequel se déployer. Mais, moi, je crois encore que c'est consolider leur droit au travail, que c'est consolider leur autonomie financière. Je pense que c'est là-dedans qu'on retrouve possiblement les éléments les plus porteurs. Là, ça nous amène à une variété de sujets, on vient d'en aborder un, alors la conciliation famille-travail en était un.
Moi, je vous dirais, là, dans la société d'aujourd'hui, il y a quelque chose sur lequel on ne cible pas assez. Notre législation du travail, là, on se comporte comme si on était au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, comme si tout le monde travaillait à temps complet, de 9 à 5, du lundi au vendredi. Ça n'a pas de maudit bon sens. Ce n'est pas ça, la réalité. C'est de moins en moins ça, et particulièrement pour les femmes.
Et, moi, je vais vous dire, s'il y a une revendication que je considère qui est un impératif de justice, ce serait de donner suite par voie législative à l'interdiction de discrimination en fonction du statut d'emploi. Trouvez-vous ça normal, parce que vous travaillez à temps partiel, vous n'avez pas droit à des assurances, hein, pour vos médicaments, vous n'avez pas droit à une assurance vie, vous n'avez pas droit à un fonds de pension? Bien sûr, là, si vous travaillez à mi-temps, je ne m'attends pas à ce que la contribution de l'employeur soit la pleine contribution, mais elle pourrait être proportionnelle au temps que vous y versez. C'est archaïque d'agir comme ça encore dans la société d'aujourd'hui. Alors, c'est un exemple très concret, là, très, très tangible. Ça fait des années qu'on pousse là-dessus. Et ça, ça touche des milliers de femmes dans la société québécoise.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.
Mme Carbonneau (Claudette): Et de jeunes, hein? On s'est déployés à cet égard-là en disant: On va combattre les clauses orphelin. Et j'en étais et j'en suis toujours. Mais, moi, je vais vous dire, la discrimination fondée sur le statut d'emploi, là, c'est: tu es orphelin jeune puis tu es orphelin longtemps, tu es orphelin toute ta vie, quand tu es femme, avec ça, là.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Maintenant, je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, Mme Charbonneau, et bienvenue à vous. Je suis très contente de suivre ce dernier commentaire, parce qu'on a énormément de préjugés; moi, je viens du monde industriel, plutôt patronal, puis on a beaucoup de préjugés sur l'impact des organisations syndicales sur l'évolution de la société québécoise. Et je pense qu'essentiellement, historiquement, les organisations syndicales ont aidé à faire avancer le Québec. Évidemment, leurs membres étaient des hommes, alors nos lois du travail reflètent ça, c'est historique, et l'enjeu de notre avenir collectif repose en notre capacité de les faire évoluer pour que la valeur ajoutée non seulement des femmes, mais aussi des hommes, aujourd'hui... Parce que le sens de la famille a évolué, et la compréhension du rôle parental... maintenant il est partagé, je dirais, d'égal à égal entre les parents, qu'ils soient mariés ou pas, là, c'est la responsabilité parentale qui est en jeu. Et je souhaiterais qu'on commence à en parler plus au niveau même des élus, mais aussi dans la société, pour permettre un dialogue intelligent et justement faire avancer la cause des femmes, puisque c'est ça qui nous préoccupe aujourd'hui.
Vous dites, si je comprends bien, puis je veux juste... Moi, je ne suis pas avocate et puis je me fie à mes collègues qui sont beaucoup plus compétents que moi là-dedans, mais il y a des choses quand même que je comprends, là, dans l'évolution de ce qu'on fait sur ce projet de loi là. Ce que je comprends, puis vous l'avez répété, je le répète encore parce que je pense que c'est important: la valeur ajoutée du projet de loi n° 63, sur le fond, elle peut exister, mais dans la mesure où ces améliorations-là sont bien placées dans la charte que l'on veut réviser, là; vous avez parlé, dans les articles 50, plus, là, pour un article interprétatif. Bon. Vous avez aussi mentionné qu'il y avait beaucoup d'améliorations à apporter, et, je dirais, pour une ministre qui voudrait faire sa marque, il y a un très beau chantier à l'égalité. Et vous avez mentionné les droits économiques et sociaux, la charte de la laïcité.
Nous aussi, de ce côté-ci, on déplore d'étudier ce projet de loi là alors que la commission Bouchard-Taylor n'a pas terminé son travail. C'est malheureux parce qu'on aurait pu profiter de cette occasion-là pour aller un petit peu plus loin dans l'affirmation de certains obstacles qui se présentent à nous.
Si je comprends bien, si on mettait cette notion d'égalité, vous parlez de l'article 52, je crois, mais ça pourrait être dans les autres, là, tous ceux qui sont effectivement interprétatifs. Mais j'essaie de regarder comment, à cette étape-ci, dans les droits économiques et sociaux... Si on avait, disons, trois priorités à mettre de l'avant, à votre avis, considérant, là, l'avenir, là, social, là, dont on a parlé tout à l'heure, que je vois aussi... Puis je suis certaine que tout le monde ici voit ce qui s'en vient, là. Si on voulait, de manière avant-gardiste, établir des conditions qui permettraient justement l'émergence de nouvelles conditions de travail... Et je trouve que les conditions économiques, c'est certainement la base. Pour être de cette génération-là, la liberté des femmes commence le jour où elles ont la capacité de choisir et leurs achats, et leurs dépenses, et leur mode de vie. Donc, quelles seraient les trois priorités, là? Peut-être qu'il n'y en a pas trois, là, mais, moi, j'essaie de... je me dis: Si, moi, j'étais responsable de ce dossier-là au gouvernement et puis comme députée, je voudrais apporter une contribution, là, qu'est-ce que j'ajouterais, qu'est-ce que je préciserais à cette étape-ci de notre évolution?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez, vous me ramenez sur le terrain des droits économiques et sociaux. La charte est déjà assez bien pourvue à cet égard-là. Je pense qu'il faut changer leur statut, il faut leur donner préséance, et on n'est pas obligé de le faire pour tous en même temps. Si vous me demandez de faire une évaluation de ce que je pense qui aurait le plus d'impact sur les femmes, je vous dirais: 45, assistance financière, hein, assistance financière, ça, ça m'apparaît assez important, mesures d'aide à la famille, mesures sociales, pour assurer un niveau de vie décent. Je pense que les femmes, malgré, hein... elles sont beaucoup plus scolarisées qu'avant, elles sont plus présentes à cet égard-là, plus performantes à l'école, et ça n'a pas changé sur le fond cette inégalité fondamentale. Alors ça, là, pour moi, c'est majeur.
Le deuxième, tout ce qui a trait à 46: conditions justes de travail et droit à la santé, à la sécurité, hein? Le travail, c'est encore, dans la société québécoise, le meilleur rempart que tu puisses avoir contre la pauvreté. C'est aussi un lieu d'intégration sociale. C'est aussi un lieu de réalisation de soi qui contribue aussi à l'estime des personnes. Alors, mes deux premiers, là, seraient ces deux-là.
Évidemment, tout ce qui regarde la gratuité de l'instruction, c'est quelque chose d'important, mais c'est peut-être le terrain sur lequel, à la faveur de la Révolution tranquille, de la mise en place des cégeps, de la réforme Parent, ça a été une ouverture, une démocratisation qui a bien servi les femmes québécoises. Alors, peut-être, en regard des femmes, c'est peut-être le troisième, mais les deux premiers, là, c'est majeur.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, merci, M. le Président. Merci pour votre présence ici, en commission, aujourd'hui, pour votre mémoire. Une toute petite remarque. Dans votre mémoire, à la page 7, vous évoquez l'existence d'une convention de Vienne, qui n'en est pas une, parce que c'est la Déclaration de Vienne qui a été adoptée, là, par une grande conférence des Nations unies sur les droits de l'homme, et, pour être très, très rigoureux, là, il y a une différence entre un traité, une convention puis une déclaration. Mais c'est important, comme l'ont fait d'autres avant vous, de remarquer qu'il y a des droits qui sont indissociables et qu'il y a des objections à la hiérarchisation qu'on peut fonder sur cet article de la Déclaration de Vienne.
Par ailleurs, je l'ai déjà mentionné dans cette commission, l'article 49.2 n'est pas rédigé comme une clause d'interprétation. Et vous souhaitez qu'il y ait une clause d'interprétation. C'est une clause de sûreté, comme le disait le Conseil du statut de la femme, une clause de garantie qui n'est pas vraiment formulée comme une clause d'interprétation, et plusieurs ont souhaité qu'elle le soit. Et donc il faudrait modifier la formulation pour qu'il s'agisse vraiment d'une clause d'interprétation.
n(10 h 30)n Et, quant à l'endroit où elle devrait se situer, je suis un peu d'accord avec vous qu'elle devrait être après 51, parce que c'est deux clauses d'interprétation, 50 et 51. Puis 52, c'est la clause de dérogation, de suprématie et de dérogation de la charte. Et on retombe à l'interprétation à 53. C'est curieusement rédigé, la charte, dans cette partie; il y aurait des choses à améliorer dans la séquence des articles. Mais, si on voulait vraiment donner une place appropriée à une clause d'interprétation, ce serait après 51 plutôt qu'après 52, et on s'éloignerait de la clause sur l'équité salariale, puis ça, je pense que ça répondrait à une de vos objections.
Mais, vous savez, vous soulevez un très bon point en laissant entendre que, notamment lorsqu'il s'agira d'encadrer l'obligation d'accommodement raisonnable et de s'interroger sur la contrainte excessive, là, la contrainte excessive et l'obligation d'accommodement pourront être examinées à la lumière de l'égalité de l'homme et de la femme mais aussi de la laïcité des institutions publiques, à la lumière de questions comme la prédominance de la langue française. Et c'est la raison d'ailleurs pour laquelle, nous, dans les deux projets de loi qu'on a déposés au mois d'octobre dernier, on a proposé une clause qui semble répondre davantage à vos préoccupations globales pour ce qui est de l'obligation d'accommodement raisonnable. Je vous lis la clause que nous avions incluse au projet de loi sur l'identité, qui proposait une modification de la charte, d'inclure, à 50.1 dans notre cas, une clause qui se lirait comme suit: «Dans l'interprétation et l'application de la présente charte ? donc, c'est clairement une clause interprétative ? il doit être tenu compte du patrimoine historique et des valeurs fondamentales de la nation québécoise, notamment de l'importance d'assurer la prédominance de la langue française, de protéger et de promouvoir la culture québécoise, de garantir l'égalité entre les hommes et les femmes et de préserver la laïcité des institutions publiques.» Alors, ma question: Est-ce que c'est une clause de ce type-là qui vous conviendrait davantage que cette clause de sûreté ou de garantie qui est proposée dans le projet de loi, à l'article 49.2?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, je pense que la deuxième alternative m'apparaît nettement meilleure que la première. Je pense qu'il y a d'autres façons d'y arriver. Mais, pour moi, ce qui est essentiel, c'est vraiment de clarifier le statut interprétatif de ça. On ne se cachera pas la réalité. Depuis le dépôt du projet de loi, là, il y a eu toute une trajectoire un petit peu en montagnes russes, O.K.? Il y avait des groupes, là, qui, quant à moi, étaient fortement tentés par une hiérarchisation des droits. Il y a eu une levée de boucliers, une série d'éditoriaux de spécialistes qui s'en sont mêlés. Aujourd'hui, c'est tabou, hein? Mais ça ne se réglera pas dans les journaux. Il faut qu'un texte de loi se tienne à cet égard-là, et ce n'est pas un détail, où est-ce qu'on va le mettre et comment on va le libeller. Et pour moi c'est essentiel. Ça, je crois entendre, dans cette Chambre-là, un consensus que ça ne peut pas dépasser une clause interprétative. Alors, de grâce, mettez-vous au travail et trouvez-la, la formule, hein? Et, de ce côté-là, qu'on... Les réalités sont complexes. Alors, qu'on mette un certain nombre de réalités en contexte les unes par rapport aux autres, je pense que c'est dans cette direction-là qu'il faut travailler.
Le Président (M. Kelley): Deux minutes.
M. Turp: Et, je crois aussi, vous avez... vous êtes parmi les nombreux groupes qui proposent d'aller au-delà d'une simple clause d'interprétation lorsqu'il s'agit des droits économiques et sociaux. Je comprends que vous plaidez pour qu'une charte comme la charte québécoise des droits et libertés, qui était déjà pionnière en 1975 en incluant un chapitre sur les droits économiques et sociaux, soit bonifiée, et je pense que vous avez donné de très bons exemples, là, de bonification de la charte lorsqu'il s'agit des droits économiques et sociaux.
Est-ce que vous souhaiteriez que le projet de loi n° 63 s'attaque à cette question-là? Parce que, même si, au plan procédural, maintenant, là, on ne pourrait peut-être pas le faire, mais la ministre pourrait revenir avec un nouveau projet de loi, là, dans quelques mois, et y inclure des droits économiques et sociaux. Est-ce que c'est le souhait de votre syndicat que l'on ajoute des droits économiques et sociaux dans ce projet de loi?
Mme Carbonneau (Claudette): Oui, tout à fait, tout à fait. Écoutez, moi, je pense encore qu'il y a trop à faire sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes pour se limiter strictement à des textes interprétatifs. Et, de ce côté-là, il y a deux poignées, les droits économiques et sociaux en sont une, et la deuxième, c'est une série d'autres législations, là, qui réfèrent à plein d'exemples concrets, et je suis certaine qu'on pourrait longuement ajouter sur la liste. Mais, de ce côté-là, avoir un projet convaincant qui nous permette de faire des pas sur le terrain sur l'égalité entre les hommes et les femmes, je pense que ça prend plus que ce qui est en débat actuellement.
M. Turp: Merci.
Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, Mme Carbonneau, Mme Pineau, M. Lamoureux, merci beaucoup pour vos contributions à nos travaux ce matin. Je vais suspendre quelques instants et j'invite les représentants du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes de violence conjugale et L'R des centres de femmes du Québec de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 10 h 35)
(Reprise à 10 h 38)
Le Président (M. Kelley): Alors, on va continuer nos travaux ce matin et dire bienvenue au Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes de violence conjugale et à L'R des centres de femmes du Québec. Je suis prêt à céder la parole à vous. Est-ce que c'est Mme Riendeau?
Regroupement provincial des maisons
d'hébergement et de transition pour femmes
victimes de violence conjugale (RPMHTFVVC)
et L'R des centres de femmes du Québec
Mme Riendeau (Louise): Oui.
Le Président (M. Kelley): Bienvenue, Mme Riendeau.
Mme Riendeau (Louise): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, chers parlementaires. Écoutez, quand on travaille contre la violence conjugale, on n'a pas d'autre choix que de se soucier de l'ensemble des droits des femmes, c'est au coeur de notre pratique et c'est au coeur des barrières que les femmes vivent. Alors, on va en parler plus loin. Je vais tout de suite passer la parole à ma collège de L'R des centres de femmes.
Mme Bourgault (France): Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires. Alors, rapidement vous tracer que L'R des centres de femmes du Québec est un regroupement provincial qui existe depuis 1985 et qui regroupe 102 centres de femmes un peu partout situés sur le territoire du Québec.
Alors, on est ici ce matin pour vous parler du droit des femmes à l'égalité. On reconnaît que depuis 35 ans il y a beaucoup de... on a fait beaucoup au niveau du droit national et du droit international pour faire avancer l'égalité. On pense à la Charte des droits et libertés. On pense aussi, en 1976, au Canada, avec l'accord des provinces, dont le Québec, qui adhérait au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le PIDESC. On pense aussi... la même année, le Québec donnait son accord à la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Également, en 1981, le Canada adhérait à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le CEDEF.
n(10 h 40)n En 1985, on a eu la Charte canadienne des droits et libertés qui entrait en vigueur et qui disait, entre autres, à l'article 28: «Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.» En 1993, on assiste à la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne, et qui reconnaissait l'indivisibilité, l'universalité et l'interdépendance des droits humains. Les droits des femmes y seront reconnus à part entière comme des droits humains également. En 1995, dans le cadre de la Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing, les États parties faisaient écho à cette déclaration aussi et s'engageaient à prendre des mesures pour combattre la discrimination dont sont victimes les femmes et les fillettes.
Alors, on voit que le droit national et international ont posé, depuis 30 ans, plusieurs jalons pour la pleine reconnaissance du droit des femmes à l'égalité. Mais, pourtant, les Québécoises, comme bien d'autres femmes dans le monde, continuent de ne pas jouir pleinement de l'ensemble de leurs droits. En effet, il y a des Québécoises... et plus particulièrement certaines d'entre elles sont plus pauvres que l'ensemble de la population. Il y a 19 % de la population québécoise qui vit actuellement sous le seuil de faibles revenus, ce qui veut dire un salaire de 20 778 $ brut par année. Pour y avoir accès, à ce 20 000 $ là, il faut travailler 40 heures par semaine à 10,22 $ de l'heure. De plus, il y a également... on pense aux femmes âgées et aux mères monoparentales qui sont plus touchées que la moyenne de la population, puisque 28 % des femmes de plus de 65 ans et 46 % des mères monoparentales vivent sous le seuil de faibles revenus.
On sait aussi qu'en cette période de mondialisation des marchés il y a des secteurs qui sont plus touchés que d'autres et qui visent particulièrement les femmes également. Alors, on retrouve l'industrie du textile, les services de téléphonie, les secteurs qui emploient surtout des femmes, et dans certains cas des femmes immigrantes. On a aussi beaucoup de femmes qui occupent des emplois atypiques, au salaire minimum, à temps partiel, et, si elles les occupent à temps partiel, ce n'est pas parce qu'elles le veulent bien, c'est parce que c'est ça qui est offert actuellement.
Une autre mesure discriminatoire qui touche plus durement les femmes est illustrée par la situation des chefs de famille monoparentale et prestataires de la sécurité du revenu ou de l'aide sociale. Alors, ces femmes voient leurs prestations réduites dès qu'elles reçoivent des pensions alimentaires de plus de 100 $ pour leurs enfants. Cela est d'autant plus scandaleux quand on sait que les enfants ne sont plus pris en compte pour déterminer le montant des prestations.
Alors, la liste des secteurs où les femmes sont encore défavorisées pourrait s'allonger. Elles sont plus nombreuses à être victimes de violence. Elles sont sous-représentées dans les sphères du pouvoir politique et économique, etc.
Alors, on constate aisément que le plein exercice de tous les droits en toute égalité n'est pas encore possible pour les Québécoises, et certaines d'entre elles en sont encore plus loin. Les regroupements observent donc avec beaucoup d'intérêt toute mesure visant à redresser cette situation. Tel est le cas pour le projet de loi n° 63. Nous saluons la volonté du gouvernement d'inscrire le droit à l'égalité des femmes comme une valeur fondamentale du Québec, mais nous nous questionnons sur la façon de faire proposée dans ce projet de loi.
Mme Riendeau (Louise): En effet, nous avons d'abord été surprises de voir qu'on procédait à un amendement à la pièce, alors que le bilan de la charte que la Commission des droits de la personne a déposé il y a déjà cinq ans était resté lettre morte. Par ailleurs, on aurait pensé qu'un tel débat aurait lieu à la Commission des institutions. Bon, sans égard... on ne remet pas en question les compétences des parlementaires qui sont ici, mais c'est une commission qui a beaucoup travaillé sur la question de la charte et qui donc a certainement une vision globale.
Le projet de loi a soulevé pour nous une autre interrogation importante: Quelle utilité aura-t-il? L'article 10 proscrit déjà toute discrimination qui est basée sur le sexe, le préambule nous parle de l'égalité de l'ensemble des droits humains. Alors, qu'est-ce que cet amendement-là va apporter? On s'est aussi, comme d'autres, questionné sur l'emplacement, où c'était... où 49.2 était... cette disposition était là. On se disait: Est-ce qu'on a choisi d'inclure l'amendement à 49.2 parce que c'est là où on traite des remèdes ou des actions que le tribunal peut prendre en cas de violation d'un droit? Et, partant de cette question-là, on s'est dit... et partant aussi du fait que le législateur ne parle jamais pour rien et que les tribunaux retournent au texte pour voir qu'est-ce qu'on voulait dire, on s'est demandé: Est-ce qu'au fond on veut que les tribunaux sachent que, quand on aura à arbitrer des droits, notamment le droit à la liberté de croyance, qui a été beaucoup en débat, on doit donner primauté au droit à l'égalité? Si c'est ça, l'objectif, ça nous semble une façon un peu déguisée de faire de la hiérarchisation des droits. Et, comme d'autres l'ont dit aussi, vous savez qu'en vertu de la Déclaration de Vienne les droits sont indissociables, universels, et on ne peut pas souscrire à un tel résultat.
On a aussi craint que cette orientation-là ait des effets pervers pour certaines femmes. Prenons l'exemple d'une travailleuse de foi musulmane qui porterait le foulard dans un centre de la petite enfance et l'employeur qui déciderait que, parce qu'on doit donner des valeurs d'égalité aux enfants, on décide d'interdire le foulard. À l'heure actuelle, cette travailleuse-là pourrait certainement s'adresser au tribunal pour discrimination et pourrait avoir raison. Mais, si le projet de loi n° 63 est adopté, est-ce qu'on dira qu'au fond c'est une mesure raisonnable et proportionnelle que l'employeur veut prendre? Est-ce qu'au fond on dira à la femme qu'elle a le choix de rester en emploi et d'enlever son foulard ou de retourner chez elle? Quand on sait que les femmes immigrantes sont déjà très marginalisées sur le marché du travail, une mesure comme celle-là nous inquiète. On ne peut pas imaginer que c'est l'objectif recherché par le législateur. Pourtant, on ne voit pas dans le projet de loi aucune assurance pour croire que ceci ne pourrait pas être l'interprétation d'un tribunal, à venir jusqu'à maintenant.
À venir jusqu'à maintenant, les accommodements raisonnables ont permis à certaines catégories de citoyennes et de citoyens, les femmes notamment, les personnes qui vivent avec un handicap, d'exercer leurs droits, notamment le droit au travail, et, depuis l'adoption des chartes québécoise et canadienne, la tâche de veiller au respect des droits fondamentaux et de trouver un équilibre entre plusieurs droits quand ils sont en jeu a incombé aux tribunaux, et franchement on n'a pas vu dans la jurisprudence des cas où on n'a pas tellement tenu de... où on n'a pas tenu compte de l'égalité. Au contraire, si on regarde la récente décision sur le «get», si on regarde la décision du Tribunal des droits de la personne sur l'Hôpital juif, on a vu que les tribunaux ont tenu compte de la question de l'égalité et ont réussi à arbitrer les droits. Nos regroupements sont d'accord avec l'accommodement raisonnable, et on ne pense pas que c'est contraire à l'exercice des droits, et on pense que, dans ces matières-là... on n'est pas toujours d'accord avec le fonctionnement des tribunaux, mais, à ce niveau-là, on pense qu'ils ont les outils nécessaires pour gérer les choses.
Autre questionnement qu'on a face au projet de loi n° 63. On nous parle d'égalité, mais ça semble être une réaffirmation de l'égalité formelle, qui ne nous donne pas d'assurance que ça va susciter une mise en place de politiques publiques et de programmes qui vont tenir compte de l'ensemble des droits des femmes, en tenant compte évidemment du contexte historique dans lequel ça s'exerce. Le projet de loi et le discours public ambiant semblent aussi isoler le droit à l'égalité comme si c'était quelque chose en soi, alors que pour nous le droit à l'égalité, c'est le droit d'exercer également l'ensemble de ces droits. Je vous donne des exemples.
Pour nous, la promulgation par le gouvernement de politiques contre la violence conjugale ou les agressions sexuelles, le meilleur financement des maisons d'hébergement, des centres de femmes, pour donner plus de services aux femmes violentées, c'est des exemples au fond où on a permis aux femmes d'exercer en toute égalité leur droit à la vie, leur droit à la sûreté, le droit à l'intégrité de leur personne.
A contrario, quand on constate le manque de logement social, pour nous, ce n'est pas seulement un frein au droit au revenu décent, au droit au logement. Pour certaines femmes ? prenons les femmes victimes de violence conjugale qui ne quitteraient pas leurs conjoints parce qu'il n'y a pas de logement ? ça peut être une atteinte à leur droit à la sécurité et à l'intégrité de leur personne.
n(10 h 50)n Pour nous, ce dont on parle ici, c'est vraiment d'égalité réelle, substantive. Le Mouvement des femmes a applaudi aux mesures que les gouvernements ont prises, par exemple sur la question de la violence conjugale, mais on est dans l'obligation de constater que les conditions de vie socioéconomiques des femmes les empêchent d'exercer tous leurs droits, leurs droits civils et politiques, et certaines femmes encore plus.
Quand on pense à ces problèmes socioéconomiques là que les femmes vivent, pour nous ce qui serait vraiment un moyen qu'elles puissent exercer l'ensemble de leurs droits, c'est vraiment la reconnaissance et la justiciabilité des droits sociaux et économiques. La charte en dénombre un certain nombre, la liste y est plus restrictive que ce qu'on retrouve dans certains instruments internationaux, mais c'est déjà un début.
Les droits économiques et sociaux qui sont reconnus dans la charte malheureusement n'ont pas la même reconnaissance que les autres droits. En effet, l'article 52, qui donne primauté à l'ensemble des droits sur les lois votées, ne s'applique pas aux droits économiques et sociaux. Et, même si on a signé et si on a été d'accord pour que le Canada signe le Pacte international sur les droits économiques, on n'agit pas au maximum de nos ressources comme on devrait le faire. Pire encore, les personnes qui sont privées de leurs droits n'ont pas de recours utile en fonction de la charte. La Commission des droits de la personne recommandait, en 2003, de corriger cette situation-là. Les experts de l'ONU nous ont aussi fait la même recommandation à maintes reprises.
La volonté de renforcer le droit à l'égalité des femmes qu'on trouve dans le projet de loi n° 63 et le souhait que la ministre a exprimé que ça devienne un pilier de la charte, pour nous ça aurait un bien meilleur aboutissement si on ajoutait à ça la question de la pleine reconnaissance des droits économiques et sociaux des femmes. Ça ferait un changement dans la réalité des femmes et c'est quelque chose qui passerait à l'histoire.
Mme Bourgault (France): Alors, en conclusion, je vous dirais que les regroupements saluent l'intention du législateur de réitérer que le droit à l'égalité des femmes est une valeur fondamentale de notre société. Il va de soi que nos organismes favorisent toute mesure qui aurait pour objet de renforcer effectivement le droit à l'égalité des femmes. Toutefois, le projet de loi n° 63, en se contentant de réaffirmer cette égalité formelle des femmes, n'offre pas de garantie en ce sens et, pire encore, risque de créer des préjudices, voire de la discrimination pour certaines catégories de femmes.
Nous réitérons l'indivisibilité, l'universalité et l'interdépendance de tous les droits des femmes et nous demandons au gouvernement d'orienter les modifications législatives vers un renforcement des garanties substantives offertes par la charte par la pleine reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels, droits dont de nombreuses Québécoises ne peuvent actuellement jouir, ce qui fait, par le fait même, que ça les maintient dans une situation d'inégalité.
Nous recommandons donc que le gouvernement du Québec modifie le chapitre IV de la charte de façon à tenir compte des recommandations de la Commission des droits de la personne; que le gouvernement du Québec modifie l'article 52 de la charte de façon à donner primauté aux droits économiques, sociaux et culturels; que le gouvernement du Québec introduise dans le préambule de la charte une référence explicite aux instruments internationaux qui le lient, afin qu'il soit plus clair que la charte doive être interprétée à la lumière de ces instruments internationaux; et que le gouvernement du Québec mette en place des politiques publiques, des programmes qui améliorent concrètement les conditions socioéconomiques des femmes, et ce, afin de mettre en oeuvre progressivement, au maximum de ses ressources, leurs droits économiques et sociaux. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): C'est très bien fait, c'était exactement 15 minutes. Formidable! Quelle performance! Alors, merci beaucoup, Mme Riendeau et Mme Bourgault. Et, sur ça, je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, vous avez le chrono bien dans la tête. Il y a des gens dans les médias qui seraient jaloux. C'est une chose très, très difficile à respecter.
Sur la question de la hiérarchisation, j'aimerais vraiment corriger l'idée qu'il y a une hiérarchisation dans cette intention du gouvernement avec le projet de loi n° 63, projet de loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais il n'y a pas de hiérarchisation, et c'est ce que plusieurs sont venus nous dire devant cette commission. Même la Commission des droits et libertés a déclaré, et je cite: «Le fait que le préambule ait été modifié pour parler de l'égalité des droits entre les femmes et les hommes et la localisation de l'article 49.2 dans les règles interprétatives nous permettent de croire que les décideurs, les gens qui auront à interpréter la loi, la charte devront prendre en compte l'égalité entre [les femmes et les hommes], mais qu'ils ne changeront pas leur lecture actuellement de non-hiérarchisation des droits. C'est notre lecture des amendements tels que proposés à ce moment-ci.» Ça, c'est la Commission des droits et libertés.
Ici, Mme Langevin, de la Chaire Claire-Bonenfant: «Dans le projet de loi tel qu'il est rédigé, il n'y a pas de hiérarchisation. Il y a un article dans le préambule qui rappelle la valeur du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, et beaucoup d'autres documents internationaux ont ce même genre d'article.
«Et en fait ? et là elle cite Me Latour, qui est du Forum des femmes juristes ? comme Me Latour l'a dit ce matin, on se trouve à corriger une erreur historique.» Parce que ça aurait dû, selon Me Latour, si vous l'avez entendue, être là dès le départ. «La reconnaissance du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes aurait dû avoir été placée là lorsqu'on a adopté la charte, en 1975. Bon. Ça n'a pas été fait. On la corrige maintenant, cette erreur-là.» Il y a également, sur la question de l'utilité des changements proposés, toujours Me Langevin, de la Chaire Claire-Bonenfant, elle nous dit: «Certains ont qualifié les ajouts proposés d'inutiles. Pourtant, en matière d'atteinte de l'égalité réelle pour les femmes, d'autres gestes législatifs qui auraient pu sembler inutiles ne l'ont pas été.» Alors, Me Langevin parle de l'utilité de ces changements.
Et je pense que c'est important de le dire, parce que, sur la question de la hiérarchisation, oui, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'articles, beaucoup de commentateurs, dans les journaux, qui se sont exprimés, mais ils se sont aussi exprimés avant que le projet de loi ne soit déposé. Et, comme législateur, il y a un petit... bien ce n'est pas un problème, là, c'est bien que ce soit ainsi, c'est-à-dire, on ne peut pas lancer dans le public le libellé d'un projet de loi avant que les parlementaires, à l'Assemblée nationale, en soient saisis. Donc, ça causait un certain problème. Et là les analystes y allaient de leur analyse sans avoir vu le projet de loi. Une fois que le projet de loi a été déposé, ils ont été très, très peu nombreux à venir réitérer cette notion de hiérarchisation. Donc, il s'est placé dans l'esprit des gens une forme de... c'était comme une assurance qu'il y avait une hiérarchisation, alors que, selon les recherches qu'on a faites, nous, au plan juridique et selon ce que plusieurs sont venus nous dire devant cette commission, il n'y a pas de hiérarchisation dans l'exercice que nous sommes en train de faire.
Sur la question de la place des femmes dans la société, sur les droits sociaux et économiques, je pense qu'effectivement votre intervention est bien intéressante. Puis il y a plusieurs groupes qui sont venus nous parler des droits économiques et sociaux des femmes. Il y a quand même beaucoup d'actions qui ont été prises par des gouvernements successifs, et dans notre cas aussi, sur cette question-là et comment on peut faire avancer la notion des droits économiques et sociaux des femmes, puis il y a des programmes qui font en sorte que ça... Ce n'est pas encore 100 %, vous allez me dire, mais il y a quand même des progrès qui ont été faits. Entre autres ? une statistique: près de 32 000 femmes responsables de famille monoparentale de moins dans le programme de l'aide sociale en 2006 par rapport à 1998. Vous allez me dire que c'est encore trop peu, mais on travaille dans le sens d'encourager ces femmes qui sont aux prises avec des problèmes d'être monoparentales et en plus avoir le souci des questions économiques.
Je reviens au projet de loi. Comment réagissez-vous à cette idée d'arriver, dans un acte législatif, de placer le terme «égalité entre les hommes et les femmes» noir sur blanc dans ce texte qui est fondamental puis qui est important au Québec?
Mme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, je pense que le titre de notre mémoire le disait. On trouve que c'est intéressant, mais c'est insuffisant. Si on veut faire une différence dans la vie de la majorité des femmes au Québec, il faut aller plus loin. Et je vous dirais... Écoutez, quand on travaille en violence conjugale, on sait très bien que les déclarations solennelles, ça n'a pas autant de valeur que les gestes. On peut dire à sa femme qu'on la respecte, on peut lui dire beaucoup de choses; si les gestes ne suivent pas les paroles, ça fait une différence. Alors, c'est pour ça qu'on dit: Oui, c'est intéressant, ça confirme les courants qu'on voit dans les tribunaux, mais, si on veut marquer l'histoire et faire une différence pour les femmes, il faut aller plus loin.
n(11 heures)nMme St-Pierre: Dans le cadre de mes fonctions comme ministre de la Condition féminine, je profite de toutes les occasions qui me sont données pour rencontrer des groupes de femmes. Et, dans le cas des maisons d'hébergement, les femmes que j'ai rencontrées, responsables de ces maisons d'hébergement, ont salué l'injection d'argent supplémentaire pour essayer d'améliorer la situation. Encore là, évidemment que... ce n'est pas encore 100 %, mais évidemment on tend à progresser puis à avancer. La politique d'intervention en matière de violence conjugale, est-ce que c'est une politique à laquelle vous réagissez bien?
Mme Riendeau (Louise): Tout à fait. Et tantôt je le disais, pour nous, là, c'est une mesure concrète qui permet aux femmes d'exercer leur droit à la sécurité, à l'intégrité de leur personne, c'est une série de mesures qui nous fait avancer dans ce sens-là. Alors, tout à fait, on réagit tout à fait à ça. Mais on pense que, même si on réussit à mieux intervenir dans les maisons, même si on fait de la prévention, même si on fait une série de mesures de dépistage, il y a des femmes qui vont rester dans la violence parce que leurs droits sociaux et économiques ne sont pas assurés, parce qu'elles vont avoir peur d'être plus pauvres, que leurs enfants soient dans la pauvreté. On ne peut pas travailler violence sans travailler pauvreté.
Mme Bourgault (France): Et c'est là qu'on frappe un mur, Mme la ministre, si vous permettez. Avec les femmes avec qui, moi, je travaille dans les centres de femmes, 72 % des femmes qui viennent dans les centres vivent avec un revenu de moins de 20 000 $. Ce n'est pas beaucoup, ça, aujourd'hui, hein, qu'on soit partout au Québec. Alors, quand on dit: Les femmes sont toujours en train de courir pour arriver à joindre les deux bouts, les femmes ont faim quand elles se présentent dans les centres de femmes, les femmes courent aussi pour acheter des choses pour leurs enfants, les femmes vont dans les friperies pour se vêtir... Alors, c'est ça, il faut... Et, oui, votre gouvernement a financé les maisons d'hébergement, a financé aussi les centres de femmes, et ça, on ne peut qu'applaudir à ce geste. Mais on est toujours devant un mur quand on parle de la pauvreté que les femmes subissent. Les femmes sur l'aide sociale, avec un chèque de 6 000 $ quelque chose par année, ce n'est pas beaucoup non plus pour vaincre l'inégalité entre les hommes et les femmes.
Mme St-Pierre: Sur la question de la violence conjugale, lors de la dernière campagne de... ? excusez-moi, le mot «promotion» n'est pas bon, le mot «sensibilisation» est meilleur; lors de la dernière campagne de ? sensibilisation qui a été faite, on nous disait que les femmes dénonçaient de plus en plus tôt dans la relation conjugale et qu'il fallait maintenant peut-être faire un travail de sensibilisation encore plus fort auprès des femmes plus âgées. Et on me donnait même des exemples, que souvent une personne âgée, la façon de sortir de la violence conjugale, c'est d'aller dans un centre pour personnes âgées, et c'est là qu'elle trouvait enfin la paix. Sur la question de la violence conjugale, est-ce que ce serait un endroit où il faudrait aller de façon plus soutenue ou... Est-ce que vous faites des groupes d'âge, dans vos recherches, dans vos études?
Mme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, pour nous c'est un progrès de voir que les jeunes femmes dénoncent plus rapidement, effectivement. C'est vrai que ça reste un tabou chez les femmes âgées. On n'a pas d'action ciblée particulièrement, mais il y a des gens qui commencent à s'intéresser à cette question-là. Et je pense que c'est aussi intéressant de voir que par le passé on parlait de la violence faite aux aînés. Il y a toutes sortes de violences. Il y a des violences faites par les enfants, mais il y a des violences faites par les conjoints, et c'est important de bien différencier les choses pour apporter les bons remèdes, je dirais.
Mme St-Pierre: J'ai mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce qui souhaite poser une question.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Copeman: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. J'aimerais peut-être poursuivre un peu sur tout le questionnement de la place des droits économiques, sociaux et culturels dans la charte. C'est une question fort intéressante, pertinente. Plusieurs groupes ? vous n'êtes pas le seul ? qui viennent nous dire: Il faut bonifier ça, il faut les rendre ? on a eu la terminologie la semaine passée ? justiciables, il faut les intégrer, donner la primauté à ces droits-là... On a eu également le commentaire du professeur Henri Brun, qui a exposé un certain point de vue dissident en disant que ce n'est pas tout à fait le rôle, dans une charte, de préciser ou de rendre justiciables de tels droits, ça revient plutôt au législateur de déterminer à quel niveau on va donner suite à ces droits-là. On peut les exprimer de façon générale tels qu'ils le sont dans la charte, mais dans la pratique, dans le quotidien quasiment, il s'agit souvent de questions budgétaires. Et la phrase du professeur Brun était intéressante, il dit: Il me semble qu'on ne peut pas laisser aux cours, aux tribunaux, le droit de fixer le niveau d'imposition pour les Québécois, hein? Parce qu'il s'agit de ça, dans bien des occasions.
Vous faites le lien et vous parlez... À la fin de votre mémoire, vous avez deux recommandations: la primauté des droits économiques, sociaux et culturels et, quatrièmement: «Que le gouvernement du Québec mette en place des politiques publiques et des programmes qui [améliorent] concrètement les conditions socioéconomiques des femmes...» Moi, je suis convaincu que vous voulez dire «améliorer les programmes», et non pas «mettre en place», n'est-ce pas?
Mme Riendeau (Louise): Oui, oui. Oui, oui, tout à fait.
M. Copeman: Il y a une série de programmes qui existent déjà, que ce soient les services de garde maintenant à 7 $, qui touchent 200 000 enfants, les congés parentaux parmi les plus généreux en Amérique du Nord, l'indexation de l'aide sociale qui existe, le soutien aux enfants, 2,1 milliards de dollars pour les enfants, et une hausse du salaire minimum, que notre gouvernement a décrétée pour le 1er mai, de 0,50 $, ce qui est la hausse la plus importante depuis plus de 30 ans, n'est-ce pas?
Alors, je voulais, c'est ça, vous référer également à la page 6 de votre mémoire, quand vous parlez des pensions alimentaires de plus de 100 $ pour les enfants. C'est retranché par l'aide sociale. Nous sommes bien conscients de cela. Mais vous dites: «Cela est d'autant plus scandaleux quand on sait que les enfants ne sont plus pris en compte pour déterminer le montant des prestations.» Moi, mesdames, honnêtement ce n'est pas du tout un scandale. C'est le gouvernement précédent, du Parti québécois, qui a sorti les enfants du calcul de l'aide sociale mais qui a compensé, dollar pour dollar, avec les allocations familiales. Il n'y a pas un seul enfant, lors de la réforme proposée par notre collègue, notre consoeur la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui a été pénalisé, en sortant les enfants du calcul de l'aide sociale, des prestations, parce que ça a été immédiatement compensé par une augmentation équivalente ou même supérieure par les allocations familiales. Alors, moi, je ne suis pas du tout scandalisé qu'on ait sorti les enfants du calcul de prestation de l'aide sociale. C'est bien qu'on ait introduit un mécanisme, et c'est tout à l'honneur du gouvernement précédent, par le calcul des allocations familiales, pour protéger minimalement ces acquis-là. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de matière à améliorer, mais en tout cas je vous prierais d'être peut-être plus prudentes quand vous lancez de telles affirmations, parce que les deux choses n'ont rien en commun, mais vraiment rien. C'était le commentaire que j'avais pour vous.
Mme Riendeau (Louise): Mais, sur la question des pensions alimentaires, je pense qu'il faut quand même dire que les femmes qui sont à l'aide sociale sont discriminées par rapport au reste de la population. Ça, c'est une chose.
Sur la question de: N'appartient-il pas au Parlement de décider quels sont les programmes? Effectivement, mais... Moi, je ne suis pas une juriste, sauf qu'écoutez, quand, moi, je vois dans une charte qu'on dit: Les gens ont droit à des mesures d'assistance ? ou, on pourrait le dire autrement, les gens ont droit à un revenu décent ? la charte étant un texte fondateur, pour moi ça veut dire que nos parlementaires envoient le message à la société que, dans notre démocratie, on pense que tout le monde a droit d'avoir des mesures d'assistance et que, pensant ça, on va faire, puisqu'on a aussi accepté que le Canada signe le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, on va faire tout ce qu'on peut, comme l'expression le dit, on va permettre aux gens de réaliser progressivement leurs droits à la mesure de nos ressources. Moi, c'est ce que j'entends quand mon gouvernement me fait une charte qui me dit ça.
Mais, quand je sais que les gens ne pourront pas, si par hasard on oublie, si par hasard une mesure ne va pas aussi loin qu'elle devrait aller, que les gens ne pourront pas aller en justice pour faire valoir leurs droits, je me dis: Est-ce que c'est vraiment un droit? Et c'est dans ce sens-là qu'on souhaite que l'article 52 donne également primauté. Pour nous, ça n'enlève pas le pouvoir au législateur aucunement, mais c'est une mesure de sécurité, je dirais, pour la population. Et il me semble que, dans le cadre d'une démocratie avancée comme la nôtre, c'est une mesure qui est assez réaliste. Puis ça existe aussi dans d'autres pays. Ce n'est pas... On n'invente...
n(11 h 10)nM. Copeman: Je comprends votre préoccupation. D'ailleurs, j'ai été le porte-parole de l'opposition officielle dans le temps, assis à l'autre côté de la table, quand Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve était la ministre responsable de l'aide sociale. Alors, c'est intéressant aujourd'hui d'entendre le Parti québécois nous dire qu'il faut rendre ces choses justiciables, quand les députés actuels avaient une collègue, qui est toujours avec nous, qui était ministre responsable de l'aide sociale, qui a fait une refonte importante de l'aide sociale, mais qui voulait surtout, à ce moment-là, perdre les reins sur tous les programmes d'assistance sociale qui existaient. Alors, c'est une évolution dans la pensée du Parti québécois, qui est toujours intéressant à suivre. On va le suivre jusqu'à sa fin, par contre. Merci, mesdames.
Le Président (M. Kelley): Ça met fin à cet échange. Je suis prêt maintenant à céder la parole à la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bien, écoutez, comme plusieurs groupes, votre groupe parle ? et mon collègue vient tout juste d'en parler ? de rendre justiciables les droits sociaux et économiques. Juste avant vous, il y a la Confédération des syndicats nationaux qui est venue présenter leur mémoire, et ? je ne sais pas si vous avez eu l'occasion... ? ils ont parlé, eux, d'une charte de la laïcité, bon, qui... Qu'est-ce que vous en pensez, cette avenue-là?
Mme Riendeau (Louise): Écoutez, ce n'est pas une question qu'on a évaluée dans nos mouvements.
Mme Leblanc: O.K. Dans votre présentation, au début vous vous êtes référées, vous savez, au rapport, bon, qui est demeuré muet, de la commission des chartes des droits et libertés, depuis maintenant cinq ans. On parle beaucoup aussi de la commission Bouchard-Taylor, vous savez, qui a peut-être précipité ce projet de loi là aussi, en quelque sorte. Est-ce qu'il n'aurait pas été préférable... Parce que certains disent: Non, non, on devait aller en premier en déposant ce projet de loi là, qui est tout à fait louable, on le dit tous. Mais n'aurait-il pas été préférable, puisque la commission Bouchard-Taylor est quand même terminée, vous savez, de regarder beaucoup plus large? Parce que, lorsqu'on parle de droits économiques et sociaux, je pense, ça aurait été une belle...
Mme Bourgault (France): Bien, c'est certain que, pour nous en tous les cas, oui, on aurait aimé ça peut-être, une consultation plus large, qu'on ouvre, là, tu sais... Quant à ouvrir une partie de la charte, bon, bien, qu'on s'assoie et qu'on en débatte dans les maisons d'hébergement, dans les centres de femmes, parce que c'est ça qu'on représente aussi, là, nous, ce sont ces femmes-là qu'on représente. Alors, oui, on aurait aimé ça, avoir un débat plus large.
Pour ce qui est de la commission Bouchard-Taylor, bien on attend leur avis avec beaucoup d'impatience parce qu'il y a plusieurs femmes qui sont allées témoigner et qui allaient dans le sens aussi de maintenir l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mme Leblanc: Merci. À la page 7 de votre mémoire, vous avez quand même des statistiques intéressantes et en même temps un petit peu effrayantes, mais qui sont quand même très réalistes. Et je vais citer quelques statistiques. Vous mentionnez: «Quant aux femmes qui sont accueillies dans les maisons d'hébergement, elles sont peu scolarisées: 26 % ont étudié moins de neuf ans, et au total 64 % d'entre elles n'ont pas plus de 13 ans de scolarité. 56 % d'entre elles ont un revenu de moins de 20 000 $. À leur arrivée en maison d'hébergement, 40,5 % vivaient des prestations de la sécurité du revenu, alors qu'à leur départ elles seront 45,7 % à compter sur ces prestations.» Et une dernière statistique: «De plus, une enquête réalisée pour le regroupement en 2004 auprès de ses membres montrait qu'un grand nombre de femmes hébergées fait face à d'importantes difficultés au moment de trouver un logement.» Donc, court, court terme, qu'est-ce que nous, les parlementaires... où est-ce qu'on devrait aller de l'avant? Suggérez-vous d'amender le projet de loi n° 63 ou d'aller... Écoutez, on parlait tantôt de la... Bon, là, on parlait de milieux de travail, mais la loi n° 90...
Mme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, pour nous, déjà ce serait un pas en avant majeur si effectivement on ajoutait au projet de loi n° 63 toute la question de la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels. Ça, on l'a dit, c'est primordial. Et tantôt j'entendais qu'on posait la question à la CSN: Quels seraient pour vous les droits les plus importants? Ils sont tous importants. Mais, pour les femmes avec qui on travaille, certainement que le droit aux mesures d'assistance ? que, nous, on aimerait mieux voir sous le vocable du «droit à un revenu décent» ? qui comprend aussi le droit au logement suffisant et le droit à une nourriture suffisante, est quelque chose d'important. Ça, c'est évident.
Mme Bourgault (France): L'accès aux programmes sociaux également. Ça, ça va de soi.
Mme Leblanc: J'imagine, vos membres ont été consultés dans le cadre de ce mémoire-là. De quelle façon? Et combien vous comptez de membres? Combien ont été approchés?
Mme Riendeau (Louise): Nous, au regroupement, on représente 48 maisons, qui sont réparties dans toutes les régions du Québec, et notre conseil d'administration, qui est formé de déléguées de chacune des régions, a été consulté à la fin de janvier sur ce mémoire-là. Et le mémoire évidemment circule, là, dans les maisons.
Mme Leblanc: D'accord.
Mme Bourgault (France): Alors, nous, on est 102 centres membres du regroupement, et, nous aussi, on a des représentantes, à notre conseil d'administration, de toutes les régions, et elles sont au courant du mémoire, et ça circule sur notre site Internet.
Mme Leblanc: D'accord. L'actuel projet de loi n° 63, est-ce qu'il offre des garanties nécessaires pour permettre aux femmes de dénoncer la violence plus facilement, ou est-ce qu'il y aurait quelque chose qu'on pourrait ajouter à ce projet... ou vous pensez que ça va quand même...
Mme Riendeau (Louise): Quand on parle de dénonciation de la violence, on parle beaucoup du droit que les femmes ont à l'intégrité, à la sûreté, à la dignité et à leur vie. Ces droits-là sont déjà là, ces droits-là ont déjà une primauté, et on en est très contentes, et c'est quelque chose auquel, nous, on s'accroche dans le travail qu'on fait. Sauf que, comme je vous ai dit, certaines femmes vont hésiter à dénoncer parce qu'elles vont avoir peur d'être encore plus pauvres après, elles vont avoir peur d'être dans une situation plus difficile. Et elles vont dire: Bien, au fond, je connais ma misère quand je suis violentée mais celle que j'aurais si je dénonce; peut-être qu'elle sera pire. Donc, c'est un frein important pour ces femmes-là.
Mme Leblanc: Je ne voudrais pas mettre des mauvais mots, mais vous avez peut-être été déçues ou vous vous questionnez sur le fait que ce ne soit pas entendu, c'est ça, à la Commission des institutions. Est-ce que vous pouvez plus élaborer?
Mme Riendeau (Louise): Par le passé, c'est la Commission des institutions qui a beaucoup traité des questions liées à la charte. Et, dans la mesure où, nous, on souhaitait un débat plus large et qu'on fasse des liens entre les choses, on se disait: Bien, peut-être que cette commission-là, ayant cet historique-là, serait un meilleur forum pour en discuter.
Mme Leblanc: Je vais passer la... Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Masson.
Mme Grandmont: Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai étudié votre projet de loi, j'ai des questions. Suite à ce que vous parliez tantôt, de la violence faite aux aînés, moi, ça m'interpelle parce que, bon, je suis porte-parole pour les aînés. Ça fait que c'est sûr que tout ce côté-là m'interpelle un peu plus. On a tendance à banaliser le fait que les aînés sont un petit peu violentés, puis on n'en parle pas. On essaie de toujours camoufler ça pour ne pas que ça se sache.
Mais, entre autres aussi, dans cette partie-là, ici, on parle beaucoup des femmes, mais que fait-on des hommes qui sont quand même victimes de violence? Ce n'est peut-être pas des violences physiques, mais c'est des violences verbales aussi qu'ils subissent. Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer la qualité pour eux autres aussi? Parce que ce n'est pas juste à sens unique, là, la violence. Parce que la violence verbale peut être aussi dure à vivre qu'une violence physique. Puis c'est ça que je m'interpelle. Parce que les aînés, souvent ça va être beaucoup plus de violence verbale que de violence physique. Ça fait que qu'est-ce que, vous, vous proposez, dans notre projet de loi, qu'on pourrait apporter pour améliorer la situation autant pour les hommes que pour les femmes?
Mme Riendeau (Louise): Écoutez, je ne sais pas ce qu'on peut proposer dans le projet de loi, mais, je vous dirais, si on a créé des ressources spécialisées pour les femmes victimes de violence conjugale, c'est que le nombre de femmes violentées était beaucoup plus grand. Les statistiques de police nous parlent de 85 %. On ne nie pas par ailleurs qu'il y a des hommes qui peuvent être victimes de violence, là. Faire des abus de pouvoir sur quelqu'un, tout le monde peut faire ça. Mais on a aussi des services publics qui sont responsables de donner des services tant aux hommes qu'aux femmes, et ça s'appelle les CLSC. Moi, je pense qu'il est important que ces services-là... En plus, maintenant, avec la réforme, les CSSS regroupent les CHSLD et les CLSC. Bien, c'est le temps de faire une jonction dans les expertises pour effectivement tenir compte mieux de la violence qui est faite à tout le monde, incluant à des hommes qui peuvent être âgés.
Le Président (M. Kelley): Ça va? Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, il semble que votre position soit aussi ? d'abord, bonjour, mais ? le reflet de ce qu'un journaliste, Don Macpherson, écrit ce matin dans la Gazette. Je vais le lire parce que je trouve ça assez intéressant. Bon, il décrit les travaux de notre commission et il conclut en disant: «And while the amendment doesn't explicitly give gender equality primacy over religious freedom, he told me ? en parlant bien sûr du membre du Barreau ? that placing it in the charter's preamble might lead the courts to do so and thereby create a de-facto hierarchy» dans les droits, dans la hiérarchisation des droits, comme vous en avez parlé tout à l'heure. «Either the amendment would give gender equality primacy over religious freedom, which was its original purpose, or it wouldn't. And if it's the latter ? if it doesn't ? then Bill 63 is pointless. The problem is that whether it would or not isn't clear.» C'est exactement ce que vous dites aussi.
n(11 h 20)n Donc, si on veut juste marquer le point sur: On veut l'inclure ? quelqu'un le disait, là, la ceinture et les bretelles ? on veut le mettre dans la charte, ça, c'est une chose. Si on veut vraiment servir la cause des femmes, peut-être qu'il faudrait retourner sur son ouvrage et qualifier, et ramener, ajouter un certain nombre d'éléments.
Et je comprends. Il y a des choses qu'on peut couvrir dans une charte, mais il y en a que c'est plus difficile. Et vos chiffres sur les... Bon, évidemment, la pauvreté, c'est aussi le reflet de la formation, hein, c'est aussi le reflet des enfants. On sait que les femmes sont pauvres quand elles ont des enfants. C'est presque une corrélation directe. Par contre, au niveau des femmes immigrantes, qui sont souvent fragilisées par un environnement culturel à l'origine souvent duquel il y a la religion, ça cause des situations plus difficiles. C'est beaucoup plus difficile, à ce moment-là, de... Et je ne sais pas en quoi... Je comprends quand vous dites: La proposition est insuffisante, mais elle est importante. Vous rejoignez, puis vous l'avez dit, je pense, vous rejoignez, si je comprends bien, la proposition de la CSN de déplacer cet article-là pour le situer correctement à la suite de 52, là, ou 51. Est-ce que j'ai bien saisi votre explication?
Mme Riendeau (Louise): ...proposition qu'on faisait, mais effectivement, là, ce n'est pas la première fois que ça revient dans les débats, et peut-être qu'effectivement ça peut être une option.
Mme Dionne-Marsolais: ...je ne veux pas dire «pour sauver la face», mais qui permettrait de répondre à une intention ferme de la ministre, tout en étant peut-être plus utile, en étant plus utile pour l'objectif qu'on poursuit.
C'est toujours compliqué, hein, ce n'est pas simple de parler des droits économiques et sociaux, parce qu'il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de cause dans ça. Je ne sais pas, si on tenait une commission semblable pour un projet de loi qui justement concernerait ce sujet-là, est-ce que vous croyez qu'on ne tomberait pas dans le même panneau aussi de ramener d'autres enjeux, d'élargir encore davantage les obligations que l'on voudrait inscrire dans cette charte-là?
Mme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, je pense que la Commission des droits de la personne, qui sont les spécialistes de la question des chartes, nous ont donné des orientations claires dans leur bilan de 2003, et qu'à partir de ça je pense qu'on serait assez bien servis sur la question des droits, si on regardait ça plus attentivement.
Mme Dionne-Marsolais: On devrait suivre leurs recommandations de manière plus rigoureuse, ce qui nous permettrait de progresser peut-être plus vite, c'est ça?
Mme Riendeau (Louise): C'est ce qu'on croit. Et les gens de l'ONU nous ont envoyé le même message, là, en 1993, en 1998 et en 2006 encore.
Mme Dionne-Marsolais: C'est vrai. Merci. Je vais passer à mon collègue.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. Moi, j'aime bien votre exposé sur le droit international, au début de votre mémoire, et votre rappel qu'il faut situer tout ce débat dans le contexte international, des engagements internationaux qui ont été pris par le Québec lui-même, hein? Parce que le Québec s'est déclaré lié par un certain nombre de traités internationaux relatifs aux droits fondamentaux, et notamment la CEDEF, là, que vous citez. Je comprends que vous souhaiteriez aussi une référence aux instruments internationaux dans un préambule de la Charte québécoise. Donc, c'est ma première question: Est-ce que vous souhaiteriez le faire dans le cadre de ce projet de loi?
Mme Riendeau (Louise): Tout à fait.
M. Turp: Est-ce que vous voulez qu'on profite de l'examen de la charte, là, pour ajouter dès maintenant, dans le projet de loi n° 63, une telle référence dans le préambule?
Mme Riendeau (Louise): Tout à fait. On pense que c'est une modification supplémentaire qui pourrait être ajoutée au préambule, et ça nous donnerait... On veut éclairer les tribunaux sur la façon de gérer tout ça. Ça nous donnerait un éclairage, à la fois aux parlementaires et aux tribunaux, qui nous dirait: Bien, quand on doit interpréter la charte, on doit le faire en tenant compte de ces engagements-là internationaux auxquels on a souscrit.
M. Turp: En tout cas, ça aurait l'avantage d'introduire de façon un peu plus explicite une obligation, presque une obligation pour le juge de faire appel aux conventions internationales pour interpréter notamment la disposition sur le droit à l'égalité entre hommes et femmes. Il peut le faire, là, maintenant, ce n'est pas quelque chose qu'il ne lui est pas permis de faire. D'ailleurs, certains juges le font. Mais une référence aux instruments internationaux pourrait être une invitation faite aux juges d'assurer que le Québec assure un meilleur respect de ses engagements internationaux. D'ailleurs, dans le code ontarien des droits de la personne, il y a une référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme. On n'en a pas dans notre propre charte, et c'est ce que vous proposez.
Mme Riendeau (Louise): ...que, bon, toute comparaison est boiteuse, mais on a, dans nos législations canadiennes, des références au droit à l'égalité entre les hommes et les femmes. Par exemple, si on pense à la loi qui régit le dévoilement des dossiers confidentiels des victimes d'agression sexuelle, dans le préambule, on a une référence à la question de l'égalité entre les hommes et les femmes qui est prévue à la charte. Alors, on pourrait, dans le préambule de la charte, faire référence aux instruments internationaux, également.
M. Turp: Écoutez, j'ai une autre... Vous savez que, lorsqu'on a adopté l'article 28 de la Charte canadienne, on a rappelé que c'était en réponse au fait qu'il y avait une clause sur le multiculturalisme, l'article 27, qui le précédait. Mais il y a une autre raison qui a amené des femmes à réclamer l'inclusion de l'article 28, avec sa petite phrase qui crée une hiérarchie, c'est le fait que l'article 15 de la charte n'allait pas entrer en vigueur immédiatement, qu'il allait entrer en vigueur trois ans après l'entrée en vigueur de la charte. Et donc on a voulu, pendant cette période transitoire, là, où l'article 15 n'entrerait pas en vigueur, on a voulu créer une protection sous la forme d'une clause d'interprétation. Ce qui m'amène à... Je ne sais pas si la ministre et ses amis y ont réfléchi quand... Cette période de trois ans, savez-vous qu'est-ce qu'on a fait pendant cette période? C'est qu'on a examiné toutes les lois canadiennes et on a adopté une loi omnibus modifiant toutes sortes de lois qui auraient porté atteinte à l'égalité entre les hommes et les femmes. Puis, avant donc le 17 avril 1985, il y a eu une loi qui visait à assurer le respect de l'article 15. Alors, est-ce que, dans ce sens-là, vous pensez que le gouvernement ou le Parlement devrait aussi examiner l'état de la législation actuelle pour s'assurer que l'article 49.2, le préambule, est quelque chose qui est respecté dans l'ensemble de la législation québécoise? Est-ce que... Je ne sais pas, vous semblez être une juriste de...
Mme Riendeau (Louise): Non.
M. Turp: Bien, en tout cas, vous parlez comme une très bonne juriste, d'ailleurs, hein? Est-ce qu'il y a à votre connaissance d'autres lois qui devraient être modifiées à la lumière de l'adoption par le Parlement de ces dispositions consacrant, renforçant l'égalité de l'homme et de la femme?
Mme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, si on voulait aller regarder les lois qui ont un impact négatif sur le plan de l'égalité des hommes et des femmes, on devrait regarder toutes les lois qui traitent des questions des droits économiques et sociaux, parce qu'on sait qu'il y a un plus grand impact sur les femmes, au fond, de mesures insuffisantes à ce niveau-là. Et faire un tel exercice au fond irait dans le sens des engagements que le gouvernement a pris dans la plateforme de Beijing de faire une analyse différenciée de l'ensemble des lois et des programmes.
M. Turp: Je ne sais pas si vous y avez pensé, Mme la ministre, mais, vous savez, c'est une des choses qui, quand on reconnaît dans une charte des droits, comme on nous l'a rappelé... ça ne suffit pas, les droits civils, le droit à l'égalité, mais il faut aussi penser aux droits économiques et sociaux et peut-être à les rendre justiciables. En même temps, vous savez, un des droits qui seraient les plus difficilement justiciables, ce serait le droit à un niveau de vie décent, parce que, là, ça, ça suppose éventuellement un investissement de la part de l'État, et qui pourrait être dicté par les tribunaux. Mais il y a un moyen de rendre justiciable même un droit à un niveau de vie décent, avec certaines balises qui seraient incluses dans la charte, dans notre propre charte.
Mais l'idée, c'est que, pour bien légiférer, il faut savoir si la législation qu'on va adopter pour reconnaître l'égalité hommes-femmes, comme on propose de le faire avec une clause de sûreté, de garantie puis de modification de préambule, si, en cela faisant, est-ce qu'on rend de la législation qui existe déjà inopérante, là, s'il y a de la législation qui va être affectée. Alors, peut-être c'est ma question à la ministre, c'est quoi... Est-ce qu'il y a déjà une analyse de conformité de la législation qui existe, à la lumière de la législation qui pourrait exister si on adoptait ce projet de loi? Peut-être qu'elle pourra répondre tout à l'heure, mais qu'est-ce que vous en pensez?
n(11 h 30)nMme Riendeau (Louise): Bien, écoutez, on pourrait, là aussi, s'inspirer de la Commission des droits de la personne, qui disait: Si on veut rendre les droits économiques, sociaux et justiciables, allons-y progressivement, assurons-nous que, pour l'avenir, ce soit conforme et révisons graduellement l'ensemble des législations. Ça pourrait être une façon de faire qui pourrait être utilisée aussi dans ce cas-ci.
M. Turp: C'est bien. Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Kelley): Une minute.
M. Turp: Alors, tout ce que je voulais dire, je voulais vous dire qu'on était en accord avec vous. La député d'Hochelaga-Maisonneuve, dans ses remarques préliminaires, avait rappelé ou avait suggéré que ce débat devrait se faire devant la Commission des institutions. Ce n'est pas parce qu'on n'aime pas le président de la Commission des affaires sociales et la ministre de la Condition féminine, mais, s'agissant...
Une voix: ...
M. Turp: Et ni les membres permanents et ceux qui sont associés aux travaux de cette commission. Mais, pour moi et pour nous, c'est une question de nature institutionnelle. Quand on amende une loi fondamentale comme la charte québécoise, ce processus législatif devrait se dérouler devant la Commission des institutions, et c'est le ministre de la Justice qui devrait piloter l'entreprise de modification de cette loi fondamentale. On comprend que c'est lié à l'égalité hommes-femmes, que la ministre de la Condition féminine, cela ressort de ses compétences, mais, même à cela, je crois que ça aurait dû être devant la Commission des institutions. Peut-être, le ministre de la Justice aurait voulu se faire représenter par la ministre de la Condition féminine dans un débat qui aurait porté sur l'égalité hommes-femmes, s'il s'agissait de ne faire porter l'amendement à la charte sur l'égalité hommes-femmes, parce que ça, c'est possible, la ministre n'est pas membre de cette commission, ni le ministre de la Justice. Mais, en tout cas, juste pour dire qu'on était d'accord avec vous sur ce point.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Tout en rappelant que c'est la Commission des affaires sociales qui a entendu au-delà d'une centaine de mémoires sur l'égalité des sexes, et je pense qu'il y a un bon débat qu'on peut faire sur les compétences des commissions, mais également la possibilité de remplacer les membres avec d'autres membres. Alors, je pense qu'il y a une flexibilité pour l'étude de nos projets de loi.
Mais, sur ça, merci beaucoup pour une présentation fort intéressante. Je vais suspendre quelques instants et je demande à M. Ouellette, notre prochain témoin, de prendre place à la table.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
(Reprise à 11 h 36)
Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Notre prochain invité, c'est un docteur associé au Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones de l'Université Laval. Alors, la parole est à vous, M. Ouellette. Vous avez un temps de parole d'une quinzaine de minutes, suivi par un échange avec les membres de la commission. M. Ouellette.
M. Robert-Falcon Ouellette
M. Ouellette (Robert-Falcon): Merci beaucoup. Je m'appelle Robert-Falcon Ouellette, je suis d'origine crie. Et la raison pourquoi je suis venu ici, c'est pour présenter la vision du monde, si on veut, des Cris sur peut-être les droits de l'homme. Ce n'est pas tout à fait qu'est-ce qui... voit souvent dans l'Occident, mais qu'est-ce qu'on fait habituellement ici, au Québec. Si vous voulez, j'avais fourni un document, malheureusement c'est juste en anglais. Mais, au début, pages 3 et 4, je vous encourage à lire ça à un moment donné. Ça présente la création du monde selon les Algonquins... ça correspondrait fidèlement à la création du monde selon les Cris. Parce qu'on le sait, les droits de l'homme, c'est toute une implication peut-être spirituelle et religieuse pour certaines personnes. Alors, je vous encourage peut-être à lire ça une autre fois, ça peut prendre un petit bout. Mais on sait que les droits de l'homme, ça vient à peu près de 1948, avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui décrit que tous les êtres, tous les hommes sont nés égaux, avec les droits et... Ils sont nés avec un raisonnement et conscience, ils devraient agir aussi avec un esprit de fierté, une entraide entre eux autres. Excusez-moi pour ma traduction, parce que c'est un peu dur de faire ça comme ça, mais...
Mais aussi, on sait que les droits de l'homme, la raison pourquoi on... ça, c'est que ça nous donne une agencéité, c'est un terme qu'on utilise à l'Université Laval. Agencéité, ça veut dire notre capacité d'être agent dans notre vie, de contrôler la manière qu'on va fonctionner dans notre vie, de contrôler les moyens. Et Michael Ignatiff, un grand écrivain dans ce domaine-là, écrit que les droits de l'homme qu'on utilise aujourd'hui, ce n'est pas seulement les droits, mais c'est les droits négatifs. Ça veut dire, dans l'Occident, les droits négatifs, on doit avoir la liberté de ne pas être abusé, de ne pas avoir d'oppression ni pas d'avoir de cruauté. Mais d'avoir de l'oppression de qui? Mais, avant, si on regarde, ça a été avec le Magna Carta, dans l'Occident ? je ne sais pas si vous connaissez ça, probablement plusieurs d'entre vous autres connaissent ça, et c'est un très important document ? mais ça a été la liberté des nobles, contre le roi d'Angleterre, de se défendre contre ses souhaits du moment et de se protéger. Alors, ça caractérise, pour moi et beaucoup d'autochtones, aussi beaucoup de chercheurs, la façon de penser occidentale: il faut nous protéger.
n(11 h 40)n Malheureusement, cette idée-là ne correspond pas tout à fait à la réalité des autochtones, la manière que les droits sont vus, la façon aborigène ou indienne. Les droits, ça ne devrait pas être vu des droits négatifs, mais plutôt des droits affirmatifs, positifs, des droits qui affirment la capacité de tous les êtres à leur agencéité ? oui, agencéité. Alors, aujourd'hui, ça ne prend pas en considération que les autochtones considéraient tout comme un ensemble. Peut-être vous connaissez ça un petit peu, un petit peu superficiellement, mais les autochtones considèrent que les êtres hommes, les êtres animaux, aussi des éléments qui peuvent... des plantes, aussi la terre, les environnements, les écosystèmes, et même les générations futures, ils ont tous un droit. Et nous avons le droit d'avoir l'interaction entre nous autres, mais aussi de se... Aussi, nous avons un autre élément, qu'on ne considère pas souvent, la responsabilité, en tant qu'autochtones ou êtres hommes: j'ai une responsabilité envers les autres animaux dans le monde de ne pas brimer leurs droits, mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas le droit, comme par exemple, de les manger, les animaux. Parce que je sais que je peux enlever ce droit de vivre, mais grosso modo on essaie, pour une espèce, de ne pas enlever ce droit.
Aujourd'hui, on regarde, ici, dans la déclaration au Québec, la charte des droits de l'homme, au Québec, et, moi, quand j'ai lu ça, je ne trouvais pas qu'il y avait des références à des responsabilités, et j'ai trouvé ça un peu malheureux. Et si, aujourd'hui, je peux vous encourager à faire un changement dans cette charte-là, parce que c'est le moment, pendant que le fer est chaud, c'est de considérer les responsabilités. Et ça peut s'appliquer à plusieurs situations dans le monde. Prendre, par exemple, le citoyen, il a beaucoup des droits... on accepte beaucoup qu'il les prenne, mais qu'est-ce qu'il doit être obligé de redonner à la société? On demande au citoyen: C'est le fun si vous pouvez voter, hein? Mais, s'il avait des responsabilités, peut-être pas... dans d'autres lois, mais au moins on dit: Vous avez quand même des responsabilités envers la société, de vous impliquer, de travailler avec, de prendre connaissance de qu'est-ce qui se passe avec les élections. Et peut-être seulement dire: C'est vrai, il y a un équilibre qui devrait se faire entre qu'est-ce qu'on devrait se prendre et qu'est-ce qu'on devrait se donner.
Alors, mon document, si vous prenez le temps à lire, c'est mettre en situation quelques situations, ça explique aussi quelques idées qui seraient liées à ça. Mais, grosso modo, c'est... pour moi, le plus important, c'est l'idée de la responsabilité.
Le Président (M. Kelley): Ça va?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Oui.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour cette présentation. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme St-Pierre: Bonjour, M. Falcon Ouellette, merci pour votre exposé. Je ne veux pas minimiser votre crédibilité, mais j'aimerais savoir... C'est parce qu'on a cherché votre nom sur le site Internet du CIERA, et vous n'êtes pas identifié comme étant chercheur à la chaire, au centre interuniversitaire. Alors, si c'est le cas, si vous êtes vraiment chercheur, demandez-leur de corriger le site Internet parce que votre nom ne s'y retrouve pas.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Oui, oui, c'est tout nouveau.
Mme St-Pierre: C'est nouveau. Alors donc, je voulais vous dire ça d'entrée de jeu.
Vous parlez de responsabilité, c'est une question qui est effectivement fort intéressante et c'est une question sur laquelle je réfléchis beaucoup, parce que je pense qu'effectivement un individu, les gens dans la société peuvent avoir des droits, mais ils ont également des responsabilités. Cependant, je suis un petit peu déçue de voir que dans votre mémoire vous ne faites aucune référence à notre projet de loi. C'est très intéressant, mais en même temps j'aimerais vous entendre, parce que, du côté des communautés autochtones, je pense que vous allez être, dans toute cette commission parlementaire, la seule personne qui va venir nous parler du vécu des femmes autochtones ou des autochtones en général... Alors, j'aimerais savoir: Est-ce que vous pensez... J'imagine que vous l'avez regardé quand même, notre projet de loi.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Oui.
Mme St-Pierre: Bon. Est-ce que vous avez une idée sur comment les femmes autochtones... ou comment, dans le milieu autochtone, un tel projet de loi peut être reçu? Est-ce qu'il est bien accueilli ou si on est indifférent?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Bien, moi, je suis un homme, quand même, alors c'est difficile de parler pour les femmes. Mais, moi, personnellement, si je regarde ça pour ma grand-mère ou ma mère, je dirai que ça peut être bénéfique. Mais, pour les autochtones, la manière qu'on voit, les hommes et les femmes sont égaux quand même, sauf que chacun a peut-être des responsabilités un peu différentes dans la vie. Mais, quand même, si j'ai du respect pour l'autre personne, comme un autochtone, pour ma femme, pour ma conjointe, mais je devrai prendre en considération tous ses besoins, qu'est-ce qu'elle a besoin, et ça rentre en compte avec les responsabilités. On demande souvent: Moi, j'ai des droits, je prends, je prends, je prends, mais qu'est-ce que je vais donner à l'autre, à autrui, au reste de la société, à ma femme, ma famille, les conjoints, ma société, ma communauté, et tout ça?
Mme St-Pierre: Comment réagissez-vous au projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les femmes et les hommes?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais c'est intéressant, parce qu'on a essayé de... pas stratifier, mais mettre des droits qui sont plus importants que d'autres, hein? En tout cas, c'est la manière que je le vois, un petit peu. On dit que les femmes et les hommes, c'est un peu plus égaux que peut-être d'autres droits, et c'est... Moi, je trouve que c'est quelque chose d'intéressant.
Mme St-Pierre: Je pense qu'il faut corriger cette perception, il n'y a pas de hiérarchisation des droits dans l'exercice que nous faisons, et... Il y a des choses qui ont été écrites là-dessus, mais ce n'est pas le cas. Et ce qui a été écrit là-dessus a souvent été écrit avant que le projet de loi soit déposé devant l'Assemblée nationale. Et plusieurs intervenants sont venus dire ici, parce qu'ils avaient des craintes sur la notion de hiérarchisation, plusieurs intervenants sont venus dire ici, et des gens assez versés sur les questions juridiques, pour dire qu'il n'y avait de hiérarchisation.
J'aimerais savoir: Pourquoi vous n'avez pas fait référence à ce projet de loi dans votre mémoire? Qu'est-ce que vous cherchiez exactement en venant devant la commission?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais, en fin de compte, c'est... Pendant que le fer est chaud, je viens ici pour présenter une idée des autochtones, de la manière que l'on voit, et, pour moi, c'est, excusez-moi, c'est un peu sémantique... Le projet de loi actuel, c'est essayer de mettre des affaires. Mais c'est pour moi... L'Occident, ça va avoir des grands changements, et ça change continuellement, le Québec, hein? Les femmes ne votaient pas, elles ont commencé à voter dans les années quarante, les autochtones, à la fin des années soixante, et les droits, ils ont augmenté, et tout ça. Et on voit un changement, qu'on prend de plus en plus de respect.
Mais, dans le document principal comme une charte, qui met en évidence les vraies... les valeurs d'une société québécoise, et aussi parce que la société québécoise, c'est aussi une partie de l'Occident, c'est important de mentionner qu'il y a d'autres manières d'avoir une vision du monde, une cosmologie, si on veut dire. Alors, pour moi, c'est vraiment plus important, une idée de responsabilité, et je ne vois pas ça dans ce document de charte. Je ne vois pas ça au Canada, dans le reste du Canada anglais, dans les provinces anglo-saxonnes, ça n'existe pas, et je trouve ça malheureux. Mais je trouve qu'on continue d'avancer ça avec le développement durable et dans toutes ces questions de l'environnement, le respect pour l'environnement, et tout ça. C'est un élément peut-être important qu'il faut considérer, mais aussi peut-être qu'il faut mettre en place quelque chose qui explique. Mais, oui, pas seulement les droits envers... les responsabilités envers l'environnement et de protéger tout ça, mais aussi de protéger la manière qu'on fonctionne en société, de considérer qu'il faut avoir un respect, une responsabilité envers les autres.
Mme St-Pierre: M. le Président, mon collègue le député d'Orford a une question.
Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.
M. Reid: Merci, M. le Président. Très heureux de pouvoir bénéficier de votre expérience. Et je vais en profiter pour poser une question. D'abord, je voudrais vous dire que c'est très rafraîchissant d'entendre que les valeurs autochtones font appel autant aux responsabilités qu'aux droits, dans la façon traditionnelle dont on voit les choses. Ça fait partie de discussions, même si ça n'apparaît peut-être pas dans des chartes, mais je pense que ça fait partie de discussions. Et même, il y a des documents, quand on pense à des documents universitaires, par exemple, quand on parle de charte pour les étudiants, il y a souvent des droits et des responsabilités, et c'est très rafraîchissant d'entendre ça.
Moi, j'aimerais vous entendre sur... Vous avez la chance de connaître, et nous avons la chance de vous avoir ici, vous qui connaissez bien les deux cultures, si on veut, qui sont complémentaires, la culture des nations amérindiennes, des premières nations, et la culture québécoise, si on veut, au sens large, les valeurs québécoises et les valeurs traditionnelles autochtones. Et vous faites appel dans votre mémoire, autant que je puisse bien saisir évidemment, vous l'appuyez beaucoup sur des valeurs traditionnelles autochtones et vous nous dites en particulier que ces valeurs-là mettent de l'avant le sens des responsabilités ou les responsabilités, et tout ça.
n(11 h 50)n Moi, ce que j'aimerais vous poser comme question pour nous aider comme commission, c'est: Connaissant ce qu'on entend par l'égalité hommes-femmes dans la proposition du projet de loi qui est ici, qu'on étudie aujourd'hui, et dans la culture québécoise moderne et connaissant les valeurs traditionnelles amérindiennes, qui peuvent varier évidemment d'une nation à une autre, mais enfin où il y a des valeurs traditionnelles, où il y a des choses, d'après ce que vous en dites, qui sont communes, est-ce qu'il y a des conflits de valeurs ou entre ces valeurs? Est-ce qu'il y a des valeurs qui sont contradictoires ou conflictuelles? Ce qui m'apparaît un élément assez important, puisque les autochtones font partie du Québec, ce sont nos concitoyens, et il me semble que c'est important que nous sachions dans quelle mesure il y a concordance, ou il y a des arrimages peut-être à faire entre les valeurs traditionnelles qui animent encore beaucoup les communautés autochtones, et on peut comprendre pourquoi, et les valeurs du Québec d'aujourd'hui... On a la chance de vous avoir, vous qui faites de la recherche et qui connaissez les deux aspects. Est-ce qu'on pourrait bénéficier de votre éclairage pour nous donner une idée un peu... Est-ce que ces valeurs-là concordent? Est-ce que ces valeurs-là sont parfois divergentes? Est-ce que ces valeurs-là peuvent aller jusqu'à parfois même être conflictuelles?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Une question très intéressante...
M. Reid: C'est presque une question de soutenance de thèse, là.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Oui! Si on regarde un peu... Bien, je peux simplifier quand même, mais, si on regarde les États-Unis, on sait que le monde sont un peu plus individualistes, c'est très mis à l'avant, il faut être individuel, il faut avoir un «rugged individualism», comme on utilise ce terme beaucoup aux États-Unis, et ensuite, au Canada anglais, c'est un peu moins. Et, moi, je dirais, parce que, moi, je n'étais pas né ici, au Québec... Je suis Québécois, mais en même temps je suis d'une autre culture, et tout ça. J'ai un aspect et je regarde l'extérieur. Et ma mère est britannique, mon père, c'est un Ouellette, ma grand-mère, c'est une Crie. Alors, j'ai un beau mélange. Je garde beaucoup de cultures un peu de l'extérieur. Et je dirai que le Québec a un aspect très collectif à la culture. Il y a encore du monde qui pousse l'individualisme beaucoup, mais il y en a aussi beaucoup qui poussent la collectivité, et tout ça. On entend ça avec les groupes sur la pauvreté et les lois contre la pauvreté, et tout ça, ici, au Québec, et c'est très intéressant.
Également, les autochtones, ils poussent en avant cette idée-là de collectivité. Ce n'est pas généralisé non plus, parce qu'il y a beaucoup des autochtones qui quittent la communauté pour venir en ville, pour essayer de façonner ou créer une vie un peu différente, avec le matérialisme, et tout ça, mais en même temps il y a beaucoup de monde qui résistent à cet appel du matérialisme, ils restent sur les réserves. Quand on sait qu'ils sont dans une... des fois ce n'est pas des très belles conditions, d'autres fois c'est des très belles conditions, comme ici, à Wendake.
Alors, pour moi, oui, il y a des choses qui sont partagées. Je pense que chaque être a des choses qu'il aime avoir dans sa vie, la capacité d'être agent dans sa vie, mais aussi il y a des affaires qu'il faut être conscient que... qui sont divergents.
M. Reid: Est-ce que la question de l'égalité hommes-femmes, telle que discutée ici, dans le projet, à la commission, est-ce que ça, ça fait l'objet d'une certaine divergence ou s'il y a une certaine concordance de valeurs?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Bien, traditionnellement, c'est que les hommes et les femmes auraient dû se faire d'influences complètement différentes, même s'ils avaient des chances de prendre des décisions ensemble. La femme s'occupait beaucoup des enfants; aujourd'hui, c'est beaucoup encore de ça, mais il y a des changements. Moi, je donne les bains à mes enfants, et mon père n'aurait jamais fait ça. Mais c'est la même chose dans la société québécoise, je pense.
M. Reid: Ce que vous dites, c'est qu'au niveau de... même au niveau des premières nations, il y a une évolution, disons, comme il y a eu dans l'ensemble de la société, là.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais on n'a pas le choix, parce que la société québécoise, ils sont tellement nombreux, et on est dedans, on baigne dans cette culture-là. Alors, on a des influences négatives et positives aussi, hein, ce n'est pas tout le temps négatif, il ne faut pas penser que c'est tout mauvais, qu'est-ce qu'a apporté l'Occident ici.
M. Reid: Est-ce qu'on peut conclure qu'il y a une certaine concordance donc dans l'évolution des valeurs, etc., même si on parle...
M. Ouellette (Robert-Falcon): Pour moi, il n'y a pas de problème d'avoir une égalité entre femmes et hommes. Chaque personne est libre de faire sa vie comme elle veut aussi, hein? Alors, si la personne décide: Moi, je veux m'occuper des enfants primordialement, dans notre relation, bien c'est un choix qu'elle fait entre deux personnes, ce n'est pas...
M. Reid: Et l'adhésion à des valeurs traditionnelles autochtones n'empêche pas cette évolution-là, c'est ce que vous dites dans le fond?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Je dirais: plus maintenant. Même dans la spiritualité, avant, les femmes n'avaient pas comme droit d'utiliser des tambours, certaines affaires religieuses, des instruments religieux. Aujourd'hui, cette interdiction, ça n'existe carrément pas. Les femmes qui sont des chamans aussi, des chefs spirituels... Alors, pour moi, ce n'est même pas une question.
M. Reid: Très intéressant. Merci.
Le Président (M. Kelley): Avez-vous une question, Mme la députée de Gatineau?
Mme Vallée: En fait, votre intervention est très intéressante. Tout à l'heure, vous avez soulevé, bon, l'importance d'accorder une plus grande place à la responsabilisation de la société. Je me demandais: En reconnaissant, de la façon dont on s'apprête à le faire dans la charte québécoise, la notion d'égalité entre les hommes et les femmes, est-ce que vous ne considérez pas qu'il s'agit en soi d'une forme de responsabilisation qui est tacite, à l'égard de la société, face à cette notion d'égalité, c'est-à-dire: les hommes et les femmes sont égaux, donc il y a donc une certaine responsabilisation de reconnaître et de respecter les individus de façon égale?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Dans un document, je crois, aussi important qu'une charte qui reflète les valeurs d'une société, on peut avoir des innuendo, ou des affaires qui sont ? comment je peux dire ça? ? qu'on voit, mais elles ne sont pas écrites dedans, et ça peut changer. Mais aussi, des fois c'est important d'écrire des affaires. Dans les traditions autochtones, c'était beaucoup oral, et les lois étaient orales aussi, les coutumes, et tout ça, et ça a changé beaucoup. Ça peut changer selon le temps, et tout ça.
Mais, comme une société comme Québec, dans laquelle on vit, en Occident, et avec une tradition d'écriture dans laquelle on trouve que c'est très important d'écrire des lois, je crois que c'est très important d'écrire quelque chose comme la responsabilité, parce que ça ne s'était jamais fait dans l'Occident. Moi, je ne connais pas d'autres places qu'ils ont fait ça. J'ai regardé beaucoup d'autres pays, qu'est-ce qu'ils ont comme ça, et on lit comme plutôt des documents comme des lois, des actes des Parlements ou des législateurs qui sont en fait, qui sont comme... ils mettent une limite à la liberté du monde, mais en même temps ça ne proscrit jamais vraiment par peut-être des lois de bon samaritain ? parce que ça existe aussi, le bon samaritain, les lois sur ça ? d'avoir une responsabilité d'aider l'autre. Mais, dans une loi aussi importante qu'une charte, je crois, pour moi, que c'est important d'écrire quelque chose là-dessus.
Et ça va être... Pour moi, ça n'a pas besoin d'être quelque chose qui va être à travers le document, mais peut-être dans le préambule ou le début de ce document, c'est peut-être important de mentionner: Nous avons aussi des responsabilités, en tant que citoyens du Québec, envers notre collectivité et aussi envers notre personne, et tout ça. La collectivité, ça peut inclure beaucoup de choses, comme la famille, la communauté, la société, le travail, et tout ça, mais aussi envers l'individu. Je sais que je ne demande pas tout de suite à vous autres de prendre la... de dire que tous les êtres, dans le sens autochtone... comme les animaux, ils ont des droits et des libertés, et tout ça, parce que je sais que ça va être un changement énorme pour la société, dans n'importe quelle, mais, je trouve, peut-être au moins d'amener cette idée de responsabilité dans un document aussi important, ça peut être intéressant.
Mme Vallée: Est-ce que vous ne croyez pas que l'article 39 paraît... À titre d'exemple, l'article 39, sur la protection de l'enfant, l'article 47, portant sur la direction conjointe de la famille, l'article 48, traitant de la protection des personnes âgées, ne croyez-vous pas qu'il s'agit là de notions concrètes de responsabilité qui touchent justement cette préoccupation-là que vous avez soulevée, c'est-à-dire de responsabiliser la société à l'égard d'autrui?
n(12 heures)nM. Ouellette (Robert-Falcon): Oui, mais, encore là, c'est juste des petits groupes, les enfants, les personnes âgées, et tout ça, un peu plus loin dans le document, mais ce n'est jamais au début, où c'est... où le monde lit le début, pour dire: Aïe! c'est ça, les valeurs de notre société; c'est vrai, nous avons une responsabilité, pas seulement envers les enfants, mais aussi envers mon voisin, d'être un bon voisin, de respecter mon voisin. Ça peut être aussi simple, ce respect-là, comme: je ne pellette pas la neige dans sa cour, hein?, pour qu'il... c'est lui qui pellette. Mais des fois il se dit: Aïe! c'est vrai, moi, au lieu de dire tout le temps: Aïe! c'est à moi, les droits, c'est à moi, et j'ai droit, j'ai droit, j'ai droit, j'ai droit. Aïe! Aïe! on a aussi des responsabilités. Ça peut s'appliquer aussi à des frais d'études à l'université. Aïe! les étudiants, vous avez une responsabilité à contribuer vous-mêmes à votre financement de votre éducation, je dis, aussi, mais la société a une responsabilité envers vous aussi de contribuer à votre éducation, d'assurer la pérennité de notre savoir-faire, et tout ça, dans la société, mais essayer de trouver un équilibre dans ça. Mais, malheureusement, ce n'est pas mentionné, l'idée de responsabilité en tant que valeur suprême.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je dois mettre fin à cet échange et céder la parole maintenant à Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Merci, M. Falcon. Je trouve ça très intéressant, votre...
M. Ouellette (Robert-Falcon): En fin de compte, mon nom, c'est Robert-Falcon Ouellette.
Mme Leblanc: Ah! Robert-Falcon. D'accord. C'est votre prénom?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Oui, c'est mon prénom, oui.
Mme Leblanc: Désolée, M. Ouellette.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Pas de problème.
Mme Leblanc: Écoutez, bienvenue. Et ça, j'ai trouvé ça fort intéressant. Naturellement, on aurait aimé que vous parliez davantage, vous savez, du projet de loi actuel versus les autochtones. Je pense que c'est quand même enrichissant aussi de vous entendre parler des autochtones. De manière générale, on voit que vous avez une opinion quand même favorable. Vous avez parlé tantôt que votre génération, écoutez, les tâches à partager, tout ça... Donc, vous êtes favorable quand même à ce projet de loi là aujourd'hui.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Certain.
Mme Leblanc: O.K. Puis, comment pouvez-vous... Parce qu'on comprend qu'on parle... Vous avez parlé beaucoup de responsabilités, mais on doit aussi baliser, vous savez, dans une société, on doit quand même baliser certains... guider les... puis je pense que c'est versus nos lois qu'on le fait. Donc, comment s'assurer que, chez les autochtones, vous savez, on va vers cette tendance-là? Parce que vous reconnaissez quand même l'importance de l'égalité hommes-femmes. Donc, comment l'articuler chez vous? Comment vous pensez qu'on peut...
M. Ouellette (Robert-Falcon): L'idée de l'égalité entre hommes et femmes?
Mme Leblanc: Oui, exact. Parce que, je comprends, vous dites: Écoutez, vous savez, on doit responsabiliser. Donc, est-ce qu'il y a une façon encore plus importante qui pourrait faire accélérer, si on veut, vous savez, l'égalité hommes-femmes davantage?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais... avec les autochtones, souvent les choses qu'on voit, c'est, les femmes, elles ont beaucoup plus d'éducation que les hommes. Moi, je suis un peu bizarre parce que j'ai eu... un peu différent, spécial, parce que je suis un homme et j'ai beaucoup d'éducation. Et beaucoup de chefs, par exemple, sont des hommes, mais les femmes qui contrôlent... Comme ici, au Québec, les commissions pour l'éducation, le développement économique, et tout ça, c'est souvent des femmes. Parce que c'est eux autres avec les compétences. Et souvent on entend les femmes dire: Mais... Bien, je ne veux pas banaliser ça, mais souvent les femmes, en Gaspésie, à Gaspé, elles peuvent dire: Hé! cet homme, je l'aime tellement que je veux le garder à la maison. C'est moi qui vais travailler, hein?
Essayer d'avancer l'égalité entre hommes et femmes, je pense que c'est en train déjà de se faire, parce que beaucoup de population autochtone, c'est très jeune. Et on ne va pas avoir de choix, parce que les femmes qui arrivent, elles vont dire: Mais là je veux l'égalité, j'étais née avec cette idée en tête, et, même si il y a quelqu'un d'un certain âge qui dit: Bien, attends, ce n'est pas selon nos traditions, et tout ça, anciennement... Ça change énormément. On crée un nouveau... C'est en train de se faire avec la spiritualité, une néotradition, un néo... «pan-Indianism», un nouvelle façon pour voir le monde. On prend beaucoup de traditions qui sont... correspondent à nos valeurs d'aujourd'hui et, les autres, on regarde. Mais c'est comme toute société. Avec la Bible, même, on ne prend pas toutes les règles dans la Bible, hein? Dans toute société... mais en même temps essayer de garder qu'est-ce qui est bon, qu'est-ce qui n'est pas bon, qu'est-ce qui s'applique à certaines situations. Et je pense que c'est une situation tout à fait... C'est un processus tout à fait organique, il faut juste laisser ça aller au fur et à mesure.
Mme Leblanc: C'est bien intéressant. Bien, écoutez, pour continuer sur, disons, vos responsabilités, là, je pense, qui est quand même... Il est bien, bien intéressant de vous entendre. De quelle manière pouvons-nous agencer un certain équilibre entre les droits et les devoirs aussi d'une société? Avons-nous tendance à oublier que tout individu doit contribuer à l'édification d'une société plus juste, et équitable, et tolérante?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Alors, vous dire qu'est-ce que... Vous aimeriez que je propose quelque chose?
Mme Leblanc: Oui, c'est ça. Bien, comme comment ? c'est ça ? établir le juste équilibre, là. On parle de devoirs de la société, on parle d'une loi...
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais, pour moi, de la manière que je vois, et je vois que les droits sont là, il n'y a quasiment pas de responsabilités. Ça a été mentionné que, oui, il y a effectivement certaines responsabilités qui sont mentionnées, mais ils sont très bas. Alors, c'est juste amener un petit peu le meilleur équilibre. Alors, il faut juste... Moi, je pense que, dans le préambule, le début du document, de le mentionner, que tous les citoyens du Québec, ils ont des droits collectifs... non pas des droits, excusez-moi, mais des responsabilités collectives envers leur société et aussi envers eux-mêmes. Parce que j'inclus eux-mêmes aussi, parce que c'est important, parce que souvent le monde, il fait des affaires qui ne sont pas bien pour eux, mais il fait quand même... On sait qu'avec les problèmes de drogue, alcool, tous ces aspects-là... Mais, moi, je ne suis pas avocat, alors c'est ça! J'aimerais bien prendre le temps pour vous formuler quelque chose, mais j'imagine que vous avez des avocats beaucoup mieux situés dans ces domaines que moi.
Une voix:...
M. Ouellette (Robert-Falcon): Oui, je suis anthropologue. Aussi, j'ai une maîtrise... deux maîtrises, en éducation et un autre bac en éducation aussi.
Mme Leblanc: Consolez-vous, nous aussi, on a précisé, certains de nos collègues sont juristes, mais pas moi, là, pas moi. Vous dites dans votre mémoire: Plusieurs communautés autochtones au Canada ont de la difficulté à accepter le modèle économique et ses conséquences sur les droits humains. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais on regarde avec... On peut utiliser un exemple ici, au Québec, comme avec les Cris. Ce n'est pas tout... ce n'est pas unanime, qu'est-ce qui se passe avec Hydro-Québec, avec les développements d'hydroélectricité, il y a beaucoup d'autochtones qui sont encore contre ça. Et c'est pour les raisons comme celle-là: l'idée qu'ils ont une responsabilité envers la terre, envers les autres animaux et envers les autres espèces, envers les esprits des montagnes, des lieux qui sont sacrés, de ne pas mettre ça sous l'eau. Mais, évidemment, il y a un équilibre à faire, parce qu'on veut vivre dans une société qui fonctionne avec une électricité, qui est beaucoup plus propre. Alors, il faut regarder tout ça et dire qu'est-ce qu'ils sont capables à faire. Alors, c'est un grand débat encore dans le monde autochtone.
Parce que, moi, c'est... Je me pose des questions, je viens et je vais à mon travail à tous les jours et je prends la voiture, mais je sais que ce n'est pas bien, hein, mais je le fais quand même. J'ouvre le four de mon foyer... Même sur encore plusieurs niveaux, je dis: Est-ce que je devrais manger des animaux? C'est des êtres. Mais c'est des grands questionnements qui se font. Alors, je sais que peut-être je ne réponds pas peut-être à votre question comme vous voulez, mais c'est des exemples à terre comme ça qui sont intéressants.
Mme Leblanc: Vous avez raison, c'est de trouver le juste équilibre, je dis bien «juste», parce que ce n'est jamais juste d'un bord ou de l'autre, là, vous avez raison. J'ai fini, M. le Président, merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Merci. Avez-vous des questions, Mme la députée de Masson? Oui.
Mme Grandmont: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ouellette. C'est rafraîchissant d'écouter votre message, venant d'un jeune, d'une nouvelle génération. Moi, je me pose une question. Dans les communautés autochtones, il y a beaucoup d'hiérarchisation. Comment eux perçoivent ça, le fait de l'égalité entre hommes et femmes puis que ce ne soit plus dirigé comme avant? Comment c'est perçu par les gens de vos communautés?
n(12 h 10)nM. Ouellette (Robert-Falcon): Ça, c'est une question très intéressante, parce que hiré... excusez-moi, mais, les hiérarchies ? je vais changer la formulation un petit peu; hiérarchies. Dans les sociétés autochtones, traditionnellement il y avait quelques sociétés, aux États-Unis, qui étaient très hiérarchisées, mais traditionnellement un guerrier ou une personne autochtone n'est pas sous l'emprise de quelqu'un d'autre, personne d'autre peut vous forcer de faire quoi que ce soit dans la vie. Et, aujourd'hui, comme on a expliqué, peut-être avec l'économie, des fois c'est difficile, hein? Parce que, moi, je dois être un employé de quelqu'un, quelqu'un doit me payer, alors je dois me soumettre à l'autorité de quelqu'un d'autre. Mais, traditionnellement, les autochtones ne faisaient pas ça, et c'était beaucoup plus facile, parce que vous partiez dans la forêt faire la chasse, si vous n'aimez pas le groupe, parce qu'il y avait quelqu'un qui essaie de faire quelque chose pour vous... c'était vu vraiment d'une manière négative que cette personne-là essaie de vous contrôler. Alors, le monde: Bien là, je n'accepte pas ça, je pars, je vais ailleurs.
Avec les enfants, même, on n'essaie pas de supprimer les libertés de l'enfant, on essaie d'utiliser une discipline positive. Si on essaie d'inculquer certaines responsabilités, des fois, c'est une manière qui est beaucoup plus fluide. Des fois, ça marche très bien avec certains, d'autres, ça ne marche pas très bien. Mais c'est une philosophie.
Mme Grandmont: Merci.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Est-ce que je réponds un petit peu à votre question?
Mme Grandmont: Oui, c'est bien. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci. Moi, je voudrais vous remercier parce que ce document... je l'appelle un document parce que c'est un petit peu... c'est très éducatif, vous nous présentez des données, des informations, des références qui, pour des non-initiés, sont extrêmement intéressantes. C'est très difficile de faire le lien entre ce que vous nous proposez puis le projet de loi, mais néanmoins il y a un lien entre la Déclaration des droits de l'homme et cette notion de responsabilité que vous soulignez. Est-ce que je me trompe en disant qu'au fur et à mesure où notre civilisation se civilise, avec une sensibilisation plus grande au niveau de la protection de l'environnement, on se rapproche un peu de cette vision holistique que les peuples autochtones nous présentent, et qu'on n'a pas comprise, depuis deux, trois siècles, et qu'on commence à découvrir?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Je suis 100 % d'accord avec vous, oui, carrément. Mais c'est une évolution qui dure depuis la Magna Carta, cet aspect-là des droits.
Mme Dionne-Marsolais: Je n'ai pas compris. Depuis quand?
M. Ouellette (Robert-Falcon): C'est... De Magna Carta.
Mme Dionne-Marsolais: Ah oui! Oui, oui. Oui, oui. Depuis la civilisation que vous appelez d'Ouest, là.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Moderne, oui, oui.
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, depuis... en effet. D'ailleurs, c'est ça, j'aurais dû remonter jusque-là, là, si je suis votre raisonnement.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Mais, même là, tout changement dans la société, ce n'est jamais... ce ne devrait être jamais quelque chose trop abrupt ou trop carré, hein? Tout changement qu'on fait dans la société, ça devrait être fait dans des degrés 1 %, 2 %, parce qu'on commence ici, mais, si on change... si on change juste un petit peu, bien dans 20 ans, dans 40 ans, ça va être une société totalement différente, si vous avez maintenu notre direction principale.
Mme Dionne-Marsolais: J'espère que ça ne prendra pas 40 ans. J'espère qu'on va... Bien, il me semble qu'avec les défis que nous pose l'évolution humaine, dans le contexte des conséquences de la détérioration de l'environnement, il va falloir qu'on réagisse beaucoup plus vite. Alors, j'espère que, dans les cinq ou 10 prochaines années, on élargira cette notion des droits et responsabilités, là... cette notion de la charte, c'est-à-dire, à un volet plus ferme sur les responsabilités.
Alors, moi, je vous remercie, parce que je disais à mon collègue le député de Mercier: C'est de l'éducation permanente, là, que vous nous faites. Mais est-ce que vous êtes doctorant associé ou si vous avez terminé votre doctorat en...
M. Ouellette (Robert-Falcon): Je suis en train de finir.
Mme Dionne-Marsolais: Ah! vous le faites en ce moment. D'accord. Alors, il faudrait...
M. Turp: Il manque un n, alors.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, c'est ça, il manque un n.
M. Ouellette (Robert-Falcon): Ah! je suis désolé.
Mme Dionne-Marsolais: Alors, moi, je n'ai pas d'autre question. Je vais passer la parole à mon collègue, qui va sûrement avoir plus de contenu juridique que moi.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous féliciter de prendre l'initiative de venir devant cette commission comme jeune chercheur, de nous faire la démonstration qu'un jeune Cri maîtrise la langue anglaise quand il écrit et parle très bien la langue française. C'est tout à votre honneur, et merci de donner l'exemple de quelqu'un qui a choisi d'adopter, d'épouser la langue française, qui écrit bien en anglais et qui, j'imagine, s'exprime encore mieux dans sa langue d'origine, la langue crie, qui est une langue, heureusement, qui est encore parlée au Québec, en dépit du fait que ça a dû être difficile pour le peuple cri de maintenir sa langue, et heureusement que c'est le cas, comme ce n'est pas le cas pour tous les peuples autochtones au Québec, qui dans certains cas ont perdu leurs langues.
Mais j'ai une réponse un peu... ou je vous offre une réponse qui explique pourquoi il n'est pas beaucoup question des responsabilités dans les chartes des droits. Et la réponse est un peu dans votre propre texte, parce que, quand vous dites, à la page 4: «The Western concept of human rights today exemplified by the Universal Declaration of Human Rights is often touted by its proponents as a secular, nonreligious, nonpolitical creed.» Et ensuite vous ajoutez: «The Universal Declaration was in fact a reaction to the atrocities of the Second World War and especially the barbaric acts of the Nazis against Jews.» Alors, c'est ce que les Allemands et les nazis ont fait pendant la Deuxième Guerre mondiale, qui ont imposé des responsabilités à tout le monde et complètement violé les droits, et principalement des Juifs en Allemagne et ailleurs dans les pays qu'ils ont annexés et conquis, qui explique, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu'on a adopté la déclaration universelle dont vous parlez, qu'on n'a pas mis l'accent sur les responsabilités et les devoirs mais plutôt sur les droits. On avait tellement violé de droits, les droits les plus fondamentaux, qu'il fallait affirmer d'abord les droits et davantage les responsabilités.
Mais il demeure que la déclaration universelle, que vous citez, comporte un article qui concerne les droits et les responsabilités, l'article 29, vous le connaissez sans doute, et qui précise, très généralement, que les individus ont aussi, à l'égard de leurs communautés, des responsabilités. Mais c'est discret, c'est très marginal par rapport à la reconnaissance des droits. Il y a quelques instruments internationaux, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, adoptée en 1948, qui contient également une liste beaucoup plus importante de devoirs ou de responsabilités. Alors, si ça vous intéresse, vous irez lire le texte de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, qui a été adoptée par l'Organisation des États américains en 1948, quelques semaines après la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Et depuis on n'a jamais non plus mis l'accent sur les droits, à cause de cette crainte, là, que les devoirs l'emportent sur les droits, et cet historique... Mais il y a une tendance, maintenant, à vouloir réintégrer dans les chartes des droits ou des responsabilités. Mais la charte des droits de la personne du Québec, là, vous savez ce qui est intéressant? C'est que, même si elle ne comprend pas explicitement de responsabilités, le fait qu'elle s'applique dans les rapports entre personnes privées veut que chaque individu est aussi responsable du respect des droits de l'autre. Parce qu'on peut traduire en justice un individu qui n'a pas respecté le droit d'un autre individu. C'est une façon implicite d'imposer des responsabilités, des devoirs de respecter les droits d'autrui, ce qui n'est pas le cas de la Charte canadienne, parce que la Charte canadienne ne s'applique que dans les rapports entre État et individus.
Et c'est intéressant que vous évoquiez le droit au... ou la loi du bon samaritain, parce que notre Charte des droits et libertés, à l'article 2: «Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours», est une législation sur le bon samaritain. Mais c'est vrai que c'est, a contrario: si quelqu'un a droit à un secours, quelqu'un a la responsabilité de prêter secours à la personne. Alors, je pense que c'est intéressant que vous souleviez cette question-là, parce que, notamment à l'égard des hommes et des femmes et de leurs rapports, ce n'est pas seulement une question de droit, c'est une question de responsabilité. Et le projet de loi, que vous ne commentez pas... C'est vrai que c'est un peu un exercice de chercheur, là, d'universitaire que vous êtes venu faire devant cette commission, mais ça, je pense qu'il faut l'apprécier, valoriser cette démarche que vous avez faite, parce que ça, je pense, nous instruit, nous est utile, et vous soulevez une question, une dimension du débat qui n'a pas été soulevée jusqu'à présent, c'est la responsabilité versus les droits.
n(12 h 20)n Mais, moi, je voudrais continuer sur la question de l'égalité des droits des hommes et des femmes dans les communautés ou les nations autochtones, parce que je crois que c'est une question, là, très pertinente. Il y avait des lois très discriminatoires, là, la Loi sur les Indiens, là, elle créait de la discrimination, tellement qu'il y a eu des affaires que la Cour suprême a tranchées, l'affaire Drybones, l'affaire Lavell, fondées sur la Déclaration canadienne des droits, qui ont déclaré inconstitutionnelles des dispositions qui créaient de la discrimination entre les hommes et les femmes autochtones dans la Loi sur les Indiens. Et il y a même eu une affaire devant le Comité des droits de l'homme de l'ONU ? comment ça s'appelle? ? l'affaire Lovelace, d'une dame autochtone qui est allée jusqu'à l'ONU pour que justement l'article 12 de la Loi sur les Indiens soit déclaré contraire au pacte sur les droits civils et politiques. Et elle a réussi non pas sur la base de la clause sur la discrimination entre hommes et femmes, mais parce que ça violait un droit culturel d'une personne appartenant à une minorité autochtone.
Est-ce que ? vous répondiez à la question du député d'Orford dans ce sens-là; est-ce que ? vous croyez que, dans votre nation autochtone et dans les autres nations autochtones présentes au Québec, là, les premières nations, la nation inuite, est-ce que les communautés acceptent la notion d'égalité hommes-femmes? Et est-ce que c'est une valeur partagée avec, disons, la nation québécoise, là, que vous connaissez bien? Parce que la question demeure, se pose toujours, c'est: Est-ce que l'évolution de la société impose aux nations autochtones des valeurs qui ne sont pas nécessairement les siennes, lorsqu'il s'agit de l'égalité hommes-femmes, ou est-ce que les nations autochtones sont rendues au même point que la nation québécoise? Parce que justement l'égalité hommes-femmes, qui n'existait pas dans la société québécoise... Notre Code civil était discriminatoire, était terriblement discriminatoire jusqu'en 1975, même jusque dans les années quatre-vingt. Est-ce qu'on est rendu au même point, où vraiment c'est une valeur, c'est tellement une valeur que c'est le fondement de la justice, de la paix et de la liberté? Est-ce que c'est votre avis et l'avis des gens de votre communauté?
M. Ouellette (Robert-Falcon): Tout à fait intéressant comme question. Mais, les autochtones, oui, les femmes et les hommes sont égaux, mais aussi ils sont complémentaires, hein? On ne peut pas être égaux, hein, dans la société, 100 %, hein, c'est un peu difficile. On a chacun des choses qu'on fait un peu différent, des choses que... Parce qu'un homme et une femme, c'est différent un petit peu, avec la génétique, on n'a pas la même génétique, pas pantoute. Alors, moi, je dirai, ils sont plutôt complémentaires mais aussi, oui, ils sont égaux. Je pense qu'il n'y a pas un autochtone qui ne considérerait pas une femme son égal, pas un homme, ou que...
Mais j'aimerais juste dire une dernière affaire. Dans le premier article de la Déclaration universelle des Nations unies, c'est marqué: Nous devrons agir d'une manière... «act towards one another in a spirit of brotherhood». C'est très important parce que ça implique des responsabilités. Ce n'est pas mentionné... Il peut carrément dire le mot «responsabilité», mais il devra réagir avec une responsabilité envers autrui, tout le monde, et tout ça.
Et, deuxièmement, les droits suivants... qu'on utilise dans la société, l'Occident, aujourd'hui, moi, je considère encore, c'est des droits négatifs. On protège contre quelque chose, on protège toujours contre ça. Vis-à-vis les autochtones, dans lesquels on croit, c'est une affirmation de nos droits, on s'affirme qu'on a le droit d'avoir des relations avec les autres, et tout ça. Alors, c'est un peu différent, c'est expliqué dans mon document, ici. Et je pense que c'est important d'essayer de n'être pas toujours: il faut protéger contre l'État. Il ne faut pas toujours avoir de la protection contre cette personne qui veut me faire du mal. Ce n'est pas vrai que le monde veut faire mal tout le temps, tout ça, l'État souvent est là pour nous aider. Aussi, les personnes sont là pour nous aider. Mais il peut nous aider seulement si on aide cette personne. Alors, ça implique une responsabilité.
Mais toujours de dire: Ah, ça existe peut-être, c'est comme sous les lignes... entre les lignes un petit peu, ça. Pour moi, souvent, si vous allez en cour, ça n'existe pas entre les lignes, il faut trouver la jurisprudence, il faut trouver les points. Quand c'est écrit, c'est beaucoup plus facile à dire, parce que, dans l'Occident, quand c'est écrit, c'est écrit, hein? Quand c'est entre les lignes, je pense qu'il faut avoir beaucoup de jurisprudence, de lois civiles, de lois communes.
M. Turp: ...un civiliste, ce n'est pas un common lawyer, là. Ce n'est pas mal, ça...
Le Président (M. Kelley): Exactement.
M. Turp: ...c'est un civiliste...
Le Président (M. Kelley): La bonne tradition anglo-saxonne, le non-écrit est toujours essentiel. Alors, sur ça, avant de terminer votre présentation, également les propos du député de Mercier évoquent la mémoire de Mary Two-Ax Early, qui était une femme extraordinaire, de Kahnawake, une des Mohawks qui étaient associés aux causes, qui a eu pour effet... pour éliminer certains des effets discriminatoires sur la Loi sur les Indiens: il y avait un résultat différent si une femme autochtone se marie avec un non-autochtone en comparaison avec qu'est-ce qui serait arrivé pour un homme autochtone qui se mariait avec une non-autochtone. Et Mary Two-Ax Early était une femme extraordinaire, de Kahnawake, qui a mené les batailles jusqu'à New York, jusqu'à l'ONU pour gagner sa cause.
Et, sur la liste des responsabilités, moi, je crois fermement, il y a toujours la responsabilité des citoyens pour venir ici alimenter nos réflexions. Alors, merci beaucoup, M. Ouellette, pour votre contribution, votre sens du devoir, aujourd'hui, pour avoir cet échange avec les membres de la commission. Et, sur ça, merci beaucoup. Thank you very much. Meegwetch. Et je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 14 h 6)
Le Président (M. Kelley): Alors, bonjour, tout le monde, de nouveau. Bon après-midi. On va continuer nos travaux aujourd'hui. Ça, c'est la consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Nous avons quatre témoins cet après-midi: la Ligue des droits et libertés, L'Action des nouvelles conjointes, L'Après-rupture et M. Christopher Powell. Comme nous avons convenu, premièrement, ça va être la Ligue des droits et libertés. Vous avez un 15 minutes pour faire votre présentation. Après ça, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission, d'une durée de 45 minutes. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à Mme la présidente, Nicole Filion.
Ligue des droits et libertés (LDL)
Mme Filion (Nicole): Bonjour. Une présentation d'abord de notre organisation. La Ligue des droits et libertés a été fondée en 1963 et elle est l'une des plus anciennes organisations de défense des droits des personnes des Amériques. Elle défend l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l'homme et elle est affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme. Elle intervient tant sur la scène nationale que sur la scène internationale.
Et, tout au long de son histoire, la ligue a participé à différentes luttes contre la discrimination et les abus de pouvoir. Elle a participé activement à l'abolition de la peine de mort, à la démocratisation de l'accès à la justice, à la création du régime de l'aide juridique et à la mise en place du système de protection de la jeunesse. La ligue a aussi joué un rôle important dans l'adoption de la charte québécoise des droits et libertés, dans la création de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de même qu'un peu plus tard à la création du Tribunal des droits de la personne.
Ainsi que le mentionne la Commission des droits de la personne dans son bilan des 25 ans de la charte, la ligue a toujours mis de l'avant une vision sociale et dynamique des droits et libertés qui vise à inclure dans la charte autant les droits qui ne sont pas acquis et protégés que ceux qui le sont déjà. Et c'est à la lumière de cette expérience historique que la ligue fait une lecture particulièrement critique du projet de loi n° 63. La ligue considère en effet qu'il ne s'agit non pas d'un jalon de plus pour assurer le droit des femmes à l'égalité, il s'agit avant tout d'une réponse politique et partielle au débat sur les accommodements raisonnables ainsi qu'une réponse à la recommandation du Conseil du statut de la femme d'amender la charte et qui demandait «que soit clairement affirmé que l'égalité entre les femmes et les hommes ne peut être compromise au nom notamment de la liberté de religion».
Le projet de loi n° 63 a la prétention de faire avancer le droit des femmes à l'égalité. Et, pour défendre le projet de loi, Mme la ministre a déclaré, en janvier 2008, qu'«en enchâssant le droit à l'égalité des femmes et des hommes comme étant un droit fondamental le projet de loi n° 63 ajoutait un pilier à la charte québécoise et nous faisait franchir un pas significatif pour les générations de demain».
Pour la ligue, les modifications proposées n'ajoutent rien à la protection du droit des femmes à l'égalité. Elles pourraient cependant constituer une tentative détournée de suggérer une hiérarchisation du droit à l'égalité des femmes sur la liberté de religion et influencer en ce sens les tribunaux dans leur interprétation des limites aux accommodements en matière religieuse.
n(14 h 10)n Le droit des femmes à l'égalité est déjà garanti tant dans le préambule de la charte qu'à l'article 10, qui consacre le droit à l'égalité sans discrimination fondée sur le sexe. Le droit à l'égalité n'est pas un droit abstrait ou autonome, car ce que la charte garantit, c'est le droit à l'égalité dans la reconnaissance et l'exercice des autres droits et libertés de la charte. Ainsi, en vertu de l'article 10, les femmes jouissent, au même titre que les hommes, du droit à l'égalité dans la reconnaissance et l'exercice de leur liberté de religion, dans leur droit à la non-discrimination au travail, dans l'accès aux services publics, dans le logement et autres droits.
En ce sens, l'ajout d'un alinéa dans le préambule de même que l'ajout de l'article 49.2 nous apparaît redondant. À toutes fins pratiques, cette disposition n'aura aucun effet utile sur le quotidien des citoyens et des citoyennes du Québec en ce qui concerne l'affirmation effective de leur droit à l'égalité.
Par ailleurs, si la volonté est de rajouter une clause pour guider les tribunaux dans leur interprétation de ce que constitue un accommodement raisonnable en matière religieuse, il faudrait que le projet de loi soit plus clair dans ses notes explicatives afin d'éviter l'écueil de la hiérarchisation des droits. Or, les échanges qui ont eu lieu à date devant cette commission révèlent des divergences marquées qui confirment que, malgré la simplicité de l'énoncé, l'effet recherché n'apparaît pas limpide. Et, en matière d'interprétation des droits, lorsqu'un amendement ne semble ajouter rien et qu'il existe toujours un doute dans une interprétation, on présume que le législateur ne parle pas pour ne rien dire et on peut conclure que l'intention véritable derrière le projet serait de suggérer une hiérarchisation du droit à l'égalité sur la liberté de religion.
Or, la hiérarchisation des droits est contraire aux principes d'interdépendance et d'indivisibilité des droits de la personne. Comme l'a dit la Cour suprême du Canada, lorsque deux droits ou lorsque des droits d'un même individu sont en conflit, il faut se garder d'adopter une conception hiérarchique qui donnerait préséance à certains droits aux dépens d'autres. Il faut plutôt rechercher un équilibre qui respecte pleinement l'importance des deux catégories de droits.
La décision récente du Tribunal des droits de la personne dans l'affaire de la sexualisation des postes à l'hôpital juif constitue d'ailleurs un cas exemplaire de cet exercice d'équilibre auquel les tribunaux doivent se livrer. Le résultat nuancé est respectueux de tous les droits en cause, à savoir, d'une part, le respect du choix des bénéficiaires de recevoir des soins corporels par une personne du même sexe et, d'autre part, le droit à l'égalité en emploi des préposées féminines, femmes, aux bénéficiaires. Pour arriver à ce résultat, le tribunal n'a pas eu besoin de recourir à une hiérarchisation des droits ni à une clause interprétative quelconque.
Aussi, dans le cas où l'on consacrerait, avec ce projet de loi, une hiérarchisation des droits des femmes à l'égalité sur la liberté de religion, ne faut-il pas en considérer l'effet sur la pleine autonomie des femmes dans l'exercice de leur liberté de religion? Est-ce qu'on ne présume pas alors que dans chaque cas leur croyance religieuse n'est pas véritablement la leur, mais celle d'une croyance qui leur serait imposée par un tiers? Il s'agit selon nous d'une attitude paternaliste qui restreint le libre arbitre des principales intéressées et qui est dénoncée depuis nombre d'années par les groupes de femmes, tant québécoises qu'immigrantes.
Toute forme de hiérarchisation des droits va à l'encontre des principes fondamentaux d'interdépendance et d'indivisibilité des droits de la personne, tel que le prévoient le droit international des droits de la personne et plus particulièrement la Déclaration de Vienne de 1993. L'indivisibilité et l'interdépendance des droits sont des concepts qui s'opposent à toute forme de hiérarchisation des droits. Ils ont fortement influencé l'évolution des instruments de protection des droits de la personne, et ces concepts sont à la base de la recherche de l'égalité réelle, celle que l'on oppose généralement à l'égalité formelle. La recherche de l'égalité réelle suppose une analyse contextuelle de la situation qui tienne compte de l'ensemble des droits à protéger et protégés. La recherche de l'égalité doit se faire dans le respect des droits de tous et toutes et dans le respect de tous les droits.
Ce qui nous amène à dire que le droit des femmes à l'égalité passe plutôt par le renforcement des droits économiques, sociaux et culturels. Les Québécoises, quelles que soient leurs origines, ne sont pas abstraites et désincarnées. Leur droit à l'égalité quotidiennement est confronté à des obstacles qui sont liés aux conditions économiques et sociales dans lesquelles elles se retrouvent. On ne peut penser au droit à l'égalité sans le droit à l'éducation, le droit à la santé, le droit à un revenu décent, le droit au logement, le droit à des conditions de travail justes et suffisantes.
En décembre 2002, un groupe de niveau international d'expertes réunies à Montréal sous l'égide de l'ONU, sur la question de la discrimination dont sont victimes les femmes dans l'exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels, ont déclaré ce qu'on a ensuite appelé les Principes de Montréal en parlant des droits économiques, sociaux et culturels. Ces droits ont une importance cruciale pour les femmes parce que celles-ci sont affectées de manière disproportionnée par la pauvreté et la marginalisation sociale et culturelle. La pauvreté des femmes renforce leur subordination et limite la jouissance de leurs droits humains.
Alors, si l'on voulait vraiment ajouter un pilier à la charte afin de faire franchir un pas significatif au droit des femmes à l'égalité, plutôt que de proposer des modifications à la charte qui n'auront aucune portée sur la réalisation de ces droit économiques, sociaux et culturels, le projet de loi devrait indiquer clairement que l'État québécois se reconnaît des obligations à l'égard du respect et de la réalisation de chacun des droits économiques, sociaux et culturels qui sont essentiels à la réalisation du droit des femmes à l'égalité, ce que ne fait pas la charte actuellement. Plusieurs sont venus vous démontrer en quoi la charte ne répondait pas à ces exigences, je ne reviendrai pas là-dessus.
On peut quand même dire, compte tenu de cette lacune de la charte, que, sur le plan du droit interne, le Québec ne s'est pas engagé à reconnaître expressément ces droits, à les protéger et à en assurer la réalisation de même qu'à garantir le droit à une réparation pour les personnes dont ces droits ont été violés.
Rappelons à ce propos que la Commission des droits de la personne en a fait une de ses principales recommandations dans son bilan des 25 ans de la charte. Rappelons également les nombreuses réprimandes, si on peut s'exprimer ainsi, qui ont été exprimées par le comité de l'ONU qui est chargé de l'application du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux et qui récemment, en 2006, a réitéré à nouveau que le Québec devait introduire dans ses instruments de défense de droits de la personne, donc dans la charte, les moyens d'offrir des recours utiles pour les personnes dont les droits économiques, sociaux et culturels auraient été violés.
Alors, pour conclure, comme nous l'avons mentionné précédemment, le système de protection des droits de la personne au Québec, dont la charte constitue le fondement, nous sommes d'accord qu'il doit être effectivement actualisé mais dans une perspective beaucoup plus globale que ce que nous offre le projet de loi n° 63 et dans le respect du droit international des droits de la personne. C'est pourquoi nous recommandons de ne pas procéder à la modification partielle, prématurée et conjoncturelle de la charte, comme le fait actuellement le projet de loi n° 63, et de procéder devant la Commission des institutions à une réévaluation de la charte sur la base du bilan de la Commission des droits de la personne et notamment la reconnaissance de l'indivisibilité et l'interdépendance des droits, le renforcement des droits économiques et sociaux et la reconnaissance des engagements du Québec en regard des instruments internationaux des droits de la personne. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Me Filion. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci d'être ici aujourd'hui et de participer à cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les hommes et les femmes. J'aimerais tout d'abord vous poser une première question. Vous dites de ne pas procéder maintenant, vous trouvez que c'est parcellaire. Est-ce que le fait de procéder maintenant serait nuisible à l'égalité entre les hommes et les femmes?
n(14 h 20)nMme Filion (Nicole): Bien, si on veut vraiment faire avancer le droit des femmes, je pense et je réitère ce que je disais tantôt, c'est, si on voulait vraiment le faire avancer, il faudrait poser le nouveau jalon qui serait la reconnaissance effective des droits économiques, sociaux et culturels. Le projet de loi n° 63 n'ajoute rien. Alors, comme on ne peut être d'accord avec un projet de loi qui ne fait pas avancer la cause qu'on veut faire avancer, c'est pour ça que, nous, on fait une recommandation qui n'est pas en faveur de l'adoption d'un projet de loi comme celui-là. Ça constitue en quelque sorte un leurre.
Mme St-Pierre: Ma question est la suivante: Est-ce que ce projet de loi, s'il était adopté tel quel, serait nuisible pour l'égalité entre les hommes et les femmes?
Mme Filion (Nicole): Si le projet de loi ne précise pas davantage dans ses notes explicatives qu'il ne s'agit surtout pas d'une hiérarchisation du droit à l'égalité sur le droit à la liberté de religion, ça constituerait à notre sens un recul en ce qui concerne le libre exercice des femmes à leur liberté de religion, comme je l'ai mentionné tantôt.
Mme St-Pierre: Il y a plusieurs juristes qui sont venus ici et ont déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une hiérarchisation, et c'est notre prétention qu'il ne s'agit pas d'une hiérarchisation. Je vous citerai d'ailleurs la Commission des droits de la personne, que vous avez citée tout à l'heure, dont vous avez parlé dans votre présentation. Je cite la commission, qui dit: «Le fait que le préambule a été modifié pour parler de l'égalité des droits entre les femmes et les hommes et la localisation de l'article 49.2 dans les règles interprétatives nous permettent de croire que les décideurs, les gens qui auront à interpréter la loi ? la charte ? devront prendre en compte l'égalité entre les hommes et les femmes mais qu'ils ne changeront pas leur lecture actuellement de non-hiérarchisation des droits. C'est notre lecture des amendements tels que proposés à ce moment-ci.» Il y a également la chaire Claire-Bonenfant, Me Langevin, qui a dit devant cette commission: «Dans le projet de loi tel qu'il est rédigé, il n'y a pas de hiérarchisation. Il y a un article dans le préambule qui rappelle la valeur du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, et beaucoup d'autres documents internationaux ont ce même genre d'article.» Et en fait, comme Me Latour qui, elle, est venue ici parler au nom du Forum des femmes juristes, comme Me Latour l'a dit ce matin, on se trouve à corriger une erreur historique. La reconnaissance du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes aurait dû avoir été placée là lorsqu'on a adopté la charte, en 1975. Est-ce que vous pensez qu'en 1975 on aurait dû faire au moins cet ajout? En tout cas, est-ce qu'on aurait dû penser la rédaction de la charte, à ce moment-là, en précisant l'importance de l'égalité entre les hommes et les femmes au Québec comme étant une valeur fondamentale?
Mme Lemonde (Lucie): Si vous permettez, Lucie Lemonde, je suis professeure au Département des sciences juridiques à l'UQAM, professeure de droits et libertés, et je suis sur le conseil d'administration de la ligue, dont j'ai été présidente pendant plusieurs années.
Ce que vous venez de dire ? on a lu effectivement l'ensemble des débats qui ont eu lieu devant vous, on n'a pas lu tous les mémoires parce qu'ils ne sont pas encore accessibles ? je pense que, oui, la commission dit ça, mais ce que, mettons, Me Latour a dit que la commission disait n'était pas tout à fait exact. En tout cas, il semble y avoir confusion autour de la chose. Ou bien ce n'est qu'une simple mesure interprétative copiée sur l'article 28 de la Charte canadienne, auquel cas l'article 28 n'a jamais eu aucune incidence déterminante sur l'issue d'un jugement devant les tribunaux ni n'a eu peut-être de valeur symbolique.
Nous, nous sommes d'avis qu'en 1975, quand on a garanti dans le préambule de la charte le fait que tous les êtres humains étaient égaux en dignité et en droits et quand on a écrit l'article 10 de la charte québécoise, ça garantissait de façon effective et suffisante le droit des femmes à l'égalité. De rajouter quelque chose comme ça nous semble ou redondant, mais on se dit... Bon, comme le législateur ne parle pas pour rien dire, c'est pour ça qu'on a dit: Est-ce que ce ne serait pas une volonté non dite de vouloir influencer les tribunaux ultérieurement dans le sens de hiérarchiser de tels droits? Si ce n'est pas le cas et qu'on veut renforcer le clou sur le fait du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, bien, pour nous, et on le dit dans le mémoire, d'insister spécifiquement sur ce motif de discrimination et le mettre supérieur aux autres motifs de discrimination illicites, que ce soit l'orientation sexuelle, la race, etc., bien on ne voyait pas l'importance, à ce moment-ci, de le faire. Mais, quand on reconceptualiserait l'ensemble, un peu comme a dit Me Filion, l'ensemble des besoins d'amendement à la charte, bien là, à ce moment-là, il pourrait trouver sa place dans un tel cadre mais où on aura vu les problèmes que ça a de le mettre supérieur aux autres ou non. C'est un peu l'angle de notre mémoire, finalement.
Et je rajouterais que notre lecture de ce que l'ensemble des groupes de femmes sont venus présenter ici, c'était que, oui, on pouvait être d'accord avec le principe, mais ça ne constituerait pas un jalon important dans la reconnaissance du droit à l'égalité des femmes.
Mme St-Pierre: Sur la question du message, vous prétendez dans votre mémoire qu'il s'agit d'un message plus politique. Vous dites: «Le projet de loi n° 63 est une réponse politique au débat sur les accommodements raisonnables...» Encore là, je vais vous citer la Commission des droits de la personne, M. Cousineau, qui a dit, à la question de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve... «Alors, est-ce qu'on doit comprendre qu'il s'agit d'un message politique ou d'un message juridique?», a demandé la députée. Réponse: «Bien, c'est un message juridique parce que, l'amendement à la loi, on change une loi, on change une loi importante, qui est la charte. Le préambule, n'importe quel juriste ne pourra plus passer à côté.» Il me semble que c'est une déclaration assez forte, ça, venant de la commission.
Mme Filion (Nicole): Bien, c'est l'appréciation qu'en fait la commission. Nous, on en fait une autre lecture. On estime que d'avoir... Même, on estime que le message est tellement politique qu'on ne s'est pas permis d'attendre les conclusions de la commission Bouchard-Taylor pour pouvoir faire un examen qui aurait été beaucoup plus complet en regard de ce qu'il aurait été nécessaire d'introduire éventuellement dans la charte pour assurer le droit à l'égalité des communautés immigrantes, ou des femmes immigrantes, ou... Enfin, il aurait dû y avoir une attente un peu plus...
Mme St-Pierre: Mais vous faites un certain procès d'intention, parce que vous parlez qu'à la suite des recommandations de la commission Bouchard-Taylor... comme si vous preniez pour acquis que la commission Bouchard-Taylor va rester lettre morte. En fait, vous tirez des conclusions avant même d'avoir vu les résultats. Là, ce qui se produit, c'est un exercice pour le projet de loi n° 63, mais ça ne veut pas dire que tout va s'arrêter là. Et vous semblez dire que c'est comme si tout allait avec ça, que la situation... que c'était la réponse politique à l'ensemble du travail de la commission Bouchard-Taylor, et je ne suis malheureusement pas d'accord du tout avec vous.
Mme Filion (Nicole): Mais j'aimerais savoir pourquoi la ministre de la Condition féminine ou le gouvernement Charest en fait, pourquoi le gouvernement s'est arrêté à une simple clause interprétative, alors qu'il y aurait eu tant à faire pour la réalisation du droit à l'égalité des femmes. Pourquoi le gouvernement ne répond pas aux demandes répétées du Comité des droits économiques et sociaux de l'ONU, et accorder aux droits économiques, sociaux et culturels la même valeur qu'on accorde aux autres droits? Pourquoi le gouvernement ne s'engage pas à respecter les droits économiques et sociaux à même niveau que les droits civils et politiques? Pourquoi une femme qui se retrouve sur l'aide sociale ne peut pas aller devant un tribunal pour faire valoir que la hauteur de l'aide sociale qu'on lui accorde ne lui permet pas de réaliser son droit à un revenu décent? Alors, pourquoi le gouvernement, s'il voulait faire un geste en faveur du droit à l'égalité des femmes... pourquoi on s'est contenté d'une clause interprétative qui à mon sens répond à la question, au débat qui était soulevé sur les accommodements raisonnables?
Alors, dans ce sens-là, on peut prétendre que c'est une réponse politique. Ce n'est pas une réponse juridique qui va avoir un effet réel sur... une réalisation concrète qui se traduirait dans le vécu des gens.
n(14 h 30)nMme St-Pierre: Ce matin, la présidente de la CSN a parlé, elle aussi, abondamment des droits socioéconomiques. Cependant, elle a dit: «Le gouvernement des juges, je n'en rêve pas.» Donc, dans son esprit, c'est une tâche qui revient aux parlementaires. C'est une des tâches de la démocratie, sur la question des droits socioéconomiques, et je pense que, si vous regardez au fil des ans, il y a beaucoup de gestes qui ont été posés et il va y avoir encore des gestes qui vont être posés pour avancer sur la question des droits socioéconomiques.
Et là-dessus, j'imagine, puisque vous avez pris connaissance des débats qui ont eu lieu ici, j'imagine que vous avez pris connaissance du commentaire du Pr Henri Brun lorsqu'il est venu commenter en compagnie de la présidente du Conseil du statut de la femme sur la question des droits socioéconomiques. Et il a dit: «Pour moi, un droit à la santé, le droit au travail, le droit à l'éducation, ça ne peut pas être sérieusement mis en oeuvre par les tribunaux. Mais je pense que, pour ce qui est de l'essentiel, ce n'est pas vrai que le progrès social va se faire par ordonnance judiciaire.» Et il a même parlé que ce serait un miroir aux alouettes. J'aimerais entendre votre réaction aux commentaires du Pr Henri Brun.
Mme Filion (Nicole): Bien, je suis d'accord sur une chose. Et, bon, j'ai beaucoup de respect évidemment pour le Pr Brun, mais je vais être d'accord avec une chose. Effectivement, les tribunaux ne peuvent pas dicter la manière de faire du législateur ou des parlementaires lorsqu'ils adoptent des programmes, mais les tribunaux ont le devoir d'examiner la portée des décisions qui sont prises par les parlementaires et l'effet qu'auront les législations ou les programmes sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Alors, si on introduisait, par exemple, une tarification pour l'accès à l'éducation pour les enfants au primaire, bien les tribunaux, s'il y avait une disposition dans la charte qui donnait, qui accordait aux droits économiques et sociaux une judiciarisation, bien on serait bien placés pour pouvoir revendiquer le droit d'accès à l'éducation, s'il y avait une tarification qui était introduite au niveau du... Il y a des mesures qui vont être adoptées, au niveau du droit à la santé, qui vont modifier notre régime de santé et de services sociaux. Il est certain qu'un tribunal ne pourrait pas indiquer de quelle façon on peut accéder, quel type de programme précisément on doit adopter pour réaliser le droit de santé, sauf que le tribunal est là pour apprécier la portée de ce qui est introduit dans notre régime de santé sur la réalisation des droits à la santé de tous et toutes.
Mme Lemonde (Lucie): Si je peux me permettre de rajouter quelque chose: Il y a quand même un mouvement international, il y a en ce moment un projet de protocole au pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels, justement pour qu'ils soient justiciables de la même façon que les droits économiques et sociaux. Il y a plusieurs exemples, en Afrique du Sud entre autres, et il y a, moi, je trouve, un des exemples qui est parlant, c'est celui de la France, là, avec les problèmes qu'il y a eu avec les sans-abris qui couchaient sur le bord du canal Saint-Martin, et tout ça, et on introduit dans une législation le droit à un logement décent, et ça va être justiciable à partir de... ? peut-être que Me Turp pourra répondre ? à partir de 2010, ou je ne me souviens pas la date exacte, mais ils ont arrêté une date. Donc, je pense qu'on s'en va vers ça irrémédiablement.
Jusqu'à maintenant, il y a eu des grosses embûches. Entre autres, au moment de l'adoption des pactes, pendant la guerre froide, des pays comme le Canada et les États-Unis disaient que c'était une ruse des pays socialistes et qu'ils voulaient rendre le monde entier socialiste. Alors, je pense qu'on a passé cette étape-là et qu'il y a un mouvement qui s'en va vers ça, et un mouvement qu'évidemment, comme ligue des droits, on appuie fortement.
Mme St-Pierre: Sur la question des gestes posés, il y a certains groupes ? et je suis très respectueuse envers les opinions de chacun, mais... ? qui semblent vouloir laisser sous-entendre qu'il n'y a pas de gestes qui sont posés par le gouvernement en faveur de l'égalité. Il y a quand même le plan d'action qui... pour lequel on va investir 24 millions de dollars, 2,5 milliards de dollars pour la lutte contre la pauvreté. Il y a des gestes importants qui ont été posés dans le passé, la perception automatique des pensions alimentaires, le partage du patrimoine, ce sont des gestes concrets qui ont été posés pour l'avancement de l'égalité entre les hommes et les femmes, puis il y en a bien d'autres, puis j'espère que ce n'est pas terminé. Puis, aujourd'hui, c'est de ça dont on discute, puis on va en discuter encore au cours, je pense, des prochaines années et pendant longtemps.
Alors, j'essaie de comprendre, sur l'utilité, vous semblez vraiment insister sur le fait que ce n'est pas utile de faire ça maintenant et que vous voudriez avoir un grand chantier, mais encore là il y en a d'autres qui sont venus nous dire que c'était un geste qui, au contraire, était très utile. Je cite encore Mme Langevin: «Certains ont qualifié les ajouts proposés d'inutiles. Pourtant, en matière d'atteinte de l'égalité réelle pour les femmes, d'autres gestes législatifs qui auraient pu sembler inutiles dans le passé ne l'ont pas été.» Alors, sur la question de l'inutilité ou de l'utilité, je vous avoue que j'ai un peu de difficultés à vous suivre.
Le Président (M. Kelley): Mme Filion.
Mme Filion (Nicole): Bien, si vous prenez l'exemple du jugement récent de l'Hôpital juif ? vous en avez pris connaissance, j'imagine ? c'est un jugement qui devait apprécier des modalités d'organisation du travail qui faisaient en sorte qu'il y avait une pénalisation qui était faite pour... à l'égard des préposées femmes dans l'hôpital, et le tribunal a apprécié la portée discriminatoire de ces mesures-là tout en cherchant aussi à tenir compte du fait que les bénéficiaires avaient également droit d'avoir les services de soins personnels selon leurs désirs, avec une personne... par une personne du même sexe. Ce jugement-là est survenu avant que... bien, de toute façon, le projet de loi n'est pas adopté, donc on n'a pas eu besoin d'une nouvelle mesure pour apprécier... faire un jugement qui était... en fait qui tenait compte... qui a trouvé sa solution dans l'interdépendance des droits.
Alors, c'est pour ça qu'on estime, on est très... on se questionne sur la portée réelle, et c'est pour ça qu'on s'inquiète d'une éventuelle hiérarchisation des droits. Si la charte permet d'avoir des jugements de cet ordre-là, pourquoi faudrait-il introduire une telle modification? On s'inquiète alors sur... On l'a dit tantôt, les règles d'interprétation font en sorte que les juristes qui se présentent devant un tribunal disent: Bien, si le législateur a voulu parler, c'est qu'il a voulu introduire quelque chose de nouveau. Alors, qu'est-ce qui est nouveau? La seule chose nouvelle qu'on y voit, bien c'est une forme de hiérarchisation du droit à l'égalité sur la liberté de religion.
Le Président (M. Kelley): Sur cela, je dois mettre fin à l'échange parce que l'enveloppe réservée, à ma droite, est épuisée. Et je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre mémoire. Écoutez, vous l'avez mentionné tantôt, la Fédération des femmes du Québec, la CSN, ce matin, et d'autres groupes se questionnent sur les motifs entourant l'étude du projet de loi ici, à la Commission des affaires sociales, plutôt qu'à la Commission des institutions. Vous y mentionnez d'ailleurs à l'intérieur de votre mémoire que le ministre de la Justice, qui est le garant de la charte, devrait être le ministre assis à cette commission et chapeauterait la démarche du gouvernement. En quoi ce serait différent? Quelle aurait été la différence?
Mme Filion (Nicole): Bien, on aurait souhaité effectivement... parce que la Commission des institutions est chargée, entre autres, de l'examen de la charte habituellement, de la constitution. Son mandat est défini d'une façon telle qu'il nous apparaît plus adéquat. C'est aussi la Commission des institutions qui a eu l'occasion de réexaminer la charte à quelques occasions, qui a aussi été là lorsqu'on a voulu introduire... créer, pardon, le Tribunal des droits de la personne. Le ministre de la Justice est le ministre en titre au sujet de la charte.
Alors, quand, nous, on propose que, oui, il y ait une réévaluation de la charte, bien on estime que, si on détermine l'attribution des responsabilités ministérielles, bien il faut se donner la peine aussi de permettre à ceux qui ont cette charge-là d'effectuer le travail qu'on leur confie.
Mme Leblanc: D'accord. Tantôt, Mme la ministre en a parlé, vous suggérez, dans votre mémoire, de ne pas procéder immédiatement à l'adoption du projet de loi n° 63. Quel serait selon vous un échéancier raisonnable pour bien prendre en compte une approche globale?
n(14 h 40)nMme Filion (Nicole): Je ne peux pas vous dire quel échéancier, j'imagine qu'on pourrait examiner... À partir du bilan que la commission a fait, il y a quand même eu un travail de recommandation qui a été fait par la commission. Le ministre devrait pouvoir... devrait produire un document qui indique ses orientations à l'égard des recommandations qui ont été formulées par la Commission des droits de la personne, et on devrait tenir des audiences en commission, devant la Commission des institutions, pour recevoir les commentaires des organisations qui souhaitent vraiment qu'il y ait des modifications importantes apportées, entre autres, sur la judiciarisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il y a plus aussi.
Mme Lemonde (Lucie): Oui. Et je rajouterais qu'une des choses qui a fait l'objet de plusieurs revendications de plusieurs groupes depuis quelques années, c'est le système de protection des droits, comme tel, et de recours à la Commission des droits et le droit de saisine individuel du Tribunal des droits de la personne dans le cas où les gens n'ont pas réussi à faire reconnaître leur plainte devant la commission, en tout cas, et le fait que le tribunal se soit vu amputé d'une grande partie de sa juridiction au profit de la CSST, des arbitres de griefs, du Tribunal administratif du Québec. Alors, qu'on redonne, parce qu'on s'est vraiment battus ? et j'étais là à l'époque ? pour qu'il y ait création d'un tribunal spécialisé en matière de discrimination et de droit à l'égalité, dont la juridiction s'est effritée au cours des années, et qu'on puisse ravoir une jurisprudence quand même que je qualifierais de consistante et de cohérente par le tribunal mais qui ne peut presque plus le faire. Et d'ailleurs ça a été un des reproches dans les observations finales des deux comités, tant du Comité de l'ONU sur les droits civils et politiques que sur les droits économiques, sociaux et culturels. Donc, quand on demande une réévaluation globale de la charte, c'est bien sûr la question des droits économiques et sociaux, mais c'est aussi beaucoup le droit d'accès finalement à un organisme spécialisé en matière de discrimination.
Mme Filion (Nicole): Et éventuellement la juridiction de la commission pour se prononcer sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.
Mme Leblanc: D'accord. Merci. Vous dites dans le mémoire: Si l'on voudrait hiérarchiser le droit à l'égalité des femmes sur la liberté de religion, alors il faudrait tenir compte que les femmes détiennent une autonomie dans l'exercice de leur religion. Pouvez-vous aller plus loin ou... votre réflexion derrière...
Mme Lemonde (Lucie): Bien, ce qu'on semblait... En tout cas, ce pour quoi on n'est pas d'accord avec souvent des choses que l'on entend au sujet de liberté de religion, d'accommodement raisonnable, tout ça, c'est comme si les femmes elles-mêmes n'avaient pas leur propre liberté de religion, que ça leur était toujours imposé par un frère, un mari ou un homme à quelque part derrière et que ce n'était pas véritablement leur choix. Ah! ça, je pense qu'on s'est battues comme féministes et groupes de femmes pour dire que les femmes avaient le droit à leur pleine autonomie. Et ça me fait penser un peu au jugement excellent de la juge Wilson dans l'affaire Morgentaler, où elle disait que, par exemple, pour un État, de prendre position sur la question de l'avortement, ça porterait toujours atteinte à la liberté de conscience des femmes, parce que, dans la charte, on a liberté de religion et de conscience.
Alors, on peut prendre des décisions profondément personnelles qui mettent en jeu toute notre autonomie et tout notre être, non pas fondées toujours sur des motifs religieux, mais sur des motifs de conscience, comme la liberté de religion, et qu'en hiérarchisant le droit à l'égalité sur la liberté de religion c'est comme si on dit: Vous, madame, là, vous portez votre voile, ou peu importe, c'est que vous êtes l'égale des hommes. Mais si, elle, c'est sa propre croyance profonde, puis tout ça, puis elle veut le porter, bien, je veux dire, en hiérarchisant le droit à l'égalité, on lui enlève le droit de faire ses propres choix en matière religieuse ou en matière de conscience. C'est un peu ce qui nous a alimentées là-dessus.
Mme Leblanc: Puis aussi dans votre document vous dites: La charte et le système de protection des droits doivent être vus dans un processus global et dans le respect du droit international. Certains groupes... Et quelques groupes sont venus nous parler, vous savez, d'intégrer, d'ajuster l'adhésion du Québec à certains traités internationaux. Est-ce que vous seriez favorables?
Mme Lemonde (Lucie): C'est un peu, dans le global tout le temps, c'est un peu dans nos recommandations que toute modification à la charte devrait se faire devant la Commission des institutions, tout ça, là, mais en faisant référence, peut-être dans le préambule, au corpus entier de droit international, des droits de la personne, c'est-à-dire la déclaration universelle, les deux pactes, et non pas de faire une référence au CEDEF en particulier, parce qu'on a entendu ça aussi dans les débats. Parce que pourquoi le CEDEF plutôt que la convention sur les handicapés ou que la convention contre la torture, à la limite? Parce que la charte québécoise n'est pas juste une loi antidiscriminatoire, elle est aussi... c'était pour être la constitution d'un pays éventuel au moment où ça a été adopté... et donc prévoit... au contraire des autres lois antidiscriminatoires dans les autres provinces, c'est un édifice complet, alors c'est tant les droits politiques, les droits judiciaires et évidemment le droit à l'égalité. Donc, dans ce sens-là, il faudrait que la référence qui est faite au droit international soit une référence globale et non pas d'une convention en particulier.
Mme Leblanc: Plusieurs groupes sont venus parler d'une charte de la laïcité. Est-ce que vous vous êtes penchées sur cette question-là? Et quelles sont vos...
Mme Filion (Nicole): Non, on n'a pas réfléchi à une question comme celle-là, mais, dans notre mémoire qu'on a présenté devant la commission Taylor-Bouchard, nous avions affirmé que nous étions effectivement favorables à une laïcisation de plus en plus grande de l'État. On a par contre fait une distinction entre la laïcisation des institutions par rapport à la laïcisation des personnes qui travaillent au sein des institutions. On a évalué qu'on pouvait laïciser des institutions ou des corpus scolaires, bon, mais que laïciser des personnes, ce n'était pas ce qui relevait des droits de la personne.
Mme Leblanc: Ce matin, on a quand même eu un vibrant plaidoyer au sujet de l'équilibre entre droits et devoirs dans une société. Le mot «responsabilité» est revenu souvent lors d'un témoignage. Comment l'atteindre, selon vous, en tenant compte de l'égalité des sexes?
Mme Filion (Nicole): Atteindre l'équilibre entre les responsabilités et les droits?
Mme Leblanc: Oui, entre les droits et devoirs. Parce qu'on a parlé beaucoup de droits et de devoirs.
Mme Filion (Nicole): Je dirais que les droits ne sont pas à négocier et ne sont pas à mettre en lien avec... on ne peut pas respecter un droit parce que tu as respecté un devoir. Les droits existent en soi, et on doit respecter ces droits-là, peu importe. Je veux dire, une personne qui a commis un acte criminel va devoir répondre de son acte, mais on doit respecter les droits judiciaires qui lui sont associés. Les instruments internationaux vont parler davantage d'un devoir de solidarité plutôt que de responsabilité comme telle. On va plus dans ce sens-là.
Mme Leblanc: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, bonjour et merci de ces réflexions pour le moins intéressantes. Je comprends que vous souhaiteriez que l'on revienne, comme vous l'avez dit à la page 3, que l'on revienne aux recommandations et au bilan de la Commission des droits de la personne, lequel bilan a été déposé ou présenté il y a trois ans.
Mais ce qui me préoccupe, c'est quand vous dites... bon, vous dites: «Pour la ligue, les modifications proposées n'ajoutent rien à la protection du droit des femmes à l'égalité.» Puis, un peu plus loin, vous avez dit: Même, ça pourrait être nuisible, ces modifications-là, vous avez expliqué un petit peu les points.
Ce qui me rassure, c'est qu'en économie comme en droit il y a probablement autant de positions qu'il y a d'interprétations de nos lois, mais je vous avoue que, pour des non-initiés, ce n'est pas évident à suivre. Je conclus là-dessus avant de passer la parole.
Mais en quoi est-ce qu'honnêtement, là, en quoi est-ce que ça peut être nuisible, si on s'en tient, là, au projet de loi tel qu'il est? Je comprends que ce n'est pas ce que vous souhaiteriez, je suis d'accord avec vous qu'on devrait d'ailleurs suivre les recommandations de la Commission des droits de la personne, mais j'ai de la misère à... Je trouve que c'est une interprétation forte de dire que ça peut être nuisible. J'ai suivi vos explications quant à la hiérarchisation des droits, et tout ça, là, mais, de là à conclure que ça peut être nuisible, je ne sais pas, là. Je comprends l'enjeu de la religion, ça, j'ai compris ça, votre exemple, mais c'est un cas, là. Il y a peut-être une manière de le placer à un endroit où ce ne serait pas nuisible, pour utiliser votre qualificatif.
n(14 h 50)nMme Filion (Nicole): Et notre argument, c'est surtout en regard de la possibilité d'introduire une hiérarchisation des droits. Actuellement, on sait, à cause du débat dans lequel se déroule... dans lequel ce projet de loi là a été introduit dans... le contexte dans lequel il a été introduit, que ça vise la liberté de religion. Mais ça laisse la... si on introduit ou si on est d'accord avec l'introduction d'une hiérarchisation des droits, ça veut dire que, selon le régime politique qu'on aurait, on serait d'accord à modifier l'univers des droits qu'on estime... qui doivent être universels, interdépendants et indivisibles. Ils doivent être à un même niveau de protection. On ouvrirait la porte à cette hiérarchisation-là. On ouvrirait la porte à des modifications qui iraient au gré des régimes politiques, à la limite.
Mme Dionne-Marsolais: C'est très préoccupant. C'est très préoccupant, ce que vous nous exprimez. Je vais laisser la parole à mon collègue, éminent juriste.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. Alors, merci de votre présence. En fait, je dirais que c'est assez dangereux de répondre à une question comme celle qu'a posée la ministre ex-journaliste, parce que, quand on vous demande «est-ce que c'est nuisible?» et que vous répondez oui, c'est difficile de faire les nuances, puis on peut rapporter que vous trouvez ça comme étant nuisible. C'est une question, là, l'expérience de la journaliste semble avoir... semble vous avoir amenée... ou en tout cas elle a réussi à vous faire dire que c'est nuisible. Alors, je ne suis pas certain que c'est ce que vous vouliez dire, là. Parce que je suis d'accord avec ma collègue, là, que, si on ajoute une clause de garantie comme celle-là ? il y a plusieurs personnes qui l'ont dit autour de... qui étaient dans votre position ? il est possible que les tribunaux l'utilisent pour interpréter ou pour consolider le droit à l'égalité des hommes et des femmes avec l'ajout au préambule. Alors, est-ce que l'on peut conclure, on devrait conclure que ça, c'est nuisible? Je pense que c'est peut-être un peu excessif de penser que ce serait nuisible, et peut-être que les tribunaux, dans le passé, dans l'affaire du nom, là, dans cette affaire concernant le nom, auraient peut-être rendu une décision différente s'il y avait eu cette clause dans le préambule ou l'article 49.2. Donc, c'est une remarque que je voulais faire.
Par ailleurs, on partage votre vue selon laquelle... Je pense que c'est éminemment politique, cet exercice. On ne l'a pas dit, répété, mais ça me paraît une réponse du gouvernement à... une réponse partielle à ce qui s'est dit, ce qu'on a entendu devant la commission Bouchard-Taylor, et, la valeur d'égalité étant peut-être celle qui porte le moins à controverse, là, on a décidé de présenter un projet de loi qui ne porte que là-dessus, alors que je pense qu'on devrait, si on était courageux, proposer une clause d'interprétation beaucoup plus large, globale, où il serait question de laïcité, de la langue française, une certaine... une clause qui porterait sur d'autres valeurs que celle-là. Et vous êtes aussi d'avis, et vous n'êtes pas les premières à venir dire cela, qu'on devrait profiter même de ce qui a été dit devant la commission Bouchard-Taylor pour faire la réforme globale de cette charte que nous propose, depuis cinq ans maintenant, la Commission des droits de la personne.
Alors donc, ça, c'est une remarque que je voulais faire, parce que c'est sûr qu'on fait du droit, on va légiférer, mais je crois que l'intention du gouvernement, son projet, là, ou son initiative est beaucoup plus politique que juridique. Et c'est ce à quoi vous agréez, je pense.
Ma question, c'est sur les recours, parce que c'est vraiment intéressant, vous êtes les premiers à parler de l'effectivité de l'égalité à travers les recours, parce que c'était très important au plan juridique, hein? D'ailleurs, les juristes anglo-saxons disent toujours: «There is no rights without remedies.» Alors, si les droits sont tout simplement proclamés, déclarés, et qu'il n'y a pas de recours, que valent ces droits? Et là vous nous situez dans le contexte notamment de l'observation ou les observations qu'a faites le comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui nous ont rappelé, qui ont rappelé au Québec, là, ce n'est pas juste... c'est au gouvernement du Québec, qu'il ne respectait pas ses engagements de conférer un recours effectif en matière de droits économiques et sociaux. Il les reconnaît dans sa charte, mais il n'accompagne pas ces droits de recours effectifs, puis le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels crée une obligation de conférer des recours effectifs.
Et, vous le soulignez aussi, le Tribunal des droits de la personne, la juge, là, la présidente, qui a organisé des beaux colloques sur cette question ? j'ai participé à un de ceux-là ? on l'a dépouillé de ses compétences, et donc les recours devant ce tribunal sont de moins en moins possibles. Et de plus, autant ce tribunal que la commission n'a pas de compétence pour assurer le respect des droits économiques et sociaux.
Alors donc, là-dessus, qu'est-ce que vous nous recommanderiez, à la commission, s'agissant des recours, de l'effectivité des recours pour l'égalité hommes-femmes et les droits économiques et sociaux tels qu'ils devraient être accessibles aux femmes?
Mme Lemonde (Lucie): Bien, on a déjà fait... Au fur et à mesure que les tribunaux se sont prononcés dans différentes affaires de harcèlement sexuel, les clauses orphelin, en tout cas, puis plusieurs, ça touchait effectivement le droit à l'égalité des femmes, on dit que ce n'était plus la Commission des droits ou le Tribunal des droits de la personne qui avaient compétence, mais bien la CSST, parce que le harcèlement sexuel au travail est vu comme un accident de travail. En fait, pour nous, ça a été un recul, parce qu'on s'est battu pour faire reconnaître que c'est une atteinte aux droits fondamentaux, et là on vient vous dire que c'est pareil que tomber en bas d'une échelle. Alors là, il faut aller à la CSST, qui est un régime exclusif. Donc, tout ce qui concerne le harcèlement sexuel au travail se trouve à être sorti du domaine de la charte et des droits fondamentaux. Je pourrais multiplier les exemples.
On a dit que certaines choses relevaient de l'arbitre de grief de façon exclusive, que d'autres relevaient du Tribunal administratif. Quand on conteste le fait qu'une loi contient une disposition discriminatoire, là, ce n'est plus le Tribunal des droits qui est compétent, mais le Tribunal administratif du Québec. On avait formé... il y avait des groupes, il y avait la CSN, Au bas de l'échelle, en tout cas divers groupes du Québec, et on est arrivé à des choses, des revendications communes donc, entre autres, prévoir dans la charte que c'était... même s'il existait un régime exclusif étant donné le statut quasi constitutionnel de la charte, que la personne, à son choix, pouvait s'adresser au tribunal spécialisé en matière de discrimination, si elle voyait ça comme une atteinte à son droit fondamental à l'égalité, ou aller devant la CSST ou un autre tribunal administratif.
Et le fait aussi qu'on a retiré le droit de saisine individuelle au Tribunal des droits de la personne, chose avec laquelle on avait marché pendant cinq, six ans, parce qu'après la Commission des institutions c'est ça qu'on avait compris, que l'ensemble de la société avait compris, puis, à un moment donné, la Cour suprême a dit: Non, non, si votre cas est refusé à la commission, seule la commission finalement peut saisir le tribunal. Alors, on réclamait de rétablir le droit de saisine individuelle, et la chose commune, c'était, après un an de la nomination d'un enquêteur à la commission, parce que souvent les délais étaient très longs à la commission, donc que la personne pouvait choisir, là, de saisir elle-même le Tribunal des droits de la personne. Alors ça, c'est des revendications qui sont sur la table depuis longtemps, tout comme la judiciarisation des droits économiques et sociaux. Ça, c'est un autre gros dossier, je pense, et c'est pour le droit à l'égalité, là, c'est pour les droits dits civils et politiques, ce n'est pas pour les droits économiques et sociaux, parce que là aussi on a été blâmés par le comité de l'ONU du fait qu'on n'avait pas accès à un tribunal en matière de discrimination.
M. Turp: Peut-être juste un commentaire là-dessus. Vos remarques démontrent jusqu'à quel point il serait utile de faire un examen global de la charte, même si la question de l'égalité hommes-femmes est quelque chose d'important, de fondamental, parce que de divorcer l'idée de consolider, renforcer le droit à l'égalité et ne pas faire en même temps le débat sur l'effectivité du droit à l'égalité en remettant en cause ou en renforçant le Tribunal des droits de la personne, qui s'est fait dépouiller de ses compétences, à qui on devrait redonner ses compétences en amendant cette même charte dans les dispositions qui concernent le tribunal, bien ça fait qu'on va sortir d'ici avec le sens d'un devoir accompli très partiellement lorsqu'il s'agit de la protection de l'égalité hommes-femmes.
n(15 heures)n Puis, juste un dernier mot, M. le Président, ça me rappelait... vous savez que la Déclaration universelle des droits de l'homme, de 1948, qui a été citée ici à plusieurs reprises, elle comprend une partie importante sur les droits économiques, sociaux et culturels. En 1948, et je me rappelle très bien avoir lu des remarques, c'était à l'origine... le Canada, vous savez, ça a été assez incroyable, le Canada s'est abstenu au moment du vote de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à la troisième commission de l'Assemblée générale des Nations unies. Pourquoi? Parce qu'il s'était fait convaincre par des avocats américains que c'était, et je cite de mémoire, «rights written with red ink». C'étaient des droits rédigés par des communistes. Parce que les droits économiques et sociaux, là, ça, c'est des droits de communisme, là, ce n'est pas des droits civils, politiques, les libertés fondamentales, les droits occidentaux. Mais il demeure que la Déclaration universelle, c'est tout de même l'inspiration de notre charte, de l'auteur de notre charte, qui l'a inscrit dans le chapitre IV de la charte des droits économiques et sociaux.
Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste de dire merci beaucoup pour votre contribution à nos réflexions, et notamment sur la question de l'interdépendance des droits. C'est les points qui sont très utiles. Je vais suspendre quelques instants et je vais demander aux représentants de L'Action des nouvelles conjointes de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Kelley): Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Cet après-midi, le deuxième groupe, c'est Mme Lise Bilodeau et Pierre Grimbert. Alors, je vais céder la parole à Mme Bilodeau.
L'Action des nouvelles conjointes et
nouveaux conjoints du Québec (ANCQ)
Mme Bilodeau (Lise): Oui. Je vais tout de suite repasser la parole à celui qui a écrit le document, qui est naturellement mon concepteur, qui est M. Pierre Grimbert.
M. Grimbert (Pierre): Alors, nous vous remercions, mesdames, messieurs, de bien vouloir nous recevoir et d'écouter nos propos concernant ce projet de loi.
Eh bien, notre mémoire essentiellement vise à établir, O.K., une position vis-à-vis de laquelle nous croyons que le projet de loi est probablement un peu trop cosmétique à notre goût, parce que, dans la réalité, ce que nous démontrons dans le mémoire, c'est que cette égalité-là n'est pas une égalité de fait. Bon, c'est peut-être une égalité de droit, mais il faut que ça devienne une égalité de fait.
Ainsi, nous prenons quatre pans de mur, quatre dimensions du Québec: l'histoire, le Conseil du statut de la femme, la discrimination positive et puis les distributions des moyens économiques entre les genres, par exemple les subventions. Nous démontrons qu'au niveau de l'histoire des hommes ont joué un grand rôle pour l'égalité des genres. Nous donnons l'exemple de Henry Miles, aussi du premier ministre de l'époque, de 1940, là, M. Joseph-Adélard Godbout, qui ont mis quand même leur tête sur le bûcher pour pouvoir atteindre l'égalité des genres.
Ensuite, au niveau des politiques de discrimination positive, nous démontrons que, sur le site du Conseil du trésor, il y a une politique d'engagement pour les femmes au gouvernement alors que l'effectif féminin est de 55 %. Nous nous posons la question: Est-ce que c'est encore vraiment utile, d'une part? Est-ce que c'est conséquent? Est-ce que c'est logique de mettre une politique sur un site Web et puis dans un gouvernement alors que l'effectif est de 55 %? Je pense que poser la question, c'est y répondre.
Au niveau des moyens économiques, nous démontrons que, sur 2 800 organismes qui sont subventionnés, il y en a 76 qui sont seulement à vocation masculine. Or, vous me permettrez une comparaison qui touche la représentativité des hommes dans un éventuel conseil pour l'égalité, la représentativité des hommes pour cette atteinte de l'égalité entre les genres. Écoutez, les hommes ne sont pas représentés au Conseil du statut de la femme, et puis pourtant, je veux dire, il y a des dizaines de milliers d'hommes qui sont dans la misère. Il n'y a pas de maison pour hommes en difficulté. Puis je regardais, sur le site du Canada, et puis il y a le site des anciens combattants. Ils sont quasiment tous morts et ils ont leur propre ministère. Pourtant, ici, rien qu'à Montréal, il y a 10 000 hommes qui sont sans abri, mais ils ont nulle part... ils n'ont pas aucun moyen qui leur a été fourni par le gouvernement. Donc, il y a vraiment des questions à se poser: Changer des mots dans un projet de loi, est-ce que c'est suffisant? Donc, c'est un peu la synthèse de notre mémoire.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Et je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Merci de participer à cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les hommes et les femmes. J'aimerais tout d'abord vous poser une question sur l'organisation que vous représentez. Ça s'appelle L'Action des nouvelles conjointes du Québec. J'aimerais avoir un peu de détails concernant également votre membership. Pouvez-vous nous donner un peu l'historique de votre organisation?
Mme Bilodeau (Lise): Avec plaisir. Nous avons rejoint... Cette année, nous avons modifié notre charte. Parce que ça fait huit ans que je milite, huit ans sur le terrain. Nous avons fondé bien sûr... Il y a huit ans, un groupe de femmes a décidé, avec bien sûr leurs conjoints, de venir nous trouver pour qu'on puisse faire quelque chose à Québec concernant bien sûr les hommes divorcés, et qui étaient dans des difficultés énormes, et dont tout ça était occulté. Et effectivement j'ai eu la piqûre, parce que, tous ces gens qui sont venus nous trouver pour témoigner de ce dont vivaient leurs nouveaux conjoints, je trouvais que c'était absolument invraisemblable. Et en même temps, il n'y a pas de secret, on touchait quand même le côté juridique. On a touché les jugements.
L'association a grandi au fur et à mesure et au fil du temps. Si je suis en mesure de vous parler aujourd'hui, dites-vous que j'ai un vécu. J'ai un vécu de huit ans. Celle qui est au bout du fil, la ligne sans frais, c'est moi. Et combien d'histoires j'ai entendues! Et, pour me protéger, étant quand même de formation juridique, moi, je demande les jugements de cour. Alors, les gens, ils n'ont aucune objection à nous faire parvenir leur jugement de cour, et je suis en mesure de constater et de considérer si là on m'a menti ou si on a tout simplement enjolivé leur histoire. Et c'était pathétique. J'ai eu des cas absolument incroyables, jugements à l'appui.
n(15 h 10)n Le but de l'association dans notre société, aujourd'hui, c'est d'aider là où on ne trouve pas refuge. Et, qu'on le veuille, oui ou non, ce sont les nouvelles conjointes qui viennent frapper à ma porte. Pourquoi? Parce que leur homme, leur nouvel amour, est en difficulté, et quelles difficultés! Et ces difficultés-là, au Québec, tout simplement, on veut les nier. Les hommes en difficulté au Québec, ils n'en ont pas besoin, d'aide. Quelque part, là, c'est des gars, qu'ils se débrouillent. S'il y a un divorce, ils sont en cause, puis qu'ils paient. Mais ce n'est pas ça. Notre système a changé, notre système a évolué. J'ai élevé des enfants, j'ai éduqué des enfants, j'ai travaillé toute ma vie. J'ai un fils de 40 ans. Et ma grande question et mon inquiétude, si je me présente devant vous aujourd'hui, je me demande ce que je laisse comme héritage à mon fils, qui ne veut pas épouser une femme. Pourquoi? Parce qu'il m'a dit une phrase bien simple: Ce que j'ai, j'aurai à le partager, et, si ça décline, si ça va mal, si ça glisse, je perds tout. Parce qu'il est au courant de ce qui se passe au sein de l'association.
Alors, le but de L'Action des nouvelles conjointes et des nouveaux conjoints, parce que nous avons ajouté ça cette année... Je ne vous cache pas, il y a huit ans passés, dans les médias, s'appeler action des nouvelles conjointes et nouveaux conjoints, je ne faisais aucune émission. Et c'est grâce aux médias que j'ai pu corriger la trajectoire, et j'ai été invitée partout, et on a tout simplement enlevé «les nouveaux conjoints» parce qu'il ne fallait pas parler des hommes, ce n'était vraiment pas correct. Alors, on s'est appelés L'Action des nouvelles conjointes du Québec.
Et, depuis ce temps-là, on oeuvre, et je le fais caritativement. Vous n'avez pas idée, depuis que je suis à ma retraite, de tout ce que je peux faire pour l'association et combien j'aide des gens qui, en bout de piste, ne sont reçus nulle part. Un homme en difficulté dans un CLSC, madame, ça n'a pas sa place. Donc, c'est sûr qu'il va venir frapper à notre porte, et on va tenter de le guider tout simplement pour avoir de l'aide et d'avoir au moins un regard et une oreille attentive, en ce sens qu'il n'ira pas commettre, comment dirais-je, quelque chose de terrible puisqu'il sait qu'il a été entendu et écouté par quelqu'un.
L'association, dans ma société actuelle, je crois qu'elle a vraiment raison d'exister. Et c'est la raison pour laquelle on est en mesure, Pierre et moi, de vous faire tout simplement ce mémoire, et on vous le fait parce qu'on a travaillé tous les deux sur le terrain.
Mme St-Pierre: Sur la question concernant votre membership... Vous avez parlé de votre mission, vous avez parlé de ce que vous voulez faire valoir comme point de vue dans la société. Cependant, vous ne m'avez pas parlé de...
Mme Bilodeau (Lise): Le membership, ça varie entre 1 500 $... peut-être un peu plus, parce que, comme je vous dis, c'est moi qui s'occupe de tout, donc je ne suis peut-être pas finement à jour. Mais j'ai un membership prouvable, papier et virtuel, bien sûr.
Mme St-Pierre: Donc, si on va strictement sur le projet de loi qui nous intéresse ici, ce projet de loi fait de l'égalité entre les hommes et les femmes une valeur fondamentale de la société québécoise. C'est un message qui s'adresse à tous et à toutes, c'est-à-dire quel que soit votre statut social, quelle que soit votre origine, quel que soit votre niveau d'éducation. La valeur de l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est une valeur que nous partageons largement, ça fait consensus. Est-ce qu'à votre avis cette valeur-là fait consensus au Québec?
Mme Bilodeau (Lise): Écoutez, j'aurais envie de vous dire presque non, parce que, riche de mes huit ans, je dois vous avouer que j'ai le sentiment personnel que les droits pour les femmes, c'est quelque chose, puis les droits pour les hommes, c'est une autre histoire. Je suis une femme moi-même. J'ai évolué parce que j'ai travaillé toute ma vie. Moi aussi, je me suis débattue, dans les années soixante, pour être autonome, pour être éduquée, pour avoir accès à bien des choses, et je ne nierai pas cela. Aujourd'hui, je fais volte-face parce que je me pose la question: Qu'est-ce qu'on fait de nos pairs? Jusqu'où on est en mesure d'aider son semblable? Parce que ce sont quand même nos semblables. Moi, dans ma province, je ne vois pas grand-chose qui va aider les hommes en difficulté. Écoutez, on parle de subventions. On est bien placés pour savoir. Tout simplement, ils n'ont rien, c'est zéro, une barre. Un homme divorcé en difficulté, qui du jour au lendemain se retrouve sur le perron, il s'en vient où? Il s'en vient chez nous. On en a reçu, on en a fait déjeuner, vous n'avez pas idée de ce qu'on a fait. Pourquoi? Parce qu'il n'y a nulle part à aller pour ces gars-là.
Vous aidez... dans ma société, actuellement, les hommes qu'on aide, ce sont les hommes violents. Moi, je vous repose une question aujourd'hui, j'aurais le goût de vous dire: On n'aurait pas envie, dans ma société, de donner un coup de main à celui qui est en difficulté juste parce que c'est une relation qui a mal tourné? Oui, vous allez offrir des subventions pour les gars qui sont violents, mais, pour les autres, on ne trouve à peu près rien.
M. Grimbert (Pierre): Puis, si on regarde aussi, le but du mémoire, de la façon dont le mémoire a été construit, ce sont des faits que nous présentons. Et puis, si ces faits-là ne répondent pas à votre question, je pense qu'on est passés à côté de la track, parce qu'avec ce qu'on présente là c'est certain qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. De dire qu'on est pour l'égalité des droits, ce n'est pas de faire l'égalité des droits, puis là ce qu'on vous demande, c'est de faire l'égalité des droits.Mme St-Pierre: J'ai des collègues qui ont des questions.
Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.
M. Reid: Merci, M. le Président. En fait, ma première question, je pensais que c'était la question qui a été posée... ou que vous alliez y répondre, mais vous y avez peut-être répondu: Est-ce que vous êtes d'accord avec les modifications qu'on étudie ici? Justement, c'est pour étudier ces modifications qu'on écoute différents intervenants. Autrement dit, l'idée de l'égalité et de l'application égale des droits aux hommes et aux femmes, c'est fondamentalement... vous n'êtes pas en désaccord avec ça, je ne pense pas, si je comprends?
Mme Bilodeau (Lise): Je ne suis pas en désaccord, comprenez-moi... C'est M. Reid, je crois, votre nom. Comprenez-moi, M. Reid, c'est qu'à quelque part, au contraire, je voudrais que cette égalité-là soit vraiment pour les hommes et pour les femmes.
M. Reid: Vous l'avez déjà expliqué, mais vous n'avez pas dit si vous étiez d'accord ou pas. Mais en fait, même si ce n'est peut-être pas dans le même sens que d'autres personnes qui ont des raisons différentes pour être d'accord, moi, j'ai toujours dit aussi: L'égalité, c'est pour les deux, ça marche dans les deux sens. Et donc, dans ce sens-là, vous n'êtes pas contre cette affirmation, au contraire?
Mme Bilodeau (Lise): En ce sens-là, M. Reid, je ne suis pas contre l'affirmation.
M. Reid: Ce que vous dites, c'est que vous voudriez qu'on aille plus vite...
Mme Bilodeau (Lise): Absolument.
M. Reid: ...et plus loin avec différentes suggestions. Et c'est là-dessus que j'ai certaines questions, pour à peu près chacune de vos recommandations, en fait. La première recommandation, vous parlez de la création d'un conseil pour l'égalité plutôt que d'un conseil du statut de la femme, donc qui regarde les deux aspects.
D'ailleurs, je voulais vous dire avant qu'en ce qui concerne les nouveaux conjoints et les nouvelles conjointes... je ne fais pas partie de votre association, mais je suis très, très nouvellement d'ailleurs conjoint, et donc je comprends certaines des problématiques, non pas que, moi-même, j'aie vécu des difficultés comme celles que vous décrivez, mais j'ai eu des amis qui en ont vécu. Donc, ça existe, et les problématiques qui ont existé à une certaine époque existent parfois encore, et il faut vraiment y porter une grande attention.
Et, quand on regarde votre mémoire, le premier... vous parlez de la création d'un conseil pour l'égalité, et mon impression, corrigez-moi si je me trompe, c'est qu'une des principales motivations pour ça dans votre mémoire, c'est d'empêcher ce que vous appelez une asymétrie dans la circulation de l'information, dans le contenu informatif qui circule. Est-ce que j'ai bien compris le sens? Ou en tout cas une des principales motivations de la création que vous proposez, d'un conseil qui serait, disons, de l'égalité plutôt que de statut de la femme?
Mme Bilodeau (Lise): Ça va de soi, M. Reid ? je vais te laisser la parole ? ça va de soi que j'ai une préférence pour un conseil, bien sûr, sur l'égalité, mais je vais laisser Pierre vous répondre là-dessus.
M. Grimbert (Pierre): En fait, c'est une question plus de philosophie et de principe que nous avons tirés principalement de la Suède. La Suède a un conseil pour l'égalité. Et, il y a quelques années, nous écoutions une émission, puis c'était le président du Conseil pour l'égalité, et puis le président s'exprimait de la façon suivante, il a dit qu'il avait envoyé un message à toutes les entreprises de la Suède demandant à ce qu'au niveau du conseil d'administration il y ait 50-50 au niveau hommes-femmes. Et, au bout d'un an, le pourcentage est passé de 15 % à 40 %. Donc, il n'a pas été obligé de passer une loi, parce qu'il menaçait de faire passer une loi.
Et donc, la représentativité dans un conseil pour l'égalité, je pense qu'elle est importante, parce que ce que les hommes et les femmes peuvent faire ensemble, c'est énorme. Et, nous, ce n'est pas une question uniquement de circulation de l'information, mais bien d'avoir une représentativité qui soit comme la représentativité dans la population.
M. Reid: D'accord. Je posais la question, parce que, sur la question de certains exemples que vous avez donnés, ce que ça appelle un petit peu, c'est comme un raffinement des études, des données sur les situations particulières, qui ne sont pas toujours les mêmes, là, entre les hommes et les femmes, mais qui sont des situations qui rendent la vie difficile. La semaine dernière, quelqu'un a parlé qu'il était à l'écoute pendant six ans d'hommes suicidaires, donc c'est clair que ça fait partie de la problématique.
Dans votre recommandation 2, j'ai une question également. Vous parlez de cesser la discrimination positive, ce que vous appelez donc la discrimination positive, en créant un comité qui trouve des moyens plus démocratiques afin de pallier à certaines sous-représentativités de groupes particuliers. Alors, ma compréhension de votre recommandation, c'est que, dans un premier temps, vous voyez donc et vous acceptez donc l'existence de sous-représentativité dans certains groupes d'emploi. Je ne me trompe pas, là?
M. Grimbert (Pierre): Il est inévitable que dans des secteurs il y ait une sous-représentativité, soit d'un genre ou de l'autre, parce que je ne pense pas que tout le monde veuille être des monteurs de lignes pour Hydro-Québec, je ne pense pas non plus que tout le monde veuille travailler dans une garderie, je ne pense pas non plus que tout le monde veuille être fonctionnaire. Vous voyez un petit peu ce que je veux dire? Donc, cette sous-représentativité-là doit être étudiée, je dirais, avec des nouveaux critères, pas uniquement des critères quantitatifs, mais des critères qui sont qualitatifs.
n(15 h 20)n Et en ce sens-là je pense qu'un comité devrait se pencher pour éviter, comme, par exemple, au niveau... Je reprends l'exemple de la Suède. Pour la Suède, les individus sont tous, O.K., considérés comme individus, point final, que ce soit une femme ou un homme, vous êtes en couple ou bien, si vous n'êtes pas en couple, vous êtes toujours célibataire, au niveau de l'impôt. Ça, il n'y a plus de discrimination positive au niveau des femmes depuis 40 ans en Suède, dans les partis politiques, parce qu'ils ont vraiment bâti leur structure sociale de telle façon à ce que les individus ne soient pas deux colonnes penchées l'une sur l'autre, et alors que l'une tombe, bien, je veux dire, l'autre va tomber. Et ce qu'on a fait, nous, quand on a fait le partage du patrimoine, tout ce qu'on a fait comme projet pour redistribuer les richesses, c'est de rendre responsable un individu dans le couple de ce que la structure sociale ne peut pas donner. Alors, la structure sociale, donc le gouvernement ainsi que tous les moyens... O.K., tous les organismes de représentativité doivent se pencher pour bâtir des structures sociales.
M. Reid: Ma question complémentaire à ça, c'est que vous avez, je pense, commencé à y répondre en parlant de nouveaux critères. Mais avez-vous des suggestions de moyens plus démocratiques ? parce que c'est un peu ça, vous dites «des moyens plus démocratiques» ? pour... et je reprends vos mots, là, enfin, c'est «pallier à certaines sous-représentativités dans les groupes d'emploi»? Et avez-vous une idée quand vous dites une suggestion comme ça? Avez-vous des idées concrètes, là, ici, au Québec, dans le contexte dans lequel on vit, de ce que ça pourrait représenter?
Mme Bilodeau (Lise): J'aurais le goût de vous donner...J'ai travaillé, moi aussi, hein, et là je suis à ma retraite, donc je peux ouvrir un peu plus. C'est que j'ai eu connaissance... et je crois que ça se passe encore, vous savez, quand on parle de discrimination positive à l'embauche, malheureusement, je me pose des questions, et pourtant je suis une femme. Qu'arrive-t-il aux hommes dans la cinquantaine? Quand on est à la fonction publique, on va présenter un C.V., c'est qu'on va commencer par regarder au départ, un, si c'est une femme; deux, si c'est une minorité visible; trois, si ce n'est pas une personne handicapée; quatre, c'est les nouveaux diplômés. Mais qu'est-ce qui arrive avec les hommes qui ont votre qualité de vie, qui ont vos expériences, etc., qui cherchent un emploi? Bien, je regrette, on ne les prend pas. On ne les prend pas. Puis j'ai quelqu'un très proche de moi, dans un ministère que je ne nommerai pas, qui est obligé d'aller même chercher la personne à Montréal. Pourtant, à Québec, il y aurait l'homme, là, qui ferait l'affaire, mais, dû à ces critères établis, non, on va aller chercher une personne, je vous le dis, du sexe féminin à Montréal pour remplir la tâche. Ce n'est pas une guerre entre les sexes... Puisque vous parlez justement de chartes de droits et libertés, moi, c'est ça que je veux. Allez-y avec un C.V. Si la personne répond à ce C.V. là, on va la prendre peu importe l'âge qu'il a. Mais je vous repose la question: Qu'arrive-t-il à ces messieurs dans la cinquantaine aujourd'hui? Ils n'arrivent pas à se replacer. C'est impossible. Et vous ne les prendrez pas à la fonction publique.
M. Reid: Je trouve votre exemple très intéressant en soi, là, parce que c'est une problématique qui est intéressante et qui nous touche plus au fur et à mesure qu'on est dans la cinquantaine, Mais néanmoins, lorsqu'il y a sous-représentativité, est-ce que vous avez des exemples d'autres choses qui soient... ou c'est une nouvelle formule, à ce moment-là, de discrimination positive, ou...
Mme Bilodeau (Lise): Pas nécessairement.
M. Reid: On dit qu'on élimine, mais en même temps, si on reconnaît qu'il y a un problème de sous-représentativité et qu'on pense chercher des moyens... non pas qu'on les trouve aujourd'hui, mais peut-être... Votre réflexion était plus poussée que la nôtre là-dessus. Si vous pouviez nous éclairer un petit peu plus pour faire avancer notre réflexion.
M. Grimbert (Pierre): C'est qu'en termes de discrimination, O.K., la discrimination positive, on ne dit pas qu'il faut complètement l'abandonner, parce que, dans certains cas, elle peut donner certains résultats, mais elle ne doit pas être à long terme. Il faut que ce soit quand même quelque chose qui serait à court terme. Puis il faut bien comprendre que la discrimination positive, c'est pour pallier aussi au manque d'un système. O.K.? Puis ce système-là doit donc se modifier pour arriver... puis de rendre les emplois plus attirants. Puis, un des critères aussi pour l'embauche, c'est vraiment la qualité de la personne. Alors, si la discrimination positive empêche l'optimisation des ressources, on n'est pas gagnants là-dedans, là.
M. Reid: Mais une sorte de système de régulation du système social, en quelque sorte...
Mme Bilodeau (Lise): Oui, absolument.
M. Reid: ...tant que c'est nécessaire et pas plus. C'est un peu ça?
Mme Bilodeau (Lise): Exactement.
M. Grimbert (Pierre): Puis, très court terme, hein?
M. Reid: On va rentrer dans un élément concret, si j'ai encore un peu de temps, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Dernière minute.
M. Reid: Vous dites un peu plus loin, suite à la recommandation 3 ? pour l'instant, j'y reviendrai si j'ai du temps ? la représentation masculine dans l'éducation, vous dites: Il faut faire quelque chose. Mais est-ce que, là justement, ce n'est pas un cas où il y aurait besoin, selon ce que vous dites, là, d'une action positive pour avoir un peu plus d'hommes au niveau du primaire, notamment parce qu'il en manque, là? Et c'est vrai que c'est une difficulté, et ça correspond à une certaine difficulté de modèle, là.
M. Grimbert (Pierre): Oui. Mais, là encore, moi, je ne serais pas pour la discrimination positive, même si on va chercher les hommes, là. Parce que, dans notre expérience, nous, on s'est toujours placés neutres. Donc, on est parfaitement conscients qu'il y a 60 % d'inscriptions féminines dans les universités, donc, à un moment donné, les femmes vont finir par payer des pensions alimentaires aux hommes, et on n'est pas plus pour ça. Ce n'est pas la solution. Donc, au niveau de l'éducation, je pense qu'on doit modifier, un, notre façon de voir les choses, O.K., puis stimuler plutôt de façon naturelle l'insertion des hommes dans l'éducation, mais pas avec la discrimination positive...
M. Reid: Pas au moment de l'embauche?
M. Grimbert (Pierre): Non. Il faut que ce soit fait naturellement, il faut en venir à des phénomènes plus naturels qu'être obligés de passer par des centaines et des centaines de lois qui finissent, à un moment donné, vous allez le voir, par embourber le système.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je dois mettre fin à cet échange et céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, merci pour votre mémoire. Écoutez, avec le projet de loi n° 63 sous sa forme actuelle, quelles seront les conséquences pour vos membres? Parce qu'à l'intérieur de votre mémoire vous parlez de situations d'acharnement que vous dénoncez. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que ça va accentuer ou ça aura peu d'impact sur...
Mme Bilodeau (Lise): Je crois que, oui, mes membres vont en souffrir, parce que, vous savez, les pouvoirs sont liés, ce n'est pas à moi de vous apprendre aujourd'hui: législatif, exécutif et juridique. Je ne suis pas avocate et je n'ai pas l'élégance de monsieur dans son discours, mais je sais pertinemment bien, en travaillant sur le terrain, que les juges seront naturellement ? j'ai bien dit «naturellement» ? favorables à ce qui va se passer, au niveau bien sûr des ruptures, des séparations et des gardes d'enfants, aux femmes. Écoutez, j'ai bien le sentiment qu'on va favoriser nécessairement... Je pense que le Barreau est passé avant moi, a dû vous en glisser quelques mots, puisque j'ai lu leur mémoire. Vous savez que naturellement les juges auront un côté encore favorable aux femmes.
Pierre et moi, on vous parle d'égalité, et vous parlez, vous aussi, d'égalité. Alors, pourquoi, même au niveau juridique, il n'y aurait pas cette égalité? Vous savez, les hommes ont évolué. Ça fait bizarre qu'une femme vous dise ça, mais je suis consciente qu'ils ont évolué, et c'est encore de bons pères, ils ont encore à faire énormément avec les enfants. Je ne vois pas pourquoi on viendrait alourdir le système avec ces modifications-là et qu'on privilégierait encore une fois le côté des femmes quand il s'agit bien sûr de rupture. Moi, je vous pose presque la question: S'il y a là rupture, pourquoi ne dirions-nous pas justement, comme dit votre document, vers une égalité?
M. Grimbert (Pierre): Cette question nous permet de vous présenter un aspect, O.K., de notre histoire, c'est-à-dire que nous avons été choisis, en 2003, par une firme d'avocats d'Alberta pour représenter les différents pères du Canada, O.K., face à leurs enfants, et nous sommes passés en Cour fédérale deux fois, donc il y a deux jugements qui peuvent être consultés, en Cour fédérale, qui vont expliquer de façon juridique quelle est notre position face à l'égalité. Donc ça, si vous désirez, on pourra vous donner les coordonnées des jugements pour que vous alliez les consulter. Grosso modo, ce que ça faisait, c'est que, si vous donnez la garde exclusive à la mère, d'une part, vous privez cette personne-là d'être capable d'aller sur le marché du travail de façon très facile, O.K., d'autre part, vous privez aussi l'enfant du droit d'association pacifique avec son père, et donc ça allait contre la Charte canadienne des droits ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés.
Le premier jugement, on nous a comparés au Conseil canadien des Églises, et là, je veux dire, ça n'avait aucun sens. Mais, le deuxième jugement, on a dit qu'on n'était pas représentatifs suffisamment en nombre, mais on n'a pas été déboutés dans un point de droit. Donc, on est quand même arrivés à faire démontrer que dans les faits la façon dont les choses s'appliquent au niveau des tribunaux, au niveau même de certains ministères qui ont une forme de discrimination qui est un peu étrange, comme, par exemple, d'arriver puis de prendre... Supposons qu'une personne perd son emploi, notamment une femme, et puis qu'elle a été mariée puis qu'elle n'a pas vu son mari depuis 10 ans, le ministère peut, avec notre argent, mandater la Commission des services juridiques d'aller poursuivre le monsieur qui, lui, s'est refait sa vie. Et puis ça, c'est une politique du ministère. Nous trouvons ça vraiment discriminatoire.
Mme Leblanc: Est-ce qu'on peut s'assurer, M. le Président, qu'on va... Est-ce qu'on va obtenir les jugements que monsieur...
Le Président (M. Kelley): Si possible, je vais demander à la secrétaire de communiquer avec vous pour avoir le titre exact des causes que vous avez mentionnées.
M. Grimbert (Pierre): On vous enverra les liens Internet aussi pour que vous alliez les consulter.
Mme Leblanc: Merci.
Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. C'est noté.
Mme Leblanc: Vous parlez, à plusieurs endroits dans votre mémoire, du genre. Vous utilisez souvent «le genre». Ici, il y a quand même plusieurs juristes bien qui sont assez unanimes à dire qu'ils ne recommandent pas d'utiliser le mot «genre» dans la loi. Pourquoi l'utiliser?
M. Grimbert (Pierre): Non, c'est parce que les différentes études européennes, des choses comme ça... j'ai lu certaines études françaises, et puis eux utilisent le mot «genre».
Mme Leblanc: D'accord.
n(15 h 30)nMme Bilodeau (Lise): On l'a fait, mais ce n'était pas de façon discriminatoire.
Mme Leblanc: O.K. Écoutez, peut-être... Je pense que vous avez répondu de façon substantielle tantôt. Vous dites, là, qu'il faudrait mettre un terme au Programme d'accès à l'égalité parce que les femmes seraient majoritaires au sein des effectifs de la fonction publique, hein? Vous en avez glissé mot tantôt. Toutefois, on reconnaît qu'il y a des milieux de travail atypiques ou bien des endroits difficiles d'accès pour les femmes, également. Donc, est-ce que vous proposeriez de mettre un terme malgré tout à ces programmes, ou si ce serait peut-être de revoir, ou...
M. Grimbert (Pierre): C'est-à-dire qu'il faudrait revoir les programmes pour que, comme je disais, plutôt que de forcer l'embauche sur un critère quantitatif, on devrait plutôt utiliser le critère qualitatif. Mais en même temps une société se doit de former ses ressources de telle façon à ce qu'elles répondent à ses besoins. Donc, s'il y a des besoins parce qu'il y a une sous-représentation, la société doit trouver des moyens...
Une voix: Pour pallier à ça.
M. Grimbert (Pierre): ...pour pallier, mais qui soient autres qu'uniquement un critère quantitatif.
Mme Leblanc: D'accord. Puis vous observez un déséquilibre flagrant de la place des hommes dans le milieu scolaire, entre autres.
M. Grimbert (Pierre): Entre autres.
Mme Leblanc: Oui. Que peut-on faire, bien, écoutez, pour arriver à un équilibre du côté scolaire?
Mme Bilodeau (Lise): Bien, tout simplement, j'ai le sentiment... Je vais vous répondre de façon très simple: Remettez le pendule tout simplement, rééquilibrez les choses. Quand je vous parlais des critères de la fonction publique, il y a moyen de modifier ça sans toutes chambarder vos lois, toutes les abroger, toutes les modifier. Écoutez, redonnons la place à certains êtres qui ont un certain âge et qui sont capables de vous apporter une qualité de travail absolument extraordinaire. Oui, mesdames, on a pris le marché du travail. Je n'ai rien contre, j'en étais. Oui, on est rendues, à l'université, à 74 %, 75 % de femmes. Mais, moi, je vous dis, oui, encore: Que va-t-il arriver à ces femmes-là dans 15 ans, peut-être même avant, où elles auront, elles aussi, à supporter l'opprobre d'une pension alimentaire aux hommes qui seront restés à la maison pour éduquer les enfants? Ce n'est pas si loin, tout ça. Et, comme dit Pierre, ce ne sera plus glorieux pour elles de payer ces pensions alimentaires là et de devoir se battre pour avoir une garde partagée.
Alors, c'est une question d'équilibre. Et, même dans l'emploi, la fonction publique, vous êtes encore capables de faire de très beaux changements et de permettre aux gens, aux hommes d'un certain âge d'offrir leurs services et bien sûr ? comment dirais-je? ? tout leur bagage de vie, leur expérience de vie. Vous allez vraiment... Puis il y en a plein, de gars, au Québec, qui n'ont pas d'emploi actuellement parce que, bon, ils ont 50 ans. Moi, je suis sûre que vous êtes capables de faire quelque chose, vous êtes capables d'amender. Ça, c'est certain.
M. Grimbert (Pierre): Puis, il y a une chose au niveau de l'éducation. Bon, d'une façon très logique, on sait qu'un emploi, évidemment si on y va, c'est parce qu'il y a quelque chose qui nous attire. Bon. Il faut se poser des questions. Moi, pour ma part, je n'ai jamais fait l'étude du système d'éducation en profondeur. Comment est-ce que les professeurs sont formés? Je ne le sais pas, parce que je n'ai pas fait un cours en didactique, mais c'est certain que, s'il y a moins d'hommes que de femmes qui vont dans l'éducation, c'est qu'il peut y avoir un problème d'attrait aussi, il peut y avoir un problème philosophique. Il y a différentes alternatives de recherche.
Mme Leblanc: Ça m'amène à vous poser quand même une question, parce que dans mon comté c'est flagrant, malheureusement on est parmi les premiers au Québec: Le décrochage scolaire chez nos jeunes garçons, est-ce que vous y voyez un lien? Est-ce que vous iriez jusqu'à y voir un lien?
Mme Bilodeau (Lise): J'ai perdu votre dernier mot: Est-ce que vous y voyez...
Mme Leblanc: Un lien, vous savez, entre le décrochage scolaire et peut-être la...
Mme Bilodeau (Lise): Bien, moi, je crois, pour avoir des amis qui ont de jeunes garçons adolescents, moi, je pense que vraiment l'école... Je ne veux pas accuser les professeurs, mais tout ça, c'est... ? comment dirais-je? ? tout ça se tient. C'est qu'à quelque part est-ce que les professeurs ont toujours le même intérêt pour enseigner? Est-ce que la pédagogie, à quelque part, là, rejoint tous ces jeunes hommes là?
Vous savez, les filles, c'est formidable. Je vais vous citer quelque chose de bien banal. Je lisais Le courrier de Louise hier, où il y avait, là, deux jeunes filles qui parlaient de leurs mathématiques 400 quelques, et elles disaient aux jeunes hommes: Bien...
Une voix: ...
Mme Bilodeau (Lise): ... ? oui, 436 ? quand vous voulez réussir, bien relevez vos manches puis bûchez.
Vous savez qu'on a deux psychologies différentes. La femme a une psychologie, les gars en ont une autre. Alors, à l'école, c'est la même chose. Les garçons ont besoin de bouger, les garçons ont besoin de s'exécuter, puis après, quand vous les aurez bien fait jouer au baseball ou au football, remettez-les à leurs mathématiques et vous allez réussir. Mais là on traite tout le monde sur une seule base. Ce n'est pas des gars, ce n'est pas des filles, c'est des élèves. Puis, bien, les gars, ils décrochent, puis pas mal plus souvent que vous pensez. Déjà, au secondaire III, ils ne veulent plus aller à l'école. Je connais quelqu'un, là, dont le jeune commence à tirer vraiment, et pourtant c'est un jeune homme qui était très brillant en secondaire I, secondaire II. Secondaire III arrive, c'est trop lourd, et puis il a vraiment envie de tout lâcher. Et ça, ce n'est pas ? comment dirais-je? ? l'exception.
Moi, je pense que c'est encore à notre gouvernement, puis j'y crois. Vous êtes capables d'améliorer ça et d'aller voir ce qui se passe chez les jeunes hommes qui fait que: Je n'ai plus cet intérêt-là. Pourquoi? Parce que, bien j'ai toujours une maman en avant de moi, j'ai toujours une institutrice féminine en avant de moi. De temps en temps, ils ont besoin du modèle masculin, les gars, à l'école pour se faire parler, se faire ramasser, puis c'est par là qu'on s'en va. On en fait de vrais hommes alors.
M. Grimbert (Pierre): Au niveau du décrochage scolaire, il y a quelque chose d'intéressant qui a été étudié par un certain Dr Amneus, un Américain qui n'est plus mais qui a écrit un livre sur justement cette question des jeunes. Il était très impliqué là-dedans. Et puis je pourrai d'ailleurs donner les coordonnées du livre pour que vous puissiez aller y jeter un coup d'oeil, parce que les statistiques...
Lui, il procède de la façon suivante, c'est qu'il a dit qu'il y a à peu près entre 10 % et 15 % de familles monoparentales aux États-Unis, mais que ce 10 % à 15 % de familles monoparentales fournissent près de 70 % des jeunes en prison, 75 % des décrochages, et puis, tu sais, des 60 %, 65 %, 70 % et 80 %, il en sort à peu près une dizaine, à peu près, O.K., de ce genre-là. Donc, on sait parfaitement qu'en statistiques, quand on veut étudier un phénomène, on dit: Bon, il y a une population où il y a 50 % d'hommes, 50 % de femmes. Si on veut étudier le phénomène, je ne sais pas, moi, de représentativité dans l'éducation et qu'on s'aperçoit qu'il y a 80 % de femmes versus 20 % d'hommes, alors c'est logique, vous ne vous posez pas de question, vous vous dites: Il y a un problème, O.K.? Alors, de la même façon, le fait qu'il y ait des familles monoparentales, 10 % à 15 % produisent 70 % des décrochages, bien on voit que là il y a un problème.
Donc, c'est pour ça que, nous, on a toujours été pour une garde partagée presque automatique, sauf dans des cas où il y a vraiment des cas de violence, là, où il y a une mésentente énorme, là, puis qui peut être préjudiciable aux enfants. Donc, au niveau de l'éducation, c'est certain que, s'il y a tous ces phénomènes sociaux là qui sont en arrière, disons, du phénomène de l'éducation, les phénomènes familiaux ont sûrement une incidence.
Mme Leblanc: Est-ce qu'il reste encore du temps, M. le Président?
Le Président (M. Kelley): Trois minutes. Mme la députée de Masson.
Mme Grandmont: Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Moi, je suivais ça. Les subventions, vous dites que la plupart sont accordées pour des groupes pour les femmes, qu'il y en a juste 76 qui sont là pour les hommes. Vous expliquez comment le fait qu'il n'y ait pas plus d'organismes d'hommes qui veulent participer puis dire: Bien, on va être là, on va aider puis on va s'occuper d'autres citoyens comme nous? Pourquoi que c'est toujours juste les femmes puis qu'on ne retrouve pas assez de groupes d'hommes? Y a-tu quelque chose qui fait que vous n'êtes pas capables de structurer à l'intérieur de ça puis que vous n'avez pas le sentiment de dire: Bien, on n'est pas pour se montrer comme un peu vulnérables, puis on ne veut pas embarquer dans ce... Pourquoi qu'il n'y en a pas plus que ça?
M. Grimbert (Pierre): O.K. Je vois ça en deux parties. Il y a une partie historique. Vous savez que le mouvement des femmes, c'est un mouvement qui date du XIXe siècle, et puis même peut-être aussi avant, parce que j'ai écrit un livre où je fournis une Déclaration du droit de la citoyenne qui date de 1793, par Olympe de Gouges, une Française. Donc, ce n'est pas nouveau. Donc, le mouvement des femmes est très organisé depuis très longtemps. Mais ça fait depuis à peu près 40, 50 ans que les hommes se retrouvent juridiquement dans une certaine difficulté. Et puis, cette organisation-là prend nécessairement un certain temps, et puis, de la façon dont les hommes ont été habitués, ont été éduqués, c'est: Tu te débrouilles tout seul puis tu n'as pas à parler de tes problèmes. Puis c'est comme ça qu'on a été éduqués.
n(15 h 40)nMme Bilodeau (Lise): Mais il y a... Vous n'êtes pas sans savoir que... Écoutez, on a quand même des hommes qui sont reconnus: M. Rondeau, M. Dulac, qui ont parlé de la difficulté des hommes au Québec. Je ne vous cacherai pas que je suis profondément liée aux associations d'hommes à Québec. Ils me connaissent tous, et je les connais tous, et je connais leurs problèmes. Il s'agit de dire que vous vous appelez M. Untel et que vous avez l'association Untel, et je vous garantis que vous faites votre demande à Centraide et que vous n'aurez pas un sou. Pourquoi? Parce qu'on voit toujours dans l'homme ? permettez-moi l'expression ? le gros violent, ou bien: à quelque part, là, il vient nous en passer une vite, et puis à quelque part, là, il est antiféministe, et puis je vous en passe, des adjectifs.
Alors, les mouvements d'hommes au Québec, là, c'est la misère noire, il n'y a pas de secret là-dessus. Alors, la façon de les éteindre et de moins les impliquer bien sûr, comme vous dites, madame, c'est qu'ils font comme moi, ils mettent leurs mains dans leurs poches pour tenir leurs associations debout, parce que de l'argent, ils n'en ont pas. Il faut avoir une association, il faut militer, il faut tout simplement être un aidant naturel pour savoir. J'ai vu aller ces groupements d'hommes là, et, à quelque part, là, ils ont bûché solide et, à quelque part, ils n'ont pas eu pour autant plus, bien sûr, de subventions.
Alors, moi, je ne suis pas prête à dire que c'est parce qu'à quelque part ils se laissent traîner les pieds, qu'ils ne sont pas intéressés, qu'ils laissent faire la job puis, après ça, ils se représentent. Non, c'est qu'on ne leur ouvre tout simplement pas la porte, c'est là le problème. On est fermé à ce qu'un groupe d'hommes dise: Aie! Wo moteur! Ça ne va pas dans la société, faisons quelque chose. On se ferme à ça. On a peur que, derrière ces hommes-là, ça sous-tend une violence quelconque. C'est le discours qu'on entend aujourd'hui.
M. Grimbert (Pierre): Puis c'est une question de mentalité aussi. C'est une question de mentalité, dans le sens où on commence seulement à comprendre quelle est l'importance de l'égalité des genres, l'égalité des sexes ? là, je ne sais pas comment vous avez décidé de l'appeler, là ? mais on commence seulement...
Le Président (M. Kelley): En conclusion, s'il vous plaît. Juste parce que l'enveloppe est épuisée. En conclusion, s'il vous plaît. Le temps alloué à l'opposition officielle est épuisé, alors en conclusion, très rapidement.
M. Grimbert (Pierre): Oui. Donc, c'est ça, c'est une question de mentalité.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, merci bien de votre mémoire. Et je dois vous dire que, moi, ça me fait réfléchir parce que dans mon comté, dans le comté de Rosemont, il y a un très fort pourcentage de familles monoparentales, et la misère, entre guillemets, des hommes parents, on la voit beaucoup comme députée. Je pense qu'on est tous conscients de ça, et on se rend compte aussi qu'on a beaucoup de préjugés. Vous l'avez dit, hein, l'homme est un pourvoyeur. On a oublié qu'il y avait des femmes aussi qui pouvaient le devenir et qui avec le temps le deviennent. J'ai bien aimé votre réflexion sur l'avenir, parce que, si on regarde... Moi, quand je vois le nombre de familles monoparentales, bien généralement des femmes mais pas toujours, je constate que ce que vous avez dit, Mme Bilodeau, sur votre fils, les gars ne veulent plus se marier... Bon, peut-être qu'on peut être pour ou contre le mariage. Moi, ça s'adonne que je suis pour parce que je trouve que c'est un élément de stabilité dans la vie. Puis, ça ne veut pas dire que c'est juste une fois, ça peut être... Il y a des perfectionnistes qui aiment ça le faire plus qu'une fois!
Une voix: ...
Mme Dionne-Marsolais: Cela étant dit... Mais la conséquence de l'absence de mariage, c'est qu'il y a de plus en plus de familles monoparentales, généralement des femmes, et, je le pense encore, je l'observe, ces familles-là sont plus pauvres, et évidemment ce sont les enfants qui en souffrent et ultimement c'est la société qui va en souffrir. Est-ce que c'est tout de suite, dans cinq ans, dans 10 ans? Je ne sais pas s'il y a une corrélation directe entre le décrochage scolaire et le fait d'avoir été élevé dans une famille monoparentale, je n'ai pas assez lu d'études à ce sujet-là, mais je pense...
Une voix: ...
Mme Dionne-Marsolais: Pardon?
M. Grimbert (Pierre): Excusez-moi. Sur le site de Santé Canada, il y avait une étude qui parlait de cela...
Mme Dionne-Marsolais: Bon, alors je vais...
M. Grimbert (Pierre): ...et puis il y a une corrélation, effectivement.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, je vais en prendre connaissance. Parce que je pense qu'on doit commencer, là, à regarder les chiffres et les données sociodémographiques là-dessus. Il existe une telle chose que la formation des juges aussi, et, moi, ce qui me frappe beaucoup quand je discute avec des amis de collège, là, qui sont juges ou autres: on devient juge à un âge avancé, à un âge honorable, hein, donc il y a une génération entre le pouvoir judiciaire ou l'autorité judiciaire et puis l'évolution de la société, souvent. Et, aujourd'hui, on se retrouve avec des décisions qui ont été prises par des juges bien intentionnés mais qui reflétaient leurs connaissances. Et, aujourd'hui, bien je pense que, si on regarde la société, on a un coup de barre à donner. L'idée du conseil de l'égalité, je trouve ça intéressant, moi. Est-ce que ça fait une ministre de la condition humaine? Peut-être.
Mais, cela dit, je trouve qu'il y a quelque chose là, et cette égalité... C'est vous qui avez utilisé l'expression, je pense, «cosmétique»; elle est lourde de sens, de signification, mais elle n'est pas loin de la vérité. Et, en tout cas, moi, je trouve que, si on peut de manière objective être de plus en plus documentés sur les défis qui se posent pour que, nous, comme législateurs, on ait un petit peu le sens de l'avenir... Parce que c'est de ça dont il parle. J'ai peur actuellement, dans ce projet de loi là, effectivement qu'on pense encore dans un contexte d'il y a 20 ans ou 25 ans.
Moi, quand je suis sortie de l'université, en 1970, c'est vrai que les femmes étaient moins instruites, moins ci, moins ça, dépendantes. Depuis ce temps-là, il y a eu la loi sur le patrimoine, il y a eu un paquet de choses, ce qui fait qu'aujourd'hui le pauvre type peut être effectivement, s'il tombe sur un mauvais juge, bien mal pris. Et on l'a vu. Je l'ai vu, moi, je l'ai observé dans mon environnement et je suis certaine que chacun des députés ici, à un moment donné ou à un autre, a été témoin de situations très préoccupantes, qui n'aident pas à l'avancement de notre société.
Mme Bilodeau (Lise): Dans Maisonneuve-Rosemont, si vous me permettez...
Mme Dionne-Marsolais: Dans Rosemont.
Mme Bilodeau (Lise): Rosemont. Bien, nous, je pense que c'était Maisonneuve. Mais en tout cas on a eu, je ne sais pas si vous avez connu, la Maison Père Enfant, qui était... M. Claude Lachaine, qui est mon ami, qui a oeuvré vraiment seul, solo, avec quelques subventions, dont je ne nommerai les partis qui lui ont accordées, mais quand même, il a eu un peu d'aide, mais il n'en a pas eu suffisamment, il a été obligé de fermer ses portes. Et je vous assure qu'il a aidé les papas et les enfants. Et, entre parenthèses, il y a pas mal plus aussi ? de nos jours, vous allez voir ça ? de papas qui sont monoparentaux. On oublie de dire ça, hein? Ça pousse, ça, là, comme des champignons. J'en ai beaucoup et j'en connais dans mon association. On m'appelle, et: On va où? On fait quoi? Et les dames, les jeunes mamans lèvent l'ancre carrément, je vous le dis, là. Alors, dans la monoparentalité, on aura aussi affaire avec les hommes et les garçons.
Mme Dionne-Marsolais: Dans Rosemont, pour compléter, nous avons aussi un organisme, qui s'appelle CooPère, et, quand ils sont venus me voir pour avoir de l'aide financière, bien évidemment ma première réaction, ça a été: Fathers-4-Justice, puis ils m'ont dit: Non, non, non, Mme Marsolais, ce n'est pas cela. Puis là on a commencé à causer de qu'ils faisaient et de l'aide qu'ils apportaient à des pères qui se retrouvent quelquefois à temps partiel ou à temps plein avec leurs enfants et qui sont très démunis. C'est tout un autre volet, là, vous me direz, mais ça revient à ça. Alors, continuez votre travail. Je trouve que c'est important puis j'espère que la ministre, qui recevra des requêtes ou des demandes d'aide pour ces organismes-là... Il y a un besoin extrêmement important au niveau de ces organismes-là, et c'est l'avenir de la société qui est en cause, puis il ne faut pas sous-estimer, là, le coup de barre qu'on a donné. On est peut-être rendus un petit peu trop d'un côté, là, il faut ramener le balancier, là, pour qu'il y ait un équilibre.
Et, moi, je pense qu'il faudrait... Je ne sais pas comment on peut le faire, M. le Président, je ne sais pas si c'est dans le cadre d'une recommandation de notre commission, mais l'éducation des juges. Je crois que c'est fondamental pour les ramener à la réalité sociodémographique d'aujourd'hui.
M. Grimbert (Pierre): Oui, tout à fait. Parce que nous avons engagé certaines stagiaires au cours de nos opérations, et puis nous étudions les arrêts de la Cour suprême, et nous avons vu beaucoup de surprises dans ces choses-là.
Il y a aussi une forme de discrimination dont je tiens à vous parler. C'est que, vous savez, lorsqu'on prend un couple puis que le type perd son emploi, on le sait, il ne se passe rien, il n'y a pas rien qui va lui tomber sur la tête autre que la perte de son emploi. Par contre, vous prenez ce couple-là, vous le divisez, puis il y a une pension alimentaire qui est donnée. Là, il a un emploi saisonnier, il perd son emploi, puis le ministère du Revenu le poursuit pour qu'il paie encore sa pension alimentaire. Mais, pour changer son jugement, parce qu'il faut qu'il le change, son jugement, il faut qu'il se paie un avocat. Mais il a perdu son emploi, il ne peut pas se payer un avocat. Ça fait que donc le type, lui, de toute façon, on lui met des arrérages. Il recommence à travailler, et puis il recommence avec des arrérages, donc il diminue encore son revenu. Alors ça, c'est d'année en année, il est pris là-dedans. Mais, quand il était en couple, lui, puis qu'il perdait son emploi, personne ne lui tombait sur la tête.
Mme Bilodeau (Lise): Et on vivait avec...
M. Grimbert (Pierre): Ça, ça en est une, discrimination.
Mme Bilodeau (Lise): Une chose qu'on reproche beaucoup, à l'association, c'est qu'on se demande, Pierre et moi, qu'est-ce qui se passe quand on divorce? Est-ce qu'on n'est pas en train de vivre au-dessus de nos moyens? Je n'ai rien contre le fait qu'il faut recevoir nos pensions alimentaires quand on a garde d'enfants, mais la grande question que je vous pose, et Pierre vous l'a amenée vraiment, là... Écoutez, vous perdez votre emploi, ça ne vient pas de vous, et là, veux veux pas, la pension se poursuit. Vous êtes dans un couple, on va vivre avec l'assurance chômage. Mais, au Québec, ce n'est pas ça qui se passe. J'ai déjà vu un type, là, brisé, là, parce qu'il avait eu un accident de travail, et la pension alimentaire se poursuivait parce que, lui, il ne l'avait pas, le 2 000 $ à donner à son procureur pour demander une modification de la pension alimentaire. Et, quand il a recommencé à travailler, bien, mon Dieu! il avait 30 $ par 15 jours.
n(15 h 50)nM. Grimbert (Pierre): On prenait 50 % de son salaire brut.
Mme Bilodeau (Lise): Écoutez, j'ai eu le chèque à la maison, le talon de chèque. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Alors, c'est ça, là, qu'il faut se demander. Quand je divorce, est-ce que je ne suis pas en train de demander de vivre comme une reine? Est-ce que mes enfants deviennent... c'est plus dispendieux de les éduquer, de les élever quand je suis divorcée, parce que je veux aller chercher ? pour M. l'avocat, il connaît sans doute ce que ça veut dire ? les frais particuliers? Pourtant, quand j'étais avec mon mari, je n'en aurai pas, de frais particuliers, je n'aurai pas les moyens d'envoyer les gars apprendre à jouer du hockey professionnel, ils vont se contenter de choses qu'on est capables de payer ensemble. On divorce, les frais particuliers arrivent, c'est là que les pères n'en peuvent plus. Et là, mesdames, je vais vous faire plaisir, c'est souvent là que les pères se retirent. Ils n'en ont plus, d'argent. C'est aussi simple que ça. Je fais un roi de mon fils parce que je suis divorcée. Ou de ma fille. Les frais particuliers, je considère que c'est une méchante enjambée qu'on fait aux hommes quand on décide de les demander, parce que, dans une vie de couple ordinaire, on ne peut pas se payer ça. Et ça se passe au Québec.
M. Grimbert (Pierre): On est à la bonne place pour discuter de la perception de ce que c'est qu'un individu dans une société, parce que l'égalité, quand même, entre les gens, c'est une bonne place pour en parler. Et donc c'est pour ça que dans le mémoire j'amène le cas de la Suède. Et je pense que c'est important qu'on replace les gens dans une responsabilité où ils sont... Une femme autant qu'un homme, ils ont tous les deux les mêmes moyens maintenant pour être capables de devenir quelqu'un dans cette société-là. Je ne vous parle pas d'une société comme en Arabie Saoudite, ou des choses comme ça. On est au Québec, là, ce n'est pas pareil.
Le Président (M. Kelley): Une courte intervention, M. le député de Mercier. Il vous reste trois minutes.
M. Turp: Bon, bien, je pense que, sur cette question-là, on a probablement encore un peu de chemin à faire, là. Parce que votre proposition sur le conseil pour l'égalité, elle a été examinée dans les dernières années, vous le savez très bien. La prédécesseure de la ministre de la Condition féminine a été devant le choix de modifier le Conseil du statut de la femme pour le transformer en conseil pour l'égalité. Et on a eu des débats, nous-mêmes, au sein de notre caucus. Il y avait une de nos collègues, la députée de Terrebonne, qui était une partisane de ne pas faire ça. Puis il y avait d'autres collègues qui étaient des partisans de faire ça, de suivre l'exemple de la Suède et d'autres pays qui sont passés à ce discours de l'égalité hommes-femmes plutôt que du statut de la femme. Et le gouvernement a choisi, lui, de maintenir le statu quo, d'avoir un Conseil du statut de la femme. On a une présidente du Conseil du statut de la femme qui est venue il y a quelques jours ici. Je suis certain qu'elle défendrait mordicus, quant à elle, et qu'elle serait soutenue par beaucoup de femmes pour maintenir le Conseil du statut de la femme.
Mais je pense qu'on doit continuer d'évoluer puis de débattre de cette question-là, de cette proposition parce qu'elle a sans doute contribué à ce que la Suède, comme d'autres pays scandinaves, atteigne des niveaux d'égalité puis l'effectivité de l'égalité, qu'on n'a pas encore atteints au Québec, malgré tous les progrès.
M. Grimbert (Pierre): Ce n'est qu'une régulation de la pauvreté. Dans le... je donne un exemple, qu'il y a moins de 10 % des femmes monoparentales en Suède qui sont pauvres, alors que le pourcentage est beaucoup plus élevé ici. Et donc, là, il y a quand même une relation de cause à effet à établir.
M. Turp: Et je voudrais juste faire un commentaire, M. le Président. En revanche, moi, je ne pense pas que ma collègue, mes collègues vous suivraient dans votre deuxième recommandation, sur la discrimination positive. Parce qu'écoutez, là, quand il y a une inégalité de fait entre les hommes et les femmes, je crois que des mesures d'accès à l'égalité, le Programme d'accès à l'égalité, s'imposent. Et je vous rappellerai, je nous rappelle collectivement que nous avons un engagement international. En tout cas, on a le droit, en vertu de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, d'adopter des programmes d'accès à l'égalité. L'article 4 de cette convention se lit ainsi: «L'adoption par les États parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes n'est pas considérée comme un acte de discrimination tel qu'il est défini dans la présente convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d'égalité...»Le Président (M. Kelley): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Turp: ...de chances et de traitement ont été atteints.» Alors, voilà. Je crois que, quand l'égalité entre hommes et femmes sera vraiment atteinte, on n'aura plus besoin de discrimination positive et de Programme d'accès à l'égalité. Mais ce n'est pas le cas encore.
M. Grimbert (Pierre): À 55 % d'effectif féminin au gouvernement, je pense que l'objectif est pas mal atteint, là.
M. Turp: Certainement pas dans la haute fonction publique.
M. Grimbert (Pierre): Non.
Le Président (M. Kelley): En tout cas, sur ça, je dois mettre fin à l'échange. Merci beaucoup pour votre présentation, Mme Bilodeau, M. Grimbert, et surtout certains aspects que nous avons entendus cet après-midi qui sont très intéressants.
Je vais suspendre quelques instants et j'invite les représentants de l'Après-rupture de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 55)
(Reprise à 15 h 58)
Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales va continuer ses travaux. Le prochain groupe, c'est l'Après-rupture, représenté par M. Jean-Claude Boucher et M. Jean-Pierre Gagnon. De l'entrée de jeu, je dois m'expliquer. Je dois m'absenter pour une dizaine de minutes, alors c'est notre collègue le député d'Orford qui va me remplacer, juste pour une dizaine de minutes. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, M. Boucher, pour un droit de parole de 15 minutes. Ou M. Gagnon. Et après ça il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. Et je vais revenir le plus rapidement possible.
L'Après-rupture, Ateliers
pour les liens père-enfants
M. Gagnon (Jean-Pierre): Merci. Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés, je vais présenter un petit peu l'Après-rupture, sur ce que nous sommes. On s'est donné comme mission, depuis 12 ans, de favoriser les liens significatifs entre les pères et les enfants après un divorce, séparation. Notre organisme est totalement masculin, et on vient en aide à des hommes et à des enfants victimes. Et nous n'avons droit évidemment à aucune subvention. Au Québec, seuls les organismes d'hommes qui sont, disons, déclarés agressifs, violents... Alors, ces organismes-là sont subventionnés. Mais les organismes d'hommes victimes, il y en a, d'enfants victimes, il y en a, et malheureusement on n'a pas droit de subvention.
Avant de vous présenter le mémoire, M. Jean-Claude Boucher va vous donner le préambule de notre mémoire.
n(16 heures)nM. Boucher (Jean-Claude): Avant de procéder à la lecture de notre mémoire, nous aimerions vous présenter un préambule qui va vous aider à bien interpréter le sens, un peu comme le fait le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
Lors des audiences de la commission Bouchard-Taylor, le Conseil du statut de la femme a présenté son mémoire, en fait son avis sur la limite qui pourrait être imposée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à l'égalité des femmes, devrions-nous dire, dans le domaine de la religion en général, suite aux recommandations à venir de ladite commission. Le très puissant lobby que constitue le Conseil du statut de la femme a donc pressé la ministre St-Pierre d'agir en toute urgence pour changer les termes du préambule de la charte et précéder ainsi les conclusions du rapport de la commission Bouchard.
Le préambule à la charte, comme tout préambule, donne l'interprétation, l'éclairage à apporter au reste du texte. Nous demandons de bien réfléchir au sujet de cette urgence à agir maintenant et sur ses conséquences désastreuses qu'elle pourrait déclencher dans la population du Québec. On pourrait, plus tard, discuter de ces possibles conséquences. Il nous semble absurde et inquiétant que, malgré le préambule de la charte québécoise des droits et libertés, qui stipule que les citoyens ont des droits garantis par la volonté collective et protégés contre toute violation, la ministre St-Pierre croie urgent de présenter cet amendement avant même la parution de la volonté collective des citoyens, qui sera exprimée dans les recommandations finales de la commission Bouchard-Taylor, particulièrement en ce qui concerne la liberté religieuse garantie par la charte.
Il nous semble absurde et inquiétant que la ministre qui présente une modification à la charte pour y intégrer fermement l'égalité entre les hommes et les femmes soit en même temps la porte-parole de l'ensemble des groupes féministes et du lobby féministe présents au sein du gouvernement. Ce lobby est constitué du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine, alors qu'il n'existe pas de conseil du statut de l'homme et de secrétariat à la condition masculine pour représenter les hommes.
Il nous semble absurde et inquiétant que le gouvernement qui a docilement plié devant les revendications du Conseil du statut de la femme, faites par la voix de la ministre St-Pierre pour ce qui concerne le projet de loi n° 63, soit celui-là même qui permet que les exécutifs des conseils, commissions et autres créatures de même acabit soient majoritairement féminins: Conseil de la famille, Conseil supérieur de l'éducation, Commission de l'équité salariale et même la Commission des droits de la personne, Commission à la santé et bien-être social, pour n'en nommer que quelques-uns.
Il nous semble absurde et inquiétant que ce soit cette même ministre qui, sous la pression des groupes féministes, ait été l'instigatrice d'une campagne médiatique bien orchestrée contre les hommes, qu'elle a appelée sans gêne une «campagne de sensibilisation au phénomène de la violence conjugale» et qui présente un amendement qui parle d'égalité entre les hommes et les femmes. On se rappellera en effet que son communiqué annonçant cette campagne utilisait de façon intellectuellement frauduleuse les chiffres de la Déclaration universelle de criminalité, le DUC 2, alors que les chiffres produits par l'impartial Institut de la statistique du Québec étaient déjà disponibles et montraient que les hommes étaient plus souvent victimes de violence conjugale que les femmes. Tout le monde se rappellera cette campagne télévisuelle où on tentait de démontrer que, dans un contexte de violence conjugale, l'homme québécois est une brute et la femme, une pauvre victime, et je vous rappelle que cette campagne-là, cette campagne télévisuelle là a été vue dans le monde entier, faisant passer les Québécois pour des sauvages.
M. Turp: M. le Président.
Le Président (M. Reid): Oui, M. le député.
M. Turp: Est-ce que je peux poser une question? Je ne sais pas si c'est une question de règlement. Dans cette enceinte parlementaire, entre collègues députés de cette Assemblée, il y a des mots qui ne sont pas usités, et, quand on accuse un collègue, ou une ministre, ou un ministre d'être menteur ou frauduleux, le président nous rappelle à l'ordre. Et là je demande au président de notre commission de statuer sur cette question-là parce que le témoin a suggéré que la ministre avait eu des paroles ou des mots, et je le cite, qui étaient «intellectuellement frauduleux». Ça ne m'apparaît pas un langage qui convient aux travaux de cette Assemblée et de notre commission. Alors, je me réfère à vous, M. le Président, pour éclairer cette commission.
Le Président (M. Reid): Merci, M. le député. M. Boucher, vous avez ici un droit de parole qui est celui de notre démocratie. Je vous demanderais néanmoins d'être prudent dans la façon dont vous vous référez à des questions ou des situations, des jugements de valeur notamment, sur... surtout s'il s'agit de procès d'intention, c'est un peu ce à quoi ça ressemble, d'être donc très prudent. Et je vous redonne la parole.
M. Boucher (Jean-Claude): Il nous semble également inquiétant que la modification de la charte proposée par la ministre s'appliquera dans la vie privée des citoyens. À cet effet, il suffit de lire attentivement les exemples contenus dans le mémoire du Conseil du statut de la femme pour s'en convaincre. Il faut réfléchir aux conséquences qu'aurait la primauté de l'égalité hommes-femmes sur la foi et les pratiques religieuses des simples citoyens, entre autres.
Il nous semble également absurde et inquiétant de n'ajouter à l'article 49 de la charte que la notion d'égalité des sexes, puisqu'en toute logique on devrait aussi y ajouter l'égalité entre les jeunes et les vieux, entre les différentes races, entre les religions, entre les... leurs orientations sexuelles.
La modification à la charte nous apparaît comme un pas de plus dans l'application de l'agenda féministe pour le contrôle du législatif et du judiciaire, une sorte de dictature rose. En espérant que ce préambule vous aidera à saisir le sens de notre témoignage, M. Gagnon va lire le mémoire, qui est très court.
M. Gagnon (Jean-Pierre): Alors, nous aimerions souligner certains aspects de la discrimination systémique dont est victime la moitié masculine du Québec, sujet tabou par excellence, discrimination qui fait rarement la manchette des médias et qui est rarement abordée par nos politiciens. Une véritable égalité des sexes doit s'appliquer à toutes les structures de notre société: éducation, santé, travail et gouvernance en particulier.
Il y aura égalité des sexes dans ce domaine lorsqu'autant d'hommes que de femmes enseigneront dans nos écoles, cégeps, universités. Il y aura égalité des sexes lorsque le niveau d'obtention de diplômes sera aussi important pour les garçons que pour les filles. Des mesures de discrimination positive doivent être rapidement adoptées afin de favoriser la venue dans nos institutions scolaires de personnels masculins ? j'y ai passé 32 ans de ma vie, en passant. Des mesures gouvernementales énergiques doivent être mises en place afin de contrer le décrochage scolaire au secondaire, décrochage qui affecte de façon catastrophique 32 % de la clientèle masculine dans nos écoles. Dans certaines régions, ça tape le 50 %.
La situation des garçons dans nos écoles est préoccupante. En plus du décrochage scolaire, soulignons le fait que la très vaste majorité des avaleurs de Ritalin, drogue prescrite pour contrer les troubles d'attention, sont des garçons. Comment expliquer que le ministère de la Santé et celui de l'Éducation accordent si peu d'importance à cette problématique humaine qui a pris une ampleur inquiétante au fil des ans? L'objectif est-il de calmer et d'éliminer psychologiquement les garçons?
Dans nos écoles, lorsqu'un garçon a des problèmes, il doit s'en remettre à du personnel très majoritairement féminin. Souvent, la seule personne masculine dans l'école, c'est le concierge. Aucun modèle masculin à qui se confier. Très souvent, les intervenantes féminines ne comprennent rien à la psychologie masculine et n'ont reçu aucune formation pour mieux la comprendre. Ce type de discrimination débute malheureusement dès la garderie. Que fait l'État pour mettre un terme à cette discrimination? La réponse est bien simple: rien.
Abordons maintenant le domaine de la santé. L'Institut de la statistique du Québec révélait en 2004, dans un document intitulé Contexte et conséquences de la violence conjugale envers les hommes et les femmes au Canada, document dont on ne peut mettre en doute l'impartialité et l'objectivité, que 25 400 hommes ? j'insiste ? étaient victimes de violence conjugale. C'est le cas pour 16 900 femmes ? comment ça se fait que ces chiffres-là ne sont jamais utilisés par la ministre? 125 maisons d'hébergement sont à la disposition des femmes victimes. Chacune de ces maisons reçoit plus d'un demi-million de dollars en subventions annuellement. S'ajoutent les tables de concertation féministes, les regroupements de maisons d'hébergement, les centres féminins, les chaires universitaires en études féminines, Relais-Femmes, etc., des centaines d'organismes féminins financés avec l'argent des contribuables. Une véritable égalité des sexes exige que les hommes puissent profiter de services équivalents, avec financement gouvernemental équitable pour les deux sexes.
Une campagne médiatique annuelle à la grandeur du Québec devrait être créée afin de dénoncer la violence conjugale dont sont victimes les 25 400 hommes et leurs enfants. De même, une journée internationale de l'homme devrait être instituée afin de souligner les 1 200 suicides officiels ? et vous savez qu'il y a des suicides déguisés en accidents; il y a à peu près quatre hommes qui se suicident, par jour, au Québec ? et les nombreux accidents de travail ? 30 fois plus chez les hommes que chez les femmes, ça, on n'en parle jamais ? violences conjugales dont sont victimes les hommes du Québec.
n(16 h 10)n Une discrimination positive au niveau de l'emploi devrait être instituée afin que la parité des sexes devienne un fait dans toutes les institutions de santé. Les services d'aide aux hommes devraient être adaptés aux besoins et à la psychologie masculine. Le financement en recherche en santé masculine devrait être équivalent à celui accordé en santé féminine. Le 7 janvier 2004, un important rapport remis au ministre de la Santé et des Services sociaux, le comité d'experts publiait Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins, rapport du Comité de travail en matière de prévention, d'aide aux hommes, le fameux rapport Rondeau. Nous exigeons que les recommandations de ce rapport soient rapidement mises en application ? il a dormi sur les tablettes un bon bout de temps, et c'est L'Après-rupture qui l'a un peu dépoussiéré. Nous exigeons que ce rapport sorte de l'ombre et soit pris au sérieux par nos élus. La santé des hommes est tout aussi importante que la santé des femmes, dans une société qui se dit égalitaire.
Abordons maintenant le domaine du travail. Il est anormal que les hommes doivent assumer les risques les plus grands au niveau du travail. Ce sont eux qui très majoritairement sont victimes d'accidents et de mort au travail. Ce sont aussi eux qui travaillent 30 % de plus que les femmes ? et ça, quand j'entendais, l'autre jour, une féministe nous dire que les femmes gagnent 30 % de moins, elle a oublié de tenir compte du nombre d'heures travaillées. Le travail de nuit est très majoritairement, là aussi, masculin. Toutes ces données et bien d'autres démontrent la discrimination dont sont victimes les hommes sur le marché du travail. Notre affirmation est fondée sur le document intitulé La santé des hommes au Québec, réalisé par le ministère de la Santé et des Services sociaux et l'Institut de la statistique du Québec en 2005. Nous précisons que ce document a été signé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard. Cette étude inquiétante sur la condition de santé des hommes dort depuis sur les tablettes du ministère de la Santé.
Il existe des concours pour les femmes qui sortent des sentiers battus et qui veulent s'aventurer dans des emplois traditionnels occupés par les hommes: stages payés en Europe, bourses d'études et de participation, etc., les programmes Chapeau, les filles!, Excelle Science en sont deux exemples parmi d'autres. On n'a toujours malheureusement pas l'équivalent pour encourager les jeunes hommes à s'intégrer dans des emplois traditionnellement occupés par les femmes. Le système d'éducation est féminin, le système de la santé l'est tout autant.
Maintenant, pour ce qui concerne les informations gouvernementales diffamatoires à l'endroit des hommes, comment expliquer que le ministère de la Santé publie depuis 1985 des chiffres complètement dénués de fondement scientifique concernant la violence des hommes à l'endroit des femmes? De 1985 à 2004, le ministère de la Santé affirmait que les hommes du Québec violentaient annuellement 300 000 femmes. Actuellement, en 2008, le même ministère affirme que 100 000 femmes seraient victimes de violence masculine. Or, grâce à la loi d'accès à l'information, notre organisme a découvert que ces deux chiffres sont complètement faux. Le ministère de la Santé n'a jamais été en mesure de nous envoyer le moindre petit document qui prouverait la réalité de ces chiffres, chiffres inventés de toutes pièces qui ont fait la fortune et qui continuent de faire la fortune d'une multitude d'organismes féministes.
De plus, certains CALACS, centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, affirment dans les médias que les hommes du Québec agresseraient une femme sur trois. Ce chiffre carrément mensonger apparaît même sur un poster affiché dans un certain centre hospitalier ? celui de Granby, si vous voulez savoir exactement. En Montérégie, dans ma région, les CALACS ont affirmé que plus de 200 000 femmes avaient été victimes d'agression sexuelle. Ce n'est pas des farces, là, il faudrait demander l'intervention des forces de l'ONU! Comment expliquer que le ministère de la Santé tolère et finance de tels propos vexatoires, mensongers et dénigrants à l'endroit des hommes du Québec? Ces CALACS sont incapables de démontrer scientifiquement leurs chiffres. Il s'agit d'une véritable fraude intellectuelle dont les contribuables font les frais. Pure diffamation à l'endroit de la moitié mâle de la population, soutenue par l'État. Est-ce avec ce genre de fraude intellectuelle que l'on veut créer une société égalitaire?
La liste serait longue pour montrer l'autre côté de la médaille de l'égalité des sexes. Les rares organismes masculins ont rarement la possibilité de dénoncer sur la place publique les abus statistiques du lobby féministe. Nous connaissons bien des hommes qui auraient aimé venir exprimer leur mécontentement devant cette commission. La très forte majorité des organismes féminins et féministes qui ont ou qui présenteront un mémoire devant cette commission auront l'avantage de recevoir un salaire, de compter sur des ressources que les rares organismes masculins n'ont pas et n'ont jamais eues ? en passant, je viens ici à mes frais. Comment l'État peut-il adopter une politique sur l'égalité alors que la moitié mâle de la population n'a pas les moyens de s'exprimer, d'être entendue devant cette commission? Le pouvoir politique, la permanence et les membres du Conseil de la famille et de l'enfance sont constitués actuellement de 20 femmes et de six hommes.
Le Président (M. Reid): M. Gagnon, est-ce que je pourrais vous inviter à conclure? Parce que le temps est dépassé.
M. Gagnon (Jean-Pierre): Je vais finir avec ça. Nous avons rencontré à plusieurs reprises Mme Marguerite Blais. Moi-même étant dans le monde de l'éducation depuis longtemps, je disais que c'est assez illogique que les pères ne soient pas représentés sur le conseil qui doit donner justement des conseils à l'État, il n'y a pas de père. C'est symbolique.
Alors, je vais simplement terminer. Au niveau de la justice, quelqu'un en a déjà parlé. Alors, on va passer plutôt à nos recommandations. Alors, je cède la parole à M. Boucher.
Le Président (M. Reid): Il vous reste moins d'une minute, M. Boucher.
M. Boucher (Jean-Claude): O.K. Considérant que les lois, règlements et politiques gouvernementaux trouvent leur origine ? à propos de la violence conjugale; trouvent leur origine ? dans un mensonge publié par le ministère de la Santé en 1985, dans un document intitulé une Politique d'aide aux femmes violentées, document écrit sous la pression du lobby féministe et dont le Conseil du statut de la femme constitue le vaisseau amiral:
Nous recommandons que des excuses publiques proviennent du ministre de la Santé et des Services sociaux. Ces excuses seraient adressées à tous les hommes du Québec, qui ont été diffamés par cette publication; nous recommandons l'abrogation pure et simple de toutes les lois touchant la violence conjugale et le retrait de toutes les politiques relatives à ces lois, pour raisons que je viens de mentionner; nous recommandons la démission immédiate de la ministre Christine St-Pierre. Sa fraude intellectuelle à propos de la violence conjugale peut...
Le Président (M. Reid): M. Boucher, M. Boucher, c'est la deuxième fois, je vous avais demandé d'être prudent. Je vous demande de s'arrêter là-dessus si... De toute façon, votre temps est dépassé depuis déjà deux minutes, alors je vous donne 15 secondes pour terminer.
M. Boucher (Jean-Claude): Je ne peux pas terminer... Je termine immédiatement. J'en ai trop. Enfin, la dernière recommandation, d'abord je vais lire, je vais sauter les autres: Nous recommandons que toute modification à la Charte des droits et libertés soit précédée d'une enquête publique sur l'ensemble du dossier qui touche les rapports entre les hommes et les femmes et qui touche le communautaire, avant de toucher à ça, et il est temps que les payeurs de taxes et d'impôt du Québec trouvent une meilleure utilisation de leur argent que de le donner, sans vérification aucune, à n'importe quel organisme qui prétendument aide les femmes.
Le Président (M. Reid): Merci, messieurs. Nous allons passer maintenant à une période d'échange, en commençant par le parti gouvernemental, et je vais passer la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Copeman: Merci, M. le Président. Messieurs, je partage beaucoup les objections soulevées par le député de Mercier. Je ne suis pas surpris par contre, je vous connais un tout petit peu, on se connaît un petit peu. Nous avons déjà, si vous me permettez l'expression, croisé le fer en commission parlementaire et consulté votre site Web. Quand on voit l'utilisation sciemment du mot «ministresse», la «ministresse» Saint-Pierre, ça démontre une absence, quant à moi, élémentaire de respect. Alors, je ne suis pas étonné. Je le déplore, mais je ne suis pas étonné.
Je vous dirais, messieurs, ça ne donne rien de personnaliser ce débat. Honnêtement, je ne vois pas l'avantage de qui que ce soit de personnaliser un tel débat. La ministre présente le projet de loi, c'est-à-dire que ça a passé les étapes habituelles, et, si la ministre est responsable, nous sommes, de ce côté de la table, collectivement responsables, hein? Oui, mais ça ne donne rien, M. Boucher, de personnaliser. Je vous le dis: Ça ne donne rien. Le projet de loi a franchi les étapes internes, c'est-à-dire les comités ministériels nécessaires, le Conseil des ministres, le caucus des députés ministériels. L'Assemblée nationale n'a pas eu encore l'occasion de voter sur le principe du projet de loi, ça va venir à un moment donné. Et, si jamais le principe est adopté, bien là collectivement l'Assemblée nationale sera les coupables dans vos yeux, et non pas simplement une personne. C'est une tactique qui me paraît petite et vraiment très peu respectueuse. Je voulais vous le dire...
n(16 h 20)nM. Gagnon (Jean-Pierre): ...
M. Copeman: Pardon?
M. Gagnon (Jean-Pierre): Il n'y a rien qui... il n'y a aucune loi qui nous empêche de personnaliser un phénomène. Parce que c'est la ministre...
M. Copeman: Bien, monsieur, je n'ai pas dit: C'est illégal, j'ai dit: C'était très peu respectueux, et c'est tout.
M. Gagnon (Jean-Pierre): ...qui a amené le projet de loi, c'est tout.
M. Copeman: Oui, oui. Bon. Bref, dans votre document, et je vais peut-être dire un autre aspect de cette présentation que je trouve très malheureux, certaines des situations que vous soulevez méritent un examen sérieux par le gouvernement, par l'État, entre autres le taux de décrochage scolaire, qui frappe durement, beaucoup plus durement les garçons que les filles, mérite un examen sérieux par le Parlement du Québec, par le gouvernement, par les ministres. La question du suicide qui frappe, statistiquement parlant, plus durement chez les hommes mérite un examen sérieux de la part du gouvernement et du Parlement du Québec. Je suis quelque peu familier avec le rapport Rondeau, qui soulève des préoccupations importantes pour les hommes québécois et qui mérite une réponse sérieuse.
La semaine passée, on avait beaucoup cité Talleyrand. Le problème avec l'approche que ? je le dis très personnellement ? vous avez, en ce qui me concerne, ça me fait penser à une autre citation de Talleyrand: «Tout ce qui est excessif est insignifiant.» Et je crois malheureusement qu'en utilisant le langage que vous utilisez, en prétendant des choses que vous prétendez, ça banalise et décrédibilise beaucoup ces problèmes qui méritent un examen plus sérieux.
M. Gagnon (Jean-Pierre): Je vous défie de donner... de démontrer qu'un seul de nos chiffres est erroné. Le rapport Rondeau, dont vous parlez, vous savez qui l'a dépoussiéré? Comment ça se fait que... Ce qui est scandaleux, c'est que c'est votre gouvernement qui l'a tassé, et c'est L'Après-rupture qui l'a réveillé, ce rapport-là. Comment ça se fait, quand il s'agit... Nous autres, les hommes, on les ramasse en miettes, monsieur. Si je suis venu à L'Après-rupture, c'est que j'ai deux de mes amis qui se sont suicidés. Et le travail que j'ai fait pendant 32 ans auprès des enfants, j'ai vu la situation des garçons qui ont été tassés par leurs pères en particulier... qui ont été tassés de leurs pères, pardon, les dégâts que ça fait.
L'Après-rupture, ça fait 12 ans. On nous dit toujours: Ah! vous n'avez pas le bon ton. Il y a une colère paternelle que vous faites exprès pour l'ignorer. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des gars qui ont grimpé sur le pont. On les connaît, nous. C'est qui qui les écoute, ces gars-là? C'est nous autres. Le ministère de la Santé... ni le ministère de la Sécurité... à L'Après-rupture, on était prêts à intervenir quand le dernier monsieur, il est monté dans le pont. On a dit aux policiers: On va aller vous aider, on est habitués avec ces gars-là. Refus total. Conseil de la famille et de l'enfance: Vous n'avez pas d'affaire là. On n'a jamais le bon ton. Jamais.
M. Copeman: Je vais peut-être poser quelques questions très précises sur votre document. Vous indiquez... au chapitre du pouvoir politique, vous prétendez à une discrimination, que les hommes sont victimes. Vous citez l'exemple du Conseil de la famille et de l'enfance, Conseil du statut de la femme, Secrétariat à la condition féminine, qui sont des organismes-conseils, hein? Vous avez l'habitude de les appeler les puissants lobbys. Moi, comme législateur, moi, je n'ai jamais légiféré en vertu d'un avis du Conseil du statut de la femme. Moi, je fais partie d'un groupe ministériel. Nous allons légiférer parce qu'entre autres notre gouvernement, le Conseil des ministres et le caucus des députés ministériels ont décidé d'aller de l'avant.
La présence féminine à l'Assemblée nationale a grimpé jusqu'à un haut historique de 30 %, ça a baissé un tout petit peu en 2007, 25 %. Alors, l'Assemblée nationale est composée de trois quarts des hommes. Il faudrait croire, dans vos yeux, que nous ne sommes pas les bons types d'homme.
M. Gagnon (Jean-Pierre): On n'a jamais dit ça.
M. Copeman: Bien, il faudrait croire, parce qu'on vote, on va voter des lois ou on vote des lois que vous prétendez excessivement discriminatoires envers les hommes.
Mais vous dites quelque chose qui m'a beaucoup intrigué, qu'il existe des programmes... des mesures de soutien gouvernemental pour favoriser l'implication des femmes dans les partis politiques. Pouvez-vous m'en faire part, de ces programmes de soutien gouvernemental? Parce que j'ai consulté des collègues, là, on n'est pas au courant. Alors... mais ici, ici, au Québec.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui, oui, oui. Ça s'appelle... pas À deux pour décider... Je ne me souviens plus le titre du programme. C'est un programme qui dépense à peu près 1 million par année pour aider les femmes à aller en politique, et ça s'appelle... Le nom m'échappe, là. C'est un programme qui coûte à peu près 1 million. On pourrait le fournir au président, si vous voulez, là. Le nom précis du programme m'échappe, là, mais c'est: Quelque chose pour décider, ou À deux pour décider. Je ne me rappelle pas.
Une voix: ...
M. Boucher (Jean-Claude): Non, ce n'est pas ça. C'est quelque chose comme ça. Je ne me souviens pas du nom exact. Mais, M. Kaufman, vous savez très bien comment fonctionne...
M. Copeman: Copeman.
M. Boucher (Jean-Claude): Copeman. ...vous savez très bien comment fonctionne un lobby, hein? Le lobby ne va pas vous imposer une loi. Un lobby ne va pas vous dire: Écoutez, votez pour ça. Le lobby le plus important qu'il y a au Québec, et qui va à l'encontre de la loi sur le lobby, quand on lit la loi sur le lobby, on regarde le Secrétariat à la condition féminine, le Conseil du statut de la femme, et on dit: C'est illégal. Bon. Peut-être que légalement on pourrait l'accepter, mais, dans l'esprit de la loi, ce sont deux lobbys extrêmement puissants, payés avec notre argent, qui fonctionnent tout partout, qui sont dans tous les départements, dans tous les ministères et qui ne vont pas vous dire pour quoi voter. C'est clair. Mais ils vont vous pousser des chiffres tels que le 300 000.
Je regrette que les gens de la commission ne veulent pas écouter, parce que le 300 000 est la source de la fraude la plus importante qu'il y a eu au Canada, de toute l'histoire. Ce chiffre-là de 300 000, qui n'était justifié par rien du tout, qui est pure invention, O.K., a été publié par le gouvernement du Québec en 1985, par le ministère de la Santé, a donné... a été la source... dû à la Politique d'intervention en matière de violence conjugale de 1987, a déclenché une ribambelle de subventions à des groupes évidemment de femmes, qui par la suite sont devenus des groupes de plus en plus extrémistes, qui se sont servis de toutes sortes de faux chiffres pour pouvoir obtenir toujours plus d'argent.
Nous, on a de l'information. On n'est pas deux, dans L'Après-rupture, on ne serait pas capables de contenir ça. On a beaucoup d'informations qui viennent de l'intérieur des maisons d'hébergement, parce qu'il y a beaucoup de femmes qui travaillent dans des groupes de femmes ? qui retirent évidemment leurs salaires, qui sont très bien payées, ils ne veulent pas perdre leurs emplois ? et qui viennent nous expliquer comment cet argent-là est gaspillé, carrément gaspillé. La grande majorité des maisons de refuge pour femmes violentées sont à peu près à un tiers occupées, quand ils se rendent à un tiers.
Parce que, si vous regardez les vrais chiffres de violence conjugale, si vous arrêtez d'écouter le Conseil du statut de la femme puis l'association des maisons d'hébergement, vous allez vous apercevoir que le nombre de femmes violentées au Québec est extrêmement petit. Je ne veux pas dire qu'il faut qu'il y en ait plus, c'est clair qu'on devrait avoir zéro. Dans un monde paradisiaque, il n'y aurait aucune femme battue, il n'y aurait pas besoin d'aucune maison d'hébergement. Sauf que tout ça a créé un gaspillage éhonté de fonds publics, qui sert à entraîner un autre gaspillage, parce qu'avec le pouvoir de tout cet argent-là on peut publier de plus en plus, on peut aller chercher d'autres subventions, et c'est un cercle vicieux.
Et, aujourd'hui, le ministère de la Santé conte encore des mensonges. Quand il dit: Il y a 100 000 femmes battues au Québec, c'est un mensonge éhonté et ça permet aux groupes féministes de dire: Aïe! il nous faut notre subvention annuelle, il nous faut notre 500 000 $. Et le budget du communautaire est 671 000 $... 671 millions par année, à moins que je me trompe d'une couple de millions. Là-dessus, il y a pratiquement 500 millions qui vont à des groupes de femmes, à peu près 10 millions à des groupes d'hommes, principalement aux hommes qui sont présumément violents et qu'il faut aider. Et ça, c'est un... Ça, là, c'est un... À côté de... Le scandale des commandites, à côté de ça, c'est du pipi de chat, monsieur.
M. Copeman: Peut-être revenir, dans une tentative désespérée, M. le Président, sur le projet de loi.
M. Boucher (Jean-Claude): ...petites minutes. Oui, c'est ça. Bien, laissez-moi continuer deux petites minutes, je reviens au projet de loi.
Le Président (M. Reid): Pardon, M. Boucher. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.
M. Copeman: Si on peut revenir sur le projet de loi. Est-ce que vous voyez quelque chose de nocif dans le projet de loi tel quel?
n(16 h 30)nM. Boucher (Jean-Claude): En ce qui concerne l'article 49, je n'ai pas de problème avec ça, quoique je me dis: Ce n'est pas très utile. Mais, en tout cas, mettons que celui-là, je n'ai pas de problème. Sauf que, si on met l'égalité entre les hommes puis les femmes dans le préambule, on donne au juridique le pouvoir de s'en servir. On lui dit: Écoute, ça, c'est important, puisque c'est dans le préambule. À partir de là, on vient intervenir dans la vie personnelle des citoyens, pas juste les hommes puis les femmes, de tous les citoyens. Par exemple, on touche aux églises, hein? Il suffirait de prendre la charte puis de dire: Aïe! l'égalité entre les femmes puis les hommes, bien, l'Église catholique, il n'y a pas de prêtresses, on va les mettre illégales, ça n'a pas d'allure! L'Islam dit aux femmes de porter le voile, les hommes ne le portent pas, ça n'a pas d'allure! Et ça, c'est la vie personnelle. L'exemple qui a été donné par le Conseil du statut de la femme, c'est, par exemple, une femme qui voudrait porter le nom de son mari, elle n'aura plus le droit, une femme qui voudrait renoncer au patrimoine familial, pour x raisons personnelles, elle n'aurait plus le droit. Donc, on vient intervenir non pas dans la vie publique des citoyens, comme la charte du Canada, on vient intervenir dans la vie privée des citoyens.
Et là on a donné, suite à ça, toujours dans la même idéologie de la charte, on a donné un paquet d'exemples, actuellement, où les hommes sont discriminés de toutes sortes de façons. En justice, ils le sont. On voit une femme accusée de tuer son mari: elle est acquittée parce qu'elle a été arrêtée sans mandat. 10 000 hommes sont arrêtés sans mandat chaque année, on n'en fait pas un chiard, etc.
Le Président (M. Reid): M. Boucher, je remplace le président, mais j'aurais eu une petite question à poser. Il reste à notre parti, à notre côté, deux minutes, est-ce que je peux me permettre de prendre ces deux minutes pour vous poser une question?
M. Boucher (Jean-Claude): Oui.
Le Président (M. Reid): Vous parliez de ton tout à l'heure, et, je pense que c'est un peu connu, vous prenez un ton de confrontation, ça ne me fait pas peur, ça ne nous fait pas peur, parce que la confrontation, à l'Assemblée nationale, on est habitués à ça. Moi, ce qui me dérange un petit peu plus ? et j'ai eu l'occasion de le dire à un autre groupe ? c'est le fait que l'image que vous donnez, dans votre mémoire particulièrement, c'est une image qui est assez noire, assez noire, de ce qui attend les hommes au Québec quand il y a une difficulté.
Et je mettrais ça, disons, en comparaison avec un élément. Vous suggérez ici quelque chose où vous dites: Ce serait intéressant d'avoir une journée de l'homme, qui devrait être instituée afin de souligner, entre autres, qu'il y a 1 200 suicides au Québec. Or, vous avez encore plus d'expérience que moi ? parce que j'en ai un tout petit peu ? mais, des gens qui sont suicidaires, il y a comme un effet d'entraînement qui est dangereux, et de plus en plus on essaie de ne pas faire étalage des suicides à tous les jours parce qu'on sait que ça va en provoquer d'autres, des gens qui sont à un niveau de vulnérabilité. Et est-ce que, quand des hommes...
Et il y en a, des hommes, au Québec, en difficulté. Je ne raconterai pas mon histoire une deuxième fois, là, parce que je l'ai déjà fait dans cette commission, mais il y en a, des hommes qui sont en difficulté au Québec, on le reconnaît, on le sait, vous en aidez beaucoup. Mais, quand on parle... quand on donne un portrait noir, est-ce qu'on ne va pas un peu dans le sens contraire de ce qu'il faut faire pour aider des gens à sortir un peu du danger de mettre fin à leurs jours parce que justement ils ne voient plus de portes ouvertes? En lisant votre texte, on a l'impression que les portes qui pouvaient rester ouvertes, il n'y en a plus du tout. Et, moi, ça me fait peur un peu, ça, disons, en termes de ton, c'est plus le ton de noirceur que le ton de confrontation qui me fait peur.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui, mais, M. le Président, ce texte-là n'est pas adressé aux bénéficiaires de L'Après-rupture, il est adressé aux députés qui siègent ici. Et de dire: Écoutez, la situation des hommes au Québec, elle est très noire, c'est une espèce d'alarme qu'on est venu sonner. Vous n'aimez peut-être pas le ton? Je m'en fous. On sonne l'alarme, il est temps que l'Assemblée nationale regarde correctement... que les députés prennent leurs responsabilités et regardent la réalité des choses dans le Québec. La réalité, c'est qu'on est dans un pays extrêmement pacifique, et ce que les féministes appellent le progrès social... On a des jauges pour mesurer notre progrès social, et notre progrès social, c'est le plus haut taux d'utilisation de médicaments antidépresseurs au monde, le plus haut taux de suicide au monde, ou le deuxième, ou le troisième, dans les plus hauts taux. Le taux de décrochage scolaire est très haut. Le taux de chômage, bien là, ça va mieux un peu. Et si ça, c'est le progrès social, ça ne va pas très bien. On a le plus bas taux de mariage, à peu près, dans toute la société occidentale, avec le plus haut taux de divorce, avec des durées de mariage qui sont extrêmement courtes.
Il est peut-être temps qu'on regarde les choses correctement puis qu'on dise: Lâchez-moi avec l'égalité hommes-femmes, l'égalité hommes-femmes. Si l'égalité hommes-femmes, c'est ce que la charte, jusqu'à aujourd'hui, nous a donné, nous, l'égalité hommes-femmes, on en a par-dessus le chapeau. Parce que l'égalité hommes-femmes, ça s'est toujours appelé l'égalité pour les femmes. Et, dans la présente commission, ici même, que j'ai écoutée à la télévision, le mot «égalité pour les femmes» est sorti au moins 20 fois, et je n'ai pas écouté toutes les audiences. L'égalité pour les femmes, c'est quoi, ça? L'égalité, c'est pour tous, ce n'est pas pour les femmes, c'est pour les hommes et pour les femmes. Et actuellement il y a des tas de programmes d'aide aux femmes, il y a des tas de subventions communautaires pour les femmes, et, pour les hommes, il n'y a rien, rien du tout: ce n'est pas grave. Mais notre société dépend aussi des hommes, n'oubliez pas ça.
Et les hommes actuellement sont déprimés au Québec. Et, nous autres, il nous en arrive. Écoutez, moi, je ne rencontre personne...
Le Président (M. Reid): M. Boucher, je dois vous interrompre, vous allez avoir d'autres occasions de continuer, parce que je dois passer maintenant la parole aux députés de l'opposition officielle. Et je passe la parole à la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bien, écoutez, je veux remercier mon collègue qui a fait quand même pas mal le tour du jardin. Sauf qu'il y a une question. Vous parlez de création du conseil du statut de l'homme. Un peu plus tôt, on a parlé... mon collègue a parlé d'un conseil de l'égalité. Est-ce que c'est quelque chose que vous adopteriez?
M. Boucher (Jean-Claude): De deux choses l'une, le conseil de l'égalité a existé dans différents pays d'Europe, il existe encore, et, dans un certain nombre de pays, il a été noyauté par les féministes qui étaient déjà en place dans le Conseil du statut de la femme, ou l'équivalent du conseil de la femme, ou ça dépend des pays. Nous, on privilégie... La première approche qu'on privilégie, c'est que de toute façon on n'a pas besoin de ça, ni du Conseil du statut de la femme ni du Secrétariat à la condition féminine. C'est quoi, votre rôle, les députés? Les députés, votre rôle, c'est de nous écouter, de regarder dans votre comté comment ça se passe, de voir ce qu'on peut faire et d'amener ça au Parlement. Mais c'est aux députés à faire la job, pas au Conseil du statut de la femme. Si les femmes sont malheureuses dans votre comté, madame, voyez-y, interviewez-les et rapportez au Parlement des mesures précises.
Le Conseil du statut de la femme, c'est à sens unique et c'est un lobby, je le répète, qui, selon l'esprit de la loi des lobbys, devrait être aboli immédiatement pour illégalité. S'il y a un avocat qui avait le guts d'amener ça en cour, on le ferait sauter, mais il n'y a pas... les hommes n'ont pas d'argent pour payer des avocats. Et ça n'a pas de raison d'exister, depuis des années. Je ne dis pas que ça n'a jamais eu raison d'exister, on s'entend bien, mais ça fait longtemps que ça n'a plus besoin d'être là. C'est un lobby qui détruit notre société parce qu'il ne donne à tous les députés qu'une seule image, celle des pauvres femmes, celle des femmes à aider, celle des femmes dans la misère, et c'est ça, le Conseil du statut de la femme et ses bras qui sont le Secrétariat à la condition féminine, évidemment.
Mme Leblanc: C'est beau. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.
M. Turp: D'abord, vous avez dit: La réalité, c'est important, hein, de la prendre en compte. Bien, je vais vous lire quelque chose, là, que j'ai retrouvé sur ce fameux programme À égalité pour décider ? vous aviez raison, ça s'appelle comme ça. À égalité pour décider, c'est un programme qui a été créé en 1999 pour soutenir les femmes ou afin de favoriser les femmes dans des postes de décision des instances locales et régionales. Et c'est un programme qui, si je comprends bien, continue, 2005-2008. Donc, j'imagine qu'il pourra être renouvelé.
Mais pourquoi ce programme-là existe, là? Je comprends qu'il existe parce qu'il y a un déficit démocratique à corriger. Et on apprend, on a des statistiques qui nous disent que le nombre de femmes élues sur la scène municipale progresse lentement. En 1980, les femmes détenaient 1,5 % des postes de maire et 3,8 % des postes de conseiller municipal. En 2002, soit presque deux décennies plus tard, elles occupent 10,9 % des postes de maire et 24,1 % des postes de conseiller. Et je pense que les statistiques, là, dans d'autres institutions démocratiques du Québec, là, révéleraient qu'en dépit de ce programme et du soutien qui a été fait à des organismes les femmes comptent pour un pourcentage encore assez limité du nombre d'élus. Et, dans cette Assemblée, ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve rappelait d'ailleurs au début des travaux de cette commission que les femmes, le nombre de femmes... et le pourcentage du nombre de députés qui sont des femmes dans cette Assemblée a d'ailleurs diminué lors de la dernière élection, en 2007.
C'est pour ça qu'il y a des programmes comme ceux-là, c'est pour ça qu'il y a de l'argent que des députés, en majorité des hommes, dans cette Assemblée ont approuvé, quand on a approuvé des budgets, parce que justement l'égalité puis l'atteinte de l'égalité pour les femmes passent par du soutien puis par des mesures comme celles-là que démocratiquement, dans notre Assemblée, on a choisi d'adopter. Et ce n'est parce que l'on fait ça, je pense, qu'on est contre les hommes puis qu'on n'est pas capables de constater que les hommes, comme les femmes, sont victimes de violence conjugale, sont victimes de discrimination dans notre société.
n(16 h 40)n Je voudrais juste vous rappeler, là, que le projet de loi que la ministre a présenté devant cette Assemblée, le projet de loi n° 63, parle de l'égalité entre les femmes et les hommes. Les femmes et les hommes, le mot «hommes» est là, ça devrait, dans une certaine mesure, vous amener à penser que le souci que nous avons ici, c'est l'égalité des femmes et des hommes, que l'égalité des hommes aussi est quelque chose qu'on veut promouvoir, qu'on veut protéger et que l'article 49.2 qu'on veut ajouter est un article qui dit que «les droits et liberté énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes».
Et ma question, parce que je pense que vous méritez une question, là... Et vous avez eu une tribune, hein, je pense. J'espère que vous ne vous plaindrez pas que vous ne pouvez pas présenter vos vues, là. Vous avez le droit de vous exprimer, vous les... On vous a écoutés, je pense, correctement, bien que le langage, moi aussi, que vous avez tenu, je ne l'apprécie pas. Moi, ma question est très simple, et je pense qu'on peut avoir une réponse oui ou non à une question aussi simple que ça. Est-ce que vous êtes d'accord, oui ou non, avec l'énoncé suivant: Considérant que l'égalité entre les femmes et les hommes constitue le fondement de la justice, de la liberté et de la paix... êtes-vous d'accord avec cet énoncé que l'égalité entre les hommes et les femmes constitue le fondement de la justice, de la liberté et de la paix?
M. Gagnon (Jean-Pierre): ...très attention, tout le monde est pour la vertu. Ce qu'on vous a dit tantôt au niveau de la discrimination, que vous avez dit tantôt que c'est important, l'égalité entre les hommes et les femmes, au niveau de la santé, de l'aide aux hommes, est-ce que vous trouvez que c'est logique que les hommes en difficulté n'aient absolument rien, hein? Notre budget de L'Après-rupture, nous autres, c'est grâce à des gens qui nous soutiennent, certaines communautés religieuses, hein? Est-ce que vous trouvez que c'est discriminatoire, l'aide aux hommes, hein, au Québec? Trouvez-vous que... Êtes-vous prêts à vous battre pour ça, vous autres, pour les gars, des organismes de gars, hein, pas des organismes féminisés, des organismes de gars?
Nous autres, on accepte qu'un gars mette le poing sur la table. Le gars fait ça dans un CLSC, il se fait arrêter, hein? On a plein d'exemples de gars qui sont allés dans un CLSC où on a dit: Oh! appelez la police. Alors, nous autres, les gars, on a... Souvent, on nous reproche d'avoir un ton, disons... Oui, moi, je suis un doux, je ne sais pas, ce n'est pas mon genre, là. Mais la colère des gars, ce n'est pas rien, là, vous ne semblez pas prendre conscience de ça.
Et, moi, j'ai été invité récemment à témoigner ? bon, je n'entrerai pas dans les détails ? devant un juge, puis l'avocat m'avait demandé de venir expliquer la situation des hommes au Québec. Et j'ai expliqué au juge. Les gars en colère, oui, à L'Après-rupture, là, on a servi de soupape de sécurité. Il y a des gars qui étaient prêts à aller beaucoup plus loin que de bloquer un pont, hein, je peux vous dire ça, moi. Je n'entrerai pas dans les détails, mais on a arrêté des gars qui, hum... Bon, je ne préciserai pas, mais vous pouvez imaginer un petit peu, hein? Dans les palais de justice, la surveillance, des fois, on entre dans un palais de justice un peu comme on entre chez Wal-Mart. On a arrêté des gars, nous autres, qui étaient prêts à aller beaucoup plus loin que ça ? à nos frais, là, tu sais, je veux dire, là ? et ça, vous ne semblez pas prendre conscience de ça. Vous attendez quoi? Que ça éclate à un moment donné?
M. Turp: Bien, moi, je vous dirais que la colère des hommes ou des femmes, qu'on peut comprendre, est toujours mauvaise conseillère. La colère est... la colère est mauvaise conseillère, et je crois que, comme le président, comme le député d'Orford tout à l'heure a dit, devant des situations difficiles des hommes ou des femmes, ce n'est pas la colère qui devrait être conseillère, c'est la volonté d'aider, de soutenir les gens, de revendiquer, comme vous le revendiquez, un meilleur soutien, de le faire au nom de l'égalité des hommes ou au nom de l'égalité des femmes. Et je pense que c'est le meilleur conseil, je ne sais pas, qu'on pourrait vous donner, si vous voulez que votre organisation et des organisations comme la vôtre... que des députés, comme nous soutenons, ma collègue, mes collègues, et je suis certain que c'est le cas des autres députés, soutiennent des organisations qui viennent aider les hommes en difficulté. Nous en avons dans nos circonscriptions. Moi aussi, j'ai eu des gens qui sont venus dans mon bureau de circonscription de Mercier demander du soutien. Ils ont eu mon soutien et ils l'auront toujours quand ils feront la démonstration, comme ils peuvent le faire, qu'ils sont victimes de discrimination, même de violence.
Mais, moi, je constate aussi qu'il y a de la violence à l'égard des femmes dans notre société. Une des premières choses que j'ai faites, moi, quand j'ai été élu député de Mercier, au lendemain, presque le surlendemain de la campagne électorale ? je me rappellerai toujours de ça, c'était très émouvant ? j'avais demandé... pendant la campagne, j'avais demandé aux policiers qui surveillaient le métro Mont-Royal, là, de la place Gérald-Godin... Parce qu'il y avait des problèmes de vente, de trafic de stupéfiants, puis j'avais parlé avec eux, et ils m'avaient offert de les accompagner dans une ronde de nuit. Et là j'avais passé la nuit avec les policiers à voir ce qu'ils faisaient, le travail qu'ils faisaient. Mais mon souvenir qui était difficile, c'est qu'il y avait eu... cette nuit-là, dans mon Plateau?Mont-Royal, dans une circonscription de gens éduqués, de gens qui sont fiers, il y avait eu trois appels pour des motifs de violence conjugale à l'égard des femmes. Et cette question de la violence conjugale faite à l'égard des femmes est une question qui doit préoccuper notre société, et j'espère qu'elle vous préoccupe autant que vous préoccupe la question de la violence à l'égard des hommes, parce que, là, il faut traiter également la violence à l'égard des femmes qu'à l'égard des hommes.
M. Gagnon (Jean-Pierre): ...qu'on offre les mêmes services pour les hommes et qu'on les subventionne de la même façon. Sauf que la colère masculine, ce n'est pas de la même façon, ne s'exprime pas de la même manière que la colère féminine. Et c'est ça qu'on a essayé, nous... Vous parliez tantôt... On a essayé de discuter avec le ministère de la Santé, au niveau du rapport Rondeau. Jamais on ne nous a consultés, jamais. On a dit: Ah! vous n'avez pas le bon ton. Mais c'est des gars en colère, c'est des gars qui sont en... Je vais être poli, là. Et c'est ça, nous autres, qu'on a, c'est souvent des gars de classe très moyenne, très modeste, qui n'ont pas les moyens de se payer des avocats à 200 $ l'heure, là. Où il va, le gars qui est faussement accusé, qui a des accusations de violence contre lui? Il fait quoi? Il va où? Il vient à L'Après-rupture. Vas-y, Jean-Claude.
M. Boucher (Jean-Claude): Il y a à peu près 13 000, 14 000 interventions policières en violence conjugale par année, plus ou moins, où il y a une douzaine ou une treizaine de mille, là, bon, selon les années, d'arrestations d'hommes en violence conjugale. Ces cas-là, après avoir été arrêtés, O.K., ces gens-là se retrouvent devant un juge, avec une ordonnance. Ils sortent de prison, évidemment. Et, comme par hasard, coïncidence, ça arrive le vendredi après-midi, ça. Ils sortent de prison lundi matin, avec une ordonnance du juge qui leur défend d'approcher de leur maison, d'approcher de leurs enfants, d'aller chercher leurs caleçons à la maison. Ils n'ont souvent plus leurs portefeuilles, parce qu'ils ont été arrêtés à la maison, devant leurs enfants.
Total au bout de ça, il y a à peu près 4 000... entre 4 000 et 6 000 mises en accusation de ces hommes-là. Ça veut dire qu'il y en a 10 000 ou tout proche de 10 000 qui ont été arrêtés pour rien pantoute. Là, ils ont perdu le contact avec leurs enfants, ils ont perdu le respect de leurs enfants, ils ont souvent perdu leur travail aussi puis ils sont dans la rue, assis sur le bord du trottoir, et ces gens-là arrivent à L'Après-rupture. Est-ce qu'ils sont agressifs? Oui, monsieur, ils sont agressifs. Je n'étais pas présent. Quand le gars me dit: Écoute, je n'y ai pas touché, bon... je ne sais pas, je n'étais pas là. Sauf qu'on arrive au bout de six, sept mois, les accusations sont abandonnées, la couronne n'avait rien. Mais le gars, il est détruit, ça va lui prendre des années à se rebâtir, et c'est ces gens-là qu'on reçoit.
Et, si on me parle de violence conjugale, je vais vous parler, moi, de ce que... les femmes qui font une fausse déclaration à la police pour se débarrasser de leur mari, c'est le comble de la violence. Monsieur, à côté de ça, un coup de poing sur la gueule, ce n'est rien pantoute, O.K., et, tant qu'à me faire arrêter comme ça, j'aimerais bien mieux me faire boxer pendant une demi-heure. Ça détruit et le respect, et le bonhomme, et la famille, et ça, il y en a une dizaine de mille par année. Parlez-moi de violence conjugale, je vais vous en parler, moi aussi, mais on ne parlera pas de la même chose.
M. Turp: Un coup de poing sur la gueule, c'est une voie de fait...
Une voix: Non, je le sais.
n(16 h 50)nM. Turp: ...au sens de notre Code criminel. On a des lois à respecter, et je pense qu'on devrait s'entendre ? je suis content de savoir que vous défendez aussi des femmes qui sont victimes de violence conjugale; on devrait s'entendre ? que, quand il y a des abus de la part des corps policiers ou quand il y a des juges qui ont des comportements qui ne sont pas corrects à l'égard des hommes, c'est des situations que nous devons dénoncer, qui doivent être dénoncées. Et je pense que vous avez été entendus, et le travail que vous faites auprès de ces hommes...
Le Président (M. Kelley): Très rapidement, en conclusion...
M. Turp: ...c'est un travail qui est utile.
Le Président (M. Kelley): ...parce que l'enveloppe de temps est épuisée.
M. Gagnon (Jean-Pierre): ...dire quelque chose. Moi, si je suis encore à L'Après-rupture... ça fait six ans que je suis bénévole à L'Après-rupture, c'est dur, ce n'est pas facile, et vous savez qui me maintient là? C'est des femmes. On a de plus en plus de femmes qui nous appellent, qui voient leurs conjoints comme on a vu tantôt, des grands-mères qui voient leurs petits-fils pris dans des machines infernales, souvent. Et c'est majoritairement des femmes qui soutiennent L'Après-rupture financièrement. C'est surprenant, hein?
Le Président (M. Kelley): Sur ça, je dois mettre fin à notre échange. M. Boucher, M. Gagnon, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. Je vais suspendre quelques instants. And I will invite Christopher Powell to take his place at the witnesses table.
(Suspension de la séance à 16 h 51)
(Reprise à 16 h 53)
Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Notre dernier témoin cet après-midi, c'est M. Christopher Powell, accompagné de Mme Carol Edwards. I understand, Mr. Powell, you are more comfortable presenting in English.
M. Powell (Christopher): That's correct.
Le Président (M. Kelley): And that will allow the chairman of the committee to practice his English. So, please... And I understand as well, you're more than willing to accept questions in French in the period of exchange with the members of the commission?
M. Powell (Christopher): To the best of my abilities.
Le Président (M. Kelley): To the best of your abilities, but we'll try to work something out. But feel free to make your presentation in English, and then, when we'll come to the period of exchanges, we'll try to make ourselves understood, if possible. So, on that, you can speak for up to 15 minutes, and after that we'll have a period of exchange with the members of the commission. Mr. Powell.
M. Christopher Powell
M. Powell (Christopher): Thank you, Mr. Chairman. Mme la ministre St-Pierre and honorable members of the Committee, I'm grateful for the opportunity to present this brief. I'm here today as a noncustodial parent, as defined by the Québec Government. With me today is my wife, Carol Edwards, whose experiences on this topic include events pertaining to me, her family, friends and associates.
The fundamental nature of the Québec Charter of Civil Rights and Freedoms should be used not only to reinforce past rights already granted but, with historical perspective, also extend equal rights to new groups already defined by the Government of Québec, specifically by parental status.
The Québec Charter of Human Rights, as the fundamental document of our society, brings together the beliefs and values which, through great struggle and difficult change, have come to represent the truths that are accepted in Québec society. The fundamental nature of the Charter should be the only means by which the continuing evolution of Québec society toward accepting new truths occurs.
It's been said that before any new truth is accepted by a society it must pass through three stages: first, it is ridiculed; second, it is opposed; then, lastly, it is accepted as a self-evident truth. History has shown that when a new truth is made known to humanity, there is no stopping it until it achieves acceptance. From the equality of men by the ending of slavery to the equality of men and women by recognition of person and the right to vote, to today's standard of equality of recognized groups by government in law and the courts by judicial precedence, in each case, society evolved through the acceptance of a new equality.
Historical examples provide perspective on the transitions previous generations struggled with in accepting equality. This perspective can best aid society when proposing further change by ensuring reasonable discussion occurs and any new truth avoids having to pass through the stages of ridicule and opposition before acceptance in Québec society.
While the changes to the preamble and the Charter proposed in Bill 63 are a fundamentally necessary explicit reinforcement of gender equality in Québec society, the addition within the Charter of the section «The rights and freedoms set forth in this Charter are guaranteed equally to women and men» as section 49.2 implies that the only changes in gender equality required in Québec are in the workplace. The Charter does not recognize equality in family law based on parental status.
Second sentence of the preamble states: «Whereas all human beings are equal in worth and dignity, and are entitled to equal protection of the law», section 54 states: «The Charter binds the State.» And section 55 states that «the Charter affects those matters that come under the legislative authority of Québec». With this in mind, there is a new group to explicitly recognize, in section 10 of the Charter. This group has existed for more than a generation, however, in 1994, the Québec Government expressly defined the two parties of the group. The group is defined by parental status, and the two parties are custodial parent and noncustodial parent.
In defining the group, the Québec Government provided protection to a custodial parent's right to receive support for the maintenance of the child in the form of the act for determination of child support and the creation within Revenu Québec of a department to collect and remit the financial support. It was the lack of protection to access rights that violated the rights of anyone defined as a non-custodial parent by the Government.
For 12 years, Revenu Québec has handled over 100,000 files per year, ensuring support was paid by noncustodial parents and remitting the payment to the custodial parent. This department has government authority to take legal action and seek punishment for nonpayment of support. At the same time, there is no equivalent department to act in protection of access rights. There is no government agent that can be called upon to seek assistance when access is denied.
n(17 heures)n This Committee should seek not only to reinforce the rights gained in the past, but also to begin the next phase of Québec societal evolution through recognition and protection of the rights of a new group based on parental status. Through recognition and equal protection of rights, a large and defined group in Québec society will begin the process of returning to a state of inclusion as full and equal members of society.
To insure the Government has accurate data concerning the denial of access rights in any form, I recommend this Committee request the Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse act with the Québec Justice Department to collect a record of events of denial of access to be able to show all of Québec society an injustice to a defined group has been occurring, and changes to the fundamental document of our society is required to insure equality, respect and protection of rights are extended to the defined group.
To recommend the Government introduce a bill modifying section 10 of the Charter to add parental status as a group which any individual who can be distinguished by this status shall have a right to full and equal recognition.
To recommend the Government introduce a bill amending section 600 of the Civil Code to read: «The father and mother exercise parental authority equally.» To recommend the Government introduce a bill adding a section to the Civil Code of Québec stating: «When a marriage or civil union dissolves, any children who are a result of the union shall be maintained equally in custody unless, for grave reasons, the court decides otherwise.» To recommend the Government create an intermediary tribunal for the sole purpose of determining custody in a conciliatory environment in order to eliminate the confrontational aspect of a hearing in Québec Superior Court and to end the equating of custody of a human child with the determination of the material items of the dissolved union by use of a single hearing. The decision of the tribunal shall be agreed to by the Québec Superior Court as equivalent to an agreement between parties.
And lastly to recommend the Government create a division of the Justice Department to act as agents of the family court to be called upon to ensure access rights are protected and, when necessary, be available to enforce the order. Thank you, Mr. Chairman.
Le Président (M. Kelley): Thank you very much, Mr. Powell, for your commentary. And I will now open up the period of exchange with the members of the commission and recognize the Minister responsible.
Mme St-Pierre: Thank you, Mr. Chairman. Thank you for what you said and thank you for being here today. I have a few questions. After that, I will leave the questions to my colleagues. My first question is concerning the right to visit children after a divorce or after a separation. Is it a real problem in Québec?
M. Powell (Christopher): It's a problem enough for people to go on bridges and declare their need to see their children. And there is no protection of our right. If custody is granted to a single individual, then that single individual has absolute control over the situation. And when you have two individuals who are combative as a result of the dissolution of the union, to give control to one individual over any part of their dissolution, especially the children, it's to encourage further animosity. So, in my opinion, it's a situation that is creating the environment that that access is continuously being denied.
Mme St-Pierre: It's a personal point of view.
M. Powell (Christopher): Yes.
Mme St-Pierre: Do you have other people who support your point of view today?
M. Powell (Christopher): No. Today, I'm here with my own personal opinions.
Mme St-Pierre: O.K. I have another question, concerning a recommendation, recommendation 7.5. You recommend the creation of a new tribunal, and I don't see the difference between this tribunal and the tribunal de la famille. Can you explain what you mean by 7.5?
M. Powell (Christopher): From my experience, the custody is determined through the Québec Superior Court, and that environment is confrontational in its existence. And I have not experienced anything with the tribunal you've mentioned.
Mme St-Pierre: Mais vous recommandez un nouveau tribunal, tribunal...
M. Powell (Christopher): Yes. It can be something as simple as the equivalent of a mediator that deals specifically with the two parties, with no lawyers present, so that there is an atmosphere of just focussing on what the situation is and dealing with the two individuals as individuals and not as legal entities with lawyers to encourage confrontation.
Mme St-Pierre: Mais on a déjà la médiation. Ça existe déjà, la médiation, au Québec.
M. Powell (Christopher): Yes, but the mediation can be ended by either party. It is not a legal requirement.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée: Thank you, Mr. Powell. I understand that you're here on a personal basis, and from your testimony I understand that you probably personally went through a hasty separation, and you don't have access to your children. But I would like, as in a previous life I acted as a lawyer, a family law lawyer, and to me it would be inappropriate for people who are listening to us this afternoon to think that there is no solution actually, that the Government never put any solution for the problem that you are facing.
First of all, in your recommendations, your recommendation 7.3, you are recommending the Government to «introduce a bill amending section 600 of the Civil Code» of Québec by which it would mention that «the father and mother exercise parental authority equally». As you certainly know, the section 600 of the Civil Code of Québec states that «les père et mère exercent ensemble l'autorité parentale», so, your suggestion is already included in the Civil Code of Québec, isn't it? What would you like to add? Because, if we say «les père et mère», we are expressly talking about the mother and father, and both parents do exercise the right to parental authority and do have a right to know what goes on in their... Whether or not they have custody, they both have a right to access their children's school report, their children's medical report, they both have a right to say: I authorize this decision or I don't. You both have the opportunity to address the court should a decision by the custodial parent not reflect the common decision of the parents. So, your proposed amendment, how would it be different from the present situation?
M. Powell (Christopher): The key word is «together.» There is a difference between «together» and «equal», and I'm proposing that it be modified by one word. Because two people can maintain their children, one person can have full custody, and another person is a non-custodial parent, and they're not equal in their maintenance.
Mme Vallée: Custody has nothing to do with parental authority. It's two different issues altogether. Unfortunately, some people mix it up but, as far as the law goes, custody has nothing to do with parental authority.
M. Powell (Christopher): The custodial parent...
Mme Vallée: ...has no more rights than the non-custodial parent.
M. Powell (Christopher): Yes, but the custodial parents act in a manner that... Their belief is they have more power, and...
Mme Vallée: But how...
M. Powell (Christopher): ...it takes going to Québec Court. So, by the time you arrive for your actual hearing, more than a year can have passed by between the event and the court hearing. And you're not going to go to court every single time there is a denial of a parental authority.
n(17 h 10)nMme Vallée: I understand what you're saying, but you're asking the Government to make a change that will not change to way the custodial parent thinks. Unfortunately, and I've said this so many times to clients, the problem is not necessarily with the laws, it's with the way some people are interpreting, or are taking their rights, or are looking at it. The law itself gives equal rights to both parents. And you're mentioning, in the document that you have submitted to us, another issue with regards to the... In my belief, and I'm discussing with you, you're mixing up the right for a children to support from their parent, so the right to child support, that is not given to the custodial parent but to the children. Child support that a non-custodial parent is paying is paid to the custodial parent but for the benefit of the child, not for the benefit of the non-custodial parent, and this is a right that belongs to the child. And it's an obligation, as a parent, to contribute to your child's needs.
Now, the access right is a right that belongs to the parent, but it should not be mixed. As an non-custodial parent and as parents, we all have an obligation to support our children, no matter if we see them or not. Even a parent that doesn't see his child, unfortunately has the obligation to contribute. Now, it has noting to do with the access to the children. The access to the children is granted on the basis of the judgment. And, should the custodial parents deny the non-custodial parents their rights to access to the child, the non-custodial parents can also address the court and there can be a contempt of court, because it's protected. The judgment is a court order, and the custodial parent has to abide by this order.
M. Powell (Christopher): I understand, and that's...
Mme Vallée: And that's the protection given, and it's even included in the Criminal Code. I think we've all been aware of Mme Bédard's saga with the courts because she did not respect a court order.
M. Powell (Christopher): Yes. But my experience with the Montréal Police Force is that they don't involve themselves with denial of access rights because it has to do with the Civil Code and not the Criminal Code. And I believe that the situation with Mme Bédard is that the two parents had shared custody, and there's a distinction between shared custody and one parent with full custody and another who's non-custodial. If we look at the fact that these child support payments only... they are protected by the Government, not by the judicial branch. There is no Government branch protecting access rights. It's only judicial, it's only the judicial level of government that is protecting access rights.
Mme Vallée: Yes, but you understand that the protection for support is a protection given in some ways to the children.
M. Powell (Christopher): Yes. And...
Mme Vallée: And you can address the court, and I'm sure that you're aware of that. And it's important for people to know that you can address the court should your court order not be respected by the custodial parent. And you can address the court, and you can go as far as asking for a change in custody because there is some denial being made, and we can go on, and on, and on. But there are many cases where custody has been changed because the custodial parent just did not respect the access rights.
M. Powell (Christopher): O.K.
Mme Vallée: And I understand that going to court involves paying money. I understand that, I've been there.
Une voix: ...
M. Powell (Christopher): Yes, you've been paid.
Mme Vallée: Yes, I've been paid and I've been unpaid. But that's another story.
M. Powell (Christopher): That's it. That's it.
Mme Vallée: But I understand there are fees, but I don't think it's appropriate to let the people that are watching us today think that there's nothing whatsoever that exists to protect the right to the children to have access to both parents.
M. Powell (Christopher): There is one key point I'd like to make about the act for determination of child support. It has a committee that has provided recommendations to the Government in 2000 and 2004, and the recommendation was to modify the law because it recognized that there were certain parents who did not exercise their access rights, and they've recognized that that was not in the best interest of the child. Even though the access right belongs to the parent, it was in the interest of the child to modify the law so that by parents exercising their access rights they would have a reduction of their support payments in accordance with the quantity of time that they had for access.
Mme Vallée: You know, what's going on with the situation is that the support is based on...
M. Powell (Christopher): ...
Mme Vallée: I believe it's 80 % of the time, and a parent that does not exercise his access right can be brought back to court to pay that additional 20 % as child support.
M. Powell (Christopher): Yes.
Mme Vallée: But nonetheless I do agree with you that children benefit from having access to both parents, and I don't want you to interpret me in a wrong manner.
M. Powell (Christopher): No, I understand.
Mme Vallée: I think it's really sad when a parent, a good parent... Because we all know that there are some parents that, for whatever reason, don't give the best to their children, and in this regard it's in the best interest of the children, unfortunately, not to have access. But that's a very, very rare, little portion. But I consider that children should have access to both parents as much as possible because they can benefit from the access to both parents. So, I don't want you to get me wrong here, but I just wanted to make some points, to put some emphasis on some points, because the document you provide us leads us to think that there is nothing provided by the Government of Québec to protect children and parents. And there have been some very major changes to protect children, to make sure that children are financially protected, and there are some possibilities for parents to ensure the protection of their access rights.
M. Powell (Christopher): I do understand what you're saying. It's been explained to me that there are two separate issues, by many different individuals, including other lawyers. What I'm trying to say is that the concept of parental status doesn't exist in the Charter of Rights. And to have the protections provided in the Charter based upon a definition created by the Government in the act for determination of child support, that will extend and create an inclusion, it will make the voices be heard for people who are not bothering to see their children. They will feel that: Well, now that I'm heard, I have a right under the Charter to take an action to see my child, and without having the effect of worrying whether or not the access will be denied.
Personal experience has resulted in certain attempts to access my child, and for no reason given access was denied. When access is denied, the length of time it takes for the judicial process to correct or provide a contempt of court action is... it's unreasonable in comparison to the fact that the person who has their support payment not made simply has to make a phone call to an agent of the Government. And what I'm trying to create is an equality of protection, of the structure of protection between the support payments, which is in my opinion an excellent system, and it helps to avoid situations of extreme animosity over money.
It's excellent to have the Covernment act as an intermediary concerning the financial payments required. It should also be a financial intermediary to ensure access is provided and is never denied, and that any attempt to deny access can be resolved through a simple phone call by the non-custodial parent. To not have the fear of: Will I have my access denied this weekend? What do I do? And, if it takes a year and a half to have a judgement, well, the child will grow from eight to 10 and will have no recollection of the event, and there's no connexion between the result of the judgment and the event that occurred.
n(17 h 20)nLe Président (M. Kelley): With that, it's all the time we have for questions from the MNAs on my right, and I now will be turning over to the Member for Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Je peux y aller en français?
Le Président (M. Kelley): Oui. The députée will speak French, and we'll make sure that you get the gist of it.
M. Powell (Christopher): O.K.
Mme Leblanc: Merci pour votre présentation, M. Powell. Vous ne prenez pas formellement position quant au projet de loi n° 63, mais est-ce que vous en êtes quand même favorable?
M. Powell (Christopher): Am I in favor of the...
Le Président (M. Kelley): Of Bill 63.
M. Powell (Christopher): Yes, absolutely. The goals behind Bill 63, as I say, are fundamental, necessary and explicit changes to the Charter. They are necessary. And it's key that it's not just stating that the Charter protects the rights of women, but it's fundamentally necessary to state that women and men in this province are equal. And that might be the means by which custodial difficulties and an imbalance in custodial decisions will start, will create a transition to a new era in Québec courts.
Mme Leblanc: O.K. Outre la modification à l'article 10 de la charte, là, pour insérer le statut parental, identifieriez-vous d'autres amendements au projet de loi actuel? Est-ce que vous y verriez un...
M. Powell (Christopher): Well, I believe that the changes requested for section 49.2 would best be served by putting them into section 10, because it is in section 10 that the variety of means by which a person can be distinguished is included. There are 14 different ways a person is distinguished, according to the Charter, and two of the ways have a condition on them, one dealing with age and another dealing with a person with handicap. And if we were to put... the clarity of the Charter recognizes women and men equally, after the distinction by sex, then that would be the appropriate place for the term.
Mme Leblanc: O.K. Certaines des recommandations de la page 3 touchent une modification au Code civil. Vous parlez du Code civil. Une consultation générale se tiendra sur une réforme du Code civil du Québec. Avez-vous manifesté l'intention, l'intérêt de vous présenter? Allez-vous être présent? Avez-vous...
M. Powell (Christopher): I wasn't aware of the changes. I've been focussing on this presentation.
Mme Leblanc: O.K. À la page 1: Toute nouvelle réalité franchit différentes étapes avant d'être reconnue officiellement; on la ridiculise, on s'y oppose et on finit par l'accepter. Je trouve ça intéressant, mais quelle étape derrière ça, là...
M. Powell (Christopher): Well, it comes from a German philosopher, I believe his name is Shopenhauer, and I have heard that statement... And to think about the changes that have resulted in Québec society over the last 100 years and in Western society for more than 200 years, you can recognize the stages for each fundamental change that occurred, from the original Declaration of Independence throwing off an authority that was unreasonable to declare freedom of the individual, and then to modify the freedom to all individuals regardless of race. Yet, at each stage there was a ridiculing of the idea. And then, when the ridiculing of it didn't do anything and it continued to gain strength, there was an opposition to it, and the opposition eventually recognized that this is a fundamental aspect of change that is going to occur. And these changes include the granting of recognition of person to women, which is fundamental. I have a daughter, I cannot imagine her not obtaining anything that she wishes to have simply because she's female.
Mme Leblanc: Au point 6, vous dites: «Ce comité ne devrait pas seulement tenter de renforcer les droits acquis dans le passé, mais aussi commencer la nouvelle phase d'une société québécoise en évolution par la reconnaissance et la protection des droits d'un nouveau groupe basé sur le statut parental. Par la reconnaissance et une protection à toute équité des droits, un groupe considérable et bien défini de la société québécoise pourra envisager réintégrer la société en qualité de membres à part entière.» La dernière ligne est quand même pesante de sens. Pouvez-vous élaborer?
M. Powell (Christopher): From my understanding of... Just viewing the society as it's existing and has been, going through the difficulty of custodial and non-custodial parent stages in the last 10 years, 15 years, there are certain individuals who... it seems that they have nothing left to lose from no access to their child. So, they take an action that is extreme in its measure and unreasonable for a democratic society. And for them, to take these actions, they must feel that they have no other choice but to do that, that nobody is listening to them. I'm not here to represent anybody else, but it's just my interpretation of the situation that they're in, from my personal experiences.
Mme Leblanc: Thank you. M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Thank you very much. Mr. the MNA for Mercier.
M. Turp: Alors, merci, M. le Président. Et merci, M. Powell, d'avoir pris le temps de préparer ce mémoire, de l'avoir présenté devant la commission. Et j'aurais quelques questions pour vous, parce que de toute évidence on a une illustration, par votre mémoire, ce que pourrait entraîner, ou ce que la reconnaissance de l'égalité des hommes et des femmes, là, ou le fait de consolider cette égalité, là, par les mesures qui sont proposées dans ce projet de loi pourrait avoir comme effet d'entraînement sur d'autres législations ou sur d'autres lois. Et ce que vous nous proposez ou ce que vous dites, c'est que ça devrait avoir des effets sur la charte elle-même, sur le Code civil, et notamment sur certaines façons pour le gouvernement d'organiser la gestion de la garde ou le soutien aux parents, là, dont les droits de garde sont violés.
And it's obvious when we read your document. You say, in the summary, that the Québec Charter should extend equal rights to new groups already defined by the Government of Québec, specifically by parental status. And what that entails according to you, I think, is that we should amend section 10 of the Charter and to mention parental status as a condition that should be recognized because some discrimination could be based on parental status. Is that what we should understand as your proposal?
n(17 h 30)nM. Powell (Christopher): Yes. Because, if we look at section 10, one form of distinction is civil status, and parental status is an extension of your civil status: if you're single, or if you're married, or divorced. And I believe that it was the divorced situation that created a situation of distinction in society at one time. As a non-custodial parent, there is a distinction made that, and especially regardless of the fact that it is my right to know what is going on at my child's school, the distinction by the schools are that the custodial parent is the person to maintain contact with, that they are the person to sign report cards, that they are the person that has the deciding factor in any element of their education. And this has been my experience with the schools.
M. Turp: Could you illustrate in what form does discrimination appear according to the parental status of someone? Because, even if you don't have custody, you remain a parent and, as our colleague said earlier, you have parental authority. You have parental authority. And so, how one is discriminated according to its parental status in cases of custody or other matters relating to the children of the parent?
M. Powell (Christopher): Well, with parental status, the law says I have parental authority, but the situations that occur, if my child is sick, if she is going to the emergency room, if she's going on a field trip at school, society makes distinctions between custodial parents and non-custodial parents. They wish to speak to the custodial parent. That is the distinction of denying me a place as the parent of my child based on my parental status.
M. Turp: So, the recognition of parental status as a mean of discrimination, in some cases, could be invoked by a non-custodian parent because, in the case of a non-custodian parent, there is discrimination.
M. Powell (Christopher): There is, yes.
M. Turp: You've experienced discrimination yourself as a non-custodial parent, is that it?
M. Powell (Christopher): I've experienced... yes. Yes.
M. Turp: And then do the words «parental status»... Those are your preferred words? In your recommendation 7.2, you use the word «parental status». That would cover properly the case of the non-custodian parent?
M. Powell (Christopher): I believe that that would cover that situation in a similar way that the word «civil status» covers single, married, or divorced, or widowed... It covers a variety of distinctions. One word, «parental status», can cover the distinctions made for any situation, including non-custodial parent.
M. Turp: It's interesting. I found this to be interesting, very constructive, and maybe it is... In what way do you link that with the equality of men and women? Because it's not necessarily an issue of equality of men and women. We're discussing here the issues of equality of men and women, to entrench in our Charter that equality. But this issue is not necessarily related to equality of men and women. It's more related to the status of a man or a woman as a parent, a non-custodial parent.
M. Powell (Christopher): I believe this is specific to the issue of equality between men and women, based on a belief that there is a vast majority of decisions favoring women as custodial parents, and it would benefit society to encourage the courts to balance the nature of parenting once the relationship is dissolved. It would further recognize the equality between women and men outside of a workplace environment by stating that, regardless of the situation, men and women are equal, and not only are they equal in the workplace, they're also equal as parents. And that reinforcement is something that someone could possibly go to a custodial hearing with to say: There is no reason for me to not have shared custody. If the Charter says: There is an equality between men and women, and there is no record of violence by either party, there is no record of illegal drug use or addictions by either party, then the court would seemingly have no choice but to follow the Charter by saying that the parents, under the Charter, shall parent the child equally.
M. Turp: Is there more time? Yes? I'm not sure. I guess the goal you want to achieve here is to, I guess, find a solution to bring an end to what is seen by many men as systemic discrimination against men who want custody of their children and are not granted custody because judges usually have, in the experience of our courts, favored women. And you tend to think that if we include in article 10 the notion of parental status that might end that discrimination or change the practice of courts in those matters. Is that what you would like to achieve by an amendment of article 10, I understand?
M. Powell (Christopher): Yes, in addition to Bill 63, that it must be stated that women and men in Québec are equal, and that a condition of the status of women and men being equal is that, if, as parents, you are being distinguished based on custody, then the law should now look at the fact that the Charter's declaring men and women are equal, and they're not just equal in the workplace, they're equal as parents.
M. Turp: You know, I think that that goal can be achieved by reinforcing equality of men and women. Because the Civil Code of Québec, although there are some civil lawyers that, you know, tend to believe that the Civil Code of Québec is as important as the Charter of rights and even has precedence over the Charter of rights... and our own chartists here, in Québec, that say the Charter has precedence over the Civil Code, and I agree with them, with that school of thought... The new article of the Charter, 49.2, if it is adopted, and the preamble could be invoked by men in cases where custody has been granted to the woman, and no joined custody has been granted, for example, or custody has been granted to a woman and shouldn't have been, and that that is a discriminatory act which is inconsistent with the Charter of rights and freedoms. So, I don't necessarily believe that you need a reference to parental status in article 10 to achieve the goal you'd like to achieve, to put an end to discrimination against men when it comes to granting custody to men and rights of access to men to their children. But I guess you think it would be useful or necessary.
n(17 h 40)nM. Powell (Christopher): Yes, I believe it's not just useful, it is necessary because of the experiences that are happening on a daily basis. In order to change the way the courts decide, the Government must create the structure that... not just of women and men are equal, it must create a structure of, in the concept of parental status, men and women are also equal.
As for Bill 63, in my submission, to me, adding the statement: The Charter recognizes men and women as equals as section 49.2, if, in reading section 49 and 49.1, and then 49.2 is included, there's an implication of the equalities... the statement of equality is intended for the workplace. And I just wish to present the situation that society is not just the workplace, it is the home life, and the courts are deciding on the home life as well as the workplace. Thank you.
M. Turp: Merci, merci.
Le Président (M. Kelley): On that point, Mr. Powell, thank you very much first for coming down to Québec City and then presenting your viewpoint. I think this has been very enlightening, what you've been able to show us from your own experience. I think I speak for all the members around the table, when we sit in our riding offices we often see the consequences of divorces that have been very difficult. Some divorces, the former couple managed to find a peaceful compromise, but there are many, because of the conflictual nature of family law at times... And they end up in our offices and, whether it's questions of access, whether it's questions of child support... Because I understand your point of view, but I can assure you, from my experience as an MNA, it's not always as simple as a phone call. And there are many women who still today, or parents who have a right to child support who are not paid child support. It's a very complicated system. Access to justice is always very complicated as well. So, you've highlighted from your own personal experience... and made very interesting proposals on how some of these things could be addressed. So, I'd like to thank you very much for your appearance here this afternoon.
M. Powell (Christopher): Thank you very much.
Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, j'ajourne nos travaux jusqu'à demain matin, mercredi le 20 février, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 42)