(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales ? la formule ne varie pas beaucoup, hein? Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.
Pour faire changement, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Charbonneau (Borduas) va remplacer Mme Charest (Rimouski); M. Valois (Joliette) va remplacer Mme Champagne (Champlain). Voilà.
Le Président (M. Copeman): Il y a certaines constances qui s'installent à la Commission des affaires sociales. Merci.
Je vous rappelle également, chers collègues, que l'utilisation... ainsi que tous ceux qui sont présents dans la salle, qu'on devrait mettre nos téléphones cellulaires hors tension pour ne pas déranger les travaux de la commission.
Consultation générale sur le document
concernant les services de santé intitulé
Garantir l'accès: un défi d'équité,
d'efficience et de qualité
En ce qui concerne le mandat qui est devant la commission, nous siégeons ce matin uniquement. Et nous allons débuter dans quelques instants avec la Centrale des syndicats du Québec, suivie par la Fédération des médecins résidents du Québec, pour terminer la matinée avec l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal et Association générale des étudiants en pharmacie de l'Université Laval.
Auditions (suite)
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Mme la vice-présidente Chabot, bonjour.
Mme Chabot (Louise): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Comme vous le savez, vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je sais que vous allez le partager un tout petit peu avec d'autres collaborateurs, collaboratrices. Je vais vous aviser quand il vous reste un certain temps pour mieux vous aider à conclure. Par la suite, ce sera un échange avec les parlementaires, d'une durée maximale de 20 minutes, de chaque côté de la table. Je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Chabot (Louise): Merci. Bien, d'abord, bonjour à vous tous, merci pour cette invitation à cette importante consultation. Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma droite complètement, M. René Beauséjour, qui est président de la fédération des professionnels de la santé et des services sociaux affiliée à la CSQ; Mme Christiane Brinck, qui est conseillère à l'Association des retraités de l'enseignement du Québec, notre plus grosse fédération; à ma gauche, Gabriel Danis, qui est conseiller à la vie politique, santé, services sociaux et sociopolitique à la CSQ; Mme Hélène Robin, qui est présidente de la Fédération du personnel de la santé et des services sociaux; et Mme Monique Bélanger, présidente de l'Union québécoise des infirmières et infirmiers.
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(9 h 40)
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Bon. Merci pour l'invitation. C'est un moment bien attendu que la réponse du gouvernement Charest à l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli, un arrêt, peut-être qu'on doit rappeler, qui nous a d'abord sidérés par la décision majoritaire qui a été rendue, surtout qu'après deux décisions de la Cour du Québec je pense que l'argumentaire à cet égard avait été rejeté, donc on s'attendait à ce que le gouvernement devait donner une réponse, mais on sait aussi que le gouvernement avait le choix de la réponse dans cet arrêt-là. Parce que principalement ce qui nous a conduits à être devant vous aujourd'hui, c'est le problème principal des listes d'attente au Québec, qui n'est pas un phénomène unique au Québec, mais c'est à cela que le gouvernement s'attarde par le dépôt de son livre blanc.
Il y a une première chose qui nous frappe dans le dépôt du livre blanc, c'est le discours contradictoire un peu du gouvernement qui clame haut et fort qu'on veut préserver notre système public universel de santé et de services sociaux, et on se demande comment l'ouverture aux assurances maladie privées, pour des servies déjà couverts par la RAMQ, participe à ces objectifs, de même qu'on se demande tout autant comment la création de cliniques spécialisées privées permet de préserver et d'améliorer notre système de santé public.
Donc, la proposition gouvernementale est aussi paradoxale parce qu'elle postule que l'amélioration de notre système public et universel de santé passe par l'ouverture au financement et à la production de services par le privé, alors qu'il n'y a rien dans le livre blanc qui vient asseoir, au minimum par des exemples qui pourraient venir de d'autres pays, que le fait d'avoir un plus grand financement privé, ça permet d'améliorer le système public. Et souvent ce qu'on entend... La logique du gouvernement, c'est de donner beaucoup d'exemples et de se targuer des améliorations qu'on fait dans le fond dans les réductions de délais d'attente, et pourtant toutes ces améliorations-là ont été faites par le système public et par des mesures prises dans le système public et non à celui qui est proposé devant nous.
Bien, concrètement, ce qu'on a compris du livre blanc, c'est qu'il y a trois mesures: donc, une garantie d'accès à l'intérieur de délais fixés, la création de cliniques spécialisées affiliées et l'ouverture à l'assurance privée duplicative pour certaines chirurgies électives. Pour ce qui est de la garantie d'accès, bien, d'abord, d'entrée de jeu, on doit dire qu'on salue l'engagement de prévoir une garantie d'accès, au moins en paroles, au problème des listes d'attente. Il y a des objectifs de résultat qui sont visés et aussi des délais préétablis. On sait que, pour l'instant, ça vise certains types de chirurgies, mais on sait aussi que le processus se veut évolutif, parce que, si on a bien entendu, d'autres types de services hospitaliers pourront faire l'objet d'une garantie de service. Donc, c'est là qui... Ce qui est inquiétant, c'est que l'élargissement de cette garantie permettra, par le fait même, l'élargissement de la couverture des assurances privées pour ces soins.
Dans le fonctionnement de la garantie d'accès aux services, bon, il y a les délais: six mois, de six mois à neuf mois et au-delà de neuf mois. Mais ce qui est interpellant dans ce qui est déposé, c'est qu'on sait ce qui va se passer après ces délais-là, on sait où les gens vont être dirigés, particulièrement dans un système privé, mais on nous renseigne moins sur ce qui va se passer, à l'intérieur du délai de six mois, pour faire en sorte que le maximum de citoyennes et citoyens aient accès à des services publics. Ça, c'est assez interpellant.
Il y a aussi plusieurs difficultés qu'on peut voir avant l'accès au service diagnostique, des difficultés qui sont liées au mécanisme en branle, quant au moment où une personne a un diagnostic et une recommandation pour une chirurgie précise. Bon, on sait qu'un patient doit d'abord consulter son médecin de famille avant de voir un médecin spécialiste, et c'est à partir du diagnostic posé par le médecin spécialiste qu'il devra avoir... qu'on commence le délai d'attente. Donc, il y a des grandes questions qui se posent à cet égard-là.
D'ailleurs, on a cité un exemple qui avait été donné par l'Institut canadien d'information sur la santé, concernant le remplacement de genou et de la hanche, qui veut que 30 % de l'attente totale s'écoule avant le premier rendez-vous avec le chirurgien orthopédique. Et en plus, souvent, on a besoin d'examens diagnostiques, donc le service de radiologie entre en branle particulièrement. Puis on sait, là aussi, que, pour les services, particulièrement en radiologie, imagerie diagnostique, pour celles et ceux que les services dans le public manquent grandement, on doit beaucoup avoir recours aux services privés, puis déjà on voit une carence et des listes d'attente.
D'ailleurs, c'est un bel exemple de ce que pourrait devenir notre système, si on regarde l'industrie privée de l'examen diagnostique qui prend un essor important. Puis, je vous dis tout de suite, si jamais il y a des idées de ticket modérateur avec lequel le gouvernement pourra jongler, bien ça pourrait peut-être être une idée, imposer des formes de ticket non pas aux citoyens et aux patients, mais à l'industrie. Dans le domaine diagnostique ou à l'industrie pharmaceutique, peut-être qu'on pourrait être plus gagnant.
Donc, les garanties d'accès, ils ne prennent pas en compte les services non plus socialement requis. Quand on parle des garanties d'accès, on est beaucoup dans le médical et dans le chirurgical. Mais, quand on regarde tout ce qui se passe pour avoir un médecin de famille, pour ce qui est socialement requis tant en termes de soins à domicile que réadaptation ou santé mentale, là le livre blanc est muet.
Les cliniques spécialisées affiliées, bien ça nous semble clair qu'il y a un choix qui est fait là puis que ce n'est pas une idée qui est récente, la commission Clair et le rapport Ménard en avaient parlé. Donc, il y a un choix très clair qui se fait en faveur des partenariats public-privé. Est-ce que c'est une solution pratique ou une solution idéologique? En tout cas, pour nous, ça soulève davantage de questions que de réponses, tant au chapitre des coûts. On nous dit que les coûts de remboursement devraient être comparables à ceux du secteur public, mais la méthodologie retenue pour faire une comparaison est absente. Avec quel indicateur on va le faire? C'est sûr que, si on compare ce qui pourrait se faire en cliniques spécialisées affiliées privées avec ce qui se passe dans un hôpital, bien probablement que les coûts vont être plus élevés, les coûts unitaires de chirurgie à l'hôpital, à cause de l'économie de l'échelle. Donc, il faudrait faire vraiment un sérieux processus de comparaison et de comparer des coûts unitaires d'une chirurgie au sein d'une clinique spécialisée publique ou d'un centre ambulatoire public afin d'avoir une meilleure comparaison.
On voit aussi que les expériences canadiennes nous démontrent qu'il est beaucoup plus avantageux d'opter pour des cliniques publiques. Donc, la question: Pourquoi avoir opté pour des cliniques affiliées privées? La question a d'ailleurs déjà été posée à un forum, et on a répondu: Pourquoi pas? La question demeure, surtout quand on compare ce qui s'est fait au Canada, au Manitoba ou en Ontario. On sait qu'on a fait le choix que les cliniques affiliées soient publiques et qu'on a pu démontrer, tant en termes de coûts que de qualité, qu'il y avait un meilleur contrôle.
Il y a aussi une confusion qui demeure dans ce livre-là, c'est entre les médecins participants et non participants. Avec le livre blanc, on précise que les cliniques spécialisées affiliées devraient fournir des services exclusivement ou principalement pour le besoin des établissements affiliés. Qu'est-ce qu'on entend par «principalement»? Est-ce que des médecins participants qui oeuvrent au sein de ces cliniques pourraient offrir leurs services aux prestataires d'une assurance maladie duplicative? À notre avis, à ce moment-là, l'étanchéité, on viendrait briser la barrière.
C'est vraiment une question qui nous interpelle beaucoup: Pourquoi pas publique? Parce qu'il y a des expériences ici, si on regarde les cliniques à Maisonneuve-Rosemont ou ce qui s'est passé à l'agence régionale de Montréal, où on a concentré des chirurgies, où on a mis sur pied une clinique. Dans le cas de Maisonneuve-Rosemont, malheureusement on ne lui a pas donné les moyens, après trois ans, d'avoir sa pleine efficacité. Puis, dans le cas de l'agence de Montréal, bien on a démontré que la concentration des chirurgies était gagnante. Ça fait que: Pourquoi faire ce choix-là? Aussi, ce qui nous questionne, c'est que c'est une solution très urbaine. Pour les régions, je pense qu'on ne répond pas à la problématique. D'ailleurs, vous l'avez dit vous-même.
Au niveau de l'assurance maladie privée, bon, on l'a limitée aux médecins non participants, donc là-dessus ça mérite d'être salué. Mais ce qui est inquiétant là-dedans, c'est que, vu que le processus peut être évolutif, donc il y a une approche étapiste qui pourrait faire en sorte qu'il y a d'autres types de chirurgies qui pourraient être couvertes après le délai de neuf mois. Donc, toutes les bases seront en place pour le développement non seulement des assurances maladie privées, mais aussi d'une industrie privée parallèle de santé.
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(9 h 50)
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Je vais passer rapidement sur les études de l'OCDE ? d'ailleurs ils font partie du livre blanc ? et qui démontrent, tant sur... qui font des démonstrations ? puis l'OCDE n'a pas la réputation d'être de gauche, là; puis qui font des démonstrations ? très éclairantes tant à la fois sur la qualité, sur les coûts, comme le fait que l'introduction d'assurances privées ne vient pas réduire les listes d'attente. Donc, une médecine à deux vitesses, l'ouverture à l'assurance privée pour des services couverts par la RAMQ, ça nous inquiète énormément, et on risque fort de permettre l'essor de deux temps d'attente très différents: un délai plus court pour ceux qui ont les moyens d'avoir des assurances et court-circuiteraient les délais prescrits, et d'autres qui devraient attendre les délais qui sont là.
Un dernier mot en disant, là, sur la pénurie de personnel: Je pense que c'est une question qui nous préoccupe grandement, avec la pénurie de médecins et la pénurie d'infirmières, particulièrement au Québec, comment je pense que ce serait encore plus dramatique d'introduire des mesures de privatisation dans notre système, qui pourraient mettre en péril dans le fond le caractère public.
Nos recommandations, que vous retrouvez à la fin du document, visent dans le fond à maintenir la pérennité du financement de la santé et des services sociaux. Vous verrez que, dans notre conclusion, à la fin ? puis je tiens à vous le lire et à vous le mentionner: «Par rapport aux discours idéologiques, [nous,] on ne peut qu'opposer [des] faits: les systèmes publics sont les systèmes les plus efficaces au plan médical, les plus équitables au plan social et les plus efficients au plan économique. [Alors,] pourquoi accepterions-nous de nous en priver?» Les recommandations qu'on propose, ce n'est pas le statu quo, au contraire, mais c'est des mesures qui veulent répondre, c'est des solutions publiques à un problème public que sont les listes d'attente, et on a des recommandations qui visent dans le fond des mesures pour renforcer trois objectifs: renforcer l'accessibilité en pleine égalité aux services universels et publics, réduire les listes d'attente et contrer l'expansion d'un système privé parallèle.
Et, en terminant, sur la consultation publique, parce que, sur la consultation publique, en tout cas ce qu'on peut déplorer, même si on est heureux d'être là, c'est le court délai dans lequel on a dû le faire, à peine cinq semaines entre le livre blanc, où on a dû consulter nos membres, on a dû faire les analyses du livre blanc, et un délai très court. En plus, on a introduit, dans le livre blanc, d'autres questionnements qui touchent plus la question du financement de notre système de santé et issus beaucoup des recommandations du comité Ménard, un comité sur lequel la CSQ siégeait, et, avec les collègues de la FTQ et de la CSD, on a émis un rapport dissident sur les différentes mesures proposées, parce qu'on ne partageait ni les constats ni les solutions. Vous les retrouvez dans notre mémoire. Essentiellement, on reprend les arguments tant sur le financement, le vieillissement de la population que sur les questions de création de caisse d'autonomie ou...
Mais l'essentiel de notre propos vise à dire qu'un débat de cette ampleur au Québec, qui a été d'abord pris un peu comme anodin, au sens, bon: la réponse dans le fond du gouvernement n'est pas si pire, ce n'est pas la lecture qu'on fait. Elle est peut-être venue restreindre la portée pour l'introduction en premier chef de l'assurance privée, mais il n'y a rien, dans le livre blanc, qui nous donne les garanties que notre système universel est public. C'est plutôt l'introduction du privé qui va prendre force, et ça mériterait un débat beaucoup plus large, qu'on souhaiterait pouvoir faire. Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, je crois...
Mme Chabot (Louise): ...la parole à Mme Christiane Brinck, de l'association des retraités, qui en cinq minutes va vous exposer le point de vue des personnes retraitées de la CSQ.
Le Président (M. Copeman): Et en effet, Mme Brinck, il reste cinq minutes.
Mme Brinck (Christiane): Merci. Moi aussi, je ne vous lirai pas notre mémoire, bien entendu, puis vous l'avez reçu. À l'AREQ, on partage à 100 % les recommandations et les commentaires de la CSQ, mais on veut attirer votre attention sur les réalités particulières des personnes aînées et retraitées qui sont touchées par les avancées du livre blanc. Je vais vous parler de trois points: les aînés qui sont utilisés à notre avis comme boucs émissaires, les assurances privées et la prévention.
On nous sert beaucoup la hantise du choc démographique. Les personnes aînées et retraitées en sont venues à se sentir presque comme une épidémie qu'il faudrait endiguer. La maladie... La vieillesse et l'avancement en âge, c'est dû à des progrès de notre médecine puis de nos façons de vivre, ça fait qu'il ne faudrait pas pointer les aînés comme si c'était une maladie à soigner ou à endiguer. On laisse même entendre, dans le livre, que les maladies nosocomiales, les maladies qu'on peut attraper à l'hôpital seraient causées par le vieillissement de la population. On a de la misère à comprendre d'où ça peut venir, une avancée comme ça.
L'augmentation des coûts. On relie beaucoup l'augmentation des coûts des services de santé au vieillissement de la population, alors qu'en fait le vieillissement de la population, c'est seulement la cinquième cause d'augmentation des coûts. Les personnes aînées retraitées sont particulièrement touchées dans le livre blanc parce que, quand on parle de chirurgies du genou, de la hanche et des cataractes, bien ça ne touche pas les enfants de la prématernelle, bien entendu, c'est sûr que ça touche particulièrement les aînés et les retraités. On trouve ça dangereux de cibler comme ça les personnes aînées et retraitées à cause de leur âge. On se dit: Bon, la prochaine cible, ça va-tu être le cancer du sein, le cancer de la prostate? Ça fait qu'on trouve ça une pente dangereuse d'associer les personnes aux maladies comme ça.
Il y a les soins à domicile aussi. Mme Chabot en a parlé un peu tantôt. Autant les soins à domicile, autant les aidants naturels ou les proches aidants, on n'en parle pas beaucoup. On en parle comme une préoccupation, mais on ne nous dit pas qu'est-ce qu'on va faire. Est-ce que les aînés en perte d'autonomie vont avoir des services particuliers? Est-ce que les aidants naturels vont être reconnus à leur juste valeur? Puis est-ce que leurs revendications vont être entendues? On n'en parle pas dans le livre. On parle des aînés tout le temps comme si c'étaient des gens en hébergement, mais il y a 88 % des aînés qui vivent dans des domiciles, qui ne sont pas en hébergement, puis les aidants naturels fournissent 80 % des soins qui sont donnés aux personnes en perte d'autonomie qui ont des problèmes de santé prolongés au Québec.
On a des interrogations aussi à propos de la liste d'attente puis du système de plaintes. Les personnes en perte d'autonomie sont plus vulnérables, puis ils risquent de se ramasser sur des listes d'attente, une liste d'attente pour six mois, une autre différente de six à neuf mois, une autre après neuf mois. On pense que ça peut être insécurisant pour les aînés. Ça fait qu'on parle d'une espèce d'infirmière de liaison ou d'agent de liaison dans le document, on aimerait qu'il y ait une attention particulière apportée pour les aînés à ce niveau-là.
Le système de plaintes ? on vous en avait parlé dans un autre mémoire qu'on avait déposé sur les critères sociosanitaires ? on dit: Quand les aînés sont en perte d'autonomie, ils sont plus fragiles, ils sont moins enclins à porter plainte, surtout qu'ils doivent porter plainte contre les gens qui prennent soin d'eux autres. Ça fait qu'on demande qu'il y ait une attention particulière qui soit apportée à ce niveau-là.
Les assurances privées. Bien, bien entendu, pour les aînés, ce n'est pas quelque chose de rassurant. Les compagnies d'assurances, ils sont là pour faire du profit. Ils vont privilégier les clientèles qui vont présenter le minimum de risques puis qui risquent d'entraîner le minimum de coûts. Ça fait qu'on pense que, quand les aînés vont avoir droit d'avoir des assurances, quand ils vont avoir la possibilité d'adhérer à des assurances, ce sera probablement des coûts assez astronomiques, puis ce n'est pas toutes les personnes aînées et retraitées qui sont à l'aise financièrement. On s'inquiète de l'arrivée des régimes d'assurance privée parce qu'on... Bon, la raison d'être même du régime d'assurance maladie au Québec, c'était pour que tout le monde, quels que soient leurs revenus, quelles que soient leurs origines, leur provenance, ait droit aux mêmes services, aux mêmes soins.
On s'inquiète des cliniques spécialisées privées aussi. On se demande pourquoi... comme Mme Chabot le disait tantôt, elle aussi, on se demande pourquoi ce ne serait pas intéressant que ce soit dans les hôpitaux publics.
On se sent interpellés aussi beaucoup quand on parle de prévention. Quand on parle de prévention dans le document, on en parle toujours en termes de réduction: la réduction des coûts, la réduction de l'incidence, la réduction de la prévalence. On parle de prévention en aval, on ne parle pas de prévention en amont. Ça fait qu'on se demande s'il n'y aurait pas moyen de travailler à réduire les sources des problèmes, comme la pauvreté avec tous les problèmes que ça peut entraîner.
Pour terminer, bien, je veux vous rappeler que nos membres, c'est des parents, c'est des grands-parents. Ils ne font pas des revendications seulement en leur nom personnel. Ils sont inquiets pour l'avenir de leurs enfants puis de leurs petits-enfants dans le système de santé. Nos membres ont connu la période avant les régimes d'assurance maladie gratuits et universels. Ils nous ont raconté des histoires d'horreur: quand la famille devait vendre la ferme pour pouvoir faire soigner un enfant en ville ou quand ils n'avaient pas le moyen que la maman puisse aller accoucher à l'hôpital, puis les mères pouvaient mourir à la maison en accouchant. Je ne vous les raconterai pas, mais on pourrait passer des belles heures à se raconter ces vieilles histoires là.
En terminant, bien je vous rappelle que l'association des retraités regroupe près de 50 000 personnes, des personnes aînées et retraitées âgées de 50 à 105 ans, qui sont réparties sur tout le territoire du Québec.
Le Président (M. Copeman): Merci, mesdames. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chabot, messieurs dames, merci pour votre présentation. Écoutez, quand même, là, on n'est pas en train ici de proposer l'américanisation du système de santé puis le retour avant l'assurance maladie, là. Il faut quand même... Ça allait bien, la présentation, là, mais, quand on commence à parler du monde qui meurt, puis tout ça, là, puis qui vend leur ferme, là, on n'est pas là, là. Ce n'est pas de ça qu'on parle, là. On parle de notre système de santé qui est un système de santé public.
n(10 heures)n C'est faux également de dire qu'automatiquement l'ouverture plus grande à la garantie d'accès va automatiquement entraîner une augmentation de l'assurance privée. Ce n'est pas ça du tout. Je l'ai dit à plusieurs reprises, là, autant on peut augmenter la garantie d'accès ? puis on souhaite le faire lorsqu'on aura appris à bien faire fonctionner cet outil-là nouveau ? autant ça ne veut pas dire que, si on ajoute une procédure, par définition elle va être ajoutée à l'assurance privée. Ce n'est pas le cas du tout. Et on a même, après la commission, je l'ai indiqué à plusieurs reprises, considéré que seul un changement législatif permettrait de faire ça éventuellement. Donc, un nouveau débat à l'Assemblée nationale.
Ce n'est pas vrai non plus qu'on crée un système à deux vitesses, ce n'est pas vrai du tout; on ne crée que l'assurance privée pour un système à deux vitesses qui existe déjà. Et, si vous vous objectez à l'assurance privée pour les soins donnés par les médecins non participants, par logique vous devriez demander la fermeture immédiate de la clinique du Dr Duval à Montréal. Parce qu'aujourd'hui où on se parle, là, ça existe déjà, là, le système, entre guillemets, à deux vitesses. Je peux aller ou vous pouvez aller voir Dr Duval ou un de ses collègues, payer 12 000 $ puis avoir une opération, c'est tout à fait légal de le faire. Alors, il ne faut pas laisser croire aux gens qu'il y a quelque chose de nouveau qui apparaît, là. Et à mon avis, par cohérence, vous devriez demander ? ce que vous ne faites pas dans votre document ? l'interdiction de la non-participation ou des cliniques de médecins non participants. Non? Non?
Mme Chabot (Louise): Bien, ça existe déjà.
M. Couillard: Donc, on ne les ferme pas...
Mme Chabot (Louise): Mais là, actuellement, actuellement, dans notre garantie d'accès, on va le permettre pour des services couverts par la RAMQ, on va le permettre nous autres mêmes par un...
M. Couillard: C'est déjà comme ça. Ce que le Dr Duval fait, c'est couvert par la RAMQ. C'est ça, ça manque de cohérence.
Mme Chabot (Louise): En tout cas, par le livre blanc ? je dis «nous» ? par le livre blanc, avec les garanties d'accès et les délais, ce qu'on vient dire, c'est qu'après le neuf mois, si le système public n'a pas donné l'accès aux soins aux personnes, on pourra les diriger vers ces cliniques privées là.
M. Couillard: Elles existent déjà. Mais vous recommandez... Parce que, si vous vouliez...
Mme Chabot (Louise): Oui. Ils existent déjà, mais je pense qu'il faut voir l'ampleur de ce phénomène-là actuellement, qui est très minime. Et ce qui nous inquiète par ce qui est proposé, c'est l'ampleur que pourra prendre ce tel type de clinique à l'avenir. À partir du moment où, même si ça existe, il y a une bénédiction de leur apport et qu'en plus on n'a pas de garantie que, dans le délai de six mois, c'est le système public qui va offrir les soins puis qu'il pourrait être dirigé vers ces cliniques-là, on va venir presque financer publiquement des cliniques privées puis des médecins qui ne participent pas à la RAMQ dans ces cliniques-là. C'est ça qui est inquiétant.
M. Couillard: Mais je doute beaucoup que ça se produise, parce que c'est un phénomène extrêmement minoritaire, puis l'encadrement de la non-participation est tellement sévère déjà, puis il n'est pas question de le réduire. Mais je reviens toujours à cette question de cohérence, là. Il y a beau...
Mme Chabot (Louise): M. le ministre...
M. Couillard: Juste terminer ma phrase, si vous me permettez. Ça fait quelques fois que j'entends ça dans la commission: On crée un système à deux vitesses. Voyons donc. On ne crée pas un système à deux vitesses, on essaie de protéger le système public de santé puis l'accessibilité universelle. Le système de santé à deux vitesses, il existe déjà partiellement dans notre société, vous le savez très bien, puis il n'y a pas un gouvernement représenté à l'Assemblée nationale actuellement qui a levé le petit doigt, qui a fait le moindre geste pour diminuer la présence soit des cliniques de résonance magnétique privées soit des cliniques de médecins non participants comme celle du Dr Duval. Alors, à mon avis, si votre position est qu'il faut absolument empêcher toute différence d'accès selon la contribution financière, vous devriez logiquement demander la fermeture immédiate de la clinique d'orthopédie à Montréal. Non? Ce n'est pas logique, là.
Mme Chabot (Louise): Écoutez, bien, il y a une affaire sur laquelle je vais vous rejoindre, des fois on nous attaque beaucoup, au Québec, là, de vouloir garder le statu quo, on est presque communistes ou on est comme Cuba parce qu'on ne veut pas l'introduction du privé. Bien, c'est vrai que l'introduction du privé, au Québec, là, on est passés, dans plus de 10 ans, de 18 % de la part des dépenses privées à à peu près 30 %. Ça fait que, oui, il y a des dépenses privées dans notre système de santé.
Quant aux cliniques, on ne demandera pas la fermeture de la clinique qui existe, puis on n'est pas venus dire que, demain matin, là, on est dans un système à deux vitesses. Mais ce qu'il y a sur la table, ce qu'on craint, c'est qu'on va permettre, pour certaines chirurgies, donc, d'avoir accès à ces cliniques-là. Donc, on va probablement permettre qu'il n'y ait pas juste une clinique Duval, mais qu'il y en ait plusieurs. Et en plus on pourra prévoir, parce que l'approche est étapiste, qu'il pourra y avoir d'autres types de soins couverts par la RAMQ qui pourraient être donnés par ces cliniques-là, et il faudrait que ça repasse ici, mais c'est un processus réglementaire qui pourrait permettre l'élargissement, et non pas l'Assemblée nationale.
M. Couillard: Sur ça, je vais le clarifier ? parce qu'effectivement ce n'était pas clarifié dans le document, et on l'a fait en commission ? que ça ne se fera pas par voie autre que législative, le côté de l'assurance privée, alors, si ça se fait.
Vous savez, il y a un autre élément, vous dites qu'on fait passer la solution par le financement privé, ce n'est pas exact. La solution passe entièrement dans le financement public, que ce soit dans les centres hospitaliers publics, comme ça va être le cas dans la vaste, vaste, vaste majorité des régions, ou par quelques cliniques affiliées, là, ou à la rigueur par l'achat de services ailleurs mais tous sous financement public. Donc, il n'est absolument pas question d'envisager le financement privé, puis je l'ai dit à plusieurs reprises dans la commission ici, comme une partie de solution, ce n'est aucunement, là...
On se rejoint là-dessus, là, il n'y a aucune solution démontrée nulle part dans le monde que l'ajout du financement privé permet de réduire les dépenses publiques. C'est faux, ce n'est pas vrai que ça réduit les dépenses publiques, ajouter le financement privé, puis également ce n'est pas vrai que ça diminue les listes d'attente nécessairement. Et là-dessus on est d'accord. Mais la solution, c'est pour ça qu'on ne la met pas là. La question du financement privé, elle est abordée par la cour également sur une question de droit et de liberté fondamentale; c'est comme ça qu'ils l'ont abordée. Alors, on répond de façon, et vous l'avez souligné vous-mêmes, limitée par rapport à ce que d'autres auraient voulu, souhaité ou auraient souhaité voir comme réponse du gouvernement, beaucoup plus large et extensive au privé. On le fait de façon extrêmement limitée.
Vous savez, là je pense que c'est un point sur lequel on pourra difficilement s'entendre: c'est que pour moi, pour nous, une clinique affiliée financée par le public, composée uniquement de médecins participants, dans laquelle il n'y a aucune contribution des patients, ça fait partie du système public de santé du Québec, de la même façon qu'une clinique d'omnipraticiens de l'autre côté de la rue qui est une entreprise privée financée par l'État aussi fait partie du système public de santé. Je ne comprends pas votre...
Mme Chabot (Louise): ...poser la question: Pourquoi ils ne sont pas publics? Si vous dites... En tout cas, nous, notre lecture, ils ne sont pas financés publiquement, c'est les participants de la RAMQ effectivement, là, les gens vont présenter leurs cartes-soleil, mais la gestion, le financement va être privé pour bâtir les cliniques affiliées privées, là. Sans ça... Bon.
M. Couillard: C'est quoi, le problème avec une clinique d'omnipraticiens?
Mme Chabot (Louise): Bien, en termes de coûts, qu'est-ce qui nous garantit sur la qualité, sur le contrôle et qu'est-ce qui nous garantit qu'il n'y aura pas de surfacturation au patient par ces cliniques-là? C'est des questions importantes qui se posent. Là, si vous avez vu, on prend des exemples aussi ? celui de l'Australie, entre autres, qu'on a pris ? où on a fait ces choix-là, là, de financer très fortement par de l'assurance privée pour réduire des listes d'attente dans les hôpitaux, ça a eu tout à fait l'effet contraire.
M. Couillard: Ce n'est pas de ça qu'on parle, Mme Chabot, on ne suggère pas ça.
Mme Chabot (Louise): Mais les cliniques affiliées, pourquoi elles sont privées si vous dites que c'est totalement public puis que ça ne changera rien? Elles ne sont pas totalement publiques.
M. Couillard: C'est comme une clinique... Je reviens à la cohérence, Mme Chabot. Si vous êtes cohérente avec vous-même, vous devriez demander la nationalisation immédiate de toutes les cliniques d'omnipraticiens au Québec.
Mme Chabot (Louise): Non, parce que, les cliniques d'omnipraticiens, on ne parle pas de la même chose. On ne demande pas la même technologie à une clinique affiliée spécialisée pour faire des chirurgies orthopédiques et ophtalmologiques qu'à un cabinet privé de médecins, qui n'a pas besoin de toute cette...
M. Couillard: Vous seriez surprise de savoir ce qui se passe dans les cabinets privés de médecins. Il se passe pas mal plus de choses que des examens puis des consultations.
Mme Chabot (Louise): Est-ce que vous pouvez admettre avec nous, M. Couillard, avec respect, qu'il y a une nette différence entre un cabinet privé de médecins qui reçoit des patients et un centre ambulatoire privé pour des chirurgies orthopédiques, ophtalmologiques? Tout l'équipement que ça prend, ce n'est pas à moindre coût.
M. Couillard: Moi, je ne vois aucune... Et là, là-dessus, je pense qu'on ne s'entendra pas, là, il faut se résigner qu'il y a quelques points sur lesquels on ne s'entend pas, mais pour moi il n'y a aucune différence.
Mme Chabot (Louise): J'essaie de vous convaincre.
M. Couillard: J'essaie de faire la même chose. Écoutez, là, la question, puis je vais terminer sur les cliniques affiliées, c'est, vous l'avez dit vous-même, puis je l'ai dit à plusieurs reprises: dans la plupart des régions du Québec, ce ne sera pas nécessaire. Moi, si une région dit: Écoutez, on est capables de vous livrer la garantie d'accès avec les fonds qui sont disponibles, sans utiliser cet outil-là, aucun problème avec ça. D'ailleurs, la grande majorité des régions n'y auront pas recours.
J'étais au Lac-Saint-Jean récemment. Au Saguenay? Lac-Saint-Jean, presque tous les patients maintenant sont dans les délais ou près des délais. C'est un effort qu'il reste à faire pour arriver au délai, et la garantie n'est pas énorme, là, puis ils vont certainement y arriver, dans le cadre du financement public puis des établissements publics également.
Je vous dirais juste que... Vous dites: L'insistance du gouvernement... Puis on va le faire, là, la création des cliniques privées affiliées, puis ça fait longtemps que c'est dans l'air, vous le savez. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé, le concept. Vous l'avez dit d'ailleurs vous-même, ça date de la commission Clair, et également le Parti québécois l'avait mis dans ses propositions à la fin de l'année 2002. Vous dites: On en fait une position idéologique, mais je vous retournerais un peu le même commentaire, je trouve que votre objection de base est également une objection basée sur l'idéologie. Puis la définition que vous faites du système public de santé par rapport à la prestation et au financement, je ne pense pas qu'une position soit plus idéologique ou moins idéologique que l'autre, entre vous et moi.
n(10 h 10)nMme Chabot (Louise): Je ne partage pas cette analyse-là. Ça fera un autre point de désaccord. Vous n'avez toujours pas répondu à notre... Le paradoxe s'illustre très clairement: dans les régions, ça ne s'appliquera pas, ils sont déjà dans les délais d'attente, puis on n'aura pas besoin de ça. Ça fait qu'on se dit... Vous dites: Déjà, il y a déjà des solutions publiques à un problème public de liste d'attente. Ça, c'est clair.
Chaoulli, là, ce n'est pas le fait d'avoir des assurances privées ou pas qui entrave le droit à la vie et à la sécurité, c'est le problème des listes d'attente. Ça fait que la réponse aurait très bien pu être une solution publique pour réduire ces listes d'attente là. D'ailleurs, avec l'effort qu'on a mis puis les résultats qu'on a atteints, on aurait très bien pu démontrer, en réponse à l'arrêt de la Cour suprême, que l'évolution qu'on a eue dans nos listes d'attente, depuis 1999, avec les solutions que vous avez mises de l'avant et que d'autres ont faites... répondre aux problèmes qui avaient été soulevés. Mais ce n'est pas ça, le choix qui est fait là, et, oui, il est idéologique. Parce qu'on n'a toujours pas eu la réponse. Pourquoi ne sont-elles pas publiques, les cliniques affiliées? On ne l'a pas, la réponse. Pourquoi elles doivent être privées?
M. Couillard: La réponse, c'est qu'elles sont publiques, pour moi elles sont publiques. Et là-dessus on... Mais, regardez, ce que je retiens, là, l'échange sur l'idéologie qu'on a eu, c'est que, dans le spectre politique, il y a une partie de l'idéologie qui ne doit pas être appelée de l'idéologie, puis si on n'est pas d'accord avec cette partie-là, c'est de l'idéologie. Je pense que c'est un problème de débat public, au Québec, qui est illustré très bien actuellement.
Mme Chabot (Louise): Puis on n'a pas de problème à ce que le privé fasse du béton, mais ça s'arrête là.
M. Couillard: Oui, c'est ce qu'ils vont faire.
Mme Chabot (Louise): Je ne penserais pas.
M. Couillard: Vous savez, on a parlé des aînés dans le cadre du financement, là. Quand on parle des aînés, on ne parle pas des aînés d'aujourd'hui, on parle de nous, on parle de moi, on parle du député de Borduas. Alors, de dire que la pression apportée par le changement démographique que le Québec connaît va être importante, ce n'est pas un message dirigé aux aînés d'aujourd'hui, c'est un message dirigé essentiellement à notre génération. Ce n'est pas...
Mme Brinck (Christiane): ...un message plus agréable pour nous autres que pour les plus aînés.
M. Couillard: Oui, mais... Et on a dit souvent qu'effectivement, heureusement, la majorité des aînés ne sont pas ? et on ne veut pas non plus; ne sont pas ? en institution, ils sont actifs, puis ça va rester comme ça. Cependant, de la même façon que, oui, certains peuvent dire, et je partage certains des arguments, qu'on a peut-être un peu hypertrophié l'impact financier sur les coûts, il ne faut pas non plus l'hypotrophier. Il ne faut pas non plus mettre des lunettes roses, là. Il y a un phénomène de nombre absolu qui va exister.
Est-ce que finalement, sur la question du financement, vous apportez une proposition? Parce que je pense que, sur l'impasse financière à long terme, là, du réseau, plusieurs intervenants partagent le même constat, mais quelle est la solution que vous proposez pour assurer le financement à long terme du réseau de la santé?
Mme Brinck (Christiane): On n'a pas eu le temps puis on n'a pas les moyens non plus pour mener une étude comme ça. On vous amène nos questionnements, on pense que vous êtes mieux équipés que nous autres pour trouver ces réponses-là.
M. Couillard: Très bien. Je vais en profiter pour répondre à une question que vous avez posée dans votre présentation, pour les maladies nosocomiales. Les maladies nosocomiales ont plusieurs causes, pas juste une cause, mais parmi ces causes-là est le fait que nous ayons actuellement, dans les lits d'hôpitaux, des populations de personnes qui ne sont pas les mêmes que celles d'il y a 30, 40 ans, parce qu'elles sont effectivement plus âgées, plus vulnérables, avec des maladies chroniques et un système immunitaire qui est diminué. Ce n'est plus les mêmes patients qui sont dans les lits d'hôpitaux qu'il y a même 20 ans. Alors ça, ce n'est pas un commentaire mauvais sur les aînés, c'est une réalité, là, biologique qui se vit aujourd'hui, dans les hôpitaux. Maintenant, les autres facteurs, c'est l'utilisation parfois trop large des antibiotiques, la vétusté des installations, l'entretien ménager. Il y a plusieurs causes à ça. Il n'est pas dit nulle part que c'est parce qu'on a des aînés au Québec qu'on a des infections nosocomiales. Il ne faudrait pas non plus dire...
Mme Brinck (Christiane): Dans votre document, on dit ça.
M. Couillard: Bien, c'est une cause effectivement. Le vieillissement de la population et de la population de patients est une des causes des maladies nosocomiales.
Mme Brinck (Christiane): ...causes, oui, mais on n'a pas parlé des autres, c'est étrange.
M. Couillard: Ah! bien, on en a parlé abondamment au cours des derniers mois. Le débat sur le financement, il ne s'arrête pas aujourd'hui, là. On pense qu'il doit faire partie de la discussion parce que clairement, vous le dites vous-mêmes dans votre document, l'accès est en rapport avec le financement. Mais ce qu'on fait avec ce document-là, c'est d'initier ce débat-là à la faveur de la proposition de M. Ménard, là, et je sais que vous vous en êtes dissociés dans... D'ailleurs, il a inclus votre commentaire dans son rapport, je pense qu'il faut l'en féliciter.
Mme Chabot (Louise): C'est déjà fait.
M. Couillard: Et puis c'est bien parce qu'il y a des choses intéressantes puis des critiques que vous faites qui sont certainement reprises par d'autres groupes également.
Mais je reviens encore sur la... Quelle est, pour la CSQ ? sans entrer dans les détails, là ? l'avenue de solution? Est-ce que c'est la fiscalité? Est-ce que c'est la fiscalité sélective pour le système de santé? Est-ce que c'est la fiscalité sélective pour une partie du système de santé, comme M. Ménard le propose? Est-ce que c'est ce que M. Castonguay recommande? Parce qu'il n'y a pas 36 solutions, il y en a à peu près six, sept, là. Quelle est l'avenue de solution que vous privilégiez?
Mme Chabot (Louise): Pour la CSQ, le type de solution est clair, c'est un financement qui est public. Ça, on va s'entendre, et on va favoriser des mesures qui ne seront pas régressives. Ça fait que toute idée d'augmenter des taxes à la consommation ou toute idée d'avoir des impôts déguisés... Et, s'il y avait des mesures de redressement qu'il fallait mettre en place pour rehausser le taux de financement, on va favoriser des mesures qui sont équivalentes aux mesures fiscales, parce qu'on est...
M. Couillard: Parce qu'en bout de ligne c'est le citoyen, hein, qui va...
Mme Chabot (Louise): Pardon?
M. Couillard: C'est le citoyen qui va payer en bout de ligne, là. Il s'agit de voir par quel véhicule il va payer.
Mme Chabot (Louise): Oui, mais c'est parce que ce qui est important pour nous, puis c'est vrai dans le système de santé et de services sociaux comme en éducation, c'est de préserver le caractère public universel équitable puis de justice sociale. Ça, je pense que, par nos impôts, on s'est donné ces services-là de santé et de services sociaux, puis je pense que ça permet effectivement d'avoir des mesures équitables pour tout le monde. Tandis que, si on privilégie des mesures qui vont venir interpeller, au plan financier, seulement des groupes d'individus... Puis en plus le défaut qu'il y avait beaucoup dans les mesures qui étaient proposées dans le comité Ménard, par rapport à la caisse pour la perte d'autonomie, par exemple, c'est qu'on venait réorganiser aussi totalement nos soins et nos services pour nos personnes âgées. Là, on pense que c'est des mesures qui sont inéquitables.
Mais il y a d'autres coûts, hein? Quand on parle du financement de la santé, Mme Brinck disait: On n'a pas eu le temps de tout regarder ça, mais je pense qu'il faut s'arrêter correctement, il y a des coûts aussi dans notre système de santé qui dépassent largement les coûts du vieillissement de la population, c'est les coûts liés aux médicaments, ce qu'ont certaines politiques du médicament, mais c'est quand même le poste le plus inflationniste des dépenses. Puis ce qui est assez extraordinaire au comité où on siégeait, un des comités qui a été, je pense, le plus largement... qui a travaillé de nombreux... avec un rapport assez soutenu, c'est que jamais, sur ces questions-là, on a regardé des solutions concrètes, et c'est pourtant le poste le plus inflationniste, beaucoup plus que le vieillissement de la population. Ça fait que je pense qu'il va falloir, à un moment donné...
Alors, ticket modérateur, on n'est pas d'accord, vous l'aurez compris. Mais je vous fais une suggestion par contre, là, l'industrie pharmaceutique, ça, vous pourriez peut-être leur imposer un ticket pour leur grand appétit, leur grand appétit de profits dans ce monde-là. Je pense qu'il y a des resserrements à faire dans nos dépenses puis dans notre gestion. Et ça, ça a été partagé par le comité Ménard, c'est qu'avant de mettre des solutions ? puis vous lirez dans le rapport ? avant d'arriver avec des solutions qui viendraient introduire d'autres sources de financement, regardons comment on peut, dans notre système public, contrôler ces dépenses-là. Puis d'ailleurs, M. Couillard, vous-même, en juillet, à l'occasion d'un débat, vous avez même dit qu'avant d'introduire du privé dans notre système de santé et de services sociaux il faudra d'abord, en préalable, s'assurer que toutes nos ressources publiques vont être utilisées.
M. Couillard: Oui, tout à fait. Puis, sur la question des médicaments, vous allez voir que ? et ça va être vérifié encore cette année ? il y a une diminution constante, depuis trois ou quatre ans, du taux de croissance de ce poste budgétaire là. Mais on ne peut pas non plus dissocier complètement, on ne peut pas faire deux silos avec la démographie puis le médicament parce qu'ils sont liés, là. Une des raisons pour lesquelles les dépenses de santé augmentent avec l'âge, c'est qu'on prend plus de... C'est normal, là, ce n'est pas un blâme à personne, c'est comme ça, la vie, quand on dépasse 50, 55, 60 ans, on prend plus de médicaments. Ça fait que c'est certain que plus il y a de personnes âgées, plus il y a de prescriptions, plus il y a de médicaments. Est-ce que ces prescriptions sont optimales? Ça, c'est une autre chose. Puis est-ce qu'elles sont bien encadrées sur le plan du marketing? C'est autre chose également. Puis on a eu l'occasion d'en discuter dans la politique du médicament.
Mais, je vais terminer là-dessus, parce que le temps se termine, je craindrais, moi, de harnacher le financement de la santé uniquement au régime fiscal général parce que le problème d'impasse fondamental, c'est l'impasse entre les croissances annuelles du système de santé de 5 % à 6 % et la croissance des revenus du gouvernement, qui est de 2 % à 3 %, 3 point quelques pour cent. Alors, si vous harnachez cette impasse-là au régime fiscal, ce que vous allez créer, c'est une spirale ascendante sans fin des impôts. Est-ce qu'il n'y a pas des façons autres d'aborder la question? Mais on a terminé notre temps, je crois.
Le Président (M. Reid): Oui. Alors, merci, M. le ministre. Je vais passer la parole maintenant au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de services sociaux.
M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, Mmes, MM. de la CSQ, bonjour. D'entrée de jeu, je dois dire que nous sommes plus sur la même longueur d'onde, même s'il y a certaines divergences, que vous l'êtes avec l'autre côté de la table, même si je dois aussi convenir que les divergences, en tout cas pour le moment, ne sont pas aussi énormes qu'on aurait pu le craindre. Par exemple, je pense qu'il faut faire la distinction entre le financement des services puis la prestation des services. C'est clair que, nous, on est contre le financement privé, l'introduction du financement privé, et, à partir du moment où on ouvre à l'assurance privée, même un petit peu, on fait une brèche dans la conception qu'on avait que les soins de santé, les soins hospitaliers, donc les soins de base sont donnés, au Québec, pour l'essentiel, à partir du financement public.
n(10 h 20)n Et je pense que le ministre, peut-être de bonne foi, avait utilisé un peu un argument un petit peu fallacieux tantôt, parce que, quand il vous mettait au défi: Pourquoi vous ne l'ouvrez pas à tout le reste dans le fond?, mais la question, elle pourrait être inversée. C'est-à-dire qu'à ce moment-là pourquoi le gouvernement ne l'ouvre pas à tout? C'est-à-dire qu'à partir du moment où on permet l'assurance privée pour trois, la même logique vaut dans les deux sens; si on l'ouvre pour trois, on pourrait l'ouvrir pour tout. Alors, si on dit: Bien, pourquoi finalement vous n'acceptez pas que... en fait vous ne proposez pas d'abolir les cliniques du Dr Duval avec toutes les autres, tout ce qui existe déjà de privé?, on pourrait inverser et puis dire: Mais pourquoi, à ce moment-là, le gouvernement ne suit pas sa logique puis ne va pas complètement à tout?
Et dans le fond le ministre a donné lui-même la réponse, c'est que, bon... Puis là c'est une question d'appréciation. Dans le fond, on dit: Bon, bien, on fait une ouverture cosmétique pour le moment, ça devrait plaire, rassurer la majorité, on pense que ça n'aura pas beaucoup d'impact. Et puis le ministre nous dit ? puis ça, je crois que c'est une avancée de la commission ? que, pour la suite des choses, ça ne se fera pas par décret mais par nouveaux débats et nouvelles législations de l'Assemblée nationale. Donc, on peut penser que le processus va être plus lourd et donc plus rassurant pour éventuellement ajouter, ouvrir encore plus le marché aux assurances privées. Mais le fait est qu'à partir du moment où on ouvre la porte il y a une dynamique qui peut s'installer. C'est ça que je crois que vous nous dites, c'est qu'il y a un danger d'installer une dynamique qui, un jour ou l'autre, va être une espèce de brèche ou en fait, tu sais, de cheval de Troie qu'on va avoir introduit dans le système, puis des gens profiteront d'une nouvelle conjoncture politique pour essayer plus tard d'utiliser le cheval de Troie puis d'occuper un territoire beaucoup plus important. Je pense que c'est ça que vous nous dites.
Mme Chabot (Louise): Bien, tout à fait, d'où la crainte aussi ? puis je vais laisser Gabriel continuer; mais la crainte aussi... On n'avait pas soulevé cette logique-là tout à l'heure parce qu'on ose croire qu'elle n'arrivera pas, mais c'est vrai. Puis n'importe quel autre médecin pourrait venir prétendre maintenant, encore une fois, devant la cour: Bien là, pourquoi l'accessibilité est restreinte à juste ces trois-là? Le danger est réel. Mais, à partir du moment où on aura un autre jugement dans le même sens, mais là la porte est ouverte, là, il n'y en a plus, de restrictions.
M. Danis (Gabriel): Puis une chose est sûre, c'est que, non, on ne recommande pas de fermer les cliniques du type de M. Duval, mais c'est qu'une chose est sûre, c'est que l'ouverture aux assurances privées incitera plus de médecins à devenir non participants et à ouvrir ce type de cliniques là, leur permettant d'avoir peut-être une clientèle un peu plus grande que des personnes qui peuvent payer directement. Donc, non, on ne veut pas fermer ce type de cliniques là, mais ce que propose le gouvernement, c'est un accroissement de ce type de cliniques là, et on est contre un accroissement de l'offre de services privés, privés, là, comme les cliniques de M. Duval.
M. Charbonneau: En ce qui concerne, bon, les cliniques spécialisées affiliées, c'est vrai qu'on l'avait proposé dans la foulée de la commission Clair, mais ce qui est exact aussi, c'est que notre premier choix, ce n'est pas nécessairement de privilégier et de prioriser ça par rapport à l'autre possibilité qui est de donner aux centres hospitaliers la capacité d'avoir des centres ambulatoires publics opérationnels et efficaces.
Et, dans ce sens-là, hier, on a eu une présentation intéressante, une bonne discussion à partir du mémoire de la FIIQ, la Fédération des infirmières, infirmiers qui, je pense, les premiers, ont vraiment bien expliqué à la commission finalement les avancées qu'on avait faites à cet égard-là, à la suite de la réforme Rochon, mais aussi, comment je pourrais dire, les limites, c'est-à-dire: on n'est pas allés au bout, dans le fond, du potentiel qu'on avait installé, et la conséquence de ça, c'est qu'aujourd'hui on pense que la solution, plutôt que d'aller au bout du potentiel, ce serait d'avoir l'alternative d'avoir des cliniques spécialisées affiliées.
Mais encore une fois, moi, je n'ai pas de problème idéologique, c'est parce qu'il faut être cohérent: ou bien il n'y a pas de prestation privée avec financement public au Québec ou bien il peut y en avoir. Mais la question, c'est: Est-ce que c'est ça qu'il faut privilégier quand on a la capacité d'avoir une prestation publique aussi efficace, sinon plus? Parce que dans le fond la question, c'est que, si on va prendre des fonds publics pour faire des contrats de services avec des cliniques affiliées, est-ce qu'on ne pourrait pas prendre le même argent pour permettre à des centres ambulatoires de se développer et de donner un rendement qui est efficace? D'autant plus qu'on sait que c'est possible que ça...
Parce qu'on l'a faite, l'expérience dans certains domaines, et ça a fonctionné, puis on a vu en plus que, si on ajoute à ça une gestion efficace des listes d'attente, comme on nous en a fait la démonstration à l'égard... Par exemple, il y a un médecin de la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean, Dr Bolduc, qui est connu maintenant, et qui a fait des expériences significatives, qui a fait la démonstration qu'on peut donc améliorer, d'une façon très efficace, la gestion des listes d'attente et avoir le rendement qu'on souhaite. Parce qu'en bout de piste qu'est-ce qu'on souhaite tous, c'est que les services soient donnés dans des délais le plus rapide possible, puis qu'on respecte les garanties d'accès qu'on veut se donner, limitées, puis qu'on veut en ajouter d'autres dans la suite.
Alors, tu sais, le débat, il est là, il est: Est-ce qu'on va prendre en priorité l'option de développer des cliniques affiliées spécialisées ou si on va prendre l'option de prendre des fonds publics puis de terminer dans le fond le travail qui avait été amorcé puis de donner aux centres de jour ambulatoires, en fait aux centres ambulatoires opératoires, là, leur pleine capacité d'efficience, là?
Mme Chabot (Louise): Mais, sur la cohérence, ce qu'on soulignait aussi, c'est particulièrement... Quand on parle de cohérence, là nous sommes à l'heure, puis c'est assez récent, avec la loi n° 25, ou en tout cas le projet de loi n° 25 à l'époque, où on a créé les centres de santé et des services sociaux. Donc, on est venu créer des centres intégrés de services parce qu'on mise effectivement... ce sera à démontrer, là, ultérieurement, mais on mise quand même à faire en sorte que le patient soit au coeur du système. Bien, pourquoi venir introduire un nouveau type d'établissement dans ce secteur-là? Vous avez tout à fait raison.
Puis ce qui est... C'est ça qui est agaçant. C'est que tous nos beaux exemples publics, parce qu'on a réussi, c'est démontrer que, quand on réussit à concentrer certains types... parce que, là, on parle de chirurgies puis de listes d'attente dans des cas de chirurgie, c'est démontrer sur l'efficacité, puis c'est de démontrer que notre système public peut le faire, et sûrement à moindre coût, en développant des systèmes ambulatoires que sûrement... Parce qu'il y a les coûts de surveillance dont on parle très peu, aussi, quand c'est des cliniques qu'on confie en partenariat durant plusieurs années. C'est quoi, les coûts de gestion, les coûts administratifs pour la surveillance de telles cliniques, alors que le système public offre déjà ces garanties-là en termes de surveillance? Très important.
M. Charbonneau: Sur la question du financement, il y a quelque chose d'intéressant dans votre mémoire, c'est que vous nous faites la mise en garde ou en fait la démonstration que, quand on fait des comparaisons, la part du budget, par exemple, de l'Assemblée nationale ou du Québec consacrée à la santé, il faut distinguer santé et services sociaux, puis ce que vous dites, c'est qu'on fait souvent l'erreur ? puis dans les médias beaucoup ? de prendre une comparaison avec les autres provinces qui, elles, ne calculent pas, dans leur budget, les services sociaux, parce que, si on enlevait les services sociaux du secteur santé, on se retrouve finalement à avoir une part du budget provincial consacrée à la santé qui est pas mal moins importante que celle qu'on donne. Parce qu'on donne toujours l'impression que c'est 43 % du budget, mais, dans les faits, selon vos calculs, là, et les chiffres que vous avez compilés à partir de ceux de l'institut canadien de la santé, ce serait autour de 32 %, là, de...
M. Danis (Gabriel): Oui, tout à fait, il y a un problème de méthodologie important dans les comparaisons interprovinciales, là, dans les dépenses de santé et de services sociaux. En ce qui a trait à la méthodologie aussi, le livre blanc est muet sur les bases de comparaison pour les coûts unitaires. On nous dit que les chirurgies qui seront faites dans les cliniques spécialisées affiliées devront être à un coût comparable ou inférieur, mais on ne nous dit pas, comme Mme Chabot le disait tout à l'heure, on ne nous dit pas sur quelles bases ces comparaisons-là seront faites. Est-ce qu'on fera des comparaisons avec une chirurgie qui est faite à l'hôpital ou une chirurgie qui est faite à un centre ambulatoire public ou une clinique spécialisée publique? Donc, pour être honnête, la comparaison devra se faire entre deux types d'établissements similaires, et le livre blanc est muet là-dessus, là, sur les critères de comparaison qui seront retenus.
n(10 h 30)nM. Charbonneau: Mais ce sur quoi je voulais insister aussi, c'est le fait qu'actuellement on dramatise ou on amplifie la part de la santé dans le budget de l'État parce qu'au Québec on met santé et services sociaux, parce que le ministère, c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux, alors qu'ailleurs ils ne le font pas. Et, quand on fait nos comparaisons, bien, je veux dire, dans le fond, c'est des données qui ne sont pas comparables, là, autrement, et ça, ça donne une impression qu'au Québec on dépense plus en santé qu'ailleurs ou que notre part est dramatiquement plus élevée qu'ailleurs, alors que, quand on regarde... Dans le fond, je regarde la Nouvelle-Écosse, c'est 43 %. Alors, nous autres, on a 43 %, mais on a 43 % parce que c'est santé et services sociaux, alors qu'eux c'est santé tout court. Les autres, woupelaïe, là, on se rend compte que la situation est pas mal différente, puis que, nous, en bout de piste, on fait partie peut-être de ceux pour qui la part est la moins grande, là.
M. Danis (Gabriel): C'est exactement ce qu'on voulait démontrer par notre mémoire. Puis le chiffre de 42 % est le chiffre du rapport Ménard qui est repris à satiété par les médias sans questionnement, sans approfondissement.
M. Charbonneau: En tout cas, moi, je pense que ça fait la démonstration que, quand on avance des chiffres, là, et qu'on les lance dans les médias, il y a un travail de précaution puis de validation qui n'est en général pas fait. Et remarquez que même les utilisateurs, dans les débats publics, y compris les députés, souvent on est pris à prendre des données, et il y a tout un travail de validation qui ne se fait pas, puis, à un moment donné, on se retrouve, quelque temps ou quelques années plus tard, en se rendant compte que, si on avait fait finalement les validations puis les comparaisons selon des standards qui seraient comparables, bien notre lecture des réalités serait bien différente. Alors ça, je pense que c'était une contribution importante.
Mme Chabot (Louise): Le danger aussi, c'est qu'on va faire des solutions à partir de données aussi apocalyptiques, là. Ça fait que ça fausse...
M. Charbonneau: Ça fausse à la fois la lecture de la réalité...
Mme Chabot (Louise): ...le constat et le remède. Oui.
M. Charbonneau: ...puis les réponses qu'on présente pour régler les problèmes. Vous dites, parce que dans le fond une des propositions... Dans le fond, vous reconnaissez que le problème, disons, du financement à long terme est réel, aussi à court terme, vous ne faites pas vraiment, par exemple, la distinction entre les deux puis vous dites: Bien, pour régler la question ? vous en avez parlé tantôt en réponse dans l'échange avec le ministre ? bon, bien, on préfère, nous autres, une approche fiscale progressive à bien d'autres approches qui seraient des ponctions régressives dans la poche des citoyens. Mais vous n'avez pas parlé finalement de la situation du déséquilibre fiscal. Pourtant, même le ministre, cette semaine, a fait comme je ne dirais pas son mea culpa, mais a fini par reconnaître qu'à court terme c'est là qu'est la réponse parce qu'il y a des surplus considérables, là.
Moi, je suis toujours étonné de voir les gens qui viennent en commission, ici, là. C'est comme s'ils venaient en commission dans un Parlement d'un pays, et on payait toutes nos seules taxes à Québec, là, puis finalement on n'en paie pas à Ottawa, il n'y a pas de surplus à Ottawa, ça n'existe pas, Ottawa, là. Mais, à un moment donné, on en paie pas mal, plus que la moitié de nos taxes et nos impôts sont payés à un autre niveau, on a des surplus. À ce niveau-là, quand on a instauré le système public de santé, il y avait presque la moitié des coûts du système qui étaient assumés par des transferts fédéraux. Aujourd'hui, ce n'est même pas 25 %, puis ça a baissé même en bas de 20 %; on a l'a remonté un peu, là. C'est quoi, l'opinion de la CSQ à cet égard-là, là?
Mme Chabot (Louise): Elle est très clair: une position très ferme en faveur de corriger au plus vite le déséquilibre fiscal. Bien, on ne l'a pas remise, mais, quand on a assisté au rapport Ménard, c'est une des premières mesures qu'en tout cas on trouvait important de souligner parce que ce n'y était pas, de parler de cette question-là, bien que certains nous disent: Bien, même si on l'écrit, ça ne change rien, il faut agir quand même. Mais c'est quand même important.
L'état de notre système de santé et de services sociaux actuellement puis d'autres programmes sociaux sont tributaires des pénuries de ressources financières qu'on a eues dans ces secteurs-là qui viennent du fédéral. Parce que nous avons la responsabilité, comme collectif québécois, de l'organisation puis de la prestation des services, puis le financement vient d'ailleurs, et effectivement la question du déséquilibre fiscal, la CSQ est...
M. Charbonneau: Le premier ministre actuel a déjà dit dans un autre Parlement, quand il était dans un autre Parlement, que finalement des décisions du fédéral c'est celle qui avait placé les provinces, dont le Québec, dans un situation intenable au plan des finances publiques puis en particulier de leur problématique à l'égard des services de santé, là.
Si le fédéral avait maintenu sa contribution au niveau où elle était il y a 20 ans, on ne serait pas dans les problèmes dans lesquels on est aujourd'hui, là. Puis ça, les citoyens... Entre toi puis moi, je trouve ça aberrant, les gens qui tiennent l'argument que souvent... Puis j'ai entendu encore récemment: Oui, mais ça, c'est là dans le décor, mais de toute façon il faut voir les autres solutions. Bien, quand on dit ça, là, on ne veut pas voir celle qui est devant nous, là, puis qui est à court terme, puis qui est à portée de main, comme si on acceptait que finalement ça, là, ça ne se réglera pas. C'est comme si à quelque part on renonçait à trouver la capacité d'aller récupérer une part plus significative de nos taxes et de nos impôts puis de notre contribution à ce niveau-là, là.
Mme Chabot (Louise): D'ailleurs, le rapport Romanow, qui était un rapport canadien sur la question des listes d'attente, puis sur la question du financement, puis que le financement du fédéral devait être rehaussé au plan global, je pense que c'était assez majeur.
M. Charbonneau: Il y a une chose que vous avez faite par ailleurs qui est assez étonnante. Vous dites deux choses. Vous dites: On devrait élargir la couverture de l'assurance publique à d'autres soins. Donc, notre panier de services, il devrait s'élargir, et donc ça veut dire plus de dépenses pour l'État, là, c'est-à-dire qu'on élargit la couverture, on augmente le coût public des dépenses en santé. Et vous dites: Bien, s'il faut faire ça... Bon, là, je viens de comprendre qu'au-delà de ça, là, la question de la récupération des fonds fédéraux est importante pour vous. Mais vous avez dit: S'il faut, on devrait abolir la loi antidéficit puis à la limite, s'il faut faire des déficits au Québec, on devrait en faire pour pouvoir maintenir les services de santé à la hauteur des besoins de la population. C'est ça, votre...
M. Danis (Gabriel): Bien, nous, on ciblait la loi antidéficit des hôpitaux, là, non pas la loi antidéficit budgétaire globale du gouvernement. Puis nous, cette solution-là est avancée pour qu'on puisse utiliser au maximum, à leur plein potentiel, les infrastructures existantes. Au lieu de construire de nouvelles infrastructures satellites, les cliniques spécialisées affiliées, pourquoi ne pas utiliser des infrastructures publiques déjà existantes qui ne fonctionnent pas à plein régime? On pense que ce serait une solution plus efficiente.
M. Charbonneau: Et donc c'est dans ce sens-là que vous disiez... Parce que ce n'était pas clair. Dans les recommandations, on parlait de la loi antidéficit, là, ça donnait l'impression que c'était la loi antidéficit pour le budget global de l'État, là.
Mme Chabot (Louise): Non, ce n'est pas ça.
M. Charbonneau: O.K., ce n'est pas ça, tant mieux. Et là, si je vous ai bien compris dans l'échange de tantôt puis dans vos propositions, ce que vous dites, c'est que, bon, les solutions qui seraient dans le fond régressives, c'est-à-dire pour vous le ticket modérateur ou une prime d'assurance collective pour perte d'autonomie, il faut écarter ça. Ça veut dire que dans le fond ce qui reste, si jamais on a l'obligation d'aller faire une ponction additionnelle, c'est clairement par la fiscalité.
Le ministre dit: Oui, mais il y a la croissance des revenus du gouvernement. Est-ce que, si on prend son argument, est-ce que pour vous... comment on résout l'équation? Les revenus de l'État augmentent, je ne sais pas, moi, de 3 % ou 4 %, 3 %, 2 % par année, dépendant des années puis du développement... en fait de la vigueur de l'activité économique puis de la croissance de la richesse. Comment on fait pour faire en sorte qu'on puisse aller chercher des revenus suffisants pour pouvoir dispenser les services de santé au niveau où ils doivent être dispensés, en le faisant selon vos principes de solidarité et d'équité entre les citoyens?
Le Président (M. Copeman): Succinctement, Mme Chabot, s'il vous plaît, parce qu'on tire à la fin.
Mme Chabot (Louise): Bien, je vous dirais qu'essentiellement, avant d'arriver à ces solutions-là, ce qu'on a toujours préconisé, c'est: Regardons d'abord ce qu'on peut faire pour agir sur les dépenses et non pas seulement sur les revenus. Puis là il y a toutes sortes de questions qui doivent se poser: Quel type de financement on met dans la prévention, qui aurait des effets sur le curatif? Comment on agit sur les médicaments? D'abord. Puis après... C'est un principe qu'on défend, là, ce n'est pas: Augmentons les impôts, mais un principe que, si on doit contribuer davantage, faisons-le selon les mêmes règles que la fiscalité, avec son caractère progressiste et non pas...
Le Président (M. Copeman): C'est plus que terminé.
M. Charbonneau: Bien, alors, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Mme Chabot, M. Beauséjour, Mme Brinck, M. Danis, Mme Robin, Mme Bélanger, merci pour votre participation à cette commission parlementaire, au nom de la Centrale des syndicats du Québec.
J'invite les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec à prendre place à la table.
Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 40)
(Reprise à 10 h 43)
Le Président (M. Reid): Alors, je voudrais souhaiter maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec, Dr Bernier et M. Gouin, et nous allons vous donner la parole pour une vingtaine de minutes, pour faire votre présentation. Lorsqu'il restera environ trois minutes, je vous ferai signe, et par la suite nous passerons à une période d'échange avec le côté gouvernemental pour une vingtaine de minutes, et nous allons terminer avec 20 minutes du côté de l'opposition officielle.
Alors, je vous passe la parole, Dr Bernier.
Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)
M. Bernier (Martin): Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé, M. le porte-parole de l'opposition officielle, Mmes, MM. les députés, mesdames messieurs. Tout d'abord, je voudrais vous remercier de nous accueillir ici, aujourd'hui, puis de nous donner l'occasion de faire valoir notre point de vue sur le document Garantir l'accès. Mon nom est Martin Bernier, je suis président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jean Gouin, qui est le directeur général de la fédération.
Dans les prochaines minutes, j'ai l'intention de vous présenter la vision de la relève médicale sur un certain nombre d'aspects. Plusieurs éléments dans le document Garantir l'accès ont soulevé notre attention. Il faut comprendre que la Fédération des médecins résidents représente plus de 2 300 personnes au Québec en formation postdoctorale, autant en médecine de famille qu'en spécialité, dans plus de 94 centres hospitaliers, dans quelque 64 unités de médecine familiale également. Donc, ces gens-là sont à même de constater les effets, les grandeurs et les misères de notre système de santé, les effets pervers des pénuries de ressources matérielles, financières et autres que l'on vit au quotidien.
Donc, de ce point de vue là, on a un nombre important de points qu'on voudrait couvrir, mais, pour la fin de l'exercice, je vais me concentrer, en trois temps, tout d'abord sur l'optimisation des mesures à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire qui est dévolue actuellement aux soins de santé, qui est très importante, mais, en bout de ligne, la question, c'est: Comment on peut être plus efficace, comment peut-on faire plus avec les argents qu'on a?
Dans un deuxième temps, bien la question du financement, on ne peut pas l'éluder. Je pense que tous les gens qui passent ici s'entendent pour dire que le maintien de l'offre de service actuelle ou son élargissement va passer par un financement additionnel sous une forme ou sous une autre, et nous avons à ce chapitre un certain nombre de recommandations.
Et un point qui est particulièrement important pour la relève médicale, c'est, en bout de ligne, les conséquences ou ce qui va découler des mesures qui sont proposées dans le document Garantir l'accès du point de vue de l'impact sur la formation médicale, parce que beaucoup de ces mesures-là impliquent les milieux de prestation de soins. Les milieux de prestation de soins sont de plus en plus... À mesure qu'on développe de plus en plus de centres de formation, les milieux de prestation de soins deviennent aussi des milieux de formation. Donc, il faut toujours avoir en tête cet aspect-là quand on décide de s'attaquer à la refonte d'un système.
Donc, sans plus tarder, à la lecture du document, nous retenons un certain nombre d'éléments. Tout d'abord, l'intention... Et je vais dire d'entrée de jeu que la fédération se positionne en faveur de la vaste majorité des mesures qui sont proposées dans le plan, exception faite de quelques bémols que je vais vous soulever prochainement. Mais ce qu'on retient particulièrement du plan, c'est l'intention affirmée, et là c'est louable, de préserver les principes de la Loi canadienne sur la santé tout en considérant des nouvelles options à l'intérieur de ce que nous permettent ces principes; de maintenir l'étanchéité des médecins entre le secteur public et le secteur privé; d'introduire le concept de garantie d'accès à l'échelle nationale, l'ouverture limitée à l'assurance privée pour un certain nombre ciblé d'interventions de même que les différentes considérations de financement.
Bon. Sur la question de l'accessibilité, tout d'abord je pense qu'il convient de s'entendre sur ce qu'on définit comme étant une accessibilité adéquate. Ça fait un certain nombre d'années que les médecins résidents tiennent le même discours à ce sujet-là et, jusqu'à un certain point, je crois qu'on rejoint le ministre. L'accessibilité, ce n'est pas l'accessibilité à tous crins, à proximité, pour tous les soins. L'accessibilité adéquate, pour nous, ça correspond à la prestation du soin nécessaire au moment opportun, dans le lieu le plus approprié. Et, en bout de ligne, revoir l'accessibilité au système, ça revient à poser la question: Comment pouvons-nous rendre les soins plus accessibles dans une perspective de financement à long terme? Comment la réorganisation des soins doit conduire à une plus grande accessibilité avec les ressources disponibles? Comment les considérations notamment face au contenu du panier de services que l'on offre actuellement doivent aussi entrer en ligne de compte, et jusqu'à quel point pouvons-nous nous permettre d'ouvrir la porte additionnellement ou sous des formes différentes au privé?
Je vais m'attarder, d'entrée de jeu, sur la question de la réorganisation du réseau parce que je vais vous avouer que, pour les médecins résidents, c'est un point qui nous tient particulièrement à coeur. En 2002, la Fédération des médecins résidents a publié un document qui s'intitulait Un Québec en santé!. Il faisait état, à ce moment-là, de notre vision du système de santé, et, à ce moment-là, on parlait déjà de la mise en place d'un réseau suprarégional intégré, de développement de pôles régionaux, d'établissement de corridors de services, de valorisation de la pratique médicale en région, des ententes de services négociées fonctionnelles entre les établissements, du respect des primes en fonction des besoins et de la création des plans d'effectifs médicaux universitaires.
Alors, force est d'admettre que le principe de la plupart de ces mesures-là se retrouve aujourd'hui dans la politique gouvernementale, et on salue le travail du ministre à ce niveau-là, dans le dossier de la réorganisation des soins, de l'approche populationnelle dans le cadre des RUIS, entre autres. Seulement, s'engager à donner à la population une accessibilité maximale via une structure refondue telle que celle-là, ça nous demande aussi de temps à autre de faire une pause, et de faire un retour sur nos façons de faire, et de se questionner toujours dans une perspective d'améliorer nos façons de faire. Et, à ce niveau-là, je vais soulever la question de l'affectation des postes et de l'accessibilité des postes pour les finissants, l'accessibilité à la pratique.
À l'heure actuelle, les médecins résidents sont dévoués à faire en sorte de donner des soins à la population dans toutes les régions du Québec. Cependant, la formule qu'on a choisie à l'heure actuelle est extrêmement lourde et restrictive, de telle façon que l'accès à la pratique ? et ça, du point de vue du médecin résident, c'est très important, quand on arrive à la fin de la formation ? les barrières dans certains cas ou du moins les contraintes dans l'accès à la pratique, en bout de ligne, ça se traduit par des contraintes dans l'accessibilité pour la population.
n(10 h 50)n Et ça, je veux dire, l'exemple de ce qui s'est passé à l'Hôpital Saint-Sacrement, plus tôt cette semaine, je pense qu'il est très éloquent à ce sujet. Des médecins résidents qui sont intéressés à travailler dans cet établissement-là, on en recensait au moins quatre dans notre fédération, l'année dernière. Donc, c'est faux de dire que les gens se sont désintéressés de certains centres et ne veulent pas aller travailler; ils sont contraints, à cause des structures administratives entourant l'accessibilité à la pratique, ils sont contraints dans leur accès à la pratique et ne peuvent pas donner les soins à la population. Et là personne ne va disputer que c'était une situation où la population a grandement besoin de la venue de nouveaux médecins.
Donc, on ne remet pas en question les principes de l'établissement des pôles régionaux, des corridors de services, on a toujours été en faveur de ça. Seulement, dans la façon de faire, dans l'attribution des effectifs médicaux, il y a une certaine marge de manoeuvre qui doit être déléguée aux instances régionales et suprarégionales, et c'est ce qui manque à l'heure actuelle, dans le système.
Donc, c'est dans cette perspective-là que la hiérarchisation des soins médicaux hospitaliers doit se poursuivre. À long terme, cette hiérarchisation-là va nous permettre de mettre en place de nouvelles façons de faire et de tirer des gains d'efficience. Encore une fois, tout en privilégiant cette hiérarchisation ? et on est totalement en faveur du principe qui sous-tend la mesure ? il faut considérer, et on ne peut oublier, l'importance de donner aux centres hospitaliers, en particulier les centres universitaires, les moyens financiers et humains dont ils ont besoin pour assumer leur mission. La mission est quadruple: ce n'est pas seulement de donner des soins à la population, c'est aussi de faire de l'enseignement dans un contexte où les cohortes de médecine ont augmenté significativement, de faire de la recherche et d'évaluer les nouvelles technologies. La reconnaissance des besoins liés à la hiérarchisation, particulièrement les besoins spécifiques des centres universitaires, est fondamentale au succès d'une telle réforme. L'efficience ne peut s'acquérir au détriment de la qualité, et ça, c'est un des points importants qu'on veut véhiculer aujourd'hui.
À ce chapitre-là, c'est assez éloquent de revenir sur des propos qui ont été tenus durant cette même commission, il y a quelques semaines, notamment en ce qui a trait aux anesthésiologistes, ou à leur pénurie, ou à leur non-disponibilité, comme étant la cause du ralentissement de la production dans les salles opératoires. J'aurais aimé ça que mes collègues du conseil de direction de la fédération soient ici, aujourd'hui; ils sont tous deux résidents en anesthésiologie. L'un d'eux est en préparation pour ses examens du Collège royal et l'autre est aujourd'hui en salle d'op, justement. Mais ils auraient été en mesure de témoigner de la pénurie d'anesthésiologistes. Ils auraient été aussi en mesure de témoigner du travail, des tâches que font les anesthésiologistes, qui s'étendent bien au-delà des salles d'opération, notamment en clinique de la douleur, en consultation, à l'administration et à l'enseignement, ce que plusieurs anesthésiologistes ne manquent pas de souligner qu'ils font bien souvent pro bono. La problématique n'est pas nouvelle. Le Dr Brière, qui était président de l'AAQ, nous mentionnait que, déjà dans les années soixante-dix, le problème était criant. Cependant, il faut reconnaître qu'il y a une pénurie d'effectifs autant du point de vue des anesthésiologistes que des infirmières et du personnel de soutien et que les anesthésiologistes, en bout de ligne, ne sont pas les causes des listes d'attente indues à l'heure actuelle, mais plutôt sont limités parce qu'ils sont répartis, ils sont étendus de façon très mince sur l'ensemble du système, pour un nombre important de tâches.
Donc, je vais passer maintenant, rapidement, sur l'organisation et les modes de prestation de services. Nous, on croit... Et ça, c'est un élément... Bon, ça ne fait pas partie du document, pour des raisons qui ont déjà été mentionnées, mais on ne peut pas manquer de consolider la première ligne. Si on demande aux gens: C'est quoi, le problème d'accès au système?, ils ne vont pas pointer la chirurgie de la hanche ou de la cataracte, ils vont vous dire: Je n'ai pas de médecin de famille.
À l'heure actuelle, lever les plafonds de rémunération trimestriels, ce serait une façon d'ajouter, à Montréal seulement, plus de 40 équivalents à temps plein en fait de médecins, pour un coût d'une mesure d'à peu près 2 millions de dollars. Il faut revoir les activités médicales particulières. Si la prise en charge des patients est notre priorité, bien il faut que ça, ça fasse partie des AMP. Ça, c'est important. Il faut aussi élargir le rôle de la ligne Info-Santé puis lui donner le mandat d'aider les gens à se trouver un médecin de famille.
Bon. La perspective dans la réorganisation des soins, c'est toujours aussi de maintenir la protection des clientèles vulnérables. Donc, à partir du moment où on décide... Et là je vais, par exemple, me référer à la mesure qui était proposée dans le budget, en mars, de hausser le niveau actuel des places en CHSLD et, plus récemment, à la nouvelle, dans les journaux, concernant la réduction du nombre de ces places. Il faut faire attention. On ne questionne pas la légitimité de la mesure ou des décisions qui sont prises pour des considérations budgétaires. Seulement, il faut donner une chance aux gens dans les communautés de s'organiser et, à ce niveau-là, de mettre en place les soins à domicile avant... de financer les soins à domicile avant d'enclencher des mesures qui visent à réorienter les gens vers la maison plutôt que l'institution. Bon.
Des façons de mesurer notre performance, il y en a énormément. La FMRQ salue l'instauration des garanties d'accès. On est d'accord qu'il faut que ce soit étendu à courte échéance pour éviter le drainage, le déplacement des ressources d'un type d'intervention vers d'autres. Par ailleurs, on croit qu'il faut prioriser... Encore là, c'est la question de la première ligne qui doit être mise de l'avant, et on croit qu'un modèle similaire à celui qui est utilisé en Suède, le 0-7-90-90, donc pas d'attente pour les problèmes urgents, sept jours pour voir le médecin de famille, 90 jours pour le spécialiste, 90 jours pour le test diagnostique, ce serait probablement un endroit où commencer, question de baliser notre performance.
Dans toute la refonte, le patient doit au fond demeurer au centre de nos préoccupations, et, à ce chapitre-là, la fédération est en faveur d'une déclaration des droits et des responsabilités en matière de bien-être. Il y a lieu de sécuriser le patient et de réaffirmer ses droits et les attentes qui sont légitimes pour lui d'avoir dans le contexte du système actuel. Et aussi pour cette raison-là, la fédération favorise l'introduction de trois principes additionnels qui sont la qualité de soins, l'imputabilité et la liberté de choix.
Sur le volet de la réorganisation qui touche les cliniques spécialisées affiliées, on voit là encore une fois un partenariat qui est intéressant, qui en bout de piste va nous permettre d'augmenter l'efficience. C'est une excellente initiative qui permettrait de tester une structure flexible et de diversifier les modes de prestation. Et je pense que c'est là qu'il y a des gains à faire. Les établissements que l'on connaît, actuels, pour un nombre de raisons, ont une flexibilité qui peut, dans certains cas, être moins grande. L'idée n'est pas d'introduire une gestion et un financement privés, je pense que ça, tout le monde est clair là-dessus, c'est un financement public, mais une prestation qui est différente. Et, à ce niveau-là, on peut seulement être en faveur d'explorer des façons différentes de procéder qui pourraient nous permettre de faire des interventions dans des milieux moins lourds au point de vue des structures et plus efficaces.
Donc, à cet égard, le maintien de l'étanchéité entre le public et le privé va nous permettre de maintenir un système de santé efficient dans la mesure où on finance adéquatement les médecins qui vont travailler dans ces CSA là, dans ces cliniques spécialisées affiliées, pour leur garantir des volumes d'accès. À partir du moment où le système manque à son devoir de garantir des volumes d'accès pour permettre aux chirurgiens et... M. Couillard, vous mentionnez vous-même, à l'époque où vous pratiquiez, votre limitation dans vos temps opératoires. Bien, à ce moment-là, il y aura peut-être lieu, à la lumière de la hausse des cohortes et des effectifs qui vont être revus, de reconsidérer ce principe-là. Mais pour l'heure nous sommes d'accord avec vous de la nécessité de maintenir l'étanchéité entre la pratique privée et la pratique publique.
J'ai traité tantôt rapidement de la question de la transparence et de la protection du citoyen. Une façon de conscientiser la population et de les mobiliser face à ce qui doit être fait et ce qui s'en vient, c'est d'informer les gens. Et, à ce niveau-là, nous proposons la publication et la diffusion annuelle d'un bilan de conscientisation sociale à l'égard du système de santé québécois, une espèce de bulletin du système de santé.
Les gens... Et ça a déjà été soulevé plus tôt, dans cette commission, par M. et Mme Castonguay qui mentionnaient que, bon, on est dans cette situation particulière où on consomme des soins sans avoir aucune idée de ce que ça coûte. On a peu d'idée de l'impact ou de la destination finale du dollar d'impôt qui est payé. À cet égard-là, le bilan de conscientisation permettrait aux gens de bien prendre connaissance de ce qu'ils obtiennent pour leur argent et, à ce moment-là, rendrait plus simple l'explication des mesures additionnelles qui vont viser à, disons, accroître l'offre de service.
Rapidement, sur la question du financement, tous les calculs, peu importe la façon qu'on le fait, le démontrent, la hausse des coûts du système est plus rapide que l'accroissement de notre richesse. Notre richesse relativement à nos voisins est inférieure, donc il n'y a pas d'autre façon de faire que de diversifier nos modes de financement.
n(11 heures)n À ce point de vue là, nous sommes moins en faveur de l'établissement d'une caisse santé, mais plutôt en faveur de l'établissement d'une assurance santé qui, à terme, va permettre de financer des soins additionnels de façon plus globale et moins restrictive, on pense, que ce qui est inclus dans le document Garantir l'accès, c'est-à-dire le régime contre la perte d'autonomie... nous croyons qu'il faut garder les coudées franches pour une demande de soins qui va être changeante à mesure que la démographie va évoluer, et donc c'est dans cette perspective-là qu'on privilégie l'assurance santé. Pour des raisons que plusieurs économistes ont élégamment défendues, l'établissement de la caisse santé, une caisse de santé capitalisée, ne nous apparaît pas comme la solution à l'heure actuelle compte tenu de la structure de la pyramide de population.
Et, pour conclure...
Le Président (M. Reid): Dr Bernier, il vous reste environ 3 minutes.
M. Bernier (Martin): Pardon?
Le Président (M. Reid): Environ 3 minutes, il vous reste.
M. Bernier (Martin): Ah! bon, c'est parfait, j'arrive au dernier point majeur que je voulais soulever, je vais aller à l'essentiel, qui est celui de la formation.
À l'heure actuelle, je le mentionnais tantôt, on a diversifié nos milieux de formation, on a des résidents dans plus 95 établissements. Ça, ce n'est pas seulement dans les centres universitaires, là. Les médecins en formation postdoctorale ne sont pas dans les quatre centres universitaires, ils sont partout en province, dans les régions éloignées notamment. Donc, ce sont tous des milieux de formation.
Dans la mesure où on décide de développer des cliniques spécialisées affiliées ou des modes, des lieux de prestation différents ? et là le document, c'est compréhensible, on est encore aux étapes préliminaires de la discussion, ce que je crois comprendre, mais le document ne nous indique pas quelles sont les visions du ministre ou du gouvernement face à cette question-là, c'est-à-dire: S'agirait-il de milieux de formation? ? quel sera l'impact, dans un milieu universitaire, du déploiement d'un médecin qui travaille actuellement dans un centre hospitalier universitaire, qui va aussi être appelé à assumer des tâches dans une clinique spécialisée affiliée? Quels seront les impacts de cette soit augmentation de la charge de travail, ce qui, pour la prestation des soins, est une bonne chose, mais ce qui, en regard des autres missions que je mentionnais tantôt, pourrait poser problème? Donc, de quelle façon est-ce qu'on compte reconnaître le besoin additionnel qui va découler de l'implémentation de ces mesures-là, en particulier des centres universitaires? Parce que c'est là qu'on parle de l'implémentation des CSA, là, ce n'est pas dans les régions éloignées. Donc, de quelle façon est-ce qu'on compte s'attaquer à ça et s'assurer qu'on maintient l'effectif nécessaire pour non seulement faire la prestation de soins, mais également assurer la pérennité des autres missions des médecins en centre universitaire? Et je pense que ça fait dans l'essence le tour des grandes mesures.
Les questions de prévention, si j'en glisse, seulement en 15 secondes, je glisse un mot là-dessus, ça va être pour dire qu'on ne peut qu'être en faveur de ce genre d'instauration de mesures tel que proposé dans le document Garantir l'accès. Seulement, on veut juste soulever que ce genre de mesure là doit être fait dans une perspective à long terme et que ce n'est pas le genre de mesure qui souffre très bien des changements d'humeur politique ou du système. Donc, que ce soit fait, on salue l'intention de s'engager dans la démarche, cependant on souhaite que ce soit fait dans une perspective à long terme de développement de mesures de prévention.
Le Président (M. Reid): Merci, Dr Bernier, ça fait très exactement 20 minutes. Alors, je vais passer la parole maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Bernier et M. Gouin, pour votre présentation aujourd'hui. Je voudrais juste vous indiquer, d'entrée de jeu, que la question de la déclaration des droits et responsabilités de patients va être le premier mandat que le gouvernement va confier au Commissaire à la santé et au bien-être, dont la nomination est très prochaine. On est dans la phase finale du processus de nomination. Et ce même commissaire va également faire des rapports annuels sur l'état du système de santé en se plaçant beaucoup plus sur le point de vue de l'utilisateur, du citoyen que sur le point de vue du réseau lui-même. Et je pense que, là, il y aura un gain, là, je dirais, de transparence et de perception pour la population.
Évidemment, vous avez touché plusieurs points importants. Vous avez parlé des effectifs puis vous avez parlé également, à la fin, de la formation. Je ne voudrais pas escamoter ce point-là, parce que pour vous c'est un point particulièrement important, la question de la formation.
Prenons d'abord les effectifs. Effectivement, on est encore dans, je dirais, la fin de la période noire, là, des effectifs, puis vous le savez vous-même. Vous les voyez, les cohortes d'étudiants et de résidents qui poussent. Je ne sais pas à quel niveau de formation vous êtes, mais vous devez voir arriver tout ce monde-là. Et il est clair qu'au cours des prochaines années le paysage, en termes d'effectifs, va changer considérablement, et on va peut-être revenir à ce que...
Moi, quand j'ai fait ma formation en médecine, on était 205 dans la classe de médecine, à l'Université de Montréal, puis, quand on graduait, le poste n'était pas garanti. C'était plutôt la situation où on allait d'un endroit à l'autre pour offrir nos services puis nos compétences puis demander si on pourrait aider, alors que maintenant c'est plutôt le contraire, celui qui finit ou celle qui finit a plusieurs options. Mais on risque de revenir à un équilibre offre-demande beaucoup plus, entre guillemets, normal que ce qu'on a connu au cours des dernières années. Est-ce que vous croyez que vos plus jeunes collègues, là, qui sont étudiants ou résidents juniors, mais surtout les étudiants, réalisent cette transformation du paysage des effectifs qui va se produire?
M. Bernier (Martin): Je suis content que vous attaquiez la question d'entrée de jeu parce que je voulais en discuter un peu avec vous. Ça dépasse peut-être un peu le cadre du document.
M. Couillard: Ça fait partie de l'accès, les effectifs.
M. Bernier (Martin): Oui, jusqu'à un certain point. Et donc on a suivi vos représentations lors de la discussion des crédits notamment, alors que vous avez tenu des propos similaires. Je dois vous avouer qu'à l'heure actuelle ça inquiète beaucoup tant les étudiants en médecine que les résidents en début de formation, l'impact ou la signification réelle de cette affirmation-là. Est-ce que ça signifie que... Parce que, là, à terme, d'ici une dizaine d'années, on parle de 3 000 médecins de plus au net.
M. Couillard: Y compris les départs, et les décès, et les retraites.
M. Bernier (Martin): Oui, au-delà de... Exactement. Donc, c'est ça. De quelle façon ça va se traduire? On sait que la demande pour les soins de santé, en bout de piste, peut être illimitée. Seulement, dans la vision actuelle, dans le cadre actuel, qu'est-ce que ça veut dire, ça, 3 000 médecins de plus? Est-ce qu'on se dirige vers un chômage médical? Est-ce qu'on se dirige vers l'ouverture plus grande au privé pour ces médecins-là qui n'auront pas une place à l'intérieur du système public ou est-ce qu'on pense être en mesure d'accommoder l'ensemble de ces nouveaux professionnels là à l'intérieur du système?
Donc, je vous dirais qu'à l'heure actuelle ça soulève beaucoup de questions et j'aimerais bien que vous me précisiez votre question là-dessus, votre position là-dessus parce que vous comprendrez que les médecins résidents ne sont pas enchantés à l'idée de compléter leurs cinq années de médecine, leurs six années de résidence et leurs deux ans de «fellowship» pour arriver en bout de piste puis se faire dire: Bien, finalement, non, on n'a pas réellement besoin. C'est bien sympathique d'avoir fait 12, 13 ans de formation, mais... Donc, c'est ça.
Alors, ce n'est pas une question... C'est toujours la... sans avoir une garantie d'un poste donné au départ, seulement il faut faire une planification qui est saine, logique et conséquente, c'est-à-dire qu'on va former les gens dont on s'attend d'avoir besoin. Alors, j'aimerais peut-être que vous précisiez.
M. Couillard: Je ne pense pas qu'on connaisse jamais le chômage médical, je vous rassure tout de suite. D'ailleurs, je ne me souviens plus dans quelle spécialité vous êtes, là.
M. Bernier (Martin): Je suis R3, troisième année en médecine interne. Je commence la cardiologie en juillet.
M. Couillard: Félicitations.
M. Bernier (Martin): Merci.
M. Couillard: Vous allez passer toute votre carrière dans un système de santé où les besoins vont excéder les ressources. On va toujours être dans ce paysage-là, mais à un moindre degré et de façon différente que ce qu'on connaît maintenant. Je dirais que l'augmentation massive des cohortes de finissants des prochaines années va avoir quelques impacts qui ne seront pas le chômage médical, mais cependant les impacts à mon avis seront les suivants.
D'abord, c'est que ça va rectifier la situation offre et demande. Et là ? c'est pour ça que je vous demandais si les gens sont préparés ? dans l'état d'esprit des dernières années des finissants en médecine, autant en résidence qu'en médecine de famille, on assume qu'on aura toujours cinq, six, sept options, et qu'on peut se permettre de choisir plus librement que ce sera le cas à ce moment-là, non pas par réglementation, mais par la simple loi du marché et le mécanisme d'offre et demande. Un.
Deuxièmement, je pense que l'encadrement des effectifs ? ça, c'est une bonne nouvelle peut-être pour vos membres puis votre fédération ? risque d'être moins restrictif qu'il est actuellement parce que, sur le plan de la couverture géographique, j'ai l'impression qu'avec ce nombre de médecins là on devrait être capable d'assurer quand même une couverture raisonnable dans toutes les régions du Québec.
Troisièmement ? puis vous y avez fait allusion dans votre question, puis je dirais que c'est hypothétique ? cette question d'étanchéité, j'ai dit à plusieurs reprises que, dans un paysage d'effectifs différent, c'est quelque chose qui pourrait se reposer comme débat et avec probablement plus d'ouverture qu'on le fait actuellement, là. Je donne souvent l'exemple de la France où ? vous connaissez les effectifs médicaux en France par rapport aux effectifs québécois ? personne, là-bas, ne se pose la question de la légitimité ou de la normalité d'une pratique mixte privée-publique. Actuellement, on ne peut pas, à cause des effectifs, mais on risque, à ce moment-là, de pouvoir réouvrir le débat.
Donc, je dirais: meilleure couverture géographique, normalisation du jeu de l'offre et de la demande et également ouverture potentielle mais hypothétique, là, parce qu'il faudra vérifier quel sera le niveau de demande de soins à ce moment-là, on aura une population encore plus âgée qu'on a actuellement, mais ouverture hypothétique vers une pratique mixte comme on a dans des pays de l'OCDE ou des pays d'Europe de l'Ouest. C'est un peu comme ça que je vois le paysage.
Mais, moi, je me souviens très bien, mes collègues, quand on finissait, on était tous un peu inquiets, tu sais, puis tout le monde a trouvé un poste, là, tu sais. Tout le monde a fait sa formation, tout le monde a trouvé un poste, mais on était dans un paysage où il fallait les convaincre, à un endroit ou à un autre, qu'on était un bon candidat pour eux puis qu'on allait apporter une valeur ajoutée. Et c'est ce que vivent tous les professionnels en général, mais, pour les médecins, ce n'est peut-être pas quelque chose qui est perçu habituellement, là.
n(11 h 10)nM. Bernier (Martin): Mais je dois vous avouer qu'à l'heure actuelle, pour les médecins résidents, comme vous le savez très bien, le contexte dans lequel ils évoluent et avec les plans d'effectifs médicaux tels qu'on les connaît, donc ces six ou sept postes pour lesquels on se les arrache, dans la vaste majorité des spécialités, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, ils ne perçoivent pas cette... et c'est là que c'est un peu étrange parce qu'on sait que les besoins dans l'ensemble sont énormes et infinis. Pour le résident qui gradue, il se heurte à un plan d'effectif médical qui offre souvent un ratio de 1,1, des fois un poste par finissant pour une cohorte donnée. Donc, à l'heure actuelle, c'est ça, la réalité des médecins résidents.
Donc, je vais vous dire qu'avant de se pencher sur l'impact à long terme de la cohorte dans 10 ans ils y pensent, mais à court terme ils sont particulièrement préoccupés par l'état des plans d'effectifs médicaux et de l'allocation des ressources dans le système à l'heure actuelle. Parce que ça représente, il ne faut pas se le cacher, ça représente une barrière importante, sans s'engager dans les stress psychologiques et autres qui y sont associés, mais c'est une barrière bureaucratique, bureaucratique jusqu'à un certain point. Et ce que j'étais en train de démontrer tantôt, c'est que c'était aussi, dans une certaine mesure, une barrière qui ne servait pas l'intérêt, l'accessibilité de la population au réseau et au système de la santé. Je citais Saint-Sacrement, entre autres; des exemples, il y en a eu en neuropédiatrie à Montréal, récemment, etc.
Pour, comment dire, améliorer l'accessibilité au système, il faut donner les outils et donner la possibilité aux finissants en fin de formation d'accéder au système promptement, dans une mesure qui va répondre à leurs aspirations professionnelles, à leur formation et aux besoins de la population. Mon propos ici, c'est qu'il y a une certaine marge de manoeuvre qu'on peut introduire et ajouter dans ce qui est la façon de faire actuelle, et c'est là que...
M. Couillard: Je dirais que plus les effectifs vont augmenter, plus cette marge de manoeuvre va exister automatiquement. Il y a des problèmes qu'on vit actuellement même. De l'autre côté, de ceux qui doivent administrer ce plan d'effectif, la perception est bien sûr un peu différente, souvent la même mais parfois un peu différente de ceux qui vivent le plan d'effectif sur le terrain.
Je donne un exemple qui a lieu ces semaines-ci. L'an dernier, on a accepté d'avoir quatre ou cinq, je ne me souviens plus, médecins de famille d'un seul coup recrutés à Saint-Georges de Beauce, dans le but de stabiliser la salle d'urgence à cet endroit-là. Et on a même, pour faire ça, dit aux sous-régions avoisinantes qui sont également en grave pénurie: Écoutez, il y a un besoin régional, là, de stabiliser cette urgence-là, puis vous allez comprendre qu'il faut qu'on donne le paquet cette année avec quatre ou cinq médecins à Saint-Georges. Bon, les gens n'étaient pas très heureux dans les régions avoisinantes, mais ils ont compris la logique. Ces gens sont arrivés, puis, un an plus tard, ils ont utilisé la règle de mobilité, puis ils s'en vont tous, ils s'en vont tous à Québec. Alors, c'est bien, là, tant mieux pour Québec, mais qu'est-ce qui arrive à Saint-Georges?
La responsabilité de l'État, là, c'est que les services médicaux soient disponibles partout. Effectivement, je comprends que, dans certains cas, les médecins résidents trouvent que les règles des effectifs sont un peu trop rigides, mais, moi, j'ai un exemple sous les yeux qui montre qu'elles sont peut-être un peu trop lousses, si vous me passez l'expression, où on a fait vraiment une action qui a été mal perçue par les régions qui avoisinaient ce pôle régional là et on se retrouve avec un problème qui, après avoir dû passer à travers cette phase d'adhésion de la région, va se reposer à nouveau de façon entière. On va retomber dans le cycle des dépanneurs puis des problèmes habituels.
M. Bernier (Martin): Je comprends, mais, peu importe comment on regarde le problème, on s'entend sur une chose, c'est que les effectifs qui terminent à l'heure actuelle sont étendus en couche très mince un peu partout à la grandeur parce que les besoins sont partout. Seulement, à partir du moment où on décide de prioriser certains endroits, à l'intérieur de cette priorisation-là, il y a lieu d'identifier plusieurs établissements en grande pénurie et d'ouvrir l'ensemble de ces postes-là, et c'est dans cette perspective-là que je parle. Ce n'est pas seulement de débloquer tous les postes, par exemple, en milieu universitaire, mais des régions en pénurie, il y en a à la grandeur du Québec, dans la plupart des spécialités. Et donc c'est dans cette perspective-là que ça fait un certain nombre d'années qu'à la fédération on milite pour que cette marge de manoeuvre là existe dans...
Il n'y a pas de raison, à l'heure actuelle, d'avoir un plan d'effectif médical avec un ratio de 1,1 poste par finissant, il n'y a pas...
M. Couillard: Je dirais que c'est bon signe pour le plan d'effectif, c'est un beau compliment pour le plan d'effectif ce que vous dites là, là.
M. Bernier (Martin): Bien, en fait, moi, je ne sais pas comment vous interprétez ça, mais tout ce que je veux dire, c'est qu'à l'heure actuelle le plan d'effectif médical est inutilement restrictif au point que ça gêne l'accès à la pratique pour les finissants.
M. Couillard: Je dois dire que, quand je vais dans certaines régions, ils ne trouvent pas que la restriction est inutile. Mais enfin on va passer à un autre appel.
Vous avez parlé des médecins de famille puis la question du plafonnement de la rémunération. J'ai indiqué à plusieurs reprises... Vous savez que la négociation est en cours. On est intéressé à regarder ça parce qu'effectivement la perception, c'est que, s'il y a un frein à l'accessibilité, vous avez dit vous-même qu'à Montréal, si ça n'existait pas, on créerait x, vous avez dit 40, je crois, équivalents. Bon. Alors, ça va être intéressant, si par hasard ça devait se produire, cette levée, de mesurer l'impact réel sur l'accessibilité. Je pense que vous venez de lancer un défi à vos collègues qu'il va être intéressant de mesurer peut-être au cours des prochains mois, voir si c'était vraiment ça, la raison.
La formation maintenant, je veux absolument en parler avec vous parce que c'est la principale de vos préoccupations. Puis, vous avez raison, le nombre de milieux de formation augmente, et en région en particulier. C'est une bonne chose, vous avez vu à quel point les régions accueillent avec enthousiasme la venue des étudiants en médecine ou des résidents dans les unités de médecine de famille. Par exemple, le nombre de mois de stage en région a augmenté de 55 % depuis 2003. Ça, ça veut dire que les citoyens du Québec rencontrent des médecins résidents maintenant sur une beaucoup plus grande partie du territoire que ce qui existait auparavant, puis je pense que c'est une bonne chose et pour les médecins résidents et pour la population.
Il faut bien sûr veiller à l'encadrement en termes de qualité d'enseignement, puis, ça également, je pense que c'est une de vos préoccupations, que la multiplication de ces milieux de stage ne s'accompagne pas d'une dilution de la qualité de l'encadrement ou de l'enseignement, et là-dessus on est avec vous.
Vous avez parlé du cas des cliniques affiliées. Je vous dirais là-dessus qu'il faut absolument et il va falloir absolument prévoir que le médecin qui irait pratiquer en clinique affiliée ne diminue pas ses activités au centre hospitalier. Donc, la crainte serait majeure si le médecin X arrêtait complètement sa pratique, disons, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et/ou la diminuerait puis là il irait faire le gros de sa pratique à la clinique affiliée parce qu'effectivement le résident perdrait, là, une interaction avec le professeur puis une masse d'occasions d'apprentissage certainement.
Deuxièmement, le montage de la clinique affiliée en soi n'empêche pas que des activités d'enseignement s'y déroulent. Cependant, la raison d'être de la clinique affiliée va être de livrer ce qui a été entendu par contrat donc un nombre x de procédures. Et là il faudra voir comment ça, ça peut s'harnacher avec la formation. Ayant moi-même pratiqué la chirurgie et avec et sans des résidents, je peux dire que c'est très agréable de le faire avec des résidents, l'ambiance qu'on a, l'enseignement, la vitalité intellectuelle est très intéressante, mais on fait moins de chirurgie également parce que justement on prend le temps de montrer, etc. Alors, il va falloir trouver un équilibre entre l'enseignement puis la nécessité contractuelle d'avoir un nombre défini de procédures dans leurs cliniques.
M. Bernier (Martin): Nos craintes par rapport à ça, vous connaissez le rapport du collège sur les capacités d'accueil des différents milieux et, je veux dire, le constat actuel, dans plusieurs spécialités, est celui d'une sursaturation de ces milieux-là nonobstant l'arrivée imminente de cohortes massives, de plus de 750 nouveaux résidents. Donc, les pressions vont être très fortes, et on le sait, on le vit au jour le jour, les pressions vont être très fortes soit de surcharger les milieux additionnels ou de développer de nouveaux milieux. Et donc c'est dans cette perspective-là qu'on souhaite soulever le point et qu'on souhaite que ce soit considéré dans la formulation qui va être utilisée ultimement pour l'implémentation de ce qui sera les cliniques affiliées ou autres. Mais, nous, on le sait, ça va venir, et les pressions vont être trop fortes. Les milieux débordent déjà dans plusieurs spécialités, donc il va falloir... Dès qu'un endroit va devenir une clinique, un lieu de prestation, il peut y avoir une pression très forte.
M. Couillard: D'ailleurs, on a eu le message très clair des facultés de médecine que, là, on est rendu à top capacité, on ne peut pas ajouter un étudiant de plus. Par contre, c'est intéressant de remarquer que la façon dont les cohortes ont été augmentées, surtout au cours des deux ou trois dernières années, c'est par deux éléments surtout. Si on regarde les chiffres, là, les deux éléments qui ont fait la différence, c'est une plus grande proportion de diplômés hors Canada?États-Unis, qui sont maintenant inscrits dans les programmes de résidence, et également les nouvelles cohortes qui sont déployées dans les deux antennes, là, de facultés qu'on a en Mauricie et au Saguenay. Donc, on n'a pas ajouté dans la maison mère, on est allé chercher des milieux supplémentaires, ce qui va tout à fait avec ce que vous avez mentionné.
Alors, écoutez, Dr Bernier, je vous remercie. Je vous souhaite bonne chance dans votre carrière également, puis merci de vous être présenté aujourd'hui, à la commission.
Le Président (M. Reid): Merci, Dr Bernier. Merci, M. le ministre. Je vais passer la parole maintenant au député de Borduas qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Alors, Dr Bernier, M. le directeur général, M. Gouin, alors juste pour poursuivre sur ce sujet-là avant d'en aborder un autre, là, est-ce qu'il y a... Moi, on m'avait dit qu'il manquait de formateurs actuellement pour la formation des nouveaux médecins et qu'il manquait aussi de gens pour les soutenir, les encadrer dans leurs stages.
n(11 h 20)nM. Bernier (Martin): Ça, c'est ce qu'on dénonce depuis un certain nombre d'années. Là, il y a eu la crise plus récemment, à Sherbrooke, du manque de formateurs pour les étudiants en médecine; le problème est tout aussi criant pour les résidents dans l'ensemble des milieux. Et c'est ce qu'on dit quand on fait un calcul d'un établissement de plan d'effectifs médicaux, qu'il faut comptabiliser pas seulement un individu dans l'établissement, mais cet individu-là, c'est 0,4 individu de clinique, c'est 0,3 individu de recherche, 0,2 d'enseignement, 0,1 de, bon, évaluation des technologies. Et c'est dans cette perspective-là. Si on fait ce calcul-là, on ne peut pas faire autrement que de conclure au cul-de-sac actuel, c'est-à-dire qu'on n'a pas suffisamment de formateurs pour les cohortes en place, on dépend de plus en plus des médecins résidents qui sont là pour enseigner à leurs résidents plus juniors, ce qui fait partie, jusqu'à un certain point, de leur rôle. Mais, ceci étant dit, ça prend des formateurs aussi dans le milieu.
Donc, dans le calcul des effectifs médicaux, on demande, et on réclame... Et ce n'est pas question de mettre les besoins des milieux universitaires contre ceux des établissements non universitaires, de dire qu'un vaut plus que l'autre, seulement, on a pris la décision d'augmenter significativement les cohortes d'étudiants en médecine, si on ne veut pas que la qualité s'en ressente, il faut être conséquent et augmenter de façon significative les postes pour les médecins formateurs, c'est-à-dire les postes au plan d'effectif médical en centre universitaire.
Donc, c'est de ce point de vue là que, nous, on conclut, à l'heure actuelle, au fait que les ressources sont excessivement étirées, et le constat ne peut que s'aggraver à mesure que les cohortes importantes vont procéder aux différents stades de leur formation.
M. Charbonneau: Moi, je ne suis pas un expert, là, mais j'ai l'impression qu'il y a un espèce de cercle vicieux: il manque déjà de formateurs puis de gens pour les encadrer, il y a un vieillissement, j'imagine, de la profession aussi et il manque de gens, de personnel soignant; alors, plus on va ajouter des formateurs, plus de temps de formation ou d'encadrement, on va diminuer aussi le temps de pratique médicale de ces gens-là. Est-ce qu'il n'y a pas un cercle vicieux, là, dans...
M. Bernier (Martin): Bien, il faut reconnaître que, dans les milieux où il y a de la formation, les médecins résidents sont des prestataires de soins, et, à mesure qu'ils évoluent, le résident senior est un prestataire de soins de haut niveau, peut-être pas au niveau du patron qui a 10 ans de pratique sous sa ceinture, mais c'est quand même un prestataire de soins.
Donc, dans cette perspective-là, il ne faut pas négliger non plus la contribution et l'apport des gens en formation, seulement, il faut être conséquent. Si on décide de prioriser la formation des grosses cohortes, on dit: On a besoin de plus de médecins, mais il faut être conséquent et reconnaître les besoins qui sont inhérents à la mission de ces cohortes-là en médecine et au fait qu'ils vont éventuellement se retrouver en résidence.
M. Charbonneau: Tantôt, on parlait du besoin de renforcer la première ligne, et tout ça. Quelle est la mentalité actuelle des nouveaux médecins, là? Parce que finalement ce qu'on disait, c'est qu'il y a un problème de culture actuellement, c'est-à-dire que les médecins plus âgés résistent à changer leur type de pratique, et la conséquence de ça, c'est qu'on n'arrive pas à prendre en charge autant de gens qu'on pourrait en prendre en charge.
Moi, on m'a même dit, puis ce n'est pas des juniors dans le réseau de la santé, des gens seniors qui m'ont dit: On a assez de médecins au Québec pour prendre en charge toute la population, il s'agirait que l'organisation de la prise en charge soit faite autrement puis que les gens acceptent, je veux dire, de changer leur mode de pratique. Si les gens acceptaient une prise en charge populationnelle puis travaillaient dans une approche GMF, par exemple, on se rendrait compte que la pénurie de médecins, même si elle est réelle, n'aurait pas des effets aussi dramatiques. Mais donc il y a un problème de résistance culturelle.
Puis là le danger, ce qu'on nous dit, c'est que le système est organisé qui fait que finalement c'est plus facile d'aller travailler dans l'hôpital puis dans le fond de prendre des vieilles habitudes. Alors, tu peux avoir un jeune médecin qui finalement s'embarque dans la culture institutionnelle, il va vite devenir, au plan de ses comportements, un vieux médecin. Et est-ce qu'on va se retrouver à perpétuer le problème de résistance à des pratiques nouvelles?
M. Bernier (Martin): Bien, vous soulevez un point important avec ça. Je dirais que, jusqu'à un certain point, il y a un certain climat de confusion qui a été instauré dans le système du fait qu'il y a quelques années on a dit aux médecins de famille que les tâches institutionnelles étaient prioritaires, qu'il fallait faire de l'urgence, il fallait faire du temps en CHSLD, etc., et c'est ce qui a conduit à la formulation des AMP, des activités médicales particulières telles qu'on les connaît. Là, maintenant, on se rend compte que finalement ça a conduit à un désengagement de la première ligne, et là on se revire de bord, puis on dit: Oui, bien finalement ce n'était pas une bonne idée.
Et donc encore une fois c'est un exemple où on démontre que les changements d'humeur du système peuvent avoir des impacts pervers sur la prestation de soins. Mais, à partir du moment où on dit: La prise en charge, les soins de première ligne sont une priorité, il faut être conséquent et ? c'est ce que je mentionnais tantôt ? il faut en faire une activité médicale particulière puisque c'est une activité qui est devenue à nos yeux prioritaire. Il faut revaloriser, accélérer l'implémentation des GMF, revitaliser aussi la perception de la première ligne et de la prise en charge pour les médecins résidents et puis pour les médecins de famille. Il y a une question de perception et d'image là aussi.
Donc, il y a des mesures à faire, mais là on se rend compte et on fait le même constat que la prise en charge est déficiente à l'heure actuelle. Donc, il faut favoriser ça et avoir des mesures qui vont être conséquentes.
M. Charbonneau: Est-ce qu'il y a une corrélation actuellement? Parce que souvent ce qu'on dit dans certains milieux, pour différentes professions: Finalement, les gens sont formés théoriquement dans un type de contexte et, quand ils arrivent sur le terrain, ils se rendent compte qu'il y a une sacrée différence entre ce qu'ils ont appris, puis ce qu'on leur avait dit de la pratique dans leur profession, puis ce que c'est. Et est-ce qu'actuellement on prépare les nouveaux médecins aux réalités qu'ils vont vivre ou si on prépare les médecins aux réalités du passé?
M. Bernier (Martin): Bon, je pense que les milieux de formation ont évolué énormément. Maintenant, dans les 64, c'est... On parle de 64 unités de médecine familiale au Québec. Donc, c'est énormément de milieux qui sont des milieux, pour l'essentiel, de première ligne. Il y a des choses qui ont changé dans la façon de faire la première ligne, c'est-à-dire que la prestation en solo dans un cabinet sans accès à des ressources particulières multidisciplinaires, ça n'a plus vraiment d'attrait, et pour de bonnes raisons. Ce n'est pas un modèle de pratique qui devrait être favorisé.
Donc, il y a eu une évolution à ce niveau-là. Les gens sont formés à la nécessité, à la réalité de la première ligne dans le cadre d'équipes multidisciplinaires. Et donc, de ce point de vue là, l'accélération et le développement de groupes de médecine de famille, de travail en équipe est logique. Mais c'est dans cette perspective-là et encore une fois en priorisant les activités de première ligne qu'on va réussir à faire en sorte que chaque Québécois va avoir un médecin de famille, ce qui fait défaut à l'heure actuelle.
M. Charbonneau: Il y a des groupes qui nous ont dit ? encore hier, on en a discuté un peu avec les représentants de la CSN ? que, si on abordait franchement la révision du mode de rémunération au Québec, on pourrait créer une nouvelle dynamique incitative qui pourrait être intéressante. Est-ce que, votre organisation, vos résidents et vos médecins, est-ce qu'il y a une réflexion, là, qui se fait? Comment vous voyez finalement la situation du mode de rémunération qu'on a au Québec par rapport justement au défi de réorganiser, en fait au défi de faire de la pratique médicale autrement et des besoins actuels et futurs, là, qui vont se présenter par rapport à la prestation de services, là?
M. Bernier (Martin): Je crois que la fédération des médecins spécialistes et des médecins omnipraticiens du Québec pourraient vous parler de façon éloquente de l'état de la rémunération. Cependant, ça fait plusieurs années que nous prônons des incitatifs positifs plutôt que coercitifs dans, disons, le guidage des ressources vers ce que sont nos besoins réels. Et donc c'est un peu la discussion que j'avais avec M. le ministre tantôt sur des plans d'effectifs médicaux très restrictifs qui sont de notre avis des mesures plus coercitives qu'incitatives.
Et donc par la répartition du fardeau sur l'ensemble des médecins, de l'établissement de corridors de services fonctionnels, de pôles régionaux et d'incitatifs, c'est de cette façon-là qu'on va réussir à, comment dire, à se gagner la relève médicale et les nouveaux médecins aux défis actuels.
On ne peut pas pénaliser un médecin du fait qu'il est simplement nouveau et lui faire porter le fardeau de nos décisions antérieures de gestion des effectifs. Ça, c'est ce qu'on appelle une clause orphelin ni plus ni moins. Donc, il faut, de ce point de vue là, favoriser des incitatifs positifs et engager l'ensemble de la communauté médicale dans les mesures de réforme.
n(11 h 30)nM. Charbonneau: Est-ce qu'on n'est pas poignés, au Québec, avec une réalité avec laquelle on va toujours devoir composer par rapport à la répartition des effectifs? C'est qu'on a un immense territoire, et que ce territoire-là n'a pas, pour des gens qui ont développé finalement des goûts particuliers, une façon de vivre particulière dans le milieu universitaire, dans des milieux urbains... On ne se retrouve pas comme en Belgique, là, ou au Luxembourg, ou en Suisse, dans des pays où un peu partout finalement on peut avoir accès à un type de vie qu'on retrouve dans les grands centres. C'est clair que, si tu te retrouves dans des régions éloignées, tu n'auras pas le même genre de vie, puis il n'y aura pas autant de cinémas, puis la vie culturelle et... Tu sais, il y a bien des affaires que tu ne pourras pas vivre de la même façon que si tu es à Montréal. Puis, à quelque part, est-ce que la formation des nouveaux médecins ne les amène pas d'une certaine façon à développer un goût de vivre en milieu urbain, et que le défi du Québec, ça va toujours être de créer à quelque part entre l'incitatif puis la coercition une façon d'amener des gens à accepter d'aller pratiquer et peut-être même de vivre longtemps dans des régions avec un mode de vie qui n'est pas celui auquel ils se sont habitués quand ils étaient étudiants ou même dans leur milieu d'origine?
M. Bernier (Martin): Bien, ça, je vous dirais, d'une part, je crois que c'est un mythe de penser que tous les médecins résidents souhaitent vivre en ville, et c'est loin d'être la réalité, ou de vivre dans un milieu universitaire.
D'autre part, quand on parle d'incitatifs, il y a les incitatifs monétaires, il y a aussi des incitatifs... Par exemple, à l'heure actuelle, la diversification des milieux de formation entraîne une exposition... les 94 centres où travaillent les médecins résidents, les 64 UMF ne sont pas exclusivement en centre universitaire. Et donc l'ensemble des médecins et résidents sont exposés, pour une période plus ou moins importante, à des réalités diverses. Et ça, moi, je pense que c'est beaucoup plus de cette façon-là, parce que plusieurs personnes, pour avoir travaillé en région, décident d'en faire leur choix de carrière, et donc c'est de cette façon-là, plus qu'avec le bâton, qu'on va réussir à s'attaquer à ce problème-là, qui est particulier, de la répartition du territoire.
Mais, encore là, il y a plusieurs façons. Il y a la valorisation, la hiérarchisation de la prestation des soins, comme c'est enclenché à l'intérieur du RUIS, la prestation à différents niveaux à l'intérieur du territoire donné. Ce sont des façons de faire. Je pense qu'il est utopique de s'attendre à ce qu'il y ait des neurochirurgiens, pour prendre un exemple, dans les postes éloignés, et ce ne serait pas souhaitable. Il y a des façons de faire de hiérarchiser, il y a des façons de valoriser, d'exposer et d'inciter les gens, mais c'est tout ça, la notion, c'est d'inciter les gens à travailler dans les milieux là où on identifie les besoins plutôt que de leur imposer des limites et des restrictions additionnelles.
M. Charbonneau: C'est que «la grande séduction», ça commence déjà dans la séduction dans leur milieu de formation, là.
M. Bernier (Martin): Bien, écoutez, ça fonctionne jusqu'à un certain point. Il y a des gens... Mais, encore là, «la grande séduction», véhiculer ce mythe-là du médecin qui est formé en ville, qui ne veut rien savoir de retourner en région, ce n'est pas la réalité à l'heure actuelle. Les médecins, ça fait plusieurs années qu'ils s'installent dans les régions périphériques, intermédiaires et éloignées en proportion plus forte que la proportion de la population qui habite dans ces régions-là. Donc, les médecins ne sont pas du tout réfractaires à ces pratiques-là. Et je pense qu'on peut encore bonifier l'offre de service dans ces régions-là en rendant les pôles régionaux et les corridors de services fonctionnels. Le Dr Bolduc, ici, l'a mentionné, il a encore le problème lui-même: quand vient le temps de référer, les incitatifs ne sont pas là suffisamment pour que les corridors de services soient fonctionnels, et ça, c'est gênant pour un médecin qui n'est pas intéressé nécessairement à se battre au quotidien.
M. Charbonneau: Mais prenons un cas concret, celui dont le ministre a parlé tantôt, je ne connais pas les détails, là, puis je ne sais pas qu'est-ce qui a incité les gens, mais, disons... je veux dire, entre l'attrait de rester à Saint-Georges de Beauce puis l'attrait d'aller vivre à Québec, au-delà de tout, là, qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné les gens avaient accepté d'aller vivre à Saint-Georges, puis, quoi, un an après, ils se retrouvent à Québec? J'imagine que c'est plus jazzy de vivre dans la capitale, puis de se promener le soir sur Grande Allée, puis d'aller manger avec sa femme au restaurant sur Grande Allée que d'aller faire... Je ne le sais pas, là. Il n'y a pas une réalité qui est incontournable, là?
M. Bernier (Martin): Bien, moi, je vous dirais que, là-dessus, encore là, on fait des généralisations. Cette année, on a une cohorte de médecins de famille qui termine qui va s'installer à Maniwaki. Ils sont plusieurs, ils ont décidé, ils ont fait le choix de ce milieu-là, ils sont quatre, ils vont prioriser ce milieu-là. C'est parce que ça correspond à leurs aspirations, au mode de vie qu'ils souhaitent avoir. Et, encore là, c'est faux de penser que tout le monde veut vivre sur la Grande Allée puis aller au cinéma deux fois par semaine. Ce n'est pas la réalité des médecins résidents.
Donc, il y a toute sorte de monde pour faire un monde et il y a... Moi, le message que je veux véhiculer aujourd'hui, c'est qu'il y a des médecins résidents qui sont très intéressés à ça, qui n'attendent que les incitatifs et que la démonstration soit faite qu'il y a moyen de travailler dans ces endroits-là, d'avoir accès à des corridors de services fonctionnels et de pouvoir organiser des équipes aussi multidisciplinaires fonctionnelles dans ces milieux-là qui sont à l'extérieur des centres universitaires.
M. Charbonneau: Il y a un chiffre que vous avez utilisé tantôt, puis je pense que... à partir de maintenant, je pense que je vais essayer de le baliser ou de le nuancer parce que... Vous avez, comme bien d'autres, répété que 40 % du budget de l'État va à la santé... 43 %, mais je pense que la CSQ, qui est venue avant, a fait une démonstration que dans le fond le problème, là, c'est qu'on met les services sociaux dans ça, puis, quand on compare avec les autres provinces, on oublie que, dans les provinces, ils ne les mettent pas, eux autres. Alors, dans le fond, si on enlevait les services sociaux, c'est 32 %. Est-ce que vous ne trouvez pas que dans le fond, si on ramène ça à 32 %, la problématique puis la lecture peuvent être pas mal différentes que si on regarde ça avec ce chiffre de 43 % qui pourrait augmenter et bien sûr avec les besoins qui pointent à l'horizon?
M. Bernier (Martin): Il y a des choses qu'on ne nie pas, là. Quand on fait le calcul, les chiffres, on peut leur faire dire ce qu'on veut jusqu'à un certain point, mais la réalité, c'est que les dépenses per capita en santé au Québec sont inférieures à l'ensemble du pays. Ça fait que, je veux dire, le chiffre de 43 %, ça frappe l'imaginaire, mais la réalité, c'est qu'on dépense moins en santé que les autres. Et là, ça, c'est toute la question du financement. Je suis content que vous m'ameniez là.
Il y a des solutions. La nécessité du réinvestissement, personne ne la remet en question. Sur les solutions à court terme, il y a un nombre limité de façons de faire à court terme, et, nous, ce qu'on voit, la façon de pallier au système actuellement, c'est le règlement du déséquilibre fiscal puis les transferts fédéraux. Mais ça, c'est une solution à court terme qui est disponible, vous le mentionniez plus tôt, et ça, il faut que ça se fasse.
Maintenant, à plus long terme, les coûts d'accroissement du système sont plus rapides que l'accroissement de la richesse, et ça, il va falloir trouver, au-delà des gains d'efficience qu'on peut faire par toutes les mesures dont on discutait plus tôt, la diversification des modes de prestation de soins, etc. La question va se poser parce qu'on est rendu à la limite de... on obtient pour notre dollar le maximum qu'on peut obtenir. Donc, si on en veut plus, il va falloir en mettre plus. Et c'est à ce niveau-là que, nous, on privilégie l'instauration de l'assurance santé.
Dans le document, il y a la question... le régime contre la perte d'autonomie. Nous, on pense qu'il ne faut pas se lier les mains. La demande de soins va évoluer à mesure que la démographie va changer, à mesure que la demande va changer, puis, si, au-delà de tous les gains d'efficience et du règlement du déséquilibre fiscal, on veut en obtenir plus à terme, il falloir considérer des options différentes, et ça va inévitablement passer par une contribution additionnelle sous une forme ou sous une autre. Nous, on privilégie la forme de l'assurance santé pour des raisons qui sont élaborées dans le mémoire.
M. Charbonneau: Si je vous comprends bien, le régime d'assurance collective que vous proposez, c'est un régime qui ne serait pas uniquement pour les besoins en perte d'autonomie, mais ce serait pour l'ensemble...
M. Bernier (Martin): Exactement. C'est ça, l'idée de base. C'est qu'on ne veut pas restreindre l'instauration d'une mesure semblable à un panier limité d'interventions parce que les besoins vont évoluer, que ce soit dans le... en bout de ligne, dans le dépistage ou dans autre chose, il y a des besoins qui vont surgir, et là on s'entend... on essaie de financer le panier de soins pour lequel on... qu'on a à l'heure actuelle. Si on veut le modifier ou l'élargir, il va falloir considérer des formes additionnelles. On ne voudrait pas lier actuellement ça à la perte d'autonomie exclusivement parce qu'on pense que c'est un peu limitatif.
M. Charbonneau: Mais, si on a l'assurance pour l'ensemble des soins de santé, c'est quoi, la différence entre une approche comme celle-là ou une approche d'aller chercher la contribution des citoyens par la fiscalité progressive? Est-ce qu'en bout de piste on n'arrive pas à la même conclusion? De toute façon, on va le chercher dans les poches des mêmes citoyens, des mêmes contribuables, hein? On est 7,5 millions, on ne sera pas 10 demain matin, là, millions, là.
Le Président (M. Reid): Dr Bernier, oui. Le temps est presque écoulé, Dr Bernier.
M. Bernier (Martin): Très rapidement.
Le Président (M. Reid): Je vous demande de répondre en 20 secondes.
M. Bernier (Martin): Oui, merci. Donc, sur cette question-là, c'est tout le concept de la responsabilisation des individus face à la consommation des soins. Et donc on privilégie cette façon-là. La fiscalité est un peu... nous rend un peu aveugles face à la consommation, l'utilisation des dollars, etc. Dans cette perspective-là, on prônait l'établissement du bilan de concientisation sociale. D'autre part, si on est pour diversifier ou élargir notre panier de soins, il faut le faire d'une façon pour conscientiser et responsabiliser les individus.
M. Charbonneau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Reid): Merci beaucoup, Dr. Bernier, M. Gouin. J'invite maintenant les représentants de l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal de même que de l'Association générale des étudiants en pharmacie de l'Université Laval à prendre place. Et je suspends les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise à 11 h 41)
Le Président (M. Reid): Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants donc des deux associations d'étudiants en pharmacie, de l'Université de Montréal et de l'Université Laval. Nous allons prendre une vingtaine de minutes pour votre présentation. Je vous avertirai lorsqu'il restera environ trois minutes. Et par la suite nous allons passer à un échange d'une vingtaine de minutes avec le côté gouvernemental, suivi d'un échange également d'une vingtaine de minutes avec le côté de l'opposition officielle.
Je vous demanderais... Je vais passer la parole à M. Roy, et je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Roy (Jean-Philippe): ...transférer à M. Turgeon...
Le Président (M. Reid): D'accord.
M. Roy (Jean-Philippe): ...qui est le rédacteur du mémoire.
Association des étudiants en pharmacie
de l'Université de Montréal (AEPUM)
et Association générale des étudiants
et étudiantes en pharmacie
de l'Université Laval (AGEPUL)
M. Turgeon (François P.): Merci. Donc, à ma droite, Émilie Larivière, étudiante en pharmacie, corédactrice du mémoire... à ma gauche, et, à ma droite, Jean-Philippe Roy, président entrant de l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal, et moi-même, François Turgeon, résident en pharmacie.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, bonjour. Je vous remercie d'abord de l'occasion qui nous est donnée de partager avec vous certains points de vue sur le futur de notre système de santé. La plupart d'entre nous auront à pratiquer en pharmacie durant plusieurs dizaines d'années, dans le cadre que va créer ce système, ce projet de loi ou ce document de consultation. Nous espérons également que cela montre que les jeunes sont politisés et impliqués dans leur société et que, par notre présence, nous encourageons nos successeurs à prendre une place encore plus importante dans la politique de la santé.
Donc, le groupe que nous représentons principalement, l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal, regroupe environ 600 étudiants au premier cycle à la Faculté de pharmacie. De ce nombre, il y en a environ 75 % qui vont aller pratiquer la pharmacie en officine, environ 20 % en hôpital et le 5 % restant va se diriger surtout vers l'industrie ou vers l'enseignement. C'est environ la même proportion à l'Université Laval.
D'abord, je vais parler de la prévention, le premier point du document de consultation. La prévention est fort probablement la mesure la plus efficace qui soit en santé. Ces mesures de prévention sont par contre difficiles à implanter parce qu'elles ne touchent pas que les professionnels de la santé. Elles touchent les professionnels de la santé, mais également d'autres intervenants comme des enseignants, les médias, les producteurs agricoles, les restaurateurs, les décideurs politiques. Dans toute cette grande organisation, le pharmacien peut jouer un rôle important grâce à son contact fréquent avec le patient et sa connaissance approfondie en matière de médicaments. Le pharmacien peut faire de la prévention de deux façons: sur les habitudes de vie et sur l'usage optimal des médicaments.
Au niveau des habitudes de vie, le pharmacien voit ses patients sur une base très régulière. Il peut donc donner des conseils sur des choix santé et sur la prévention de certains problèmes. Ses conseils n'auront toutefois pas la portée que pourraient avoir ceux d'un professionnel plus adapté. Par exemple, je peux donner certains conseils en matière de bonne alimentation, mais ils ne vaudront pas ceux d'un nutritionniste. Même chose en exercice, où je pourrai donner certains conseils, mais ce ne sera jamais ce que pourrait apporter, en termes de résultats ou d'exactitude des commentaires, un kinésiologiste. Cela nous positionne comme une porte d'entrée de ces deux facteurs très importants de la prévention: alimentation, exercice physique. On peut donc donner des conseils de base, mais surtout orienter le patient vers le professionnel le plus apte à lui répondre. Ce dernier élément est un peu problématique, d'ailleurs. Actuellement, il n'existe pas de mode d'organisation par lequel nous pouvons référer un de nos patients à un autre professionnel. Et même si c'était possible, l'accessibilité de ces derniers nous apparaît comme très faible, surtout en raison des coûts.
Ce n'est toutefois pas dans ce type de prévention que nous avons le plus grand rôle à jouer. C'est plutôt dans l'utilisation des médicaments pour prévenir la maladie. Ce type de prévention vient normalement en deuxième ligne après les bonnes habitudes de vie, mais est nécessaire pour un bon nombre de patients. Même s'ils suivent les instructions de leur professionnel de la santé sur leurs habitudes en général, ils auront souvent besoin de médicaments pour bien prévenir des problèmes de santé qui pourraient être plus graves. En fait, une très large partie du travail du pharmacien porte à prévenir certaines affections. La prévention peut être primaire, donc soit avant qu'un événement problématique arrive, soit secondaire, pour en prévenir un deuxième.
Parmi les domaines importants où nous pouvons agir en prévention, on compte les maladies cardiovasculaires, donc en prévention primaire, par le contrôle de la tension artérielle et l'ajout d'aspirine, ce qui peut réduire de manière très marquée les problèmes comme les infarctus, l'angine, les accidents vasculaires cérébraux. Il est évidemment beaucoup plus efficient pour la société d'obtenir un bon contrôle de la tension artérielle, puisque les événements cardiaques représentent une mortalité, une morbidité et des coûts très importants.
Le diabète, un peu la même chose, en ce sens où, grâce aux avancements scientifiques, le diabète peut être très bien contrôlé actuellement et n'entraîner que très peu de problèmes. Toutefois, pour la majorité des patients, ce contrôle-là n'est pas atteint, donc soit parce qu'il n'y a pas la volonté ou les moyens d'atteindre leur contrôle. Dans ces deux cas, c'est des choses où on peut aider, puisque le diabète bien traité peut ne pas avoir de complications. Par contre, s'il est mal traité, les problèmes sont larges, par exemple la perte de vision, insuffisance rénale, toutes des choses qui sont très pesantes sur le système de santé.
Finalement, les maladies respiratoires, puisque les deux principales maladies respiratoires, l'asthme, surtout l'asthme en fait, et la maladie pulmonaire obstructive chronique, peuvent également être prévenues par une bonne médication. Donc, l'asthme en tant que tel est un problème qui se traite bien, et c'est ses complications qui deviennent problématiques. Donc, sous toutes ces facettes de prévention des maladies déjà présentes, la prévention des complications, on peut prendre une place importante.
Le pharmacien peut également prendre une place importante sur d'autres priorités du document de consultation, par exemple la prévention de la résistance aux antibiotiques et la prévention des problèmes chez la clientèle âgée. L'usage approprié des antibiotiques est un sujet complexe qui doit considérer plutôt l'efficacité des antibiotiques selon l'infection, les résistances qui sont en changement constant, les données pharmacoéconomiques et les nouvelles molécules. Les pharmaciens ont une excellente formation de base sur l'usage des antibiotiques et une formation qui est généralement plus formelle et moins influencée par la pratique que d'autres professionnels. Il est également plus facile pour eux de considérer l'influence économique du prix, puisqu'on est en contact quotidien avec le coût des médicaments. Pour ce qui est des personnes âgées, l'équation est simple: les gens plus âgés reçoivent plus de médicaments, et, lorsqu'il y a plus de médicaments, il y a plus de problèmes. C'est donc une situation tout indiquée pour que le pharmacien joue un rôle important dans la prévention des complications par une pharmacothérapie optimale; dans ce cas-là, on parle d'interaction d'effets secondaires. C'est toutes des choses qui sont beaucoup plus fréquentes chez une clientèle âgée.
Dans toutes ces situations: prévention cardiovasculaire, prévention respiratoire, prévention des complications chez les diabétiques, des résistances aux antibiotiques et des complications chez les personnes âgées, le pharmacien peut jouer un rôle important, mais il n'utilise actuellement pas ses capacités à son plein potentiel. La raison de cela est le manque d'information. Le choix d'un médicament et d'une dose ainsi que les ajustements subséquents qui doivent y être faits demandent une information complète pour prendre de bonnes décisions et faire des suggestions appropriées. Ce n'est actuellement pas le cas. À ce sujet, le document Planification stratégique, évaluation et gestion de l'information nous apporte un nombre important d'informations et ajoutera beaucoup à ce que nous pouvons faire.
La présence de résultats de laboratoire est un élément particulièrement intéressant. L'exemple le plus marquant est la fonction rénale, indiquée par la créatinine ou la clairance à la créatinine, qui serait indiquée dans le document qui a été présenté par le gouvernement, la semaine dernière ou il y a deux semaines. Donc, la dose d'un très grand nombre de médicaments doit être ajustée selon ce facteur. Actuellement, tout ce qu'on pouvait faire, c'était de juger selon l'état général du patient, son âge, quelle pouvait être sa fonction rénale et de faire un ajustement en conséquence, ce qui est une manière plus ou moins professionnelle de fonctionner; c'est un peu amateur, je dirais. Grâce à cette information, on pourra faire des ajustements précis, ce qui va réduire les problèmes de complications, surtout chez les personnes âgées qui ont beaucoup de problèmes aux niveaux rénaux. Donc, pour ce qui est de notre participation à ce projet, nous serons très heureux de fournir aux autres professionnels une liste à jour des médicaments de leurs patients.
Ce qui reste toutefois un très grand manque pour que les pharmaciens réussissent à améliorer, autant qu'ils peuvent, la santé, ce sont les informations sur le diagnostic et l'intention thérapeutique. Contrairement à ce qu'elle fut par le passé, la philosophie moderne de la pharmacie se base, pour la prise en charge d'un patient, sur la gestion de ses problèmes et par la meilleure thérapie médicamenteuse. Cela signifie que nous ne focussons plus sur le médicament mais sur le patient et ses problèmes. Cette méthode est toutefois très difficile à appliquer si nous n'avons pas le diagnostic ou l'intention thérapeutique.
n(11 h 50)n Nous comprenons le problème qu'apporte l'inscription claire d'un diagnostic à un registre, surtout dans certains types de pathologies comme les pathologies. De notre psychiatriques ou les infections sexuellement transmissibles point de vue de pharmaciens, par contre, cet argument est peu pertinent. Actuellement, ce que le pharmacien doit faire, c'est de déterminer quelle peut être l'indication à partir des médicaments que le patient prend, donc aller un peu à l'inverse: plutôt que de choisir un médicament pour un diagnostic, de trouver le diagnostic à partir des médicaments. Cela nous amène globalement à la pire des positions. Nous savons environ quel est le diagnostic, on peut facilement déterminer dans quel domaine se situe le problème, mais pas exactement. Donc, on a une bonne idée, mais on ne peut juger de l'exactitude du choix du médicament. Il faut savoir qu'un pharmacien saura, selon le médicament que le patient se fait prescrire, s'il souffre d'un trouble cardiaque, d'un trouble psychiatrique ou d'une ITS. Il ne saura simplement pas laquelle exactement.
Tous ces commentaires sur l'accès à l'information touchent l'utilisation optimale des ressources. Pour être utilisées de manière maximale dans le but de prévenir et de régler les problèmes de santé de la population, le pharmacien a besoin de deux éléments: les informations nécessaires et les moyens de faire parvenir ses interventions aux autres professionnels. Toute la partie touchant à l'accès à l'information a été amplement couverte précédemment. Nous espérons que des améliorations futures nous permettront d'atteindre notre plein potentiel. Pour ce qui est de faire parvenir nos interventions, il y a déjà des modes de communication formels qui existent, qui sont plus ou moins utilisés, mais qui s'implantent de plus en plus dans la pratique.
L'usage optimal des ressources passe également par d'autres fonctions que peut accomplir le pharmacien et qui sont souvent sous-utilisées versus ses connaissances et ses capacités. De notre avis, nous avons toutes les capacités requises pour accomplir certaines tâches, tels le suivi de la thérapie, l'ajustement des doses de médicaments, comme les anticoagulants, les hypolipémiants ou les hypotenseurs. La majorité de ces interventions demandent d'ajuster des médicaments selon un résultat de laboratoire, en respectant des lignes directrices reconnues. Un pharmacien possède toutes les capacités nécessaires pour faire des ajustements judicieux en tenant compte de l'ensemble des facteurs. Ces tâches sont actuellement la responsabilité des médecins. De notre avis, ils ne sont toutefois pas l'utilisation la plus efficiente de cette ressource. Un ajustement ne demande pas de nouveau diagnostic ou une évaluation physique du patient. Il pourrait donc être délégué à un autre professionnel pour libérer du temps aux médecins qui sont déjà surchargés et qui n'arrivent pourtant pas à répondre à toute la demande.
Par exemple, on pourrait regarder pour un hypolipémiant, donc quelque chose pour... un médicament pour les patients qui ont des problèmes de cholestérol. Lorsqu'un patient présente un taux de cholestérol trop élevé, il se peut qu'il se fasse prescrire un hypolipémiant. Donc, le médecin va cibler un objectif et un médicament. À la suite de ça, le pharmacien, par rapport aux résultats de laboratoire que va obtenir le patient, auxquels il va pouvoir avoir accès, donc les bilans lipidiques et les informations sur sa fonction hépatique, peut faire les ajustements. Par exemple, il pourrait faire les ajustements aux mois un, deux et quatre, et le patient n'aurait qu'à être revu par le médecin au sixième mois. Ce qui fait donc que les trois visites que le patient aurait faites pour se faire ajuster sa dose sans qu'il y ait vraiment d'interventions au niveau médical, plutôt que d'être faites par un médecin qui va pouvoir se consacrer à autre chose, peuvent être faites par un pharmacien qui va ajuster la dose, et le médecin pourra superviser la thérapie lorsqu'il reverra le patient.
En fait, tout ce que je vous ai apporté ici n'est pas nouveau, c'était tout présent dans la loi n° 90, le projet de loi n° 90, donc qui est la loi qui a un peu décloisonné les champs de pratique des différents professionnels. Toutefois, ce n'est pas quelque chose qui est encore suffisamment utilisé pour que les ressources soient vraiment utilisées de manière optimale. On croit qu'en travaillant dans cette voie on peut optimiser l'usage des ressources et donc optimiser le fonctionnement du système de santé.
Un autre élément qui pourrait réduire la charge des médecins, ce sont certaines prescriptions, des prescriptions qui doivent être refaites chaque année par les médecins pour des traitements qui ne changent pas. On pense particulièrement aux bandelettes pour les patients diabétiques, aux aiguilles pour s'injecter de l'insuline; ce sont des choses qui n'ont pas vraiment besoin de supervision médicale. Donc, le diabète est quand même suivi par le médecin. Toutefois, on doit souvent renvoyer des patients voir le médecin pour avoir de nouvelles prescriptions pour ce genre d'instruments qui n'ont pourtant aucune portée médicale. En pouvant les represcrire, on pourrait réduire le nombre de visites non nécessaires. Cette idée pourrait être également extrapolée à d'autres médicaments.
Finalement, nous aimerions toucher un mot sur les économies que peuvent entraîner les pharmaciens. Nous savons que les médicaments sont un coût très important du système de santé et qu'ils sont en croissance constante. Cela signifie donc qu'un usage inapproprié présente un coût énorme et qu'un bon usage peut présenter des économies très significatives. Des groupes où les pharmaciens jouent un rôle important, comme le Conseil du médicament, ou des activités comme les revues d'utilisation des médicaments, les RUM, influencent de manière marquée l'usage des médicaments et leurs coûts. Ces initiatives doivent se poursuivre et prendre une place de plus en plus importante dans l'optique de rendre le système le plus coût efficace possible. Cet objectif touche également les pharmaciens dans leur pratique quotidienne, puisqu'ils sont les mieux placés pour appliquer ces recommandations de divers organismes et donc réduire les coûts des médicaments. De là par contre vient le même problème que nous avons soulevé plus tôt, par rapport à l'accès à l'information, puisque l'information est nécessaire à la prise de ce type de décision, ainsi que la possibilité de faire parvenir... et que nos suggestions soient acceptées par les autres professionnels.
Les éléments que nous avons présentés peuvent sembler un peu loin du document de consultation. Il faut toutefois considérer que les pharmaciens sont peu touchés, ou du moins dans une faible proportion, par plusieurs des modifications présentées. Le point essentiel de notre présentation était de rappeler que, dans le système de santé, le pharmacien est une ressource utile, surtout par rapport à l'usage des médicaments. Il peut aussi servir à alléger la tâche de d'autres professionnels déjà très chargée. L'objectif de notre présence ici est donc de faire considérer le rôle du pharmacien dans le système. Honnêtement, la faible présence du pharmacien dans le document est un peu décevante pour nous. Nous espérons donc avoir apporté une vision pharmaceutique du système de santé. Bien que cela ne touche pas les grandes orientations de ce document, l'élargissement de la tâche du pharmacien peut représenter une solution importante dans l'amélioration quotidienne du fonctionnement du système de santé et dans un usage optimal des ressources. Merci.
Le Président (M. Reid): Merci beaucoup, M. Turgeon. Je vais passer la parole maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux, pour une période d'une vingtaine de minutes d'échange.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Turgeon, Mme Larivière et M. Roy, pour votre visite aujourd'hui. Vous avez mentionné, au début de votre présentation, le pourcentage de vos collègues de classe, selon l'orientation en officine, en établissement ou soit en enseignement ou en industrie. Évidemment, notre préoccupation, au réseau de santé, c'est d'avoir, je dirais, des cohortes, chaque année, régulières et, si possible, croissantes de pharmaciens en établissement. On a un problème de pénurie particulier, comme vous le savez, puis on vient de faire une entente avec l'Association des pharmaciens d'établissements, qui est assez intéressante sur le plan des primes de rétraction, d'attraction, de rétention, et toutes sortes d'autres avantages. Est-ce que vous pensez que ça va au moins maintenir ou peut-être même augmenter le pourcentage de vos collègues, quand vous en parlez, là, qui seraient intéressés à une pratique en établissement?
Mme Larivière (Émilie): Bien, pour ce qui est de... Excusez-moi. Pour l'intéressement à la pratique en pharmacie hospitalière, je crois que ça pourrait peut-être aider, sauf que la différence entre la pratique hospitalière et la pratique en officine, au niveau du salaire, est encore très élevée, puis c'est sûr que, quand on vient de faire quatre ans de bac, c'est un peu... c'est facile d'aller vers un salaire plus élevé. Puis, par exemple, en hôpital, on doit étudier plus pour un salaire qui est de beaucoup moins élevé qu'en officine, donc c'est moins attirant.
M. Couillard: Mais ça, ça va toujours être le cas. L'État ne sera jamais capable d'assurer des revenus similaires à l'officine. Mais est-ce qu'on pense juste à ça quand on pense à sa carrière future? Est-ce que la qualité de vie professionnelle, le plan de carrière, la possibilité d'avoir un impact direct peut-être plus grand dans le système de santé ne jouent pas également?
Mme Larivière (Émilie): Non, c'est sûr qu'on ne pense pas juste aux revenus. Personnellement, je me dirige vers une pratique hospitalière...
M. Couillard: Félicitations.
Mme Larivière (Émilie): Merci. Mais c'est sûr que... Je sais qu'il y a beaucoup de pharmaciens, après avoir pratiqué en hôpital pendant un certain nombre d'années, qui vont quitter pour aller à l'officine. Je crois qu'à ce moment-là ils pensent peut-être plus au niveau monétaire. Puis c'est sûr qu'on a beaucoup d'avantages en travaillant en hôpital, on a des avantages sociaux, on a une pratique qui, selon moi, est plus intéressante, sauf que je crois qu'il n'y a pas beaucoup de gens... Je crois qu'à l'âge où on a quand on termine le bac il y a beaucoup de gens qui font la décision de ne pas aller vers la maîtrise, puis je crois que c'est malheureusement à cause de la différence monétaire.
M. Couillard: Vous avez beaucoup parlé de la collaboration entre les médecins puis les pharmaciens. Il y a le plan législatif, mais il y a également les cultures et les façons de faire. Est-ce que vous sentez, parce que vous devez avoir des contacts de plusieurs types avec les étudiants en médecine et les étudiantes en médecine... est-ce que vous sentez une évolution des mentalités dans le décloisonnement des rôles, peut-être moins de réactions défensives du côté médecins, peut-être plus de votre part le fait d'envisager une collaboration très, très étroite pour vos années de pratique?
M. Roy (Jean-Philippe): Bien, en fait, pour rectifier un peu, on n'a pas tant de contacts que ça avec les étudiants en médecine.
M. Couillard: Des partys avec la Faculté de médecine?
n(12 heures)nM. Roy (Jean-Philippe): Aucun. Non. On essaie, on essaie des fois, mais c'est assez difficile. La principale raison: au niveau des horaires. Leur méthode d'enseignement à eux n'est pas pareille comme la nôtre. À ce moment-là, les moments où on peut se rencontrer, que ce soit pour des activités, qu'on parle 5 à 7 ou sociales, à ce niveau-là, c'est très difficile. Ce serait intéressant qu'il y en ait, on a déjà poussé dans cette direction-là, ça s'est fait une fois cette année, c'était bien, mais, encore là, il y a beaucoup de place à l'amélioration, surtout si on tient compte, plus tard, où les contacts vont être assez prédominants... Présentement, c'est un peu décevant, ce qu'on peut avoir comme contacts à l'université.
M. Turgeon (François P.): Jean-Philippe parle surtout à l'université. Pour ce qui est... Je suis plus dans le milieu professionnel, donc... Par contre, on voit que les jeunes médecins ont une mentalité qui est différente souvent, disons les moins de 35, 40 ans, on ne parle pas nécessairement simplement des résidents. Toutefois, comme... peut-être en touchant... M. Charbonneau, au président de l'ordre des résidents... de l'association des résidents, excusez-moi, il y a quand même une... La médecine a peut-être plus un côté traditionnel, en ce sens que c'est beaucoup une formation de patron à résident, donc il y a quand même une tradition qui reste dans le milieu de la médecine, bien qu'il y a une amélioration chez les jeunes qui collaborent plus avec l'ensemble des professionnels, pas seulement avec les pharmaciens.
M. Couillard: Alors... mais vous ne voulez pas dire qu'après 35 ans tout espoir est perdu, là, j'espère.
M. Turgeon (François P.): Non, du tout, au contraire, on peut voir tout à fait l'inverse également.
M. Couillard: Je ne sais pas si vous avez suivi les débats pour la politique du médicament. Il y a eu... d'ailleurs, je pense que les étudiants en pharmacie étaient venus présenter...
M. Turgeon (François P.): On était là.
M. Couillard: C'est ça. C'est assez apparent, hein, les différences d'attitude parce que... Au coeur des recommandations de la politique, il y avait la transmission de l'intention thérapeutique. Alors, du côté des pharmaciens, il y avait un accueil très positif, je dirais même parfois même enthousiaste, à la mesure, parce qu'on voyait là la capacité d'intervenir dans le processus d'utilisation optimale ou d'usage optimal du médicament. Mais c'était beaucoup plus défensif du côté des médecins. Alors, comment vous envisagez justement la... Si on prend ce point précis là, parce qu'il y a beaucoup de choses que vous mentionnez dans votre texte en termes d'actions auprès des patients qui tournent autour justement de questions telles que l'intention thérapeutique. Si on ne réussit pas à progresser à faire accepter par les médecins et les pharmaciens le concept, il n'y a pas grand-chose qui va changer, là, au comptoir.
M. Roy (Jean-Philippe): À ce niveau-là, effectivement, moi, j'avais eu vent, là, du fait que les résidents étaient un peu contre l'intention thérapeutique. Je crois que c'est au niveau plus du lien de confiance qu'il y a avec... si on veut, entre le patient et son médecin, mais aussi il pourrait y avoir un certain lien de confiance entre le médecin et le pharmacien. À ce niveau-là, il est peut-être beaucoup moins développé, évidemment il y a peut-être place à amélioration à ce niveau-là, c'est ça qu'on vise. Les manières pour l'améliorer, c'est sûr, ça se fait plus à l'interne en tant que tel, c'est un peu du bouche à l'oreille, c'est un peu... C'est désolant un peu parce que, moi, dans le fond, j'ai... C'est moi qu'il faut, si on veut, qui aille, pas me vendre, mais dans le fond rencontrer des étudiants en médecine. J'ai des amis, bon, des collègues que... il faut que je leur parle, puis souvent ils ne sont pas au courant, soit qu'ils ne l'ont pas vu dans leur formation; la loi n° 90, ils n'ont aucune idée c'est quoi à peu près, ils ne l'ont jamais vue. Souvent, c'est moi qu'il faut qui aille discuter. C'est comme si les étudiants en pharmacie ou en médecine, quand ils ont la chance des fois de communiquer entre eux, c'est là qu'ils vont se rendre compte que, ah! bien, ah! vous faites ça, vous pouvez faire ci, puis vous savez ça aussi. C'est à ce niveau-là. Sinon, il n'y a pas vraiment d'autres moyens qui sont établis pour favoriser, si on veut, ce transfert de connaissances là, ce qui est un peu malheureux. Mais, comme je vous dis, c'est un peu un problème de circonstances, puis je crois que c'est avec le temps, c'est avec les...
C'est sûr que, bon, c'est... les ordres professionnels, bon, c'est tout le temps du chamaillage, si on veut, là-dedans aussi. C'est avec le temps qu'on va réussir peut-être à améliorer, là, cet aspect-là.
M. Couillard: Mais je pense que... Je retiens de votre remarque qu'il y a certainement place dans l'enseignement à incorporer le concept d'interdisciplinarité puis de collaboration entre professionnels. Puis ça semble faire défaut, là, d'après ce que vous dites.
M. Roy (Jean-Philippe): Bien, disons, si on est dans notre faculté, dans notre cursus, à l'école, on voit beaucoup au niveau de l'interdisciplinarité, on va en parler énormément. Je ne sais pas combien d'heures on a passé là-dessus, mais c'est assez déraisonnable comme nombre. Si on voit avec d'autres professionnels, si on voit... mettons, on va en médecine à ce niveau-là, disons que c'est peut-être un petit peu déficient. Je ne crois pas qu'ils en entendent parler vraiment.
M. Turgeon (François P.): Bien, j'aurais plutôt tendance à dire que c'est un peu qu'on la voit en silo. Donc, les pharmaciens ensemble parlent d'interdisciplinarité, les physiothérapeutes ensemble parlent d'interdisciplinarité, les pharmaciennes font la même... les pharmaciennes... les infirmières font la même chose, les médecins probablement également. Par contre, c'est sûr que de parler d'interdisciplinarité entre nous, on le voit du point de vue du pharmacien, ce que les autres peuvent nous apporter pour atteindre nos objectifs, ce qui n'est pas comme le faire en groupe pour voir comment est-ce qu'en groupe on peut atteindre les objectifs communs qui sont ceux de la santé du patient.
M. Couillard: Oui, l'interdisciplinarité, c'est très facile d'en parler quand on parle à soi-même...
M. Turgeon (François P.): Évidemment.
M. Couillard: ...ça ne demande pas beaucoup d'engagement.
M. Turgeon (François P.): Non.
M. Couillard: Il y a des chocs culturels ou des... pas des chocs culturels... Moi, j'ai connu des chocs culturels avec les pharmaciens, je vais vous en parler dans quelques secondes, ça va vous intéresser beaucoup, mais il y a des perceptions qui doivent changer, puis je pense qu'encore une fois, si on lit ces remarques, et on les transmettra également, dans la formation des professionnels de la santé, si on veut que, demain, on ait un paysage interdisciplinaire, il faut que ça se fasse dès maintenant, et votre présentation est très utile là-dessus.
Je vais vous donner brièvement deux cas vécus qui illustrent le changement d'attitude par rapport à ce qui est historique puis, bien sûr, maintenant ce qui est considéré normal. Moi, j'ai fait ma formation médicale dans le très ancien temps, là, on parle... tu sais, on parle de la fin des années soixante-dix, là, c'est l'époque antédiluvienne presque, il y avait un groupe de rock-and-roll à cette époque-là, qui s'appelait les Rolling Stones, alors...
Des voix: Ça existe encore.
M. Couillard: C'est pour ça que je le dis. Alors, premier... puis c'est les événements, hein? Premier choc, je suis interne dans un hôpital puis je reçois un téléphone: Le pharmacien voudrait vous parler au sujet d'une prescription que vous venez de faire. De quel droit le pharmacien m'appelle-t-il pour discuter d'une prescription que j'ai faite? Pour me rendre compte qu'une chance qu'il m'avait appelé parce que... je ne dis pas que j'aurais tué le patient mais presque, puis qu'il savait pas mal plus de choses que moi sur le médicament que j'avais prescrit. Premier cas vécu.
Ensuite, je me projette... on fait «fast forward», là. Ça n'existait pas dans ce temps-là, les vidéos, mais disons que maintenant on fait «fast forward», et on se ramasse 25 ans plus tard, puis on fait la tournée aux soins intensifs classiquement, puis, tout d'un coup, apparaît dans la tournée la pharmacienne de l'établissement. Alors, qu'est-ce qu'elle fait avec nous, avec les patients? Puis, dès le premier patient, on se rend compte qu'une chance qu'elle est là, puis elle aurait dû être là avant, cette personne-là. Alors ça, c'est ça que vous allez faire dans quelques années. Et donc il faudrait aller au-delà de ces anecdotes, et puis je pense qu'encore une fois la formation, là, elle doit refléter ça.
Vous dites, dans votre mémoire, que l'Ordre des pharmaciens pourrait jouer un plus grand rôle pour diminuer le nombre d'erreurs s'il en avait les moyens. C'est un peu ça que vous dites. Qu'est-ce que vous voulez dire par là exactement?
M. Turgeon (François P.): Le nombre d'erreurs, je ne sais pas si c'est vraiment erreurs qu'on voulait dire, mais en ce sens où actuellement ses pouvoirs sont un peu limités par ses ressources: il y a très peu d'inspecteurs, c'est très rare qu'il y a des inspections qui se fassent dans une même pharmacie, puisque le nombre d'inspecteurs est relativement limité. Souvent, ses pouvoirs sont également limités face aux chaînes et bannières, qui ne sont pas des pharmaciens à proprement parler, donc qui ne sont pas vraiment sous son autorité, même chose par rapport à l'industrie. D'ailleurs, il y a un conflit important actuellement qui va être réglé en Cour suprême, entre l'Ordre des pharmaciens puis une compagnie pharmaceutique, pour savoir si l'Ordre des pharmaciens peut avoir accès à ces contrats avec les pharmaciens en tant que tels.
Donc, en termes d'erreurs, ce qu'on considère erreurs en pharmacie, souvent on parle de mauvais médicaments, mauvais choix, quelque chose comme ça. Ça, c'est quand même quelque chose qui est bien contrôlé par les pharmaciens en tant que tels, qui sont au courant de l'importance de ça. Par contre, quand on parle en termes de bonnes normes de pratique, c'est quelque chose qui est dur à appliquer, puisque l'ordre émet des recommandations. Toutefois, avec la très faible quantité de gens qui sont là pour aller voir si ça se fait, pour voir comment ça se déroule, il n'a pas nécessairement le pouvoir et la portée et surtout les ressources pour faire vraiment une action qui soit importante.
M. Couillard: Merci.
Le Président (M. Reid): Merci, M. le ministre. Je vais passer maintenant la parole au député de Borduas, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. J'avais mis «formation en silo» sur mon papier, «pratique en silo», mais l'expression a déjà été utilisée, là, dans la conversation qui vient d'avoir lieu. Mais c'est assez étonnant, et je pense qu'on s'en était parlé quand vous étiez venus sur la politique du médicament, c'est assez étonnant de voir qu'on en est encore là, aujourd'hui, au niveau de la formation. C'est aussi assez déprimant et décourageant un peu. Je peux comprendre qu'à une autre époque chacun avait sa chasse gardée, puis on avait comme une conception très... très féodale de son territoire et de sa seigneurie, mais de constater qu'on est encore là après tant d'années de débats sur l'importance d'abolir les approches silo puis d'avoir une approche interdisciplinaire... En tout cas, j'espère que... j'espère qu'on va mettre en place des processus qui vont faire en sorte qu'on va provoquer, obliger d'une certaine façon, parce qu'à quelque part j'ai l'impression que, si on attend juste la bonne volonté... Vous avez de la misère à faire des partys ensemble, imaginez-vous le reste, là, Seigneur du bon Dieu! Ça va prendre du temps avant qu'on réussisse à faire en sorte que les gens soient en contact.
n(12 h 10)n Puis, moi, j'ai souvent l'impression que les pharmaciens ne sont pas considérés comme parmi le personnel soignant dans le système de santé. Ce sont des courtiers en distribution de pilules, tu sais, ils sont là pour gérer le trafic des pilules, mais ils ne sont pas là pour soigner. Les pharmaciens... c'est-à-dire les médecins, les infirmières, d'autres praticiens, les chiros, les physiothérapeutes, etc., les acupuncteurs, les massothérapeutes, en fait bien du monde qui sont considérés comme des soignants à un titre ou l'autre, mais les pharmaciens ne sont pas considérés comme des soignants. C'est un peu, là aussi, assez curieux, c'est que non seulement il n'y a pas d'interdisciplinarité, mais il y a comme une espèce de non-reconnaissance du rôle des pharmaciens dans l'acte de soigner, de guérir, d'aider finalement à maintenir une santé adéquate, et d'une certaine façon il faut que le citoyen pose le geste.
Moi, je suis un citoyen conscientisé et je m'organise pour que mon pharmacien et son équipe me prodiguent des soins puis des conseils de santé, et je n'attends pas la permission de mon médecin de famille pour qu'ils le fassent. Mais souvent je me rends compte que, si ce n'est pas moi qui initie la demande, ce n'est pas évident qu'elle va venir même des pharmaciens. Est-ce qu'il n'y a pas, là aussi, un changement chez les pharmaciens pour qu'eux-mêmes soient des initiateurs puis qu'ils osent à la limite confronter le médecin et confronter leurs clients qui sont à quelque part leurs patients? Tu sais, si la relation médecin-client, c'est une relation médecin-patient, pourquoi ce ne serait pas la même chose pour le pharmacien? C'est aussi une relation soignant-soigné.
M. Turgeon (François P.): La première chose que je voudrais avancer, c'est que souvent les gens qui sont conscients du travail du pharmacien, c'est les gens malades, donc les diabétiques, les personnes âgées, les maladies chroniques, ils sont souvent très au courant de ce que le pharmacien peut faire pour eux parce qu'ils l'ont vu. Pour les gens qui sont en meilleure santé, pour évidemment la jeune fille qui vient, une fois par mois, chercher sa pilule contraceptive, le rôle que le pharmacien a pour elle est plus limité.
Vous avez raison jusqu'à certain point, qu'on ne prend pas toute la place qui pourrait nous être donnée, qu'on a peut-être une attitude un peu défensive, donc on ne va pas de l'avant vers les patients. Quelque chose qui change avec l'évolution des mentalités en pharmacie, c'est certain qu'un changement est toujours assez long à faire. On passe... C'est sûr que les pharmaciens qui ont gradué il y a plusieurs années étaient... ont été formés dans une optique plutôt de distribution, à la limite même, de préparation de produits, versus la nouvelle optique qui est plus axée vers le patient. Donc, il y a un changement qui s'opère doucement. Donc, on espère que la pratique, comme vous la voyez, va évoluer au cours des années, puis qu'on va effectivement prendre notre place, mais vous avez raison de dire que c'est à nous de le faire et de montrer aux gens ce dont on est capables, et que c'est principalement comme ça qu'on va gagner le respect et la position de vrais soignants dans la population.
M. Charbonneau: Bien, je... En tout cas, ce matin, juste à...
M. Roy (Jean-Philippe): Je voulais juste peut-être ajouter aussi.
M. Charbonneau: Oui, allez-y.
M. Roy (Jean-Philippe): Quand vous parliez... on a patient-médecin. Patient-pharmacien, ce qui est difficile, c'est que des fois les gens, ils n'ont pas le choix, ils ont un médecin, puis ils ne peuvent pas vraiment changer le médecin de famille des fois, étant donné qu'il n'y en a pas beaucoup. Si on prend une pharmacie, si le pharmacien, il ne fait pas son affaire: Bien là, tu ne peux pas me donner mon médicament à l'avance, bien je vais aller voir l'autre pharmacien, je vais aller voir l'autre pharmacie, à ce moment-là, il peut y avoir un transfert de pharmacies assez exponentiel, la personne peut faire 12 pharmacies dans une journée. C'est à ce niveau-là que c'est peut-être un peu plus difficile d'avoir une certaine relation avec certaines personnes.
M. Charbonneau: Bien, la meilleure façon de fidéliser un patient, pour un pharmacien, c'est de le dorloter. Moi, je pense... pourquoi je garde le même pharmacien, même si je peux de temps en temps, pour des fins de commodité, aller chez d'autres, mais, en général, parce qu'il me dorlote, je veux dire, il prend soin de moi, et j'ai des conseils. Puis il y a une dynamique interactive qui fait qu'il y a quelque chose qui n'est pas juste de celui qui va me vendre ce que je veux, il peut me conseiller, je pose des questions.
Vous preniez l'exemple, là, d'une jeune fille ou une adolescente qui vient chercher ses médicaments. Ce matin, on était quelques députés à avoir eu une présentation de quelques médecins qui sont préoccupés par un virus, là, je ne me rappelle plus du nom du virus, un virus qui est relié à une maladie transmise sexuellement, puis le lien avec le cancer du col de l'utérus...
M. Turgeon (François P.): Le virus du papillome humain.
M. Charbonneau: C'est ça, exactement. Mais ce qu'on disait, c'est que presque 95 %, sinon plus, des femmes qui vont développer le cancer auront eu un épisode dans leur vie d'infection souvent ignorée de ce virus-là. Mais le pharmacien qui pourrait très bien et très rapidement dire à ses jeunes patientes ou à ses jeunes clientes, qui vont juste venir chercher leurs pilules contraceptives, qu'il y a une précaution à prendre, puis qu'il y a peut-être des choses... Autrement dit... Tu sais, il y a là, quand vous parliez de l'usage optimal du médicament puis des saines habitudes de vie, il y a un lien à faire puis il y a une initiative à prendre, je crois, de la part des pharmaciens, sinon... Autrement dit, il y a un effort de multidisciplinarité à développer, mais il y a un effort aussi proactif d'aide... de se considérer nous-mêmes comme des soignants, pas juste comme des distributeurs de médicaments ou des... parce qu'en bout de piste, les médicaments, ils sont même faits... À une autre époque, vous les fabriquiez. Maintenant, vous ne les fabriquez même plus. Dans le fond, vous connaissez juste les compositions puis vous êtes capables de donner des conseils. Mais justement, la clé, c'est dans le conseil, là, c'est dans l'accompagnement.
Bien, écoutez, je crois que vous avez touché les éléments... On en avait déjà parlé quand vous étiez venus sur d'autres aspects, puis finalement, en terminant, ce que je comprends aussi, c'est que l'intérêt par rapport au débat qu'on a à cette commission-ci, c'est aussi que, si, globalement, la pratique pharmaceutique pouvait amener une réduction des coûts d'utilisation du médicament, bien les économies qu'on ferait pourraient être réinjectées dans le système de santé ailleurs, sans qu'on ait besoin d'ajouter des sommes. Il faut dire que de toute façon... je ne pense pas qu'on va réussir à éviter d'en ajouter, là, mais les économies qu'on pourrait faire en ayant un meilleur usage des médicaments pourraient être un élément important dans le débat, là, sur le financement du système de santé.
M. Roy (Jean-Philippe): Vous avez raison à ce niveau-là. Il faut juste que nos suggestions qu'on a par rapport aux médicaments soient entendues parce que ça arrive, même à ce niveau-là, qu'on a beau faire des suggestions puis ça passe par une oreille et ça sort par l'autre, en tant que tel: Je le prescris comme ça parce que c'était prescrit de même à la base. On ne peut plus rien faire à ce niveau-là, là. Encore là, c'est une question de mentalité, je crois, une question de partage de connaissances, là, entre les professionnels, puis ça, c'est... tu sais, avec le temps, je crois qu'on va réussir à faire quelque chose de bien.
M. Charbonneau: Mais à mon avis j'ai l'impression que le défi des pharmaciens dans l'avenir, ça va être d'accepter d'être dérangeants parce que, si vous n'acceptez pas d'être dérangeants, déranger les médecins, déranger vos collègues, déranger à la limite vos clients, vous allez continuer à être dans une dynamique où votre rôle va être marginalisé d'une certaine façon par rapport à ce qu'il pourrait être.
M. Roy (Jean-Philippe): Mais il faut aussi accepter d'être dérangés aussi d'un autre côté.
M. Charbonneau: Oui, être dérangeant, c'est être dérangé aussi.
M. Roy (Jean-Philippe): Oui, ça va dans les deux sens, je crois.
M. Charbonneau: Bien, merci.
Le Président (M. Reid): Alors, merci beaucoup, Mme Larivière, M. Turgeon, M. Roy. Et j'ajourne main les travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 15 h 33)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette nouvelle séance de la Commission des affaires sociales.
Étude détaillée du
projet de loi n° 125
Étude détaillée
Loi sur la protection de la jeunesse
Nous avons changé de mandat depuis ce matin, nous sommes maintenant réunis afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, Bill 125, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions.
Mme la secrétaire, je comprends qu'il n'y a pas de remplacement.
La Secrétaire: C'est évident.
Le Président (M. Copeman): Il n'y a pas de remplacement. Je vous rappelle, chers collègues ainsi qu'à tous les collaborateurs, collaboratrices présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite pendant les travaux de la commission. Je souris un peu parce que mon téléphone est en train de vibrer, alors ça tombait bien. Je ne vous dirai pas où c'est en train de vibrer, mais ça, c'est une autre question.
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Oui, bien sûr. Si ma mémoire est bonne, on m'informe ? parce que les travaux dernièrement ont été sous la présidence très habile d'un autre député; alors, on m'informe ? que nous sommes rendus à l'article 19 du projet de loi... Excusez-moi.
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Je comprends. O.K. Mais effectivement nous avons adopté l'article 18. Je comprends qu'il y a une proposition d'amendement d'ajouter l'article 18.1.
Mais, avant de procéder ainsi, Mme la ministre, est-ce que vous avez une suggestion pour l'organisation de nos travaux cet après-midi? Vous avez une suggestion pour comment procéder cet après-midi?
Mme Delisle: Si vous l'acceptez, M. le Président, et si la députée de Rimouski l'accepte... Vous vous rappellerez que nous avons en suspens deux articles, en fait trois: l'article 1, l'amendement qu'avait présenté la députée de Rimouski ? je crois que c'est 1.1, en tout cas peu importe, là ? et il y avait l'article 8. Je voudrais aussi... j'avais dit que je le déposerais la dernière fois puis j'ai complètement oublié, ça touche de l'information... Mme la députée de Rimouski, vous vous rappellerez qu'on avait parlé de votre Centre jeunesse Bas-Saint-Laurent, et vous vouliez avoir le portrait de l'utilisation de la mesure d'isolement pour l'exercice 2005-2006. On vous a donné une information pas tout à fait exacte. Alors, si vous permettez, je déposerais l'information pour que vous puissiez l'avoir corrigée.
Le Président (M. Copeman): Alors, si j'ai bien compris, vous souhaitez qu'on dispose de l'article 1, c'est bien ça?
Mme Delisle: Oui.
Le Président (M. Copeman): Ça vous convient, Mme la députée de Rimouski?
Mme Charest (Rimouski): Oui, qu'on regarde l'article 1.
Interprétation et application (suite)
Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, il y a deux amendements devant la commission concernant l'article 1. Il y a l'article proposé par Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, qui débute: Remplacer d.2, dans le paragraphe 2° de l'article 1 de ce projet de loi, par le suivant. Alors ça, c'est l'amendement proposé par Mme la ministre. Il y a un deuxième amendement proposé par Mme la députée de Rimouski, qui débute par la phrase suivante: L'article 1 de la Loi sur la protection de la jeunesse est modifié par l'insertion, après le paragraphe 1° du premier alinéa, du paragraphe suivant.
Alors, peut-être, dans l'ordre, l'amendement proposé par la ministre. Si vous pouvez peut-être faire une brève introduction, une explication.
Mme Delisle: Si vous permettez, M. le Président, je veux juste rappeler la raison pour laquelle nous avions décidé de suspendre cet amendement-là.
Vous vous rappellerez que, dans l'article 1, il y a les définitions de ce que sont l'organisme du milieu scolaire, milieu de garde, etc., et on avait eu une discussion sur ce qu'était un milieu de garde. Et on a eu une bonne discussion là-dessus et on a choisi de revoir le libellé du 2.2... en fait du d.2 ? je ne veux pas me tromper, là.
Dans l'article que vous avez, dans l'article 1, deuxième alinéa ? là, je veux qu'on me corrige si je me trompe ? vous avez la définition d.2, qui est «milieu de garde», qui se lisait comme ceci: «un centre de la petite enfance, une garderie, une halte-garderie, un jardin d'enfants [...] un service de garde en milieu familial, au sens de la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde».
On avait fait ce débat-là, et ça nous a permis, nous, de pouvoir se coller à la définition de ce qu'est un milieu de garde en fonction de la Loi sur... en fait, la définition qui correspond aux services de garde visés par la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance. Donc, l'amendement «milieu de garde» se lirait comme suit: «d.2) un centre de la petite enfance...» Attendez un petit peu, là. Donnez-moi le... Est-ce qu'on l'a déposé à la...
Le Président (M. Copeman): Tous les membres de la commission devraient avoir l'amendement.
Mme Delisle: Bon. Alors...
Mme Charest (Rimouski): ...amendement.
Une voix: Oui. On vous l'a donnée, la...
Le Président (M. Copeman): Il était déposé, Mme la députée, lors de la première séance, j'imagine. Alors...
Mme Delisle: Ah, O.K.
Une voix: On a changé.
Mme Charest (Rimouski): Il a été changé, là.
Une voix: Il a été changé.
Mme Charest (Rimouski): Il faut le redéposer aujourd'hui.
Mme Delisle: Oui, il faut que je le redépose.
Le Président (M. Copeman): Attendez donc. Attendez donc, chers collègues. Il y a un amendement qui est suspendu, c'est celui-là qui est devant la commission. Je crois que tout le monde a une copie de cet amendement.
Mme Delisle: ...retirer.
Le Président (M. Copeman): Si vous souhaitez modifier cet amendement, il faut le retirer et présenter un nouveau. Alors, vous me dites, Mme la ministre, que l'amendement déposé, que vous avez déposé, vous souhaitez le retirer?
Mme Delisle: Si vous permettez, je le retire et je dépose le nouvel amendement.
Le Président (M. Copeman): Bon. O.K. Alors, l'amendement proposé initialement par Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse est retiré, hein? Et avons-nous des copies de la nouvelle... Il faut disposer de...
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Oui? O.K. Alors, on me dit: Compte tenu que nous avons retiré cet amendement, il faut disposer de l'amendement de Mme la députée de Rimouski en premier lieu.
Mme Charest (Rimouski): ...
Le Président (M. Copeman): Bien, qui était le vôtre, là.
Mme Delisle: ...besoin de déposer un nouvel amendement?
n(15 h 40)nLe Président (M. Copeman): Je comprends, Mme la ministre, mais, sur le point purement de procédure, compte tenu que celui-là est retiré, nous allons disposer de celui de Mme la députée de Rimouski en premier lieu, et on va vous permettre par la suite de déposer un nouvel amendement, et la commission va en prendre considération. Ça va? Alors, nous sommes... À ce moment-ci, d'abord, compte tenu que cet amendement a été retiré, je souhaite qu'on fasse la discussion sur l'amendement proposé par Mme la députée de Rimouski, qui indique... qui fait référence à la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée nationale, les Nations unies, etc. C'est une définition du mot «convention». Et, compte tenu ? je vois venir un peu la logique, il faut être cohérent; compte tenu ? que la référence à la convention, qui a été proposée par M. le député de Mercier, a été rejetée par la commission, il n'y a en conséquence aucune référence à cette convention dans la loi. Alors, la question se pose: Est-ce qu'il est pertinent de définir une convention, à l'article 1, pour laquelle on ne fait aucune mention dans le projet de loi? Alors, sur le plan de vue simplement technique, là, ça m'apparaît doutable de...
Mme Charest (Rimouski): Je vais le retirer, compte tenu de la cohérence.
Le Président (M. Copeman): Je pense que c'est logique, Mme la députée, effectivement. Compte tenu que l'amendement a été rejeté afin d'introduire la convention, je pense qu'il est également logique et souhaitable qu'on retire l'amendement qui définit qu'est-ce que c'est, la convention, n'est-ce pas? Alors, cet amendement est retiré, d'abord. Très bien. Et maintenant, Mme la ministre, vous souhaitez déposer un nouvel amendement à l'article 1? Allez-y.
Mme Delisle: Oui, qui a été déposé, je crois, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Oui, je l'ai devant mes mains, et ça me paraît recevable. Nous avons copie pour tout le monde? Très bien. Alors, Mme la ministre, si vous voulez présenter votre amendement.
Mme Delisle: Alors, l'article 1: Remplacer d.2, dans le paragraphe 2° de l'article 1 de ce projet de loi, par le suivant:
«d.2) "milieu de garde": un centre de la petite enfance, une garderie, une personne reconnue à titre de responsable d'un service de garde en milieu familial au sens de la Loi sur les services éducatifs à l'enfance.» Je m'explique, M. le Président. Si on n'y retrouve plus «halte garderie» et les autres termes qu'on avait dans la loi telle que déposée ? «jardin d'enfants»... ? c'est uniquement parce qu'on a décidé de se coller au libellé de la loi qui a été adoptée en décembre, c'est-à-dire la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance. Tous les autres, je veux rassurer la députée de Rimouski, ceux qui gardent des enfants dans leurs maisons, bien ils ne sont pas soumis à cette loi-là. Ceux qui gardent, là... un grand-parent, vous vous rappellerez le débat qui s'est fait ici, là, alors...
Mme Charest (Rimouski): Je me souviens surtout du débat sur les services de garde.
Mme Delisle: Exactement.
Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'on est prêts à disposer de l'amendement?
Mme Charest (Rimouski): Oui, c'est adopté.
Le Président (M. Copeman): Alors, l'amendement est-il adopté?
Mme Charest (Rimouski): Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté. La discussion d'abord sur l'article 1 tel qu'amendé. Est-ce qu'il y a d'autres discussions sur l'article 1 tel qu'amendé? Il n'y en a pas. Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté.
Principes généraux et droits
des enfants (suite)
L'article 8.
Mme Delisle: Alors, vous permettez, M. le Président, que je donne une explication? On se rappellera que la députée de Rimouski s'interrogeait ? si on prend le cahier, peut-être qu'on puisse tout le monde se retrouver, là, prendre le cahier qui nous a été remis par le ministère; Mme la députée de Rimouski s'interrogeait ? sur les raisons qui motivaient le retrait de l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris. Alors, on a fait une vérification, et cet article 7 prévoit expressément qu'une loi ou un règlement peut prévoir la communication d'un dossier d'un bénéficiaire, cette loi-là, là. Conséquemment, il n'est plus nécessaire d'introduire un «malgré» puisque l'article 36 prévoit l'accès au dossier pour tout le monde.
Mme Charest (Rimouski): Quel que soit son groupe ethnique...
Mme Delisle: C'est ça.
Mme Charest (Rimouski): ...religieux, etc., là...
Mme Delisle: Ça ne fait pas d'exception.
Mme Charest (Rimouski): ...territorial, peu importe, il n'y a aucune exception?
Mme Delisle: Aucune exception.
Mme Charest (Rimouski): C'est en vertu de la loi n° 83, ça?
Mme Delisle: Si vous permettez, je vais demander à...
Mme Charest (Rimouski): Parce que, sur l'accès au dossier, là, toute la question de la circulation de l'information a été prévue dans la loi sur la santé et les services sociaux, et cet accès-là, bon, elle a des limites, là, parce qu'il faut assurer la protection et la sécurité. Mais ce que vous mettez à l'article 8, c'est en conformité avec cela, je suppose?
Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a consentement pour que Me Noël puisse prendre part à nos délibérations? Consentement.
Alors, je vous demande de vous identifier, maître, s'il vous plaît.
Mme Noël (Marie-Camille): Oui, je suis Marie-Camille Noël, avocate au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Bon, voilà. À l'article 36, on prévoit que, «malgré l'article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, lorsque le directeur retient le signalement [...] et, s'il l'estime nécessaire ? là, je raccourcis un petit peu, là ? [...], il peut [...] prendre connaissance [...] du dossier [d'un] enfant ? c'est ça...» Excusez. «Malgré l'article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, lorsque le directeur retient le signalement d'un enfant et, s'il l'estime nécessaire pour assurer la protection de cet enfant, il peut, de même que toute personne qui agit en vertu de l'article 32 de la présente loi, pénétrer à toute heure raisonnable ou en tout temps dans un cas d'urgence, dans une installation maintenue par un établissement afin de prendre connaissance sur place du dossier constitué sur cet enfant et tirer copie de ce dossier.» On est obligé de dire ici «malgré l'article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux» parce que l'article 19 de cette loi-là prévoit que le dossier d'un usager est confidentiel, et on ne peut donner accès à ce dossier-là qu'avec le consentement de l'usager ou dans les cas prévus. Et on ne prévoit pas, à l'article 19, même s'il a été amendé par le projet de loi n° 83 ? donc par lui; on ne prévoit pas ? qu'une loi peut prévoir effectivement qu'on peut donner communication du dossier. D'accord? Alors, on doit, si on le fait comme ici, dire «malgré l'article 19».
Tandis qu'en vertu de la loi sur les autochtones cris l'article 7 prévoit que le dossier d'un usager ? autochtone cri, là, on s'entend ? est confidentiel et que, sans consentement, on ne peut y donner accès. Et là on met des exceptions et, l'une des exceptions, c'est effectivement «ou dans les cas où une loi ou un règlement prévoit que la communication est nécessaire à son application». Et c'est ce qu'on fait ici, à l'article 36. Alors, on n'a pas besoin, parce qu'on a une permission dans une loi effectivement, de dire qu'on peut communiquer.
Mme Charest (Rimouski): Je comprends ce que m'expliquez, là, mais, à la lumière de ce que vous me dites, c'est comme s'il y avait deux catégories de citoyens au Québec. Parce que, pour les autochtones, on ne peut pas... le dossier demeure confidentiel, puis il n'y a aucune exception à la règle. C'est ce que j'ai compris...
Mme Noël (Marie-Camille): Non, non, je m'excuse, là. Je me suis probablement mal exprimé.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors, c'est peut-être moi qui ai mal compris aussi, là.
Mme Noël (Marie-Camille): C'est la même règle en réalité pour S-5 que S-4.2 ? S-5 étant la loi pour les autochtones cris, d'accord? ? c'est la même règle. L'article 7 est l'équivalent de notre article 19, mais il n'est pas tout à fait pareil. D'accord? C'est la confidentialité, dans les deux cas, du dossier des usagers, sauf que l'article 7, dans cette loi-là, a quand même prévu, elle, explicitement que c'était possible qu'une loi prévoie effectivement, si la loi le prévoit, comme on le fait à 36, qu'on puisse avoir accès. Tandis que l'article 19 de la Loi sur les services de santé...
Mme Charest (Rimouski): ...consentement écrit du citoyen, c'est ça?
Mme Noël (Marie-Camille): Ou dans les cas mentionnés, mais on n'a pas mentionné qu'une loi pouvait...
Mme Charest (Rimouski): ...mentionné «protection de la jeunesse».
Mme Noël (Marie-Camille): ...effectivement permettre l'accès.
Mme Charest (Rimouski): O.K.
Mme Noël (Marie-Camille): Ça va?
Mme Charest (Rimouski): C'est plus clair, là. J'ai peut-être suivi mieux, je ne sais pas, mais il a fallu m'expliquer deux fois. Je m'excuse.
Mme Delisle: ...ce n'était pas évident.
Mme Noël (Marie-Camille): C'est qu'en réécrivant l'article on s'est rendu compte que ce n'était pas nécessaire de mettre «malgré».
Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce que l'article 8 est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté.
Intervention sociale (suite)
Alors, avant d'entreprendre l'étude de l'article 19, je crois qu'il y a un amendement qui crée l'article 18.1. C'est bien ça?
Mme Delisle: Oui.
Le Président (M. Copeman): La parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Delisle: Alors, M. le Président, il faut déposer... Je vais le lire, là, je vais vous le déposer, ou je le dépose et je le lis après?
Alors, insérer, après l'article 18 de ce projet de loi, le suivant:
18.1. Cette loi est modifiée par le remplacement, dans la première ligne du deuxième alinéa de l'article 48, des mots «d'urgence» par les mots «de protection immédiate».
Alors, si on prend la loi actuelle, d'accord? Alors, durant... Je vais laisser le temps, là...
n(15 h 50)nMme Charest (Rimouski): 47.1?
Mme Delisle: Non, c'est l'article 48.
Mme Charest (Rimouski): 48, O.K. J'y suis. C'est sur des frais de...
Mme Delisle: Alors, le deuxième alinéa se lit comme suit: «Durant la période où des mesures d'urgence sont appliquées...» On remplacerait les mots «urgence» par les mots «protection immédiate». C'est une modification de concordance tout simplement avec...
Une voix: ...l'article 47.
Mme Delisle: ...oui, avec l'article 47.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que vous l'avez, cet article-là, 18?
Mme Delisle: L'inconvénient de faire ça par petits bouts, là, je suis désolée, on a comme l'impression qu'on perd le fil des fois, là. Bon. Lorsqu'on a adopté les articles précédents, on prévoyait les dispositions pour les mesures de protection immédiate. Alors, c'est tout simplement pour qu'il y ait concordance entre les textes, les mots dans les textes.
Mme Charest (Rimouski): Je ne vois pas votre amendement écrit.
Mme Delisle: Je le dépose, là.
Mme Charest (Rimouski): Ah! O.K. Je ne l'ai pas reçu.
Mme Delisle: ...
Mme Charest (Rimouski): Oui, on l'a? O.K. Ça doit être moi qui...
Mme Delisle: On vous a tout donné ça l'autre jour, là.
Mme Charest (Rimouski): Ça doit être moi qui est perdue dans mes papiers.
Mme Delisle: Est-ce que vous permettez que je le dépose, monsieur...
Le Président (M. Copeman): Ce n'est pas nécessaire de déposer un amendement. Quand vous le présentez verbalement, on considère qu'il est devant la commission. C'est la mécanique habituelle.
Mme Delisle: C'est plus facile quand on le voit, là.
Le Président (M. Copeman): Tout à fait, mais c'est pour ça d'ailleurs que les amendements ont été transmis, je crois, déjà.
Mme Delisle: On vous les a donnés l'autre fois.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Mais, vous savez, on a brassé beaucoup, là, puis je les ai peut-être oubliés sur mon bureau, là. Parce que je regarde ma pile de ce que l'on a déjà reçu et de ce que l'on a déjà adopté, et moi, ce que j'ai à l'article 18, c'est...
Mme Delisle: C'est un autre, c'est 18.1.
Mme Charest (Rimouski): C'est ça, je tombe à 19.
Le Président (M. Copeman): On va vous le fournir, ce n'est pas compliqué, Mme la députée de Rimouski, ça s'en vient, là.
Mme Charest (Rimouski): Je suis désolée, là.
Le Président (M. Copeman): Il n'y a aucune difficulté.
Mme Charest (Rimouski): Ah! Il est ici, je pense. Oui, excusez-moi, il était sur l'autre pile. Je l'ai. Je suis désolée.
Le Président (M. Copeman): Il n'y a aucune difficulté.
Mme Charest (Rimouski): Je n'ai pas l'habitude d'être mêlée, mais là je...
Une voix: ...
Mme Charest (Rimouski): Qu'est-ce qu'il avait à dire, lui?
Le Président (M. Copeman): Rien d'intéressant.
Mme Charest (Rimouski): Oui, je suppose.
Le Président (M. Copeman): Alors...
Mme Charest (Rimouski): Ça va.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Rimouski me signale qu'elle est prête à voter sur l'amendement.
Mme Charest (Rimouski): Oui.
Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce que l'amendement créant le nouvel article 18.1 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté.
Mme Charest (Rimouski): O.K. On l'avait regardé avant.
Le Président (M. Copeman): En conséquence, évidemment, le nouvel article 18.1 est adopté.
L'article 19.
Mme Delisle: Bon. Alors...
Le Président (M. Copeman): Il y a un amendement, madame.
Mme Delisle: J'arrive, M. le Président. Je me retrouve moi-même dans mes papiers.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que je vais trop vite pour vous, Mme la ministre?
Mme Delisle: Non, non, ça va.
Le Président (M. Copeman): O.K. Très bien.
Mme Delisle: Alors, je vais lire l'article 19: L'article 50 de cette loi est modifié:
1° par le remplacement, dans la troisième ligne du deuxième alinéa, du mot «peut» par le mot «doit»;
2° par le remplacement, dans la cinquième ligne du deuxième alinéa, de «. À cette fin,» par «et transmettre à celui qui dispense ces services l'information pertinente à cette situation.».
Je voudrais, M. le Président, vous déposer un amendement pour l'article 19, que je vais vous lire.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme la ministre.
Mme Delisle: Vous l'avez? Parfait. Alors: Insérer, avant le [premier paragraphe] de l'article 19 de ce projet de loi, le suivant:
«0.1° par le remplacement, dans la première ligne du deuxième alinéa, de ce qui suit: "Le directeur doit, en outre,» par ce qui suit: «De plus, lorsque la situation le requiert, il doit"».
En fait, cet article prévoit les obligations qui incombent au directeur de la protection de la jeunesse lorsqu'il constate que la sécurité et le développement de l'enfant, soit l'un, soit l'autre ou soit les deux, sont compromis... n'est pas compromis, pardon; particulièrement, a l'obligation, lorsque les parents et l'enfant y consentent, de les diriger vers les ressources qui peuvent leur venir en aide et à transmettre l'information pertinente.
Je ne sais pas si la députée de Rimouski a des questions à poser là-dessus. En fait, c'est un article de concordance, là, c'est une... on propose une modification de concordance avec l'article 45.1 qui est proposé par l'article 16 de ce projet de loi. Donc, si on retourne à ce qu'on a fait la semaine dernière...
Mme Charest (Rimouski): Moi, ce que je retiens, c'est que l'amendement donnerait une obligation au DPJ d'informer l'enfant et ses parents des services et des ressources disponibles dans leur milieu puis les modalités d'accès. Alors ça, c'est un plus par rapport à ce qui était avant. Et ça, ça m'apparaît important. Donc, moi, je suis prête à voter là-dessus, là, ça va, parce que... C'est ça que ça veut dire, hein? Parce que, si ce n'est pas ça, là, c'est autre chose.
Mme Delisle: Absolument. C'est absolument ça.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Et, si les parents ou l'enfant y consentent, on les dirige «vers les établissements, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide et transmettre à celui qui dispense ces services l'information pertinente». Donc là, ce que je comprends, c'est que le DPJ va avoir l'obligation également de transmettre à la personne, c'est-à-dire au professionnel ou à l'institution qui dispense le service, la référence du parent ou de l'enfant pour recevoir tel type de service. C'est ce que je comprends?
Mme Delisle: On pourrait peut-être imaginer, par un exemple, le DPJ qui, lorsque le signalement... lorsqu'il y a un problème, là, les parents... c'est-à-dire le DPJ va devoir, si les parents y consentent, là ? on ne peut pas les obliger, là ? les diriger vers les établissements. Donc, on peut imaginer qu'il va prendre le téléphone et qu'il va appeler soit le psychologue ou il va parler à quelqu'un dans l'établissement et lui dire: Il faudrait que tu voies, s'il te plaît, telle personne avec son jeune, et il faudrait t'assurer, là, que ces jeunes-là aient le service. Alors, ce qu'on dit: «Il doit, s'ils y consentent, les diriger vers les établissements, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide et transmettre à celui qui dispense le service ? donc, le professionnel dans l'établissement où il l'aura référé ? l'information pertinente sur la situation.» Alors, toute la question de la divulgation d'information ? on se rappelle qu'on l'a fait la semaine dernière ? il y a des limites à ce qui peut être divulgué, là. Alors, on avait des critères. On sait très bien qu'on ne peut pas... Je reprends l'exemple qu'on a utilisé la semaine dernière: un père qui abuserait un enfant et puis qui est joueur pathologique; le joueur pathologique, même si c'est une condition qui est déplorable, n'a rien à voir avec les motifs pour lesquels un signalement aurait été soumis.
Une voix: ....
Mme Delisle: Oui, oui. C'est le directeur qui va donner l'information, oui, oui. Mais c'est sur de la divulgation quand même, là, d'information, là. Mais c'est uniquement ce qui...
Mme Charest (Rimouski): Mais... Est-ce que je peux poser une question? Oui? Quand vous dites que, «lorsque la situation le requiert» puis si les parents sont d'accord ou si le jeune est d'accord, on informe des ressources disponibles, on les dirige «vers les établissements, les organismes ou les personnes les plus aptes», les groupes communautaires qui offrent des services, hein, on pense aux auberges du coeur, qui donnent un hébergement à des jeunes qui n'ont pas 18 ans puis qui sont... est-ce que c'est possible? Et vous faites référence aussi à ces organismes-là quand vous parlez d'organismes... Ou si on parle juste d'institutions publiques, là, qui relèvent du réseau? Ou si on parle de tout ce qui peut exister en termes d'organismes communautaires?
Une voix: ...
Mme Charest (Rimouski): Oui. Puis est-ce que ça prend absolument un professionnel pour recevoir l'information comme telle ou si, dans ces organismes-là, ce n'est pas toujours des professionnels dûment accrédités par un ordre professionnel? Je ne vous dis pas qu'ils ne font pas du travail de qualité, adéquatement, mais est-ce qu'il faut que ce soit, mettons, à titre d'exemple, un travailleur social qui fait partie d'un ordre, de l'Ordre des travailleurs sociaux ou... C'est quoi, là? Ça s'étend jusqu'où, cet article-là?
n(16 heures)nMme Delisle: Si vous permettez, M. le Président, je voudrais juste qu'on se refamiliarise avec la définition d'«organisme», là, qui est dans l'actuelle loi. Je vais le lire: «Tout organisme constitué en vertu d'une loi du Québec qui s'occupe notamment de la défense des droits, de la promotion des intérêts et de l'amélioration des conditions de vie des enfants, tout organisme du milieu scolaire et tout milieu de garde», là. Bon. Donc, oui, ça peut être une auberge du coeur, ça peut être les oeuvres du père Lafrance ici, à Québec, avec tout autre organisme, là, auquel le directeur de la protection de la jeunesse voudrait référer ce jeune et ces parents-là.
Donc, dépendamment ? j'imagine, c'est difficile d'évaluer, là, mais dépendamment ? de l'aide dont la famille a besoin, bien, à ce moment-là, si c'est un organisme communautaire, les intervenants évidemment ont une formation, la plupart du temps, en service social ou en travail social, ou ça peut être des psychologues, ou...
Mme Charest (Rimouski): ...transmission de l'information, il n'est pas différent à ce moment-là, quand il s'agit d'un organisme communautaire, mettons, une maison des familles, une auberge du coeur ou ça peut être une popote aussi, là, vous savez, un comptoir alimentaire, tout ça. Parce qu'il y a une multitude de services qui sont rendus à des familles qui ont des problèmes. Alors, est-ce que le niveau d'information transmis, pour correspondre à l'article 19 de la loi sur la santé et des services sociaux, est de même niveau?
Puis ce n'est pas une question piège, c'est parce que je suis persuadée que les gens qui écoutent doivent se dire: Coudon, là, est-ce que tout le monde va avoir accès à ce que, moi, j'ai dans mon dossier? Parce que les intervenants communautaires, eux, ils peuvent vouloir avoir certaines informations, mais est-ce que légalement... le DPJ, il va aller jusqu'où?
Mme Delisle: Alors, je pense qu'il faut relire l'article, là. Le DPJ, «il doit, s'ils y consentent ? donc, la famille, les parents, les enfants ? les diriger vers les établissements, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide et transmettre à celui qui dispense ces services l'information pertinente sur la situation».
Donc, il faut se rappeler qu'on est dans une situation où ce n'est pas retenu, là, la sécurité et le développement n'est pas compromis. Donc, l'information pertinente, c'est difficile de la définir ici, en commission parlementaire. Mais c'est important pour les parents. Mais ça se fait déjà, madame... ce que je sais, pour en avoir rencontré, là, déjà, ça se fait, il y a des références qui se font.
Puis, pour faire la référence, bien, il faut bien donner un petit bout d'historique. Mais il faut que les parents y consentent. C'est marqué ici: «Il doit, s'ils y consentent, les diriger vers les établissements.» Donc, si les parents et l'enfant acceptent qu'on les réfère ou qu'on les dirige vers un établissement ou un organisme communautaire, ils doivent consentir aussi à ce qu'on explique pourquoi on le fait. Maintenant, j'imagine que c'est uniquement à l'explication de l'information dont ils ont besoin pour ce cas précis là, là.
Mme Charest (Rimouski): On se rappelle que c'est des cas non retenus par la DPJ, ça, j'en conviens. J'en conviens aussi que, même si c'est des cas non retenus, il y a quand même le respect de la vie privée qui est un droit fondamental pour toute personne de la société québécoise. C'est sûr qu'on va y aller selon le jugement du DPJ, qu'est-ce qu'il doit dire, qu'est-ce qu'il ne doit pas dire dépendamment à qui il s'adresse. Ça, j'en conviens.
Mais, en quelque part, l'information pertinente, là, si elle n'est pas définie puis qu'on ne peut pas la définir dans la loi, parce qu'autant il y a de cas autant l'information pertinente peut être différente d'un cas à l'autre, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de prévoir un genre de protocole de confidentialité malgré le fait que ce n'est pas nécessairement des cas retenus?
Tout simplement parce qu'il y a énormément de cas qui sont signalés à la DPJ, hein, il y en a au-delà de 60 quelques mille par année. On en retient 30, la moitié, 50 %, mais il en reste qu'il y en a autant qui ne sont pas retenus puis que là on va obliger la DPJ, lorsqu'il y a lieu, puis si les parents y consentent, si le jeune y consent, de les diriger vers des services et de transmettre un certain nombre d'informations sur leur situation.
Et, moi, je ne sais pas, là, mais, si j'étais dans cette situation-là, si j'avais été signalée à la DPJ puis que, parce que j'ai besoin de services, on me réfère à un organisme ou à une institution... L'institution, ça m'inquiète un peu moins parce qu'ils sont déjà encadrés par la loi sur la santé et les services sociaux, ce que ne sont pas du tout les organismes communautaires ou même les clubs sociaux qui rendent des services à la population et qui peuvent même procurer des services.
Et je ne sais pas s'il n'y aurait pas lieu de prévoir, soit par règlement ou autrement, un genre de protocole de confidentialité que les DPJ auraient l'obligation de faire avec tout organisme avec qui ils transigent. C'est une question, là, je sais, peut-être que vous allez trouver que je vais loin, mais en quelque part ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas retenus qu'il ne faut pas être vigilant non plus. Puis, comme c'est un gros système, malgré la bonne volonté de tout le monde, malgré la bonne volonté du DPJ qui donne une information, tout d'un coup qu'il se fait jouer un tour par la personne qui reçoit l'information puis qui se met à placoter. Vous savez, il y a des petits villages puis il y a des gros villages, puis l'information, elle circule pareil, parfois, des informations qu'on n'aime pas qu'elles circulent.
Alors, il me semble que j'ai illustré, là, pourquoi j'ai un certain inconfort à ce qu'il n'y ait pas de définition sur «information pertinente».
Mme Delisle: Alors, si vous permettez, M. le Président, je voudrais qu'on se réfère à l'article 16 qu'on a adopté la semaine dernière, dans lequel il y a exactement le même libellé, et on l'a accepté tel quel. À l'article 16, ça concernait les signalements non retenus. Et, si on prend dans le cahier, Mme la députée de Rimouski, là, c'est à la page 25, prenez le deuxième alinéa: «Il doit, s'ils y consentent, les diriger vers les établissements, les organismes ou les personnes [...] et transmettre à celui qui dispense le service l'information pertinente sur la situation.» Bon. Ça, c'était dans les cas non retenus, mais «il doit, s'ils y consentent»: c'est exactement le même libellé, là, et on l'a... Mais l'article 16 touchait les signalements non retenus ? d'accord? ? et on a exactement le même libellé...
Mme Charest (Rimouski): ...mesures de protection immédiates.
Mme Delisle: L'article 19, on a exactement, exactement le même libellé: «[Lorsque] le directeur constate que la sécurité ou le développement n'est pas compromis, il en doit en informer l'enfant et ses parents et en faire part à la personne qui avait ? bon, qui avait ? signalé la situation.»Mme Charest (Rimouski): Bien, j'ai peut-être manqué de vigilance au moment où j'ai étudié 16, puis là...
Mme Delisle: Je voudrais vous...
Mme Charest (Rimouski): ...je suis un peu plus aiguisée, je ne sais pas. Puis ce n'est pas pour m'obstiner, mais... Ce n'est peut-être pas grand-chose, là, je ne cherche pas à étirer le temps, là, mais il n'y a pas lieu de s'interroger quand même par rapport à ça?
Mme Delisle: Moi, je vous avoue franchement, moi, je comprends votre point de vue, sincèrement, mais je pense que, si les parents y consentent... Si vous êtes la mère d'un jeune qui a besoin de ces services-là, vous savez que... vous vous entendez avec l'intervenante ou l'intervenant puis qu'il vous dit: Écoutez, si vous êtes d'accord, je vais vous référer, c'est comme notre médecin qui va nous référer peut-être à un autre médecin puis qui va lui expliquer qu'est-ce qu'on a, là. On le voit souvent... C'est sûr que c'est une image qui est plus facile à comprendre quand on parle de médecins qui se transfèrent de l'information, mais quand même, s'ils ont besoin d'un service...
Une voix: ...
Mme Delisle: Oui, mais on parle d'un enfant ou d'une famille qui a besoin des services. Là, ce qu'on souhaite, c'est que le DPJ ait l'obligation de le faire. Dans la loi actuelle, celle avec laquelle on travaille évidemment, depuis plusieurs années, il n'y a pas d'obligation, pour le DPJ, de faire ça. Alors, les parents étaient comme un peu laissés à eux-mêmes, pouvaient le faire. Mais on sait que, dans la pratique, ils le font souvent, là.
Mme Charest (Rimouski): Mme la ministre, je peux vous dire tout de suite que le fait de leur donner l'obligation, c'est un gros plus. Ça, je suis... très facile à admettre ça. Mais je pars de votre exemple: le DPJ, avec l'accord des parents, réfère à une organisation, mais la mère, là, par rapport à la situation de son fils, elle est peut-être d'accord pour qu'il reçoive des services de cet organisme-là, mais, si elle n'a pas ? j'ose dire le mot ? contrôle sur tout ce qui va être dit sur son fils, peut-être qu'elle aime que certaines informations soient données mais que pas toutes les informations sur son fils soient données.
n(16 h 10)n Et ce n'est pas sur celui qui donne l'information, qui, d'après moi, est le plus gros du problème éventuel, potentiel, puis que le risque est plus élevé de bris de confidentialité, parce que le DPJ, lui, il est déjà un professionnel encadré en vertu des lois sur la protection de la jeunesse et sur la santé et les services sociaux. Le problème de confidentialité serait beaucoup plus sur celui qui reçoit l'information, quand il est dans un organisme qui dans le fond n'est pas encadré comme tel, là, par ce type de transmission d'information. Vous voyez un peu, là, sur quoi... Ce n'est pas celui qui la transmet comme celui qui la reçoit.
Mme Delisle: J'aurais le goût de vous dire que j'en connais beaucoup, d'organismes, de gens qui travaillent dans ces organismes-là. J'en ai en tête puis en mémoire, là, des gens qui s'occupent... surtout dans les organismes auxquels on fait référence. Les Auberges du coeur, que ce soit des oeuvres, des gens qui s'occupent... qui ont des maisons pour des jeunes garçons, des jeunes filles, bon, peu importe, ces gens-là, quand les parents... quand la DPJ les réfère à cette auberge du coeur là ou aux oeuvres du père Lafrance, que je connais bien, ici, ou à d'autres, là, ces parents-là doivent consentir à ce que l'information soit donnée pour qu'on accueille, dans cet organisme-là, ces gens-là.
Mme Charest (Rimouski): Toute l'information ou à certaines informations?
Mme Delisle: C'est «pertinente»: «transmettre à celui qui dispense ces services l'information pertinente pour la situation». Bon. Alors, c'est sûr que... puis le parent va devoir consentir à ce que cette information-là lui soit... c'est-à-dire soit divulguée à la personne qui va recevoir son fils ou sa fille. On souhaite que les gens travaillent de façon consensuelle, travaillent ensemble, là, pour essayer de régler la situation; bien, c'est impossible qu'il n'y ait pas d'information qui circule entre eux, entre le responsable de l'organisme qui l'accueille, et les parents, et l'enfant. Mais, je veux dire, les parents donneront l'information... accepteront que l'information soit donnée... accepteront que ce soit seulement ce qu'ils voudront bien qui soit donné, mais ils seront probablement eux-mêmes à donner cette information-là à l'intervenant une fois rendus là, là.
Tu sais, entre vous et moi, dans la pratique, là... Je parle souvent de la maison... les oeuvres de Jean Lafrance, parce que je connais bien cet organisme-là. Quand il accueille un jeune de 12 ans, de 15 ans, de 16 ans, les parents sont impliqués; c'est sûr qu'ils connaissent la situation, ils essaient de travailler avec le milieu scolaire, ils essaient de travailler avec la famille. C'est difficile de définir c'est quoi, l'information pertinente. Ce n'est pas comme s'il y avait quelque chose de malsain dans cette démarche-là. On veut que l'organisme communautaire ou l'établissement, peu importe... Et je comprends votre point de vue, mais je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'inquiéter. C'est quelque chose qui se fait déjà.
Mme Charest (Rimouski): Et je suis aussi consciente que les organismes réclament d'avoir un peu d'information. Parce que, dans le passé, ce qu'ils ont dénoncé en commission parlementaire, c'est que parfois, dépendamment des centres jeunesse, ils avaient des fois à accueillir, entre autres ? et certaines auberges du coeur ? des jeunes, et là ils n'avaient pas l'information. Ça, c'est autre chose.
Mais, je me rends à votre argument, ce n'est pas une raison pour refuser cet article, mais qu'est-ce qu'on entendait par «information pertinente», je pense que c'était bon qu'on valide entre-nous, là, jusqu'où ça pouvait aller et comment ça va se baliser de façon normale puis dans le sens de la pratique habituelle.
Mme Delisle: J'aurais un dernier commentaire là-dessus, si vous permettez, M. le Président. On se rappellera, là, qu'on nous a beaucoup reproché le fait qu'il fallait parler à de nombreux intervenants, il fallait toujours raconter son histoire. Ça, on l'a entendu ici, puis je suis sûre que la députée de Rimouski l'a entendu dans les visites qu'elle a faites également dans le cadre de ses responsabilités. Alors, des fois c'est compliqué de répéter son histoire à la... Si quelqu'un peut le faire pour toi... Je ne dis pas que c'est dans tous les cas, mais ça prend évidemment le consentement des parents.
Les parents vont décider eux-mêmes jusqu'où ils sont prêts aussi à s'investir là-dedans, là. Si un organisme est prêt à accueillir leurs fils ou leurs filles, bien c'est une histoire... On ne fait pas ça tout seul, là, c'est tout le monde qui s'investit là-dedans. Puis je pense qu'autant l'organisme, que ce soit l'Auberge du coeur, qu'avec les intervenants ou peu importe quel organisme auquel on fait référence, ils vont avoir besoin de la... je vais appeler ça la franchise des parents. On ne peut pas les protéger contre eux-mêmes non plus, mais je pense qu'il faut les aider aussi à tenter de résorber cette situation-là. Mais je comprends l'intervention.
Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce que l'amendement proposé à l'article 19 est adopté?
Mme Charest (Rimouski): Adopté.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que l'article 19, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté.
L'article 20, Mme la ministre.
Mme Delisle: Bon, j'arrive. M. le Président, l'article 20 se lit comme suit: L'article 51 de cette loi est modifié par le remplacement de la dernière phrase du premier alinéa par la suivante:
«À cette fin, avant de proposer l'application des mesures volontaires ou de saisir le tribunal, le directeur privilégie, lorsque la situation le permet, des approches consensuelles pour favoriser la participation active de l'enfant et de ses parents.» Alors, si on le lit...
Une voix: ...
Mme Delisle: On a un amendement effectivement, à l'article 20, l'article 20 que je vais... Je crois l'avoir donné à la députée de Rimouski. Ça va?
Mme Charest (Rimouski): Je l'ai. Merci, madame.
Mme Delisle: Parfait. Alors, si vous permettez, M. le Président, je vais vous lire l'amendement à l'article 20. Je peux vous lire l'amendement à l'article 20, M. le Président?
Le Président (M. Copeman): Bien sûr. Avec grand plaisir, Mme la ministre.
Mme Delisle: Alors, remplacer l'article 20 de ce projet de loi par le suivant:
L'article 51 de cette loi est modifié:
1° par le remplacement de la dernière phrase du premier alinéa par la suivante:
«À cette fin, avant de proposer l'application de mesures volontaires ou de saisir le tribunal, le directeur privilégie, lorsque les circonstances sont appropriées, les moyens qui favorisent la participation active de l'enfant et de ses parents.»;
2° par la suppression, dans la première ligne du deuxième alinéa, de ce qui suit: «, s'il estime à propos,».
Bon. Alors, l'amendement qui est proposé au premier paragraphe est une concordance avec l'article 2.3 du projet de loi, qui vise à dissiper tout problème d'interprétation concernant les termes «approche consensuelle».
On se rappellera, quand on a fait l'étude de cet article-là et lorsqu'on a entendu les mémoires en commission parlementaire, toute cette notion d'approche consensuelle inquiétait beaucoup les gens. Ils y voyaient un côté très juridique, ça n'avait pas le sens... les gens ne l'ont pas compris dans le sens où nous souhaitions qu'ils le prennent. Alors, afin de dissiper tout problème d'interprétation, là, on avait, à l'article 2.3, retiré, là, l'approche consensuelle. C'est ça.
L'amendement qui est proposé au deuxième paragraphe crée l'obligation pour le DPJ d'informer les personnes visées au premier alinéa de l'article 39, notamment les professionnels. Alors là, si on prend notre article 20... C'est un peu compliqué, là. On prend l'article 20... M. le Président, je ne sais pas si vous voulez que je le dépose? Non? Vous n'en avez pas besoin?
Le Président (M. Copeman): Vous l'avez présenté, il est devant la commission.
Mme Delisle: Bon. Alors, on remplace la dernière phrase du premier alinéa... D'abord, on remplace l'article 20 par un nouvel article 20. Le premier alinéa: «par le remplacement de la dernière phrase du premier alinéa». Donc...
Une voix: ...
Mme Delisle: Attendez un petit peu, là. Alors, lorsque le directeur... La dernière phrase... on enlève la dernière phrase ? c'est ça ? et on le change pour: «À cette fin, avant de proposer l'application de mesures volontaires ou de saisir le tribunal, le directeur privilégie, lorsque les circonstances sont appropriées, les moyens qui favorisent la participation active de l'enfant et de ses parents.» Et on enlève, dans la première ligne du deuxième alinéa, «s'il estime à propos»... on l'enlève, c'est ça. Donc, le directeur informe... Autrement dit, il n'a pas le choix, il faut qu'il informe. Il n'y a pas de question de décider s'il doit le faire ou pas, là, il doit le faire, ça va être automatique.
Pour ce qui est de l'amendement qu'on a proposé à l'article 20, c'est une question de concordance. On l'avait fait avec 2.3.
n(16 h 20)nMme Charest (Rimouski): O.K. Moi, j'avais quand même une question là-dessus. Parce que je relis, puis je veux bien, là, qu'il y ait une concordance par rapport à l'approche consensuelle de 2.3, mais «lorsque les circonstances sont appropriées» au lieu de «la situation le permet», est-ce que c'est moi qui comprends mal la signification, mais pourquoi changer «lorsque la situation le permet» par «les circonstances sont appropriées»? «Situation» puis «circonstances», c'est deux choses, ce n'est pas la même affaire.
(Consultation)
Le Président (M. Copeman): Si j'ai compris, Mme la ministre, la première partie, c'est simplement de la concordance avec...
Mme Delisle: ...de la concordance avec ce qu'on a adopté à 2.3.
Le Président (M. Copeman): Exact. Adopté. C'est ça.
Mme Delisle: C'est exactement le même libellé, le même paragraphe.
Le Président (M. Copeman): Et le deuxième...
Mme Delisle: Puis le deuxième, on le retire...
Le Président (M. Copeman): ...on rend obligatoire que le DPJ informe.
Mme Delisle: Exactement.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que je m'en viens amnésique que j'oublie qu'est-ce qu'on a fait...
Le Président (M. Copeman): Ça se peut, Mme la députée, mais je ne vous tiendrai pas rigueur. Où est-ce qu'on l'a fait, Mme la ministre? À quel article?
Mme Delisle: C'était 2.3. Si on prend le cahier, là, si on prend le cahier à la page 2. Bon. Si vous prenez le paragraphe b...
Mme Charest (Rimouski): ...qui a été enlevé.
Mme Delisle: ...bon: «privilégier lorsque les circonstances sont appropriées». On avait rajouté «lorsque les circonstances sont appropriées».
Une voix:«Les moyens qui favorisent...»Mme Delisle:«Les moyens...», c'est ça. On a rajouté un paragraphe. Exactement. En fait, c'est le même paragraphe. On l'a modifié à b...
Le Président (M. Copeman): Parce qu'il faut travailler avec l'amendement à b, hein, c'est ça?
Mme Delisle: Bien oui. C'est parce que ça va avec l'amendement qu'on a adopté.
Le Président (M. Copeman): C'est ça. Il ne faut pas se référer au projet de loi...
Mme Delisle: C'est exactement le même libellé.
Le Président (M. Copeman): Oui. Il ne faut pas se référer au projet de loi, à l'article 2, il faut se référer à l'amendement...
Une voix: ...de 2.3.
Le Président (M. Copeman): ...de 2.3 qui a modifié le langage.
(Consultation)
Mme Charest (Rimouski): Et le 2.3 se lisait: «Privilégier, selon les circonstances, les moyens»?
Mme Delisle: Oui.
Le Président (M. Copeman): ...Mme la députée. Juste pour fins de consultation, là... On a transmis à Mme la députée, juste pour fins de consultation, une copie de l'amendement qui a déjà été adopté. On vous le donne, Mme la députée, pour que vous puissiez y faire référence.
Mme Charest (Rimouski): ...que je l'avais, mais c'est de la façon dont ils sont... Ah, O.K.
Le Président (M. Copeman): Mais vous pouvez la consulter. C'est notre copie... c'est la copie de la table, mais vous pouvez la consulter pour l'instant.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors, à 2.3, on dit: «Privilégier, lorsque les circonstances sont appropriées, les moyens qui favorisent la participation...» Et ici, à l'article 20...
Le Président (M. Copeman): C'est toujours les mêmes mots.
Mme Delisle: Si vous permettez, M. le Président. On avait parlé de... les groupes de femmes nous avaient mentionné qu'il y avait des circonstances où les enfants s'assoyaient avec un père abuseur, et qu'ils déploraient ces situations-là, et que... Donc, ce qu'on souhaitait faire en 2.3... À 2, là, ce qu'on avait fait avec l'amendement, on avait introduit les termes «lorsque les circonstances sont appropriées» pour éviter que l'on privilégie... pour éviter que l'on privilégie la participation de l'enfant et des parents à la prise de décision dans des situations notamment de violence conjugale. Mais on a mis un libellé, là, qui était peut-être plus approprié ou qui... Je comprends que c'est une question de sémantique, là, mais ça rendait peut-être davantage l'idée que souhaitaient les différents groupes.
Le Président (M. Copeman): De toute façon, le débat a déjà été fait à l'article 2 du projet de loi. C'est exactement le même libellé.
Mme Delisle: Je veux quand même que la députée... je veux qu'on soit quand même au même diapason, là.
Le Président (M. Copeman): Je comprends.
Mme Charest (Rimouski): Ça va. J'aurais quand même une question par rapport à ça. En quoi cet amendement va changer la dynamique ? pas entre le fait, là, qu'un enfant se retrouve avec un père abuseur, assis sur la même banquette au tribunal ou des choses comme ça, là; mais en quoi cet amendement va vraiment changer la dynamique ? entre la DPJ puis les parents?
Parce que, vous savez, ce qu'on a entendu en commission parlementaire, c'est que parfois, dans le cadre... et c'est sur ça que les approches consensuelles ont été discutées puis même remises en question, parce qu'on se disait qu'il y avait un déséquilibre dans les forces en présence. Le DPJ a un mandat d'autorité qu'il doit appliquer de toute façon, en vertu de la loi, et les parents n'ont pas de mandat d'autorité, et, quand ils sont en désaccord, ils se sentaient obligés ou certains ont même dit qu'ils étaient carrément, qu'ils se voyaient carrément imposer des choses et que l'approche consensuelle ne réglerait pas ça. Mais notre amendement ici, est-ce que ça va mieux servir l'intérêt de l'enfant avec cet amendement-là?
Mme Delisle: Alors, tout le monde m'arrive de partout, là, excusez-moi. D'abord, je veux qu'on se rappelle qu'on est dans le chapitre de l'évaluation de la situation puis de l'orientation de l'enfant. Et ce qu'on cherche à faire, c'est vraiment amener les parents, les enfants et évidemment les intervenants à trouver la meilleure façon possible, là, hein, à ce stade-là, pour voir qu'est-ce qu'on peut faire pour essayer d'améliorer la situation.
On a entendu en commission parlementaire plusieurs groupes, vous l'avez mentionné, je l'ai dit tout à l'heure, on a entendu plusieurs groupes nous dire que c'était difficile pour certaines familles. D'ailleurs, plusieurs familles nous disaient: On n'a pas l'impression, là, que ça nous facilite la tâche, et tout ça. Je peux juste réitérer que la raison pour laquelle on a soumis ces amendements-là, je pense que c'est davantage pour dissiper toute... en fait, toute interprétation par rapport à ce qu'étaient les approches consensuelles, puis c'est pour permettre la participation active, là, des parents puis des...
Mme Charest (Rimouski): Ça va.
Le Président (M. Reid): Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Reid): Adopté. L'article 20, tel qu'amendé, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Reid): Adopté.
Alors, nous allons passer à l'article 21. Mme la ministre.
Mme Delisle: Alors, M. le Président, je vais vous lire l'article 21. L'article 53 de cette loi est remplacé par le suivant:
«53. Une entente sur les mesures volontaires doit être consignée par écrit et sa durée ne doit pas excéder un an. Le directeur peut convenir d'une ou de plusieurs ententes consécutives, mais la durée de toutes les ententes ne peut dépasser [un an].
n(16 h 30)n«Toutefois, lorsque la dernière entente concernant une mesure d'hébergement visée au paragraphe j du premier alinéa de l'article 54 se termine en cours d'année scolaire, cette entente peut être prolongée jusqu'à la fin de l'année scolaire si l'enfant âgé de 14 ans et plus y consent; lorsque l'enfant est âgé de moins de 14 ans, la dernière entente peut ainsi être prolongée avec l'accord des parents et du directeur.
«Un établissement qui exploite un centre de réadaptation qui est désigné par le directeur est tenu de recevoir l'enfant.» On n'a pas d'amendement à cet article-là. Alors, l'article 21, ce qu'on souhaite faire avec cet article-là, cette modification vient supprimer toute limite quant au nombre d'ententes que le directeur peut convenir dans la mesure où l'ensemble de celles-ci ne dépasse pas deux ans. De plus, cette modification intègre, en l'adaptant, le contenu des deux derniers alinéas de l'ancien article 53.0.1.
Actuellement, si je comprends bien, la loi actuelle faisait en sorte qu'au bout de deux ententes il fallait judiciariser. Donc, il fallait passer au tribunal. Ce qu'on veut faire, c'est, peu importe le nombre d'ententes... Il pourrait y avoir une entente de six mois, elle pourrait être reconduite pour six mois, elle pourrait être reconduite pour un trois mois, elle pourrait être reconduite... Bon. Alors, ce qu'on dit, c'est: peu importe le nombre d'ententes, c'est la durée de deux ans qui va compter. C'est donc la durée dans le temps et non pas le nombre d'ententes qui va avoir de l'importance ici, ce qui va donner une chance finalement... Parce qu'il y a des ententes qui peuvent être reconduites, puis ça va bien, et puis on n'est pas obligés de passer devant le tribunal. Ce qu'on essaie d'éviter évidemment, c'est de passer trop souvent devant le tribunal. C'est ce qui est très difficile à la fois pour les familles, les parents.
Et vous vous rappellerez qu'on nous a dit à maintes reprises que c'est beaucoup de temps aussi devant le tribunal que passent les intervenants, là. Pendant ce temps-là... Des fois, c'est une journée complète. Des fois, c'est des demi-journées, des journées complètes. Pendant ce temps-là, bien ils sont assis en cour, puis ils ont d'autres enfants et d'autres cas dont ils veulent s'occuper. On ne veut pas négliger l'importance du travail à faire, mais on veut donner une chance finalement aux parents et aux enfants.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Dites-moi, sur les mesures volontaires, il peut y avoir une mesure comme celle d'hébergement en famille d'accueil ou... Hein, dans les mesures volontaires, est-ce que l'hébergement fait partie des mesures volontaires?
Mme Delisle: Si vous permettez, M. le Président, pour ces questions-là, étant donné que j'ai des gens qui sont beaucoup plus spécialistes que moi, je vais leur demander de répondre à vos questions.
Mme Charest (Rimouski): C'est parce que ma préoccupation, c'est de voir aussi le lien avec les articles qui s'en viennent sur les durées maximales de placement, parce que les durées maximales de placement, elles doivent partir aussi des mesures volontaires qui ont été acceptées de part et d'autre. Puis, s'il y a du placement là-dedans, vous dites qu'il peut y avoir des ententes sur les mesures volontaires, ça ne doit pas excéder un an, mais qu'on peut en faire plusieurs consécutives en autant que ça ne dépasse pas deux ans. Et là il n'y a pas de limite d'âge puis il n'y a pas d'énumération de types de mesures volontaires qui sont à l'intérieur de ça. Et là j'essaie de comprendre. Peut-être que je suis mêlée, là, parce que, moi non plus, je ne suis pas une spécialiste des mesures volontaires. On pourrait peut-être parler de c'est quoi, les mesures volontaires habituelles, puis là on pourrait voir si l'hébergement, qui est une mesure volontaire aussi, jusqu'où, là... puis c'est parce que j'ai la préoccupation de l'article 22 puis 52.
Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que M. Dumais prenne part aux délibérations? Je vous demande de vous identifier, M. Dumais.
M. Dumais (Jacques): Jacques Dumais. Je travaille au ministère de la Santé et des Services sociaux.
J'irais par un exemple. Évidemment, on signe une entente sur mesures volontaires avec une famille, des parents, parce qu'il y a un adolescent ou une adolescente qui présente des difficultés. On s'entend pour une entente qui devrait durer un an, parce qu'on ne peut jamais dépasser un an avec une entente sur mesures volontaires. Mais ça ne va pas aussi bien qu'on pensait, le jeune fugue à répétition. Donc, on avait une entente d'un an, mais il faut la changer en cours de route. Après trois mois, ça ne va plus à la maison. Donc, on signe une deuxième entente pour peut-être que l'enfant soit placé en famille d'accueil, parce qu'il est possible, dans une entente sur mesures volontaires, de placer un enfant en famille d'accueil et même en centre de réadaptation, en autant que tout le monde y consent.
Une voix: ...
M. Dumais (Jacques): C'est ça. Là, on est rendu à la deuxième entente sur mesures volontaires. Supposons que ça ne va pas plus en famille d'accueil et qu'il faut penser à aller au centre de réadaptation. Dans la loi actuelle, il fallait aller au tribunal, parce qu'on avait fait deux ententes, on ne pouvait pas aller plus loin. Maintenant, c'est à l'intérieur du délai de deux ans. On pourrait en faire deux, on pourrait en faire trois, on pourrait en faire quatre.
Mme Charest (Rimouski): Mais en lien avec, je dirais, l'enjeu majeur du projet de loi n° 125, qui est de mettre fin au ballottage, comment on va, avec cet article-là, s'assurer qu'on n'accentue pas?
M. Dumais (Jacques): Il va falloir tenir compte de cette durée. Lorsqu'on va discuter des durées maximales de placement dans le cadre des mesures volontaires, il va aussi falloir tenir compte de cet article, si on l'adopte aujourd'hui. C'est-à-dire que, si la durée doit dépasser... Elle ne peut pas dépasser plus que deux... elle ne peut pas être plus longue que...
Mme Charest (Rimouski): Une mesure volontaire ne pourra pas dépasser deux ans.
M. Dumais (Jacques): Une mesure volontaire ne peut jamais dépasser un an.
Mme Charest (Rimouski): Un an. Mais...
M. Dumais (Jacques): On peut la renouveler.
Mme Charest (Rimouski): C'est ça. Donc, le total des mesures volontaires ne pourra pas dépasser deux ans.
M. Dumais (Jacques): Non.
Mme Charest (Rimouski): Et, à l'intérieur de ces deux ans-là, mettons qu'il y a trois ou cinq mesures volontaires parce qu'il y a des difficultés, ça peut passer de son milieu familial, parce qu'une mesure volontaire peut s'appliquer en milieu familial aussi...
M. Dumais (Jacques): Oui.
Mme Charest (Rimouski): Ce n'est pas juste à l'extérieur du milieu naturel.
M. Dumais (Jacques): 50 % des mesures volontaires sont dans le milieu familial.
Mme Charest (Rimouski): Sont dans les milieux familiaux. O.K. Alors, c'est parce que je réfléchis pour essayer de voir si je comprends bien ce qui peut se passer à l'intérieur de ça. Donc, mettons qu'il y a trois ou cinq ententes volontaires, ça ne dépasse pas deux ans. Est-ce qu'à l'intérieur de ça on considère l'âge de l'enfant?
M. Dumais (Jacques): Aucunement pris en considération ici, l'âge de l'enfant. Ça va être dans les durées maximales de placement qu'on va tenir compte de l'âge, mais pas ici.
Mme Charest (Rimouski): Mais le placement qui va avoir lieu en termes de mesures volontaires... Parce que, quand il va dans une famille d'accueil, c'est un placement. Quand il va en réadaptation, c'est un placement. Alors, ça aussi, c'est des placements. Est-ce que vous me dites que ces placements-là, parce qu'ils sont sur des mesures volontaires, ne sont pas dans le compteur qui fait que le total de la durée de placement d'un enfant, compte tenu de son âge, il y a un couperet, là aussi, qui va tomber avec l'article 22 puis l'article 52?
M. Dumais (Jacques): Je ne voudrais pas tomber dans le débat des durées maximales qui s'en viennent. Mais, comme on a des durées maximales de placement de un an pour des jeunes enfants, de moins de deux ans, c'est sûr qu'on ne pourrait pas se rendre jusqu'à deux ans, les mesures. On ne pourrait pas faire des mesures volontaires plus qu'un an s'il est placé. Si, dans la mesure...
Le Président (M. Copeman): Mais les durées maximales, si elles sont adoptées à l'article 22, vont s'appliquer.
M. Dumais (Jacques): C'est ça.
Le Président (M. Copeman): Point à la ligne. Ça me paraît clair.
Mme Charest (Rimouski): Pour toutes les mesures volontaires ou non volontaires.
M. Dumais (Jacques): Oui.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Parce que, ça, c'est important, là, de voir le lien avec 22 puis 52. O.K. Alors...
Mme Delisle: Est-ce que je pourrais...
Mme Charest (Rimouski): Oui.
Mme Delisle: ...dire quelque chose qui est un petit peu... Il n'y aurait pas 22 et 52 qu'on... on adopterait ça, là. Je veux dire, ce n'est pas en lien, ce n'est pas un article qui est là en lien avec 22 et 52. Supposons qu'il n'y avait pas de... qu'on n'avait pas l'article 22...
Mme Charest (Rimouski): Il est plutôt rattaché à la pratique de...
Mme Delisle: Bien oui, puis de donner une chance...
Mme Charest (Rimouski): ...puis au processus...
Mme Delisle: ...de déjudiciariser plutôt que de constamment se retrouver devant la cour au bout d'un an.
Mme Charest (Rimouski): Je comprends que c'est un article qui est beaucoup plus lié au processus qui a cours à l'intérieur de l'application de la Loi de la protection de la jeunesse au moment où on se parle et, pour éviter...
Mme Delisle: Des mesures volontaires.
Mme Charest (Rimouski): ...pour éviter la judiciarisation, là, ou pour la diminuer, on se donne cet espace-là.
Mme Delisle: On rajoute un an.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Je ne commente pas sur la longueur, là, mais c'est parce que je veux bien comprendre à quoi ça se réfère, puis, bon, les liens qui peuvent être faits, volontaires, non volontaires, puis aussi placement...
Mme Delisle: C'est un plus, ça.
Mme Charest (Rimouski): ...les durées maximales de placement.
Mme Delisle: Ça, c'est un plus pour les enfants. C'est certain que c'est un plus pour les familles.
Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce que l'article 21 est adopté?
Mme Charest (Rimouski): Bon, sur l'année scolaire...
Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y.
n(16 h 40)nMme Charest (Rimouski): Je m'excuse, là, mais j'ai une autre question. L'obligation d'aller à l'école à aller jusqu'à 16 ans. Puis, moi qui suis parent, là, il faut que mes enfants aillent à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans, sinon, s'ils n'y vont pas, j'ai des problèmes parce que je contreviens à la loi sur l'éducation publique, l'instruction publique qu'on appelle. Puis en même temps je pense que c'était un motif avant ou maintenant, là, pour que la DPJ intervienne parce qu'il y a un enfant qui ne se présente pas à l'école, donc il y a peut-être là un indice de négligence, etc., là, parentale. Est-ce que j'interprète correctement? Mais pourquoi 14 ans, «si l'enfant âgé de 14 ans et plus y consent»? Je comprends que, dans les problèmes médicaux, un enfant de 14 ans a droit à avoir un diagnostic médical sans que ses parents le connaissent puis sans qu'ils sachent. Une jeune fille qui décide de se faire avorter à 14 ans, ses parents ne peuvent pas le savoir si elle ne veut pas que ses parents le sachent. Ça, je connais ça, là, dans le sens que je sais que ça existe. Mais l'âge scolaire selon l'instruction publique, c'est 16 ans. Que le flo ait 14 ou 13... 14 ans, 15 ans, même s'il ne veut pas aller à l'école, la loi dit qu'il faut qu'il aille à l'école jusqu'à 16 ans, ses parents sont responsables. C'est pour ça que je trouve qu'il y a comme peut-être une petite incohérence, je ne sais pas.
M. Dumais (Jacques): Le délai de 16 ans, il est dans la Loi sur l'instruction publique. Ici, c'est qu'on dit: L'enfant, il est placé en centre de réadaptation, il a 14 ans au mois de janvier; s'il veut rester en centre de réadaptation pour finir son année scolaire, comme il vient d'avoir 14 ans, nous avons besoin de son consentement pour le faire. Il va toujours à l'école pareil jusqu'à 16 ans, mais, pour continuer de rester placé en centre de réadaptation pour finir son année scolaire, il faut lui demander sa permission parce qu'il vient d'obtenir 14 ans, et il a le droit de s'opposer et de sortir du centre de réadaptation.
Mme Delisle: Et d'aller à l'école... L'obligation de 16 ans est maintenue.
M. Dumais (Jacques): Dans son quartier.
Mme Delisle: Dans son quartier ou d'aller là où sa famille habite, là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Donc...
Une voix: ...
Mme Charest (Rimouski): Oui, c'est vrai. Est-ce qu'on a besoin aussi de la permission du jeune de 14 ans pour le changer d'école? Parce que parfois, quand le jeune est sorti de son milieu naturel puis qu'on l'amène en centre de réadaptation, il n'y a pas nécessairement... il ne va pas nécessairement à la même école, puis il reçoit de la formation académique dans le centre de réadaptation, dans certaines circonstances. Puis je voulais aussi rajouter: Est-ce qu'il reçoit vraiment toutes les matières? Mettons qu'il est en secondaire I ou en secondaire IV, ce jeune-là, est-ce qu'il a accès à toute la formation comme telle ou...
M. Dumais (Jacques): Bien, il arrive déjà d'une école avant de rentrer en centre de réadaptation. Donc, il était dans une école avant. Temporairement, il est en centre de réadaptation, on doit le scolariser en centre de réadaptation. On doit lui donner tous les cours qu'il a besoin pour poursuivre sa scolarité. Si, après six mois, il sort du centre de réadaptation, il retourne dans son école d'origine, les deux écoles se parlent, c'est-à-dire que l'école à l'intérieur du centre donne l'information à l'autre école, et le jeune poursuit sa scolarité dans sa région.
Mme Delisle: Je rajouterais, pour avoir parlé à plusieurs jeunes en centre de réadaptation, qu'il y en a plusieurs qui vont à l'école du quartier, là, qui sont en garde ouverte, là, et qui vont à l'école du quartier. Il y en a plusieurs aussi que ce n'est pas parce qu'il ont 14 ans qu'ils sont nécessairement au niveau de secondaire III, là. Ils peuvent être en secondaire I, ils font les matières de I, des fois les matières de II. Il y a beaucoup de rattrapage à faire. Moi, c'est ce que j'ai constaté. Je ne suis pas une spécialiste, mais ça... Je les ai vues, les classes, là, avec les pupitres, puis, la plupart du temps, je veux dire, la scolarité est donnée par un professeur qui est prêté par la commission scolaire dans les centres de réadaptation. Mais, cet article-là, c'est uniquement pour donner la chance au jeune qui souhaiterait terminer son année scolaire alors que son temps, entre guillemets, au centre est terminé... Il reste trois, quatre mois; s'il veut finir sa scolarité là, il la finit là, sinon il retourne chez lui, puis là, bien, s'applique évidemment toute la question de la scolarité, puis l'obligation d'aller à l'école jusqu'à 16 ans, là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Ça va. Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce que l'article 21 est adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Copeman): Adopté.
Mme Delisle: Une proposition, M. le Président, pour le prochain article, si vous permettez.
Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y, Mme la ministre.
Mme Delisle: C'est un gros article, l'article 22.
Le Président (M. Copeman): Oui, oui.
Mme Delisle: Et, si je ne m'abuse, on termine dans 15 minutes?
Le Président (M. Copeman): L'ordre de la Chambre indique qu'on devrait poursuivre l'étude jusqu'à 17 heures. Effectivement, il reste 15 minutes.
Mme Delisle: Je proposerais qu'on passe par-dessus cet article-là, puisque ça... On va avoir de bons échanges, et puis je ne voudrais pas qu'on commence le débat. Alors, je propose, là, qu'on attende de le faire. Je ne sais pas si mes collègues sont d'accord? C'est sur les durées maximales de placement. Puis on peut peut-être faire un autre article, travailler, le faire jusqu'à 5 heures, là.
Le Président (M. Copeman): O.K. Alors, vous voulez suspendre 22 pour l'instant?
Mme Delisle: 22, oui.
Le Président (M. Copeman): C'est ça que j'ai compris? O.K., l'article suspendu est 22... l'article suspendu est 22... L'article 22 est suspendu. Ça m'est arrivé hier aussi.
Mme Delisle: Article 23.
Le Président (M. Copeman): Alors, l'article 23.
Mme Delisle: L'article 54 de cette loi est modifié:
1° par le remplacement, dans le paragraphe k du premier alinéa, des mots «d'apprentissage autre qu'un milieu scolaire» par les mots «scolaire ou un autre milieu d'apprentissage ou qu'il participe à un programme visant l'apprentissage et l'autonomie»;
2° par l'addition, à la fin du premier alinéa, du paragraphe suivant:
«l) que les parents s'engagent à ce que l'enfant fréquente un milieu de garde.» Donc, ces modifications ont pour but d'ajouter de nouvelles mesures volontaires, dont la fréquentation d'un milieu de garde ou d'un milieu scolaire. Le juge pourrait évidemment recommander, entre autres, que le jeune fréquente un milieu de garde. Peut-être... Je ne sais pas si la députée de Rimouski a des questions là-dessus, là. Quand on parle dans l'article 23, quand on fait référence au «milieu d'apprentissage ou qu'il participe à un programme visant l'apprentissage et l'autonomie», ça peut être des programmes où les jeunes veulent... des plateaux de travail, des programmes pour les aider à s'intégrer socialement, on peut imaginer, et ça se fait d'ailleurs dans plusieurs régions du Québec... Il y a un programme travail-jeunesse d'ailleurs, en Chaudière-Appalaches, qui fonctionne très, très bien. Souvent, ce sont des initiatives locales, donc des centres jeunesse localement qui mettent en place des programmes pour aider les jeunes. Ce n'est pas tous les jeunes, là, qui vont finir leur scolarité, mais il faut leur donner le goût de travailler, le goût de s'investir dans quelque chose. Ça vise évidemment... on est toujours... les enfants qui sont en centre d'accueil, les enfants qui sont en centre de réadaptation. Alors, je ne sais pas si vous avez besoin de plus d'explications.
Mme Charest (Rimouski): Pas vraiment, mais, vous savez, quand on était en commission parlementaire, il y a des gens qui sont venus nous parler justement de lieux d'apprentissage, et on a fait référence à des sectes religieuses. Et, pour éviter un peu que les milieux d'apprentissage ne soient pas n'importe quoi, moi, je rajouterais juste un mot qui s'appelle... des «milieux d'apprentissage reconnus» ? moi, j'avais comme un sous-amendement à vous proposer ? justement pour éviter ça, parce que des milieux d'apprentissage... Il y a des plateaux de travail qui existent pour des jeunes en difficulté, c'est reconnu, ça. Emploi-Québec, les CLE, dans le cadre de programmes, ont des groupes d'apprentissage soit en entreprise... C'est reconnu, il n'y a pas de problème. C'est plus, là, dans des groupes que l'on n'a quand même pas le contrôle dessus, là, pour toutes sortes de raisons, et c'est pour ça que, moi, je suis peut-être prudente, là ? je mets toujours les bretelles puis la ceinture, là ? je mettrais, après le mot «apprentissage», «reconnu».
Le Président (M. Copeman): Est-ce que vous en faites un amendement, Mme la députée?
Mme Charest (Rimouski): Oui. Parce que le reste de l'article, ça va, je n'ai pas de problème avec ça. Mais je pensais à ces gens qui sont venus nous parler, vous savez, là, de certains apprentissages, puis on se dit: Ah, mon Dieu! ça, là, c'est tel type de groupe que je n'ose pas nommer, là, qui... c'est plus... En tout cas, on n'est pas sûr que c'est bénéfique aux jeunes. Ça fait que, pour éviter que ce genre de situation puisse exister, si on mettait «reconnu», peut-être que ce serait une bretelle de plus pour protéger. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.
Mme Delisle: Bien, moi, je vais vous dire... Sur la question du mot «reconnu», «reconnu», pour moi, là, ça veut dire «permis du ministère», quand on parle de lieu d'apprentissage. Bien, c'est la connotation que j'ai. Si ce n'est pas ça, c'est reconnu par qui?
n(16 h 50)n Je vais vous donner un exemple. Tantôt, je vous ai fait référence à un programme qui s'appelle programme travail-jeunesse, en Chaudière-Appalaches. Bon, ce n'est pas nécessairement un programme qui est reconnu par le ministère de l'Éducation ou par le ministère du Travail, ce sont des initiatives locales.
Mme Charest (Rimouski): Mais ils sont reconnus quand même.
Mme Delisle: Bien, c'est quoi, la définition de «reconnu»? Moi, je sais ce que vous voulez dire, là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Mais je comprends...
Mme Delisle: On n'ose pas le dire publiquement, là.
Mme Charest (Rimouski): Je comprends, oui.
Mme Delisle: Moi, je sais très bien de quoi vous parlez.
Mme Charest (Rimouski): Oui.
Mme Delisle: Non, non, mais c'est... Mais je ne sais pas comment on peut mettre ça dans une loi sans brimer les droits des gens. Il y a des parents qui scolarisent leurs enfants à la maison, ils ont l'autorisation du ministère de l'Éducation, donc c'est des programmes reconnus. Mais il y en a d'autres qui ne le font pas. Est-ce que...
Mme Charest (Rimouski): Oui. C'est ça qui peut être plus litigieux.
Mme Delisle: Non, mais est-ce qu'on veut mettre ça dans une loi? Est-ce qu'on veut... On a dans la loi ? je réfléchis à voix haute... Les jeunes sont obligés d'être scolarisés, hein, on sait que les jeunes sont obligés d'aller à l'école jusqu'à 16 ans. Les parents ont l'obligation de s'assurer que les enfants aillent à l'école.
Mme Charest (Rimouski): Ça, c'est la scolarisation, alors que l'apprentissage, ce n'est pas nécessairement de la scolarisation. Peut-être que M. le recteur pourra... M. l'ex-recteur pourrait nous éclairer sur apprentissage versus scolarisation, là. Mais il me semble que... ce que vous me dites, c'est vrai, là, on est obligé d'être scolarisé jusqu'à l'âge de 16 ans. Ça, ça va, là. Et des apprentissages, on en fait. Moi, j'en fais à tous les jours en vous côtoyant ici, à l'Assemblée nationale. Alors, vous voyez, ce que je mets comme distinction entre scolarisation, qui est une chose, et les apprentissages, puis des apprentissages qui sont des formations reconnues et qui ne demandent pas nécessairement le sceau du ministère de l'Éducation comme tel ou un permis pour exercer cette formation-là qui s'avère un apprentissage. Parce que, vous savez, la scolarisation, c'est autre chose, hein?
Mme Delisle: Bien, c'est parce que, quand on parle d'un milieu d'apprentissage, on pourrait décortiquer évidemment chacun des mots, là, puis je comprends bien ce que vous dites, mais il faudrait qu'on puisse bien positionner ou bien expliquer ce que signifie le mot «reconnu». J'ai la même expérience que vous en termes d'expérience ici, à l'Assemblée nationale, on a été élues la même année, en 1994, on en a fait, des commissions parlementaires, et puis les mots ont toujours un sens, je veux dire, lorsque le législateur parle. Le mot «reconnu», pour moi en tout cas, il y a une signification d'accréditation, permis de, reconnu par qui. Est-ce que des gens qui souhaiteraient...
Le Président (M. Copeman):«Home schooling».
Mme Delisle: Ça s'appelle le «home schooling». Il y a beaucoup de parents qui font ce que vous appelez, M. le Président, du «home schooling», donc de l'apprentissage à la maison, mais qui ont l'autorisation de la commission scolaire de le faire. Ce n'est pas à ça, là, qu'on fait référence, parce qu'il y a un permis. Ils sont dans le réseau.
Mme Charest (Rimouski): Ils sont reconnus.
Mme Delisle: Ils font juste obtenir la permission de la commission scolaire qui lui dit oui ou non. Si on dit oui, bien ils le font à la maison, puis les enfants passent les examens du ministère, et tout ça. Il y a donc une accréditation, un permis, en fait ils sont sur le permis du ministère. Est-ce qu'on veut ? je vais le dire, là ? est-ce qu'on veut faire référence à des sectes, à des... Mais c'est très difficile d'inclure ça dans la loi, sincèrement, là. Comment on fait pour empêcher ça? Il en pousse partout.
Le Président (M. Copeman): Il y a M. le député de Vimont qui désire intervenir. Alors, allez-y, M. le député.
Mme Delisle: Ah oui! Excusez-moi.
M. Auclair: Non, c'était juste parce que... pour continuer sur... Si la députée de Rimouski avait une liste ou quelque chose... une définition très claire pour «reconnu», parce que c'est de là tout le débat. C'était le cheminement de ma pensée, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): De toute façon, je ne veux pas jouer... je ne veux pas jeter une...
Mme Delisle: Douche d'eau froide.
Le Président (M. Copeman): ...douche d'eau froide, mais de la façon dans laquelle il est libellé, Mme la députée, votre amendement n'est pas recevable.
Mme Charest (Rimouski): Ah oui!
Le Président (M. Copeman): Non, pas du tout. Alors, on peut discuter sur le fond de la question, mais je vous exhorte de... La présidence peut toujours corriger la forme, mais, dans sa forme actuelle, il n'est pas dans une forme qui est acceptable. Ce n'est pas un amendement à l'article 22 du projet de loi... Ce n'est pas l'amendement à l'article 23 du projet de loi. Vous proposez un amendement à l'article 23, vous faites référence à l'amendement à l'article 23 du projet de loi de nouveau amendé. Ce n'est pas de nouveau amendé, c'est un amendement que vous proposez. Alors...
Mme Charest (Rimouski): ...l'ajout du mot, là, mais je... En tout cas, j'avais cette préoccupation de m'assurer que... Je vois que...
Mme Delisle: Moi, je vous dirais franchement, là, que je trouve que de mettre le mot «reconnu», alors qu'on n'est pas capable de retrouver une référence dans la loi ou dans d'autres lois là-dessus, je trouve que c'est peut-être... Je sais que ça ne rejoint pas ce que vous souhaitez faire, je comprends, là, mais je pense qu'il faut faire attention aussi, parce que, là...
Mme Charest (Rimouski): Dans les autres lois, ce genre de situation n'existe pas?
Mme Delisle: Il faut que ce soit reconnu par quelque chose, il faut qu'il y ait un permis, une accréditation.
Mme Charest (Rimouski):«Reconnu», dans le dictionnaire, c'est «admis», hein, c'est quelque chose qui est admis. Dans le fond, c'est que tout le monde est d'accord.
Mme Delisle: Le législateur, il faut qu'il admette qu'est-ce qui est reconnu.
Mme Charest (Rimouski):«Admis pour vrai ou pour important. C'est un fait reconnu, indiscuté.»Mme Delisle: Qui va admettre ça, là? Je veux dire, il faut que... Si le législateur veut inclure ce mot-là, il faut qu'on sache sur quoi ça repose ou sur quoi... quelles sont les assises, là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors, ça va, on l'enlève.
Mme Delisle: ...on a compris.
Mme Charest (Rimouski): C'était surtout en référence vous savez à quoi, là, qu'on a reçu en commission parlementaire des personnes qui nous ont quand même sensibilisés au fait que parfois il y avait de la formation qui se donnait à des jeunes, qui était très discutable, et qu'en vertu même de la Loi sur la protection de la jeunesse il y aurait peut-être lieu de... cette formation-là, si elle était examinée de près, elle serait sujette à être déterminée comme étant un objet de compromission pour la santé psychologique, mentale des jeunes, de l'enfant qui subit ce type de formation. Vous voyez un petit peu ce que... C'est pour ça que je pensais que «reconnu», ça pourrait éviter ce genre de situation. O.K.
Le Président (M. Copeman): Écoutez, pour que ce soit clair, dans sa forme actuelle, il n'est pas recevable, de toute façon. Je comprends que vous vous rendez aux arguments donnés par la ministre, de toute façon. Alors, l'amendement n'est pas présenté parce qu'il n'est pas recevable. On a fait la discussion... j'ai permis la discussion de toute façon, parce que je trouvais que c'était important de faire la discussion, mais... Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires sur l'article 23?
Mme Charest (Rimouski): Non.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que l'article 23 est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que je peux considérer qu'il est 17 heures?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Copeman): Alors, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, mardi le 23 mai, afin d'effectuer un autre mandat. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 58)