(Onze heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre notre consultation générale et nos auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme L'Écuyer (Pontiac) va être remplacée par M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue); M. Bouchard (Vachon), par M. Valois (Joliette). Voilà.
Le Président (M. Copeman): Merci. Je rappelle à mes collègues ainsi qu'à tous ceux qui sont présents dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires et tout appareil semblable est défendue pendant les travaux de la commission, et je prie tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Je vais vous faire part de l'ordre du jour de ce matin seulement. Alors, nous allons débuter dans quelques instants avec M. L. Jacques Ménard, président du Comité de travail sur la pérennité du système de santé et de services sociaux du Québec; autour de 12 h 15, ce sera l'audition du Regroupement des aidantes et aidants naturel-le-s de Montréal; et une suspension prévue pour 13 heures. Il y a malheureusement risque de débordement, mais on verra à ce moment-là.
Auditions (suite)
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Ménard. Bienvenue à cette commission, M. Ménard. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation. Il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation par la suite.
M. L. Jacques Ménard
M. Ménard (L. Jacques): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous présente, comme faire se doit, les membres du comité qui m'accompagnent aujourd'hui: M. Jean-Pierre Chicoine, qui est consultant et ex-directeur général de plusieurs centres hospitaliers au Québec; et aussi M. Jean-Stéphane Bernard, président du Forum des jeunes de la fonction publique et cadre de la Régie des rentes du Québec; également Denis Beauregard, qui agit comme secrétaire du comité de travail.
n
(11 h 20)
n
Le Comité de travail sur la pérennité du système de santé et de services sociaux du Québec, que j'ai eu l'honneur de présider, a remis son rapport, vous le savez, le 28 juillet dernier. Depuis, nos recommandations et nos propositions ont suscité un vif intérêt, et, au cours de l'automne et de l'hiver, j'ai fait des présentations à travers le Québec qui ont permis des échanges très intéressants. Quelques membres du comité ont aussi tenu de telles rencontres. On a ainsi obtenu de nombreux commentaires sur notre site Web également.
Certaines des grandes orientations de notre rapport ont déjà été retenues par le ministre de la Santé et des Services sociaux, par exemple dans le domaine de la prévention, de l'amélioration de l'organisation, des modes de prestation de services, de l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services, entre autres. Le ministre des Finances, quant à lui, a aussi retenu certaines de nos grandes orientations dans son dernier budget, par exemple, vous le savez, la mise en place du Fonds des générations visant à atténuer progressivement les effets négatifs de la dette sur les générations futures.
Par ailleurs, le ministre de la Santé et des Services sociaux a décidé de soumettre à la consultation publique d'autres orientations importantes de notre rapport relativement au financement et à l'accessibilité des services, notamment le rôle du secteur privé dans la prestation des services, la création d'un compte santé et de services sociaux ainsi que la mise sur pied d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Donc, notre présentation, aujourd'hui, nous allons reprendre les principaux éléments de notre rapport dans ces domaines-là en particulier, en ajoutant également l'éclairage obtenu au cours de nos rencontres ainsi que les résultats de nombreuses analyses et études rendues publiques depuis l'été dernier.
D'abord, le constat. La hausse des coûts combinée au vieillissement accéléré de notre population menace quant à nous la pérennité de notre système de santé. Quelques chiffres pour rappeler l'urgence d'agir. Selon nous, si rien ne change, le déficit du système sera de l'ordre de 6 milliards de dollars par année dans 10 ans, cumulé et récurrent, de 11 milliards de dollars par année dans 15 ans et d'au-delà de 28 milliards de dollars dans 25 ans. Donc, la part des dépenses du système sociosanitaire, dans l'ensemble des dépenses de programmes du gouvernement, était, vous le savez, de 32 % il y a 20 ans. Dans le dernier budget du Québec, elle était de 43,5 %, et elle sera de 68 % dans 25 ans. Toujours dans le dernier budget, le secteur sociosanitaire accapare 67 % de l'ensemble des crédits additionnels alloués aux programmes du gouvernement, soit 1,3 milliard de dollars de plus que l'an dernier, pour une hausse de 6,3 % des dépenses sociosanitaires. Nous avons utilisé comme hypothèses des augmentations de dépenses annuelles de l'ordre de 5,1 % à 5,4 %, selon qu'on améliore un peu ou pas du tout le système, des hypothèses donc qui sont inférieures à l'expérience récente et également inférieures à celles des grands organismes de prévision. Je me permets donc de souligner au passage le fait que nos hypothèses de travail à cet égard n'ont rien d'alarmiste.
Pourquoi cet écart? Bien, différentes raisons expliquent l'écart grandissant entre les revenus prévus du gouvernement et les dépenses projetées dans le domaine sociosanitaire. Un, la population du Québec vieillira à un rythme accéléré. Nous sommes actuellement environ cinq personnes en âge de travailler pour soutenir une personne qui ne l'est pas encore ou qui ne l'est plus. Dans 25 ans, nous ne serons plus que deux pour un. Bien sûr, les personnes âgées apportent une contribution importante à la société. Nous ne faisons que souligner ici qu'au plan du financement des dépenses publiques la population active du Québec cessera de croître, ce qui historiquement va de pair avec une croissance réduite de la production et donc de la richesse.
Deuxièmement, contrairement à ce qu'affirment certains, la génération des baby-boomers ne sera peut-être pas composée en grande partie de riches retraités. Les spécialistes prévoient une situation problématique pour plusieurs régimes de retraite au cours des prochaines années. Ces régimes n'ont pas été conçus tout simplement pour répondre aux besoins de populations dont l'espérance de vie s'allonge aussi rapidement qu'on le connaît maintenant. Côté REER, seulement la moitié de la population cotise, et une proportion importante de ces cotisants n'ont pas 5 000 $ dans leurs régimes. Quant au taux net d'épargne, il se situe à des niveaux historiquement bas.
Troisièmement, il ne faut pas oublier non plus que la retraite des baby-boomers correspondra avec la fin de la croissance de la population active, ce qui veut dire que la croissance économique ne proviendra plus que de l'amélioration de notre productivité. Or, avec un taux optimiste de croissance de notre productivité de l'ordre de 1,7 % par année, notre taux de croissance économique se situera sous les 2 % par année, ce qui entraînera une diminution des revenus de l'État et donc de sa capacité de financer des programmes qui draineront de plus en plus de ressources financières.
Donc, devant l'ensemble de ces données, il ne s'agit pas certes de verser dans une espèce de pessimisme paralysant, mais il ne faut pas non plus nous cacher la tête dans le sable et refuser de voir l'évidence. Il va falloir qu'on corrige le tir. La bonne nouvelle, c'est que nous avons encore quelques années pour ajuster le financement de notre système à notre nouvelle réalité, et, dans la meilleure des hypothèses, je dirais une dizaine d'années.
Par ailleurs, nous n'avons pas le droit de nous croiser les bras et d'attendre que la solution vienne d'un hypothétique «act of God». Ce sont les générations montantes selon nous qui devraient alors payer nos factures tout en sachant très bien qu'elles ne pourront pas bénéficier à leur tour des mêmes services que nous. Notre comité en a fait une question d'équité entre les générations, le point central de notre rapport et de ses recommandations.
Sur cette toile de fond, j'aborderai maintenant quatre sujets qui font l'objet de cette consultation: la réforme en santé, le rôle du secteur privé dans le domaine de la santé, la création du compte santé et services sociaux et la création du régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Pour aborder la réforme en santé, je cède la parole à mon collègue Jean-Pierre Chicoine.
M. Chicoine (Jean-Pierre): O.K. Merci. D'abord, nous tenons à souligner le grand chemin parcouru depuis le début de la présente réforme. Il faut féliciter le ministre qui a pris des décisions difficiles, comme la fusion des établissements locaux pour créer les CSSS. La réforme est en bonne voie, le Québec progresse vers une organisation plus rationnelle et plus efficace des services de santé. Les services se donnent de plus en plus là où ils doivent être donnés, c'est-à-dire près du patient, avec une organisation plus légère et plus souple. La consolidation des services de première ligne est donc bien amorcée. Elle constitue la base de la hiérarchisation des soins. Elle doit absolument être poursuivie pour faciliter l'accès aux services et pour éviter une utilisation déraisonnable des services plus spécialisés. Les services spécialisés, quant à eux, doivent au contraire être concentrés dans des centres d'excellence. C'est une question de qualité, mais c'est aussi une question d'efficience. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour nous éparpiller. Cette démarche, même si elle est semée d'embûches, doit être poursuivie rigoureusement malgré les inévitables batailles de clocher, qui ne contribuent en rien à une utilisation plus efficace de nos ressources.
Un autre point très important, c'est la démarche d'évaluation dans le système. Bien sûr, des processus sont en place, mais leur utilisation n'est pas systématique. Nous croyons fermement que tout en santé doit être évalué, et en particulier les nouveaux investissements. C'est vrai pour les technologies, mais c'est vrai également pour les investissements en immobilisations. J'ajouterais ici qu'un niveau de rendement sur le capital investi devrait aussi faire partie des processus d'évaluation. Ce rendement doit tenir compte des gains pour le patient mais devrait également comprendre une diminution des coûts de fonctionnement.
Le rôle, l'organisation et la rémunération de la pratique médicale constituent des points importants auxquels il faudra nous attaquer. Le mode actuel de rémunération à l'acte a ses limites. Nous le constatons régulièrement. Nous croyons dans une approche qui combinerait, pour les omnis, le système actuel et un mode de rémunération basé sur la responsabilité populationnelle du médecin. Ça s'est fait dans d'autres pays. Il y a quelques leçons qu'on pourrait en tirer. Quel que soit le système, il faut mettre en place un système qui incite le médecin à prendre en charge des patients plutôt que de prendre en charge des épisodes de soins. Dans ce domaine, les GMF sont un pas dans la bonne direction, et la mise sur pied d'un dossier électronique du patient, même limité, devrait constituer une avancée importante.
En terminant, je veux souligner la nécessité de doter le système québécois de santé d'une organisation qui vise l'efficacité, et l'efficience, et l'utilisation maximale de toutes les ressources dont nous disposons. Il y a eu du travail de fait et il en reste à faire. Les objectifs annuels précis d'amélioration de la productivité devraient à notre avis être fixés à l'ensemble du réseau. Merci.
n
(11 h 30)
n
M. Ménard (L. Jacques): Le privé en santé maintenant. Notre rapport préconise un accroissement qui est très balisé du rôle du secteur privé dans le domaine de la santé. Nous l'avons vu, l'État peine à financer les services dont le coût va s'accroître de façon importante. L'accessibilité aux services demeure théorique dans certains domaines. Certaines ressources professionnelles sont sous-utilisées, notamment chez certains médecins spécialistes ou certaines chirurgies spécialisées.
Pendant ce temps, des capitaux sont disponibles dans le secteur privé et pourraient être investis en santé, ce qui pourrait avoir pour effet d'alléger les besoins en financement public tout en améliorant l'accessibilité ainsi que la qualité des services dans certains cas. De plus, cette approche permettrait aussi d'obtenir un meilleur contrôle sur les coûts futurs, parce que ceux-ci devraient être obligatoirement pris en compte avec une telle formule, ce qui n'est certainement pas toujours le cas présentement. Je pense notamment aux coûts d'entretien pendant toute la durée de l'entente, à certains coûts reliés au budget des opérations qui découlent de la pertinence des investissements faits lors de la construction elle-même.
D'abord, il convient de défaire trois mythes. Un, le secteur public n'est pas le gardien exclusif de la qualité des services dans le domaine de la santé. À preuve, la vie des usagers n'est pas en danger dans les pays très nombreux qui ont opté pour un rôle accru du privé dans la prestation des services. Deux, la pénurie des ressources humaines ne s'applique pas à tous les secteurs dans le domaine de la santé. Par exemple, chez certaines spécialités chirurgicales, on sait qu'il y a encore un potentiel inexploité dans le système hospitalier. Et trois, les services ne coûtent pas systématiquement plus cher lorsqu'ils sont dispensés par le secteur privé. Voilà trois mythes sur lesquels repose trop souvent l'argumentaire des opposants à l'accroissement du secteur privé en santé.
Par ailleurs, les membres du comité ont tenu à réitérer leur soutien indéfectible pour le financement public du système de santé. En clair, cela veut dire: quel que soit le mode de prestation des services, privé ou public, l'utilisateur ne doit pas payer autrement qu'avec sa carte d'assurance maladie pour les services médicalement requis.
Comment accroître alors le rôle du secteur privé? Le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité fait une ouverture, quant à nous, trop limitée. Cette ouverture permettrait d'accroître l'offre des services tout en maintenant un financement entièrement public ainsi qu'un cadre d'accès aux services, respectant ainsi le principe de l'accessibilité pour tous, ce que nous appuyons entièrement. Par contre, cette possibilité pourrait être élargie à d'autres interventions que celles ciblées dans le document, tout en respectant les règles d'accès et le financement public à ces services. Aussi, de telles cliniques, plus souples et moins coûteuses que les grandes infrastructures publiques, pourraient intervenir tout au long du processus et non seulement une fois expirés les délais jugés raisonnables de six ou neuf mois.
À moins que l'ouverture très relative faite dans le document ne soit la résultante de certaines contraintes budgétaires dont on ne veut ou on ne peut déborder, et, si tel est le cas, je pense qu'il serait tout simplement préférable de le dire, tous y gagneraient en termes d'accessibilité et de coût unitaire. Cela contribuerait, selon nous, à libérer les grands plateaux techniques beaucoup plus polyvalents et conçus pour des interventions plus complexes. Car je tiens à rappeler que nos recommandations à l'égard des cliniques affiliées visaient notamment une utilisation plus rationnelle des plateaux techniques des hôpitaux, qui, ainsi libérés, pourraient être affectés à des interventions qui requièrent vraiment toutes les ressources.
En limitant l'intervention des cliniques affiliées à trois domaines restreints et, à toutes fins utiles, une fois que le réseau public aurait été incapable d'intervenir dans les délais prescrits, l'apport des cliniques affiliées risque d'être bien mince, du moins en ce qui concerne l'optimisation des ressources, tant au plan matériel que financier et humain. Par ailleurs, il faut être conscient que, sans garantie d'un volume convenu d'activités à un coût unitaire établi au préalable avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, il est pour le moins improbable que les cliniques affiliées, tel que proposé dans notre rapport, voient le jour en nombre significatif. Dit autrement, au-delà du discours, souhaitons vraiment que le secteur privé vienne en appui au secteur public. Dans sa facture actuelle, la démarche nous semble peu convaincante.
Dans un autre domaine, la disponibilité importante de capitaux privés, notamment dans les caisses de retraite gérées par les organismes québécois, milite en faveur de l'utilisation de cette épargne pour financer le développement d'infrastructures que l'État n'a plus les moyens d'assumer à lui seul. Je pense, par exemple, à la Caisse de dépôt et placement du Québec, je pense que tous y gagneraient. Il s'agit là d'une autre forme d'action qui mettrait à contribution le secteur privé et institutionnel sans pour autant porter atteinte aux principes qui nous sont chers. Le contexte budgétaire dans lequel se fera la construction des deux grands hôpitaux universitaires à Montréal milite en faveur d'une telle approche.
Notre troisième sujet, la création d'un compte santé et services sociaux. Il est important que la population du Québec fasse le lien entre les ressources financières qui sont dévolues à la santé et aux services sociaux et aussi leur utilisation. Il faut aussi que les Québécoises et Québécois puissent contribuer à l'ébauche des grandes orientations auxquelles travaillent les responsables du système. Bref, il s'agit, selon nous, d'une question d'imputabilité, de crédibilité, de meilleure connaissance des grands enjeux par la population. Nous croyons que la création d'un compte santé et services sociaux, tel que présenté dans le document de consultation, contribuerait à l'atteinte de cet objectif, et, pour lui donner toute la portée souhaitée, la mise sur pied de compte devrait toutefois prévoir un exercice statutaire de reddition de comptes, par exemple la tenue d'une commission parlementaire annuelle consacrée à ce sujet.
Notre quatrième sujet, la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Je cède maintenant la parole à Jean-Stéphane Bernard. Jean-Stéphane.
M. Bernard (Jean-Stéphane): Merci. Bonjour.
Le Président (M. Copeman): M. Bernard, je veux vous aviser, il reste quatre minutes pour la présentation.
M. Bernard (Jean-Stéphane): Pas de problème. À titre de jeune participant aux travaux du comité présidé par M. Ménard, je considère important de témoigner de mon appui à une mesure fondamentale qui illustre très bien le principe d'équité entre les générations.
Le vieillissement accéléré de la population québécoise entraînera une demande accrue de services reliés à la perte d'autonomie en même temps qu'un ralentissement de la croissance économique, donc un ralentissement aussi de la croissance des revenus de l'État. Il est important de rappeler une observation somme toute évidente, à savoir que la plupart d'entre nous ne vivrons pas en parfaite santé jusqu'à notre décès. Selon les statistiques, un pourcentage quand même important de la population risque de terminer ses jours en perte moyenne ou sévère d'autonomie. La multiplication des victimes de maladies chroniques et le coût ascendant des traitements sont deux facteurs qui risquent d'alourdir la facture des soins de santé. Il ne faut donc pas nous leurrer en prétendant que la majorité des baby-boomers à la retraite seront tellement riches qu'ils financeront eux-mêmes les services de santé dont ils auront besoin à même leurs revenus de retraite ? M. Ménard en a parlé tantôt. Une telle vision des choses ne correspond tout simplement pas à la réalité.
Pour supporter mon propos, j'aimerais citer une récente étude réalisée par mon organisation d'appartenance, la Régie des rentes du Québec. On y apprend qu'au Québec 44 % des retraités ont un revenu annuel inférieur à 15 000 $ et 80 % des retraités ont un revenu inférieur à 25 000 $. L'idée qui sous-tend la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie pour les personnes âgées de 65 ans et plus est donc de mettre dès maintenant de l'argent de côté pour être en mesure de payer la facture qu'entraîneront les services requis par les personnes en perte d'autonomie le moment venu.
Pourquoi maintenant et pas tout simplement continuer avec notre système «pay as you go» ou «tax as you go», comme certains le prétendent? D'abord, parce que ces services seront requis par les baby-boomers dont la grande majorité est sur le marché de travail pour quelques années encore, donc en mesure de payer pour les services dont ils auront besoin dans un avenir rapproché. L'importance prévisible de cette facture interdit de refiler aux générations montantes le coût des services dont leurs aînés, de plus en plus nombreux, auront besoin au cours des dernières années de leur vie.
Nous avons été à même de constater, dans le cadre de nos travaux, que d'autres pays industrialisés ont saisi l'importance des enjeux et ont mis sur pied des régimes d'assurance contre la perte d'autonomie dont les modalités varient mais dont la finalité est la même, c'est-à-dire faire preuve d'équité entre les générations. De plus, l'approche que préconise notre rapport a pour avantage de favoriser le développement des services reliés à la perte d'autonomie. Tous ceux et celles dont un membre de la famille est en perte d'autonomie peuvent témoigner du manque flagrant de ce type de services dans notre société. Or, la demande explosera d'ici quelques années. La mise sur pied d'un régime d'assurance favorisera l'accroissement de l'offre de services de qualité dans ce domaine, des services qui seront de toute évidence lourdement sollicités.
Comment un tel régime pourrait-il fonctionner? Ce régime s'adresserait, en premier lieu du moins, aux personnes âgées de 65 ans et plus qui sont en perte d'autonomie. Dans un premier temps, on procéderait à une évaluation du niveau de perte d'autonomie. Ce sont les autorités compétentes d'un système public qui devraient être chargées de cette responsabilité. Le niveau de perte d'autonomie reconnue donnerait droit à un niveau de prestations versées à la personne en perte d'autonomie, qui aurait le choix d'obtenir les services que son état requiert du système public, d'un aidant naturel, d'une entreprise privée ou une entreprise du secteur de l'économie sociale, ou encore une combinaison de toutes ces possibilités, l'idée étant d'offrir le choix à l'utilisateur. Les personnes appelées à procurer les services devraient être accréditées pour ce faire par l'instance publique responsable pour assurer la qualité des services. Donc, le système proposé serait placé sous la responsabilité du système public qui assurerait l'encadrement et en garantirait la qualité.
Comment le régime pourrait être financé? Il s'agirait d'un régime universel auquel toutes les Québécoises et tous les Québécois seraient appelés à y contribuer en fonction de deux critères: leur capacité à payer et leur âge. En effet, les primes seraient moins élevées pour les plus jeunes, puisqu'ils seraient appelés à contribuer plus longtemps. Le niveau des prestations pourrait être fixé en fonction des débours prévus pour une année précise, à un horizon déterminé d'avance, par exemple dans 25 ans. La caisse pourrait être administrée par la Régie des rentes du Québec, qui ferait fructifier les capitaux recueillis, à l'abri de toute possibilité de ponction, en cours de route, par un gouvernement qui serait en mauvaise posture financière. En procédant ainsi, chacun contribuerait à sa juste part pour relever un des grands défis qui confrontera la collectivité québécoise dans quelques années.
Il est également intéressant de noter que notre proposition prévoit qu'une partie des entrées de fonds annuelles du régime d'assurance proposé devrait être allouée à des programmes destinés aux jeunes vulnérables et à leurs familles dans un esprit à la fois d'équité et de solidarité intergénérationnelles.
En terminant pour ma partie, je sais que cette mesure ne fait pas l'unanimité auprès des contribuables. J'aimerais faire un parallèle avec le Régime de rentes du Québec, qui est mon organisation d'appartenance. Compte tenu des données citées et que j'ai citées précédemment, on peut se demander dans quel état se retrouveraient, aujourd'hui, les retraités si le gouvernement n'avait pas pris la décision de créer le Régime de rentes, en 1966. La mesure que nous proposons vise à produire un effet similaire à l'égard des personnes en perte d'autonomie, tout en faisant preuve d'équité envers la jeune génération.
n
(11 h 40)
n
M. Ménard (L. Jacques): Alors, M. le Président, c'est vraiment dans le but de préserver l'essence même de notre système de santé et des services sociaux et aussi par souci d'équité envers nos enfants et nos petits-enfants que notre comité a rédigé son rapport. Ça nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions, et on vous remercie de votre indulgence.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, MM. Ménard, Chicoine, Beauregard et Bernard, pour votre visite aujourd'hui. Je voudrais rapidement, parce que je veux utiliser le temps qui nous est réservé le plus efficacement possible, mais rapidement quand même vous remercier tous de la grande contribution, sous votre présidence, M. Ménard, qui a été apportée par le groupe que vous avez présidé aux débats publics au Québec. Certains ont parfois brièvement, dans cette commission, tenté de disqualifier les conclusions du groupe d'avance, étant donné la provenance de son président du milieu bancaire, ce qui à mon avis est, d'une part, exagéré et, d'autre part, très injuste, compte tenu du fait que vous aviez certainement beaucoup d'autres choses à faire sur votre agenda que de donner du temps comme ça à notre société dans le but de nourrir les débats.
Je voudrais aborder trois points avec vous: d'une part, la question des cliniques affiliées; d'autre part, la question du financement plus largement; et enfin la proposition d'assurance perte d'autonomie.
Commençons par les cliniques affiliées. On a eu l'occasion de clarifier plusieurs points dans cette commission, parce qu'effectivement ce n'était pas clair, dans le document, que notre proposition de cliniques affiliées ne vise pas nécessairement les trois chirurgies visées par la garantie, parce qu'il est clair qu'on ne fera pas de prothèse de hanche et de genou dans une clinique affiliée, mais les cataractes, oui, probablement, également d'autres types de chirurgie d'un jour qu'on pourrait effectivement dégager de l'hôpital pour faire d'autres choses plus intenses et plus intensives à l'hôpital.
Pour ce qui est de l'impact budgétaire, c'est certain que c'est un volume d'actes supplémentaires, donc il faut prévoir des budgets pour cela, mais il ne faut pas le surévaluer non plus parce qu'on n'aura pas d'un seul coup, du jour au lendemain, 25 cliniques affiliées au Québec, donc elles vont se développer progressivement. Il y en aura relativement peu, de sorte qu'on peut prévoir ces développements budgétaires.
La question des coûts unitaires, d'après moi, je viens de le mentionner aux médias qui étaient à la porte et compte tenu de vos déclarations de ce matin, et la question de la discipline des coûts unitaires, de prendre l'habitude de comparer les coûts unitaires, à mon avis, est un élément fondamental de la proposition de cliniques affiliées.
Il y a bien sûr eu des objections même aux cliniques affiliées, dans cette commission, et je vais vous les donner dans le but de faire un peu l'avocat du diable, parce que, là, je me retourne parce que j'ai passé toute la commission à défendre les cliniques affiliées, auxquelles je crois profondément, mais je vais vous transmettre les objections qui nous ont été apportées. Puis, peut-être M. Chicoine, avec son expérience de dirigeant d'établissement, pourrait apporter un éclairage.
Alors, ce qu'on nous dit, par exemple, c'est que: Vous avez montré en investissant plus, en concentrant les chirurgies dans certains établissements que vous êtes capables d'obtenir des résultats, pas encore à la hauteur de nos espérances, mais certainement satisfaisants dans les domaines ciblés. Exemples, la chirurgie de cataractes, où il n'y a presque plus de délai significatif, réduction en hanche et genou mais pas encore suffisamment.
Alors, la question simple: Pourquoi vous ne faites pas juste continuer ça? Pourquoi vous ne faites pas juste donner plus de budgets aux hôpitaux en leur permettant d'opérer plus longtemps dans leurs salles d'opération et peut-être d'utiliser plus leurs centres ambulatoires? Pourquoi il faut absolument avoir recours aux cliniques affiliées?
M. Ménard (L. Jacques): Je vais demander à Jean-Pierre de répondre, puis après ça je vais compléter.
M. Chicoine (Jean-Pierre): Oui. Je pense qu'il y a des éléments là-dedans aussi d'innovation et de saine émulation, pour ne pas dire de concurrence. Si je prends le système français, on voit que, dans l'évolution du système français, c'est les cliniques privées qui ont apporté la plupart des innovations dans le domaine. Ça fait que je me dis: Oui, on peut mieux exploiter le système public, mais le fait d'avoir un secteur témoin qui va essayer d'innover, essayer d'augmenter la productivité, à mon avis ça va être aussi, pour le système public, un challenge intéressant. Et, moi, je pense qu'il y a là quelque chose de très important, de supplémentaire qui serait apporté par la présence de cliniques privées affiliées.
M. Couillard: Et, M. le Président, dans les discussions qu'on a eues en commission, j'ai parfois émis certains doutes, que vous voudrez peut-être confirmer ou infirmer, c'est que: Êtes-vous bien sûrs qu'il sera possible pour les hôpitaux de nous proposer, dans la démarche qui vise à réduire les délais d'attente et amener tous les patients à l'intérieur des délais médicalement acceptables, d'abord pour les secteurs prioritaires, mais par la suite pour l'ensemble des activités chirurgicales... un hôpital pourra nous proposer d'étendre l'utilisation de ses plateaux techniques ou de transformer un centre ambulatoire en une sorte de centre de concentration de chirurgies? Mais, instinctivement peut-être, j'ai des doutes quant à la possibilité d'alléger l'organisation interne de façon suffisante pour en arriver là. Est-ce que vous pensez que ça va être possible, à l'intérieur de l'organisation actuelle interne des établissements, de faire opérer jusqu'à 6 heures, 7 heures, le soir, les salles d'opération ou de dégager plus de chirurgies d'un jour?
M. Chicoine (Jean-Pierre): Il est possible de faire un bout, mais je suis convaincu qu'une organisation privée, comme une clinique privée, aurait beaucoup moins de contraintes pour amorcer une organisation plus efficace et surtout plus souple, plus légère.
M. Couillard: Il y a une partie très importante, à laquelle on a fait allusion hier, puis, comme également dirigeant d'établissement, vous voudrez peut-être commenter cela, il s'agit de l'amélioration de la gestion de la liste d'attente. Et, quand on dit «amélioration de la gestion», le premier élément, c'est de la confier aux gestionnaires et peut-être de l'enlever un peu des poches des sarraus des médecins. On sait bien de quoi on parle, ayant coexisté dans le réseau hospitalier pendant quelques années.
Mais comment vous réagissez à ça, l'idée que, par exemple, comme directeur général d'un grand centre hospitalier universitaire, vous receviez la commande législative de former, dans vos unités d'admission, un noyau de personnes personnellement imputables du suivi personnalisé et continu de la liste d'attente, d'abord pour les secteurs ciblés, mais par la suite pour un plus grand éventail de chirurgies? Parce qu'on sait maintenant, quand on fait l'analyse des listes d'attente, qu'il y a toutes sortes de choses sur les listes d'attente. Puis, souvent, des patients sont littéralement oubliés passé les délais. Le Dr Bolduc, d'Alma, est venu nous présenter son expérience, où lui évidemment dans un établissement plus petit mais avec moins de ressources également, a réussi littéralement à éliminer les cas hors délais uniquement en adoptant ce type de gestion centralisée. Est-ce que vous pensez que c'est faisable dans nos établissements, de le faire?
M. Chicoine (Jean-Pierre): Si on continue à publiciser ou à gérer en fonction de nos listes d'attente actuelles, ça n'a pas de sens. Il faut les changer, et ça va prendre une intervention du genre que vous parlez.
Moi, là, ce que je vois des statistiques dans les journaux sur les listes d'attente, avec l'expérience que j'ai, je me dis: Quelle partie de la réalité que ça reflète? Est-ce que le ménage a été fait? Est-ce qu'il y a des patients qui sont sur plusieurs listes d'attente dans plusieurs établissements? Est-ce qu'il y en a qu'on ne veut plus opérer pour toutes sortes de raisons? Ça va prendre un système très encadré si on veut garder la liste d'attente comme référence ou comme critère. Et, moi, je pense, M. le ministre, qu'on n'a pas le choix d'aller dans quelque chose d'assez contraignant, comme vous le proposez, parce que les listes d'attente qu'on voit actuellement, à mon avis, ne veulent pas toutes dire la même chose et sont difficilement comparables entre elles. Donc, on peut... on risque de prendre des décisions sur des choses qui ne sont pas vérifiées.
M. Couillard: J'irais même jusqu'à dire, comme responsable d'allocation de fonds publics, que, sans la mise en place d'un tel système, il m'apparaîtrait même, à la limite, de l'irresponsabilité d'augmenter de façon importante les investissements dans l'accès aux services. Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Chicoine (Jean-Pierre): Absolument.
M. Couillard: Maintenant, le financement de la santé, autre grand sujet. Je vous transmets encore des objections à vos écrits. Premièrement, on exagère le pourcentage de dépenses par rapport aux programmes, 43 %; en fait, ce n'est pas 43 % parce que, si on enlève les services sociaux, ça baisse autour de 37 %, 38 %, ce qui est loin d'être dramatique. Deuxièmement, le pourcentage des dépenses en santé par rapport au privé est resté stable depuis les 10 ou 15 dernières années. Donc, il n'y a pas d'alourdissement du fardeau sociétal, entre guillemets, du financement de la santé. C'est des arguments qui sont revenus, notamment par des universitaires, à plusieurs reprises dans le cours des débats. En fait, le message qu'ils nous transmettent, c'est qu'on noircit, je ne dirais pas qu'ils nous disent à dessein, mais presque, on noircit le constat de l'impasse que vous décrivez en surestimant ou en comparant des dépenses qui ne sont pas comparables et en oubliant des faits tels que la stabilité des dépenses par rapport au PIB. Alors, comment est-ce que vous réagissez à ça?
M. Ménard (L. Jacques): Écoutez, il y a d'ailleurs... Ça vient à point nommé, une question comme celle-là, parce qu'il y a une très récente étude de l'OCDE qui sonne l'alarme à cet égard-là, sur l'impact de la croissance rapide des dépenses en santé et soins de longue durée sur les finances publiques des pays de l'OCDE, dont nous sommes. Et cette étude, elle a fait ressortir que l'ensemble des dépenses publiques dans ces secteurs-là, exprimées, comme vous dites, en pourcentage du PIB, vont doubler d'ici 2050. De près de 7 % du PIB qu'il est présentement en 2005, elle sera de 13 % du PIB en 2050. Donc, la part du PIB même affectée à leur financement va augmenter de 200 % et elle va passer, et ça, c'est seulement à l'égard des soins de longue durée... la part du PIB affectée aux soins de longue durée va passer de 1,1 %, en 2005, à 3,3 %, elle va plus que doubler d'ici 2050. Alors, il y a des recherches assez concluantes à cet égard-là qui nous permettent d'appréhender la croissance qu'on anticipe même avec des objectifs, avec des hypothèses que j'appellerais conservatrices.
Et aussi, le rythme de vieillissement du Québec, qui s'accélère, il faut en prendre acte. Il est plus rapide que celui... C'est le plus rapide au monde après celui du Japon et de l'Italie. Puis, quand on conjugue ça avec la baisse marquée de la main-d'oeuvre active, c'est clair, quant à nous, que nous ne sommes pas alarmistes, on ne fait que refléter les faits tels qu'on les voit, même avec des hypothèses de croissance de dépenses de santé... Par exemple, dans le secteur juste, disons, des produits pharmaceutiques, on anticipe, dans notre modèle, des croissances de coûts de l'ordre de 8 %. J'ai vu plus du 13 et du 12 dans les études que j'ai faites, qu'on a faites. On trouve que l'avènement du dossier électronique, par exemple, va permettre d'optimiser ces choses-là également. Alors, je dirais qu'à tous égards je n'ai pas vu une étude faite par Howe, par C.D. Howe, par le Hudson Institute, par l'OCDE qui est plus modeste, plus pondérée que la nôtre, M. le ministre, au niveau de ses hypothèses.
n
(11 h 50)
n
M. Couillard: Donc, non seulement vous ne noircissez pas, vous sous-estimez même peut-être un peu la réalité.
M. Ménard (L. Jacques): Bien, on nous trouve presque jovialistes, disons, dans certains cas. En Ontario, par exemple, j'ai un collègue, l'ancien économiste en chef de la Banque de Montréal, Tim O'Neill, qui travaille pour le gouvernement, dans un dossier comme celui-là, lui, il me disait, il y a quelques semaines: Nous, l'hypothèse de travail, Jacques, c'est 6 %, ça ne peut pas être moins que ça; je ne sais pas ce que tu fais avec 5,1 à 5,4, puis on agglomère également et santé et services sociaux. Alors, je pense qu'il y a des raisons qui expliquent peut-être notre 5,1 à 5,4, on l'a fait dans notre rapport, mais on est loin d'être alarmistes, M. le ministre.
M. Couillard: D'ailleurs, le gouvernement fédéral, dans l'entente d'Ottawa, a lui-même fixé un facteur d'indexation de 6 % dans les transferts fédéraux.
M. Ménard (L. Jacques): Oui. Notre expérience du dernier budget, c'est, quoi, 6,3?
M. Couillard: 6,3, oui. Il faut dire qu'une grande partie était due par la pression subite d'entente de rémunération et d'équité.
M. Ménard (L. Jacques): Je comprends. D'accord.
M. Couillard: Autre élément de calcul qu'on dit exagérément pessimiste, c'est la question de l'impact du vieillissement sur les coûts de santé. Alors, on nous dit: Les aînés seront plus actifs qu'ils le sont actuellement, plus longtemps au travail; le modèle est basé sur le fait qu'on arrête de travailler vers 60, 65 ans, alors qu'il est probable qu'au cours des prochaines années les gens vont vouloir être actifs plus longtemps, donc fiscalement plus actifs également. Et on nous répond également que le vieillissement comme tel, lorsqu'on l'isole, n'est responsable que d'une faible portion des augmentations de coûts, puisqu'ils sont essentiellement en rapport avec la technologie et les médicaments. Remarquez bien, à ça j'ai répondu que ça s'adonne que les personnes âgées prennent plus de médicaments, puis ils utilisent plus de technologies. Alors, celui-là, je pense qu'on va le laisser de côté. Et ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'on ne parle pas des personnes âgées d'aujourd'hui, hein? Les personnes âgées d'aujourd'hui, on a en place ce qu'il faut pour les traiter le mieux possible. C'est les personnes âgées dans 10 ans, 15 ans, 20 ans, c'est de nous dont nous parlons.
Alors, comment est-ce que vous réagissez à cette affirmation, qu'on a beaucoup surestimé l'impact du vieillissement? Mais vous avez déjà répondu très largement. Mais peut-être spécifiquement cette question de niveau d'activités plus important, retraite plus tardive, niveau économique plus élevé des retraités de demain. Comment est-ce que vous réagissez à ça?
M. Ménard (L. Jacques): Bien, le niveau économique des retraités de demain, je pense que Jean-Stéphane y a répondu puis a essayé de... je pense, va taire ce mythe-là à certains égards. C'est vrai qu'il y a une certaine prospérité, mais, lorsqu'on regarde la démographie économique, là, à laquelle il a fait référence, les préoccupations sont encore entières quant aux ressources qu'auront les aînés, si on regarde les habitudes d'épargne et l'expérience qu'ils ont présentement au niveau de leurs habitudes d'épargne pour fins, disons, de mise à la retraite.
Cela dit, les personnes, oui, vont vivre plus âgées mais vont vivre quand même des années de morbidité, comme on appelle dans le jargon, et on sait que les dépenses importantes qu'elles doivent encourir sont essentiellement dans ces dernières années là de leur vie, dans les cinq, six dernières années de leur vie. Et non seulement est-ce qu'on le sait que la population vieillissant consomme davantage de médicaments, mais, même avec une hypothèse de croissance de prix que je vous ai donnée, les volumes augmentent forcément, et deuxièmement, le recours à des technologies médicales, que ce soit, par exemple, en orthopédie... Nous, nos grands-parents, s'ils avaient mal aux hanches, on leur donnait une canne. Aujourd'hui, ils ont une première hanche, puis, 10 ans plus tard, ils en ont une deuxième, hanche. Bref, ces technologies médicales là, disons, qu'on veut tous et on veut tous les meilleures, également sont très coûteuses et sont utilisées de façon de plus en plus fréquentes dans ce cadre-là.
As-tu autre chose que tu veux ajouter, toi?
M. Bernard (Jean-Stéphane): Je veux juste ajouter que, dans le fond, effectivement, comme on l'a mentionné tantôt, les gens ont des niveaux dans les REER quand même relativement faibles au niveau des retraités. Je pense qu'on voit également, en ce moment, au niveau des régimes de retraite, les régimes évoluent beaucoup vers des... de régime à prestations déterminées vers régime à cotisation déterminée, il y a plus d'incertitude à ce niveau-là. Donc, de façon générale, les retraités ont souvent moins de revenus à la retraite qu'on peut se l'imaginer, puis, moi, je pense que ça va continuer dans ce sens-là.
M. Ménard (L. Jacques): L'Institut des actuaires, dont la profession est effectivement d'anticiper de telles habitudes de vie, de tels besoins, également a fait siennes nos recommandations quant à l'importance de nous donner un régime dont on va lisser les coûts sur un certain nombre d'années, mais qui essentiellement va être partiellement capitalisé, puis qui va avoir pour but de pallier à ces besoins-là qu'on anticipe.
M. Couillard: Et d'ailleurs la plupart des objections qui ont été amenées par rapport aux prédictions du coût associé au changement démographique se basent sur des considérations relatives, en pourcentage de ou en indice de, mais ce qu'on oublie, c'est l'effet du nombre absolu, et ça, c'est souvent évacué des arguments.
Maintenant, ce n'est pas parce que le changement démographique occupe une part importante des augmentations de coût des prochaines années que nécessairement il faut le financer de façon distincte. Et là je vous amène sur le terrain de votre proposition d'assurance pour la perte d'autonomie, qui a été incluse dans le document de consultation dans le but d'initier le débat essentiel sur le financement de la santé au Québec, au-delà de la question des arrangements fiscaux dans la fédération canadienne.
Je dirais qu'il y a un élément, moi... Sur le plan du constat et de la solution, la démonstration est solide. Il y a un élément, moi, qui me heurte un peu parce qu'il fait directement appel à ce qu'on essaie de faire depuis trois ans, il y a un peu plus de trois ans maintenant, quant à l'intégration des services. Et je vous présente cet argument qui, moi, à date... vous allez peut-être m'aider, je n'ai pas vraiment pu trouver de réponse satisfaisante à cet argument-là qui m'apparaît solide.
On me dit: Écoutez, vous êtes en train d'intégrer des établissements de santé dans des établissements uniques, conseil d'administration unique, de façon à ce que les gens se parlent, travaillent ensemble dans un continuum de soins, puis vous allez prendre la partie de financement associée à l'hébergement institutionnel puis vous allez enlever ça... vous allez enlever ça du CSSS ou de la philosophie de financement du régime, vous poseriez là un acte contraire aux actions d'intégration que vous êtes en train de faire depuis des années. On fragmente le financement, alors qu'on veut intégrer les services.
M. Ménard (L. Jacques): Il y a une nuance entre le financement puis la prestation des services, je vous dirais, M. le ministre. Actuellement, les services qui visent à préserver la dignité de la personne humaine, donc ceux... si celle-ci, par exemple, ne peut pas se nourrir, se laver, éliminer, se déplacer, ils demeurent nettement, vous le savez, insuffisants. Vous tentez d'y pallier. Ils ne sont pas, vous le savez également, entièrement couverts ni par le régime d'assurance maladie ni par le régime d'assurance hospitalisation, non plus par le régime d'assurance médicaments. La raison en est, c'est qu'il s'agit effectivement de besoins qui sont très différents de ceux que couvrent ces régimes-là, mais ils sont pas pour le moins de ça fondamentaux. Et je dirais qu'à cet égard-là le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie va être en croissance rapide, et on sait également que, parallèlement à ça, le nombre d'aidants naturels va aller en diminuant et que très peu d'aide va leur être accordée dans ce modèle-là.
Dans le cadre de, je vous dirais, une caisse globale qui serait l'alternative de ce qu'on propose, où on agglomère l'ensemble de tous nos services, il est clair, je pense, comme le démontre la situation actuelle, et vous y faites référence, que, face au partage des ressources limitées, les soins à domicile et les services d'hébergement aux personnes âgées, ils continueraient à être le parent pauvre du système, alors que le retard du Québec à cet égard-là continuerait, quant à nous, à croître. Il y a davantage que les autres services de santé; je pense, les services liés à la perte d'autonomie ou la dépendance sont au coeur, je pense, de l'impact du vieillissement de la population et, quant à nous... et également ils sont au coeur de la question du bien-être, disons, de la société en général.
Alors, dans ce contexte-là, je pense que... on pense, nous, que la perspective de la mise en place d'un nouveau programme d'assurance contre la perte d'autonomie, elle s'impose de plus en plus comme une nécessité puis elle constitue, selon nous, le seul moyen efficace d'assurer le financement additionnel que va nécessiter ce genre d'intervention là. On croit que, dans ce modèle-là... que le contribuable ayant payé pendant toute sa vie une prime d'assurance donnée doit également se faire donner la liberté de choix pour s'assurer qu'il puisse finir sa vie autant que faire se peut dans son milieu de vie et aussi s'offrir, que ce soit à l'égard, disons, d'un aidant naturel ou d'un recours au secteur de l'économie sociale ou même, disons, à des services qui sont déjà prévus par le régime actuel, s'offrir les services dont lui ou elle ont vraiment besoin plutôt que ceux qui vont simplement, disons, leur être présentés dans un milieu dit institutionnel. Le fait que cette demande-là va exister, et aussi surtout si les moyens pour la financer vont exister, va faire en sorte que les moyens et les ressources, je pense, également vont se développer.
Veux-tu ajouter à ça? Non?
M. Couillard: Je voudrais peut-être rapidement terminer parce que le temps file vite. Lorsque je réfléchissais à cette proposition puis je me demandais: Comment pourrait-on la moduler pour la soumettre à une analyse éventuellement plus profonde avec d'autres scénarios peut-être de financement à long terme?, je me disais: Serait-il possible d'en exclure l'hébergement institutionnel et les services professionnels de soutien à domicile et regarder l'aide ? ce que vous avez mentionné là ? l'aide domestique et le soutien aux aidants naturels ? parce qu'il y a un groupe d'aidants naturels qui va vous suivre tantôt...
M. Ménard (L. Jacques): ...le coût énorme aussi.
n
(12 heures)
n
M. Couillard: ...et je ne vois pas comment, dans le modèle de financement actuel, on va, un jour, pouvoir dépasser le modèle de prestation fiscale qu'on a actuellement. Je ne vois pas, là, comment on va pouvoir augmenter de façon significative le soutien aux aidants naturels. Et là je pense qu'il y a une piste très intéressante.
M. Ménard (L. Jacques): Oui, effectivement, je pense que le... Je comprends votre argumentaire. Parce qu'il est clair qu'à terme, lorsqu'on regarde le taux de croissance et le taux accéléré de croissance du vieillissement de la population, la solution totalement ne peut pas être dite institutionnelle ? il y a trop de limites à cet effet-là ? et les coûts reliés à l'alternative qu'on souhaite sont également énormes et présentement ne sont pas prévus par les régimes qu'on a, qui sont à notre disposition.
M. Beauregard (Denis): Ce serait une piste intéressante, je pense bien, à deux égards. Un, ce que vise un régime comme celui qu'on a proposé, c'est en partie en tout cas d'aider les gens à rester chez eux, à vivre dans leur milieu, puis à demeurer actifs dans une certaine mesure. Alors, ces soins-là émergeant à la caisse globale, ce serait protégé. Et l'autre point, c'est qu'au fond on essaie de sortir des institutions les gens qui n'ont pas besoin de tous les services qui sont là. C'est ça aussi que vise ce système-là. Alors, la proposition que... enfin que vous effleurez, là, que vous abordez, permettrait de préserver ces deux points-là.
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, le temps est écoulé à ma droite. Alors, M. le député de Joliette.
M. Valois: Merci, M. le Président. M. Ménard, les personnes qui vous accompagnent, je veux vous souhaiter la bienvenue. Merci beaucoup de cette... bien, de cette contribution que vous avez déjà faite, mais que vous faites aussi pour les travaux que nous sommes en train de mener sur le livre blanc du gouvernement. Évidemment, plusieurs autres intervenants sont venus nous rencontrer avant vous. Plusieurs d'entre eux d'ailleurs faisaient état souvent des travaux que vous aviez menés. En ce sens-là, vous avez mené des travaux qui ont toujours été au coeur, si on peut dire, de nos réflexions ici, même lorsque vous n'étiez pas là, et...
Notamment, et je veux tout de suite entrer sur ce sujet-là, bien que le ministre l'ait abordé, j'ai quand même le doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, M. Réjean Hébert, qui est venu nous voir avec des réflexions, ma foi, fort importantes sur, bien, la croissance des revenus de l'État, sur le fait que... Et là je parle évidemment du diagnostic que vous posez avant d'arriver aux solutions, et je veux beaucoup parler des solutions que vous apportez, d'ailleurs. Parlons du diagnostic. Et là-dessus Dr Hébert nous disait que... Bon, peut-on réellement prévoir ce qui va se passer dans 20 ans et peut-on être aussi... lui, il parlait d'alarmiste par rapport à certains scénarios, notamment par rapport à la croissance du revenu de l'État, revenu de l'État que... Lui, ce qu'il disait, c'est: Bien, écoutez, les jeunes qui vont être, oui, en moins grand nombre mais vont quand même produire énormément de richesse... D'ailleurs, si on regardait la richesse qui était produite à l'époque où il y avait un très grand nombre de travailleurs dans nos usines, tout ça, on pourrait même dire, aujourd'hui, que c'était sous-performant par rapport à aujourd'hui... comment on est capable de générer de la richesse avec beaucoup moins de gens. Et d'ailleurs, aussi, de tout amener cette réflexion-là dans le sens, oui, de l'activité des personnes de 65 ans et plus, et ce qui fait que, si, à la limite, on est capable de varier de 1 % par rapport à vos chiffres, bien là, évidemment, il y a d'énormes changements par rapport à la suite des choses.
J'ai bien entendu les réponses que vous avez données au ministre, mais nous devons quand même réaliser que vous déposez un document où vous nous parlez d'un 25 millions... 25 milliards, excusez, 25 milliards à terme. Sur les mêmes échéances, on a un document gouvernemental sur le Fonds des générations, qui, lui, nous parle plus de 19 milliards. Alors, déjà un 6 milliards d'écart sur les mêmes périodes, jusqu'à un certain point, avec un regard assez similaire sur la suite des choses, sur l'évolution. Et ce n'est pas un 6 milliards sur 100, là, c'est un 6 milliards sur 19 versus 26 et versus 25, et tout ça.
Alors, on voit déjà là qu'il y a des scénarios, tout ça. Moi, je veux bien prendre, je veux bien... Je ne veux pas non plus banaliser ce qui va se passer, mais, d'un autre côté, qu'est-ce que vous avez à répondre aux gens qui disent: Attention, là, peut-on, aujourd'hui, comprenant que toutes choses ne seront pas égales par ailleurs pour la suite, établir des scénarios comme vous le faites?
M. Ménard (L. Jacques): Écoutez, le ministère des Finances, le Conseil du trésor, le ministère de la Santé et des Services sociaux ont été la source principale de plusieurs des données de prospection, là, disons, de prospective qui ont alimenté le modèle économique qu'on a développé. On est allé aussi valider, par des conversations ici et là, à Ottawa et ailleurs, pour savoir si on était généralement sur la même longueur d'onde. J'ai fait référence à certaines hypothèses, tout à l'heure, où j'ai vérifié avec l'Ontario.
Je vous dirais que, dans le modèle qu'on a, on a tenu compte d'une part de cette décélération de la population active. On sait déjà que la croissance économique au Québec, là, puis là ce n'est pas dans 50 ans, là, disons, à partir de 2011, 2012, commence à décélérer. Le ministère des Finances a été en mesure de déjà anticiper l'impact de cette décélération de la population sur ses revenus. Le ministère des Finances également peut très bien anticiper, comme ils le font, quel sera l'effet du décaissement des sommes à l'égard duquel nous réclamons des déductions d'impôt présentement, parce qu'ils peuvent nous faire vieillir, puis... modaliser ça très bien, ils ne se gênent pas pour le faire. Alors ça, ça a été incorporé dans notre modèle. De telle sorte que l'indice de productivité auquel j'ai fait référence dans mes remarques, à l'effet que nous avons anticipé que la productivité à laquelle vous faites référence, en moyenne, augmenterait de l'ordre de... à peu près, disons, de l'ordre de 1,7 %... Même ça, c'est mieux que ce qu'on observe à bien des égards au Québec depuis quelque temps, au dire de certains observateurs. Alors, ce 1,7 % là d'augmentation de productivité a été escompté dans le modèle économique qui en arrive au déficit, au manque à pourvoir auquel vous aviez... fait référence.
Puis, quand vous faites référence à 19, ou à 20, ou à 29, il faut réaliser que c'est les montants récurrents et cumulatifs. Donc, l'année d'avant, ce n'est pas 19 millions cumulatifs; l'année d'avant, c'est 18; l'année d'avant, c'est peut-être 17,5. Alors, additionnez toutes ces sommes-là, les sommes sont absolument énormes. Alors, c'est clair qu'on ne peut pas se diriger, dans un scénario comme celui-là, vers un lendemain où les dépenses dans ces secteurs-là, la santé et les services sociaux, accapareraient 60, 65, 70 % des dépenses de l'État. Je conviens que c'est la preuve par l'absurde, on ne peut pas se rendre là. Et ce qui nous condamne essentiellement à un constat, c'est qu'on doit, aujourd'hui, agir comme collectivité pour faire en sorte qu'on n'atteigne pas cette impasse-là, disons, dans huit, neuf ou 10 ans.
M. Valois: Parlons d'agir, justement. Vous avez parlé évidemment du privé en santé, mais il y a d'autres choses aussi que vous avez apportées dans votre rapport en termes d'augmentation des revenus du gouvernement. Lorsqu'on parle d'une hausse des tarifs d'hydroélectricité, lorsqu'on parle ? et on y reviendra ? de cette création d'une assurance obligatoire, donc une cotisation aussi qui serait obligatoire et le serait pour tous, lorsqu'on parle d'encourager les dons, lorsqu'on parle de hausser même la TVQ, il y a eu une opportunité, bien, qui, très rapidement, a été fermée et par le premier ministre et par le chef de l'opposition... bien, pas le chef de l'opposition, le chef du Parti québécois, très rapidement. Qu'est-ce que vous en pensez, de cette opportunité-là qui existait?
M. Ménard (L. Jacques): Une des premières mesures.. Vous vous rappellerez que, nous, une des premières recommandations qu'on a faites, c'est de s'assurer que la croissance des dépenses en santé et services sociaux soit limitée à notre indice de croissance de richesse ou l'indice de croissance de revenu pour qu'on reste essentiellement dans les eaux du 43, 44 % auquel j'ai fait référence. Ça, c'est un.
Deux. Nous avons également dit, comme mesure, qu'une autre recommandation pressante est de s'assurer que le gouvernement met tout en place pour s'assurer que les transferts nécessaires, que ce soit non seulement en santé, mais également à l'égard, disons, de l'enseignement supérieur, soient affectés, et Dieu sait comme... en lisant l'actualité, ces négociations-là ont cours présentement et auront sans doute un lendemain, souhaitons-le, dans les mois qui viendront. Mais ce que nous avons dit, à la demande, encore là, du ministre des Finances, disons, de l'époque, est de... c'est ceci: C'est que, si l'ensemble de ces mesures-là ne donnaient pas à court terme les retombées qu'on souhaitait, la seule mesure à court terme, pas à long terme, mais qui, elle, pourrait avoir le moins d'impact possible sur la croissance économique, bref, aurait le moins d'externalités, comme on dit dans le jargon, serait un recours à une augmentation aussi modeste que ce soit, là, disons, de la TVQ. C'est la seule qui peut avoir un effet à très court terme. Parce que même la création du Fonds des générations, elle, a un effet cumulé très important. Mais, s'il y a une impasse à court terme, lorsqu'on nous pose la question: Qu'est-ce que vous feriez?, ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on le dit, mais la mesure qui aurait le moins d'impact sur, par exemple, nos exportations, donc sur l'incidence de création de richesse chez nous, serait de réexaminer les taxes à la consommation. Je réalise qu'Ottawa récemment a réduit la sienne, alors ça vient peut-être à point nommé, mais le fait est... c'est qu'il y a d'autres mesures avant ça qui, selon nous, devraient être évaluées.
n
(12 h 10)
n
Quant au long terme, il est clair que le modèle de financement de la santé... S'il y a une recommandation clé, un constat qu'on fait, c'est que le modèle ne peut plus fonctionner, le modèle qui vise à financer la santé au jour le jour, «pay as you go», comme j'appelle, ou «tax as you go». Sur la base essentiellement de la fiscalité des particuliers et des entreprises qui contribuent déjà 20 % au financement de la santé et des services sociaux, ce n'est pas un modèle qui est soutenable dans la démographie, dans la perspective démographique qui est la nôtre. Et d'ailleurs je dirais la même chose si j'étais en Ontario. L'Ontario a le même problème, ils ont juste un petit peu plus de temps pour réagir parce qu'ils ont un taux d'endettement plus bas que le nôtre, puis ils ont une richesse qui est plus élevée que la nôtre. Alors, plutôt qu'avoir 10 ans, je pense que l'Ontario, par exemple, a 13 ou 14 ans après, mais ils n'ont pas 20 ans, eux autres non plus, pour rajuster leur tir et changer le modèle de financement de la santé.
M. Valois: Bon, je comprends donc que, pour vous, une hausse de la TVQ, qui aurait pu apparaître cet été ? parce que c'est cet été qu'on va voir la baisse de la TPS et que le gouvernement du Québec aurait pu augmenter sa TVQ ? pour vous, là, pour tout de suite, étant donné que c'est... elle aurait été prématurée, c'est ce que je comprends?
M. Ménard (L. Jacques): Oui, bien, c'est-à-dire que, dans la mesure où le manque à pourvoir à court terme n'est pas évident, puis ça ne semble pas être le cas, là, disons, on a quand même un certain déficit zéro, mais c'est au gouvernement, puis au ministre des Finances en particulier qui, lui, a convenu, même dans son dernier budget, que le travail qu'il a entrepris pour assurer la pérennité du financement du système de santé est un travail qui va prendre quelques années. Et ce que, nous, on a dit, c'est que, si, avec les mesures qu'on suggère là, dans lesquelles il travaille présentement, il était impossible de pallier à un manque à pourvoir à court terme, qu'il considère avoir à examiner, disons, la TVQ, quant à nous serait la mesure la moins nocive dans les circonstances. Je ne vous dis pas qu'à court terme c'est nécessaire, mais ça aurait été, quant à nous, comme on l'a demandé, une mesure qui aurait pu être étudiée si de telles circonstances existaient. Toute la question de la péréquation, Dieu sait, est au coeur des discussions qu'il y a présentement, puis on verra bien qu'est-ce qu'il en advient.
M. Valois: Exactement, et on devra suivre ça à la lumière de ce que vous nous dites. La correction ou le dossier de la correction du déséquilibre fiscal devient un dossier qu'on doit suivre, et, en ce sens-là, lorsqu'on a un ministre fédéral qui vient nous dire que, pour ce qui est de la santé, l'effort du fédéral est somme toute complet, et c'est complété, l'effort est fait, et qu'on sait aussi que le débat sur la baisse de la TPS va revenir l'an prochain, parce qu'on a un gouvernement qui veut aussi abaisser d'un autre point, on imagine que ce même débat-là risque, selon le constat qu'on aura à faire sur le déséquilibre fiscal, selon aussi la capacité d'avoir des paiements de transfert, notamment en santé, bien on pourra aussi rediscuter de ce débat-là, ne serait-ce que l'an prochain où il se posera encore.
M. Ménard (L. Jacques): Les taxes à la consommation auxquelles vous faites référence ne sont qu'une mesure, je vous le dis, à très court terme, et je dirais même également, selon nous, toute amélioration des transferts fédéraux, aussi souhaitables qu'on aimerait le faire, c'est des mesures qui ne peuvent que pallier au manque à pourvoir qu'on anticipe qu'à court et moyen terme. Mais, à moyen et long terme, lorsqu'on parle de 6 à 10 milliards par année, récurrents, qui montent à 15 puis qui montent à 20, il n'y a pas un transfert fédéral additionnel qui va être capable de régler ça. Selon nous, le modèle de financement de la santé comme tel, le besoin de capitaliser, partiellement tout au moins, des sommes importantes additionnelles demeure évident dans tous les cas de figure. Alors, quand vous parlez de taxes à la consommation, par exemple, à juste titre ou bien, par exemple, de perspective de transferts fédéraux, ça ne peut que soulager, je dirais, à court terme les échéances et les besoins qu'on anticipe pour les prochains 10, 15, 20 ans. C'est clair qu'il faut qu'on change le modèle bien au-delà de ce que vous suggérez là.
M. Valois: Je comprends très bien que le problème est notamment sur le financement à long terme, ça, on en convient tous, sauf que vous avez quand même donné avec votre rapport un bouquet de mesures à l'intérieur desquelles il y avait des augmentations du revenu du gouvernement. Et qui parle d'augmentation de revenu du gouvernement dit... bien, d'avoir un dialogue avec les citoyens et dire: Vous devez à terme devoir contribuer plus. Ça, il semble que cette réflexion-là est quand même... on ne doit pas l'occulter non plus. Est-ce que, pour vous, il est possible de penser à un règlement à long terme sans qu'il y ait ce dialogue entre le gouvernement et les citoyens, en disant: Si on veut que ça continue, la pérennité passe par le fait que, bien, on va demander une contribution supplémentaire aux citoyens?
M. Ménard (L. Jacques): Le fait que, d'une part, le Forum des générations ait eu lieu au départ, le fait que les comités que vous connaissez aient eu lieu au départ me dit que le gouvernement en était conscient, à telle enseigne qu'il en fasse un enjeu aussi public que c'est le cas. Le fait que cette commission, aujourd'hui, se rencontre, manifestement, fait partie de ce dialogue-là. Je vous dirais que, dans le cadre de notre mandat, nous avons tenu, nous ? à Joliette, entre autres, vous le savez ? deux douzaines de rencontres à travers tout le pays, donc le dialogue auquel vous faites référence est déjà entamé. Et je vous dirais que, bien que mes auditoires, et ceux de mes collègues également qui ont eu de telles initiatives, bien que les auditoires étaient parfois déçus de se faire dire le constat, il y en a très peu qui arrivaient à la conclusion à terme que les choses ne doivent pas changer. Les gens réalisent à terme que quelqu'un va devoir payer. La pensée magique n'existe pas, rien ne se perd, rien ne se crée, et il va falloir, comme société, et je vous dirais que j'ai eu ces échos-là dans toutes les régions, qu'effectivement on va devoir faire quelque chose. Et, nous, comme société, on va devoir se ressaisir et prendre ici les mesures nécessaires pour pallier à l'injustice qui s'annonce à l'égard de nos enfants et de nos petits-enfants si on ne fait rien.
M. Valois: Alors, si un parti politique avait l'intention de se présenter, lors des prochaines élections, avec une promesse de baisse d'impôt de 1 milliard par année pour les prochaines années, vous trouveriez que ce serait quoi comme promesse?
M. Ménard (L. Jacques): Écoutez, tout ce que je vous dis, M. le député, c'est que le statu quo, la raison pour laquelle on est là, c'est parce que le statu quo n'est pas viable. Alors, essentiellement, moi, je ne suis pas ici, en politique, pour militer d'un côté ou de l'autre, disons, des tables qui sont ici. Tout ce que je vous dis, c'est qu'il est évident qu'il y a urgence en la demeure. On est condamné à changer notre façon de faire, c'est clair. La méthode qui va être employée, c'est à l'Assemblée nationale, c'est aux élus. Fort des communications et du dialogue auquel vous faites référence et qui a cours présentement... c'est fort de ce dialogue-là qu'on décidera à terme quelles mesures prendre.
M. Valois: Comprenant que, ce dialogue-là, on en voit seulement que la pointe, aujourd'hui. Nous ne sommes pas au coeur de ce sujet-là, on aura à faire justement, il me semble... et je pense que cette commission-là nous aide à entrevoir le large portrait de ce débat-là que nous aurons à faire à terme.
Une solution que vous apportez aussi, c'est cette création d'une assurance contre la perte d'autonomie. Plusieurs personnes sont venues nous voir ici, avec, ma foi, de très grandes appréhensions par rapport à cela, pas en termes de capitaliser de l'argent puis cette possibilité à terme, à long terme de pouvoir financer nos systèmes, mais c'est réellement sur le fait de justement retirer une partie de la logique ou du financement pour justement... bien, mettre le doigt sur quelque chose. Certaines personnes sont même venues nous dire qu'on pourrait arriver à terme à faire en sorte qu'on mettrait le doigt sur une partie de la problématique qui serait le vieillissement, et que, là, certaines personnes pourraient être pointées du doigt en disant: Bien, regardez, c'est vous autres, c'est à cause de vous autres, ceux qui sont en perte d'autonomie, que, moi, je suis obligé de payer tous les ans, puis... Comprenez-vous, à partir du moment où on sort une partie, à quel point il y a des gens qui pourraient être pointés du doigt là-dedans? Qu'est-ce que vous avez à répondre à ça?
M. Ménard (L. Jacques): Ça ne se veut pas une mesure, disons, discriminatoire...
M. Valois: Ça, je peux bien en présumer.
M. Ménard (L. Jacques): ...un reflet, disons, de la réalité. Je vais laisser juste Denis vous donner un élément de réponse.
M. Beauregard (Denis): Bien, écoutez, en gros, un des thèmes centraux de ce rapport-là, c'est l'équité intergénérationnelle. On a fait énormément de travaux pour attacher ça ensemble, pour faire en sorte que les jeunes ? notre représentant des jeunes sur le comité ? ne se taperont pas notre facture à nous autres quand le temps viendra, et avec probablement des craintes très justifiées, si on prend ça à même l'assiette fiscale de l'heure, que, quand leur tour viendra, bien il n'y aura plus d'argent dans le pot puis ils n'auront même pas, eux, les services qu'ils nous auront payés. Alors, essentiellement, le point central de notre recommandation, c'est celui-là. C'est un système qui fonctionne ailleurs, dans des sociétés qui n'ont pas encore même le problème de vieillissement accéléré qu'on a, nous autres.
Une voix: L'Allemagne.
M. Beauregard (Denis): L'Allemagne, ça existe en France, ça existe en Autriche, je pense, en tout cas dans quatre, cinq pays, Hollande ou... Ça existe ailleurs, ça se fait. Bon.
Et il y a toutes sortes de façon de payer ça. Nous, ce qu'on a dit, c'est: Le grand principe, là... Attention, on ne refilera pas une facture pareille aux jeunes qui sont sur les bancs d'école aujourd'hui. Ils vont être deux pour un, tantôt, à travailler pour un qui ne travaille pas, qui est trop jeune ou qui est trop vieux. Ça n'a pas de bon sens, là, tu sais, c'est une injustice totale. On ne fera pas ça, on ne signera pas ça. Alors, on s'est en allé vers un système qui existe, qui a été éprouvé. Il y a peut-être autre chose, hein? Dans les modalités d'application, nous autres, on vous a exposé ce qu'on pensait être viable, mais, si autre chose est meilleur, tant mieux, mais à la condition de respecter l'équité intergénérationnelle. Pour nous, on en a fait un thème central du rapport.
n
(12 h 20)
n
M. Ménard (L. Jacques): Et que ces sommes-là, quelle que soit la méthode, M. le député, soient mises de côté pour ces générations-là, ne soient pas agglomérées dans le fonds consolidé nécessairement. On a des expériences, là, disons, je dirais, assez récentes et aussi d'il y a plusieurs années, de fonds qui étaient destinés à une cause puis qui... Alors, les jeunes qu'on a interpellés pendant les trois mois où on a parcouru le Québec nous disaient: On veut bien, à 25, 26, 27 ans, commencer à contribuer, mais garantissez-nous qu'à terme ces ressources-là vont être là lorsque notre tour va venir. Et l'expérience récente avec certaines agences n'est pas encourageante à cet effet-là. C'est pour ça que, dans notre cas, on propose que les sommes qui seraient prélevées seraient confiées au Régime de rentes du Québec et seraient distribuées selon les modalités dont M. Bernard a parlé.
M. Valois: Très rapidement, juste vous dire aussi qu'une autre crainte qui nous a été apportée, notamment par tous les gens qui s'occupent des personnes ayant des limitations fonctionnelles, les personnes handicapées, c'est de dire qu'aujourd'hui, pour certains services, lorsque vous arrivez de la Société d'assurance automobile, lorsque vous arrivez de la Commission de santé et sécurité, lorsque vous arrivez finalement de régimes assurés et que vous arrivez en demandant des services dans le réseau, bien, bien souvent vous les avez parce que vous arrivez par ça. Ne pensez-vous pas qu'à long terme les services qui seront visés par cette caisse-là pourraient faire en sorte qu'on se retrouve aussi avec cette même situation là, où, parce que, moi, je suis cotisant dans... Bien, nous avons tous été cotisants, mais, parce que ce sont des services qui sont offerts notamment pour perte d'autonomie, bien là, nous, on peut recevoir les services, mais d'autres personnes pourraient finalement, peut-être même sur d'autres services, voir d'autres services se faire mettre de côté, parce que, là, on aura privilégié quelque chose? Vous n'avez pas peur qu'à terme il puisse arriver encore une fois ce qui arrive présentement avec la CSST ou la SAAQ avec ce système-là, qui est comme un système d'assurance aussi où on pourra avoir deux niveaux d'intervention?
M. Ménard (L. Jacques): Denis, commence, et je vais finir.
M. Beauregard (Denis): C'est un régime d'assurance. Alors, les gens s'assurent contre un risque, le risque qu'est la perte d'autonomie. Alors, ça n'arrivera peut-être pas, ça va peut-être arriver. On mutualise le risque, de sorte que la personne qui est vraiment en perte d'autonomie n'aura pas à se taper elle-même les coûts totaux de ça. On mutualise. Il y a d'autres risques dans la société, c'est évident, mais ce qu'on se dit, c'est, par exemple... Bon, quand on travaille et qu'on a un accident, bien, encore là, tu sais, c'est une mutuelle d'assurance, la CSST. Alors, on a assuré des risques. Avec les cotisations, on verse des prestations. Ce régime-là, c'est un autre régime d'assurance, et ça couvre ce champ-là. Et pourquoi? Bien, parce que, quant à nous, là, c'est probablement le problème le plus important en termes de services puis en termes de financement qui nous guette. Alors, aussi bien de nous attaquer aux grosses affaires puis essayer au moins de couvrir celles-là.
M. Ménard (L. Jacques): Et c'est le CSSS qui, lui... C'est cette agence-là, donc c'est le gouvernement, à terme, qui mesurerait le degré de perte d'autonomie d'un contribuable donné, qui grefferait un bénéfice monétaire qui, lui, pourrait être distribué de la façon dont on l'a expliqué tout à l'heure. Alors, ce ne serait pas un «free-for-all», dans le sens que le degré de perte d'autonomie... Puis Dieu sait, comme on sait déjà, avec des régimes actuels, qu'on a déjà maîtrisé les façons d'évaluer ces risques ou ces degrés de perte d'autonomie présentement.
M. Valois: Je vous remercie beaucoup. Bien, au nom aussi du député de Borduas, qui est critique officiel en matière de santé, bien, je vous remercie beaucoup de votre présence.
M. Ménard (L. Jacques): Merci.
La Présidente (Mme James): Alors, à mon tour de vous remercier, M. Ménard, M. Chicoine, M. Bernard et M. Beauregard, pour votre présentation et participation à cette commission parlementaire. Merci.
Alors, je demanderais aux représentants et représentante du Regroupement des aidantes et aidants naturel-le-s de Montréal de prendre place pour leur présentation.
Je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
(Reprise à 12 h 25)
La Présidente (Mme James): Alors, bienvenue aux représentants et représentante du Regroupement des aidantes et aidants naturel-le-s de Montréal à cette commission parlementaire. Vous aurez 20 minutes initiales pour la présentation de votre mémoire, et par la suite on procédera à la période d'échange avec les parlementaires. Je vais vous aviser, vous indiquer lorsqu'il vous reste trois minutes afin de vous permettre de bien gérer votre temps.
Alors, sur ça, je demanderais à la porte-parole officielle, officielle ou principale, de bien vouloir se présenter ainsi que les gens qui vous accompagnent. Allez-y.
Regroupement des aidantes et
aidants naturel-le-s de Montréal (RAANM)
M. Tardif (Mario): Oui, bonjour. Merci pour l'invitation de la commission. Mon nom est Mario Tardif, je suis organisateur communautaire au Regroupement des aidants naturels de Montréal. Je suis accompagné par Mme Claudette Chalifour, qui est membre de notre conseil d'administration et membre de notre comité Droit, et je suis accompagné de M. Roger Maheux, qui est membre de notre conseil d'administration et membre de notre comité Droit. C'est ça.
J'ai aussi apporté, je n'en ai peut-être pas forcément des exemplaires suffisants pour tout le monde, mais pour l'information, des dépliants, quelques exemplaires de nos journaux et quelques publications qu'on a faites.
La Présidente (Mme James): On peut se charger de faire les copies pour les membres de la commission.
M. Tardif (Mario): Je vous remercie. Donc, on va procéder... Notre commentaire est relativement court, donc on va procéder simplement par une lecture. On croit qu'on devrait en masse rentrer dans les 20 minutes. Donc, j'y vais.
C'est avec de nombreuses réserves et interrogations que le Regroupement des aidantes et aidants naturel-le-s de Montréal accueille les orientations du gouvernement québécois mises de l'avant dans son document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.
Nous sommes particulièrement inquiets de retrouver les éléments issus du rapport Ménard qui sont à notre sens très questionnables. Les questions posées par le financement et le développement de notre système de santé ne peuvent être traitées comme un simple élément complémentaire à la réponse du gouvernement québécois au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chaoulli. La pérennité de notre système de santé et de services sociaux mérite d'être étudiée avec soin et de faire l'objet d'un débat démocratique large, ce que ne permet pas le cadre présent.
De plus, les pistes de solution mises de l'avant dans le document de consultation sur les listes d'attente nous semblent discutables. Elles nous apparaissent marquées par un préjugé favorable à la privatisation de notre système de santé et de services sociaux. Elles ouvrent la porte à un recul des principes de démocratie, d'égalité, d'accessibilité, d'universalité et de gratuité qui sont à la base de notre système de santé et de services sociaux.
Mais, avant de présenter nos commentaires, nous tenons à donner un aperçu de la situation des proches aidantes au Québec, présenter le regroupement, émettre quelques commentaires sur le processus de consultation et revenir sur nos revendications en matière de santé.
Présentation des proches aidants. Les proches aidants, qu'on nomme parfois aidants naturels, sont des non-professionnels, non rémunérés, généralement des membres de la famille: fille, épouse, belle-fille, fils, beau-fils, qui soutiennent, par solidarité, amitié et amour, un proche en perte d'autonomie, avec des incapacités ou en fin de vie. Ce qui distingue les proches aidants des bénévoles est l'engagement émotif qui les lie aux personnes en besoin d'aide.
Les proches aidants sont impliqués auprès des personnes handicapées, avec des limitations intellectuelles, atteintes de maladies chroniques, etc. Il existe peu de données pour établir leur nombre. Cependant, nous savons que, selon le Conseil québécois de la famille et de l'enfance, il y aurait 1 million de personnes au Québec qui fournissent de l'aide à des personnes âgées, dont 150 000 personnes qui sont elles-mêmes âgées. Les familles et les proches fournissent entre 70 % et 85 % des soins et du soutien aux activités de la vie quotidienne et domestique des personnes en perte d'autonomie. La majorité des proches aidants s'occupent depuis au moins cinq ans de la même personne. Un proche aidant sur cinq le ferait depuis plus de 10 ans. De plus, 60 000 proches aidants, majoritairement des femmes, consacrent au moins 20 heures par semaine à la personne aidée.
n
(12 h 30)
n
Les proches aidants apportent cette aide sans véritable soutien et reconnaissance de l'État ou du réseau de la santé et des services sociaux. Cette situation occasionne diverses difficultés aux proches aidants. Parmi ces dernières, notons l'instrumentalisation des proches aidants par les professionnels du réseau de la santé et par le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'appauvrissement des proches aidants, l'épuisement, la dépression, etc.
En février 2003, les proches aidants membres du regroupement publiaient Le manifeste des proches aidants pour témoigner de leur réalité et aspirations. C'est pour cela que nous avons choisi de conclure cette présentation des proches aidants par un court extrait du manifeste. Extrait du manifeste:
«On nous appelle des "aidantes naturelles", mais qui sommes-nous...
«Nous ne sommes pas des préposées aux bénéficiaires, ni des auxiliaires familiales, et encore moins des infirmières. Pourtant, bon gré, mal gré, nous effectuons trop souvent toutes ces tâches. Nous ne sommes pas non plus des bénévoles bien que notre contribution soit gratuite, sans aucune compensation et même sans reconnaissance aucune.
«On nous appelle des "aidantes naturelles", ce qui cache trop souvent le fait que nous sommes la plupart du temps des femmes, quelquefois des hommes, qui sommes obligées, faute d'aide disponible, de consacrer tout notre temps et toute notre énergie à soutenir l'un de nos proches malades ou ayant des limitations fonctionnelles.
«C'est cette situation que nous voulons transformer. Ce que nous sommes vraiment, c'est la conjointe, le conjoint, la fille, le fils... d'un proche qui est malade, qui a des incapacités ou qui est en fin de vie. Nous ne voulons plus, à rabais, effectuer des tâches qui relèvent du réseau de la santé et des services sociaux. Oui, nous voulons soutenir un parent ou un conjoint en difficulté. Mais à notre rythme, sans être forcées. Nous ne voulons plus, comme aidantes, y laisser notre santé physique et mentale.» Fin de l'extrait.
Présentation du Regroupement des aidants naturels de Montréal. Fondé en 1992, le regroupement a pour mandat d'offrir un lieu où les proches aidants de l'île de Montréal peuvent s'informer, obtenir des références et se regrouper pour se solidariser; promouvoir l'émergence des groupes de proches aidants dans tous les secteurs sur l'île de Montréal; de promouvoir et défendre les droits des proches aidants; de sensibiliser les intervenants du secteur de la santé et des services sociaux, les pouvoirs publics ainsi que la population à la réalité des proches aidants; de contribuer au développement des connaissances sur la situation des proches aidants et à l'expérimentation de nouvelles formes de soutien.
Pour atteindre ces objectifs, nous organisons des ateliers d'information sur divers thèmes: les services d'aide à domicile, la fiscalité et les proches aidants, l'hébergement, etc.; nous produisons des documents de référence à l'intention des proches aidants; nous soutenons diverses recherches sur les problématiques touchant les proches aidants; nous soutenons la mise sur pied et la consolidation de groupes de soutien ou d'entraide locaux pour les proches aidants dans différents quartiers de Montréal.
Le regroupement est aussi membre du Regroupement des aidants naturels du Québec et de la Coalition Solidarité Santé.
Commentaires sur le processus de consultation. Le gouvernement du Québec avait promis un large débat public sur sa réponse au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chaoulli. Nous n'avons droit qu'à une commission parlementaire à Québec. Une commission itinérante, par exemple, aurait permis un débat plus large et plus démocratique.
Le gouvernement québécois a disposé de plusieurs mois pour élaborer sa réponse à l'arrêt Chaoulli. Nous comprenons que les questions posées par ce jugement soient complexes. Il est normal que le gouvernement prenne le temps nécessaire pour élaborer sa position dans ce genre de situation. Le gouvernement québécois a donc fait connaître sa réponse au jugement Chaoulli le 16 février 2006, mais les groupes et les citoyens n'ont que jusqu'au 24 mars pour faire connaître leurs réactions. C'est à peine plus d'un mois que le gouvernement du Québec a daigné laisser à sa population pour s'approprier et réfléchir sur ces enjeux complexes. On aurait voulu réduire le processus à un débat d'experts et d'initiés qu'on n'aurait pas agi autrement.
Néanmoins, les membres du regroupement ont pris leur courage à deux mains, se sont livrés un travail d'analyse du document de consultation Garantir l'accès: Un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Pour faciliter leur travail, ils ont décidé de porter leur attention plus spécifiquement sur le point 6: Les enjeux du financement du système de santé et de services sociaux. De plus, nous avons décidé d'endosser la déclaration commune que fait circuler la Coalition Solidarité Santé, voir en annexe.
Des besoins des aidantes et des personnes vulnérables. Depuis de nombreuses années, les personnes en perte d'autonomie vivant avec des limitations ou en fin de vie, de même que leurs familles, font face à une pénurie de services à domicile. Au cours des trois dernières années, le gouvernement n'a investi dans les services à domicile que 40 millions de dollars récurrents ? je vous épargne la source. Le Québec est toujours au dernier rang des provinces canadiennes pour ses investissements dans les services à domicile. D'ailleurs, les services à domicile représentent toujours moins de 2 % du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous sommes bien obligés de constater que les gouvernements successifs au Québec ont surtout offert des discours aux proches aidants et aux personnes qu'ils soutiennent.
Pourtant, il suffirait de bien peu pour améliorer radicalement la qualité de vie des personnes aidantes au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Premièrement, le gouvernement actuel avait promis de ramener le financement des services à domicile à la moyenne canadienne. Ce premier pas coûterait 386 millions selon nos estimations. Nous ne serions plus très loin des 611 millions de dollars que le sous-ministre à la Santé et aux Services sociaux estimait nécessaires pour rencontrer les besoins réels en 2002.
De plus, au cours des dernières années, le Québec s'est doté de politiques pour soutenir les proches aidants et les personnes aidées. Mais voilà, elles ne sont pas opérationnelles parce que non financées adéquatement. Pourtant, bien que perfectible, l'application cohérente de l'actuelle politique de services à domicile Chez soi: le premier choix, du plan d'action 2005-2010 pour les aînés en perte d'autonomie Un défi de solidarité constituerait un progrès important pour les proches aidants et les personnes qu'ils aident.
Nous ne prétendons pas qu'il suffit d'injecter de l'argent pour régler par miracle l'ensemble des problèmes que rencontrent les proches aidants et les personnes qu'ils soutiennent, mais nous savons qu'il faut plus que des discours et du brassage de structures.
L'étrange présence du rapport Ménard. Au risque de nous répéter, nous avons été surpris de voir des éléments du rapport Ménard intégrés à la réponse du gouvernement du québécois à l'arrêt Chaoulli. La pérennité de notre système de santé est une affaire trop sérieuse pour être traitée comme un point de détail. Ce sujet mérite en soi un large débat. Mais doit-on faire ce débat à partir d'un document aussi controversé que le rapport Ménard? Nous vous rappelons que ce rapport n'a pas réussi à avoir l'adhésion de tous les membres du Comité de travail sur la pérennité du système de santé et de services sociaux. Cela nous paraît comme des bases trop fragiles pour fonder notre réflexion.
Doit-on avoir peur de nos aînés? Le constat de base qu'on retrouve tout le long du point 6 du document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité est de présenter le vieillissement de la population comme une catastrophe. Nous retrouvions d'ailleurs la même approche dans le rapport Ménard. Pourtant, les travaux de plusieurs chercheurs universitaires réfutent cette vision alarmiste. Nous sommes aussi sidérés de voir l'emphase qui est mise sur le vieillissement de la population comme facteur d'augmentation des coûts de la santé face au silence qui est fait sur l'augmentation des coûts des médicaments et des nouvelles technologies.
Pourquoi un régime d'assurance contre la perte d'autonomie? Il existe une pluralité d'opinions au sein du regroupement sur divers sujets touchant l'organisation des services de santé. Cependant, l'unanimité de nos membres est très claire sur le fait qu'il faut rejeter l'idée d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. La création de cette caisse ne permet pas de répondre aux besoins actuels criants de la population en termes de services à domicile et n'offre aucune garantie de solidarité intergénérationnelle avec les aînés fragilisés d'aujourd'hui.
Aussi, il est inquiétant de voir des passages du texte laisser entendre que ce ne seront pas toutes les personnes qui contribueront à cette caisse. On est en droit de se demander quels seront les services existants pour les personnes qui n'auront pas cotisé. De plus, la création de cette caisse ne change rien à l'augmentation exponentielle des coûts des médicaments et des nouvelles technologies. Cette mesure n'est qu'une forme d'impôt déguisé.
Pour conclure, nous croyons que ce n'est pas en créant inutilement de nouvelles structures que les services vont s'améliorer. L'actuelle réforme du système de santé et de services sociaux qui a entraîné la création des CSSS n'a pas encore apporté d'amélioration des services pour les aidantes. Nous pouvons même témoigner du contraire. Il nous apparaît donc que la création de cette assurance contre la perte d'autonomie pose plus de questions qu'elle ne donne de réponses, et en ce sens cette idée doit être rejetée.
Conclusion. Nous aurions vraiment aimé pouvoir participer à un processus de consultation qui permette à la population de bien saisir les enjeux pour notre système de santé et de services sociaux contenus dans Garantir l'accès: un défi d'équilibre, d'efficience et de qualité, malheureusement ce n'est pas le cas.
Le regroupement ne partage pas l'idée que le vieillissement de la population soit en soi une catastrophe et le principal facteur d'augmentation des coûts du système de santé et des services sociaux. On peut même s'interroger si ce n'est pas plutôt un épouvantail pour nous faire oublier d'autres considérations comme la hausse des prix des médicaments et des nouvelles technologies.
Nous croyons que le rapport Ménard a été discrédité et nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement s'y réfère encore. De plus, on ne peut discuter de l'avenir de notre système de santé comme un simple point.
Le regroupement ne croit pas que la création d'une assurance perte d'autonomie soit une solution au défi qui nous attend pour assurer la pérennité de notre système de santé et de services sociaux. C'est maintenant que nous devons agir pour améliorer la vie des personnes en perte d'autonomie ou avec des limitations et leurs familles.
Pour terminer, nous joignons notre voix à celle de nombreux autres groupes qui questionnent la réponse que donne le gouvernement québécois à l'arrêt Chaoulli ? voir l'annexe. Je vais vous épargner la lecture de l'annexe. Vous aurez l'occasion de rencontrer la coalition mardi prochain, qui va reprendre plus en profondeur ces éléments-là.
La Présidente (Mme James): Alors, merci, M. Tardif. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
n
(12 h 40)
n
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Tardif, M. Maheux et Mme Chalifour. Je veux juste brièvement faire remarquer qu'il faut faire attention. Vous n'êtes pas d'accord avec le rapport Ménard, ça ne veut pas dire qu'il est discrédité; il y a du monde qui sont d'accord. Une société, c'est de même, des fois il y en a qui sont d'accord, des fois qui ne sont pas d'accord, mais ça ne veut pas dire que quelque chose est discrédité. On ne peut pas dire que quelque chose est discrédité parce que tout le monde n'est pas d'accord avec ça.
Je voulais vous parler spécifiquement du groupe que vous représentez, ce sont les proches aidants. Il y a des questions qui sont posées non seulement par le rapport Ménard, mais par d'autres également qui ont trait au financement et au soutien des aidants naturels mais également d'abord à la perspective d'avenir. C'est qu'il y a des éléments qui nous inquiètent quant à la situation des aidants naturels, non seulement celle d'aujourd'hui, mais celle de demain, par exemple le nombre absolu de personnes à la retraite ou moins actives par rapport au nombre de personnes actives puis également la fragmentation des familles qui fait qu'il y aura peut-être, dans l'avenir, encore moins d'aidants naturels qu'il y a ici. Est-ce que vous pensez également que la situation ne risque pas de s'aggraver avec les années?
M. Tardif (Mario): La problématique du vieillissement de la population, on est d'accord qu'on est devant un problème difficile, complexe, mais en même temps, moi, je vous poserais la question, on ne peut pas laisser... De toute façon, nous, notre position, comme organisme, O.K., c'est de dire que les familles déjà en font trop, O.K., que l'État n'assume pas sa part de responsabilité qu'il devrait assumer, O.K. Il y a comme une disproportion importante déjà dans la situation actuelle, O.K. Le vieillissement de la population peut causer un problème, va causer un problème. Ça, c'est une chose.
Ceci dit, la question qui est à se demander, c'est: Comment s'organiser pour se donner collectivement les moyens de répondre à ces questions-là. Par exemple, si l'un des problèmes rencontrés, c'est le manque de main-d'oeuvre active, bon, il faut peut-être penser au-delà de juste penser à des questions financières, il faut peut-être penser au niveau de l'immigration, de notre capacité à retenir les nouveaux arrivants pour qu'ils s'intègrent. Il faut peut-être penser aussi qu'est-ce qui ont été les bons coups dans les politiques qui favorisaient la natalité. A priori, juste le prendre du bout «on s'en va vers la catastrophe», sans se dire comment on fait pour éviter la catastrophe, vite de même, nous, ça ne passait pas.
C'est bien clair aussi que, je vous dirais, l'idée d'une caisse, quand on a travaillé là-dessus, l'histoire de la SAQ venait de sortir, on comprend bien que l'idée d'une caisse, ça n'a pas rassuré les gens. On est d'accord, hein, que ça va prendre plus d'argent, on est d'accord qu'il va bien falloir qu'il y ait quelqu'un qui paie, mais on est d'accord aussi qu'il faut la poser, cette question-là de ce fait-là honnêtement, de même, et que ça doit aussi se poser sur l'ensemble de la question de comment on crée la richesse et comment on la partage. Et c'est seulement dans ce cadre-là qu'on pourrait, en tout cas, initier un débat qui nous permettrait, là, de créer un véritable consensus.
M. Couillard: On va venir sur la question justement des solutions possibles, qu'on n'a pas encore... Le débat sur le financement, il ne se clôt pas avec cette commission parlementaire, il va se poursuivre par la suite.
Lorsque vous dites que les familles en font trop, vous avez raison, souvent c'est le cas. Ma mère, par exemple, s'est occupée de mon père dans les dernières semaines de sa vie presque toute seule, nuit et jour. Très fatigant. Elle le faisait également parce que c'était son mari. Mais il y a également des CHSLD pleins de monde qui n'ont jamais une seule visite de leur famille. Ça, ça existe aussi dans la réalité. Alors, il faut toujours, je dirais, donner un aperçu de la réalité qui est plus complexe que le noir ou le blanc.
Maintenant, si on regarde spécifiquement la question des disponibilités financières pour soutenir mieux les aidants naturels, moi, ce que je vous dis, c'est que ni un parti politique ni l'autre n'est en mesure de garantir ou de faire espérer une amélioration significative du soutien aux aidants naturels dans le contexte financier actuel, autre que les mesures fiscales puis le répit qu'il n'y a parfois pas assez, souvent pas assez d'ailleurs. Alors, il faut absolument trouver une façon de soutenir mieux les aidants naturels au coeur de la question de la perte d'autonomie à moyen puis à long terme, parce que, malgré les discours, il n'y en aura pas plus, d'argent dans 10, 15, 20 ans, pour ça. Il risque même d'y en avoir moins parce que, dans la structure de financement actuelle du système de santé, ce que vous donnez à un, vous l'enlevez à l'autre. Alors, ce n'est pas de même que ça va se passer. Ça ne pourra pas fonctionner comme ça.
Alors, il faut absolument, vu que vous êtes, vous, au coeur du débat, vous regroupez les aidants et les aidantes naturels, il faut absolument que vous apportiez une contribution, ce n'est pas nécessaire aujourd'hui, là, mais une contribution significative quant à une solution de financement notamment pour la perte d'autonomie puis les aidants naturels qui soit un peu plus élaborée que juste dire: On va augmenter les impôts. Ça ne marche pas. Donc, il faut que vous apportiez des propositions, pas nécessairement aujourd'hui, mais ce que je veux vous indiquer, c'est: Dans le mode de financement actuel du système de santé, si on continue dans ce mode-là, contons-nous pas d'histoires, il n'y aura pas plus d'argent dans cinq ans, 10 ans, 15 ans pour soutenir les aidants naturels qu'il n'y en a actuellement autre que par des mesures fiscales qu'on pourra bonifier, là, avec les années ou des méthodes de répit, des services de répit. Ça, c'est la réalité.
M. Tardif (Mario): Deux éléments. Premièrement, on fait le même constat qui est sur la situation actuelle. Ça va nous faire plaisir de travailler sur des pistes de solution, mais qu'on nous donne plus qu'un mois et demi.
M. Couillard: Les idées de financement...
M. Tardif (Mario): Non, je le sais. Mais je veux juste vous le dire.
M. Couillard: ...il y a en a pour des années à discuter de ça. Vous allez avoir le temps en masse.
M. Tardif (Mario): Non, je le sais. Mais en même temps il y a des mesures qui s'en viennent probablement rapidement.
M. Couillard: Pas dans le financement.
M. Tardif (Mario): Pas dans le financement?
M. Couillard: Non.
M. Tardif (Mario): O.K. Je suis content de l'entendre. J'apprécie.
M. Couillard: Non. Mais vous avez vraiment l'occasion de le faire, là, puis d'aller plus loin un peu que les débats simples, là, tu sais: Bon, on va continuer à taxer le monde indéfiniment jusqu'à temps qu'on ait assez d'argent. Ça ne marchera pas non plus, ça. Alors, il faut aborder la situation en n'ayant pas peur d'innover.
Puis il y a d'autres pays qui ont innové, qui ont fait ça avant nous. Je ne dis pas que la proposition d'une caisse pour la perte d'autonomie est valable en soi puis doit être immédiatement et dans son entier acceptée, mais on ne peut pas balayer du revers de la main non plus qu'il y a d'autres pays qui ne sont pas socialement moins avancés que nous, là, qui ont fait ce choix-là puis qui parfois ont un degré de vieillissement moins avancé que le Québec, en Europe notamment.
M. Tardif (Mario): Il faut regarder l'ensemble de l'organisation. Moi, je n'ai pas la prétention, hein, de pouvoir faire un débat élaboré en ce moment sur les formes de financement. La seule chose sur laquelle je crois qu'on est d'accord, qu'il est clair qu'on est d'accord, c'est: Effectivement, ça va prendre, à un moment donné, un financement adéquat puis, oui, ça va demander un débat sérieux pour être capable de construire un consensus social autour de ce débat adéquat là. Et, nous, on va être prêts à être présents pour faire ce débat-là dans des conditions qui ont de l'allure. Puis on n'a pas peur qu'elles vont se présenter, ces conditions-là.
Au niveau maintenant de comment soutenir les aidants, de façon générale, le choix de notre groupe, sans être exclusif... C'est clair que, nous, notre choix, c'est le répit. c'est le soutien, plus que les mesures fiscales parce qu'on considère que ça a de façon générale un impact plus direct sur le vécu des personnes, sur leur capacité à respirer, prendre du temps, faire le point sur leur vie et éviter leur isolement.
Donc ça, c'est quand même une position, je vous dirais, qui est historique au niveau du regroupement, puis je n'erre pas en la mettant de l'avant.
M. Couillard: Merci.
La Présidente (Mme James): C'est beau? Alors, M. le député de Valois... de Joliette.
M. Valois: Député de Joliette, oui. Joliette qui, soit dit en passant, n'est pas le coureur des bois et l'explorateur, pas du tout, c'est le gars qui a fondé la ville du coin. Au-delà de ça... Non, mais c'est important de le dire parce que bien du monde pense que c'est historique, et tout ça. Alors, les choses étant, là, pour bien me situer, là...
Je vous souhaite la bienvenue. Merci beaucoup de vous présenter devant cette commission, de venir nous apporter les réflexions que vous avez. Essentiellement, ce qu'on comprend, c'est que, bon, plusieurs choses semblent vous déplaire dans la façon puis dans la proposition aussi. Moi, c'est notamment sur tout ce régime, là, pour ce qui est de la perte d'autonomie. Vraiment, vous semblez trouver que ce n'est pas une bonne solution, alors qu'il me semble qu'à terme ce régime-là, pour ce qui est vos clientèles, vous seriez peut-être les premières personnes à en bénéficier. Bien, vous étiez là tout à l'heure lorsque j'ai... J'ai quand même intervenu auprès de M. Ménard, là. J'ai toutes sortes d'interrogations, moi aussi, sur ce régime-là. Mais quand même vous semblez être d'abord, avec le groupe que vous représentez, ceux qui pourraient, si quelque chose semblable arrivait, être les premiers bénéficiaires d'un tel régime, dans le sens où vous seriez les chanceux qui seraient assurés, là. Et là vous nous dites que, bon, vous avez des problèmes avec ça. Je veux vraiment plus vous entendre là-dessus.
M. Tardif (Mario): Dans un premier temps, je tiens à préciser comment on a élaboré notre mémoire. Ça a été l'issue d'une rencontre collective avec les membres. O.K.? Donc, on s'est assis avec les membres intéressés, on a lu la section et on a rencontré surtout des questions, ce qui a fait que, devant le fait qu'on avait plus de questions que n'importe quoi, on s'est dit: On va se mettre dans une position de rejet.
Maintenant, première question qui... Bon, le principe d'une assurance, d'une caisse, surtout que c'était émis, présent dans le document, tu as toujours la question de savoir qui va être couvert, qui ne va pas être couvert. O.K. Non, mais, il y a, dans le document de consultation, un passage qui n'est pas clair, qui n'est peut-être pas dangereux, là, mais qui dit: Comme la plupart des gens auront cotisé... Donc, on s'est dit: Ça veut dire quoi «comme la plupart»? Ça veut-u dire que les gens qui n'ont pas cotisé vont être à l'extérieur de ça? Non, mais on ne le sait pas. L'une des réalités que connaissent les aidants qui doivent quitter leur travail, c'est qu'ils perdent du régime des rentes, donc se retrouvent exclus, souvent ils n'ont droit à à peu près rien au chômage. Ça a quand même des impacts, là, financiers à long terme.
n
(12 h 50)
n
Mme Chalifour (Claudette): Surtout quand ils quittent leur travail. S'ils reviennent 10 ans plus tard, bien c'est complètement désuet, là, le milieu a tellement évolué. Mettons, si on parle du milieu de l'informatique ou d'autres domaines, ils se retrouvent en bas de la liste pour essayer de retrouver un travail qu'elles ont quitté il y a x années pour aider la famille. Alors, voyez-vous, il y a ces enjeux-là. Elles se retrouvent dans la pauvreté finalement et sans travail quand le parent décède ou qu'il part pour aller vraiment à l'hôpital pour terminer vraiment ses jours. Alors ça, c'est très critique, la situation des aidants à ce niveau-là, parce qu'il y a hommes et femmes dans les aidants évidemment, on l'a mentionné.
Maintenant, avant d'arriver à cette étape-là, je veux dire, il y a aussi la période qu'a soulignée mon collègue Mario Tardif, c'est que les gens se retrouvent tellement seuls avec les problèmes de la famille. Et la famille dit: Bien, c'est une personne sur qui on peut compter, alors on lui laisse à tout jamais la tâche d'accompagner le père ou la mère, ou qu'importe la situation, là, si c'est un jeune qui a eu un accident et puis qui est handicapé, perte d'autonomie. Alors, ces gens-là, il y a cet aspect moral sur lequel on veut vraiment insister beaucoup. Elles se retrouvent seules dans les problèmes et, avant d'arriver à la dépression, il y a des périodes d'isolement très grand, il y a des périodes d'inquiétude, de tension, d'insomnie. Parce qu'un aidant, il porte le problème 24 heures par jour. Alors, s'il porte le problème pendant un an, deux ans, cinq ans, dix ans et même 20 ans dans certains cas, voyez-vous, il ne faut pas négliger cet aspect-là. On a besoin surtout d'avoir du répit, de pouvoir en sortir, d'avoir de l'aide à tous les niveaux: sur le plan physique, émotionnel, psychologique.
M. Tardif (Mario): L'autre élément qui nous questionnait beaucoup, c'était de sortir du régime général une partie de la population. On trouvait difficile de concevoir que, parce que j'ai une maladie, un handicap à long terme, je suis sur un régime distinct et je ne suis pas dans le régime général. Donc, on se demandait dans quelle mesure ça nous garantissait, là... Bon, c'est sûr que les CSSS sont appelés à organiser ces services-là, mais ils peuvent les diriger autant vers l'économie sociale que vers les agences, puis notre expérience de ces formes de privatisation là, c'est des gens mal formés, du personnel qui roule. Il y a un problème là aussi.
Donc, il y a comme une espèce d'inquiétude de dire: Quel va être l'impact de retirer du régime général une partie de la population? Pourquoi? Parce que la personne que je suis est rendue handicapée, à long terme, ah, elle n'est plus couverte par le régime général. Donc, ça, ça nous apparaissait difficile à comprendre, un traitement différent. On comprend que ça prend un traitement différent pour les réalités, mais on ne comprenait pas pourquoi l'institutionnaliser, là, dans une caisse distincte. Ça, ça ne nous apparaissait pas clair, ça ne nous apparaissait pas clair comme finalité, comme cohérence aussi. Puis au fond il y avait comme une espèce de crainte éventuellement d'une nouvelle porte d'ouverture à une forme plus étendue de privatisation, qu'il y ait plus de services... que des services achetés par la caisse ne soient pas livrés par le CSSS, par des professionnels de la santé reconnus comme on a vu un peu là... en tout cas, comme on peut le voir en ce moment trop souvent.
M. Valois: Mais, vous dites que, par rapport justement à tous les services auprès des aidants naturels, c'est beaucoup... Et d'ailleurs d'autres groupes qui sont venus nous voir disaient bien souvent: C'est bien souvent les familles elles-mêmes, les parents eux-mêmes qui ont commencé à s'offrir ces services-là, qui ont été les premiers à élaborer la gamme de services qu'ils peuvent s'offrir, comprenant que, quand je dis «gamme de services», là, je comprends la situation dans laquelle vous êtes, mais les quelques services qui sont là, tout ce qui s'appelle aussi l'économie sociale, tout ce qui est en mouvement sur le terrain, qui est très présent et qui a besoin ? et c'est très important de nous en parler, là, on est carrément dans les services sociaux, là; qui a besoin ? du support de l'État. Et ça, je vous comprends très bien.
Mais, vous, comme vous avez vu par rapport aux documents qu'il y avait beaucoup d'interrogations, il y avait beaucoup de questionnement, dans un premier temps, votre réflexe était de finalement rejeter les propositions qui étaient apportées.
Est-ce que, dans la suite des choses, vous avez rencontré... J'imagine que vous le faites régulièrement, là, mais est-ce que vous allez faire un suivi par rapport à la suite des... Bien, il va y avoir une suite des choses, il va y avoir une loi qui va être déposée, il va y avoir ces choses-là, il va y avoir aussi certainement des indications par rapport à un débat plus large qui doit s'ouvrir, et, par rapport à ça, plutôt que d'arriver et entrer dans le débat, je pourrais dire en réaction par rapport à une proposition, est-ce que vous êtes déjà, avec vos gens, à élaborer vous-mêmes, là, bon, tu sais: C'est quoi, nos attentes par rapport au financement, c'est quoi, nos attentes par rapport à un système qui fait en sorte que, bien, ça demeure collectif, ça demeure universel? Est-ce que vous avez prévu faire ce type d'action là avec les gens que vous représentez?
M. Tardif (Mario): Nous, nos instances, là, dans le cadre de ce qu'on appelle notre comité Droit, ces genres de questions là sont régulièrement posées. En ce moment, on travaille avec les CSSS de l'île de Montréal, O.K., pour l'implantation des services, tout le rebrassage, puis on travaille positivement. O.K. Puis on a juste hâte de pouvoir dire le contraire de qu'est-ce qu'on a écrit là-dedans, que, là, on voit des effets positifs. O.K.?
M. Valois: Tout le monde a envie de vous entendre dire ça.
M. Tardif (Mario): Bien, nous aussi, on a juste hâte de pouvoir le dire. O.K.?
M. Valois: Oui, c'est ça, bien...
Une voix: Laissez-vous aller.
M. Tardif (Mario): Mais on ne veut pas encore le constater. Quand on le constatera, ça nous fera plaisir de le dire, et on travaille positivement pour faire avancer les choses, et c'est des débats qui reviennent dans nos instances régulièrement. C'est ça.
Mais il y a une affaire qui nous apparaît claire, c'est que, pour faire un débat, il faut avoir le temps, O.K., et il faut donner les outils nécessaires et pertinents à des gens qui ne sont pas des économistes, qui ne sont pas les professionnels, pas des actuaires. À un moment donné, il y a comme un travail à faire aussi pour que les documents mis de l'avant permettent de faire une véritable réflexion puis qu'on n'arrive pas à se dire: Bien là on a trop de questions parce qu'il y a trop de vide, il y a trop de trous. À notre point de vue évidemment.
M. Valois: O.K.
M. Tardif (Mario): Puis là dire: Ah! Puis, c'est ça, de ne pas se... C'est ça, puis d'avoir le temps d'établir... Ça nous ferait plaisir. Puis, c'est clair, on s'entend, je ne suis pas sûr que... Si, demain matin, on arrive avec une série de propositions positives, bien arrangées, je crois que personne ne s'attend à ce qu'elles passent intégralement, mais on espère par contre d'avoir une influence positive.
M. Valois: C'est le lieu pour. On vous remercie d'ailleurs, aujourd'hui, de votre présentation et du document que vous déposez. Merci.
La Présidente (Mme James): Alors, merci beaucoup, M. Tardif, M. Maheux et Mme Chalifour, pour votre présentation de la part du Regroupement des aidants et aidantes naturel-le-s de Montréal.
Et j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre! Alors, la commission reprend ses travaux. Je vais faire lecture de l'ordre du jour pour cet après-midi. Nous poursuivons évidemment nos consultations générales et nos auditions sur le document de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Nous allons débuter dans quelques instants avec les représentants du Collectif vigilance Petite-Nation; autour de 16 heures, ce sera l'audition du Regroupement des cuisines collectives du Québec; et terminer ce beau vendredi après-midi avec l'Association de professionnelles et professionnels à la retraite du Québec.
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants du Collectif vigilance Petite-Nation. M. Ippersiel, M. le président, bonjour. Est-ce que je le prononce bien?
Le Collectif vigilance Petite-Nation
M. Ippersiel (Pierre): Oui. Ippersiel.
Le Président (M. Copeman): Ippersiel. Ça peut varier si on lui donne une connotation anglaise, ou française, ou...
M. Ippersiel (Pierre): Je vous laisse le choix, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Pardon?
M. Ippersiel (Pierre): Je vous laisse le choix.
Le Président (M. Copeman): C'est gentil. Alors, M. le président, bonjour. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure. Et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite de débuter votre présentation.
M. Ippersiel (Pierre): M. le Président, messieurs, mesdames de cette commission, merci d'abord de nous accueillir, de nous recevoir. Il me fait plaisir de vous présenter d'abord, à ma gauche, Mme Géraldine Hutton, retraitée, habitant le territoire de la MRC Papineau; à ma droite, André Dupuis, retraité également, du territoire de la MRC Papineau; et, à mon extrême droite, M. Michel Shields, homme d'affaires ? donc il n'est pas retraité, Michel ? du territoire de la MRC Papineau.
Je vous dirais d'entrée de jeu, M. le Président, que pour nous, c'est significatif de nous retrouver dans la salle Papineau. Nous sommes tous originaires de la MRC Papineau, et je vous avoue qu'on voudrait bien être des têtes à Papineau pour la présentation de notre mémoire. Enfin, nous allons essayer d'être à la hauteur.
Nous sommes un groupe de bénévoles, de gens de la MRC de Papineau. Nous avons fondé, il y a déjà plus de deux ans, un OSBL qui compte actuellement près de 1 100 membres, recrutés presque essentiellement sur le territoire de la MRC Papineau. Il nous est apparu important de participer aux travaux de cette commission, au processus de consultation. Nous sommes des gens qui avons été engagés dans le réseau de la santé. Nous sommes des gens qui avons beaucoup à coeur ce réseau, et nous pensions qu'il était important d'apporter un grain de sel ou une opinion sur le processus de consultation.
Je veux dire d'entrée de jeu que le groupe, le collectif adhère fondamentalement aux orientations de ce que l'histoire appellera sans doute la réforme Couillard, compte tenu de son ampleur, de son importance et de ses impacts. J'ajouterais que personnellement, pour avoir eu le privilège de signer le rapport de la commission Clair, je me réjouis de voir que le ministre Couillard pousse, au fond, plus loin encore un certain nombre de conclusions et de recommandations que nous avions identifiées dans cette commission. C'est donc une adhésion totale du collectif aux orientations de cette réforme, de ces changements majeurs dans le réseau.
Le collectif ne veut en aucune façon revenir en arrière. Simplement, le collectif pense que l'application, la lecture et l'interprétation que l'Agence régionale de l'Outaouais a faites de cette orientation nous semblent problématiques. Nous pensons qu'en créant le Centre de santé et de services sociaux de Papineau l'Agence régionale de l'Outaouais s'est plutôt collée sur un territoire politique, le comté de Papineau, plutôt que de respecter un territoire administratif de référence, la MRC Papineau.
En procédant ainsi, l'agence créait un CSSSP où se trouvent deux groupes populationnels très différents: une population urbaine, la ville de Gatineau, qui compte un quart de million, et une population rurale, la MRC Papineau. On pense que ce mixte, que ce mélange ne permet pas d'atteindre de façon optimale les objectifs de ce que l'on tente de faire dans la réforme en cours.
Ce choix faisait en sorte que la MRC Papineau se retrouvait la seule MRC en Outaouais qui n'avait pas son centre de santé, alors que les MRC entourant la grande ville de Gatineau, qu'il s'agisse de Pontiac, de La Vallée-de-la-Gatineau, toutes ces MRC donc ont leur centre de santé. Seule la MRC Papineau se retrouvait dans une situation un peu exceptionnelle donc où on mêlait la réalité urbaine et la réalité rurale. Ce choix allait entraîner un certain nombre de conséquences. Je me permets d'en énumérer quelques-unes.
Les données sociodémographiques à partir desquelles on veut faire la planification sont continuellement problématiques parce que le secteur ouest du CSSS, qui correspond donc au secteur est de la ville de Gatineau, est un secteur de jeunes familles, de natalité assez forte, de milieux plus jeunes donc plus organisés autour du milieu du travail de la ville de Gatineau et constitue le bassin de population majoritaire, alors que le secteur ouest, donc la MRC Papineau, avec 21 000 de population, se trouve un groupe finalement beaucoup plus faible dans cette MRC, et les données sociodémographiques sont complètement différentes selon que l'on s'adresse à un secteur ou à un autre.
Je vais l'illustrer par une seule statistique. Quand on prend l'ensemble de la population desservie par le CSSSP, on dit: Il y a 12 % à 13 % de personnes qui ont 65 ans et plus. Mais au fond, quand on prend l'ensemble urbain Gatineau, on a 8 % à 9 %, alors que, quand on prend l'ensemble MRC Papineau, on parle de 20 %, 22 %, 23 % de 65 ans et plus. Alors, il y a une distorsion continuelle au niveau des données sociodémographiques, et à notre avis cela va compliquer considérablement le projet clinique qui est l'ossature même de cette réforme dans laquelle nous sommes engagés.
Pour tenir compte des réalités populationnelles, on pense qu'il faudrait procéder à deux projets cliniques: un projet clinique desservant le secteur de la ville de Gatineau et un projet clinique desservant le secteur de la MRC Papineau.
Le document que le ministre, que M. Couillard a mis en consultation insiste évidemment sur cette nécessité de créer des réseaux, de créer un projet clinique. Et le collectif est convaincu qu'un projet clinique en réseau, en milieu urbain et en milieu rural, c'est deux réalités qui sont assez différentes, c'est deux réalités qui présentent des enjeux, des besoins de santé qui sont complètement différents.
n
(15 h 20)
n
Comme conséquence également de ces changements, le siège social, qui était avant au centre de notre MRC, à Saint-André-Avellin, est maintenant rendu dans la ville de Gatineau, et on constate depuis deux ans des glissements du secteur rural vers le secteur urbain qui nous inquiètent.
Également, quand l'agence a pris cette décision, elle avait donné un certain nombre de promesses et d'engagements qui ne nous semblent pas tout à fait conformes à ce qu'on attendait. On nous avait garanti que cette fusion, cette façon d'organiser les services, c'était la meilleure façon de rehausser les services, par exemple, médicaux à Saint-André-Avellin, d'avoir une véritable 24-7. Deux ans et quelques mois plus tard... deux ans plus tard, force est de constater que le résultat n'est pas atteint. L'agence, qui avait déjà vu que, dans cette fusion, il y avait un certain nombre de problèmes, avait créé un comité de suivi, pour reprendre ses mots, pour monitorer l'expérience; deux ans plus tard, ce comité s'est réuni une seule fois et n'a produit ni procès-verbal ni même ordre du jour.
Alors, il y a un certain nombre de conséquences qui découlent, qui font en sorte que notre groupe est un peu inquiet. Encore une fois, je le répète et je vais le répéter tout au long de cette présentation, non pas sur les orientations de cette réforme, on les achète complètement, c'est sur son application en Outaouais que sont nos réserves. Je vais demander à mon collègue André de dire quelques mots sur la question de la santé physique et de la réalité des effectifs médicaux.
M. Dupuis (André): Bon. Au départ, sur 21 000 de population, dans la MRC de Papineau, seulement 8 000 ont un médecin de famille, ce qui représente 40 % de la population qui ont un médecin de famille. Qui plus est, il y a actuellement huit médecins qui pratiquent en clinique privée, qui pratiquent en solo en pratique privée, et, de ce nombre, il y a trois médecins qui sont en fin de carrière.
De plus, on a appris, au niveau de notre centre de services de santé et de services sociaux Papineau, que toute la dynamique des groupes de médecine familiale ne font pas partie des priorités de notre centre de santé. Alors, vous comprendrez que ça limite la pratique médicale en réseau. Et un effet pervers de cette situation, c'est que, de plus en plus, on a des patients qui vont consulter en Ontario, particulièrement à Hawkesbury et une bonne partie aussi au niveau d'Ottawa, là où les médecins ont une ouverture et où les gens peuvent trouver en dernière instance un médecin de famille. Je pense que ça résume, là.
M. Ippersiel (Pierre): Merci, André. Un autre volet très important de nos préoccupations se situe au niveau de la santé mentale, et je vais demander à Michel de nous communiquer quelques aspects importants de cette problématique.
M. Shields (Michel): Messieurs dames. En rapport avec mon travail, naturellement, comme thanatologue, j'ai eu, au cours de 2005, l'occasion d'assister entre 12 et 15 familles endeuillées en raison de suicides, et ce constat-là est vraiment déplorable dans la MRC Papineau. Et la majorité de ces suicides-là se situent chez les hommes âgés de 25 à 40 ans. Une cause première parmi tant d'autres: les fermetures d'entreprise. Exemple: à Fassett, une petite industrie de bois ferme; également plein d'autres causes, des pertes d'emplois pour différentes raisons.
On doit déplorer dans tout ça un manque d'organisation qui existait déjà mais, pour toutes sortes de raison, n'existe plus. On n'est pas capable d'apporter l'encadrement nécessaire en santé mentale, dans des situations très pointues comme, exemple, fermeture d'une entreprise. Donc, c'est une situation qu'on voulait apporter à votre attention, et qui est vraiment déplorable, dans la MRC Papineau, et qui mérite grandement à être prise en charge dans les plus brefs délais. Merci.
M. Ippersiel (Pierre): Pour continuer notre présentation, vous avez vu que, dans notre mémoire, on avait une préoccupation du côté de toute la question de la problématique d'ouverture envers le privé. Et là-dessus aussi nous avons quelques recommandations, et je vais demander à Mme Hutton de vous présenter cette partie de notre mémoire.
Mme Hutton (Géraldine): Bonjour. Pour commencer, la question de privé versus public ou en collaboration avec le public, le collectif croit que nous devrons, à ce moment-ci, faire appel au secteur privé pour aider à maintenir notre secteur fort, public et consolider notre réseau. L'analyse que le document de consultation a faite au niveau des expériences dans les autres pays sont intéressantes, et on est certains que le ministre veut aller plus loin au niveau de ces aspects-là.
Au niveau de ces aspects-là, on croit qu'on peut développer au niveau du Québec, et pas juste au niveau de Montréal et Québec, mais aussi à travers le Québec, peut-être plus graduellement que prévu, des cliniques privées partenaires avec le ministère et avec les établissements ou les CSSS.
Justement, j'arrive de Vancouver, j'ai eu la chance de voir deux cliniques privées. Présentement, en Colombie-Britannique, il y en a 16, cliniques privées. Parmi ces 16 cliniques privées, ils donnent des services à partir de la chirurgie avec l'anesthésie générale jusqu'à l'anesthésie locale. Également, ils offrent des services qui sont plutôt des diagnostics également.
Les médecins en Colombie-Britannique sont payés par l'équivalent de la Régie de l'assurance maladie, s'ils ne sont pas... ils ne chargent pas en surplus. Mais pourtant, jusqu'à ce moment-ci ? et probablement ça va changer avec les décisions qui sont en train de se prendre au niveau de cette province ? en ce qui concerne tout ce qui touche les autres aspects des cliniques privées, c'était financé plutôt par, moi, je dirais, les employeurs ou les équivalents de la SAAQ ici, ou la Gendarmerie royale, l'armée canadienne, puis d'autres... d'autres patrons, comme on peut dire, pour que les clients puissent retourner plus vite au niveau de leur travail.
C'est certain qu'au niveau de ces cliniques il y a un comité qui a été mis sur pied par la Colombie-Britannique, le ministre de la Santé, pour donner des avis puis indiquer quels services qui peuvent être offerts au niveau des services de chirurgie dans ces cliniques.
Au niveau de l'aspect de la capacité de payer pour les services, on pense qu'il y en a, des possibilités de regarder déjà au niveau... à l'intérieur du Québec, la possibilité que les cliniques... les patients peuvent payer ou leurs familles peuvent payer une partie ou une franchise, un petit peu qu'est-ce que ça se fait au niveau de l'assurance médicaments présentement. On ne regarde pas qu'est-ce qui se passe ailleurs, je pense que vous avez eu déjà des aspects concrets au niveau des autres présenteurs au niveau de ces aspects-là. Donc, des franchises qui peuvent être faites pour les cataractes, puis tout ça, pour que les gens puissent avoir des services plus rapidement.
On dit également qu'il y en a, certains services, qui peuvent aller en privé rapidement, à cause du fait que... Comme par exemple les ophtalmologistes sont déjà en privé en offrant d'autres types de services comme tels. Ils peuvent peut-être prendre en charge les cataractes assez rapidement avec un paiement de l'État, au niveau des médecins spécialistes.
Au niveau de tout ce qui peut toucher, là, gérer l'accès aux services également, nous sommes d'accord avec cet aspect-là. Au niveau du phénomène des listes d'attente, par exemple, on croit que la situation actuelle est beaucoup plus pire que qu'est-ce qu'on pense à cause du fait que vraiment il y en a certains qui n'ont pas de médecin privé, donc ils sont déjà en attente, et l'attente entre la prise en charge par l'omnipraticien jusqu'au spécialiste et aussi à partir du diagnostic fait par le spécialiste et la mise sur la liste d'attente pour une chirurgie est également excessivement très longue. Donc, on peut, à ce moment-là, faire en sorte que la gérance de l'accès aux services se fait à partir de la première demande au spécialiste par l'omnipraticien au Québec.
En tout cas, nous avons déjà mis, dans l'Outaouais, un système d'accès aux services pour les clientèles qui vont en Ontario. Et c'est un système qui est quand même assez léger, hein? C'est un système qui est fait en collaboration avec la Régie d'assurance maladie du Québec, et je pense que ça fonctionne assez bien. Je pense que le fait qu'à partir de la demande initiale, au niveau de l'omnipratique, pour le client vers le médecin spécialiste peut être prise en charge au niveau des systèmes de gérance d'accès.
n
(15 h 30)
n
Le Président (M. Copeman): Mme Hutton, je veux vous aviser, il reste 2 min 15 s, à peu près.
Mme Hutton (Géraldine): Voilà.
M. Ippersiel (Pierre): Bien. Alors, je vais conclure assez rapidement sur trois points. J'ajoute ? c'est dans notre document, mais je tiens à le préciser: Le collectif a toujours maintenu, développé et cultivé une vision régionale de l'organisation de services. Nous sommes basés dans une MRC, mais nous avons toujours eu une préoccupation de garder une vision régionale de l'organisation de services qui nous a amenés, par exemple, à recommander à l'agence régionale de développer, au centre hospitalier de Buckingham, un centre de gériatrie active, parce qu'il y a une carence en Outaouais, on a un problème en Outaouais qui est identifié depuis 1985. Il va falloir qu'un jour ou l'autre on mette le paquet là-dessus, développer une ressource en gériatrie active. Bon.
Donc, on a toujours été préoccupés par cette question-là. J'ai fait distribuer tantôt une carte qui vous donne la vision géographique. Dans la ville de Gatineau, il y a deux gros centres hospitaliers, ce qui était Hull autrefois et Gatineau. Nous, on pense que, si le centre hospitalier de Buckingham était intégré dans ce réseau-là et devenait un centre de gériatrie active, ce serait un immense plus dans l'Outaouais et un immense levier pour nous amener à régler des problèmes.
Et finalement, mon dernier point, dans notre document, nous ne demandons pas des défusions ou des choses du genre. Ce que nous demandons, c'est un ajustement des territoires. Nous savons que le ministre tient à 95, le nombre de centres de santé. Nous adhérons à ce nombre. Simplement, on a dit: Pourquoi ne pas procéder à un aménagement de territoire qui respecterait la dynamique rurale qui est la nôtre et qui aiderait la dynamique urbaine en créant ce centre de gériatrie active? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, messieurs madame. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs et madame, pour votre présentation. Effectivement, je vous transmets les salutations de M. MacMillan, le député de votre coin, qui est retourné dans l'Outaouais, aujourd'hui, pour des heureux événements d'ailleurs avec les voisins ontariens et qui m'informe assez régulièrement de la situation dans son coin, dans le domaine de la santé, et notamment la situation dans la Petite-Nation. Et, sans nier le fait qu'il y a encore, je dirais, du chemin à faire devant nous, il y a quand même certains progrès qui ont été accomplis, notamment au niveau des effectifs médicaux. Je pense que vous allez le reconnaître, là.
D'ailleurs, M. MacMillan a été assez actif dans ce domaine-là pour aller chercher des médecins. On me dit qu'il y a plusieurs nouveaux médecins qui sont arrivés. Et ça, il y aura bien des gens au Québec qui aimeraient en avoir également, mais on sait qu'en Outaouais, le problème de pénurie médicale était important. On dit que, depuis l'automne 2004, il y a quatre médecins qui ont joint l'équipe: un à temps complet dans la Petite-Nation; deux autres pratiquent leurs pratiques entre l'urgence de la Petite-Nation, les soins intensifs, l'hospitalisation et l'urgence de l'hôpital de Papineau; le dernier médecin, arrivé le 13 mars 2006, travaille au centre d'hébergement et l'urgence CLSC de la Petite-Nation ainsi qu'à l'hôpital de Papineau. Et trois autres médecins vont se joindre au CSSS de Papineau. On n'avait pas eu de niveau de recrutement comme ça depuis longtemps dans votre coin. Je pense qu'il faut reconnaître ça.
Est-ce que c'est entièrement la nouvelle façon d'organiser les services qui est responsable? Peut-être pas complètement, mais peut-être que oui également. En créant cette masse critique, je pense qu'on a amélioré la possibilité de se concerter pour les recrutements. Il y a une journée d'ouverture de plus à l'urgence de la Petite-Nation, et on est en bonne voie pour arriver au 24/7.
Il y a le statut de l'urgence pour la rémunération différenciée des médecins également qui a été recommandée par l'agence, une demande qui est en cours d'analyse au ministère. Le projet de renouvellement de la salle d'urgence également avance bien. Puis je note que, dans les priorités stratégiques 2005-2010 du CSSS, l'amélioration de l'accès à certains services dans la Petite-Nation est en deuxième place. Alors, certainement que vous avez dû avoir un impact... ou les représentants de votre district au conseil d'administration ont dû avoir un impact dans le choix des priorités. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais il y a quand même des progrès qui se font, et c'est toujours important de reconnaître les progrès autant que le chemin et le défi qui est devant nous.
Je voudrais savoir, M. Ippersil ou Ippersiel: Est-ce qu'on a statué sur la façon dont on prononce notre nom finalement ou ça demeure ouvert complètement?
M. Ippersiel (Pierre): Ippersiel.
M. Couillard: Ippersiel. Vous avez participé à la commission Clair?
M. Ippersiel (Pierre): Oui, j'ai eu ce privilège.
M. Couillard: Donc, vous devez trouver le concept de clinique affiliée assez familier? Une clinique affiliée, c'est ce que M. Clair lui-même, dans son rapport, avait recommandé.
M. Ippersiel (Pierre): Oui. Pour nous, la notion, la réalité de cliniques affiliées nous semble une ouverture, une innovation que le réseau pourrait faire et que le réseau a la possibilité, je dirais, en un sens de contrôler complètement, parce que c'est le ministère qui déciderait, bon, combien de cliniques affiliées sont ouvertes. Et on pense qu'il faut ouvrir de ce côté-là, il faut tenter des expériences de ce côté-là. Moi, je suis personnellement très favorable à ça. Il me semble qu'il y a quelque chose de novateur qui peut se faire là-dedans et qu'on devrait aller dans ce sens-là.
M. Couillard: Moi, je pense comme vous, là. Je pense que ces initiatives doivent plutôt venir des régions que du ministère. On n'a pas l'intention, nous, de dicter, là, aux différentes régions quoi faire pour les cliniques affiliées. Cependant, on va leur donner l'outil en le définissant de façon juridique et...
M. Ippersiel (Pierre): Je suis d'accord avec vous, M. Couillard. Ce que je veux dire, c'est que le ministère reste toujours le maître d'oeuvre. Si jamais ça prenait une envergure telle que ça menace l'existence même du réseau, vous avez la possibilité de l'encadrer. Mais je pense que vous avez raison, ces initiatives-là devraient venir dans les régions, et l'ensemble des régions du Québec devraient pouvoir expérimenter cette formule-là, je pense.
M. Couillard: Ça va être ouvert à l'ensemble des régions du Québec, sur la base de besoins d'accès identifiés, avec des cibles de résultat; bien exactement le concept que vous aviez déjà discuté dans le cadre de votre commission.
Quelle est la situation pour les patients qui ont besoin d'accès aux soins en Ontario? Est-ce que le phénomène est stable? Est-ce qu'il augmente? Est-ce qu'il diminue? Vous sembliez parler des mécanismes d'accès qui sont satisfaisants.
Mme Hutton (Géraldine): Les mécanismes d'accès sont satisfaisants. Effectivement, les clientèles ne sont pas obligées de payer de leur poche pour les services qui ne sont pas disponibles. Le problème à ce moment-ci, c'est qu'il y en a beaucoup plus, des clients, qui vont en Ontario qui y allaient auparavant. On a eu une baisse naturellement durant 15 ans de temps, 15 à 20 ans de temps, des clients qui allaient en Ontario, mais, de plus en plus, c'est repris comme tel. Moi, personnellement, je n'ai pas de données que vous pouvez peut-être avoir au niveau de l'agence à ce moment-ci, mais on sait très bien qu'il y a une augmentation à ce moment-ci, et le coût est très élevé également.
J'avais parlé avec M. MacMillan au niveau du problème d'orthopédie, mais je suis certaine que vous êtes très au courant de ça. Et naturellement ça crée un gros problème au niveau d'avoir repris l'orthopédie en Ontario au lieu de l'avoir chez nous, au niveau de nos services disponibles, et surtout au niveau des enfants parce que ça touche beaucoup les enfants.
J'aimerais peut-être faire un commentaire au niveau des médecins, le recrutement des médecins. Je pense que nous sommes d'accord qu'il y en a eu, une augmentation de recrutement des médecins. Le seul problème qui existe, à ce moment-ci, au niveau de toujours la MRC Papineau, c'est qu'on avait, M. le ministre, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, un service, au CLSC à Saint-André-Avellin, qui était ouvert de 8 heures le matin jusqu'à 10 heures le soir. O.K.? Donc, pour la population, donc on représente la population maintenant, l'augmentation qui a été faite d'une journée de huit heures au CLSC de Saint-André-Avellin, au niveau de l'urgence, n'est pas suffisante depuis deux ans. Malgré qu'il y ait eu beaucoup de départs, il faut remplacer des départs. Donc, la population est beaucoup plus inquiète à ce moment-ci.
Et on croit qu'il peut y avoir beaucoup plus d'implication si le siège social de votre CSSS était dans la Petite-Nation, dans la MRC de Papineau, qu'à ce moment-là les médecins... Parce qu'il y en a aussi, quelques médecins uniques dans les petits villages, là ? on parle de 24 villages, là ? qui sont des médecins qui essaient individuellement de travailler comme tel, et on pense qu'il y aura beaucoup plus de mise en marche commune avec ces médecins-là. On ne peut pas parler du groupe de médecins familial à Duhamel. Il y a un médecin qui n'est même pas là.
Donc, il faut trouver une autre solution pour notre MRC, et ce n'est pas la solution qui présentement existe au niveau du secteur est de Gatineau. Je pense que la ville de Gatineau a les capacités de faire quelque chose au niveau des médecins, groupes de médecins familiaux ou médecins cliniques, puis tout ça, au niveau de l'omnipratique, mais au niveau de la MRC Papineau, cette application ne se fait pas.
Nous, qu'est-ce qu'on croit que ça devrait être? Le centre devrait être à Saint-André-Avellin, avec une collaboration satellitaire des 24 municipalités autour comme tel, au niveau surtout des services de santé de première ligne.
n
(15 h 40)
n
M. Couillard: Je ne suis pas convaincu personnellement que ça changerait quelque chose, mais ça, c'est une opinion personnelle. Vous savez, dans les années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, c'était partout pareil au Québec, il y en avait pas mal plus, il y avait beaucoup plus de monde qui avait son médecin de famille. La situation a radicalement changé dans les années qui ont suivi, partout au Québec, et notamment en Outaouais. L'Outaouais est une des régions au Québec qui est le plus en déficit de médecins, et notamment les médecins omnipraticiens.
Puis j'en profite pour vous passer un message, repasser un message que j'ai passé quand je suis allé en Outaouais, il y a quelques mois: Il y a actuellement plus de 100 médecins étrangers disponibles pour recrutement immédiat. Et, à ma grande surprise, les agences régionales, qui pourtant vivent souvent des problèmes de pénuries d'effectifs importants, dont celle de l'Outaouais, sont... je ne dis pas qu'elles sont inactives, mais relativement peu actives dans les approches, parce qu'il faut que ces médecins-là soient parrainés par une région et un établissement. D'ailleurs, M. MacMillan, dès que j'ai mentionné ça, il est allé en chercher un, médecin. Alors, vous avez la chance d'en parrainer, des médecins omnipraticiens.
En Outaouais et votre région en particulier, votre sous-région en particulier, il y a plusieurs médecins qui sont disponibles. Et, moi, ça m'interpelle toujours quand une région vient en commission ? il y en a plusieurs, la Mauricie est une région également qui est en pénurie d'effectifs ? où on demande des dérogations d'effectifs, on demande d'envoyer moins de médecins gradués dans les villes, ce qu'on fait, alors qu'on n'utilise pas un outil qui est là, là, tout de suite. Alors, je vous engage à passer le message dans votre région, parce que je l'ai fait quand je suis passé.
Dans votre mémoire, vous parlez du fait que beaucoup de personnes au Québec ont un revenu bas, hein? On a souvent mentionné ça, puis, en Outaouais, ça ne fait pas l'exception: près de 50 % a un revenu inférieur à 20 000 $, puis, si on monte jusqu'à 50 000 $, bien, on retrouve 80 % de la population, ce qui explique pourquoi l'assurance privée ne peut pas être vraiment une solution, là, pour le financement de la santé. Mais là je trouve ça curieux, une fois que vous ayez fait ce constat-là, que vous alliez proposer un mécanisme de franchise pour les soins de santé. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction?
Mme Hutton (Géraldine): Je ne crois pas qu'il y a une contradiction comme telle, parce qu'au niveau de cet aspect-là déjà je crois que la population, à ce moment-ci, puis je pense que, si vous regardez les différents sondages qui ont été faits, la population individuellement est prête de payer un petit peu plus pour les services, mais il faut qu'ils savent, ces gens-là, sur quoi qu'ils vont payer. Donc, si c'est un aspect individuel au niveau de l'assurance médicaments, qui a été fait, là, au niveau de notre système qui existe à ce moment-ci, où est-ce qu'on paie une franchise pour avoir nos médicaments ? et la plupart, c'est payé par l'État ? je pense que les gens sont prêts pour ça parce qu'ils voient que c'est pour son médicament, c'est pour son genou, c'est pour son oreille, c'est pour ses cataractes.
Et, quand on a suggéré cet aspect-là, on a discuté, on a dit toujours: Cette franchise-là peut être baissée si ? si ? à ce moment-là, les cliniques privées sont capables de se prendre en main, exemple qui se fait, à ce moment-ci, au niveau de la Colombie-Britannique. On ne peut pas, au Québec, présentement engager d'ouvrir 16 cliniques privées, là, que ça se fait, là, un petit peu partout, au niveau de l'aspect physique, l'équipement et la prise en charge par ces médecins-là de ces cliniques-là, qui travaillent de jour aussi à l'intérieur des hôpitaux, sans donner une façon de l'aider comme telle pour le moment. Je ne dis pas qu'en futur on ne peut aller de l'avant au niveau d'autres mécanismes d'assurance plus globale comme vous avez parlé ce matin, mais je pense que notre objectif, ça a été de dire: Il faut avancer vite; les gens, ils ont besoin des services, et, à ce moment-là, peut-être on est prêts d'aller...
Puis je pense que la population, malgré que notre revenu n'est pas grand, est prête de dire: Je suis prête de payer un petit peu plus. S'il y a d'autres types de mécanismes qu'on peut savoir que ce n'est pas parti dans le fonds consolidé du Québec, puis on ne sait pas où est-ce que ça s'en va, là, puis on sait très bien que ça coûte cher au niveau de la santé et des services sociaux, mais ça s'en va pour mes médicaments, je suis capable de le faire, ça s'en va pour mes cataractes, je suis capable de le faire, payer un petit peu. C'est ça, notre objectif.
Le Président (M. Copeman): Il y a quand même, Mme Hutton, un certain paradoxe avec ce qu'on appelle maintenant le ticket modérateur communément. Les études ne sont pas très concluantes en ce qui concerne l'effet sur la demande de services, c'est-à-dire l'imposition d'un ticket modérateur ne fait pas nécessairement diminuer la demande de services. Il y a même des études qui indiquent que ça peut diminuer la demande pour des services requis, ce qui est problématique, je crois. Pour qu'il soit vraiment dissuasif, il faut qu'il soit assez élevé. Mais là, encore une fois, s'il est élevé, il y a un effet sur les services vraiment requis, s'il n'est pas élevé, ça ne génère pas beaucoup de revenus et parfois même ça coûte plus cher à administrer. Alors, en tout cas, moi, je trouve personnellement que c'est très problématique, l'imposition d'un ticket modérateur, là. Ce n'est vraiment pas concluant dans d'autres juridictions et c'est fort problématique en tout cas.
M. Ippersiel (Pierre): M. le Président, j'ai entendu, ce matin, le rapport de M. Ménard, et cette problématique du réseau, je pense qu'on a une certaine sensibilité à ça. Je vous dirais, moi, je ne sais pas c'est quoi, la solution, mais ce que je sais, c'est que l'analyse que faisait M. Ménard, ce matin, me semble réelle. Je ne sais pas où on va arrêter, quand est-ce qu'on va trouver une façon d'équilibrer les choses. Alors, nous, on dit: Il faut essayer quelque chose de neuf, quelque chose de différent. Moi, je n'endosse peut-être pas nécessairement le point de vue de M. Castonguay qui est venu vous dire qu'il fallait mettre un ticket modérateur, mais j'endosse son argument quand il disait: Il faut que la population du Québec comprenne que ce réseau-là, ce n'est pas un réseau gratuit.
Et ça, il faut briser cette mentalité-là. Je ne sais pas comment le faire, là, la formule magique, on ne l'a pas trouvée, mais, moi, je pense que tant qu'on n'aura pas une façon de dire aux 6 ou 7 millions de Québécois: Écoutez, quand vous allez chez le médecin, là, ce n'est pas gratuit, il y a quelqu'un qui paie pour ça. Et je trouve qu'on est un peu trop rentré dans cette mentalité que le réseau: Bien non, c'est gratuit, ça ne coûte rien. Mais non, ce n'est pas vrai, ça. Il faut trouver une façon de tuer ce mythe-là.
Le Président (M. Copeman): Ça, nous sommes d'accord, M. Ippersiel.
M. Ippersiel (Pierre): Mais c'est de trouver le moyen de le faire, je suis d'accord avec vous, là.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous quatre, M. Ippersiel ? effectivement, vous n'avez pas un nom commun, là, j'ai cru comprendre que c'était belge, hein? ? Mme Hutton, M. Dupuis et M. Shields. Écoutez, j'ai pris connaissance de votre mémoire dès qu'on l'a eu, donc il y a quelque temps, et je vois à nouveau toutes les découpures de journaux et tout le débat que vous avez fait autour d'une reconnaissance de ce que vous êtes comme ruralité, et j'ai le goût de vous dire qu'à partir des éléments de preuve pratiquement que vous donnez dans votre mémoire...
Parce que vous avez un mémoire drôlement bien étoffé, là. Ça n'a pas été fait sur le bord d'une table, j'ai cru comprendre, là, ça a été fait, pensé à partir d'un groupe, là, sur lequel j'aimerais que vous me donniez un peu plus d'information, puisque Le Collectif vigilance Petite-Nation, il n'est pas né comme ça, un bon matin, là. Je crois comprendre qu'il est né parce qu'il y avait une problématique importante ? et, quand je regarde la carte que nous avons devant nous, je pense qu'on la voit très bien: Il y a comme une espèce de morceau qui est rattaché à la MRC Papineau sans même en faire partie.
Et je vous donne une petite comparaison puis ensuite je vais vous laisser m'expliquer davantage certains points. Dans le comté où je vis, le comté de Champlain, pour vous le situer, c'est tout près de Trois-Rivières et c'est un comté à la fois rural et à la fois urbain, beaucoup plus urbain que rural. J'ai trois secteurs que sont le Cap-de-la-Madeleine, pour ceux qui le connaissent, Saint-Louis-de-France et Sainte-Marthe ? Saint-Louis que j'habite d'ailleurs ? qui donnent en tout et partout, je dirais, mon cheptel urbain qui est à l'intérieur de la grande ville de Trois-Rivières et, parce que la ville elle-même est une MRC en soi, qui a son propre centre de santé et de services sociaux, un CSSS, là, donc qui regroupe les deux entités. Ça a été un peu divisé avant, là, mais ça a été regroupé en fonction de la nouvelle ville et c'est représentatif de ce que nous sommes. Ça reflète, là, je dirais, un territoire sociosanitaire avec sa couleur, avec son modèle, sa ressemblance, et le service donné reflète la clientèle donnée.
n
(15 h 50)
n
À côté de cela, avec l'arrivée des regroupements et des nouvelles villes, est née la MRC des Chenaux, et cette petite MRC là a été, au niveau sociosanitaire, regroupée avec la MRC Mékinac qui, elle, est plus dans le bout de Laviolette, là, de ma collègue députée de Laviolette. Or, ces deux entités-là qui sont rurales ont un même centre de santé et services sociaux qu'on appelle le Centre de santé et services sociaux de la Vallée-de-la-Batiscan ? c'est très joliment... ? comme, vous, vous avez la Petite-Nation, et ça couvre vraiment les deux territoires. Mais, afin de bien refléter chacune des entités, il y a eu un petit débat ? parfois même ça pouvait ressembler à un combat ? pour que, dans mon comté, dans la MRC des Chenaux, on garde une entité administrative avec une forte représentation.
Et je comprends, à la lecture de votre mémoire, l'importance de donner cette couleur-là et de refléter le milieu parce que les gens se reconnaissent dans ce qu'ils sont puis dans leurs propres valeurs puis leurs propres couleurs. Et la MRC Mékinac, tout en ayant des ressemblances avec la MRC des Chenaux, c'est deux MRC rurales, ont gardé chacune quand même une entité. Et on aurait fait une erreur que de mêler les deux, puis pourtant il y a de beaux échanges entre les deux, là. Le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, que M. le ministre connaît bien, donne ce qu'on appelle des soins et services sur une plus large échelle parce que c'est le centre hospitalier régional donc avec toute l'importance qu'on peut lui donner. Alors, il y a collaboration, mais il y a également ce que j'appelle une reconnaissance.
Est-ce que je me trompe en vous demandant si, dans le débat que vous faites... Tout ce que vous demandez, ça semble être tellement simple. Ça coûterait-u un million de redonner à votre MRC le CSSS, qui est déjà une bonne base avec Saint-André-Avellin, dont j'ai déjà entendu parler évidemment, sans nécessairement se retirer complètement de Gatineau? Ce n'est pas ça, votre demande, là. Vous ne dites pas: Créez quelque chose de nouveau nécessairement, mais redonnez-nous notre entité, redonnez-nous les éléments afin d'être mieux desservis. Vous parlez de 24 petites municipalités. Alors, j'aimerais vous entendre sur qu'est-ce qui a fait que vous en avez échappé un morceau, parce que c'est ce que je comprends quand je fais cette lecture-là, et qu'est-ce que ça coûterait que de redonner à la MRC Papineau, qui est le reflet sociosanitaire d'une entité quelconque qui est la MRC de Papineau, de lui redonner sa force? Est-ce que ça coûterait des millions?
Parce que c'est un peu, là... Une bonne partie de votre mémoire porte là-dessus, dont vos rencontres d'ailleurs avec le ministre sur la demande... Parce que, depuis 2004, il y a eu plusieurs rencontres. Alors, j'aimerais que vous refassiez un topo, là, pour que, moi, je saisisse bien et que ceux qui nous écoutent saisissent également bien l'objectif que vous visez par la première partie de votre mémoire.
M. Ippersiel (Pierre): Oui. À notre avis, ce qu'on demande, ça ne coûte rien, à notre avis. C'est une question de refléter la réalité des territoires. Vous avez posé la question comment on est venu au monde. Je vais vous faire un historique très rapide. Quand l'agence régionale a procédé à des consultations en Outaouais pour la création de ses centres de santé ? bon, il y avait la grande ville de Gatineau, les MRC autour ? les sessions de consultation se sont tenues, il y avait huit, 10, 15, 20 personnes. Quand ils sont venus dans notre territoire de la MRC Papineau, il y a 350 personnes qui se sont présentées à la session de consultation le 1er avril 2004. 350 personnes se sont déplacées pour aller dire à l'agence: Écoutez, ce que vous voulez faire, là, ce n'est pas ce qu'on veut. Bon.
La volonté était claire de dire: Nous, on veut garder notre entité MRC Papineau. Il y a toute une dynamique historique, là, que je vous passe parce qu'elle serait longue à faire, et il y a toute cette entité, il y a tout ce concept, ce besoin, cette réalité de la ruralité qui est celle de la MRC Papineau, et ce qu'on a tenté de dire à l'agence: Fusionnez-nous pas avec la ville de Gatineau, c'est deux mondes différents. Puis on a toujours dit: On est d'accord avec la réforme, sauf que cette application-là que vous faites en Outaouais, on ne l'achète pas.
D'autre part, on voyait quand même ce qui se passait en Outaouais et on constate que les MRC voisines... La MRC de Pontiac, 14 000 de population, elle, elle a eu son CSSS. Nous, 21 000, on ne peut pas l'avoir. On dit: C'est quoi, la logique? C'est quoi qui est à la base de cette logique-là?
Alors, c'est évident que cette entité de la ruralité, cette entité de Papineau, on y tient, on est tous nés, on a tous vécu dans cette région-là. Et notre préoccupation, c'est les services pour cette MRC là. Et on ne comprend pas pourquoi quelque chose d'aussi logique et naturel que ça n'ait pas été retenu par l'agence. Pourquoi fusionner une MRC rurale de 21 000 habitants avec une section de la ville de Gatineau? J'ai l'impression que l'agence n'a pas compris qu'en Outaouais il s'était passé un événement voilà trois ans, qui est la fusion des villes. On en a parlé des années de temps. C'est en place et c'est là pour rester, l'entité Gatineau. On a l'impression que l'agence, dans sa lecture, elle n'a comme pas tenu compte de ça puis elle s'est dit: Bien non, rural et urbain. Et c'est ça qui ne marche pas.
Mme Champagne: Ça me fait penser, M. Ippersiel, quand je regarde le petit carré rouge, là, c'est ça, là, qui s'est comme ramassé avec la MRC Papineau, je vois d'un bord, de toute façon, une espèce d'incohérence: tu en as 226 000 d'un côté puis, d'un côté, tu en as 21 000. Donc, en faisant la demande que vous faites là, vous n'augmentez pas le nombre de CSSS, là?
M. Ippersiel (Pierre): Non, et ça, c'est important qu'on reste toujours...
Mme Champagne: Il n'y a pas d'augmentation?
M. Ippersiel (Pierre): Non, pas du tout, il n'y a pas d'augmentation de CSSS, on demande juste une normalisation des territoires. Juste ça.
Mme Champagne: Et, quand vous dites dans une... Je lisais dans les articles de journaux, là, un qui date... On dit: Cinq demandes au ministre [...] pour Le Collectif vigilance Petite-Nation. Ces cinq demandes-là, là, se résument comment, là, les cinq demandes que vous pensez, là, ou sur lesquelles vous êtes convaincus qu'il n'y a pas nécessairement d'augmentation de coûts? Parce que l'entité, là, de votre centre de santé à Saint-André-Avellin, il est là présentement, là. Il existe, il est là, il rend service avec... J'ai vu, là, plein de support, vous avez même un service d'urgence six jours-semaine, de 9 heures à 16 heures. Mais vous trouvez que ce n'est pas suffisant, parce qu'après 16 heures, si je ne me trompe pas, la petite municipalité de Duhamel, en haut, là, qui part du haut de la MRC puis qui se ramasse à Gatineau, ça lui prend combien de temps pour se rendre là en ambulance, admettons?
Une voix: 1 h 5 min.
Mme Champagne: 1 h 5 min. Puis on sait que la rapidité, dans ces cas-là, ça fait la différence sur la vie ou la mort, hein? Bon. Donc, les cinq grandes demandes que vous avez faites dans vos débats ? parce qu'il n'y a pas eu juste une rencontre, là, il y a eu de nombreuses rencontres et avec le ministre et avec les citoyens ? ces cinq grandes demandes-là se résument comment? Puis quelle est la demande, celle où vous pensez que ça accroche le plus, là?
M. Ippersiel (Pierre): Pour reprendre plus spécifiquement votre question, ce qui accroche le plus, c'est que nous, on pense qu'une organisation de services qui doit créer des réseaux de services, qui est capable d'établir des projets cliniques, qui est capable d'établir des priorités, qui est capable de travailler sur un GMF, on pense que, dans un milieu rural, ça correspond à un certain nombre de règlements, de dynamiques et d'enjeux qui sont différents de ceux qu'on retrouve en milieu urbain. Alors, on dit: Mais pourquoi ce n'est pas possible que cette MRC là s'organise à ce niveau-là? Bon.
On a abordé un petit peu tantôt le modèle en milieu rural qu'on appelle, nous, un modèle satellitaire. On pense qu'il faut un centre qui est fort puis qui est capable de rayonner dans l'ensemble des villages, dans l'ensemble des municipalités. C'est vrai pour les services médicaux, mais c'est vrai aussi pour l'ensemble des services. Pensez juste à la vaccination antigrippale pour les personnes âgées, c'est une organisation de services qui s'en va dans les villages. Pensez à la vaccination des enfants, c'est une organisation de services qui se fait à partir du centre et qui rayonne dans les villages. C'est ce modèle-là qu'on tente de développer.
Michel, tantôt, a parlé de la question de la santé mentale. On pense que, si on avait été plus vite sur nos patins, il y a quelqu'un qui aurait sonné l'alarme. À Fassett, là, il y a un moulin qui ferme puis il y a 350 jobs qui vont être coupées. Bon. Je regarde ce qui s'est fait à Cornwall un mois avant, il y a eu une équipe d'à peu près 15, 20 intervenants qui sont arrivés dans le milieu pour mettre sur place des programmes de prévention. Nous, ça ne s'est pas fait, bon.
Il faut comme ça, dans un ensemble populationnel... Parce que c'est ça que cette approche-là nous dit, cette réforme-là. Ce qu'elle nous dit, c'est qu'il faut mettre sur pied une approche populationnelle. Pour ça, il faut connaître la population, il faut connaître les réseaux, il faut un plan clinique qui correspond à cette population-là. C'est ça qui est notre demande. C'est évident que le 24/7 médical est important pour nous, mais c'est l'ensemble de l'organisation des services, parce que ce réseau-là, il faut qu'il soit accessible dans l'ensemble de ses services. Alors, c'est ça qui est notre préoccupation.
Mme Champagne: Depuis deux ans... Madame, vous avez...
n
(16 heures)
n
Mme Hutton (Géraldine): Moi, j'aimerais vous dire, au niveau de l'organisation de services et la demande qu'on fait, ce n'est pas quelque chose extrêmement difficile, ça a déjà été fait auparavant. Maintenant, quand nous avons commencé, durant les années quatre-vingt ? peut-être l'Outaouais était un peu plus avant-gardiste que les autres ? nous avons fait des groupes de concertation avec des établissements et, à ce moment-là, on avait divisé l'Outaouais en cinq territoires parce qu'on semblait que c'était très intéressant. Depuis ce temps-là, il y a des MRC qui se sont développées comme tel pour tous les autres secteurs d'activité, O.K., depuis qu'on avait fait ça. On a essayé d'ajuster nos services de santé auprès de ces MRC à deux reprises depuis les années quatre-vingt. Numéro un, en 1991, nous avons eu un ajustement à faire au niveau qu'est-ce qu'on a appelé la vallée de la Gatineau, où est-ce qu'on avait deux MRC puis une partie de la ville de Gatineau qui étaient ensemble également pour desservir des services de santé et services sociaux. Et, à ce moment-là, c'était divisé en deux selon les territoires des MRC, et la balance au niveau de la ville de Gatineau.
Nous avons fait la même chose à d'autres reprises, au niveau Pontiac. Et, au niveau de Pontiac, c'est en collaboration avec la MRC, que le territoire sociosanitaire est la même chose. La partie de Buckingham-Masson comme telle, deux petites villes, une de 10 000 de population, une autre de 8 000 à 10 000 de population, a été agencée, à ce moment-là, avec la MRC Papineau, parce que ? et on avait un petit hôpital de 63 lits et certains services de longue durée également, à ce moment-là; parce que ? c'était plus près comme tel puis ça faisait partie de deux entités différentes. Les polices... c'était la police provinciale qui était là puis tout ça, là, je peux ajouter puis ajouter. Maintenant, depuis ce temps-là, la ville de Gatineau a commencé de s'établir pour offrir des services.
Et aussi, les services sanitaires, on pense que ces services santé et services sociaux devraient également être offerts pour la ville de Gatineau par tous les trois centres hospitaliers qui sont là ? donc, deux, c'est des centres hospitaliers qui ont des services spécialisés, et le Centre hospitalier de Buckingham, qui n'a pas de services spécialisés comme tels et dépend beaucoup sur les deux centres hospitaliers pour la plupart de ses services ? pour offrir des meilleurs services. Puis on a suggéré, à ce moment-là, d'aller d'avance au niveau de tout ce qui peut toucher la courte durée gériatrique et de donner à la MRC de Papineau ses propres services de santé en collaboration avec les autres secteurs d'activité, entre autres la police provinciale avec les deux corps policiers, celui de ville de Gatineau et la Sûreté provinciale, puis tout ça.
C'est un petit peu ça, notre orientation, et on ne comprend pas pourquoi on n'est pas capables d'aller d'avance pour voir s'il y a un agencement qui pourrait être fait.
Mme Champagne: Est-ce que vous sentez, depuis ? parce qu'il nous reste peu de temps, là ? la mise en place de cette nouvelle façon de faire, de l'Agence de santé, qui vous reconnaît quand même, à Saint-André-Avellin, un CLSC avec une petite urgence ? puis vous avez également, là, une résidence pour personnes âgées, puis votre population est d'au-dessus de 20 %, là, de personnes âgées donc de 65 ans et plus; est-ce que vous sentez ? qu'il y a un glissement plus grand vers les services en Ontario, parce que vous ne donnez plus les soins que vous aviez à donner avant? Est-ce que vous le sentez de façon tangible? Y a-tu des chiffres qui parlent là-dessus, comme quoi le fait d'être...
Parce que je vois un glissement, il y a comme un glissement des personnes vers l'Ontario, un glissement des personnes pour des services vers évidemment, là, Gatineau, parce que c'est là qu'est le gros centre. Puis vous dites: L'espèce de rayonnement autour des 24 petites municipalités, bien, sentant qu'ils ont de moins en moins de services, bien là ils s'éparpillent ailleurs. Est-ce que vous l'avez quantifié, ça, déjà, là, dans vos rencontres, ce glissement-là vers ailleurs?
M. Ippersiel (Pierre): On n'a pas de statistiques formelles là-dessus ? c'est possible de les obtenir par la RAMQ, là. Mais, moi, je peux vous dire, j'habite Montebello, la section sud du territoire, et toute la partie est de la MRC Papineau, c'est de plus en plus vers Hawkesbury qu'ils s'en vont. Il n'y a plus de médecin de famille en Outaouais, et il se trouve que le CH d'Hawkesbury en Ontario donc avait un certain nombre de médecins qui avaient encore de la place. Et il y a des centaines de citoyens du sud de la MRC qui sont maintenant à Hawkesbury, qui reçoivent leurs services là parce que c'est là qu'ils ont trouvé un médecin.
Mme Champagne: Les gens qui vont à Hawkesbury, ils paient leur propres services?
M. Ippersiel (Pierre): Non, c'est payé par la RAMQ. Sauf que les tarifs de l'Ontario ne sont pas les mêmes que le Québec, et, ce glissement-là, ça veut dire des coûts additionnels pour la province.
Mme Champagne: Et tout à l'heure...
M. Dupuis (André): Peut-être un indicateur.
Mme Champagne: Oui.
M. Dupuis (André): 75 % des références pour le suivi postopératoire, 75 % des références qui se font au CLSC de la Petite-Nation viennent des hôpitaux de Gatineau et Hull, 10 % viennent de l'hôpital de Buckingham, CH Papineau, et environ 10 % à 15 % viennent de l'Ontario. Alors, c'est un indicateur qui fait que là, de plus en plus, on a des demandes venant de l'Ontario pour des suivis posthospitaliers ou postopératoires.
Mme Champagne: Et un dernier petit point. Il nous reste peut-être un petit deux minutes, une minute?
Le Président (M. Copeman): À peine.
Mme Champagne: À peine, à peine? Vous avez parlé... puis c'est un sujet qui m'interpelle depuis longtemps, c'est le sujet des suicides. Je voyais qu'il y a 12 hommes de 20 à 45 ans, sur une population de 21 000 habitants, qui se sont enlevé la vie. Je ne veux pas faire un lien avec le fait que vous n'ayez pas un centre de santé et services sociaux, là, à la hauteur, mais est-ce qu'il y a un lien? Est-ce que vous en voyez un, vous autres, un lien, du fait qu'il y a moins de services offerts à la population? Puis c'est quand même gros, je trouve ça énorme qu'il y en ait 12 sur une si petite population dans un an.
M. Shields (Michel): Effectivement, comme on l'a dit tout à l'heure, on n'a aucun encadrement. La prévention, ça, ça n'existe pas. Ça a déjà existé dans nos systèmes, lorsqu'on était organisés, mais, depuis deux ans, ça n'existe pas. Donc, on réalise les causes, là. Si ces gens-là étaient pris en main, comme on a cité, à Cornwall, des exemples, ça aurait peut-être pu être évité. Comment? Je ne peux pas vous le dire, mais il y aurait eu au moins une intervention et de la prévention. Ça, c'est très important.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Ippersiel, M. Dupuis, M. Shields, Mme Hutton, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Collectif vigilance Petite-Nation.
J'invite immédiatement les représentantes du Regroupement des cuisines collectives du Québec à prendre place à la table.
Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 8)
Le Président (M. Paquin): La commission parlementaire reprend ses travaux. Et nous recevons maintenant les représentantes du Regroupement des cuisines collectives du Québec. Mesdames, bienvenue. Et c'est Mme Chevrier, je crois, qui est la directrice. Donc, nous allons commencer immédiatement.
Nous avons une heure: 20 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite 20 minutes de discussion de chaque côté de la table, du côté ministériel comme du côté de l'opposition. Ça fait que je vous invite, Mme Chevrier, à présenter la personne qui vous accompagne et à nous faire part de votre mémoire.
Regroupement des cuisines
collectives du Québec (RCCQ)
Mme Chevrier (Germaine): Alors, bonjour tout le monde. Bonjour, M. le Président, bonjour M. Couillard, bonjour chers parlementaires. Je vous présente Mme Nancy Pole, qui est une collègue de travail et qui est coordonnatrice de projets au Regroupement de cuisines collectives du Québec. Alors, je peux commencer? Oui?
Le Président (M. Paquin): Allez-y, madame, oui. On vous écoute.
Mme Chevrier (Germaine): Ça nous fait plaisir de venir vous présenter notre court mémoire sur la consultation Garantir l'accès. Alors, je vais vous parler un peu des cuisines collectives et, à tour de rôle, Mme Pole va aussi amener d'autres informations concernant notre mémoire.
Alors, les cuisines collectives, c'est un regroupement qui existe depuis 1990. On représente 33 250 personnes à travers la province. C'est un mouvement qui sont des lieux d'éducation qui agissent sur la prévention et le développement des saines habitudes de vie. Elles influencent aussi l'environnement physique, social des milieux et des conditions de vie.
Alors, grâce à notre mode de fonctionnement, nos valeurs, notre vision d'autonomie alimentaire, nous pouvons affirmer que nous travaillons dans un objectif de prévention. Nous remercions d'ailleurs le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui nous ont décerné le prix de l'excellence 2002 en Prévention, promotion et protection de la santé et du bien-être. Et nous croyons donc que notre opinion concernant le document Garantir l'accès: un défi d'équité et d'efficacité est des plus pertinentes.
n
(16 h 10)
n
Depuis 2003, le Regroupement des cuisines collectives du Québec, on a fait différentes représentations auprès de la population pour parler d'une politique pour l'autonomie alimentaire. On est confiants que cet objectif est atteignable, que... Le regroupement est toutefois conscient qu'il peut en arriver à une politique comme ça, pas seul mais en partenariat avec d'autres secteurs importants.
Donc, nous avons mis sur pied un comité de travail, au printemps 2005, un comité de réflexion et d'action qui regroupe neuf partenaires, dont l'Association de santé publique du Québec, l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons, le Collectif des groupes d'achats du Québec, Équiterre, Option Consommateurs, l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain ainsi que l'Union des consommateurs. Ce comité travaille présentement sur un cadre de référence qui va guider des interventions publiques en matière d'une politique transversale de l'alimentation.
Alors, forts de toute notre expertise, on réagit donc au document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficacité et de qualité. On pourrait l'appeler, pour nous, Garantir l'accès à une saine alimentation pour tous. C'est un peu dans cette optique-là qu'on vous présente notre mémoire.
Alors, les réactions au document de consultation. Donc, nos réactions seront ciblées sur le chapitre 3.1 qui est... 1.3, excusez-moi ? on est vendredi après-midi pour tout le monde; la route a été longue, Montréal-Québec, en plus ? «Accentuer les efforts en prévention».
Donc, le document Garantir l'accès porte la préoccupation de réduire les coûts de santé reliés au fardeau des maladies chroniques et qui sont en augmentation constante. Il est reconnu que bon nombre de ces maladies chroniques sont causées par le mode d'alimentation dominant au sein de la population. La prévention de ces maladies chroniques est également reconnue comme le moyen le plus efficace de prévenir l'explosion des coûts de santé reliés à leur traitement. Nous savons aussi que la prévention des maladies chroniques passe par l'adoption de saines habitudes de vie et par un changement des habitudes alimentaires de la population.
Donc, à l'instar de plusieurs autres intervenants qui ont fait part de leurs avis, nous sommes convaincus que ce changement n'est pas uniquement une question de sensibilisation des individus à faire de meilleurs choix. Comme eux, nous insistons sur la nécessité de se doter d'une stratégie de prévention qui agit sur les déterminants de la saine alimentation. Ces déterminants ne sont pas uniquement individuels mais notamment collectifs. À ce titre, divers types d'environnements agissent en tant que déterminants de la santé: les environnements physiques, les environnements économiques, les environnements sociaux et leurs interactions entre chacun. Alors, nous allons y revenir plus tard.
Donc, nous allons revenir aussi sur les politiques sociales en agroalimentaire, qui figurent aussi parmi les déterminants d'une saine alimentation. À ce chapitre, nous croyons que l'intention du gouvernement de se doter d'une politique en matière d'alimentation et de nutrition peut s'avérer un moyen prometteur pour investir et intervenir dans la prévention des maladies chroniques.
Une politique en matière d'alimentation et de nutrition pour toute la population: c'est ce que, nous, nous vous proposons. Donc, dans notre mémoire, nous vous disions que nous applaudissions à l'intention du gouvernement de se doter d'une politique en matière d'alimentation et de nutrition. Toutefois, nous affirmons qu'une telle politique doit viser l'amélioration du bien-être de toute la population et donc inclure des mesures s'appliquant de celle-ci.
Bien que ce soit très important d'agir pour favoriser l'acquisition de saines habitudes de vie chez les jeunes, comme on nous le propose dans la politique, il n'est pas suffisant de ne limiter la portée d'une politique en matière d'alimentation et de nutrition que sur la prévention des jeunes. Pourquoi? Parce que, nous, on pense que les jeunes sont toujours en contact avec leurs familles, et que c'est leur environnement immédiat, et qu'eux autres aussi ils doivent être dans un processus de prévention. Alors, c'est un peu aussi ce que l'Ordre professionnel des diététistes sont venus vous dire dans le cadre de cette commission parlementaire.
Nancy va continuer, là, un peu sur une politique transversale en matière de nutrition.
Mme Pole (Nancy): Donc, voilà. Toujours dans le sens de... nos commentaires sont plus sur l'objet et la portée de l'intention d'une politique en matière d'alimentation et de nutrition.
Nous, juste pour revenir sur ce qu'on a dit dans notre mémoire, nous réitérons l'avis que nous avons exprimé dans le cadre de notre mémoire à la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire au Québec, en janvier 2004, à l'effet qu'une politique en matière d'alimentation se doit d'être transversale.
Donc, l'élaboration et la mise en application nécessitent une concertation interministérielle et une harmonisation des objectifs de toutes les instances publiques ayant juridiction sur la chaîne alimentaire. C'est seulement ainsi qu'une politique pourra s'assortir de l'ensemble des mesures nécessaires afin de voir une réelle amélioration de l'alimentation et de la santé de la population. C'est en plus une des recommandations qui est retenue dans le rapport de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire.
Pourquoi on affirme ceci? D'abord, juste pour revenir sur les déterminants politiques de la saine alimentation, on sait que les politiques agricoles et économiques influencent conjointement l'offre des denrées alimentaires sécuritaires, nutritives et à prix abordable et que les politiques de redistribution du revenu et celles qui fournissent un filet de sécurité sociale influencent le pouvoir d'achat des consommateurs et leur capacité de se procurer une alimentation saine ? juste pour nommer des domaines de juridiction politique qui dépassent le mandat du ministère de la Santé et des Services sociaux; c'est pour ça qu'on insiste sur la transversalité.
Deuxièmement, bien, on peut constater, ici comme ailleurs, un éloignement croissant des politiques agroalimentaires, qui s'enlignent sur un modèle productiviste de la santé publique et de la promotion de la santé. Donc, d'où l'importance d'un cadre politique d'ensemble qui rend les choix santé plus faciles en améliorant l'accès aux aliments sains et abordables.
Les politiques alimentaires, quand on parle de ça, on parle dans le fond, là, des processus, de l'ensemble des processus décisionnels qui affectent qui mange quoi, où et à quelles conditions. Ces processus affectent donc toute la chaîne alimentaire.
Nous allons revenir, au cours de notre exposition, avec plusieurs illustrations de cette nécessité et des limites d'une politique d'alimentation restreinte au mandat du ministère de la Santé et des Services sociaux dans sa capacité d'agir sur les déterminants de la saine alimentation. Cela dit, nous croyons que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit prendre un leadership dans cette initiative précisément parce que les conséquences d'une mauvaise alimentation se répercutent chez lui, en termes des coûts de soins de santé.
Une politique transversale, évidemment, ça implique des mesures, des stratégies progressives, certaines qui peuvent être visées tout de suite ? on va en nommer quelques-unes ? et d'autres qui impliquent des réformes plus importantes qui seront le produit de plusieurs années de préparation. On va revenir, à la fin, sur un petit peu ce qu'on croit qui pourrait constituer les premières étapes, à la fin.
Il existe d'ailleurs des exemples ailleurs de stratégies en matière d'alimentation et de nutrition, qui visent conjointement des objectifs différents à la fois au niveau de la santé, de la santé de la population, de la consommation des aliments sains et au niveau de l'autosuffisance alimentaire, le développement régional. C'est possible de joindre des objectifs différents dans une politique d'alimentation. Alors, je repasse la parole à...
Mme Chevrier (Germaine): Alors, sur le point de garantir l'accès à une saine alimentation comme mode principal de prévention, on a un premier objectif qui est de réduire les inégalités de l'alimentation. Donc, dans notre mémoire, on disait qu'il faut vraiment, une politique en matière d'alimentation et de nutrition, qu'elle reconnaisse la nécessité d'agir pour garantir l'accès pour tous à une saine alimentation en réduisant les inégalités de l'alimentation et qu'elle prévoie aussi des mesures concrètes allant dans ce sens.
Encore là, l'OPDQ vous a parlé de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres et de l'insécurité alimentaire qui est en hausse et qui vient accentuer le phénomène où les pauvres sont de plus en plus malades, plus malades que les riches.
Il y a aussi, dans la Revue canadienne de santé publique, Kim Raine qui a clairement démontré qu'au Canada le principal obstacle à la saine alimentation est un revenu insuffisant. Donc, l'insécurité alimentaire est reliée au pouvoir d'achat, qui est insuffisant, des ménages à faibles revenus, mais c'est aussi relié aux inégalités de distribution sur le territoire, qui sont aussi des répercussions sur l'accessibilité économique et physique des aliments.
Donc, quand on parle de la réduction des inégalités et de la réduction de l'insécurité alimentaire, on peut aussi voir d'autres effets sur les coûts du système de santé, entre autres dans la recherche de Linda Tremblay sur les liens entre l'insécurité alimentaire et la détresse psychologique, qui a été faite dans le coin de la Gaspésie, l'année passée.
Donc, pour réduire, pour lutter contre la pauvreté, on pense qu'on devrait appliquer de façon beaucoup plus ferme la loi n° 112 en incluant des actions concrètes concernant l'article 9.4, qui sont de répondre à des mesures... et aussi de répondre à des mesures urgentes du Collectif pour un Québec sans pauvreté, donc l'article 9.4, qui est en lien avec l'accès à une saine alimentation pour tous. Et aussi on doit aussi faire l'emploi d'instruments économiques pour régulariser l'accessibilité des aliments sains, donc réglementer pour rendre plus disponibles des produits à coût raisonnable pour tous en tenant compte des disparités régionales.
n
(16 h 20)
n
On sait que, d'une région à l'autre, les aliments ne coûtent pas la même chose, et, dans les régions éloignées, acheter un navet, ça peut coûter jusqu'à 4,50 $. Donc, les gens qui sont en situation de pauvreté, ça agrandit le problème de l'accès à l'alimentation. Donc, la réduction des inégalités de l'alimentation fait appel aux engagements du ministère en matière de lutte à la pauvreté aussi.
Le ministère a mis sur place le programme national de sécurité alimentaire, il l'a reconduit cette année et l'année passée. On pense que c'est une très bonne chose et une belle reconnaissance aussi du soutien qu'il offre aux formes d'action communautaire qui ont un effet sur les individus et les communautés. Mais on pense que ce n'est pas assez. On pense que le ministère devrait coordonner une stratégie qui soit beaucoup plus nationale par rapport à une politique transversale de l'alimentation.
Pour vous donner des exemples, en Colombie-Britannique, dans le cadre du programme de base en santé publique, ils ont vraiment inséré l'aspect de l'alimentation dans leur cadre. Donc, on dit: «L'atteinte de la sécurité alimentaire nécessite une approche distincte. Les enjeux reliés à l'alimentation doivent être examinés et traités à partir des déterminants en utilisant une approche et des interventions systémiques et en déployant des moyens politiques.» On dit aussi que «la sécurité alimentaire doit être reconnue comme le fondement de la saine alimentation, et ceci nécessitant des politiques en matière d'alimentation qui supportent les systèmes alimentaires locaux permettant l'accès dans la dignité à des aliments sains et abordables, qui soutiennent la création d'emplois locaux et qui réduisent les effets de l'environnement». Donc, on a des exemples qui se passent dans d'autres provinces, au Canada.
Mme Pole (Nancy): Donc, pour continuer sur le thème de l'accès à la saine alimentation, nous parlons aussi de maintenir et créer des environnements physiques et sociaux sains. Tout de suite, on affirme notre appui au concept des environnements facilitants dont je pense que plusieurs autres intervenants ont parlé ? entre autres, le Conseil québécois sur le poids et la santé ? un concept qui a été promu, mis de l'avant par le groupe de travail provincial sur les problématiques reliées au poids.
À ce sujet, l'intention nommée dans le document Garantir l'accès de s'assurer que les contrats des concessionnaires des écoles et des municipalités respectent la politique constitue un bon pas dans ce sens en rendant les choix santé plus faciles. Encore une fois, on renchérit un peu, quand même, en disant qu'il y a d'autres choses qu'on aimerait voir... pas tout de suite. Là encore, je reviens à l'idée aussi de stratégie progressive. Donc, on comprend qu'il y a des choses qui peuvent être visées tout de suite, puis il y a des choses qui peuvent être visées un petit peu plus à long terme.
Nous croyons que cette mesure demande également au gouvernement d'entreprendre des actions permettant la garantie de tels environnements afin de favoriser la saine alimentation de la population. Un sain environnement alimentaire implique notamment l'accès physique pour toute la population à des points d'approvisionnement adéquats et demande notamment un ensemble de mesures pour assurer une desserte équitable sur l'ensemble du territoire ? donc, un peu ce que Mme Chevrier vient de dire.
On sait que l'environnement physique alimentaire n'est pas vraiment construit en vue de favoriser la saine alimentation. Plusieurs études démontrent que les supermarchés offrant des aliments sains à moindre coût sont moins existants, pratiquement absents dans certains milieux à faibles revenus. On a aussi l'exemple des régions éloignées, où les coûts des transports et la relative inaccessibilité des modes d'alimentation plus traditionnels, plus rattachés au territoire, font que l'accès aux aliments sains demeure presque inabordable pour beaucoup de personnes.
On sait que la responsabilité des mesures appropriées relève encore une fois de plusieurs juridictions, donc, par exemple, Transports, Développement économique, Affaires municipales, entre autres. D'où l'importance encore une fois ? on revient constamment là-dessus ? d'une politique transversale qui amène une concertation interministérielle en fonction de l'objectif de l'accès à une saine alimentation pour toute la population.
Dans les exemples de mesures nommées dans le mémoire, à la fin, on parle, par exemple, de réglementer afin d'avoir une diversité de modèles et de lieux de distribution dans toutes les localités. Ça s'inscrit dans une vision de modèle d'approvisionnement mixte donc qui permet une densité de points de vente, de distribution ou d'autoproduction d'aliments sains de base, de manière à permettre une réelle accessibilité physique, là.
Ici, on parle davantage, souvent, de stratégies, comme je dis... peut-être pas immédiates, mais de deuxième niveau, mais sur lesquelles il faut jeter les fondements tout de suite. Ici, au Québec comme ailleurs, la Santé publique a souvent joué un rôle de leadership dans le diagnostic de la situation et la concertation des acteurs. On sait que, par exemple, à Montréal, la Santé publique a mené des efforts de monitoring et de cartographie...
Le Président (M. Paquin): Mesdames, je vous souligne qu'il reste environ deux minutes.
Mme Pole (Nancy): O.K. Parfait. Bon, bien, on va continuer d'abord avec le prochain point. On parle aussi... quand on parle d'accès à une information équilibrée et fiable en matière d'alimentation, là on applaudit l'intention d'activités éducatives pour sensibiliser les jeunes. On revient encore sur l'importance de sensibiliser l'ensemble de la population. Et on croit qu'en lien avec ceci il faut renchérir sur le point que l'OPDQ, l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, a amené, lors de son intervention, que nous sommes devant une situation à deux vitesses en nutrition, où l'accès aux services de nutrition pour les personnes recevant des traitements à l'intérieur du réseau de santé est garanti. Cependant, il n'y a pas d'accès public aux services en prévention. Donc, ce serait important, si on parle d'implanter une stratégie de prévention, d'y voir.
Mme Chevrier (Germaine): Alors, pour aller rapidement sur le développement de la saine culture alimentaire, juste vous dire que, bon, au niveau du soutien aux organismes communautaires qui facilitent l'apprentissage culinaire, on trouve que ce serait important de faire preuve... de continuer à supporter ces organismes-là. D'autant plus qu'on pense aussi qu'une politique travail-famille qui faciliterait aussi la relation que les parents ont avec leurs enfants pour mieux manger... À notre avis, de plus en plus, le geste de s'alimenter s'institutionnalise. Nos enfants, même les adultes, si on prend l'exemple des enfants, déjeunent à l'école, dînent à l'école, prennent leurs collations à l'école et souvent font leurs devoirs avec leurs parents, mais, à côté, ils mangent aussi, en même temps, parce qu'ils n'ont pas beaucoup de temps. Donc, on pense qu'il faut réintégrer la culture alimentaire dans nos familles.
Mme Pole (Nancy): Et juste...
Le Président (M. Paquin): Madame, si vous voulez conclure, le temps, il est terminé.
Mme Pole (Nancy): O.K. Bon, je te laisse conclure, puis après... On aurait aussi intervenu sur la dernière partie de notre mémoire, mais peut-être qu'on peut revenir lors de la période des questions.
Mme Chevrier (Germaine): Alors, pour conclure, on rappelle l'importance d'une politique québécoise de l'alimentation, entre autres, pour diminuer les problèmes de maladies chroniques et agir sur les déterminants de la santé. On pense que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit prendre un leadership dans ce sens. S'il veut développer un comité de travail, on est prêts à travailler avec vous là-dessus.
Puis, vraiment pour conclure, on vous invite à faire un petit peu de cuisine collective puis à aller à la dernière page de notre mémoire et d'essayer la recette qu'on vous propose. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de la lire.
Le Président (M. Paquin): On va regarder ça avec beaucoup d'attention. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, avant d'appliquer la recette, on vous donne la parole.
M. Couillard: Merci. Il y a beaucoup de cuisiniers dans la recette. On dit des fois: Trop de cuisiniers gâtent la sauce.
Mme Chevrier (Germaine): C'est ça qui fait... Ah oui, mais il faut qu'il y ait des chefs puis des aidants.
M. Couillard: Des marmitons, des aides-marmitons.
Mme Chevrier (Germaine): Oui. En cuisine collective, quand on est bien organisés, ça fonctionne.
M. Couillard: Oui. C'est bien de vous avoir avec nous, on est heureux de vous accueillir pour parler justement de l'aspect prévention. D'ailleurs, on est contents d'avoir stabilisé le financement, là, du milieu de la sécurité alimentaire. On peut faire mieux, et on devra faire mieux, mais, au moins, il n'y a plus cette insécurité de savoir si, l'an prochain, les sommes vont revenir; elles sont devenues récurrentes maintenant.
Vous savez, ici, à l'Assemblée, on est dans la période intensive, c'est la fin de la session, où on siège tard le soir, ce n'est pas le meilleur temps pour l'alimentation des députés. Vous devriez voir ce qui se consomme comme nourriture pendant cette période-là.
Je voulais aborder avec vous quelque chose qui émerge de plus en plus comme une préoccupation de la société, qui est l'obésité chez les jeunes, avoir votre point de vue. Vous qui êtes avec beaucoup de gens, souvent des gens défavorisés ? et on sait que l'obésité est plus fréquentes dans les couches défavorisées de la société ? comment est-ce que vous aborderiez ça? Comment... Je suis certain que vous l'abordez dans votre travail quotidien, dans les cuisines collectives. Quelle serait la façon la plus efficace d'aborder la question avec les jeunes?
Parce que, si on dit aux jeunes... J'en ai parlé un peu autour du tabac, dans les derniers jours, la pire chose à dire à un jeune c'est: Tu n'as pas le droit de ça, il ne faut pas manger ça, ce n'est pas bon pour toi, tu auras le droit plus tard. Ça, on peut être certains qu'on va avoir le résultat complètement opposé. Alors, comment vous abordez ça, vous, avec les gens avec qui vous travaillez? Peut-être des exemples concrets pour les gens qui nous écoutent, là, parce qu'ils peuvent bénéficier de votre expérience et de votre enseignement aujourd'hui même.
n
(16 h 30)
n
Mme Chevrier (Germaine): Bien, je pense qu'il faut faire d'abord un travail avec les familles, c'est ce que je disais tout à l'heure. Les jeunes, ils n'apprennent pas à manger comme ça, ils mangent souvent ce qu'on leur offre. Donc, s'il n'y a pas un apprentissage culinaire et ramener les parents à cuisiner à la maison et aider aussi à ce que les parents et les enfants reprennent l'apprentissage de mieux cuisiner, on pense que ça peut réduire les problèmes d'obésité.
Vous proposez ici des interventions dans les écoles, c'est une bonne chose, mais je pense qu'il faut inclure aussi le travail auprès des parents parce qu'ils sont les premiers qui ont la responsabilité de nourrir leurs enfants. Donc, il y a un grand travail à faire par rapport à ça.
M. Couillard: Il y a plusieurs...
Mme Chevrier (Germaine): Peut-être ajouter quelque chose.
M. Couillard: Oui.
Mme Pole (Nancy): Rapidement, juste pour revenir, c'est parce que, là, vous avez mentionné le fait aussi en milieu défavorisé, que c'est plus fréquent, bien chez les jeunes comme d'ailleurs chez les adultes. C'est un reflet paradoxalement souvent de l'insécurité alimentaire aussi. Le fait qu'on n'a pas les moyens de se procurer une alimentation saine, ça veut dire qu'on est portés à dépenser notre dollar alimentaire sur ce qui va nous remplir davantage. Et c'est ça qui paradoxalement amène le problème de l'obésité et des maladies qui sont reliées à ça. Donc, je pense que ça nous ramène aussi à la nécessité de s'attaquer à l'accessibilité économique et physique des aliments sains. Je pense que, si on avait à souligner un autre point central de notre présentation, ce serait ça.
M. Couillard: Oui, parce qu'effectivement la consommation de ce qu'on appelle la malbouffe, là, théoriquement, là, est plus répandue paradoxalement chez les gens qui ont le moins de moyens.
Est-ce que, dans vos travaux, vous êtes capables de démontrer qu'avec un budget, là, vraiment près du seuil de la pauvreté, où vivent beaucoup de Québécois, on est capable de changer les habitudes alimentaires ou le problème fondamental, c'est un problème financier, ou c'est un problème d'éducation, ou d'apprentissage?
Mme Pole (Nancy): Je pense que l'éducation, c'est toujours important, c'est toujours valable, mais ce n'est pas assez. Je pense que, là, on a vu qu'un des autres intervenants ici, l'ACEF de Québec, a parlé des études du coût du panier nutritif établi par le Dispensaire diététique. Ça démontre clairement que les personnes à plus faibles revenus n'ont même pas les moyens de se procurer le panier nutritif de base. Donc, l'éducation, oui, sauf qu'il faut encore une fois que les gens aient les moyens de pouvoir amener des changements à leur alimentation.
M. Couillard: Puis ça nous amène sur le terrain également de la taxation parce qu'il y a des groupes qui sont venus ici nous suggérer de taxer la malbouffe. Le problème, c'est que ça a l'air bien intéressant, puis c'est une bonne idée à première vue parce que, par exemple, on pourrait apposer une taxe sur les boissons gazeuses à haute teneur en sucre, là, qu'on connaît tous, puis avec ça faire des efforts de promotion et d'éducation populaire dans le domaine de la prévention, cependant, là, on est aux prises avec le même problème, c'est que, comme les gens qui consomment le plus ces produits-là sont les gens les plus pauvres de la société, c'est à eux qu'on va charger la taxe.
La personne qui habite à Outremont, à Montréal, en général elle n'en achète pas tant que ça, des grosses bouteilles de Pepsi, là. Je ne veux pas être caricatural, là, mais ce n'est pas là que ça se consomme le plus. Puis là on va se trouver à aller demander plus d'argent aux gens chez qui on veut prévenir l'habitude. Alors, comment est-ce que vous accueillez ça, cette suggestion de taxer la malbouffe?
Mme Chevrier (Germaine): Bien, c'est sûr qu'on aurait besoin d'y réfléchir un petit peu plus, mais ce qu'on se dit, c'est que taxer la malbouffe, ça ne fera pas diminuer les prix des aliments sains qui sont souvent beaucoup plus élevés que la malbouffe déjà. Donc, il faudrait peut-être essayer de trouver une solution aussi pour que les aliments sains soient accessibles, parce qu'ils ne seront pas moins accessibles, même si on taxe la malbouffe.
On peut aussi se poser la question: À qui on doit taxer? Est-ce qu'on doit taxer les consommateurs ou ceux qui produisent la malbouffe? Ça aussi, ce serait peut-être une autre avenue qui serait intéressante parce que de taxer les consommateurs, ça ne diminuera pas la quantité de malbouffe disponible.
Le Président (M. Paquin): M. le député, aviez-vous une question? M. le député de Rouyn-Noranda, on vous écoute. Vous aviez une question?
M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue): Oui, entre autres.
Le Président (M. Paquin): Allez-y.
M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue): Bonjour, mesdames. Le sujet m'intéresse beaucoup parce que j'ai des amis... puis, entre autres, j'ai une amie qui travaillait beaucoup dans les milieux démunis, dans les CLSC, puis elle disait effectivement qu'un des problèmes était l'éducation. Et une des choses qu'elle s'était rendu compte: plusieurs des personnes avec qui elle faisait affaire dans le milieu de Rouyn-Noranda, les gens allaient faire l'épicerie au dépanneur, qui était un des facteurs... n'allaient pas vraiment dans les épiceries. Puis, on sait, un, dans les dépanneurs, souvent ça coûte plus cher, les mêmes produits, et, l'autre chose aussi, la diversité était, là... plusieurs avait rarement mangé des fruits, etc. Donc, l'éducation est une chose importante.
Moi, souvent, dans le contexte de l'obésité... On en parle, puis, c'est drôle, aujourd'hui, je ne sais pas si vous avez vu La Presse...
Une voix: Oui.
M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue): O.K., il y a Les carottes sont cuites, O.K., puis c'est effectivement un problème. Moi, on en parle beaucoup avec ma conjointe, une des questions... puis là elle est très bien rapportée, les gens mangent, puis là elle est bien expliquée, les gens... certains mangent des aliments sains, mais c'est les portions qui sont énormes. Bien, d'où ceux qui me disent souvent... Moi, dans tout le dossier de la malbouffe, j'ai souvent des difficultés. J'ai des amis qui mangent très bien, puis ils mangent très riche, puis ce n'est pas eux autres qui sont les plus petits, parce qu'on devient, à ce moment-là... Question d'éducation, ce n'est pas nécessairement qu'est-ce que tu manges, mais la quantité que tu manges. Je me dis, quelqu'un qui va, une fois par semaine, manger à un fast-food, ce n'est pas nécessairement négatif comme quelqu'un qui va y aller sept jours par semaine.
Alors, c'est pour ça... Vous parlez d'aliments sains, à les rendre plus accessibles. Quand on arrive, par exemple, la période d'été, etc., on a les fruits, les légumes, ils sont relativement très abordables. Ce n'est pas ça qui fait qu'à ce moment-là il faut... bien de dire que les aliments sains ne sont pas nécessairement accessibles parce qu'on sait qu'à chaque saison il y a des aliments qui sont, je dirais, pratiquement en vente, puis, à d'autres périodes de l'année, ils ne le sont pas.
Donc, la question que je me demandais, revenant à l'obésité, dans tout ce que je viens dire, là, l'éducation, est-ce que vous pensez qu'à ce moment-là... il y a un travail à l'école, mais est-ce que l'éducation ne revient pas aussi à éduquer mieux les gens à prendre des portions diversifiées en termes de contenu mais aussi en termes de proportion dans les assiettes? Moi, souvent, je vais dire, c'est là qu'on en revient, c'est que les gens, les jeunes, ils mangent trop pour l'énergie qu'ils dépensent dans une journée.
Le Président (M. Paquin): Mme Chevrier.
Mme Chevrier (Germaine): Vous avez tout à fait raison, je pense qu'on ne peut pas contredire ce que vous venez dire, d'autant plus qu'effectivement les jeunes font de moins en moins d'exercice physique, ça, on le sait ? je pense qu'au ministère, au niveau de la santé publique, c'est très, très véhiculé. Donc, ça augmente effectivement les problèmes d'obésité.
M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue): Et pour... Oui.
Mme Pole (Nancy): J'ajouterais juste peut-être là-dessus aussi. Tout à fait d'accord, puis je pense que, là, quand on constate justement que le monde, on mange de plus en plus aussi, c'est un reflet de notre environnement alimentaire qui est malsain. Je pense que, là, ça nous permettrait de revenir sur quelque chose qu'on n'a pas eu le temps de dire tantôt, quand on parle de... Il faut peut-être aussi prendre des mesures pour combattre le poids prépondérant de cet environnement alimentaire malsain. Là, à l'instar d'autres intervenants qui sont venus ici aussi, je pense que ce n'est pas assez de sensibiliser le secteur agroalimentaire à la politique, il faut aussi se donner les moyens, des moyens politiques pour réglementer là où c'est nécessaire, par exemple peut-être dans le domaine de la publicité.
On a d'ailleurs vu récemment justement un rapport sur, comment dire, la performance, si vous voulez, des 25 entreprises agroalimentaires les plus grandes dans le monde par rapport à leurs engagements ou le manque d'engagements, le cas échéant, par rapport au contenu santé de leurs produits, de leurs messages publicitaires, etc. Les conclusions, c'est que, malgré la stratégie mondiale de l'OMS en matière d'alimentation, nutrition et d'activité physique qui demande aux entreprises d'assumer une part de responsabilité en matière d'amélioration de la santé publique, seule une petite minorité de ces entreprises sont en train de s'engager dans la voie de ces recommandations de façon volontaire.
Là, c'est encore un point... Je pense que c'est pour dire que le débat est là, c'est très au coeur, je pense, des questions de politique alimentaire actuellement, est-ce qu'on va réglementer ou ne pas réglementer, mais je pense qu'il y a quand même une petit poids d'évidence dans le sens de la nécessité d'aller dans ce sens-là.
Le Président (M. Paquin): Rapidement, cher collègue.
n
(16 h 40)
n
M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue): Oui. Moi, je suis l'adjoint parlementaire du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et Alimentation, M. Vallières. Le débat que vous faites est très prépondérant, puis on en parlait encore cette semaine parce que, par exemple, on parle du revenu agricole. Au Québec, on est la place au monde, une des places, où le panier d'épicerie est le moins cher sur la planète. Alors donc, on est pratiquement rendu à un seuil minimum pour faire de la réglementation supplémentaire. Puis un des... Juste finir aussi. Parce que j'ai parlé à beaucoup de personnes, par exemple, beaucoup de restaurateurs au Québec vont s'alimenter, au niveau des qualités des fruits et des légumes... s'en vont les chercher à Toronto parce que les Québécois ne veulent pas payer pour avoir des fruits et des légumes de qualité. Puis, à ce moment-là, les grands producteurs aiment mieux les envoyer en Ontario, puis tout ça, parce que les gens sont prêts à payer pour des fruits de plus grande qualité. Et souvent on reçoit, qu'est-ce qu'ils mettent dans leur classification, plus les degrés 2 et 3 de fruits et légumes parce que le Québécois ne veut pas payer plus cher. Alors, on fait face à une sérieuse situation à cet égard-là.
Le Président (M. Paquin): Bien. Oui, madame, vous avez une réponse?
Mme Pole (Nancy): Oui, bien, tout à fait d'accord avec vous. Je pense que c'est un problème majeur, puis là c'est sûr que je pense qu'il faut déployer des efforts d'éducation de la population pour qu'on arrive à reconnaître la valeur des sains aliments de qualité. Je pense que, par rapport à ça, l'intention que vous avez nommée, de rapprocher les consommateurs des producteurs, ça va tout à fait dans ce sens-là parce que c'est ça qui aide les gens aussi à changer un peu leur propre rapport à leur alimentation et leur culture alimentaire.
Le Président (M. Paquin): D'accord, merci. Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, bienvenue à cette commission parlementaire. Vous nous portez à réflexion aujourd'hui, hein? C'est vrai qu'on est en session intensive, et qu'on a des heures bizarres, et on a parfois de la bouffe bizarre, pour ne pas dire qu'on soupe tard. Bon, voilà.
Alors, ceci étant dit, je retiens de tout ça, de votre mémoire et de ce qu'on entend de nos cuisines collectives dans chacune de nos régions... Moi, je suis de la région de la Mauricie. On est interpellé par les gens qui s'occupent de cuisine collective. Ils font sûrement partie de votre regroupement, le contraire me surprendrait, et ils font un travail d'éducation formidable auprès des mamans qui, avec peu, doivent en arriver à faire de la bonne bouffe.
Et, quand vous disiez tout à l'heure qu'on devrait ramener peut-être l'importance de cuisiner maison, on sait qu'on peut tous le désirer puis le souhaiter, mais la vie est tellement partie dans le sens qu'on est à l'extérieur beaucoup que, quand on arrive à la maison, nos enfants ont souvent mangé, pour ceux qui en ont d'âge de s'alimenter seuls, que la première chose qui tombe sous la main, bien ils vont le prendre puis ils vont le manger. Et vous avez dit une chose importante également tantôt, que j'ai entendue souvent dans mon bureau de comté: Quand tu as peu de sous, bien tu vas t'organiser pour acheter des choses qui te bourrent davantage. Alors, tes enfants ont moins faim, ils ont bien mangé mais ils n'ont pas nécessairement... ils ont bien mangé, ils ont mangé suffisamment, ils n'ont pas nécessairement bien mangé.
Alors, l'histoire de l'éducation, ça me ramène à un passé qui date de plusieurs années dans mon cas, c'étaient les cours d'économie familiale qu'on nous donnait. Ça a l'air de rien, mais ça avait une importance. On ne s'en rendait pas compte, mais ça avait une importance. C'est bête à dire, mais ça tombait au moment où, à la maison, on avait des mères à la maison, hein, qui nous attendaient, ou qui nous préparaient un déjeuner, ou qui nous préparaient un dîner, puis, quand on arrivait, bien il y avait comme une bouffe de prête. Alors, il y avait déjà là, là, un incitatif pas juste à bien manger, c'est qu'il y avait une pensée là-dessus. Et, aujourd'hui, bien ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas. Je regarde autour de moi ce qui se passe, je regarde chez les jeunes familles, et les enfants se nourrissent avec toutes sortes de produits rapides, très rapides.
Et, quand vous parliez de publicité tout à l'heure, c'est évident que, si on fait la publicité qu'une bonne pomme, c'est tellement bon, puis tu la mets juteuse, puis ça te donne le goût de la manger, puis on sait que ce n'est pas ça qui coûte le plus cher à certaines... Tout à l'heure, mon confrère disait: Il y a une période de l'année où les légumes ou les fruits se donnent pratiquement. Bien, c'est là que l'éducation doit se faire. Mais, s'il n'y a pas éducation...
Je ne sais pas comment vous atteignez les familles, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, combien de mamans puis de quels groupes de personnes qui vont vous voir au niveau des cuisines collectives. Je sais que ça regroupe des gens plus, d'une certaine façon, mais je n'aime pas catégoriser, là, mais peut-être qui ont un petit peu plus de misère à arriver puis qui vont chez vous pour apprendre à faire plus avec moins puis avec de la bonne bouffe. Mais n'oubliez pas que, dans les familles mieux nanties ou qui travaillent à deux, ce n'est pas parce qu'il y a deux voitures à la porte, qu'il y a une belle petite maison qu'ils mangent bien en dedans, là. O.K.? Les enfants sont souvent au restaurant. Puis je ne veux pas en nommer non plus pour ne pas être poursuivie, là, mais il demeure que, quand tu te nourris avec ça, là-dessus, à la journée longue, bien c'est bien de valeur, tu as les résultats en obésité, et tout.
Alors, je ne sais pas comment vous voyez ça, mais est-ce que vous vous sentiriez même l'expertise d'aller dans des écoles puis aller voir même l'enfant? Parce que, quand l'enfant arrive à la maison puis qu'il dit à son père ou à sa mère: Telle affaire, il ne faut pas manger ça, ce n'est pas bon, on me l'a dit, c'est mauvais pour la santé, ça a une influence, un enfant, puis ça peut être insistant, un enfant. Parce que, là, je sais que vous rejoignez d'abord, à moins que je me trompe, et vous me le direz, les mamans qui vont chercher chez vous, dans la cuisine collective, une façon de faire avec d'autres et d'apprendre peut-être également à faire ce qu'elles ne savent pas faire non plus.
Alors, peut-être m'expliquer en deux temps. Premier temps, comment ça fonctionne dans vos cuisines collectives? Il se passe quoi vraiment, là? Est-ce que c'est un peu pareil à travers le Québec? Et, dans un deuxième temps, avez-vous l'intention, avez-vous le goût de pénétrer dans les écoles? Est-ce que c'est un objectif que vous visez? Parce que ça va se jouer là, là, vraiment, là. Il faut apprendre aux gens comment faire. Alors, je vous laisse aller là-dessus parce que c'est vraiment interpellant.
Le Président (M. Paquin): Mme Chevrier.
Mme Chevrier (Germaine): Donc, les cuisines collectives d'abord. Effectivement, il y a beaucoup de personnes en situation de pauvreté qui sont dans les cuisines collectives, mais il ne faut pas oublier qu'elles s'adressent à tout le monde. Donc, ce n'est pas un critère d'être en situation de pauvreté pour être dans une cuisine collective. Effectivement, pourquoi? Parce qu'il y a des gens qui travaillent, qui n'ont pas le temps de cuisiner, qui n'ont plus les connaissances pour cuisiner, donc, en se retrouvant dans un groupe de cuisine collective, peuvent réapprendre tout ça. Donc, ce n'est pas nécessairement une question de revenu familial pour participer à une cuisine collective.
Donc, la cuisine collective répond à un besoin économique, à un besoin d'économie de temps, mais aussi d'apprendre les saines habitudes culinaires. On a beaucoup, de plus en plus, de personnes dans les cuisines collectives qui sont des travailleurs qui font une journée de cuisine collective ou deux par mois, et ça leur permet d'avoir leurs repas prêts à la maison. Donc, ils ne vont pas arrêter en revenant du travail pour aller acheter une pizza ou un mets préparé parce qu'ils savent qu'ils ont déjà quelque chose de prêt. Ils vont pouvoir s'asseoir avec leurs enfants, manger, ensuite faire les devoirs, et ça va aller bien. Donc, ce n'est pas juste des... C'est des lieux aussi d'apprentissage beaucoup plus loin que juste l'aspect économique.
Pénétrer dans les écoles. De plus en plus, les cuisines collectives sont un peu partout. Il y a des cuisines collectives à cette heure qui se font avec les adolescents. Donc, effectivement, il y a des expériences, entre autres, je connais, en Montérégie, en Abitibi-Témiscamingue où on fait des cuisines collectives avec les ados, entre autres pour les préparer à aller, après, en appartement. Donc, il y en a dans les écoles, il y en a un peu partout. Il y en a pour tout le monde, là, de toutes les générations.
Mme Champagne: ...parce que je ne savais pas que déjà vous aviez une pénétration au niveau des écoles, parce que nos jeunes ados, qui se retrouvent très autonomes très vite et qui se retrouvent souvent avec un père et une mère qui ne cuisinent pas, là, qui n'ont pas appris non plus, là... On est rendus à cette génération-là, là, du non-apprentissage. Il y avait la mienne, ma génération, avec une mère qui cuisinait puis qui a tout fait pour m'apprendre ? je ne sais pas si elle a réussi, mais en tout cas elle a tenté de le faire ? puis on a la génération qui fait que nos enfants sont élevés par des parents, comme moi, qui n'ont pas pris le temps de leur apprendre à, et autant les gars que les filles ont besoin.
Une autre petite question, parce que je sais qu'il y a un autre groupe également qui s'en vient. Votre financement, vous le prenez où et comment? Vous êtes financés à partir des agences de santé? D'où vient votre financement comme cuisine collective?
Mme Chevrier (Germaine): Les cuisines collectives sont dans plusieurs milieux. On a des cuisines collectives qui sont des organismes communautaires qui ont la mission de développer des cuisines collectives. Donc, leur financement vient en partie du ministère de la Santé et des Services sociaux, de Centraide, des actions aussi d'autofinancement qu'ils font. Les personnes, pour participer aux cuisines collectives, financent leurs repas en quelque sorte. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce n'est pas un service qu'on donne aux gens, mais c'est les gens qui se donnent ce service-là dans les cuisines collectives.
Donc, pour comprendre comment ça fonctionne, au niveau de l'achat de la nourriture, là, les gens planifient ce qu'ils vont cuisiner, ensuite ils vont faire les achats. Ils décident le nombre de portions qu'ils vont avoir faits aussi durant la planification, ils font la cuisine, et ensuite ils se divisent les repas, et ils se divisent aussi les coûts des achats. Donc ça, c'est une partie de financement qui revient aux participants des cuisines collectives, aux participants-participantes. Donc, tout le monde est impliqué dans le financement.
On a des cuisines collectives qui sont dans des structures, dans d'autres organismes communautaires qui n'ont pas de mission de développer les cuisines collectives, comme les maisons de la famille, les centres d'action bénévole, les différents organismes comme ça aussi. Donc, leur financement vient souvent d'un support de cet organisme-là, là, soit par le financement. Et il y a aussi le programme de sécurité alimentaire, là, qui a été reconduit, qui aide les cuisines collectives considérablement, là, depuis trois ans.
Mme Champagne: Puis vous êtes dans toutes les régions du Québec. Je regardais le nombre de personnes qui font partie de vos regroupements, vous parliez de 33 250 personnes...
Mme Chevrier (Germaine): Que ça touche, oui.
Mme Champagne: ...que ça touche directement ou indirectement puis 1 330 groupes. Ça, c'est des groupes reconnus qui font partie de votre regroupement?
Mme Chevrier (Germaine): Oui, oui. Et ça, c'est un minimum, là. En fait, on a 393 membres qui regroupent environ 1 330 groupes. On suppose que ça a augmenté, là, parce que ce sont des chiffres qui datent de deux ans.
n
(16 h 50)
n
Mme Champagne: Et, demain matin, quelqu'un veut, dans une région, il vous écoute ce soir puis dit: Aïe! c'est intéressant. Je regarde juste la jeune maman qui est avec un jeune bébé à la maison qui dit: J'ai vraiment de la misère, je n'arrive pas, bien peut-être que je pourrais aller apprendre quelque chose là. D'abord, c'est un lieu d'échange qui doit être drôlement intéressant, hein, la première des choses. Alors, est-ce qu'il y a une recette, une méthode? Quelqu'un qui veut partir une cuisine collective, y a-tu un modèle, y a-tu une recette quelconque pour partir ça?
Mme Chevrier (Germaine): Bien oui, le regroupement offre une formation pour ceux qui veulent démarrer une cuisine collective. Et aussi quelqu'un qui veut s'intégrer dans une cuisine collective près de chez eux, il peut aussi appeler le regroupement pour pouvoir savoir comment ça fonctionne.
Effectivement, il y a une recette parce que ce n'est pas n'importe comment qu'on démarre une cuisine collective, là. Il y a des principes de base, il y a des valeurs aussi qui sont autour des cuisines collectives, qui sont très importantes à respecter si on veut que ça fonctionne, les valeurs particulièrement de l'autonomie, l'autonomie alimentaire qu'on redonne aux personnes.
Mme Champagne: Écoutez, je vous remercie. Ce que je peux vous dire, c'est que, oui, j'ai bien lu votre recette: des grands chefs des ministères, et ça se termine très bien en parlant d'autonomie alimentaire effectivement, et puis brasser des idées, faire mijoter, et tout. Écoutez, je vous félicite pour le travail extraordinaire que vous faites. Oui, les gens réfèrent à nous dans nos bureaux de comté parfois, pour avoir un peu d'aide et, après ce qu'on entend, on va peut-être avoir le goût de les aider encore davantage parce que vous êtes des références et des ressources. Merci infiniment puis bonne fin de journée.
Mme Chevrier (Germaine): Merci.
Le Président (M. Paquin): Très bien. Mme Chevrier, Mme Pole, représentantes du Regroupement des cuisines collectives du Québec, merci pour votre présence cet après-midi.
Et j'invite maintenant les représentants de l'Association des professionnelles et professionnels à la retraite du Québec à prendre place, s'il vous plaît.
Et je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 52)
(Reprise à 16 h 55)
Le Président (M. Paquin): Oui. Bon. La commission reprend ses travaux, et nous recevons maintenant les représentants de l'Association des professionnelles et professionnels à la retraite du Québec, je crois, représentée, entre autres, par M. Baril. Messieurs, bienvenue. Et je vous invite immédiatement, M. Baril, à présenter la personne qui vous accompagne et à faire part de vos mémoires.
Association des professionnelles et
professionnels à la retraite du Québec (APRQ)
M. Baril (Jean): C'est M. Rheault, qui est avec moi, qui a la parole plus facile que moi, qui va vous le présenter.
Le Président (M. Paquin): Parfait. On l'écoute avec beaucoup d'attention.
M. Rheault (René): Bonjour et merci de nous accueillir. Alors, je représente notre président qui s'excuse de ne pouvoir être ici aujourd'hui à cause d'un empêchement sérieux. Alors, nous ne présenterons pas de mémoire, mais une position et les questions que nous nous posons par rapport au projet gouvernemental.
Donc, je vais faire la lecture de son texte. Dans un premier temps, je limiterai mon propos à la réponse du gouvernement suite au jugement Chaoulli tout en reconnaissant que la santé au Québec est un problème global qu'il faudra analyser en privilégiant une approche qui tient compte de la nature de toute cette réalité.
D'après l'Institut du Nouveau Monde, dans le domaine de la santé, nous sommes confrontés à cinq grands dilemmes:
La santé: une responsabilité individuelle ou collective?;
Le rôle de l'État: prévenir ou guérir?;
L'accès aux soins: le privé ou le public? ou une troisième voie?;
Le financement: payer plus cher ou réduire l'offre de services?; et enfin
Qui décide: les bureaucrates, les médecins, les politiciens ou les citoyens?
Éventuellement, suite à une première réponse au jugement Chaoulli en privilégiant une approche plus globale et intégrée, nous tentons de trouver des réponses aux dilemmes identifiés par l'Institut du Nouveau Monde.
Que dit le jugement Chaoulli? Le jugement a reçu un accueil varié allant de la réception enthousiaste aux craintes les plus étendues. Au colloque organisé par l'Institut du Nouveau Monde en mars dernier, l'avocate Marie-Claire Prémont a présenté une interprétation claire du jugement Chaoulli, partagée par des nombreux spécialistes des questions juridiques, qu'elle a résumé de la façon suivante: «L'interdiction de l'assurance privée pour les médecins non participants au régime de financement public des soins de santé est incompatible avec les droits à la vie, à la sûreté et à l'intégrité protégés par la Charte des droits et libertés lorsque les pouvoirs publics soumettent les patients à des temps d'attente déraisonnables d'accès aux soins.» Et, plus loin dans sa communication, elle ajoute: «Par exemple, on ne peut soutenir que l'assurance privée est maintenant permise pour les services assurés par le régime public et oublier que cette décision n'a été possible qu'en raison du constat de délais d'attente pouvant mettre en péril les droits protégés.» La proposition gouvernementale. Par sa proposition, le gouvernement a pour objectif de répondre au jugement Chaoulli tout en préservant le maintien et l'amélioration de notre système public et universel de santé. Le gouvernement introduit un nouveau partenaire: les cliniques spécialisées affiliées. Cette formule consiste à doter le Québec de cliniques médicales de soins spécialisés équipées et gérées par des partenaires privés. Ces cliniques offriront des services aux citoyens à l'intérieur du régime public, sans frais pour le patient.
Un aspect important de la proposition gouvernementale est la garantie d'accès pour certaines procédures médicales pour l'ensemble de la population. Cette garantie pourrait éventuellement s'étendre à d'autres domaines ou à d'autres secteurs. Le projet gouvernemental prévoit la levée de la prohibition d'assurance privée seulement pour les procédures qui font l'objet d'une garantie d'accès visant l'ensemble de la population.
Le mécanisme d'accès aux soins prévoit que le patient consulte d'abord un médecin et un spécialiste pratiquant dans le système public. Le patient est inscrit officiellement sur la liste d'attente d'un établissement public de son choix. Si la chirurgie n'a pas lieu dans cet établissement avant six mois, un autre établissement ou une clinique spécialisée affiliée est proposé au patient. Si, au bout de neuf mois, la chirurgie n'a pas encore eu lieu, on propose au patient de se faire opérer dans une clinique à financement privé ou dans un établissement hors Québec, l'État assurant le paiement de cette chirurgie.
n(17 heures)n Points de vue et craintes. Voilà la période de nos questions, si vous voulez. La proposition gouvernementale présentée est intéressante sous certains aspects, mais, à mes yeux, elle présente certains risques. Je devrais dire «à nos yeux», puisque le texte du président résulte d'une motion, d'une proposition adoptée à l'unanimité par l'association. Une certaine ouverture limitée à la production ou à la livraison de services de santé par des organismes... des organisations privées, dis-je... L'utilisation du secteur privé ne doit d'aucune façon remettre en question le financement public des services et l'universalité de notre système.
Une première question relative à l'utilisation du secteur privé pour améliorer le secteur public n'est pas démontrée. M. Paul A. Lamarche, professeur au département d'administration de la santé et de médecine sociale et de prévention de l'Université de Montréal, dit: «Pour assainir la validité de sa proposition, le gouvernement devrait au minimum fournir quelques exemples de pays qui ont réussi à maintenir et à améliorer leurs systèmes publics et universels de santé en faisant une plus grande place au secteur privé en matière de financement et de production de services de santé.» N'aurait-il pas été possible de répondre à l'arrêt Chaoulli en proposant des moyens d'améliorer des services dans le secteur public? Plusieurs participants au colloque organisé par l'Institut du Nouveau Monde les 24 et 25 mars dernier partageaient ce point de vue.
L'étanchéité du système. Le gouvernement ne dit rien de la possibilité pour une clinique spécialisée affiliée de recruter indifféremment des chirurgiens participants au régime public et des médecins non participants.
Autre question: Est-il possible pour un patient de ne pas passer par le mécanisme de garantie et de se rendre directement à une clinique à financement privé pour obtenir immédiatement la chirurgie requise en payant lui-même ou en faisant payer son assurance? Si la réponse est négative, à quoi sert l'assurance privée? Si la réponse est positive, il est à prévoir deux temps d'attente très différents. Dans sa proposition, le gouvernement ne cache pas son intention d'étendre graduellement à d'autres traitements la garantie d'accès. Sur cette question importante, le gouvernement utilise son pouvoir réglementaire.
En terminant, nous croyons qu'il est important pour les aînés de participer à ce débat de société sur notre système de santé. Dans cette réflexion, deux arguments nous semblent évidents: d'abord, la santé est une réalité très présente dans nos vies en tant qu'aînés et aussi parce que la santé est une préoccupation qui rejoint l'ensemble de la population. Comme je le mentionnais tantôt, cette position a été acceptée à l'unanimité par les membres du conseil d'administration.
J'ajouterais ceci. Quand on parle en faisant référence aux assurances privées, je vous référerais à l'étude de la Régie des rentes qui est sortie, là, en mars dernier et qui nous parle que 44 % des retraités ont un revenu inférieur à 15 000 $, alors que seulement 5 % ont un revenu à 50 000 $, ce qui pourrait, dans le cas d'une assurance, mettre les aînés dans une situation d'infériorité ou d'inéquité, si on veut.
Et je voudrais également ? et je termine là-dessus ? attirer votre attention sur le fait qu'à notre avis un délai d'attente pour un aîné est plus critique qu'un délai d'attente pour une personne beaucoup plus jeune parce que la qualité de vie pour un aîné ne se mesure pas en années mais en journées. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Journées qu'on espère assez nombreuses pour faire plusieurs années, hein? On va se... Regardez, les questions sont claires, puis les réponses, vous allez le voir, sont assez précises également. D'abord, l'assurance privée n'est jamais présentée comme une réponse pour l'accessibilité et le financement, c'est là uniquement en rapport avec une partie du jugement Chaoulli. Vous allez voir avec les suites qui vont être données que c'est encore plus restreint que même ce qu'on a initialement annoncé.
Et, pour répondre à M. Lamarche par votre intermédiaire, ce que je lui dirais... Et encore une fois ce n'est pas ce qu'on propose, on ne propose pas le financement privé du système de santé, là, mais M. Lamarche vous demande de nous demander d'autres exemples de pays où le système privé a fait ses preuves. Bon. Moi, je lui répondrais par un défi identique. C'est que le Canada est le seul pays moderne dans lequel il n'y a pas de mixité public-privé des soins médicaux, alors que les autres pays ont des niveaux d'accessibilité pas mal plus élevés, pas tous mais certains ont des niveaux d'accessibilité pas mal meilleur que le nôtre. Bon. On s'améliore, on veut s'améliorer, mais on a encore, je pense, du chemin à faire. Alors, ce n'est pas le Canada qui est l'exemple commun, puis les autres pays qui sont l'exception, c'est le Canada qui est l'exception, puis les autres pays qui sont l'exemple commun.
Deuxièmement, l'étanchéité pour nous est absolument cruciale, hein, on la maintient dans le document, et, pour répondre plus spécifiquement à votre question, les cliniques affiliées ne seront constituées que de médecins participants à la Régie de l'assurance maladie du Québec. Donc, il n'y aura pas la double population entre les deux. Pourquoi? Il faut que les médecins choisissent: ou bien ils sont dans le système public ou bien ils sont dans le système privé.
Votre dernière question sur l'accès direct à la clinique privée, ça me fait réaliser que souvent les gens ne connaissent pas comment ça marche actuellement. Vous savez qu'il existe des cliniques privées déjà, aujourd'hui même, non participantes, à Montréal surtout ? à Québec, ici, il n'y en a pas. Vous pouvez vous-même, demain, aller voir Dr X avec 12 000 $ puis avoir votre chirurgie avant tout le monde. Donc, il y a déjà, là, un élément, là, qui est une différence d'accès selon le paiement. Comme le nombre de médecins non participants est très limité, ça n'a pas un gros impact sur la population.
Et on ne propose pas de créer de mécanisme pour augmenter ce type de service là puisque les assurances privées ne sont reconnues que pour trois chirurgies, uniquement par les médecins non participants et sans possibilité de progression facile. Parce qu'une chose qu'on a changé au cours de la commission, par rapport au document initial, c'est qu'on prévoyait qu'on pourrait augmenter le nombre de chirurgies pour lequel l'assurance privée est possible par règlement. Ça, c'est un peu facile nous ont dit plusieurs. Alors, on va prévoir que ça ne puisse se changer que par législation, de sorte qu'il faut qu'un gouvernement dépose un projet de loi pour agrandir, si vous voulez, le panier de ce qui est offert à l'assurance privée. Alors, je pense que ça répond assez précisément aux questions que vous vous posiez. Oui?
M. Rheault (René): Oui, oui, oui. Si vous permettez cependant, le dernier aspect, justement l'arrivée des cliniques privées précisément nous porte à vous mettre en garde, parce qu'évidemment ça a peu d'importance pour le moment, mais évidemment ça pourrait en avoir beaucoup si ça se répandait. Nous sommes assurés que vous n'avez pas l'intention de favoriser ça.
Nous sommes conscients aussi que, dans certains pays, ça existe bien sûr, là. Notre intervention n'était pas dans le sens de dire que ça n'existait pas ailleurs parce que ce serait vraiment nier la réalité.
M. Couillard: Je répondais à M. Lamarche.
M. Rheault (René): Oui. Oui, d'accord. Sauf qu'à un moment donné il y a... Évidemment, nous autres aussi d'ailleurs, on est conscient qu'on a déjà une participation du privé, là, non pas dans les hôpitaux, mais dans les cliniques de radiologie, etc., par exemple, oui.
M. Couillard: Parce que, ça me frappe toujours, vous devez certainement avoir voyagé dans votre vie, puis, quand on parle à, par exemple, des Européens, ils sont assez surpris de voir qu'on a ce genre de débat au Canada parce que pour eux la coexistence d'un système de santé privé-public, ce n'est pas un sujet de débat de société, là, quels que soient les gouvernements qui sont au pouvoir, c'est un acquis qui est là. Ils ont réussi à l'organiser de façon à maintenir l'égalité dans l'accès, et ça, c'est intéressant. Mais ils ont surtout beaucoup plus de médecins que nous également, et ça, c'est une chose dont il faut toujours se souvenir.
Écoutez, étant donné que vous représentez les retraités, j'aimerais que vous nous donniez votre point de vue, si vous l'avez développé à l'intérieur de votre groupe, sur la proposition de M. Ménard sur le financement, par une caisse d'assurance pour la perte d'autonomie. J'indique que sa proposition ne vise pas nécessairement les aînés d'aujourd'hui, là, mais les aînés de demain que je serai et que d'autres par la suite... les autres générations qui suivront. Alors, est-ce que vous êtes familiers avec la proposition de M. Ménard?
M. Rheault (René): Oui. Oui.
M. Couillard: Il suggère de créer une caisse d'assurance...
M. Rheault (René): Oui. C'est ça.
M. Couillard: ...pour les soins entourant la perte d'autonomie en général liée au vieillissement mais également pour d'autres causes.
n(17 h 10)nM. Rheault (René): Oui. Ça provient un petit peu de la première proposition par M. Clair qu'il a reprise dans son rapport. Bien, c'est-à-dire qu'on n'a pas objection à prime abord, sauf que la question qu'on se pose, on dit: Qui paierait? Parce que déjà, comme les retraités sont déjà rendus à un certain âge et qu'ils ont déjà contribué largement aux soins de santé, comme tous les citoyens, il faudrait trouver une caisse qui détermine bien la responsabilité de chaque groupe dans la société, parce que ça pourrait devenir inéquitable à la rigueur.
Deuxièmement, c'est qu'en faisant de cette façon-là on commence à sectionner le budget du gouvernement. On pourrait très bien demander la même chose... une caisse d'assurance pour les routes, par exemple. Je veux dire, ça pose ces questions-là. On n'a pas de réponse véritablement, mais je trouve que ça pose des questions effectivement.
Mais, moi, personnellement, je pense que c'est le système des impôts qui finalement est la meilleure source de revenu des gouvernements et qui doit contribuer à assurer, parce qu'autrement on va commencer à surtaxer les gens, comme déjà c'est commencé avec les différents services, si vous voulez, c'est-à-dire qu'on va changer l'impôt direct en impôt indirect. Mais enfin, là, c'est de la réflexion, on n'est pas rendus plus loin que ça.
M. Couillard: Mais le problème que M. Ménard souligne, puis il était ici aujourd'hui même, c'est que la société va profondément se modifier au cours des prochaines années. Il y aura beaucoup moins de personnes actives par rapport au nombre de personnes retraitées, de sorte que, si on se fie sur l'imposition de chaque année, là, «tax as you go» comme on dit en anglais, il va y avoir une impasse, là. Alors, ce qu'il propose, lui, c'est une caisse capitalisée qui augmente de valeur avec les années, à partir de laquelle on peut retirer des services qui sont directement donnés aux gens, toute la société, là.
M. Rheault (René): Sauf que, moi... On a travaillé en main-d'oeuvre tous les deux, donc on est des gens de relations industrielles. Quand on dit qu'il va y avoir moins de monde actif, on associe ça au vieillissement de la population, mais je pense que c'est faux parce qu'on va avoir recours à l'immigration. On ne laissera pas tomber les entreprises parce que les gens vieillissent. Il y a des pays où les moyennes d'âge sont très basses et qui cherchent à émigrer.
Évidemment, la technologie diminue un certain nombre d'emplois, sauf qu'on constate, par exemple, qu'il s'en crée d'autres ailleurs. Prenez tout le phénomène du tourisme, par exemple, qui n'existait pas il y a 10, 15 ans. Alors, il y a eu des fermetures d'entreprises, puis, à un moment donné, on a développé tout un secteur de création d'emplois qui n'existait pas dans la société.
M. Couillard: C'est intéressant. Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: M. Rheault et M. Baril, bienvenue. Vous savez qu'on est rendus à peut-être, je ne sais pas combien, là... Combien qu'on a de groupes de rencontrés?
Le Président (M. Copeman): 92, 93, je dirais, peut-être 95 même.
Mme Champagne: 92, 93 groupes. Alors, si on n'est pas un peu plus connaissants, on a un problème, hein? Alors, vous faites partie de ceux qui, ce soir, nous permettent de terminer notre semaine avec, je dirais, un propos, là, qui vient quand même d'un groupe qui a été sûrement très impliqué socialement parlant avant d'être des retraités heureux de l'être. Alors, j'aurais une petite curiosité, si vous permettez. Un vendredi, on peut se permettre toutes sortes de choses. L'Association des professionnelles et professionnels à la retraite du Québec, ça regroupe combien de personnes?
M. Rheault (René): Entre 3 000 et 3 500. On regroupe en fait les professionnels des secteurs public et parapublic, mais en pratique, à l'heure actuelle, parce que notre association est jeune ? elle a commencé en 1994 ? on regroupe particulièrement les professionnels du gouvernement qui sont à la retraite à l'heure actuelle.
Mme Champagne: O.K., merci. Alors, c'était ma petite curiosité du vendredi. Alors, écoutez, vous avez eu réponse à certaines de vos questions. Je n'en ajouterai pas dans ce genre de questions là, puisque les réponses qu'on vous a données sont celles qui sont la réalité, là, tant concernant la proposition gouvernementale que l'étanchéité du système, et on est tous de cet avis-là de ce côté-ci, je dirais, de... je dis toujours de la Chambre, mais de ce côté-ci de la table... que du côté du gouvernement.
Non, on n'est pas d'accord, nous non plus, à ce que les médecins se promènent de l'un à l'autre, participants et non participants. Ça pourrait créer vraiment deux classes de, là, et ça, je pense que là-dessus ça a été répété et re-re-re-répété. Donc, on s'entend sur le principe minimal à maintenir.
Concernant également les craintes d'aller simplement par règlement puis modifier le tout, je pense que ça a été clair, c'est l'histoire de retourner en législation s'il y a lieu d'aller vers des mesures différentes.
Alors, je pense qu'il y a des bouts de chemin de faits, d'éclairage, de part et d'autre, là, et on n'a pas terminé encore, là, les auditions. Et vous savez que le rapport Chaoulli, ce jugement-là nous donne une limite très, très, très bientôt, là, dans les décisions qui vont être à prendre, et on comprend, d'après les gens qu'on a rencontrés, toute la pertinence et la délicatesse de l'ouverture. Les gens sont allergiques à un système à deux vitesses, ont peur d'être mal servis. Et, à date je pense que ça été prouvé, ce n'est pas parce qu'on va ouvrir pour le privé qu'on va nécessairement se donner des marges de manoeuvre plus grandes, et je pense qu'on l'a tous vu, là ? après 90 groupes, là, si on ne l'a pas vu, on ne le verra jamais ? c'est comme de se donner une respiration peut-être, là. Et le débat est entier, là.
Vous savez, on part, le soir, avec ça en tête, et avec la meilleure décision à prendre et comme parlementaires où va se devoir d'engager, peut-être pour plusieurs années, les gens dans une forme de système qu'on essaie de voir le plus juste possible. Donc, équité bien évidemment, justice puis équilibre dans les diverses cases de la société.
On a habitué nos gens à être capables d'aller se faire soigner sans être obligés de se mettre dans le péril financièrement parlant. Et tout le monde se rappelle, moi la première avec des parents qui, s'ils vivaient, seraient très, très âgés... ma mère aurait 100 ans dépassé et elle a dû payer pour certaines opérations. Je pense même que le ministre avait raconté que, de par ses parents ou autrement, il y a eu une époque où on payait quand on avait besoin de soins. Il y a des gens qui s'endettaient même pour accoucher. Alors, aujourd'hui, on ne vit plus ça, c'est important. Mais la population vieillit, et, je tiens à le dire et à le répéter pour que ce soit bien consigné, ce n'est pas une maladie de vieillir, on en fait un constat.
Et on fait également un autre constat: On a fait peu d'enfants. Donc, on sait pertinemment que, dans l'avenir, ceux qui auront à payer... Je regarde mon fils, bien j'en ai un. Alors, il aura peut-être à continuer à payer pour moi le jour où je serai à la retraite. On n'a plus 16 enfants comme ma mère avait. C'est un autre phénomène.
Et j'apprenais ce midi, en dînant avec une délégation du Japon, que leur taux de relève, si on veut... Le nôtre, on est inquiet parce qu'on a 1,4 enfant en moyenne par famille, le leur est de 1,225... 1,25 c'est-à-dire. Alors, c'est très, très peu. Et ils ont également de leur côté un système de santé publique avec une participation autant de ce qu'on peut appeler des municipalités que du gouvernement et une toute petite part venant des personnes âgées. Donc, ils ont un système très public, et ça m'a même surpris parce que la population est quand même beaucoup plus grande que la nôtre.
Alors, ce que j'aimerais entendre de votre part, c'est concernant justement ce fameux jugement qui vient dire: Écoute, on ne peut plus se permettre de laisser des gens en attente. Est-ce que pour vous la vision d'un système public mieux géré... Est-ce que la gestion de notre système vous interpelle, vous a interpellés? On a entendu M. Ménard, à matin, nous parler justement de l'importance de se restructurer différemment, d'avoir une nouvelle lunette dans la façon de voir les choses qui peut-être va nous permettre de voir que, oui, il y a peut-être lieu de se donner une soupape dans le privé que le public va assumer ? tu sais, la bâtisse peut être privée, là, mais on va assumer les soins à l'intérieur de ces bâtisses-là ? mais qu'il faut en même temps, de façon structurelle, revoir ce qui se passe sur le terrain présentement, de nouvelles façons de faire. C'est-u un sujet sur lequel vous vous êtes penchés comme association professionnelle?
M. Rheault (René): Bien, c'est-à-dire, on ne s'y est pas penchés, là, on s'y penche. Je devrais dire plutôt qu'on s'y penche depuis longtemps. Il n'y a pas de doute qu'on est très conscients qu'il y a beaucoup à faire pour améliorer le système public, et j'ai l'impression que c'est déjà commencé depuis un certain nombre d'années, parce que c'est sûr qu'il y a des problèmes de gestion absolument épouvantables ? je vous donne un exemple ? parce que, quand mon épouse a été hospitalisée il y a quelques années, puis j'y allais régulièrement, là, tu sais, puis, quand je vois qu'à un moment donné l'infirmière est obligée de suivre le médecin puis transcrire les rapports, alors ce qu'à mon avis le monde clérical pourrait faire, donc on sauverait des emplois... Il y a quelques hôpitaux d'ailleurs qui ont commencé à le faire.
C'est sûr qu'il y a une bureaucratie hospitalière qui s'est installée avec les années, comme ça arrive dans les entreprises d'ailleurs, et à mon avis il faut la changer, il faut la modifier. C'est inefficace. Nous autres, ce que, nous, nous constatons, c'est que c'est inefficace, et il y a des problèmes, même des problèmes d'interconnexion.
Moi, je pourrais vous donner un exemple très personnel, mon épouse a fait une sténose spinale. Elle a été opérée en neurochirurgie il y a quatre ans, puis ça n'a pas réussi. Alors donc, c'est le phénomène de la douleur. Mais là où elle a été opérée, on n'était pas préoccupé par la douleur. Donc, on a essayé toutes sortes de démarches. On a fini par pouvoir entrer à l'Institut de neurologie à Montréal, et là on va lui installer une pompe à médicament. Mais ça fait quatre ans, puis là on y va pour les examens médicaux préalables, on ne sait pas quand encore, puis elle attend, puis elle a 85 ans. Alors, voyez-vous, quand je disais tantôt que le temps d'attente pour une personne âgée, ça se calcule en nombre de jours, c'est à ça que je pensais.
Mais il y a certainement moyen. Moi, je pense qu'il y a des efforts qui sont faits pour améliorer le système, mais il va falloir donner encore un coup de barre. Ça, nous, nous sommes très conscients de ça.
Mme Champagne: Mais vous, si...
n(17 h 20)nM. Rheault (René): Et surtout, et surtout qu'ayant été en relations industrielles, là, quand j'observais, par exemple, là, je prends le même exemple, et j'ai vu d'autres hôpitaux, je voyais comment les gens, par exemple, les tâches étaient mal distribuées et comment les gens, par exemple, faisaient des pas inutilement. J'ai dit, à un moment donné, en jasant avec des infirmiers puis des infirmières, j'ai dit: Je ne sais pas combien de pas inutiles que vous faites dans une journée, vous pouvez bien être épuisés. Alors donc, il y a toute la question de l'étude des temps et mouvements aussi dans les hôpitaux qu'il faudrait revoir. Ça a l'air de rien, mais ça peut apporter beaucoup.
Mme Champagne: Les façons de faire, parce que M. Ménard le souligne et d'autres l'ont souligné, que de vouloir aller simplement du côté privé en disant: Regarde, on va dégager, puis de continuer à payer en fait pour le public, ce qu'on paie tous, là, de nos poches, parce que c'est quand même on disait 43 %, là, du budget, puis encore, on pourrait en discuter longtemps, de ça... Alors, cette façon-là de voir la gestion des soins de santé, tant dans nos services de première ligne que services de deuxième ligne ou autres... C'est complexe, le système de santé, mais, quand on en est rendu à payer 43 %, il faut peut-être effectivement à mon avis se requestionner là-dessus. Et c'est peut-être du gros bon sens aussi, hein? C'est peut-être ça.
M. Rheault (René): Moi, je pense qu'on paie trop cher pour les services qui nous sont donnés à l'heure actuelle, pour évidemment les raisons... mais je veux dire, en termes de coûts, là. C'est pour ça que, moi, je prétends que ce n'est pas rien qu'une question de financement, c'est une question d'organisation, c'est une question de gestion.
Mme Champagne: D'organisation et de gestion.
M. Rheault (René): D'ailleurs, je vous donne un autre exemple, vous avez, en termes de structure, là, un problème, là. Vous avez un conseil des médecins puis un conseil d'administration de l'hôpital, là, qui souvent ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde et qui parfois rendent les choses un peu difficiles.
Mme Champagne: De toute façon, vous savez comme moi, M. Rheault et M. Baril, qu'on parle beaucoup, dans le plan d'action pour les aînés en perte d'autonomie, et j'ai eu à échanger avec le ministre là-dessus... Le plan d'action pour les aînés en perte d'autonomie vise le maintien à domicile le plus longtemps possible de gens qui auront des besoins, mais peut-être, à ce moment-là, ça ira aussi loin que les services seront donnés, et on ne déplacera plus des personnes, là, sur des civières, qui traînent dans des hôpitaux une journée, deux journées, trois journées. Ils n'ont pas d'affaire là, mais pas du tout, mais il y a une ressource qui est manquante.
Alors, je suis consciente, moi aussi, de la bonne intention de maintenir les personnes en perte d'autonomie ou en... Parce qu'il y a divers niveaux de perte d'autonomie, hein? Pas tous, demain matin, on tombe en perte d'autonomie totale. Et, même dans les petites résidences pour personnes âgées, on sait pertinemment que, quand on dit: Nous sommes des résidences pour personnes autonomes... Bien, vous auriez dû entendre ma mère dire: Quand on est autonome, on reste chez soi. Or, aujourd'hui, on est en train de dire: On va garder les personnes âgées davantage à la maison, avec de l'aide. Mais je répète toujours mon même exemple: Dans une semaine, il y a 168 heures; si je t'en donne 40, ce qui est le max à peu près qu'on est capable de donner maintenant, bien il t'en reste encore 128 à gérer. Et, comme il y a peu d'enfants, bien il n'y aura peut-être pas huit enfants qui vont aller prendre la relève un jour semaine chacun ou un peu plus. Alors, on a cette difficulté-là qu'il faut envisager.
Et les gens du Japon me disaient ce midi... Il y avait un traducteur, j'aime autant vous le dire, là, je ne parle pas japonais, puis une très bonne traductrice d'ailleurs, une Québécoise qui a vécu au Japon, et on me disait qu'après avoir fait une expérience ? et je tiens à le souligner pour que le ministre l'entende également, puis on va avoir la chance d'en reparler ? qu'avec le temps, les besoins devenant très grands, de vouloir garder les gens à la maison, ça peut coûter très cher parce que la personne, c'est beau de vouloir la garder chez elle, mais, comme je dis, si tu ne peux pas lui donner plus que tant d'heures, parce que ça coûte quand même des sous...
Puis encore je le dis avec beaucoup, beaucoup de... Je mets des bémols, là, parce que je sais à quel point ma propre mère aurait aimé rester chez elle jusqu'à 98 ans bien sonnés puis qu'elle a dû, à 90 ans, se trouver avec nous une petite place, parce qu'elle était toute petite, donc une petite place dans une petite résidence pour avoir l'aide, et le soutien, et la sécurité dont elle avait besoin. Mais, si on n'avait pas été là et si elle n'avait pas eu de famille, d'enfants pour l'aider, elle aurait à mon avis drôlement souffert. Elle aurait été isolée, seule et abandonnée parce qu'on n'était pas prêt à recevoir une personne non voyante. On l'a fait parce qu'il y a eu de l'aide apportée par la famille qui était très volontaire et qui défendait la cause de sa mère.
Or, on s'en va vers ce choix-là qu'on veut faire comme société. Je pense qu'il va falloir peut-être évaluer les coûts. Et, si, demain matin, vous, M. Baril, ou, vous, M. Rheault, aviez à faire ce choix-là, vous voudriez avoir la résidence où vous êtes le mieux possible, en ayant les soins nécessaires mais pas nécessairement des soins de santé. Vous pouvez vieillir sans être malade puis vous n'êtes pas obligé, dès que vous avez une petite maladie... Regardez les petites résidences pour personnes âgées, là, rapidement, il y a un petit bobo, l'ambulance ? tu entends la parole magique: ça ne coûte rien; pas vrai que ça ne coûte rien, il y a du monde qui paie pour ça ? vite à l'hôpital, et là on les garde 12 heures sur une civière, puis on les retourne à la résidence. En fait, ils n'avaient peut-être pas grand-chose. Alors, il y a tout ce système-là à revoir.
M. Baril (Jean): Il y a une question que je me pose, si vous me permettez. On dit, dans le rapport, là, ici, que vous connaissez, on parle de transferts fédéraux probablement comme une solution puis on dit: Bien, le gouvernement fédéral, il parle de réduire les temps d'attente, après ça on passe au rapport Ménard, etc. Je me demande s'il n'y aurait pas un joint à faire entre les deux, dans ce sens que, si le fédéral exige des temps d'attente plus courts, ne devrait-il pas, lui, fonder une caisse qui permettrait ensuite de verser ? une caisse dédiée à ça, là, aux soins de santé; verser ? à chacune des provinces quelque chose plutôt que ce soit le système du Québec uniquement? Je sais que la situation est peut-être plus grave au point de vue démographique ici, mais il reste quand même que, si le fédéral veut s'immiscer dans ce champ-là, il me semble que ça devrait être un programme fédéral, c'est-à-dire pour l'ensemble des provinces, puis qu'on pourrait avoir une caisse pour ça. Pensez-vous que ça a du sens?
Mme Champagne: Moi, je vais vous dire ceci, puis je pense que le ministre pourra vous reparler après. Je vais utiliser le peu de temps qu'on a pour vous dire que je suis d'accord que le fédéral nous donne les argents qui nous reviennent, mais je suis convaincue, puis là je vais être absolument non partisane dans mon propos, et je pense que le ministre va peut-être apprécier mon propos... Je pense qu'on est assez grands et vaccinés pour gérer notre argent et le gérer correctement. Alors, s'ils veulent nous donner 1 milliard, 2 milliards, 3 milliards pour permettre de garder nos gens davantage à la maison ou dans des petits centres d'accueil où ils ne sont pas nécessairement dans des mouroirs, puis je défends la cause des aînés, puis c'est mon dossier en plus, puis j'y crois, bien qu'on nous donne l'argent pour le faire et qu'ils ne viennent pas s'immiscer dans nos affaires.
M. Baril (Jean): Je ne veux pas dire qu'ils s'immiscent.
Mme Champagne: Ils ne connaissent pas vraiment les besoins qu'on peut avoir, puis je pense qu'au Québec beaucoup de gouvernements qui nous ont précédés, le nôtre étant parmi ceux-là, sont capables de voir le besoin. Parce que, vous avez raison, chacune des provinces a une réalité différente, a peut-être une vision différente. On peut maintenir des standards communs...
M. Baril (Jean): Mais je n'exclus pas le fait que la province le gère. Ce que je dis simplement, c'est que la caisse pourrait être fédérale et redistribuée aux provinces, et le provincial, comme de raison, il est dans son champ de compétence, puis il n'y aurait pas de conditions à ça. Mais, je veux dire, ce serait un programme pancanadien, c'est ça que je veux dire, puis peut-être que ce serait plus facile, jusqu'à un certain point, pour le fédéral de justifier l'argent qu'il donne en transferts à la santé.
Mme Champagne: Écoutez, c'est le débat. C'est un grand débat, hein?
M. Rheault (René): Mais, pour rejoindre votre préoccupation, là, nous, là, si je parle de nos membres, là, les gens veulent demeurer chez eux jusqu'à leur mort.
Mme Champagne: Tout à fait.
M. Rheault (René): Bon. Vous avez même des compagnies d'assurance... Je suis allé à un colloque... la SSQ nous a fait une consultation là-dessus, par exemple. Mais, à ce moment-là, par exemple... Et, en ce qui concerne les coûts, c'est clair que ça coûte moins cher que les centres d'accueil. Par contre, là, votre préoccupation réfère à une politique qu'on devrait avoir concernant les aidants naturels. Parce qu'il y a aussi une responsabilité sociale qu'on a éliminée avec le temps parce que... Bon. Mais peut-être qu'il faudrait arriver à ça. Oui, je m'arrête, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Baril, M. Rheault, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association de professionnelles et professionnels à la retraite du Québec.
Et, étant donné que nous avons épuisé l'ordre du jour, j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 29)